LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
TOURS. — IMPRIMERIE DE E. ARRAULT ET Cie.
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
INVENTAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS
PAR UNE
SOCIÉTÉ DE SAVANTS ET DE GENS DE LETTRES
SOUS LA DIRECTION DE
BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
Hartwig DERENBOURG, professeur à l'École spéciale des
langues orientales.
F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes.
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté de
droit de Paris.
Dr L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de médecine
de Paris.
MM. G. -A. LAISANT, député de la Seine, docteur es sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, examinateur
à l'École polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
H. MARION, professeur à la Faculté des lettres de Paris.
E. MUNTZ, membre de l'Institut, conservateur de l'École
nationaledes beaux-arts.
A. WALTZ, professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Secrétaire général : F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
TOME DIX-SEPTIEME
ACCOMPAGNÉ DE DEUX CARTES EN COULEURS, HORS TEXTE
(FINISTÈRE, FRANCE)
FANUM — FRANCO
PARIS
H. LAMIRAULT et Cie, EDITEURS
61, RUE DE RENNES, 61
Tous droits réservés
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
DE
LA GRANDE ENCYCLOPEDIE
N. B,-
- Cette liste sera reproduite avec les modifications nécessaires en tête de chaque volume, et une liste général*
sera publiée à la fin de l'ouvrage.
COMITÉ DE DIRECTION
BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
Hartwig DERENBOURG, professeur à l'École spéciale
des langues orientales vivantes.
F. -Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes.
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté
de droit de Paris.
Dr L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de
médecine de Paris.
C.-A. LAISANT, député de la Seine, docteur es sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, exa-
minateur à l'Ecole polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au
Collège de France.
H. MARION, professeur à la Sorbonne.
E. MUNTZ, membre de l'Institut, conservateur de
l'École nationale des beaux-arts.
A. WALTZ,profesrà la Faculté des lettres de Bordeaux.
Adam, professeur à la Faculté des lettres de Dijon.
Aguillon, ingénieur en chef des mines, professeur à l'Ecole
nationale supérieure des mines.
àldebert (Edouard), publiciste.
Alglave (Emile), professeur à la Faculté de droit de
Paris .
Allemagne (H. d'), attaché à la Bibliothèque de l'Arsenal.
Alphandéry, docteur en médecine.
àmbrésin (Samuel), docteur en médecine.
Amiaud, sous-chef de bureau au Ministère de la justice.
André (Louis), procureur de la République à Provins.
Arnodin (F.), ingénieur des arts et manufactures.
Asse (E.), de la Bibliothèque de l'Arsenal.
àulàrd (F.-A.), professeur à la Faculté des lettres de
Paris.
Babelon (E.) , conservateur du département des médailles
et antiques de la Bibliothèque nationale.
Balle (A.), publiciste.
Bapst (Germain), membre de la Société nationale des Anti-
quaires de France.
Barré (L.), astronome adjoint à l'Observatoire de Paris.
Barrés (Maurice), député de Nancy.
Barroux (Marius) , archiviste adjoint aux Archives de la
Seine.
Bazille, docteur en droit, avocat au Conseil d'Etat.
Baudrillart (André), ancien membre de l'Ecole française
de Rome, agrégé de l'Université.
Bayet, recteur de l'Académie de Lille, correspondant de
l'Institut.
Beaudouin (Mondry), professeur à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Beauregard, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Beau vois (E.).
Bechmann (G.), ingénieur en chef, professeur à l'Ecole des
ponts et chaussées, directeur des travaux de salubrité
de la ville de Paris.
Belugou.
Bémont (Charles), maître de conférences à l'Ecole des Hautes-
Etudes.
Bénédite (G.), attaché au musée du Louvre.
Bénet (A.), archiviste du département du Calvados.
Bérard, directeur de la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles.
Bère (F.), ingénieur des manufactures de l'Etat.
Berlet (A), procureur de la République à Mauriac.
Berger (Philippe), membre de l'Institut, professeur au Col-
lège de France.
Bernard (F.) , professeur d'économie politique.
Bernard (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Bertaux (Emile), ancien élève de l'Ecole normale supé-
rieure, agrégé des Lettres.
Berthelé (Joseph), archiviste du département de l'Hérault.
Berthelot (André), agrégé d'histoire et de géographie,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Berthelot (Daniel), assistant au Muséum d'Histoire natu-
relle, professeur d'histoire des sciences physiques à
l'Hôtel-de-Ville de Pars.
Berthelot (Philippe), licencié es lettres et en droit.
Bertrand (A.), membre de l'Institut, directeur du musée de
Saint- Germain.
Bertrand (Al.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Besson (Emmanuel), chef à la direction générale de l'Enre-
gistrement.
Binet (E.), professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blanchard ( Raphaël ) , professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
Blanchet (Adrien), bibliothécaire au département des mé-
dailles et antiques de la Bibliothèque nationale.
Bloch (G.), maître de conférences à l'Ecole normale supé-
rieure.
Blondel, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blondel (Dr R.), docteur es sciences.
Blum, agrégé de philosophie.
Boehler, docteur en médecine.
Boghaert-Vaché (A.), publiciste.
Bonheur (Raymond), compositeur de musique.
Bonhoure (Adrien), préfet des Pyrénées-Orientales.
Bonnardot (François), inspecteur des Travaux historiques
de la ville dé Paris.
Bonet-Maury (Gaston), professeur à la Faculté de théologie
prolestante de Paris.
Bordes (Charles), critique musical.
Bornarel (F.), agrégé de l'Université.
Bossert (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Bouché -Leclercq (A.), professeur à la Faculté des lettre
de Paris.
Boucheron (H.), ingénieur, professeur à l'Ecole centrale des
arts et manufactures.
Bougenot (S.), archiviste-paléographe.
Boulin (Stéphane), maître de conférences à la Faculté des
lettres de Bordeaux.
Bourgoin (Ed.), membre de l'Académie de médecine, pro-
fesseur à l'Ecole supérieure de pharmacie.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Bourneville, médecin des hôpitaux.
Bournon (F.), archiviste-paléographe.
Boutroux (Emile), professeur à la Faculté des lettres de
Paris.
Boyer (G.), préparateur de botanique et de sylviculture à
l'Ecole d'agriculture de Montpellier.
Brenet (Michel).
Brochard (Victor), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Brunet (Victor).
Brunetière (Ferdinand), membre de l'Académie française.
Brutails, archiviste du département de la Gironde.
Bûchner, professeur de littérature étrangère à la Faculté
des lettres de Caen.
Bulot (Léon), substitut au tribunal de la Seine.
Burdeau (Auguste), professeur agrégé de philosophie, député
du Rhône.
Cabanes (Dr Aug.), publiciste.
Cadillac
Gagnât, professeur au Collège de France.
Caix de Saint-Aymour (vicomte Amédée de), publiciste.
Camescasse (J.), docteur en médecine.
Capus (Guillaume), docteur es sciences.
Carré de Malberg, docteur en droit.
Castaigne (E.-J.), professeur de l'Université.
Castan (A.), correspondant de l'Institut, conservateur de la
Bibliothèque de la ville de Besançon.
Cat (E.), professeur à l'Ecole des lettres d'Alger.
Cauwès (Paul), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Chabry (L.), docteur en médecine et es sciences.
Challamel, conservateur honoraire de la Bibliothèque
Sainte-Geneviève.
Champeaux (de), bibliothécaire de l'Union centrale des arts
décoratifs.
Champier (Victor), directeur de luRevue des arts décoratifs.
Chancel (Jules), docteur en droit.
Charavay (Etienne), archiviste-paléographe.
Charlot (Marcel), sous-chef de bureau au Ministère de
l'instruction publique.
Charpentier ( Paul ), ingénieur des arts et manufactures.
Chavegrin, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Chervin ^Dr), membre du Conseil supérieur de statistique,
directeur de l'Institution des bègues de Paris.
Chesney, procureur de la République à Avallon.
Ciieuvreux (Casimir), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Claparède (A. de), docteur en droit, ancien secrétaire du
Département politique (affaires étrangères) de la Confé-
dération suisse.
Clermont, docteur en médecine.
Colin (Maurice), proiesseur agrégé des Facultés de droit.
Collignon (M.), professeur à la Faculté des lettres de Paris.
Collineau, docteur en médecine.
Colmet d'Aage (Henri), conseiller maître à la Cour des
comptes.
Compayré, recteur de l'Académie de Poitiers.
Gordier (H.), professeur à l'Ecole des langues orientales.
Cosneau (F.), professeur au lycée Henri IV.
Couderc (Camille), sous-bibliothécaire au département des
manuscrits à la Bibliothèque nationale.
Courboin (F.), sous-bibliothécaire au Cabinet des estampes
à la Bibliothèque nationale.
Courda veaux (V.), prof, à la Faculté des lettres de Lille.
Coustan (Dr A.), médecin-major de lre classe.
Coville (A -H. , professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Créhange, professeur à l'Ecole alsacienne.
Crié .Louis) professeur à la Faculté des sciences de Rennes.
Crozals, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble.
Cunisset-Carnot (P.), procureur général à Dijon.
Darmesteter (James), professeur au Collège de France.
Dastre (A.), professeur de physiologie à la Faculté des
sciences de Paris
Dauriac 'Lionel), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier.
Debidour (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Debterre (Dr Ch.), professeur à la Faculté de médecine de
Lille.
Declareuil (J ), docteur en droit, chargé de cours à l'école
de droit d'Alger.
Déglin (H.), docteur en droit, avocat à la cour d'appel de
Nancy.
Delabrotjsse, ancien commissaire général du gouvernement
auprès des Compagnies de chemins de fer.
Délava ud (Ch.), inspecteur du service de santé de la
marine, en retraite.
Delavaud (L.), secrétaire d'ambassade.
Deniker, docteur es sciences naturelles, bibliothécaire du
Muséum.
Derenbourg (Joseph), membre de l'Institut.
Desdouits, ingénieur en chef aux chemins de fer de l'Etat.
Després (Armand), chirurgien de l'hôpital de la Charité,
professeur agrégé de la Faculté de médecine.
DiDreujEAN (Lyonnel), avocat.
Diehl, ancien membre de l'Ecole d'Athènes, professeur à
la Faculté des lettres de Nancy.
Dimier (Louis), agrégé de l'Université.
Dollfus (G.), attache à la Carte géologique de France.
Dollfus (Lucien).
Donon (Charles), docteur en médecine.
Dosson, professeur à la Faculté des lettres de Clermont-
Ferrand .
Douma (Lazare).
Dramard, conseiller à la cour de Limoges.
Drapeyron (Ludovic), docteur es lettres, directeur de la
Revue de Géographie.
Droogmans (H.), ancien chancelier du Consulat général belge
aux Etats-Unis.
Drouin (E.), avocat, membre du conseil de la Soc. asiatique,
Dubarry, docteur en médecine.
Ducrocq, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Dufourmantelle (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Dufourmantelle (Charles), ancien archiviste de la Corse.
Duhamel (Louis), archiviste du département de Vaucluse.
Dumoulin, professeur au lycée de Roanne.
Duproix (Paul), professeur à la Faculté des lettres de l'Uni*
versité de Genève.
Durand (Maxime), consul suppléant de France à New- York.
Durand ( G. ) , archiviste du département de la Somme.
Durand-Grévïlle, publiciste.
DuREAu(DrA.),biblioth. en chef de l'Académie de médecine.
Durier (Ch.), vice-président du Club alpin français, chef de
division au Ministère de la justice.
Du Seigneur 'Maurice), critique d'art.
Dybowski, maître de conférences à l'École nationale d'agri-
culture de Grignon, explorateur de l'Afrique centrale.
El'vyall, publiciste.
Ernst (Alfred), de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Esciibaeciier (Emile), ancien chef de bureau au Ministère des
postes et télégraphes.
Espinas (Alfred), prol'css. à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Faliès (Gustave), publiciste.
Farges (Louis), sous-chef du bureau historique au Ministère
des affaires étrangères.
Faucher (L.), ingén. en chef des poudres et salpêtres à Lille.
Feer (Léon), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Ferra (Joannès), chancelier de résidence en Indo-Chine.
Flamant (A.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Flourac. archiviste du, département des Basses-Pyrénées.
Foncin (Pierre), inspect. général de l'Enseignem. secondaire.
Fonsegrive, professeur de philosophie au lycée Buffon.
Fonte (Raoul), professeur d'histoire au collège de Calais.
Forestier, rédacteur à la Préfecture de la Seine.
Fournier (Henri), docteur en médecine.
Fournier (Marcel), professeur à la Faculté de droit de Caen .
Fournier de Flaix, publiciste.
France (H.), professeur à l'Académie royale militaire de
Woolwich.
François (G.), chef comptable de banque.
Fredericq (Paul), professeur à l'Université de Gand.
Funck-Brentano (Frantz), sous-bibliothécaire à la Biblio-
thèque de l'Arsenal.
Gaignière (Henri), substitut du procureur de la République
à Châlons-sur-Marne.
Ganiayre (Cécilio).
Gardeil, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Garnier (E.), membre du Comité des Sociétés des Beaux-Arts.
Garnier (L.), rédacteur en chef de la Presse vétérinaire.
Gasté (Armand), professeur à la Faculté des lettres de Caen.
Gausseron, professeur au lycée Janson-de-Sailly.
Gauthiez (Pierre), agrégé de l'Université.
Gautier (Jules), professeur au lycée Michelet.
Gavet (G.), agrégé à la Faculté de droit de Nancy.
Gérard (Aug.), ministre plénipotentiaire au Brésil.
Giard (A.), professeur à la Faculté des sciences de Paris.
Gidel, proviseur du lycée Louis- le -Grand.
Giqueaux (P.), professeur au lycée de Nice.
Girard (Charles), chef du Laboratoire municipal de Paris.
Girard (Paul), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Paris.
Girard (P. -F.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Girodon (F.), docteur en droit.
Gley(E.), prof, agrégé à la Faculté de médecine de Paris.
Gobât (D1), conseiller d'Etat, directeur de l'Education du
canton de Berne.
Goguel (P.),profes. de filature àVTnstitut industriel du Nord.
Gonse, membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts, direc-
teur de la Gazette des Beaux-Arts.
Gorceix (H.), directeur de l'Ecole des mines de Ouro-Prelo
(Brésil).
Gourdault, homme de lettres.
Gourdon de Genouillac, du comité de la Société des gens
de lettres.
Gourmont (Rémy de), publiciste.
Grand (E.-D.), archiviste de la ville de Montpellier.
Grandjean (Charles), secrétaire-rédacteur au Sénat.
Grandmougin (Charles), homme, de lettres.
Grcyer (Gustave), publiciste.
Guigue (Georges), archiviste du département du Rhône.
Guillaume, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France, directeur de l'Académie de France à Rome.
Guiraud (Paul), chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris.
Hahn (J.), médecin-major de lre classe.
Heckel, professeur à la Faculté des sciences de Marseille.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Henneguy (Félix), pubiiciste.
Herrmann (Dr), professeurà la Faculté de médecine de Lille.
Hesse (Lucien).
Hild (J.-A.„ professeur à la Faculté des lettres de Poitiers.
Homolle, membre de l'Institut, directeur de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes.
Honoré (Fernand), pubiiciste.
Houdas, professeur a l'Ecole des langues orientales.
Houssaye (Arsène), homme de lettres.
Hubert ( Eugène » , professeur à l'Université de Liège.
Humbert (G.;, ingénieur des ponts et chaussées à Blois,
Jacquemaire iNuma), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Jamais (E.), sous- secrétaire d'Etat aux Colonies.
Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
Joannis, docteur es sciences, professeur de chimie indus-
trielle à la Faculté des sciences de Bordeaux.
Jobbé-Duval je.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Jobin, sous-bibliothccaire au Muséum d'histoire naturelle.
Jorga (N.), professeur à Bucarest.
Jouanne (G.), ingénieur des arts et manufactures.
Joubin (L.), docteur es sciences, maître de conférences à la
Faculté des sciences de Rennes.
Julliàn (Camille), professeur à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Jusserand, conseiller de l'ambassade de France à Londres.
Kéraval ^P. ), médecin des asiles de la Seine.
Kerlero du Crano, officier de marine en retraite.
Knab (L.), ingénieur civil des arts et manufactures.
Koechlin (Camille).
Koechlin (R.).
Kohler (Ch.), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
Kruger (F.-H.), professeur à l'Institut des missions évangé-
liques de Paris.
Kuhff (G.), docteur en médecine.
KuNCKELd'HERCULAio,assistantauMuséum d'histoire naturelle.
Kuhne, pubiiciste.
Kunstler, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux.
Lacour (P.), attaché à la direction des Beaux-Arts.
Lacour-Gayet (Georges, docteur es lettres, professeur d'his-
toire au lycée Saint-Louis.
Lacroik, docteur es sciences, professeur de minéralogie au
Muséum d'histoire naturelle.
Lagache (Celestin), ancien directeur des travaux st-înogra-
phiques de la Chambre des députés.
Lagrésille (Georges), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Lahillonne (Jacques), professeur au lycée de Grenoble.
Laîné, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Lambert (Mayer), professeur au séminaire israélite de Paris.
Lambling (Dr), professeur agrégé à la Faculté de médecine
de Lille.
Langlois (Dr P.), préparateur au laboratoire de physiologie
de la Faculté de médecine de Paris.
Langlois (Ch.-V.-M.), chargé de coursa la Faculté des lettres
de Paris.
Lanson (G.), professeur de rhétorique au lycée Michelet.
Larbalétrier ;A.), professeur à l'Ecole d'agriculture du
Pas-de-Calais.
Larivière (Ch. de), receveur particulier à Gien.
Laur (F.), ingénieur des mines, député de la Seine.
Laurent (E.), b'bliothécaire du Palais-Bourbon.
Lavalley (Gaston), bibliothécaire de la ville de Gaen.
Lavoix (Henri), administrateur de la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Lechalas (M.-C), inspecteur général des ponts et chaussées.
Leciialas (G.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Leclerg (Adhémar), résident à Sanbaur (Cambodge).
Lecornu (L.), ingénieur des mines, docteur es sciences.
Lécrivain (Ch.), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Ledeboer (P.-H.), docteur es sciences.
Lefèvbe (Charles), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Lefèvre (Edouard;, ancien président de la Société entomo-
logique de France.
Lefort (Paul), inspecteur des Beaux- Arts.
Lefranc (Abel). archiviste aux Archives nationales.
Léger (L.), professeur au Collège de France.
Legrand (Emile), professeurà l'Ecole des langues orientales.
Le Goffic (Charles), professeur au lycée du Havre.
Lehr (E.), professeur honoraire de droit à Lausanne.
Lehugeur (Paul), professeur au lycée Charlemagne.
Lemoine (D>- Georges), professeur à la Faculté de médecine
de Lille.
Lemosof (Paul), attaché à la Société de géographie.
Léon (Xavier).
Leprieur (Paul), attaché à la conservation du musée du
Luxembourg.
Leriche, attache au consulat de France à Tanger.
Leroux (Alf.), archiviste du département de la Haute- Vienne,
Le Sueur (L.), docteur en droit, attaché au ministère de la
Justice.
Levasseur, juge suppléant à Provins.
Léveillé, professeur a la Faculté de droit de Paris.
Lévi (Sylvain), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Paris et à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Lex (L.), archiviste du département de Saône-et-Loire.
Leymarie (C), bibliothécaire de la ville de Limoges.
Liard, directeur de l'enseignement supérieur au Ministère
de l'instruction publique.
Lietard, docteur en médecine.
Loeb (Isidore), président du comité de publication delà
Société des études juives.
Loret (Victor), maître de conférences à la Faculté dés lettres
de Lyon.
Lucas (Charles), architecte.
Lucipia (Louis), membre du Conseil hiunicîpal de Paris.
Lyon (Georges), maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure.
Lyon-Caen (Ch.), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Mabille (J.), attaché au laboratoire de malacologie dû Mu-
séum d'histoire naturelle, secrétaire de la Société rn'aia-
cologique de France.
Maindron, critique d'art.
Maire (Albert), bibliothécaire de l'Université.
Manceron (Félix), conservateur des hypothèques.
Manouvrier, docteur en médecine.
Mantz (Paul), directeur général honoraire dès Beaux-
Arts.
Marais (Paul), sous-bibliothécaire à la bibliothèque Masarine.
Marcel, bibliothécaire de la section de géographie à la Bi-
bliothèque nationale.
Marchand, juge suppléant à Meaux.
Marchand (Louis), vice-recteur à Ajaccio.
Mariéton (Paul), directeur delà Revue félibréenne.
Marin (Paul), ancien élève de l'Ecole polytechnique.
Marlet (Léon), attaché à la bibliothèque du Sénat.
Marmonier, docteur en droit.
Marre (Aristide), chargé de cours à l'École des langues
orientales.
Martel (E.), avocat.
Martha (Jules), maître de conférences à l'École normale
supérieure.
Martha (Dr), secrétaire de la Société de médecine publique
et d'hygiène professionnelle.
Martin (A.-J.), ancien préparateur au laboratoire de phy-
siologie de la Faculté de médecine de Paris.
Martin (Henry), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Ar-
senal.
Martikière (H. -P. de La).
Martinet (A.), commissaire du gouvernement près le conseil
de préfecture de la Seine
Maspero, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France.
Massebieau (A.), professeur d'histoire au lycée de Rennes.
Massigli (Ch.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Maury (P.), docteur es sciences.
May (G.), professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Mazerolle (Fernand), bibliothécaire-archiviste de la Monnaie
Mazon (A.), homme de lettres.
Mélani (Alfredo), professeurà l'Ecole supérieure d'art appli-
qué à l'industrie de Milan.
Melin (G.), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Nancy.
Mély (F. de), correspondant du Comité des Sociétés dés
Beaux- Arts des départements.
Menant (J.), membre de l'Institut.
Ménard (Louis), docteur en médetine.
Merson (Olivier), critique d'art.
Meynersd'Estrey (comte), docteur en médecine.
Michaut (C), chimiste de la station agronomique de l'Yonne,
Michel (André), professeur à l'Ecole spéciale d'architecture,
membre de la commission des monuments historiques.
Michel (Emile), membre de l'institut.
Michel (Léon), agérge à la Faculté de droit de Paris.
Moireau (Aug.), agrégé des lettres.
Molinier (A.), professeur à l'Ecole des chartes.
Molinier (Ch.), professeur à la Faculté des lettres de Tou-
louse.
Molinier (E.), professeur à l'Ecole du Louvre.
Monceaux (P.), docteur es lettres, professeur de réthorique
au lycée Henri IV.
Moncelon, ancien délégué de la Nouvelle-Calédonie au Con-
seil supérieur des Colonies.
Moniez iDr), professeur à la Faculté de médecine de Lille .
Monin (H,), docteur es lettres, professeur au collège Rollin.
Morer, médecin-major de lre classe.
Mortet (Ch.), conservateur adjoint à la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Mortet (Victor), bibliothécaire à la Sorbonne.
Mortillet (G. de), ancien conservateur adjoint du musée de
Saint- Germain.
Moutard, examinateur à l'École polytechnique.
Muret, professeur à l'Université de Genève.
Nachbaur (Paul), avocat à la cour d'appel de Nancy.
Nénot, architecte de la Sorbonne.
Nolhac (Pierre de), conservateur du musée de Versailles.
Olliyier (Mma), correspondante du Journal officiel de Saint-
Pétersbourg.
Oltramare, astronome à l'Observatoire de Paris.
Omont (H.), ce nservateur au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Oppert (Jules), membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
Ottavi (P,), élève drogman, attaché au consulat de France
àMogador,
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Ourém (Alméida Aréas , vicomte d') , membre de l'Institut
hist. et géogr. du Brésil, ancien ministre plénipoten-
tiaire du Brésil à Londres.
Oustalet(E.), assistant au Muséum d'histoire naturelle.
Palustre (Léon), directeur honoraire de la Société française
d'archéologie.
Paris, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Passy (Paul), professeur de langues vivantes, président de
l'Association phonétique dés professeurs d'anglais.
Paturet, substitut du procureur de la République, à Toulon.
Paulian, secrétaire-rédacteur à la Chambre des députés.
Paumes (Benjamin), professeur au collège de Lectoure.
Pawlowski . Gustave ), bibliographe.
Pean (D1-), chirurgien des hôpitaux.
Pélissier 'L.G.), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier.
Pelletan (Camille), député des Bouches-du-Rhône.
Pératé, ancien membre de l'École française de Rome, atta-
ché à la conservation du musée de Versailles.
Pérez (Bernard), publiciste.
Petit (E.), professeur au lycée Janson-de-Sailly.
Petit (P.), membre de la Société botanique de France.
Petit (Dr L.-H. ), bibliothécaire à la Faculté de médecine
de Paris.
Petit-Dutaillis (Ch.) , professeur agrégé d'histoire à l'école
Monge.
Pfender (Charles).
Piaget (A.), docteur es lettres.
Picàvet, docteur es lettres, professeur au collège Rollin,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Picot (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales.
Piéchaud (Adolphe), docteur en médecine, médecin du
Sénat, inspecteur des écoles de Paris.
Pierre (Constant), commis principal au secrétariat du Con-
servatoire i ational de musique.
Pierret (Paul), conservateur du musée égyptien du Louvre.
Pignot (A.), préparateur à la Faculté de médecine.
Pillet (Jules), professeur à l'Ecole des beaux-arts et à
l'Ecole des ponts et chaussées.
Pinard (Ad.), professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Pinel-Maisonneuve, docteur en médecine.
Pirenne (Henri), professeur à l'Université de Gand.
Planiol, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Platon (G.), bibliothécaire de la Faculté de droit de Bor-
deaux.
Pougin (Arthur), publiciste.
Pouzet (Ph.), agrégé d'histoire.
Prado (Eduardo da Silva), avocat et homme de lettres.
Preux (J.), ancien secrétaire du Comité de législation étran-
gère.
Prou (M.), bibliothécaire au Cabinet des médailles à la
Bibliothèque nationale.
Prudiiomme, archiviste du département de l'Isère.
Psichari (Jean),directeuradjointà l'Ecole des Hautes-Etudes.
Puaux (Franck)* publiciste.
Quellien (N.), publiciste.
Quesnel, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes commer-
ciales.
Quesnerie (Gustave de La), professeur au lycée Saint-Louis.
Rabier (Elie), directeur de l'enseignement secondaire au
Ministère de l'instruction publique.
Radet, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Ravaisse (P.), chargé de cours à l'Ecole des langues orien-
tales.
Ravaisson-Mollien (Charles) , conservateur adjoint au Musée
du Louvre.
Regelsperger, docteur en droit.
Regnaud (P.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Reinach (J. de), membre de la Société d'économie politique.
Renard (Georges), professeur à la Faculté des lettres de
Lausanne.
Renault (Louis), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Renoult.
Reure, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes à Lyon.
RÉ villon (Tony), député de la Seine.
Révillout (E.), conservateur adjoint au Musée du Louvre.
Ribot (Th.), professeur au Collège de France, directeur de
la Revue philosophique.
Richet (Charles), professeur à la Faculté de médecine de
Paris.
Rio-Branco (J.-M. da Silva-Paranhos, baron de), membre de
l'Institut historique et géographique du Brésil, ancien
député.
Ritti (Dr Ant.), médecin de la maison nationale de Charenton.
Robinet (Dp).
Rochebrune (Drde), assistant au Muséum d'histoire naturelle.
Rolland, médecin des asiles de Laforce (Dordogne).
Rossignol, licencié es lettres, professeur à l'Ecole polytech-
nique de Zurich.
Roussel (Félix), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Rousselet (Albin).
Ruelle (C.-E.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
vieve.
Russel (W.), docteur es sciences naturelles.
Ruyssen (Th.), ancien élève de l'Ecole normale supérieure
professeur agrégé de philosophie.
Sagnet (Léon), attaché au Ministère des travaux publics.
Sagnier (Henry), rédacteur en chef du Journal de Vaqri-
culture.
Saint-Marc, profes. agrégé à la Faculté de droit de Toulouse.
Saladin (Henri), architecte.
Salone, professeur agrégé d'histoire et de géographie au
lycée Condorcet.
Samuel (René), sous-bibliothécaire du Sénat.
Santi (Dr L. de), médecin-major de 2e classe.
Sarrau, membre de l'Institut, ingénieur en chef des poudres
et salpêtres.
Saury (D1), médecin de l'asile de Suresnes.
Sauvage (D1), directeur de la station aquicole de Boulogne-sur -
Mer. •
Saverot (Victor), docteur en droit
Sayous, professeur à la Faculté des lettres de Besançon,
membre correspondant de l'Académie hongroise.
Sciiefer (G.), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arse-
nal.
Schmit (L.), conducteur des ponts et chaussées.
Sergent (Ed.), commandant de l'armée territoriale.
Simon (Eugène), ancien président des Sociétés entomologique
et zoologique de France.
Souquet (Paul), professeur de philosophie au lycée Janson-
de-Sailly.
Souviron (Alfred), chef de division à la préfecture de la
Seine.
Stein (H.), archiviste aux Archives nationales.
Straus, professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Stroehlin, professeur à l'Université de Genève.
Stryienski (Casimir), professeur agrégé au lycée Montaigne.
Swarte (Victor de), trésorier-payeur général de Seine-et-
Marne.
Tannery (P.), ingénieur des manufactures de l'État.
Tausserat (Alexandre), attaché au Ministère des affaires
étrangères.
Théry (Edmond), publiciste.
Tuesmar (J.), avocat à la cour d'appel.
Tuiers (Adolphe), publiciste.
Tiiolin (G.), archiviste du département du Lot-et-Garonne.
Thomas (Antoine), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Thomas (Dr L.), bibliothécaire à la Faculté de médecine de
Paris.
Tiersot (Julien), sous-bibliothécaire au Conservatoire de
musique.
Tourneux (Maurice), publiciste.
Trawinski, sous-chef de bureau à la direction des Beaux -
Arts.
Trescaze (A.), directeur honoraire des douanes.
Trouessart, docteur en médecine.
Vaciion (Marius), secrétaire de l'Union centrale des Arts
décoratifs.
Valabrègue (Antony), critique d'art.
Varigny (C. de).
Varigny (H. de), docteur en médecine, docteur es sciences
naturelles.
Vast (Henri), professeur d'histoire et de géographie au lycée
Condorcet, examinateur d'admission à l'école Saint-
Cyr.
Vayssière (A.), archiviste du département de l'Allier.
Vélain (Charles), maître de conférences à la Faculté des
sciences de Paris.
Vendryes, membre de la Société botanique de France.
Venukoff ( Michel ) , ancien secrétaire général de la Société
de géographie de Russie.
Vergniol (G.), professeur agrégé d'histoire au lycée de
Bourges.
Verneau (Dr), assistant au Muséum d'histoire naturelle.
Vernes (Maurice), directeur adjoint à l'École des Hautes-
Etudes (section des sciences religieuses).
Viala (Pierre), professeur de viticulture à l'Institut national
agronomique de Paris.
Villedeuil (Ch. de), astronome.
Vinson (Julien), professeur à l'Ecole des langues orien-
tales.
Vogel, publiciste.
Vollet ( E.-H. ), docteur en droit.
Welsciiinger (Henri), vice-président de la Société des Eludes
historiques.
Will (Louis) .
Yriarte (Charles), inspecteur des Beaux- Arts.
Zaborowski, publiciste, ancien secrétaire de la Société
d'anthropologie de Paris.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
F
FANUM Feronle (Géogr. anc). Ce mot latin fanum,
qui signifie temple, a trait à un grand nombre de désigna-
tions géographiques dont l'origine est aisée à comprendre.
Ainsi, on appelait Fanum Feroniœ une localité sur la côte
d'Etrurie entre Luna et Pise (aujourd'hui Pietra Santa), à
cause du temple de la déesse Feronia (V. ce nom). Il s'y
tenait un grand marché le jour de la fête de cette divinité.
FANUM Fortunée (Géogr. anc). V. Fano.
FANUM Fugitiyi (Géogr. anc). Station de l'ancienne
Italie sur la voie Flaminienne, entre Interamna (Terni) et
Spolète.
FANUM Martis (Géogr. anc.) (V. Famars).
FANUM Minerve (Géogr. anc). Localité de la Gaule,
entre Reims et Metz, probablement Cheppe (V. ce mot).
FANUM Veneris (V. Port-Vendres).
FANUM Voltumn^ (Géogr. anc). Ancienne ville d'Italie
(Etrurie), auN.-O. de Faleries. Elle tirait son nom d'un
temple consacré à la divinité Voltumna, dans lequel les chefs
de la confédération étrusque tenaient leurs assemblées.
C'est aujourd'hui Viterbe.
FANZONI ou Fenzoni (Ferraù), peintre de l'école bo-
lonaise, né à Faenza en 4562, mort en 1645. Il reçut à
Rome les leçons de Francesco Vanni, et, en collaboration
avec Andréa d'Ancona, Baldassare Croce, et d'autres ar-
tistes, il commença par exécuter à fresque, à Sainte-Marie-
Majeure, à Saint-Jean de Latran et à la Scala Santa,
divers sujets tirés du Nouveau Testament. De retour à
Faenza, il se mit à étudier particulièrement les Carrache,
dont on retrouve dès lors l'influence dans son style :
témoin sa Descente de Croix aux religieuses de Saint-
Dominique, sa Piscine parabolique à la confrérie de
Saint-Jean, et ses peintures de la chapelle Saint-Charles
au Dôme. Il y a aussi de lui un Saint Onuphre à la cathé-
drale de Foligno, et de nombreuses œuvres à Ravenne et
dans le reste de la Romagne.
FAO et FAU. Port de' la Turquie d'Asie (Irak-Arabi),
à l'embouchure du Chatt-el-Arab, sur le golfe Persique, à
75 kil. S. de Basra et à 20 kil. de la mer profonde par
suite des alluvions. C'est par là que les navires entrent
dans le fleuve. Fao, créé par les Arabes au vne siècle, est
sur l'emplacement de l'ancienne Térédon fondée par Nabu-
chodonosor Ier et qui fut le grand port de la Characène
pour tout le commerce du Levant dans l'antiquité. E. Dr.
FAON (V. Cerf).
FAOU (Le). Ch.-l. de cant. du dép. du Finistère, arr.
de Châteaulin, au fond d'un estuaire ou rivière du Faou,
grande encyclopédie. — XVII.
débouchant, avec l'Aune, dans la rade de Brest ; 1 ,369 hab.
Petit port d'échouage, trafic maritime de céréales et bois,
un des marchés de Brest pour légumes et fruits. Bourg
fort ancien; église du xvie siècle; chapelle de Saint-
Joseph, de 1541. Le nom du Faou (hêtre) lui vient
d'un groupe célèbre de trois hêtres qui dominait la contrée.
La ville ne fut jamais murée ; il y avait un château fort
dont il ne reste plus que l'emplacement. Elle avait le titre
de vicomte et appartint primitivement à une branche ca-
dette de la famille de Léon (V. Châteaulin, t. X, p. 901).
Bibl.: Mengin, Notice sur le port du Faou, dans Ports
marit. de France, 1879, t. IV.
FAOU ER. Poste égyptien du Soudan équatorial, à 325 kil.
S.-S.-E. de Lado, sur le Nil blanc, à égale distance du lac
Long et du Mvoutan.
FAOU ET (Le). Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Brieuc, cant. de Lanvollon ; 697 hab. Dans l'église,
ancien autel en bois sculpté ; chapelle de Notre-Dame de
Kergrist du xv° siècle. Fontaine miraculeuse de Saint-Hervé.
FAOU ET (Le). Ch.-l. de cant. du dép. du Morbihan,
arr. de Pontivy, entre l'EUé et le Ster; 3,277 hab. Fabri-
cation de sabots. Anciennes halles en charpente sur une
vaste place, où se trouvent les chapelles de la Congrégation
et des Ursulines. Eglise paroissiale du xve siècle avec chœur
du xvic. A 1 kil. et demi du bourg s'élève, sur une colline
escarpée dominant de 100 m. le cours de l'EUé, la cha-
pelle Sainte-Barbe, l'un des édifices les plus curieux et
les plus pittoresques de la Bretagne, élevé en 1489 sur
une pointe de rocher, à la suite, d'après la légende, d'un
vœu fait par le seigneur de Toulbodon enLocmalo. Au pre-
mier palier de l'escalier à balustre par lequel on monte à
la chapelle Sainte-Barbe, une arche en pierre donne accès
à une autre pointe de rocher sur laquelle s'élève la cha-
pelle Saint-Michel, dont les pèlerins font le tour en se
cramponnant aux anneaux de fer scellés dans les murs. A
2 kil. environ au S. du Faouet est le village de Saint-
Fiacre, dont la • chapelle du xve siècle, surmontée d'une
flèche élégante, a conservé d'anciennes statues, notamment
celles de saint Christophe, de grandeur colossale, celle
de saint Fiacre, un jubé en bois sculpté, datant de 1440,
et de beaux vitraux du xvie siècle.
FAOU G. Village de Suisse, cant. de Vaud, district
d'Avenches; 465 hab. Cette localité, située sur le lac de
Morat et sur l'ancienne grande route de Berne à Lau-
sanne, fut, en 1802, le théâtre d'un combat, lorsque le gou-
vernement helvétique transféra sa résidence à Lausanne.
1
FAPESMO — FARABEUF
- 2 -
FA P ES MO (Log.). Terme qui désigne un mode indirect
de la première figure du syllogisme (V. ce mot), dans
lequel la majeure est universelle affirmative (A), la mineure
universelle négative (E), et la conclusion particulière néga-
tive (0). Ex. : Toute qualité naturelle vient de Dieu; —
nulle vertu n'est une qualité naturelle ; — donc il y a des
qualités qui ont Dieu pour auteur et qui ne sont pas des
vertus. La lettre E marque que, pour être prouvé, ce
mode doit être ramené au mode direct ferio, la lettre M
indique que cette opération doit se faire en transposant les
prémisses de façon que la majeure subisse une conversion
par accident (P) et devienne la mineure, et que la mineure
subisse une conversion simple (S) et devienne la majeure.
FAQUIN (Art milit.). A partir du xve siècle où le mot
fut importé d'Italie, on désigna ainsi le manneauin revêtu
d'une armure, contre lequel les jeunes seigneurs s'exer-
çaient au maniement de la lance. Lorsque les mœurs
se furent adoucies, à l'homme vivant, dont on se servait
d'abord le plus communément, et à qui il arrivait souvent
d'être blessé ou même tué, on substitua un mannequin
ou homme postiche, le faquin. Parfois, pour inciter le
jouteur à frapper juste, le faquin tournait sur un pivot,
et, si le coup de lance était appliqué trop en dehors de la
ligne médiane, un bâton que tenait le bonhomme factice
venait frapper rudement le maladroit, quand il passait près
de lui, emporté par son élan. Ed. Sergent.
FAQUIR. Religieux indien. L'hindoustani a emprunté ce
vocable à l'arabe, où il signifie pauvre, mais il en a modi-
fié le sens pour l'appliquer spécialement aux religieux men-
diants, musulmans d'abord, puis sans distinction de
croyance ou de secte. Ascètes et thaumaturges, les faquirs
sont de bonne heure devenus célèbres dans l'Occident par
leurs effrayantes mortifications et par leurs tours presti-
gieux. Les récits de voyage et les descriptions de l'Inde
abondent en exemples merveilleux et pourtant exacts de
leur constance et de leur adresse.
Le chapelain Abraham Roger, attaché à la factorerie de
Palicate vers le milieu du xvne siècle, cite un faquir qui
passait le jour entier assis sans changer de place, et ne se
couchait jamais pour dormir ; il reposait toujours assis et
tenait la bouche continuellement ouverte pour prononcer les
mille noms de Siva ; il honorait d'un culte assidu l'emblème
phallique du dieu, puis, les cérémonies achevées, il allait se
tenir debout sur la tête, aussi droit et immobile qu'un
poteau, et se mettait ainsi à réciter des prières. Ensuite il
allumait un feu assez vif et se laissait balancer au-dessus
de la flamme, la tête en bas, les pieds attachés à une sorte
de potence, et tout en se balançant ainsi il attisait le foyer.
Un autre portait un collier de fer qui pesait vingt-quatre
livres, sept en forme de treillis et de quatre pieds en carré.
Il avait fait vœu de le porter sans le quitter jusqu'à ce
qu'il eût amassé en mendiant une somme suffisante pour
bâtir un hôpital. D'autres traînaient de grandes et pesantes
chaînes de fer rivées à leurs jambes, en rejetaient une
partie sur l'épaule; un autre allait avec des sabots de bois
remplis de clous ; un autre s'était fait attacher à un arbre
avec une chaîne de fer à la jambe, résolu à finir ainsi ses
jours. Les faquirs de l'Inde contemporaine sont en état de
soutenir la comparaison avec leurs prédécesseurs. Lors d'un
récent voyage dans l'Inde, le professeur Monier Williams
rencontrait à Allahabad un homme assis depuis cinquante
ans, dans la même position, sur un piédestal en pierre,
exposé au soleil, au vent, à la pluie ; il ne bougeait qu'une
fois par jour, lorsque ses dévots le conduisaient jusqu'aux
flots sacrés du Gange ; il trouvait à Gaya et à Benarès des
ascètes qui tenaient continuellement le bras dressé au-des-
sus de leur tête, le poing fermé, attendant avec une patience
fervente le moment où leurs ongles traverseraient de la
paume au revers toute la chair de leur main ; leur bras
atrophié, paralysé, n'était plus capable de se mouvoir. Quand
le même voyageur, témoin digne de foi, passa au pied de
la sainte colline de Govardhan, près deMathura, un faquir
se roulait à terre, mesurant ainsi pouce à pouce le sol foulé
jadis par le divin Krichna ; le circuit est de vingt milles, et
il lui fallait le recommencer cent huit fois ! Nous n'avons
point à parler ici des suicides commis au nom de la religion;
ils ne sont pas accomplis par une classe spéciale de fidèles ;
mais nous devons rappeler la pratique si fameuse des
faquirs qui s'enterrent vivants dans un réduit souterrain,
sans air, sans jour, sans nourriture et qui prétendent pas-
ser ainsi plusieurs semaines, jusqu'à l'heure convenue où
leurs dévots viennent constater le miracle et tirer de sa
tombe l'ascète encore vivant. L'intervention des Européens
a plus d'une fois, en ces dernières années, réduit le prétendu
miracle à un simple tour de charlatanisme plus ou moins
adroitement truqué ; mais les issues secrètes, les jours
dissimulés et les savantes supercheries mises à jour en pré-
sence de la multitude n'ont pas diminué sa crédulité. Le
faquir peut compter encore sur de beaux jours dans Flnde.
Malgré leur désignation commune, il importe de distin-
guer les faquirs selon leur religion et leur secte. Les faquirs
musulmans, connus aussi sous le nom de derviches, passent
leur vie à parcourir en vagabonds tous les pays do l'Islam,
Inde, Turkestan, Perse, Turquie, Egypte, vêtus d'une robe
de coton blanc en lambeaux, les pieds et la tête nus, la
barbe en broussaille, tantôt hébergés par les fidèles, tan-
tôt campés en plein champ, tantôt seuls sur les chemins,
tantôt mêlés à une caravane, instruits par l'étude des livres
et l'expérience de la vie, conteurs habiles et féconds en
récits, toujours prêts à payer leur écot en histoires, curieux
de théologie et de philosophie, hardis d'opinion, souvent à
mi-chemin de l'hérésie, traits d'union entre le dogmatisme
brahmanique et le dogmatisme musulman. Les religieux
mendiants sivaïtesse distinguent des vichnouïtes, moins par
leurs noms, leur costume, leurs marques sectaires, que par
le caractère général de leurs austérités. Les Sannyasis, les
Vairagis, les Tridandis du vichnouïsme s'appliquent à
observer dans leurs propos comme dans leur aspect une
décence plaisante. Les ascètes errants du sivaïsme ont trouvé
leur expression suprême dans l'Aghori, qu'un brillant écri-
vain hindou, M. Behramji Malabari, décrit en ces termes :
« L'Aghori est un monstre ; c'est un être humain qui par
une série d'exercices a atteint le plus haut sommet de son
ambition, les sentiments, l'air et la vraie nature d'une bête.
Sale, boueux, hirsute, les yeux en feu, les narines dis-
tendues, les ongles longs d'un pouce, le corps ravagé par
les maladies, mangé de vers, la vermine dans le poil, la
vermine sur le corps, la langue pendante, les dents puantes.
Jamais il ne se lave ni ne s'habille ; il ne mange que de la
charogne et ne boit que de l'eau croupie. Un crâne d'homme
à la main, un bâton dans l'autre main, il entre violemment
dans les maisons, crie, bat, frappe, épouvante les femmes
et les enfants, et se plaît à verser le sang humain. » C'est
par de telles atrocités que l'Aghori se flatte de plaire au
dieu que l'Inde adore comme le symbole de la destruction.
Nous n'avons point à analyser ici les principes religieux
qui inspirent ces fanatiques ; faquirs musulmans et faquirs
hindous sont le produit naturel et logique de leur religion
et de leur race. Le dédain des biens terrestres, l'impatient
désir de s'assurer à tout prix la félicité éternelle, l'exal-
tation des croyances, le mépris des souffrances corporelles,
les facilités de la vie errante et du séjour en plein air
expliquent sans peine la naissance et le développement des
religieux vagabonds dans l'Inde. Sylvain Lévi.
FARABEUF (Louis-Hubert), anatomiste français, né à
La Conquillie-Bannost (Seine-et-Marne) le 6 mai 1841.
Il a fait ses études médicales à Paris. Interne des hôpitaux
au concours de 1864, aide d'anatomie de la faculté en
1868, docteur en médecine en 1871, prosecteur au con-
cours de 1872, chef des travaux anatomiques en 1878, il
a été nommé agrégé de la faculté en 1 876 et professeur
titulaire d'anatomie en 1887. On lui doit la réorganisation
de l'école pratique en ce qui concerne les études anatomi-
ques. Il a publié un certain nombre d'ouvrages et de mé-
moires ; nous citerons entre autres : De l'Epidémie et des
épithèliums (1872); le Système nerveux (1876); un
Précis du manuel opératoire (1872-85); et une Intro-
duction a V étude clinique et a la pratique des accou-
chements (1891) en collaboration avec M. Vanier.
FARÂB I (Abou-Naçr Mohammed ibn Mohammed ibnOuzbg
ibn Farkhan A1-), dénommé d'après sa ville natale Farab en
Turkestan, un des plus célèbres philosophes musulmans, né
vers 870, mort en 950. Appelé à la cour du prince Seif-ed-
Daula à Alep, il y excitait l'admiration tant par la force de
sa dialectique que par son talent de musicien ; on lui attribue
même l'invention d'une sorte de harpe appelée en arabe
kânoûn. Après un séjour assez long à Alep, il accompagna
son protecteur à Damas, où il fut surpris par la mort.
Al-Farabi peut être considéré comme le fondateur de la
philosophie arabe. On trouve la liste très nombreuse de ses
ouvrages dans le Fihrist d'En-Nadîm (éd. Fliigel, pp. 248,
263) et dans le Dictionnaire des philosophes d'Al-Kifti
d'où Mich. Gasiri l'a tirée et publiée dans sa Bibliotheca
arabico-hispana Escurialensis (t. I, pp. 190-91). Enfin
on trouve des données bibliographiques très détaillées sur
les écrits de ce philosophe dans le savant mémoire de
M. Steinschneider sur Al-Farabi. Les ouvrages d' Al-Farabi
se composaient de commentaires sur les écrits d'Aristote
et de Platon , et d'un certain nombre d'écrits où il
expose son propre système. Ces ouvrages ne sont plus
conservés qu'en petit nombre, et jusque dans les der-
niers temps l'on n'en a publié que quelques traités. Tout
récemment, M. Fr. Dieterici a publié un volume ren-
fermant huit traités de ce philosophe sous le titre Al-
Farabi' s philosophische Abhandlungen (Leyde, 1890).
Le même savant a fait suivre cette précieuse publication
d'une traduction allemande qui vient de paraître également à
Leyde en 1892 (Al Farabïsphilosophische Abhandlun-
gen, ans dem Arabischen ùbersetzt). Ce qui nous frappe
dans le système d' Al-Farabi, c'est la combinaison d'idées
péripatéticiennes avec des idées néoplatoniciennes. Il a
réuni d'une manière ingénieuse les deux systèmes repré-
sentant les deux principales directions de la philosophie
antique.
Bibl. : A. Muller, Die griechische Philosophie in cler
arabischen Ueberlieferung ; Halle, 1873. — S. Munk, Mé-
langes de philosophie juive et arabe; Paris, 1839. —
L. Dures, Philosophisches aus demzehntenJahrhundert;
Nakel, 1868. — M. Steinschneider, A Ifarabi; Saint-Péters-
bourg, 1869. — F. Wustenfeld, Geschichte der arabischen
Aerzte und Naturforscher; Gœttingue, 18-10.
FARAD. Le farad est l'unité pratique de capacité élec-
trique adoptée par le congrès international des électriciens
réunis à Paris en 1881. Il est défini par cette condition
qu'une quantité d'électricité égale à l'unité, c.-à-d. un cou-
lomb, se trouvant répandu sur un corps conducteur d'une
capacité égale ù un farad, donne un potentiel d'un volt.
Pour se faire une idée de la grandeur d'un pareil corps,
supposons qu'il possède la forme d'une sphère ; pour qu'elle
ait une capacité d'un farad, il faut que son rayon ait
9 X 1011 centim., soit 1,400 fois environ le rayon moyen
de la terre. Aussi très souvent dans la pratique évalue-t-on
les capacités en millionnièmes de farad que l'on nomme
microfarad. Avec cette unité, on trouve que la terre pos-
sède une capacité d'environ 707 microfarads. A. Joannis.
FARADAY (Michael), physicien et chimiste anglais, né à
Newington, près de Londres, le 22 sept. 1791 , mort à Hamp-
ton Court le 25 août 1867. Son père, sans fortune, lui fit
apprendre l'état de relieur, mais le goût des expériences et
la répugnance que son métier lui inspirait lui donnèrent le
profond désir de se vouer à la science. « Je m'imaginais,
écrit-il au docteur Porris, que la science devait rendre
aimables et généreux tous ceux qui la cultivent. » Aussi,
transporté d'enthousiasme par le cours d'Humphry Davy,
prend-il la résolution de lui écrire et lui fait-il part de ses
impressions : « L'idée que j'avais conçue de la supériorité
morale des savants, le fit sourire et il ajouta qu'il laisserait
à l'expérience de quelques années le soin de m'éclairer à
cet égard. » Nous avons cité ces passages pour montrer
quelle haute opinion Faraday s'était faite d'un savant ; il
— 3 — FARABEUF - FARADAY
nous reste à ajouter que sa personne et son caractère furent
de parfaites réalisations de son idéal ; la grandeur et la
bonté de son caractère, la pureté inaltérable de sa vie
scientifique, l'amour sincère du bien qu'il a toujours pra-
tiqué avec l'ardeur et la vivacité de sa nature, d'après les
expressions de Sainte-Claire Deville, étaient à la hauteur de
ses admirables découvertes. D'une grande modestie, il
n'accepta que peu de titres honorifiques, entre autres ceux
de membre correspondant de l'Académie des sciences de
Paris et de celle de Berlin et le grade de commandeur de
la Légion d'honneur ; mais il refusa le titre de baronnet
qui, disait-il, ne devait rien lui apprendre et, par suite,
lui était inutile. On peut dire que sa vie se passa à l'Insti-
tution royale de Londres : Davy lui en avait ouvert les
portes, après la lettre que nous avons citée en lui donnant
un poste bien modeste d'aide-préparateur ; c'est dans ce
même laboratoire où Davy fit ses remarquables expériences
sur les métaux alcalins que Faraday a fait toutes ses décou-
vertes ; c'est dans le grand amphithéâtre de l'Institution
royale qu'il a gagné sa popularité comme professeur, grâce
à une rare habileté d'expérimentateur et de vulgarisateur.
La lecture d'une série de conférences qu'il y fit et qui ont
été réunies sous le titre Histoire d'une chandelle peuvent
donner une idée de la façon tout à la fois sérieuse et élé-
mentaire dont il savait traiter les questions ; on peut y
admirer surtout l'ingéniosité des expériences qui lui ser-
vaient de démonstrations.
Les publications de Faraday, réparties dans un espace
de quarante et un ans, comprennent 3 vol. in-8 : Chemical
Manipulation (Londres, 1827), Chemical Tracts (1843),
Lectures on light and ventilation (1843), et cent-huit
mémoires publiés dans le Quarterly Journal of Science,
dans le Philosophical Magazine et dans lesProceedings of
the Royal Institution, Dans sa jeunesse, ses travaux ont
porté surtout sur des recherches de chimie ; il faut citer
un mémoire original sur la constitution de l'acier, des
recherches sur les gaz dégagés par l'action de la chaleur
sur les huiles de poisson ; il découvrit dans cette étude un
certain nombre de carbures d'hydrogène. Il montra que
beaucoup de gaz pouvaient être liquéfiés, que, par suite,
les différences entre les gaz et les vapeurs consistaient sur-
tout dans leur liquéfaction plus ou moins facile. Les appa-
reils simples et commodes, connus sous le nom de tubes
de Faraday, servent encore aujourd'hui dans tous les cours
pour liquéfier de petites quantités de gaz ; faciles à manier,
ils sont toujours prêts à servir et à reproduire un nombre
illimité de fois ces intéressantes expériences. Faraday
réussit en 1830 à préparer pour les besoins de l'optique
des verres d'un indice de réfraction considérable. Mais
c'est la première partie de son œuvre et la moins impor-
tante. Ses recherches de physique ont une portée beaucoup
plus haute et ses nombreux mémoires sur l'électricité con-
tiennent des découvertes de premier ordre : en 1831, il
découvre les phénomènes d'induction ; il appuie par des
expériences ingénieuses les vues d'Ampère sur les rela-
tions de l'électricité et du magnétisme. Il trouve dans les
courants induits le secret de la mystérieuse expérience
d'Arago, montrant qu'un disque de cuivre que l'on tourne
entre les pôles d'un électro-aimant s'échauffe considérable-
ment. Il découvre les lois de la polarisation magnétique,
montrant ainsi des relations absolument inconnues jus-
qu'alors entre la lumière et l'électricité. Il énonce les lois
simples qui règlent l'électrolyse des corps ; il étend à tous
corps les phénomènes observés avec les aimants et le fer ;
il montre qu'avec des aimants suffisamment puissants,
aucun corps ne se montre inerte : les uns se dirigent sui-
vant la ligne des pôles des aimants, les autres se placent
perpendiculairement à cette ligne ; tous les corps sont ou
magnétiques ou diamagnétiques. Son œuvre est donc con-
sidérable par l'importance des résultats trouvés; presque
tous ont eu des applications nombreuses, ce qui n'a pas
peu contribué à sa renommée. De plus, la perfection avec
laquelle ses expériences étaient exécutées, l'originalité de
FARADAY — FARCEURS
ses idées théoriques, ne font que rehausser l'éclat de son
œuvre. A. Joannis.
Bibl. : J.-B. Dumas, Eloge historique de M. F.; Paris,
1868. — Bence Jones, The Life and lelters of F.; Londres,
1869. 2 vol.— Tyndal, Faraday as a discoverer ; Londres,
1870. — Gladstone, M. Faraday; Londres, 18"73,28 édit,
FARAD1SATI0N (Phys.) (V. Electrothérapie) .
FARAD J (Abou s-Sadât Boulghak Ei-Malik en-Nâsir),
deuxième sultan de la dynastie des Mamloûks Circassiens
Bordjites d'Egypte, régna du 20 juin 1399 au 23 mai 4412.
Il avait une trentaine d'années lorsqu'il succéda à son père
Barqoûq. A peine monté sur le trône, il eut à combattre
les gouverneurs de Damas et d'Alep, Tenem et Yel-Boghâ et
l'atabek Yetmich, qui s'étaient révoltés contre son autorité.
L'année suivante, il lui fallut se porter de nouveau en Syrie
pour repousser l'invasion des Tatars conduits par Tamer-
lan. Après une campagne désastreuse, Faradj, battu près
d'Alep le 30 oct. 1400, fut contraint de s'enfuir de Da-
mas qui resta entre les mains du vainqueur ainsi que tout
le N. de la Syrie. En sept. 1402, Tamerlan le sommait de
reconnaître sa suzeraineté, de faire battre monnaie à son
coin et de lui livrer Kara Yoûsouf, prince de l' Azerbaïdjan,
fondateur de la dynastie turkomane du Mouton Noir et
l'allié de celui-ci, Ahmed ibn Oweïz, ancien souverain de
Baghdàd, qui, chassés de leurs Etats par le conquérant
moghol, étaient venus se réfugier en 1392 à la cour de
Barqoûq. Faradj se soumit. Mais il rendit du même coup
son nom complètement impopulaire tant en Syrie qu'en
Egypte. Après sa fuite de Damas, il avait eu à étouffer
une série de révoltes fomentées au Caire par les émirs mam-
loûks, dont la turbulence égalait l'ambition. L'Egypte était
à peine rentrée dans le devoir, quand la Syrie, où s'étaient
donné rendez-vous tous les mécontents, le déclarait déchu
du trône. A la tête des rebelles marchaient le futur sul-
tan Cheïkh Mahmoûdî (V. Mouayyad), Djakam, gouverneur
d'Alep, et Kara Yoûsouf. Tout d'abord l'avantage resta à
Faradj. Mais son frère, Izz ed-DînAbd el-Azîz, qui s'était
mis, au Caire, à la tête des factieux, vint l'assiéger dans
son palais et se fit élire à sa place sous le nom d'El-Malik
el-Mansoûr (20 sept. 1405). Au bout de soixante-dix jours,
l'usurpateur était renversé, la discorde régnant dans son
camp. Faradj, qu'on croyait mort, mais qui se tenait caché
au Caire, prêt à agir, reparut tout à coup sur le trône
d'Egypte, livra bataille à son frère, le fit prisonnier et se
débarrassa de lui par le poison. Rentrant en campagne
aussitôt après, il réussit à chasser de quelques places
syriennes les garnisons mogholes qu'y avait installées Ta-
merlan. Celui-ci, par bonheur, était mort l'année même
en février. La Syrie n'en continua pas moins à être le
théâtre d'une guerre sanglante. Djakam y fut proclamé sul-
tan en 1406. Encouragé par cet exemple, Cheikh Mah-
moûdî marcha sur les brisées de Djakam. En six ans, Fa-
radj dut se porter trois fois encore en Syrie pour tenter
de réduire cet émir rebelle. Sa septième campagne fut la
dernière. Bloqué dans Damas par Cheïkh Mahmoûdî, sommé
d'abdiquer par le calife El-Mostaïn qui rêvait de réunir
entre ses mains, comme jadis ses ancêtres, les pouvoirs
spirituel et temporel, abandonné par ses mamloûks qu'ef-
frayait l'anathème lancé contre lui, Faradj fut pris, déposé,
excommunié et livré aux assassins dans la nuit du 23 mai
1412. Son cadavre resta deux jours durant exposé sur
un fumier. Au sultan Faradj succéda l'homme de paille de
l'ambitieux Cheïkh Mahmoûdî, l'abbâside El-Mostaïn Bil-
lâh. Paul Ravaisse.
FARADJ (Aboul) (V. Aboul-Faradj).
FARAFRAH. Oasis du désert de Libye, à 120kil.S.-O.
de la Petite-Oasis (Egypte), par 27° 3' lat. N. et 25° 45"
long. E., à 76 m. d'alt. Visitée par Rohlfs en 1873. La
population est de 350 hab., cultivant les dattiers et les oli-
viers ; ils parlent arabe. L'ancien nom égyptien aurait été
To-ahé.
FARAKABAD. Ville de l'Inde, prov. d'Agra, ch.-l. de
district, à 145 kil. de la ville d'Agra, sur le Remganga,
petit affluent du Gange; 80,000 hab. environ. Commerce
assez important en coton, grains, etc. Elle a absorbé la
ville voisine de Fateghar (13,000 hab.), où se trouve une
forte garnison anglaise.
FARALLON (Punta del). Ce mot farallon ou farellon
est un nom commun de la langue espagnole qui signifie
pointe, écueil, îlot, et qui est fréquent dans la toponymie
des pays qui parlent espagnol. On désigne sous le nom de
Punta del Farallon un cap sur la côte méditerranéenne
entre Almeria et Carthagène, à 50 kil. au N. du cap de Gâta.
FARAMAH. Village d'Egypte, isthme de Suez, près des
ruines de l'ancienne Péluse, dans une plaine marécageuse.
FARAMANS. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Trévoux,
cant. de Meximieux; 423 hab.
FARAMANS. Coin, du dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de La Côte-Saint-André ; 884 hab.
FARANDOLE. Danse populaire de la Provence. Les dan-
seurs qui l'exécutent sont précédés d'un ou deux joueurs
de flûte et de tambourin et se suivent par couples en une
longue file qui avance, en traçant des ondulations, des
courbes ou des boucles, selon la direction donnée par
les premiers danseurs. La farandole forme, par consé-
quent, une sorte de marche dansée , qui est en usage
surtout dans les cortèges de fêtes, de mariages ou de
baptêmes. Les mélodies qui accompagnent cette danse
très pittoresque sont rythmées à six-huit, sur un mou-
vement vif. Quelques compositeurs modernes ont intro-
duit des farandoles dans leurs œuvres dramatiques : on en
trouve une dans Mireille, de Gounod, une autre sur un
ancien air provençal, dans l'Artésienne, de Bizet. Un
ballet intitulé la Farandole, musique de M. Théodore
Dubois, a été représenté à l'Opéra le 14 déc. 1883. M. Br.
FARAON. Bourg de la côte E. de Madagascar, centre
des Antaïmours.
FARBUS. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant. de Vimy ; 431 hab. Stat. du chem. de fer du Nord,
ligne d'Arras à Lens.
FARCE. I. Théâtre (V. Comédie, t. XI, pp. 1184-86).
IL Art culinaire. — Mélange de viandes hachées et épi-
cées que l'on met dans l'intérieur de quelque animal rôti,
dans des viandes, dans des œufs, etc. On prépare une farce
en plaçant dans une casserole de la rouelle de veau coupée
en petits morceaux, avec du beurre, sel, poivre, échalottcs
et champignons hachés, une feuille de laurier et un oignon.
Après une dizaine de minutes de cuisson, on retire du feu
et on hache le tout, sauf la feuille de laurier et l'oignon. On
mélange ensuite dans un mortier égale quantité de cette chair
avec une panade épaisse obtenue avec de la mie de pain
mouillée d'un peu de bouillon et quelques jaunes d'œufs, et
on assaisonne de nouveau avec sel et poivre. Cette farce
sert pour toute espèce de mets apprêtés au gratin. Les foies
de volailles donnent une farce plus délicate que la viande
de veau.
FARCEAUX. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. d'Etrépagny; 312 hab.
FARCEURS (Théâtre). Nos premiers comédiens étaient
des farceurs, et c'est sous ce nom qu'on désignait ceux qui
jouaient des farces, soit, à l'origine même de nos spectacles,
sur les places publiques et dans les carrefours, soit plus
tard, et lorsque le théâtre commença à se régulariser, à
l'Hôtel de Bourgogne, où la farce, grossière et libertine,
était, on le sait, en grand honneur. Les noms ou les pseu-
donymes de quelques-uns de ces farceurs sont demeurés
célèbres, et c'est justice après tout, car, à défaut de talent
réel, ils déployaient une verve, un nerf, une gaieté qui
faisaient la joie de la foule et les rendirent singulièrement
populaires. Il faut citer parmi eux Jean de La Serre, le plus
ancien que Ton connaisse, puis le trio si fameux de Tur-
lupin, Gros-Guillaume et Gauthier-Garguille, puis encore
Jacquemin Jadot, Bruscambille, Gandolin, Laporte, et enfin
Jodelet qui, déjà, nous rapproche de la vraie comédie. Taba-
rin aussi était un farceur, et l'un des plus réputés, grâce
aux parades qu'il jouait sur le Pont-Neuf avec son com-
père Mondor. C'est encore sous cette qualification qu'on
désignait les premiers comédiens italiens qui vinrent en
France : Franca-Trippa, Brighella, Scaramouche, Arlequin,
et le Docteur, et Pantalon, et Trivelin, et Mezzetin...
Enfin Molière lui-même, notre immortel Molière, se vit
pendant longtemps qualifié de farceur, et il figure à ce titre,
avec la plupart de ceux que je viens de nommer et quelques-
uns de ses camarades, sur un tableau très curieux appar-
tenant à la Comédie-Française et qui porte cette inscription :
Farceurs français et italiens depuis soixante ans.
Peint en 1671. A. P.
- FARCHOUT (copte Berchoôut). Ville de la Haute-
Egypte, située dans la moudirieh de Keneh, sur la rive
gauche du Nil, mais à 3 ou 4 kil. dans l'intérieur des
terres. La distance de Sirzeh est de 42 kil. Ancien ch.-l.
des cheiks de la puissante tribu des Hawâras, elle ne
compte plus aujourd'hui que comme marché d'une certaine
importance dans la moudirieh et comme tête de route pour
la Grande-Oasis.Elle possède, depuis le règne d'Ismaïl, une
des grandes sucreries d'Egypte. G. Bénédite.
FARCIENNES. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut;
6,000 hab. Au xve siècle, les récollets y construisirent
une importante abbaye qui fut détruite à l'époque de la
Révolution française.
Bibl. : C. Lyon, le Couvent de saint François à Far-
ciennes, dans Doc. et rapp. de la Soc. archéol. de Char-
leroi, t. V.
FARCI M INARIA (Bryoz.). Genre de Bryozoaires créé par
Busk et formant la famille des Farciminariadae. Les carac-
tères sont ceux de cette famille ; le polypier est corné,
l'ouverture de la zoœcie occupe toute la face antérieure.
FARGIMINARIAD/E (Bryoz.). Les zoœcies sont, dans
cette famille de Bryozoaires Chéilostomes, disposées suivant
un ordre alterne autour d'un axe imaginaire et forment un
polypier rameux, érigé, dont les branches cylindriques se
divisent dichotomiquement.
FARCI N (Art vétér.). Affection contagieuse du cheval,
caractérisée par des manifestations extérieures qui appa-
raissent à la peau sous forme de boutons, de cordes, de
tumeurs et d'engorgement, lesquels aboutissent, au bout
d'un temps plus ou moins long, suivant que le farcin est
-aigu ou chronique, à une plaie ulcéreuse, de laquelle
s'écoule un pus huileux, jaunâtre, et parfois sanguino-
lent. Le farcin est une affection identique à la morve ; on
a dit de lui qu'il était la morve de la peau, de même que la
morve serait le farcin des voies respiratoires et des organes
internes. Tout cheval farcineux est un cheval morveux,
et tout morveux est un cheval farcineux. La maladie, chez
l'un et l'autre, est identique; seuls les symptômes exté-
rieurs sont différents. Le farcin, comme la morve, constitue
un vice rédhibitoire, d'après la loi du 2 août 4884, et,
comme elle aussi, est rangé parmi les maladies conta-
gieuses, énumérées par la loi du 24 juil. 4881. Les me-
sures qui le concernent se trouvent aux art. 43, 44, 45,
et 46 du décret du 22 juin 4882. « Art. 43. Après la
constatation de la morve ou du farcin, le préfet prend un
arrêté portant déclaration d'infection pour mettre en qua-
rantaine les locaux dans lesquels se trouvent les animaux
malades et les placer sous la surveillance dun vétérinaire
délégué à cet effet. Cette mesure entraîne l'application des
dispositions suivantes : 1° défense d'introduire dans ces
locaux d'autres animaux susceptibles de contracter la
morve ou le farcin ; 2° avertissement de l'existence de la
morve ou du farcin par un écriteau placé à l'entrée prin-
cipale de la ferme et sur les locaux infectés. — Art. 44.
Les animaux qui ont été exposés à la contagion restent
placés sous la surveillance du vétérinaire délégué pendant
un délai de deux mois. Pendant la durée de cette sur-
veillance, ils peuvent être utilisés, sous la condition qu'ils
ne présentent aucun symptôme de maladie. Il est interdit
de les exposer dans des concours publics, de les mettre en
vente ou de les vendre ; le propriétaire ne peut s'en des-
saisir que pour les livrer à l'équarrissage. Dans ce cas,
ils sont préalablement marqués, et il est délivré un laissez -
— FARCEURS — FARCOT
passer qui est rapporté au maire dans le délai de cinq
jours, avec un certificat attestant que les animaux ont été
abattus. Ce certificat est délivré par le vétérinaire qui a
la surveillance de l'atelier d'équarrissage. — Art. 45.
Lorsque les chevaux, ânes ou mulets sont abattus, confor-
mément à l'art. 8 de la loi ou en vertu de l'art, précé-
dent, les peaux ne peuvent être livrées au commerce
qu'après désinfection. — Art. 46. Les mesures prescrites
en vertu des art. 43 et 44 sont levées par le préfet, après
la disparition de la maladie et après constatation, par le
vétérinaire délégué, de l'accomplissement de toutes les
prescriptions relatives à la désinfection. Ceux des animaux
visés par l'art. 44, qui ont présenté des symptômes de
maladie, restent placés, pendant un délai d'un an, sous la
surveillance du vétérinaire délégué, et soumis, pendant ce
laps de temps, aux interdictions portées par le 3e alinéa
dudit article. — ■ Loi du 21 juil. 1881, art. 8 : Dans le
cas de morve constatée et dans le cas de farcin, de char-
bon, si la maladie est jugée incurable par le vétérinaire
délégué, les animaux doivent être abattus sur l'ordre du
maire. » —- Quand il y a contestation sur la nature ou le
caractère incurable de la maladie entre le vétérinaire délé-
gué et le vétérinaire que le propriétaire aurait fait appeler,
le préfet désigne un troisième vétérinaire, conformément
au rapport duquel il est statué. L. Garnier.
FARCOT ( Joseph- Jean-Chrysostome), économiste fran-
çais, né à Senlis le 8 avr. 1744, mort le 23 août 1815.
Professeur dans les collèges des oratoriens, il quitta la con-
grégation en 1779 pour fonder à Paris une maison de
commerce. Elu en 1789 député suppléant de Paris, il fit
partie, en 1795, du directoire du dép. de la Seine. Animé
d'idées généreuses, il essaya de lutter contre les usuriers
en organisant des bureaux de prêt dans les quartiers
pauvres. Mais cette tentative n'obtint aucun succès, et il
dut l'abandonner en 4805. Il a écrit : Questions consti-
tutionnelles sur le commerce et Vindustrie et projet
d'un impôt indirect (Paris, 1790, in-8) ; Discussions
relatives a V influence du gouvernement sur les arts
et le commerce (1808, in-4); Mémoire sur les moyens
d'encourager les découvertes utiles (1809, in-4).
FARCOf (Marie-Joseph-Denis), mécanicien français, fils
du précédent, né à Paris le 16 nov. 1798, mort à Saint-
Ouen (Seine) le 30 août 1875. Entré de bonne heure en ap-
prentissage chez un fabricant d'instruments de précision, il
était en 1820 monteur dans les ateliers de Scipion-Perrier-
Edwards et Cie, à Chaillot, et fondait en 1823 l'importante
maison de construction de machines à vapeur et de pompes
qui porte son nom (V. ci-dessous). Parmi ses nombreuses in-
ventions, il convient de mentionner en première ligne un sys-
tème de distribution à détente variable, pour lequel il prit un
brevet en 1836 et qui a longtemps joui, concurremment avec
le système Meyer, de la faveur universelle (V. Détente,
t. XIV, pp. 305 et 306). On lui doit en outre une pompe à
jet continu (1829), le premier pétrin mécanique mû par la
vapeur (1834), une presse à huile à efforts automatique-
ment variables et à travail constant (1834), un régulateur
à cône de friction (1843), un générateur à chauffage mé-
thodique par gradation (1844), etc. ù S.
FARCOT (Joseph), mécanicien français, fils aîné du
précédent, né à Paris le 23 juin 4834. Il est sorti de
l'Ecole centrale des arts et manufactures en 1848 et a
été président de la Société des ingénieurs civils en 4879.
Il a collaboré dès 4845 aux travaux de son père, est
devenu ingénieur en chef de la maison Farcot en 4853
et la dirige depuis 4869. Outre le développement considé-
rable qu'il a donné à cet établissement par une série de
perfectionnements et d'améliorations réalisés aussi bien
dans les procédés de fabrication que dans l'outillage, il a,
comme son père, notablement contribué aux progrès des
machines à vapeur par nombre d'inventions fécondes, telles
que : un régulateur isochrone à bras et bielles croisés
(4854-56); un générateur à faisceau de tubes et foyer
mobiles réunissant à la fois les types tubulaire et cylin-
FARCOT
— 6 —
drique (1854) ; leservo-moteur ou moteur asservi (1868),
ingénieux engin qui permet de diriger avec la plus grande
précision les effets des plus puissants moteurs, et qui a valu
à son inventeur, en 1875, le prix Plumey de l'Académie
des sciences de Paris, en 1884, la grande médaille des
arts mécaniques de la Société d'encouragement ; une ma-
chine élévatoire à grande vitesse, à corps ovoïde et à pis-
ton façonné en pointe (1872) ; une machine genre Corliss
(V. ci-dessous), etc. Ses
succès aux grandes expo-
sitions Font fait nommer
en 1878 officier de la Lé-
gion d'honaeur; à celle
de Paris, en 1889, il était
membre du jury. Il a pu-
blié : le Servo-moteur
(Paris, 1873, in-8) ; No-
tice sur les nouvelles
pompes centrifuges (An-
nales des ponts et chaus-
sées, 1888). L. S.
FARCOT (Maison). Fon-
dée en 1823 par Marie-
Joseph-Denis Farcot(V. ci-
dessus) et installée suc-
cessivement rue Neuve-
Sainte-Geneviève et rue
Moreau, à Paris, puis, à
partir de 1849, à Saint-
Ouen (Seine), où ses ate-
liers couvrent aujourd'hui
(1893) une surface d'en-
viron 40.000 m., la mai-
son Farcot prit en 1858 le nom de Société Farcot et ses
fils et en 1878 celui de maison Joseph Farcot, qu'elle
porte encore (1893). Elle est actuellement gérée, sous la di-
rection supérieure de M. Joseph Farcot , par ses deux fils
aînés, MM. Paul et Augustin Farcot. Plus spécialement
organisée pour la construction des machines à vapeur et des
pompes, elle fabrique néanmoins d'une façon générale tout
ce qui touche à
la mécanique et
à la chaudron-
nerie. Parmi ses
productions les
plus renommées,
nous citerons :
ses machines à
détente Farcot;
ses machines
genre Corliss de
50 à 1,200 che-
vaux (V. ci-des-
sous); ses ma-
chines-pilons à
double ou triple,
expansion et à
grande vitesse ,
pour yachts ou
torpilleurs et
pour installations
d'électricité; ses
générateurs ta-
bulaires et semi-
tubulaires ; ses machines élévatoires à action directe et à
très grande vitesse, qui ont été adoptées par la Ville de
Paris pour l'usine hydraulique de Saint-Maur ; ses puis-
santes pompes centrifuges, dont M. Paul Farcot a fait en 1 884
une colossale application à l'usine de Khatatbeh, laquelle,
avec cinq de ces engins, jette dans les canaux de la Basse-
Egypte 45,000 litres d'eau par seconde (plus de la moitié
du débit de la Seine en étiage); ses accouplements de
pompes en cascades pour l'élévation des eaux d'égout;
Fig. 1. — Coupe longitudinale du cylindre.
Fig. 2. — Vue extérieure du cylindre, côté de la distribution
ses marteaux-pilons à vapeur; ses machines soufflantes
et d'épuisement; ses systèmes de transmission et d'em-
brayage ; ses affûts et tourelles pour la grosse artillerie
de marine; enfin les nombreuses applications du servo-
moteur : treuils pour la manœuvre des gouvernails des
grands cuirassés, appareils hydrauliques pour la manœuvre
des culasses des canons de fort calibre, appareils pour la
commande des grandes machines de mines, etc.
Machine a vapeur F'ar-
cot. — Bien qu'elle ait
conservé une certaine im-
portance pour les ma-
chines fixes de puissance
inférieure et aussi pour
les machines marines
Wolff ou Compound, la
distribution de vapeur à
tiroir ordinaire (genres
Farcot et Meyer) a cédé
le pas depuis une vingtaine
d'années à la distribution
à quatre tiroirs (genre
Corliss). Aussi les ma-
chines à détente Farcot
n'offrent-elles plus guère
qu'un intérêt rétrospectif.
Nous nous bornerons, en
ce qui les concerne, à
renvoyer à ce qui a été
dit de ce système à l'art.
Détente (t. XIV, pp. 305
et 306).
Au contraire, la ma-
chine genre Corliss, dont la maison Farcot a présenté des
spécimens aux expositions parisiennes de 1878, de 1881
(électricité) et de 1889, est un des plus beaux types actuels
de moteur fixe à grande puissance. Elle comporte, comme
toutes ses congénères, deux tiroirs pour l'admission de la
vapeur et deux autres pour son échappement (V. Détente,
t. XIV, p. 307) ; mais elle diffère de la machine Corliss
primitive par
d'importants
perfectionne-
ments que nous
allons indiquer
brièvement (type
1889).
L'espace mort,
déjà réduit à 0,03
environ du vo-
lume du cylindre
dans la machine
Corliss ordinaire,
se trouve presque
complètement
supprimé dans la
machine Farcot
(0,008) par une
disposition spé-
ciale des tiroirs
d'admission (A,
A±) et d'échappe-
ment (B,!^), les-
quels sont placés
dans les fond et couvercle du cylindre (tig. 1). A l'ap-
proche du piston, le tiroir d'échappement, qui, ouvert, pénètre
dans l'intérieur du cylindre (position B^, s'efface et se range
dans le plan du fond (position B) : le piston peut ainsi
pousser sa course jusqu'au fond. — L'enveloppe de vapeur
est alimentée par un tuyau direct de très grande section, T,
dans lequel la vapeur vive de travail se précipite à chaque
fermeture des tiroirs d'admission ; elle est continuée sur
les parois planes par les boîtes mêmes de ces tiroirs, V,
— 7 —
FARCOT - FARCY
de sorte qu'elle entoure le cylindre de toutes parts. Sa
siccité est assurée aussi bien que sa haute température :
la vapeur arrive en effet par le haut, et une petite pompe
spéciale de purge refoule constamment aux chaudières
l'eau condensée. Cette enveloppe est d'ailleurs fondue
séparément et rapportée : les ruptures provenant des dila-
tations inégales de l'enveloppe et du cylindre sont ainsi
évitées.
Le mécanisme d'admission présente également quelques
particularités intéressantes, a (fig. 2) est une barre d'excen-
trique qui imprime au plateau b un mouvement de va-et-
vient transmis par la bielle c au levier d (le fonctionne-
ment est identique pour le tiroir de gauche) ; f est une
pédale mue par le levier d et présentant un grain d'acier ;
r est la tige d'un ressort métallique tenant fermé le tiroir
d'admission à l'aide d'une manivelle g munie d'un autre
grain d'acier. Ces deux grains ont prise l'un sur l'autre,
grâce à un ressort intérieur qui sollicite constamment la
pédale / vers l'axe du tiroir ; la manivelle g est entraînée
et le tiroir est ouvert. Pour que l'entraînement cesse et
que, le ressort métallique reprenant son action, le tiroir
se referme, il suffit évidemment d'écarter la pédale f de
l'axe du tiroir : le contact entre les grains deviendra im-
possible. Ce résultat est obtenu par deux cames à bosses
excentrées K, K^. Leur mouvement est commandé par les
deux bras ii de la bielle h, qui dépend directement du
régulateur; il est réglé de façon que, suivant la position
que le travail fourni donne au pendule du régulateur, le
déclenchement se produise à l'aller ou au retour de l'ex-
centrique : dans le premier cas, l'admission varie de 0 à
0,35 seulement de la course du piston (comme dans les
machines Corliss ordinaires) ; mais elle va dans le second
cas jusqu'à 0,8. Le régulateur, qui préside à la distribu-
tion dans des limites aussi étendues, est du reste un appa-
reil à bras et bielles croisés, d'une très grande sensibilité
et d'une régularité d'allure presque absolue ; la machine
peut par suite être chargée ou déchargée instantané-
ment d'une très grande fraction de son travail normal
sans modification sensible de sa vitesse. — Lorsque le
régulateur est en haut ou en bas de sa course, l'introduc-
tion de la vapeur se trouve annulée et la machine stoppée.
Aux cas d'emportement ou d'accident au régulateur, l'arrêt
se produit ainsi automatiquement. Pour le produire volon-
tairement, il suffit de manœuvrer un volant à main qui,
par un jeu de leviers, fait monter le pendule au haut de
sa course. Si l'on tourne ce volant en sens contraire, le
pendule redescend et la mise en marche est immédiate ;
elle peut d'ailleurs être obtenue à la vitesse désirée et tout
de suite à détente.
Cette machine comporte diverses tailles variant, comme
force motrice, de 50 à 1,200 chevaux; elle consomme par
cheval-heure 5k&5 environ de vapeur pour les grandes
puissances, 7 kilogr. pour les petites. Elle a été surtout
employée jusqu'ici par les usines éleva toires (Saint-Maur,
Clichy, le Khatatbeh en Egypte), par les filatures et par
les arsenaux. Léon Sagnet.
Bibl. : Huin, Théorie et description des régulateurs
"marins isochrones Farcot ; Paris, s. d., in-8. — J. Farcot,
le Servo-moteur; Paris, 1873, in-8. — Comptes rendus de
l'Académie des sciences de Paris, année 1875, séance du
21 juin. — Tresga, Discours sur la tombe de M. Farcot;
Paris, 1876, in-4.— Machine élévatoire de M. J. Farcot, dans
les Annales industrielles du 12 mai 1878. — W.-H. Uhland,
les Nouvelles Machines à vapeur; Paris, 1879, in-8, pp. 86
et 89.— J. Buchetti, les Machines à vapeur actuelles;
Paris, 1881, in-4, pp. 20, 83 et 159.— Revue industrielle,
16 nov. 1881. — M. Brull, les Pompes centrifuges Farcot;
Paris, 1887, in-8. — MaxDENANSOUTY, la Machine àvapeur
horizontale de 1,000 chevaux; Paris, 1889, in-8.
FARCY (François-Charles), publiciste français, né à
Paris le 30 août 1792, mort à Paris en mars 1867. Em-
ployé au secrétariat du ministère de la guerre, puis impri-
meur à Paris, il fut un des fondateurs de la Société libre
des beaux-arts, rédacteur en chef du Journal des
Artistes (1827-1855), collaborateur des Muses lyriques,
du Journal de Paris, de la Presse, du Moniteur pari-
sien, etc.; il a publié en outre : le Ministère chinois
(Paris, 1818, in-8) ; Avis aux libéraux par un libéral
(1819, in-8); les Commis (1818, in-8); l'Esprit du
ministère depuis le commencement de la Révolution
jusqu'à nos jours (1818, in-8) ; Essai sur le dessin et
la peinture (1819, in-8) ; l'Enthousiasme (1821, in-4) ;
Résumé et application des principes élémentaires de
la perspective (1822-23, 4 vol. in-4); Cours élémen-
taire de perspective (1823, in-8) ; Discours du nou-
veau bonhomme Richard à ses concitoyens (1826,
in-18); Esquisses bureaucratiques (1826, in-8) ; Pedro,
nouvelle espagnole (4826, in-12) ; De V Origine et des
progrès de la philosophie en France (1826, in-4) ;
Recherches historiques sur V aigle (1826, in-4);
Aperçu philosophique des connaissances humaines
au xixe siècle (1827, in-18) ; le Cinq Mai ou la Mort
de Napoléon (1827, in-8) ; De F Etat actuel des beaux-
arts en Europe (1827, in-8) ; Pétition a la Chambre
des pairs sur la police de la Presse (1827, in-4);
Examen critique d'Olga et résumé des débats entre
le classique et le romantique (1828, in-8) ; Lettre a
Victor Hugo suivie d'un projet de charte romantique
(1830, in-8); De l'Avantage et de l'inconvénient d'une
direction des arts (1830, in-8) ; Du Gouvernement
parlementaire (1840, in-8) ; De la Force en matière
de gouvernement (1832, in-8) ; Simple Histoire de
Napoléon (1840, in-36); De l'Aristocratie anglaise, de
la démocratie américaine et de la libéralité des insti-
tutions françaises (1842, in-8) ; Mémoire à l'Académie
des inscriptions sur les antiquités mexicaines (1843,
in-8). Membre de la Société royale académique des
sciences et de la Société des antiquaires de France,
Farcy a encore collaboré à la traduction des Mémoires
relatifs à la Révolution d'Angleterre, publiée par Guizot,
et à d'autres publications historiques. R. S.
FARCY (Jean-Georges), littérateur français, né à Paris
le 20 nov. 1800, mort à Paris le 29 juil. 1830. Entré
en 1819 à l'Ecole normale, qui fut licenciée en 1822, il
termina ses études philosophiques sous la direction de
Victor Cousin, se chargea d'une éducation particulière dans
la famille de Narichkine, fit en Italie un séjour assez pro-
longé (1826) et se rendit l'année suivante au Brésil où il
ne recueillit pas le fruit de ses peines. Il était professeur
de philosophie dans une institution de Fontenay - aux -
Roses quand éclata la révolution de Juillet. 11 accourut à
Paris, s'arma d'un fusil et, mortellement blessé au coin
des rues de Rohan et de Montpensier, expira le jour même.
Georges Farcy n'avait, de son vivant, publié que quelques
articles dans le Globe et la traduction du 3e vol. des
Eléments de la philosophie de l'esprit humain de
Dugald Stewart (1826) ; ses amis recueillirent, sous le
titre àeReliquiœ (1831, in-18), des fragments en prose,
des pensées et des poésies. Victor Cousin dédia la traduc-
tion des Lois, de Platon, à sa mémoire ; une plaque de
marbre consacra longtemps la place où l'on supposait
(à tort) qu'il était tombé, et le peintre Alexandre Collin
exposa au Salon de 1831 un portrait en pied de Georges
Farcy qui appartient aujourd'hui au musée Carnavalet.
M. Tx.
Bibl. : Sainte-Beuve, Notice en tête des Rèliquiœ, réimp •
dans les Portraits littéraires, t. I. — Jules Claretiei
Elisa Mercœur Dovalle, Farcy, etc., 1864, in-18.
FARCY (Eu gène- Jérôme), inventeur et homme politique
français, né à Passy (Seine) le 19 mai 1830. Dès l'âge de
neuf ans, ii s'embarqua sur le navire-école l'Oriental avec
lequel il fit le tour du monde. En 1845 il entra à l'Ecole
navale et conquit successivement les grades d'aspirant et
d'enseigne de vaisseau ; ses lointaines expéditions à Mada-
gascar et à la Réunion, à la Guyane et aux Antilles, firent
valoir son mérite et en 1859 il fut nommé lieutenant de
vaisseau. Il rentra alors en France et se livra tout entier
à l'étude des perfectionnements de notre marine ; il est
l'inventeur de la canonnière qui porte son nom. Malheu-
FARCY — FARD
reusement, le gouvernement, entraîné par la routine, ne vou-
lut pas la mettre à profit et ce ne fut qu'en 1874 , au
moment de la défense nationale, qu'on songea à utiliser
l'unique canonnière qui avait été construite. Depuis, deux
canonnières Farcy, la Mitrailleuse et le Revolver, ont rendu
au Tonkin de réels services. Cette découverte avait rendu
populaire le nom de son inventeur, que les électeurs de la
Seine envoyèrent le 18 févr. 1871 siéger à l'Assemblée
nationale. Il prit place à l'extrême gauche et s'inscrivit à
l'Union républicaine. Farcy intervint dans la discussion de
tous les projets de loi tendant à la réorganisation de l'armée
et au perfectionnement de la marine française. Il vota contre
les préliminaires de paix, contre l'abrogation des lois d'exil,
contre le pouvoir constituant de l'Assemblée, pour la dis-
solution, contre la chute de Thiers au 24 mai, contre le
septennat, contre Fétat de siège, contre la loi des maires,
pour les amendements Wallon et Pascal Duprat, et pour
l'ensemble des lois constitutionnelles.
En 1875, il fut promu au grade de capitaine de frégate,
mais il donna presque aussitôt sa démission afin de pou-
voir se présenter aux élections législatives candidat dans le
XIIe et le XVe arrondissement ; il fut élu au scrutin de
ballottage dans cettedernière circonscription, par 8,222 voix.
Il vota avec les 363 contre le ministère de Broglie-Four-
tou ; il vota l'amnistie plénière et la séparation de l'Eglise
et de l'Etat, quand il fut réélu en oct. 1877. Aux élections
de 1881, Farcy fut réélu dans le XVe arrondissement
contre Hovelacque. Il présida dans cette législature la com-
mission chargée d'examiner le projet de loi sur la réorga-
nisation de l'armée et se mêla à plusieurs discussions, prin-
cipalement à celle du projet de loi tendant à l'établissement
de services maritimes entre la France et l'Amérique. Aux
élections de 1885, Farcy fut porté sur plusieurs listes de
la Seine; il arriva au premier tour avec 113,000 suffrages.
Maintenu au ballottage sur la liste de concentration, il fut
élu le 7e sur 34 avec 287,000 voix. Il reprit sa place dans
le parti radical, puis il se sépara de la plupart de ses amis
politiques pour adhérer sans réserve à la politique du géné-
ral Boulanger. Membre du « Comité national », il suivit
la fortune du parti boulangiste. Aux élections générales de
1889, il fut élu au 1er tour de scrutin avec le programme
révisionniste, dans la première circonscription du XVe arron-
dissement, contre M. Maillard, républicain. Renoult.
FARCY (Camille), publiciste français, né à Nancy le
15 mars 1840, mort à Paris le 8 août 1884. Engagé vo-
lontaire dans l'armée, il servit en. Afrique et fit la cam-
pagne d'Italie. Il fut ensuite commis rédacteur dans les
bureaux de la ville, puis abandonna tout à fait l'adminis-
tration pour le journalisme. Rédacteur à la Presse, rédac-
teur en chef du Phare de Marseille, collaborateur à la
Liberté, il fut nommé sous-préfet d'Apt quelques jours
avant la déclaration de la guerre franco-allemande. Il
démissionna aussitôt pour s'engager, devint chef d'état-
major de Garibaldi, puis chef de bataillon dans la deuxième
armée de la Loire. Après la guerre, il fut rédacteur en
chef de Y Avenir militaire, entra dans la rédaction de la
France, et dirigea ce journal, après la mort de Girardin,
jusqu'en 1883. Il fonda alors la France libre, Camille
Farcy, comme correspondant militaire de divers journaux,
avait suivi les opérations militaires en Espagne (1874-75),
en Serbie (1876), en Turquie (1877) et en Tunisie (1881).
Il s'était présenté plusieurs fois sans succès aux élections
pour la Chambre des députés dans le IXe et le Ve arron-
dissements de Paris. On a de lui : Histoire de la guerre
de 1810-1811 (Paris, 1872, in-8); la Guerre sur le
Danube (1879, in-8) ; le Rhin français (1880, in-12).
FARD. I. Chimie. — Les compositions diverses destinées
soi-disant à embellir le teint étaient connues et employées
dès la plus haute antiquité; il est présumable que nous
tenons de tradition ces pratiques si contraires à l'hygiène.
— - Le plus ancien fard dont il soit fait mention dans^l'his-
toire est le sulfure d'antimoine « alco fol ». Nous voyons
que les Syriens, les Babyloniens, les Arabes, les Hébreux
et autres nations orientales en faisaient un fréquent usage.
Job nomme une de ses filles «Vase d'antimoine ». La mode
en était si bien établie que Jésabel ayant appris l'arrivée de
Jéhu à Samarie « se mit les yeux dans l'antimoine » (livre
saint), c.-à-d. les peignit avec du fard avant de se mon-
trer à l'usurpateur dont elle voulait calmer la colère. La
découverte faite par M. Grand d'un fragment de sulfure
d'antimoine dans les cavernes de Menton, au milieu d'ins-
truments de silex, d'agate et de quartz hyalin, semblerait
indiquer qu'il était déjà utilisé dès l'âge de la pierre.
D'autre part, Théophraste, Dioscoride et Vitruve font
mention de la préparation et de l'emploi de la céruse
usitée comme fard par les dames romaines. Pline assure
que la plus estimée provenait de Rhodes. De nos jours,
la mode du maquillage et toutes les préparations ayant le
falacieux prétexte du rajeunissement sont l'origine d'une
véritable industrie que les progrès de la chimie n'ont fait
qu'étendre.
Les fards proprement dits sont de trois espèces : le
blanc, le rouge et le noir. Le blanc est du sous-nitrate de
bismuth uni à de la craie de Briançon. Les rouges, très
divers, sont composés, soit pour le rouge végétal, du prin-
cipe colorant du carthame, de vermillon d'Espagne ou
cinabre (sulfure de mercure) réduit en poudre impalpable
par porphyrisation, du carmin de cochenille, etc. ; chacune
de ces matières colorantes est délayée dans de la craie de
Briançon qui leur permet d'adhérer à la peau* soit de l'or-
canète, du bois du Brésil, du carmin et même de la fuschine
pour les crayons à rouge. Le vinaigre de rouge est du
carmin maintenu m suspension dans du vinaigre à l'aide
de matières mucilagineuses. Le crépon est de l'étamine
très fine teinte en rouge sans mordant, et assez chargée
en matière colorante pour en laisser sur la peau humide
lorsqu'on la frotte avec cette étoffe. Enfin les fards et
crayons noirs sont composés de pâtes grasses contenant
du noir de fumée, de la terre d'ombre ou toute matière
colorante noire. A ces types de fard, il convient d'ajouter
les variétés infinies des produits destinés à embellir le
teint, ou plus réellement à le flétrir, comme les poudres,
crèmes, pâtes, laits, etc. Nous nous contenterons de citer
les divers ingrédients qui les composent et dont quelques-
uns sont de véritables toxiques. Les poudres sont surtout
composées par des amidons divers : de riz, de froment,
de fécule, parfumées et additionnées, souvent dans des
proportions excessives, de sous-nitrate de bismuth, d'oxyde
de zinc, de céruse, de talc, de sulfate de baryte, etc. Les
poudres rosées sont obtenues par du carmin, soit par la
matière colorante du carthame, la carthamine.
Dans les poudres communes, surtout les blancs de
théâtre, on trouve de 30 à 90 % de céruse (carbonate de
plomb), toutes les autres poudres ne couvrant pas assez, en
terme de métier, le ton naturel de la peau, et ne résistant
pas au coulage dû à la transpiration. Les laits, les eaux,
les lotions ne sont que des solutions ou émulsions, très sou-
vent vendues sous le nom de préparations végétales inoffen-
sives, et contenant, malgré leurs prétentions curatives, des
toxiques minéraux violents ; ainsi, d'après les analyses
faites au Laboratoire municipal, les eaux de Castille, des
Fées, des Roches, du Serpent, du Figaro, de Royal Wind-
sor, le lait antéphélique Candès, etc., etc., renferment des
substances telles que : nitrate d'argent, sulfate de cuivre,
acétate de plomb, bichlorure de mercure, etc. L'eau de
Ninon contient du calomel (chlorure mercureux) . La velou-
tine Viard est composée d'amidon et d'oxyde de zinc ; enfin
les diverses poudres de riz sont formées avec de la fécule,
amidon, poudre de riz associée avec les produits suivants :
talc, albâtre, carbonate de magnésie, oxyde de zinc, car-
bonate de zinc, phosphate et sous-nitrate de bismuth, cé-
ruse, etc. Les fards, par les substances métalliques et
toxiques qu'ils contiennent, irritent et dessèchent la peau
en occlusant les pores, suppriment la transpiration, et
peuvent occasionner des accidents graves. Ch. Girard.
IL Hygiène (V. Cosmétique).
9 —
FARDAGE — FARE
FARDAGE (Techn.). Défaut que présente le blanc légère-
ment teinté par la couleur du rouleau d'imprimeur, dans
l'impression des étoffes.
FARDEAU (Louis-Gabriel), auteur dramatique français,
né à Paris en 1730, mort à Paris vers 1806. Procureur
au Châtelet, il est l'auteur d'un certain nombre de pièces
assez médiocres pour qu'aucun directeur de théâtre s'avisât
de les accepter. Fardeau est surtout célèbre par la quantité
d'épigrammes auxquelles son nom et son génie — qu'il
faisait sonner haut — donnèrent lieu. On avait découvert
dans son nom et ses prénoms, l'anagramme : « lia l'air du
bœuf gras » et l'on broda sur ce thème une infinité de
variations dont il se consolait en prenant le titre de
Sapeur de la garde nationale. Citons de Fardeau : le
Triomphe de U amitié (Amsterdam [Paris], 1773, in-8);
le Mariage à la mode (Paris, 1774, in-8) ; le Cabaretier
jaloux (1780, in-8); le Mérite décrédité (1784, in-8) ;
le Service récompensé (1778, in-8) et, outre ces drames
ou comédies : les Amusements de la société ou poésies
diverses (1774, in-12); Recueil de poésies patriotiques
et de société (1792, in-12).
FARD ELLA (Michel- Angelo), mathématicien et philo-
sophe italien, né à Trapani (Sicile) en 1650, mort à Naples
le 2 févr. 1718. Franciscain dès l'âge de quinze ans, il
enseigna de 1676 à 1693 la philosophie, la théologie et
les mathématiques dans divers couvents et collèges de son
ordre, fut nommé en 1694 professeur d'astronomie et de
physique à l'université de Padoue et devint en 1709 mathé-
maticien de l'archiduc d'Autriche. On a de lui : Universœ
Philosophiez systema (Venise, 1691, in-12; Amsterdam,
1695); Universœ usualis Mathematicœ theoria (Venise,
1691, in-12 ; Amsterdam, 1695); Animœ humanœ na-
tura (Venise, 1698, in-fol.), et quelques opuscules et lettres
en faveur du cartésianisme. L. S.
FARDES. Petite rivière d'Espagne, appelé aussi rio de
Guadix. Elle descend du versant N. de la sierra Nevada,
baigne la ville de Guadix et en se réunissant au Guardal
forme le Guadiana menor, affluent de gauche du Guadal-
quivir. E. Cat.
FARDIER (Carross.). Voiture à deux ou à quatre roues
destinée à transporter les fardeaux les plus lourds, tels
que bois, pierres, marbres, etc. Le fardier n'est souvent
qu'un diable ordinaire sans plancher, parce que les gros
matériaux sont attachés au-dessous de l'essieu de la voi-
ture : c'est ainsi que l'on transporte de grosses pièces de
bois en les attachant avec des chaînes en fer au-dessous de
l'essieu du fardier. L. K.
FARE (La). Corn, du dép. des Hautes-Alpes, arr. de
Gap, cant. de Saint-Bonnet; 506 hab.
FARE (La). Corn, du dép. des Bouches-du-Rhône, arr.
d'Aix, cant. de Berre; 1,080 hab.
FARE (La). Corn, du dép. de la Drôme, arr. de Nyons,
cant. de Rémuzat ; 36 hab.
FARE (La). Corn, du dép. de Vaucluse, arr. d'Orange,
cant. de Beaumes ; 122 hab.
FARE (De La). Famille du Vivarais, qui tire son nom
d'une baronnie de ce pays érigée en marquisat en faveur
de Jacques de La Fare, comte de Montclar (1646). Si l'on
en croit les généalogies, la famille de La Fare remonterait
au xne siècle, à Beringuier Ier, qui épousa Elisa de Saint-
Germain et vivait encore en 1206. Quoi qu'il en soit, il
faut descendre au xve siècle pour rencontrer ce nom dans
l'histoire générale avec Guillaume de La Fare, qui fut
chambellan de Charles VII et épousa Alméis de Montclar.
Son petit-fils, Gabriel, épousa Marie Duclaux et fut tué
au siège de Thérouanne le 18 août 1513. Le fils aîné de ce
dernier, Pierre II de La Fare, mort en 1564, servit
de 1539 à 1563 comme capitaine de 300 hommes de pied,
puis de 1,000 légionnaires du Languedoc, et défendit Mende
contre les protestants. De son mariage avec Louise de
Bucelly, il eut quatre enfants dont l'aîné, Jacques II,
servit à Sienne sous Montluc (1555), fut gentilhomme ordi-
naire de la chambre et gouverneur d'AÎais et de Roque-
maure (1564). Il avait épousé Alix Dupuy le 24 sept.
1574, et l'aîné de ses fils, Jacques II (mort le 30 août
1661), fit ériger en marquisat la baronnie de La Fare. Il
avait servi d'abord contre les protestants en 1621, avait
été fait capitaine de cavalerie en 1638 et assista au siège
de Salces en 1639. — Son fils aîné, Charles, commença
l'illustration militaire de la famille. Né à Cavillargues le
47 janv. \ 613, il entra au service en 1 636 comme enseigne
de la colonelle du régiment de Normandie et assista en 1637
à- la conquête de la Franche-Comté. Cornette dans le régi-
ment de cavalerie du cardinal de La Valette en 1638, il
fit le campagne d'Italie de 1639 et se trouva au secours
de Casai. Fait capitaine en 1640, il fut présent successive-
ment au siège de Turin (1640), au secours de Chivasso et
à la prise de Coni (1641), aux sièges de Collioure, de
Perpignan et de Salces (1642), à ceux de Trino et de la
citadelle d'Asti (1643). Capitaine-lieutenant de la compa-
gnie des gendarmes du cardinal Mazarin en 1644, il est, la
même année, au siège deFribourg, et, en 1645, à ceux de
Bourbourg et de Menin. Nommé gouverneur du fort Bres-
cou, de Hautpoul et Balaguer en 1646, maréchal de camp
le 15 nov. 4647, il est pourvu en 4648 de la charge de
mestre de camp lieutenant du régiment de cavalerie du
cardinal de Sainte-Cécile et va à l'armée de Catalogne, où
il assiste au siège de Tortose, et défend Roses avec succès.
Nommé mestre de camp en chef du régiment de Sainte-
Cécile en 4649, puis lieutenant général des armées du roi
le 40 juil. 1652, il fut envoyé en 1653 à l'armée de Cata-
logne. Il y reçut au siège de Girone des blessures dont il
mourut le 18 févr. 1654. — Son fils aîné, Charles-
Auguste, quoique également bon soldat, est plus connu
comme écrivain. Né à Valgorge en 1644, il mourut à Paris
le 29 mai 1712. Entré au service en 1664 comme mestre
de camp au régiment d'infanterie de La Fare, il fit en qualité
de volontaire la campagne de Hongrie et assista à la bataille
de Raab. Sous-lieutenant des gendarmes du dauphin en
1665, il se trouva aux batailles de Seneffe, de Mulhouse
et de Turckheim. Capitaine des gardes du corps de Mon-
sieur, en 1684, il remplit les mêmes fonctions auprès de
son fils, et la dernière partie de sa vie fut tout entière
consacrée à la poésie et aux lettres. On a de lui, outre ses
Poésies souvent rééditées, des traductions, des Mémoires
et réflexions sur les principaux événements du règne
de Louis W(Rotterdam,47'16, in-8 ; Amsterdam [Paris],
4734, in-12 ; Petitot, 2e série, LXV ; Michaud et Pou-
joulat, 3e série, VIII; Paris, 4886, in-12), et un opéra,
Penthée, dont le duc d'Orléans avait fait en partie la
musique. Il avait épousé Louise-Jeanne de Lux, qui lui
donna cinq enfants. — L'aîné, Philippe-Charles, eut
une brillante carrière militaire. Né le 45 févr. 4687, il
entra dans les mousquetaires en 4704 et se trouva à
l'affaire de Nimègue (4702). Sous-lieutenant au régiment
du roi en 4703, il assista en cette qualité à la prise de
Brisach et de Landau et à la bataille de Spire. Nommé
enseigne de la colonelle du régiment du roi le 46 janv.
4704, il obtient, le 7 juin de la même année, le régiment
d'infanterie du Gâtinais, qu'il va joindre en Italie, ou il
prend part aux batailles de Cassano (4705) et de Calci-
nato (1706). En 4707, il est au siège de Toulon ; de 4708
à 4712, à l'année du Dauphiné. Il succéda à son père le
29 mai de cette dernière année dans la charge de capitaine
des gardes du duc d'Orléans. En 1714, il est à l'armée
d'Espagne, où il se trouve au siège de Barcelone. Fait bri-
gadier en 1716, il obtient le régiment de Normandie en
1717 et est nommé lieutenant général au gouvernement
de Languedoc pour le Vivarais et le Velay en sept. 1718.
En 1719, il fit partie de l'armée d'Espagne, prit part aux
sièges de Fontarabie, de Saint-Sébastien et de Roses, et fut
nommé maréchal de camp le 10 avr. 1720. Gouverneur du
château d'AIais et des Cévennes le 1er janv. 1721, il fut
chargé la même année d'une mission en Espagne, où il
obtint le collier de la Toison d'or (21 janv. 1722). Com-
mandant en chef en Languedoc (22 févr. 1724) et cheva-
FARE — FAREL
- 10 -
lier des ordres du roi le 13 mai 1731, il servit à l'armée
du Rhin en 1734, assista au siège de Philipsbourg et fut
lieutenant général le 1er août. Il resta à l'armée du Rhin
jusqu'à la paix et obtint, le 29 mars 1738, la charge de
lieutenant général du comté nantais. En 1741, il fit partie
de l'armée de Bavière et de Bohème et prit part au siège et
à la retraite de Prague. De 1743 à 1745, il servit à l'armée
d'Alsace sous Coigny, puis sous Conti, qu'il suivit aux Pays-
Bas en 1746. Créé maréchal de France le 19 oct. de cette
même année, il obtint le 3 déc. 1751 le gouvernement de
Gravelines et mourut à Paris le 4 sept. 1752. Il avait
pour frère, Etienne-Joseph, évêque-duc de Laon, mort
au château de Leschelles le 23 avr. 1741 et n'eut de son
mariage qu'une fille unique, Françoise-Mélanie, mariée à
Claude-Louis Bouthillier de Chavigny, comte de Pons ;
avec lui s'éteignit la descendance directe de La Fare. Mais
elle survivait dans plusieurs branches collatérales. —
Parmi leurs membres, nous citerons : Antoine, fils de
Jacques Ier et tige de la branche de Montclar. Il assista
aux sièges de Turin (1640), Coni (1641), Gravelines,
Dunkerque, Courtray, et fut nommé mestre de camp d'in-
fanterie (1647) au retour de ceux de Crémone et de Saint-
Jean. Nommé gouverneur de Balaguer en 1648, il régla la
capitulation de Sainte-Menehould en 1651 et fut nommé
maréchal de camp en 1652. Enfermé en 1655 à la cita-
delle de Montpellier pour avoir quitté la cour sans congé,
il assista en 1656 au siège de Valence, en Italie, et en 1657
à celui d'Alexandrie. En 1661, il fut nommé gouverneur
d'Agde et du fortBrescou. — Son fils Jacques, qui prit part
à la bataille de Fleurus (1691) et mourut le 16 août 1721,
fut poète et lettré comme son parent Charles-Auguste. —
François, fils de Jacques II, né à La Bastide le 25 mars
1628, mort le 25 déc. 1685, prit part, comme ses parents,
aux guerres du commencement du règne de Louis XIV et
fut la tige de la branche de La Salle oVAlais. — Son
quatrième fils, Char les- Auguste, maréchal de camp, mort
à Paris le 3 juin 1718, fut la tige de celle de Soustelles,
et le neuvième, Henry, mort à Sommières le 17 févr.
1706, de celle de Tornac— Le fils de ce dernier, Antoine-
Denis, mort le 11 avr. 1740, fut maréchal de camp et
gouverneur de Villefranche en Roussillon. La branche de
La Fare La Tour eut pour auteur Louis, second fils de
Jacques Ier. — Le second fils de Louis, Joseph, releva le
titre de marquis de La Fare. Un de ses fils, Jacques-Jean,
combattit vaillamment en Allemagne et aux Indes orientales
pendant la guerre de Sept ans. Le petit-fils de Joseph fut
Gabriel- Joseph-Marie-Henri, né à Luçon en 1749, mort
à La Fare le 12 oct. 1786, brigadier des armées du roi.
Il eut pour fils Anne-Louis-Henry, cardinal de La Fare,
né dans le diocèse de Luçon le 8 sept. 1752, mort à Paris
en déc. 1829. Après avoir fait ses études au collège Louis-
le-Grand, il obtint un bénéfice important par la protection
de Bernis, son parent, et fut nommé vicaire général du
diocèse de Dijon et doyen de la Sainte-Chapelle de la même
ville en 1778. Pourvu de la charge d'élu général du clergé
des Etats de Bourgogne en 1784, il la conserva jusqu'au
moment de sa promotion à l'évêché de Nancy et prononça
le discours d'usage à la messe du Saint-Esprit (1789). A
la Constituante, il se prononça contre la suppression des
ordres religieux et pour la reconnaissance du catholicisme
comme religion d'Etat (13 févr. 1790). Emigré à Trêves,
il adressa de là à son diocèse une instruction pastorale
contre la constitution civile du clergé (26 mai 1791), puis
se réfugia à Vienne à la fin de 1792. Chargé d'affaires du
comte de Provence et des princes français près l'empereur
en 1795, il négocia le mariage du duc d'Angoulême avec
Madame Royale qui le nomma son aumônier. Commissaire
vérificateur, chargé d'ordonnancer le payement des pensions
aux soldats retraités de l'armée de Condé par une maison
de banque de Vienne de 1807 à 1814, il rentra en France
à cette date. Commissaire pour l'exhumation des restes de
Louis XVI et de Marie- Antoinette (17 janv. 1815), il devint
archevêque de Sens en 1817. Pair de France, ministre
d'Etat, commandeur des ordres du roi, il fut cardinal
en 1823 et assista aux conclaves de 1823 et 1829. En 1825,
il prononça le discours par lequel s'ouvrirent les cérémo-
nies du sacre de Charles X. Louis Farges.
Bibl. : Le P. Anselme, t. IL— Pinard, Chron. historique
militaire.— P. Alexis, Généalogie de la maison de La Fare
(s. I., 1766, in-8). — Eloge funèbre de M. de La Fare, évêque
de Laon (s. 1. n. d., 1742, in-4).
FAREC. Nom donné, en Abyssinie, au Bauhinia acu-
minata (V. ce mot).
FAREINISTES (V. Bonjour [Les frères]).
FARE! N S (Farenx, Pharencum, Farens). Corn, du
dép. de l'Ain, arr. de Trévoux, cant. de Saint-Trivier-
sur-Moignans ; 1,063 hab. Cette commune apparaît dès
le xe siècle comme chef- lieu à'ager; son église, sous le
vocable de l'Assomption, relevait de l'abbé de Cluny, et
une partie de son territoire de l'obédience de Montberthou.
Fareins est surtout connu par la secte dite des Farei-
nistes, créée peu avant la Révolution par les curés Claude
et François Bonjour (V. ce nom). G. G.
FAREL (Guillaume), réformateur français, né près de
Gap en 1489, mort à Neuchâtel le 13 sept. 1565. Au cours
de ses études à Paris, où il était arrivé en 1508, il s'attacha
à Le Fèvre d'Etaples (V. ce nom) qui, tout en faisant
« les plus grandes révérences aux images qu'autre per-
sonnage que j'ai cogneu », raconte Farel plus tard, l'en-
gagea à étudier la Bible. Farel vit lentement (1518 à
1521) que « sur terre tout estait autrement en vie et
doctrine que ne porte la Saincte Ecriture ». En 1521,
il accompagna Le Fèvre à Meaux où l'évêque Bri-
çonnet (V. ce nom, t. VIII, p. 3) réunissait quelques
savants partisans des idées nouvelles. Après un voyage à
Gap, Farel se réfugia, en 1523, de Meaux à Bâle; il y
soutint victorieusement, le 17 févr. 1524, des thèses pu-
bliques en faveur de la perfection des Ecritures ; mais
Erasme, qu'il avait brusqué, le fit expulser peu après. Il
alla à Strasbourg, puis à Montbéiiard, où son ardeur im-
pétueuse rendit également impossible une activité pro-
longée. Après divers autres voyages, Farel se fixa (fin
1526), avec l'autorisation des seigneurs de Berne, à Aigle
(Valais); dès 1528, la Réforme y était officiellement
acceptée. Aussitôt Farel, pour qui le mouvement était la
vie, reprit ses voyages et son apostolat ; il prêcha à Morat,
à Lausanne, à Bienne, à Neuchâtel, où il arriva en oct.
1529. Partout1, sa fougue s'impatientait de la lenteur
avec laquelle on acceptait des convictions qui, pour lui,
étaient aussi inébranlables qu'évidentes ; plus d'une fois
il fut blessé dans des bagarres. En automne 1530, il
réussit à faire adopter publiquement la Réforme à Neu-
châtel. Ce fut pour lui le signal du départ. A Orbe, en
mai 1531, il gagna Viret (V. ce nom); à Granson, peu
après, il faillit être assassiné ; en 1532, il prend une part
active à un synode vaudoisàChanforans(vald'Angrogne);
en 1533, il est à Genève, où il avait envoyé Froment
(V. ce nom) l'année précédente, et provoque une dispute
publique (29 janv. 1534) qui eut pour résultat immédiat
que le conseil ordonna aux prêtres de prêcher purement
l'Evangile, et, dès le 10 août 1534, la messe fut abolie ;
un an plus tard parut le fameux édit de réformation
(27 août 1535); et, en août 1536, Farel donna Calvin à
Genève (V. t. VIII, p. 1013, 2e col.). Les deux furent
bannis par le parti libertin (V. ce mot) en avr. 1538.
Farel revint à Neuchâtel, y formula les remarquables or-
donnances ecclésiastiques, où l'on trouve indiquée la sépa-
ration des deux pouvoirs; elles furent sanctionnées le
13 févr. 1542. La même année, on le trouve à Metz, puis
à Montigny; en oct. 4543, à Gorze, où il manqua périr
avec plusieurs autres par la main des mercenaires de Claude
de Guise. Par Strasbourg, il retourna à Neuchâtel, où il
demeura, sauf des absences passagères, jusqu'en 1561.
Son mariage, le 20 déc. 1558, scandalisa plusieurs de ses
amis, entre autres Calvin. Après un nouveau voyage à
Gap, où il fit triompher le protestantisme après avoir été
jeté en prison, Farel fit, en 1564, une dernière visite à
— 11 —
FAREL — FAREZ
Calvin mourant, alla encore à Metz (printemps 1565) et
mourut quelque temps après son retour à Neuchâtel. —
Plus soldat que chef, plus apôtre que réformateur, nul ne
fit plus que lui, dans cette première période, pour répandre
la réforme religieuse, surtout dans la Suisse romande. Il
est beaucoup moins important comme penseur. Parmi ses
écrits, énumérés par Haag (France protestante; Paris,
1855, t. V, pp. 70 et suiv.), il suffit de citer le Som-
maire : c'est une briève déclaration dlaulcuns lieux
fort nécessaire a un chacun chrestien pour mettre sa
confiance en Dieu et ayder son prochain (lre éd. ano-
nyme, date inconnue; 2e éd. en 1534, réimprimée par
J.-G. Baum à Genève, 1867, in-12; 3e éd., à Genève,
1552, in-8); le Glaive de la parolle véritable, etc.
(Genève, \ 550, in-8 ; important pour la connaissance des
Libertins); Bu Vray Usage de la Croix, etc. (Genève,
1560, petit in-8; réimp. à Genève, 1867). Un grand
nombre de lettres sont encore inédites. La Manière et
fasson qu'on tient en baillant le sainct baptême, etc.
(Serrières, 1533, in-18)est attribué à Farel par J.-G. Baum
dans la réimpression à Strasbourg, 1859. F.-H. K.
Bibl.: Ancillon, Vie de G. Farel; Amsterdam, 1691. —
M. Kirchhofer, Das Le&en W. Farels, etc. ; Zurich, 1831-
1833, 2 vol. — Ch. Schmidt, Etudes sur Farel; Strasbourg,
1859. — Roman., Farel, homme d'action ; Montauban,1870.—
H. Heyer, G. Farel, développement de ses idées théolo-
qiques; Genève, 1872. — Goguel, Histoire de G. Farel;
Neuchâtel, 1873.
FARELLI (Giacomo, chevalier), peintre de l'école napo-
litaine, né en 1624, mort en 1706. Formé par Andréa
Vaccario, il commença par reproduire avec grand succès la
manière de ce maître; puis, séduit par le Dominiquin, il
entreprit de marcher sur ses traces. A cet essai d'imi-
tation, il ne fit que perdre sa grâce native et les qualités de
coloriste que semblait annoncer la Sainte Brigitte peinte
par lui dans sa jeunesse en l'église de ce nom. Ses fresques
les plus estimées se trouvent à Sainte-Marie-Majeure (Chute
des anges, Assomption, Cinq Apôtres) et à la Redenzione
dei Cattivi à Naples. Citons aussi de lui des scènes delà vie
de la Vierge dans la sacristie annexée au Trésor de Saint-
Janvier.
FAREMOUTIERS ou FARMOUTIER (Farœ monaste-
rium). Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de Cou-
lommiers^ cant. de Rozoy ; 843 hab. Stat. du ch. de fer
de l'Est, ligne de Paris à Vitry-le-François. Sainte Fare y
fonda au vne siècle une abbaye de bénédictines qui subsista
jusqu'à la Révolution. Sur son emplacement s'élève aujour-
d'hui une propriété particulière ; on a conservé cependant
une partie des caves voûtées, datant du xive siècle.
Bibl. : Gallia christiana, t. VIII, col. 1700-1708.
FARÈS (Ouled-). Tribu d'Algérie (V. Ouled-Farès).
FARESQÔR. Petite ville de la Basse-Egypte, située sur
la rive gauche de la branche de Damiette, à 19 kii. au S.
de cette ville. Elle fait partie de la moudirieh de Dakhalieh.
FAR ET (Nicolas), littérateur français, né à Bourg en
Bresse en 1600, mort à Paris en sept. 1646. Avocat au
présidial de Bourg, il vint à Paris avec des lettres de recom-
mandation pour Vaugelas et Boisrobert qui le firent entrer
dans la maison du comte d'Harcourt, comme secrétaire.
En 1637, il exerça la charge de secrétaire de l'armée na-
vale du roi, occupa le même emploi à l'armée d'Italie,
devint conseiller et secrétaire du roi, et enfin intendant
du comte d'Harcourt. Ami de Molière et de Saint-Amant,
il fit partie de l'Académie française dès sa formation (1633),
et rédigea le discours qui sert de préface aux statuts. On a
de lui : Histoire chronologique des Ottomans, insérée à
la fin de V Histoire de Georges Castriot, recueillie
par Jacques de Lavardin (Paris, 1621, in-4); une
traduction de Y Histoire romaine d'Eutropius (Paris,
16^,6, in-8); des Vertus nécessaires à un prince (1623,
m-4); Recueil de lettres nouvelles (1627, in-8);
l'Honnête Homme ou l'art de plaire (1630, in-8) ; des
Poésies diverses et la préface des Œuvres de Saint-
Amant (1629, in-4). R. S.
Bibl. : Pellisson et (TOlivet, Histoire de l'Académie^
éd. Livet, 2 vol. in-8.
FA R EW E L L Cap méridional du Grœnland, par 59°49'1 2"
lat. N. et46°14/4//long. 0.
FAREWELL. Cap de la Nouvelle-Zélande, au N.-O.
de l'île méridionale.
FAREY (John), géologue et mathématicien anglais, né
à Woburn (Bedforshire/en 1766, mort à Londres en 1826.
11 fut de 1792 à 1802 intendant des vastes domaines du
duc de Bedford, puis vint se fixer à Londres, où il exerça
la profession d'arpenteur. Il s'occupa en même temps de
géologie, fit des explorations dans toute l'Angleterre, dressa
de nombreuses cartes et réunit une riche collection
d'échantillons de roches et de minéraux. Les résultats
de ses travaux, qui ont aussi porté sur la théorie physique
de la musique, sur les machines à vapeur, sur les étoiles
filantes et sur quelques questions de mathématiques (V. ci-
dessous), se trouvent consignés dans une soixantaine de
mémoires publiés de 1804 à 1824 par le Philosopha
cal Magazine, le Journal de Nicholson, etc. ; citons :
On the Numération of timber (Philos. Mag., 1804);
Six Theorems containing the chief properties of ail
regular Bouzeavesy stems of music ( Philos. Mag. ,
1810); On the Annexion between shooting stars and
large meteors (Nichols. Journ., 1813); On a Curious
Property of vulgar fractions (Philos. Mag., 1816, et
Bull, de la Soc. philom., 1816), etc. Il a en outre
collaboré à la Rees's Encyclopœdia. Enfin il a donné à
part : General View of agriculture and minerais of
Derbyshire (Londres, 1811-17, 3 vol. in-8). L. S.
Suites de Fàrey. — Si l'on se propose de ranger par
ordre de grandeurs croissantes toutes les fractions irré-
ductibles à termes positifs, dont le dénominateur ne sur-
passe pas un nombre donné, on obtient des suites consi-
dérées par Farey, qui a énoncé ce théorème : « Dans une
suite d'indice donné, toutes les fractions irréductibles,
comprises entre 0 et 1 , sont telles que chacune d'elles est
la médiante des deux qui la comprennent. » L'indice est
le nombre donné, que le dénominateur ne doit pas sur-
passer; la médiante des deux fractions 7 et - est , . ,.
On démontre que le nombre des fractions de la suite de
Farey d'indice p est égal à 1 augmenté de la somme des
indicateurs àesp premiers nombres. Voici, à titre d'exemple,
la suite de Farey d'indice 7 :
011112123143
3 4 5 6 1
1765 4 73572753745671
On peut remarquer que la somme des fractions équidis-
tantes des extrêmes est toujours 1. M. Sylvester a publié
plusieurs mémoires intéressants sur les suites de Farey.
A. Làisant.
Bibl. : Farey, Bulletin de la Soc. philomathique, 1816.
— Ed. Lucas, Théorie des nombres, t. I, p. 474. — Liste
des mémoires dus à Farey dans le Catalogue of scientific
papers de la Société royale ; Londres, 1868, t. II, in-4.
FAREY (John), ingénieur anglais, fils du précédent, né
à Lambeth (Surrey) le 20 mars 1791, mort à Sevenoaks
(Kent) le 17 juil. 1854. Il fut d'abord dessinateur, tra-
vailla pour diverses publications illustrées, inventa en
1 807 un instrument pour faciliter l'établissement des des-
sins de perspective, un autre, en 1813, pour le tracé des
ellipses, et, après un séjour de trois ^années en Russie
(1819-21), où il fonda plusieurs établissement industriels,
revint exercer à Londres la profession d'ingénieur civil. Il
a écrit: A Treatise on the steam engine (Londres,
1827, lre part., in-4). # L. S.
FAREZ (Fénelon-Maximilien-Lycurgue), homme poli-
tique français, né à Cambrai le 6 févr. 1793, mort à Douai
le 1er févr. 1862. Avocat à Cambrai, bâtonnier de l'ordre,
colonel de la garde nationale, il fut nommé avocat général
à la cour d'appel de Douai au début de la révolution de
1848. Le 23 avr., il fut nommé représentant du Nordjt
la Constituante, et siégea parmi les républicains modérés.
FAREZ — FARGUEIL
_ 12 —
-r- Son père, Maocimilien, né à Villers-Plouich (Nord) le
10 févr. 1769, mort à Douai le 20 juin 1841, avocat et
professeur de belles-lettres, fut nommé en 1806, par le
Sénat conservateur, représentant du Nord au Corps légis-
latif. Il fut réélu le 8 mai 1811 et le 11 mai 1815. La
Restauration lui enleva ses fonctions de procureur au tri-
bunal de Cambrai. Le gouvernement de Juillet le nomma
procureur général à la cour de Douai. Il est l'auteur d'un
projet de loi sur la responsabilité ministérielle.
FARFADET (V. Nain).
FAR FAR. Oasis d'Algérie, au S. dudép. deConstantine,
dans la région des Ziban, à 38 kil. à l'E. de Biskra, et à
2 kil. avant d'arriver à la grande oasis de Tolga. A 2 kil.
à FO. se trouvent les ruines de Zaatcha, détruite par le
siège fameux de 1849.
FAR FA RI A. Nom donné par les indigènes d'Algérie à
la région au S.-E. de Biskra, qui forme la bordure septen-
trionale du chott Melr'ir et où viennent se perdre dans les
sables et la vase les divers oueds qui descendent des flancs
de l'Aurès. Toute cette région, inondée après la pluie, pa-
raît être au-dessous du niveau de la mer.
FARFUSOLA (Bartolommeo), peintre de l'école véni-
tienne, né à Vérone, mort en 1640. Les églises de sa
ville natale possèdent de lui plusieurs ouvrages ; citons no-
tamment une Sainte Ursule, dans l'église de ce nom.
FARGES. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Gex, cant.
de Collonges ; 573 hab.
FARGES (Les). Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Sarlat, cant. de Montignac ; 259 hab.
FARGES. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. et cant.
(N.) de Chalon-sur-Saône ; 317 hab.
- FARGES. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Ma-
çon, cant. de Tournus ; 350 hab.
FARGES-Allichamps. Corn, du dép. du Cher, arr. et
cant. de Saint-Amand-Montrond ; 430 hab.
FARGES-en-Septaine. Corn, du dép. du Cher, arr. de
Bourges, cant. de Baugy ; 1,780 hab.
FARGES (Pierre-Marie-Louis), historien français con-
temporain, né à Aurillac le 12 oct. 1858. Après des études
faites à l'École des chartes et à l'Ecole des hautes études,
il entra au ministère des affaires étrangères où il est sous-chef
du bureau historique (1893). Outre de nombreux mémoires
sur l'histoire moderne, dans divers recueils et notamment
dans la Revue historique où il collabore régulièrement, au
Bulletin bibliographique, on lui doit la publication des
deux volumes concernant la Pologne (Paris, 1888, in-8),
dans le Recueil des instructions données aux ambas-
sadeurs et ministres de France, depuis les traités de
Westphalie jusqu'à la Révolution, publié par le minis-
tère des affaires étrangères, et Stendhal diplomate (Paris,
1892, in-12). M. Louis Farges est collaborateur de la
Grande Encyclopédie.
FARGIS (Madeleine de Silly-Rochepot, dame du), dame
d'atours de Marie de Médicis, morte à Louvain en sept.
1639. Elle était fille d'Antoine de Silly, comte de La
Rochepot, gouverneur d'Anjou, et de Marie de Lannoy.
Après des aventures galantes, Madeleine de Silly se fit
carmélite, puis rentra dans le monde et épousa du Fargis
d'Angennes qui fut ambassadeur en Espagne. A son retour,
elle fut dame d'atours de Marie de Médicis et se livra à
des intrigues contre Richelieu. Elle suivit la reine dans
l'exil, fut condamnée à mort par contumace par la chambre
de l'Arsenal et exécutée en effigie (1631). G. R.
Bibl. : Journal de Monsieur le cardinal-duc de Riche-
lieu, 1648, in-18. — Aubery, Histoire du cardinal-duc de
Ricjielieu, 1660, pp. 136, 139 et 141, in-fol.
FA RG NIER. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de La Fère; 1,929 hab.
FARGUé (Louis-Jérôme), ingénieur français, né à Ver-
dun (Meuse) le 20 mai 1827. Inspecteur général dans le
corps des ponts et chaussées, dont il est l'une des lumières,
M. Fargue est principalement connu par des travaux exé-
cutés dans la Garonne avec le plus grand succès. Ces tra-
vaux ont servi de démonstration à une théorie de l'amélio-
ration des rivières qui constitue un progrès considérable
dans cette branche de la science de l'ingénieur et que l'on
peut résumer de la manière suivante : les courbes que
forme un cours d'eau ne sont pas compatibles avec de
bonnes profondeurs dans tout le thalweg, si leurs longueurs
sont très variables ; il faut donc avant tout fixer les sinuosités
des rivières, et qu'on ait partout le même développement,
à peu près, d'un point d'inflexion au suivant. Mais cela ne
suffit évidemment pas, car la variation des largeurs ne
peut être arbitraire ; les travaux exécutés dans la Garonne
et les mémoires de M. Fargue montrent qu'on se met dans
les meilleures conditions en adoptant des largeurs maxima
aux points où le courant se porte contre l'une des rives, et
des largeurs minima aux points d'inflexion où le courant
ne se porte pas plus d'un côté que de l'autre. Ce n'est pas
tout encore : il faut que les courbures des rives varient
graduellement et qu'aux points d'inflexion elles soient
convexes, vues de l'axe de la rivière, sur les deux rives.
On a constaté sur la Garonne que des tracés ration-
nels avaient eu pour conséquence de porter de 0m75
à plus de 2 m. la profondeur minima dans le thalweg. —
M. Fargue est venu trop tard, car de grands travaux ont
été faits avant lui dans la Garonne et n'ont produit aucun
résultat ; par conséquent, les beaux succès obtenus sur
une certaine longueur n'ont qu'une utilité limitée.
Une conséquence imprévue des travaux de M. Fargue
dans la Garonne a été la diminution de la pente superfi-
cielle ; on conçoit que cela devait nécessairement se pro-
duire à la suite de la disparition, ou au moins de l'écrête-
ment des hauts fonds. Il en est résulté des remaniements
locaux des pentes en amont, mais la Garonne ayant par
endroits des fonds infouillables et les profondeurs y étant
incompatibles avec une navigation sérieuse, ces désordres
ne se sont pas propagés très loin et n'ont eu aucune con-
séquence grave, si ce n'est la diminution de la profon-
deur sur le radier de l'écluse d'embouchure du canal
latéral à la Garonne, à Castets. — Néanmoins, ce fait de
la diminution de la pente après le règlement des courbures
et des largeurs doit être noté comme étant d'une impor-
tance majeure au point de vue des projets d'amélioration
des rivières. Il n'est pas possible que cette diminution se
propage indéfiniment de l'aval à l'amont, car (sans parler
de la durée énorme de l'évolution) il en résulterait de tels
abaissements du lit, que les rives finiraient par s'effondrer.
Il faut donc soutenir le lit de distance en distance, au
moyen de barrages de soutènement convenablement placés.
Supposons, par exemple, que la diminution de pente pré-
vue soit de 0m20 par kil., et qu'on ne puisse admettre plus
de 2 m. d'abaissement de l'étiage ; il faudra fixer le lit
tous les 10 kil. Pour se rendre compte de ce qu'est
devenue la science des rivières dans ces derniers temps, il
faudra étudier ces questions dans les deux grands mémoires
publiés par M. Fargue dans les Annales des ponts et chaus-
sées (1868 eUSS^etd-àïisVHydrauliquejluvialeiiSU).
FARGUEIL (Anaïs), actrice française, née à Toulouse le
21 mars 1819. Destinée d'abord au chant, celle qui devait
devenir une des premières comédiennes de son temps fit
de bonnes études musicales au Conservatoire de Paris. Elle
y obtint un second prix de solfège en 1833, et, en 1834,
les deux premiers prix de solfège et de vocalisation. En-
gagée peu de temps après à l' Opéra-Comique, elle y débuta
enfévr. 1835 sans grand succès. Au bout d'une année,
elle le quitta pour entrer au Vaudeville. Là, dans un petit
cadre, avec un orchestre restreint, sa voix, conduite avec
un goût parfait, reprenait tous ses avantages. Son début
au Vaudeville, dans le Démon de la nuit, le 11 mai
1836, lui valut un succès éclatant, que les auteurs s'em-
pressèrent de mettre à profit en lui confiant de nouvelles
créations. Dans l'espace de quelques années, elle établit sa
réputation d'une façon solide. En 1842, elle quitta le Vau-
deville pour le Palais-Royal, puis, deux ans après, elle
passa de ce théâtre à celui du Gymnase, où elle fit de
nombreuses créations: Sa grâce, sa beauté, son talent lui
avaient valu des succès bruyants, lorsque tout à coup, en
1845, elle disparut de Paris sans aucune raison apparente.
Son absence dura sept années, pendant lesquelles elle se fit
applaudir dans les départements et à l'étranger. En 1852,
elle reparut au Vaudeville. Son talent avait pris de l'am-
pleur ; des amoureuses et des jeunes premières elle passait
aux premiers rôles, et la transformation de ce talent se ma-
nifesta surtout dans trois rôles qui lui valurent de véritables
triomphes : Marco, des Filles de marbre ; Louise, du
Mariage d'Olympe, et Lucie, de Lucie Didier* La jolie
comédienne était devenue une actrice de drame puissante
et pathétique, aussi remarquable par la profondeur que par
l'autorité de son jeu plein de mouvement et de passion.
Elle se fit acclamer dans la Vie en rose, Dalila, Rédemp-
tion, les Femmes fortes, Nos Intimés, Maison neuve,
Miss Multon, et fit courir tout Paris. Elle s'éloigna pour-
tant un instant de ce théâtre pour aller créer triomphale-
ment à la Porte-Saint-Martin Patrie, de M. Sardou, puis
elle y revint pour se faire applaudir dans V Artésienne,
les Pattes de mouches, V Oncle Sam. En 1873, Mlle Far-
gueil créa à l'Ambigu, avec un très grand succès, le rôle
de Rose Michel dans le drame de ce nom ; elle joua deux
autres pièces à ce théâtre, puis, en 1876, elle partit pour
la Russie, d'au elle revint peu de mois après. Depuis lors,
elle a renoncé définitivement au théâtre. A. P.
FARGUES. Corn, du dép. des Landes, arr. et cant. de
Saint-Sever; 392 hab.
FARGUES. Corn, du dép. du Lot, arr. de Cahors, cant.
de Montcuq; 442 hab.
FARGUES. Gom. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Nérac, cant. de Damazan ; 735 hab.
FARGUES (Balthasar de), aventurier français, pendu
le 27 mars 1665. II fut d'abord simple soldat, puis em-
ployé aux vivres où il se rendit coupable de nombreuses
déprédations. Devenu major du régiment de Bellebrune,
il prit parti pour la Fronde, s'empara d'Hesdin qu'il vendit
à don Juan d'Autriche et en toucha le prix sans lui livrer
la place; il s'y rendit indépendant, tira sur l'armée du
roi, et commit toutes sortes d'excès. Grâce au prince de
Condé, il sortit de la ville à la faveur de la paix des Py-
rénées, et vint étaler à Paris son luxe orgueilleux avec le
résultat de ses pillages. Louvois le fit arrêter comme cou-
pable de prévarication ; de Fargues fut jugé souveraine-
ment et sans appel par une commission et condamné à être
pendu. G. R.
Bibl. : Saint-Simon, Mémoires; Paris, 1873, p. 311. —
Lémontey, Essai sur rétablissement monarchique de
Louis XIV, 1818, in-8 (Pièces justificatives, n° 1).
FARGUES-de-Langon. Com. du dép. de la Gironde,
arr. de Bazas, cant. de Langon ; 795 hab.
FARGUES-Saint-Hllaire. Com. du dép. de la Gironde,
arr. de Bordeaux, cant. de Créon ; 548 hab.
FARGUES (Jean-Joseph Méallet, comte de), homme
politique français, né à Vodables le 12 mars 1777, mort à
Lyon le 21 avr. 1818. Il émigra à la Révolution, servit
dans l'armée de Condé, et, rentré en France sous l'Em-
pire, devint administrateur des hôpitaux de Lyon et adju-
dant-major de la garde nationale. Il favorisa de toute son
influence la Restauration, et, nommé maire de Lyon,
adhéra pour la forme au gouvernement des Cent-Jours, et
reçut fort bien Napoléon à son passage. Néanmoins, il
demeurait l'agent le plus actif des Bourbons, entretenant
une correspondance avec le duc d'Angoulême et M. de
Chabrol. Elu député du Rhône le 22 août 1815, M. de
Fargues fut encore réélu le 4 oct. 1816 et le 21 sept. 1817.
Il combattit le cabinet Decazes, et, lors des troubles de
Lyon, il ne fit rien pour en empêcher la répression san-
glante. Il demeura cependant maire de Lyon jusqu'à sa
mort. Il a publié pour sa défense : la Vérité sur les
événements de Lyon (Lyon et Paris, 4 818, in-8).
FARGUES (Joseph-Etienne-Charles), homme politique
français, né à Montréal (Aude) le 2 janv. 1786, mort à
- 13 - FARGUEIL - FARIA
Montréal le 25 avr. 1860. Entré dans l'armée, il parvint
au grade de chef de bataillon d'infanterie, puis démissionna.
Après deux échecs aux élections législatives à Carcassonne,
en 1831 et 1834, il fut élu député de cette circonscription
le 28 août 1841. Membre du tiers-parti, il fut réélu le
9 juil. 1842 et fut battu aux élections du 1er août 1846.
FARGUS (Frederick-John), littérateur anglais, plus
connu sous son pseudonyme de ttugh Conway, né à Bristol
le 20 déc. 1847, mort à Monte-Carlo le 15 mai 1885.
Passionné pour la marine, il fit des études spéciales sur la
frégate-école Conway, mais son père ne lui permit pas de
suivre cette carrière et le plaça dans une maison d'agents
comptables où il demeura jusqu'en 1868, date à laquelle il
succéda à la charge de commissaire-priseur de son père.
Dès sa prime jeunesse il avait manifesté de rares aptitudes
littéraires, et, encore sur les bancs de l'école, il avait écrit
une pièce burlesque en trois actes, Jason or the Gloden
Fleece, qui ne manque pas d'agrément. Il mena de front
sa profession et la carrière des lettres et s'acquit un égal
renom comme connaisseur d'art et comme romancier. Colla-
borateur du Blackwood's Magazine, du Chambers's Edin-
burgh Journal, de YEnglish illustrated Magazine et
autres périodiques, il a laissé de nombreuses nouvelles dont
quelques-unes ont obtenu un succès prodigieux et ont été
traduites dans toutes les langues. Nous citerons : A Life* s
Idylls and other Poems (1879), The Daughter ofthe
stars (1881) ; The Secret of Stradivarius (1881) ; The
Bandmaris Story (1882); Fleurette (1883); Called
Back (1883), qui se vendit à plus de 400,000 exemplaires
et dont il tira un drame avec la collaboration de Comyns
Carr (200 représentations an Prince* s Théâtre en 1884) ;
My First Client (1883) ; Miss Rive f s Revenge (1883) ;
Red Hill Mystery (1883); Paul Vargas (1884) ; Chewton
Abbot(\%U)\ Dark Day s (1884), The Bichwa (1884);
A Dead man's face (1884) ; Cariston's Gift (1885) ; The
Story of a sculptor (1885), Slings and Arrows (1885) ;
Living or Dead (1886), Somebody's Story (1887), etc.
FARIA (Manoel Severim de), historien et archéologue
portugais, né à Lisbonne en 1583, mort à Evora le 23 sept.
1655. Docteur en théologie, il fut chantre et chanoine de
l'église d'Evora et rendit de grands services patriotiques à
cette cité. Possesseur d'une bibliothèque de livres précieux
et d'un riche musée, il consacra ses loisirs à l'étude de
l'histoire et des antiquités nationales. On lui doit : Dis-
cursos varios ; vidas de Jodo de Barros, Diogo do
Couto e Luiz de Camoês (Evora, 4624, in-4; Lisbonne,
1791 et 1805, in-8) ; cette dernière biographie a servi de
base à toutes celles consacrées an grand poète ; Relaçâo
universal do que succedeo em Portugal, e mais pro-
vincias do occidente e oriente de março i625 até todo
setembro de J626 (Lisbonne, 1626, in-4); Discurso
sobre a origem e grande antiguedade das vestes que
usa por habit o ecclestiastico o clero de Portugal; dis-
cursos varios (Evora, 1634, in-4; Lisbonne, 1791 et
4805, in-8) ; Noticias de Portugal (Lisbonne, 1655,
pet. in-fol. ; 1740, pet. in-fol., et 1791, 2 vol. in-8),
ouvrage d'une grande érudition, comprenant la géographie
économique et politique, l'histoire nobiliaire, la numisma-
tique et une série d'éloges d'hommes illustres de Portugal.
Il laissa d'autres ouvrages demeurés inédits. G. P-i.
FARIA e Souza (Manoel de), célèbre historien portugais,
né à Caravella, près de Pombeiro, le 18 mars 1590, mort
à Madrid le 3 juin \ 649. Sa vie fut entièrement consacrée
à l'étude. En 1631, il accompagna le marquis de Castel-
Rodrigo en ambassade à Rome, où il séjourna environ
quatre ans, et il vécut ensuite à Madrid. Extrêmement labo-
rieux, il laissa une soixantaine de volumes, écrits presque
exclusivement en espagnol et dont dix-sept seulement furent
imprimés. Dans l'histoire, il débuta par un Epitome de
las historias portuguezas (Madrid, 1628, 2 part, in-4 ;
Bruxelles, 1677, in-fol. et 1730, in-fol.), travail qu'il
développa ensuite en un vaste ouvrage comprenant l'his-
toire de l'empire portugais dans toutes les parties du monde,
FARIA - FARINA
- 44 —
mais qui ne vit le jour qu'après sa mort : Europa portu-
gueza (Lisbonne, 1667, 3 vol. pet. in-fol. ; -1678-80,
3 vol.) ; Asia portuguem (Lisbonne, 4666-75, 3 vol.) ;
Africa portugueza (4681) ; le volume consacré à l'Amé-
rique portugaise, qui fut, dit-on, achevé par l'auteur, n'a
point paru. Il rédigea, sur les matériaux fournis par le
P. A. Semmedo, un précieux volume sur la Chine : ira-
perio de China i cultura evangelica en él (Madrid,
1642, in4), et il traduisit et compléta l'important Nobi-
liario du comte de Barcellos (V. ce nom). Ses commen-
taires sur le poème de Camoëns, As Lusiadas (Madrid,
4639, 3 vol. in-fol. ), lui valurent des persécutions du
saint-office. Faria y Souza était aussi poète lui-même, et la
plupart de ses compositions ont été réunies dans deux
recueils : Noches claras (Madrid, 4624-26, 2 vol.) et la
Fuentede Aganipe (Madrid, 4644-46). On y trouve en-
viron deux cents sonnets et d'autres pièces en portugais,
tandis que le reste est en castillan, mais la richesse
d'expressions n'en rachète point le style ampoulé et la lour-
deur des idées. G. P-i.
FARIBAULT. Ville des Etats-Unis, Etat de Minnesota,
sur le Cannon-River ; 7,000 hab. Hospices, établissements
industriels.
FARIDPOUR. Ville de l'Inde anglaise, présidence de
Bengale, prov. de Dacca, ch.-l. de district, dans le delta
du Gange, sur le Mara-Padma qui la met en communication
avec le fleuve; 40,000 hab. environ. — Le district a
6,425 kil. q. ; 632,000 hab. environ (58 °/0 Mahometans,
42 %). Presque entièrement submergé lors des inonda-
tions du Gange, ce district est malsain et cependant très
peuplé, produisant beaucoup de riz et de jute.
. FARILLON (Pêche). Réchaud porté à l'extrémité d'un
long bras, et dans lequel on entretient un feu clair dans le
but d'attirer le poisson.
FARIN (François), historien normand, né à Rouen le
47 mai 4604, mort à Rouen le 8 sept. 4675. Prêtre habitué
à l'église Saint-Godard de Rouen, organiste et clerc matri-
culier de cette paroisse, Farin s'attacha à recueillir des
documents sur l'histoire de sa ville et de sa province
natales. On lui doit : la Normandie chrèstienne ou V His-
toire des archevesques de Rouen qui sont au catalogue
des saints.,, avec un ample discours du privilège de
saint Romain (Rouen, 4659, in-4) ; Histoire de la ville
de Rouen (Rouen, 4668, 3 vol. in-42; réimpr. en 4740
et en 4731). Ch.-V. L.
Bibl. : N.-N. Oursel, Nouvelle Biographie normande;
Paris, 1886, t. I'r, p. 348, in-8.
FARINA (Porto) (V. Gàr el Meloh).
FARINA (Fabrizio), sculpteur toscan de la fin du
xvie siècle, renommé surtout pour son habileté à travailler
le porphyre. Il participa aux travaux faits avec cette pierre
dure pour la chapelle des Médicis à San Lorenzo de Flo-
rence, et il exécuta en 4640, avec RaffaelloCurrado, d'après
les modèles d'Orazzo Mocchi, les images en porphyre de
Ferdinand Ier et de Cosme II qui se trouvent au palais
Pitti.
FARINA (Pier Francesco), peintre de l'école bolonaise,
de la seconde moitié du xvir9 siècle. Elève des frères An-
tonio et Giuseppe Roli, il excella dans le genre ornemen-
tal. Le palais de Karlsruhe et diverses églises de Bologne
lui doivent leur décoration.
FARINA (Fra Ubaldo), sculpteur bolonais, qui exécuta,
en 4746, deux Evangélistes en terre cuite qui sont dans
l'église San Giovanni in Monte, à Bologne.
FARINA (Giovanni-Maria), industriel italien, néàCrana,
près de Santa Maria Maggiore (prov. de Novare) en
4686, mort à Cologne en 4766. Vers 4708 il serait venu,
avec ses trois frères puînés Giovanni-Battista, Carlo-
Geronimo et Giulio, retrouver à Cologne un parent, Gio-
vanni-Paolo Feminis, de Domo d'Ossola, qui habitait depuis
longtemps la cité rhénane où, à un commerce de denrées
exotiques, il joignait la fabrication de l'essence aujourd'hui
appelée eau de Cologne. La traditionjveut que ce Feminis
ait tenu sa précieuse recette d'un moine d'Orient de passage
à Domo d'Ossola. N'en révéla-t-il le secret qu'à son retour
à Santa Maria Maggiore, où il mourut très riche, et qu'au
fils seul de Carlo-Geronimo Farina, Giovanni- Antonio,
parti pour Cologne en 4748, ou, au contraire, les quatre
frères Farina la connaissaient-ils avant leur départ d'Italie ?
Les deux versions et d'autres encore ont cours, entrete-
nues par des rivalités commerciales, et les patientes re-
cherches des archivistes de Cologne qui ont reconstitué la
généalogie des Farina n'ont pas encore fait la lumière sur
ce point. En tout cas, il est certain que Giovanni-Maria et
Giovanni-Battista s'associèrent à Cologne ; que Carlo-Ge-
ronimo et Giulio allèrent à Dusseldorf, mais que leurs fa-
milles, associées et alliées, retournèrent de bonne heure
à Cologne ; que les quatre frères tinrent dès le début des
commerces analogues à celui de Feminis et que tous, au
milieu du xvme siècle, fabriquaient la fameuse essence
sous les dénominations d' « acqua de regina », d' « eau
admirable », d' « eau médicinale ». Giovanni-Maria ne
laissa pas d'enfants ; ses cadets eurent au contraire de
nombreux descendants mâles, tous adonnés à l'exploitation
de la recette héréditaire, et la plupart prénommés, comme
leur vieil oncle et arrière-grand-oncle paternel, Johann-
Maria. Cette dernière particularité et les cessions de droits
faites successivement et en grand nombre à des personnes
étrangères expliquent comment tant de maisons peuvent
aujourd'hui mettre sur leurs enseignes : Johann-Maria
Farina. Léon Sàgnet.
FARINA (Salvatore), romancier italien, né à Sorso,
près de Sassari, dans l'île de Sardaigne, le 40 janv. 4846.
C'est un des rares romanciers italiens qui aient réussi à
se créer un public, à se faire lire dans un pays où on ne
lit pas, où la littérature ne franchit guère un cercle étroit ;
et, depuis Bersezio, c'est le seul qui ait recueilli quelque
notoriété à l'étranger. Ce succès il le doit au genre bien
spécial de son talent que le mot anglais humour carac-
térise bien. Sans imiter Dickens, il l'a parfois transposé
et s'en est assimilé, non les procédés, ce qui serait peu,
mais l'esprit, cette manière de badiner avec ses personnages,
de n'avoir pas l'air de les prendre au sérieux, même en
leurs plus tragiques aventures, quitte à se laisser aller tout
d'un coup, et souvent mal à propos, à une crise de sensi-
bilité; tel encore M. A. Daudet, dans ses premiers romans.
Si donc Salvatore Farina n'est pas, comme on l'a dit, un
Dickens italien, ce qui serait bien surprenant, il apparaît
néanmoins comme un romancier de la famille littéraire, de
la race intellectuelle des humoristes à la Dickens, et cette
parenté est une partie de son originalité. Il a des qualités
bien personnelles, le don de l'observation narquoise par
exemple, et aussi l'art de rassembler sur un seul personnage
mille petits faits qui, accumulés comme des traits de burin,
gravent un véritable type : ainsi son Monsieur Moi, qui est
un admirable et pourtant amusaut portrait de l'égoïste naïf,
presque pas méchant et d'autant plus cruel. Ce roman, Il
Signor Io, est le chef-d'œuvre de M. Farina et, en soi, une
œuvre. Egalement fort intéressant son Don Chisciottino,
dont le titre dit assez le sujet; c'est, comme Monsieur
Pickwick, une variation sur le thème imaginé par Cervantes,
mais l'auteur, en cette étude, pleine encore de qualités, a
manqué un peu de rigueur logique. Ses autres romans prin-
cipaux sont : Amorbendato, où il fait preuve d'un art
singulier dans l'analyse des sentiments les plus fins ; Capelli
biondi, excursion dans le domaine réaliste ; Oro nascosto,
roman où sont combattues les thèses de la philosophie maté-
rialiste ; Il Tesoro di Donnina, le plus grand succès du
romancier : Amore a cenfocchi, étude de mœurs sardes,
très attachante et qui semble aussi vraie que les romans
italiens les plus « véristes » ; Mio Figlio, monographie de la
famille, suite de tableautins d'intérieur; Caporal Silvestro,
où l'observation s'allie à une sorte de fantastique assez neuf
et tout psychologique. Citons encore, romans, nouvelles ou
recueils de nouvelles : Dalla Spuma del mare; Frutti
proibiti; Racconti e Scène; Il Marito di Laurina;
- 15 -
FARINA — FARINE
V Intermezzo e la pagina nera ; Fra le corde di un
contrabasso ; Il Romanzo di un vedovo; enfin, Per la
Vita e per la Morte (1892). M. Farina appartient pour
le style à l'école des romanciers qui s'en préoccupent très
peu. Il écrit simplement, sans recherches, ne visant que la
clarté et un certain pittoresque. En cela, comme presque
en tout, d'ailleurs, il se sépare des écoles nouvelles, des
véristes, qui sont les naturalistes d'au delà les Alpes, et
de ceux que M. Pica appelle les protagonistes de l'art aris-
tocratique et dont M. d'Annunzio est l'un des plus notoires.
Cet insouci de Y « écriture » et un goût trop marqué
pour le sentimentalisme, voilà ce que l'on peut surtout
reprocher à M. Farina. Ces défauts et quelques autres sur
lesquels je n'insiste pas, sont graves, sans doute, mais
avoir écrit Monsieur Moi, c'est, à tous les reproches, une
péremptoire réponse. R. de Gouhmont.
Bibl. : G. Boglietti, Scrittori ilaliani contemporanei :
Salvatore Farina ; Florence, 1884, in-8. — Nino-Petti-
nati, Salvatore Farina, dans la Gazzetta Piemontese, 12-
13 juil. 1884. — Marc-Monnier, Un Humoriste italien,
dans la Revue des Deux Mondes, 1884. — R. de Gour-
mont, la Littérature contemporaine en Italie ; le Roman
de la Vie intime; Salvatore Farina, dans la Controverse et
le Contemporain, juil. 1884. — Du même, le Roman mo-
derne a l'étranger. Italie : Salvatore Farina, dans les
Matinées espagnoles, mars 1885. — Contemporary Re-
view, 1885, t. 1. — Mercure de France, avril 1891.
FARINACCI (Prospero), jurisconsulte italien, né à
Rome le 30 oct. 1544, mort le 30 oct. 1618. Il étudia le
droit à Padoue et fut avocat à Rome ; le pape Paul V le fit
son procureur fiscal, charge qu'il exerça avec une grande
rigueur. Il fut l'auteur de divers traités, assez volumineuses
compilations, qui lui ont valu une grande réputation, mais
dont la valeur est discutable et a été diversement appréciée.
S'il n'a pas fait faire de progrès notables à la science du
droit, il a eu du moins le mérite de laisser une œuvre
systématique, ne manquant ni de clarté ni de méthode.
Ses principaux traités sont : Novissimœ Decisiones Rotœ
romance; Questiones varice; de Testibus (Lyon, 1589;
Francfort, 1 606) ; Decisiones Rotœ romance (Francfort,
1606); Praxis et Tlieorica criminalis (Lyon, 1616,
4 vol. in-fol.). Les œuvres complètes de Farinaci ont été
publiées à Anvers, 1620; Lyon, 1634; Venise, 1697;
Nuremberg, 1686, 1723; Francfort, 1597, 1606, 1622,
1670-75. G. R.
Bibl. : Albêric Allard, Histoire delà justice criminelle
au xvie siècle, 1868, pp. 443-447. — Albert du Boys, His-
toire du droit criminel de la France depuis le xvie jus-
qu'au xixe siècle, 1875, 1. 1, pp. 336 à 343.
FARINAT1 ou FARINATO (Rattista), peintre et graveur
italien, né à Vérone en 1532, mort en 1592. Il paraît avoir
eu pour premier maître son oncle Paolo ; puis il acheva de se
former à l'école dePaul Véronèse, qu'il aida dans ses fresques
au palais délia Soranza à Castelfranco et à la salle du Conseil
des Dix à Venise. Il peignit ensuite à Vicence la façade du
Monte délia Pietà ; au Dôme, la Chute de saint Paul et
la Pêche des apôtres, puis, au Palais-Ducal, à Venise,
les Vertus et l'Etude, et des fresques à la villa Obizzo in
Catajo.
F A R l N ATO (Paolo) , peintre italien , né à Vérone en 1 524,
ainsi qu'il résulte de la signature qu'on lit sur l'un de ses
tableaux, mort en 1606. Farinato passait à Vérone pour
un descendant de la famille florentine degli Uberti. C'est
un contemporain de Paul Véronèse, à qui il ne ressemble
malheureusement pas. Les livres le disent élève d'Antonio
Radile et de Mcolô Giolfino : cette dernière indication n'est
pas rigoureusement prouvée. Les connaisseurs qui ont fait
une étude spéciale du talent de Farinato signalent chez lui
certaines qualités de composition et de dessin, assez ma-
niéré cependant, mais se déclarent peu satisfaits de son
coloris qu'encombrent des tons bruns de mauvais aloi, pro-
cédé facile pour obtenir l'harmonie. Il paraît avoir fait un
voyage à Mantoue, où Jules Romain a vécu jusqu'en 1546 ;
il y fit quelques peintures, entre autres un Saint Martin
pour la cathédrale ; il séjourna aussi à Venise, où son pin-
ceau laborieux trouva plusieurs fois occasion de s'em-
ployer. Dans la seconde édition des Minere, publiée en
1674, Roschini inventorie à l'autel de l'église vulgaire-
ment appelée S. Marcuola un Raptême de J.-C, dîpinto
da Paolo Farinato. Mais, bien qu'il ait été un instant
Vénitien, l'artiste gardait ses meilleures œuvres pour Vérone.
On n'a que quelques dates sur la vie de ce grand travailleur
qui faisait à la fois de la fresque et de la peinture à l'huile.
Suivant la mode du pays, il a souvent décoré de ses pein-
tures les façades des maisons opulentes. Les biographes
parlent d'un Ecce Homo qu'il fit pour la famille Sangui-
netti en 1562. On attachait plus d'intérêt à une œuvre de
sa vieillesse, la Multiplication des pains, composition à
nombreux personnages qui existe encore à San Giorgio in
Rraida et où l'on relève l'inscription suivante qui fixe la
date de la naissance de Farinato : A D. MDCIH Paulus
Farinatus de Hubertis œtatis suce LXXIX. Quoique ce
tableau fût très admiré au xvme siècle, Cochin le déclare
« assez mal dessiné, sans effet et gris ». La fatigue y est
visible. Farinato n'était pas seulement un peintre : il s'oc-
cupait volontiers d'architecture ; il modelait aussi de petites
maquettes en cire. Enfin, il dessinait constamment, multi-
pliant les croquis à la plume avec une facilité dont le res-
pect pour la nature n'entravait pas l'abondante éclosion .
Les œuvres de Farinato sont rares dans les musées. Le
maître est naturellement représenté au museo Civico de
Vérone, où l'on a recueilli les tableaux provenant des
églises ' supprimées. C'est là qu'on peut voir la Rataille
des Véronais contre Rarberousse, dont les anciens bio-
graphes font mention. Au musée de Rerlin, on voit une
Présentation de Jésus au temple. Le Louvre n'a aucune
peinture de Paolo Farinato, mais il possède dans ses porte-
feuilles 85 dessins qu'il n'expose pas dans les galeries
publiques. P. Mantz.
Bibl. :DALPozzo,Le Vite de" pittori Veronesi; Vérone,
1718. — C. Bernasconi, Studj sopra la storia délia pittura
italiana; Vérone, 1864.
FARINATO ou FARINATI (Orazio), peintre et graveur
de l'école vénitienne, fils du précédent, né à Vérone en
1560. Son meilleur tableau, où figure son propre por-
trait, est une Descente du Saint-Esprit (1615) qui se
trouve dans l'église San Spirito, à Vérone. Il a gravé,
d'après son père, à la date de 1599, un Passage de la
mer Rouge.
FAR1N COURT. Corn, du dép. delà Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. du Fayl-Rillot ; 246 hab.
FARINE. I. Chimie industrielle. — Sous le nom
de farine on désigne généralement le produit du broyage
des grains des céréales et des légumineuses, débarrassé
des parties ligneuses qui forment l'enveloppe externe de
ceux-ci par un tamisage plus ou moins complet. Nous
retrouverons donc dans les farines la plus grande partie
des éléments qui constituent la graine; seuls, ceux qui ne
sont que très peu assimilables ne devront pas s'y rencon-
trer; ces matières formeront les déchets connus sous le
nom de son, qui, bien que peu propres à l'alimentation
humaine, ne sont pas pour cela une non-valeur et seront
utilisés pour la nourriture des animaux domestiques. Les
principales farines dont nous faisons usage dans l'écono-
mie domestique sont : les farines de froment, d'orge,
de seigle, d'avoine, de maïs, de riz, de sarrasin, des
légumineuses (haricots, pois, lentilles, etc.).
Farine de froment. — La farine de froment est pour
nous la plus importante ; elle est la base, en effet, de l'ali-
ment fondamental de l'homme civilisé, le pain. Une bonne
farine doit réunir les caractères suivants : sa couleur doit
être d'un blanc jaunâtre, d'un éclat vif, sans points rou-
geâtres, gris ou noirs; elle doit être douce au toucher,
former une sorte de pelote quand on la serre dans la main
et adhérer aux doigts. La valeur d'une farine dépend de la
manière dont elle a été préparée, de l'espèce, de la qua-
lité et de la provenance des grains. Les farines des blés
durs, par exemple, sont plus granulées, moins blanches
que les farines de blés tendres ; elles se conservent plus
FARINE — 46 —
facilement, absorbent plus d'humidité et fournissent plus
de pain.
Les farines de blé demi-durs sont de plusieurs sortes :
1° les farines de première qualité qui proviennent de la
première mouture et du premier blutage; elles servent à
la fabrication du pain blanc et pour la pâtisserie ; 2° les
farines de deuxième qualité sont obtenues par la mouture
des deuxième et troisième gruaux et des blés de seconde
qualité; 3° les farines de troisième qualité, mélangées
souvent avec de la farine d'orge et contenant une assez
forte proportion de son, servent à la préparation du pain
bis ; 4° les farines de quatrième qualité renferment peu de
gluten ; on les utilise dans l'industrie pour la préparation
de la colle de pâte.
Composition de la farine de froment. On retrouve
dans la farine, nous t'avons dit plus haut, tous les éléments
constitutifs du grain de blé; les uns intégralement, les
autres, tels que la cellulose, qui provient de l'enveloppe
externe, en quantités variables, suivant que la farine a été
plus ou moins blutée. Ces éléments sont : une certaine
quantité d'eau, dont une grande partie est unie à l'amidon
et forme avec lui une sorte d'hydrate. Chauffée à 100°, la
farine perd rapidement les trois quarts de l'eau qu'elle
renferme ; les dernières portions ne sont chassées que dif-
ficilement et vers 415°. La farine desséchée, exposée à
l'air, reprend, en très peu de temps, l'eau qu'elle a
perdue. Des matières azotées, appartenant à la classe des
matières albuminoïdes, la plus importante est le gluten,
corps complexe que l'on isole, mais toujours à l'état im-
pur, en malaxant la farine sous un mince filet d'eau, pour
éliminer l'amidon, et que Ritthausen a trouvé être composé
de matières solubles dans l'alcool, la gluten- fibrine, la
gliadine et la mucédine, et d'une matière insoluble dans
ce liquide, la gluten-caséine. Le gluten humide se pré-
sente sous l'aspect d'une masse molle, élastique et grisâtre ;
séché, il forme des écailles jaunes et cassantes. Dans cet
état, sa composition moyenne est la suivante :
gr
Carbone - 52,6 %
Hydrogène 7,0
Azote 46,0
Oxygène et traces de soufre 24,4
On trouve encore, dans la farine de froment, une autre
matière azotée, Y albumine végétale. Cette substance est
soluble dans l'eau ; elle se coagule quand on chauffe la
solution, comme l'albumine de l'œuf, dont elle se distingue
fort difficilement. L'élément le plus
important de la farine est Y amidon;
elle en forme environ les deux tiers en
poids. On peut facilement l'extraire en
malaxant la farine avec de l'eau froide ;
le gluten reste en pelote et l'amidon
est entraînée par l'eau ; celle-ci la laisse
déposer après quelques instants de
%^^W repos. L'amidon de blé se présente
sous la forme d'une poudre blanche
Amidon de blé. formée de grains arrondis d'un dia-
mètre moyen de 0mm0374. Les grains
sont formés de couches concentriques ; les couches externes
sont plus denses- que les couches centrales, mais leur com-
position chimique est la même.
La composition de l'amidon est :
Carbone 44,44 °/0
Hydrogène 6,47
Oxygène 49,39
Nous ne reviendrons pas sur les propriétés générales de
l'amidon; elles ont déjà été indiquées (V. Amidon). La
farine de froment renferme encore des sucres, des gommes
et une petite quantité de matières grasses. Celles-ci, que
Ton isole en épuisant la farine par l'éther, ont une couleur
jaune ; elles sont solides à la température ordinaire, et ne
fondent qu'à 30°. La farine incinérée laisse comme résidu
une certaine quantité de cendres ; celles-ci ont la composi-
tion suivante :
gr
Acide phosphorique 43,7 °/0
Potasse» 31,8
Magnésie 9,8
Chaux 6,0
Peroxyde de fer et alumine 4,3
Silice 7,4
La composition d'une bonne farine première de froment est :
Eau 43,g34°/0
Matière azotée 40,4 8
Matière grasse 0,94
Amidon 74,75
Cellulose 0,34
Matières minérales 0,48
La composition moyenne des farines de qualités plus
ordinaires est :
Eau 42^65 °/0
Matière azotée 1 4 ,82
Matière grasse 4 ,36
Amidon 72,23
Cellulose 0,98
Matières minérales 0,96
Utilisation. La principale utilisation de la farine de fro-
ment est, nous l'avons dit, la préparation du pain ; en outre,
elle sert dans la pâtisserie et la biscuiterie, pour la préparation
des pâtes alimentaires et à quelques usages industriels. On
en extrait le gluten pour la préparation d'un pain médicinal.
Farine d'orge. — La farine d'orge est jaunâtre , d'une
odeur et d'une saveur agréables. Elle est peu employée
pour la fabrication du pain dans les pays où vient le fro-
ment; les contrées de l'extrême nord, la Suède et la Nor-
vège en font au contraire grand usage. Les éléments
constitutifs de la farine d'orge sont à peu près les mêmes
que ceux de la farine de froment. Nous trouvons, parmi
les matières azotées, de l'albumine végétale, les substances
qui constituent le gluten, à l'exception de la gliadine. L'ab-
sence de celle-ci, qui est une véritable colle, explique la
raison pour laquelle le gluten de l'orge n'a pas la consis-
tance de celui du froment. Les éléments non azotés sont :
l'amidon qui se présente sous la forme de grains de même
forme que ceux de l'amidon de froment, mais dHm diamètre
plus petit (0mm0264); des matières grasses, une gomme,
des sucres et des matières minérales.
Farine de seigle. — La farine de seigle est employée
pour là fabrication du pain dans les pays à sol granitique, où
seule cette céréale peut donner des produits. Dans d'autres
régions plus favorisées, la consommation de ce pain est
l'exception ; on le recherche pour son goût spécial, assez
agréable. Comme l'orge, le seigle ne renferme pas de glia-
dine, et, par conséquent, il est difficile d'en isoler son glu-
ten, qui est visqueux et sans consistance. Tous les autres
éléments que nous avons signalés pour les deux précédentes
céréales s'y rencontrent. L'amidon de seigle se présente,
au microscope, sous la forme de petits grains plus ou moins
arrondis, dont quelques-uns ont un hile en croix ou
étoile; leur diamètre moyen est de 0mm0396 à 0mm0528.
La composition moyenne de la farine de seigle est :
gr
Eau 44,24 %
Matière azotée 40,97
Graisse 4 ,95
Sucre 3,98
Gomme et dextrine 7,43
Amidon 58,73
Cellulose 4.62
Cendres 4 ,48
Farine d'avoine. — La farine d'avoine n'a qu'une im-
portance très secondaire pour la boulangerie ; on n'en fait
17 —
FARINE
un usage régulier que dans quelques contrées très pauvres
de l'Allemagne, de la Russie et de l'Ecosse ; on s'en sert
également pour la préparation de certains potages. Elle est
grise, douce au toucher et presque inodore. Les matières
azotées de la farine d'avoine sont : la caséine végétale, la
gliadine et l'albumine végétale. Son amidon se présente sous
la forme de grains polyédriques, anguleux, quelquefois
piriiormes, libres ou agglomérés en masses arrondies ou
ovoïdes. Leur diamètre est à peine de 0mm0044. La com-
position moyenne de la farine d'avoine est :
Eau 4(T07 o/o
Matière azotée 14,29
Graisse 5,65
Sucre 2,25
Gomme et dextrine 3,07
Amidon 60,41
Cellulose 2,24
Cendres 2,02
Farine de maïs. — La farine de maïs est une précieuse
ressource pour les pays où cette plante arrive à maturité,
c.-à-d. en France, pour les départements du bassin du
Rhône, du S. de la Loire, et quelques-uns du centre. On
la consomme en bouillie ou sous forme de galettes; elle
entre dans la préparation d'une boisson alcoolique, la
chicha, en usage dans l'Amérique du Sud, au Chili et au
Pérou. Cette matière est impropre à la fabrication du pain,
car elle ne contient
pas de gluten, et par
conséquent sa pâte
n'a pas de cohésion;
c'est un excellent ali-
ment pour l'engrais-
sement des volailles
et aussi des bestiaux.
La farine de maïs est
une poudre jaune
paille clair ; elle ren-
ferme une très grande
quantité de graisse;
aussi rancit-elle faci-
lement et sa conser-
vation est difficile. Les éléments azotés sont : la fibrine du
maïs analogue à la glutenfibrine; la conglutine, analogue
à la caséine végétale, et l'albumine végétale. L'amidon du
maïs est formé de grains polyédriques à angles arrondis,
présentant un hile punctiforme ou étoile, dans les grains
écrasés; leur diamètre est de 0mm0132 à 0mm0220. La
composition moyenne de la farine de maïs est :
gr
Eau 10,30 °/0
Matière azotée 9,81
Graisse 8,80
Sucre \ ,30
Gomme et dextrine 10,60
Amidon, cellulose, cendres 59,18
Farine de riz. — La farine de riz est une poudre très
blanche, légère, sans odeur, et presque sans saveur. On l'em-
ploie pour la préparation de certains
mets, daiïs la parfumerie et la pharma-
cie. Son amidon est. très petit, polyé-
drique, anguleux; il possède un hile
arrondi. La composition moyenne de
la farine de riz est :
Eau 14Tl5°/0
Matière azotée 7,43
Graisse 0,89
Sucre 0,34
Gomme 1,87
Amidon, cellulose, cendres. 75,41
Farine de sarrasin. — Le sarrasin (Fagopyrum vul-
gare, polygonées) fournit une farine grisâtre, sèche et
grande encyclopédie. — XVII.
Amidon de maïs.
Se $
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r^ Oo .
, à a
o °
o Q
Amidon de
riz.
rude au toucher ; comme la farine d'orge, elle remplace le
blé dans les pays pauvres. En Bretagne où cette plante est
très cultivée, dans le Morvan et dans quelques régions
granitiques de la France, on la consomme sous forme de
bouillie ou de galettes. Elle est impropre à la préparation
du pain, car le gluten y fait défaut. L'amidon du sarrasin
est formé de grains polyédriques, à hile arrondi et punc-
tiforme. La composition moyenne de la farine de sarrasin
est :
Eau 14,27 0/o
Matière azotée . . 9,28
Graisse \ ,89
Sucre 1,06
Gomme et dextrine 2,95
Amidon 68,45
Cellulose 0,89
Cendres 1,21
Farines de légumineuses. — Les farines de légumi-
neuses ne sont pas panifiables ; elles servent principalement
à la préparation de potages et de purées. Cependant dans
certaines contrées on les fait entrer dans une certaine pro-
portion dans la pâte du pain; cette addition est souvent
faite d'une façon frauduleuse. Les plus importantes sont
les farines de pois, de haricots, de lentilles. Ces farines
varient de couleur, suivant les espèces : la farine de hari-
cots est blanchâtre, ou jaune pâle, la farine de pois ver-
dâtre, la farine de lentilles plus ou moins brune.
L'amidon se présente sous la forme de grains réniformes,
ovales ou arrondis; le hile est une fente longitudinale
linéaire, souvent fissurée sur les bords; il est entouré
de stries d'hydratation. La farine de légumineuses ^ est
très riche en matières azotées ; elle en renferme environ
26 % ; aussi a-t-elle été employée très souvent pour former
la base de préparations reconstituantes, telles que la Rêva-
lescière.
Parmi les farines alimentaires, nous citerons encore
la farine de marrons, la farine de moutarde; celle-ci
sert à la préparation de la moutarde et aussi pour certains
usages médicinaux.
Analyse des farines. — Falsifications. L'analyse des
farines, faite au point de vue de la détermination de leur
valeur alimentaire, comprend les dosages et déterminations
suivants : le dosage de l'humidité, de l'amidon, des ma-
tières grasses, des matières azotées, de la cellulose, de
l'acidité et des cendres ; le dosage du gluten et la détermi-
nation de sa dilatation, pour la farine de froment ; l'exa-
men chimique des cendres et l'examen microscopique. Ces
deux dernières opérations ont une très grande importance
au point de vue de la recherche des falsifications et des
altérations.
dosage de l'humidité. On pèse pour ce dosage 5 gr.
de farine, que l'on dessèche dans une capsule à fond plat,
à l'étuve à 100°, jusqu'à ce que le poids ne varie plus.
Dosage de V amidon. On prend 5 gr. de farine sèche
que l'on a épuisée par l'éther pour enlever les matières
grasses. La farine est placée dans un flacon de 125 centim.
c. dans lequel on verse ensuite 30 centim. c. d'une disso-
lution de diastase préparée avec de l'orge germée ; on ajoute
20 centim. c. d'eau. Dans un autre flacon qui servira de
témoin, on introduira une égale quantité de diastase et d'eau.
Les deux flacons seront chauffés au bain-marie, à la tem-
pérature maxima de 68°, jusqu'à ce que le résidu inso-
luble, traité par quelques gouttes de solution d'iode, ne
laisse plus déceler d'amidon au microscope. La solution
filtrée est additionnée d'une petite quantité d'acide sulfu-
rique, et chauffée pendant cinq heures au bain-marie, afin
de transformer l'amidon, solubilisé par la diastase, en glu-
cose; celui-ci est dosé au moyen de la liqueur de Fehling.
Le contenu du flacon témoin est traité de la même manière
et sert à corriger les résultats, obtenus avec le premier, de
l'erreur provenant de l'amidon contenu dans la solution
2
Marine
- 48 -
d'orge germé. Lorsque Fessai ne doit pas être fait d'une
façon très rigoureuse, on peut se contenter de saccharifier
l'amidon par une liqueur d'acide sulfurique à 2 % en poids.
Dosage des matières grasses. Le dosage des matières
grasses se fait sur 5 gr. de matière, que l'on épuise dans
un appareil à déplacement par l'éther ou par le sulfure de
carbone. Le dissolvant est ensuite évaporé et la matière
grasse séchée à 4 00° et pesée.
Dosage du gluten et des matières azotées. Pour doser
le gluten dans la farine de blé, on pèse 30 ou 35 gr. de
bon gluten doit être d'au moins 25 à 26°. Le dosage
des matières azotées totales se fait sur 0sr5 ou 4 gr. de
Aleuromètre de Bolland (modification de M. Dupre
farine que l'on triture avec 15 ou 17 centim. c. d'eau dans
un mortier, jusqu'à ce que l'on ait une pâte homogène ; on
en fait un nouet avec un linge fin et on le malaxe sous un
mince filet d'eau. Lorsque le gluten est presque complète-
ment dépouillé d'amidon, on l'en-
lève du linge, et on le malaxe
fortement dans une grande quan-
tité d'eau, en le plaçant dans le
creux de la main, dans le but d'en-
lever les dernières traces d'ami-
don. On continue à pétrir le glu-
ten dans le creux de la main,
jusqu'à ce qu'il commence à adhé-
rer aux doigts ; il ne contient plus
alors que l'eau qui lui est com-
binée. On le pèse, et du poids
trouvé on déduit la quantité pour
400 que contient la farine. Pour
déterminer le pouvoir de dilata-
tion du gluten on se sert de
l'aleuromètre de Bolland. Cet ap-
pareil se compose d'un cylindre
en métal clans lequel se meut un
piston dont la tige porte une gra-
duation déterminée d'une façon
empirique. Ce cylindre, qui est
destiné à recevoir le gluten, est
chauffé dans un bain d'huile.
Pour la détermination, on prend 7 gr. de gluten que l'on
introduit dans le cylindre de l'appareil, dont les parois
auront été préalablement graissées. La dilatation d'un
Cylindre de l'aleuro
mètre de Bolland.
Disposition du cylindre
dans' le bain d'huile.
Piston du cylindre de
Faleuromètre.
matière, par le procédé Will et Warentrapp ou par la mé-
thode de Kjeldahl.
Dosage de la cellulose brute. On ne dose la cellulose
brute dans les farines que si l'examen microscopique a
décelé la présence d'une notable quantité de son. A cet
effet, on introduit 2 gr. de farine avec 80 centim. c. d'acide
sulfurique à 2°/0 dans un flacon de 425 centim. c. ; on
chauffe quelques instants au bain de sel, sans boucher le
flacon. Lorsque la vapeur d'eau a chassé l'air, on met un
bon bouchon de liège que l'on fixe au moyen d'un fil de
cuivre. On continue à chauffer pendant deux heures. On
filtre le liquide sur un tampon d'amiante^ on lave le résidu
solide à l'eau chaude, jusqu'à élimination complète de
l'acide. Le liquide filtré, amené à un volume déterminé,
pourra servir au dosage en bloc de l'amidon, du sucre,
des gommes et de la cellulose saccharifiable. Le résidu
resté sur l'entonnoir et l'amiante sont introduits de nou-
veau dans le flacon avec 80 centim. c. d'une solution de
potasse à 40 °/0; on chauffe pendant deux heures au bain
de sel. Les matières insolubles sont recueillies sur un filtre
taré, lavées à l'eau chaude jusqu'à disparition complète
de l'alcalinité, desséchées et pesées, puis calcinées. Le
premier poids trouvé, diminué de celui du résidu laissé par
la calcination, donne la quantité de cellulose brute con-
tenue dans la farine.
Dosage de V acidité. Ce dosage se fait sur une infusion
aqueuse de farine, au moyen d'une liqueur titrée d'acide
sulfurique. Pour une farine de blé normale, l'acidité expri-
mée en acide sulfurique monohydraté oscille entre 0°r015
et 0sr40%.
Dosage des cendres. On incinère le résidu du dosage
de l'eau, et on pèse le résidu. Celui-ci pourra servir à la
recherche des matières minérales ajoutées frauduleusement;
ce sont le plus souvent le sable, la craie, l'alun, le phos-
phate de chaux, le sous-carbonate de magnésie, le sulfate
de cuivre qui peut provenir du traitement que l'on fait
subir aux grains destinés à être semés.
Examen microscopique. L'examen microscopique sert
à déceler les impuretés qu'un blutage incomplet a laissées
dans les farines et aussi les falsifications qui sont pour la
plupart des additions de farines d'un prix moins élevé.
Dans les farines de froment, on trouve fréquemment des
farines de légumineuses, principalement de féverolles ; nous
avons indiqué les caractères qui permettent de les recon-
naître. Il nous reste à donner un procédé chimique qui
permet de déceler facilement la farine des légumineuses. Il
consiste à saupoudrer les parois, préalablement humectées,
d'une grande capsule de porcelaine, avec la farine sus-
pecte, à soumettre celle-ci à l'action des vapeurs de l'acide
azotique fumant, puis à celles de l'ammoniaque ; dans ces
conditions, la présence de farine de féverolles sera décelée
par la présence de taches rouges dans la farine. Les alté-
rations des farines qui sont dues à des moisissures seront
décelées également par le microscope. On constatera de la
même façon certains acariens, tels que Yacarus de la farine
(Tyroglyphus farinœ). Ch. Girard.
19 -
FARINE
Farine d'arsenic (V. Arsénieux [Acide]).
Farine lactée (V. Conserve, t. XII, p. 544).
II. Minéralogie. — Farine fossile. — On a appelé
autrefois farine fossile plusieurs substances de compo-
sitions chimiques très différentes, mais présentant la con-
sistance de la farine, en même temps que la couleur blanche.
Ce nom est emprunté aux croyances populaires donnant à
ces minéraux la réputation d'être alimentaires. La plus
commune de ces substances est une variété de carbo-
nate de chaux, légère comme du coton et très friable.
Elle est assez fréquente comme produit secondaire dans
les calcaires sédimentaires dont elle remplit les cavités :
on la trouve notamment en abondance dans le calcaire
grossier de Nanterre, près de Paris. Une autre variété de
farine fossile est voisine du tripoli (débris siliceux de
diatomées) de Santa Fiora en Toscane. Enfin, la farine fos-
sile des Chinois est une argile magnésienne, devant son
odeur légèrement aromatique à une petite quantité de ma-
tières organiques. A. Lacroix.
III. Histoire. — Guerre des farines.— L'arrêt du con-
seil du 43 sept. 1774, rendu sur le rapport de Turgot, avait
détruit les obstacles que subissaient la vente et la circulation
des blés à l'intérieur du royaume. Le ministre réformateur
allait moins loin queMachault en i 749, que L'Averdy en 4 763
et 1764 : l'exportation à l'étranger n'était pas autorisée.
La police de l'approvisionnement de Paris était également
réservée. Entre le monopole maintenu sous l'abbé Terray
(V. Famine [Pacte de]), et l'absolue liberté que réclamaient
les économistes, Turgot s'était résigné à ménager une tran-
sition nécessaire. Mais le préambule de l'arrêt, véritable
exposé de doctrine, avait une portée bien plus grande que
le dispositif lui-même. C'était une critique raisonnée des
maladroites et parfois malhonnêtes opérations par lesquelles
le règne précédent avait essayé de suppléer au commerce.
« L'attention du gouvernement (avouait Louis XVI par la
plume de Turgot), partagée entre trop d'objets, ne peut
être aussi active que celle des négociants, occupés de leur
seul commerce. Il connaît plus tard, il connaît moins
exactement et les besoins et les ressources... Les agents
qu'il emploie, n'ayant aucun intérêt à l'économie, achètent
plus chèrement, transportent à plus grands frais, conservent
avec moins de précaution... Ces agents peuvent par défaut
d'habileté, ou même par infidélité, grossir à l'excès la dé-
pense de leurs opérations. Ils peuvent se permettre des
manœuvres coupables à l'insu du gouvernement. Lors
même qu'ils en sont le plus innocents, ils ne peuvent évi-
ter d'en être soupçonnés, et le soupçon rejaillit toujours
sur l'administration qui les emploie, et qui devient odieuse
au peuple, par les soins mêmes qu'elle prend, pour le
nourrir. » Par l'art. 3, Louis XVI bornait à la simple
charité, à l'assistance publique comme nous dirions, le
rôle de l'Etat : « Sa Majesté voulant qu'il ne soit fait à
l'avenir aucun achat de grains ni de farines pour son
compte, fait très expresses inhibitions et défenses à toutes
personnes de se dire chargées de faire de semblables
achats pour elle et par ses ordres. » Les lettres patentes
du 2 nov. 1774, registrées en Parlement, sans opposition,
le 19 déc, contenaient un mea cnlpa plus formel encore.
Le gouvernement exprimait son regret d'avoir « écarté et
découragé le commerce » et, en concentrant la vente et
l'achat dans un petit nombre de mains, « livré le prix des
grains à la volonté et à la disposition de préposés qui les
achetaient de deniers qui ne leur appartenaient pas, » et
par suite, augmenté par de fausses mesures la cherté de
la denrée indispensable à la vie.
Sans doute personne n'était nommé ni poursuivi publi-
quement parmi les agents plus ou moins connus du «pacte
de famine », mais plus d'un pouvait se croire menacé
dans ses gains illicites. D'autre part, l'ensemble de la popu-
lation n'était nullement convaincue de la vérité des doc-
trines économiques. De tout temps les souverains, les
parlements, les magistrats chargés de la police, les Etats
provinciaux, avaient pensé qu'il leur appartenait à divers
titres d'assurer les approvisionnements, de décréter, au
besoin, le prix du pain. Le malheur voulut que la récolte
de 1774 fût médiocre, sans disette réelle toutefois. L'opi-
nion populaire, sans doute excitée sous main par les inté-
ressés ou par les fanatiques de FEtat-providence, au lieu
d'accuser le ciel, s'en prit à Turgot. Dès le 20 avr. 1775,
des troubles éclatèrent à Dijon et dans les environs. Le -
moulin d'un propriétaire « monopoleur » fut démoli par
les paysans. Un conseiller de l'ex-parlement Maupeou fut
accusé d'accaparement et vit sa maison saccagée. Il est
peu probable que le commandant militaire de Dijon, La
Tour du Pin, ait dit aux paysans affamés d'aller brouter
l'herbe qui commençait à pousser, car c'est là un de ces
mots en quelque sorte traditionnels que l'on retrouve
reproduits sous une forme ou sous une autre dans tous les
soulèvements analogues. Quoi qu'il en soit, l'ordre ne fut
rétabli que par l'intervention de l'évêque.
Telle fut comme la préface de la guerre des farines. En
effet, l'émeute était à peine calmée en Bourgogne qu'elle
éclata aux portes mêmes de la capitale, à Pontoise, le
1er mai. Des « brigands » partis de cette localité tra-
versent la campagne en bandes farouches. Ils crient à la
disette, à l'accaparement, au monopole. Ils envahissent
les marchés, taxent le blé et la farine au-dessous de leur
prix normal, à l'aide de faux arrêts du conseil. Ces pré-
tendus affamés ont sur eux de l'or et de l'argent. Au lieu
de se nourrir des denrées qu'ils volent, ils les détruisent.
Ils coulent à fond dans la Seine des bateaux de blé, inter-
ceptent les arrivages, brûlent des granges et des fermes.
Leur dessein avoué est de demander justice au roi, de
l'éclairer sur les misères du peuple et les fautes des
ministres. Le 2 mai, en effet, ils se présentèrent en armes
à Versailles, pillèrent les dépôts de farines, exigèrent que
le roi abaissât le prix du pain. Louis XVI, après avoir
songé à partir pour Chambord, eut l'insigne faiblesse de
céder à l'émeute, et ordonna de taxer le pain à deux sous
la livre. Ainsi encouragés, les « brigands » envahirent
Paris le lendemain (3 mai) — ce qu'ils n'auraient pu
faire s'ils n'avaient eu des complices haut placés, — et se
mirent à piller les boulangeries. La troupe avait reçu
l'ordre formel de ne pas tirer sur ces misérables. L'inten-
dant de l'Ile-de-France Bertier (V. ce nom), le lieute-
nant général de police Lenoir, ennemis de Turgot, se
croisaient les bras non sans une secrète satisfaction. Pen-
dant que se poursuivait la répression, Lenoir fixait même
de sa propre autorité un maximum du prix du pain à
Paris : « Nous ordonnons, ce requérant le procureur du
roi, que les boulangers auront la faculté de vendre le pain
au même prix qu'ils Vont vendu les mercredi 26 et
samedi 29 avril dernier. » Les mots en italiques étaient
absolument contraires à l'esprit libéral des réformes de
Turgot. Sur la minute de l'ordonnance du 3 mai 1775
(Arch. nat., Y. 9499), ces mots ont été rayés et rem-
placés par les suivants : au prix courant. Le texte pri-
mitif, si bien fait pour prolonger les désordres, explique-
rait à lui seul pourquoi le ministre fut obligé dans la quin-
zaine (14 mai 1775) de faire remplacer Lenoir, qui le
trahissait ou du moins ne le comprenait pas, par le maître
des requêtes Albert. L'ordonnance ainsi rectifiée continue
par d'expresses inhibitions, à toutes personnes, de vendre
au-dessous du cours, et de s'introduire de force chez les
boulangers. Le guet et la garde de Paris sont expressément
chargés de saisir et arrêter les contrevenants. — Ces me-
sures de justice énergique firent éclater le caractère fac-
tice de l'émeute aux yeux du peuple parisien, qui ne s'en
mêla point, et le maréchal de Biron, surnommé à ce pro-
pos Jean Farine, n'eut que peu de chose à faire à l'inté-
rieur de la ville. Il occupa les carrefours, multiplia les
patrouilles, et, vers midi, tout était terminé. Turgot avait
s*ans doute pu mettre sous les yeux du roi plus d'une
preuve démontrant que cette rébellion n'avait rien de po«
pulaire. Il l'emporta cette fois dans l'esprit du maître, et
ne laissa point passer un arrêt du Parlement suppliant ïe
FARINE — FARINI
_ 20 —
roi de diminuer le prix du pain. Les négociants qui sur la
foi de l'arrêt du 13 sept. 4774 avaient expédié du blé sur
Paris, et qui avaient vu piller leurs chargements, furent
intégralement indemnisés. La juridiction prévôtale fut, le
5 mai, substituée à Faction plus indulgente du Parlement
pour la répression des perturbateurs. Enfin un corps de
20,000 hommes commandé par Biron fit la police des en-
virons de Paris et protégea pendant quelque temps les
arrivages de la Seine, de la Marne, de l'Oise et de l'Aisne :
cette précaution fut ridiculisée; elle n'avait pourtant rien
d'excessif, car la cherté des grains avait aussi été le pré-
texte de troubles dans la région du Nord , à Lille, à
Amiens. L'ignorance et la crédulité du peuple auraient fort
bien pu consommer, contre Turgot et son œuvre, les vio-
lences que la perfidie, l'intrigue et la cupidité des ennemis
du bien public ne purent cette fois qu'inaugurer.
Journée des farines. — Episode du siège de Paris par
Henri IV. Le 3 janv. 4591, des officiers du roi, déguisés
en paysans et conduisant des charrettes chargées de blé
et de farine, se présentèrent à la porte qu'ils devaient
embarrasser et maintenir ouverte pour faciliter une sur-
prise. Ce stratagème fut déjoué par la vigilance des ligueurs.
H. Monin.
Bibl. : Histoire. — V. la bibl. de Fart. Turgot.
FARINE (Pierre- Joseph, vicomte), général français, né
à Damprichard (Doubs) le 2 oct. 4770, mort en 1833.
Après d'excellentes études faites au collège de Besançon,
il entra avec le grade de sous-lieutenant dans le 2e ba-
taillon des volontaires du Doubs (9 oct. 4794). Il fut
signalé plusieurs fois, pour sa bravoure, aux affaires de
Kaiserslautern, de Nordlingen, etc. Lors de la retraite de
Moreau, Farine, capitaine d'état-major, fut chargé de ra-
mener le parc de l'armée et les bagages à Huningue, mais,
attaqué par les Autrichiens en force, il fut blessé et fait
prisonnier. Rentré de captivité, il est en Italie (1805) et
se distingue au passage du Tagliamento. Colonel en 4809,
il passe en Espagne, est fait prisonnier et parvient à
s'échapper. Il combat de nouveau en Russie ; promu gé-
néral après le siège de Dantzig (1813), il fait la campagne
de 4845 où il reçoit plusieurs blessures. La Restauration
lui accorda le titre de vicomte (mai 4824), le nomma ins-
pecteur d'armes pour la cavalerie (4822) et le mit en dis-
ponibité peu après. Ed. Sergent.
FARINE (Charles), magistrat et littérateur français, né
à Lyon en 4848. Avocat,' secrétaire de Jules Favre, il fut
substitut à Lyon de 4848 à 4854. Révoqué au début de
l'Empire, il redevint substitut à Valence en 4853 et, après
avoir rempli les charges de procureur à Mauriac (4858), à
Aix (1860), à Toulon (4863), de conseiller à Alger, il devint
conseiller à la cour de Bordeaux en 4870. On a de lui :
Benjamin Franklin (Tours, 4 847, in-4 2) ; Code des hôtels
meublés (Paris, 4849, in-4 8); Manuel de droit pénal
à la portée de la jeunesse (4861, in-4 6); Histoire des
Croisades (4853, in-8); Jocrisse (4864, in-4 2); A Tra-
vers la Kabylie (4865, in-8) ; Deux Pirates au xvie siècle
(1868, gr. in-8); le Coupeur de routes (4869, in-12);
Jocrisse soldat (4879, in-4 2); Kabyles et Kroumirs
(4884, gr. in-8), etc. Il a publié encore beaucoup de
petits volumes pour les enfants, sous le pseudonyme de
René de Mont-Louis.
FARINELLI, chanteur italien (V. Broscri [Carlo]).
FARINGDON. Ville d'Angleterre, comté de Berks, sur
l'Ock; 3,400 hab. Ancienne résidence des rois saxons.
FARINGTON (Joseph), paysagiste anglais, né à Leigh
le 21 nov. 4747, mort le 30 déc. 4824. Ce fut un d'es
meilleurs élèves de Richard Wilson. Après avoir exécuté
quantité de dessins pour la collection Houghton, il s'adonna
exclusivement au paysage. Fixé à Londres en 4784, il ne
cessa d'exposer à la Royal Academy dont il devint membre
en 4 785 ; il y joua même jusqu'à sa mort un rôle très
actif et influent. Sa peinture est large et ferme, son coloris
ne manque pas d'éclat, mais il n'a pas d'imagination et ne
sait guère composer. Certains de ses dessins à la sépia ou
à l'encre de Chine sont charmants. Byrne, Medland, Poun-
cey et autres ont gravé plusieurs de ses paysages repré-
sentant surtout des sites du Cumberland et du Westmore-
Iand. F. T.
FARINGTON (George), peintre anglais, frère du précé-
dent^ né à Warrington en 4754, mort aux Indes en 4788.
A seize ans, lauréat de la Société des arts, il étudia
ensuite sous la direction de Benjamin West R. A. et obtint,
en 4780, une médaille à la Royal Academy pour un
tableau représentant Macbeth. Il fit de nombreux dessins
pour la collection Houghton, comme son frère, et, arrivé
dans les Indes en 4782, il ne cessa d'y travailler jusqu'à
sa mort. F. T.
FARINI (Luigi-Carlo), homme d'Etat italien, né à Russi,
près de Ravenne, le 22 oct. 4812, mort à Nervi, près de
Gênes, le 4er août 4866. Etudiant à Bologne, il prit part
au mouvement de 4 834 . Il exerça ensuite la médecine à
Montescudo, Ravenne, Osimo et Russi. Affilié aux sociétés
secrètes, il dut s'exiler en 4844 pour échapper aux pour-
suites du gouvernement pontifical. Expulsé de la Toscane
sur les remontrances du pape, il vint en France. En 4845,
il rédigea le Manifeste des populations de l'Etat romain
aux grinces et aux peuples de l'Europe, qui réclamait
énergiquement des réformes tout en respectant la souve-
raineté du pape, et dont s'inspira l'insurrection éphémère
de Rimini. Pendant un séjour qu'il fit à Turin, il se lia
avec Cesare Balbo et Massimo d'Azeglio. Il accompagna
comme médecin dans plusieurs voyages le prince de Mont-
fort, fils aîné de Jérôme Bonaparte. C'est seulement en
juin 1847, longtemps après l'amnistie accordée par PielX,
qu'il rentra dans son pays. En mars 4848, lors de la for-
mation du ministère qui devait inaugurer un régime cons-
titutionnel, Recchi, ministre de l'intérieur, appela Farini à
Rome et le prit pour substitut (sous-secrétaire d'Etat). Le
4er mai, il fut envoyé en mission au camp de Charles-
Albert. Elu député à l'assemblée romaine, il resta ferme
dans le parti constitutionnel. Au mois d'août, il alla à Bo-
logne pour y rétablir l'ordre après l'invasion de Welden.
Pellegrino Rossi, devenu ministre le 46 sept., lui donna
la direction de la santé publique, des hôpitaux et des pri-
sons. Quand la République fut proclamée, Farini refusa
de prêter serment comme fonctionnaire (5 mars 4849), et,
à l'approche de l'expédition française, il se retira à Flo-
rence. Rappelé à son emploi après l'occupation de Rome,
il fut destitué par les trois cardinaux qui vinrent prendre
possession du gouvernement au nom du pape. En no-
vembre, il s'établit à Turin, où, à la prière de Massimo
d'Azeglio, alors président du conseil, il dirigea le petit
journal populaire hFrasta. L'année suivante, il entra au
Risorgimento, journal de Cavour, dont il devint un des
amis les plus dévoués et les plus sûrs. En 4854, il publia,
d'abord en trois volumes, son important ouvrage intitulé
Ztf Stato Romano dalVanno1815al 1850, qui fut tra-
duit en anglais par M. Gladstone et bientôt réimprimé à
Florence (4 vol. in-42). Les jugements qu'il y portait sur
le parti révolutionnaire soulevèrent de vives polémiques.
Le 20 oct. 4854, Azeglio confia à Farini, naturalisé Pié-
montais, le portefeuille de l'instruction publique dans le
cabinet où Cavour était entré un an auparavant. Le col-
lège de Varazze l'élut alors député. Sorti du ministère
(44 mai 4852) en même temps que Cavour, dont il avait
été le seul confident dans les négociations préparatoires du
connubio (V. Cavour), il n'y rentra pas avec lui. Mais il
fut son principal soutien dans la presse. Il dirigea d'abord
le Parlamento, puis fonda le Piemonte (4854), dans le-
quel il défendit avec ardeur la participation de la Sardaigne
à la guerre de Crimée. Entre temps, il publiait une Storia
oVltalia, continuation de Botta. Le collège de Cigliano, qui
l'avait adopté, l'envoya constamment à la Chambre jusqu'à
la fin du parlement piémontais. Le 43 juin 4859, quand
Modène se donna au Piémont après le départ du duc,
Cavour y envoya Farini en qualité de commissaire royal.
C'est avec la paix de Villafranca (44 juil.) que corn-
— 21 —
FAR1NI — FARLÈDE
mence le grand rôle politique de Farini. Convaincu qu'il
fallait aller de l'avant atout prix, il ne se troubla pas un
instant. A la fatale nouvelle, il harangua le peuple du haut
d'un balcon du palais, et déclara qu'il resterait à son poste,
bien que rappelé par le gouvernement piémontais. Acclamé
par la foule, il prit immédiatement des mesures telles
que les partisans du duc, qui attendait à la frontière,
s'abstinrent de toute démonstration. Cavour, qui venait de
résigner le pouvoir, lui télégraphia (17 juil.) : « Le mi-
nistre est mort. L'ami vous serre la main et applaudit à la
décision que vous avez prise. » Nommé dictateur à Mo-
dène, puis à Parme, grâce à la patriotique abnégation du
gouverneur Manfredi (18 août), Farini s'empressa de réu-
nir des assemblées qui votèrent successivement l'union de
ces provinces au royaume de Victor-Emmanuel (21 août,
12 sept.). Il leur fit adopter toutes les lois piémontaises,
créa une milice citadine, organisa quelques régiments et
forma une ligue militaire avec les Romagnes et la Toscane.
Lorsque le comte de Reiset, chargé d'une mission extraor-
dinaire par Napoléon III, qui s'efforçait d'obtenir la res-
tauration des anciens souverains, vint lui transmettre les
conseils et même les menaces de l'empereur, Farini le dé-
concerta par ses plaisanteries sur la diplomatie et ses assu-
rances sur les bonnes dispositions du vainqueur de Ma-
genta et de Solferino. Le 8 nov., l'assemblée de Bologne
investit également des pleins pouvoirs en Romagne le dic-
tateur de Modène et de Parme. Farini, des trois provinces
ainsi gouvernées par lui, constitua celle de l'Emilie. Il eut
alors à soutenir une lutte violente contre Garibaldi, qui,
commandant en second les forces de la ligue, voulait abso-
lument envahir les Marches, restées au pape. La fermeté
de Farini, secondé par quelques amis communs, vint à
bout de la témérité de Garibaldi qui donna sa démission.
La fusion de l'Emilie avec la Toscane entrait dans les plans
de Farini, mais Ricasoli crut plus prudent de ne pas con-
fondre les destinées des deux provinces avant l'annexion
définitive. Chacune conserva son gouvernement particulier,
même quand Boncompagni fut envoyé de Turin dans l'Ita-
lie centrale comme gouverneur général. Enfin, après de
longues négociations avec le cabinet des Tuileries, Cavour,
revenu au pouvoir (20 janv. 1860), fit procéder dans l'Ita-
lie centrale à un plébiscite (11 et 12 mars), et, le 18, le
dictateur de l'Emilie présenta au roi le résultat du vote
presque unanime qui prononçait l'annexion. Farini reçut
de Cavour le portefeuille de l'intérieur. On peut dire que,
par son audacieuse initiative, il avait sauvé la cause
italienne.
C'est Farini qui, vers la fin d'août, alla avec le général
Cialdini complimenter Napoléon III à Chambéry. Toujours
prêt à interpréter favorablement les intentions secrètes de
l'empereur des Français , il rapporta de cette entrevue une
impression qui décida Cavour à faire l'expédition des
Marches et de l'Ombrie (11 sept.). Il accompagna Victor-
Emmanuel à Naples comme ministre responsable, et, en
novembre, laissant le portefeuille de l'intérieur à Min-
ghetti, il fut nommé lieutenant général du roi dans les
provinces napolitaines. Mais, dans une situation rendue
plus difficile encore par son ancienne querelle avec le libé-
rateur de Naples, abattu par la mort de son gendre qui
l'avait suivi, se ressentant peut-être déjà de la maladie qui
devait assombrir ses dernières années, il demanda à être
relevé de son poste dès les premiers jours de janv. 1861.
Après un court repos dans sa campagne de Saluggia, il
reprit sa place au Parlement comme député de Crescentino
(13 mars). Il assista aux derniers moments de Cavour
(6 juin). Le 8 déc. 1862, Farini revint au pouvoir comme
président du conseil. Mais sa vive intelligence, ébranlée par
tant d'excitations, avait subi d'irréparables atteintes. Une
idée fixe s'empara bientôt de lui : il s'imaginait que Napo-
léon III avait déclaré la guerre à la Russie pour délivrer
la Pologne, que l'Italie devait le soutenir, et que le roi et
les princes étaient déjà partis avec l'armée ; il voulait les
rejoindre. Le 23 mars 1863, Minghetti prit la présidence
du conseil. Le malheureux Farini, persuadé qu'on le me-
nait au camp, fut conduit à la Novalesa, près de Suse : il
se croyait en Russie. Malgré de nombreux changements
de séjour, il ne recouvra ni la raison ni la santé. 11 traîna
ainsi plus de trois ans. Le Parlement, en 1865, avait dû
assurer son existence et celle de sa famille. Ravenne, en
1878, lui a élevé un monument. Félix Henneguy.
FARIN! (Domenico), homme politique italien, fils du
précédent, né à Montescudo, en Romagne, le 2 juil. 1834.
Il suivit son père à Turin, entra à l'Académie militaire
(1850) et en sortit sous-lieutenant du génie (1855). Il
prit part à la guerre de 1859 comme capitaine, rejoignit
ensuite son père à Modène , fut élu député de Russi à
l'assemblée de Bologne et vota la déchéance du pape. En
1860, il assista aux sièges d'Ancône et de Gaëte. Il resta
à Naples pendant la lieutenance générale de son père.
Secrétaire de la commission de revision des grades de
l'armée méridionale (1861), il fut attaché au cabinet du
ministre de la guerre de 1862 à 1864. Il fit la campagne
de 1866 comme chef d'état-major du général Cosenz. En-
voyé au Parlement par Ravenne (1864), il siégea au centre
gauche et fut secrétaire de la Chambre dans plusieurs légis-
latures. Il remplit différentes missions à l'étranger, no-
tamment à Bucarest lors de l'avènement du roi Humbert.
En mars 1878, lorsque Cairoli arriva au pouvoir, M. Fa-
rini, vice-président de la Chambre depuis le 10, fut élevé
à la présidence le 27. Il acquit dans ce poste une grande
autorité par son intelligence et son impartialité. Plusieurs
fois démissionnaire à la suite de divers incidents, il fut
toujours réélu. Mais, en mars 1884, il refusa de revenir
sur sa détermination. Consulté par le roi dans les circons-
tances difficiles, il coopéra souvent à la formation des
ministères sans jamais consentir à en faire partie. Entré au
Sénat, M. Farini en est aujourd'hui le président. F. H.
FA R I N O S y Tortosa (Felipe) , sculpteur espagnol contem-
porain, né à Valence en 1826. Elève des cours de l'Aca-
démie de San Carlos et du sculpteur Antonio Marzo, il est
l'auteur des vingt-deux figures de saints et du bas-relief
qui décorent le maître-autel de la cathédrale de Valence et
de divers groupes processionnels, sculptés en bois et poly-
chromes, appartenant aux églises d'Orihuela et de Hellin.
Bibl.: Ossorio y Bernard, Galeria biografia de av lis-
tas espanoles del siglo XIX; Madrid, 1868.
FARISSOL, rabbin français (V. Abraham Farissol).
FARJAT (Benoît), graveur français au burin, né à Lyon
en 1646, mort vers 1720. Elève de Guillaume Château,
qu'il suivit à Rome, où il se maria. On a de lui un bon
nombre d'estampes de sainteté et des portraits, gravés avec
aisance d'après des maîtres italiens, tels que les Carrache,
Pierre de Cortone, Fr. Albano, Maratta, etc. G. P-i.
FARKAS (André), poète hongrois du xvie siècle. Sa vie
est peu connue. Son poème sur la nation juive et la nation
magyare, dont il compare la mission et les malheurs, a
exercé une certaine influence sur les débuts de la littérature
nationale.
FARLAT1 (Daniel), historien ecclésiastique, né à San
Daniele, dans le Frioul, en 1690, mort à Padoue le 23 avr.
1773. 11 appartenait à l'ordre des jésuites ; en 1722, il fut
appelé à Padoue pour collaborer à l'ouvrage de son confrère
P. Riceputi, Illyricum sacrum. Il le continua après la mort
de Riceputi, survenue en 1742, et fit de nombreux voyages
pour recueillir des matériaux. Quand il mourut lui-même,
l'ouvrage fut continué par Coleti. Le 1er vol. de Ylllyri-
cum sacrum % paru en 1751 à Venise, le dernier en 1819.
L'ouvrage forme en tout 8 vol. m-4. Il est fort précieux
pour l'histoire religieuse de la Dalmatie et des pays envi-
ronnants. Farlati a encore écrit DeArtis criticœ inscitia
antiquitati objecta (Venise, 1777). Une analyse sommaire
de Y Illyricum sacrum se trouve dans la Bibliografla
délia Dalmazia de G. Valentinelli (V. aussi Memorie di
Religione; Modène, 1830, t. XVI). L. L.
FARLÈDE (La). Corn, du dép. du Var, arr. de Toulon,
cant. de Solliès-Pont ; 923 hab.
FARLEY — FAUNE
— .22 -*
FARLEY ou FARLIE (Robert), écrivain anglais, né en
Ecosse, florissait au xvir? siècle. On a de lui un recueil de
poésies latines et anglaises sur les saisons, intitulé Kalen-
darium Hurnanœ Vitœ (Londres, 4638, pet. in-8) ; Lych-
nocausia, sive Moralia Facium Emblemata (1638,
in-12), et un poème latin dédié à sir Robert Aytoun, sous
ce titre : Naulogia, sive Inventa Navis (Londres, in-4),
FARLEY (Charles), acteur et auteur dramatique anglais,
né à Londres en 1771, mort à Londres le 28 janv. 1859.
Entré de bonne heure au Théâtre, il débuta à Covent Garden
dans les rôles de page et ne tarda pas à acquérir une cer-
taine réputation dans le mélodrame. Mais il est encore
plus connu comme machiniste et il réalisa à Covent Garden
des trucs étonnants. Collaborateur de Dibdin pour Harle-
quin and Mother Goose (1806) il a composé seul : The
Magic Oak (1799) ; Harlequin and Mother Shipton, joué
en 1826, Henri IV (part. II) (4821), etc.
FARLEY (Harriet), femme de lettres et philanthrope
américaine contemporaine, née à Claremont (New Hamp-
shire). En 1841, elle fonda une publication mensuelle sous
le titre de The Lowell Offering, entièrement rédigée par
les ouvrières de la filature de Lowell (Massachusetts). Un
volume de morceaux choisis dans le Lowell Offering a été
publié à Londres (1849), par Charles Knîght, sous le titre :
Mind among the Spinales, et fit sensation à l'époque
dans toute la presse européenne. B.-H. G.
FARLEY (James-Lewis), économiste anglais, né à Dublin
le 9 sept. 1823. Il fut chargé, en 1856, d'organiser la
succursale de la Banque ottomane à Beyrout, devint, en
1860, agent général de la Banque impériale de Constanti-
nople, et, en 1870, consul de Turquie à Bristol. Membre
de plusieurs sociétés savantes, collaborateur du Daily News
et autres journaux, M. Farley a beaucoup écrit sur le
commerce et les finances de la Turquie. On lui doit encore :
Iwo Years in Syria (i8§8), The Druses and Maronites
(1861), The Resources of Turkey (1862), Banking in
Turkey (1863), lurkey (1866), Modem Turkey (1872),
New Biàgaria (1880), etc.
FAR LO USE (Ornith.). Sous le nom de Farlouse ou
d'Alouette des prés, on désigne vulgairement une espèce de
Le Pipit des buissons.
Pipit (V, ce mot), ou à'Anthus, Y Anthus protensis L.,
qui est assez commun dans quelques-uns de nos départe-
ments et qui fait son nid à terre, dans les champs ense-
mencés ou dans les prairies. E. Oustalet.
FARMER (Hugh), théologien anglais, non-conformiste,
né près de Shrewsbury en 171 i, mort le 5 févr. 1787.
D'abord pasteur dans le comté d'Essex, puis prédicateur
à Londres (depuis 1761), il jouissait d'une grande répu-
tation ; ses écrits suscitèrent de vives polémiques, mais
n'ont plus aujourd'hui qu'un intérêt rétrospectif. On peut
citer : An Inquiry into the Nature and Design of our
Lord' s Temptation, etc. (Londres, 1761) ; Dissertation
on Miracles, etc. (ibid., 1771) ; The General Prevalence
of the Worship of-Human Spirits, etc. (ibid., 1783).
Bibl. : M. Dodson, Memoirs of Hugh F armer; Londres,
1804
FARMER (George), marin anglais, né en 1732, mort
en 1779. Il débuta de bonne heure dans la marine mar-
chande ; mais, en 1759, on le trouve lieutenant sur la
frégate Aurora. Après un séjour de quelques années à
Norwich, où il se maria, il reprit la mer sur le sloop Swift
et croisa dans les eaux des îles Falkland où il fit nau-
frage. Réfugié à Port Egmont, il dut capituler devant les
Espagnols. De retour en Angleterre, il navigua encore sur
plusieurs bâtiments et finit par périr dans un engagement
avec les Français, à la hauteur d'Ouessant. La frégate
Québec, qu'il commandait, prit feu pendant le combat.
FAR NIER (Richard), érudit et critique anglais, né à Lei-
cester en 1735, mort à Cambridge en 1797. Elevé à Emma-
nuel Collège (Cambridge), il y fit sa carrière et y devint
successivement tutor, proctor et master ; en 1778, il fut
élu bibliothécaire principal de l'université. Plusieurs dignités
et prébendes ecclésiastiques lui furent aussi conférées. Il
avait réuni une importante collection de livres, dont la vente
se fit à Londres en 1798 et rapporta 2,210 livres sterling.
Sa réputation de science et d'esprit était très grande.
Cependant, à part un traité, œuvre de jeunesse, imprimé
dans YEuropean Magazine (1791), sous le titre: Direc-
tions for Studying the English History, et un sérieux
Essay in the Learning of Shakespeare (Cambridge,
1767, in-8), il n'a rien produit. Ceux qui le connaissaient
bien disaient de lui qu'il aimait par-dessus tout trois
choses : le vieux vin, les vieux vêtements et les vieux
livres ; et qu'il y avait trois choses qu'on n'avait jamais pu
l'amener à faire : se lever matin, se coucher à une heure
raisonnable et payer ses dettes. B.-H. G.
FARMER (John), historien américain, né à Concord
(New Hampshire) en 1789, mort en 1838. On lui doit,
outre plusieurs études sur des sujets d'histoire locale, le
Genealogical Register of the First Settlers of New
England (Lancaster, mss., 4829, in-8), et, en collabo-
ration avec J.-B. Moore, la Gazetteer ofNeiv Hampshire
(Concord, 1823, in-12). B.-H. G.
FARM VI LLE. Petite localité des Etats-Unis, Etat de Vir-
ginie, comté de Prince Edward. Stat. du chem. de fer de
Petersburg à Lynchburg. C'est là que, dans la journée du
7 avr. 1865, le général Lee, commandant en chef des débris
de la Confédération sudiste, ayant dû évacuer Petersburg
et Richmond, et s'efforçant de gagner Danville vers
le S., se vit enveloppé par plusieurs des corps d'armée
du général Grant et obligé de se rejeter à l'O. , vers
Appomatox Station, où il devait capituler le surlende-
main 9 avr. Aug. M.
FARNABY (Thomas), instituteur et érudit anglais, né
à Londres en 1575, mort le 12 juin 1647. Il étudia d'abord
à Oxford, puis en Espagne, chez les jésuites, accompagna
Drake et Hawkins dans leur dernier voyage, fit la guerre dans
les Pays-Bas, tint une école à Martock (Somersetshire) , sous
le pseudonyme de Bainrafe, puis à Londres sous son véri-
table nom. Son système d'éducation, dont un de ses élèves,
sir John Bramston, a tracé le tableau dans son Autobio-
graphy, était animé d'un esprit libéral de beaucoup en
avance sur son temps. Plus tard, il transporta son établis-
sement à Sevenoakes. Sa réputation, augmentée par un
grand nombre d'éditions de classiques excellemment anno-
tés et par plusieurs ouvrages de grammaire, de lexicologie
et de rhétorique, était européenne. Charles Ier l'avait
chargé de la rédaction d'une grammaire latine qui rempla-
cerait celle dont on s'était jusqu'alors servi dans les écoles,
mais la guerre civile lui porta un coup fatal. Arrêté, par
le parti du Parlement en 1643, il ne put rentrer à Seve-
noakes qu'en 1645 ; il y mourut, à peu près ruiné. B.-H. G.
FARNAY. Corn, du'dép. de la Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant. de Rive-de-Gier ; 494 hab.
FARNBOROUGH. Bourg d'Angleterre, comté de Hauts,
à 50 kil. de Londres, près de l'Académie militaire de
Sandhurst. Stat. du South Western Railway.
FARNBÛHL. Station balnéaire de Suisse, cant. de Lu-
cerne, près de l'Emme, à 704 m. d'alt. Source carbonatée
sodique et ferrugineuse ; climat très doux.
FAR NE (Iles). On désigne sous ce nom dix-sept îlots
situés à une lieue et demie de la côte orientale de l'Ansle-
terre, en face de Bamborough (Northumberland), par 55°
37' lat. N. Le pertuis qui sépare cet archipel de la grande
île est dangereux.
FARNER (Ulrich), écrivain suisse, né à Oberstammheim
(Zurich) le 28 juil. 1835. Successivement commis dans
une maison de soierie, écrivain militaire, journaliste et
auteur dramatique, il habite depuis 4885 la ville de Zo-
fingue (Argovie) et y continue son activité littéraire. On a
de lui une demi-douzaine de comédies en dialecte zuricois,
des poèmes satiriques, des romans et nouvelles dont plu-
sieurs ont atteint rapidement leur quatrième édition.
FARNÈSE. Célèbre famille italienne qui prit son impor-
tance au xvie siècle, grâce à son membre le plus illustre,
Àlessandro Farnèse, devenu pape sous le nom de Paul III.
Elle faisait remonter son origine jusqu'au xme siècle, pro-
venant du château de Farneto, près d'Orvieto. Paul III fit
son fils naturel, Pietro-Luigi, duc de Castro et Ronciglione,
puis duc de Parme et Plaisance. L'histoire de la maison
Farnèse se confond dès lors avec celle de ce duché
(V. Parme). Elle s'éteignit en 1731. Elle eut à Rome plu-
sieurs propriétés fameuses, qui ont conservé son nom : le
palais Farnèse (V. ci-dessous), les jardins Farnèse
(V. Palatin) et la villa Farnèse du Trastevere ou Famé-
sine (V. ce mot); des objets d'art : Hercule Farnèse, Tau-
reau Farnèse, etc.
Palais Farnèse. — - Célèbre édifice élevé à Rome au
xvie siècle pour le cardinal Alessandro Farnèse, plus tard
pape sous le nom de Paul III. Les plans furent donnés par
Ant. da Sangallo le jeune qui commença le palais end 530.
Après sa mort, Michel- Ange le continua ; il fut achevé par
Délia Porta en 1580. La grande corniche, la fenêtre cen-
trale, la cour (sauf les arcades inférieures) sont de Michel-
Ange, la loggia (du côté du Tibre) est de Délia Porta. Le
palais Farnèse est une des constructions les plus imposantes
de Rome ; il a l'allure d'une forteresse comme les palais de
Florence. La forme esCcelie d'un carré parfait, avec cour
intérieure. Les colonnes qui décorent les quatre façades
ont été empruntées au Colisée, ainsi que le principe de la
superposition des trois ordres. « Au-dessus de la grande
façade presque nue, la corniche qui fait le rebord du toit
est à la fois riche et sévère, et son encadrement continu,
si bien approprié et si noble, maintient ensemble toute la
masse, en sorte que le tout est un seul corps. Les bossages
énormes des encoignures, la variété des longues files de
fenêtres, l'épaisseur des murailles entremêlent sans cesse
l'idée de la force à l'idée de la beauté. On entre par un
vestibule sombre, peuplé d'arabesques, solide comme une
poterne, étage par douze colonnes doriques, trapues, de gra-
nit rougeâtre. Là s'ouvre l'admirable cour intérieure qui
est le chef-d'œuvre de l'édifice. » (Taine.) Les sculptures
antiques qui décoraient jadis la cour ont été transportées
à Naples. Dans les appartements on admire encore les
fresques fameuses d'Annibal Carrache (V. ce nom), celles
de Saiviati, Vasari et Tad. Zuccari.
Le palais Farnèse passa aux Bourbons de Naples avec le
reste de la succession des ducs de Parme ; il est encore
leur propriété. Il est loué par l'ambassade de France et
l'Ecole de Rome.
FARNÈSE (Alexandre), duc de Parme (V. Parme).
FARNÈSE (Elisabeth), reine d'Espagne (V. Elisabeth).
FARNÉSINE(La), ou villa FARNÈSE. Villa construite
au Trastevere par le banquier Ag. Chigi, d'après les des-
sins de Baltazzare Peruzzi (1509), sous les règnes de Jules II
et de Léon X. Un festin magnifique y fut donné en l'honneur
de ce dernier. Ce palais devint plus tard la propriété des ducs
Farnèse, puis passa, avec les biens de ces derniers, à la
famille royale de Naples. La Farnésine est surtout remar-
quable par ses peintures. On y voit une série de fresques
représentant V Histoire de Psyché, exécutée par les élèves
de Raphaël, d'après les dessins du maître ; une Galathée,
peinte par Raphaël lui-même, et des fresques de Daniel de
Volterre, de Sebastiano del Piombo et de Balt. Peruzzi ;
enfin, une belle tête en clair-obscur, dessinée par Michel-
— 23 - FARNE — FARNWORTH
Ange. Le premier étage est orné de fresques du Sodoma,
représentant Y Histoire d'Alexandre.
Bibl. : Foerster, Farnesina Studien ; Rostock, 1880. —
E. MûiNTz, Raphaël, pp. 503 et suiv., 2e éd. — Henri Taine,
Voyage en Italie; Paris, 1867. —.Stendhal, Promenades
dans Rome; Paris, 1828.
FÂRNEWORTH (Ellis), traducteur anglais, mort à Car-
sington, dans le Derbyshire, en 1763, où il était pasteur.
On a de lui des versions anglaises de la Vie de Sixte-
Quint, sur Gregorio Loti (Londres, 1754, in-fol.) ; des
Guerres civiles de France, par Davila (1758, 2 vol. in-4)
et des Œuvres, de Machiavel (1762, 2 vol. in-4). On a
encore sous son nom une traduction des Mœurs des Israé-
lites, par l'abbé Fleury ; mais c'est Thomas Redfort qui
est le véritable auteur et qui lui en fit don pour lui venir
en aide. Farneworth a aussi donné au Gentleman' s Maga*
zine, sous le pseudonyme de Philopyrphagus Ashbur-
niensis, un article humouristique sur Powell, le « mangeur
de feu » (févr. 1755). B.-H. G.
FARNHAM. Ville d'Angleterre, comté de Surrey, sur le
Wey; 4,500 hab. Ancienne église; château des évêques de
Winchester. Non loin est MoorPark où Sivift(Y. ce nom)
connut Stella.
FARNHAM (Richard), fanatique anglais, mort à Londres
en janv. 1642. Tisserand à Colchester, il vint vers 1636
à Londres où il se mit à proclamer qu'il était inspiré et
prophète et que son ami John Bull l'était également. Tous
deux se livrèrent à de telles excentricités qu'ils furent ar-
rêtés. Accusé d'hérésie, Farnham fut emprisonné à Newgate.
Il protesta énergiquement, assurant qu'il était le Christ en
personne, et adressa à Laud pétitions sur pétitions qui
n'eurent d'autre résultat que de le faire transférer au
Bethlehem Hôpital. En 1638, reconnu sain d'esprit par
une commission médicale, il fut incarcéré à Bridewell pour
avoir épousé une femme déjà mariée. Il mourut de la peste.
Ses sectateurs prétendirent qu'il ressuscita le 8 janv. 1642.
L'aventure de Farnham avait fait beaucoup de bruit et
donné lieu à une foule d'écrits. Nous citerons : A True
Discourse of te two infamous upstart prophets Richard
Farnham and John Bull (1636); A Curb for sectaries
and bold propheciers (Londres, 1641) ; False Prophets
discovered (Londres, 1642), etc. R. S.
FARNHAM (Mrs), femme auteur et philanthrope amé-
ricaine , née à Rensselaerville ( comté d'Albany , New
York) le 17 nov. 1815, morte à New York en déc. 1864.
Elisa W. Burhans épousa en 1835, dans l'Illinois, où elle
séjournait, Thomas J. Farnham, avocat, originaire du Ver-
mont, auteur de plusieurs volumes de voyages dans FOré-
gon et la Californie (1842-1845). Mrs Farnham, revenue
en 1841 à New York, se fit connaître par de nombreuses
conférences faites devant un public féminin et dont le prin-
cipal sujet était la réforme du système pénitentiaire. Nom-
mée en 1844 directrice de la prison d'Etat à Sing Sing
(département des femmes), puis de l'Institut des aveugles
à Boston, elle publia divers ouvrages, notamment une édi-
tion de la GriminaUurisprudence de Sampson, passa en-
suite plusieurs années en Californie de 1848 à 1856 et en
rapporta un volume, Galifornia, Indoors and Out. Sa
principale œuvre, parue en 1864 (2 vol.), a pour titre :
Woman and her Era, essai de démonstration scientifique
du principe que la femme est la meilleure moitié de la créa-
tion, au double point de vue de la constitution physique et
intellectuelle. Aug. M.
FARNSBOURG. Les ruines de ce château sont * situées
sur une montagne du cant. de Bâle-Campagne, d'où l'on
jouit d'une vue magnifique sur le Jura, les Alpes et la
Forêt-Noire, à 749 m. d'alt. Le château de Farnsbourg,
qui appartenait aux comtes de Thierstein, repoussa le siège
que les Suisses en firent, en 1444, et fut détruit, en
1831, pendant la guerre civile qui éclata entre la ville de
Bâle et la campagne (V. Bàle).
FARNWORTH. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre,
à 2 kil. S. de Bolton ; 20,700 hab. Cité industrielle où
l'on travaille le fer, le papier, le coton, etc.
FARO - FARQUHAR - 24 -
FARO. Les brasseurs bruxellois obtiennent par une fabri-
cation toute spéciale trois catégories de bière : le lambic
(ou lambick), la bière de mars et le faro. De ces trois
types, le faro est celui qui entre pour la plus large part
dans la consommation de la capitale de la Belgique. Ces
trois bières dilïerentgrandement, comme composition, comme
préparation, comme aspect et comme goût, de toutes les
bières étrangères, mais elles ont une très grande analogie
entre elles ; le plus souvent, elles sont dues à un brassin
unique et résultant des différentes cuvées du même moût.
La bière de mars et le lambic sont les qualités supérieures ;
le faro s'obtient par des coupages de la qualité inférieure
avec les premières qualités. Ce qui les caractérise toutes,
c'est en premier lieu l'emploi du froment, généralement
associé à l'orge pour moitié par la brasserie belge, en
second lieu le mode de fermentation.
1° Le froment passe pour donner un produit plus moel-
leux et capable d'acquérir avec l'âge une grande finesse,
bien que de conservation moindre. L'orge seule est amenée
à l'état de malt, c.-à-d. soumise, avant d'être moulue, à
la germination, puis à la dessiccation par la chaleur, qui
permet d'en éliminer le germe. Le froment, sans avoir subi
cette préparation, est mêlé directement au malt, et n'a eu
besoin de passer ni par le germoir ni par le séchoir. La
trituration se fait. A la mouture succèdent les manipula-
tions multiples du brassage, puis la cuisson et le houblon-
nage. Il y est procédé d'après les diverses méthodes mises
en pratique dans la brasserie. 2° Mais c'est surtout le mode
de fermentation qui donne à la bière belge son goût et son
bouquet tranchés, sa coloration, son corps. Le bras-
sin, une fois cuit et houblonné, n'est pas mis en levain ;
autrement dit, on n'en active pas la fermentation par des
levures étrangères, mais on laisse le travail se faire spon-
tanément. Ce sont les germes contenus dans l'atmosphère
qui, trouvant dans le moût un terrain propice à leur végé-
tation, se'transforment en cellules de levure ; mais, tandis
qu'il faut à la levure quelques jours seulement pour ame-
ner le moût à point, la bière belge livrée à elle-même
réclame un travail de dix-huit mois et plus. Cependant
elle a passé en partie de la fermentation alcoolique à la fer-
mentation acétique, de façon que l'alcool non détruit se
trouve associé à l'acide acétique et à l'acide lactique ;
l'amertume du houblon se modifie pour produire de la vino-
sité ; de là cette saveur et ce bouquet si goûtés de l'ama-
teur belge. Des goûts et des couleurs, il ne faut pas dispu-
ter ; l'étranger est plus ou moins disposé à partager le
fanatisme du Flamand pour les produits de sa brasserie ; le
plus souvent il se prononce en faveur des bières allemandes
ou anglaises, dont il juge les combinaisons chimiques beau-
coup plus orthodoxes.
* Quoi qu'il en soit, le faro est le résultat de coupages où
le troisième et le quatrième moût n'entrent que pour moi-
tié, car les dernières qualités ne sauraient être livrées à la
consommation sans avoir perdu de leur àpreté, de leur
amertume. Quelques fabricants réunissent dans la cuve
guilloire les moûts des deux premiers brassages et ceux
des deux derniers ; ils les font fermenter ensemble ; ils ont
de plus à les couper toujours avec d'autres brassins de
divers âges, et à y ajouter du sucre ou de la cassonnade,
ce qui a lieu du reste également pour la bière de mars et
le lambic, lorsqu'on les traite isolément dans leur cuve. La
méthode la plus répandue consiste à faire fermenter sépa-
rément et à ne procéder qu'ensuite aux coupages par
moitié. Lescabaretiers moins consciencieux, mais fort versés
dans l'art de rendre potables des produits défectueux, se
contentent d'acheter les deux cuvées inférieures et se
réservent de leur donner eux-mêmes l'apprêt définitif. Des
coupages habilement combinés leur permettent d'écouler
des bières acides, amères, souvent altérées, et ils excellent
dans ces sophistications, au point de masquer tout mauvais
goût et d'obtenir, pour le faro de leur cru, l'uniformité du
bouquet. L'alcoolisation du faro est de 4,9 %, c.-à-d.
égale à celle de nos bonnes bières, moindre que celle des
fortes bières anglaises. Les connaisseurs, ce qui arrive
d'ailleurs pour toutes les bières, font de grandes différences
entre les diverses provenances ; c'est aux environs de
Bruxelles que sont les meilleures brasseries ; ce qu'on
apprécie surtout dans le faro bien réussi, c'est la finesse,
la fleur du bouquet, la franchise de la vinosité. La con-
sommation s'en élève à sept ou huit millions d'hectolitres,
si bien qu'on peut l'évaluer pour chaque habitant à un litre
par jour. Sans envier aux buveurs flamands la lourde
ivresse dont se sont tant inspirés leurs peintres de kermesses
et de tabagies, il y a lieu de regretter que bon nombre de
Français soient encore condamnés au régime de l'eau pure,
faute d'une boisson nationale dont le prix modeste puisse
rendre en France l'usage aussi général que l'est en Belgique
celui du faro. " Marcel Charlot.
Bibl. : Lacambre, Traité de la fabrication des bières.
— Girard, Rapport de la commission française à l'expo-
sition de 1813.
FARO. Cap situé à l'extrémité N.-E. de la Sicile avec
un forfin et un phare qui a donné son nom au détroit du
Phare de Messine. Les anciens y avaient construit un
temple dédié à Neptune. C'est un but d'excursion pour les
touristes venant de Messine qui est à 46 kil. au S.
FARO. Rivière du Soudan occidental, tributaire du Re-
noué, dans lequel elle se jette un peu à l'E. de Yola (Ada-
maoua). Le Faro paraît venir d'un massif montagneux
situé vers le 6e degré de lat. N. C'est un cours d'eau de
montagne dont le débit est médiocre et irrégulier. Il reçoit
sur sa rive gauche le Maobéli.
FARO. Ville du Portugal méridional, ch.-l. de la pro-
vince du même nom (ancien royaume d'Algarve), sur l'océan
Atlantique, par 31H'$" de lat. N. et 40o43'40"delong. 0.;
8,097 hab. Son port, bien protégé de la houle du large
par une grande île sablonneuse, est assez sûr, mais d'une
entrée difficile à cause des bancs de sable qui se découvrent
à marée basse ; il est fermé par l'embouchure de la belle
rivière de Valfermosa. La ville est bien bâtie et a quelques
monuments curieux, une cathédrale très vaste, une belle
église paroissiale, un séminaire, l'hôtel des douanes, l'hô-
pital militaire, le parc d'artillerie. La campagne alentour
est très belle et très fertile, ce qui fait que Faro est un
des ports actifs du Portugal, surtout pour le cabotage :
on exporte des fruits, des huîtres, du sumac, de la sparterie,
des poissons, du sel, des minerais d'antimoine. Une partie
de la population vit de la pèche. E. Cat.
FARO B A. Nom, aux Antilles, de la pulpe des fruits du
courbaril (V. Hymen^a).
FAROCHON (Jean-Baptiste-Eugène), graveur en mé-
dailles et statuaire français, né à Paris le 40 mars 4812,
mort en 4869. Il fut élève de David d'Angers et entra à
l'Ecole des beaux-arts le 5 oct. 4829. Il obtint le prix de
Rome pour la gravure en médailles en 4 835 et devint pro-
fesseur à l'Ecole des beaux-arts en 4863. Il a exposé au
Salon, de 4833 à 1868, de nombreuses médailles et des
médaillons en plâtre, des projets de jetons, un modèle en
plâtre du Christ, d'après lequel a été coulée la figure qui
fait partie de la décoration de l'église de Saint-Vincent-de-
Paul. Il a fait plusieurs statues : l'Intégrité, Saint Jean-
Baptiste, la Fermeté, une statue de Saint Remy pour
l'église Sainte-Clotilde, une statue de Hugues Gapet, pour
la tour de Saint-Germain-l'Auxerrois, un Saint Léon et
un haïe pour l'église Saint-Augustin. J.-A. Bl,
FARON (Saint), évêquede Meaux. Il occupa lesiège épis-
copal vers 626 et mourut le 28 oct. 672. Il était le frère
de sainte Fare et contribua à fonder avec elle l'abbaye de
Faremoutiers (V. ce mot) (cf. Gallia Christiana ,
t. VIII, col. 4599-4600).
FARON VILLE. Corn, du dép. du Loiret, arr. de Pithi-
viers, cant. d'Outarville ; 452 hab.
FAROUCHE (V. Trèfle).
FARQUHAR (Iles). Groupe d'îlots dépendant des Sey-
chelles, à 300 kil. N.-E. de Madagascar. Il appartenait à
25 —
FARQUHAR - FARRE
l'Angleterre. — Lé même nom est donné à une longue
ligne d'îlots et de récifs de la côte N.-E. d'Australie.
FARQUHAR (George), auteur dramatique irlandais, né à
Londonderry en 1678, mort à Londres en 4707. Il débuta
comme acteur, mais un accident qui lui arriva àansV Indian
Emperor de Dryden, où il poignarda réellement l'acteur
en scène avec lui, le décida à renoncer à la profession. Sur
les conseils de Wilkes, il se fit auteur et produisit plu-
sieurs comédies qui réussirent. En voici les titres : Love
and a Bottle (1699) ; A Constant Couple (1699) ; Sir
Harry Wildair (il Oi); The Inconstant (1702); The
Tivin-Rivals (1702) ; The Stage Coach (1704) ; The
Recruiting Officer (1706) ; The Beaux' Stratagem
(1707) ; The Stage Coach, qui n'est qu'une simple farce
en un acte, fut écrit en collaboration avec Motteux, le tra-
ducteur de Rabelais et de Don Quichotte, Le comte d'Or-
rery le gratifia d'une commission de lieutenant, en vertu
de laquelle il servit probablement en Hollande et qu'il
vendit sur les conseils du duc d'Ormonde, qui lui promet-
tait en échange un brevet de capitaine, mais qui différa
tellement l'exécution de sa promesse que Farquhar, dit-on,
en mourut de chagrin. Il avait, dès 1699, découvert, dans
la taverne où elle vivait avec sa tante, le talent d'Anne
Oldfieid, qui devint, plus tard, une actrice célèbre et ne
se montra point ingrate. Venu après Wycherly et Con-
greve, Farquhar peut leur être comparé pour le plan de
ses comédies aussi bien que pour la vivacité et l'esprit du
dialogue ; mais s'il est moins licencieux que ses prédéces-
seurs, ses caractères sont plus superficiellement étudiés et
son style, bien que brillant, est plus creux et moins
châtié. Il publia aussi un petit volume de Micellanies
(1702) contenant des poésies assez médiocres, quelques
lettres et un Discours sur la poésie, au point de vue du
théâtre anglais. Il mourut pauvre, laissant une femme
et deux filles dans un -absolu dénuement. Leigh Hunt dit
même qu'une de celles-ci dut se faire servante. R.-H. G.
FARQUHAR (Arthur), marin anglais, né en 1772, mort
dans le comté d'Aberdeen le 2 oct. 1843. Entré dans la
flotte en 1787, il servit aux Indes, fit la guerre avec la
France dans la Méditerranée, la Raltique et la mer du
Nord, fut pris le 4 févr. 1805 après une défense déses-
pérée. Acquitté par la cour martiale et même promu com-
mandant, il fit la croisière dans la Baltique et la mer du
Nord de 1806 à 1814. Le 5 janv. 1814, il jouait un rôle
prépondérant dans la prise de Gluckstadt. Il servit ensuite
au Gap et à la Jamaïque, où il se distingua dans la répres-
sion de la révolte des noirs. Il fut nommé contre-amiral
en 1837.
, FARQUHAR (Sir Robert Townsend), homme politique
anglais, né le 14 oct. 1776, mort à Londres le 16 mars
1830. Résident à Amboyna, gouverneur de Poulo-Pinang,
commissaire aux Moluques, il devint gouverneur de Mau-
rice en 1812. Très expert dans les affaires des colonies,
il rendit de grands services en ces divers postes et sup-
prima la traite des esclaves à Maurice, qu'il quitta en
1823. Le bourg de Newton l'envoya à la Chambre des
communes en 1825 ; en 1826, il fut élu par Hythe qu'il
représenta jusqu'à sa mort. Farquhar, un des directeurs
de la Compagnie des Indes, a publié : Suggestions for
counteracting any injurions effects upon the popula-
tion of the West India colonies from the abolition of
the slave-trade (1807), et dressé une carte de Mada-
gascar et de l'archipel de Maurice.
FARR. Village d'Ecosse, comté de Sutherland, entre
les caps Farr et Strathy, près de l'embouchure du Nave.
Plus de 2,000 hab., de langue gaélique.
FARR (William), statisticien anglais, né à Kenley
(Shropshire) le 30 nov. 1807, mort le 14 avr. 1883. II
fit des études médicales à Shrewsbury, les compléta à Paris
et à Londres, et exerça quelque temps dans cette dernière
ville. Il ne tarda pas à abandonner cette carrière pour la
statistique, où il acquit rapidement une réputation consi-
dérable. Ses écrits spéciaux sont innombrables. Les plus
connus sont ses lettres sur les causes de mort en Angle-
terre, et ses travaux sur les tables de vie, qui servent
aux assurances.
FARRAGUT (David-Glasgow), célèbre amiral américain,
né à Campbeli's Station, près de Knoxville, Etat de Ten-
nessee (Etats-Unis), le 5 juil. 1801, mort à Portsmouth
(New Hampshire) le 14 août 1870. Sa famille était d'ori-
gine espagnole. Mousse à neuf ans, il prit part comme
midshipman sur la frégate Essex à la guerre contre l'An-
gleterre (1812-1814). Après la paix de Gand, il compléta
ses études navales et fut fait lieutenant de vaisseau en
1821. Il exerça divers commandements, reçut le grade de
capitaine de vaisseau en 1855, et prit parti pour le Nord
au début de la guerre civile (1861). L'admirable intrépi-
dité avec laquelle il força, le 24 avr. 1862, les passes du
Mississippi et détruisit la flottille confédérée devant la Nou-
velle-Orléans (V. Etats-Unis, § Guerre de la Sécession),
illustra son nom et lui valut (11 juil. 1862) des remercie-
ments du Congrès et le grade de contre-amiral. Un exploit,
peut-être plus brillant encore, fut l'entrée dans la baie de
Mobile (5 août 1864) défendue par des torpilles, des forts
et des navires cuirassés. Il fut fait vice-amiral en déc. 1 864,
et, deux ans plus tard, amiral et commandant en chef de
toutes les forces navales des Etats-Unis. Il visita en 1867-
1868 avec une escadre américaine les principaux ports
d'Europe. Son fils, Loyal Farragut, a publié : The Life
and Letters of David Glasgow Farragut (New York,
1880). Aug. M.
FARRAN (Antoine- Jean) , homme politique français, né
à Angers le 23 sept. 1791, mort à Angers le 11 août 1872.
Négociant, membre de la chambre des arts et manufactures
d'Angers, maire de cette ville, il fut élu député de Maine-
et-Loire le 4 nov. 1837, et fut réélu successivement le
2 mars 1839, le 9 juil. 1842, le 1er août 1846. Il siégea
au centre gauche et appuya généralement de ses votes le
tiers-parti. Il représenta encore le Maine-et-Loire à la
Constituante (23 avr. 1848) et à la Législative (13 mai
1849). Il joua un rôle assez obscur dans toutes ces assem-
blées. Comme maire d'Angers, il a créé en 1839 le musée
David, et, en 1841, le musée, d'archéologie.
FARRAR (Frederick William), philologue et théologien
anglais, né à Bombay en 1831. Fils d'un recteur, il entra
dans les ordres en sortant de l'université de Cambridge et
professa dans divers grands établissements scolaires.
En 1858, une histoire de la vie de collège, Eric ou Little
by Little, attira sur lui l'attention. L'année suivante pa-
rurent Julian Home et Lyrics of Life et en 1862 Saint
Winifred et The World of SchooL En même temps, il
étudiait la philologie : Origin of Language; Chapters
onLanguage; Greek Grammar Rules; Greek Syntax,
Familles of Speech, témoignent de ses travaux, mais sa
réputation en Angleterre est due surtout à ses œuvres théo-
logiques qui succédèrent en 1870 aux livres de philologie.
The Life of Christ, paru en 1874, est peut-être de toutes
les publications de ce genre la plus estimée dans la Grande-
Bretagne. En 1877, alors qu'il occupait les postes de cha-
noine^de Westminster et de recteur d'une paroisse, il
souleva de grandes controverses dans le monde dévot par
une série de sermons publiés sous le titre Eternal Hope,
où il niait la damnation éternelle. Trois autres ouvrages
théologiques parurent de 1879 à 1889 (The Life and
Work of Saint Paul; Jhe Early Days of Christianiiy
et Lives ofthe Fathers). Son style, que l'on peut com-
parer à celui de Renan, est élégant, poétique, plein d'images
et de couleur. Hector France.
FARRE (La). Corn, du dép. de l'Ardèche, arr. de Tour-
non, cant. de Saint -Félicien; 545 hab.
FARRE (Jean-Joseph-Frédéric-Albert), général français,
né à Valence (Drôme) en 1816, mort à Paris le 24 mars
1 887. Il fut admis en 1835 à l'Ecole polytechnique et entra
comme sous-lieutenant-élève du génie à l'école de Metz
en 1837. Chef de bataillon en 1858, il fut nommé en 1859
commandant du génie du corps d'occupation à Rome.
FARRE — FARS — 2
Promu colonel en 1868, il était directeur des fortifications
à Lille, lorsque éclata la guerre avec la Prusse. Après la
révolution du 4 sept. 1870, il fut adjoint à M. Testelin,
commissaire de la Défense nationale. Promu général de
brigade le 31 oct. 1870, Farre devint chef d'état-major
du général Bourbaki, commandant supérieur de la région
du Nord. Après le départ de Bourbaki, le général Farre
exerça par intérim le commandement de l'armée du Nord
avant l'arrivée du général Faidherbe et résista brillamment
aux Allemands qui marchaient sur Amiens. Le 27 nov. 1870,
Farre accepta la bataille à Villers-Bretonneux et ne battit
en retraite par Corbie et par Amiens que dans la nuit du
27 au 28 sans que les Allemands, commandés par Man-
teuffel, s'en fussent doutés. Dans cette action glorieuse,
26,000 Français avaient tenu tête à 35,000 Allemands.
Le général Faidherbe, ayant pris le commandement en chef,
choisit le général Farre pour chef d'état-major général ; le
général Farre fut alors nommé général de division. Farre
organisa convenablement les troupes de l'armée du Nord ;
il prit part avec elles aux batailles de Pont-Noyelles, de
Bapaume et de Saint-Quentin. Remis général de brigade
après la guerre, il fut nommé en 1872 directeur supérieur
du génie de l'Algérie. En 1875, Farre fut promu général
de division; en févr. 1879, il fut nommé gouverneur mili-
taire de Lyon et commandant du 14e corps d'armée. Farre
obtint le portefeuille de la guerre le 27 déc. 1879, dans
le cabinet présidé par M. de Freycinet; il conserva ce
portefeuille lorsque M. Jules Ferry remplaça M. de Frey-
cinet en qualité de président du conseil. Comme ministre
de la guerre, le général Farre organisa l'expédition de
Tunisie dans de prudentes et sages conditions. Sous son
ministère, les tambours furent supprimés : ils furent d'ail-
leurs rétablis peu après ; les capitaines d'infanterie furent
montés. Le général Farre quitta le ministère de la guerre
le 14 nov. 4881 ; il avait été élu sénateur inamovible le
25 nov. 1880. P. Marin.
FAR R ELLA (Bryoz.). Genre de Bryozoaires créé par
Ehrenberg et appartenant à la famille des Vesiculariidge,
ordre des Gymnolsemes Cténostomes. Sa zoœcie présente
un orifice bilabié, elliptique ; le polypide est dépourvu de
gésier ; le zoarium est rampant. L'espèce Farrella repens
est très répandue et habite sur les carapaces de crabes, les
coquilles, les algues. L. C.
FAR R EN (Elizabeth), comtesse de Derby, née à Cork
vers 1759., morte à Knowsley Park (Lancashire) le 23 avr.
1 829. Fille d'un pharmacien, elle manifesta, dès son en-
fance, beaucoup de goût pour le théâtre et débuta avec
succès à Liverpool à l'âge de quinze ans. Colman l'engagea
à Haymarket où, sous le nom de miss Hardcastie, elle fut
accueillie très favorablement par le public. Elle tint les
rôles de Rosetta dans le Bon Ton de Garrick, de Rosine
dans le Barbier de Sêville, de Nancy Lovel dans le Sui-
cide de Colman, etc. En 1778, elle débutait à Drury
Lane dans les West-Indian, prenait, en 1782, la succes-
sion de Mrs Abington et jouait tous les premiers rôles avec
un succès croissant jusqu'en 1797. A cette date, miss Far-
ren, jolie, gracieuse, distinguée, avec les plus beaux yeux
bleus du monde, épousa Edward, douzième comte de Derby,
qui l'introduisit dans la plus haute société où elle ne se
trouva point déplacée. On a son portrait peint par Laurence.
Bibl. : Petronius Arbiter, Memoirs of the présent
countess of Derby, late miss Farren ; Londres, 1797, in-4.
— The Testimony of truth to exalted Merit, or a Biogra-
phical sketch of the Countess of Derby; Londres, 1797,
in-4. — Mrs Mathews, Tea-Tuble Talk ; Londres, 1857.
FA R R E N C ( Jacques-Hippolyte- Aristide ) , professeur,
critique et éditeur de musique, né à Marseille le 9 avr.
1794, mort à Paris le 31 janv. 1865. Il se fixa en 1815
à Paris, où il obtint la place de seconde flûte dans l'orchestre
du Théâtre-Italien. Deux ans après, il se livrait au pro-
fessorat et à la composition de plusieurs œuvres pour son
instrument. Doué d'une activité infatigable, Farrenc fonda
bientôt une maison d'édition, dont il garda la direction
jusqu'en 1841. En même temps, il faisait d'intéressantes
recherches sur l'histoire de Part. Il devînt un précieux col-
laborateur de Fétis pour la deuxième édition de la Bio-
graphie universelle des musiciens, Son meilleur titre à
la reconnaissance des musiciens est la publication d'un
magnifique recueil, le Trésor des Pianistes, collection
des oeuvres choisies des maîtres de tous les pays et de
toutes les époques, depuis le xvie siècle jusqu'à la moitié
du xixe. Ce monument, élevé à la gloire des maîtres du
clavecin et du piano, a été achevé par Mme Farrenc. La
collection se compose de vingt-trois volumes. Ch, B.
FARRENC (Mme Jeanne-Louise), pianiste et compositeur
de musique, née à Paris le 31 mai 1804, morte à Paris
le 15 sept. 1875. Elle appartenait à une famille de sculp-
teurs célèbres : elle était fille de Jacques-Edme Dumont et
sœur d'Auguste Dumont, membre de l'Institut. Elève pour
le piano de Moschelès et de Hummel, elle étudia l'har-
monie et le contrepoint sous la direction de Reicha. En
1821, elle épousa Aristide Farrenc et entreprit avec lui
plusieurs voyages artistiques dans le nord et dans le midi
de la France. Elle fut nommée en 1842 professeur de piano
au Conservatoire. Elle dirigea sa classe jusqu'en janv. 1873
et forma pendant ces trente ans d'exercice une excellente
école de pianistes. Mme Farrenc était un compositeur de
talent. Ses œuvres, écrites dans la pure forme classique,
obtinrent le suffrage de Schumann. On en trouvera rénu-
mération complète dans la Biographie des musiciens, de
Fétis. Nous citerons une ouverture en mi bémol, une
symphonie en sol mineur, exécutées en 1840 et en 1849
parla société des concerts du Conservatoire; deux trios
pour piano, violon et violoncelle ; un trio pour piano, flûte
et violoncelle ; un nonetto. Esprit remarquable, Mme Farrenc
a exercé une grande influence sur son neveu Ernest Reyer,
au début de la carrière de l'auteur de Sigurd. Ch. B.
FARRERAS (Le P. Pedro-Pascal), moine et musicien
espagnol, né à Badalona (province de Barcelone) en 1775,
mort dans les derniers jours de juin 1849. Il entra à l'âge
de seize ans dans l'ordre de la Merci, au couvent de la
Berga ; il apprit à jouer de divers instruments, et ses supé-
rieurs le mirent à la tête de l'école de musique qui existait
au monastère de la Merci de Barcelone. Là, en enseignant,
il compléta lui-même son éducation musicale, et fit repré-
senter par ses élèves des drames religieux de sa composi-
tion, VEnfant prodigue, le Sacrifice dlsaac. L'Espagne
doit à son enseignement beaucoup de bons artistes et de
professeurs habiles. A. E.
FARR1NGTON (Sir William), diplomate anglais du
xve siècle. Il servit en Aquitaine, devint gouverneur de
Saintes, fut battu à Soubise, vint au secours de Thouars,
assiégé par les Français, puis rejoignit le duc de Buckin-
gham. En 1376, il fut enfermé à la Tour pour avoir laissé
échapper un des prisonniers de marque faits à la bataille
de Najera. En 1381, il fut chargé d'une mission auprès de
Philippe d'Artevelde en Flandre, apporta, en 1382, en An-
gleterre, la nouvelle de la défaite de Rossbeck, combattit à
Dunkerque et fut assiégé à Bourbourg. 11 fut ensuite en
Galicie avec le duc de Lancastre. Richard II l'envoya en
ambassade en Portugal vers 1390. Henri IV le chargea
d'une mission à Paris et lui confia, en 1403, le comman-
dement du château de Fronsac. Il s'occupa d'organiser et
de surveiller le trafic par mer entre Bordeaux et l'Angle-
terre et devint, en 1412, commandant du château de
Bordeaux.
FARS ou FÂRSISTÂN. Province du S. de la Perse mo-
derne, qui représente à peu près l'ancienne province de
Persis, bornée au S. par le Laristân, au N.-O. le Khou-
zistan ou Suziane, à l'E. les déserts, à l'O. le golfe Per-
sique, sur lequel se trouve le port de Bouchir, Villes
principales : Istakhar, Darabgird, Chahpuor, Chirâz, Firou-
zabad, Kazeroun, toutes villes célèbres dans l'antiquité
et par les découvertes modernes. Le lac Niris ou Bakhta-
gan, dans lequel tombe le fleuve Kour, fait partie de cette
province. Pour la géographie physique, politique et écono-
mique, l'histoire, etc., V. Perse. Fars est la forme arabe
- 27 -
FARS — FASA
du mot Pârça, la Perse des Achéménides et des Sassanides.
C'est le mot employé dans les poèmes persans et encore
aujourd'hui pour désigner la Perse chez tous les musulmans.
La mer du Fars est le golfe Persique. E. Dr.
FARSAKH. Nom persan delà parasange antique. C'est
l'unité de longueur servant à désigner les distances géo-
graphiques. La forme du mot est arabe et a été calquée
sur le mot grec Hapaaây^- Suivant Ibn Khordadbeh,
Masoudi et la plupart des anciens auteurs orientaux, il y
avait 25 farsakhs au degré terrestre d'après la mesure d'un
degré du grand cercle effectuée vers 820 de J.-C. sous le
khalife abbâside Al-Mamoun, ce qui mettait le farsakh à
4 kil. En Perse et dans tout l'Iran la valeur de cette
unité de longueur était plus élevée ; encore aujourd'hui le
farsakh légal est de 5,760 m., ce qui correspond à peu
près à la parasange d'Hérodote, laquelle était de 30 stades
ou 5,520 m. Dans les anciens itinéraires arabes on
comptait 4 farsakhs pour le relais de poste (bérîd), et
6 f. 4/2 en moyenne pour la journée de marche. E. Dr.
Bibl. : Ibn Khordadbeh, éd. de Goeje, 1889. — Sau-
vaire, Numism. et métrologie rnusulm., dans Journ.
asiat., 1887.
FARS AN. Iles de la mer Rouge, à 50 kil. de la côte de
l'Yémen. L'archipel comprend deux îles principales : Far-
san el-Kebir et Farsan el-Seghir, une douzaine d'îlots et
de récifs coralliaires ; Farsàn el-Kebir a 40 kil. de long ;
Farsan el-Seghir, plus au N., en a 30. La première ren-
ferme le port de Chor-Farsan. Dans ces îles croissent des
dattiers ; on y trouve des gazelles, des tortues ; on pêche
autour des perles et du corail.
FARSCHWILLER (Farswillers, 1244, Warswilra,
4332, en allem. Farschweiler). Corn, delà Lorraine allem.,
cant. et arr. de Forbach, sur la ligne de Sarreguemines-
Beningen-Metz ; 650 hab. Tissage de soie, fabrication de
chapeaux de paille, carrières de pierres calcaires, belles
forêts. — En 4681, Farschwiller faisait partie du comté
de Puttelange, fief mouvant du roi de France. — A 4 kil.
à l'O., en pleine campagne, s'élève une tour ronde à trois
étages, du xme siècle, qui faisait partie d'anciennes forti-
fications. L. W.
Bibl.: Bull.de la Soc. oVavchéol, et d'hist. de la Mos., III,
pp. 211 et suiv.
FARSETTI (Filippo), prêtre et antiquaire italien, né à
Venise le 43 janv. 4705, mort le 25 sept. 4774. Il fit
mouler en plâtre les principaux chefs-d'œuvre de la sculp-
ture antique dispersés dans les divers musées de l'Italie et
fit copier les plus remarquables peintures des maîtres ita-
liens de la Renaissance. Le musée qu'il forma ainsi fut
ouvert au public et décrit par l'abbé Lastesio sous ce titre :
Lettre h V Académie de Cortone (Venise, 4764, in-4).
FÂRS1STÂN (V. Fars).
FARSKY (François), agronome tchèque, né à Ruprech-
tice (Bohême) en 4846. Il étudia la chimie à Prague et
devint, en 4876, directeur de l'Ecole d'agriculture de Tabor.
Il s'est surtout occupé de chimie agricole et a collaboré à
un grand nombre de recueils spéciaux tchèques ou alle-
mands, notamment aux Mémoires de la Société royale des
sciences de Prague, de la Société zoologique et botanique
de Vienne, etc. L, L.
FARSUND. Ville de Norvège, district de Lister et Man-
dai, à l'E. de la presqu'île de Lister, sur le fjord de Far-
sund ; 4,500 hab. ; bon port, avec une flotte de 45 voiliers
déplaçant 2,300 tonnes. Il exporte près de 250,000 fr. de
poisson annuellement.
FARTHING. Monnaie anglaise de cuivre, qui vaut le
quart d'un penny, soit un peu plus de 2 cent, et demi.
FAR UKH ABAT (V. Farakarad).
FARULLl (Giorgio- Angelo), historien italien, né vers
4650, mort en 4728. Il était religieux de l'ordre des cal-
maldules et vécut principalement à Florence. Ses ouvrages, -
très importants, intéressent surtout l'histoire ecclésiastique
et hagiographique : Storia cronologica del nobile et an-
tico monastero degli Angioli di Firenze de II' ordine
Calmaldolese (Lucques, 4700, 20 vol. in-4); Annali
e Memone délV antica e nobile città di San Sepulcro
(Foligno, 4743, in-4); Annali di Arezzo in Toscana
(Foligno, s. d., in-4); Vita délia B. Elisabetta Salviati
(Bassano, 4723, in-4). R. G.
Bibl.: Lombardi, Storia délia letteratura italiana nel
xvm6 secolo; Modène, 1827-1830, 4 vol. in-8.
FARVACQUES (François), écrivain ecclésiastique belge,
né à Lille en 4622, mort à Louvain en 4689. Il entra dans
l'ordre des augustins, enseigna pendant quelque temps la
philosophie à Douai, puis devint professeur de théologie à
l'université de Louvain. Il défendit avec beaucoup d'érudi-
tion la thèse de l'infaillibilité pontificale. Ses ouvrages
théologiques, Disquisitiones theologicœ, ont longtemps
fait autorité dans les séminaires beiges. E. H.
FARVARDIN (littéralement les Fervers ou génies tuté-
laires). Nom du premier mois de l'année persane, com-
mençant avec une grande régularité le 22 ou le 23 mars
grégorien. Déjà consacré aux bons génies dans le calen-
drier zoroastrien, il a été maintenu, comme tous les autres
noms persans ou zends, dans le nouveau calendrier (en
4075), le Djelal-ed-din (V. ce nom).
FAR WEST (Grand Ouest, au mieux Ouest lointain),
dénomination générale qui fut appliquée successivement à
diverses parties des immenses solitudes de l'O. des Etats-
Unis, selon le degré de peuplement de la partie orientale
du continent. A l'époque coloniale, le Far West commen-
çait aux monts Alleghanys et désignait les vastes prairies
arrosées par l'Ohio et ses affluents jusqu'au Mississippi.
Après la guerre de l'Indépendance, lorsque déjà la colo-
nisation envahissait les prairies du Tennessee, du Ken-
tucky, de l'Ohio et de l'Indiana, le Far West comprit la
vallée même du Mississippi. Après 4800, l'expédition de
Lewis et de Clarke fournit aux Américains les premières
données sur la nature et les traits caractéristiques de
l'énorme domaine que Jefferson venait d'ajouter au terri-
toire fédéral par l'acquisition de la Louisiane. Le Far West
comprit dès lors les espaces où régnaient les Sioux,les Co-
manches et le bison, où devaient plus tard se former les
Etats de Kansas, de Nebraska, de Texas, puis le Territoire
indien et plus tard encore le Colorado, le Wyoming, le
Montana et le Dakota. Après 4850, on comprit sous l'ap-
pellation de Far West la région entière des montagnes Ro-
cheuses, le grand plateau, les déserts d'Utah, de Nevada,
le Nouveau-Mexique, l'Arizona, l'Idaho, l'Orégon, le Was-
hington et la Californie. Aujourd'hui encore, malgré
l'avance constante de la civilisation et les progrès du peu-
plement, le Far West embrasse plus de la moitié du ter-
ritoire des Etats-Unis, depuis Bismark et Glendive au N.
jusqu'à Paso del Norte etTucson au S., et jusqu'à Los An-
geles, San Francisco et Tacoma à l'O. Le Far West n'est
plus maintenant la solitude indéfinie où erraient silencieux
des bandes d'Indiens sauvages, réfractaires à toute entente
avec les blancs, et d'innombrables troupeaux de buffles, pays
béni des sportsmen aventureux. C'est le désert encore,
mais traversé déjà par six grandes lignes de chemins de
fer, courant parallèlement de l'E. à l'O., et animé par les
cowboys des cattle ranches, dans le Texas,l'Arkansas et
le Kansas, par les mineurs du Colorado, du Nevada et du
Montana, par le peuple mormon de l'Utah, jalonné de gar-
nisons fédérales et d'agences indiennes. La Californie est
déjà bien trop peuplée et civilisée pour faire encore partie
du Far West, limité dans cette direction par la sierra Ne-
vada. Le Far West, avec ses solitudes, ses dangers, ses
aspects grandioses, ses montagnes magnifiques, sa nature
gigantesque, a créé toute une littérature : innombrables
récits de voyages, explorations scientifiques, aventures de
sport, œuvres d'imagination, depuis les romans de Feni-
more Cooper jusqu'aux contes de Bret Harte. Aug. M.
FA SA. Ville du Fârsistân, ou de la Perside propre-
ment dite, à quatre journées à l'E. de Chirâz, appar-
tenant au district de Darabdjerd qui est situé à 33° de
lat. boréale et 56° de long. E . de Paris. Aujourd'hui, la
ville semble être déchue de son ancienne importance :
FASÂ — FASCINATION
— 28 —
les voyageurs "modernes signalent pourtant encore une
industrie considérable d'étoffes en brocart doré, en soie-
ries et en poils de chameaux. Elle passait au moyen âge
pour Tune des villes les plus jolies de la Perse, d'une
étendue aussi grande que Chirâz, mais avec des rues plus
longues. Les maisons sont bâties en brique et en bois de
cyprès. Une citadelle domine la ville qu'entoure un fossé ;
au delà une enceinte court autour, et dans cet espace sont
contenus les marchés. Une vieille tradition dit que le nom
de la ville serait Basa, ou Pasâ qui, selon les Arabes, signi-
fierait vent du N. Il est possible que non loin de Fasâ se
trouvât Pasargades, la ville sainte des Perses, où les rois
furent couronnés et qu'on a placée à tort au N. de Persé-
polis, bien à PO. de l'emplacement que cette cité occupait
jadis. Il est possible même que le nom de Pasârenne
du nom de Pasargades, Paisyâuawâdâ, à prononcer Pai-
siakhada, ou bien soit celui de la Pasarracha de Ptolémée.
FASA NO (Tommaso), peintre de l'école napolitaine,
mort vers 1700. Bien qu'élève distingué de Luca Giordano,
il n'a laissé qu'un petit nombre de fresques. 11 s'est complu
et a excellé surtout dans de grandes compositions à la
détrempe, destinées pour la plupart à décorer des saints-
sépulcres, des crèches, des expositions de saints-sacrements
et autres sujets d'apparat religieux.
FASCE (Blas.). Pièce héraldique de première classe,
appelée pièce honorable et occupant horizontalement le
tiers de l'écu. La maison de Béthune porte d'argent à la
fasce de gueules. Elle symbolise la cuirasse ou la cein-
ture du chevalier. Une fasce peut être chargée d'une pièce
ou figure quelconque, accompagnée, bandée, frettée, losan-
gée, échiquetée, componée, dentelée, endentée, engrelée,
crénelée, bastillée, bretessée, ondée, vivrée, etc., ce qu'il
faut avoir soin d'indiquer en blasonnant. Une fasce dimi-
nuée de largeur se nomme divise ou trangle ; en nombre
au-dessus de quatre, les fasces prennent le nom de bu-
relles. — Un écu peut être fascé, c.-à-d. couvert de fasces.
Le fascé-contre-fascé se dit d'un écu parti, c.-à-d. coupé
en deux parties égales couvertes de fasces dont les couleurs
sont opposées. On nomme fasce-pal, la fasce réunie à une
moitié de pal, c.-à-d. une croix moins la partie inférieure
ou supérieure. D'argent à une fasce-pal de gueules.
FÂSCH (Rémi), ou Feschius (Remigius) (V.F^sch).
FASCH (Johann-Friedrich), musicien allemand, né à
Buttelstadt, près de Weimar, le 45 avr. 4688, mort à
Zerbst en 4759 ou en 4758 (suivant Zelter). Il fut enfant
de chœur* dans la chapelle du duc de Weissenfels, puis
apprit le clavecin, l'orgue et l'harmonie à la Thomasschule
de Leipzig. Il étudia la théologie à l'université de Leipzig
et continua à Darmstadt son instruction musicale, après un
voyage en Italie. En 4745, il fut greffier de la chambre à
Géra, en 4720 greffier et organiste à Zeitz. En 4722, il
devint maître de chapelle du prince d'Anhalt-Zerbst et se
fixa à Zerbst, oîi il a écrit le plus grand nombre de ses
ouvrages. Ses compositions consistent en oratorios, Pas-
sions, messes, motets, concertos pour divers instruments
(en particulier le hautbois et la flûte), musique pour des
cantates, opéras (entre autres Bérénice), et quarante-deux
ouvertures ou symphonies. On vante surtout sa messe à
quatre voix, avec deux violons, alto, violoncelle, orgue,
flûte, trois hautbois, deux cors et basson. A. E.
FÂSCH (Karl-Friedrich- -Christian), fils du précédent, né
à Zerbst le 48 nov. 4736, mort à Berlin le 3 août 4800.
11 était faible de constitution, et ses parents le dispen-
saient de tout travail ; mais ses dispositions naturelles pour
la musique se manifestèrent si clairement qu'on dut lui
laisser prendre des leçons de clavecin. Il prit part à la
musique que l'on exécutait dans la chapelle du prince
d'Anhalt-Zerbst. F. Benda le fit venir à Berlin comme
accompagnateur claveciniste et musicien de la chambre de
Frédéric II. Fasch alternait de mois en mois avec Charles-
Philippe-Emmanuel Bach. La guerre de Sept ans ayant
obligé le roi à réduire les pensions qu'il faisait à ses musi-
ciens, le jeune homme dut se livrer à l'enseignement et
sa santé s'altéra de plus en plus. De plus, mécontent de
lui-même, il détruisait souvent ses manuscrits à peine
terminés. On le vit s'occuper de questions militaires et
navales, imaginer des ruses tactiques, des stratagèmes
bizarres; chaque matin, il se proposait quelques problèmes
d'arithmétique afin d'apprécier l'état de ses facultés et,
parfois, pour une seule faute de calcul, il renonçait aux
travaux les plus urgents. Très habile en son art, il s'im-
posait fréquemment des difficultés considérables qu'il sur-
montait avec bonheur (on a de lui un remarquable canon
à cinq sujets et vingt-cinq voix). Sa messe à seize voix,
d'un style à la fois très rigoureux et très hardi, très serré
d'écriture et très modulant, parut inexécutable aux chan-
teurs. C'est pour arriver à la faire apprendre et inter-
préter que Fasch fonda V Académie de chant de Berlin,
dont la réputation est devenue si grande. Fasch a composé
un opéra, genre pasticcio, intitulé Vasco de Gama; des
cantates spirituelles ; douze chorals à quatre, cinq et six
voix ; un Requiem; des psaumes ; un Miserere; un canon
à quinze voix ; la fameuse messe à seize voix, etc. Zelter
fut le meilleur élève de Fasch. Alfred Ernst.
Bibl. : Zelter, Karl-Friedrich-Christian FascWs Leben;
Berlin, 1801, in-4.
FASCIA (Anat.). Terme fréquemment employé pour dé-
signer certaines aponévroses (V. ce mot). Les principales
sont le fascia cribiformis, portion de l'aponévrose cru-
rale recouvrant le triangle de Scarpa ; le F. iliaca, apo-
névrose recouvrant les muscles psoas el iliaques ; le F. lata,
portion externe très épaisse de l'aponévrose crurale, qui
se continue en bas par le ligament fémoro-cutané ; le F. su-
perficialis, dénomination parfois employée pour le tissu
cellulaire sous-cutané ; le F. transversale, aponévrose de
la face postérieure du muscle trans verse de l'abdomen, con-
courant à la formation de la paroi postérieure du canal
inguinal et de la tunique fibreuse du scrotum ; le F. umbi-
licalis, lame épaissie de tissu sous-péritoneal formant la
paroi postérieure du canal de la veine ombilicale dont la
paroi antérieure est formée par la ligne blanche. DrL. Hn.
FASCIAT10N (Bot.). Déformation des tiges et des ra-
meaux qui prennent la forme aplatie ou rubanée ; cette
anomalie peut aller jusqu'à la séparation verticale ou par-
tition d'un axe en deux ou plusieurs parties qui se com-
portent alors comme un axe complet. La fasciation, d'après
Germain de Saint-Pierre, s'applique également aux organes
appendiculaires, de sorte que la partition serait aux or-
ganes axiles ce que le dédoublement serait aux organes
appendiculaires (feuilles, fleurs, etc.). C'est, entre autres,
à la fasciation qu'il faut rapporter le phénomène des fruits
doubles ou multiples qu'on considérait jadis comme soudés.
FASCICULARIA,FASCICULIPORA(Paléont.)(V.FRON-
dipora).
FASC1CULÉES (Colonnes) (V. Colonnes en faisceaux).
FASCINAGE (Génie). On désigne ainsi l'opération qui
consiste à transformer les branchages fraîchement coupés
en matériaux divers, fascines, gabions, etc., servant à im-
proviser des retranchements, des batteries, des ouvrages
de fortification ou des abris. Le terme fascinage s'emploie
aussi de ces matériaux eux-mêmes, qui se divisent en fas-
cines, en saucissons, en gabions, en claies, suivant la
grosseur des branchages mis en œuvre et selon les besoins
des troupes qui les confectionnent. Une modification consi-
dérable à la solidité des fascinages tient à l'emploi du fil
de fer pour confectionner les harts des divers fascinages.
Les dimensions des fascinages réglementaires usités en
France, en Angleterre, en Allemagne, varient quelque peu
suivant les armées ; en France, les dimensions du gabion
réglementaire du génie sont sensiblement différentes des
dimensions du gabion de l'artillerie. Le particularisme des
deux armes s'affirme dans ces détails comme dans ceux de
l'uniforme ; les principes de fabrication sont d'ailleurs iden-
tiques ; ils découlent des règles élémentaires de l'art du
vannier. P. Marin.
FASCINATION (Méd.). La fascination, d'après une défi-
— 29 —
FASCINATION — FASCIOLAIRE
nition toute récente, est une pratique qui, agissant sur
l'imagination, crée, avec ou sans sommeil, l'état psychique
de suggestibilité exaltée. Considérée d'une manière géné-
rale, la fascination est une séduction, un éblouissement,
un enchantement, un charme qui empêche de voir juste et
de porter un jugement sain. Suivant les idées de nos pères,
« la fascination était un charme exercé par un regard sur
un autre regard et doué d'une telle puissance que celui qui
la ressentait ne pouvait s'y soustraire et devait nécessaire-
ment rester vaincu ». L'acte en lui-même n'a pas changé ;
l'objet exerçant le charme, seul, peut être variable et, s'il
est vrai que le regard, à l'expression duquel nous devinons
parfois ce que l'on pense, ce que l'on désire de nous, soit
l'arme par excellence de la fascination, il est certain que
d'autres parties du corps peuvent avoir, quoique à un
moindre degré, une réelle puissance sur certaines imagi-
nations. D'après Bernheim, la suggestion domine l'hypnose ;
on peut faire rentrer dans la série des phénomènes hypno-
tiques toutes les pratiques diverses qui agissent sur l'ima-
gination, créant avec ou sans sommeil l'état psychique de
suggestibilité exaltée, et la fascination est l'une d'elles. On
peut être fasciné par un objet brillant ou par le regard ;
c'est le mode le plus usité. Donato l'a employé pour la
première fois, Brémaud l'a décrit, Hansen l'a appliqué.
Procédé, Donato ne prend le plus souvent que des
jeunes gens. Il prie le sujet d'appliquer la paume de ses
mains sur les siennes tendues horizontalement et d'appuyer
de haut en bas de toutes ses forces. Pendant que l'attention
et la force physique entières du sujet sont absorbées dans
cette manœuvre, que toute son innervation pour ainsi dire
concentrée vers cet effort musculaire empêche sa pensée
de se distraire, le magnétiseur regarde vivement de très
près et brusquement le jeune homme, lui enjoignant par le
geste, et au besoin par la parole, de le regarder avec toute
la fixité dont il est capable. Alors l'opérateur reculant et
tournant autour du sujet en continuant à le fixer et à le
provoquer du regard, celui-ci, comme attiré et fasciné,
le suit, l'œil grand ouvert, ne pouvant plus se détacher du
sien. Une fois entraîné par une première expérience, la
simple fixation des yeux suffit pour dominer le sujet ; il
n'est plus nécessaire de faire appuyer préalablement sa
main sur celle de l'opérateur. Il s'agit ici d'une simple
suggestion par le geste. Le sujet comprend par les yeux du
magnétiseur que son regard doit rester attaché au sien et
le suivre en tous lieux ; il se croit attiré vers lui : c'est
une fascination suggestive psychique et nullement physique.
Parmi les gens ainsi fascinés, comme parmi les sujets
hypnotisés par* un autre procédé, les uns subissent Tin-
fluence sans sommeil ; ils sont suggestionnés à l'état de
veille ; ils se rappellent après coup ce quils ont fait. Ils ne
savent pas pourquoi ils n'ont pu s'empêcher de suivre et
de fixer leur fascinateur. Les autres ne se rappellent plus
rien ; un souffle sur leurs yeux ou la simple parole a fait
disparaître cet état. Ils ont été en somnambulisme les
yeux ouverts ; on peut dans cet état les cataleptiser, les
halluciner. Ils peuvent d'ailleurs être cataleptisés, hallu-
cinés par la parole, le geste, l'attitude qui leur est com-
muniquée sans fascination préalable.
La fascination ne crée pas un état spécial ; c'est toujours
l'hypnose, la suggestibilité exaltée, provoquée par une
influence exercée sur l'imagination du sujet. Que cette
influence arrive au sensorium par l'œil, la parole, le tact
ou par toute autre voie, l'état psychique obtenu est toujours
le même et le degré d'exaltation de la suggestibilité dépend
moins du procédé employé que de l'impressionnabilité de
l'individu. L'automatisme est plus étendu que dans l'hyp-
notisme ordinaire, en ce sens que la personnalité du sujet
peut jouer un certain rôle dans l'accomplissement d'actes
commandés et qui pourraient être plus complexes que dans
la suggestibilité par hypnotisme ordinaire. Cet état est
moins bien défini que ceux de la série hypnotique franche,
et l'on peut dire que la fascination est à la catalepsie ce
que le charme est au somnambulisme, et, à l'inverse de ce
qui existe dans ces deux états francs, le souvenir est per-
sistant au réveil. Il n'est pas possible d'aller plus loin
dans l'étude de ces phénomènes mal définis sans sentir le
terrain s'effondrer sous ses pieds. On trouvera à l'art.
Hypnotisme les applications médico-légales qui découlent
de cette étude. Dr A. Coustan,
Bibl. : Bernheim, De la Suggestion et de ses applica-
tions à la thérapeutique; Paris, 1888. — Gilles de La
Tourette, l'Hypnotisme et les états analogues au point
de vue médico-légal; Paris, 1887.
FASCINE (Fortif.). On désigne sous ce nom des fagots
exactement cylindriques, composés de menus branchages,
résidus de la confection du gros fascinage (saucissons,
gabions, claies) ; on exécute souvent les fascines à 20 centim.
de diamètre et à 2 m. de longueur, liées par quatre harts
placés à égale distance l'un de l'autre. Les fascines sont le
genre de fascinage le plus aisé à confectionner, tant à cause
de la petitesse des branches qui peuvent y entrer que par
leur faible volume ; c'est aussi le plus facile à mettre
en œuvre à cause de sa légèreté. C'est enfin le moins
solide des fascinages et le moins résistant. On emploie les
fascines dans les batteries de siège pour couronner les
gabions qui revêtent le talus intérieur des parapets. On se
sert encore des fascines dans le cas où il convient de
constituer des digues pour le passage des fossés pleins
d'eau. Quand les dimensions des branchages composant
la fascine sont notables et quand la fascine elle-même
devenant plus longue et plus grosse cesse de pouvoir être
portée aisément par un seul individu, elle change de des-
tination : on lui attribue alors de préférence la désignation
de saucisson. P. Marin.
Fascine goudronnée (V. Artifices, t. IV, p. 15).
F AS G 1 0 LA (Zool.) . Ce mot a été employé en zoologie pour
désigner un grand nombre d'animaux n'ayant aucun lien de
parenté réelle entre eux. Cependant, ils semblent devoir
être rattachés tous aux Turbellariés, aux Trématodes, et
quelquefois aussi aux Némertes. Ce n'est que peu à peu
que l'on est arrivé à débrouiller ce chaos, et à répartir
selon leurs affinités les différents types qui se trouvaient
confondus sous cette vague dénomination. Pour n'en donner
que quelques exemples, nous citerons O.-F. Millier, qui
désignait sous le nom de Fasciola terrestris une Planaire
terrestre (rangée actuellement dans les Turbellariés, famille
des Geoplanidse), puis sous le nom de Fasciola divers Tré-
matodes (actuellement Distoma, Douve du foie), et, tou-
jours sous le même nom, une Némerte (du genre Cere-
bratulus, C. marginatus Renier). On voit à quel degré
d'hétérogénéité en était arrivé le genre Fasciola. Aussi
n'est-il pas étonnant que la réaction ait été extrême, et le
démembrement poussé à un tel point qu'il ne reste plus
rien de ce genre autrefois si vaste. Il est actuellement
fort difficile de préciser à qui revient historiquement le
nom de Fasciola parmi les groupes qui viennentS^être
cités , et aussi il n'en est aucun qui ne le porte sans
conteste. L. Jourin.
FASCIOLAIRE. I. Malacologie. — Genre de Mol-
lusques Gastéropodes, de l'ordre des Prosobranches-Pecti-
nibranches, établi par Lamarck en 1799, pour un animal
obtus en arrière, à siphon peu saillant, à corps robuste
supporté par un pied quadrilatéral, à tentacules courts,
portant les yeux sur un renflement basai; coquille de
grande taille, fusiforme, à spire élevée, lisse ou tubercu-
leuse. L'ouverture, de forme ovale-oblongue, se termine
en avant par un canal de longueur variable, un peu arqué ;
columelle arquée, munie à la base de deux à trois plis
obliques; bord externe strié intérieurement. — Sections :
1° Fasciolaria {sensu stricto) : coquille de taille moyenne,
à surface lisse. Ex. : Fasciolaria tulipa Linné; 2° Pieu-
ropoca Fischer, 1884 : coquille épaisse, plus ou moins
carénée et munie de côtes et de nodules. Ex. : Fasciolaria
trapezium Linné. Les Fasciolaires habitent presque toutes
les mers ; elles ont été surtout observées en Australie,
dans les Antilles, sur les côtes de l'Asie, dans la Méditer-
ranée. L Mab.
FASCIOLAIRE - FASSOLO
- 30
IL Paléontologie (V. Fuseau [Fusils]).
FASCIPORA (Paléont.) (V.Frondipora).
FASHION. Mot d'importation anglaise, synonyme de
mode. C'est le mot français façon, corrompu dans sa pro-
nonciation et son orthographe et pris dans une acception
restreinte. Ce retour d'un vocable, défiguré et altéré dans
sa signification, à la langue d'où il est originaire, est un
fait philologique assez fréquent. Les moralistes anglais du
xvme siècle sont pleins de réflexions critiques sur la fashion
et de portraits satiriques de l'homme fashionable. L'homme
fashionable à cette époque était non seulement l'élégant,
mais encore et surtout le viveur et le roué du grand
monde, de ce qu'on a appelé plus tard le high life (notons
en passant que cette expression, si répandue en France,
est à peine usitée chez les Anglais). L'introduction du mot
fashion dans notre littérature et notre langage courant
date du premier quart de ce siècle, lorsque Béranger chan-
tait {le Bon Français, mai 4 84 4) :
Redoutons l'anglomanie ;
Elle a déjà gâté tout,
et que Frédéric Soulié caractérisait assez justement « cette
manie de beaucoup de gens qui, ne pouvant pas être de
leur pays parce qu'ils n'en ont ni les grâces, ni l'esprit,
ni le savoir-vivre, se font anglomanes pour être quelque
chose » [Mystères de province, I). C'était le temps où
le beau Brummel, fuyant ses créanciers de Londres, appor-
tait en France les traditions du dandysme, que représenta
avec tant d'éclat le gendre de lady Blessington, le fameux
comte d'Orsay, et dont Barbey d'Aurevilly, qui en écrivit
le code, fut le dernier fidèle parmi nous. On donnait aussi,
vers 1838 et jusque sous le second Empire, le nom de lions
et de lionnes aux élégants et aux élégantes du grand
monde. Cependant Mme de Girardin, dans une de ses
chroniques qui ont rendu célèbre le pseudonyme de vicomte
de Launay, distingue subtilement le lion du dandy ' : « Le
dandy est celui qui veut se faire voir, le lion est celui qu'on
veut voir ; la merveilleuse est celle qui cherche tous les
plaisirs, la lionne est celle que toutes les fêtes réclament
et sans laquelle il n'est point de plaisir. » Mais, en somme,
beaux, muguets, incroyables, merveilleux, dandies,
lions, gommeux, petits crevés et boudinés ne sont que
des variétés du fashionable ; car tout en eux, jusqu'aux
dénominations plus ou moins bizarres dont on les étiquette,
relève de la mode, qui n'est autre que la fashion. B.-H. G.
FASOGH (V. Férule).
FASOLATO (Agostino), sculpteur vénitien du xvne siècle.
Très habile à tailler et à fouiller le marbre, il s'est appliqué
principalement à exécuter en ce genre de véritables tours
de force : tel est, à Padoue (palais Trento-Pappafava),
son fameux groupe de la Chute des anges, composé de
60 figures nues, espèce de bloc pyramidal de 3 m. de haut,
où s'enchevêtrent dans les poses les plus extraordinaires
une quantité de corps, de têtes, de jambes, de bras, et où
cependant chacjue personnage se détache en un relief à part
et offre un fini d'exécution remarquable. Outre un second
groupe de même sorte, qui fut pris en mer par des pirates
barbaresques et dont le sort est resté ignoré, Fasolato a
exécuté un troisième ensemble de figures plus grandes,
V Enlèvement des Sabines, où se retrouve également le
goût maniéré du temps. E. Gourdault.
FASOLD (Myth. germ.). Géant des vieilles légendes
allemandes qui succombe avec son père Ecke devant
Dietrich de Bern; une autre version en fait l'allié du
héros contre un dragon.
FASOLO (Lorenzo), ditLoRENzo ou FASOLO da Pavia,
peintre italien de l'école lombarde, né à Pavie, mort à
Gênes en 4520. On ignore de qui il fut l'élève. Il travail-
lait en 4490 à Milan, Il y a de lui, au Louvre, une Sainte
famille, portant la date de 4543, et, à Santa Chiara, de
Chiavari, une Descente de croix, de 4508.
FASOLO ou FASSOLO (Bernardino),- peintre italien de
la première moitié du xvie siècle, né à Pavie, et élève de
Léonard de Vinci. Il y a de lui au Louvre, où elle a passé
de la galerie Braschi, une gracieuse Madone a V enfant
assise sur son trône, qui porte sa signature : Bernardinus
Faseolus de Papia, avec la date de 4548, et à Berlin une
Sainte Famille également remarquable.
FASOLO (Gian-Antonio), peintre italien, né à Vicence en
1528, mort à Vérone en 4572. Elève de Zeloti et de Paul
Véronèse, mais procédant plutôt de ce dernier, il a excellé
surtout dans les sujets allégoriques. Il y a de lui, à San
Rocco de Vérone, une œuvre remarquable, la Piscine, et,
dans la galerie royale de Dresde, un beau portrait : Une
Femme vêtue de blanc.
FASSA (Val de). Vallée du Tirol. Elle fait partie de la
capitainerie de Cavalese; elle est entourée d'Alpes dolomi-
tiques et est fort riche en minéraux intéressants. Ses
habitants sont des Ladins. La principale localité est le
village de Vigo.
FASSBIND (Thomas), historien suisse, originaire de
Schwytz, né en 4725, mort en 1824. Il fut curé de Schwytz
depuis 4803 jusqu'à son décès. Bien des années après sa
mort (Schwytz, 4832-38), le curé de Gersau, Caspar Ri-
gert, fit paraître dans sa forme définitive en 5 vol. son His-
toire du canton de Schwytz depuis sa fondation jusqu'à
V établissement de la République helvétique en 1198.
FASSETT (Mme Adèle), peintre américain contemporain,
née à Owasco (New York) en 4834. Cette artiste, dont
la spécialité est le portrait, étudia l'aquarelle, à New York
sous la direction de l'Anglais Bondesford et la peinture à
l'huile à Paris, sous celle de Castigîione et de Matthieu.
Elle passa ensuite deux ans à Rome et revint en Amérique.
Elle s'établit à Chicago. Pendant vingt ans qu'elle y sé-
journa, elle fit de nombreux portraits, entre autres celui
de l'illustre sculpteur italien Vincenzo Vêla. En 4875,
elle s'établit à Washington ; le talent précis et vigoureux
de cette artiste lui a valu une grande renommée locale. Ad. T.
FASSETTI (Giovanni-Battista), peintre de l'école mo-
dernise, né à Reggio (Emilie) en 4686, mort après 4772.
D'abord au service de Giuseppe Dallamano en qualité de
simple broyeur de couleurs, il n'aborda qu'à vingt-huit ans
la carrière artistique, et, au contact de son second maître,
Francesco Bibbiena, il acquit un talent remarquable de
décorateur.
FASSI (Guido, ou del Conte), peintre italien, né en
4584 à Carpi, près de Modène, mort en 4649, inventa le
mélange gypseux dit scagliola. Il y a de lui dans sa ville
d'origine deux autels de sélénite et de gypse calcaire.
FASSIN (Nicolas-Henri- Joseph de), peintre belge, né à
Liège le 20 avr. 4728, mort à Spa le 24 janv. 4844. Il
commença par exercer le métier des armes, quoiqu'il
aimât beaucoup la peinture. Son père était bourgmestre et
échevin de sa ville natale. Il débuta (4748) comme mous-
quetaire gris de Louis XV et fut commandant de cavalerie.
Mais son goût pour les arts l'emporta (4754); il reprit la
palette, quitta Anvers à l'âge de quarante ans, après avoir
étudié Rubens et Van Dyck, alla en Italie, où il se fami-
liarisa avec les maîtres italiens, vint se fixer à Genève,
fit à Ferney le portrait de Voltaire et rentra à Liège. Il
participa à la création, dans cette ville, d'une Académie de
dessin, de peinture et de sculpture, dont on le nomma di-
recteur. Ce poste contenta son ambition. Catherine II
voulut le lui faire abandonner et lui offrit les conditions les
plus avantageuses pour qu'il s'installât à Saint-Péters-
bourg. Fassin refusa, habita successivement Bruxelles et
Liège, et passa les dernières années de son existence à Spa.
Ce fut un remarquable paysagiste, ayant de l'originalité,
de la variété dans les compositions et un dessin correct.
Malheureusement son coloris laisse fort à désirer, et n'est
ni chaud ni vigoureux. Ses tableaux se trouvent principa-
lement à Liège. On cite comme des chefs-d'œuvre ses
copies de Both et de Berghem. Chàllàmel.
Bibl.: Van Hulst, Notice biographique sur Fassin;
Liège, 1838, in-8. — Becdelièvre-Hamal, Biographie lié'
geoise.
FASSOLO (Bernardino) (V. Fasolo).
— 31 -
FASTER — FATALISME
FASTER (Pierre), agitateur tchèque, né à Domazlice
(Taus) en 4801, mort à Prague' en 1864. En 1848, il
tenait à Prague le Café tchèque-slave qui fut le rendez-
vous des patriotes. Il fit partie des deux députations en-
voyées à Vienne pour réclamer les franchises du royaume
de Bohême et les droits de la nationalité tchèque. Il devint
ensuite membre du comité national et du conseil muni-
cipal. Quand survint la réaction il fut jeté en prison. Après
1850, il reprit son métier de cafetier. En 1849, ses com-
patriotes lui avaient voté une récompense nationale qui ne
lui fut jamais décernée. L. L.
FASTES. Nom donné par les Romains aux jours (dies
fasti) où il était permis de vaquer aux affaires publiques,
notamment de tenir les tribunaux et les assemblées poli-
tiques ; on les opposait aux jours néfastes ou de chômage.
Le motif de ces distinctions était religieux. Le collège des
pontifes (V. ce mot) fut chargé de dresser la liste des jours
qualifiés de l'une ou l'autre manière, réservés aux fêtes
religieuses, laissés aux affaires, etc. Ce catalogue avait
une grande importance puisqu'il réglait la vie de la cité.
Les pontifes établirent des catégories précises, distin-
guant les féeries statives, fêtes revenant chaque année à
la même date ; les féeries indictives ou mobiles, dont
chaque fois un magistrat revêtu de Yimperium détermi-
nait la date ; celles-ci étaient usuelles (conceptivœ) ou
exceptionnelles (imperativœ). Tous les jours fériés étaient
néfastes ; la justice ne fonctionnait pas. On distinguait plu-
sieurs catégories de jours néfastes, selon qu'il y avait ou
non des fêtes et réjouissances publiques. De plus, certains
jours étaient regardés comme funestes, les jours des morts
(dies religiosi), les anniversaires fâcheux, etc. Le public
considérait comme tels plusieurs jours dont la qualification
n'était pas imposée par le calendrier officiel. De même, on
distinguait parmi les jours fastes (dies prof asti) : les jours
comitiaux (comitiales) , où les magistrats pouvaient tenir
leur tribunal et convoquer les assemblées politiques ; les
jours fastes ordinaires où l'on ne pouvait qu'ouvrir les tri-
bunaux ; les jours scindés (scissï), fériés le matin seule-
ment, fastes le reste du temps ; les jours entrecoupés (en-
doter cisï), néfastes le matin et le soir, mais fastes dans
l'intervalle. Enfin les Nundines étaient dans une situation
mal définie. On trouvera des détails complémentaires dans
l'art. Fête.
Le nom de fastes fut étendu au catalogue des jours fastes
et néfastes, c.-à-d. au calendrier. Pour le désigner, fasti
était le nom officiel; celui de calendarium, qui prévalut
dans l'usage, vint de ce que le programme de chaque mois
était annoncé aux calendes. Le calendrier pontifical indi-
quait les dates des fêtes, jeux, sacrifices, foires périodiques,
anniversaires, etc. ; il se grossit de notices relatives à ces
événements, aux faits historiques, naissances, décès, au
cours des astres, etc. En particulier, on y joignit naturel-
lement l'indication des magistrats éponymes, lesquels à Rome
étaient les consuls, puis on appliqua le nom de fastes aux
listes des magistrats ayant successivement revêtu les ma-
gistratures, consuls, censeurs, dictateurs, prêtres. Le second
sens du mot, calendrier religieux, est celui où le prend
Ovide, dont le poème des Fastes est une description poé-
tique de la première moitié de l'année, avec détails sur le
cours des astres, le caractère de chaque jour, l'origine et
la nature des fêtes. Plusieurs fastes ou calendriers gravés
dans les pierres ou le marbre nous ont été conservés. Ils
sont imprimés au 1. 1 du Corpus inscriptionum latina-
rum (Berlin, 1863) et sont analysés dans l'art. Calendrier
(t. VIII, pp. 904-906), où l'on trouvera la reproduction du
principal, le Calendarium Maffeianum; les autres sont
le Calendarium Prœnestinum de Verrius Flaccus (jan-
vier, avril et décembre), trouvé en 1770 à Preneste, publié
par Foggini en 1779; Calendarium Vaticanum (mars,
avril, août), Farnesianum (février et mars), Venusinum
(mai, juin), Esquilinum (mai et juin), etc., sans parler
des calendriers administratifs deDionysius Philocalus (ives.
ap. J.-C.) et de Poîemius Sylvius, remanié par les chrétiens.
Les listes de magistrats, également désignées par ce mot
de fastes, nous ont été conservées en partie par des ins-
criptions : les fastes consulaires reproduits à l'art. Consul
(t. XII, pp. 742 et suiv.), les fastes dictatoriaux, censo-
riaux, sacerdotaux, la nomenclature des triomphes (Fasti
triumphales). Les plus importants fragments ont été dé-
terrés à Rome, près du Forum, auxvie°et au xixe siècle et
sont conservés au musée du Capitole, d'où l'appellation de
fastes capitolins. Edités par Borghèse (Milan, 1818 et
suiv., 2 vol.), par Baiter (Zurich, 1838), par Heuzen, dans
le Corpus, ils ont donné lieu à de nombreux travaux, no-
tamment ceux de Boor sur les Fasti censorii (Berlin, 1 873) ,
Wehrmann sur les Fasti prœtorii (Berlin, 1875) ; Kauf-
mann, Die Fasten der spœtern Kaiserzeit (Gœttingue,
1874). A.-M. B.
FASTI Dl US, écrivain ecclésiastique de la première
moitié du ve siècle. Tout ce qu'on sait de sa vie provient
d'une phrase de Gennadius (Catalog. vir. UL, c. lvi),
dont le texte est controversé. Suivant ce qui paraît être la
meilleure leçon, Fastidius serait un Celte anglais (Brito),
auteur d'un traité De Vita christiana et de viduitate ser-
vanda ; cet opuscule, d'abord confondu avec les œuvres de
saint Augustin (éd. de Louvain, t. IX, p. 888), a été édité
par L. Holstenius (Rome, 1663, in-8). Le contenu répond
au titre ; le fond doctrinal est teinté de pélagianisme. — Le
surnom de Priscus et le titre d'évêque attribués à Fastidius
reposent sur une mauvaise leçon lue différemment. F. -H. K.
FASTI ER (Pêche). Nom donné au bateau qui porte un
farillon dans la pêche aux anchois au moyen de la rissole
(V. ces mots).
FASTI N G (Claus), littérateur dano-norvégien, né à
Bergen en 1746, mort le 25 déc. 1791. Après avoir vécu
neuf ans à Copenhague comme précepteur, maître de
musique, traducteur, journaliste, il se fixa dans sa ville
natale (1777), y rédigea d'une plume alerte et humoris-
tique les Provvndsialblade (1778-81), gazette qui a plus
contribué à faire vivre son nom qu'à lui procurer le
nécessaire. Il dut entrer au magistrat de Bergen (1783)
et y devint conseiller (1787). Admirateur de Voltaire et
nourri de la littérature française, ifécrivit sans succès
pour le théâtre (la Fête de Pan, Bergen, 1770 ; Her-
mione, Copenhague, 1772 ; les Actionnaires, Bergen,
1797, et d'autres pièces inédites); des Contes origi-
naux en danois (1772) ; mais ses meilleurs titres litté-
raires sont ses remarquables critiques publiées dans divers
journaux et ses épigrammes plus spirituelles que mordantes
et qui passent pour être les meilleures des littératures sep-
tentrionales. Un choix de ses écrits avec une notice sur
lui, a été publiée parL. Sagen (Bergen, 1837). B-s.
FASTOLF (V. Falstaff).
FASTOVO. Ville de Russie, dans le gouvernement de
Kiev (district de la Vasilkov), sur la ligne de Kiev à Jme-
rinka; 3,500 hab.
FASTRADE, femme de Charlemagne, morte à Franc-
fort le 10 août 794. Originaire de la Germanie, elle
avait épousé Charlemagne à Worms, en 783, après la
mort d'Hildegarde. L'historien de Charlemagne, Eginhard,
reproche à Fastrade d'avoir été dure et hautaine et d'avoir
exercé sur son époux une funeste influence. Ce serait sa
cruauté qui aurait déterminé contre Charlemagne divers
complots : celui du comte germain Hardrad en 786, celui
de Pépin, fils du roi, en 792. Fastrade, jeune encore, fut
ensevelie dans l'église de Saint-Alban à Mayence. Théo-
dulf, évêque d'Orléans, composa une épitaphe métrique
pour son tombeau. Charlemagne avait eu de Fastrade
deux filles : Théodrade, qui devint abbesse d'Argenteuil,
et Hiltrude. C. Bayet.
FATA Morgana (V. Mirage etMoRGANE).
^ FATALISME, FATALITÉ. On appelle fatalisme le sys-
tème qui soumet tous les événements du monde à la fata-
lité; par conséquent, en expliquant ce qu'on entend par
fatalité, nous aurons par là même expliqué ce que c'est
que le fatalisme. La fatalité est le nom donné par les anciens
FATALISME — FATIGUE
32 —
à la force supérieure et souveraine qui, d'après eux, pro-
duisait tous les événements. Cette fatalité était l'œuvre
propre du destin, fatum, et par conséquent, pour bien
comprendre sa nature, il faut se rapporter au mot Destin.
La fatalité exprime ainsi la dépendance où se trouvent vis-
à-vis du destin tous les phénomènes de l'univers, et c'est
la croyance à une telle fatalité qui constitue le fatalisme.
Le fatalisme croit donc que rien dans le monde n'est au
pouvoir de l'homme, et qu'une puissance supérieure et
mystérieuse accomplit tous les événements. Le fatalisme
supprime donc le libre arbitre, et, par là, il se rapproche
du déterminisme. Il y a cependant entre le fatalisme et le
déterminisme cette différence que le déterminisme professe
que tout phénomène est invariablement lié aux phénomènes
antécédents, de sorte que le cours de la nature est inva-
riable, fixé une fois pour toutes et que nulle perturbation
ne peut s'y introduire du dehors, tandis que le fatalisme
enseigne qu'une puissance extérieure aux phénomènes peut
toujours intervenir de façon à substituer après tel ou tel
phénomène, à la place du phénomène qui normalement
devrait se produire d'après le cours ordinaire de la nature,
tel ou tel autre phénomène impossible à déterminer et à pré-
voir. Le déterminisme change le sens des notions morales,
et beaucoup de philosophes soutiennent qu'il finit par les
supprimer ; mais du moins il conserve la science. L'ordre
de la nature étant fixe et invariable, on peut le connaître
et prévoir les conséquents lorsqu'on connaît les antécédents.
Mais avec le fatalisme il en va tout autrement. Une possi-
bilité de perturbation menace continuellement l'ordre natu-
rel. On ne peut plus rien connaître ni rien affirmer. Un
phénomène quelconque peut succéder à un phénomène quel-
conque; toute science devient impossible. Cela tient, ainsi
que l'a remarqué justement M. Fouillée (la Liberté et le
Déterminisme, 2e édit.), à ce que le fatalisme ne supprime
le libre arbitre dans l'homme que pour le transporter dans
la puissance mystérieuse qui domine et régit l'univers,
s'en sert comme d'un jouet et le fait servir à tous ses
caprices. G. Fonsegrive.
FAT-CHAN ou FO-CHAN. Ville de Chine, prov. de
Kouang-toung, district de Nan-haï, à environ 16 kil. de
Canton; après cette capitale, la plus importante de la
province. Ce grand marché se trouve sur les bords d'un
cours d'eau, animé par la présence d'un nombre considé-
rable de bateaux-fleurs, qui réunit le Si-kiang au Tchou-
kiang, par le bras de San-choui. Grand commerce de soies,
de nattes, de quincaillerie, qui a fait comparer Fat-chan à
Shefîield ; de poteries, etc. Le P. Bouvet (1693) dit : « Envi-
ron à quatre lieues de Quang-tcheou, nous passâmes par
Fochan, un des plus gros bourgs de la Chine, où l'on pré-
tend qu'il y a plus d'un million d'âmes. Nous y avions une
église et une chrétienté d'environ dix mille âmes, que le
P. Turcotti, jésuite milanais, cultivoit avec un grand zèle. »
Plus tard, le P. Gaubil, se rendant de Canton à Péking (janv.
•1723), écrit : « Fo-chan est réputé village, mais il y a pres-
que autant de monde qu'à Canton. Il y a un nombre infini
de gens sur les barques, comme à Canton. C'est un des
endroits les plus considérables de la Chine pour le com-
merce. Les jésuites portugais y ont une belle église. »
En 1864 le Dr James Legge, en passant par Fat-
chan,interrogea quelques indigènes qui lui répondirent que
cette ville contenait de 2 à 300,000 hab. On en compte
généralement 500,000. — En 1847, eut lieu l'affaire
dite de la rivière de Fat-chan; quelques Anglais ayant
été attaqués à cet endroit, sir John Davis, alors gou-
verneur de Hong-kong en remplacement de sir Henry
Pottinger, déclara qu'il « exigeait et demandait que les
sujets britanniques fussent aussi libres de vexations et
d'insultes qu'ils pouvaient l'être en Angleterre ». Le Com-
modore Henry Keppel fut envoyé dans la rivière de Can-
ton pour châtier les coupables ; mais, malgré le succès de
cette expédition, Davis, loin d'être approuvé par son gou-
vernement, fut obligé de rentrer en Europe et remplacé par
sir George Bonham. Le 22 déc. 1884, la terrible explosion
d'une poudrerie près de Fat-chan tua plus de 200 hab. et
fit sauter un grand nombre de jonques. Henri Cordier.
FATEHPOUR. I. Ville. - Ville de l'Inde, prov. d'Al-
lahabad, à 115 kil. N.-O. de la ville de ce nom, ch.-l. de
district entre le Gange et la Djemma; 20,000 hab. Stat.
du chem. de fer de Cawnpore à Allahabad. Elle renferme
quelques monuments anciens.
H. District. — District de l'Inde qui s'étend entre le
Gange et la Djemma ; 4,108 kil. q.; 700,000 hab. On y
trouve le manguier, le tamarin, le bananier, la canne à
sucre, le coton, l'indigo, le pavot. La population est labo-
rieuse et s'adonne avec ardeur à l'agriculture. Les campa-
gnes sont délicieuses, parsemées de charmants villages.
FATEHPOUR-Sikri. Ville de l'Inde, prov. d'Agra, à
37 kil. O.-S.-O. de la ville de ce nom, sur la Bahnganga,
affluent de la Djemma ; 7,000 hab. environ. Elle possède
de beaux monuments datant de l'empire mogol. Elle fut
fondée par Akbar le Grand qui y résida (1560-1584), et
abandonnée peu de temps après. Aujourd'hui, elle comprend
deux bourgades, Fatehpour et Sikri, habitées par des culti-
vateurs. Les anciens palais d'Akbar qui sont encore debout
servent de refuges aux singes et aux bètes féroces. M. d'E.
FAT ES H. Ville de Russie, gouvernement de Koursk, au
confluent de l'Ussofha et du Fatesh; 6,000 hab. environ.
Cultures maraîchères développées; marché agricole; cor-
deries.
FAT H -Ali-Chah, appelé aussi F ET H -Ali-Khan, souve-
rain de la Perse, le second de la dynastie des Kadjars
actuellement régnante. Il était le neveu du sanglant et
cruel Agha Mohammed auquel il succéda en 1798. Il fut
un prince modéré et doux pour ses sujets, mais incapable
dans ses entreprises militaires; il chercha à s'emparer
de la Géorgie et du pays d'Hérat, mais il perdit successi-
vement le Khorasan oriental qui fut pris par l'émir d'Af-
ghanistan, et les provinces perses et arméniennes du Cau-
case. A la suite d'une guerre malheureuse contre la Russie,
dont les troupes étaient commandées par le général Paské-
vitch, il fut forcé d'abandonner définitivement d'abord la
Géorgie (en 1813), puis l'Arménie (en 1828) à la Russie.
Fath-Ali-Chah est mort err 1 834 ; il a eu pour successeur
Mohammed-Chah, le père de Nasr-ed-Dîn, le souverain
actuel de la Perse depuis 1848. E. Drouin.
FATIGUE (Méd.). La fatigue est un trouble dans l'acti-
vité des éléments anatomiques, causé par un fonctionnement
exagéré, au point que la réparation y est momentanément
impossible (Carrieu). Elle est le résultat du travail. Des
périodes d'activité fonctionnelle alternent invariablement
avec des périodes de repos durant lesquelles le dégât causé
par 1| exercice de la fonction est réparé. Poore, dans sa
théorie originale des vibrations vitales, pose en principe
que toute notre vie consiste en une série de vibrations,
périodes de tension alternant avec des périodes de relâche-
ment; ces vibrations, malgré leur immense rapidité, seraient,
volontaires ou non, méconnaissables dans tous nos actes.
Le taux des vibrations du cœur, par exemple, est de 72
par minute et, si la période totale de chaque vibration pou-
vait être divisée en 10 parties, on trouverait que. 4 de ces
parties sont dues au processus systolique, qui peut être
considéré comme du travail ; 3 sont prises par la diastole,
qui, comptant à peine comme travail, n'en constitue pas
moins l'exercice de la fonction, et les 3 autres parties
sont occupées par la pause, durant laquelle le cœur jouit
en apparence d'un repos absolu qui peut être considéré
comme une condition analogue au sommeil. En appliquant
cette théorie à nos actes de la vie de relation, Poore divise
le jour de 24 heures en 10 parties égales et démontre
qu'en consacrant 4 de ces parties à un travail actif, 3 aux
divers exercices fonctionnels et 3 au sommeil, on trouve
que 9 h. 1/2 de travail, 7 h. 1/4 de détente (relaxation),
et 7 h. 1/4 de sommeil sont tout ce qu'un homme à l'état
de santé peut accomplir sans dommage.
Ne se fait-il pas, d'ailleurs, tous les sept jours, chez les
peuples civilisés, une rémission du travail par le repos
— 33 -
FATIGUE
hebdomadaire ? C'est que la répétition monotone du même
acte est une très puissante cause de fatigue. Au point de
vue physiologique, ii n'y a aucune différence entre le travail
que fournit un scieur de long, un soldat qui marche, un
sportsman qui chevauche. Seulement, celui-ci fait de l'équi-
tation quand il veut, y passe le temps qu'il lui plaît et
répare ses forces comme il l'entend, tandis que le soldat
marche à heure fixe, s'arrête au commandement et mange
la ration réglementaire ; quant au scieur de long, il tra-
vaille dès l'aube, finit au crépuscule et se nourrit comme
il peut. Le premier a pour loi son bon plaisir ; le second, la
discipline ; l'autre, le besoin de vivre. Tout homme (ouvrier
ou soldat, athlète ou savant) qui veut aller au delà de ce
que ses forces lui permettent s'expose à des troubles car-
diaques, à des lésions des centres nerveux, à d'autres
affections qu'il pourrait conjurer en faisant une meilleure
balance de ses recettes et de ses dépenses physiologiques.
Les muscles ne travaillent qu'en se contractant ; c'est
l'excès de ces contractions qui amène d'abord la fatigue,
puis le surmenage. Le suc musculaire passe à l'état solide
quand la température monte au-dessus de 45°. Certains
acides, l'acide lactique entre autres, le coagulent. Or,
Merzbach a montré que l'exercice musculaire peut élever
la température de 2° ; le travail intellectuel la fait égale-
ment monter, quoique en moindre proportion. La chaleur
est indispensable pour que le muscle se contracte facile-
ment sans efforts et sans douleurs ; aussi la mise en train
quelquefois pénible est-elle souvent précédée d'une période
d'essai : prélude des musiciens, mur des tireurs d'épée,
sortie au pas dans la cavalerie, etc. D'autre part, des exer-
cices peu violents accomplis par des hommes malhabiles
provoquent des contractures, de la raideur {contraction
statique des soldats immobiles pendant une revue), qui
les fatiguent plus que les contractions dynamiques accom-
pagnées de mouvements auxquels leurs muscles sont sou-
mis plus tard dans des exercices quotidiens et qui, cepen-
dant, paraissent plus pénibles. Si la chaleur employée pour
activer le travail musculaire atteint 45°, elle détruit le
muscle qui ne se contracte plus. L'excès de travail mus-
culaire peut amener l'organisme à cette température à
laquelle le corps ne peut plus vivre. C'est pourquoi les
animaux meurent quand ils sont forcés, le rayonnement
par la surface du corps et l'évaporation des liquides de
l'économie n'ayant pu suffire à ramener la température dans
les limites compatibles avec la vie. Quand l'animal fait des
mouvements violentSj.il s'échauffe beaucoup, produit beau-
coup d'acide carbonique, consomme beaucoup d'oxygène ;
la respiration devient alors très active, et, par cette ven-
tilation plus ou moins énergique, le sang ne dépasse pas
son niveau normal de température.
La fatigue peut être générale ou locale, et les deux
formes peuvent être aiguës ou chroniques. Le symptôme
principal de la fatigue locale est la perte du pouvoir de
contracter plus ou moins ses muscles. Le tissu muscu-
laire, stimulé outre mesure, s'épuise et refuse de ré-
pondre aux excitations de la volonté ; l'exactitude du
mouvement et la délicatesse de la coordination deviennent
alors impossibles ; c'est pourquoi le tremblement est un
symptôme de la fatigue locale aiguë, puis vient la douleur
musculaire. La crampe des écrivains, le torticolis, le nys-
tagmus des mineurs, dans lesquels on constate l'inégalité
de l'action musculaire, sont dus à la fatigue chronique des
muscles employés. La fatigue survient plus souvent et plus
vite en été qu'en hiver ; la pression barométrique, l'état
d'humidité de l'atmosphère, de luminosité du ciel, l'état
électrique jouent également un rôle certain. Le cerveau
intervient activement dans le mécanisme de la fatigue :
c'est ce qui explique le découragement, le peu d'aptitude
au travail chez les gens minés par un profond chagrin, la
démoralisation des nombreux traînards exténués qui gênent
la marche des armées en retraite sans qu'on puisse expli-
quer leur état de fatigue par des étapes forcées. Le cer-
veau a faibli, chez eux, avant les muscles.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Les combinaisons chimiques qui résultent du travail
musculaire sont généralement des oxydations, car il y a
des combinaisons avec l'oxygène qu'introduit la respiration
dans l'organisme, et qui s'y fixe. Il se forme pendant la
combustion des produits d'oxydation incomplète et des
produits ai' oxydation complète. L'acide carbonique et
l'eau sont les aboutissants de toutes ces oxydations com-
plètes des tissus hydrocarbonés, et l'urée est le dernier
terme des oxydations complètes pour les substances azotées.
L'acide urique est un des nombreux produits d'oxydation
incomplète qu'on appelle déchets de combustion. Il existe
encore dans l'organisme après le travail des produits de
combustion appelés aussi de désassimilation, parce qu'ils
ne sont plus semblables aux tissus organiques dont ils
faisaient auparavant partie. Impropres à la vie, ils consti-
tuent encore un danger pour l'organisme ; les poumons, les
reins, la peau, l'intestin doivent les éliminer sous forme
d'acide carbonique, d'alcaloïde toxique (Brown-Séquard et
d'Arsonval), d'urée, d'urates, d'acide lactique. Quand cette
élimination devient impossible, il y a empoisonnement
rapide du sang par l'auto-intoxication que provoque leur
accumulation. L'analyse chimique les y a retrouvés.
V essoufflement est l'action du besoin de respirer ; il
indique un trouble profond dans le fonctionnement des
organes respiratoires. Il faut interrompre le travail, non
pour laisser reposer les jambes, mais pour reprendre haleine.
Dans d'autres cas, au contraire, la fatigue arrive avant
l'essoufflement. La courbature de fatigue, avec ou sans
fièvre, qui suit un exercice musculaire prolongé, est due à
l'acide lactique (paralac tique, selon Moscatelli etColasanti)
qui, produit en excès dans le muscle fatigué, imprégnerait
la fibre musculaire en lui faisant perdre sa puissance con-
tractile. Il se forme en même temps des dépôts dans l'urine
qui, émise claire, devient trouble quelques heures après,
lorsqu'elle s'est refroidie ; la couche de sédiments qui appa-
raît alors indique la saturation de l'urine par les substances
solubles. La chaleur lui fait reprendre sa limpidité par
dissolution du précipité. Refroidie, elle redevient encore
trouble. Ces sédiments, en majeure partie urates, alcalins
et ammoniacaux, ont été appelés par Neubauër sédiments
uratiques. Ils constituent un élément sérieux de contrôle
de la fatigue ou de son imminence sur une troupe en
marche, qui permet de prévenir le surmenage.
Le surmenage est le degré maximum de la fatigue. C'est
l'accumulation en masse dans l'organisme des substances
toxiques, déchets de combustion produits par le travail.
Les fièvres de surmenage (fever of overexertion) sont
constituées par un processus qui revêt toujours Yétat
typhoïde avec ou sans fièvre, avec ou sans lésions, passa-
gères ou permanentes. Depuis Tite Live, les hommes de
guerre ont toujours compté avec la fatigue, cause puissante
de maladies dans les armées. Un consul romain, voulant
rassurer ses soldats au sujet de la vigueur des Gaulois
contre lesquels ils vont combattre en Asie, leur dit : Si
primum impetum quem feruido ingenio et cœca via
effundunt sustineris, fluunt sudore, et lassitudine
membra, labant arma; mollia corpora, molles, ubi
ira consedit, animos sol, pulvis, sitis ut ferrum non
admoveas, prosternunt (tit. I, liv. 38, ch. vu). Alourdis,
en effet, par leurs longues chevelures, de larges boucliers,
de longues et massives épées, ils devaient succomber à la
fatigue aussi vite que le soldat romain ; mais celui-ci,
chargé d'un poids de 90 livres, se faisait suivre de cha-
meaux et d'éléphants pendant les guerres d'Afrique. Con-
sidéré longtemps comme un facteur normal de la période
d'initiation militaire en paix, ou comme un fait inéluctable
en guerre, ce mal nécessaire n'avait jamais été l'objet
d'études spéciales, car l'on passait souvent à côté de cet
état, la ponose, comme devant une figure vulgaire, connue,
redoutée, mais sans s'y arrêter autrement.
Il est maintenant avéré que la fatigue et le surmenage
provoquent la fièvre typhoïde, soit que nous la supposions
produite par auto-intoxication à l'aide de nos propres déchets
3
FATIGUE - FATOUVILLE
34
(ce qui n'est pas probable) ; soit qu'elle résulte de Yéber-
thisation du bacterium coli commune, commensal inof-
fensif du tube digestif, devenant agressif dans certaines
conditions ; soit enfin que nous la devions à l'entrée en
scène du bacille d'Eberth, caché quelque part au milieu de
nos organes (microbisme latent), ou nous guettant dans
une zone ambiante intime, pour nous attaquer avec succès
lorsque la fatigue nous a amenés à cet état de dépression
dit de moindre résistance. Ces hypothèses restreignent
simplement le champ et l'exclusivisme de l'origine hydrique
de la fièvre typhoïde sans en diminuer l'importance. Ainsi
s'explique la présence de ces graves épidémies typhoïdes au
cours de toutes les campagnes modernes, coloniales ou
continentales. Cette maladie n'était, d'ailleurs, pas assez
précisée avant 1855 pour pouvoir être décrite sous son
vrai nom par les historiens militaires. Le rôle de la fatigue
est également indéniable dans la production de Y embarras
gastrique fébrile, diminutif, pour beaucoup d'entre nous,
de la fièvre typhoïde : elle favorise grandement'1'apparition
du coup de chaleur, la tendance au suicide dans les
armées, l'évolution du charbon et de la morve, du typhus,
du choléra, de la peste, de la dysenterie, du purpura,
de la tuberculose, du moins à titre de cause prédispo-
sante capitale. Elle est une des causes du rhumatisme;
dans l'ordre intellectuel, elle amène la méningite céré-
bro-spinale, la paralysie générale, Y aliénation men-
tale. Le cœur forcé est la conséquence de fatigues pré-
maturées ou inopportunes. Dans l'ordre chirurgical, les
varices, les ampoules (éry thème huileux), les synovites
tendineuses, la tarsalgie, la périostite externe, Yos-
téome des adducteurs (cavaliers), Y ostéite èpiphysaire,
Y ostéo-myélite infectieuse, les congélations des extré-
mités sont le résultat de la fatigue, le plus souvent locale.
Quoi d'étonnant, d'ailleurs, à voir tant de désordres
dériver de la fatigue ? si l'on se rappelle qu'un bon ouvrier
fait tous les jours un travail dont la somme évaluée en kilo—
grammètres représente environ 300,000 kilogrammètres ;
le travail effectué par un soldat pesant 64 kilogr. , chargé
de 32 kilogr., marchant huit heures, à raison de 4 kil. pour
cinquante minutes, avec dix minutes de repos par heure, soit
31 kil. en terrain plat, au pas de 75 centim.), ce travail
équivaudrait à 768,000 kilogrammètres. Le même travail,
au pas accéléré (pas de 90 centim.), à 1 kil. toutes les onze
minutes, représenterait 606,000 kilogrammètres. Ici, il y a
ralentissement de cadence. Enfin, un homme faisant 30 kil.
en douze heures et s'élevant à 1,800 m. d'alt. (du poids
de 64 kilogr., chargé de 32 kilogr.) fait un travail égal à
1,453,392 kilogrammètres (Baills). Au pas gymnastique,
en dix minutes, un homme de 65 kilogr., chargé en guerre,
fait 170 pas par minute et produit dans ce temps un travail
égal à 40,187 kilogrammètres, ce qui explique l'essouffle-
ment rapide produit par cette allure, qui ne saurait se sou-
tenir longtemps. Dr A. Coustàn.
Bibl. : F.Lagbange, Physiologie des exercices du corps;
Paris, 1888.— A. Coustan, De la Fatigue dans ses rapports
avec les maladies des armées en paix et en campagne,
dans Arch. de mêd. milit.; Paris, 1889, t. IV.
FATIKO. Poste égyptien de l'Afrique équatoriale, par
3° 2' delat. N., à 70 kil. N.-E. de l'extrémité septentrio-
nale du lac Mvoutan. Fatiko est bâti sur un plateau de
1,000 m. d'alt., dans une région d'une admirable fertilité,
arrosée par les affluents de droite du haut Nil, ou Bahr
el-Gebel. Ce poste commande toute la plaine jusqu'à Fabbo
et Faloro.
FATI ME (V.Mohammed).
FATI MITES. Dynastie arabe qui a régné pendant envi-
ron deux cent cinquante ans, d'abord dans l'Afrique sep-
tentrionale, puis en Egypte. Elle fut fondée vers 910 de
J.-C. par Obeïd-Allâh surnommé El-Mahdi, « le dirigé »
qui prétendait descendre d'Ali et de Fâtimah et à ce titre
être le vrai khalife ou successeur de Mahomet. Voici la
liste des khalifes fâtimites : Au Maghreb : Obeïd-Allâh
el-Mahdi, 910; El-Qâim, 934; El-Mansoûr, 945; El-
Mouïzz, 952. En Egypte : El-Mouïzz, 968 ; El-Azîz, 975 ;
El-Hâkim, 996; Ed-Dhâhir, 1020; El-Mostansir, 1035;
El-Mostali, 1094; El-Amir, 1101; El-Hâfiz, 1130; Ed-
Dhâfir, 1149; El-Fâïz, 1154; El-Adhid, 1160-1171. Le
règne des Fâtimites a été une époque brillante pour les
arts et la littérature arabes (V. Egypte musulmane).
Bibl. : F. Wûstenfeld, Geschichte der Fatimiden-
Chalifen; Gœttingue, 1881.
FATIMITES. Nom d'une secte arabe qui tirait son nom
de Fâtimah, fille d'Aboû Moslim, le fondateur des Khor-
rémites qui fut tué par ordre du khalife El-Mansoûr en
764 de J.-C. Les Fâtimites, ou Khorrémites, ou encore
Moslimites, étaient surtout répandus dans le Khorasân
(Masoudi, Prairies d'or, t. VI, tr. Barbier de Meynard).
FATI NES. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. du Mans,
cant. de Montfort ; 328 hab.
FAT 10 (Pierre), patriote genevois de la famille du ma-
thématicien Fatio de Duiller, né à Genève en 1662, mort
le 6 sept. 1707. Docteur en droit, avocat, il devint
en 1688 membre du conseil des Deux-Cents, juge du cha-
pitre de Saint- Victor. Bien qu'aristocrate de naissance, il
fut le chef du parti populaire. Le 26 mai 1707, ses parti-
sans prirent les armes, mais le gouvernement se fit envoyer
de Berne et de Zurich des troupes auxiliaires pour rétablir
l'ordre. Fatio fut arrêté, condamné à mort et fusillé. Une
rue de Genève porte aujourd'hui son nom. — Son fils
Piewe (1704-74), militaire au service de la France, puis
de la Sardaigne, atteignit le grade de général.
FATIO de Duiller (Nicolas), mathématicien suisse, né
à Bâle le 16 févr. 1664, mort à Maddersfield, près de
Worcester (Angleterre), le 10 mai 1753. Elevé à Genève
et reçu en 1678 bourgeois de cette ville, il entra en rela-
tions avec Cassini dès l'âge de dix-huit ans, pour des
questions d'astronomie mathématique, vint en 1683 à Paris,
oii il eût été admis à l'Académie des sciences s'il eût voulu
abandonner la religion protestante, séjourna en Hollande
où il fit imprimer (1686) une Lettre à Cassini sur la
lumière zodiacale. Nommé résident suisse à Londres, il
fut reçu membre de la Société royale et se fixa en Angle-
terre. Il publia en 1699 des recherches sur la brachis-
tochrone et le solide de moindre résistance; il dénia les
droits de Leibniz à l'invention du calcul différentiel et
donna ainsi naissance à la célèbre querelle de priorité entre
Newton et Leibniz. En 1704, il donnait à Genève la Des-
cription d'une pièce d'horlogerie très rare et très re-
marquable (invention du trou en rubis). Bientôt après,
l'exaltation de ses opinions religieuses l'entraînait au pre-
mier rang dans les querelles que suscitèrent à Londres en
1706 les prophètes cévenols. Son fanatisme exagéré le fit
condamner en 1707 à la prison et à l'exposition publique ;
loin de se calmer, il forma le projet de convertir les mu-
sulmans et entreprit un voyage en Asie dans ce but.
Revenu en Angleterre, il y passa sa vie dans la retraite,
sans abandonner ses opinions extrêmes et en continuant
à s'occuper de sciences. Il a laissé en mourant un grand
nombre de travaux manuscrits qui passèrent entre les
mains du professeur Le Sage de Genève et qui sont restés
inédits. — Son frère aîné, Jean-Christophe, s'occupa
également d'astronomie et de physique. T.
FATIPOUR (V. Fatehpour).
FATI US, écrivain italien du xve siècle (V. Fazio).
FATOU-Hiva. L'une des îles Marquises, longue d'en-
viron 14 kil., large de 7 kil., située vers 10° 25'lat. S. et
141° long. 0.
FATOUVILLE-Grestain. Corn, du dép. de l'Eure, arr.
de Pont-Audemer, cant. de Beuzeville, près de l'embou-
chure de la Seine ; 531 hab. Phare, feu fixe blanc à éclats
rouges, destiné à faire éviter aux navigateurs le banc du
Ratier. Tourbe. Scierie de marbre. Papeterie au hameau
de Jobles. L'église de Fatouville a conservé une porte laté-
rale du xic siècle. A Grestain, restes de l'ancienne abbaye
bénédictine (Beata Maria de Grestano) fondée en 1040
et supprimée en 1775 ; il n'en subsiste que les murs
informes avec des ruines de l'église.
— 35 —
FATOUVILLE - FAUGARDEMENT
FATOU VILLE (Nolànt de), auteur dramatique français
du xviic siècle. On lui doit quinze pièces composées pour
l'ancien théâtre italien : Arlequin chevalier du soleil,
Arlequin empereur, Arlequin protée, Colombine avo-
cat pour et contre, Colombine vengée, la Fille sa-
vante, etc. Ces pièces sont imprimées dans le Théâtre
italien de Gherardi (Paris, 1700, 6 vol. in-12).
FATRA. Chaîne de montagnes qui se rattache au système
des Karpates. Elle s'élève dans le N.-O. de la Hongrie, à
l'O. des monts Tatra. Ses principaux pics sont le Grand
Fatra (1,776 m.) et la Krîzna (1,572 m.). La structure
en est trachytique, porphyrique et basaltique. D'épaisses
forêts en couvrent les pentes.
FATS1A (Fatsia PL et Dcne) (Bot.). Genre d'Aralia-
cées qui ne forme plus qu'une section du genre Aralia
Tourn. L'espèce type , F. Japonica PL et Dcne, [est fré-
quemment cultivée dans les jardins comme ornementale. Une
autre espèce, F. papyrifera PL et Dcne, est un arbuste
de l'île Formose, dont la moelle sert, en Chine et au Japon,
à fabriquer du papier (V. Aralie). Ce papier est importé
en Europe.
FATTORE (G.-F.), peintre italien du xvie siècle (V.
Penni).
FATTORI (Giovanni), peintre italien, né à Livourne
le 25 sept. 1828. Il reçut les leçons de Costa à l'Acadé-
mie de Florence, où, plus tard, il devint professeur. Le
paysage, les animaux et les scènes de bataille constituent
ses trois genres de prédilection. Ses principales œuvres
sont : à la galerie des beaux-arts de Florence, la Bataille
de Magenta (1859); les Glaneuses ; Brunelleschi expli-
quant la construction de la coupole du Dôme; à l'hôtel
de ville de Livourne, la Bataille de la Madonna délia
Scoperta; au palais Brera de Milan, son tableau du Prince
Amédée blessé à Custozza. Citons aussi son Marché aux
chevaux sur la place Montanara, à Rome.
FATTORI NI (Gabriele), compositeur de l'école romaine,
vivait au commencement du xvne siècle. Il a publié en
1600, à Venise, des Sacri Concerti a 2 voci commodi
da cantare coVorgano. Sous son nom, on trouve encore
dans la bibliothèque du lycée de Bologne un recueil inti-
tulé : I Sacri Concerti a 2 voci col basso générale
(1608), et, dans la bibliothèque royale de Lisbonne, des
messes à quatre et cinq voix, des psaumes et des com-
plies. Il a écrit aussi d'excellents RicercarL
FATUM (Myth. rom.) (V. Destin).
FATVA. Ville de l'Inde, prov. de Béhar, à 16 kil.S.-E.
de Patna, sur le Gange, au confluent de Pounpoun, stat. du
chem. de fer de Calcutta à Allahabad; 12,000 hab. en-
viron. Fabriques de cotonnades. Commerce important.
FAU (Bot.) (V. Hêtre).
FAU (Le). Corn, du dép. du Cantal, arr. de Mauriac,
cant. de Salers; 416 hab.
FAU-de-Peyre (La). Corn, du dép. de la Lozère, arr.
de Marvejols, cant. d'Aumont ; 584 hab.
FAU (Dr Julien), violoniste distingué et collectionneur
d'instruments de musique. Sa merveilleuse collection, très
vantée par Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire raisonné
du mobilier français, comprenait une centaine de pièces
incomparables, des chefs-d'œuvre de la lutherie véni-
tienne, un tournebout du xvie siècle, de superbes cornets,
des timbales de cavalerie du temps de Louis XIII, etc. En
1874, cette riche collection fut acquise par le ministère
des beaux-arts et entra au musée instrumental du Conser-
vatoire de musique.
FAU BEL (Josef), clarinettiste allemand, né à Aschaf-
fenburg le 12 juin 1801. Il reçut les premières leçons de
son père, directeur de musique militaire, et fit, comme
clarinettiste, la campagne de France en 1814. En 1816, il
obtint ses premiers succès de virtuose à Francfort. Deux
ans après, il était admis dans la musique du roi à Munich.
Après de nombreuses tournées artistiques en Allemagne,
en Suisse, en Hollande et en France, il se fixa à Munich.
Faubel est considéré comme un virtuose exceptionnel sur
la clarinette. Il a composé des variations et des duos pour
son instrument.
FAUBERT (Mar.). Le pont d'un navire, ses batteries
même, sont mouillés d'abord tous les jours par le lavage
réglementaire du matin. En plus, à la mer, chaque fois
qu'il pleut, ou qu'il fait gros temps, le pont est encore
inondé, soit par la lame qui embarque à bord, soit par les
embruns. Or, rien n'est funeste pour l'hygiène comme
l'humidité persistante. Il a donc fallu que le marin avisât
à s'en débarrasser le plus possible, en usant des moyens
mis à sa disposition. Il y a à bord, pour les manœuvres, des
masses de filin ou de corde. Lorsqu'elles sont usées, ou ne
présentent plus les garanties de solidité suffisantes, on les
emploie à cet usage en faisant des fauberts. L'élément
de tout filin employé, en marine, est le fil de caret (V. ce
mot). Les filins, suivant leur force, sont composés de plus
ou moins de fils de caret. Ceci posé, prenons pour fixer
les idées un bout de filin de 1 m. de long, et suffisamment
gros. On le décordera en autant de fils qu'il en possède.
Puis au milieu, c.-à-d. à 50 cent, des extrémités, on placera
un bout d'un autre filin non décordé, en forme de boucle,
qui lui servira de manche pour ainsi dire. On rabattra alors
les fils de caret sur eux-mêmes, et on fera un amarrage
sérieux au milieu près de la boucle. Vous avez alors un
véritable balai en corde. A l'usage, le fil de caret achève
de se transformer en étoupe, et en laissant tomber le fau-
bert ainsi constitué sur un endroit mouillé, l'eau est immé-
diatement aspirée. Il n'y a plus qu'à tordre le faubert le
long du bord et à faire sécher. La durée de cette sorte
d'épongé est fort longue, peu coûteuse, et elle remplit par-
faitement le but pour lequel elle a été créée.
FAUBOURG. Quartier ou dépendance d'une ville, situé
en dehors de l'enceinte de celle-ci. La manière dont les villes
s^accroissent par la formation de faubourgs sur leurs prin-
cipales routes d'accès, l'annexion successive des faubourgs
à la cité centrale, la situation respective du noyau urbain
et de ces dépendances, dans les villes fortifiées, munies
d'octrois, etc., seront étudiées, ainsi que les conditions
générales d'existence des agglomérations urbaines, dans
l'art. Ville. Pour chaque ville en particulier, se reporter
à l'art, spécial : Paris, Londres, etc.
FAUGARDEMENT (Hydraul.). Quand un canal ou un
cours d'eau commence à être envahi par les plantes aqua-
tiques, il faut extirper ces plantes au trident ; cet outil est
suffisant quand le mal n'est qu'à ses débuts. Mais lorsque
les plantes aquatiques ont pullulé, les racines d'une partie
d'entre elles ont pénétré profondément et l'on ne peut
plus détruire le mal ; on doit se résoudre à y apporter
remède périodiquement, à l'aide de faux à main ou au
moyen du faucard. La plupart des plantes, une fois coupées,
remontent à la surface; on les recueille au râteau. Mais
les mousses, bien que détachées par les faux, demeurent
en place et ne remontent pas. « On n'en sera pas étonné,
dit M. Roussel (Hydraulique fluviale, annexes, p. 462),
si l'on considère que la mousse, adhérant au lit comme
une sorte de tapis, garde dans ses racines si serrées et si
nombreuses une certaine quantité de terre qui reste sous
la plante et modifie la pesanteur spécifique de la masse. »
Lorsque la nature du sol et celle des eaux se réunissent
pour favoriser la végétation, le faucardement doit être
renouvelé plusieurs fois, de mai à novembre, dans les
canaux navigables, ce qui constitue une dépense annuelle
assez importante. L'opération s'exécute en promenant au
fond et sur les berges du canal une chaîne composée de
lames de faux réunies bout à bout au moyen de boulons
à clavettes et manœuvrée par des hommes placés sur les
chemins de halage. On choisit des lames d'une grande
longueur, afin de diminuer le nombre des assemblages ; on
arrondit les pointes et on abat les talons pour qu'elles
puissent tourner facilement dans tous les sens ; des chaînes
en fer fixées à quelques-unes des lames servent à maintenir
l'appareil au fond de l'eau. Les lames extrêmes sont munies
FAUCARDEMENT — FAUCHE
— 36 --
d'un anneau dans lequel on attache deux cordes de 4 0 à 1 S m .
de longueur, avec lesquelles des hommes placés sur chaque
banquette impriment à la chaîne de faux un mouvement de
va-et: vient, en avançant lentement contre le courant. Pour
enlever les herbes coupées, on établit, obliquement en travers
du canal, un barrage volant formé par une perche armée
de chevilles verticales ; ce barrage permet de ramener les
herbes du côté où l'on veut les retirer. L'opération du fau-
cardement exige ordinairement de deux à quatre hommes
pour manœuvrer la chaîne et deux hommes pour retirer
les herbes et les déposer sur les francs bords. La longueur
nettoyée par jour de travail varie de 500 à 1,000 m.,
suivant l'abondance des herbes.
FAUCCI (Carlo), graveur italien, néàFlorence en 4729.
11 reçut les leçons de Gregori, quitta son pays pour se
fixer à Londres, où il fit plusieurs estampes pour Boydell.
On ne sait quand il mourut. Ses meilleurs ouvrages sont :
le Couronnement de la Vierge, d'après Rubens ; une Nais-
sance de la Vierge, l'Adoration des bergers, d'après
Pierre de Cortone ; le Martyre de saint André, d'après
Carlo Dolci, etc.
FAUCH. Com. du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant. de
Réalmont ; 661 hab.
FAUCHAISON (Agric). La fauchaison est l'époque et
l'ensemble des opérations par lesquelles on coupe l'herbe des
prairies naturelles et artificielles. C'est lorsque la plupart
des plantes graminées et légumineuses sont sur le point
de fleurir qu'il faut couper les prairies naturelles. Quand
on fauche plus tôt, le rendement est moindre et l'herbe
est difficile à sécher ; lorsqu'on fauche plus tard, on gagne
peut-être en quantité, mais on perd en qualité, car les
plantes étant plus sèches ont perdu une partie de leurs
principes utiles. Pour les prairies artificielles, on fauche
lorsque les plantes sont en pleine floraison et avant que les
graines se forment dans les premières fleurs. La fau-
chaison se fait soit à bras avec la faux ou la faucille, soit
à la machine, à l'aide de la faucheuse mécanique (V. ces
mots). Alb. Larbalétrier.
FAUCH ART (Arm.). Arme d'hast en usage durant le
moyen âge, de la fin du xie au xve siècle. Avant le xve siècle
on disait plutôt faussart. C'est une sorte de faux de
guerre ; la lame, large et forte, a un seul tranchant opposé
au dos qui est concave ; sur ce dos se dressent un ou deux
crochets ; la pointe est parfois droite, plus souvent con-
vexe et répond à la concavité du dos qui la dégage. Le
fauchart, suivant Meyrick, est une « arme en forme de
serpe avec une pointe à la partie supérieure et une autre à
angle droit sur le dos de la lame ». D'après Gay, le fau-
chart se distingue de la faux de guerre « par le renverse-
ment de sa courbure ». « La faux, dit Viollet-le-Duc, a son
tranchant du côté de la concavité, le fauchart du côté de
la convexité. » « C'est, dit le colonel Robert, l'arme d'hast
la plus terrible contre les hommes et les chevaux. Le fer,
long de 0m60 à 0m80, large de 0m06 à 0m08 avant l'es-
toc (pointe droite), est à dos droit. Son tiers inférieur
donne la moitié d'une lame de vouge, le second tiers du
côté du tranchant a la forme d'une serpe..., le tiers supé-
rieur est un estoc ; enfin, le fer porte au milieu du dos
une pointe aiguë et deux autres au talon. L'arme est donc
parfaite à tous égards, surtout pour couper, faucher les
jarrets des chevaux. » Cette dernière description est
inexacte et nous ne saurions nous y rallier non plus qu'à
cette opinion du même auteur qui fait de roncone, de gui-
sarme, des synonymes de fauchart. La nomenclature des
armes d'hast est déjà assez inextricable sans qu'on vienne
encore l'embrouiller comme à plaisir.
Nous figurons un fauchart extrêmement pur de forme qui
appartient au musée d'armes {Armeria Realc) de Turin. Il
présente bien tous les caractères distinctifs de cette arme
d'hast ; mais, comme c'est là une arme de parement, les
pointes latérales sont émoussées et prennent la forme de
petits trèfles. On remarquera que c'est une sorte de grande
serpe dont le dos présente une espèce de crochet qui, dans
les faucharts de guerre, servait à accrocher les hommes
par la saillie de l'armure. Le tranchant se recourbe en une
pointe horizontalement inclinée. Telle fut la forme la plus
pure du fauchart, forme naturellement sujette à toutes les
modifications que pouvaient apporter les gens de guerre à
un engin dont les ordonnances n'établissaient point un
modèle immuable. Sa disposition
a cependant peu varié à travers le
temps, et jusqu'au xve siècle le
fauchart s'éloigna peu de ce type.
A cette époque, on s'en servait
surtout dans les guerres de siège,
dans les combats d'approches. Le
couteau de brèche, qui est une mo-
dification du fauchart, demeura en
usage jusqu'au xvne siècle. Lefau-
chard doit donc être ainsi défini :
une arme d'hast employée par les
piétons, dont le long fer, fort et
large, est en forme de serpe, avec
un tranchant du côté convexe de
la lame. Au dos se dressent des
pointes et un crochet parfois double.
11 diffère de la guisarme en ce que
celle-ci prolonge sa lame en une
forte pointe aiguë comme une dague
(V. Guisarme).
■ Le couteau de brèche est une
dérivation du fauchart. La soie ou
la douille par laquelle la lame se
fixe à la hampe n'occupe point le
milieu du talon, de telle sorte
que le tranchant est très extérieur
à l'axe, tandis que le dos est dans
la continuation de l'axe de la
hampe. La pointe de l'arme est
droite et formée par la réunion du
dos et du tranchant qui s'y re-
joignent après avoir été très diver-
gents à la base. Le fauchart diffère de la faux de guerre
(V. Faux) en ce que son tranchant est convexe, et du
vouge en ce que celui-ci a une lame ordinairement droite
et montée en dehors de l'axe de la hampe, dans la plupart
des cas. Il diffère de la hallebarde en ce qu'il ne présente
ni pointe d'estoc ni hache latérale. Ses différences avec le
godendac, la pertuisane, la roncone et la corsesque sont
encore plus grandes. C'est au xive siècle que le fauchart
fut le plus en honneur ; il en est fait mention dans le récit du
combat des Trente. La taille la plus ordinaire de cette ter-
rible arme d'hast était de 2m50. Le fer mesurait environ
2 pieds de long et la lame 6. En Italie, cette arme resta
en usage jusqu'au xvne siècle, servant surtout à la parade,
étant portée par les officiers des régiments étrangers au
service des princes et des villes. Maurice Maindron.
Bibl. : Meyrick, History of ancient armours ; Londres,
1830, 3 vol. in-4. — Maurice Maindron, les Armes ; Paris,
1890, in-8. — Demmin, Guide de V amateur d'armes ; Paris,
1879, in-8. — Penguilly L'Haridon, Catalogue du musée
d'artillerie; Paris, 1862, in-8. — A. Angelucci, Catalogo
délia Armeria Reale ; Turin, 1890, in-4. — Wendeiin
Bœheim, Handbuch der Waffenkunde ; Leipzig, 1890. —
Colonel Robert, Catalogue des collections composant le
musée d'artillerie; Paris, 1891, t. III.— Giraud, Catalogue
de la collection Spitzer ; Paris, 1892 (Armes). — Specht,
Geschichte der Waffen ; Leipzig, 1880, 4 vol. in-8.
FAUCHE (La). Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Saint-Blin; 127 hab. _
FAUCHE (Hippolyte), orientaliste français, né à Auxerre
le 23 mai 4797, mort à Juilly (Seine-et-Marne) le 28 févr.
4869. Esprit ardent et enthousiaste, Fauche s'était épris
de la poésie sanscrite qu'il goûtait d'ailleurs avec un senti-
ment souvent fin et délicat, et il s'était assigné la tâche de
révéler au public les chefs-d'œuvre d'une littérature trop
peu connue. Il dépensa à cette besogne l'énergie patiente
d'un bénédictin, et il ne craignit pas d'engager ses res-
Fauchart du xvi° s.,
travail vénitien.
— 37 —
FAUCHE
sources personnelles dans des entreprises de librairie où
l'espoir du lucre était perdu d'avance. Il s'essaya d'abord
à des poèmes de courte haleine : le Gîta-Govinda et le
Ritou-Sanhara (1850); les Centuries de Bhartrihari et
les cinquante stances de Tchaur u (1852, in-18). Il se sentit
alors en état d'aborder la célèbre épopée de Valmiki, le Ra-
■mayana ; l'étendue de l'œuvre ne l'effraya pas. Les neuf
volumes in-18 de sa traduction parurent de 1854 à 1858.
Un abrégé de cette traduction a paru en 2 vol. in-8 (1869) ;
il vient d'en être publié une réduction resserrée en 1 vol.
in-12 (Paris, 1892). Vinrent ensuite : les Œuvres complètes
de Kalidasa (1859-1860, 2 vol.), et sous ce titre bizarre :
Une Tétrade, quatre ouvrages de genres différents : la
Mritchakatika, drame de Soudraka ;, le Daçakoumara-
tcharita, roman d'aventures deDandin; hMahimnasstava,
hymne religieux ; le Sisoupala-Vadha, épopée savante de
Magha (1861-1863, 2 vol.). Fauche avait rêvé de donner
à la France une traduction complète du Maha-Bharata, la
gigantesque épopée de 200,000 vers où l'Inde a recueilli
tous les trésors de ses légendes, de sa mythologie, de ses
spéculations et de sa morale. La mort le surprit au cours
de cette œuvre laborieuse et arrêta l'entreprise au premier
tiers du poème (1863-1872, 10 vol.). — Avant de se
vouer avec une passion exclusive au sanscrit, Fauche avait
publié le Panthéon, poème théologique en cinq chants,
avec introduction et notes (1842, in-18), et la Sœur
Gabrielle, roman (3 vol. in-18). Hippolyte Fauche n'a pas
obtenu de ses contemporains ni de ses successeurs l'estime
qu'il méritait. Malgré les suffrages considérables d'un Bar-
thélémy Saint-Hilaire ou d'un Michelet, le public qu'il visait
est resté indifférent à ses productions, et les érudits se sont
attachés à signaler les erreurs de détail qui fourmillent
dans ses traductions sans lui tenir compte des difficultés et
des obstacles qu'il avait à vaincre. Il faut, pour l'apprécier
justement, considérer la rareté des textes et la faiblesse des
instruments de travail dont il disposait, les conditions défa-
vorables où il vivait, les difficultés pécuniaires où il avait
à se débattre, le manque de secours officiels et la mauvaise
volonté des savants en place. En dépit des contresens et
des fautes les plus grossières, malgré la servilité traînante
de la traduction, un sentiment naïf des beautés de l'original
perce fréquemment et éclate en d'heureuses trouvailles. Sous
leur forme étrange, incorrecte, indigeste, les traductions de
Fauche sont peut-être les4plus savoureuses que la littéra-
ture indienne ait produites en France. Sylvain Lévi.
FAUCHE-Borel (Louis), agent des Bourbons dans la
plupart des conspirations ou des intrigues royalistes de la
période révolutionnaire, consulaire et impériale, né à Neu-
châtel le 12 avr. 1762, d'une famille de protestants franc-
comtois réfugiés, mort à Neuchâtel le 7 sept. 1829. Son
éducation, à en juger par ses écrits, paraît avoir été des
plus sommaires. A l'époque de la Révolution, il exerçait le
métier d'imprimeur. Il se refusa, dit-on, à imprimer contre
Marie-Antoinette un de ces scandaleux pamphlets qui sor-
taient pour la plupart dessentines de la cour de Versailles,
ne laissa pas ignorer ce petit service, reçut quelques mots
de remerciement, et depuis, quoique sujet prussien et de la
religion réformée, s'attacha de cœur et d'ambition à la
cause politique qu'il ne cessa de soutenir, sans aucun
scrupule, mais sans grand effet, durant toute son existence.
Les émigrés réfugiés à Neuchâtel trouvèrent dans sa mai-
son un grand empressement, des secours d'argent, des
moyens de publication : il imprima entre autres les bro-
chures du Franc-Comtois Fenouillot. En 1793, il fut banni
pour six mois, parce qu'il avait édité le testament de
Louis XVI. Il ne tarda pas à abandonner tout à fait sa profes-
sion et sa ville natale. En 1 795, il entra pour son malheur
en relations avec le prétendu comte de Montgaillard(V .ce
nom), qui tour à tour devait servir et trahir les Bourbons
et Napoléon Ier dans sa longue carrière d'intrigues. Fauche
montra plus d'honnêteté politique, ou plus d'esprit de
suite ; mais c'étaient, pour ses débuts, de tristes auspices.
Chargé de communiquer au général Pichegru les propositions
du prince de Condé, il reçut les promesses les plus enga-
geantes : un million comptant, le cordon de Saint-Michel,
la direction de l'Imprimerie royale, s'il persuadait Piche-
gru de passer avec son armée au service de Louis XVII.
Le 14 août 1795, non sans de longues démarches et de
véritables dangers, ce pacte de trahison était signé à
Altkirch ; il est vrai que Pichegru ajoutait cette réserve :
si les Autrichiens secondaient l'opération projetée. Fauche,
après avoir fait son rapport au prince de Condé, était
venu s'installer à Strasbourg pour suivre l'affaire, et, afin
de mieux se dissimuler, se disposait à monter une impri-
merie dans cette ville, lorsque le Directoire, ayant reçu
quelque avis, rappela Pichegru : quant à Fauche, il fut
arrêté (21 nov.), mais relâché faute de preuves. Une fois
que Pichegru eut été élu président des Cinq-Cents, Fauche
se rendit à Paris;' mais la journée républicaine du 18 fruc-
tidor (4 sept. 1797) déjoua les intrigues royalistes.
Des lettres de Fauche à Pichegru avaient été saisies dans
les équipages du général Klinglin : Fauche dut se cacher;
mais, de sa retraite même, il parvint à entrer en relations
avec Barras et trouva ce directeur tout prêt à favoriser la
restauration des Bourbons, à condition d'agir en chef et
d'en avoir le principal bénéfice. Fauche put sortir de Paris
grâce à un faux passeport que lui fit donner Barras. Il
passa en Angleterre. La correspondance de Barras avec
Louis XVIII devait suivre un chemin des plus compliqués :
un nommé David Monnier, confident de Fauche, était
chargé de la recevoir à Hambourg et de la faire parvenir
à Londres, .d'où Fauche devait la porter à Mittau. Mais
Monnier crut pouvoir se passer de Fauche, qui n'eut
d'autre consolation que « de serrer dans ses bras », en
Angleterre, « son admirable Pichegru » ; il s'empressa de
l'informer des desseins de Barras. Fauche eut deux entre-
vues avec Louis XVIII à Mittau : il en reçut l'ordre de
s'établir à Wesel pour correspondre avec Monnier, resté à
Paris même en relations avec le directeur. Un agent de ce-
lui-ci, Guérin de Saint-Tropez, vint à Wesel et reçut des
mains de Fauche des lettres patentes de Louis XVIII en
faveur de Barras. C'est le 18 brumaire qui mit fin à ces
négociations. Fauche eut quelque temps l'idée de revenir
à ses presses. Mais la passion de l'intrigue l'emporta. Des
royalistes influents le prièrent de rapprocher Moreau et
Pichegru, alors brouillés ensemble, et il réussit d'autant
plus facilement dans cette mission que Moreau écoutait
volontiers tous les ennemis du premier consul. Toutefois
Bonaparte avait alors eu le temps de réorganiser la police,
et Fauche fut arrêté et emprisonné au Temple. Il y fut
interrogé par Desmarets, par Real ; on le laissa s'évader au
bout de dix-huit mois afin de suivre ses démarches (car il
n'avait rien voulu avouer) ; mais il ne se compromit pas,
fut remis en prison, n'en dit pas davantage. C'est ainsi que
Fauche-Borel présente les choses dans ses Mémoires, Mais
C. Fauriel, secrétaire de Fouché, les a vues ou devinées
autrement : « Il est peu ordinaire, dit-il, pour l'homme le
plus décidé dans ses sentiments et ses habitudes, de con- <
tinuer dans les prisons les intrigues qui l'y ont fait mettre.
C'était pourtant ce que faisait Fauche-Borel. Sous les yeux
et sous la main de la police, il s'occupait de projets contre
le gouvernement français ; ses idées, sur cet objet, avaient
trouvé une issue hors des murailles du Temple ; son neveu,
nommé Vitel, qui le voyait habituellement, était devenu son
messager, et c'était à Moreau que ce messager était chargé
de faire parvenir les insinuations et les espérances de
Fauche-Borel détenu au Temple. S'il eût été plus pénétrant,
il aurait senti que Fauche-Borel ne pouvait agir que par
Y influence même qui leretenait dans les fers. Ce Fauche-
Borel, peu de temps avant la mise en jugement des cons-
pirateurs, s'est évadé du Temple. » Il est vrai qu'une note
au crayon (pas de la main de Fauriel) corrige les mots par
l 'influence même en ajoutant ou du moins au su, et
ajoute : « Je crois qu'il était de bonne foi. » Ce qui semble le
démontrer, c'est qu'il fut repris et remis en prison. Enfin,
au bout de dix- huit autres mois, l'ambassadeur de Prusse
FAUCHE - FAUCHER
— 38 —
Lucchesini obtint son élargissement ; il fut d'ailleurs immé-
diatement conduit à la frontière et jusqu'en territoire prus-
sien, à Wesel : le baron de Hardenberg lui fit défense de
retourner à Neuchâtel. Il partit alors pour Berlin, et se fit
bien venir de la cour par les renseignements qui ne lui man-
quaient pas sur les choses et sur les gens. Sans doute il
n'en était pas à ses premières confidences, car c'est par
le ministre prussien Haugwitz que Sieyès avait connu en
1799 les complots de Barras, ce qui l'avait décidé à se jeter
dans les bras de Bonaparte. Fauche continua de servir au
moins deux maîtres, le roi de Prusse et le roi de France
in partibus. En 1804, il imprima et répandit la protes-
tation de Louis XVIII contre l'établissement de l'Empire.
Vers la fin de 1805, Napoléon exigea son extradition;
averti par la reine de Prusse, il revint à Londres en janv.
1806. Prévoyant depuis plus d'un an la guerre de Prusse,
il avait conseillé à Frédéric-Guillaume de rappeler Moreau
des Etats-Unis et de lui donner un commandement. C'est
vers cette époque qu'il devint l'intermédiaire de la corres-
pondance qu'entretint longtemps Louis XVIII avec Perlet,
faux royaliste et espion aux gages de l'empereur. Il
tomba insensiblement dans l'absurde et le romanesque. Ne
songea-t-il pas à corrompre le maréchal Berthier, devenu
prince de Neuchâtel? Ne prit-il pas au sérieux un projet
de débarquement du duc de Berry en Bretagne, machiné
par des agents bonapartistes? Il eut du moins le mérite,
dans cette dernière organisation, de s'informer par lui-
même, et de déconseiller la tentative. — Lorsque les
fautes de l'empereur et les victoires de la coalition, bien
plus que les intrigues des conspirateurs, eurent ramené
Louis XVHI sur le trône, ce prince reconnut fortmall'in-
contestable dévouement de Fauche-Borel. Il fut écarté
comme importun par M. de Blacas, et lorsqu'il suivit, à Gand,
son maître fugitif, il se vit contraint à déguerpir dans les
vingt-quatre heures, et mis au cachot, pendant huit jours,
à Bruxelles. Revenu à Neuchâtel, il put se vanter d'avoir,
après Waterloo, hâté l'occupation de la Franche-Comté
par les forces étrangères et les bandes de volontaires roya-
listes. Malgré tout son zèle, la défiance à son égard sub-
sista. Comme il avait largement dépensé, largement vécu,
et largement emprunté, ses créanciers étaient las d'attendre
les hautes récompenses dont il nourrissait toujours en eux
l'illusion. Il sortit alors de son rôle de conspirateur, et fit
appel au public par le Précis historique de ses missions.
Il y maltraitait bien des gens, et entre autres Perlet. Les
accusations de trahison et d'infidélité qu'ils se renvoyaient
l'un à l'autre aboutirent à un procès à la suite duquel
Perlet fut condamné comme escroc et calomniateur (juge-
ment correctionnel du 24 mai 1816). Le comte d'Artois
voulut bien, plus tard, accorder sur sa cassette un traite-
ment de 5,000 fr. à Fauche-Borel ; mais ce ne fut
qu'après qu'il eut obtenu quelque chose du ministère bri-
tannique (on ignore pour quel service), et reçu du roi de
Prusse, toujours économe, un titre de noblesse et de con-
seiller d'ambassade. C'était, à son gré, de minces com-
pensations à toute use vie de dangers et de dévouement,
et d'ailleurs ses dettes n'avaient fait que s'accroître ; il
avait une femme et six enfants. Il fit alors rédiger ses
Mémoires par un nommé Beauchamp : mais il en fut pour
ses frais. Il revint à Neuchâtel (juil. 1829), honteux de
ses sollicitations inutiles et désespéré de sa détresse pécu-
niaire. En septembre, après avoir recommandé les siens,
par testament, à Charles X, au roi de Prusse et au roi
d'Angleterre, il se jeta par la fenêtre et expira sur le
coup. Les journaux royalistes ne pleurèrent pas cet en-
combrant et compromettant personnage ; et, quant aux libé-
raux, ils commentèrent à l'occasion de cette mort tragique le
Nolite confidere principibus terrœ, si souvent applicable
à ceux qui, n'étant pas nés dans la grandeur, ont servi les
grands de la terre avec un zèle trop passionné. H. Monin.
Bibl. : Lombard, Mémoire pour L. Fauche-Borel, contre
Perlet, ancien journaliste; Paris, 1816, in-4 et in-8.—
Réponse de Fauche-Borel à M. Riffé, substitut de M. le
procureur du roi ayant porté la parole dans l'affaire
contre Perlet, suivie du jugement rendu contre ce dernier;
Paris, 1816, in-8. — Fauche-Borel, Mémoires ; Paris,
1828, 4 vol. in-8. — Du même, Notices sur les généraux
Pichegru et Moreau; Londres, 1807, in-8. — Précis histo-
rique des différentes missions dans lesquelles M. L. Fauche-
Bordel a été employé pour la cause de la monarchie, suivi
de pièces justificatives; Paris, oct. 1815, in-8 (les pp. 37-38,
96-97, 99-100 ont été cartonnées par la censure dans la plu»
part des exemplaires).
FAUCHER (César et Constantin), généraux français,
frères jumeaux, nés à La Réole (Gironde) le 20 mars
1759, fusillés à Bordeaux le 27 sept. 1815. Il existait
entre eux, au physique et au moral, une ressemblance par-
faite, et la sympathie étroite qui les unissait ne se démentit
jamais. Fils d'un ancien commissaire des guerres, ils
entrèrent à quinze ans au corps des chevau-légers du
roi, d'où ils passèrent, en 1780, comme officiers dans un
régiment de dragons. Après s'être fait recevoir ensemble
avocats, ils quittèrent le service, applaudirent en 1789 à
la Révolution et furent, deux ans plus tard, nommés, le
premier président du district de La Réole et commandant
des gardes nationales de la Gironde, le second commissaire
du roi et chef de la municipalité de sa ville natale. En
1793, ils partirent tous les deux comme capitaines dans
le corps franc des Enfants de La Réole, allèrent com-
battre pour la République en Vendée, où ils reçurent de
nombreuses blessures et furent élevés le même jour au
grade de général de brigade. Traduits comme partisans des
girondins devant le tribunal révolutionnaire de Rochefort
(1er janv. 1794), ils furent condamnés à mort, mais le
représentant Lequinio s'opposa à leur exécution et, leur
jugement ayant été annulé, ils furent remis en liberté et
recouvrèrent leurs commandements.
Leur santé les ayant obligés un peu plus tard de se re-
tirer dans leur pays, Constantin fut, après le 18 brumaire,
chargé de la sous-préfecture de La Réole (3 avr. 1800)
et bientôt (15 mai) César fut nommé membre du conseil
général de la Gironde. Ils se démirent ensemble de leurs
fonctions et tentèrent de concert, sans beaucoup de succès,
des opérations commerciales à Bordeaux. En 1814, ils
étaient de nouveau retirés à La Réole, qu'ils essayèrent
de défendre contre les Anglais, ce qui leur valut de vio-
lentes rancunes du parti royaliste. Restés fidèles à la cause
de la Révolution, ils offrirent leurs services à Napoléon
pendant les Cent-Jours. Attachés à l'armée des Pyrénées-
Orientales comme maréchaux de camp (14 juin 1815), ils
n'eurent pas le temps de se rendre à leur poste. César était
à ce moment député de La Réole à la Chambre des repré-
sentants. Il courut, après la dissolution de cette assemblée,
rejoindre son frère qui, comme maire et commandant de
cette ville, s'était mis aux ordres du général Clausel.
Obligés le 21 juil., par suite du retour de Louis XVIII, de
résigner toutes fonctions publiques et d'arborer le drapeau
blanc, ils furent accusés de l'avoir laissé insulter le 22 par
des troupes de passage qui s'étaient permis, malgré eux,
cette manifestation. Assiégés dans leur maison par les
volontaires royaux de la Gironde , ils furent arrêtés le
30 juil., conduits à Bordeaux et traduits devant un conseil
de guerre (22 sept.). Leur vie avait toujours été un mo-
dèle de désintéressement, de droiture, de bienfaisance.
Mais on était en pleine Terreur blanche. Ils ne trouvèrent
pas à Bordeaux un seul avocat qui osât se charger de
plaider leur cause. Le célèbre Ravez, leur ancien ami,
leur refusa lui-même son office. Le conseil de guerre passa
outre, et ils durent se défendre mutuellement. Condamnés
à mort (25 sept.), ils virent leur sentence confirmée en
revision et marchèrent souriants au supplice qu'ils subirent
debout et sans avoir permis qu'on leur bandât les yeux.
A. Debidour.
FAUCHER (Léon), journaliste, économiste et homme
politique irançais, né à Limoges le 8 sept. 1803, mort à
Marseille le 14 déc. 1854. Ses parents étaient pauvres, et,
de plus, désunis. Sa mère s'étant séparée de son père l'em-
mena à Toulouse, où il suivit les cours du collège ; son
enfance fut rude et laborieuse ; la nuit, il faisait des des-
39 -
FAUCHER
sins de broderie pour gagner quelque argent. Il se desti-
nait à renseignement. Venu à Paris, il fut employé dans
une pension, puis précepteur chez M. Dailly, maître de
poste. Admissible à l'agrégation (1827), il ne put cepen-
dant obtenir une place dans l'université. Quelques essais
de littérature savante et d'archéologie semblaient annon-
cer un futur érudit, lorsque survint la révolution de Juil-
let. Faucher entra dans le journalisme, pour lequel il
n'était cependant pas fait : comme le témoignent les ar-
ticles de philosophie historique qu'il a signés dans le
Temps, il aimait mieux réfléchir sur les événements du
passé que suivre un courant ou porter un drapeau. Esprit
généralisateur, pondéré, il échoua financièrement dans la
création d'un organe à lui, le Bien public, feuille hebdo-
madaire ; mais il eut le rare mérite de rembourser inté-
gralement ses bailleurs de fonds, au prix du travail le
plus acharné et de véritables privations. Il obtint la
direction du Constitutionnel (1833-1834), en sortit
parce qu'il ne voulait pas être l'homme-lige des proprié-
taires de cette feuille, entra au Courrier français qu'il
rédigea en chef de 1839 à 1842. Son mariage avec
MUô Alexandrine Wolowska, sœur du célèbre économiste
(1837), avait donné à sa position sociale l'indépendance
qu'il méritait si bien par son caractère. Il prit parti dans
la politique militante, d'abord pour la coalition qui ren-
versa le ministère Mole, puis pour Thiers contre Guizot.
Mais il se consacra de plus en plus aux travaux d'écono-
mie politique. Il avait déjà publié dans la Revue des Deux
Mondes un article sur la Colonie des Savoyards à Paris
(1834), et un travail intitulé Etat et tendance de la
propriété en France ; du système électif en France
(1836), dans lequel la formation du capital dans notre
pays et le régime censitaire étaient curieusement rappro-
chés l'un de l'autre, et opposés avec mesure et discrétion.
En 1838, les bases d'un système pénitentiaire pour les
prisons de la France étaient l'objet d'une vive discussion.
Faucher ne chercha la solution du problème « ni dans
des conceptions abstraites ni dans l'imitation d'essais ten-
tés au dehors chez des nations de race, de mœurs, d'état
social différents. Il se demanda ce qu'une telle institu-
tion devait être en France » (Am. Thierry). Il repousse
l'emprisonnement cellulaire. Il recommande la vie et le
travail en commun par catégories de détenus. Il attache
les condamnés des campagnes à des colonies agricoles. Il
montre le péril qui consiste à faire d'un cultivateur con-
damné un ouvrier qui, rejeté après sa peine dans la vie
urbaine, devient presque fatalement un récidiviste. En
1842, il prit part à la lutte des partisans de la protection
contre ceux du libre-échange. Sous le titre (YUnio?i du
Midi, il publia un projet d'association douanière irréali-
sable politiquement, si désirable qu'il fût économiquement,
entre la France, la Belgique, l'Espagne et la Suisse : il
s'agissait de créer un contrepoids au Zollverein germa-
nique. Les Etudes sur l'Angleterre (1845) ont été cri-
tiquées par L. Reybaud comme accordant trop d'impor-
tance aux circonstances particulières que traversait alors
ce pays (discussion des lois sur les blés, de l'income-
tax, etc.) ; mais l'auteur n'a d'autre prétention que de
noter ce qu'il a vu : son livre a dévoilé à nos voisins plus
d'un vice de leur état social, « et la France peut y trou-
ver tantôt un encouragement à des réformes salutaires,
tantôt un préservatif contre des engouements irréfléchis »
(Am. Thierry). C'est sur le modèle de la ligue anglaise
pour le libre-échange que s'était fondée en France une
association dite de Bordeaux, dont Faucher aurait pu
devenir le leader, s'il n'avait en toute chose redouté
l'exagération. En 1843, il lut à l'Académie des sciences
morales et politiques des recherches sur l'or et l'argent
considérés comme étalons de la valeur ; il donna un grand
nombre d'articles au Journal des économistes. Il devint
membre du conseil d'administration de la Compagnie de
chemins de fer de l'Est. Après deux tentatives inutiles, et
à la suite d'une élection des plus disputées, il fut nommé
à la Chambre des députés par le collège de Reims (1847).
Il parla sur les banques ; il ne put obtenir la création des
billets de cent francs, les plus répandus aujourd'hui. Par-
tisan de la réforme électorale, mais par des moyens stric-
tement constitutionnels, s'il ne put refuser à ses électeurs
de présider le banquet de Reims, il refusa d'assister à
ceux de Paris (1848). Il signa l'acte d'accusation contre
le ministère Guizot, et ne fut pas peu effrayé des consé-
quences inattendues de cette campagne : la révolution de
Février et la proclamation de la République. Il n'eut ce-
pendant pas d'abord à se plaindre du suffrage universel :
le dép. de la Marne le nomma député à la Consti-
tuante de 1848. Il combattit des premiers les doctrines
socialistes dans une série d'articles sur Y Organisation du
travail (Revue des Deux Mondes du 1er avr. 1848 et
suiv.). A la Chambre, il s'opposa à la limitation légale
des heures de travail, à l'émission de deux milliards de
papier-monnaie, à la création puis au maintien des ateliers
nationaux de Paris : il proposa d'employer ceux que la
politique y avait embrigadés à des travaux de terrasse-
ments pour les voies ferrées, moyennant un crédit de
10 millions. Il repoussa l'emprunt forcé de 200 millions
(proposition Pougeard). Le président Bonaparte l'appela
au ministère des travaux publics (20 déc. 1848) ; peu de
temps après, il remplaça comme ministre de l'intérieur
Léon de Maleville, qui s'était refusé à remettre entre les
mains du prince-président certains papiers relatifs à l'affaire
de Boulogne : ils furent remis alors par les Archives contre
reçu et n'y sont pas revenus. Par son énergie de plus en plus
réactionnaire, il fit passer la proposition Râteau, acte
d'abdication de la Constituante ; il remit en place la ma-
jeure partie du personnel administratif de la royauté bour-
geoise ; il déjoua (29 janv. 1849), par un grand déploie-
ment de forces militaires, une journée que préparaient les
faubourgs. Enfin, à la veille des élections de 1849, il
expédia à tous les préfets une dépêche (datée du 12 mai)
portant que l'assemblée avait repoussé le vote de blâme
proposé par Jules Favre contre le ministère, à propos de
la question italienne : « Ce vote, ajoutait le ministre,
consolide la paix publique; les agitateurs n'attendaient
qu'un vote de l'Assemblée hostile au ministère pour cou-
rir aux barricades et renouveler les journées de juin.
Paris est tranquille... » Suivait la liste des députés qui
avaient voté pour ou contre le gouvernement, ou qui
s'étaient abstenus. C'était là une impudente manœuvre
électorale. Les procédés de la candidature officielle ne
pouvaient s'étaler avec plus de sans façon : ils eurent
d'ailleurs un plein succès. Faucher en fut quitte pour un
vote de blâme de la Constituante, auquel il répondit par
sa démission. Il fut réélu lui-même à une grande majorité
par le dép. de la Marne; la Législative valida et son élec-
tion et toutes celles qui avaient été le résultat, du moins
partiel, de la dépêche du 12 mai : plusieurs fois, elle fit
de l'auteur son vice-président. Il fut membre de la com-
mission qui prépara la loi du 31 mai 1850, restrictive du
suffrage universel. Il continuait à donner à la Revue des
Deux Mondes des articles sur les questions financières
et sociales, et y critiquait les budgets de 1850 et 1851.
Croyait-il ou ne croyait-il pas à la possibilité d'un gou-
vernement parlementaire sous la présidence de Louis-Na-
poléon? Sa parfaite probité personnelle (en dehors des
faux pas inévitables en révolution) rend cette appréciation
vraisemblable. Quoi qu'il en soit, rentré dans le ministère
en avril 1 851 , il n'y resta que six mois et se retira le 26 oct.
parce qu'il ne voulut pas renier la loi du 31 mai. Bonaparte
avait cependant tout fait pour le gagner : lorsque, comme
ministre, il avait posé la première pierre des Halles cen-
trales, le président l'avait nommé commandeur de la Lé-
gion d'honneur : il n'était pas encore chevalier ! Il se
retira juste à temps pour dégager sa responsabilité du
crime du 2 déc, et refusa hautement de faire partie de la
commission consultative instituée, immédiatement après,
par le président de la République. Il se sentit, comme
FAUCHER — FAUCHET
— 40 —
quelques autres, sinon déshonoré, au moins dupé par un
coup d'Etat qu'il avait cependant, sans le vouloir, contri-
bué à rendre possible. Il s'éloigna entièrement des fonc-
tions publiques. Il participa à la création du Crédit fon-
cier. Il devint assidu aux séances de l'Académie des
sciences morales et politiques, qui l'avait élu en 4849
comme successeur de Rossi. Il donna encore à la Revue
des Deux Mondes de remarquables études sur l'état
financier de la France, de l'Angleterre et de la Russie,
au début de la guerre de Crimée. C'est dans les Finances
de la guerre que sont pour la première fois analysées
les ressources de la Russie. Un fonctionnaire russe, Ten-
goborski, fut chargé de répondre à Faucher. La réplique
de celui-ci (44nov. 4854) est son dernier écrit, éloquent
et patriotique. Plusieurs fois, déjà, une grave maladie de
la gorge l'avait obligé à séjourner dans le Midi. C'est au
cours d'un de ces voyages forcés qu'il fut enlevé, à Mar-
seille, après quinze jours d'agonie. Ses restes furent inhumés
au Père-Lachaise. Sa veuve, sur sa recommandation, fonda
le prix Léon Faucher (triennal de 3,000 fr.) à l'Académie
des sciences morales et politiques. H. Monin.
Bibl. : Institut impérial de France..., Funérailles de
M. Léon Faucher, Discours de M. Amédée Thierry, pro-
noncé le 19 déc. 4854 ,* Paris, s. d., in-4. — Revue des
Deux Mondes, livraisons du 1er janv. 1855 et du 15 mai 1861
(art. de Léonce de Lavergne).
FAUCHERY (Antoine), publiciste français, mort à
Yokohama le 27 avr. 4864. Parti en Australie pour exploi-
ter les mines d'or, il envoya sur ce pays une série de
lettres intéressantes au Moniteur, En 4860, il suivit
l'expédition anglo-française en Chine et envoya de Pékin
au Moniteur de nouvelles correspondances qui furent re-
marquées. Il a laissé : Lettres d'un mineur en Australie
(Paris, 4857, in-42).
FAUCHET (Agric). Râteau à double rang de dents en
bois, emmanché dans une fourche dont un des fourchons
est plus court que l'autre et fait avec la traverse un angle
d'environ 60° (V. Râteau).
FAUCHET (Claude), magistrat et érudit français, né à
Paris le 3 juil. 4530, mort en 4604. Attaché au cardinal
de Tournon, il l'accompagna en Italie en 4554. Rentré en
France, il devint plus tard président (4569), puis premier
président (4584) à la cour des Monnaies, mais il dut
vendre cette charge, en 4599, pour payer ses dettes.
Henri IV lui donna le titre d'historiographe de France. On
a de lui : Recueil de l'origine de la langue et poésie
françoise, ryme et romans, plus les noms et sommaire
des œuvres de 127 poètes françois vivans avant Van
MCCC (Paris, 4584); Origines des dignitez et magis-
trats de France, ouvrage présenté à Henri III à Saint-
Germain-en-Laye en févr. 4584, remanié et publié par
l'auteur, avec une dédicace à Henri de La Tour, duc de
Bouillon, le 45 janv. 4600; Antiquitez gauloises et
françoises, important recueil en douze livres (les cinq pre-
miers, dédiés à Henri IV, parurent en 4599; les trois
suivants, en 4604 ; les quatre derniers, après la mort de
l'auteur en 4602), qui va de l'origine à l'an 987. Quelques
opuscules moins importants se trouvent encore dans l'édi-
tion de ses Œuvres donnée à Paris en 4640 en 2 vol.
in-4. Il avait, en outre, terminé et publié en 4582 une
traduction française de Tacite, commencée par Et. de La
Planche. Comme historien, Fauchet n'a ni le charme ni
l'autorité d'Etienne Pasquier. Son originalité consiste à
avoir remis en lumière la poésie et les poètes du moyen
âge à une époque où l'on ne s'intéressait guère qu'aux
littératures de l'antiquité, mais 'son Recueil de l'origine
de la langue et poésie françoise n'a guère exercé d'in-
fluence, quoique différents auteurs l'aient utilisé, sans le
citer, pour faire parade d'une connaissance superficielle de
la littérature du moyen âge. Fauchet avait réuni une très
belle collection de manuscrits qui fut pillée quelques années
avant sa mort (probablement pendant la Ligue) et dont la
perte lui causa de vifs regrets. Beaucoup de ces manuscrits
passèrent plus ou moins légitimement dans la bibliothèque
de Paul Petau et se trouvent dispersés aujourd'hui dans les
bibliothèques de Rome, de Paris et de Stockholm. M. P.
Meyer a retrouvé, dans les notes de Fauchet, des fragments
importants d'une chanson de geste perdue, Doon de Nan-
teuil (Romania, 4884, p. 4). A. Thomas.
Bibl. : Simonnet, le Président Fauchet, sa vie et ses
ouvrages ; Paris, 1864. — Ernest Langlois, Quelques Dis-
sertations inédites de Claude Fauchet, dans Etudes
romanes dédiées à Gaston Paris ; Paris, 1891.
FAUCHET (Claude), ecclésiastique et homme politique
français, né à Dornes (Nièvre) le 22 sept. 4744, guillo-
tiné à Paris le 34 oct. 4793. Prêtre de la communauté de
Saint-Roch, il devint précepteur des enfants du marquis
de Choiseul, grand vicaire de l'archevêque de Bourges,
Phélypeaux, et prédicateur du roi. Il tâcha de se donner
la réputation d'un Fénelon révolutionnaire, et ses sermons
furent empreints de la plus ardente philanthropie.il fut un
des acteurs de la Révolution, se fit remarquer dans l'as-
semblée des électeurs de 4789, et, au siège de la Bastille,
il se signala parmi les assaillants et eut sa soutane percée
de balles. Le 5 août 4789, à Saint-Jacques, il prononça une
retentissante oraison funèbre des citoyens morts dans la
journée du 44 juil. et fit un éloge mystique de la liberté.
Membre de la Commune de Paris, du 48 sept. 4789 au
8 oct. 4790, il en fut président à deux reprises. Journa-
liste et orateur, il était l'âme de la « Société des Amis de
la vérité », qui avait pour organe une feuille mystique, la
Bouche de Fer, rédigée aussi par Bonneville. Cette Société
fonda un cercle social, dont les deux premières séances
eurent lieu au cirque du Palais-Royal les 43 et 22 oct.
1790. Fauchet y exposa un système de socialisme chré-
tien, fondé sur l'amour universel, système auquel, selon
lui, la franc-maçonnerie offrait une organisation toute
prête. Sa religiosité ardente lançait l'anathème aux disci-
ples de Voltaire. La plupart des révolutionnaires se sépa-
rèrent alors de lui, et peu à peu sa popularité, d'abord
éclatante, s'éclipsa. Dès le 20 juin 4794, il se montra
républicain tout en se disant ami de La Fayette. Le dernier
succès du procureur de la vérité, comme il s'intitulait,
avait été un sermon à Notre-Dame, le 4 févr. 4794, sur
l'accord de la religion et de la liberté, où il revêtait la
doctrine du Cirque des formules de l'Eglise. Elu évêque
constitutionnel du Calvados en avr. 4794, il y combattit
l'esprit monarchique, précéda les jacobins de Caen et fit
abattre la statue de Louis XIV. Les électeurs du Calvados
l'envoyèrent siéger à la Législative. Il y parla avec ardeur
contre les prêtres réfractaires (26 oct. 4794) et demanda
la suppression de la diplomatie et des diplomates (20 janv.
4792). La popularité lui revint alors pour un instant :
mais les jacobins le discréditèrent bientôt en l'accusant
d'intriguer avec Mme de Staël, et d'avoir demandé un
passeport pour M. de Narbonne. Réélu à la Convention,
il fut envoyé avec Rovère à Sens le 9 oct. 4792 pour y
assurer la libre circulation des grains. Dans le procès de
Louis XVI, tout en se récusant comme juge, il vota pour
l'appel au peuple, pour la réclusion et pour le sursis, et
protesta contre l'exécution de Louis XVI dans le Journal
des Amis du 26 janv. 4793. Le 22 févr., il fut dénoncé
à la Convention à propos d'un mandement où il interdisait
aux prêtres mariés de son diocèse de continuer leurs fonc-
tions. Ses liaisons avec les girondins lui attirèrent l'ani-
mosité du peuple de Paris. Au 2 juin, il se suspendit
volontairement de ses fonctions ; mais, sa démission n'ayant
été ni acceptée ni refusée, il continua à siéger jusqu'au
44 juil. suivant. Ce jour-là, impliqué avec Deperret dans
l'attentat de Charlotte Corday, auquel cependant il était
resté étranger, accusé surtout de complicité avec les fédé-
ralistes de Caen, il fut mis en arrestation, puis décrété
d'accusation le 28 juil. suivant. Traduit au tribunal révo-
lutionnaire avec les girondins, il périt avec eux. Son con-
fesseur, l'abbé Lothringer, assura qu'au dernier moment il
abjura toutes ses « erreurs ». Son éloquence rêveuse et
douce ne manquait pas d'originalité et il fut un des ora-
teurs les plus remarquables de la Révolution. — Le Prus-
— 41 —
FAUCHET — FAUCHEUSE
sien Reichardt qui l'avait vu siéger à la Législative, a
tracé de lui ce portrait : « Fauchet est grand, émacié,
d'une pâleur maladive, l'air en dessous; en un mot, c'est
un drôle de corps. Il est tranquillement assis à sa place,
écoutant sans en avoir l'air, avec un vague sourire sur les
lèvres, paraissant sommeiller, les bras croisés sur la poi-
trine. » — On a de lui des discours, des oraisons funèbres
et un livre sur la réforme de la discipline ecclésiastique
et les rapports de l'Eglise et de l'Etat, De la Religion
nationale (Paris, 1789, in-8). F.-A. Aulard.
Bibl.: Dorimon, l'Abbé Claude Fauchet, membre de la-
Commune de Paris, dans la Revue de la Révolution, année
1887. — F.-A. Aulard, les Orateurs de la Législative et de
la Convention, t. II, pp. 107 et suiv.
FAUCHET (Jean-Antoine-Joseph, baron), homme poli-
tique français, né à Saint-Quentin le 31 août 1761, mort
à Paris le 13 sept. 1834. Chef de bureau dans l'adminis-
tration de la guerre (1791), secrétaire de la mairie de
Paris (1792), et, la même année, secrétaire du pouvoir
exécutif, il fut envoyé en 1793 aux Etats-Unis comme
ministre plénipotentiaire. Partisan zélé de Bonaparte, il
devint en l'an VIIÏ préfet du Var, en l'an XIV préfet de la
Gironde, et fut créé baron le 4 juin 1810. Le 15 mars 1809,
il avait occupé la préfecture de l'Arno. Le dép. du Var le
choisit pour représentant à la Chambre des Cent-Jours
le 24 mai 1815, et il redevint préfet de la Gironde jus-
qu'à la seconde Restauration. Il rentra ensuite dans la vie
privée.
FAUCHEUR (Entom.). Nom vulgaire sous lequel on
désigne indistinctement les Arachnides du groupe des Pha-
langides (V. Phalangium).
FAUCHEUR (Michel Le), prédicateur huguenot, né à
Genève en 1585, mort à Paris le 1er avr. 1657. Il fut
reçu ministre dès l'âge de dix-huit ans et beaucoup d'églises
se le disputèrent à cause de son talent oratoire. A partir
de 1612, il resta vingt ans à Montpellier; de 1636 à sa
mort, il prêcha à Charenton. Dans l'intervalle, il avait été
réduit au silence par une interdiction de Richelieu, qui
avait voulu le gagner à la cause de l'union des deux reli-
gions et qui avait obtenu un refus net. On a de lui plu-
sieurs recueils de sermons, et un Traité de l'action de
V orateur, etc., publiée par Conrart (Paris, 1657, in-8),
souvent réimprimé et traduit en latin par Melch. Schmidt
(Helmstadt, 1690, in-8). F.-H. K.
FAUCHEUSE mécanique. Les faucheuses sont des ma-
chines destinées à couper les herbes des prairies pour les
convertir en foin par le fanage. C'est à l'Américain Wood
qu'appartient l'honneur d'avoir le premier réalisé le type
vraiment pratique de la faucheuse. La faucheuse méca-
nique construite par lui a servi de point de départ pour le
plus grand nombre de celles qui ont été faites après par
divers constructeurs. Une faucheuse se compose, en prin-
cipe : de l'organe coupeur, de la transmission et des appa-
reils de support et de règlement. Dans presque toutes les
faucheuses, fait remarquer M. H. Sagnier, la coupe est
faite par une scie soutenue près du sol latéralement au bâti
de la machine : cette scie doit tondre les herbes aussi près
de terre que possible sans s'engorger et sans que ses dents
mordent le sol. Le mouvement est donné à la scie par un
système d'engrenages mus par le mouvement même de
translation de la machine. Une faucheuse se compose tou-
jours d'un bâti monté sur deux roues motrices, dont le
diamètre est de 70 à 75 centim. ; extérieurement, ces roues
sont munies de cannelures pour mordre sur le sol. Le bâti
qu'on faisait autrefois en bois est construit le plus souvent,
aujourd'hui, en fer ; il repose sur l'essieu des roues mo-
trices, autour duquel il est mobile; concentriques aux roues
motrices, des couronnes A, dentées intérieurement, tournent
en même temps qu'elles (fig. 1). Sur chacune de ces roues
engrène un pignon a. L'axe des deux pignons porte une
roue d'angle B, laquelle commande un pignon b. A l'extré-
mité de l'axe de ce pignon, un petit volant c est entraîné
dans son mouvement rotatif. Sur ce volant, qui forme mani-
velle, est fixée excentriquement l'extrémité d'une bielle,
qui se rattache à la tête de la scie. On comprend facilement
comment cette combinaison d'engrenages transforme le
mouvement circulaire continu des roues motrices en un
am
Fig. 1. — Schéma du mécanisme d'une faucheuse.
mouvement rectiligne alternatif, grâce auquel la scie peut
couper les herbes des prairies. La transmission du mouve-
ment par les deux roues à la fois augmente la force ; on
peut cependant fonctionner avec une seule dans le cas où
un accident survient aux engrenages de l'une des roues.
La lame de scie est formée de dents en acier triangulaires
affûtées sur deux bords ; chaque dent est fixée sur une
tringle en acier par deux rivets ; cette tringle présente à sa
partie inférieure une rainure pour loger la tête des rivets.
A une des extrémités est un boulon auquel s'articule la
bielle qui donne le mouvement de va-et-vient. La lame de
scie, ainsi constituée, glisse dans une rainure pratiquée à
l'avant d'une pièce d'acier appelée porte-lame. Ce dernier
est garni de dents pointues qui forment la partie fixe de
l'appareil coupeur. Le porte-lame est placé parallèlement à
l'axe de l'essieu. A l'extrémité du côté de la commande, il
est articulé au bâti de la faucheuse par des tiges de fer,
de sorte qu'il peut décrire un angle de 90° ou 180° dans
le plan vertical, suivant le mode de relevage adopté. Près
de l'articulation se trouve l'appareil de réglage de la hau-
teur de coupe, qui est placé au-dessus. A l'autre extré-
mité, le porte-lame est muni, en avant, d'un sabot en fonte
muni d'une roulette qui peut se hausser à volonté, et, en
arrière, d'une sorte de versoir avec un manche, qui rabat
l'herbe coupée de manière à la disposer en andains. Le
bâti de la faucheuse est entièrement métallique, en fonte,
en fer ou en acier ; il est monté sur les roues motrices et
supporte la transmission du mouvement d'une part, et
d'autre part le siège du conducteur, le levier de réglage
ainsi que les brancards, si la machine est à un cheval, ou
la flèche, si elle est à deux chevaux. La commande du mou-
vement des roues au mécanisme peut s'interrompre à la
volonté du conducteur, grâce à un pelit débrayage à levier.
Généralement les roues porteuses sont munies de crochets
à ressorts qui, lors du recul de la faucheuse, empêchent
toute transmission entre l'axe moteur et le premier pignon.
Enfin le levier de manœuvre peut à l'extrémité de la course
relever complètement la scie et le porte-lame pendant les
tournées de l'instrument ou à la fin du travail. L'inclinai-
son des dents, d'ailleurs très variable avec la nature des
récoltes à faucher, peut être réglée par un levier spécial.
Pour obtenir un bon travail de ces machines, il est essen-
tiel (pie la lame soit toujours bien aiguisée. Quand on s'est
servi d'une lame pendant deux heures environ, il faut la
changer, tant pour l'aiguiser que pour enlever la terre et
la crasse qui s'amassent sur les dents ; c'est pourquoi les
faucheuses sont toujours munies de deux lames dont on se
sert alternativement. La marche d'une faucheuse dépend
surtout du conducteur ; il lui faut un certain apprentissage,
d'ailleurs très court et peu difficile. Le point essentiel est
de prendre le travail dans le sens voulu, suivant le terrain
ou bien suivant que les herbes sont droites ou couchées.
Le plus souvent, on coupe en tournant autour de la pièce.
Les divers types de faucheuses sont aujourd'hui très
nombreux, mais ils ne diffèrent que par des points de
détail de la machine de Wood. L'usine de W. A. Wood
FAUCHEUSE
— m —
fabrique aujourd'hui près de 50,000 faucheuses par an.
Depuis quelques années déjà cette maison a substitué la
faucheuse dite Favorite à l'ancienne faucheuse avec
laquelle elle a obtenu sa grande réputation, et qui a fait
d'elle la première maison du monde pour la fabrication des
machines à moissonner. Dans la Favorite, tous les engre-
nages ont été réunis dans une boîte autour de l'essieu
même des roues, les mettant ainsi à l'abri de la poussière ;
c'est là un point très important pour une machine fonc-
tionnant dans les champs et qui est toujours apprécié par
Fig. 2, — Faucheuse Atlas (de M, Samuelson).
quiconque a déjà conduit une faucheuse. Le porte-lame est
construit de telle façon que, pour retirer ou remettre la
lame, il n'y a besoin de démonter aucune pièce ni de
faire agir aucun ressort. Il suffit simplement de mettre le
porte-lame dans une certaine position pour que la bielle se
dégage de la lame sans le moindre effort. Le porte-lame
est maintenu en place par deux forts étais en fer (devant et
derrière la coupe) qui rendent cette pièce absolument rigide
dans le sens de la marche, mais aussi très flexible verti-
calement, afin qu'elle puisse suivre toutes les inégalités du
Fig. 3. — Faucheuse Albion (de MM. Harrisson, Mac Gregor et Cie).
terrain. Quand la machine est désembrayée, il n'y a abso-
lument que les roues motrices qui fonctionnent ; elles sont
rivées sur l'essieu. Cette faucheuse existe à un cheval et à
deux chevaux. En ce qui concerne la faucheuse à deux
chevaux, la maison Wood fabrique des faucheuses pour la
France seule. Les machines fabriquées pour l'Amérique
sont plus légères : cela provient de ce qu'en France on
désire couper très ras, tandis qu'en Amérique cette ques-
tion n'a pas grande importance. On construit aussi des
faucheuses pour la traction par les bœufs.; dans celles-ci le
rapport des engrenages est modifié pour donner plus de
vitesse à la lame, de façon qu'au pas ordinaire des bœufs,
la lame fonctionne aussi vite que celle de la faucheuse ordi-
naire au pas accéléré des chevaux. Dans la faucheuse
Samuelson, dite Atlas (fig. 2), ia traction se fait au moyen
d'une chaîne qui passe sous le bâti de la machine et vient
s'accrocher sur un levier à l'extrémité du support du timon,
de sorte que, pendant la marche, tout le poids est retiré du
collier des chevaux ; et, si la machine, rencontrant un
obstacle, les chevaux donnent un coup de collier trop fort,
la barre coupeuse se relève et franchit l'obstacle sans dif-
ficulté. En effet, dans cette machine, la barre coupeuse est
mobile horizontalement, ce qui est très avantageux pour le
fauchage des récoltes versées, et pour passer les rigoles
qui se trouvent dans les champs. Dans la faucheuse Y In-
vincible, de la maison Johnson, les roues motrices sont
d'un grand diamètre, ce qui facilite beaucoup la marche
de l'instrument ; le porte-lame est fortement articulé
pour permettre un bon fonctionnement sur les terrains
accidentés ; le tirage se fait directement sur la barre du
sabot au moyen d'une tringle à coulisse aboutissant au
timon. Ce système de tirage, qui allège de beaucoup le bois
du timon, ne blesse jamais les animaux sur le garrot et
empêche la machine de bourrer dans un passage difficile.
Dans la faucheuse Massey, les engrenages sont réunis
au milieu du bâti ; les arbres sont tous en acier poli
et celui du plateau-manivelle est muni de coussinets en
bronze ; la bielle est à boule ; la manœuvre de la barre-
coupeuse permet à volonté de l'élever à l'intérieur ou à
l'extérieur, afin de parer facilement les obstacles que l'on
rencontre ; elle est indépendante du bâti de la machine, et
43 - FAUCHEUSE - FAUCIGNY
avec les deux leviers qui se trouvent à sa droite le con-
ducteur en est absolument maître. Les roues ont 80 centim.
de diamètre et leur écartement est de lm10. Enfin dans la
faucheuse Albion, de MM. Harrisson, Mac Gregor et Cie
(fig. 3), une des plus récentes et des plus perfectionnées,
le bâti est d'une seule pièce, ce qui rend le moindre déran-
gement des organes impossible et assure à la machine la
plus grande régularité de fonctionnement ; les roues motrices
sont très hautes, ce qui diminue le tirage ; ^ les arbres
tournent dans des coussinets en bronze ; la bielle est en
acier ; la disposition des engrenages permet d'équilibrer
exactement la traction, car ils sont au centre du bâti prin-
cipal ; le siège, incliné en arrière, est muni d'un support
en acier à ressort ; le levier d'inclinaison et le levier
d'embrayage sont à la portée du conducteur ; enfin la barre-
coupeuse est attachée au bâti par une charnière à double
joint; elle suit toutes les ondulations du terrain et reste
indépendante du mouvement du bâti ; la largeur de coupe
est de lm30 et le poids de l'instrument de 335 kilogr.
La largeur coupée par une faucheuse à deux chevaux est
quelque peu variable, suivant les machines ; néanmoins elle
est comprise entre lm20 et lm35 ; le poids de ces instru-
ments oscille entre 230 et 400 kilogr. Une faucheuse à
deux chevaux peut faire 3 à 5 hect. par jour. Le tirage
varie dans de très grandes limites ; d'après plusieurs essais,
on peut admettre que le travail mécanique dépensé pour
faucher un mètre carré varie de 75 à 135 kilogrammètres.
Voici quelques chiffres sur les essais dynamométriques
effectués par M. Ringelmann :
DÉSIGNATION
FAUCHEUSES
A UN CHEVAL
A DEUX CHEVAUX
A DEUX BŒUFS
Longueur de coupe (en mètres)
0*98 à 1*07
73 à 112 kilogr.
289 à 350 —
1*27 à 1*31
81 à 125 kilogr.
372 à 456 —
1*27 à 1*29
73 à 95 kilogr.
384 à 458 —
Traction par mètre de longueur de coupe
Poids total, conducteur compris
A peine est-il besoin de faire remarquer, en terminant,
que la coupe des herbes avec les faucheuses est un moyen
à la fois expéditif et économique. Le général Morin a cal-
culé qu'avec la faucheuse Wood, attelée de deux chevaux
et servie par deux hommes, on peut en un jour faucher
2 hect. sur un pré rendant de 30,000 à 35,000 kilogr. de
foin par hectare. Le travail revient alors à 12 fr., tandis
qu'à la faux il revient à près de 28 fr. Cependant l'emploi
des faucheuses mécaniques n'est à conseiller que sur de
grandes étendues. Si on a moins de 40 hect., il n'est guère
à conseiller, ainsi que le montrent les chiffres suivants :
Prix du fauchage
meuuue
à bras
à la machine
20 hect.
460 fr.
217 fr.
30 -
240 —
265 -
40 —
320 —
313 —
50 —
400 -
377 —
60 —
480 —
425 -
80 -
640 —
537 —
120 —
960 -
745 -
Il existe actuellement en France, entre les mains des
cultivateurs, environ 15,000 faucheuses mécaniques, repré-
sentant une valeur approximative de 9,000,000 de francs.
Albert Larbalétrier.
Bibl. : M. Ringelmann, les Machines agricoles ; Paris,
1887, lre série, in-16. — J. Buchard, le Matériel agricole;
Paris, 1891, in-16.
FAUCHON. I. Agriculture. — Sorte de petite faux à
manche court, employée par les moissonneuses et nommée
aussi piquet, sape flamande (V. Sape).
II. Archéologie. — Ancienne arme de main qui était
une sorte de sabre assez court, légèrement recourbé, res-
semblant presque à un cimeterre, mais dont la lame ne
s'élargissait pas à l'extrémité. Il en est fait mention dès le
xine siècle. Le fauchon est une arme mal définie qui doit
rentrer dans la catégorie vague de tous les coutelas et
couteaux courbes à armer dont se servaient les gens de
pied. Son origine est sans doute orientale ; il faut remar-
quer cependant que de toute antiquité on s'est servi de
petits sabres (kopis, acinaces)] dont la tradition s'est
maintenue chez tous les peuples, quoique chez les Grecs,
les Romains, comme chez les Gaulois et les Germains,
l'arme classique et noble ait toujours été l'épée droite. Les
Anglais connaissent sous ce nom de fauchon un sabre de
moyenne longueur, recourbé, assez semblable à notre bri-
quet, et dont s'escrimaient leurs gladiateurs sur les
théâtres du xvme siècle. On combattait soit de la main
droite seule, soit un fauchon de chaque main. C'est ainsi
que, le 13 juil. 1709, Georges Gray défiait James Harris,
ancien cavalier dans les horse-guards, à un assaut public,
dans le jardin aux Ours, à Hockley-in-the-Hole. Ces deux
maîtres d'armes devaient combattre aux armes suivantes :
l'estramaçon; l'épée et la dague; l'épée et le bouclier ;
le fauchon et la paire de fauchons. L'escrime de cette
arme se rapprochait fort de celle de coutelas nommé
dusack, que l'on mania en Allemagne jusqu'au commence-
ment du xviie siècle. Maurice Maindron.
FAUCIGNY. Ancien pays du N. de la Savoie qui forme
aujourd'hui l'arr. de Bonneville. Son nom provient du châ-
teau dont les ruines dominent la route de Genève à Cha-
mounix et la, commune actuelle de Faucigny (V. Savoie
[Histoire] et Savoie [Haute-] [Dép.]).
FAUCIGNY. Corn, du dép. de la Haute-Savoie, arr. et
cant. de Bonneville; 414 hab.
FAUCIGNY. Village d'Algérie, dép. de Constantine, arr.
de Sétif, dans la corn, de plein exercice de Aïn-Abessa et
FAUCIGNY — FAUCON
_ 44 — •
à 5 kil. de ce centre, dans une région montueuse que do-
mine le Maghrin (4 ,722 ni.). Il a été créé par une colonie de
Savoisiens, venus du Faucigny, renforcée depuis par un
certain nombre d'Alsaciens-Lorrains. E. Càt.
FAUCIGNY de Lucinge (Louis-Charles- Amédée, comte),
homme politique français, né à La Motte-en-Bresse (Ain)
le 25 août 4755, mort à Londres le 29 déc. 4804. Lieu-
tenant-colonel au régiment de Normandie, il fut élu député
suppléant de la noblesse aux Etats généraux par le bail-
liage de Bourg (3 avr. 4789). Il prit séance à l'Assemblée
nationale le 45 déc. 4789, en remplacement de Gaston de
La Bevière, démissionnaire. Partisan fougueux de la royauté,
il joua un rôle dans la fameuse affaire de Frondeville
(V. ce nom) en s'écriant à l'adresse des révolutionnaires :
« Pour en finir, il n'y a qu'un moyen, c'est de tomber à
coups de sabre sur ces gredins-là ! » Il dut présenter ses
excuses à l'Assemblée pour éviter une peine disciplinaire.
En 4794, il fut cause d'un nouveau tumulte en voulant,
au cours d'un appel nominal, forcer le secrétaire à l'appeler :
« Monsieur le comte Faucigny de Lucinge ». Menacé de la
prison, il s'en tira encore avec une sévère réprimande. Il
émigra à la fin de 4794, servit quelque temps à l'armée
des princes, et s'établit ensuite à Londres, où il s'occupa
à peindre des miniatures. — Le prince Charles-Marie
Faucigny de Lucinge, de la même famille que le précédent,
né le 46 août 4824, fut élu député conservateur de Guin-
gamp en 4876. Invalidé, il fut remplacé par son concur-
rent républicain à la réélection du 27 août 4876. Réélu le
44 oct. 4877, il fut encore invalidé, et renonça cette fois
à se présenter contre son même concurrent, M. Huon.
FAUCILLE. I. Agriculture. — Instrument à main ser-
vant pour la moisson des céréales, et quelquefois aussi pour
l'émondage. La faucille est formée d'une lame courbée à
peu près en demi-cercle et dont la base est emmanchée
dans un manche de bois formant poignée. La lame, en
acier ou en fer aciéré, est pointue à son extrémité ; le tran-
chant est uni ou armé de dents fines. Pour se servir de la
faucille, on saisit une poignée de céréales ou d'herbes avec
la main gauche, et on coupe à la base en tirant avec la
faucille d'un mouvement de droite à gauche. Si la lame est
dentée, l'effort doit être plus considérable, mais alors la
paille est sciée au lieu d'être coupée. Alb. L.
IL Archéologie. — Dès que l'agriculture a été con-
nue et pratiquée, la faucille fut un des outils les plus
indispensables. Aussi, en dépit de la difficulté que pré-
sentait sa fabrication avec le silex, il y a dans les collec-
tions des lames courbes de cette matière qui, plus coupantes
de leur côté concave, ont été employées à la façon d'une
faucille. Il existe aussi une lame de ce genre en ardoise
polie (Norvège). C'est toutefois avec plusieurs pièces assem-
blées qu'on obtient habituellement des faucilles. Dans le
S.-E. de l'Espagne, MM. Siret ont recueilli en grand
nombre de petits silex trapézoïdaux à trois bords dorsaux
dont ils ont fait des pointes de flèche. Ils ressemblent à
des tronçons de lames ou de couteaux en silex brisés à
dessein. Des pièces toutes semblables ont été ramassées
un peu partout en Grèce, et E. Burnouf pensait qu'elles
avaient servi à la confection de herses par leur fixation à
la surface de lourdes planches. Schliemann en a exhumé
des quantités des ruines les plus anciennes d'Hissarlick.
Enfin M. Flinders Pétrie, en fouillant les restes de la ville
de Kahun, créée pour les constructeurs de la pyramide
d'Illahun en Egypte, a découvert, parmi les outils en
cuivre et en silex, ces derniers souvent admirablement
travaillés sur le modèle de ceux en métal, une faucille en
bois. Le tranchant de cet outil est entièrement formé par
ces mêmes petits silex trapézoïdaux, fixés sur le bois, l'un
contre l'autre. M. Cartailhac, qui a vu ces pièces, ne doute
pas que, partout où on les trouve, ils aient servi à^ la
confection de faucilles en bois semblables. La pyramide
d'Illahun remonte d'ailleurs à une époque (3300 av. J.-C.)
où l'Europe en général ne connaissait pas encore le métal.
Aussitôt après l'introduction du bronze, les faucilles de
métal furent très répandues. Leur forme a peu varié, et,
sous ce rapport, elles ne diftèrent pas de celles de nos
jours. C'est leur mode d'emmanchement qui s'est modifié
avec le temps. Les plus anciennes sont à bouton aplati
transverse ; viennent ensuite celles à bouton arrondi. Ce
n'est qu'à la fin de l'âge du bronze qu'apparaissent les
faucilles à douille, les plus communes en Angleterre. Les
manches des faucilles de bronze étaient habilement taillés
pour loger le pouce et les doigts, et empêcher la main de
glisser dans le mouvement de retour imprimé à l'outil
pour couper les tiges assemblées. Le bronze a été rem-
placé par le fer dans la fabrication des faucilles, dès le
premier âge du fer. Zaborowski.
III. Astronomie. — Suite d'étoiles de sixième grandeur
affectant la forme de cet instrument et placée à la main
droite du Bouvier (V. ce mot).
IV. Zoologie (V. Coq).
FAUCILLE (La). Passage du Jura, reliant le pays de
Gex à la vallée de la Valserine, traversé par la route de
Genève à Paris; le point culminant est à 4,323 m. au-
dessus de la mer (V. Jura [Dép.]).
FAUCILLES (Monts). Chaîne de montagnes ou plutôt
de plateaux et de collines, dont la cime la plus élevée
n'atteint pas 4,200 m., et qui s'étendent du plateau de
Langres aux Vosges. Leur importance tient à ce qu'ils font
partie delà longue ligne de faîte européenne qui sépare
les versants océanien et méditerranéen (V. Marne [Haute-]
et Vosges [Dép.]).
FAUCOGNEY (Falconiacum). Ch.-l. de cant. du dép.
de la Haute-Saône, arr. de Lure, sur le Breuchin ;
4,097 hab. Moulins, tanneries, tissages; carrières de grès
vosgien. On y a trouvé des bas-reliefs, une inscription et
plusieurs objets en bronze qui confirment ce que donne à
penser l'étymologie du mot Faucogney, savoir que le pays
a été habité dès l'époque romaine. Le château qui dominait
la ville est mentionné dans une charte du xe siècle ; Philippe
le Hardi, duc de Bourgogne, le fit réparer et lui adjoignit
une tour ,en 4386. La ville elle-même fut fortifiée au
moyen âge, et deux tours de l'enceinte, l'une ronde, l'autre
carrée, sont encore debout. Elle fut en proie à des troubles
populaires en 4442. Louis XI la prit en 4479, la perdit
peu après et la reprit en 4484 ; mais l'empereur Maxi-
milien l'occupa de nouveau en 4492. Quand Louis XIV fit
la conquête de la Franche-Comté, il se heurta en dernier
lieu à la résistance de Faucogney, qui ne fut pris d'assaut
qu'à la suite de plusieurs jours de siège (4 juil. 4674). Les
habitants furent massacrés, les maisons brûlées et le châ-
teau démoli. La ville fut encore détruite par un incendie
en 4745. Les capucins s'y étaient établis en 4654. L'an-
cien hôpital sert aujourd'hui de caserne à la gendarmerie.
La seigneurie appartint à l'origine à la très ancienne famille
de Faucogney, des vicomtes de Vesoul, dont un membre,
Aymonin, affranchit les habitants en 4275, et dont l'unique
héritière, au milieu du xive siècle, épousa Georges de La
Trémoille, seigneur de Jonvelle. Celui-ci, ayant porté les
armes contre son suzerain, fut dépouillé de la terre, qui
passa successivement entre les mains des ducs et des comtes
de Bourgogne, des archiducs d'Autriche et des rois d'Es-
pagne. Philippe IV la céda au prince Charles d'Arenberg
en 4664. Elle vint ensuite aux de Grammont et aux de Bauf-
fremont. Sur la montagne, au S. de Faucogney, ancienne
église de Saint-Martin. Armes de la ville : coupé au pre-
mier, de Bourgogne-Comté, qui est d'azur billeté d'or,
au lion couronné de même, armé et lampassé de gueules;
cm second, d'argent à un faucon de gueules pillant
une perdrix de même. Lex.
Bibl. : J. Finot, les Sires de Faucogney, vicomtes de
Vesoul ; Paris, 1886, in-8.
FAUCOMP1ERRE. Corn, du dép. des Vosges, arr. et
cant. de Bemiremont; 446 hab.
FAUCON. I. Ornithologie. — Les Faucons (Falco L.)
sont peut-être de tous les Rapaces (V. ce mot) ceux qui
sont le mieux doués sous le rapport de la force et de l'agi-
- 45 —
FAUCON
lité. Us ont le corps ramassé, la tête solidement attachée aux
épaules, le bec court, mais vigoureux, avec la mandibule
supérieure fortement crochue et pourvue sur le bord d'une
ou même de deux dents très saillantes qui sont reçues dans
des échancrures de la mandibule inférieure ; les ailes très
Faucon pèlerin.
aiguës et assez longues pour dépasser d'ordinaire, quand
elles sont ployées, l'extrémité de la queue. Celle-ci est
pourtant bien développée et formée de pennes égales et de
largeur uniforme. Au contraire, les grandes pennes alaires,
ou rémiges, sont toujours plus ou moins échancrées du côté
interne, comme chez tous les oiseaux de haut vol. Les
pattes, relativement courtes, sont emplumées dans leur
tiers supérieur seulement et réticulées ou garnies de
scutelles dans le reste de leur étendue. Elles se terminent
par des doigts souples et robustes, munis de griffes légè-
rement rétractiles. De tous ces doigts, le médian est le plus
développé ; quelquefois même il égale en longueur le tarso-
métatarsien. Les yeux sont entourés d'un petit espace
dénudé, généralement teint de couleurs vives, rappelant
celles des pattes et de la cire, c.-à-d. de la membrane cou-
vrant la base du bec et dans laquelle sont percées les narines.
Comme chez la plupart des Rapaces, les couleurs et le
dessin du plumage éprouvent, chez les Faucons, des modi-
fications profondes suivant l'âge, le sexe et la saison. Ainsi
les raies et les barres qui existent primitivement sur la face
inférieure du corps sont remplacées d'ordinaire chez
l'adulte par des stries fines ou des gouttelettes ; les teintes
grises ou rouges du manteau s'avivent au printemps ; le
blanc envahit parfois les parties supérieures ; les bandes
transversales de la queue s'atténuent, et de la base de la
mandibule supérieure se détachent deux traits noirs qui
dessinent des sortes de moustaches et qui caractérisent la
plupart des Faucons adultes.
Les Faucons sont hardis, courageux et passionnés dans
la poursuite du gibier à poil et à plume ; aussi l'homme
a-t-il mis de bonne heure à profit leurs instincts chasseurs
pour les transformer en auxiliaires. Ils se nourrissent de
petits mammifères, d'oiseaux ou d'insectes, et suivant leur
régime méritent d'être considérés tantôt comme des oiseaux
nuisibles, tantôt comme des oiseaux utiles à l'agriculture.
Ils chassent de préférence le matin et le soir, et vers le milieu
du jour se tiennent immobiles et les plumes un peu hérissées,
perchés sur un rocher ou sur un arbre. Grâce à la puis-
sance de leur vol, ils peuvent franchir d'immenses espaces
avec une rapidité extraordinaire ; aussi le domaine de chaque
couple, ou, pour parler plus exactement, son terrain de
chasse, est-il très étendu. Toutefois le vol des Faucons varie
beaucoup non seulement d'une espèce à l'autre, mais en-
core suivant les circonstances, et tantôt ces oiseaux filent
rapidement en battant l'air de puissants coups d'ailes,
tantôt ils décrivent de grands cercles ou bien encore res-
tent pendant assez longtemps au même endroit, en agitant
les ailes, pour se laisser ensuite tomber brusquement sur
la proie qu'ils ont aperçue. Quelques-uns d'entre eux chan-
gent seulement de cantons à certaines époques ; d'autres
effectuent en automne et au printemps de véritables mi-
grations en bandes plus ou moins nombreuses. En été, au
contraire, les Faucons vivent par couples : ils s'établissent
d'ordinaire, pour nicher, soit sur une falaise escarpée,
soit sur le sommet d'un arbre ou d'un édifice isolé, et on ne
les voit que rarement déposer leurs œufs sur le sol ou
dans la cavité d'un vieux tronc d'arbre. Les œufs, de
forme arrondie et généralement marbrés de brun sur un
fond rouge eu rougeâtre, sont couvés par la femelle seule,
mais les deux parents s'occupent de l'éducation des petits.
On connaît actuellement plus de soixante espèces de
Faucons qui sont répandues sur la plus grande partie de la
surface du globe. Ces espèces, que l'on rattachait autrefois
à une vingtaine de genres et de sous-genres, peuvent, en
réalité, être toutes attribuées à un seul et même genre,
l'ancien genre Falco, de Linné, qui sera, si l'on veut, par-
tagé, pour la commodité de l'étude, en sous-genres : Falco,
Cerckneis ou Tinnunculus, Hierofalco, Hieracidea et
Harpagus. Les espèces du sous-genre Falco ou Faucon
proprement dit sont de taille moyenne et ont les parties
inférieures du corps nettement rayées ou mouchetées, la
tête souvent couverte d'une calotte rousse, les joues ornées
de moustaches noires et le doigt externe constamment plus
long que le doigt interne.
Le Faucon commun ou pèlerin (Falco communis ou
peregrinus L.), qui constitue le type de ce groupe, se
Faucon gerfaut.
trouve non seulement en Europe, mais dans l'Inde, en
Chine, au Japon et jusque dans l'Amérique du Nord. Il
porte, à l'âge adulte, un manteau gris, maculé de noir,
contrastant avec la teinte claire des parties inférieures.
Celles-ci sont d'un blanc jaunâtre, passant au gris rou-
geâtre en arrière et sont marquées de stries noirâtres,
auxquelles succèdent des raies transversales. Le bec est
d'un noir bleuâtre, la cire et les pattes sont d'un jaune
safran et les yeux bruns. Les couleurs du plumage sont
toujours plus claires, et la taille reste notablement plus
faible chez le mâle que chez la femelle. Cette espèce, qui
niche sur les falaises de la Manche et dans les clochers des
églises de différentes villes de France et d'Allemagne, fait
une chasse active aux Pigeons, aux Perdrix, aux Oies, aux
Canards et aux Corneilles. Tout à côté d'elle se placent le
Falco minor Bp. de l'Afrique méridionale et de Mada-
FAUCON — FAUCONBERG
-46 -
gascar, qui ne doit être considéré que comme une race lo-
cale, le Falco nigriceps (Cass.) de l'Amérique du Nord,
le F. melanogenys (Gould) d'Australie, le F. barbarush.,
le F. tanypterus (Licht) de l'Afrique septentrionale et
orientale, le F. jugger (Gr.) de l'Inde, etc.
Le Faucon hobereau (Falco subbuteo L.), que Boie avait
pris pour type de son genre Hypotriorchis, est bien plus
petit que le Faucon commun et plus foncé en couleur, les
parties supérieures de son corps étant d'un bleu noirâtre
et les parties inférieures d'un blanc jaunâtre, passant au
roux vif en arrière et tacheté longitudinalement de noir. Il
se tient de préférence dans les bois peu touffus et se nourrit
de petits Oiseaux, tels que des Hirondelles et des Alouettes
et d'Insectes de différents ordres, mais principalement de
Sauterelles et de Libellules. En Australie, en Tasmanie et
aux Moluques, il est représenté par le Falco lunulatus
(Lath); en Malaisie, à Célèbes et aux Philippines, par le
F. severus (Horsf.); au Brésil et au Mexique, par le F.
aurantius (Gm.) et le F. rufigularis (Daud.).
Les Cresserelles (Cerchneis Boie) ont des couleurs plus
vives que les Faucons ordinaires, le manteau étant coloré
en roux plus ou moins intense, tirant plus ou moins au
rouge ; leurs ailes sont au moins aussi pointues ; leur queue
est relativement plus longue ; leurs doigts sont plus courts
et moins aptes à lier une proie ; mais en réalité ces Ra-
paces ne méritent point de constituer un genre distinct. La
Cresserelle commune (Falco tinnunculus L.), lorsqu'elle
est adulte, a les parties supérieures du corps d'un ton
d'ocre rouge, marqueté de noir, le sommet de la tête gris,
finement strié de noir, et les parties inférieures d'un blanc
roussâtre, strié de brun sur la poitrine et orné de goutte-
lettes de même couleur sur les flancs. Elle est répandue
depuis le Japon et le nord de la Chine jusque dans l'Eu-
rope occidentale, et s'avance même en Afrique jusqu'au cap
de Bonne-Espérance, en offrant, il est vrai, suivant les
régions, quelques variations de plumage. Elle se nourrit
surtout de petits Rongeurs, de Reptiles et d'Insectes et
mériterait, par conséquent, d'être inscrite dans la catégorie
des animaux utiles.
Tout près de cette espèce se place la Cresserine ou Cres-
serellette (Falco cerchneis Naum.) qui n'en est, pour
ainsi dire, qu'un diminutif, et dont les mœurs sont à peu
près les mêmes, mais dont l'aire d'habitat, moins étendue,
ne comprend que le midi de l'Europe, l'ouest de l'Asie et
le nord de. l'Afrique.
Les Gerfauts, qui forment le sous-genre Hiero falco (Cm.)
ont les pennes primaires moins allongées que les Faucons
et se distinguent de ceux-ci par leurs tarses en partie em-
plumés et finement réticulés en avant, par leur taille tou-
jours plus forte et par leur plumage fortement mélangé de
blanc et passant même quelquefois au blanc pur, à peine
marqué de quelques taches noires. Cette dernière livrée est
celle des individus adultes du Falco candicans (Gm.) ou
Hierofalco candicans qui habite le Groenland et le La-
brador et qui visite dans ses migrations les contrées sep-
tentrionales de l'Europe et de l'Asie. Il niche sur les
falaises et sur ces montagnes où des oiseaux de mer de
toute espèce forment d'innombrables colonies et où il peut
faire une chasse fructueuse aux Mouettes, aux Sternes,
aux Guillemots et aux Canards. Ailleurs, il se nourrit de
Lagopèdes (V. ce mot) ou Perdrix de neige. Tel est aussi
le régime du Gerfaut d'Islande (Falco ou Hierofalco is-
landicus Gm.), du Gerfaut de Norvège (F. ou H. gyr-
falco L.), qui diffèrent du Gerfaut blanc par les teintes
moins pures de leur plumage. Ce sont ces dernières espèces
qui fournissaient les fameux Gerfauts que les rois et les
grands seigneurs faisaient jadis venir à grands frais des
pays du Nord et qu'ils employaient pour voler le Héron,
la Grue, la Cigogne et la Perdrix, concurremment avec le
Faucon sacre (Falco sacer Gm.). Cette dernière espèce, qui
habite les bords de la Volga, les plaines de l'Asie centrale
et le nord-est de l'Afrique, établit du reste la transition
entre les Gerfauts et les Faucons ordinaires. — Non loin
des Gerfauts se placent les Hieracidea qui ont pour patrie
la Nouvelle-Hollande et les terres avoisinantes et qui rap-
pellent à la fois les Hobereaux par les teintes générales de
leur plumage et les Harpagus de l'Amérique tropicale.
Enfin la série des Faucons est close par les Polihierax et
les Microhierax, petits Rapaces de l'Afrique orientale et
de l'Asie méridionale, dont quelques-uns méritent le nom
de Faucons-Moineaux, vu leur taille extrêmement ré-
duite. E. Oustalet.
IL Art héraldique. — Oiseau de chasse très hono-
rablement employé en armoiries et symbolisant un attribut
seigneurial. Le faucon se distingue des autres oiseaux par
sa longe, son grillet ou grelot, son chaperon et son perche.
Aussi le blasonne-t-on longé, grilleté, chaperonné, perché.
Il peut être, en outre, comme les autres oiseaux, becqué,
membre, armé, etc. Ce qui est applicable au faucon l'est
également à l'épervier, au gerfaut et à tous les oiseaux de
leurre ou de poing.
III. Ordres. — Ordre du Faucon blanc. — Créé en
Saxe, le 2 août 1732, par Ernest- Auguste de Saxe, dans
le dessein de récompenser les personnes qui se distinguent
par leur fidélité, leur talent ou leur aptitude à remplir des
fonctions publiques , il fut autorisé par l'empereur d'Au-
triche Charles VI; il est parfois dénommé ordre de la
Vigilance.il cessa d'être conféré de 1795 à 1815, mais le
grand-duc Charles-Auguste le renouvela le 18 oct. 1815 et
le destina à récompenser le mérite civil et militaire. Les
statuts furent modifiés en 1840. Les membres sont divisés
en cinq classes, grands-croix, commandeurs de deuxième
classe, chevaliers de deuxième et de troisième classe. Ruban
rouge foncé. Gourdon de Genouillac.
IV. Artillerie. — On a appelé faucon, à l'origine de
l'artillerie, certaine pièce de canon. Du reste, on avait une
tendance marquée, dans le principe, à donner aux pièces
d'artillerie des noms d'animaux : aspic, basilic, coule-
vrine, émérillon, etc., suivant leur dimension et leur calibre.
L'ordonnance de Blois (1572) s'occupe encore du faucon et
lui assigne une longueur d'une toise et demie, un projectile
de 7 livres et 800 livres comme poids total de la pièce.
Bibl. : Ornithologie. — J. Gould, Birds of Europa,
1838; Birds of Asia, 1851-1884, et Birds of Australia, 1848.
— Schlegel et Verster van Wulverhorst, Traité de
Fauconnerie, 1846. — J.-C. Chenu et O. des Murs, Traité
de Fauconnerie, 1862. — Degland et Gerbe, Ornith. europ.,
1867, 2« éd., 1. 1, p. 71. — B.-B. Sharpe, Cat. B. Brit Mus.,
1874, 1. 1, Accipitres, p. 374.
FAUCON. Corn, du dép. des Basses-Alpes, arr. et cant.
de Barcelonnette, sur l'Ubaye ; 408 hab. Couvent de tri-
nitaires. Fabrique de draps. Des fouilles ont amené à plu-
sieurs reprises la découverte de nombreux vestiges romains
et notamment d'inscriptions. Eglise dont certaines parties
passent pour remonter à l'époque carolingienne ; clocher
formé d'une ancienne tour carrée formée de quatre pans à
colonnades. Tombeau en marbre de saint Jean de Matha,
fondateur des trinitaires, né à Faucon.
FAUCON (Falco). Corn, du dép. de Vaucluse, arr.
d'Orange, cant.de Vaison; 888 hab. On y a trouvé à
diverses reprises des débris romains et quelques inscrip-
tions. On y voit également les restes d'une chapelle du
xiic siècle, dédiée à saint Germain. La terre de Faucon
dépendait directement du saint-siège. Elle fut en partie
inféodée aux Jouffroi, de Guiramand, d'Ure et de Blégier.
Chaque année, le jour de Saint-André, la communauté de
Faucon devait une visite aux capitaine, viguier et consuls
de Vaison. Elle exécutait cette obligation par deux valets
de ville, qui se rendaient à la porte de ces magistrats où
ils tiraient un coup de fusil, après quoi ils faisaient le
tour de la foire. Cet antique usage n'a disparu qu'à la
Révolution. L. Duhamel.
FÂUCON-du-Caire. Corn, du dép. des Basses-Alpes, arr.
de Sisteron, cant. de Turriers ; 447 hab.
FAUCONBERG (Thomas de), homme de guerre anglais,
mort au château de Middleham (Yorkshire) le 22 sept.
1471. Fils naturel de sir William Nevill, baron Fau-
conberg et comte de Kent, il est connu historiquement
sous le nom de Bâtard de Fauconberg ou plus simplement
de Bâtard. En 4 474 , il était au service du comte de Warvvick
qui le nomma capitaine de sa flotte et l'employa en faveur
de Henry VI qu'il voulait rétablir sur le trône. Après la
bataille de Tewkesbury, qui fut désastreuse pour le parti,
le Bâtard reçut l'ordre de lever des hommes dans le Kent
et l'Essex. Le 44 mai, il se présentait devant Londres et
demandait la permission d'y passer. Ayant éprouvé un
refus, il mit le feu aux faubourgs. Les citoyens se lancè-
rent à sa poursuite jusqu'à Stratford et firent éprouver
quelques pertes à son armée. Le Bâtard essaya d'atteindre
le roi Edouard IV à Kingston. Il avait près de vingt mille
hommes et cette entreprise pouvait réussir. Mais lord
Scales, le gouverneur de Londres, envoya un message au
Bâtard pour l'informer qu'Edouard allait quitter l'Angle-
terre. Fauconberg se laissa prendre au piège, revint à
Blackheat, puis s'établit à Bochester et à Sandwich. Il fut
battu par Edouard en ce dernier point, réussit à gagner
Southampton, où le duc d'York le fit prisonnier» Il fut
décapité.
FAUCONCOURT.Com. du dép. des Vosges, arr. d'Epi-
nal, cant. de Rambervillers; 239 hab.
FAUCON 1 ER (Benoît-Constant), pianiste et compositeur,
né à Fontaine-l'Evêque (Hainaut) le 28 avr. 4846. Il entra
à dix-sept ans au conservatoire de Bruxelles où il apprit
l'harmonie et le contrepoint. Marié en 4839 à une canta-
trice de talent, MUe Sophie Guelton, il traversa avec elle
et le harpiste Félix Godefroid, Liège, Spa, Francfort, Mann-
heim, Darmstadt, Karlsruhe, et les concerts qu'ils donnèrent
dans ces différentes villes eurent beaucoup de succès. En
4840, Fauconnier, fixé à Paris, s'y livra à l'enseignement
et y publia ses premières compositions. Il devint en 4843
maître de chapelle du prince de Chimay. On remarque,
parmi ses œuvres, beaucoup de morceaux pour piano :
Trois Méditations, Souvenirs de Schubert, Paillettes
d'or, Quatuor pour piano, violon, clarinette et violon-
celle, Sextuor pour piano, deux violons, violoncelle,
clarinette et contrebasse, des Messes solennelles, deux
cantates exécutées en 1838 et 4867 au théâtre de la Mon-
naie de Bruxelles, un opéra, la Pagode, joué en 4859 à
Y Opéra-Comique, des Méthodes de divers instruments, un
Guide des chefs de sociétés de chœurs, et beaucoup de
morceaux séparés de différents genres. Alfred Ernst.
FAUCONNEAU (ArtilL). Pièce de canon primitive
appelée aussi bombarde allongée, à laquelle on assigne
communément une longueur d'une toise (2 m.) et une balle
d'un poids d'une livre (500 gr.) à 6 livres (3 kilogr.). Le
fauconneau était à l'origine porté et tiré à bras d'homme.
En 4536 on trouve, en Italie, des fauconneaux employés
par la cavalerie légère. Dans un ouvrage de 1546, Tartaglia
indique, pour le fauconneau, un projectile en plomb de
3 livres, 5 pieds pour la longueur de la pièce et 400 livres
pour son poids. Il est certain qu'à cette époque il n'était plus
porté par l'homme. Léonhard Fronsperger, dans son livre
de guerre (4555), indique un projectile de 2 livres de
plomb et une charge d'une livre. D'après l'ordonnance de
Blois (4572), le fauconneau a un demi à trois quarts de
toise, le projectile pèse 7 livres et la pièce de 200 à 400.
Le fauconneau resta en usage jusqu'au xvnr3 siècle. Il
tenait le 7e rang parmi les pièces d'artillerie. Ed. S.
FAUCONNEÂU-Dufresne (Victor-Albain), érudit fran-
çais, né à Châteauroux en 1798. Docteur en médecine dans
sa ville natale, il a écrit : le Premier Bataillon de la
garde nationale mobile deVIndre (Châteauroux, 1872,
in-12); Histoire de Déols et de Châteauroux (1873,
2 vol. in-8) ; Notice sur Crozant, Chateaubrun et Gar-
gilesse (1881, in-12), etc. On lui doit aussi un certain
nombre de traités médicaux, entre autres : Précis des
maladies du foie et du pancréas (1856, in-12) ; Traité
de V affection calculeusedu foie et du pancréas (1851,
in-48), etc.
FAUCONNERIE. ï. Chasse» — La chasse au vol corn-
47 — rAUCONBERG — FAUCONNERIE
prend deux classes : la haute volerie dans laquelle les fau-
cons seuls : gerfaut, sacre, faucon pèlerin, alphanet,
émérillon, sont employés. Puis la basse volerie où l'on ne
se sert que des autours et des éperviers. La différence dans
les deux espèces de volerie est minime, et les principes
généraux peuvent s'appliquer au dressage des différents
oiseaux. Une des principales distinctions consiste en ceci,
c'est que les faucons proprement dits sont couverts du cha-
peron, et que, dans l'autourserie, sauf la période de dres-
sage, l'oiseau n'a pas les yeux recouverts de son capuchon.
Pour dresser un faucon, quelle que soit sa taille, sa prove-
nance, il faut toujours être armé d'une patience à toute
épreuve : c'est là la qualité maîtresse d'un fauconnier. Tous
les auteurs, qui ne font en général que se répéter en se
copiant, sont unanimes sur ce point. Suivant que le faucon
était pris adulte ou sors, ou au nid, on décrivait deux
modes d'entraînement. Le dressage de l'oiseau pris au nid
ou niais, était plus facile, mais l'élève était moins hardi,
moins vaillant. Le faucon pris adulte, soit voletant de
branche en branche lors de sa sortie du nid : faucon
branchier ; soit plus âgé encore : faucon hagard, demandait
plus de soins et de persévérance, mais alors on obtenait
un animal complet comme moyens, car aux instructions
reçues venait s'ajouter la ruse naturelle que lui avait pro-
curée l'exercice de la chasse spontanée.
Les anciens livres de fauconnerie abondent en termes su-
rannés qui seraient déplacés dans cette étude, qui ne con-
tiendra que ce qui est indispensable, mais suffisant, pour
permettre à n'importe qui de se procurer le plaisir de dresser
n'importe quel oiseau de proie, faucon ou autour, en
suivant les indications suivantes qui sont le résumé de tous
les traités publiés sur la fauconnerie. Schlegel, dans son
merveilleux ouvrage dédié au roi des Belges, a condensé
les principes de la fauconnerie, que d'autres contempo-
rains ont ensuite vulgarisé dans des publications plus mo-
destes. Une fois le faucon pris, soit au filet, soit dans son
nid, il faut Y armer, c.-à-d. lui passer aux jambes les jets,
bracelets en cuir, qui sont fixés par un nœud bouclé. A ces
jets ou entraves, on fixe un double anneau, les vervelles
ou tourillon, qui permettra de retenir sur son billon ou
sur sa perche l'oiseau à l'aide d'une lanière de cuir nommée
longe. Un grelot léger mais sonore est fixé au tarse et
permettra de se tenir au courant des faits et gestes de
l'oiseau quand il se sera éloigné dans une futaie. Une
coifie en cuir dite chaperon empêche l'animal de voir et
de se débattre. Le chaperon simple qui sert pendant la pé-
riode d'instruction est sans plumet et s'appelle chaperon
de rust. Il permet à l'oiseau de manger et de rejeter les
plumes ou pelotte qui faisaient partie de ce qu'on lui a
présenté pour l'habituer à prendre des becquades,
Quand un faucon, un autour ou un épervier adultes
viennent d'être pris, ils sont furieux et semblent indomp-
tables. Il faut de suite les entraver, leur mettre le capu-
chon et nuit et jour, pendant au moins quarante-huit heures,
les porter sur le poing sans les laisser dormir. Pendant ce
temps-là, on ne cesse de les caresser soit avec la main, soit
avec une aile de pigeon : c'est le frist frast des Hollan-
dais. Ce contact adoucit l'oiseau qui se débat de moins en
moins et finit par devenir maniable. Une autre caresse
auquel il est fort sensible est le chatouillement des pieds
pratiqué doucement. Quand le captif semble moins ému,
moins effarouché, on lui présente un peu de viande, le
pât, et on lui en laisse tirer quelques becquades. Les autres
jours on lui donnera le matin une partie tendineuse, pour
qu'il s'acharne après elle ; ce sera le tiroir. Suivant la taille
des oiseaux, les progrès dans la soumission du prisonnier
seront plus ou moins rapides. Le gerfaut demande un mois
de dressage, tandis que l'émérillon sera préparé en quinze
jours : tout cela varie encore suivant le caractère de l'oi-
seau et l'habileté du fauconnier.
Une fois l'oiseau habitué à ses entraves, au chaperon et
à la compagnie de son maître, il faut l'accoutumer à venir
sur le poing. A cet effet on le déchaperonne ; on se met à
FAUCONNERIE — 48 —
deux ou trois pas de lui et on lui présente sur le poing
gauche, revêtu d'un gant épais, le pât. Poussé par la faim,
l'oiseau oublie sa défiance naturelle et s'élance sur la main ;
on lui laisse prendre deux ou trois becquades, puis on le
replace sur le billot ; on s'éloigne ensuite d'une plus grande
distance. Après quelques jours de ces exercices, on em-
mène l'oiseau en plein air ; il est retenu par une longue
corde de 45 à 20 m. ; c'est la filière. On le fait venir pro-
gressivement sur le poing de plus en plus loin et à chaque
fois on le récompense de sa docilité en lui donnant bonne
gorge. Pour les oiseaux de haut vol, on se sert d'un
leurre pour les faire venir. Le leurre est composé d'une
planchette à laquelle sont fixées deux ailes de pigeon.
Au milieu on attache le pât, qu'on laisse manger ainsi au
faucon. Plus tard, quand l'oiseau sera en liberté et qu'on
voudra le rattraper, il suffira de faire tournoyer le leurre
à l'aide d'une corde pour voir le faucon se précipiter des-
sus et venir à la portée de la main de son maître.
Les oiseaux de basse volerie, les autours, les éperviers,
reviennent directement sur la main ; aussi les auteurs en
fauconnerie distinguaient-ils les oiseaux de haut vol ou de
leurre et les oiseaux de bas vol ou de poing. On jetait les
premiers par un brusque mouvement de l'avant-bras. On
lâchait les seconds qui, n'étant pas chaperonnés, ne pre-
naient leur essor qu'au moment où le gibier leur partait à
portée. Quand l'oiseau semble absolument obéissant, on lui
montre le gibier qu'il est destiné à poursuivre. Pour cela
on prend des hérons dont on enveloppe le bec dans un étui
de roseau et après avoir laissé les faucons jeûner vingt-
quatre heures, on les lâche sur la bête. Pour prendre un
héron ou un milan, on avait l'habitude d'employer trois
faucons. Le premier était dit le hausse-pied; le second,
qui fatiguait le héron et l'empêchait de gagner les hauteurs,
était appelé le teneur; enfin on lâchait le plus expérimenté :
le tombisseur qui fondait comme une masse sur l'oiseau
de chasse et parfois si vivement, qu'il s'enferrait sur le bec
du héron, que celui-ci présentait comme une scie à son ad-
versaire entraîné par son attaque impétueuse. Toussenel, le
maître écrivain de l'ornithologie passionnelle, cite d'après
un de nos vieux auteurs de fauconnerie le cas où le tom-
bisseur ayant vu un de ses acolytes blessé par le héron,
« tomba sur icelui si roidement, que du coup lui enleva la
tête en ses serres et ains fut le roy privé de son droit ».
Une fois le gibier pris, il était d'usage de donner gorge
chaude à l'oiseau, en lui présentant soit le foie, soit le
cœur de sa victime. C'était suivant l'expression lui faire
courtoisie. Quand un faucon avait ainsi chassé deux ou
trois fois, on le considérait comme bien affaité et de
bonne affaire. Une des déceptions des fauconniers, c'était
de voir leur élève partir sans retour. // emportait ses
sonnettes. Pour éviter ce contretemps, il ne faut pas faire
voler les faucons au temps des amours et par la pluie ou
la trop grande chaleur. La plus grande intimité doit exister
entre le fauconnier et ses oiseaux. Parmi ceux-ci, il en est
qui ont le caractère ombrageux ; il faudra donc les accou-
tumer le plus possible avant de les lâcher au bruit des
chevaux, au contact des personnes et de la vue des chiens.
Aujourd'hui la fauconnerie a de nombreux adeptes en
Algérie, en Allemagne, en France et en Angleterre. Plu-
sieurs manuels sont publiés depuis une dizaine d'années et
sont la preuve que la chasse à l'oiseau de proie reprend de
la faveur auprès du grand public. Après Schlegel, nous cite-
rons : MM. Chenu, Belvalette, Cerfon, Roy, qui ont con-
densé les principes de l'art de la fauconnerie dans leurs
écrits. Les Arabes, grands maîtres experts dans la faucon-
nerie, ont une façon barbare de les dresser et qui ne sera
citée ici que pour mémoire. Une fois qu'ils ont capturé le
faucon, le terakel, ils lui mettent les jets, l'habituent à
venir sur le poing, puis l'enferment dans une pièce avec un
agneau. Bientôt poussé par la faim, le faucon se jette sur la
tête de l'agneau , lui crève les yeux et se repaît des lambeaux de
chair qu'il enlève à la malheureuse bête. Aussi, quand ils sont
lancés sur des lièvres ou des gazelles, les faucons arabes
se mettent-ils tout de suite à crever les yeux de ces ani-
maux, ce .qui permet aux chasseurs d'accourir et de
s'en emparer. Les Kirghiz et les Tatares sont parvenus à
dresser l'aigle doré à chasser le loup et l'antilope. Mais le
grand poids de cet oiseau et son caractère difficile n'ont
pas permis de vulgariser cette chasse en Occident. Aujour-
d'hui c'est surtout l'autour et l'épervier qui sont les plus
mis à contribution, caria perdrix, le lapin et la caille sont
chassés par eux dans la perfection.
Vautour série était une des variétés de la chasse à l'oi-
seau de proie et n'en différait qu'en ceci : c'est que l'au-
tour ne chassait que le gibier comestible, d'où son nom de
cuisinier. La chasse au gerfaut, au faucon lanier, au fau-
con sacre exigeait de grands frais et avait surtout comme
objectif la prise du milan, du héron, de la buse et servait
plus à la mise en scène qu'au profit. L'autour était aussi
très recherché pour la chasse à l'oie sauvage, au canard,
au faisan. Toussenel dit avoir vu en Italie des éperviers
prendre plusieurs douzaines de cailles dans une journée.
L'émérillon est sans rival pour la chasse à l'alouette. C'est
dire combien il est facile à peu de frais de se procurer un
plaisir qui jadis était réputé l'apanage exclusif des grands
et des nobles. La connaissance des principes élémentaires
contenus dans cette notice montre qu'avec un peu de
constance peut devenir fauconnier qui en aura le temps et
la volonté. Le point essentiel est d'être le plus souvent pos-
sible avec l'oiseau qu'on tient sur le poing ganté. Au bout
d'un certain temps, le faucon finit par s'attacher à son
maître comme le ferait le chien le plus fidèle. Les auteurs
du moyen âge sont remplis de récits touchants à propos
des témoignages d'affection donnés à leurs maîtres bu maî-
tresses par les faucons. Au moment de la mue, les oiseaux
ne sont plus en état de chasser ; on les laisse alors à la
perche. Une fois leur plumage repoussé, on a soin de les
baigner et de les saupoudrer de poudre de pyrèthre pour
leur enlever les insectes auxquels ils sont très sujets et qui
les désolent. Dr Sam. Ambrésin.
II. Histoire des institutions. — La fauconnerie ne
paraît pas avoir été connue des peuples civilisés de l'anti-
quité classique ; mais elle devait pourtant être en usage en
Perse et dans l'Inde. Ctésias, médecin et historien grec,
contemporain de Xénophon, rapporte que certaines peu-
plades de l'Inde passaient de son temps pour chasser le
lièvre, la gazelle et le renard à l'aide d'oiseaux de proie
dressés. C'est Julius Firmicus Maternus, qui, au ive siècle,
fait le premier mention de la chasse au vol d'une manière
un peu précise ; car c'est à peine si l'on peut ajouter foi à
certains récits qui veulent que les Chinois aient connu ce
mode de chasse dès l'an 690 avant l'ère chrétienne. Il est
hors de doute que nos premiers Mérovingiens ont connu et
pratiqué la fauconnerie telle qu'elle a été exercée pendant
le moyen âge. Francs, Burgondes et Visigoths attachaient
un grand prix à leurs oiseaux dressés à la chasse, si l'on
en juge par les peines sévères que leurs lois prononçaient
contre ceux qui osaient tuer ou voler un de ces oiseaux.
Chez les Francs, celui qui avait volé un autour était frappé
d'une amende de 3 sous ; si l'oiseau était sur sa perche,
l'amende était élevée à 15 sous, et elle n'était pas moindre
de 40 sous, si l'autour était enfermé sous clef. La loi
Gombette est encore plus menaçante : elle ordonne que le
voleur devra laisser l'autour volé lui manger six onces de
chair sur la poitrine, à moins, toutefois, que le voleur ne
préfère payer 6 sous au propriétaire de l'oiseau, plus 2 sous
d'amende. Si l'on s'en fie aux rares textes de ces époques
lointaines, il semble bien que jusque vers le vme siècle on
n'ait pas fait grand usage des oiseaux qu'on nomma plus
tard les oiseaux de haut vol. Dans tous ces textes, en effet,
il n'est jamais question que des oiseaux de bas vol, c.-à-d.
des éperviers et des autours. Mais à partir de cette époque
et pendant tout le moyen âge la chasse au vol est à son
apogée ; elle est réglementée et considérée par un grand
nombre de hauts seigneurs comme plus noble que la véne-
rie elle-même. Ce débat des veneurs et des fauconniers sur
— 49 —
FAUCONNERIE — FAUCONNIER
la prééminence de leur art durera jusqu'au xvie siècle :
l'auteur du livre du Roy Modus, Gaces de La 'Bigne, Guil-
laume Tardif posent la question, qui devait être une ques-
tion à la mode, et la discutent sans oser la résoudre. Le
Débat de deux dames sur le passe-temps de la chasse
aux chiens et aux oiseaux, par Guillaume Crétin, prouve
que fort tard encore cette question était restée l'un des
sujets de dispute favoris parmi les gens du bel air. Jacques
du Fouilloux, plus hardi, tranche carrément la question et
donne sans hésiter la préférence à la vénerie. C'est qu'à
l'époque où écrivait du Fouilloux, seconde moitié du
xvie siècle, la fauconnerie semblait destinée à disparaître
bientôt. Il n'en fut pas ainsi, grâce à Louis XIII qui essaya
de la faire renaître, mais qui ne réussit qu'à la faire pra-
tiquer par ses courtisans désireux de plaire au maître. Dès
le règne de Henri IV, la fauconnerie était morte : ce n'était
plus qu'une tradition ; ravivé un instant par le goût pas-
sionné de Louis XIII, cet art était dès lors oublié de la
noblesse. Louis XIV ne chassa au vol que parce que cette
chasse faisait partie de l'étiquette. Au xvme siècle, Louis XV
montra encore pendant sa jeunesse un certain goût pour
cet exercice, mais il l'abandonna dès qu'il fut parvenu à
l'âge d'homme, et son successeur ne prit qu'une seule fois
en sa vie l'oiseau sur le poing, toujours par respect de la
tradition. Aujourd'hui on a tenté en plusieurs endroits de
remettre en honneur ce genre de sport ; des fauconniers
ont été formés ; de grandes chasses ont été organisées ;
c'est un simple passe-temps d'amateurs. La fauconnerie à
notre époque est plutôt un jeu d'érudits qu'une véritable
chasse. Mais, pendant toute la durée de la féodalité, elle a
été une institution pourvue de règles fixes. Le droit de
posséder des faucons était, dans presque toutes les pro-
vinces, réservé aux seuls gentilshommes. Chevaliers et
dames portaient dans les cérémonies civiles ou religieuses
leur oiseau sur le poing en signe de noblesse. Les bour-
geois des bonnes villes avaient droit seulement à l'autour,
au milan et à l'épervier, oiseaux roturiers ou ignobles,
c.-à-d. non nobles, par opposition aux faucons des diverses
variétés réputés oiseaux gentils et qui devaient être traités
par tous avec les plus grands égards. Nous aurions de la
peine à nous figurer aujourd'hui l'importance des moindres
détails de l'art de fauconnerie, art dans lequel tout était
réglé et soumis à des lois d'étiquette incompréhensibles
pour nous. Chaque oiseau devait avoir son nom inscrit sur
le bloc qui lui servait de perchoir. Un bon fauconnier
devenait un personnage dont la renommée se répandait
au loin et que princes et seigneurs se disputaient. La
langue des fauconniers demandait aussi une véritable étude ;
et cette langue différait encore lorsqu'il s'agissait de l'au-
tourserie qui ne devait pas être confondue avec la faucon-
nerie proprement dite. Un grand nombre de mots de
cette langue spéciale ont survécu à l'institution et sont
passés aujourd'hui dans le langage courant. La médecine
particulière aux oiseaux de chasse avait aussi des règles:
ce n'était guère qu'un ramassis de recettes empiriques ou
superstitieuses, et c'est merveille que des oiseaux aient
pu supporter sans périr de pareils traitements ; mais c'était
le dogme, et les anciens traités de fauconnerie sont presque
entièrement composés de ces recueils de recettes étranges.
Quant à l'éducation des oiseaux, elle était faite aussi
suivant des principes immuables, mais assez raisonnables.
— Pendant tout le moyen âge et jusqu'au xvir3 siècle, les
cadeaux entre princes consistaient presque exclusivement en
faucons, quelquefois en chiens, mais plus rarement. Sous
Louis XV et même encore sous Louis XVI, le roi de Dane-
mark, le duc de Courlande et l'ordre de Malte envoyaient
chaque année au roi de France des faucons qui étaient reçus
par celui-ci avec un cérémonial particulier. Ce n'est qu'en
1787 que le roi de Danemark cessa d'envoyer à Louis XVI
des faucons d'Islande. Ce n'était pas seulement en cadeaux
qu'étaient offerts les oiseaux dressés à la chasse ; souvent
aussi ils étaient donnés à titre de redevances féodales. Il
n'est pas rare non plus de rencontrer dans les cartulaires
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
des indications qui prouvent que des vassaux ou des com-
munautés religieuses étaient soumis à l'obligation de nourrir
les faucons du seigneur. Les veneurs et les fauconniers
furent toujours ennemis à la cour des rois de France, et il
subsista jusqu'au xvie siècle une coutume assez singulière.
A la sainte croix de mai, les veneurs, tout habillés de vert
et armés de gaules vertes, venaient chasser de la cour les
fauconniers ; quand arrivait au contraire la sainte croix
d'hiver, le grand fauconnier, accompagné de ses capitaines
et fauconniers, mettait hors de cour les veneurs. Malgré
cet antagonisme, la fauconnerie et la vénerie (V. ce mot)
ont toujours suivi une marche si parallèle et subirent des
modifications si semblables que l'histoire de leurs institu-
tions et de leurs coutumes a toujours été à peu près iden-
tique. Henry Martin.
Bibl. : Chasse. — V. les ouvrages de Charles d'Art-
cussia, Albert le Grand, Jacques de Thou. — Har-
mond, Miroir de la fauconnerie, 1635. — Saint-Aulaire
de La Renaudie, Traité de fauconnerie. — Le Livre du
roi Modus. — De Moraix, le Véritable Fauconnier, 1883.
Histoire des institutions. — La Curne de Sainte-
Palaye, Mémoi7*es historiques sur la chasse, dans Mé-
moires sur l'ancienne chevalerie, t. III. — Baron Du-
noyer de Noirmont, Histoire de la chasse en France,
1867, 3 vol., passim. — Magaud d'Aubusson, la Faucon-
nerie au moyen âge; Paris, 1879. — Léon Gautier, la
Chevalerie; Paris, 1884.
FAUCONNIER (Grand). « Encores, dit du Tillet, que
les rois de France de tout temps ayent esté sur tous autres
addonnez à la chasse, ces deux offices (de grand veneur et
de grand fauconnier) ne sont anciens. » La charge de grand
fauconnier n'est pas antérieure au commencement du
xve siècle : c'est Eustache de Gaucourt, dit Tassin, qui en
fut le premier investi en 1406. Avant lui les rois de France
avaient eu des fauconniers et des maîtres fauconniers : c'est
ainsi que, suivant Hincmar, Charlemagne entretenait quatre
veneurs et un fauconnier, qui se trouvaient subordonnés
aux trois principaux officiers de la maison du roi, c.-à-d.
au sénéchal, au bouteiller et au connétable. Plus tard, on
voit apparaître de temps en temps dans les comptes de la
maison du roi les noms de quelques fauconniers, sans qu'il
soit possible d'en conclure qu'il y ail eu, au moins jus-
qu'au xme siècle, une véritable charge de fauconnier du
roi. En 4231, on trouve mentionnés deux fauconniers
royaux, Gaufredus et Herricus ; mais sous ce même
saint Louis commence la série, à peu près ininterrompue,
des fauconniers ou maîtres fauconniers du roi : ce qui ne
veut point dire que nous sachions quelles étaient à cette
époque les attributions de ces officiers. Suivant Gaces de
La Bigne, le maître fauconnier jetait son faucon le premier,
et le roi ne lançait le sien qu'en second lieu. Sous Fran-
çois Ier, le grand fauconnier n'avait pas sous ses ordres
moins de cinquante gentilshommes et de cinquante faucon
niers aides, qui tous étaient nommés par lui ; cet officier
pouvait chasser partout où bon lui semblait, dans toute
l'étendue du royaume ; il avait aussi le droit de lever un
tribut sur tous les oiseleurs de France, qui ne pouvaient
vendre un seul oiseau sans sa permission, sous peine devoir
leur marchandise confisquée. La fauconnerie, de même que
la vénerie, suivait le roi en quelque lieu qu'il se rendît. Au
xviue siècle encore, dans les cérémonies officielles, les fau-
conniers étaient tenus d'accompagner le roi, le faucon sur
le poing. A cette époque, la grande fauconnerie du roi se
composait de neuf vols ou équipages de vols : deux pour
milan, un pour héron, deux pour corneille, un pour les
champs, un pour rivière, un pour pie et un pour lièvre.
Le grand fauconnier était le premier officier de la grande
fauconnerie ; il devait prêter serment entre les mains du
roi et avait droit de nomination à toutes les charges de
chefs de vols. Mais il faudrait bien se garder de croire que
le grand fauconnier eût quelque autorité sur la fauconne-
rie du cabinet du roi ; cette dernière, tout à fait indé-
pendante de la grande fauconnerie, était commandée par un
capitaine général ; elle comprenait cinq vols : corneille, pie,
les champs, émériilon et lièvre. A chacun de ces vols étaient
attachés un capitaine-chef, un lieutenant-aide, un maître
FAUCONNIER — FAUGERES
- 50
fauconnier. Quand on dit que le grand fauconnier nommait
tous les chefs de vols, il faut donc entendre seulement les
chefs de vols de la grande fauconnerie ; il n'avait aucun
droit sur les chefs des oiseaux du cabinet du roi, pas plus
que sur les chefs des oiseaux de la chambre.
Voici la liste des maîtres fauconniers du roi et grands fau-
conniers de France : Jean de Beaune, fauconnier du roi,
de 1250 à 1258 ; Etienne Granche, maître fauconnier en
1274 ; Simon de Champdivers, mort en 1316 ; Pierre de
Montguignard ou Montguyard, 1313 et 1321 ; Pierre de
Neuvy, 1325 ; Jean de Gampdavaine, 1317 et 1337 ; Phi-
lippe Danvin, 1338, 1344, 1350 et 1353 ; Jean dePisse-
leu, 1343 et 1354; Eustache de Gechy ou Sissy, 1354,
1367, 1371 ; Nicolas Thomas, 1371 ; André de Humières,
seigneur de Vaux, dit Drieu, 1372-1373-1378 ; Enguer-
rand de Dargies, 1380 et 1393 ; Jean de Sorvillier, 1393-
1404. A partir de 1406 commence la série des grands
fauconniers : Eustache de Gaucourt, dit Tassin, 1406,
1410 et 1412 ; Jean Malet de Graville, 1415 ; Nicolas de
Bruneval, 1416; Guillaume des Prez, 1418 et 1419 ;
Philippe de La Chastre, seigneur de Bruillebault, 1429-
1452 ; Georges de La Chastre, 1452, 1455 et 1459 ; Oli-
vier Salart, avant 1464; Jacques Odart, seigneur de
Curzay, 1480 ; Raoul Vernon, seigneur de Montreuil-
Bonnin, 1514 ; René de Cossé-Brissac, 1521 ; Charles de
Cossé-Brissac, maréchal de France, 1553 ; Timoléon de
Cossé-Brissac, tué en 1569 ; Charles II de Cossé-Brissac,
mort en 1621 ; Robert, marquis de La Vieuville, 1596;
Charles, duc de La Vieuville, mort en 1653 ; André de
Vivonne, 1612-1616 ; Charles d'Albert, duc de Luynes,
1616-1621 ; Claude de Lorraine, duc de Chevreuse, mort
en 1657 ; Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes, 1643-
1650 ; Nicolas Dauvet, comte des Marests, 1650-1672 ;
Alexis-François Dauvet, 1672-1688; François Dauvet,
1688-1718 ; François-Louis Dauvet, 1718-1748 ; Louis-
César de La Baume-le-Blane, duc de La Vallière, 1748-1780 ;
Joseph-Hyacinthe-François-de-Paul e Rigaud, comte de Vau-
dreuil, 1780, émigré en 1789, mort en 1817.
Henry Martin.
Bibl. : V. Fauconnerie.
F AU COU MB A. Ville du Fouta-Djallon (Sénégambie),
dans la région montagneuse d'où sort la Falémé. C'est la
ville sainte de l'islamisme dans le Fouta-Djallon.
FAUCRE. Arrêt fixé au plastron de la cuirasse, à hau-
teur du sein droit, dans l'armure du gendarme, et servant
à maintenir la lance, à la mettre en arrêt. Cette expres-
sion de faucre est moderne et ne remonte pas au delà du
milieu du xvne siècle ; on disait auparavant : arrêt ferme.
Elle vient des mots fautre, faire ou feutre dont il est
fait mention aux xie, xne et xme siècles pour désigner le
revêtement de laine ou de feutre qui habillait cette partie
du bois de la lance, qui se trouve serrée sous le bras de
l'homme d'armes quand il charge, pour l'empêcher de
glisser. Plus tard, au xive siècle, on fixa l'arrêt de la lance
au plastron de la cuirasse et on y appuyait la lance au
niveau de sa grande rondelle de garde. Ce faucre était une
sorte de crochet massif et fixé à demeure ; vers le milieu
du xve siècle, on le munit d'une charnière et d'un ressort
de manière à pouvoir le relever à volonté pour pouvoir
combattre à l'épée. Dans les armures de joute, le faucre
est beaucoup plus développé et se complique, notamment
au xvie siècle, d'un prolongement d'arrière en forme de
copeau enroulé en tire-bouchon et destiné à retenir l'ex-
trémité du fût de la lance. Maurice Maindron.
Bibl.: Giraud, Notice des armes, dans Catalogue de
la collection Spitzer; Paris, 1892, in-fol.— Colonel Robert,
Catalogue du musée d'artillerie; Paris, 1890, t. II, in-8. —
Penguilly L/Haridon, Catalogue du musée d'artillerie ;
Paris, 1862, in-8. — De Belleval, Du Costume militaire
des Français en lkkd; Paris, 1872, in-4.
FAUD0AS. Corn, de dép. de Tarn-et-Garonne, arr. de
Castelsarrazin, cant. deBeaumont; 617 hab.
FAUEIT (Hélène), actrice anglaise, née en 1816. Fille
de comédiens, elle débuta sur la scène de Covent Garden
le 5 janv. 1836, dans le rôle de Julia, du Bossu. Tantôt
à Covent Garden, tantôt à Drury Lane, elle devint l'une
des actrices les plus renommées de la troupe du fameux
Macready, se distinguant surtout dans le répertoire de
Shakespeare (Roméo et Juliette, Macbeth, Beaucoup de
bruit pour rien). Elle réussit également dans le réper-
toire moderne, en mettant son talent au service des œuvres
de lord Lytton, Robert Browning, "Westland Marston,
Troughton, etc. Miss Faueit, qui avait largement contribué
au succès de deux adaptations de pièces danoises : Anti-
gone et la Fille du roi René, dues à M. Théodore
Martin, devint, en 1851, la femme de cet écrivain. A
partir de cette époque elle quitta le théâtre, non sans y
reparaître cependant, à deux ou trois reprises, mais d'une
façon accidentelle et pour un petit nombre de représen-
tations. A. P.
FAUGA (Le). Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. de Muret; 502 hab.
FÂUGÈRE (Armand-Prosper), littérateur français, né
à Bergerac le 10 févr. 1810, mort à Paris le 17 mars
1887. Chef du secrétariat au ministère de l'instruction
publique (12 mai 1839), puis sous-chef au cabinet du mi-
nistre des affaires étrangères (1er juin 1840), il devint
successivement, au même département, rédacteur (1841),
sous-directeur (1852), directeur des archives et de la
chancellerie (28 oct. 1866) et prit sa retraite le 23 janv.
1880 avec le grade de ministre plénipotentiaire de pre-
mière classe. En 1831, il avait été envoyé en mission à
Londres. Collaborateur de plusieurs journaux et pério-
diques comme le Temps, la Revue du XIXe siècle, le Cor-
respondant, etc., fondateur, en 1836, du Moniteur
religieux, Faugère a publié sur Pascal une série d'études
fort distinguées : Eloge de Biaise Pascal (Paris, 1842,
in-8) ; Génie et écrits de Pascal (1847, in-8) ; Lettres,
opuscules et mémoires de Mme Périer et de Jacqueline,
sœurs de Pascal, et de Marguerite Périer, sa nièce
(1845, in-8) ; Défense de Rlaise Pascal, Newton, Gali-
lée contre les faux documents de M. Chas les (1868,
in-4) ; des éditions de Y Abrégé de la vie de Jésus-Christ
par Pascal, avec le Testament du même (1846). En dehors
de ces travaux spéciaux et d'autres éditions : Lettres de
la mère Arnauld (1858, 2 vol.) ; Journal du voyage à
Paris de deux jeunes seigneurs hollandais en 1657-
59 (1862, in-8); des Mémoires de Madame Roland
(1864, 2 vol. in- 18) ; des Ecrits inédits de Saint-Simon
(1881 et suiv., in-8), il a écrit: ta Vie et les bienfaits
de La Rochefoucauld-Liancourt (1835) ; Du Courage
civil ou l'Hôpital chez Montaigne (1836) ; Eloge de
Gerson (1838) ; Un Mot de vérité sur la crise minis-
térielle et de sa solution possible (1839, in-8) ; le Zoll-
verein de 1819 à 1841 (1859, in-8); la Vérité vraie
sur la publication des Mémoires de Madame Roland
(1864, in-8) ; Fragments de littérature morale et po-
litique (1865, 2 vol. in-12).
FAUGÈRES. Corn, du dép. de l'Ardèche, arr. de Lar-
gentière, cant. de Joyeuse; 352 hab. Terrain calcaire.
Vignes et mûriers. En 996, Etienne, vicomte de Gévaudan,
donna à l'abbaye de Saint-Chaffre, avec ses terres de Lan-
gogne, la villa de Felgerias, dans la vicairie de Bauzon,
en Vivarais. Les prieurs de Faugères étaient seigneurs de
leur paroisse. Ils dépendaient du prieuré de Langogne,
lequel relevait lui-même de l'abbaye mère de Saint-Chaffre
ou du Monastier. A. Mazon.
FAUGÈRES. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. deBéziers,
cant. de Bédarieux; 757 hab.
FAUGERES (Margaretta Bleecker, Mrs), institu-
trice et femme de lettres américaine, née dans l'Etat de
New ^ork en 1771, morte en 1801. Son mari, le Dr Petit
Faugères, ayant dissipé sa fortune, elle fut maîtresse
d'école successivement à New Brunswick et à Brooklyn.
Outre les œuvres posthumes de sa mère, Anne-Eliza
Bleecker, qu'elle édita en y ajoutant quelques productions
en vers et en prose (1793), on lui doit une tragédie en
51 —
FAUGERES — FAULCONNIER
cinq actes et en vers (Belisarius, 4795), qui n'a jamais
été représentée. B.-H. G.
FAU6NERNON.Com. du dép. du Calvados, arr. et cant.
de Lisieux ; 221 hab.
FAU6NER0LLES. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. et cant. de Marmande; 594 hab.
FAU1LLET. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Tonneins; 858 hab.
FAUJAS de Saint-Fond (Barthélémy), géologue français,
né à Montélimar le 17 mai 4741, mort à Saint-Fond le
48 juil. 4849. Avocat à Grenoble, il devint vers 4765
adjoint naturaliste au Muséum d'histoire naturelle. En qua-
lité de commissaire du roi pour les mines, il voyagea en
Angleterre, en Ecosse, en Hollande, en Allemagne, en
Bohême, en Italie. Ses observations ont formé des études
géologiques fort remarquables. Nommé, en 4793, profes-
seur de géologie et de sciences naturelles au Jardin des
Plantes, il occupa cet emploi jusqu'en 1848. Ses écrits sont
très nombreux. Nous citerons : Recherches sur la pouz-
zolane (Grenoble, 1778, in-8); Recherches sur les vol-
cans éteints du Vivarais et du Velay (1778, in-fol.), dans
lesquelles se trouve une théorie sur la formation des vol-
cans ; Histoire naturelle de la province du Dauphiné
Paris, 4784-82, 4 vol. in— 12) ; Minéralogie des volcans
(4784, in-8) ; Voyage en Angleterre, en Ecosse et aux
îles Hébrides (4797, 2 vol. in-8) ; Dictionnaire des mer-
veilles de la nature (4802, 3 vol. in-8); Essai de géo-
logie (1803-1809, 2 vol. in-8); un grand nombre de
mémoires dans les Annales du Muséum d'histoire na-
turelle, etc.
Bibl. : L. de Freycinet, Essai sur la vie, les opinions
et les ouvrages de JB. Faujas de Saint-Fond ; Valence,
1820, in-4.
FAUKEEL ou FAUREL1US (Herman), théologien pro-
testant, né à Bruges vers 1560, mort à Middelbourg en
1625. Il suivit les cours de l'université calviniste de Gand,
puis ceux de Leyde et s'occupa spécialement de l'étude des
langues orientales sous la direction de Drusius. Pasteur à
Middelbourg, il prit parti pour les gomaristes et exerça
une grande influence sur les délibérations du synode de
Dordrecht en 1618-1619. Faukeel était aussi habile
exégète que savant théologien. Ses principaux ouvrages
sont : Traduction (en holl.) du Nouveau Testament
d'après la version des Septante (Middelbourg, 1617,
in-8) ; Babel ou la Dispersion des anabaptistes avec
Vhistoire de cette secte (en holl.) (ibid, , 1621,
in-8) ; Sermons sur le psaume XLV (en holl.) (ibid.,
1628, in-4) ; Sermons sur l'Incarnation et la Passion
du Christ (en holl.) (ibid., 1633, in-8). Ces deux der-
niers livres furent publiés après la mort de Faukeel par
son successeur G. Buis et le professeur Van Laar. E. H.
Bibl. : Ypey et Dermont, Histoire de l'Eglise réformée
en Hollande (en holl.) ; Breda, 1819, 10 vol. in-4. — Bor-
sius, Faukelius, sa vie, son caractère et ses mérites litté-
raires (en holl.), dans Kist et Royaards, Archives pour
l'histoire de l'Eglise néerlandaise (en holl.), 111, IV, V. —
Glasius, la Néerlande théologique (en holl.) ; Leyde
1856, in-8.
FÂULGH0T (Les). Famille de maîtres d'œuvre français
des xve et xvie siècles. Le plus anciennement connu, Col-
leçon Faulchot, travailla, dès 1479, avec Jacquet de La
Bouticle, au bâtiment de la librairie ou bibliothèque, aujour-
d'hui une des sacristies de la cathédrale de Troyes, puis,
en 1494, à la grande nef de cet édifice, avec Garnache, et,
en 1502, il fit, sur la demande de Martin Chambiges, des
fouilles pour reconnaître l'état des maçonneries de fonda-
tion de la cathédrale. — Gérard Ier Faulchot, fils du pré-
cédent, fut d'abord occupé, dès 1502, avec son père, aux
travaux de la cathédrale ; mais, de 1517 jusqu'à sa mort,
en 1540, il construisit l'église de Montier-la-Celle et, avec
Faucreau, l'église Saint-Nicolas de Troyes, dont il devint,
en 1533, seul maître d'œuvre, ayant avec lui son fils Jean
Faulchot et son gendre Claude Malterra. Gérard Ier fit, de
plus, exécuter d'importants travaux à l'église Saint-Pan-
taléon de Troyes. ~~ Jean Faulchot* fils de Gérard Ier,
maître d'œuvre et expert juré de la ville de Troyes, d'abord
associé aux travaux de son père, lui succéda, en 1540,
comme maître d'œuvre des églises Saint-Pantaléon et Saint-
Nicolas de Troyes, et les comptes do la fabrique de cette
dernière église montrent qu'il y sculpta un ciborium et
un saint-sépulcre. Jean Faulchot reconstruisit vers 1555
l'église de Saint-Martin-ès-Aires et mourut en 1576. —
Gérard II Faulchot, fils de Jean, remplaça, en 1677,
Gabriel Favereau comme maître d'œuvre de la cathédrale
de Troyes, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort en 1607.
Pendant ces trente années, il reprit les travaux de la tour
Saint-Pierre (celle de gauche encore existante), refit les
arcs-boutants de l'abside et répara les voûtes. De plus,
il fut occupé aux églises Saint-Jean-au-Marché, Saint-Remy,
Saint-Nizier et Saint-Nicolas de Troyes et, de même que son
père, se décela, par la nature même de certains de ses
travaux, sculpteur autant qu'architecte. Charles Lucas.
Bibl. : Vallet de Viriville, les Archives hist. du dép.
de l'Aube; Paris, 1841, in-8. — Léon Pigeotte, Etude sur
les travaux de la cathédrale de Troyes ; Paris, 1870, in-8.
FAULC0N de La Parisière (Marie-Félix), littérateur et
homme politique français, né à Poitiers le 14 août 1758,
mort à Poitiers le 31 janv. 1843. Conseiller au présidial de
Poitiers, il fut élu député suppléant du tiers aux Etats
généraux par la sénéchaussée du Poitou le 27 mars 1789.
Il prit séance à l'Assemblée nationale le 11 avr. 1790, en
remplacement de Filleau. Il y joua un rôle fort effacé,
et considéré comme suspect dut, en 1793, se tenir caché
pour éviter d'être arrêté. Elu député de la Vienne au conseil
des Cinq-Cents en l'an IV, il prit souvent la parole dans
les questions judiciaires. Réélu en l'an VII, il se montra
partisan du coup d'Etat de Brumaire, et fut désigné par le
Sénat comme représentant de la Vienne au Corps législatif.
Il présida cette assemblée lors de l'importante discussion
du code civil. En 1804, il fut nommé membre du conseil
de discipline et doyen d'honneur de l'Ecole de droit de
Poitiers, rentra en 1808 au Corps législatif, dont il devint
vice-président. Il présidait lorsque cette assemblée adhéra
à la déchéance de l'empereur. Félix Faulcon, dont les opi-
nions réactionnaires s'étaient fait jour à plusieurs reprises
dans le cours de son existence politique, accueillit avec
enthousiasme la Restauration. Il complimenta le comte
d'Artois le 14 avr. 1814, à la tête du Corps législatif, et
fut un des membres de la commission chargée de rédiger
la charte constitutionnelle. Pourtant, à partir de 1815, il
disparut tout à fait de la vie publique. Faulcon avait été
nommé membre correspondant de l'Institut (classe d'histoire
et de littérature anciennes) en 1803. Il a laissé quelques
ouvrages : Pot-pourri national ou Matériaux pour
servir a Vhistoire de la Révolution (Paris, 1790, in-8) ;
Extraits de mon journal dédiés aux mânes de Mira-
beau (1791, in-8); le Robespierrisme, poème, suivi du
Maraiisme et de quelques épitaphes révolutionnaires
(Poitiers, 1795, in-8); Fruits de la solitude et du
malheur (Paris, 1796, in-8) ; Opinions sur le divorce
et sur les ministres des cultes (1797, in-8); Précis
historique de rétablissement du divorce (1800, in-8);
Mélanges législatifs, historiques et politiques pendant
la durée de la Constitution de Van III (Paris, 1801,
3 vol. in-8), c'est une histoire des événements qui se sont
produits pendant toute la durée du conseil des Cinq-Cents ;
Voyages et Opuscules (Paris, 1805, in-8). lia aussi col-
laboré au Journal de Paris, à YAlmanach des muses,
à la Correspondance patriotique, à YHistorien, etc.
FAULCON de Ris (Charles), sieur deCharleval (V. ce
nom).
FAULCONNIER (Pierre), historien belge, né à Dun~
kerque, mort à Dunkerque en 1735. Il fut successivement
bailli de sa ville natale et président de la chambre de
commerce. Il écrivit une Description historique de Dun-
kerque (Bruges, 1730, 2 vol. in-fol.), compilation esti-
mable où l'on rencontre une foule de détails intéressants*
mais où l'esprit critique fait souvent défaut, E. H.
Bibl. : Paquot, Mémoires pour servir a Vhistoire litté-
FAULCONNIER — FAUNUS
52 —
raire des XVII provinces des Pays-Bas ; Louvain, 1765-
1770, 3 vol. in-fol.
FAULENSEE. Petit lac de Suisse, très poissonneux, à
une faible distance de la rive gauche du lac de Thoune.
Tout près se trouvent les bains du même nom, pittoresque-
ment situés sur une colline qui domine le lac de Thoune,
en face du Beatenberg.
FAULHABER (Johann), mathématicien et ingénieur
allemand, né à Ulm le 5 mai 1580, mort à Ulm en 1636.
Fils d'un tisserand, il publiait dès l'âge de vingt-quatre
ans un traité d'algèbre (Aritmetischer-cubicossischer
Lustgarten, mit neuen Inventiones gepflanzet; Tubin-
gue, 1604); il enseigna les mathématiques dans sa ville
natale, y devint inspecteur des poids et mesures et publia
une quinzaine de volumes qui, malgré le caractère mystique
de quelques-uns, lui attirèrent une grande réputation, des
récompenses et des propositions de divers princes ou villes
pour diriger des travaux de fortification. Ses écrits, com-
posés en allemand, ont été la plupart traduits en latin dès
leur apparition. VArithmetischer Wegweiser (Ulm,
1614) a été souvent réimprimé. T.
FAULHORN. Sommité des Alpes bernoises, entre le lac
de Brienz et la vallée de Grindelwald. On jouit, sur
cette montagne, dont l'altit. au-dessus de la mer est de
2,683 m., d'une vue très étendue; c'est une des plus
renommées de la Suisse. Un hôtel confortable est à la
disposition des ascensionnistes.
FAULKNER (George), libraire anglais, né à Dublin
vers 1699, mort à Dublin le 30 août 1775. Apprenti chez
un libraire de Dublin, employé ensuite chez W. Bowyer,
il ouvrit une maison de librairie à Dublin, entra en
relations avec Swift et les principaux écrivains du temps
et acquit une réputation considérable. Parmi ses publica-
tions, il faut citer le recueil des oeuvres de Swift, une
Ancient universal History (1774, 7 vol. in-fol.) ; il
édita aussi un journal qui, vers 1790, devint un organe
gouvernemental.
FAULKNOR (Robert), marin anglais, né en 1763, mort
en 1795. D'une vieille famille de marins, il entra, en
1774, au collège naval de Portsmouth, servit ensuite sous
les ordres de Cornwallis, assista à la bataille de Grenade
(1779), fit campagne dans la Manche, à Gibraltar, dans
la mer du Nord, aux Indes, s'empara en 1794 (20 mars)
de Fort-Royal (Martinique), se distingua brillamment à la
prise de Sainte-Lucie, à la conquête de La Guadeloupe. Le
4 janv. 1795, il livra, dans les parages de Pointe-à-Pitre,
un combat acharné à la frégate française la Pique,
combat au cours duquel il fut tué. Il avait alors le grade
de capitaine.
FAULLA1N de Banville (V. Banville).
FAULQ (Le). Corn, du dép. du Calvados, arr. de Pont-
l'Evêque, cant. de Blangy ; 246 hab.
FAU LQUEMONT (Fa/coms mon s, 1119, enallem. Fal-
kenberg). Ch.-l. de cant. delà Lorraine aliem., arr. de
Boulay, sur la Nied allem. et le ch. de fer de Metz à Sar-
rebriick; 1,164 hab. Bonneterie feutrée, tannerie, menui-
serie à vapeur, fours à chaux, moulins; église de 1764 ; au
milieu du cimetière, la vieille église de Saint-Vincent avec
chœur du xve siècle; hôtel de ville du xvie siècle. Faul-
quemont, autrefois fortifié, fief d'abord des évêqûes de
Metz, puis des ducs de Lorraine, était le siège d'une sei-
gneurie érigée en comté en \ 337 et en marquisat au com-
mencement du xve siècle. En 1638, les Suédois, après
avoir pris la ville, en détruisirent les fortifications. Faul-
quemont portait d'or à la croix de gueules, au franc
quartier d'argent chargé d'un lion de sable armé et
lampassé de gueules et couronné d'or. L. W.
Bibl.: Mém. de VAcad. de Metz, XXII, pp. 155 et suiv.;
XXXIV, pp. 299 et suiv.
FAU LX. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Nancy, cant. de Nomény ; 785 hab.
FAU IV! ON T. Corn, du dép. du Nord, arr. de Douai, cant.
d'Orchies; 1,545 hab.
FAUNA (Myth.). Antique divinité des Latins, appelée
encore Fatua et la Bonne Déesse. La légende en fait ou
la sœur ou la femme de Faunus (V. ce nom) et lui prête,
à ces deux titres, diverses aventures qui sont marquées
au coin de la poésie populaire la plus naïve. Elle est, pour
les femmes, le même génie secourable et bienfaisant que
Faunus est pour les hommes ; son surnom de Fatua indique
ses facultés prophétiques (de fari). Lorsque l'hellénisme
transforma la vieille religion romaine, l'être primitif de
Fauna-Fatua fut altéré par toutes sortes d'éléments
étrangers ; les femmes célébrèrent en son honneur des mys-
tères d'où les hommes étaient exclus et qui, s'il en faut
croire Juvénal (Sat., VI, v. 314 et suiv.), dégénérèrent en
orgies. Sa personnalité est mêlée à l'histoire primitive du
Latium en ce qu'elle s'unit à Hercule et met au monde
Latinus, le premier roi du pays. Elle fut en réalité une
divinité agricole qui, sous des vocables divers, était honorée
chez toutes les peuplades de l'Italie centrale. J.-A. H.
FAUNE. I. Mythologie (V. Faunus et Satyre).
II. Zoologie et Paléontologie. — On désigne sous ce nom,
en zoologie, l'ensemble des animaux qui habitent un pays
ou une région donnée dont les limites peuvent être ou con-
ventionnelles (comme le sont les limites politiques d'un
Etat), ou naturelles, comme celles d'une région définie
soit par sa nature physique (îles, continents), soit par les
caractères de sa faune elle-même. — En géologie et en
paléontologie, on désigne sous ce nom l'ensemble des ani-
maux fossiles qui caractérisent une époque, un étage ou un
gisement particulier (V. Géographie zoologique et pour
les faunes des grandes régions zoologiques les mots Afrique,
Amérique, Asie, Europe, etc.). E. Trt.
FAU NT (Arthur), jésuite anglais, né en 1554, mort à
Vilna le 28 févr. 4591. Après avoir fait ses études à
Oxford et au collège des jésuites à Louvain, il entra dans
la Compagnie de Jésus, résida à Paris, à Munich, puis à
Rome, où il gagna la faveur de Grégoire XIII et enfin fut
nommé recteur du collège des jésuites de Posen (1581).
Très versé dans les littératures anciennes, il a laissé un
grand nombre d'ouvrages théologiques. Nous citerons :
Assertiones theologicœ de Christi in terris Ecclesia
(Posen, 1580, in-4); Assertiones Rhetorieœ ac Philo-
sophicœ (1582, in-4) ; Doctrina catholica de Sanctorum
invocatione et veneratione (Paris, 1584, in-4), etc.
FAU N US. I. Mythologie. — Dieu italien et particulière-
ment latin ; c'était apparemment, dans la conception primi-
tive, un génie ou divinité protectrice des campagnards ;
l'étymologie de son nom semble lui attribuer ce caractère
bienveillant ; la racine serait la même que pour le verbe
faveo, le Favonius, doux vent du printemps, Faustus, etc.
Dieu de populations rurales, Faunus, dont le culte paraît
avoir été à peu près général dans l'Italie centrale, fut avant
tout un protecteur des champs et des troupeaux. En rai-
son même de son caractère et de l'esprit des religions ita-
liques (V. Mythologie et Religion), le type de Faunus
n'était pas nécessairement unique ; les paysans concevaient
aussi bien plusieurs Faunes. Leur foi était très enracinée,
car, au temps de l'Empire, les gens de la campagne romaine
étaient persuadés apercevoir souvent dans leurs champs
leur bon dieu Faune. — Celui-ci fut également regardé
comme un dieu des bois ; mais cette conception paraît s'être
développée surtout quand Faunus fut identifié avec le dieu
grec Pan. Il expropria alors Silvanus, au moins dans l'ima-
gination des lettrés. Lorsque les mythographes groupèrent
les cultes et les divinités italiques en un petit nombre de
types, Faunus fut identifié avec Inuus, dieu de la fécon-
dité des troupeaux ; avec Lupercus, qui écarte les loups ;
probablement ces dieux étaient parfois confondus avec lui,
comme il arrive dans les religions populaires oîi les per-
sonnalités divines sont confuses, où les désignations sont
tantôt des surnoms appliqués à une divinité, tantôt des
noms propres, sans que l'adorateur lui-même discerne
bien clairement. Lorsque Faunus eut été identifié avec Pan,
son nom devint une dénomination générale appliquée aux
génies des bois ; les Faunes furent les Satyres ou les
— 53 —
FAUNUS — FAUQUES
Silènes des Grecs ; on les associa aux nymphes ; les poètes
leur appliquèrent tous les traits de la mythologie grecque,
les figurèrent à l'image des Satyres, avec leur nez recourbé,
leurs cornes et pieds de boucs, décrivirent leurs ébats,
leurs danses dans les clairières, etc. Cet anthropomor-
phisme est loin des conceptions primitives des Latins.
Une autre confusion plus ancienne, qui semble avoir son
origine dans le langage lui-même, est celle de Fa un us avec
les voix mystérieuses qui sortent des bois, s'élèvent dans
le silence de la nuit ou le tumulte des combats; au radical
fari se rattache le nom ou surnom de Fatuelus, Fatuus,
dieu prophétique ; on lui en assimila d'autres, tels que
Vaticanus. Dans cette acception, Faunus devient un des
dieux les plus importants, fréquemment consulté ; il a ses
oracles, c.-à-d. les lieux où il a coutume de communiquer
avec les hommes. Tandis que le culte du dieu des pasteurs
et des laboureurs se célèbre dans les champs, dans des
petits bois sacrés, au pied d'arbres sacrés, comme l'olivier
sauvage de la côte de Laurente, le dieu prophète se mani-
feste soit dans l'épaisseur de ces bois (près de Laurente,
au pied de PAventin, etc.), soit au voisinage des solfatares,
près d'Ardée, près de Laurente; Albunée, près de Tibur,
semble avoir été le plus renommé de ces oracles. Les rites
étaient ceux delà divination parles songes (V. Divination).
Ils ont été décrits par Virgile (/En., VII, 79-85), par Ovide
(Fast., III, 291 et suiv., et IV, 644 et suiv.). On immole
à Faunus un ou plusieurs moutons ; le consultant se couche
sur leurs peaux et s'y endort ; durant la nuit, il entend
des voix qui répondent à ses questions ou assiste à des
apparitions dont l'interprétation lui révèle les secrets divins.
Le véritable procédé du dieu est évidemment de parler à
ses consultants ; c'est une voix tombant du haut des arbres
qui défend à Latinus de marier sa fille à Turnus. Les héros
de ces consultations décrites par les poètes sont les vieux
rois mythiques, Latinus et Numa. Celui-ci réussit par un
stratagème à s'emparer de Faunus et de Picus et leur
aurait arraché le moyen de faire descendre l'éclair et de
purifier les lieux qu'il a frappés. Dans cette acception de dieu
prophétique, à Faunus est associée Fauna (V. ce nom),
dont le culte est parallèle au sien. — Le dieu se manifes-
tant dans les songes est, d'autre part, assimilé à Incubus,
et par extension les Faunes sont assimilés aux Incubes,
esprits nocturnes qui visitent l'homme dans ses rêves.
Faunus, dieu prophétique, fut transformé par les histo-
riens pragmatistes ou évhéméristes (V. Mythologie) en un
législateur mythique, ancien souverain du Latium. On lui
composa toute une légende, qui en fit le fils de Picus, petit-
fils de Saturne, et troisième roi des Aborigènes ou de Lau-
rente ; protecteur de l'agriculture et du pâturage, chasseur
émérite ; de plus, organisateur de la religion, précurseur
de Numa pour la réglementation des cultes et la fondation
de corporations sacerdotales ; il aurait notamment mis
Picus au rang des dieux ; uni à la nymphe Marica, il aurait
engendré Latinus, roi éponyme des Latins. Pendant son
règne, l'Arcadien Evandre et Hercule auraient abordé dans
le Latium. Evandre, accueilli par le roi des Aborigènes
dans sa demeure du mont Palatin, consacra au Pan du
Lycée la grotte où les Romains vénéraient le dieu sous le
nom de Lupercus (V. Evandre et Lupercus). Hercule, me-
nacé d'être immolé à Mercure, tua Faunus qui fut rem-
placé par Latinus.
Le culte de Faunus était surtout répandu dans les cam-
pagnes ; en dehors de ses oracles dont il a été question,
on peut citer ses temples de Rome : temple rond à colonnes
du mont Caelius et temple édifié en 496 dans l'île du Tibre,
où l'on sacrifiait au dieu aux ides de février, anniversaire
du désastre des Fabius sur les bords du Crémère. Les
paysans offraient à Faunus des sacrifices annuels ou même
mensuels. Le sacrifice annuel doit être celui des nones de
décembre, décrit par Horace (Od., III, 18) avec des rémi-
niscences grecques. A.-M. B.
IL Zoologie (V. Melania).
F AU QUE de Jonquières (Jean-Philippe-Ernest de), ma-
thématicien et marin français, né à Carpentras le 3 juil. 1 820.
Entré dans la marine en 1835, lieutenant de vaisseau en
1841, il siégea en 1848 au conseil d'amirauté, fut promu
capitaine de vaisseau en 1865 et, chef d'état-major de l'ami-
ral de La Grandière en Cochinchine, organisa à Saigon la pre-
mière exposition agricole et industrielle. Il entra ensuite au
conseil des travaux de la marine, fut promu contre-amiral
le 17 déc. 1874, vice-amiral le 1er oct. 1879, fut préfet
maritime à Rochefort et fut chargé, en 1883, de la direc-
tion du dépôt des cartes et plans de la marine. Il prit
sa retraite en 1885. Savant mathématicien, l'amiral de
Jonquières a été élu membre libre de l'Académie des
sciences le 24 mars 1884 en remplacement de Bréguet.
Parmi ses travaux, nous citerons : Mélanges de géomé-
trie pure (Paris, 1856, in-8) ; Essai sur la génération
des courbes géométriques (1859, in-4) ; Note sur les
systèmes de courbes et surfaces (Saigon, 1865, in-4) ;
Propriétés diverses des surfaces d'ordre Quelconque
(Paris, 1864, in-4); Théorèmes fondamentaux sur les
séries de courbes et de surfaces d'ordre quelconque
(Saigon, 1865, in-4), etc. Il a donné aussi des traductions
d'Horace (Art poétique et Epîtres).
FAUQUEMBERGUES. Ch.-l. de cant. dudép. du Pas-
de-Calais, arr. de Saint-Omer, sur l'Aa ; 997 hab. Pape-
terie, clouterie, distilleries, tannerie, fabrique de tuyaux
de drainage. Fauquembergues était au moyen âge le chef-
lieu d'un comté dont les possesseurs furent pendant long-
temps les châtelains de Saint-Omer. De l'ancien château
féodal subsistent des ruines sur une motte factice et de
vastes et profonds souterrains. Eglise à trois nefs surmon-
tée d'une haute flèche ; c'est un édifice de diverses époques,
xne, xme et xve siècles.
FAUQUES (Marianne- Agnès Pillement, dame de) ou,
selon Mercier de Saint-Léger, FALQUES, femme de lettres
française, née dans le comtat d'Avignon vers 1728, morte
à Paris en nov. 1773. Sœur du peintre ornemaniste Pille-
ment, elle épousa un agent de change de Lyon, nommé
Falques, pendu pour crime de faux. Elle l'aurait précé-
demment abandonné, d'ailleurs, après avoir eu de lui une
fille, pour vivre à Paris sous un nom d'emprunt, et se serait
remariée à un mousquetaire noir, nommé Clermont-Blètre,
qui, à son tour, l'abandonna pour suivre à Cayenne le che-
valier de Turgot, son parent. Mme Fauques vint alors à
Londres, où elle eut pour protecteur le célèbre orientaliste
William Jones, puis à Paris, sous les noms de comtesse de
Clermont ou de comtesse de Vaucluse, menant une existence
fort irrégulière. Elle finit, toujours suivant Mercier, par
obtenir de la ville de Lyon une « pension d'aumône » de
600 livres et périt soit volontairement, soit par hasard, en
tombant d'une fenêtre de sa maison qu'elle habitait au car-
refour de Buci. Mme Fauques a écrit un certain nombre
de romans : le Triomphe de l'Amitié, ouvrage prétendu
traduit du grec (1751, in-12) ; Abassaï, histoire orien-
tale (1753, 3 vol. in-12) ; Contes du sérail, traduits du
turc (1753, 3 vol. in-12) ; les Préjugés trop bravés et
trop suivis (1755, 2 parties in-12), remis ensuite sous
un autre titre : le Danger des préjugés ou Mémoires
de Mlle oVOran (1774, 2 parties in-1 2) ; la Dernière
Guerre des bêtes, fable pour servir à l'histoire du
xvme siècle (1758, in-12), etc. Tous sont oubliés aujour-
d'hui, mais deux autres des publications qui lui sont attri-
buées ont droit à une mention spéciale : Histoire de
Mme la marquise de Pompadour (Londres, 1759, 2 par-
ties, petit in-8) et les Zélindiens (1762, in-1 2). V His-
toire de Mme de Pompadour, d'abord écrite en anglais,
puis traduite, fut aussitôt saisie en Hollande par les soins
de M. d'Affry, ministre de France ; mais un exemplaire
échappé à la destruction servit à deux réimpressions et à
de nouvelles traductions en anglais et en allemand ; une
autre réimpression en a été donnée de nos jours par
M. Lucien Faucou dans le Moniteur du bibliophile (1879,
in-4). Quant aux Zélindiens, c'est un pamphlet assez
insignifiant, mais devenu, comme V Histoire de Mme de
FAUQUES — FAURE - 54 —
Pompadour, d'une extrême rareté. Diderot, dans un frag-
ment de dialogue intitulé Lui et Moi, l'attribue à un
nommé Rivière qu'il avait obligé, mais Grimm et d'autres
contemporains le restituent à Mme Fauques. M. Tx.
Bibl. : La Porte, Histoire littéraire des femmes fran-
çaises. — Mme Briquet, Dictionnaire historique et biblio-
graphique des Françaises. — Grimm, Correspondance
littéraire. — Diderot, Œuvres complètes (éd. Assézat),
t. XVII. — Quérard, France littéraire, t. XI.
FAUQUIER (Francis), économiste anglais, né vers 4704,
mort à Williamsburg en avr. 4768. Directeur de la South
Sea Company (1754), gouverneur de la Virginie (4758),
il avait été élu membre de la Société royale en 4753. Son
principal écrit est : An Essay on xvays an means of
raising money for the support of the présent war
ivithout increasing the public Debts (4756).
FAUR, littérateur français, né vers 4755, mort après
4845. Secrétaire du duc de Fronsac, il recueillit dans
sa conversation ou dans ses papiers les éléments d'une
Vie privée du maréchal de Richelieu (4790, 3 vol.
in-8 ; 1792, 3 vol. in-42), où les romanciers et les
auteurs ont amplement puisé, mais qui n'a guère plus de
valeur historique que les Mémoires fameux rédigés par
Soulavie. Faur a écrit un certain nombre de pièces, dont
quelques-unes obtinrent du succès : Mo?itrose et Amélie,
drame en quatre actes (4783, in-42) ; Isabelle et Fer-
nand, opéra-comique, musique de Champein (1783) ;
V Amour à V épreuve, comédie en un acte et en vers
(4784) ; la Prévention vaincue, comédie en cinq actes et
en prose (4786) ; la Veuve anglaise, comédie en un acte
(4 786); VIntrigant sans le vouloir, opéra-comique (4 794) ;
le Confident par hasard, comédie en quatre actes et en
vers (1804, in-8) ; Arlequin dans Vile de la Peur, vau-
deville (4842), avec Désaugiers, etc. M. Tx.
FAURE (Antoine), écrivain ecclésiastique français, né à
Grandmont (Haute-Vienne) en 1628, mort à Paris le
30 nov. 4689. Après avoir fait ses études à Paris comme
boursier du collège Saint-Michel, il fut reçu docteur en
Sorbonne dès 4658. Nommé principal du collège Saint-
Michel en 4664, il y trouva l'abbé Le Tellier, qui, devenu
plus tard archevêque de Reims, se souvint de son ancien
maître et lui obtint plusieurs faveurs. En 4674,Faure fut
chargé d'examiner les trois mémoires par lesquels dom Ma-
billon et dom Germain attribuaient à Gerson le livre de
Ylmitation de Jésus-Christ. On ignore quelles furent ses
conclusions. Chanoine de Reims depuis 4670, il représenta
en 4684 et 4683 la province de ce nom aux assemblées
du clergé. — On a de lui : une édition du Tractatus de
modo generalis concilii celé brandi per Guillelmum
Durandum (Paris, 4674); Preuves de la censure de la
faculté de théologie de Paris contre le livre de Jac-
ques Vernaut, carme (Paris, 1665); Instruction sur
l'affaire des quatre évêques (Paris, 1666). La Biblio-
thèque critique lui attribue le dessein d'une édition des
œuvres de saint Cyprien qui n'a pas été publiée. Faure a
aussi collaboré à la Summa christiana de l'oratorien Bon
de Herbes (4683). A. Leroux.
Bibl.: Biographie des hommes illustres du Limousin,
1854, t. I.
FAURE (Pierre-Joseph-Denis-Guillaume), homme poli-
tique français, né au Havre (Seine-Inférieure) le 47 août
4726, mort au Havre le 7 oct. 4848. Avocat et juge au
tribunal du Havre, il fut élu, le 7 sept. 4792, député de
la Seine-Inférieure à la Convention. Lors du procès de
Louis XVI, il proposa de lui laisser la vie (28 nov. 4792)
et de le faire juger par une haute cour (28 déc. 4792) et
finalement vota pour la détention pendant la durée de la
guerre. Il signa la protestation contre la journée du 31 mai
4793, fut décrété d'arrestation, se déroba aux poursuites
et rentra à la Convention le 48 frimaire an III. Après la
session, il reprit sa place de juge au Havre et fut anobli
par Louis XVIII. Il a laissé, deux ouvrages : Réflexions
d'un citoyen sur la marine (4759, in-42) et Paralèlle
de la France et de l'Angleterre à l'égard de la marine
(1779, in-8), Etienne Chàravay.
FAURE (Henri de), chevalier des Chaberts, général
français, né je 7 sept. 4738. Entré au service comme
cadet volontaire dans le régiment d'infanterie Guyenne, il
fit toutes les campagnes de la guerre de Sept ans au
Canada. Rentré en France en 4769, il fut fait lieutenant.
Il émigra en 1794, servit dans l'armée du duc de Bourbon
et commanda les avant-postes pendant la campagne de
4792. Il passa ensuite et resta jusqu'à son licenciement
dans l'armée de Condé. Rentré en France à la suite de
Louis XVIII, il fut fait maréchal de camp en janv. 4845
pour prendre rang du 43 nov. 4809. Ed. S.
FAU R E (Balthazar), homme politique français, né en 4 746,
mort le 45 avr. 4805. Homme de loi à Yssingeaux avant
la Révolution, président du tribunal de cette ville, il fut
élu, le 4 sept. 4792, député de la Haute-Loire à la Con-
vention. Il siégea parmi les montagnards, vota la mort
de Louis XVI et remplit dans le dép. de la Meurthe
une mission pour laquelle il reçut des pouvoirs illimités
(14 brumaire an II). Il se prononça contre Robespierre
au 9 thermidor, entra au conseil des Cinq-Cents comme
député de la Meurthe le 23 vendémiaire an IV et repré-
senta la Haute-Loire au conseil des Anciens le 22 germi-
nal an VI. Il se rallia à Bonaparte, entra au Corps légis-
latif le 4 nivôse an VIII et y siégea jusqu'en 4803. Il
devint greffier de la justice de paix de Toul et mourut gref-
fier du tribunal de première instance de Saint-Jean-de-
Losne (Côte-d'Or). Etienne Chàravay.
FAURE (Louis- Joseph), magistrat et homme politique
français, fils de Pierre-Joseph (V. ci-dessus), né au Havre le
5 mars 4760, mort à Paris le 42 juin 4837. Avocat au parle-
ment de Paris en 4784, il devint accusateur public près le
tribunal du IIIe arrondissement le 4er janv. 4794 et commis-
saire du roi près le 3e tribunal provisoire en mars suivant.
Elu substitut de l'accusateur public le 45 juin 4794, il
remplit ensuite les fonctions de commissaire national près le
tribunal du Ier arrondissement le 34 mars 4793, d'accusateur
public près le tribunal de la Seine le 45 janv. 4795, déjuge
au tribunal civil de la Seine le 3 fév. 4797 et de commis-
saire du Directoire près le même tribunal le 26 févr. 4799.
Député de la Seine au conseil des Cinq-Cents, le 45 avr.
4799, il adhéra au coup d'Etat du 48 brumaire et entra
au Tribunat le 24 déc. 4799. Il prit part à la discussion
du code civil, appuya fortement la proposition, faite par
son collègue Curée, de confier le gouvernement de la Répu-
blique à un empereur et désapprouva Carnot de s'y oppo-
ser. Napoléon, reconnaissant, le nomma successivement
légionnaire le 45 juin 4804, conseiller d'Etat le 44 août
4807, chevalier de l'Empire le 3 juin 4808, membre de
la commission appelée à gouverner les villes hanséatiques
en 4840, officier de la Légion d'honneur le 6 avr. 4843.
Ces faveurs n'empêchèrent pas Faure de se rallier à
Louis XVIII, qui le fit entrer dans son conseil d'Etat le
5 juil. 4844, S'étant tenu à l'écart pendant les Cent-Jours,
il conserva sa place sous la Restauration, fut élu député
par l'arr. du Havre le 25 févr. 4824, siégea jusqu'en 4827
et fut enfin récompensé de ses services par le poste de
conseiller à la cour de cassation le 42 nov. 4828. Il adhéra
au gouvernement de Louis-Philippe, qui l'éleva au grade
de commandeur de la Légion d'honneur le 45 janv. 4837,
cinq mois avant sa mort. Etienne Chàravay.
Bibl.: Etienne Chàravay, Assemblée électorale de Paris
en 1190 ; le Tribunat et la Cour de cassation, 1879, in-8.
FAURE (Jean), poète français, né à Chabottes (Hautes-
Alpes) en 4776. Notaire, puis secrétaire général de la pré-
fecture des Hautes- Alpes (1845-4847), il devint sous-
préfet de Sisteron en 4822 et fut destitué en 4830. Ce
fonctionnaire royaliste a écrit : le Banc des officiers (Gap,
4825, in-8), poème héroï-comique en six chants; Vlbé-
riade (Digne, 4828, in-8), poème en dix chants, suivi de
« quelques pièces fugitives consacrées à > l'auguste famille
des Bourbons » ; la Tallariade (Gap, 4819, in-8), poème
— 55
FAURE
en huit chants, œuvres qui n'ont guère d'autre mérite que
leur rareté. — Un autre Jean Faure, horloger dans la
cour du Palais à Paris, est l'auteur d'une tragédie en cinq
actes et en vers, Manlius Torquatus (Paris, 4662), où
se trouve, entre autres curiosités, cette exclamation d'un
des personnages empressé de secourir Sulpice évanouie :
Ariste, au nom des dieux, qu'on me donne de Feau !
FAURE (Joseph-Désiré-Félix), homme politique fran-
çais/né à Grenoble le 18 mai 4780, mort à Paris le
28 janv. 4859. Conseiller auditeur à la cour de Grenoble
en 4814, substitut du procureur général en 4847, avocat
général en 4848, conseiller à la cour en 4819, président
de chambre en 4828, il vit sa carrière entravée par ses
opinions libérales. Le 24 avr. 4828, il était, par contre,
élu député de Vienne. Membre du parti constitutionnel, il
se fit remarquer comme orateur d'affaires et signa l'adresse
des 224. Réélu le 23 juin 4830 et le 48 févr. 4834, il
s'occupa avec talent des questions de droit électoral et
d'organisation municipale. Après avoir refusé, en 4829, la
place de premier président, au début de 4830 celle de pro-
cureur général, il se décida à accepter celle de premier
président à la cour de Grenoble le 22 déc. 4830, et il fut
créé pair de France le 44 oct. 4832* Il entra à la cour de
cassation le 42 juil. 4836, et se tint dans la vie privée
après la révolution de 4848.
Bibl. : Notice sur le p7*ésident Félix Faure; Grenoble,
1859, in-8.
FAURE (Ambroise), mathématicien français, né à Cha-
bottes (Hautes-Alpes) en 4795. Il était membre de l'Aca-
démie de Caen. Ses importants travaux sur les quantités
imaginaires marquent une étape entre ceux de Mourey et
de Beilavitis ; les résultats s'en trouvent résumés dans son
Essai sur la théorie et V interprétation des quantités
dites imaginaires (Paris, 4845, in-8). On lui doit en
outre : Traité de statique, d'après le principe des
vitesses virtuelles (Paris, 4842, in-42); Eléments de
géométrie (Paris, 4844, in-8; 2e éd., 4848); Exercices
de calcul à l'usage des écoles normales et de renseigne-
ment primaire (Paris, 4849, in-42); Théorie de la
spiritualité ou Examen approfondi de la nature et de
la substance pesante (Gap, 4859, in-8). L.-S.
FAURE (Pascal- Joseph), homme politique français, né
à Remollon (Hautes-Alpes) le 3 mars 4799, mort à Gap le
29 juil. 4864. Avocat à Gap, il se fit remarquer par son
libéralisme et fut élu, le 5 juil. 4834, député des Hautes-
Alpes. Il était candidat de la gauche. En 4832, il signale
compte rendu de l'opposition. Réélu en 4834, il fut battu
en 4837 par le candidat du gouvernement. Représentant
des Hautes-Alpes à la Constituante (23 avr. 4848), et à
la Législative (43 mai 4849), il appuya d'abord Cavaignac,
puis se rallia au gouvernement de Napoléon, qui soutint sa
candidature au Corps législatif le 29 févr. 4852 et le
23 juin 4857. En 4863, Faure fut battu par M. Garnier,
et rentra dans la vie privée.
FAURE (Eugène), peintre français, né à Seyssinet,
près de Grenoble, en 4822, mort en févr. 4879. Venu de
bonne heure à Paris, il entra d'abord dans l'atelier de
David d'Angers, qu'il quitta bientôt pour celui de Rude.
Au bout de trois ans d'études, de 4843 à 4846, il retourna
en Dauphiné, et débuta au Salon de 4847 par un paysage qui
figure aujourd'hui au musée de Grenoble. Il fit en Italie un
séjour de deux années, consacrées à de fortes études, puis
vint se fixer à Paris où ses portraits de femme, ainsi que
ses tableaux empreints d'un certain sentiment poétique dont
l'académisme n'excluait pas une certaine originalité vigou-
reuse, obtinrent bientôt beaucoup de vogue. Faure exposa
en 4857 une allégorie, les Rêves de la Jeunesse; en
4859, l'Education de V Amour, aujourd'hui en Russie,
et le Découplé, grand tableau de chasse qui représente la
meute au moment où le piqueur détache les chiens; en
4864, les Premiers Pas de V Amour, au musée de Gre-
noble ; en 4864, une Eve qui fut achetée par M. de Morny ;
une Vénus (en 4865) ; une Négresse, panneau décoratif
(4866); Chloé (4869) ; Italienne (4870) ; Portraits de
Mme X... et de Mme Z... (4872); Daphnis et Chloé
(4873) ; enfin une Source (4877). V. Ch.
Bibl.: Ch. Clément, dans le Journal des Débats du
22 févr. 1879. — V. Champier, Année artistique, t. II, p. 467.
FAURE (Henri- Auguste), mathématicien français, né à
Angoulêmele 42 août 4825, mort à Lyon le 22 févr. 4894.
Fils d'un examinateur d'admission à l'Ecole de Saint-Cyr,
il entra à l'Ecole polytechnique, fut sous-lieutenant d'ar-
tillerie en 4847, lieutenant en 4849, capitaine en 4855,
chef d'escadron en 4874, et prit sa retraite en 4884. Il
avait professé les mathématiques dans plusieurs écoles ré-
gionales d'artillerie. Outre de nombreux mémoires parus
depuis 4845 dans les Nouvelles Annales de mathéma-
tiques, il a écrit : Recueil de théorèmes relatifs aux
sections coniques (Paris, 4867, in-8); Théorie des in-
dices (Paris, 4878, in-8). L. S.
FAURE (Emile-Valentin-César), publiciste français, né à
Orpierre le 5 avr. 4826. Avocat à Marseille, il vint à Pa-
ris en 4857 et se lança dans le journalisme. Collaborateur
au Figaro, à la Gazette de Paris, à la Presse théâtrale,
au Soleil où en 4867 un de ses articles le fit condamner
à deux mois de prison pour excitation à la haine des citoyens
entre eux, au Corsaire, à la France, au Paris- Journal,
à Y Echo universel, etc., il écrivit tantôt sous son nom,
tantôt sous les pseudonymes de Louis d'Arcis, d'Henri
Hoche, etc. En 4876, il était devenu secrétaire de la librai-
rie Dentu.il a écrit : le Confessionnal (Paris, 4868, in-42)
en collaboration avec Thomas Puech; le Peuple et la
Place publique (4869, in-42) avec Fontaine ; Histoire
anecdotique de la Révolution de 1848 avec Lermina ;
Histoire de Deux ans (1870-1871) avec d'Aunay ; les
Contes d'amour (4882, in-4); les Grandes Viveuses
(4886, in-42); Grands Seigneurs et Comédiennes (4887 ,
in-42), etc.
FAURE (Constance-Caroline Lefebvre, épouse), canta-
trice scénique française, née à Paris le 21 déc. 4828.
Admise au Conservatoire, elle y fit son éducation musicale
dans la classe de Banderali pour le chant et dans celle de
Moreau-Sainti pour l'opéra-comique. Elle en sortit en
4849, après avoir remporté aux concours les deux pre-
miers prix de ces cours d'études, et le 42 oct. de cette
même année elle débutait avec succès à l'Opéra-Comique
dans le rôle de Carlo de la Part du Diable. Douée d'une
voix charmante et qui brillait plus par la souplesse que par
la puissance, d'une physionomie piquante et distinguée,
d'une grâce séduisante, avec cela pleine de finesse et d'es-
prit, M119 Lefebvre fournit à l'Opéra-Comique une carrière
brillante et fut pendant quinze ans l'une des artistes les
plus originales et les plus aimées de ce théâtre. On la vit
d'abord dans un assez grand nombre d'ouvrages du réper-
toire : la Sirène, la Fée aux roses, Jeannot et Colin,
Joseph, VEpreuve villageoise, Joconde, le Pré aux
Clercs, le Petit Chaperon rouge, Haydée, les Mousque-
taires de la Reine, où elle déployait les qualités d'un
talent fin, délicat et plein de distinction. Puis bientôt les
auteurs lui confièrent des créations importantes, et c'est
ainsi qu'elle eut sa part de succès dans Madelon, la Croix
de Marie, la Chanteuse voilée, Miss Fauvette, Psyché,
le Songe d'une nuit d'été, Raymond ou le Secret de la
reine, le Chien du Jardinier, etc. Peu de temps après
avoir épousé M. Faure, son camarade de théâtre, en 4863,
Mme Faure-Lefebvre quitta l'Opéra-Comique pour le Théâtre-
Lyrique, où elle resta deux années environ. On l'y revit
dans l'Epreuve villageoise, qui avait été un de ses grands
succès à la salle Favart, après quoi elle fit diverses créa-
tions dans Peines d'amour, Mireille, le Mariage de
Don Lope, Régaiements d'amour, Lisbeth, Puis, dans
toute la force de la jeunesse et toute la grâce de son talent
plein de charme et de distinction, elle quitta la scène pour
n'y plus jamais reparaître. A. Pougin.
FAURE (Jean-Baptiste), chanteur dramatique français,
né à Moulins (Allier) le 45 janv. 4830. Il eut une enfance
FAURE
— 56
difficile, ayant perdu son père à l'âge de sept ans, et sa
mère ayant trois enfants .à élever. La petite famille était
alors fixée à Paris, et dès l'âge de neuf ans le jeune Faure
s'essayait à gagner sa vie. Tour à tour souffleur d'orgue à
Notre-Dame, enfant de chœur à Saint-Nicolas-des-Champs
et à la Madeleine, choriste au Théâtre-Italien, il eut enfin
la chance de rencontrer en la personne de Trévaux, maître
de chapelle de la Madeleine, un protecteur qui s'intéressa
à lui, qui en fit son élève et qui lui prodigua les soins les
plus affectueux. L'enfant était parvenu à se faire une petite
position lorsqu'un événement naturel, l'époque de la mue,
vint tout faire écrouler. La jolie voix de soprano qu'il pos-
sédait s'évanouit pour ne laisser place qu'à des sons rauques
et qui n'avaient plus rien de musical. Heureusement, il
était courageux et ne manquait pas d'initiative. Ne pouvant
plus chanter, il se mit, tout en continuant l'étude du piano,
à travailler la contrebasse, et bientôt fut en état de rem-
plir une place dans un orchestre, d'abord dans un bal de
barrière, le Grand Vainqueur, puis au théâtre de l'Odéon.
Sur ces entrefaites, la voix lui était revenue, avec un beau
timbre de baryton, sonore et velouté. C'est alors qu'il
commença à s'appliquer sérieusement à l'étude du chant,
et qu'il se fit admettre au Conservatoire, où il devint élève
de Ponchard pour le chant proprement dit et de Moreau-
Sainti pour Fopéra-comique. Ses progrès furent rapides, et
au bout de sept mois de classe, en 1851, il obtenait au
concours un accessit d'opéra-comique, pour se voir dé-
cerner, l'année suivante, les deux premiers prix de chant
et d'opéra-comique.
Ce succès d'école le fit engager aussitôt à l'Opéra-
Comique, où il débuta fort heureusement le 20 oct. 1852,
dans Galathée. Mais il trouvait à ce théâtre deux chefs
d'emploi pour lui barrer le chemin, Bussine et Battaille,
tous deux dans tout l'éclat de leur talent et peu disposés à
lui faciliter la carrière. M. Faure sut se faire remarquer
pourtant dans quelques rôles du répertoire, notamment
dans le Chalet et le Caïd, et bientôt il se vit confier plu-
sieurs créations qui le familiarisèrent avec la scène et le
firent bien venir du public. Encore un peu lourd physi-
quement, un peu inexpérimenté comme comédien, il n'en
donna pas moins la preuve de ses aptitudes dans Jenny
Bell, la Tonelli, le Chien du jardinier, et surtout dans
un opéra d'Auber, Manon Lescaut, où il remporta son
premier vrai succès. C'est à ce moment que, la double re-
traite de Battaille et de Bussine lui laissant la place libre,
il put donner la mesure de sa valeur. Il reprit alors, suc-
cessivement, plusieurs rôles importants, dans Haydée,
l'Etoile du Nord, Joconde, et ce dernier surtout montra
tout ce qu'on pouvait attendre de lui sous le rapport de la
largeur et de la beauté du style. Enfin deux créations
éclatantes, celles de Crèvecœur dans Quentin Durward
et d'Hoël dans le Pardon de Ploërmel, mirent en relief
toutes ses belles qualités et le placèrent au nombre des
meilleurs chanteurs de Paris, en attendant qu'il fût reconnu
le premier.
Le triomphe que M. Faure avait remporté dans le Pardon
de Ploërmel avait attiré sur lui l'attention de la direction
de l'Opéra. Ce n'est cependant qu'au bout de près de deux
années qu'il signa un engagement avec ce théâtre, où il
débuta, vers la fin de 1861, dans Pierre de Médicis,
après quoi il se montra dans Guillaume Tell et dans la
Favorite. Dès ses premiers pas sur cette scène illustrée
par tant de grands artistes, où il déployait dans tout leur
éclat les qualités d'un talent vraiment magistral, M. Faure
conquit les faveurs et toute la sympathie d'un public dont
l'affection pour lui ne fit que grandir jusqu'au terme de sa
brillante carrière. Sa superbe création de Nélusko dans
l'Africaine mit le comble à sa renommée, et dès lors il
ne cessa d'exercer une influence considérable sur les des-
tinées de l'Opéra ; on peut affirmer que, depuis la retraite
de M. Duprez, aucun artiste n'avait joui d'un tel crédit et
d'une telle autorité. D'ailleurs, on peut presque dire que
M. Faure ne cessait de progresser, et chez lui le talent de
comédien, comme celui de chanteur, semblait s'affirmer
d'une façon plus complète et prendre plus d'ampleur à
chacune de ses nouvelles créations. C'est ainsi qu'il mar-
qua de son empreinte les rôles qui lui furent confiés dans
Don Carlos, Hamlet, Faust, la Coupe du roi de Thulé
et Jeanne d'Arc. M. Faure, qui ne voulut jamais s'expa-
trier, et qui refusa toujours, pour rester à Paris, les bril-
lants engagements qu'on lui offrait en Russie et en Amé-
rique, allait cependant chaque année passer quelques
semaines à Londres, où il était l'objet de l'admiration géné-
rale et où on le voyait dans des ouvrages où le public
parisien ne put jamais l'applaudir : Mignon, la Som-
nambula, les Noces de Figaro, VElisire dïamore, Il
Guarany, etc. A Bruxelles aussi, il obtint d'éclatants
triomphes. En dépit de ses succès, pourtant, M. Faure
songea de bonne heure à la retraite. Il voulait faire ses
adieux au public dans tout l'éclat d'un talent pour lequel
nul autre ne pouvait lui être comparé, et, le 13 mai 1876,
il se montrait pour la dernière fois à l'Opéra, dans ce rôle
ri'Hamlet, qui avait été peut-être sa création la plus curieuse,
la plus brillante et la plus complète. Depuis lors, il ne
reparut jamais à la scène, et on ne put l'entendre, de loin
en loin, que dans quelques concerts, où il retrouvait les
succès et les applaudissements d'autrefois.
Ces succès étaient mérités. Voix merveilleuse, d'une grande
étendue et d'une étoffe superbe, admirablement posée et d'une
justesse rare, avec une étonnante égalité dans les registres ;
style magistral, articulation remarquable par son ampleur,
phrasé plein de netteté, de grandeur et d'élégance, diction
irréprochable, unité parfaite de sonorité : telles étaient les
facultés et les qualités du chanteur. Si l'on ajoute à cela
un talent de comédien presque égal, souple et nerveux, vi-
vant et coloré, un physique plein d'élégance et un rare
sentiment de la plastique, on comprendra que le public ait
pu vouer son affection la plus complète à un tel artiste et
passer condamnation sur certains défauts secondaires que
quelques-uns ont pu lui reprocher non sans raison, mais
qui prouvent simplement que l'absolue perfection n'est pas de
ce monde. Ce qui est certain, c'est que le talent de M. Faure
fait le plus grand honneur à l'art français, et que son nom
a sa place marquée dans l'histoire de cet art. M. Faure a
voulu se produire aussi comme compositeur, et il a publié
un grand nombre de mélodies vocales, dont on a déjà formé
quatre recueils. Il a aussi publié un excellent ouvrage sur
le chant. Arthur Pougin.
FAU RÉ (Justin-François), député français, né à Lombez
(Gers) le 3 janv. 1840, substitut à Lectoure, révoqué le
4 sept. 1870. Il représente l'arr. de Lombez à la Chambre
des députés depuis 1876. Il appartient à l'opinion bona-
partiste.
FAURE (François-Félix), homme politique français, né
à Paris le 30 janv. 1841. Armateur au Havre, ancien con-
sul de Grèce dans cette ville, ancien adjoint au maire,
membre et président de la chambre de commerce, juge au
tribunal de commerce. Pendant la guerre de 4870-71, il
commanda le 6e bataillon de gardes mobiles de son dépar-
tement. En 1881, il fut élu député de la 3e circonscription
du Havre comme républicain modéré et s'occupa surtout
des questions intéressant la marine marchande et les rela-
tions commerciales avec l'étranger. Partisan de la politique
opportuniste, il fut, lors de la formation du cabinet Gam-
betta, en nov. 1881, nommé sous-secrétaire d'Etat au minis-
tère du commerce et des colonies et abandonna son porte-
feuille à la chute du ministère le 26 janv. 1882. Le 22 sept,
de la même année, il fut nommé au sous-secrétariat de la
marine et des colonies dans le dernier cabinet Ferry. Il
s'associa alors à la direction donnée aux affaires coloniales,
et fut remplacé par M. Rousseau, sous le cabinet Brisson,
6 avr. 1885. Aux élections générales de 1885, il fut porté
sur la liste opportuniste de la Seine-Inférieure, et réélu
avec 180,000 suffrages. Il siégea à l'Union des gauches,
fit partie en 1888 et 1889 de la commission du budget,
continua à soutenir de ses votes la politique opportuniste
et reprit son poste de sous-secrétaire d'Etat quand l'amiral
Krantz succéda à M. de Mahy au ministère de la marine et
des colonies.
A la suite d'un vote de la Chambre rejetant à égalité de
voix le crédit de 20 millions qui représentait la subvention
annuelle au Tonkin, M. Faure quitta l'administration des
colonies et fut remplacé par M. de La Porte (févr. 4888).
A la fin de la législature, M. Félix Faure s'est associé aux
votes de la majorité républicaine contre le boulangisme ; il
s'est abstenu sur l'ajournement indéfini de la re vision de
la Constitution (chute du ministère Floquet). Aux élections
de 4889, M. Félix Faure a été élu dans la 2e circonscrip-
tion du Havre par 8,000 suffrages contre M. Raoul Ancel,
monarchiste. Réélu aux élections de 4889, M. Félix Faure
a fait partie des commissions du budget en 4892 et 4893.
Il a pris part aux discussions qui ont eu lieu sur les bud-
gets de 4894 et 4892, sur le tarif général des douanes,
sur l'acte de la conférence de Bruxelles et sur la fraude des
vins. Il est rapporteur du projet de loi concernant les rela-
tions commerciales avec la Grèce et du budget des travaux
publics pour la partie relative aux études et travaux des
chemins de fer. M. Félix Faure qui s'est fait une spécialité
des questions économiques, maritimes et de chemins de
fer, a pris en 4883 l'initiative d'une proposition tendant
à fixer la responsabilité des patrons dans les accidents sur-
venus aux ouvriers et d'une autre proposition concernant
l'hygiène industrielle; il a été le promoteur du conseil supé-
rieur des colonies, des conseils généraux à la Nouvelle-
Calédonie et à Tahiti. Enfin il a publié le Budget de la
France et des principaux pays d'Europe depuis 1888,
ouvrage couronné par l'Académie. Renoult.
FAURÉ (Gabriel), compositeur français, né à Pamiers
(Ariège) le 43 mai 4845. Il fit ses études musicales à
l'école de Niedermeyer sous la direction de Saint-Saëns,
dont il devint l'élève de prédilection. A sa sortie de l'école,
il fut envoyé à Rennes comme organiste de Saint-Sauveur.
Quatre ans après, il revenait à Paris, où il remplit les
fonctions d'organiste successivement à Notre-Dame de Cli—
gnancourt, à Saint-Honoré, au chœur de Saint-Sulpice.
Depuis 4877, il est maître de chapelle à la Madeleine. Mer-
veilleusement doué pour la musique pure et les œuvres d'un
caractère intime, M. Fauré débuta par une Sonate en la
majeur pour piano et violon (1876), très hardie et déjà
très personnelle, qui fut signalée par un article enthousiaste
de Saint-Saëns et éditée par Breitkopf. Plus tard, deux
Quatuors pour piano et instruments à cordes (4882 et
4887) ont placé M. Fauré au premier rang des composi-
teurs modernes de musique de chambre. Les nombreuses
mélodies de M. Fauré ne sont pas moins appréciées (Au
bordde Veau, les Berceaux, le Secret, Clair de lune, etc.).
Son œuvre de piano (Nocturnes, Impromptus, Barca-
rolles, Ballade, etc.) continue avec des qualités originales
la belle tradition de Chopin et de Schumann. Parmi les
œuvres les plus importantes de M. Fauré nous devons citer:
une Symphonie en ré mineur pour orchestre (4885),
exécutée aux concerts du Châtelet, une Messe de requiem,
des compositions chorales (la Naissance de Vénus, les
Djinns, le Ruisseau, Madrigal), Caligula, musique de
scène pour le drame de Dumas, exécutée au théâtre de
l'Odéon, aux concerts du Châtelet et au Conservatoire,
Shylock, musique de scène pour la comédie de M. Harau-
court, exécutée à l'Odéon, une Elégie pour violoncelle,
une Berceuse pour violon, etc. M. Fauré a été nommé
inspecteur du chant dans les conservatoires et écoles du
gouvernement en 4892. Charles Bordes.
FAURE (Maurice-Louis-Emile, dit Maurice), publiciste
et homme politique français, né à Saillans (Drôme) le
47 janv. 4850. D'une famille alliée à celle de Barnave, son
frère fut une victime du Deux-Décembre, Maurice Faure
débuta très jeune dans le journalisme, et fonda dès 1869,
à Alais, une société républicaine qui lutta énergiquement
contre la candidature officielle et le plébiscite, collabora à
plusieurs journaux, notamment l'Indépendant du Midi,
57 — FAURE
le Sifflet, V Avenir, et plus tard l'Evénement. Nommé en
4870 rédacteur au ministère de l'intérieur, parla déléga-
tion de Bordeaux, il devint chef du cabinet et du personnel
de la direction pénitentiaire, et fut pendant ce temps l'un
des promoteurs de la création de la Société pour le patro-
nage des libérés. En 4885, il fut nommé député en tête de
la liste radicale de la Drôme ; il siégea à gauche et prit
une part très active aux travaux parlementaires il fit
déclarer l'urgence sur le projet de loi tendant à l'expulsion
des princes; il fit partie de nombreuses commissions. C'est
lui qui, en 4887, proposa de rendre un hommage public à
la mémoire de Danton à l'occasion du Centenaire de 4889,
et déposa lors de la crise sur les cuivres un ordre du jour
motivé qui fut admis à une majorité de 339 contre 242.
Membre du bureau de la gauche radicale, il vota contre
les ministères Rouvier et Tirard, et il vota l'amnistie, les
poursuites contre trois membres de la Ligue des patriotes
et les poursuites contre le général Boulanger. Renommé
aux élections de 4889, M. Maurice Faure a déposé au
cours de la cinquième législature une proposition concer-
nant les administrateurs de chemins de fer. Il a pris la
parole dans la discussion du budget de 4894 (cultes, ma-
rines, instruction publique) et dans la discussion concer-
nant le travail des femmes et des enfants et les justices de
paix. M. Maurice Faure est conseiller général de la Drôme
pour le cant. de Saint-Jean-de-Royan. Journaliste et litté-
rateur, il est membre de l'Association syndicale de la
Presse républicaine et l'un des fondateurs de la célèbre
société de littérateurs méridionaux la Cigale. Renoult.
FAURE (André-Bertrand-Pierre-Fernand), avocat et
homme politique français, néàRibérac(Dordogne) le46mars
4853. Il fit ses études de droit à Bordeaux et s'inscrivit au
barreau de cette ville en nov. 4 873. Reçu docteur et agrégé,
il fut chargé en 4877 du cours d'économie politique à la
faculté de droit de Douai, puis à celle de Bordeaux en 4880.
L'un des fondateurs et vice-président de la Société d'éco-
nomie politique de Bordeaux, vice-président du Comité
girondin de la ligue de l'enseignement, il fut porté sur la
liste opportuniste de la Gironde en 4885 et élu le 3e sur
44 au scrutin de ballottage. Il siégea à gauche et prit une
part très active aux travaux parlementaires ; il se fit remar-
quer par une compétence particulière en matière de ques-
tions de finances, notamment dans la discussion du budget
de 4887. Deux fois membre de la commission du budget,
il fut également rapporteur du budget du ministère des
finances. En 4888, il fit un discours très remarquable sur
la limitation légale de la journée de travail pour les ouvriers.
Dans la dernière législature, M. Fernand Faure a sou-
tenu de ses votes les ministères Rouvier et Tirard, s'est
prononcé pour l'ajournement indéfini de la revision de la
Constitution (chute du ministère Floquet), et .s'est associé
d'une façon générale aux votes de la majorité républicaine
contre le parti boulangiste. Aux élections générales de 4889
il échoua dans la 3e circonscription de Bordeaux contre
M. Jourde, candidat boulangiste. Il fut nommé professeur
à la faculté de droit de Paris. Renoult.
FAU RE-Conàc (Gilbert-Amable), homme politique fran-
çais, né à Vidaiilat (Creuse) le 5 avr. 4755, mort à Ché-
nérailles (Creuse) le 44 févr. 4849. Il appartenait à la
marine et était administrateur de la Creuse quand il fut
élu par ce département, le 7 sept. 4792, premier député
suppléant à la Convention. Il fut appelé, le 25 frimaire
an II, à remplacer Guyès, décédé, et s'occupa exclusive-
ment des questions maritimes. Le 47 août 4794, il remplit
avec Treilhard, à Brest et à Lorient, une mission qui dura
jusqu'en avr. 4795. Il combattit, le 43 thermidor an II,
la proposition de Gouly sur l'organisation d'un corps d'ar-
tilleurs marins et fut élu, le 21 vendémiaire an IV, député
de la Creuse au conseil des Cinq-Cents. Il donna sa démis-
sion le 8 ventôse an V pour servir dans une division de la
marine. Sous l'Empire, il devint commandant de l'Ecole de
marine de Brest (4 janv. 4844). Etienne Charavay.
FAURE d'Ere (Bertrand-Marie), homme politique fran-
FAURE — FAURIEL
58
çais, né à Bouillac (Tarn-et-Garonne) le 4 nov. 1787,
mort au château d'Ere le 20 oct. 1852. Conseiller audi-
teur à la cour de Toulouse en 1811, il demeura fidèle à
Napoléon pendant les Cent- Jours, et fut destitué en 1816.
Il s'occupa alors d'exploitation agricole. En 1828, il fut
nommé juge au tribunal civil de Montauban, et, partisan
du gouvernement de Juillet, fut nommé en 1830 conseiller
à la cour de Toulouse. Le 5 juil. 1834 , il était élu député de
Tarn-et-Garonne. Membre de la gauche, il signa le compte
rendu de l'opposition en 1832, fut réélu le 21 juin 1834,
s'affilia au tiers-parti, et échoua aux élections de 1837.
Deux ans après, il était réélu et siégeait au centre gauche.
Représentant de Tarn-et-Garonne à la Constituante (1848),
il appartint à la droite de cette assemblée, où il se fit peu
remarquer, et il ne se représenta pas aux élections pour
la Législative.
FAUREI. Village de Roumanie, district de Braïla, arr.
de Vademi. Tête de la ligne de chemin de fer Faurei-
Fetesti (district de Jalomita).
FAURIE (La). Com. du dép. des Hautes-Alpes, arr.de
Gap, cant. d'Aspres-sur-Biïech ; 538 hab.
FAURIEL (Claude-Charles), philologue, historien et
critique français, né à Saint-Etienne le 21 oct. 1772,
mort à Paris le 15 juil. 1844. Il appartenait à une
famille d'industriels aisée et instruite ; il fut élevé au col-
lège des oratoriens de Tournon, puis à Lyon. De retour
dans sa ville natale vers le début de la Révolution, il ne
se pressa point d'embrasser une carrière et ne montra pas
plus de goût pour l'action politique. Cependant il fut ,
d'une société patriotique; suivant un récit qu'il fit un
jour à Guizot, ses camarades et lui se plaisaient à mettre
en scène les séances de la Constituante; tel faisait Necker,
tel autre Mirabeau. « Vous, Fauriel, je sais bien ce que
vous faisiez, » interrompit Guizot. — « Et quoi donc ? »
— « Vous donniez votre démission. » Fauriel était loin
cependant d'être un indifférent ; il devint et demeura
toute sa vie républicain ; mais la République était à ses
yeux un idéal, une Béatrice ; c'est pour le sentiment et
pour la pensée qu'il était né, et non pour la lutte contre
les choses et contre les hommes d'un siècle agité. Les
occasions de se produire dans la vie publique ne lui man-
quèrent cependant point. Ce fut d'abord la levée en masse
de 1793 : d'emblée il fut nommé sous-lieutenant, par le
ministre Beurnonville, au 4e bataillon d'infanterie légère
de la légion des montagnes, en garnison à Perpignan : il
servit aux côtés du savant et intrépide La Tour-d'Auvergne.
Le général Dugommier le prît comme secrétaire. Mais au
bout d'un an de service, il envoya sa démission au ministre
Bouchotte. A Paris, il put se mettre en rapports, bien
fugitifs, avec quelques personnages connus, et rendit
visite à Robespierre : simple curiosité sans doute. Sa ville
natale le choisit comme officier municipal : il se démit de
cette charge aussitôt après le 9 thermidor, et se classa
ainsi nettement parmi les partisans fidèles de la Révolu-
tion : car le courage passif, si l'on peut dire, ne lui man-
quait pas. Pendant cinq ans, il travailla silencieusement et
dans tous les sens où l'entraînait sa passion de savoir et de
comprendre, tantôt à Saint-Etienne, tantôt à Paris, où le
Dauphinois Français de Nantes le produisait dans la meil-
leure société de l'époque. Ses premiers essais, dans la
Décade philosophique, le placèrent très haut, malgré leur
brièveté, dans l'opinion de Cabanis, de Volney, de Destutt
de Tracy, de Mme de Staël. Aussi lent à rédiger qu'il était
ardent à l'étude, « reculant toujours devant le pénible
travail de la composition » (E. Renan), il ne pouvait guère
voir une carrière dans la littérature. C'est sans doute ce
qui le décida à entrer dans les bureaux de Fouché, ministre
de la police et ex-oratorien, dont il devint le secrétaire ;
dès l'été de 1801 il prit un congé, et en 1802, il résigna
définitivement sa fonction. On ne saurait, cette fois, le lui
reprocher. S'il put avec sa bonté et sa finesse habituelles
prévenir plus d'une iniquité et rendre plus d'un service
aux victimes désignées du régime consulaire, il n'eut pas
la force, et cela l'honore, de résister au dégoût que le ré-
gime et l'homme lui inspiraient. « L'indignation que lui
donna le triste spectacle des palinodies, des bassesses et
des violences qui se déroulaient chaque jour sous ses yeux,
le besoin irrésistible d'exhaler sa profonde douleur de la
liberté perdue » (L. Lalanne), nous ont valu un document
historique de première main et de main de maître, long-
temps enfoui dans les papiers de son amie, Mme de Con-
dorcet, sans titre général, sans signature, et que M. L.
Lalanne lui a restitué en 1886, par la comparaison des
autographes. Les Derniers Jours du Consulat (Paris,
1886, in-8) comprennent deux chapitres : Esquisse his-
torique des pi*ognostics de la destruction de la Répu-
blique à dater du 18 brumaire, et Notes sur les
principaux événements de la conspiration anglaise
antérieurement à l'arrestation de Moreau. Sur le 18
brumaire, « cette journée fameuse dont se repentirent, le
lendemain, presque tous ceux qui y avaient concouru » ;
sur les progrès d'un despotisme qui ne devait même pas
« garantir à la France le seul bien des peuples esclaves,
le repos » ; sur les manœuvres de Bonaparte pour tourner
contre la nation la souveraineté nationale, au moyen des
plébiscites ; sur le rétablissement de la police de l'ancien
régime « autorité bizarre, aveugle et passionnée», violente
et perfide, sans scrupule dans l'emploi des moyens ; sur
le rôle des agents provocateurs qui amenèrent Moreau, le
seul rival possible du premier consul, à se compromettre
avec Georges Cadoudal et avec Pichegru; enfin sur tout
ce qu'il avait vu et ressenti, Fauriel a laissé des mots et
des portraits dignes de Tacite, des faits observés que l'on
ne trouve nullepart ailleurs. Car en aucun temps la police
n'a témoigné un grand respect pour ses propres archives I
Si Fauriel laissa inachevé cet ouvrage, s'il ne fondit pas
les notes qu'il avait pu réunir concernant l'assassinat du
duc d'Enghien, c'est qu'il ne pouvait songer à publier ses
impressions, et qu'il n'était plus le seul qu'il pût com-
promettre : son intime liaison avec Mme de Condorcet date
en effet du printemps de 1802 ; c'est alors qu'il alla s'éta-
blir avec elle aux environs de Meulan, à la Maisonnette.
Il songea sans doute encore à la liberté et ne parvint pas,
comme le lui reprochait en 4803 le médecin Pariset, «à
ce calme que donne le désespoir» ; mais il se consacra
surtout à l'amour, à l'amitié et à la science. Au grec,
au latin, aux principales langues vivantes qu'il connaissait
parfaitement, il ajouta l'arabe et le sanscrit. Il recueillit
des matériaux considérables sur le bas-breton, le gaëlic,
le vieil allemand, le basque. Son premier ouvrage (en
dehors des articles) fut une traduction des idylles du Da-
nois Jean Baggesen (1810), pour lequel il avait beaucoup
d'affection. Le discours préliminaire contient une classifi-
cation toute nouvelle des genres poétiques. Lié dès 1806
avec Manzoni, il exerça sur ce grand poète, alors jeune et
obscur, la plus utile influence ; il le débarrassa des for-
mules, lui apprit la simplicité, l'engagea « à composer
des tragédies historiques, indépendamment de toute règle
factice, en combinant l'étude sévère et la passion, la fidé-
lité à l'esprit, aux mœurs et aux caractères particuliers
de l'époque, et les sentiments humains généraux s'expri-
mant dans un langage digne et naturel » (Sainte-Beuve) .
Aussi Manzoni dédia-t-il son Carmagnola à Fauriel, qui
en donna la traduction . C'est dans l'introduction en prose
dirigée contre le dogme littéraire des trois unités, qu'il
faut lire le véritable manifeste du romantisme. — Nul
doute qu'il n'ait en partie inspiré à Cabanis cette méthode
d'impartialité historique appliquée à l'exposé des doctrines
de la philosophie, et qui, pratiquement comprise, deviendra
plus tard l'éclectisme. D'autre part, c'est dans la société
d'Auteuil que Fauriel conçut le projet d'une histoire du stoï-
cisme, dont les matériaux, enterrés pendant la campagne de
1814 dans un jardin à la campagne, périrent entièrement.
Le premier écrit qui fit connaître Fauriel au grand public,
ce furent les Chants populaires de la Grèce moderne
(Paris, 1824-1825, 2 vol. in-8), qui procuraient à Pau-
— 59
FAURIEL — FAUSBOELL
teur la double satisfaction de mettre en valeur la force et
la simplicité de la poésie populaire, et de servir la cause de
l'indépendance grecque. Il sut le premier se garder de cette
élégance de convention qui chez tant de traducteurs affadit
l'impression première et naïve. Cet esprit raffiné, encyclo-
pédique, savait s'extasier devant la poésie populaire comme
devant « le cours d'un fleuve, l'aspect d'une montagne, une
masse pittoresque de rochers, une vieille forêt ». Il défi-
nissait le génie inculte de l'homme « un des phénomènes,
un des produits de la nature ». Par l'exemple comme par
la théorie, il montrait que si un peu de science éloigne de
la simplicité, beaucoup de science, de science vraie et de
première main, y ramène invinci clément. Toutefois, il y
avait peut-être de sa part un peu d'innocente coquetterie à
semer ainsi tant d'idées neuves et personnelles dans des
préfaces ou dans des notes de traductions. Fauriel s'était
cependant donné à lui-même un grand sujet historique, l'his-
toire du midi de la Gaule, tout en continuant ses études de
langues orientales et en participant à la fondation de la
Société asiatique. Il commença par publier la 2e partie :
Histoire de la Gaule méridionale sous la domination
des conquérants germains (Paris, 1836, 4 vol. in-8), et
n'acheva jamais les deux autres parties, la période romaine
et la période du moyen âge proprement dit jusqu'à saint
Louis. Le mérite d'un historien ne saurait être exagéré,
lorsqu'il est obligé de dégager la vérité et la vie de récits
et de documents aussi pauvres, aussi incertains, aussi
légendaires et aussi remplis de contradictions que ceux au
milieu desquels Fauriel eut à se débrouiller. De 4823
à 1826 il avait vécu en Italie. Toujours « inépuisable en
savoir et en bonté », c'est le mot de Mme de Staël, il
semblait n'aspirer à rien. Après juil. 1830, au moment
de la curée, il fallut que Guizot lui fît une sorte de vio-
lence pour qu'il acceptât à la Sorbonne la chaire de litté-
rature étrangère. L'enseignement lui apprit à douter un
peu moins de lui-même; dès 1818, Guizot lui reprochait
« de recommencer sans cesse ce qui est bien », de « passer
sa vie à sacrifier l'action à l'espoir de la perfection. Tan-
dis que vous vous satisfaites en cherchant le mieux, le bien
de ce que vous avez trouvé ne profite à personne. »
Sans l'aiguillon d'un public aussi avide de science qu'en-
thousiaste de pensée libre et féconde, nous n'aurions
peut-être eu ni l'Histoire de la Gaule méridionale sous
la domination des conquérants germains ni, dans la
collection de documents inédits sur l'histoire de France,
V Histoire de la Croisade contre les hérétiques albigeois
écrite en vers provençaux par un poète contemporain
(Paris, 1837, in-4), dont l'introduction jette un jour si
vif sur le Midi du moyen âge. Ce qui est certain, c'est que
nous devons à Pacte décisif de Guizot Y Histoire de la
poésie provençale (Paris, 1846, 3 vol. in-8), et Dante
et les origines de la langue et de la littérature ita-
liennes (Paris, 1854, 2 vol. in-8). Le premier de ces
ouvrages est en effet le cours professé en 1831-1832 :
Fauriel y revendiquait pour les Provençaux l'originalité
épique jusque-là exclusivement attribuée aux poètes de la
langue d'oïl. Il s'était surtout préoccupé d'approfondir les
origines « de ces idées d'honneur, d'amour exalté, de ga-
lanterie, en un mot de ces sentiments chevaleresques qui
ont si complètement modifié les mœurs de l'Europe au
moyen âge, et qui ont exercé sur tous les peuples une
influence régénératrice » (article de P. Mérimée dans le
Constitutionnel du 16 févr. 1846). Quant à Dante, c'est
le cours de 1833 et 1834, incomplètement publié par
M. J. Mohl sur les manuscrits de Fauteur. Pendant quatorze
ans, Fauriel écrivit toutes ses leçons : mais il les prêtait à
qui les lui demandait, et négligeait de les réclamer. « Plus
d'un de ses auditeurs, dit M. Léo Joubert, n'eut besoin que
d'une bonne mémoire pour se créer des titres littéraires
sérieux ; ce fut le sort de Fauriel d'inventer sans cesse dans le
vaste champ de la littérature et de laisser à d'autres le bé-
néfice de ses créations. » — « Fauriel, dit M. Renan, sans
avoir beaucoup écrit, est sans contredit l'homme de notre
siècle qui a mis en circulation le plus d'idées, inauguré le
plus de branches d'études, aperçu dans l'ordre des travaux
historiques le plus de résultats nouveaux. » {Revue des
Deux Mondes, livr. du 15 déc. 1855.) Il ne fut élu
membre de l'Académie des inscriptions que le 25 nov.
1836 ; membre de la commission de Y Histoire littéraire
de France, il fournit de savants articles sur des écrivains
du xme siècle : miettes précieuses de la connaissance uni-
verselle qu'il avait acquise de cette époque. Il mourut à
soixante-douze ansf prématurément, tant il laissait de pro-
jets après lui. M. Mohl et sa femme (miss Clarke), ses
héritiers, ont laissé à la bibliothèque de l'Institut, en
1883, les brouillons, notes, papiers de toute sorte que
leur état matériel ou les circonstances n'avaient pas per-
mis de publier. H. Monin.
Bibl. : Institut royal de France... Funérailles de M. Fau-
riel. Discours de M. Guigniaut, prononcé le 16 juil. 4844 ;
Paris., s. d. in-4. (A la suite se trouve le discours de M. Vic-
tor Leclerc). — Guigniaut, secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres : Notice historique
sur la vie et les travaux de M. G. Fauriel ; Paris, 1862, gr.
in-8. — Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. II. —
Ozanam, Discours à la faculté des lettres de Paris, dans le
Correspondant du 10 mai 1845 (avec une bibliographie
complète des travaux publiés du vivant de Fauriel).
FAURILLES, Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Bergerac, cant. d'Issigeac; 428 hab.
FAU R I S de Saint- Vincens (Jules-François-Paul) , archéo-
logue français, né à Aix en Provence en 1718, mort en
1798. Il fut président au Parlement d'Aix et associé libre
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Il écrivit
en 1786 un mémoire pour démontrer que la tour située
dans l'enceinte du palais du parlement d'Aix était un tom-
beau antique, comme l'avait présumé Peiresc. On lui doit
encore des Observations sur des mosaïques trouvées a
Aix (1790) ; Tables des monnaies de Provence (Aix,
1770, in-4) ; Mémoire sur les monnaies et les monu-
ments des anciens Marseillais (1771, in-4) ; Mémoire
sur les monnaies qui eurent cours en Provence depuis
la fin de V empire d'Occident jusqu'au xvie siècle, inséré
dans Y Histoire de Provence de Papon (t. II et III). Sa
vie a été écrite par son fils dans le Magasin encyclopé-
dique (1798, t. IV, p. 461). J.-A. Bl.
FAU RIS de Saint-Vincens (Alexandre-Jules-Antoine),
archéologue français, fils du précédent, né à Aix le 3 sept.
1750, mort le 15 nov. 1819. Il devint, en 1789, président à
mortier du parlement d'Aix et perdit sa place en 1793. En
1809, il fut nommé membre du Corps législatif; en 1811,
second président de la cour impériale des Bouches-du-Rhône,
puis associé libre de l'Académie des inscriptions en 1816.
Ce savant n'avait cessé depuis son enfance de recueillir^ et
d'étudier les antiquités. Il a publié de nombreux travaux,
parmi lesquels : Monnaies qui ont eu cours en Provence
sous les comtes (Aix, an IX, in-4) ; Notice sur les mo-
numents antiques conservés dans le muséum de Mar-
seille (Marseille, 1805) ; Mémoire sur la position de
l'ancienne cité d'Aix (Paris, 1812, et Aix, 1816) ; Notice
sur les lieux où les Cimbres et les Teutons ont été
défaits par Marins et sur le séjour et la domination
des Goths en Provence (Paris, 1814) ; Mémoire sur
Vétat des lettres et arts et sur les mœurs et usages
suivis en Provence dans le xvie siècle (Paris, 1814) ;
Mémoire sur les bas-reliefs des murs et des portes
extérieures de Notre-Dame de Paris (Paris, 1815, et
Aix, 1816) ; Mémoire sur les antiquités et curiosités
delà ville d'Aix (Aix, 1818). J.-A. Bl.
FAU ROUX. Com. du dép. de Tarn-et-Garonne, arr. de
Moissac, cant. de Bourg-de-Visa ; 444 hab.
FAUSBŒLL (Michael-Viggo) , savant linguiste danois,
né à Hove près de Lemvigle 22 sept. 1821. Attaché à la
bibliothèque de l'université de Copenhague (1861) et pro-
fesseur de langues indo-orientales (1878), il a surtout
étudié les manuscrits palis de Copenhague et de Londres,
et édité le Dhammapadam, avec traduction et commen-
taire en latin (Copenhague, 1855). Après avoir donné le
FAUSBOELL — FAUSSE
60 -
texte, avec traduction anglaise de Five Jdtakas (1861),
Tiuo Jâtakas (4870), The Dasaraiha Jâtaka(lffll),
Ten Jâtakas (1872), il en publia un recueil, avec com-
mentaire anglais, en six volumes dont quatre ont paru
(The Jâtakas; Londres, 1877-1887). On lui doit aussi :
Historiettes orientales d'après le persan (1852) ; Dic-
tionnaire de la langue des rues (1866), sous le pseudo-
nyme de V. Kristiansen, et des éditions <T His toriettesdes
Molbos ou Béotiens du Jutland (1862), ainsi que des Chants
des veilleurs ou gardes de nuit (1862). B-s.
FAUSSE attaque (Art milit.). Attaque simulée sur
un point du front de l'ennemi plus ou moins éloigné de
celui où l'on a l'intention de faire l'attaque véritable, pour
donner le change à l'adversaire et l'amener à diviser ses
forces. Cette ruse de guerre, dont l'utilité n'a pas besoin
d'être démontrée, est d'un emploi très fréquent dans toutes
les guerres, et elle est vieille comme le monde. On comprend
qu'il n'est nul besoin d'y employer ses meilleures troupes,
et Cessac nous apprend qu'on y employait parfois des valets
revêtus d'uniformes, quand une armée en possédait un
assez grand nombre pour tromper l'ennemi. Notre règle-
ment de manœuvres actuel (1892) s'exprime ainsi au sujet
des fausses attaques : « L'attaque simulée doit être faite
avec peu de monde ; la fraction qui en est chargée doit se
montrer tantôt sur un point, tantôt sur un autre ; si elle
obtient des avantages, elle les poursuit. Cette attaque peut
réussir alors que la véritable échoue ; dans ce cas, le capi-
taine modifie rapidement ses dispositions et appuie l'attaque
simulée. » Ed. S.
FAUSSE baie (Archit.). Arcade, porte ou fenêtre si-
mulée dont l'encadrement et aussi le tableau imitent de la
façon la plus complète l'encadrement et le tableau d'une
autre baie à laquelle la fausse baie fait répétition ou sert
de pendant. Dès l'antiquité, les fausses baies ont fourni
d'intéressants motifs symboliques à l'architecture funé-
raire, témoin les représentations des portes sur les tom-
beaux étrusques de Castel d'Àsso et les fenêtres simulées
dans la pierre de l'édifice connu sous le nom de tombeau
de Théron, près d'Agrigente. Dans l'architecture contem-
poraine, on emploie trop souvent, pour éviter le manque
de symétrie, les fausses baies même dans les édifices d'uti-
lité publique où parfois on les accuse en remplissant leurs
vides par de la brique lorsque leurs encadrements sont de
pierre ; mais cet emploi se justifie pour les édifices comme
les musées où la nécessité de chercher la lumière à la partie
supérieure fait disposer les fausses baies seulement comme
motifs décoratifs et où elles sont utilisées aussi, comme
à l'Ecole des beaux-arts de Paris, pour recevoir des frag-
ments de sculpture. Charles Lucas.
FAUSSE braie (V.Braie).
FAUSSE clef (Dr. crim.). L'art. 398 du C. pén.
qualifie fausses clefs « tous crochets, rossignols, passe-
partout, clefs imitées ou contrefaites, altérées, ou qui
n'ont pas été destinées par le propriétaire, locataire, au-
bergiste ou logeur, aux serrures, cadenas, ou aux ferme-
tures quelconques auxquelles le coupable les aura em-
ployés ». La simple possession de fausses clefs n'est pas
un délit ; l'emploi seul tombe sous le coup de la loi, et
en tant qu'acte d'exécution d'un vol. L'usage de fausses
clefs est une circonstance aggravante du vol dont cet
usage a aidé la perpétration ; comme tel, il a pour effet
d'entraîner la transformation des peines du vol simple en
travaux forcés à temps ou en travaux forcés à perpétuité,
suivant que l'usage de fausses clefs est isolé ou qu'il est
en concours avec d'autres circonstances aggravantes du
vol (C. pén., art. 381 et 384). — - La contrefaçon ou l'al-
tération d'une clef est un délit puni d'un emprisonnement
de trois mois à deux ans et d'une amende de 25 fr. à
150 fr. Si le coupable est un serrurier de profession, le
fait devient un crime puni de la réclusion. Le tout sans
préjudice de plus fortes peines, en cas de complicité de
crime (C. pén., art. 395). Mais le simple fait d'avoir
altéré ou contrefait des clefs ne suffit pas pour constituer
le délitfou le crime en question : la criminalité de l'acte
n'apparaît que par le concours d'une intention coupable,
laquelle, 'en l'espèce, consiste dans le but que s'est pro-
posé le coupable, ou dans la connaissance ou la prévision
qu'il avait de l'usage frauduleux auquel la clef serait em-
ployée ; il n'y a point, par exemple, fait punissable dans
la fabrication d'une clef contrefaite sur la demande même
du propriétaire. Louis André.
FAUSSE côte(V. Côte).
FAUSSE couche (V. Avortement).
FAUSSE coupe (Constrc). Dans une voûte, un claveau
est en fausse coupe lorsque l'un 'de ses joints de tête est
oblique par rapport à l'intrados de cette voûte. En terme
de charpente, la fausse coupe est un assemblage à tenon et
mortaise, dans lequel la pièce portant la mortaise est dé-
versée ou délardée par rapport à l'autre.
FAUSSE duite (Tiss.). La duite est fausse lorsqu'elle
est insérée dans un mauvais angle d'ouverture des fils de
chaîne; ce dernier défaut provient, soit d'un marchage
mal observé, soit d'un dérangement dans le réglage de la
mécanique Jacquard, soit enfin d'une erreur de lecture
dans le carton qui sert à opérer cette fouie.
FAUSSE équerre (Constr.). Instrument employé en
charpente et surtout dans les constructions navales pour
mesurer les angles dièdres. La fausse équerre consiste en
deux règles de bois ou de métal, assemblées comme les
deux branches d'un compas et pouvant s'ouvrir ou se
fermer sous un angle quelconque : l'une des règles est
double, c.-à-d. formée de deux règles égales réunies par
une de leurs extrémités et recevant entre elles une troi-
sième règle qui s'y loge comme une lame de couteau dans
son manche ; d'où le nom de manche donné à la règle
double et celui de lame à la règle simple (V. Chanterelle).
FAUSSE monnaie (V. Monnaie).
FAUSSE page (Typogr.). On dit qu'on tombe en fausse
page lorsque le texte qui précède certaines grandes divi-
sions devant tomber en page impaire ne se prolonge pas
jusque sur le verso, et le laisse en blanc.
FAUSSE position (Math.). Tout problème à une incon-
nue peut se résumer ainsi : en faisant subir à l'inconnue
une suite d'opérations déterminées, on trouve un nombre
connu; trouver l'inconnue. La traduction en langage algé-
brique de ce problème est l'équation f(x) — a; pour trouver
x on essaye deux nombres a et p et l'on calcule /(a) et
f ((3). Si l'une de ces quantités était égale à a le problème
serait résolu, mais, le plus souvent, ni /"(a), ni f($) ne
sont égaux à a ; alors on fait la supposition suivante en
général fausse : la différence f (a) — f([3) est proportion-
nelle à a — p, en sorte que
A*) — Aa)_# — a
m)
ou bien
a — f(ot) x — a
■ft«)~~P-«
=7 d'où#-
-((3- a).
■/»
ïm~-n*)~? -«""""' rw "~7(»-A«)'
Il arrive quelquefois (dans les problèmes choisis tout exprès),
que cette méthode donne pour x une valeur exacte ; quand
la méthode est bien dirigée, elle donne le plus souvent une
valeur approchée de x. Pour que cela ait lieu, il faut, autant
que possible, que a et [3 soient déjà des valeurs approchées
de l'inconnue x; l'application de la méthode de fausse
position revient à procéder comme si la courbe représentée
par y =zf(x) était une ligne droite, ou, si l'on veut, à
remplacer la fonction f(x) par une fonction interpolatrice
du premier degré. C'est en définitive la méthode de fausse
position que l'on applique quand on calcule log (n -+- h),
lorsque h étant inférieur à 1 , on prend log n et log (n -+- 1)
dans les tables, et quand on fait usage des parties propor-
tionnelles. H. L.
FAUSSE quinte (V. Harmonie).
FAUSSE relation (V. Harmonie).
FAUSSE sortie (Art milit.) (V. Sortie).
— 61 —
FAUSSERGUES — FAUST
FAUSSERGUES. Corn, du dép. du Tarn, arr. d'Albi,
cant. de Valence ; 642 hab.
FAUSSES décrétales (V. Décrétales).
FAUSSET (Mus.). Ce terme désigne, en musique, la
voix de tête, qui se produit quand on fait vibrer les cordes
supérieures du larynx, qui donnent le registre de tête ou
fausset, tandis que la vibration des cordes inférieures
donne le registre de poitrine (V. Voix).
FAUST, ou Doctor Johannes Faustus, est un nom
légendaire sous lequel se sont groupées toutes sortes d'aven-
tures merveilleuses ou bizarres, attribuées à divers doc-
teurs du moyen âge que T'en croyait doués de facultés sur-
naturelles. Il n'est nullement prouvé qu'un personnage de
ce nom ait jamais vécu. Les textes les plus anciens où il
est fait mention de lui remontent aux premières années du
xvie siècle ; on les trouvera réunis dans la 2e éd. refondue
de l' Histoire de la poésie allemande de Gœdeke (Grund-
risz zur Geschichte der deutschen Dic£/m?i#, II, p. 562).
Plus tard, on essaya de constituer à Jean Faust une bio-
graphie avec les éléments de la légende plus ou moins
simplifiée. Il était né, selon les uns, à Knittlingen dans le
Wurtemberg, selon les autres à Roda près de Weimar. Il
était, disait-on, l'un des hommes les plus savants de son
temps, mais il étudia de préférence les sciences occultes, et
il profita surtout de son savoir pour s'enrichir. On le con-
fondit quelquefois avec l'imprimeur Fust de Mayence. Quoi
qu'il en soit du Faust plus ou moins historique, la tradi-
tion légendaire personnifia en lui la révolte contre la doc-
trine de l'Eglise et contre la science de l'Ecole. Tel est
l'esprit du livre populaire qui parut, en 1587, chez l'impri-
meur Jean Spies de Francfort-sur-le-Main : Historia von
D. Johann Fausten, dem weitbeschreyten Zauberer
und Schioartzkûnstler, etc. L'auteur inconnu de ce livre
nous apprend d'abord qu'il est le premier à faire connaître
en entier l'histoire de Faust, que cette histoire lui a été
communiquée par un ami bien informé, et qu'elle est certi-
fiée par des personnes qui ont encore vu et connu le héros ;
il ajoute même que certains renseignements sont pris dans
les propres écrits de Faust, sans se douter que tous ces
témoignages sur lesquels il s'appuie, loin de confirmer son
récit, sont plutôt faits pour mettre le lecteur en défiance .
Le livre raconte ensuite que Faust était le fils d'un honnête
paysan de Roda, qu'il étudia la théologie à Wittenberg et
fut reçu docteur, qu'ensuite il se tourna vers la médecine
et l'astrologie, mais qu'il ne vit dans la science qu'un moyen
de satisfaire une vaine curiosité ou des passions coupables.
Ayant dépensé tout son avoir, il fit un pacte avec le démon,
qui lui associa un esprit de l'enfer, Méphostophilès, avec
ordre de le servir pendant vingt-quatre ans pour prix de
son âme. Ce terme expiré, Faust invita ses amis à un der-
nier banquet dans un village de la Saxe ; à minuit, après
que les convives se furent retirés, une tempête horrible se
déchaîna sur la maison, et le lendemain on trouva les murs
de la chambre tachés de sang et le corps de Faust étendu
sur un fumier dans la cour. Le nom de Méphostophilès,
celui qui n'aime pas la lumière, est assez maladroite-
ment formé du grec. L'épisode d'Hélène, le type de l'éter-
nelle beauté, évoquée du sein des ombres et rendue à la
vie pour tromper les ardentes convoitises de Faust, est une
autre réminiscence classique bizarrement mêlée à la tradi-
tion chrétienne. Hélène donne le jour à un fils, Justus
Faustus, et, le jour de la mort de Faust, la mère et le fils
s'évanouissent. Le livre de Spies fut souvent réimprimé au
xvie siècle ; il a été reproduit dans les temps modernes par
A. Kiïhne (Das œlteste Faustbuch, Wortgetreuer Ab-
druck der editio princeps des Spies' schen Faustbuches
vom Jahre 1587 ; Zerbst, 1868). Mais déjà ce livre ne
suffisait plus à la curiosité des lecteurs ; Georg Rudolff
Widman le remania et l'amplifia douze ans après. Son ou-
vrage contient trois parties, où il traite longuement des
Histoires véridiques et des horribles péchés du célèbre
nécromancien Docteur Johannes Faustus, sans oublier
ses disciples Ghristophorus Wagner et Jacobus Scholtus
(Hambourg, 1598-1599). Widman prétend naturellement
donner la version authentique de l'histoire que Wagner,
dit-il, avait mise par écrit sur l'ordre de son maître.
Un siècle se passa ; Opitz essaya de fonder en Allemagne
une littérature nouvelle à l'imitation de la France ; la
gothique histoire de Widman parut longue, peut-être fas-
tidieuse à des lecteurs pour lesquels on traduisait Corneille
et Racine. Jean Nicolas Pfitzer en fit un abrégé: Das
cergerliche Leben und schreckliche Ende desz vielbe-
rùchtigten Ertz Schwartzkûnstlers Johannis Fausti
(Nuremberg, 1695). Pfitzer ne prétend modifier en rien le
fond du récit, mais l'intention didactique est plus apparente
chez lui que chez ses devanciers. Son édition est accompa-
gnée de dissertations en forme sur la magie et les sorti-
lèges, et il présente Faust « en exemple et en avertissement
au monde pervers ». Au moment où cette nouvelle rédac-
tion parut, la légende s'était déjà répandue à l'étranger.
Elle ne paraît pas avoir eu beaucoup d'écho en France ;
ce n'est qu'en 1 603 que Palma Cayet publia son Histoire
prodigieuse et lamentable du docteur Fauste, d'après
Widman (reproduite dans la traduction du Faust de Gœthe,
de Gérard de Nerval ; Paris, 1868). Mais déjà l'ancienne
version de Spies avait provoqué en Angleterre une série
d'imitations. Dès l'année 1588, on signale une ballade, A
Ballade of the Life and Death of Doctor Faustus. Le
récit en prose, The History of the Damnable Life and
Deserved Death of Doctor Johannes Faustus, est sans
date, mais c'est sans doute cet ouvrage qui servit de modèle
au drame de Marlowe, Tragical History of the Life and
Death of Doctor Faustus, joué en 1594, mais probable-
ment composé quelques années auparavant (traduction fran-
çaise de François-Victor Hugo, Paris, 1858; traductions
allemandes de Wilhem Muller, Berlin, 1818; de Adolf
Bôttger, Leipzig, 1 857 ; de Friedrich Bodenstedt dans son
ouvrage sur les Contemporains de Shakespeare, Berlin,
1860, et de Alfred von der Velde, Breslau, 1870). L'œuvre
de Marlowe, apportée en Allemagne' par les comédiens
anglais, devint à son tour le type de îa pièce de marionnettes,
qui, à partir du milieu du xvn9 siècle, circula dans plu-
sieurs versions peu différentes entre elles, et qui a été souvent
imprimée dans les temps modernes (éditions du colonel von
Below, Gœttingue, 1832 ; de K. Simrock, Francfort-sur-
le-Main,1848; de W. Hamm, Leipzig, 4 850 ; de 0. Schade
dans les Weimarer Jahrbûcher, \ 856 ; de C. Engel, Olden-
bourg, 1874; de A. Bielschowsky, Brieg, 1882; de R.
Kralik et J. Winter, Vienne, 1885). L'un des éditeurs,
Karl Simrock, estime que la pièce de marionnettes est, après
le poème de Gœthe, l'ouvrage le plus remarquable qui ait
été composé sur le sujet. En tout cas, elle a pour nous le
mérite d'avoir conservé la légende sous sa forme primitive
et débarrassée des longueurs qui obstruent le roman en
prose.
Les ouvrages dont il a été question jusqu'ici ne diffèrent
que par la forme extérieure ou par le choix des détails ;
ils s'accordent sur le sens de la légende : Faust est un
révolté, égaré par son orgueil dans les voies de l'erreur
et du vice, et qui expie son péché dans les flammes éter-
nelles. Vers le milieu du xvme siècle, le ton change : ce
siècle n'était pas fait pour condamner les audaces de la
pensée, ni pour prendre la défense des autorités mécon-
nues. Ce qui autrefois faisait le crime de Faust fera
désormais sa grandeur ; il devient le représentant de la
pensée humaine qui poursuit son but sans se lasser, et qui
trouve sa noblesse dans l'effort même. Lessing fut le pre-
mier à comprendre le parti que l'on pouvait tirer .de la
légende ainsi renouvelée. Une imitation de l'ancienne pièce
de marionnettes qu'il vit jouer à Berlin en 1753 lui donna
l'idée de mettre le sujet au théâtre, et ce projet ne cessa de
l'occuper, quoiqu'il en retardât longtemps l'exécution. On
trouve dans sa correspondance, à la date du 27 sept.
1767, une lettre où il recommande à son frère de lui en-
voyer la Clef de Salomon, un livre de magie dont il veut
profiter, dit-il, pour la scène du pacte. Lorsqu'en 1775 il
FAUST - FAUSTINI
— 62 —
accompagna le duc de Brunswick dans un voyage en Italie,
il confia le manuscrit à un libraire, qui l'égara. Il reste
de l'ouvrage un prologue et quatre scènes. Le drame, dans
son ensemble, ne s'écartait pas de la légende ; mais Les-
sing composa plus tard un autre plan, auquel il ne put
donner suite, et qui différait du premier par la conclusion :
Faust était délivré, par les anges, des mains de Satan. C'est
la conclusion à laquelle arrivera aussi un poète plus jeune
que Lessîng, et qui déjà s'occupait du sujet en même temps
que lui, Gœthe. Ce qui est curieux encore, c'est que les
deux auteurs puisèrent d'abord à la même source. « La
remarquable pièce de marionnettes, dit Gœthe dans Vérité
et Poésie, résonnait et bourdonnait dans ma tête sur tous
les tons. Comme Faust, j'avais parcouru tout le cercle du
savoir humain, et j'en avais reconnu de bonne heure la
vanité. J'avais pris la vie par tous les côtés, et j'étais tou-
jours revenu de mes tentatives plus mécontent et plus
tourmenté. Ces choses et beaucoup d'autres me préoccu-
paient sans cesse, et j'en faisais mes délices dans mes
heures solitaires, sans toutefois rien mettre par écrit. »
Ce n'est pas ici le lieu de parler en détail de la composition
du poème de Gœthe, ni des modifications que son plan
subit dans son esprit. Qu'il nous suffise de dire que plus
d'un demi-siècle s'écoula entre l'année 1774, où il écrivit
les premières scènes, et le mois de janv. 1831, où il scella
le manuscrit du second Faust ; ce fut, à vrai dire, l'œuvre
de sa vie. Gœthe ne se borne pas à sauver Faust, il réha-
bilite Méphistophélès lui-même. Faust et Méphistophélès,
« l'âme qui aspire toujours plus haut » et « l'esprit qui
nie sans cesse », sont, pour lui, les deux éléments indis-
pensables de toute vie humaine et les deux facteurs néces-
saires de l'histoire. Ce qui appartient en propre à Gœthe,
et ce qui rattache le plus étroitement son poème à la réa-
lité, c'est le drame de Marguerite. A côté de Gœthe ou
après lui, quelques écrivains, romanciers ou dramaturges,
se contentèrent de répéter la vieille légende ; les princi-
paux sont le peintre Mùiler (Faust' s Leben ; Mannheim,
111 8), \i\mger (Faust' s Leben, Thaten und Hœllenfahrt;
Pétersbourg et Leipzig, 1791), le comte de Soden (Doc-
tor Faust, ein Volksschauspiel ; Augsbourg, 1797),
Schink (Johann Faust, dramatische Phantasie nach
einer Sage des XVI. Jahrhunderts ; Berlin, 1804) et
Klingemann (Faust, ein Trauerspiet ; Leipzig, 1815).
Lenau seul, dont le Faust parut en 1836, renouvela une
dernière fois le sujet. De même que Lessing et Gœthe
s'étaient faits les interprètes d'une époque ardente à la
lutte et confiante dans la victoire, de même Lenau person-
nifia dans son héros les défaillances du romantisme mou-
rant, auxquelles s'ajoutait son propre désespoir. Il semble
qu'il y ait une sorte d'affinité secrète entre le sujet de
Faust et le génie allemand, qui s'y est, pour ainsi dire,
incarné à toutes les phases de son développement. Un cri-
tique allemand a dit : « Hamlet, c'est l'Allemagne » ; il serait
plus juste de dire : « l'Allemagne, c'est Faust ».
Les artistes, peintres ou musiciens, se sont occupés de
Faust presque autant que les poètes. Une belle eau-forte
de Rembrandt montre le docteur dans son cabinet de tra-
vail, tenant un livre de magie ouvert devant lui, et se levant
pour regarder le signe de l'Esprit qui lui apparaît dans une
lumière. Après le succès universel du Faust de Gœthe,
ce fut de lui surtout que l'on s'inspira. Pierre de Corné-
lius, le premier, lui emprunta le sujet de douze gravures
(1810) ; Eugène Delacroix publia, en 1828, dix-sept litho-
graphies pour la traduction française d'Albert Stapfer ; Ary
Scheffer, dans une série de tableaux, s'attacha surtout à re-
produire les scènes où figure Marguerite. Parmi les œuvres
musicales, inspirées par le poème de Gœthe, il faut citer
surtout une suite de compositions de Schumann, la Damna-
tion de Faust de Berlioz, les opéras de Spohr et de Gounod
et une ouverture de Richard Wagner. A. Bossert.
Bibl. : Dûntzer, Die Sage von Dr. Johannes Faust ;
Sttutgart, 1846. — Peter, Die Litteratur der Faustsage;
Leipzig, 1857, 3° éd. — Hauffe, Die Faustsage und der
historische Faust; Luxembourg, 1862. - Creizenach,
Versuch einer Geschichte des Volksschauspiels von Doc-
tor Faust ; Halle, 1878.
FAUSTA (V. Cornelia [Gens]).
FAUSTA (Flavia-Maxima), impératrice romaine du
ive siècle, morte en 327 ap. J.-C, fille de Maximien et
seconde femme de Constantin, mère de Constant, Constance
et Constantin IL Certains auteurs lui attribuent la mort
de son beau-fils Crispus, né de la première femme de
Constantin, Minervina. Elle même fut ensuite, à l'instiga-
tion de l'impératrice mère Hélène, étouifée dans un bain.
FAUSTIN. A la mort de Libère (366), il était prêtre en
l'Eglise de Rome, prit parti pour Ursicinus contre Damase
et fut exilé (V. Damase Ier). Faustin s'était aussi attaché
au parti de Lucifer, évêque de Cagliari, qui s'était séparé
de tous les évêques qui avaient admis à la communion ou
même à la pénitence ceux de leurs collègues qui avaient
pactisé avec l'arianisme. Les lucifériens persécutés char-
gèrent Faustin et Marcellin de présenter aux empereurs
Valentinien et Théodose une pétition (Libellus precum)
demandant protection. Par un rescrit adressé au préfet
Cynégius, Théodose fit droit à leur plainte. Outre les Libel-
lus precum, document important pour l'histoire de l'élec-
tion de Damase et pour celle du schisme luciférien, il reste
de Faustin un traité D# Trinitateseu de fide contra aria-
nos, adressé à l'impératrice Flacilla (non Galia Placidia,
comme on le trouve encore dans l'édition de Migne), et une
confession de foi dans laquelle l'auteur se défend devant
l'empereur Théodose, contre ceux qui l'accusent de sabel-
lianisme (Fides Theodosio oblata). Ces ouvrages ont été
réimprimés dans la Patrologie de Migne, t. XIII. E.-H.V.
FAUSTIN, empereur haïtien (V. Haïti et Soulouque).
FAUSTIN Hélie, jurisconsulte français (V. Hélie).
FAUST! NE. Nom de deux impératrices romaines du
11e siècle, la mère et la fille: 4° Annia Galeria Faus-
tina, distinguée de sa fille par l'épithète de senior, femme
de l'empereur Antonin le Pieux, morte en 140. Fille de
M. Annius Verus, préfet de la ville, elle épousa Antonin
vers 142 ou 115. A l'avènement de son mari au trône, elle
reçut du Sénat le titre à'Augusta. Après sa mort, on lui
décerna les honneurs de l'apothéose impériale. Un temple,
encore debout, lui fut élevé au Forum, dans lequel son
mari fut plus tard associé à son culte. Elle donna à Anto-
nin deux fils et deux filles. V Histoire Auguste dit qu'on
parla beaucoup d'elle à cause de sa grande liberté, et
qu'Antonin refoula tous ces bruits dans son âme, non sans
en souffrir. — 2° Annia Faustina, dite junior, fille de
la précédente et d'Antonin, morte en 175. Fiancée d'abord
par Adrien au futur empereur L. Verus, elle fut mariée par
son père vers 145 à son cousin et frère adoptif Marc-Aurèle.
VHistoire Auguste rend le pire témoignage de ses mœurs
et l'accuse d'avoir trempé dans la conspiration d'Avidius
Cassius. Elle donna à Marc-Aurèle onze enfants, dont l'em-
pereur Commode. Appelée de son vivant Augusta et mater
castrorum, elle devint diva après sa mort. De nombreuses
médailles et des bustes ont conservé les traits des deux
Faustine. G. L.-G.
Bibl. : E. Renan, Examen de quelques faits relatifs à
l'impératrice Faustine, femme de Marc-Aurèle, dans les
Comptes rendus de VAcad. des inscr. et b.-lettres, 1867.
— G. Lacour-Gayet, Antonin le Pieux et son temps, 1888;
ch. xi et appendice À.
FAUSTIN! (Modesto), peintre italien contemporain, né
à Brescia en 4859. Resté orphelin en très bas âge, il fut
placé à l'orphelinat de sa ville natale; il apprit ensuite le
métier de charpentier et l'exerça jusqu'à vingt ans.
M. Dallola, nommé directeur de l'orphelinat, devina la
vocation deFaustini et lui fit apprendre le dessin. En 1861,
celui-ci entra à l'Académie des beaux-arts de Milan et,
en 1869, une bourse d'études qu'il obtint au concours lui
permit d'aller compléter ses études à Rome. Les principales
œuvres de M. Faustini sont : Une Conjuration au
xvne siècle (exposée à Florence en 1867) ; Saint Fran-
çois d'Assise, miracle des roses (Rome, 1875); Arres-
tation de Luisa SanFelice(i87§), le chef-d'œuvre de
— 63 -
FAUSTINI — FAUTE
l'artiste, où se retrouvent toutes les qualités de l'école
italienne moderne, composition habile, touche spirituelle
et adroite au dernier point, coloris chatoyant. Citons
encore, avec les mêmes éloges, Janghen Var, sujet inspiré
par le Constantinopoli de M. de Amicis. Ad. T.
FÂUSTLE (Johann von), homme politique bavarois, né
à Augsbourg le 28 déc. 4828, mort à Munich le- 18 avr.
1887. 11 fit sa carrière dans la magistrature, devint ministre
de la justice en 1871, membre du conseil fédéral en 1872
et conserva ces fonctions jusqu'à sa mort.
FAUSTULUS. Nom du berger qui, dans les antiques
légendes du Latium, recueille les frères jumeaux, Romulus
et Remus, allaités par la louve, et qui pourvoit à leur édu-
cation. Sa femme s'appelait Acca Larentia (V. ce nom) ;
ayant précisément mis au monde un enfant mort, elle
devient leur nourrice. L'un et l'autre étaient au service
d'Amulius, roi d'Albe la Longue. Les érudits grecs qui
s'emparèrent pour les altérer des vieilles traditions du
peuple romain, firent de Faustulus un Arcadien, venu dans
le Latium avec Evandre ; ils le mêlèrent à la lutte qui
s'éleva plus tard entre les deux frères et racontèrent qu'il
y trouva la mort : on montrait son tombeau sur le Forum.
Le nom de Faustulus se rattache au même radical que
celui de Faunus; les deux personnages ne faisaient sans
doute qu'un dans la fable primitive. Aux temps historiques,
la cabane où il recueillit les fondateurs de Rome existait
encore à l'angle S.-O. du Palatin. Diverses œuvres d'art
ont perpétué le souvenir des faits auxquels Faustulus était
mêlé ; la plus complète est un bas-relief provenant d'un
autel de Casale. J.-A. H.
FAUST US le Semipélâgien, abbé de Lérins, puis évêque
de Riez (Régi, Reghium) en Provence, né en Bretagne,
mort vers 490. Ce prélat, de mœurs austères, très versé
dans les Ecritures, renommé pour sa piété et la sagesse de
son administration, est l'un des représentants les plus émi-
nents du semipélagianisme. Il adhéra, avec le groupe des
Massiliens, Vincent de Lérins, Gennadius et Arnobe le
Jeune, à la réaction organisée dans un couvent de Mar-
seille par le moine Cassien, à la fois contre la doctrine
pélagienne de l'indépendance de la volonté humaine et
contre la théorie augustinienne de la prédestination, La
doctrine semipélagienne , suivant laquelle la liberté de
l'homme et la grâce divine s'unissent pour collaborer à des
fins communes, fut exposée par Faustus au synode d'Arles
(47 o) qui la sanctionna. Cet exposé fut l'origine de l'ou-
vrage capital de Faustus (De gratia Dei et humanœ
mentis arbitrio), qui fut condamné, en 520, par un synode
d'évêques réunis en Sardaigne. Faustus avait écrit en outre
un grand nombre de traités portant sur des questions de
dogme et de discipline, des sermons, des homélies. Ses
œuvres se trouvent dans la Bibl. Patr. magn. (V, m, 500
et suiv.). Les Sermons ont été publiés par les PP. Mar-
tenne et Durand (Paris, 1733, t. IX). Th. Ruyssen.
Bibl. : Sidoine Apollinaire, Epist., IX, 3 et 9. — Gen-
nadius, De Viris illustribus, LXXXV. — Ceillier, Hist.-
des auteurs sacrés et ecclés., XV, p. 157 et suiv. — Simon
Bartel, Apol. de Fauste, à la fin de YHistoire chronolo-
gique des évêques de Riez.
FAUTE. I. Droit romain. — La faute, culpa, est un
acte ou une omission contraire au droit d'autrui, mais qui
ne suppose pas chez son auteur l'intention de tirer parti du
préjudice qu'elle cause. En cela, elle se distingue du dol
(V. ce mot). Mais, si elle est moins grave, elle ne peut rester
impunie : le préjudice qu'elle a occasionné doit être réparé.
Le droit romain s'est trouvé conduit à distinguer à ce sujet
deux ordres d'hypothèses où le mode de réparation et le mode
d'appréciation de la responsabilité de l'auteur sont diffé-
rents. Il peut se faire qu'entre la personne coupable de
faute et la personne lésée il n'y ait eu, avant la faute,
aucun lien de droit. C'est la faute qui va alors créer ce
lien et donner naissance à une obligation délictuelle sanc-
tionnée par une obligation ex delicto spéciale (action de
la loi Aquilia, De effusis, De posiiis) ou à l'action in
factum generalis destinée à suppléer aux lacunes de
l'action legis Aquilice. Ici, d'ailleurs, il n'y a pas à con-
sidérer le plus ou moins de gravité de la faute. Toute
faute, aussi légère qu'elle soit, oblige la personne qui l'a
commise. Mais il n'en est ainsi que des fautes qui dérivent
d'un fait actif, culpa in commitendo. La faute par
omission, culpa in omittendo, ne peut être imputable à
quelqu'un qui, n'étant pas obligé, ne s'est pas engagé à
faire quelque chose au profit d'autrui. Tout autres sont les
principes lorsque l'auteur de la faute était déjà, avant
cette faute, tenu d'une obligation envers la personne à qui
la faute a occasionné un préjudice, et lorsque cette faute
constitue précisément un manquement à cette obligation.
La faute, appelée ici faute contractuelle, consiste à faire ce
qu'on ne devait pas faire ou à omettre ce qu'on devait
faire. Aussi ne distingue-t-on pas la culpa in commit-
tendo et la culpa in ommitendo. L'une comme l'autre
est imputable au débiteur. Toutefois, il est des obligations
dont l'objet est tel qu'il n'y peut être question de faute.
Ce sont celles qui ont pour objet une somme d'argent ou
toute autre quantité de choses déterminées seulement par
leur genre. Ici, en effet, la seule faute que puisse commettre
le deb'teur consiste à ne pas exécuter son obligation au
temps convenu. Or ce retard, mora, est considéré par le
droit romain comme un genre de faute à part, régi par des
règles propres. Il faut donc envisager une obligation ayant
pour objet, soit une dation de corps certain, soit un
simple fait d'action ou d'abstention. Ainsi limitée dans son
application, la théorie des fautes contractuelles a trait soit
aux obligations résultant d'un contrat de bonne foi ou en
général d'un negotium bonœ fidei, soit aux obligations
résultant d'un contrat stricti juris. Lorsqu'il s'agit d'une
obligation de bonne foi, comme la responsabilité du débi-
teur est appréciée ex œquo et bono, la question de savoir
s'il y a faute n'est pas, semble-t-il, susceptible de recevoir
une solution générale. Tout dépend, en effet, des circons-
tances et de l'appréciation du juge. Néanmoins, de l'en-
semble des décisions d'espèce ont fini par se dégager
quelques principes d'une portée générale :
1° On distingue deux degrés dans la faute: la faute lourde,
culpa lata, celle qui suppose une négligence tellement gros-
sière qu'on l'assimile au dol, magna culpa do lus est, et la
faute ordinaire, culpa, ou faute légère, culpa levis, qui con-
siste à ne pas apporter à l'accomplissement de l'obligation la
diligentia exigée d'un bon père de famille (V. Bon père
de famille, Custodia, Diligentia) : eam diligentiam...
quam debent homines frugi et diligentes prœstare.
2° L'étendue de la responsabilité du débiteur est calculée
en raison de l'avantage qu'il retire du contrat. Il n'est
tenu que de la culpa lata, lorsqu'il ne retire du contrat
aucun avantage, comme c'est le cas pour le dépositaire.
Mais il y a exception pour les mandataires, tuteurs, cura-
teurs, tenus plus sévèrement et responsables de la culpa
levis. Dans les contrats, et ce sont les plus nombreux, où
le débiteur retire un avantage de l'opération, il est tenu
de sa faute légère, culpa levis. Toutefois, il en est où,
pour apprécier s'il y a faute, le juge ne doit pas se référer
à la diligentia du bon père de famille, mais simplement
examiner si le débiteur s'est comporté comme il en a l'ha-
bitude dans la gestion de ses propres affaires. C'est se
montrer moins sévère. Car le bon père de famille est le
type idéal du bon administrateur, et le juge sera naturelle-
ment tenté de s'en faire un portrait trop flatté. Les cas où
le débiteur ne répond que des fautes qu'il n'eût pas com-
mises dans l'administration de ses affaires sont en général
ceux où tout en faisant l'affaire d'autrui, le débiteur fait
la sienne propre, par exemple en cas de société ou d'indi-
vision.
La théorie des fautes n'a d'application dans les con-
trats de droit strict que lorsqu'il s'agit d'une stipulation
de faire où le débiteur est tenu alors de sa culpa levis, et
lorsqu'il s'agit de la stipulation de donner un corps certain,
où la responsabilité du débiteur se mesure exactement sur
ce qu'il a promis de donner et, par conséquent, ne com^
FAUTE
— 64 —
prend pas les omissions ou négligences qu'il a pu com-
mettre dans la garde de la chose.
Telle est, exposée dans ses grandes lignes, cette théorie
des fautes dégagée de toutes les controverses qui l'obscur-
cissaient autrefois et qui sont aujourd'hui abandonnées.
Deux observations la complètent. Un pacte adjoint au con-
trat pouvait modifier les règles du droit commun, sup-
primer, diminuer, augmenter la responsabilité du débiteur
en matière de culpa levis. Comme les agissements du
débiteur peuvent constituer à la fois une faute et un délit
tombant sous le coup de la loi Aquilia, le créancier a le
choix entre l'action du contrat et Yactio legis Aquiliœ
pour obtenir indemnité. G. May.
II. Ancien droit. — Les anciens jurisconsultes avaient
fondé sur les textes du droit romain une théorie qu'ils
avaient présentée comme ayant été celle de cette législation
et qui a eu cours dans notre jurisprudence pendant plu-
sieurs siècles ; elle était encore suivie lors de la promul-
gation du code. Distinguant trois degrés de faute, la faute
lourde, la faute légère et la faute très légère, ils avaient
posé des règles pour déterminer dans quels contrats et
quasi-contrats on devait être responsable de chacune de
ces sortes de fautes. Le contrat n'intervenait-il que dans
l'intérêt du créancier, comme le dépôt, le débiteur n'était
tenu que de la faute lourde. Le contrat intéressait-il à la
fois le créancier et le débiteur, ce dernier était tenu de la
faute légère; il en était ainsi du vendeur qui n'a pas
encore fait la tradition, du créancier qui reçoit un gage,
du locataire qui détient la chose louée. Enfin, si le contrat
ne concernait que l'utilité du débiteur, celui-ci était tenu
de la faute très légère ; tel était l'emprunteur dans le prêt
à usage. Cette doctrine que jamais le droit romain n'avait
connue, avait été celle de la plupart des romanistes an-
ciens, Accurse, Alciat, Cujas, Duaren, Avezan, Vinnius,
Heineccius, Antoine Favre; Pothier l'avait également
suivie. Mais déjà, dans l'ancien droit, elle avait été vive-
ment attaquée. Jacques Godefroy avait admis une division
tripartite des fautes, mais il les avait distinguées autre-
ment. Don eau et Thomasius avaient entrepris de prouver
que l'on ne devait reconnaître que deux degrés de fautes.
Un avocat du parlement de Paris, Le Brun, qu'il ne faut
pas confondre avec l'auteur du Traité des successions^
repoussant la division tripartite des fautes, soutint aussi
qu'il n'y avait que deux espèces de diligence, Tune se me-
surant sur celle qu'un homme attentif à ses affaires a cou-
tume d'y apporter, l'autre sur celle que le débiteur apporte
à ses propres affaires. Le débiteur, dans ce système, était
obligé à la première espèce de diligence, lorsque la chose
qui fait l'objet du contrat appartenait entièrement ou était
due entièrement à celui à qui le débiteur est tenu de la
rendre ou de la donner ; tels étaient l'emprunteur, le loca-
taire, le mandataire. Au contraire, lorsque les choses qui
font l'objet du contrat appartiennent en commun aux par-
ties, celles-ci ne seraient tenues, les unes à l'égard des
autres, que de la seconde espèce de diligence -; c'est ce qui
aurait lieu entre associés et co-partageants. C'est cette
division bipartite qui a été reprise plus tard par Hasse,
professeur à Kœnigsberg.
III, Droit actuel. — On a traité au mot Délit de la
faute délictuelle, c.-à-d. de celle qui ne suppose, avant le
moment où elle est commise, aucun lien de droit entre la
personne coupable de faute et la personne lésée. Il ne sera
donc question ici que de la faute contractuelle. Elle consiste
dans un défaut de soin et de prévoyance, qui est le fait du
débiteur et dont il y a lieu de le rendre responsable vis-à-
vis du créancier. Elle se distingue du dol, qui suppose l'in-
tention de nuire au créancier, et du cas fortuit, qui est un
fait non imputable au débiteur (V. Dol et Cas fortuit).
La faute contractuelle est visée par l'art. 1437 du C. civ.
d'après lequel l'obligation de veiller à la conservation d'une
chose jusqu'à la livraison soumet celui qui en est chargé
à y apporter tous les soins d'un bon père de famille. Ces
expressions, qui ont un sens traditionnel, désignent la
diligence qu'un homme attentif et soigneux apporte com-
munément à l'administration de ses affaires. On s'accorde à
reconnaître que cet article contient une règle générale sur
la prestation des fautes, applicable à toutes les obligations
qui dérivent des contrats, qu'elles aient pour objet de faire
ou de ne pas faire, ainsi qu'aux obligations ayant leur
source dans des quasi-contrats. La loi le dit expressément
pour la gestion d'affaires dans l'art. 4374. On applique
donc la règle non seulement dans les hypothèses pour les-
quelles elle a été rappelée explicitement ou implicitement
par la loi, mais aussi dans toutes celles où elle ne se
trouve pas modifiée par une disposition exceptionnelle.
C'est ainsi qu'on étend l'art. 804 à l'associé qui gère,
sans mandat spécial et exprès, les affaires sociales, et à
l'héritier qui administre une succession indivise.
Le degré de responsabilité du débiteur est fixé dans
l'art. 1137 par une règle unique ; le débiteur n'est tenu
que des fautes que ne commettrait pas un bon père de
famille, soit que la convention n'ait pour objet que l'uti-
lité de l'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur
utilité commune. Le second alinéa ajoute seulement que
cette obligation est plus ou moins étendue relativement à
certains contrats. En principe, le débiteur est donc tenu
de ce qu'on appelait autrefois la culpa levis in abstracto,
et il semble bien que l'on ait voulu rejeter par là les
anciennes distinctions des interprètes et notamment la divi-
sion tripartite des fautes. C'est ce qui résulte d'ailleurs des
travaux préparatoires (Locré, XII, pp. 326 et 431). Les
auteurs ne sont cependant pas d'accord sur le sens du code.
Les uns, comme Toullier, ont admis que le code avait
bien abrogé la théorie ancienne, mais que le débiteur est
aujourd'hui tenu de toute faute, même de la faute très
légère ; c'est faire une fausse application aux contrats et
aux quasi-contrats des art. \ 382 et 1 383 qui ne concer-
nent que les délits et quasi-délits. D'autres, comme Prou-
dhon et Duranton, ont soutenu, en se fondant sur le second
alinéa de l'art. 1137, que la division tripartite des fautes
avait été maintenue. Quelques-uns ne distinguent que la
faute grave appréciée in concrète-, et la faute légère
appréciée in abstracto. Enfin la majorité des auteurs re-
pousse aujourd'hui avec raison ces divers systèmes, mais
il existe entre eux quelques divergences. On doit dire,
croyons-nous, que l'art. M 37 établit un niveau moyen de
responsabilité qui constitue la règle, puis il ajoute, à titre
d'exception, que l'obligation du débiteur pourra être plus
ou moins étendue pour certains contrats dont le code par-
lera plus loin. Les mots plus ou moins étendue veulent
dire que la responsabilité du débiteur pourra avoir des
degrés, mais non que son obligation pourra être plus
étendue que celle d'un bon père de famille ; les exceptions
annoncées au second alinéa ne peuvent avoir pour objet
que de tempérer la rigueur de la règle posée dans le pre-
mier. On peut dire, il est vrai, que l'art. 1882 aggrave,
dans le cas qu'il prévoit, la situation faite au débiteur par
l'art. 1137, mais nous ne croyons pas qu'il décide sur une
question de faute ; il impose plutôt à l'emprunteur une obli-
gation spéciale dont l'exécution meta sa charge le cas fortuit.
Les cas où la responsabilité est moins rigoureuse sont ceux
de mandat gratuit (art. 1992) et de dépôt (art. 1927).
D'après cet article, le dépositaire doit apporter, dans la
garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte
dans la garde des choses qui lui appartiennent. Quant à
Fart. 1928, il ne fait que revenir à l'art. 1137 sans
excéder sa rigueur. L'art. 1374, al. 2, permet aussi au
juge, d'après les circonstances qui ont conduit un gérant
à se charger de l'affaire, de modérer les dommages et
intérêts qui résulteraient de ses fautes ou de sa négligence.
Le débiteur qui n'a pas complètement rempli son engage-
ment peut prouver que l'inexécution provient d'un cas
fortuit ou de force majeure. C'est ce que prévoit l'art. 1733
pour l'hypothèse où le feu a pris chez un locataire ; il en
est de même des voituriers (art. 1784) et des aubergistes
(art. 1954). Au contraire, celui qui veut obtenir desdom-
mages et intérêts en invoquant une faute délictuelle et non
plus en se prévalant d'un contrat, doit faire la preuve de
la faute.
Le capitaine, lié par une sorte de contrat de mandat
envers le propriétaire ou l'armateur du navire, est respon-
sable aussi de ses fautes d'après la règle générale de
l'art. 1137 du C. civ. L'art. 221 du C. de corn, ne fait
que l'appliquer quand il dit : « Tout capitaine, maître ou
patron, chargé de la conduite d'un navire ou autre bâtiment,
est garant de ses fautes, même légères, dans l'exercice de
ses fonctions. » C'est la même règle que pour le mandat
(C. civ., art. 1992, 1er al.). Le capitaine est responsable
aussi envers les affréteurs en vertu de l'art. 222. Confor-
mément au droit commun, le capitaine, s'il prétend qu'il
n'y a pas faute de sa part, aura à prouver la force ma-
jeure pour se décharger de sa responsabilité vis-à-vis de
ceux envers qui il est tenu par un contrat ; il n'en serait
plus de même si on invoquait contre lui, non plus un con-
trat, mais l'art. 1382 du C. civ. G. Regelsperger.
Bibl. : Droit romain. — 44, pr. Dig.; Ad leg. Aquil., IX,
2.— 1, § 1, Dig., Si mens., XI, 6 ; 223 et 226 : Dig., De Verb.
signif., L. 16. — 11, Dig., De Peric. etcom., XVIII, 6. — 24,
§ 5, Dig., Solut. mat., XXIV, 3 ; 25, § 16, Dig., Fam. herc,
X, 2; 23, Dig., De Diu.reg.juï\, L. 17; 5, §2, Dig., Commod.,
XIII, 6. — 17, § 2, Dig. De Praesc, verb., XIX, 5.- 137, §§ 2,
3, Dig., De Verb. obligat., XLV, 1. — Accarias, Précis de
droit romain; Paris, 1886-1891, t. II, n° 662, 2 vol. in-8, 4e éd.
— Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles, 1876, t. II,
§§ 172, 173, 174, 3 vol. in-8, 4a éd. — Gaston May, Eléments
de droit romain; ; Paris, 1889-1890, t. II, n° 362, 2 vol. in-8,
1^ éd.
Ancien droit. — Potiiier, Traité des obligations,
et en appendice à ce traité : De la Prestation des fautes
(Œuvres de Polhier, éd. Bugnet, t. 11). — Le Brun, Essai
sur la prestation des fautes (ajouté au t. II de Pothier, éd.
Bugnet). — Doneau, Commentarium juris civilis, liv. XVI,
ch. vu et xiii. — Thomasius, De Usupractico doctrinœ de
culparum prsestatione in contractibus.
Droit actuel. — J.-C. Hasse, Die Guipa des rômi-
schen Rechts; Kiel, 1815. — Blondeau, Dissertation (The-
mis, II, pp. 349 à 374). — Alban d'Hauthuille, De la Pres-
tation des fautes, dans Rev. de lêgisl. et de jurisprudence,
II, pp. 269 et 342. — Marcadé, Explication du Code civil,
t. IV, pp. 433-435. — Demolombe, Traité des contrats ou
des obligations conventionnelles, 1. 1, pp. 382-395.— Colmet
de Santerre, Cours analytique de CodeciviU t. V, pp. 66-
71. — Aubry et Rau, Cours de Code civil français, 4e éd.,
t. IV, § 308. — Laurent, Principes de droit civil, t. XVI,
pp. 273-296. — Arntz, Cours de droit civil français;
Bruxelles, 1879, 2» éd., t. III, p. 34. — Lyon-Caen et Re-
nault, Précis de droit commercial, 1884-85, t. II.
FAUTEUIL. Le fauteuil est un siège à dossier et à bras
qui a remplacé les chaires (chaières) du moyen âge et de la
Renaissance. Dès cette époque, le faudesteuil était mobile
et il se prêtait mieux à tous les déplacements de la vie
intérieure que la chaire condamnée par ses dimensions et
par sa lourdeur à rester fixée au même endroit. On peut
retrouver son origine dans la chaise curulequi, après avoir
été le siège distinctif des consuls et des sénateurs de Rome,
fut adoptée par les monarques des premiers temps du moyen
âge, non sans avoir subi des modifications de forme et de
décoration. Au xive siècle, les rois de France possédaient
des faus testeurs ou faldistoires en métal enrichis de
pierres précieuses ou en bois sculpté et revêtu de velours
richement décoré d'armoiries peintes par les artistes valets
de chambre de la maison royale. Quelques-uns de ces sièges
étaient disposés à charnières qui permettaient de les plier
en deux pour les transporter plus facilement dans les voyages,
comme ceux dont on se sert actuellement dans les jardins
et sur les plages des bains de mer. Cette forme de pliant
fut pendant longtemps fabriquée dans la Haute-Italie, et il
nous est parvenu des fauteuils en bois de cèdre incrustés
de marqueterie d'os et de métal qui sont de charmants
spécimens du mobilier connu sous le nom à'alla certosina.
D'autres fauteuils italiens étaient sculptés dans le bois et
enrichis de dorures. La Renaissance française connut sur-
tout les fauteuils à dossier droit et revêtu d'arabesques et
de figures entaillées dans le bois. Ce ne sont à proprement
parler que des chaises caqueteuses auxquelles on a joint
deux bras pour servir d'appui ; mais la sculpture en est
généralement traitée avec un grand soin.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — "XY1T.
— 65 — FAUTE - FAUTEUIL
L'invasion des modes hollandaises en France, vers la fin
du xvie siècle, multiplia le nombre de ces sièges qui étaient
Faudesteuil en bronze, xne siècle.
relativement rares pendant la Renaissance. Les fauteuils
nouveaux étaient terminés par des dossiers peu élevés
s'élevant à angle droit, avec des bras offrant une disposition
rectiligne. Ces meubles, qui nous paraissent aujourd'hui
d'un usage peu confortable, étaient revêtus de cuir repoussé
et doré ou de tapisseries au point. On en trouve de nom-
breux spécimens dans les recueils de gravures d'Abraham
Bosse, si curieuses à consulter pour connaître la société
française du règne de Louis XIII. Ce mobilier un peu rudi-
mentaire ne s'accordait plus avec les richesses décoratives
des palais de Versailles et de Marly. Lebrun et les dessina-
teurs du cabinet du roi Louis XIV composèrent alors de
larges fauteuils à dossier renversé, à bras gracieusement
recourbés et à pieds hardiment sculptés, qui répondaient
mieux avec leur garniture de velours et de lampas au luxe
somptuaire du nouveau règne. Il reste, dans les palais
nationaux et dans les magasins du mobilier national,
nombre de ces sièges qui sont des chefs -d'œuvre de goût,
et il n'est pas rare d'en voir certains spécimens atteindre des
prix considérables quand ils passent en vente publique.
La somptuosité inaugurée par Louis XIV lui survécut
jusqu'à l'époque de la Révolution. Ce sont des types de
goût que les fauteuils de la Régence et que ceux du règne
de Louis XV. S'ils sont moins majestueux que ceux du
xvne siècle, ils présentent une grâce de formes et une
légèreté de décoration que leurs prédécesseurs ne connais-
saient pas. Mais il fallait la fantaisie et le goût fran-
çais pour dissimuler ce cjue leurs ornements de style rocaille
présentaient de chimérique et de contraire aux vrais prin-
cipes de l'art. Partout ailleurs, en Italie aussi bien qu'en
Allemagne, rien n'est plus incohérent et plus lourd que les
sièges à bras du xvme siècle. Il faut ajouter que les manu-
factures des Gobelins et de Beauvais exécutaient à l'envi
des garnitures de sièges représentant des scènes pastorales,
des fables et des bouquets de fleurs qui sont des merveilles
de fabrication. Sous Louis XVI, le fauteuil reprit une forme
plus rationnelle. Les cartouches à coquilles et à enroule-
5
FAUTEUIL — FAUVELET
66
ments furent remplacés par un dossier à médaillon arrondi,
surmonté d'une couronne de roses et relié au siège par deux
bras évasés pour donner plus d'espace au corps. La sculp-
ture y atteignit les dernières limites de la délicatesse ; ce ne
sont, sur tous les montants, que rais de cœur, cordons de
perles, feuilles d'acanthe et pieds cannelés, avec garni-
tures de bergers et de bouquets de fleurs tissées en basse-
lisse. Les meilleurs modèles de cette époque se voient dans
la suite des gravures de de La Londe.
L'époque révolutionnaire ressuscita les fauteuils et les
sièges en acajou copiés sur les bas-reliefs antiques, mais
ce fut pour peu de temps. Percier tenta de trouver un style
réunissant à la fois les ornements de la Rome ancienne
avec ceux de la Renaissance. Il échoua dans son entreprise
qui ne produisit que des créations hybrides où les sièges
des fauteuils sont soutenus par des pilastres à gaines ou
par des cornes d'abondance s'entre-croisant. D'autres rap-
pellent les monuments égyptiens, mais la plupart se rap-
prochent plus ou moins de la chaise curuie à pieds droits.
Si lourd que fût ce mobilier, il s'épaissit encore sous la
Restauration, en perdant les qualités de bonne exécution
qu'il conservait encore, grâce à la présence des anciens
menuisiers-ébénistes qui survivaient. Eux disparus, le
fauteuil ne présenta plus aucun caractère d'art et il devint
un simple travail industriel. Pendant près de trente ans la
mode se contenta de fauteuils à bras terminés en spirales
remplaçant les cols de cygne ou les faisceaux de l'Empire,
qui atout le moins montraient une préoccupation artistique,
bien qu'elle fût mal dirigée.
Depuis que les études esthétiques et le goût de l'art se
sont réveilles en France, on a reconnu la nécessité de
renouer la chaîne avec notre ancienne école, qui avait été
interrompue pendant plus d'un demi-siècle. Les critiques,
les dessinateurs, les fabricants se sont occupés à la fois de
toutes les époques anciennes, suivant que leur tempérament
ou le goût de leurs clients les y poussait. Aux uns il fallait
le fauteuil Henri II, tandis que les autres préféraient le
siège d'apparat de Louis XIV, ou la bergère de Louis XV.
Cette confusion de style que l'on constate dans toutes les
productions de l'ameublement actuel et qui lui enlève une
partie de son originalité, n'a pas été cependant sans
produire de bons résultats. Elle a appris à nos fabricants
à retourner aux traditions de bonne exécution qu'ils
avaient perdues ; elle leur a enseigné en outre les règles
du goût qui sont si longues à acquérir et si difficiles à
conserver. Il suffit parfois d'un détail qui passe inaperçu
dans le dessin d'un modèle, pour enlever à un meuble le
caractère d'harmonie qui lui est indispensable pour plaire.
Les fabricants parisiens ne se sont pas bornés à l'état de
simples copistes et ils composent chaque jour des fauteuils
bien construits et bien travaillés.
La forme des fauteuils est variée à l'infini. On peut dire
que chaque pays et que chaque classe d'individus la choisit
à sa ressemblance. Les gravures du dernier siècle en con-
tiennent une suite très variée. Parmi celles que l'on emploie
le plus souvent, nous citerons : le fauteuil à la Voltaire,
le fauteuil américain ou anglais, le crapaud, le confortable
ou brougham, le fauteuil gondole, la bergère, le fauteuil
confessionnal, le fauteuil confident, le fauteuil mécanique, le
fauteuil à porter et le fauteuil roulant. A. de Champeaux.
Fauteuil académique (V. Académie).
Fauteuil-Lit (Chem. de fer) (V. Coupé).
FAUVEAU (Mlle Félicie de), sculpteur, née à Florence,
de parents français, en 4803. Au Salon de 4827, elle
exposa deux groupes : l'Abbé, sujet tiré du roman de
"Walter Scott ; Christine et Monaldeschi. Deux bronzes
exposés en 4842, Saint Georges et le Martyre de Sainte
Dorothée lui valurent une première médaille. Légitimiste
ardente, Mlle de Fauveau prit une part active à l'insurrec-
tion de Vendée. Saisie, emprisonnée, puis acquittée, elle
ne cessa pas pour cela de conspirer. Condamnée par contu-
mace, elle se réfugia en Belgique, puis, traversant la
France sous un déguisement, elle s'établit à Florence en
4835. Là, l'étude des maîtres primitifs devint sa pas-
sion ; elle parvint à s'assimiler quelques-unes de leurs
qualités, tout en exagérant leurs défauts. Au Salon de 4842,
elle envoya une Judith, représentée sous les traits de la
duchesse de Berry ; la tête d'Holopherne rappelait ceux
du roi Louis-Philippe. Parmi les nombreuses œuvres de
MUe de Fauveau, on peut citer : une Sainte Geneviève en
marbre ; un monument à la mémoire de Dante, avec un
bas-relief représentant la Mort de Françoise de Rimini.
En 4852, le Combat de Jarnac. En 4855, un Crucifix
et une Fontaine. En 4860, Mlle de Fauveau exécuta à
Florence le Mausolée d'une jeune fille. — Dans les
figures un peu fluettes, sculptées par Mlle de Fauveau, la
science est insuffisante, mais elle réussit parfois à sauver
la faiblesse de la forme par la grâce de l'idée et l'esprit de
l'invention.
Bibl. : V. Gaz. des beaux-arts, juin 1887.
FAUVEL (André-Joseph), dit l'Aîné, violoniste français,
né à Bordeaux en 4756. Il fut le maître de Rode (V. ce
nom). Fixé à Paris depuis 4787, Fauvel y vivait encore en
4844, retraité de sa place d'alto à l'orchestre de l'Opéra.
Il a publié sept œuvres de duos, trios, quatuors et études
pour le violon et a laissé en manuscrit de nombreuses
œuvres instrumentales. M. Br.
FAUVEL (Sulpice-Antoine), médecin français, né à
Paris le 7 nov. 4843, mort à Paris le 5 nov. 4884. In-
terne des hôpitaux de la promotion de 4835, médaille
d'argent au concours des internes, docteur en médecine en
4840, chef de clinique de la Faculté en 4842, il avait été
nommé médecin du bureau central des hôpitaux en 4845.
En 4847, l'institution des médecins sanitaires venait d'être
définitivement organisée, Fauvel fut désigné pour le poste
de Constaritinople. Arrivé à la fin de ladite année, il con-
serva ses fonctions jusqu'en 4868, époque à laquelle il fut
appelé à succéder à Métier comme inspecteur général des
cordons sanitaires. Pendant vingt années, Fauvel a étudié
sur place les grandes épidémies de choléra qui ont sévi à
Trébizonde, à Constantinople, en 4848, et pendant la
guerre de Crimée, en 4854. On reconnaît qu'il a su
déployer assez d'énergie et de ténacité, malgré les opposi-
tions de toute nature, pour protester contre le passage des
troupes par Varna où le fléau était dans toute sa force. Il
ne déploya pas moins de courage et d'humanité lors des
épidémies de typhus de 4859 et de 4863, et c'est à lui que
l'on doit l'organisation de la conférence internationale de
Constantinople réunie pour la première fois à Constanti-
nople le 43 févr. 4866. Fauvel avait été nommé membre
du conseil supérieur de santé de l'empire ottoman en 4 848
et professeur de pathologie médicale à l'école impériale de
médecine de Constantinople en 4849. Il fut l'un des fon-
dateurs de la Société de médecine et de la Gazette médicale
d'Orient, de cette ville. Dès son retour en France, Fauvel
reprit son service à l'Hôtel-Dieu ; l'Académie de médecine
l'appelait dans son sein en 4 867 et il était vice-président de
la compagnie lorsque la mort le surprit. Toutes les publica-
tions et rapports de ce savant épidémiologiste se trouvent
insérés dans le Recueil du Comité consultatif d' hygiène
et dans le Bulletin de l'Académie de médecine de 1848
à 1884. Dr A. Bureau.
FAUVELET (Jean-Baptiste), peintre français contempo-
rain, né à Bordeaux en 4849. Elève de Delacour, il vint
jeune à Paris et se fit remarquer dès son début au Salon
de 4845 avec un Jeune Homme lisant, et, en 4848, avec
son tableau Nonchalance. L'œuvre de M. Fauvelet, com-
posé presque exclusivement de scènes de genre, peintes en
très petites dimensions, montre un fini précieux dans les
figures, mais sans sécheresse, sans dureté ; la couleur en
est fine, souple, harmonieuse. Ses sujets sont du genre
gracieux, galant, féminin. On peut citer comme ses meil-
leures toiles : Un Ciseleur (S. 4850, mus. du Luxem-
bourg); les Jeunes Mères; Deux Musiciens (S. 4855,
appartient à l'Etat) ; l'Amateur (S. 4857) ; la Partie de
piquet (S. 4862) ; les Plaideurs (S. 4864, mus. de Mar»
seille) ; la Lecture interrompue (S. 4867). Depuis 1870,
M. Fauvelet a cessé d'exposer. Ad. T.
FAUVELET de Bourrienne (V. Bourrienne).
FAUVELET du Toc (Antoine), historien français du
xviie siècle. Il était secrétaire des finances de Monsieur,
frère de Louis XIV. Il a écrit Y Histoire des secrétaires
d'Etat, contenant l'origine, le progrès et V établisse-
ment de leurs charges, avec des éloges, armes, blasons
et généalogies de ceux qui les ont possédées (Paris,
4668, in-4). On lui doit aussi la publication de Y Histoire
de Henri, duc deRohan, pair de France (Paris, 4666,
in-12; Cologne, 4667, in-12); mais il a seulement signé
l'épître dédicatoire de cet ouvrage dont l'auteur est resté
inconnu, et il en a retouché le style. G. R.
Bibl.: Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles,
1648-52, publ. par Gustave Saige, 1883-85, 2 vol. in-8.
FAUVERNEY. Corn, du dép. de la Côte d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Genlis; 503 hab.
FAUVETTE (Ornith.). Les Fauvettes, qui doivent sans
doute leur nom aux couleurs fauves, ou plutôt roussâtres,
de leur plumage, constituent, dans l'ancien groupe des
Passereaux dentirostres de Cuvier (V. Passereau), une
famille naturelle, celle des Sylviidés, correspondant en
partie à l'ancien genre Syluia, de Linné. Ce sont des
oiseaux de petite taille, aux formes sveltes, à la tête
arrondie en dessus, au bec droit, souvent un peu aplati
vers la base qui est garnie de quelques poils rigides, et
comprimé vers la pointe, près de laquelle on distingue, sur
le bord de la mandibule supérieure, cette dent que l'on
retrouve chez beaucoup d'insectivores. Les pattes, revêtues
en avant de grandes scutelles, le long du tarse, se termi-
nent par des doigts courts, aux ongles faibles, mais assez
fortement recourbés. Les narines, de forme oblongue, se
trouvent recouvertes par un opercule; les yeux restent
toujours plus petits que chez les Merles et les Rouges-Gorges,
et les ailes, plutôt arrondies que pointues, atteignent au
repos à peu près la moitié de la longueur de la queue.
Celle-ci est formée de douze pennes qui sont tantôt égales
et de couleur uniforme comme chez les Fauvettes pro-
prement dites (Sylvia), tantôt étagées et plus ou moins
tachetées à l'extrémité comme chez les Rousserolles, les
Locustelles,les Aedon, les Cisticoles, etc. Le plumage est
généralement mou et de teintes modestes, le gris verdâtre,
ou roussâtre, le fauve, le roux étant les couleurs domi-
nantes sur lesquelles se détachent quelques dessins blancs,
noirs ou bruns. Parfois même la livrée est presque uni-
colore.
Les Fauvettes proprement dites (genre Sylvia des au-
teurs modernes) vivent à la lisière des bois, dans les ver-
gers et les jardins et font pendant toute la belle saison une
chasse active aux insectes qui forment le fond de leur
nourriture et auxquels elles joignent tout au plus en
automne quelques fruits et quelques baies. Ce sont donc
des oiseaux éminemment utiles, qui mériteraient d'être
protégés et qui se recommandent en outre par leur gentil-
lesse, par la grâce de leurs allures et la douceur de leur
chant. Certaines espèces, comme la Fauvette à tête noire,
sont même très recherchées comme oiseaux de volière, à
cause de leurs facultés musicales. Cette Fauvette à tête
noire (Sylvia atricapilla L.) est assez répandue dans nos
départements du Nord, du Centre, de l'Est et de l'Ouest
durant la belle saison, et passe l'hiver sur les bords de la
Méditerranée. Elle doit son nom à la présence chez le mâle
d'une calotte noire qui est remplacée chez la femelle par
une calotte d'un roux brunâtre. Au contraire, chez la
Fauvette des jardins (Sylvia hortensis Gm.), qui habite
aussi toute l'Europe tempérée, le sommet de la tête est de
la même couleur que le dos, c.-à-d. d'un gris olivâtre.
La Fauvette babillarde (Sylvia garrule Briss.), la Fau-
vette orphée (S. orphea Tem.), la Fauvette grisette
(S. cinerea Briss.), la Fauvette subalpine (S. subalpina
Bonelli),la Fauvette à lunettes (S. conspiscillata Marm.),
la Fauvette épervière (5. nisoria Bechst.), la Fauvette
Fauvette babillarde.
M — FAUVELET — FAUX
mélanocéphale (S. melanocephala Gm. ) et quelques
autres espèces ont les unes à peu près le même habitat que
la Fauvette des jardins, tandis que les autres se rencon-
trent plutôt dans le nord de l'Afrique, en Asie, ou dans le
midi de l'Europe. Elles se tiennent Àe préférence dans les
haies et les
broussailles et
se font remar-
quer par la viva-
cité de leurs
allures. Elles
se distinguent
aussi par la pré-
sence de taches
blanches plus ou
moins étendues
sur leurs pennes
caudales ex-
ternes et par
certaines dif-
férences de
nuances dans les
livrées des deux
sexes. Aussi certains naturalistes se sont-ils autorisés à ran-
ger ces Fauvettes dans un genre spécial, le genre Curruca,
mais cette subdivision n'est nullement justifiée. En revanche,
on peut conserver les genres Phylloscopuson Pouillot (V. ce
mot), Hypolais (V. ce mot), Acrocephalus ou Calomo-
dyta (V. ces mots et les mots Rousserolle et Phragmite),
Locustelle, Aedon, Cettia ou Bouscarle, Amnicole, Cis-
ticole (V. ces mots) et Regulus ou Roitelet (V. ce mot),
qui comptent tous des représentants dans la faune euro-
péenne, plus les genres Ortkotomus, Prinia, Dry-
moica, etc., qui renferment des espèces exotiques et que
certains ornithologistes modernes croient d'ailleurs devoir
distraire de la famille des Sylviidés pour les rapporter à
celle des Timéliidés (V. ce mot). E. Oustalet.
Bibl.: Degland et Gerbe, Ornith. europ., 1867, t. I,
p. 471, 2° éd. — H. Seebhom, Cal. B. Brit. Mus.; 1885, t. V.
— R.-B. S harpe, Cat. B. Brit. Mus., 1885, t. VII. — F. de
Sghaeck, les Fauvettes d'Europe, dans Mém. Soc. zool.
de France, 1890, t. IIL
FÂUV1LLE. Coin, du dép. de l'Eure, arr. et cant. (S.)
d'Evreux; 402 hab.
FAUVILLE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. d'Yvetot; 1,345 hab. Eglise en partie romane,
remaniée au xme siècle et postérieurement.
FA UV RADE (Pêche). On désigne sous ce nom, sur les
côtes de Provence, une enceinte de filets établie près de la
côte pour y renfermer les thons capturés au moyen de
l'engin nommé seinche (V. ce mot).
FAUVRE La Brunerie (Charles-Benoît), homme poli-
tique français, né à Touchay (Cher) en 1750, mort à
Touchay en 1823. Administrateur du Cher (1790), il fut
élu à la Convention par ce département le 6 sept. 1792,
et prit rang parmi les montagnards. Il vota la mort du
roi et fut envoyé en mission dans les dép. du Cher, de
l'Allier et de la Nièvre. Malgré l'intransigeance de ses opi-
nions, il prit rarement la parole dans l'Assemblée. Le
4 brumaire an IV, il fut élu au conseil des Anciens, devint
secrétaire de celte assemblée, et, réélu par le Cher le
22 germinal an VI, il rentra tout à fait dans la vie privée
après le coup d'Etat de brumaire, contre lequel il protesta
vainement. En 1816, expatrié comme régicide, il passa en
Suisse.
FAUX. I. Technologie. —La faux est un instrument à
bras servant à couper l'herbe des prairies naturelles ou
artificielles et les céréales. Elle se compose d'une lame L
et d'un manche M. La lame est courbée en arc de cercle
allongé se terminant en pointe ; elle se compose du tran-
chant t, du dos d et du talon l; au talon est fixée une
douille D pour recevoir l'extrémité du manche, ou bien
un crochet qui entre dans un anneau porté par le manche;
de cette manière, on peut régler l'angle formé par la lame
FAUX
- 68
et le manche, c.-à.-d. le grand angle de la faux. En
outre, la lame est inclinée par rapport au plan dans lequel
se trouve le manche, suivant un angle aigu appelé petit
angle de la faux. Le règlement de ces deux angles a une
grande importance pour le coupage ; la règle est celle-ci :
pendant le travail, le talon doit être parallèle au sol. Plus
les herbes sont tendres, plus le petit angleest ouvert. Le
manche de la faux est en bois ; il est garni vers le milieu
de sa longueur d'une poignée P que le faucheur saisit de
la main droite, tandis que de la gauche il en tient l'extré-
mité. Le plus souvent, le manche est droit ; en Belgique,
et surtout dans le Brabant, la faux à manche courbe est
très répandue ; en outre, ce manche est garni à son extré-
mité libre d'une pièce de bois en forme de béquille que
l'ouvrier passe sous son bras. Quel que soit le modèle de .
faux adopté, ce qu'il ne faut pas perdre de vue c'est que
la bonne qualité de la lame est une condition essentielle
pour le bon fonctionnement de l'instrument. Aujourd'hui,
la plupart des lames sont en acier ; d'ailleurs le tranchant
doit être affûté de temps à
^ autre. Dans la coupe des
1 céréales, où. il faut soute-
nir les tiges coupées pour
les disposer en javelles
lorsque leur quantité est
suffisante, on emploie la
faux armée, c.-à-d. munie
d'une armature consistant
en une pièce de bois légère
qu'on fixe perpendiculai-
rement à la lame dans une
mortaise pratiquée sur le
manche, et qu'on assujettit
par un bâton courbe qui
part de l'extrémité de cette
pièce pour rejoindre le
manche ; ce bâton est ren-
forcé par une seconde pièce
de bois parallèle au premier
montant ; le montant est
garni de quelques branches
en osier auxquelles on donne la même direction et la même
courbure qu'à la lame de la faux. Le fauchage des céréales
est beaucoup plus facile et bien plus expéditif que celui des
prairies, car point n'est besoin de couper aussi ras; d'ail-
leurs l'état de siccité des chaumes facilite la coupe. On
compte qu'un bon faucheur peut couper par jour 30 à 35 ares
de prairie ordinaire ; pour les céréales, il peut atteindre et
parfois même dépasser 45 ares. A. Larbalétrier.
Fabrication. La longueur des lames de faux se mesure
sur le dos et varie de 0m60 à lm20. Aujourd'hui, les
lames se fabriquent de deux façons : en acier naturel non mal-
léable de Styrie et en acier fondu donnant les lames dites faux
anglaises ; ces dernières sont plus dures et, par conséquent,
plus cassantes que les premières et s'affûtent sur la pierre.
Les faux qui se fabriquent en France, dans les environs
de Saint-Etienne, sont à tranchant d'acier malléable, bien
moins fragiles que les précédentes ; lorsqu'elles rencon-
trent un obstacle, le tranchant se fausse et peut se rebattre
au marteau qui ne fait que réparer les petits accidents. On
donne leur forme aux lames au martinet ou même au mar-
teau-pilon. On a constaté que les faux affilées sur la pierre
ont un tranchant plus vif et plus résistant que celles qui
sont rebattues. Pour affûter les faux, on emploie une pierre
trempée dans l'eau, et aux environs de Paris un morceau
de bois blanc saupoudré de grès ; ce dernier procédé est
mauvais. On emploie aussi un petit ciseau en acier très
dur fixé dans une monture de rabot. Dans les fabriques, le
tranchant est donné à la meule de grès. L. K.
IL Art militaire. — Dès la plus haute antiquité, la
faux a été employée dans les batailles, soit qu'elle fût
maniée à bras par le soldat, soit qu'elle servît à garnir les
chars de guerre qui passaient d'une allure désordonnée à
Faux
travers les rangs ennemis, en coupant tout ce qui se trou-
vait sur leur passage. La faux, comme se trouvant à portée
de la main des paysans, a toujours été l'arme des émeutes
et des guerres civiles. Les Jacques au moyen âge, les
Vendéens à la fin du siècle dernier, les Polonais des in-
surrections de ce siècle-ci en ont fait un usage des plus
meurtriers, le plus souvent après l'avoir fait redresser par
un forgeron, afin qu'elle pût être ajustée dans le prolon-
gement de la hampe, et former ainsi une arme à pointe et
à tranchant des plus redoutables. Ed. S.
III. Pèche. — Filet de 2 à 3 m. de profondeur. Il est
monté sur un grand cerceau composé de plusieurs morceaux
de bois joints de manière à former une portion de cercle
très surbaissée; une corde s'étend d'une extrémité de l'arc
à l'autre. Pour se servir de cet engin, deux hommes le
prennent chacun par une extrémité de l'ouverture, et,
entrant dans l'eau, le présentent au courant de la marée;
dès qu'un poisson est entré dans le filet, au moyen d'un
mouvement brusque, on le fait tomber dans le fond, où il
s'emmaille. E. Sauvage.
FAUX. I. Droit civil. — Toute partie qui se prévaut d'un
droit doit le prouver, s'il ne résulte pas de la loi même. La
preuve par excellence c'est la preuve littérale, c'est l'écrit
contenant la reconnaissance du droit émanant de la partie
contre qui on l'invoque. Deux catégories d'écrits constituent
la preuve littérale : les actes privés ou sous seing (signa-
ture) privée et les actes publics ou authentiques. Ce que
relate l'acte privé est placé sous la simple garantie de la
signature des parties ; la sincérité de l'acte public est garantie
par la signature d'un officier public compétent pour l'authen-
tiquer, un préfet, un maire, un notaire, un officier minis-
tériel, etc. En principe, tout acte fait foi de ce qu'il con-
tient, puisqu'il a été rédigé précisément pour fournir de
l'opération un témoignage moins fugitif que le souvenir de
ceux qui y ont concouru : Verba volant, scripta ma-
nent. Mais on conçoit que, à un premier point de vue,
l'attestation de l'écrit ne peut pas s'imposer à tout le monde
avec la même autorité ; aussi la règle est-elle que les con-
ventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes
(C. civ., art. 4165), les écrits qui les constatent, qu'ils
soient sincères ou faux, sont indifférents aux tiers qui n'ont
intérêt à les critiquer qu'autant qu'ils seraient faits pour
préjudicier à leurs droits (V. Fraude, Simulation). Mais entre
les parties elles-mêmes nous constatons des différences con-
sidérables entre ces deux genres d'écrits, en ce qui concerne
leur sincérité et les conséquences à en tirer. Dans l'acte
public, entre les parties, il y a un témoin autorisé entre
tous, le témoin de la loi, l'officier public qui atteste que
les parties lui ont déclaré faire tel contrat, par exemple.
L'acte privé n'a pas de témoin; il est son propre témoin, et
celui qui le produit ne présente d'autre garant de sa sin-
cérité que la signature qu'il prétend être celle de son adver-
saire, signature qui n'est pas plus certaine que le corps du
contrat lui-même et ce qu'il relate. En réalité donc, son
écrit ne prouve rien puisqu'il suffit à celui à qui on l'oppose
de méconnaître sa signature pour obliger le demandeur à
en prouver la sincérité, ce qui se fait au moyen d'une pro-
cédure spéciale à l'acte privé, appelée vérification d'écri-
ture ; nous ne l'indiquons ici que pour la distinguer de la
procédure de faux. Si la partie reconnaît son écriture, ou
ne la méconnaît pas, ce qui est le plus fréquent, quand elle
est produite en justice, l'acte est alors tenu pour reconnu ;
il fait la même foi que l'acte authentique (art. 4322) et ne
peut plus être attaqué que de la même façon que lui. Mais
la foi de l'acte authentique, comme celle de l'acte privé
reconnu, n'est pas absolue ; ce n'est qu'une présomption
de vérité pouvant céder à la preuve contraire; cependant
cette présomption est si énergique que, pour la détruire,
il faut s'attaquer à l'acte lui-même, démontrer, non pas
qu'il constate un fait faux, mais, plus encore, qu'il est
faux lui-même dans sa substance propre, comme le serait un
bijou de strass présenté comme un diamant. Qu'est-ce donc
maintenant qu'un acte faux ?
— 69 —
FAUX
Dans le langage du monde, on entend par faux tout ce
qui est contraire à la vérité ; en droit, le faux est l'altéra-
tion, la contrefaçon matérielle ou la supposition fraudu-
leuse d'écrits authentiques ou privés commises en vue d'en
tirer un avantage ou un profit illicite. La loi, dit Bon-
cenne, moins rigide que la morale, ne donne point au
mensonge et à la simulation le caractère du faux propre-
ment dit. Par exemple, dissimuler dans un acte de vente
une portion du prix, c'est mentir, ce n'est pas commettre
un faux ; c'est une fraude que les tiers peuvent déjouer par
des moyens plus simples que d'arguer la pièce de faux.
Constater, d'accord, par un écrit, qu'une convention a eu
lieu alors qu'il n'en est rien, c'est aussi un mensonge,
peut-être une fraude, ce n'est pas encore un faux. Mais il
y a faux quand un écrit a été créé, fabriqué de toutes
pièces à l'insu de la personne qui est censée l'avoir fait, ou
que dans les énonciations d'un écrit auquel elle a réelle-
ment concouru on a exprimé, augmenté, effacé ou modifié
quelque stipulation à son insu ou à l'insu de toutes les
parties. 11 faut donc se garder de confondre le faux avec
la simulation (V. ce mot). Dire qu'un écrit est faux, c'est
s'attaquer à l'écrit lui-même pour atteindre l'opération
qu'il constate, mais non pas prendre directement à partie
l'opération elle-même pour prétendre qu'elle n'a pas eu
lieu. Du moment qu'un écrit existe, l'opération qu'il cons-
tate est prouvée. Pour détruire cette preuve, il faut détruire
d'abord l'écrit qui en est l'instrument, parce que la loi ne
permet aucune preuve contre et outre ce qui est contenu
dans un acte écrit, autrement qu'en prouvant qu'il est
faux. Mais, comme cet écrit n'a d'effet qu'entre les parties
contractantes, les tiers, s'ils y ont intérêt, sont admis à
démontrer que l'acte contient une simulation, c.-à-d. qu'il
constate une opération différente de celle qui a réellement
eu lieu ; par exemple, il a l'apparence d'une vente et c'est
en réalité une donation qui a été faite.
La loi pénale classe les actes faux en trois catégories, d'après
le degré de culpabilité qu'elle leur attribue : faux en écri-
ture authentique, de commerce on privée; cette distinc-
tion est indifférente en droit civil. Le faux civil est un ;
toutefois l'écrit authentique présente cette particularité que
n'a pas l'écrit privé, qu'il a deux manières d'être faux.
L'acte peut avoir été rédigé par un officier public, mais
cet officier a affirmé mensongèrement comme s'étant ac-
compli devant lui un acte qui n'a pas eu lieu. Il se peut
aussi que la pièce n'ait que l'apparence d'un acte authen-
tique, qu'elle ait été fabriquée par un particulier qui, en
y constatant des faits imaginaires, lui a donné la forme
d'un acte public.
Le même nom de faux sert à exprimer l'action de fabri-
quer un écrit faux et cet écrit lui-même, d'où il suit que
le faux peut être l'objet de deux procédures d'instruc-
tion différentes, quoique tendant également à démontrer la
fausseté de l'écrit, suivant qu'il s'agit seulement de prouver
cette fausseté ou de démontrer la culpabilité du faussaire :
d'où la distinction en faux principal, ou criminel, et faux
incident, ou civil. Il est principal lorsque l'action est
portée directement devant la juridiction répressive par le
ministère public contre l'auteur présumé du faux ; il est
incident quand une pièce prétendue fausse étant produite
dans un procès civil, la partie contre qui elle est produite
s'inscrit en faux contre elle. Alors s'ouvre une procédure
dirigée contre l'écrit, abstraction faite de son auteur; elle
est incidente à Faction principale et en suspend le cours ; du
reste, Faction criminelle s'ouvrant au cours et à l'occasion
d'un procès civil produit aussi cet effet : elle est en réalité,
à ce point de vue, également incidente à ce procès, et elle
en suspend le cours par application de la règle : le criminel
tient le civil en état. Mais voici la différence capitale entre
les deux procédures, et nous venons de la faire pres-
sentir : pour que Faction criminelle puisse s'ouvrir, il
faut que l'auteur présumé du crime soit connu et qu'il
y ait contre lui des indices suffisants ; mais il n'en
est pas toujours ainsi : le faussaire reste souvent inconnu,
ou il n'y a contre lui que des soupçons, ou bien la culpa-
bilité est douteuse, ou bien encore plus de dix ans se sont
écoulés depuis la fabrication du faux et l'action criminelle
est prescrite. Un plaideur peut, de très bonne foi, d'ail-
leurs, produire dans un procès un acte dont il ignore le
vice. Dans toutes ces conditions et autres semblables où la
poursuite criminelle ne peut pas avoir lieu, la voie du
faux civil reste seule ouverte. Dans ce cas, ce n'est même
pas à celui qui produit la pièce arguée de faux que le
procès est fait, c'est à la pièce elle-même, comme nous
l'avons déjà dit, et dans un intérêt purement civil; les
seules parties en présence sont le demandeur en faux et le
défendeur à l'incident s'il croit devoir défendre la sincérité
de la pièce. Le procès criminel peut bien naître à propos
de la production d'un écrit dans un procès civil et à la
suite de la prétention émise par la partie que cet écrit est
entaché de faux. Mais alors l'action publique prend le pas
sur l'action civile, qui se trouve suspendue comme nous
l'avons vu ; elle n'en forme point un incident, comme l'ins-
cription de faux, parce qu'elle se poursuit au principal
devant une autre juridiction, la juridiction criminelle.
Pour que l'inscription de faux soit admissible, il faut
que le faux soit vraisemblable ; il est même des cas où elle ne
peut être accueillie qu'autant que cette vraisemblance s'ap-
puie sur un commencement de preuve par écrit ou des
présomptions légales de fausseté ; c'est ce qui a lieu dans
les questions de filiation (C. civ., art. 323). A l'inverse,
l'inscription de faux n'est pas toujours indispensable pour
faire écarter d'un procès civil une pièce arguée de faux,
s'agît-il même d'un acte authentique, parce que l'acte peut
être écarté par d'autres moyens sans en incriminer la sincé-
rité, ou bien parce que la falsification est tellement écla-
tante qu'elle s'aperçoit à une simple inspection de l'écrit.
Les juges ont à cet égard un pouvoir d'appréciation très
étendu ; ils peuvent se déterminer par tous les moyens
propres à former leur conviction, pourvu qu'en écartant la
pièce ils fondent leur décision sur l'altération manifeste
qu'ils ont constatée et qu'ils doivent affirmer, car ce n'est
que par cette déclaration que la foi due à l'acte peut être
infirmée. C'est pourquoi l'inscription en faux civil est très
rare et aussi parce que la loi en a entouré la procédure de
formalités et de difficultés peu faites pour l'encourager.
E. Dramàrd.
IL Droit criminel. — Au point de vue de la loi pénale,
le faux consiste dans une altération frauduleuse de la vérité
au préjudice d'autrui. Pris dans sa plus large acception, il
peut être commis de trois façons différentes : par des
actions, par des paroles, par des écrits. Dans la première
catégorie rentre la fabrication de fausse monnaie et la con-
trefaçon des sceaux de l'Etat (V. Sceau), dans la seconde
le faux témoignage (V. Témoin) et le faux serment (V. ce
mot), dans la troisième le faux en écriture qui fait l'objet
des art. 145 à 462 du C. pénal et qui constitue plus spé-
cialement le faux en droit criminel.
Le code pénal ne donne pas de définition du faux en
écriture ; c'est la jurisprudence qui a dû en déterminer les
éléments constitutifs. Trois conditions sont nécessaires
pour qu'il y ait faux criminel. La première est l'altération
ou la suppression matérielle de la vérité : c'est la base
même du crime. Cette première condition en comporte
elle-même trois autres : il faut que cette altération ait
lieu dans un écrit, qu'elle porte sur des faits que cet écrit
avait pour but de constater, qu'elle soit commise suivant
l'un des procédés déterminés par la loi. La seconde con-
dition est la volonté frauduleuse de la part du coupable,
c.-à-d. la volonté de procurer à soi ou à d'autres un béné-
fice illégitime. Il faut enfin que le faux soit de nature à
porter préjudice à autrui. S'il n'est pas apte à nuire à
quelqu'un, le faux n'existe pas à l'égard de la loi pénale,
mais il n'est pas indispensable que le préjudice, réel ou
éventuel, atteigne une personne déterminée ; il suffit qu'il
lèse les intérêts généraux de la société : c'est ainsi qu'il
a été jugé qu'il y avait crime de faux dans le fait d'un
FAUX
— 70 -
officier de l'état civil mentionnant dans un acte de mariage
que les publications avaient été faites, la violation des
prescriptions de la loi étant une atteinte portée à la société.
La jurisprudence est, on le voit, très large dans l'appré-
ciation de la nature du préjudice. Ce préjudice peut être
matériel ou moral. Le faux existe aussi bien quand c'est
la réputation d'une personne qui doit en souffrir que
lorsque ce doit être sa fortune. Il suffit d'ailleurs que le
préjudice puisse exister, sans qu'il soit besoin qu'il ait été
réellement causé : ainsi, commet le crime de faux l'indi-
vidu qui fabrique un billet à ordre en y apposant fausse-
ment la signature d'un autre individu, encore qu'il n'ait
pas fait usage de ce billet.
Nous avons dit que, pour que le faux existe, il devait
être perpétré suivant un des modes prévus parla loi. Il est,
à ce point de vue, divisé en deux grandes catégories : le
faux intellectuel et le faux matériel. Le faux intellectuel
consiste dans le fait de fausser le sens d'un acte, lors de
sa rédaction, sans qu'il y ait aucune contrefaçon d'écri-
ture. C'est le cas prévu par l'art. 146 qui punit tout fonc-
tionnaire ou officier public qui, « en rédigeant des actes
de son ministère, en aurait frauduleusement dénaturé la
substance ou les circonstances, soit en écrivant des con-
ventions autres que celles tracées ou dictées par les parties,
soit en constatant comme vrais des faits qui ne l'étaient
pas » ; et que l'art. 147, sans le prévoir aussi spéciale-
ment, punit lorsque, par exemple, des particuliers font de
fausses déclarations devant un officier public, ou insèrent
dans un acte privé de fausses déclarations sans qu'il y ait
d'altération d'écritures. Le faux matériel consiste, ou dans
l'altération d'un titre existant de telle façon que les con-
ventions qui s'y trouvent soient modifiées au préjudice
d'une des parties, ou dans la création d'un titre nouveau :
il peut ainsi se commettre par voie d'addition, de modifi-
cation ou de soustraction.
Le faux est toujours un crime, sauf l'exception spéciale
dont parlent les art. 149 et 152, et toujours puni,
en dehors des peines corporelles, d'une amende propor-
tionnée au préjudice pécuniaire causé. Au point de vue du
taux de la peine, le code pénal distingue le faux en plu-
sieurs catégories, et, pour les établir, il se place à deux
points de vue différents : il considère d'une part la qualité
de l'agent, d'autre part, la nature du faux en lui-même.
Le faux est commis, soit par des fonctionnaires ou officiers
publics, soit par des particuliers. Lorsque l'auteur appar-
tient à la première catégorie, de quelque façon que le crime
ait été commis, quelle qu'en soit la nature, le code pro-
nonce une seule et même peine : les travaux forcés à per-
pétuité (art. 145 et 146). Le législateur a justement pensé
qu'il fallait, à raison de la confiance que peuvent inspirer
ces personnes, de la nature de leurs fonctions, et de la faci-
lité avec laquelle elles pourraient en abuser, réprimer le
plus sévèrement possible les fautes dont elles se rendraient
coupables dans l'exercice même de ces fonctions. Mais,
cette aggravation de sévérité n'ayant d'autre but que de
garantir la société contre les abus que peuvent commettre
les fonctionnaires, les faux commis par ceux-ci en dehors
de leurs fonctions sont considérés comme commis par de
simples particuliers et ne tombent plus sous le coup des
pénalités édictées par les art. 145 et 146. Lorsque le cou-
pable est un simple particulier, la sanction pénale varie sui-
vant la nature du faux. Le code en établit deux classes : 1° le
faux en écriture authentique et publique, en écriture de
commerce ou de banque (art. 147) ; 2° le faux en écriture
privée (art. 150). Le législateur a réprimé par des peines
plus sévères les faux de la première catégorie, qu'il punit
des travaux forcés à temps, que ceux de la seconde qui sont
punis de la réclusion. Les actes publics sont tous ceux qui
émanent d'un fonctionnaire ou d'une autorité publique
(V. Acte); ils touchent à des intérêts plus généraux, ins-
pirent une confiance plus étendue que les actes privés et,
par cela même, devaient être plus spécialement protégés.
Le législateur a cru devoir leur assimiler les actes de com-
merce, et les actes de banque, qui ne sont eux-mêmes autre
chose que des actes de commerce, sans toutefois définir le
caractère de ces écrits ; la jurisprudence se réfère, à ce
point de vue, aux dispositions du code de commerce
(V. Acte). Les raisons de cette assimilation se trouvent
dans l'exposé des motifs du code pénal : « La sûreté et la
confiance, y est-il dit, sont les bases du commerce, et ses
actes présentent aussi de grands points de ressemblance
dans leur importance et dans leurs résultats avec les actes
publics : la sûreté de leur circulation, qui doit être néces-
sairement rapide, demande une protection particulière de
la part du gouvernement. Ces motifs et la facilité de com-
mettre des faux sur les effets de commerce ont déterminé
la gravité de la peine qui a pour objet leur altération. »
Tous les autres faux qui, commis dans des actes n'ayant
le caractère ni authentique ni public et qui ne sont ni actes
de commerce, ni actes de banque, sont de nature à causer
un préjudice quelconque, constituent le faux en écriture
privée, prévu par l'art. 150 duC. pénal et puni de la peine
de la réclusion.
Le code admet, à la théorie générale qui fait du faux un
crime, une exception dont nous avons parlé plus haut.
L'art. 152 dit : « Sont exceptés des dispositions ci-dessous
les faux certificats de l'espèce dont il sera ci-après parlé »;
et, dans les articles suivants (153 à 162), le code donne
une énumération qui comprend les passeports, les permis
de chasse, les feuilles de route, les certificats de maladie,
de bonne conduite, d'indigence. Les faux commis dans ces
différents actes ne sont plus punis que de peines correc-
tionnelles variant de quinze jours à quatre ans de prison,
le législateur ayant pensé qu'ils n'offraient, à des degrés
différents, qu'une gravité restreinte et un danger social peu
important. — Dans tous les cas, le code pénal punit le faux,
alors même qu'il n'en a été fait aucun usage. Mais d'un
autre côté il punit celui qui en a fait usage, comme l'auteur
lui-même (art. 148 et 151), à condition toutefois que celui
qui s'est servi de la pièce fausse ait su qu'elle était fausse.
Une seule exception à ce principe consiste en ce que l'usage
du faux en écriture authentique et publique n'est jamais
puni que des travaux forcés à temps, même lorsque le faux
est le fait d'un fonctionnaire public, alors que ce dernier
est passible des travaux forcés à perpétuité. L. Levasseur.
Bibl. : Droit civil. — V. tous les traités et commen-
taires du Code civil sous les art. 1317 et suiv., 1322 du
Code civil et les traités et commentaires de procédure
civile sous les art. 214 et suiv. — Dalloz, Répertoire,
v° Obligations.
Droit criminel. — Dalloz, Répertoire de jurispru-
dence, t. XXIV, pp. 490 et suiv. — Chauveau et Hélie,
Théorie du Code pénal, t. II, chap. xxn et suiv. — Gar-
raud, Traité théorique et pratique du Code pénal français,
t. III, n09 53 et suiv.
FAUX (Porte à) (Archit.). Partie supérieure de cons-
truction qui ne s'élève pas directement sur la partie infé-
rieure et à son aplomb, mais qui est portée, soit en saillie
ou en encorbellement, comme les étages supérieurs des
maisons de bois du moyen âge ; soit en retraite, comme
le dernier étage de certaines constructions modernes. Les
architectes des deux derniers siècles ont excellé aussi à
élever des encoignures ou des pans coupés, parfois des
parties circulaires, en porte à faux, soit au-dessus d'assises
en encorbellement, soit au-dessus de voûtes en trompe. —
On dit encore d'un trumeau qu'il est en porte à faux lors-
qu'il ne s'élève pas dans l'axe même d'un trumeau ou
d'une baie tout en étant à leur aplomb et que, ainsi, la
charge se répartit irrégulièrement sur les points d'appui
placés au-dessous. Charles Lucas.
FAUX acacia (V. Robinier).
FAUX aubier (Sylvie). Altération du bois des arbres
sur pied sur une ou plusieurs couches concentriques. Les
couches altérées ont une couleur plus claire que celle du
bois sain ; leurs tissus sont mous, souvent spongieux. Cette
altération déprécie beaucoup la valeur du bois. On l'attri-
bue aux gelées qui surprennent le bois lorsqu'il est encore
imparfaitemennt aoûté. G. Boyer.
— 71
FAUX — FAVA
FAUX-Bourdon (Mus.). Ce mot, dont l'étymologie est
très incertaine, désigne en musique une espèce de contre-
point vocal, note contre note, réalisé généralement sur un
plain-chant sy lia bique d'après les règles harmoniques en
usage à l'époque où il a été composé. L'apparition du faux-
bourdon remonte à l'époque des premières manifestations
de l'harmonie. Les chanteurs d'Avignon l'introduisirent en
Italie quand la cour pontificale revint à Rome. Très som-
maire, il se composait le plus souvent de trois parties
marchant diatoniquement et disposées de la manière sui-
vante : la partie aiguë faisait le chant, la partie intermé-
diaire accompagnait à la quarte et la partie grave à la
sixte. La conclusion, en consonance parfaite, se composait
de l'octave et de la quinte. Quelquefois l'une des parties
était fleurie d'une ligalure accusant la cadence. Plus tard,
le faux-bourdon se complique sous l'influence de l'école de
contrepoint vocal des xvie et xvne siècles. La mélopée
grégorienne, la plupart du temps respectée, y était en-
châssée dans des parties chargées de formules, d'agréments
laissés souvent à l'inspiration des chanteurs. Quelques
faux-bourdons, réalisés par les maîtres, sont parvenus
jusqu'à nous et constituent de véritables contrepoints à
quatre, cinq, .six et même huit parties. D'autres, écrits
note contre note, n'en étaient pas moins fleuris « alla
mente » par les exécutants. On chantait ainsi à la Sixtine
les Miserere célèbres de.Baï, d'Allegri, de Dentice. Sur
l'exécution de ce dernier Miserere, Francesco Severi, chan-
teur du pape au xvne siècle, a écrit un ouvrage fort curieux
publié à Rome par Nicolo Borboni en l'an 1615, dont on
trouvera le titre complet dans le Dictionnaire de Plain-
Chant de d'Ortigue à l'art. Faux-Bourdon. Citons, parmi
les faux-bourdons des maîtres anciens, ceux de Viadana,
de Palestrina, de Vittoria. L'usage des faux-bourdons s'est
maintenu dans les maîtrises jusqu'à nos jours pour l'ac-
compagnement de la psalmodie. Mais les innovations har-
moniques l'ont considérablement modifié. Ch. Bordes.
FAUX ébénier (V. Cytise).
FAUX entrait (Charp.). Pièce de bois horizontale des-
tinée, soit à maintenir l'écartement des arbalétriers dans
un comble à deux égouts de grande hauteur, soit à recevoir
les solives d'un faux plancher dans un comble à la Mansart.
FAUX incident civil (Procéd.). Lorsque, au cours d'un
procès, la partie contre laquelle une pièce est produite, sou-
tient que cette pièce est fausse ou falsifiée, elle est admise
à établir la fausseté de la pièce, en suivant une procédure
spécialement organisée pour ce cas par les art. 214 à 251
du C. de procéd. civ. et qui s'appelle la procédure
du faux incident civil. La loi ne prévoit ainsi l'action
civile en faux que sous la forme incidente. Quelques auteurs
estiment qu'elle statue simplement sur le plerumque fit et
que rien ne s'oppose à ce qu'on introduise au civil, lorsque
l'action criminelle est éteinte, une action principale en faux.
Mais la jurisprudence décide au contraire qu'on ne peut pas
se pourvoir par action principale, et elle se base, pour
admettre cette solution, sur l'art. 1319 du C. civ., qui
statue sur la plainte en faux contre les actes authentiques
et dont la teneur implique que l'action en faux principal
ne peut avoir lieu qu'en cas de poursuite criminelle. Quoi
qu'il en soit, l'espèce prévue par les art. 214 et suiv. est
celle d'une demande introduite, au cours d'un procès, par
une des parties en cause, c.-à-d. par voie incidente, en vue
d'établir qu'une pièce à elle signifiée ou simplement pro-
duite contre elle par l'adversaire est fausse ou falsifiée,
sans cependant dénoncer l'adversaire comme l'auteur de ce
faux ou de cette falsification (V. Faux). La procédure du
faux incident civil peut se diviser en trois parties ou périodes
distinctes, aboutissant chacune à un jugement spécial. La
première comprend les formalités qui précèdent le juge-
ment statuant sur l'inscription de faux ; la seconde com-
prend les formalités qui précèdent le jugement ordonnant
la preuve du faux ; la troisième est relative à la preuve ou
à l'instruction de faux et au jugement qui statue sur cette
instruction. Georges Lagrésille.
FAUX monnayeur (V. Monnaie et Garantie).
FAUX plancher (Charp.). Plancher haut du dernier
étage d'une maison. Dans les constructions ordinaires, le
faux plancher est composé de pièces de bois de faible équar-
rissage et n'ayant pas de charge à supporter.
FAUX pont (V. Pont).
FAUX sommets (Math.). Faux côtés d'un quadrilatère
(V. Quadrilatère).
FAUX témoignage (V. Témoin).
FAUX titre. Le faux titre est la première page d'un
livre. Il ne contient que le simple énoncé du sujet et la
tomaison du volume si l'ouvrage en forme plusieurs et
se supprime dans les ouvrages peu considérables, toutes
les fois que sa présence nuit à la combinaison du
nombre exact des pages nécessaires pour former une ou
plusieurs feuilles. Le nom de l'imprimeur se place derrière
le faux titre, à la partie correspondante, au milieu des
lignes dont il est formé ou au bas de la page. — On donne
aussi le nom de faux titres aux sous-titres qui, dans le
cours d'un livre, sont placés au recto d'un feuillet blanc.
FAUX tournis (Méd.). Les larves de l'OEstre du Mouton
(OEstrus ovis Linné) se développent dans les cavités nasales
du Mouton et dans les sinus communiquant avec celles-ci.
La présence de ces parasites passe souvent inaperçue;
mais, s'ils sont nombreux, on voit apparaître divers acci-
dents. Quand les larves siègent dans les sinus frontaux,
le Mouton est atteint d'un vertige particulier : ses yeux
sont rouges et larmoyants, une sérosité plus ou moins
abondante s'écoule de ses narines ou d'une seule narine.
Dans les cas graves, la mort peut s'ensuivre. Cette maladie
est le faux tournis ou vertige d' œstres : on la dis-
tingue aisément du vrai tournis (V. ce mot), causé par
la présence de Cœnures dans l'encéphale, à ce que les
animaux malades ne tournent pas en cercle et rejettent des
mucosités par les narines. R. Bl.
FAUX. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Rethel,
cant. de Novion-Porcien ; 79 hab.
FAUX. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de Bergerac,
cant. d'Issigeac; 717 hab.
FAU X-Fresnay. Corn, du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant. de Fère-Champenoise ; 672 hab.
FAUX-la-Montagne. Corn, du dép. de la Creuse, arr.
d'Aubusson, cant. de Gentioux ; 1 ,847 hab. Le chef -lieu de
la commune est de beaucoup le plus peuplé de tout le canton
et il s'y tient des foires très importantes. Autrefois centre
de l'importante seigneurie de La Feuillade (V. ce mot).
FAUX-Mazuras. Com. du dép. de la Creuse, arr. et
cant. de Bourganeuf ; 597 hab.
FAUX-sur-Coole. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Vitry-le-François, cant. de Sompuis; 78 hab.
FAUX-Villecerf. Com. du dép. de l'Aube, arr. de
Nogent-sur-Seine, cant. de Marcilly-le-Hayer ; 271 hab.
FAVA (Pietro-Ercole, comte), peintre italien de l'école
bolonaise, né à Bologne en 1699, mort en 1744. Il prit
les leçons de Lorenzo Pasinelli, et, avec le concours de
Donato Creti et d'Ercole Graziani, son élève, il exécuta de
grands tableaux où se révèle un talent remarquable. Sa
Vierge de douleur a disparu de la cathédrale d'Ancône,
mais il reste de lui, dans le chœur, une Résurrection du
Christ, sur l'autel de Sainte-Palatie, une Adoration des
Mages, et une Madone dans l'église San Tommaso del
Mercato à Bologne. Ses études d'après les Carrache sont
très appréciées. Gourdault.
FAVA (Amand- Joseph), évêque de Grenoble, né à Evin-
Malmaison (Pas-de-Calais) le 10 févr. 1826. Il était
évêque de Saint-Pierre et Fort-de-France (Martinique)
lorsqu'il fut promu au siège de Grenoble (8 août 1875).
Ayant obtenu du pape une bulle qui érigeait en basilique
l'église Notre-Dame de la Salette (V. Eglise, t. XV,
p. 615), il mit cette bulle à exécution sans l'avoir fait
enregistrer et fut, en conséquence, poursuivi par appel
comme d'abus (sept. 1879). Depuis lors, il a acquis de
nouveaux titres à la notoriété par de nouvelles bravades
FA VA - FAVARIIS
— - 72 —
à rencontre du pouvoir civil et surtout par l'ardeur |
bruyante avec laquelle il a entrepris de constituer les
catholiques en parti politique, et de soumettre ce parti à
la direction des évèques (V. France ecclésiastique).
FAVALELLO. Corn, du dép. de la Corse, arr. de Corte,
cant. de Sermano ; 72 hab.
FAVAND (Etienne-Edouard-Charles-Eugène), homme
politique français, né à Alais le 6 avr. 1793, mort à
Alais le 43 mars 1854. Entré dans l'armée, il fit les cam-
pagnes de 4843 et 4844, et rentra dans la vie privée après
la Restauration. Le gouvernement de Juillet le promut chef
de bataillon (4830). D'opinions démocratiques accentuées,
il fut élu représentant du Gard à la Constituante, le
23 avr. 4848, combattit la politique de l'Elysée, et, réélu
à la Législative le 43 janv. 1850, protesta contre le coup
d'Etat du 2 déc. — Son fils, Auguste-Edouard, né à
Alais le 20 juil. 4826, mort à Paris le 8 mai 4884, suivit
comme lui la carrière militaire, et prit sa retraite avec le
grade de major d'infanterie. Comme son père, il était
d'opinions fort avancées, et, après avoir échoué aux élec-
tions du 8 févr. 1874 pour l'Assemblée nationale et du
20 févr. 4876 pour la Chambre des députés, il fut élu
député d' Alais le 3 mars 4878. Membre de l'extrême
gauche, il appuya constamment la politique radicale, et,
mort au cours de la législature, fut remplacé par M. Des-
morts (V. ce nom).
FAVAN NE (Henri de), peintre français, né à Londres en
4668, mort à Paris le 27 avr. 4752. Favanne est un de ces
académiciens qui n'ont laissé qu'une faible trace dans l'his-
toire de Part. C'est par hasard qu'il est né en Angleterre.
Son père, Antoine, était Français, mais, comme il avait fait
une étude spéciale des mystères de la chasse, Charles II le
prit à son service et l'attacha à sa maison à titre de veneur.
Jacques II conserva à Favanne fils la fonction dont son
père avait été honoré et, tout jeune encore, il l'envoya en
France pour y apprendre, sous de bons maîtres, les der-
nières finesses du métier. Le roi lui accordait un petit sub-
side dans l'espérance qu'il reviendrait en Angleterre avec
les qualités d'un veneur accompli et qu'il saurait parfaite-
ment sonner de la trompe. Favanne avait d'autres visées :
il négligea l'étude du cor de chasse et il apprit la peinture.
Il fut l'élève de R.-A.Houasseetprit part aux concours
de l'Académie royale. Après avoir obtenu des succès dans
les exercices de l'école, il conquit le grand prix de pein-
ture le 29 août 1693. Par suite de la pénurie du Trésor,
il ne fut pas envoyé à Rome. Il fit le voyage à ses frais,
mais il était bien vu du surintendant, M. de Seignelay, et,
en 1695, il obtint une pension du roi qui lui permit de
continuer ses études. Il est souvent question de Favanne
dans les lettres que le directeur La Teulière adresse au
surintendant. Dès le 4er août 1696, il travaillait avec les
pensionnaires de l'Académie de France. Il copiait Raphaël
à la Farnésine et, plus tard au Vatican, où Y Attila lui
donna beaucoup de mal. En 1699, il quitta l'Académie,
mais il resta à Rome jusqu'en 1700. On voit par une lettre
de Vleughels qu'il avait été un pensionnaire exceptionnel,
car pendant son séjour à l'Académie, peuplée alors de
jeunes célibataires, il était marié.
De retour à Paris, il montra son savoir-faire et il fut
agréé le 29 janv. 1701. Il fit attendre longtemps son mor-
ceau de réception ; enfin, le 23 août 1704, il s'inspira
d'un événement qui avait beaucoup occupé Versailles et,
ayant donné une pompeuse allégorie, V Espagne offrant la
couronne au duc d'Anjou, il fut reçu académicien. Ce
tableau, inventorié par Guérin dans la Description de
l'Académie, n'est pas perdu. On le retrouve à Versailles
dans le salon de Mercure : il est placé au-dessus de la
porte du salon d'Apollon. Cette peinture attira sur Favanne
l'attention bienveillante du nouveau roi d'Espagne. Appelé
à Madrid par Philippe V, il travailla à la cour jusqu'à la
disgrâce de la princesse des Ursins, qui l'honorait de sa
protection (1714). Revenu en France, il trouva à s'em-
ployer au château de Chanteloup que possédait M. d'Aubi-
gny, ancien secrétaire de la princesse des Ursins. Il peignit
au plafond la Chute de Phaëton et, dans la chapelle, plu-
sieurs morceaux relatifs à l'histoire de la Vierge. M. d'Au-
bigny avait pour lui les plus grands égards, mais il le paya
mal et le biographe de Favanne, M. Hulst, nous apprend
que, par suite de l'insuffisance de son salaire, l'artiste fut
« mal à son aise pour le restant de sa vie ». Ces peintures
de Chanteloup n'avaient cependant pas passé inaperçues.
Elles eurent même du succès. Lafont de Saint-Yenne en
parle encore avec éloge dans un livre publié en 1747.
L'auteur vante aussi les paysages que le vieux peintre avait
exposés au Salon de 1746. Académicien plus zélé que glo-
rieux, H. de Favanne prit part plusieurs fois aux exposi-
tions du Louvre. Son nom figure au catalogue depuis 1704
jusqu'en 1750. Il peignait des sujets de la fable et aussi
des paysages dans lesquels il introduisait volontiers des
figures nues. Nous en avons vu passer quelques-uns dans
les ventes publiques, et il nous souvient d'une baigneuse
où la morbidesse attendrie des chairs révélait un contem-
porain et un adhérent de Raoux. P. Mantz.
Bibl. : Mémoire pour servir à la vie de M. de Favanne;
Paris, 1753. — Lafont de Saint-Yenne, Réflexions sur
l'état présent de la peindre, 1747.— Notice de Hulst, dans
les Mémoires sur les académiciens, 1854, t. II. — A. de
Montaiglon, Correspondance des directeurs de l'Acadé-
mie de France, 1888, t. II.
FAVÂRA. Ville d'Italie, prov. de Girgenti (Sicile),
à 10 kil. E. de cette ville et à 15 kil. de la mer, avec un
château des Chiaramonti. Dans le voisinage sont des car-
rières de marbre et les plus riches mines de toute l'Italie.
Pop. agglomérée, 15,983 hab. en 1881 (ville) ; 16,051
pour la° commune.
FAYARD de Langlade (Guillaume- Jean, baron), juris-
consulte français, né à Saint-Floret (Puy-de-Dôme) le
4 avr. 1762, mort à Paris le 14 nov. 1831. Il fut en
1785 avocat au parlement de Paris, en 1792 commissaire
national près le tribunal d'Issoire, en 1795 et en 1799
membre du conseil des Cinq-Cents. Il fut membre du Tri-
bunat du 1er janv. 1800 au 17 août 1807, et prit une
part active à la rédaction du code civil, du code de procé-
dure civile et du code de commerce. En 1804, il vota pour
l'établissement de l'Empire. A la suppression du Tribunat
en 1807, Favard devint membre du Corps législatif et pré-
sida la section de l'intérieur. Juge à la cour de cassation
en 1809 et mattre des requêtes au conseil d'Etat en 4813,
il conserva ces places sous la première Restauration. Pen-
dant les Cent-Jours, il fit partie de la Chambre des repré-
sentants et resta conseiller à la cour de cassation ; il ne
perdit pas davantage sa situation après le retour du roi.
Il fut nommé conseiller d'Etat en 1817 et président de la
chambre des requêtes à la cour de cassation le 17 mai
4828. Favard de Langlade fut député du Puy-de-Dôme de
1807 à 1809 et de 1816 à 1831. Ses principaux ouvrages
sont : Code civil des Français, suivi de V exposé des
motifs [sur chaque loi (1804-21, 12 vol. in-12, 4e éd.
revue par M. Poncelet, 1838, 2 vol. in-8); Conférence du
Code civil avec la discussion particulière du Co7iseil
d'Etat et du Tribunat (Paris, an XIII [1805], 8 vol.
in-12 et in-8); Répertoire de la législation du notariat
(1807, in-4; 2e éd., 1830, 2 vol. in-4); Code de procé-
dure civile, suivi des motifs (1808, 2 vol. in-12, sans
nom d'auteur); Code d'instruction criminelle avec l'ex-
posé des motifs (1810, in-12, sans nom d'auteur); Code
pénal, suivi de l'exposé des motifs (1810, 2 vol. in-12);
Manuel pour l'ouverture et le partage des successions
(1811,in-8); Traité des privilèges et hypothèques (1812,
in-8); Répertoire de la nouvelle législation civile, corn-
merciale et administrative (1823-24, 5 vol. in-4). G. R.
Bibl.: Camille Mars, le Baron Favard de Langlade
(discours de rentrée à la cour de Riom, 3 nov. 1876). — Le
Tribunat et la cour de cassation, notices sur le personnel ;
Paris, 1879, pp. 154, 177, 187, 196, 530.
FAVARIIS (Jacques de), maître d'œuvre français du
xive siècle. Originaire de Narbonne, J. de Favariis fut
è, vers 1320, lors de la mort de son compatriote,
- 73 -
FAVARIIS - FAVART
maître Henry de Narbonne, à lui succéder dans la direc-
tion des travaux de la cathédrale de Gérone (Espagne).
Nous savons, par les archives du chapitre de cette cathé-
drale (Curia del vicariato de Gerona, etc., fol. 48), que,
moyennant 250 sous de traitement annuel, J. de Favariis
devait venir six fois par ans de Narbonne à Gérone pour
surveiller les travaux et en remettre tous les dessins d'exé-
cution. Charles Lucas.
FAVARO (Antonio), mathématicien italien, né à Padoue
le 24 mai 4847. Il a fait ses études à l'université de
Padoue, à l'Ecole d'application des ingénieurs de Turin et
à l'Ecole polytechnique de Zurich. Successivement aide,
docent, suppléant et chargé de cours à l'université de
Padoue, il y fut nommé en 4872 professeur extraordinaire
de statique graphique. Professeur ordinaire dix ans après,
il avait dès 4878 ouvert sur l'histoire des mathématiques
un cours qu'il a depuis continué sans interruption. Ses
premiers travaux ont concerné l'art de l'ingénieur (ses
Leçons de statique graphique, 4877, ont été traduites
en français en 4 879-4885), mais il se laissa bientôt atti-
rer par l'histoire des sciences et devint l'un des plus actifs
collaborateurs du Bullettino Boncompagni (V. Boncom-
pagni). Depuis 4879, il s'est presque exclusivement con-
sacré à l'étude de Galilée et, en 4887, il a été chargé de
l'édition nationale italienne des œuvres du grand réno-
vateur, travail immense, dont les premiers volumes parus
jusqu'à présent peuvent faire apprécier toute l'importance.
M. Favaro a publié plus de 200 mémoires ou volumes
(dont 40 particulièrement importants sur Galilée). T.
FAVARS. Corn, du dép. de la Gorrèze, arr. et cant. (N.)
de Tulle ; 627 hab. Favars est nommé dès le ixe siècle
dans les cartulaires limousins. Cette localité était comprise
dans le pays d'Issandon et la vicairie d'Uzerche. Son
église, consacrée en 997, relevait de l'abbaye deBeaulieu-
sur-Ménoire. Elle a été complètement rasée, il y a peu
d'années, puis reconstruite. Au xie siècle, la seigneurie de
Favars appartenait aux barons de Malemort ; au xvne siècle,
elle était aux mains de Henri de Bourbon, marquis de Ma-
lauze, après la mort de qui elle passa à la famille de Mé-
rigonde qui la conserva jusqu'à la Révolution. En 4790, il
se produisit à Favars des actes de violence qui trouvèrent
écho au sein de l'Assemblée constituante. A. Leroux.
Bibl.: Melon de Pradou, Monographie de la commune
de Favars (avec gravures et pièces justificatives), dans le
Bull, de la Soc. des lettres de Tulle, 1884, t. VI,
pp. 436-491.
FAVART (Théâtre) (V. Opéra-Comique).
FAVART (Charles-Simon), auteur dramatique français,
né à Paris le 48 nov. 4740, mort à Belleville (Seine) le
42 mai 4792. Fils d'un pâtissier à qui l'on doit, dit-on,
l'invention des échaudés ou des oublies, il put néanmoins
suivre les cours du collège Louis-le-Grand jusqu'au jour où
la mort de son père l'obligea à reprendre le tablier et la
lardoire. Tourmenté dès l'enfance de velléités littéraires que
ses parents avaient d'ailleurs encouragées, il prit part, en
1733, aux concours de l'académie des Jeux floraux et
obtint une violette d'argent pour un poème sur la France
délivrée par la Pucelle d'Orléans, mais ses véritables
débuts datent de son premier opéra-comique, les Deux
Jumelles (4734), représenté sur le théâtre de la rue de
Buci et qui fut suivi d'une vingtaine de pièces toutes ano-
nymes et pour la plupart non imprimées, dont la Cher-
cheuse d'esprit (Il 4 \) est restée le chef-d'œuvre. La vogue
qu'il avait procurée à un théâtre jusqu'alors toléré en raison
de son peu d'importance, excita la jalousie des comédiens
français et italiens qui finirent par obtenir sa suppression
(4744). Mais Favart fut alors chargé par le directeur de
l'Opéra, de qui dépendait l'Opéra-Comique, de recruter le
personnel de ce théâtre, et c'est ainsi qu'il fit connaissance
de Mlle Duronceray, devenue peu après sa femme légitime
(V. ci-après). Nommé en 4746 par Maurice de Saxe direc-
teur de la troupe de comédiens dont il se faisait suivre, même
en campagne, Favart assista aux opérations qui précédèrent
la victoire de Lawfeld et concourut à entretenir, par ses
couplets et ses à-propos, la confiance de l'armée dans son
chef ; mais la faveur dont il jouissait auprès de celui-ci
cessa lorsque Maurice de Saxe, éperdument épris de
Mme Favart, voulut en faire, bon gré mal gré, sa maî-
tresse. Les détails de cet épisode sont à la fois trop com-
pliqués et trop connus pour qu'il soit nécessaire d'insister.
La persécution dont Favart et sa femme payèrent leur ré-
sistance ne cessa qu'à la mort même du maréchal (4750).
Il ne saurait pas davantage entrer dans le plan de cette
notice de donner la liste complète des pièces de Favart
représentées depuis cette époque, et il suffira de rappeler le
titre des principales d'entre elles : le Caprice amoureux ou
Ninette à la cour, mus. de Ciampi (4753, 3 actes ; ré-
duit à 2 actes, 4756); l'Anglais à Bordeaux (1 acte,
4763), l'un des grands succès de l'auteur; le Procès et
la Plaideuse (3 actes, mus. de Duni, 4762); les Fêtes
de la Paix, mus. de Philidor (4763); Isabelle et Ger-
trude ou les Sylphes supposés, mus. de Biaise (1 acte,
4765); la Fée Urgèle, mus. de Duni (4 actes, 4765); les
Moissonneurs, mus. de Duni (3 actes, 4786) ; V Amant
déguisé ou le Mariage supposé, mus. de Philidor (4 acte,
4769); la Rosière de Salency, mus. de Philidor, Mon-
tigny et Van Swieten fils (3 actes, 4769); les Trois Sul-
tanes, mus. de Gilbert (3 actes, 1877), dont la Comédie-
Française a donné une reprise en 4892, etc. Favart avait
rassemblé, au moyen de titres factices, son Théâtre
(4763-4772, 42 vol. in-8). Il en a été publié depuis divers
choix (1810, 3 vol. in-8; 4843, 3 vol. in-48 ; 4853,
in-48, sous le titre à'OEuvres de M. et Mme Favart). De
1759 à 4763, Favart avait entretenu avec le directeur des
théâtres de Vienne, le comte Durazzo, une correspondance
à la fois dramatique et littéraire, publiée sous le titre par-
faitement impropre de Mémoires (4808, 3 vol. in-8) et
sur des textes fautifs ou mal lus ; une nouvelle édition,
préparée par son petit-fils, n'a pas vu le jour. La biblio-
thèque spéciale, nombreuse et choisie, formée par Favart,
mise en vente en 4793, ne fut définitivement dispersée
qu'en 4864. Maurice Tourneux.
Bibl.: Favart, Fragments autobiographiques, en tête
des Mémoires. — Dumollard, Notice en tête du même
livre# — Grimm, Correspondance littéraire. — G. Des-
noiresterres, Epicitriens et Lettrés, 1879, in-18. — Sainte-
Beuve, Nouveaux Lundis, 1867., t. XI (à propos du maré-
chal de Saxe).
FAVART (Marie-Justine-Benoîte Duronceray, épouse),
actrice et chanteuse française, née à Avignon le 45 juin
4727, morte à Belleville, près de Paris, le 24 avr. 4772.
Elle fut l'une des gloires de l'ancienne Comédie-Italienne, et
l'une des actricesles plus accomplies et les plus charmantes
que la France ait jamais possédées. Fille d'un musicien et
d'une chanteuse qui appartenaient l'un et l'autre à la cha-
pelle du roi de Pologne Stanislas, elle fut prise en affec-
tion par ce prince qui, voyant les dispositions qu'elle mon-
trait pour le théâtre et pour la musique, prit soin lui-même
de son éducation et lui donna des maîtres qui la formèrent
pour le chant, la danse et différents instruments, car elle
jouait bien de la harpe et du clavecin. Sa mère ayant obtenu
du roi, en 4744, un congé pour venir à Paris, elle y amena
sa fille qui débuta à l'Opéra-Comique de la foire Saint-
Germain, en 4745, sous le nom de « M119 Chantilly, pre-
mière danseuse du roi de Pologne », dans une pièce nou-
velle intitulée les Fêtes publiques, faite à l'occasion du
mariage du dauphin. Elle y obtint un triple succès d'ac-
trice, de chanteuse et de danseuse. La Comédie-Italienne,
jalouse alors de la vogue de l'Opéra-Comique, ayant réussi
à faire fermer ce théâtre, Favart, qui en était le directeur,
obtint d'ouvrir un spectacle de pantomime à la foire Saint-
Laurent, y transporta sa troupe, et y fit jouer, entre autres,
une pantomime intitulée les Vendanges de Tempe, dont
le succès fut assuré par le jeu charmant de Mlles Chantilly
et Gobé.
Favart était devenu amoureux de sa pensionnaire, à qui
il était loin de déplaire ; MUe Chantilly devint Mme Favart
au mois de déc. 4745, et presque aussitôt suivit son mari
FAVART
74 —
à Bruxelles, où il était chargé de la direction du théâtre
qui devait suivre les troupes du maréchal de Saxe. On sait
de quelles indignes persécutions Mme Favart fut l'objet de
la part de ce grand capitaine, qui s'était violemment épris
d'elle et qui, pour venir à bout de ses résistances, alla
jusqu'à la faire enfermer dans un couvent et à obliger son
mari à se cacher comme un criminel. Mme Favart put
cependant débuter à la Comédie-Italienne, et d'une façon
brillante, le 5 août 4 749 ; mais aussitôt les persécutions
du maréchal recommencèrent, et elle dut s'éloigner de ce
théâtre. Elle put néanmoins y rentrer, et d'une façon défi-
nitive, le 26 août 1754 ; son succès comme comédienne,
comme chanteuse et comme danseuse, fut tel que dès l'an-
née suivante elle était reçue sociétaire à part entière. A
partir de ce moment, elle devint l'actrice favorite de ce
théâtre, et pendant vingt ans elle ne cessa, on peut le dire,
d'être l'idole du public, grâce à un talent dont la variété,
le charme et la souplesse enchantaient tous les spectateurs.
« Propre à tous les caractères, disait un contemporain, elle
les rendait avec une vérité surprenante. Soubrettes, amou-
reuses, paysannes, rôles naïfs, rôles de caractère, tout lui
devenait propre ; en un mot, elle se multipliait à l'infini
et l'on était étonné de lui voir jouer le même jour, dans
quatre pièces différentes, des rôles entièrement opposés. »
Mme Favart contribua aux grands succès de la Comédie-
Italienne, non seulement par son talent personnel, mais par
son intelligence des besoins du théâtre et son souci des
plaisirs du public. C'est surtout à son influence qu'on doit
le commencement de la transformation de ce théâtre en une
scène lyrique, et c'est elle qui encouragea les traductions
des premiers intermèdes italiens qui y furent représentés :
la Servante maîtresse et le Maître de musique, de Per-
golèse, le Chinois, la Bohémienne, bientôt suivis de véri-
tables opéras-comiques français. C'est elle aussi, qui, la
première, s'occupa d'une réforme rationnelle du costume
et osa paraître en paysanne avec une robe de laine, les
bras nus et des sabots, alors que ses rôles étaient joués
d'ordinaire avec d'énormes paniers, des diamants dans
les cheveux et des gants montant jusqu'aux coudes. Le
nombre de ses créations est considérable , et chacune d'elles
lui valait un nouveau succès. Dans Ninette à la cour,
Annette et Lubin, les Moissonneurs, Nanette et Lucas,
elle était charmante de candeur et d'ingénuité ; dans les
Sultanes, la Servante maîtresse, elle se montrait pétil-
lante d'esprit, de malice et de gaieté ; il faut citer encore
Mazet, le Triomphe de l'intérêt, l'Embarras des
richesses, Bastien et Bastienne, les Vœux accomplis,
les Amours champêtres, les Fêtes de la paix, la Fée
. Urgèle, la Nouvelle Troupe, Isabelle et Gertrude, Je
ne sais quoi, les Indes galantes, etc. Mme Favart ne se
bornait pas toujours à jouer les pièces des autres ; elle en
faisait elle-même et prit une part importante de collabora-
tion aux six suivantes : Annette et Lubin (avec son mari),
les Amours de Bastien et Bastienne (avec Harny), les
Ensorcelés (avec Guérinet Harny), la Fortune au village
(avec B...), la Fête d'amour (avec Chevalier), enfin,
seule, la Fille mal gardée. Excellente musicienne, il lui
arrivait souvent aussi de composer et d'écrire la musique
des couplets contenus dans tel ou tel vaudeville. C'était,
en un mot, une artiste accomplie et douée par la nature de
la façon la plus généreuse. Arthur Pougïn.
FAVART (Charles-Nicolas-Joseph-Justin), acteur et au-
teur dramatique français, né à Paris en 4749, mort à Paris
le 4er févr. 4806. Il était le fils aîné de Favart et de
Mme Favart, qui furent, chacun en leur genre, la gloire et
l'honneur de la Comédie-Italienne. Il n'était pourtant point
destiné au théâtre, et ce ne fut qu'à l'âge de trente ans, et
sept ans après la mort de sa mère, que les nécessités de
l'existence l'obligèrent à embrasser cette carrière. Il débuta
à la Comédie-Italienne le 2 sept. 4779, dans l'emploi des
pères, par le rôle de Cassandre du Tableau parlant et
celui de Mathieu des Trois Fermiers. Il fut accueilli favo-
rablement et même reçu sociétaire l'année suivante, grâce
surtout au nom qu'il portait, car, bien que soigneux et
intelligent, il ne fut jamais qu'un comédien médiocre. Il
prit sa retraite vers 4795. Mais il n'était pas seulement
comédien ; il se fit connaître aussi comme auteur drama-
tique. Tout d'abord il se produisit sous ce rapport par
divers compliments de clôture, qui étaient généralement
ingénieux et intéressants ; puis il donna à la Comédie-Ita-
lienne les ouvrages suivants : le Diable boiteux ou la
Chose impossible (1782) ; le Déménagement d'Arlequin
marchand de tableaux (4783) ; les Trois Folies{ll$6) ;
le Mariage singulier (4787) ; la Famille réunie (4790) ;
la Suite des Solitaires de Normandie (4790) ; au théâtre
Feydeau, avec son père, la Vieillesse d Annette et Lubin
(4794) ; au théâtre des Jeunes- Artistes, la Sagesse hu-
maine ou Arlequin Memnon (4797) ; Joseph ou h Fin
tragique de Mme Angot (4797). Favart fils, dont les qua-
lités morales étaient dignes de la plus profonde estime, fut,
après sa retraite du théâtre, employé à la bibliothèque du
Tribunat et devint maire de Belleville. A. P.
FAVART (Antoine-Pierre-Charles), littérateur français,
né à Paris le 6 oct. 4780, mort à Paris le 28 mars 4867,
parent du précédent. Il fut secrétaire du duc de Caraman,
ambassadeur à Vienne (4845), du duc de Polignac, mi-
nistre des affaires étrangères (4830) et fut chargé de di-
verses missions diplomatiques. Il fut aussi quelque temps
consul à Mons. Il a publié les Mémoires de son grand-
père (4808, 3 vol. in-8) et il a collaboré avec Dumolard au
Rival par amitié, avec Dupin, aux Six Pantoufles ou la
Revue des Cendrillons et avec Gentil à la Jeunesse des
Favart (représentée au Vaudeville en 4808). Favart fut
un peintre amateur d'assez de talent. Au temps où il était
attaché à la légation de France à Vienne, il peignit un Cou-
ronnement de l'impératrice d'Autriche qui fut remarqué.
FAVART (Pierrette-Ignace Pingaud, connue sous le nom
de Marie), actrice française, née à Beaune le 46 févr. 4833.
Nièce et fille adoptive d'un descendant de la famille théâ-
trale des Favart, elle en porte légalement le nom. Amenée
de bonne heure à Paris, Mlle Favart montra dès son enfance
un goût prononcé pour le théâtre. Admise au Conserva-
toire, dans la classe de Samson, elle y obtient au concours
de 4847, à peine âgée de quatorze ans, un accessit de tra-
gédie et un second prix de comédie. On la voit débuter à
la Comédie-Française Tannée suivante, le 49 mai, dans
Valérie, puis dans le joli rôle de Chérubin du Mariage de
Figaro (plus tard elle joua Suzanne, puis la comtesse, dans
le même ouvrage). Elle y demeure trois années, puis un
caprice la fait s'en éloigner, et, le 45 nov. 4854, elle se
montre aux Variétés dans Mignon, et ensuite dans la Petite
Fadette et la Vie de Bohême, Elle rentre enfin à la Comé-
die-Française en 4852, y est reçue sociétaire le 4er juil.
4854, et alors commence pour elle cette carrière brillante,
presque glorieuse, qui devra se prolonger pendant plus de
vingt-cinq ans. Douée d'une beauté remarquable et pleine
d'élégance, d'un organe séduisant, joignant à la grâce et à
la pureté de la diction un puissant sentiment pathétique et
les accents de la passion la plus ardente, Mlle Favart fut
bientôt l'un des plus nobles soutiens de notre grande scène
littéraire, où durant longtemps elle occupa légitimement
l'une des premières places.
Bien qu'elle se soit montrée remarquable à plus d'une
reprise dans la tragédie, en jouant tour à tour Andro-
maque, Polyeucte, Mithridate, Phèdre, Esther, la Mort
de Pompée, c'est surtout dans la comédie, et particulière-
ment dans la comédie et le drame modernes, que le talent
si pur, si élevé de M1Ie Favart a brillé de son plus vif éclat.
Tout en reprenant un grand nombre de rôles importants
du répertoire dans A drienne Lecouvreur \Marion Delorme,
Rernani, Bertrand et Raton, la Camaraderie, Une
Chaîne, la Fin du roman, elle faisait de non moins nom-
breuses créations et prouvait toute la souplesse de ses
facultés dans Sullivan, Romulus, le Sage et le Fou,
MUe de La Seiglière, le Fils de Giboyer, le Supplice
d'une femme, Fantasio, le Fils, Galilée. Quelques-unes
_ 75 -
FAVART — FAVE
de ces créations furent pour Mlle Favart de véritables
triomphes, et il faut citer surtout le Supplice d'une femme
pour sa puissance dramatique, On ne badine pas avec
l'amour, pour son admirable sentiment pathétique, Paul
Forestier, Julie, les Faux Ménages. Dans ces divers,
ouvrages sa renommée fut portée à son comble, et le public
lui manifestait avec enthousiasme le plaisir qu'elle lui pro-
curait. Parmi ceux au succès desquels elle contribua ainsi
d'une façon puissante, il faudrait signaler encore Jean
Baudry, Dolorès, Lions et Renards, Maître Guérin, le
Gendre de M, Poirier, les Ennemis de la maison, la
Considération, V Aventurière, etc.
Cependant, après tant et de si éclatants succès, après
une carrière si active, si étonnamment laborieuse et si bien
remplie, Mlle Favart se vit tout à coup en butte à des
intrigues, a des injustices qui finirent par l'abreuver de
dégoût et par lui inspirer le désir de s'éloigner d'un
théâtre où l'on oubliait ses services et la haute situation
qu'elle y avait si glorieusement occupée. Au mois dejanv.
1881, alors que depuis vingt-neuf ans qu'elle y était ren-
trée elle était restée constamment sur la brèche, MQe Fa-
vart cessa d'appartenir à la Comédie-Française. Depuis lors
elle paraît s'être confinée dans une retraite absolue. On l'a
vue reparaître une seule fois à la scène, en 1887, pour
créer, à l'Odéon, le rôle de Mme Le Quesnoy dans Numa
Roumestan de M. Alphonse Daudet. Arthur Pougin.
FAVART d'Herbigny (Nicolas-Remi), général français,
né à Reims en 1735, mort à Paris le 5 mai 1800. Admis
dans le corps du génie en 1756, il était employé à Lorient
en avr. 1761, lorsque l'amiral Keppel vint débarquer
10,000 hommes à Belle-Isle dans le dessein d'emporter la
petite ville du Palais. La place était très faible. Favart par-
vint à s'y introduire malgré la croisière ennemie, impro-
visa quelques retranchements et s'y détendit près de deux
mois. Il n'en sortit que par la brèche et avec les honneurs
de la guerre. Envoyé à la Martinique en 1763, il y séjourna
plusieurs années. A son retour en France, on le chargea
de la construction du fort du Château-Neuf, près de Saint-
Malo. En 1782, il prit part à la petite expédition dirigée
contre Genève : ce fut lui qui dirigea les travaux d'ap-
proche, dont la seule exécution suffit à faire capituler la
ville. Favart était alors considéré comme l'un des ingé-
nieurs les plus distingués de l'armée. Il fut fait maréchal
de camp le 9 mars 1788. En 1792, il commandait le camp
et la place de Neuf-Brisach, lorsque éclata parmi les troupes
une insurrection qui risquait d'ouvrir l'Alsace à l'ennemi
(4-7 juin). Sa conduite en cette circonstance lui valut les
félicitations de l'Assemblée législative. On l'envoya ensuite
commander à Thionville, puis en 1793 à Lille. Sur ces
entrefaites il fut promu général de division. A Lille, il eut
avec Custine, commandant de l'armée du Nord, un léger
différend qui fit beaucoup de bruit à l'époque. Custine
retira de Lille, malgré les observations de Favart, soixante-
seize pièces de canon qui servirent à armer les camps de
César et de la Madeleine. Les adversaires de Custine en
profitèrent pour l'accuser d'avoir dégarni la place à des-
sein, dans le but de la faire tomber entre les mains des
alliés . Ce grief n'avait aucun fondement ; ce fut cependant
l'un de ceux qui contribuèrent le plus à faire monter le
malheureux général sur l'échafaud. Sous le Directoire,
Favart d'Herbigny devint inspecteur général du génie. Il a
publié des Mémoires sur la défense des côtes et les
reconnaissances militaires, Ch. Gràndjeàn.
FAVÉ (Ildephonse), général et écrivain militaire fran-
çais, né à Dreux le 12 févr. 1812. Admis à l'Ecole poly-
technique en 1830, sous-lieutenant d'artillerie en 1832,
Favé se fit connaître de bonne heure par d'importantes
études sur l'histoire et la théorie des armes savantes.
Après avoir publié, en 1841, un Nouveau Système de
défense des places fortes rempli de vues originales, il
donna successivement, de 1845 à 1848, sept autres ou-
vrages qui lui valurent une haute réputation dans l'armée.
Sur ces entrefaites, la révolution de Février ayant rappelé
en France Louis-Napoléon Bonaparte, Favé, alors simple
capitaine, se lia avec lui d'une amitié qui devait exercer
une grande influence sur la suite de sa carrière. On sait
que Louis-Napoléon s'était occupé dans sa jeunesse de
recherches sur la construction des bouches à feu. Il avait
publié, en 1846, un volume à' Etudes sur le passé et
V avenir de l'artillerie ; on lui attribuait même l'inven-
tion d'un nouveau modèle de pièces de campagne dont ses
partisans faisaient grand bruit. Devenu président de la
République et toujours préoccupé des questions d'artillerie,
Louis-Napoléon prit le capitaine Favé pour collaborateur.
Il le chargea d'abord d'exposer au public militaire les
avantages du nouveau système de bouches à feu dont on le
disait l'inventeur et qui finit par être adopté pour le ser-
vice des troupes en 1852. Puis, après le rétablissement de
l'Empire, il lui confia le soin d'instituer des expériences
qui avaient pour but d'apporter de nouveaux perfectionne-
ments au matériel de campagne. Enfin, il lui donna la
mission de réunir des matériaux en vue de publier une
suite aux Etudes sur le passé et V avenir de l'artillerie.
Ce dernier travail, sur lequel nous reviendrons plus loin,
occupa Favé pendant près de vingt ans. Il a été l'occasion
de recherches et de découvertes qui ont puissamment
contribué aux modernes transformations des armes à feu.
En 1855, Favé fut nommé professeur d'art militaire à
l'Ecole polytechnique; son talent de professeur était remar-
quable à tous égards. Colonel le 2 juil. 1859, il devint la
même année officier d'ordonnance de l'empereur. Napo-
léon III le fit attacher peu après au dépôt central d'artillerie
où il rendit de précieux services. Le 13 août 1865, il
reçut le grade de général de brigade et, quelques mois
plus tard, le commandement de l'Ecole polytechnique.
Après la guerre de 1870, à laquelle il prit une part hono-
rable, le gouvernement lui confia le commandement de
l'artillerie du 14e corps d'armée, poste qu'il conserva jus-
qu'à son passage dans le cadre de réserve (28 févr, 1874).
Depuis cette époque, il a publié différents travaux sur les
questions militaires à l'ordre du jour et deux ouvrages
historiques d'une certaine importance. Le 10 juil. 1876,
l'Académie des sciences l'a choisi pour un de ses membres
libres. Il s'est fait admettre à la retraite le 27 déc. 1877.
On trouvera ci-après la liste des écrits du général Favé
par ordre chronologique. L'un d'eux mérite une mention
spéciale : c'est celui qui forme la suite des Etudes sur le
passé et l'avenir de l'artillerie publiées en 1846 par
Louis-Napoléon. Le t. II de cet ouvrage, rédigé sur des
notes recueillies par le prince, parut en 1861 sans nom
d'auteur. Les t. III à VI, fruit des recherches personnelles
de Favé, ont été imprimés sous son nom à des dates
diverses, de 1862 à 1872. Ces derniers volumes sont con-
sacrés à YHistoire des progrès de Vartillerie, C'est
l'œuvre la plus savante qui ait été écrite sur ce sujet ; en
certaines de ses parties on peut la considérer comme un
travail définitif.
Les ouvrages de Favé sont : Nouveau Système de défense
des places for tes (Paris, 1841, in-8, avec atlas in-fol. de
3 pi.) ; Histoire et tactique des trois armes et plus
particulièrement de Vartillerie de campagne (Paris,
1845, in-8, avec atlas in-4 de 48 cartes); Bu Feu grégeois,
des feux de guerre et des origines de la poudre à ca-
non (Paris, 1845, in-8, avec atlas in-4 de 48 cartes,
publié en collaboration avec M. Reinaud) ; Des Nouvelles
Carabines et de leur emploi. Notice historique des
progrès effectués en France depuis quelques années
dans r accroissement des portées et dans la justesse
de tir des armes à feu portatives (Paris, 1847^ in-8) ;
Projet de loi sur le recrutement de Vannée (Paris,
1848) ; Nouveau Système d'artillerie de campagne du
prince Louis-Napoléon Bonaparte (Paris,£1850, in-8);
Etudes sur le passé et V avenir de Vartillerie, t. III et
IV de l'ouvrage publié sous ce titre par le prince Louis-
Napoléon (1862-63, 2 vol. in-4, avec 37 et 40 pi.) ; la
Décentralisation (Paris, 1870, in-8); Nos Revers (Paris,
FAVÉ — FAVERNEY
— 76 —
4874, in-8) ; Etudes sur le passé et l'avenir de V ar-
tillerie, t. V et YI (Paris, 4874-72, 2 vol. in-8) ; Deux
Combats d'artillerie sous les forts de Pains : Champi-
gny et Ville-Evrard (Paris, 4 874, in-8); M. le duc
d' Audiffret-Pasquier et la réforme administrative du
département de la guerre (Paris, 4874, in-8) ; De la
Réforme administrative de V armée française, avec un
projet de loi (Paris, 1875, in-8); V Armée française
depuis la guerre (Paris, 4875, in-8)s Cours d'art mili-
taire professé a V Ecole polytechnique (Paris, 4877,
in-42) ; l'Ancienne Dôme, sa grandeur et sa décadence
expliquées par les transformations de ses institutions
(Paris, 4880, in-8) ; l Empire des Francs depuis sa
fondation jusqu'à son démembrement (Paris, 4888,
in-8). — Indépendamment des ouvrages qui précèdent, le
général Favé a publié, en les annotant, les travaux de
différents écrivains militaires, savoir : Traité de la dé-
fense des places fortes, avec application à la place de
Landau, rédigé en 4723 par Hue de Caligny (Paris,
4846, in-8); Mémoires militaires de Vaiiban et des
ingénieurs Hue de Caligny (Paris, 4847, in-8, av. 3 pi.);
Relation de la défense de Schweidnitz... depuis le
20 juil. jusqu'au 9 oct.1762 (Paris, 4847, in-8, av. pi.);
Expériences sur les Schrapnels, par le major-général
prussien Ch. de Decker, trad. de l'allemand avec la collabo-
ration de M. Terquem (Paris, 4847, in-8). Ch. Grandjean.
FAVENTIA (Géogr. anc.)(V. Barcelone et Faenza).
FAVERAN (J. de), architecte et sculpteur (V. Favariis).
FAVERAYE. Corn, du dép. de Maine-et-Loire, arr.
d'Angers, cant. de Thouarcé ; 783 hab.
FÂVERDINES. Corn, du dép. du Cher, arr. de Saint-
Amand-Montrond, cant. de Saulzais-le-Potier ; 375 hab.
FAVEREAU (Jacques), poète français, né à Cognac en
4590, mort en mai 4638. Avocat à Paris, conseiller à la
cour des aides (464 7). Très lié avecPasquier et avec l'abbé
de Marolles, il est l'auteur de quelques ouvrages spirituels :
Mercurius redimvus (Poitiers, 4613, in-4); la France
consolée (Paris, 4625, in-8); Icon Ludovici A7JJ(4634,
m-4). On lui attribue la satire contre Richelieu connue
sous le nom de la Miliade (4633, in-8, plus, éd.) dont le
vrai titre est le Gouvernement présent ou Eloge de Son
Eminence,
FAVER ELLES. Corn, du dép. du Loiret, arr. de Gien,
canton de Briare ; 452 hab.
FAVERGES. Com.&du dép. de l'Isère, arr. et cant. de
La-Tour-du-Pin ; 4,205 hab.
FAVERGES. Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-Savoie,
arr. d'Annecy ; 2,784 hab. Petite ville industrielle dont la
prospérité remonte au moyen âge. Dès le xue siècle elle
était connue par ses ateliers de cuivre et de fer. Filature
de soie et manufacture de soieries. Ancien château, restauré
et converti en manufacture. Sur le territoire de la commune,
dans une gorge pittoresque, ancienne abbaye de Tamié,
fondée en 4432, supprimée à la Révolution et occupée
aujourd'hui par un couvent de trappistes.
FAVERNEY (Favriniacus, Faberniacum). Corn, du
dép. de la Haute-Saône, arr. de Yesoul, cant. d'Amance;
4,426 hab. Stat. de la ligne de ch. de fer d'Epinal à
Vesoul, sur la Lantenne. Moulins, tanneries, fours à plâtre ;
carrières de sable. Dépôt de remonte de l'armée. Faverney
est qualifié de villa en 607 et de castrum en 722. Au
vme siècle, il y fut fondé un monastère, dont l'abbé,
Pierre III, affranchit, en 4260, les habitants; mais les
charges qui continuèrent à peser sur ces derniers susci-
tèrent de leur part, en 4 355, un soulèvement à la suite
duquel ils furent obligés de réparer les murs de la ville et
ceux de l'abbaye. Ils eurent à subir ensuite plusieurs sièges
menés par un seigneur français (1357), par Nicolas de
Diesbach, par Georges de La Trémoille, sire de Craon,
et par René de Lorraine (4474). En 4545, l'enceinte
fut refaite, mais les reîtres commandés par le duc de
Deux-Ponts s'emparèrent du bourg et l'incendièrent en
4569. D'Haussonville, lieutenant de Tremblecourt, y entra
en 4595. En 4624, nouvelle insurrection de la ville contre
l'abbaye. Puis, la peste réduisit la population presque à
rien (4635-4636) ; aussi les Allemands et les Français
purent-ils sans difficulté prendre, perdre, reprendre et
dévaster Faverney (4636, 4637, 4638 et 4641). En 1668,
Turenne dirigea lui-même l'attaque de la place, qu'il em-
porta d'assaut. Les fortifications furent rasées en 4674.
Des incendies ruinèrent en partie la ville en 1726, 4753 et
4845. L'ancienne église de Saint-Bénigne, qui occupait
Eglise abbatiale de Faverney (monument historique).
l'emplacement actuel des halles, a disparu, et l'abbatiale est
devenue paroissiale en 4840. Cet édifice est classé comme
monument historique. Il est roman, à trois nefs voûtées
d'arêtes et séparées par deux rangs de gros piliers ronds,
carrés et octogones ; après l'incendie de 4569, on répara
les voûtes de la nef, qui cachent le triforium primitif, et
celles du collatéral droit ; le clocher fut rebâti, les cloches
refondues et de nouvelles stalles sculptées. Il mesure en
longueur 54m95, en largeur 45m70 dans la nef et 25m92
dans le transept. On y remarque le tombeau de Jean de
Bourgogne (4372) et plusieurs dalles funéraires d'abbés
(xive-x vme siècles) ; on y conserve aussi un ostensoir d'argent
aux armes de l'abbé Guy de Lambrey (xve-xvie siècles),
qui passe pour être resté pendant trente-trois heures sus-
pendu avec deux hosties qu'il contenait, au milieu des
flammes, dans un incendie survenu en 4608. La chapelle
dite du Miracle fut ajoutée à l'église en 4626. Caserne
(4754). Pont (4788). Faverney a été le chef-lieu d'un
canton pendant la Révolution.
Abbaye de Faverney. — Cette abbaye a été fondée au
diocèse de Besançon, sous le vocable de Notre-Dame, par
sainte Gude, au commencement du vme siècle. Elle fut
dévastée par les Normands en 888. Aux religieuses on
— 77 —
FAVERNEY — FAVIER
substitua, en 1433, des bénédictins venus de La Chaise-
Dieu. Ils entreprirent la reconstruction de l'église et y éta-
blirent, en 1396, une confrérie de la Conception qui acquit
bientôt, dans toute la Franche-Comté, une importance
extraordinaire. Incendiée en partie par le duc de Deux-
Ponts en 1569, l'abbaye fut ensuite restaurée. Le palais
abbatial, relevé en 1597, détruit par un tremblement de
terre en 1682, fut réèdifié en 1687, et les bâtiments du
monastère totalement reconstruits en 1714. Ils ont été
vendus nationalement sous la Révolution. Lex.
Bibl. : Petremant, Histoire de Faverney, 1771, in-8.
— J. Boyvin, Relation du miracle du Saint-Sacrement
arrivé à Faverney en 1608, 1839, in-8. — F. De Poïnctes-
Gevigaey, Faverney et sa Sainte Hostie, 1862, in-18- —
E. Mamtelet, Histoire politique et religieuse de Faver-
ney, 1865, in-8. — Abbé J. Morey, Notice historique sur
Faverney et son double pèlerinage, 1878, in-18. — Dom
Kermann, Mémoire sur l'abbaye de Faverney, 1731, in-12.
FAVER01S. Corn, du territoire de Belfort, cant. de
Délie; 4-24 hab.
FAVEROLLE (V. Fèverolle).
FAYEROLLES. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Villers-Colterets ; 504 hab.
FAVEROLLES. Corn, du dép. du Cantal, arr. de Saint-
Flour, cant. de Ruines ; 885 hab. La seigneurie a appartenu
successivement aux maisons de Murât, d'Apchier, de Pon-
sonnailles et de Lastic. Eglise romane sous le vocable de
saint Martin. Sources d'eaux minérales et ruines du châ-
teau de Montchanson (xme siècle).
FAVEROLLES. Corn, du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Dreux, cant. de Nogent; 475 hab.
FAVEROLLES. Coin, du dép. de l'Indre, arr. de Châ-
teauroux, cant. de Valençay ; 864 hab.
FAYEROLLES. Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. de Montrichard, sur un affluent du Cher ;
784 hab. Eglise du xne siècle (mon. hist.).
FAVEROLLES. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr.
et cant. de Langres ; 304 hab.
FAYEROLLES. Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Argen-
tan, cant. de Briouze ; 523 hab.
FAVEROLLES. Corn, du dép. de la Somme, arr. et cant.
de Montdidier; 167 hab.
FAVEROLLES-et-Coémy. Com. du dép. de la Marne,
arr. de Reims, cant. de Ville-en-Tardenois ; 314 hab.
FAVEROLLES-la-Campagne. Com. du dép. de l'Eure,
arr. d'Evreux, cant. de Conches; 149 hab.
FAVEROLLES-lès-Lucey. Com. du dép. de la Côtc-
d'Or, arr. de Châtiilon-sur-Seine , cant. de Reeey-sur-
Ource ; 97 hab.
FAVEROLLES-les-Mâres. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Bernay, cant. de Thiberville; 446 hab.
FAVERSHAM. Ville et port d'Angleterre, comté de Kent,
au fond de l'estuaire du Swale ; 8,000 hab. Stat. du
London-Chatham-Dover Raihvay. Le mouvement du port
de Faversham, qui est celui de Canterbury et de toute la
vallée de Stour, dépasse 500,000 tonnes. 11 y a des chan-
tiers de constructions maritimes. Ch.-V. L.
FAVEUR (Art décor.). Ruban étroit et léger dont on se
sert communément pour nouer des boîtes de bonbons ou
des paquets légers. Au xvue siècle, les touffes de faveur
devinrent très à la mode dans le costume des courtisans et
des dames de qualité, en nœuds de souliers, de corsages
et d'aiguillettes. On fit aussi servir les faveurs "pour com-
pléter la garniture des sièges et des lits brodés, en les
employant comme passementerie ou comme dentelle d'en-
tourage. Il y avait un ameublement de ce genre dans le
grand appartement du roi à Versailles. A. de Ch.
FAVIA (Zool. etPaléont.). Genre de Polypiers (Zoan-
thaires), créé par Oken et devenu le type d'un petit groupe
(Faviciceœ) caractérisé par une reproduction par scissipa-
rité : les nouveaux calices s'isolent de très bonne heure
et se groupent irrégulièrement en un polypier astréoïde.
Ce genre s'étend du jurassique à l'époque actuelle. Nous
citerons Favia caryophylloides du coralrag d'Europe. Les
genres Goniastrœa, Lamellastrœa, Mœandrastœa appar-
tiennent au même groupe. Ce dernier n'est connu que dans
le crétacé. E. Trt.
FAVIER (Jean-Louis), publiciste et agent politique
français, né à Toulouse, probablement en 1711, mort à
Paris le 2 avr. 1784. IL fut, par délibération des Etats
du Languedoc (20 fév. 1727), pourvu de la survivance
de l'emploi de son père auquel il succéda comme syndic
général de la province le 9 déc. 4732. Il se démit peu
après de cette charge et reçut la gratification, ordinaire en
pareil cas, de 24,000 livres. Il devint secrétaire de La
Chétardie, ambassadeur en Savoie, et acquit en matière
diplomatique de vastes connaissances théoriques et pra-
tiques. Il s'attacha aux idées et à la fortune du comte
d'Argenson, pour lequel il rédigea un mémoire contre le
traité signé en 1 756 entre la France et l'Autriche contre
la Prusse et l'Angleterre. Mais le « parti autrichien » l'em-
porta, d'Argenson fut disgracié, et Favier, dont le mérite
était reconnu, ne fut plus employé qu'en secret par
Louis XV. Il fut chargé de diverses missions en Espagne,
en Russie. C'est sur l'ordre même du roi qu'il lui arrivait
de contrecarrer les négociations du principal ministre,
Choiseul ; celui-ci obtint pourtant contre lui une lettre de
cachet. Mais Louis XV fit avertir son agent secret, aux
prévisions duquel la triste paix de Paris ne donna que
trop raison (1763). Après cette paix, Favier qui ne pou-
vait rien espérer du duc de Choiseul, s'exila volontairement,
vécut à La Haye, à Bruxelles, à Francfort, diplomate
amateur, c.-à-d. nouvelliste, publiciste, et surtout intri-
gant. Il se fit apprécier du prince Henri de Prusse, frère
de Frédéric le Grand, et partisan, comme Favier, de l'al-
liance franco-prussienne : il en reçut quelque argent
comme correspondant politique. Il contribua ensuite, au
service et sans doute aux gages du duc d'Aiguillon, à mi-
ner le crédit de Choiseul. Le duc d'Aiguillon, arrivé à ses
fins, s'empressa d'oublier un allié qui ne tirait pas à con-
séquence. Mais Louis XV avait, surtout relativement aux
affaires de Pologne, une diplomatie secrète dont seul il
tenait — ou ne tenait pas — les fils souvent rompus et
toujours fort embrouillés. Le comte de Broglie y avait été
employé. Louis XV lui demanda dans les premiers mois de
1773 un exposé de la situation politique et des remèdes
qu'elle comportait. Pour répondre à cet ordre, de Broglie
se fit aider par Favier « celui des agents diplomatiques
français d'ordre inférieur qui passait pour le mieux con-
naître l'état de l'Europe » ; il est vrai que ses dettes, les
désordres de sa vie privée avaient servi de prétexte à Ber-
nis et à Choiseul pour le tenir en disgrâce. Mais il n'avait
subi ni révocation ni punition. « Le vrai grief qui l'avait
perdu à leurs yeux, c'est qu'il avait rédigé en 1756 un
petit écrit fort goûté des connaisseurs, intitulé Doutes et
questions, où l'excellence du traité de Versailles était
contestée » (De Broglie, le Secret du Roi, t. II, p. 402).
Favier comprit, au subside qu'il reçut, que le comte de
Broglie ne lui demandait pas une simple leçon de diplo-
matie, et que son travail était destiné à être mis sous les
yeux du roi. Il l'intitula : Considérations raisonnées
sur l'état de l'Europe. « Cet exposé, nourri de iaits,
appuyé sur les documents les plus sûrs, relevé par des
vues saines et fines, est encore le document le plus ins-
tructif que puisse consulter l'historien qui veut connaître
la vraie situation du continent européen à la veille de la
Révolution française » (ibid., p. 404). Favier y blâmait
crûment l'abandon de l'alliance prussienne. Le comte de
Broglie, qui n'avait regretté de l'alliance autrichienne
que l'exécution, et non le principe, essaya sans trop de
succès, soit par un commentaire justificatif, soit plus tard
quand il rendit compte de sa conduite aux commissaires
de Louis XVI, de rejeter sur la tête de Favier la respon-
sabilité d'une critique injurieuse pour tout le règne de
Louis XV. — La même année, Dumouriez reçut du roi
lui-même la mission secrète de débarquer en Suède
6,000 hommes recrutés à Hambourg, afin de soutenir
Gustave III contre la Prusse et l'Autriche. Favier, confident
FAVÏER — FAVIÈRES
de Dumouriez, informa le comte de Broglie de ce nouveau
mystère diplomatique. En même temps, il mit Dumouriez
en relations avec le prince Henri de Prusse en le présen-
tant comme attaché aux vrais principes : mais il ne réussit
pas à rapprocher Dumouriez du comte de Broglie, qui
n'aimait pas les créatures du duc de Choiseul. Dumouriez
ne prit pas au sérieux sa mission, voyagea à petites jour-
nées et noua intrigues sur intrigues ; sa correspondance
avec Favier fut interceptée, et tous deux furent mis à la
Bastille. Favier se défendit avec habileté ; sans nier ses
ressentiments à l'égard du duc d'Aiguillon, il n'eut pas de
peine à démontrer qu'entre le travail dont le comte de
Broglie l'avait chargé et la mission de Dumouriez il n'y
avait aucun rapport. Il n'en fut pas moins transféré au
fort de Doullens, afin que le « secret du roi » ne fût pas
compromis. Le comte de Broglie eut à se justifier, après
la mort de Louis XV, d'avoir été l'agent de la politique
personnelle de ce roi mystificateur. Sans obtenir de
Louis XVI une faveur qu'il ne méritait pas, il reçut des
commissaires royaux du Muy et de Vergennes les attesta-
tions les plus honorables. « Avant que l'examen de la
procédure de la Bastille ne fût terminé, Favier fut, sur sa
demande instante, rendu à la liberté » et gratifié, comme
les principaux agents « qui avaient pu rendre un service
ou qui pouvaient avoir un secret à révéler, d'un traitement
annuel de 6,000 livres » (ibid., p. 548). Il reçut de
plus, du comte de Vergennes, 40,000 livres pour payer
ses dettes. Son indépendance, l'intempérance de sa langue
l'empêchèrent de donner toute sa mesure dans une société
où l'on ne pouvait avoir, comme homme public, que l'es-
prit de sa condition. Choiseul, revenu de Chanteloup, lui
dit un jour très haut, dans la galerie de Versailles : « Fa-
vier, vous avez écrit contre moi. » — « C'est vrai, Mon-
sieur le duc, répondit-il, mais vous étiez encore ministre. »
Louis XVI ne pouvait voir d'un mauvais œil un homme
qui, aussi conservateur en matière sociale qu'en matière
internationale, avait écrit contre Diderot, et s'était permis
de blâmer Malesherbes de sa tolérance, comme directeur
de la librairie, pour les écrits philosophiques. Cepenrlant
il ne fut plus que consulté. Toujours prodigue et viveur,
il finit par se confiner dans les plaisirs de la table, et
mourut d'une attaque d'apoplexie.
Favier a publié : le Spectateur littéraire sur quelques
ouvrages nouveaux (Paris, 1746, in-12) ; Essai histo-
rique et politique sur le gouvernement présent de la
Hollande (Paris, 4748, 2 vol. in-12) ; le Poète réformé
ou Apologie pour la Sémiramis de Voltaire (Amster-
dam, 4748, in-8) ; Doutes et questions sur le traité
de Versailles, entre le roi de France et l'impératrice
reine de Hongrie (Londres, 4794, in-8, 2e éd.) ; la pre-
mière édition (4778, in-8) est anonyme. Il a traduit de
l'anglais les Mémoires secrets de Bolingbroke (V. ce
nom). Au nombre des manuscrits trouvés dans le cabinet
de Louis XVI, et publiés par Roussel, avocat, sous le titre
de Politique de tous les cabinets de l'Europe pendant
les règnes de Louis XV et de Louis XVI (Paris, 4793,
2 vol. in-8), il y a deux mémoires importants de Favier.
Une seconde édition du même ouvrage, par L.-P. Ségur
l'aîné, ex -ambassadeur (Paris, 4801, 3 vol. in-8), con-
tient de plus les Conjectures raisonnées sur la situa-
tion actuelle de la France dans le système politique
de l'Europe, ouvrage dirigé par le comte de Broglie,
exécuté par Favier, et remis à Louis XV le 16 avril
1113. H. Monin.
Bibl. : Duc de Broglie, le Secret du roi, t. II, pp. 402,
406, et les chap. ix etx, passim ; 2° édit., Paris, 1878, in-8.
— Correspondance littéraire, etc. (édition M. Tourneux),
t. I, pp. 142, 279; II, 340.
FAVIER (Louis-Joseph), ingénieur français, né à Paris
le 44 nov. 4776, mort à Paris le 24 sept. 1855. Elève
de l'ancienne Ecole des ponts et chaussées (1694), il entra
à l'Ecole polytechnique en 1796, fut attaché en 1798 à
l'expédition d'Egypte, reçut le brevet d'ingénieur ordinaire
des ponts et chaussées en décembre de la même année et
78 -
fut chargé de la voirie du Caire, puis attaché à l'avant-
garde de l'armée de Syrie, « où il paya brillamment de sa
personne », dit Tarbé de Saint-Hardouin dans ses Notices
sur les ingénieurs. —Il fut attaché plus tard aux travaux
de navigation dans le dép. du Pas-de-Calais, puis aux tra-
vaux ordinaires dans divers départements et devint ingé-
nieur en chef en 1812 (dép. de Jemappes). Après avoir
occupé divers postes, Favier devint inspecteur général
en 1843; mais ce qui assure à son nom une notoriété
durable est son Essai sur les lois du mouvement de
traction, avec application au tracé des voies de com-
munication. Cet Essai a été le point de départ de nom-
breux travaux, qui ont peut-être plus de valeur pratique;
mais le rôle d'initiateur appartient à Favier et place son
nom au premier rang (V. Routes et chemins vicinaux,
par Léon Durand-Claye, dans Y Encyclopédie des travaux
publics). M.-C. L.
FAVIER du Boulay (Henri), écrivain français, né à
Paris en 1670, mort à Paris le 31 août 4753. Bénédictin
de Cluny, prieur de Sainte-Croix de Provins, ce fut un
prédicateur distingué. Il a laissé : Lettre d'un abbé à un
académicien sur le discours de Fontenelle relatif à
la prééminence entre les anciens et les modernes
(Paris, 4699, in-12) ; Oraison funèbre du duc de Berry
(1714, in- 4); Oraison funèbre de Louis X/F(Metz, 1715,
in-4) ; Epures en vers à Racine fils au sujet de son
poème de la Grâce (Paris, 17^4, in-8); Trois Lettres
au sujet de choses surprenantes arrivées à saint Mé-
dard en la personne de V abbé Bescherancl (1731, in-4),
et une traduction estimée de YHistoire universelle de
Justin (1733, 2 vol. in-12).
FAVIÈRE (La). Corn, du dép. du Jura, arr. de Poligny,
cant. de Nozeroy; 112 hab.
FAVIERES. Coin, du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Dreux,
cant. de Châteauneuf-en-Thimerais ; 269 hab.
FAVIÈRES (ecclesia ad Faverias, 1051). Com. du
dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de Toul, cant. de Co-
lombey, sur le ch. de fer de Toul à Mirecourt; 872 hab.
Fabriques de boutons de nacre, de poteries vernissées et
de machines à battre ; truffes. Ruines d'un ancien château
des comtes de Vaudémont ; dans les environs, substructions
considérables provenant d'une résidence des rois méro-
vingiens. L. W.
FAVIÈRES. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Melun, cant. de Tournan ; 780 hab.
FÂVIÈRES-sur-Mer. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Abbeville, cant. de Rue; 605 hab.
FAVIÈRES (Edme-Guilla urne-François de), auteur dra-
matique français, né à Paris vers 1755, mort à Paris le
18 mars 1837. Conseiller au Parlement de Paris. Il a
fait jouer : 1° au théâtre des Variétés : le Seigneur sup-
posé (1789), comédie en deux actes; Mauvaise Tête et
bon cœur (1789), comédie en trois actes; 2° au théâtre
Italien : les Espiègleries de garnison (1790), les Deux
Sous-Lieutenants (1791), opéras-comiques en un acte,
musique de Berton; Paul et Virginie (1791), comédie
lyrique en trois actes, musique de Kreutzer, son plus
grand succès; Jean et Geneviève (1792), opéra-comique
en un acte, musique de Solié; le Coin du feu (1793),
opéra-comique en un acte, musique de Jadin; Lisbeth
(1797), comédie en trois actes, musique de Grétry; en
collaboration avec Morel de Vindé : Primerose (1797),
comédie lyrique en trois actes , musique de Dalayrac ;
Eliska ou ï Amour maternel (1798), comédie lyrique en
trois actes, musique de Grétry ; Fanny Morna ou l'Ecos-
saise (1799), comédie lyrique en trois actes, musique de
Solié; en collaboration avec Marsollier : le Concert inter-
rompu (1802), opéra-comique en un acte, musique de
Berton; en collaboration avec Vial : Aline, reine de Gol-
conde (1803), comédie lyrique en trois actes, musique de
Berton, demeurée au répertoire; 3° au Théâtre-Français :
f Aimable Vieillard (1801), comédie en cinq actes en
vers; Eerman et Verner ou les Militaires (1804),
comédie en trois actes en prose. Citons encore de lui : le
Grand-Père (Paris, 4806, in-8); les Trois Hussards
(1804, in-8), et plusieurs pièces de poésies latines parues
dans les Amusements du cœur et de l'esprit (t. XIV).
FAVIGNANA. Ile d'Italie, l'ancienne Myusa, la plus
considérable du groupe des Muâtes (V. ce mot), situées à
l'O. de la Sicile. Elle a environ 30 kil. de tour et une
population de 5,000 à 6,000 hab. adonnés surtout à la
pêche du thon et de l'anchois. La commune de Favignana
(5,615 hab.) est un petit port de la côte septentrionale,
défendu par les forts de San Giacomo, de San Leonardo
et de Santa Catarina ; ce dernier servait de prison d'Etat
au temps des Bourbons de Naples. On a trouvé, sur les
rivages de Favignana, plusieurs grottes avec des armes et
ustensiles de l'âge de pierre. « Dans ce labyrinthe de terres,
de récifs et de bancs qui s'avance au large de la Sicile,
entre la mer Tyrrhénienne et la mer d'Afrique, se heurtent
souvent les vents contraires. La force des vagues y est
tout particulièrement redoutable; en outre, des phénomènes
irréguliers de marée ou peut-être des pressions inégales de
l'atmosphère déterminent dans ces parages la formation de
courants périlleux. Les brusques dénivellations des eaux,
connues dans l'archipel sous le nom de marubia ou mer
ivre, ont souvent causé des naufrages. » (E. Reclus.) H. V.
FAVILA, second roi des Asturies, fils de Pelayo le Con-
quistador, auquel il succéda en 737. Favila mourut à la
chasse, la seconde année de son règne. Ayant attaqué un
ours, il périt étouffé par l'animal et fut enterré dans
l'église de Santa Cruz qu'il avait fait construire. Comme il
ne laissait pas d'enfants, les Visigoths d'Asturie procla-
mèrent roi un gendre de Pelayo, Alonso Ier, surnommé le
Catholique, époux d'Herménésinde. L. D.
u FAVOLUS (Favolus Pal. Beauv.) (Bot.). Genre de Cham-
pignons-Polyporés, à chapeau coriace, souvent dimidié;
les pores alvéolés sont disposés, à la face inférieure, en
séries, comme les lamelles d'un agaric qui se seraient
anastomosées. Plusieurs espèces de Favolus ont été pla-
cées dans les genres Hexagona et Polyporus, de sorte
que ce genre n'est représenté en Europe que par le F.
Europœus, du midi de la France ; les autres espèces sont
dispersées en Amérique et dans les Indes. Elles sont toutes
épixyles. Dr L. Hn.
FAVONIUS. Nom latin du vent d'ouest, que les Grecs
appelaient zéphyr os. Il se rattache étymologiquement à
f avère, comme fournis, parce qu'il désignait le vent doux
qui souffle surtout au printemps. Les poètes l'appellent
serenus, lents, et Catulle l'a bien caractérisé par cette
périphrase : Aura tepidi feeunda Favoni (64, 282).
FAVONIUS (Marcus), homme politique romain, mis à
mort à Philippes en 4C2 av. J.-C. Imitateur de Caton d'Utique,
dont il n'avait pas l'énergie et les fermes principes, il joua
un certain rôle dans les discordes civiles de son temps.
Orateur d'un talent moyen, très passionné, il a été enve-
loppé dans le jugement porté sur L. Postumius par le pseudo-
Salluste, qui déclare qu'ils jouaient dans le parti aristo-
cratique le rôle de lest inutile (quasi maynœ navis
supervaciia onera). Il paraît en 61 comme adversaire de
Clodius et du consul Pison; en 60, il accuse Metellus Scipion
Nasica que défend Cicéron ; en 59, il fut le dernier à com-
battre la loi agraire de César ; en 57, il combattit la pro-
position de pouvoirs extraordinaires en faveur de Pompée ; il
accusa Ptolémée Aulète qui avait fait assassiner les envoyés
des Alexandrins à Rome. Il combattit avec Caton la motion
de Trebonius prolongeant de cinq ans le proconsulat de
César en Gaule et attribuant pour le même temps l'Espagne
à Pompée, la Syrie à Crassus. Il fut élu édile grâce à l'in-
tervention de Caton (53); durant sa magistrature, le tribun
A. Pomponius Rufus le fit emprisonner. 11 tenta de faire
acquitter Milon après le meurtre de Clodius ; il fut préteur
probablement en 49. Quand éclata la guerre civile, ce per-
pétuel opposant railla Pompée, mais se rangea de son côté
avec le reste du parti des nobles ; adversaire résolu de
— 79 — FAVIÈRES — FAVORINUS
toute transaction, il passa en Grèce; en Macédoine, il com-
mandait huit cohortes et se laissa surprendre par Domitius
Calvinus. Après la défaite de Pharsale, Favonius se montra
très dévoué à Pompée, l'accompagna jusqu'au bout. César
lui pardonna et Favonius accepta franchement la monarchie.
Il n'entra pas dans le complot des meurtriers du dictateur;
mais ensuite il se rallia à eux pour se rendre au Capitole.
Il suivit Brutus et Cassius et fut mis hors la loi avec eux
par la loi Pedia. Son esprit d'opposition le faisait paraître
importun aux républicains, et Brutus le malmena. Fait pri-
sonnier à Philippes, il invectiva violemment Octave, lui
reprochant les proscriptions. Il eut le sort de ses amis.
FAVORI (V. Monarchie).
FAVORINUS, orateur latin, dont Aulu-Gelle (XV, 8) a
conservé un fragment de discours prononcé en faveur de la loi
Licinia de sumtu minuendo, vers 110 ou 104 av. J.-C.
FAVORINUS ou PHAVORINUS, philosophe grec, né à
Arles. On ne peut fixer qu'approximativement les dates de
sa naissance et de sa mort (80 à 90 et 150 ap. J.-C). Il
eut pour maîtres Dion Chrysostome et peut-être Epictète,
contre lequel il écrivit plus tard un livre. Il séjourna
quelque temps à Athènes, où il se lia d'amitié avec le phi-
losophe Démonax et avec Hérode Atticus : il vécut surtout
à Rome, où il ouvrit une école, et eut pour disciple Aulu-
Gelle, qui parle souvent de lui avec la plus vive admira-
tion. Plutarque fut aussi de ses amis et lui dédia un de ses
livres. Il fut en faveur auprès de l'empereur Adrien, et on
dit qu'il discutait souvent avec lui. Favorinus était eunuque
ou hermaphrodite, ce qui lui valut plus d'une cruelle rail-
lerie, comme on peut le voir dans le Demonax, de Lucien.
On nous le représente le front dégarni, les joues molles et
tombantes, le cou grêle, les jambes épaisses, la voix effé-
minée, les membres et les articulations privés de toute
vigueur, comme relâchés. Malgré ces désavantages phy-
siques, il obtint de grands succès auprès de ses contem-
porains. Il fut célèbre et on se pressait pour l'entendre. Il
était beau parleur, également habile à manier la langue
latine et la grecque, capable de discourir longtemps à la
manière des sophistes, et, selon la mode de l'époque, sur
tous les sujets, même les plus ténus. Il tenait beaucoup à
se faire passer pour un philosophe, bien qu'au fond il ne
fût qu'un rhéteur. On nous le donne parfois comme très
attaché à Aristote, et peut-être avait-il commencé par
défendre les doctrines de ce philosophe ; mais, plus tard,
il se décida pour la nouvelle académie ou pour le pyrrho-
nisme, sans qu'on puisse dire avec précision à laquelle de
ces deux écoles il faut le rattacher. Il avait écrit un livre
sur les Tropes pyrrhoniens, où se trouvaient exposés les
dix tropes d'iEnésidème, et il nous est attesté qu'il admi-
rait fort Pyrrhon. Mais, d'autre part, il a écrit un livre
Sur la Représentation comprehensive (des stoïciens)
dont le titre semble plutôt rappeler la manière des nou-
veaux académiciens ; il y soutenait que le soleil même ne
peut être perçu; il avait écrit aussi sur Plutarque et
l'Ecole académique. Son habileté à user et abuser de la
dialectique, sa manie de discourir sur tout sans jamais rien
affirmer, ses arguments contre l'astrologie, qui rappellent
ceux de Carnéade, et aussi sa discussion contre le fatalisme
stoïcien, semblent le rapprocher davantage de la nouvelle
académie. Peut-être, après tout, essayait-il de concilier les
deux écoles. Il n'a d'ailleurs rien ajouté à la doctrine des
maîtres. Ses principaux ouvrages étaient, outre ceux que
nous avons cités : V Histoire variée (consacrée peut-être
à l'histoire de la philosophie) ; les Souvenirs; un traité
Sur la Philosophie d'Homère. Nous n'en avons rien con-
servé, et Favorinus est surtout connu par les nombreux
passages où son disciple Aulu-Gelle l'a célébré. V. Br.
Bibl.: Marres, De Fav. Arel.Vita, Studiis et Scriptis;
Utrecht, 1853.— Bâhr, Reale Encycl. f. d. class. AUerth.,
III, 440. — Muller, Fmqm. hist. Gvsec, 111,577. — Nietz-
sche, Rh. Mus. N. F., XIII, 648. — Wilamowitz-
Môllendorff, PhiloL Unters.,111, 145. — Freudenthal,
Rh. Mus. N. F:, XXXV, 108. — Brochard, les Scep-
tiques grecs, p. 328.
FAVORITE — FAVRAS — 80 —
FAVORITE (Bataille de la). Livrée par Bonaparte aux
Autrichiens le 16 janv. 1797. Le général autrichien
Wurmser était parvenu à se jeter dans* Mantoue assiégée,
avec des renforts qui devaient permettre à la garnison de
battre les environs de la place pour y ramasser des subsis-
tances. Bonaparte résolut de la refouler derrière les mu-
railles du corps de place. Il appela à lui toutes ses forces
disponibles, fit porter Augereau de Legnago sur Mantoue
le 14 janv., avec ordre de se diriger sur le faubourg Saint-
Georges, pendant que Masséna marcherait sur Castellaro
et Sahuguet sur la Favorite. Les premières attaques tour-
nèrent en faveur des Autrichiens; mais, le 16, Wurmser,
sorti de Mantoue pour nous faire face, ayant dégarni son
centre, le vit enfoncer par Bonaparte qui repoussa ainsi les
Autrichiens dans la place en leur faisant 2,000 prisonniers
et en leur enlevant 25 pièces de campagne attelées. Ed. S.
FAV0R1TI (Agostino), poète italien, né à Lucques en
1624, mort le 13 nov. 1682. II était considéré comme un
des meilleurs poètes latins de son temps et désigné parmi
les sept de la Pléiade alexandrine, lesquels s'illustrèrent
grandement (gloire bien abolie) sous le pape Alexandre VII
par de savants vers latins. Ils ont tous été recueillis dans
le volume intitulé : Septem illustrium virorum Poe-
mata (Amsterdam, 1672). R. G.
Bibl. : Tiraboschi, Storia délia, lelteratura italîana /
Modène, 1787-1794,16 vol. in-4.
FAVOSITES (Paléont.). Genre de Polypiers (Zoan-
thaires) créé par Lamarck et devenu le type de la famille
des Favositidœ qui fait partie des H exaco?*a lia (ïï&ckQÏ).
Les caractères sont : Polypier massif sans cœnenchyme.
Polypiérites allongés, prismatiques, divisés en étages par
des planchers nombreux. Murailles soudées entre elles sur
toute leur longueur et percées de pores. Cloisons peu nom-
breuses (6 ou 12), courtes, réduites parfois à de simples
stries verticales. Le genre Favosites est du silurien, du
dévonien et du calcaire carbonifère. Un grand nombre
d'autres genres, dont Alvéolites (V. ce mot), font partie
de la même famille. E, Trt.
FAVRAS (Thomas de Mahy, marquis de), né à Blois
le 26 mars 1744, pendu en place de Grève le 19 févr.
1790. La noblesse de sa famille, dontil était l'aîné, re-
montait au xive siècle : il lui restait au xvme siècle des
droits seigneuriaux sur le marquisat de Favras et sur le
bourg de Cormeray, érigé en baronnie par Louis XV
(1747) : le frère puîné de Thomas porta le titre de baron
de Gormeré (sic). Sommairement élevé, plus riche de
titres que d'écus, mousquetaire à onze ans (1755), capi-
taine de dragons du régiment de Chapt à dix-sept ans
(1761), capitaine aide-major à dix-neuf ans (1763), le
marquis de Favras prit part à la fin de la guerre de Sept
ans. Soubise, le triste héros de Rossbach, passe même
pour avoir donné asile, dans le Luxembourg, à la prin-
cesse d'Anhalt que son mari avait chassée, et dont la fille
Caroline-Edwige devint, on ne sait par quelles circonstances,
marquise de Favras. Ce mariage fut en tout cas parfaite-
ment régulier, car il existe un jugement de la cour aulique
(21 nov. 1776) rendu par Joseph II contre le prince
d'Anhalt-Schauenbourg, et lui enjoignant de servir à sa
fille légitime, marquise de Favras, une pension annuelle
de 1,000 florins. Quatre ans auparavant, Favras était
devenu, peut-être à l'occasion de ce mariage princier,
premier lieutenant des Suisses du comte de Provence :
c'était l'équivalent du grade de colonel. Mais le traitement
n'était que de 1,200 livres et ne fut pas augmenté lorsque
le comte de Provence devint premier prince du sang par
l'avènement de Louis XVI. Favras ne pouvait tenir son
rang : il se fit attacher à la suite et alla loger place
Royale, 21 (aujourd'hui, 4). Ambitieux sans moyens pécu-
niaires ou intellectuels, mais d'une bravoure à toute
épreuve, il fut autorisé à lever, en 1787, une « légion
patriotique » destinée à secourir les Hollandais contre la
Prusse. Il n'aboutit pas à temps : c'est alors que, pour son
malheur, il se mit en relations avec l'officier racoleur
Turcati. En 1789, il publia sous son nom deux écrits très
sérieux, mais très utopiques, relatifs aux finances publiques
et à l'usage modéré que l'on pouvait faire des biens du
clergé comme garantie de la dette publique (Bib. nat.,
Lb39, 1630 et 2520). Le 5 oct., toujours à l'affût des
occasions, il se trouve à Versailles, au château, propose
au comte de Saint-Priest un plan de résistance, froide-
ment écarté par le ministre. Quand La Fayette se présenta
en tardif libérateur, quelqu'un lui cria dans l'OEil-de-bœuf :
« Voilà Cromwell ! » C'est sans aucune preuve que cette
apostrophe est attribuée à Favras par M. A. de Valon
{Revue des Deux Mondes, année 1851, p. 1091). Il sui-
vit à peu de distance le carrosse du roi obligé de revenir
définitivement aux Tuileries, et nota l'attitude éplorée d'un
lieutenant de grenadiers du faubourg Saint-Antoine,
Pierre Marquier. Il rêva dès lors de sauver la famille
royale, suivant l'expression familière aux contre-révolu-
tionnaires, c.-à-d. de lui constituer une garde fidèle pour
la faire sortir de Paris. Rien n'eût d'ailleurs été plus
facile au roi, s'il l'avait réellement voulu : Mirabeau tra-
vaillait alors dans le même sens, mais avec d'autres vues.
C'est à son ancien maître, au comte de Provence, que
Favras s'adressa. Il ne fut sans doute ni avoué, ni désa-
voué. En novembre, à une représentation de Charles IX,
Favras s'ouvrit de ses projets à Turcati et à Morel (pré-
senté par Turcati), et tous deux retrouvèrent Marquier.
Celui-ci déclina ses propositions ; quant aux deux autres,
confidents bien mal choisis, ils se firent agents provoca-
teurs, espions, et délateurs du naïf et généreux marquis.
La Fayette avait d'ailleurs, sur d'autres indices, fait atta-
cher à la surveillance de Favras, outre l'exempt de police
Joffroy, son propre aide de camp , Masson de Neuville.
Alors parut un pamphlet anonyme, souvent attribué au
duc de Biron, parce qu'il faisait appel aux gardes fran-
çaises^ : il était intitulé Ouvrez donc les yeux ! Pour
s'expliquer sans parler, Favras en avait remis un exem-
plaire à Marquier, devant Morel, en cornant la page 51 :
« Les gardes françaises ont été trompés, ils en conviennent,
et leur repentir se manifeste chaque jour; ils sont prêts à
rentrer dans le devoir pour n'en jamais sortir. Il ne leur
manque qu'un homme qui sache les ramener dans les
voies qu'ils suivaient autrefois. Eh bien ! soldats, c'est à
vous, gardes françaises, que je parle, vous en trouverez,
un, c'est moi. Je me lie à vous : je sais les risques que je
cours, mais vous me défendrez, et si l'on m'assassine, vous
vengerez ma mort; j'aurai sauvé la patrie, et je mourrai
content. Je me ferai connaître dès que vous le désirerez. »
Evidemment, il n'est pas impossible que Favras ait lui-
même rédigé ce violent appel. V Appel aux fidèles Picards,
Y Adresse aux provinces, se rapportaient aux mêmes des-
seins. Ce qui distingue « l'affaire Favras », c'est qu'il y
eut commencement d'exécution. Un projet d'emprunt
de 2 millions, négocié par Favras avec les banquiers Schau-
mel et Sartorius, fut ratifié par le comte de Provence :
on lut au procès une lettre de Schaumel demandant des
garanties positives « de la part de deux personnes distin-
guées^ surtout de la première, qui seule peut assurer les
opérations et les récompenses ». Ni LaFerté, trésorier gé-
néral du comte, ni LaChastre, son premier gentilhomme, ni
Monsieur lui-même, ne nièrent le projet d'emprunt ; ils se
contentèrent de le colorer de faux prétextes, dont pas un
n'expliquait la nécessité ou l'utilité d'un intermédiaire tel
que Favras. Il y eut aussi, de Favras à Schaumel, une lettre
non signée (24 déc.) où il ne s'agissait que d'un acompte de
300,000 livres, et qui contenait ces mots : «Tout est dis-
posé pour conclure aujourd'hui. » Rien nefut conclu. Mais il
n'est pas démontré que Schaumel ait joué ni trahi Favras, ar-
rêté le jour même (24 déc), au moment où il sortait de
chez M. de La Ferté, — eh même temps que la marquise sa
femme, place Royale, à leur commun domicile. Le lende-
main, jour de Noël, un billet imprimé, signé d'un pseudo-
nyme, jetait l'alarme dans la ville et surtout au Luxembourg,
où habitait le frère aîné du roi. En voici l'exacte copie : « Le
81 -
FAVRAS
marquis de laveras a été arrêté avec Mme son épouse, la
nuit du 24, pour un plan qu'il avait fait, de faire soulever
30,000 hommes pour faire assassiner M. de La Fayette et
le maire, et ensuite de nous couper les vivres. Monsieur,
frère du roi, était à la tète. A Paris, ce 25. Signé Barauzz. »
Cet écrit fut saisi entre les mains de Jouve, valet
de chambre, au club du duc d'Orléans. Le Comité des
recherches de la municipalité l'interrogea le 26 déc.
ainsi que Potel, maître tailleur, et d'autres témoins. Le
28 déc. la Commune offrit 500 louis de récompense à qui ferait
connaître l'auteur de cet avis « par lequel le frère du roi
était calomnié ». L'information contre Jouve et Potel fut
faite par le conseiller au Châtelet Jean-Nicolas Quatremère
le 5 janv. 1790. Je n'ai trouvé trace ni du coiffeur Briche-
mier, qui d'après M. de Valon aurait été impliqué dans
l'incident, ni du jugement, sans doute soustrait avec les
autres pièces relatives à l'affaire Favras. Le Châtelet ad-
mit, croit-on, que Jouve et Potel avaient agi par manière
de plaisanterie. L'on fit disparaître ces comparses d'une
comédie qui précédait le drame. A la date du 27 déc, le
ministre américain Gouverneur-Morris note dans son Mé-
morial, tenu au jour le jour : « Après dîner, La Fayette
nous conduit, Short et moi, dans son cabinet. Là, il nous
dit que depuis longtemps il avait connaissance d'un com-
plot ; qu'il l'a suivi à la trace, qu'il a enfin arrêté M. de
Favras, qu'on a trouvé sur lui une lettre de Monsieur,
laquelle semblait prouver que Monsieur n'y était que trop
impliqué; qu'il s'était rendu, muni de cette lettre, chez
Monsieur, et la lui avait remise en lui disant qu'elle n'était
connue que de lui et de M. Bailly ; qu'en conséquence,
Monsieur ne serait pas compromis ; que Monsieur avait
été enchanté de cette assurance ; que cependant il était
allé ce matin à la Commune prononcer un discours con-
seillé sans doute par Mirabeau, que lui, La Fayette, con-
sidère comme un misérable. » Aussitôt averti de l'écrit
Barauzz, le comte de Provence avait écrit au maire :
« Je vous prie, Monsieur, de demander à MM. les repré-
sentai de la Commune une assemblée extraordinaire
pour ce soir, désirant communiquer avec eux sur une
affaire qui m'intéresse. Soyez bien persuadé, Monsieur,
de tous mes sentimens pour vous. Louis-Stanislas-Xavier. »
Le maire et la Commune furent très flattés. Monsieur
fut applaudi à son entrée. Il affirma n'avoir pas parlé à
Favras depuis 1775. Il reconnut qu'il l'avait chargé, sans
lui écrire, de négocier pour sa maison obérée un emprunt
de 2 millions. Il s'indigna contre le factum et en géné-
ral contre les calomnies « qui peuvent faire aisément con-
fondre les meilleurs citoyens avec les ennemis de la Révo-
lution », rappela son attitude libérale à la seconde assem-
blée des notables. Il n'avait pas cessé de croire qu'une
grande révolution était prête. Le roi devait en être le chef.
L'autorité royale n'était-elle pas « le rempart de la liberté
nationale ; la liberté nationale, la base de l'autorité
royale »? Cette phrase avait été dictée par Mirabeau.
Bailly répondit en appelant Monsieur le premier citoyen
du royaume, etc. La Fayette déclara que les auteurs (ou
copistes) du factum étaient arrêtés, et Monsieur termina
onctueusement : « Ma bouche ne doit plus s'ouvrir que
pour demander la grâce de ceux qui m'ont offensé. » Et
il sortit en élevant les mains, en signe de supplication.
C'était là, ou un acte singulier d'humilité, ou plutôt un
coup d'audace nécessaire. Louis Blanc, après Regnault-
Warin et après Dulaure, a reproduit par deux fois dans
son Histoire de la Révolution une lettre soi-disant
adressée par le comte de Provence à Favras, et débutant
ainsi : « Je ne sais, Monsieur, à quoi vous employez votre
temps et l'argent que je vous envoie. » Regnault-Warin
tenait cette pièce, suivant Dulaure, du Directoire. L'un et
l'autre lui donnent la date du ier nov. 1789. Mais Louis
Blanc, qui se flatte d'avoir copié l'original écrit à l'encre
sympathique et appartenant alors à M. Monkton-Milnes,
a imprimé : le Ier nov. 1790. Est-ce un lapsus? La lettre
est-elle authentique? A-t— elle été adressée à Monsieur?
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
La question reste douteuse, mais, ce qui ne l'est pas, c'est
la complicité du comte de Provence et de Favras. Le mar-
quis et sa femme furent d'abord emprisonnés « sous le même
toit », à l'Abbaye; le 7 janv. 1791, Favras fut transféré
au Châtelet. Mais les deux époux purent correspondre :
les lettres de Favras furent plus tard publiées par de
Mahy-Savonnière (Bib. nat. Lb39 3010, s. 1. n. d.,
107 pages) : c'est la seule édition authentique. La famille
eut à désavouer une odieuse contrefaçon qui contenait
trois lettres delà dernière violence contre les juges, Bailly
et La Fayette. Il subsiste d'ailleurs des lettres autographes,
une, entre autres, très touchante et très ferme, dans la
collection de M. Etienne Charavav. Le procès fut long
(du 26 déc. 1789 au 18 févr. 1790) et compliqué d'in-
vraisemblables accusations. Morel parla d'un recrutement
de 200,000 hommes ; il se donna cyniquement comme
confident du projet d'assassiner La Fayette et Bailly. Favras
protesta hautement contre ce rôle de coupe-jarret qui lui
était attribué. La presse, même révolutionnaire, traîna
les délateurs dans la boue : Turcati ne s'accorda pas du
reste avec Morel. Ni Bailly, ni La Fayette ne chargèrent
Favras outre mesure (dépositions du 24 janv.). Mais, le 26,
il y eut une tentative d'émeute dirigée contre le Châ-
telet par les bataillons du Centre (royalistes). La Fayette
la réprima. Il l'explique dans ses Mémoires par l'intérêt
que la cour et Monsieur avaient d'en finir. Besenval, ar-
rêté pour les faits du 12 au 14 juil., ayant été élargi le 29,
la fureur du peuple fut portée au comble ; et bien
que le premier jugement rendu dans l'affaire Favras
(30 janv.) eût conclu à un supplément d'information, les
colporteurs reçurent l'ordre de crier « le grand juge-
ment de Favras », afin de faire diversion. Favras avait
dû ce répit à la courageuse plaidoirie de son avocat
Thilorier, car le procureur Deflandre de Brunville avait
conclu à la mort. Favras, énergiquement résolu à « se
rappeler ce qu'il se devait à lui-même », c.-à-d. à ne
compromettre en rien le roi ni le frère du roi, écrivit
toutefois un mémoire défensif qui ne parut jamais, car on
lit dans une lettre authentique du 18 févr. : « Cet impri-
meur est un cruel homme... Il a été gagné par quelqu'un...
Il a encore deux feuilles pleines en arrière. » Or, c'est
le même jour, qu'après une nouvelle plaidoirie de Thilorier,
assisté par le baron de Cormeré, et sur le rapport de Qua-
tremère, la sentence capitale fut prononcée. Le titre
n'énonce que vaguement les motifs :
Jugement en dernier ressort, rendu publiquement
à V audience du -parc civil du Châtelet de Paris, la
compagnie assemblée, qui condamne Thomas deMahy
de Favras a faire amende honorable devant la prin-
cipale porte de V église de Paris, où il sera conduit
par V exécuteur de la haute justice dans un tombe-
reau, ensuite conduit à la place de Grève pour y être
pendu et étranglé jusqu'à ce que mort s'ensuive, pour
avoir conspiré contre l'Etat en formant et communi-
quant à des militaires, banquiers et autres per-
sonnes et tenté de mettre à exécution un projet de
contre-révolution en France.
Lorsque le rapporteur vint lire au condamné, dans la
chambre de la question, cet inique jugement, il ajouta :
«Monsieur, votre vie est un grand sacrifice que vous de-
vez à la sûreté et à la tranquillité publiques. » — « Mon-
sieur, répartit Favras, il est heureux que votre choix soit
tombé sur moi : je saurai montrer à vos Parisiens com-
ment sait mourir un gentilhomme. » Il fut confessé par le
curé de Saint-Paul, Louis Bossu. Il remit sa croix de
Saint-Louis, non entre les mains du greffier, mais entre
celles du sergent-major Bruyant. Le 19, à trois heures,
on le vit sortir du Châtelet, les mains liées, malgré ses
protestations, et vêtu de blanc. L'écriteau portait : Cons-
pirateur contre l'Etat. Au parvis Notre-Dame, il dit :
« Peuple, écoutez l'arrêt. Je suis innocent comme il est
vrai que je vais paraître devant Dieu. Je ne fais qu'obéir
à la justice des hommes. » Conduit à l'Hôtel de ville à
6
FAVRAS — FAVRE — 82 —
quatre heures, il y dicta et y corrigea minutieusement
son testament de mort. Il y pardonnait à ses ennemis, se
déclarait dévoué au roi, parlait « d'une main invisible qui
avait tramé sa perte », recommandait à ses amis et parents
son corps, sa femme, son fils et sa fille. Ce document assez
long, qui fut publié le lendemain, lui demanda quatre
heures :^ il espérait, on espérait peut-être autour de lui
quelque intervention puissante. Il écrivait une lettre d'adieu
à sa femme lorsque les cris de colère et d'impatience de la
populace se firent entendre. Il faisait nuit; un bataillon
carré entourait le gibet ; il y avait des lampions partout,
jusque sur la potence. Le condamné se livra en disant :
« Devant Dieu, je suis innocent. Faites votre office. » Pen-
dant que son corps long et maigre se débattait aux prises
avec la mort, une voix cria : « Saute, marquis ! » D'autres :
« Bis ! bis ! » C'était la première application de l'égalité des
peines. C'était le premier noble pendu par arrêt de justice.
On eut grand'peine à défendre le cadavre contre un peuple
en délire et qui voulait s'assurer de l'identité de la victime.
Il fut enterré au cimetière de Saint-Jean-en-Grève. —
Cependant Mme de Favras, qui avait subi à l'Abbaye une
détention absolument arbitraire, et qui ne fut pas citée
au procès, fut délivrée de sa prison : elle y était tombée
à la renverse en apprenant, par un crieur des rues, la
mort de son mari. Elle avait une fille, Caroline, et un fils
Charles, qui fut pourvu d'une lieutenance. Des mémoires
au roi furent adressés, et signés, par le frère du marquis.
La marquise fut pensionnée par Louis XVI, dès 1791,
croit-on, mais on ignore quel fut le prix du sang. Elle
émigra. Charles de Favras vécut à Lamotte-Tilly (près de
Nogent-sur-Seine), pendant la Restauration, d'une petite
pension octroyée par l'ex-comte de Provence, devenu
Louis XVIII. Suivant une note de Forneron (Histoire des
émigrés, I, 87), M.Fr. von Stillfried-Ratenic, qui a publié
en 4881 un ouvrage en allemand sur Favras, « est le petit-
fils de Favras, dont la veuve se fit Autrichienne ». La
descendance masculine est éteinte. H. Monin.
Bibl. : Maurice Tourneux, Bibliographie de l'histoire
de Paris pendant la Révolution française ; Paris, 1890, in-4,
t.I, n08 1527 à 1661. — Fr. von Stillfried-Ratenic, Tho-
mas de Mahy, marquis de Favras, und seine Gemahline ;
Wien, 1881, iu-8. — Al. Tuetey, Répertoire général des
sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la
Révolution française; Paris, 1890, in-4: t. I, n09 1137, 1163
1271, 1337, 1520 à 1530, 3475 à 3478. — Le dossier de Favras
faisait partie des procédures instruites au Châtelet pour
crime de lèse-nation. 11 a entièrement disparu. M. Tuetey
a publié l'inventaire des pièces dressé par le greffier Drié
et remis par lui, en dernier lieu, au greffe delà chambre
du conseil : ce sont 24 titres dont la sécheresse ne peut
rien nous apprendre. — Une lettre de Monsieur, du 28 déc,
annonçant à la Constituante qu'il avait porté ses plaintes
à la Commune contre les calomnies du prétendu Barauzz,
publiée par Bûchez et Roux dans leur Histoire parlemen-
taire {t. IV, p. 50), n'est plus aux Archives nationales, où elle
devait être cotée C. 33, n° 287. D'après La Fayette, et
d'après l'historien Droz qui s'appuie d'un témoignage
anonyme, mais sans doute sincère, tous les « papiers du
vrai complot » auraient été remis à Louis XVIII par l'ex-
lieutenant civil Talon. Ce bruit n'aurait-il pas été répandu
pour pallier la soustraction du dossier opérée par auto-
rité royale ?
FAVRAY (Antoine de), peintre français, né à Bagnolet
en 1706, mort à Malte en 4791. Bien que Favray ait été
Félève de Jean-François de Troy, il ne sacrifia pas au même
idéal et s'abstint de faire comme son maître de grandes
machines décoratives. Sans ambition et sans panache, il
resta un peintre de genre et surtout un voyageur curieux
des mœurs étrangères et des costumes. Lorsque de Troy
fut nommé directeur de l'Académie de France à Rome,
c.-à-d. en 1738, il emmena avec lui son jeune élève à qui
il fit obtenir une pension du roi. Il nous donne souvent de
ses nouvelles dans les lettres administratives qu'il adresse
au directeur des bâtiments. On voit dans cette correspon-
dance qu'en 1739 Favray étudiait Raphaël et qu'il copiait
au Vatican Y Incendie du Borgo. C'est aussi de Troy qui
écrit le 1er juil. 1744 : « Le sieur Favray vient de partir
pour Malte. Il a de l'esprit, de l'habileté et de la con-
duite. » Pourquoi ce voyage en dehors des habitudes de
l'école ? Favray avait rencontré à Rome plusieurs cheva-
liers de Malte ; il voulait voir le monde et il consentit à les
suivre dans leur île. Une fois arrivé, il montra ses tableaux
au grand maître de l'ordre qui le nomma « chevalier ma-
gistral ». Il fit ensuite une excursion dans le Levant, région
qui paraît l'avoir intéressé beaucoup. Favray était à Cons-
tantinople lorsque l'Académie royale eut à s'occuper de lui
en 1762. Pour montrer son savoir-faire, il avait envoyé
plusieurs peintures, entre autres les Dames maltaises se
faisant visite, qu'on retrouve aujourd'hui au Louvre.
Dans la séance du 30 oct., le chevalier de Favray fut
agréé et immédiatement reçu académicien, comme « peintre
dans le genre des figures vêtues à la moderne ». On ne
sait combien dura son séjour à Constantinople ; mais, en
1771, on le vit reparaître à Marseille. Il n'y resta pas ;
il résolut de retourner à Malte où il avait conservé des
amis. On croit qu'il y est mort en 1791. Ses tableaux, peu
nombreux, ont été exposés aux Salons de 1763, 1771 et
1779, et Diderot vante le coloris dans la grande composi-
tion qui représentait Y Audience donnée par le Grand
Seigneur à l'ambassadeur Saint-Priest, Sa peinture
du Louvre, les Dames maltaises, est signée A. Favray
à Malte i75I, et c'est un type authentique qui pourrait
servir à reconnaître ses œuvres. L'artiste voyageur pei-
gnait aussi des portraits. On trouvera dans la salle Lacaze
un portrait de femme maltaise où l'on croit voir, à la suite
de la signature, une date peu lisible (1760). On ne sait ce
qu'est devenu un tableau qu'il avait peint à Malte et qui
reproduisait avec un grand souci de l'exactitude la céré-
monie qu'on célébrait chaque année à l'église Saint-Jean
pour remercier Dieu delà délivrance de l'île (S. de 1763).
Antoine de Favray n'était pas un peintre maladroit. Les
amateurs français le connaissent mal ; les experts l'ignorent.
Beaucoup de petits tableaux qu'on lui attribue et qui gardent
le souvenir des costumes italiens, comme ceux que Gaucherel
a gravés, doivent être restitués à Barbault. P. Mantz.
Bibl. : Villot, Catalogue du Louvre {Ecole française),
1855. — Lecoy de La Marche, l'Académie de France à
Rome, 1878.
FAVRE ou LE FÈVRE (Pierre), Faber, jésuite, né à
Villaret (diocèse de Genève) en 1506, mort en 1546.
Lorsque Ignace de Loyola vint à Paris pour continuer les
études qu'il estimait nécessaires au succès de l'œuvre qu'il
rêvait, Favre lui fut donné comme répétiteur, au collège de
Sainte-Barbe; Ignace en fit son premier disciple et l'un
des plus fervents. Cinq autres s'unirent bientôt à eux :
François Xavier, Jacques Laynès, Alphonse Salmeron,
Nicolas Alphonse, surnommé Babadilla, Simon Rodriguez
d'Azévédo. Le 15 août 1534, les sept allèrentdans une cha-
pelle souterraine de l'église de Montmartre prononcer le
célèbre vœu qui fut le germe de Tordre des jésuites ; Favre,
qui était déjà prêtre, donna la communion à ses compagnons.
Ce fut lui qui parfit le nombre dix, en recrutant trois nouveaux
adeptes parmi les théologiens de Paris, pendant qu'Ignace
était en Espagne : Claude Le Jay, Jean Codure et Pasquier-
Brouet. Quand la Compagnie de Jésus fut définitivement
constituée, il mit à son service des qualités qui se trouvent
rarement réunies, mais qu'il réunissait et portait à un
degré éminent : l'enthousiasme, l'austérité et le savoir ; il
connaissait le grec et parfaitement le latin : il parlait avec
facilité l'allemand, l'italien, l'espagnol et le portugais. Il
remplit avec grand succès plusieurs missions fort impor-
tantes en Allemagne ; il fonda pour son ordre à Cologne
(1544), à Coïmbre et à Valladolid (1546) des collèges qui
devinrent florissants en quelques mois. — Quelques-unes
de ses lettres ont été publiées avec celles de Canisius. De
celles qui sont restées inédites dans les archives du Gesù,
Crétineau-Joly (Histoire de la Compagnie de Jésus, 1. 1,
p. 137) a extrait des indications fort intéressantes sur les
causes du succès des réformateurs : «Je m'étonne qu'il n'y
ait pas deux ou trois fois plus d'hérétiques, et cela parce
que rien ne conduit si rapidement à l'erreur dans la foi
que le désordre dans les mœurs. Ce ne sont ni les fausses
— 83
interprétations de l'Ecriture, ni les sophismes des luthé-
riens qui font apostasier tant de peuples et mettent en
révolte contre l'Eglise romaine tant de villes et de pro-
vinces ; tout le mal vient de la vie scandaleuse des prê-
tres... La partie du troupeau qui, par devoir, serait tenue
de ramener les infidèles dans le bercail est celle-là même
qui, par ses mœurs dissolues, invite et pousse les catho-
liques à se faire luthériens. » E.-H. Vollet.
FAVRE (Antoine), jurisconsulte français (V. Faber).
FAVRE ou FABRE (Jean-Baptiste), poète languedocien,
né vers 1728, mort à Celleneuve (Hérault) le 6 mars 1783.
Bibliothécaire et aumônier du marquis d'Aubais, prieur-curé
de Celleneuve. Il a composé en patois du Languedoc d'ai-
mables et spirituelles poésies qui ont été recueillies et
publiées par J. Brunier (Montpellier, 1815, 2 vol. in-12),
sous le titre de Recul d'uvras patoisas, et rééditées d'une
manière plus complète par Virenque (Montpellier, 1839,
4 vol. in-18). On a encore de lui un petit poème écrit en
français : Acidalie ou la Fontaine de Montpellier et de
nombreux ouvrages demeurés en manuscrit à la biblio-
thèque de Montpellier. Les poésies de l'abbé Favre con-
tinuent d'être goûtées de nos jours. On a réimprimé son
Histoire de Jean-Vont-pris (Paris, 1883, in-18), son
Siège de Caderousse (Montpellier, 1858, in-12, et Avi-
gnon, 1877, in-18), etc., et deux nouveaux recueils de ses
œuvres : Obras languedoucianas (Montpellier, 1 877 , in-4);
Œuvres complètes languedociennes et françaises (Mont-
pellier, 1878-83, 2 vol. in-8).
FAVRE (Guillaume), érudit et historien genevois, né à
Marseille le 1er juin 1770, mort à Genève le 27 févr. 1851.
Voué d'abord au commerce dans sa ville natale, il vint à
Genève avec sa famille et y fut incarcéré plusieurs mois
lors de la Terreur de 1794. Il se retira dans le pays de
Vaud et ne revint à Genève que lors de la domination fran-
çaise : il se livra alors à ses recherches linguistiques,
archéologiques et littéraires, et rassembla une collection
remarquable de classiques anciens et modernes. Mme de
Staël l'appelait son érudit, avide de connaissances et avare
de publications. Après sa mort, on a réuni en deux volumes
ses Mélanges d'histoire littéraire, sympathiquement sa-
lués par Sainte-Beuve. E. Kuhne.
FAVRE (Ferdinand), homme politique français, né à
Couvet (Suisse) le 28 févr. 1779, mort à Paris le
16 juil. 1867. Engagé dans la garde nationale de Nantes,
il fit la campagne de Vendée. Partisan du gouvernement de
Juillet, il fut nommé par lui maire de Nantes, où il diri-
geait une grande raffinerie. Il joua un rôle dans l'arres-
tation de la duchesse de Berry (V. ce nom). Le 23 avr. 1848,
il fut élu représentant à la Constituante par la Loire-Infé-
rieure, et siégea à droite. Réélu le 13 mai 1849 à la Légis-
lative, il accentua encore ses opinions réactionnaires, et fit
partie de la commission consultative après le coup d'Etat du
2 déc. Elu député au Corps législatif le 29 févr. 1852 contre
M. Waldeck-Rousseau, il appuya constamment le gouverne-
ment impérial jusqu'à son entrée au Sénat (9 juin 1857),
où il continua de voter avec la majorité dynastique.
FAVRE (Adolphe), littérateur français, né à Lille le
1er mai 1808, mort à Paris le 15 janv. 1886. Il a laissé
des poésies, des romans et quelques vaudevilles. Nous cite-
rons : V Amour d'un ange (Paris, 1854, in-16), poésie;
le Carrefour de la Croix (1854, 2 vol. in-8); l Amour
et V Argent (1855, 2 vol. in-8) ; le Capitaine des archers
(1859, 2 vol. in-8); V Œuvre du démon (1863, in-12);
la Coupe maudite (1865, in-12) ; Comment un fils se
marie (1868, in-12); Comment meurent les femmes
(1875, in-12); VEpée de saint Bernard (1872, in-12);
la Fausse Route (1868, in-12); Maître Guillaume (1858,
in-12) ; le Remouleur (1868, in-12) ; les Lettres d'or, sa-
tires en vers et contre tout (1885, in-16) . Parmi ses pièces
de théâtre mentionnons : la Porte Saint-Denis, drame
en cinq actes, représenté à Beaumarchais en 1866 ; V En-
lèvement au bouquet (Menus-Plaisirs, 1867), vaudeville
en un acte; Déborah (Théâtre-Lyrique, 1867), opéra en
FAVRE
trois actes; le Pan de robe (1875), comédie en un acte;
Tristapatte et Duraflé (1875), vaudeville en un acte;
Un Monsieur qui a perdu son mouchoir (1866, in-12),
vaudeville .
FAVRE (Gabriel-Claude-Jules), homme politique et avo-
cat français, né à Lyon le 21 mars 1809, mort à Versailles
le 28 janv. 1880. Fils d'un commerçant de Lyon dont la
famille était originaire de la Savoie, il se destina de bonne
heure au barreau et, après de brillantes études classiques,
vint faire son droit à Paris (1826), où il assista et prit
personnellement part à la révolution de Juillet. Il retourna
vers la fin de 1830 dans sa ville natale, où les opinions
républicaines qu'il émit dans le journal le Précurseur
lui valurent une poursuite en cour d'assises suivie d'acquit-
tement et où, comme avocat, il gagna, dès ses débuts,
une notoriété qui ne fit que grandir. Grâce à une puis-
sance de travail et de volonté inouïe, Jules Favre parvint,
en quelques années, à dompter et à assouplir un organe
d'abord un peu rebelle, acquit une facilité de parole mer-
veilleuse et, jeune encore, fit admirer cette éloquence aca-
démique et pure, relevée d'ironie et de sarcasme, à la-
quelle il dut tant de triomphes dans sa longue vie oratoire.
Après avoir défendu, au bruit de l'émeute qui ensanglan-
tait Lyon (1834), les ouvriers mutuellistes poursuivis
pour association illicite, il prit part, en 1835, devant la
cour des pairs, au grand procès des accusés d'avril, dont
il soutint presque seul la charge écrasante durant près de
trois mois et au cours duquel il eut maintes fois l'occasion
de faire sa profession de foi politique.
Encourage par les suffrages de l'opinion publique, il se
fit bientôt inscrire au barreau de Paris (1836) et y prit
rapidement une place considérable. Le nombre de causes
civiles, criminelles ou politiques, qu'il plaida depuis cette
époque jusqu'à 1848, est tel qu'il ne semble pas qu'il pût
lui rester le temps d'écrire. Cependant on le voit, en 1837,
entreprendre une grande Biographie contemporaine,
trois ans plus tard fonder avec George Sand et Anselme
Petetin le journal la Mode, collaborer très activement au
Droit, au Monde et au National. Quand la révolution de
Février éclata, il était mûr depuis longtemps pour la vie
publique. Attaché comme secrétaire général au ministère
de l'intérieur sous Ledru-Rollin, c'est lui qui rédigea les
vigoureuses circulaires adressées par ce dernier aux. com-
missaires du gouvernement provisoire dans les départe-
ments , et il en revendiqua hautement la responsabilité.
Elu représentant de la Loire (le septième sur onze, par
34,260 voix) à l'Assemblée constituante, il se hâta de
renoncer à ses fonctions administratives. Il est vrai que,
fort peu après, il accepta le sous-secrétariat d'Etat des af-
faires étrangères. Mais il s'en démit le 2 juin, à la suite de
l'insuccès du rapport dont il avait été chargé par la com-
mission chargée d'examiner la demande de poursuites
contre Louis Blanc pour sa conduite pendant la journée du
15 mai (ce rapport concluait aux poursuites).
Très fermement républicain, mais fort éloigné du radi-
calisme et surtout du socialisme, Jules Favre s'associa
dans l'Assemblée constituante à certains votes de la droite
(notamment en ce qui concernait les attroupements, les
clubs, les incompatibilités, l'impôt du sel, etc.). En
revanche, il se prononça comme la gauche contre le cau-
tionnement des journaux, contre la peine de mort, pour
l'impôt progressif. Après l'élection du 10 déc, il combattit
de toutes ses forces la politique de l'Elysée et, après
avoir eu la naïveté de voter les premiers crédits pour l'ex-
pédition romaine, protesta hautement contre la perfidie de
Louis-Napoléon, qui l'avait détournée de son but en atta-
quant une République. A l'Assemblée législative, où il
entra par suite d'une élection partielle comme représen-
tant du Rhône, il fut, avec Michel de Bourges, l'orateur
le plus puissant du parti républicain. Infatigable, toujours
sur la brèche, il ne put être réduit au silence que par le
coup d'Etat du 2 déc. 1851, contre lequel il essaya, avec
plus de courage que de bonheur, de réagir, en organisant,
FAVRE
- 84 -
avec Victor Hugo, Schœlcher et quelques autres de ses
collègues, la résistance dans les rues de Paris.
Après le triomphe de Louis-Napoléon, la proscription
dont il était menacé lui fut épargnée grâce à l'intervention
du conseil de l'ordre des avocats, qui obtint du garde des
sceaux qu'il ne serait pas inquiété. Elu membre des conseils
généraux du Rhône et de la Loire, il refusa le serment
prescrit par la nouvelle constitution et rentra dans la vie
privée (1852), d'où il ne devait sortir que six ans plus
tard. Il reprit sa place au barreau où, à côté de Berryer
vieilli et fatigué, il occupa bientôt et sans conteste la
première place. Aussi fut-il élu bâtonnier de Tordre à
Paris en 1860 et obtint-il sans peine, l'année suivante,
le renouvellement de son mandat. Mais, à cette époque, il
avait déjà depuis quelque temps reparu avec éclat sur la
scène politique. Les procès de Y Opéra-Comique (1853) et
du capitaine Doineau (1857), où il avait joué comme avocat
un rôle important, avaient ramené vers lui l'attention du
grand public. Sa candidature à la députation, posée à
Lyon en 1857, avait, malgré la pression admininistrative
qui paralysait alors la liberté, réuni sur son nom, sans lui
donner la majorité, un nombre considérable de suffrages.
En févr. 1858, son plaidoyer retentissant dans l'affaire Or-
sini (V. ce nom) fit de lui, pour quelque temps, l'homme
le plus populaire de Paris. Aussi fut-il envoyé fort peu après
par les électeurs de la Seine au Corps législatif, où il fut,
jusqu'en 1863, le chef de ce vaillant groupe des Cinq,
dont la brillante et tenace opposition à l'Empire provoqua
en France le réveil de l'opinion libérale et républicaine.
Après avoir applaudi à la révolution italienne déchaînée
avec tant d'inconséquence par l'auteur de l'expédition
romaine de 1849 et qui devait lui être si funeste (1859-
1860), il fit un merveilleux usage du décret du 24 nov. 1860
qui, en rétablissant le droit d'adresse, donnait au Corps
législatif, jusque-là privé de toute initiative, la faculté
d'exprimer au moins une fois chaque année, et publique-
ment, son avis motivé sur la politique intérieure et exté-
rieure du gouvernement impérial. Pendant les sessions de
1861,1862, 1863, ses discours sur la liberté individuelle,
la liberté de la presse, la liberté de reunion, la question
romaine, les affaires de Pologne et surtout l'expédition du
Mexique, dont il dévoila avec une vigoureuse netteté les
inavouables mobiles, eurent dans toute la France un im-
mense retentissement. De là résulta un mouvement d'opi-
nion qui, lors des élections générales du 31 mai 1863,
lui valut un double triomphe à Paris et à Lyon, et, aux
élections complémentaires de 1864, fit entrer au Palais-
Bourbon, à côté de Marie et de Garnier- Pages, ex-mem-
bres du gouvernement provisoire, les chefs des anciens
partis, Thiers et Berryer. Ceux-ci rivalisèrent d'élo-
quence avec Jules Favre pour saper et renverser le second
Empire. Son rôle et son influence se trouvèrent, par suite,
un peu amoindris à partir de cette époque, bien que son
zèle pour la liberté (le Moniteur en fait foi) ne se ralentit
nullement. Il joua comme avocat le principal rôle, tant
en première instance qu'en appel, au procès des Treize
(1864), poursuivit avec éclat au Corps législatif sa cam-
pagne contre le régime issu du Deux-Décembre, se fit remar-
quer notamment dans les discussions relatives à la Pologne
et au Danemark (1864), aux coalitions d'ouvriers (4864),
aux affaires d'Allemagne et du Luxembourg (1866-1867),
aux libertés intérieures (1864-1868), à l'Algérie (1868)
et fut l'adversaire le plus infatigable du ministre d'Etat
Rouher, comme il avait été jadis celui de son prédécesseur
Billault. L'Empire, grâce à lui et à ses amis, se désagré-
geait, se dissolvait peu à peu, commençait à s'abandonner
lui-même.
Une nouvelle loi sur la presse lui permit de fonder, en
1868, avec ses collègues Ernest Picard et Hénon, le jour-
nal r Electeur (plus tard l'Electeur libre), qui eut quel-
que temps un grand succès, mais dont les hardiesses ne
tardèrent pas à être dépassées de beaucoup. Il s'était
formé depuis quelques années une génération nouvelle,
dont les chefs, jeunes, ardents (Rochefort, Gambetta, par
exemple), gagnaient rapidement en popularité, à force
d'audace et d'intransigeance vis-à-vis de l'Empire, ce que
perdaient les vieux lutteurs parlementaires de 48, un peu
refroidis par l'âge et les désillusions. Le socialisme, dure-
ment traité par la seconde République, commençait à rele-
ver la tête. La liberté philosophique revendiquait aussi
hautement ses droits. Jules Favre, qui venait d'être admis
à l'Académie française en remplacement de Cousin, avait,
dans son discours de réception (23 av. 1868), fait une
profession de foi nettement spiritualiste et antiradicale.
On peut dire que de ce jour date le déclin de son autorité
personnelle dans le parti républicain français. Aux élec-
tions générales de 1869, il commit, par excès de confiance
en lui-même, la faute de laisser poser à la fois dans une
quinzaine de circonscriptions sa candidature à la députa-
tion. Il ne fut tout d'abord élu nulle part, et, s'il finit par
triompher au second tour de scrutin (nov. 1869), dans la
7e circonscription de Paris, où il avait pour concurrent
Henri Rochefort, ce ne fut que grâce à l'appui manifeste
d'un certain nombre de conservateurs, qui aimèrent mieux
voter pour lui que pour l'auteur de la Lanterne.
Cependant, son énergique attitude vis-à-vis du ministère
Ollivier (1870) et le souvenir des patriotiques efforts
qu'il avait faits avec Thiers pour empêcher la déclaration
de guerre à la Prusse, lui valurent, au moment de la
chute de l'Empire, un regain de popularité. A la nou-
velle du désastre de Sedan, Jules Favre demanda formel-
lement au Corps législatif « la déchéance de Louis-Napo-
léon Bonaparte et de sa famille et la nomination d'une
commission de gouvernement ayant pour mission expresse
de résister à outrance à l'invasion et de chasser l'ennemi
du territoire ». Quelques heures plus tard, le peuple enva-
hissait le Palais-Bourbon ; le Corps législatif était dissous
et le gouvernement de la Défense nationale s'installait à
l'Hôtel de ville (4 sept. 1870). Jules Favre en fut élu
vice-président (la présidence était exercée par le général
Trochu) et se fit attribuer le ministère des affaires étran-
gères. Il ne justifia pas, malheureusement, comme homme
d'Etat, les espérances qu'il avait fait concevoir à son parti
comme orateur d'opposition. Sans doute on ne peut lui
reprocher l'engagement téméraire qu'il prenait au nom de
la France, dans sa fameuse circulaire du 6 sept., de ne
céder « ni un pouce de notre territoire ni une pierre de
nos forteresses ». Le pays tout entier y applaudit et ne
lui aurait pas permis, à cette époque, de parler autrement.
Il ne pécha aussi que par naïveté en allant à Ferrières
(18-19 sept.) proposer la paix moyennant une simple
indemnité de guerre, à M. de Bismarck qui, dès cette
époque, lui signifia l'immuable résolution de la Prusse de
ne la faire que contre la cession de F Alsace-Lorraine, et
en envoyant dans toute l'Europe, à la poursuite d'alliances
irréalisables, M. Thiers qui, malgré son incontestable pa-
triotisme, ne travailla, en somme, efficacement, que pour
lui-même (sept.-oct. 1870).
Il commit des fautes plus graves en déterminant le gou-
vernement de la Défense nationale à ne pas quitter Paris,
où il allait être bloqué et réduit à peu près à l'impuissance,
et surtout en faisant retarder indéfiniment l'élection d'une
Assemblée nationale qui eût eu, en France et vis-à-vis de
l'étranger, une tout autre autorité que la délégation dicta-
toriale de Tours et de Bordeaux. Après le départ de Gam-
betta pour la province, il prit par intérim le ministère
de l'intérieur, qui, pour ne pouvoir être exercé que dans
les limites de la capitale, n'en était pas moins fort pénible
(l'insurrection communaliste du 31 oct., dont le gouverne-
ment de la Défense nationale ne triompha qu'à grand'peine
en est la preuve). La négociation d'armistice par laquelle
M. de Bismarck l'amusa quelque temps (lui et M. Thiers),
échoua piteusement le 6 nov. Dès lors, Jules Favre, malgré
son titre, ne joua qu'un rôle assez effacé dans le gou-
vernement, attendant, d'une part, les armées de province
qui ne venaient pas, et de l'autre ne pouvant déterminer
Trochu, qui n'avait jamais cru au succès, à tenter un eflort
sérieux pour débloquer Paris. Tl résulte de sa correspon-
dance, et notamment d'une lettre adressée par lui à Gam-
betta le 21 janv. 1871, qu'il aurait bien voulu voir ce
général remplacé par un autre, plus hardi et plus confiant,
mais qu'il n'osa jamais prendre à cet égard une décision
énergique. D'un autre côté, invité le 12 janv. 1871 à se
rendre à la conférence internationale de Londres où de-
vaient être discutées les questions relatives au traité de
Paris de 1856, récemment dénoncé par la Russie, il ne
voulut pas quitter la capitale, pour n'avoir pas l'air de fuir
une ville bombardée et menacée des plus grands malheurs.
C'était là de sa part un scrupule fort respectable sans doute,
mais à coup sûr excessif et tout à fait impolitique ; car il
est manifeste qu'il eût pu à ce moment beaucoup mieux
servir la France à Londres qu'à Paris.
Après les combats de Buzenval et de Montretout
(19 janv. 1871), après l'échauffourée du 22 janv., la dou-
leureuse mission de traiter avec nos vainqueurs lui incom-
bait naturellement, puisqu'il était toujours ministre des
affaires étrangères. Il la remplit avec une dignité triste et
touchante , mais non sans porter dans d'aussi graves
affaires une inadvertance qui fut bien funeste à son pays.
L'armistice du 28 janv., qu'il conclut avec M. de Bismarck,
ne fut pas seulement fort onéreux et fort humiliant pour
Paris. Il paralysa aussi et réduisit à l'impuissance la déléga-
tion de Bordeaux, au nom de laquelle (dans l'ignorance où
il était de ses ressources et de la situation de ses armées)
il semble qu'il n'aurait pas dû traiter. La délimitation des
territoires que devaient occuper les parties belligérantes
pendant la suspension des hostilités fut arrêtée sans qu'au-
cun représentant des armées de province eût été appelé à
y prendre part, et, par une aberration inconcevable, Jules
Favre oublia d'informer Gambetta que notre armée de l'Est
n'était pas comprise dans l'armistice, ce qui nous la fit
perdre tout entière en deux jours.
Bien des douleurs lui étaient encore réservées. Envoyé
à l'Assemblée nationale, le 8 févr. 1871, par six départe-
ments (Seine, Bas-Rhin, Seine-et-Oise, Ain, Aisne et
Rhône), il résigna d'abord ses pouvoirs comme membre
du gouvernement de la Défense nationale. Mais Thiers,
nommé chef du pouvoir exécutif de la République française
(17 févr.), le prit pour ministre des affaires étrangères, et
il n'osa se dérober au pénible devoir de négocier avec lui
les préliminaires de paix de Versailles (26 févr.), puis,
avec Pouyer-Quertier, le traité de Francfort (10 mai) qui,
comme on sait, en fut l'aggravation. Le vote de l'Assem-
blée qui renvoyait au ministère la pétition des évêques
demandant une intervention en faveur du pouvoir tempo-
rel du pape lui servit peu après de prétexte pour résigner
son portefeuille (2 août). Les chagrins politiques n'étaient
pas les seuls dont il fût à ce moment accablé. Trahi par son
ancien ami Laluyé, qui l'avait violemment et publiquement
attaqué dans sa vie privée en révélant par la voie de la
presse une situation de famille irrégulière où il s'était mis
depuis bien des années, il poursuivit son diffamateur en
justice et, s'il le fit condamner, ne réussit guère, en
somme, qu'à donner plus d'éclat et de publicité à la diffa-
mation (sept. 1871).
A la suite de cette triste affaire, il demeura quelque
temps dans une sorte de retraite, consacrant la plus grande
partie de son temps à écrire l'histoire des événements poli-
tiques auxquels il venait d'être mêlé. Cependant, il prit
une part importante, en mars 1872, à la discussion de la
loi relative & Y Internationa le (V. ce mot), et, en 1873,
à celles qui eurent pour objet les marchés de Lyon et la
transportation en Nouvelle-Calédonie. Il soutint constam-
ment de ses votes le gouvernement de Thiers, et, après sa
chute (24 mai 1873), combattit de toutes ses forces celui
de X ordre moral, contribua au renversement du cabinet
de Broglie (mai 1874) et, en 1875, concourut par d'élo-
quents discours à l'organisation et à l'affermissement du
régime républicain (V. notamment ceux qu'il prononça
— 85 — fAVRE
sur les lois constitutionnelles, sur l'état de siège, sur l'en-
seignement supérieur, sur la députation de l'Algérie, etc.).
Il reparut au barreau comme à la tribune et plaida encore
avec éclat de nombreuses causes, notamment celle des hé-
ritiers Naundorff en 1873 et celle du général de Wimpffen
(contre M. Paul de Cassagnac) en 1875. Envoyé au Sénat
par le dép. du Rhône le 30 janv. 1876, il eut encore la
force de concourir à la résistance légale du parti républi-
cain à la politique réactionnaire du 16 mai 1877. Mais après
le triomphe de la cause constitutionnelle (oct.-déc. 1877),
il ne parut plus que rarement au Sénat. Il souffrait d'une
maladie de cœur, à laquelle il finit par succomber. Il avait
épousé en 1874 Mlle Julie Velten (V. ci-après).
Jules Favre a laissé de nombreux écrits, parmi lesquels,
sans parler d'un volume de vers de jeunesse intitulé TFuy rj
et d'un proverbe, le Trait d'union, qui fut joué chez lui
en 1865, nous citerons : De la Coalition des chefs d'ate-
lier de Lyon (Lyon, 1833, in-8) ; Sixième Procès du
Précurseur, plaidoyer de M. Jules Favre (Lyon, 1833,
in-8) ; Anathème (Lyon, 1833, in-8); Affaire Ladvo-
cat et Boullenois (Paris, 1837, in-8) ; la Liberté de la
presse (Paris, 1849, in-8) ; Mémoire pour M. et
Mme Mongruel, somnambules (Paris, 1850, in-8) ; Notes
pour M. L de Rovère (Paris, 1852, in-8) ; Discours du
bétonnât, défense de Félix Orsini (Paris, 1866, in-18) ;
Discours sur la seconde expédition de Home (Paris,
1868, in-8); Discours de réception h V Académie fran-
çaise (Paris, 1868, in-8) ; De V Amour de sa profession
(Paris, 1869, in-12) ; Ce que veut Paris, discours (Paris,
1869, in-12); les Libertés intérieures (Paris, 1869,
in-18); De l'Influence des mœurs sur la littérature
(Paris, 1869, in-18); Rome et la République française
(Paris, 1871, in-8); le Gouvernement de la Défense
nationale (Paris, 1871-1875, 3 vol. in-8) ; Conférences
et discours littéraires (Paris, 1873, in-12); Confé-
rences faites en Belgique (Paris, 1874, in-12); Plai-
doirie devant la cour d'appel de Paris pour les héri-
tiers de feu Charles-Guillaume Naundorff (Paris,
1874, in-12); De la Réforme judiciaire (Paris, 1876,
in-8)c II faut joindre à cette énumération ses œuvres pos-
thumes, publiées depuis 1880 par sa veuve et ses amis :
Conférences et Mélanges (Paris, 1880, in-12) ; Discours
parlementaires (Paris, 1881, 4 vol. in-8); Mélanges
politiques, judiciaires et littéraires (Paris, 1882, in-8);
Plaidoyers politiques et judiciaires (Paris, 1882, 2 vol.
in-8). A. Debidour.
FAVRE (L'abbé Paul), orientaliste français, né à Joinville
(Eure-et-Loire) en 1812, mort en 1886. Il étudia au sémi-
naire d'Orléans et prit les ordres en 1838. Dévoré de la
passion évangélique, il partit quatre ans plus tard pour
l'Indo-Chine, et, seize ans durant, il prêcha l'Evangile aux
peuplades de la péninsule malaise, fonda des églises et des
écoles. Les fatigues de la tâche et du climat ayant épuisé
sa santé, il fut obligé de revenir en France en 1850; en
retour des enseignements qu'il avait portés en Asie, il rap-
portait une connaissance profonde des langues malaises,
et le reste de sa carrière se passa à faire profiter le monde
savant des trésors qu'il avait amassés. Chargé, en 1862,
du cours de malais et de javanais à l'Ecole des langues
orientales, titulaire de la chaire deux ans plus tard, l'abbé
Favre professa jusqu'à la veille de sa mort. Il publia une
Grammaire javanaise (Paris, 1866); un Dictionnaire
javanais (Paris, 1870), un Dictionnaire malais (Paris,
1875), une Grammaire malaise (Paris, 1876), un Dic-
tionnaire français-malais (Paris, 1879), œuvres impor-
tantes qui forment toute une encyclopédie linguistique des
deux langues principales de l'archipel ; Y Incendie de Fin-
gapour en 1828, poème malais de Abdullâh ben Abd
el-Kader (Mélanges orientaux publiés par l'Ecole des
langues orientales; Paris, 1883); Entretien de Moïse
avec Dieu sur le mont Sinaï (Nouveaux Mélanges;
Paris, 1886). Paul R-e.
FAVRE (Pierre-Antoine), physicien et chimiste français,
FAVRE
86 -
né à Lyon le 20 févr. 1813, mort à Saint-Barthélémy, près
de Marseille, le 17 févr. 1880. Favre fut successivement
docteur en médecine (1835), préparateur au laboratoire
de M. Peligot (1840), agrégé de la faculté de médecine
de Paris (1843); chef de laboratoire à l'Ecole centrale
(1851), docteur es sciences physiques (1853), professeur
de chimie à la faculté des sciences, d'abord à Besançon
(1854), puis à Marseille (1855), correspondant de l'Aca-
démie des sciences (1863), lauréat de l'Académie en 1869
(prix Jecker) et en 1875 (prix Lacaze). Les travaux de
Favre sont relatifs à la physique et à la chimie. En chimie,
il a publié des recherches sur l'équivalent du zinc, sur la
mannite, sur quelques carbonates doubles et surtout de
nombreuses recherches sur les chaleurs de combustion ou
de formation d'un très grand nombre de corps. Bien cjue
ces nombres aient été en partie modifiés par suite de l'im-
perfection de l'appareil qu'il employait (thermocalorimètre
à mercure), ils constituent un travail d'ensemble très
important. L'existence d'équivalents calorifiques et de mo-
dules thermiques propres aux corps simples et permettant
de calculer les chaleurs de formation des corps composés
qu'il avait cru pouvoir admettre comme conclusion de ses
expériences, est maintenant abandonnée. Parmi ses recher-
ches de physique, une des plus intéressantes est relative à
la chaleur dégagée dans les piles. Favre a montré que si
l'on mesure la chaleur dégagée dans une pile électrique et
si l'on y ajoute la chaleur dégagée dans le reste du circuit
électrique, on obtient une quantité de chaleur égale à celle
que dégagent les réactions qui se passent dans la pile et
que la thermochimie permet de calculer. En outre, si dans
le circuit de la pile on introduit un voltamètre, on trouve
que la somme des quantités de chaleur mesurées dans tout
le circuit doit être augmentée de la chaleur que peuvent
dégager l'oxygène et l'hydrogène mis en liberté dans le
voltamètre en se recombinant pour qu'elle soit égale à la
quantité de chaleur que fait prévoir la thermochimie. De
même, si au lieu d'un voltamètre, c'est un petit moteur
électrique que l'on introduit dans le circuit, il disparaît
une quantité de chaleur équivalente à la quantité de travail
produit. Cette expérience, très intéressante au point de
vue de la théorie mécanique de la chaleur, permet même
de déterminer l'équivalent mécanique de la chaleur, et le
nombre trouvé ainsi par Favre est assez voisin de celui que
donnent des méthodes plus précises. A. Joannis.
FAVRE (Léopold), imprimeur français, né à Mareuil en
1817, mort à Niort en 1892. Ancien directeur du Moni-
teur des connaissances utiles et rédacteur en chef de la
Revue de r Ouest, il a laissé un grand nombre d'ouvrages
parmi lesquels nous citerons : Histoire des principales
villes de France (Niort, 1852, in-8) ; Trois Epoques de
r histoire de France (Paris, 1852, in -8) ; Faits mémo-
rables de l'histoire d' Angleterre (1852, in-8) ; Dugues-
clin et Jeanne d'Arc (Niort, 1853, gr. in-8) ; la Russie
et la Turquie anciennes et modernes (Paris, 1854, in-8);
Histoire de la guerre entre la Russie et la Turquie (Niort,
1878, in-8); Dictionnaire des connaissances utiles et
pratiques (1860-1862, in-8) ; Histoire politique de Van-
née 1811 (Niort, 1878, 2 vol. in-8) ; le 16 mai, la
dissolution, les élections (1878, in-8); Histoire de l'In-
ternationale et du socialisme (1879, 2 vol. in-8) ; His-
toire de la ville de Niort (1880, in-8) ; Parabole de
V enfant prodigue en divers dialogues, patois de la
France (1879, in-8), etc. Il est surtout connu pour ses
belles éditions du Dictionnaire historique de l'ancien
langage français de La Curne de Sainte-Palaye ; du Dic-
tionnaire des termes du vieux français de Pierre Borel ;
du Glossarium de Ducange ; du Glossaire du droit fran-
çais de Ragueau, et par son Glossaire du Poitou, de la
Saintonge et de l'Aunis (Niort, 1868, in-8) et Supplé-
ment aux glossaires du Poitou, publiés jusqu'à ce jour
(1881, in-8).
FAVR E (François), publiciste français, né à Lyon le 9 oct.
1819. D'abord employé dans l'administration des hôpitaux
de Paris, il démissionna en 1848 et se jeta dans le journa-
lisme. Collaborateur du Peuple, de la Voix du Peuple, du
Peuple de 1850, il se trouva impliqué dans le complot de
Lyon et fut mis en liberté sans même passer en jugement.
Condamné à quinze mois de prison et 6,000 fr. d'amende
pour infraction à la loi sur la signature des articles de jour-
naux, il passa en Belgique, écrivit dans la Nation, rentra en
France en 1 854 et collabora à la Revue de Paris, à Y Avenir
national, à la Morale indépendante, au Réveil. Maire du
XVIIe arrondissement de Paris, en 1870, il exerça ses fonc-
tions municipales jusqu'à la Commune, écrivit dans la Nation
souveraine, le Rien public, la Presse, collabora à la Ga-
zette des architectes, à YEncyclopédie d'architecture, à
la Grande Encyclopédie, etc. Nommé en 1879 commis-
saire du gouvernement au ministère de l'agriculture, il est
devenu, en 1880, bibliothécaire du Conservatoire des arts
et métiers. On a de lui : Hautes Œuvres de Louis Rona-
parte (Bruxelles, 1852) ; Ronnes Paroles d'un proscrit
français à ses concitoyens (1853) ; la Politique nou-
velle (Paris, 1871, in-12) ; Documents maçonniques
(4869, in-8). Il avait créé, en 1858, avec Louis Ulbach, un
journal spécial, le Monde maçonnique.
FAVRE (Louis-Abraham), écrivain suisse, né à Boudry
(Neuchâtel) le 17 mars 1822. Directeur du gymnase can-
tonal de Neuchâtel et président de la Société cantonale
d'histoire, Favre a beaucoup fait pour la création du
Musée neuchâtelois, revue où il a inséré beaucoup de
travaux biographiques, artistiques et littéraires. A côté
d'un volume de vulgarisation scientifique sur les Champi-
gnons, il a écrit nombre de petits romans de mœurs des
montagnes neuchâtéloises, fort goûtés dans la Suisse ro-
mande pour leur saveur de terroir. Les principaux sont :
Nouvelles jurassiennes, André le Graveur, le Robinson
de la Tène, A vingt ans, Récits neuchâtelois.
FAVRE (Louis), littérateur français, né à Lyon le 2 mars
1824, frère de François. Secrétaire du chancelier Pasquier
(1849-1862), attaché aux grandes commissions de l'Assem-
blée nationale (1872-1875), chef du cabinet du duc d'Audif-
fret- Pasquier, président de cette assemblée, il devint
archiviste du Sénat en 1876. Il a écrit plusieurs études
historiques d'un vif intérêt et pleines de documents curieux :
Etienne-Denis Pasquier, chancelier de France. Sou-
venirs de son dernier secrétaire (Paris, 1869, in-8) ; le
Luxembourg, récits et confidences sur un vieux palais
(Paris, 1882, in-8); la Ribliothèque du palais du
Luxembourg, son origine, son histoire (Paris, 4892,
in-8). C'est lui qui fut chargé de rédiger les rapports des
grandes commissions de l'Assemblée nationale, notamment
celui de la commission d'enquête sur les conditions du
travail en France.
FAVRE (Julie Velten, Mme Jules), écrivain français, née
à Wissembourg en 1833. Elle avait épousé Jules Favre en
1874. Après la mort de son mari, elle fut nommée direc-
trice de l'Ecole normale supérieure d'enseignement secon-
daire pour les jeunes filles à Sèvres. Outre la publication
des Discours el Plaidoyers de Jules Favre, on lui doit :
une traduction de Y Histoire du peuple suisse de Daen-
dliker (Paris, 1879) ; de la Fraternité humaine de Vigano
(1880); de Y Education, de J.-P. Richter, et une série
d'ouvrages d'enseignement comme : la Morale des Stoï-
ciens (Paris, 1887, in-42); Montaigne, moraliste et
pédagogue (1887, in-12) ; la Morale de Socrate (4888,
in-12) ; la Morale d'Aristote (1889, in-12) ; la Morale
de Cicéron (1890, in-12), et une apologie de la con-
duite de Jules Favre sous le titre de : la Vérité sur les
désastres de l'armée de l'Est et sur le désarmement de
la garde nationale (Paris, 1883, gr. in-8).
FAVRE (Camille), écrivain suisse, petit-fils de Guil-
laume, né à Genève le 19 oct. 4845. Il étudia à Genève,
puis à Paris à la Sorbonne et à l'Ecole des chartes. On lui
doit : Un Voyage en Cilicie (Rulletin de la Société de
géographie de Paris, 4878), une étude sur les passages
italo-suisses du Haut-Valais et l'édition d'un roman du
- 87 -
FAVRE - FAVUS
xvy siècle, le Jouvencel, de Jean de Bueil, édité avec
M. Lecestre dans les publications de la Société d'histoire
de France. M.Favre est colonel dans l'armée fédérale. E. K.
FAVRE (Edouard), historien suisse, né à Genève le
6 juil. 4855, fils du géologue Alphonse Favre. Reçu doc-
teur à l'université de Leipzig en 1878 avec une étude
historique sur ia Suisse au xvie siècle, intitulée la Confé-
dération des VIII cantons. Elève de l'Ecole des hautes
études de Paris, il collabora assidûment à la Revue histo-
rique et à la Revue critique d'histoire et de littérature.
Secrétaire, puis président de la Société d'histoire de
Genève, il a consacré à l'activité des cinquante premières
années de cette association (1838-88), un Mémorial pré-
cieux pour les chercheurs. Il prépare depuis un ouvrage sur
le règne de Eudes, roi de France (888-898). E. Kuhne.
FAVRESSE. Corn, du dép. de la Marne, arr. de Vitry-
le-François, cant. de Thiéblemont; 297 hab.
FAVREU I L. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant. de Bapaume ; 346 hab.
FAVRIEUX. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Mantes, cant. de Bonnières ; hO hab.
FAVRIL (Le). Com. du dép. de l'Eure, arr. de Bernay,
cant. de Thiberville ; 358 hab.
FAVRIL (Le). Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Chartres, cant. de Courville; 582 hab.
FAVRIL. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Landrecies ; 560 hab.
FAVU LA RI A (Bot.). Genre de Sigillaires, établi par Stern-
berg, et correspondant à l'un des types (Favularides) dans
lesquels se subdivise le grand genre Sigillaria (V. ce mot).
FAVUS (Bot. et dermat.). Le favus (de favus, rayon
de miel) ou teigne faveuse, tinea favosa de Lorry, por-
rigo favosa de Willan, porrigo lupinosa et favosa de
Bateman, est une maladie cutanée parasitaire et conta-
gieuse, pouvant affecter l'homme et les animaux (rat,
souris, chat, chien, lapin, poule, cheval, bœuf). Elle est
caractérisée, dit Lailler, à sa période d'état par l'appari-
tion sur le cuir chevelu ou quelque autre partie du corps
de croûtes sèches d'un beau jaune soufre, plus ou moins
épaisses et larges suivant leur ancienneté, croûtes forte-
ment enchâssées dans le derme, déprimées en godets,
offrant sur leur cassure un aspect franchement pulvéru-
lent. Tantôt ces godets émergent de la peau qui est rouge
et leur forme comme une auréole qui se détache nette-
ment sur le godet d'un jaune d'or, tantôt les croûtes
faviques sont mêlées à des croûtes purulentes et à des
masses squameuses qui témoignent d'une irritation pro-
duite par le parasite ou par les grattages (Lailler).
Le mot favus a, depuis l'antiquité, été presque toujours
employé pour désigner les diverses affections du cuir che-
velu, et il faut arriver à Alibert pour lui voir acquérir sa
signification actuelle. C'est aussi à un Français, Mahon
jeune, que revient l'honneur d'avoir vu le premier que le
favus n'était pas seulement constitué par des pustules
desséchées, mais qu'il constituait une affection contagieuse,
susceptible d'une médication rationnelle (1829). La nature
végétale du parasite, entrevue par Remak en 1837, fut
confirmée, en 1841, par Schônlein (de Berlin), qui la
rapporta au genre oïdium. En 1845, Remak, sur les indi-
cations de Linck, démontra que le champignon devait
former un genre distinct des oïdium et il lui a donné le
nom d'Achorion Schônleinii qu'il porte aujourd'hui. De-
puis cette époque, les travaux successifs de Gruby, Lebert,
Montagne, Robin, Bazin, Lailler ont éclairé l'histoire du
parasite. Dans ces dernières années, Balzer (1881) a
ajouté aux connaissances que l'on possédait déjà sur la
question beaucoup de données nouvelles, puis Duclaux a
fait (1886) les premières cultures pures de l'Achorion.
Malgré cela, et bien que l'on possède des documents nom-
breux sur la morphologie de l'Achorion, il semble préma-
turé de vouloir lui assigner, dès aujourd'hui, une place
dans la classification, et c'est trop hâtivement qu'on l'a
rangé dans les Périsporiacées (Ascomycètes). L'examen
microscopique du champignon fournit à l'étude un mycé-
lium et des spores. Pour le pratiquer, il suffit de dissocier
sur une lamelle, dans une goutte d'ammoniaque ou d'eau
pure additionnée d'acide acétique, une très faible partie
des croûtes ou de la poussière qui en provient. En se ser-
vant d'un grossissement de 306 à 500 diamètres, on voit
que les éléments du champignon (mycélium et spores) sont
réunis par une substance visqueuse, amorphe et hpline,
remplie de granulations mobiles, de bâtonnets, désignée en
botanique sous les noms de glaire, de stroma, de gangue
amorphe ou de blastème. Elle agglutine les filaments du
mycélium déjà réunis intérieurement par un feutrage étroit.
Ce mycélium, abondant, comprend: 1° des tubes cylin-
driques, flexueux, simples ou ramifiés en fourches, sans
cloisons ni articulations, ayant, chez les animaux, en gé-
néral, de 1 à 3 (jl (millièmes de millimètres) de diamètre,
tandis que, chez l'homme, ce diamètre varie de 3 à 11 p. ;
2° des tubes, dits tubes à spores, réceptacles ou sporo-
phores, distincts des précédents par leur forme droite ou
peu flexueuse, généralement un peu plus gros, tantôt vides,
tantôt renfermant dans leur cavité de vraies spores qui
leur donnent un aspect cloisonné et moniliforme. Les
spores, très nombreuses, sont des corpuscules arrondis,
plus souvent ovoïdes que régulièrement sphériques ; elles
sont isolées ou réunies en chaînettes par trois ou quatre.
De même que pour les tubes, leur volume est inférieur
chez les animaux (où elles ont, les rondes, un diamètre
ordinaire de 2 {jl ; les ovoïdes, de 3 à 6 (x de long sur 2
à 4 de large) à celui qu'elles affectent chez l'homme, soit
de 3 à 7 et même 11 p.. Ces spores ont un double contour
qui, pour beaucoup d'auteurs, indique un noyau central.
En général, il y a prédominance des filaments sur les
spores. D'après Balzer, « le mycélium est plus abondant
dans les parties du godet en contact avec le corps muqueux
que dans les parties plus superficielles et plus centrales,
constituées par des éléments plus anciens arrivés à la fruc-
tification depuis longtemps. Ces parties sont donc plus
riches en spores. » Le parasite envahit les poils eux-mêmes
après avoir irrité leur gaine et il détermine leur chute.
Pour étudier cet envahissement, il suffit, après avoir dé-
graissé un fragment de poil dans l'éther, de le dissocier
dans une solution de soude caustique ou de potasse. Si
l'on veut obtenir une désagrégation rapide du poil, il suffit
de chauffer légèrement la préparation. On la traite ensuite
par l'ammoniaque et on l'examine dans la glycérine. On
peut reconnaître que le parasite peut se rencontrer dans
une grande étendue du poil et qu'il n'est pas limité à sa
racine, comme le pensent certains auteurs. Dans la grande
majorité des cas, le bulbe pileux est complètement indemne
de parasite, et c'est bien moins par la base du follicule que
par l'irritation latérale que se fait la pénétration.
Le favus est très contagieux, mais c'est surtout chez
les enfants, dans les classes pauvres, et dans les campagnes
chez les sujets sales et débilités que se produit le plus faci-
lement la contamination. La propagation se fait directe-
ment par inoculation ou indirectement par les coiffures,
les objets de toilette. Elle a lieu aussi des animaux à
l'homme et c'est, comme l'a écrit Lailler, vraisemblable-
ment dans la contagion de l'animal à l'homme qu'il faut
chercher la raison de l'extrême fréquence du favus à la
campagne et de sa rareté à la ville.
Au point de vue clinique, il faut envisager le favus des
régions pileuses et celui des régions glabres. Dans le favus
des régions pileuses, il y a d'abord une première période,
où l'on constate de la desquamation, une rougeur érythé-
mateuse et une légère desquamation pityriasique. Puis. le
parasite trahit plus nettement sa présence, sous forme d'un
petit point jaune, autour d'un poil, qui atteint, en quelques
semaines, les dimensions d'une lentille et constitue alors
un disque d'un jaune soufré, sous-épidermique, ombiliqué.
Le godet favique est constitué, et il peut atteindre de grandes
dimensions, jusqu'à un centimètre de diamètre ; sa matière,
en proliférant, finit par rompre l'enveloppe épidermique et
FAYUS — FAWCETT
se répandre à l'air libre pour former des croûtes d'un blanc
jaunâtre, parfois teintées de brun par le sang, qui se réu-
nissent souvent entre elles en constituant des saillies, des
dépressions, etc. Elles exhalent une odeur de souris qui
est vraiment caractéristique et constitue un bon élément
de diagnostic. Au-dessous d'elles, le derme est d'un rouge
foncé et présente des dépressions déterminées par la pré-
sence du parasite. Les poils sont altérés, atrophiés, déco-
lorés et ne tardent pas à tomber, d'où une alopécie par-
tielle ou complète, passagère ou définitive, suivant l'étendue
et le plus ou moins d'ancienneté de la lésion. La forme
que nous venons de signaler constitue le favus urcéolaire.
On en décrit plusieurs autres : le favus scutiforme ou
en écu, en groupes, en cercles, etc.; les points d'attaque
du champignon sont si nombreux que le godet semble ne
pas exister et que la croûte jaunâtre se produit d'emblée,
large, étalée, traversée par des poils ; le favus squar-
reux, dans lequel la matière favique semble se développer
sur la tige des poils, d'où des saillies irrégulières, quel-
quefois considérables, séparées par des anfractuosités plus
ou moins profondes : ces formes n'ont qu'une importance
médiocre au point de vue du diagnostic ; au contraire,
dans le favus miliaire, le cuir chevelu, totalement pris,
est rouge, sec et luisant, recouvert de lamelles d'un blanc
jaunâtre, qui agglutinent les cheveux, ou d'une pous-
sière grise, furfuracée, qui desquame sans cesse, et l'on
pourrait confondre l'affection avec certaines variétés de
psoriasis et surtout d'eczéma sec (Brocq). Mais on évi-
tera l'erreur en se basant sur l'aspect des cheveux, la
présence sous les squames de petits godets miliaires, enfin
l'odeur spéciale. D'ailleurs, dans ces cas comme dans tous
ceux où le diagnostic est en suspens, il faut toujours re-
courir à l'appui du microscope.
Le favus des régions glabres se constate parfois isolé,
mais la plupart du temps il se rencontre sur le corps des
sujets qui ont été tout d'abord atteints de favus du cuir
chevelu. Il siège surtout au visage, au nez, aux sourcils,
sur le dos et les épaules, la face externe des membres.
L'aspect des godets est le plus souvent typique. Ils sont
réguliers et rarement confluents, d'un beau jaune soufre.
Leur chute laisse souvent, en raison de leur longue persis-
tance, des dépressions plates analogues à des cicatrices.
On en débarrassera les malades en les ramollissant par des
bains savonneux, puis en appliquant à leur lieu d'insertion
des substances parasiticides et, en particulier, de la tein-
ture d'iode.
Une troisième localisation de l'Achorion se rencontre
sur les malades qui s'inoculent par le grattage le parasite
dans la rainure unguéale. L'ongle est peu ou point altéré,
il est déraciné, soulevé sur ses bords. Le champignon pro-
lifère vers la matrice et se trahit par des dépôts d'un
blanc jaunâtre ou d'un jaune brun, puis l'ongle pourrit, se
flétrit, se strie longitudinalement et s'exfolie en présen-
tant des zones épaisses et amincies. Cette localisation aux
ongles présente surtout un intérêt particulier du fait de la
survivance du favus unguéal au favus du cuir chevelu et
de sa persistance durant de longues années, après que la
maladie du cuir chevelu est éteinte et oubliée. J'ai relaté
l'observation d'une famille de la banlieue parisienne dont
les enfants, au nombre de cinq, âgés de huit à seize ans,
étaient tous atteints d'onychomycose favique démontrée
par le microscope, le favus ayant, depuis longtemps, com-
plètement disparu du cuir chevelu par un traitement appro-
prié. Ce traitement, lorsqu'on ne veut pas recourir au
procédé radical, c.-à-d. à l'arrachement de l'ongle, consiste
dans l'application d'emplâtres hydrargyriques, de teinture
d'iode, après macération par les cataplasmes ou mieux le
caoutchouc.
Le traitement du favus des régions pileuses est beau-
coup plus compliqué. Il faut tout d'abord nettoyer la tête
du malade, faire tomber les croûtes en les ramollissant par
des applications de glycérine, d'huile d'amandes douces,
d'huile d'olive, de ricin, pures ou mieux additionnées
d'une substance antiseptique. Si les croûtes sont trop
épaisses, on peut recouvrir la tête du malade d'une calotte
de caoutchouc pendant toute la nuit. La tête une fois net-
toyée, on aura recours à Vépilation (V. ce mot) faite
méthodiquement. Les parasiticides seront employés con-
curremment avec l'avulsion des cheveux. On se' servira,
par. exemple, de la pommade au turbith au 30e, au sulfate
ou acétate de cuivre au 30e ou au 60e, au naphtol, au
calomel, à l'acide pyrogallique, à l'ichthyol. Mais les pa-
rasiticides, employés seuls, ne peuvent amener la guérison
de la maladie. Le favus, dit M. E. Besnier, ne se guérit
pas avec une pommade ou une lotion, car il constitue tou-
jours un état pathologique complexe qui réclame un en-
semble de moyens logiquement coordonné et régulièrement
suivi. Aussi, tout en laissant à chaque praticien le choix de
sa formule, M. Besnier insiste-t-il sur ce qui est pour lui
le traitement obligatoire, à savoir l'épilation bien conduite,
aidée par de fréquents savonnages, et l'usage d'une onction
grasse. Henri Fournier.
FAVYN (André), écrivain héraldiste français et avocat
au Parlement, né à Paris vers 1560. Il s'attacha à l'étude
des antiquités et particulièrement de celles relatives à la
noblesse. Il est l'auteur de : Théâtre d'honneur et de la
chevalerie ou Histoire des ordres militaires, duels,
joutes et tournois (Paris, 4620 ; en anglais en 1623,
sous le titre Theater of honour and knighthood, or a
Compendious Chronicle and historié of the wole
Christian World, in-fol.) ; Traictez des premiers offi-
ciers de la Couronne de France soubs noz Roys de la
première, seconde et troisième lignée (Paris, 1613-
161 5, trois parties en 1 vol. in-8). Ces livres, peu considérés
lors de leur publication, sont aujourd'hui très recherchés.
FAWCETT (John), auteur dramatique anglais, né le
29 août 1768, mort en 1837. Fils d'un acteur, il monta lui-
même sur les planches à dix-huit ans et après avoir obtenu
sur diverses scènes de province, notamment dans le York-
shire, un succès considérable, il débuta à Covent Garden le
21 sept. 1791. Sa réputation ne fit que s'accroître et fut
définitivement consacrée par les rôles que lui confia Cole-
man dans la plupart de ses pièces. On a de lui quelques
œuvres dramatiques : Obi, pantomime (1 800) ; Perouse
(1801); Brazen Mask (1802); Fairies Revel (1802);
The Enchanted lsland (1804), ballet; Secret Mine
(1812) qui furent représentées au Haymarket ou à Covent
Garden.
FAWCETT (Joshua), publiciste anglais, né vers 1802,
mort à Low Moor le 21 déc. 1864. Ordonné en 1830, il
occupa diverses cures et fut nommé, en 1833, curé de
la Sainte -Trinité de Low Moor, en 1860, chanoine de
Ripon. Il a laissé: A Harmony of the Gospels (Londres,
1836, in-12) ; A Brief History of the book of common
prayer (Londres, 1844, in-12) ; A Mémorial, historical
and architectural of the parish Church of S. Peter's,
Bradford (Bradford, 1845, in-8); Church rides in
the neighbourhood of Scarborough (Londres, 1848,
in- 16), etc. Il édita un organe ecclésiastique : The Village
Churchman, qui devint par la suite The Churchmaris
Magazine (Londres, 1838-1845, 8 vol. in-12).
FAWCETT (Henry), économiste et homme d'Etat anglais,
né à Salisbury en 1833, mort à Cambridge en 1884. Fils
d'un magistrat, il commençait ses études de droit à Londres,
à sa sortie de l'université de Cambridge, lorsque dans une
partie de chasse son père lui envoya par mégarde une
charge de plomb dans les yeux. Instantanément aveugle,
il se consacra à l'économie politique, dictant des essais
envoyés aux Magazines et aux revues. En 1863, il publia
un Manuel d'économie politique, ce qui lui valut, malgré
sa cécité et ses opinions radicales, la chaire d'économie poli-
tique à l'université de Cambridge, poste qu'il garda jusqu'à
sa mort. Après trois échecs successifs, il fut envoyé au
Parlement en 1865 par les électeurs de Brighton, qu'il
représenta jusqu'aux élections générales de 1874, où l'un
des quartiers de Londres, Hackney, le choisit. Il refusa,
— 89 ~
FAWCETT - FAY
par principe, à chaque élection, de payer aucun frais en
dehors des obligatoires et absolument nécessaires ; d'ail-
leurs l'exiguïté de ses revenus, qui ne dépassaient pas
500 livres sterling l'eût empêché de participer aux rui-
neuses dépenses des batailles électorales. 11 fut un ardent
avocat des droits des femmes, des revendications des ou-
vriers des champs, s'opposa avec succès au bill de 4873
des universités irlandaises à cause de son programme into-
lérant et étroit, défendit enfin toutes les mesures libérales.
La question des Indes fut une de ses études spéciales ;
dès son entrée dans la carrière parlementaire, il s'occupa
des réformes à faire dans l'administration financière de
celte magnifique colonie, mise systématiquement à sac.
Les articles envoyés sur ce sujet au Nineteenth Century
parurent en un volume sous le titre Indian Finances, et
nombre des abus signalés ont cessé d'être. En 1880, sous
le second cabinet de Gladstone, il fut nommé Post-master
gênerai et, pendant le peu d'années qu'il occupa ce poste,
il introduisit de nombreuses réformes et d'importantes
innovations : le système des Money Orders, mandats-
poste payables à vue sur simple présentation, des Savings
Bank, caisse d'épargne où l'on reçoit les plus petites
sommes, depuis un timbre d'un penny, les annuités, les
assurances sur la vie, les Reply post-cards, les Parcels
Post, etc. En 4883, il fut élu lord recteur de l'université
de Glasgow. Fawcett appartenait à la vieille école radicale.
Disciple de Cobden, partisan du laissez faire, l'influence
de John Stuart Mill est visible dans la plupart de ses écrits.
Outre les ouvrages cités, Ton a de lui : Economie Posi-
tion ofthe British Labourer (1865) ; Pauperism (1871) ;
un volume de Speeches (1873) ; Free Trade and Pro-
tection (1878). — Sa femme, qui lui prêta un grand appui
dans sa carrière, est l'auteur de Political Economy for
Beginners (1870) et de Taies in Political Economy
(1874). Hector France.
FAWCETT (Edgar), littérateur américain, né à New
York en 1847. Son œuvre, divisée en romans et poésies,
est considérable. Il débuta en 1871 par Short Poems for
Short People, et depuis n'a cessé de produire. Parmi ses
romans, il faut citer : Purple and Fine Linen (1873);
Ellen Story (1876) ; A Hopeless Case (1881) ; A Gent-
leman ofLeisure (1882) ; An Ambitions Woman(i 883) ;
TheAdventuresofa Widow (1 884) ; Rutherford (1884);
Revery (1886) ; The House at high Bridge (1887), etc. ;
en outre, plusieurs volumes de vers, des pièces de théâtre
et un libretto d'opéra. Hector France.
FAWKES (Guy ou Guido), conspirateur anglais, né
en 1570, mort le 31 janv. 1606. D'une très bonne famille
d'York, protestante, Guy fut élevé dans la maison du second
mari de sa mère, Dionis Baynbrigge de Scotton, catholique
zélé. Après avoir liquidé son patrimoine, il s'engagea comme
soldat de fortune dans l'armée espagnole des Flandres. Il
assista en 1595 à la prise de Calais par les Espagnols, et,
grâce à la protection de sir William Stanley, le plus con-
sidéré des catholiques anglais émigrés dans les Flandres, fut
envoyé en 1603 à Madrid pour supplier Philippe III en
faveur de ses coreligionnaires. Dès que Jacques Ier se fut
affirmé comme partisan de la législation anticatholique, une
conspiration s'organisa contre lui. Fawkes en fit partie. Il
s'agissait de faire sauter le palais du Parlement pendant
que le roi serait à la Chambre des lords. Fawkes fut choisi
pour garder la maison dans la cave de laquelle des barils
de poudre furent déposés, et pour allumer la mèche ; mais
le complot fut découvert (4 nov. 1605). Fawkes fut ar-
rêté à la porte de la cave, et la torture lui arracha, le
9 nov., l'histoire de la conspiration avec les noms de ses
complices. Il fut jugé et exécuté à Westminster. — On
voit à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford une lanterne
sourde, donnée à l'Université en 1641, qui passe pour être
celle que Fawkes tenait à la main quand il fut arrêté par sir
Thomas Knyvett dans la cave de Westminster. En mémoire
de l'heureuse découverte de la conspiration des poudres,
l'usage s'établit de promener le 5 nov., par les rues de
Londres et de beaucoup d'autres villes, un mannequin de
paille habillé en officier; on le saluait des cris No popery!
et on le livrait aux flammes. Ce mannequin est censé repré-
senter Guy Fawkes et, en raison de son apparence gro-
tesque, on applique souvent le sobriquet de Guy Fawkes
à un homme vêtu d'une manière ridicule. En 1850, la fête
populaire du 5 nov. dut un regain de vogue à l'hostilité
contre les catholiques (V. Wiseman). Ch.-V. L.
FAWKES (Francis), poète et èrudit anglais, né en 1720,
mort en 1777. Il entra de bonne heure dans les ordres,
mais son humeur joviale et mondaine nuisit, paraît-il, à
son caractère ecclésiastique et il mourut simple curate,
c.-à-d. pasteur suppléant d'une petite paroisse. Il a laissé
des traductions en vers d'Anacréon, de Sapho, de Brun,
de Mpschus, de Musée (1760), de Théocrite (1767) et
d'Apollonius de Rhodes : celle-ci ne fut publiée qu'après
sa mort (1780). Il fut un des collaborateurs de Duncombe
pour sa traduction d'Horace (1767, 4 vol.). Il dirigea, avec
William Woty, la publication du Poetical Calender, re-
cueil de vers destiné à faire suite à la collection de Dodsley
(1764, 12 voL) et du Poetical Magazine, qui paraissait
tous les mois, mais qui ne dura que de janv. à juin 1764.
On lui doit aussi, entre autres œuvres, un volume intitulé
Original Poems and Translations (1761). La chanson
The Broiun Jug (la Cruche brune), dont il est l'auteur,
est encore populaire en Angleterre. B.-H. G.
FAWKES (Walter-Ramsden), homme politique anglais,
né à Hawksworth (Yorkshire) en 1769, mort à Londres le
24 oct. 1825. Membre actif du parti whig, il représenta
au Parlement le comté d'York de 1802 à 1807 ; il prit une
part importante au mouvement contre l'esclavage. Il fut
nommé haut sheriff du Yorkshire en 1823. On a de lui:
The Chronology ofthe history of modem Europe (1810);
Speech on parliamentary reform (1812); TheEnglish-
man's Manual or a dialogue between a Tory and a
Reformer (1837). D'un esprit très cultivé et doué d'un
goût très vif pour les arts, Fawkes fut un des premiers
protecteurs de Turner, dont il collectionna les meilleures
œuvres. Il est un des fondateurs de YOtley agricultural
Society.
FAY. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Nogent-sur-Seine,
cant. de Marcilly-le-Hayer ; 185 hab.
FAY. Corn, du dép. de la Drôme. arr. de Valence, cant.
de Saint-Valiier; 286 hab.
FAY (Le). Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Louhans, cant. de Beaurepaire; 1,243 hab.
FAY. Com. du dép. de la Sarthe, arr. et cant. (3e) du
Mans; 564 hab.
FAY. Com. du dép. de la Somme, arr. de Péronne,
cant. de Chaulnes; 187 hab.
FAY-aux-Loges. Com. du dép. du Loiret, arr. d'Orléans,
cant. de Châteauneuf-sur-Loire ; 1,810 hab.
F A Y-de-Bretagne. Com. du dép. de la Loire-Inférieure,
arr. de Saint-Nazaire, cant. de Blain; 3,644 hab.
FAY-le-Froid (Faynum). Ch.-l. de cant. du dép. de
la Haute-Loire, arr. du Puy; 1,219 hab. Le village est
assis sur une butte volcanique d'un aspect très pittoresque,
à 1,250 m. d'alt. Les barons de Fay, dont les mar-
quis de La Tour-Maubourg sont une branche, étaient les
plus puissants de la contrée ; parmi leurs donations, il
faut noter celle du lac de Saint-Front aux chartreux de
Bonnefoy. Aujourd'hui Fay-le-Froid, centre d'une contrée
essentiellement pastorale, est renommé surtout par ses
foires et par son commerce de bestiaux, de beurre et de
fromage. Il y a aussi des fabriques de dentelles, des tui-
leries et des briqueteries. Quelques carrières de pierre de
taille sont exploitées dans les environs. A. Mazon.
FAY-les-Etangs. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Chaumont; 245 hab. Château.
FAY-lès-Nemoors. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Fontainebleau, cant. de Nemours; 243 hab.
FAY-Saint-Quentin. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Nivillers ; 468 hab. Les moines de
FAY
- 90 -
Saint-Quentin de Beauvais étaient seigneurs du lieu et pa-
trons de l'église depuis le xie siècle. Ils y avaient établi un
prieuré. L'église est, en grande partie, de la seconde moi-
tié du xe siècle, remaniée à l'intérieur au xvie. C'est une
des plus anciennes de toute la région. Fabrique de bros-
serie. C. St-A.
FAY (en latin de Fayno). Ancienne famille noble. Ce
nom, très fréquent dans le Haut-Languedoc, a été commun
à diverses maisons qui se sont regardées comme ayant la
même origine, mais aucune n'a réussi à dissiper les ténè-
bres des siècles antérieurs au xive. On trouve des Fay aux
époques les plus reculées et dans diverses provinces. Il y a
une maison de Fay, originaire de Picardie et transplantée
en Bretagne, dont un membre fut gouverneur de Dinant,
qui s'est éteinte au xvne siècle. Une autre famille de Fay
en Normandie a donné plusieurs baillis à Rouen et plu-
sieurs conseillers au parlement de Rouen. Mais les Fay les
plus connus, et peut-être les plus anciens, sont ceux du
Haut-Languedoc, qui ont eu pour berceau la seigneurie de
Fay (aujourd'hui Fay-le-Froid, dans la Haute-Loire). Pons
de Fay, qui avait épousé une fille du vicomte de Polignac,
partit avec ses deux fils pour la première croisade, après
avoir vendu une terre à l'abbaye du Monastier pour sub-
venir aux frais de l'expédition. 'Un de ses fils fut accom-
pagné par sa femme en Palestine et eut un enfant qui,
ayant été baptisé dans les eaux du Jourdain, porta le nom
de Guillaume Jourdain. C'est lui qui fonda la chartreuse
de Bonnefoy, au pied du Mézenc, en 4156. Sa petite-fille,
Philippa de Fay, épousa en 1239 Aymar de Poitiers, et
c'est ainsi que les seigneuries de Fay, du Mézenc et des
Estables passèrent aux comtes du Valentinois. On trouve
au xive siècle : un Guillaume du Fay, grand bailli du
Vivarais et du Forez sous Charles VI, tué en 1382 dans
une bataille contre les Turcs ; un Antoine de Fay, com-
mandant au Puy en 1 358 ; un Guillaume de Fay, tué
par les routiers à la bataille de Brignais (1361), enfin un
Artaud de Fay qui, s'étant distingué dans la guerre contre
les Bourguignons, fut fait chevalier par le Dauphin en
1420 et devint plus tard (1444) chambellan de Charles VIL
Un autre Fay, marquis de Peyraud, se signala parmi les
capitaines protestants au xvie siècle. Il s'empara du châ-
teau d'Andance en 1574, mais les catholiques de Lyon
arrivèrent bientôt sous les ordres de Mandelot et prirent le
château de Peyraud. Ce Fay avait épousé une fille naturelle
du duc de Montmorency et de Charlotte des Essarts, maî-
tresse de Henri IV. Il fut nommé sénéchal de Nîmes et de
Beaucaire. Trois Fay ont été évêques : à Langres, Poitiers
et Uzès. Ce dernier fut député aux Etats généraux de
1614. Les deux seules branches encore vivantes de cette
illustre maison sont les Fay de Solignac qui habitent près
de Tournon (Ardèche), et les Fay de Latour-Maubourg qui
habitent la Haute-Loire (V. Latour-Maubourg). A. Mazon.
Bibl.: Cartulaires de Saint-Chaffre et de Pébrac. — Col-
lection du Languedoc, à la Bibl. Nat., Mss. t. CV. — Du
Solier, Généalogies du Vivarais, Mss. — Truchard-
Dumolin, la Baronnie du Mézenc.
FAY (Guillaume du) (V. Dufay).
FAY (Charles-Gérôme de Cisternay du) , bibliophile fran-
çais, né à Paris le 2 juil. 1662, mort le 24 juil. 1723.
Lieutenant aux gardes, il quitta le service après avoir eu
la jambe emportée d'un coup de canon au bombardement
de Bruxelles en 1695 et s'adonna à son goût pour les
livres. Un catalogue de sa bibliothèque, curieuse surtout
pour les romans de chevalerie, a été publié par le libraire
G. Martin, sous le titre de Bibliotheca Fayana (1725, in-8).
FAY (Jean-Hector et Marie-Hector de) , marquis de Latour-
Maubourg (V. Latour-Maubourg).
FAY (Etienne), chanteur scénique et compositeur fran-
çais, né à Tours en 1770, mort à Versailles le 6 déc. 1845.
Elève de la maîtrise de la cathédrale de Tours, il débuta à
Paris, au théâtre Louvois(1790). Dès l'année suivante, il
s'y produisit comme compositeur avec un opéra-comique
en trois actes, Flora, qui obtint, du succès. En 1792, il prit
en double l'emploi des premiers ténors au théâtre Favart
d'où il passa, vers 1795, au théâtre Feydeau, pour partager
cet emploi avec Gaveaux, autre chanteur-compositeur. Là
il trouva, comme acteur et comme chanteur, des succès plus
complets que ceux qu'il avait obtenus jusqu'alors, et ces suc-
cès se maintinrent jusqu'en 1801. Il fit représenter à cette
époque : le Projet extravagant , un acte, théâtre Louvois
(1792); le Bon Père, même théâtre (1792) ;les Rendez-
vous espagnols, trois actes, théâtre Favart (1793) ; l'In-
térieur d'un ménage républicain, théâtre Favart (1794) ;
Emma ou le Soupçon, trois actes, théâtre Feydeau (1793);
Clémentine ou la Belle-Mère, théâtre Feydeau (1795) ;
la Famille savoyarde, théâtre Feydeau (1800). Lors de
la réunion, en 1801, des deux troupes Favart et Feydeau
en un seul théâtre qui prit définitivement le titre d'Opéra-
Comique, Fay ne fut pas réengagé. Il écrivit alors un opéra-
comique intitulé la Bonne Aventure, qu'il fit représenter
en 1802 an petit théâtre des Jeunes-Elèves, puis alla pas-
ser quelque temps à Bruxelles. De retour à Paris, il donna
à l'Opéra-Comique, en 1805, avecSpontini, son dernier
ouvrage, Julie ou le Pot de fleurs. Il repartit pour la pro-
vince,* où il tint son emploi pendant une quinzaine d'an-
nées dans plusieurs grandes villes, reparut durant quelques
mois à l'Opéra-Comique en 1819, alla faire une saison en
Hollande en 1820, fit une courte apparition l'année sui-
vante au théâtre du Gymnase, retourna ensuite à Bruxelles
où il resta jusqu'en 1826 et enfin dit adieu à la scène et
revint se fixer définitivement à Paris. — Il avait épousé une
cantatrice de grand talent, Mlle Jeanne Rousselois (née en
1781), qui appartint pendant quelque temps au théâtre
Feydeau, puis au théâtre Favart, l'accompagna dans ses
voyages, joua en 1818 à l'Opéra-Comique, puis à l'Opéra.
Il en eut deux filles, Léontine et Elisa, qui furent au
théâtre deux enfants prodiges et qui devinrent plus tard
des comédiennes de grand talent. L'aînée fut Mme Volnys
et la seconde Mme Génot. Arthur Pougin.
FAY (André), littérateur hongrois, né à Kohâny le 30 mai
1786, mort le 26 juil. 1 864. Sa longue carrière bien remplie
se présente sous deux aspects différents. Ses Bouquets de
poésies (180$, 1818), ses Fables (1820), ses romans humo-
ristiques et ses comédies, œuvre de sa verve de jeune homme
en 1824, 1832, ou de sa verve de vieillard en 1855, mon-
trent en lui le plus jovial sans contredit de tous les écri-
vains magyars. D'autre part, Fay a été un patriote libéral
en politique et un bienfaiteur de son pays, où il a introduit
les caisses d'épargne, les sociétés d'assurance. Il a travaillé
aux progrès de l'instruction publique comme à la concorde
intérieure des églises protestantes. E. Sayous.
Bibl. : Toldy, Magyar Irodalom Kézikœnyve. ~
Schwicker, Geschichte der ungarischen Litteratur.
FAY (Théodore), diplomate et écrivain américain, né à
New York au commencement du xixe siècle. Il fut nommé,
en 1837, secrétaire de la légation des Etats-Unis à Berlin
et, en 1853, ministre des Etats-Unis en Suisse. Il a publié
Dreams and Rêveries of a Quiet Man (1832), un journal
de voyages, The Minute Book, et plusieurs romans, parmi
lesquels" The Countess Ida (1840), Hoboken, a Romance
ofNew York (1843), et Ulric, or the Voices (1851).
FAY (Joseph), peintre allemand d'histoire et de genre,
né à Cologne le 10 août 1813, mort à Dusseldorf le
27 juil. 1875. Il épousa la sœur du paysagiste Albert Arnz.
Elève de l'Académie de Dusseldorf (1833-41) et de P. Dela-
roche. Ses premiers tableaux, la Fontaine de Saint-
Gangolf (1837), Geneviève (1838), furent suivis de
Dalila et de Cléopâtre, qui lui valurent la mission de
décorer la salle des séances de l'Hôtel de ville d'Elberfeld
(1840-44). Ces fresques ont péri dans les travaux de
restauration de l'édifice, mais il reste la plupart des car-
tons (Mort de Varus, Forêt de Teutberg, Danse des
épées, etc.), qui ont figuré à Paris à l'Exposition de 1855.
Après avoir exécuté un certain nombre de sujets roman-
tiques : Thisbé, Roméo et Juliette (1846), Marguerite
en prison (1847), Fay, qui avait fait des séjours répétés
en Italie, se mit à reproduire des scènes de la vie populaire
au delà des monts, avec des arrière-plans de paysages et
d'architecture qui révèlent une grande habileté de pinceau
unie à un coloris brillant.
FA Y (Charles-Alexandre), général français, né à Saint-
Jean-Pied-de-Port le 23 sept. 1827. Elève de Saint-Cyr
(4845), élève de l'Ecole d'état-major (1847), il prit part
aux travaux géographiques de la carte des Pyrénées, servit
en Afrique, eut un cheval tué sous lui à la prise de Laghouat
(1852) et, promu capitaine (1853), fit partie de l'état-major
du général Bosquet. Il combattit brillamment à l'Aima, à
Inkermann, à l'assaut du Mamelon-Vert. En 1864, il fut pro-
mu chef d'escadrons et lieutenant-colonel en 1 870. En 1 874,
il fut chargé d'organiser au ministère de la guerre les bu-
reaux de l'état-major général. Colonel le 12 nov. 1874, il
devint général de brigade le 14 janv. 1879 et général de
division le 24 juil. 1885. Il exerça successivement les fonc-
tions de sous-chef de l'état-major général et conseiller
d'Etat en service extraordinaire (1879), de commandant de
la 27e division d'infanterie du 14e corps et de la 4e du
2e corps, et fut nommé commandant du 11e corps d'armée
(Nantes) le 1er févr. 1890. Admis à la retraite après
les grandes manœuvres de 1892, il s'est présenté sans
succès le 16 oct. dans le dép. du Calvados à une élection
partielle pour le Sénat. En 1868 et 1869, il avait rempli
en Allemagne diverses missions militaires. On lui doit
une série d'ouvrages spéciaux et fort estimés : Souve-
nirs de la guerre de Crimée (Paris, 1 867, in-8) ; Etude
sur la guerre d'Allemagne en 1866 (1867, in-8) ;
Etude sur les opérations militaires en Bohême en
1866 (1869, in-8) ; De la Loi militaire (1870, in-8) ;
Journal d'un officier de F armée du Rhin (Bruxelles,
1871) ; Marches des armées allemandes du 21 juil. au
1er sept. 1810 (1889, in-4) ; Projet de réorganisation
de V armée française (1871, in-8) ; Projet d'organisa-
tion et de mobilisation de V armée française (1873,
in-8) ; De la Géographie de l'Allemagne (1872, in-18) ;
De l'Organisation militaire de l'Allemagne (1872,
in-18), etc.
FAYAL (Ile) (V. Açores).
FAYARD (V. Hêtre).
F AY A R D (Ennemond-Dominique-Nicolas) , magistrat fran-
çais, né à Saint- Vallier en 1816. Avocat, puis vice-prési-
dent du tribunal civil de Lyon, il devint conseiller à la cour
d'appel du même siège. Parmi ses nombreux écrits nous
citerons : Rapport sur l'amélioration de l'œuvre des
enfants trouvés (Lyon, 1854, in-8) ; Histoire de l'œuvre
des enfants trouvés, abandonnés et orphelins de Lyon
(1859, in-8) ; Du Dépôt de mendicité d'Albigny (1860,
in-8) ; Essai sur l'assistance publique et l'extinction
de la mendicité à Lî/ow(1862, in-8); Hospices et hôpi-
taux civils de Lyon (1861, in-8) ; Etudes sur les an-
ciennes juridictions lyonnaises (1863, in-8) ; Essai sur
l'établissement de la justice royale à Lyon (1866, in-8) ;
Souvenirs des entrées des souverains de France dans
la ville de Lyon (1860, in-8) ; Des Enfants assistés à
Paris et à Lyon (1867, in-8) ; Aperçu historique sur
le parlement de Paris (1877-1878, 3 vol. in-8) ; Prost
de Royer, sa vie et ses œuvres (1886, in-8) ; Histoire
des tribunaux révolutionnaires de Lyon et de Feurs
(1888, gr. in-8) ; Journal de la cour d'appel de Lyon
(1890, gr. in-8), etc.
FAYARD (Joseph- Albin), homme politique français, né à
Metz le 2 avr. 1816. Républicain militant, il fut exilé à la
suite du coup d'Etat du 2 déc. 1851 . Conseiller général de
la Drôme, il fut élu sénateur de ce département le 25 janv.
1885 au second tour de scrutin. Il réclamait dans son pro-
gramme l'élection de la Chambre haute par le suffrage
universel. M. Fayard vota l'expulsion des princes et se
prononça contre le boulangisme.
FAY AU (Joseph-Pierre-Marie), dit des Rretinières,
homme politique français, né à Roche-Servière (Vendée)
le 25 mars 1766, mort à Roche-Servière le 28 mars 1799 .
Avocat avant la Révolution, administrateur de la Vendée,
— 91 — FAY — FAYE
il fut élu par ce département député à la Convention le
5 sept. 1792. Ardent montagnard, membre du club des
Jacobins, il vota la mort de Louis XVI. Il remplit une
mission en Vendée en sept. 1793, fut blessé au combat de
la Châtaigneraye le 30 de ce mois (cf. rapport de Wester-
mann du 1er oct. dans le Moniteur, XVIII, 92). Rentré à
la Convention, il proposa, le 17 brumaire an II, les me-
sures les plus violentes. « On n'a point assez incendié dans
la Vendée. La première mesure à prendre est d'y envoyer
une armée incendiaire. Il faut que pendant un an nul
homme, nul animal, ne trouve de subsistance sur son
sol. » Le 2 ventôse an II il compara, dans une allocution
fameuse, les aristocrates aux loups et aux renards qu'il
fallait détruire. Après la chute de Robespierre, il demeura
fidèle au parti jacobin et s'éleva contre les tendances rétro-
grades de la Convention. Le 17 fructidor an II, il attaqua
devant la Société des Jacobins trois des principaux ther-
midoriens, Tallien, Lecointre et Fréron, et, le 25 vendé-
miaire an III, il fit l'apologie des sociétés populaires. Le
1er prairial an III, il fut décrété d'arrestation avec les der-
niers montagnards et remis en liberté par l'amnistie du
4 brumaire an IV. Il se retira dans sa ville natale, où il
mourut quatre ans plus tard. Etienne Charavay.
Bibl. : Moniteur. — Inventaire de la collection Benja-
min Fillon, n08 571 et 572.
FAYCELLES. Corn, du dép. du Lot, arr. et cant. de
Figeac; 1,077 hab.
FAYDEL (Jean-Félix), homme politique français, né à
Cahors (Lot) le 9 sept. 1744, mort à Cahors le 26 juin
1827. Avocat dans sa ville natale, il fut député aux Etats
généraux par le tiers état de la sénéchaussée du Quercy
le 24 mars 1789. Il devint secrétaire le 28 sept, et, en
toutes circonstances, se fit remarquer par son opposition
aux idées nouvelles. Après la session, il se mit à l'écart
et ne reparut que sous l'Empire comme conseiller de pré-
fecture du Lot (10 janv. 1804). II entra, comme député
du Lot, au Corps législatif le 10 août 1810, adhéra à la
déchéance de Napoléon et fit partie de la Chambre introu-
vable (22 août 1815). Et. Ch.
FAY D'HERBE (Luc), architecte et sculpteur belge, né
à Malines en 1617, mort à Malinesle 31 déc. 1697. Elève
de Rubens, il exécuta pour l'illustre peintre des statuettes
d'ivoire qui passèrent dans la galerie de l'électeur palatin.
Il se fixa à Malines où il fit de nombreuses statues pour les
églises de cette ville. Citons notamment, à Notre-Dame-
d^Hauswyck, une Nativité de Jésus et un Portement de
Croix; à Saint-Rambaut, un Saint Joseph, Sainte Anne et
la Vierge; à l'église du Grand-Béguinage, Dieu le Père et
Sainte Catherine. Architecte de talent, Fayd'herbe con-
struisit en 1678 Notre-Dame-d'Hauswyck à Malines. Des
œuvres de cet artiste sont disséminées dans toute la Belgique.
FAY DIT (Pierre-Valentin), abbé, controversiste et cri-
tique français, né à Riom vers 1640, mort en 1709.
D'abord prêtre de l'Oratoire, il fut renvoyé de cette con-
grégation, en 1671, pour avoir écrit en faveur de Des-
cartes un ouvrage intitulé : De Mente humana. Il prêcha
contre Innocent V lors de la querelle de ce pape avec
la cour de France ; son sermon a été imprimé à Maastricht
(1687) et réimprimé à Liège (1689) sous le titre de Con-
formités des Eglises de France avec celles d'Asie et de
Syrie du ne et du 111e siècle, dans leur différend avec
Rome. Un Traité sur la Trinité lui valut d'être enfermé
à Saint-Lazare, en 1696. Il put ensuite se retirer à Riom
où il a continué à écrire des ouvrages souvent ridicules et
de mauvais goût. On cite notamment : Mémoires contre les
Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique de
M. de Tillemont (1695); la Télémachomanie (1700,
1713, in-12), satire grossière du Télémaque de Fénelon.
On estime davantage ses Remarques sur Virgile, sur
Homère et sur le style poétique de l'histoire sainte
(Paris, 1705-1710, 2 vol. in-l0^). G. R.
FAYE (La). Corn, du dép. de la Charente, arr. de
Ruffec, cant. de Villefagnan ; 705 hab.
FAYË
- 92 -
FAYE. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr. de Vendôme,
cant. de Selommes ; 304 hab.
FAYE. Com. du dép. du Maine-et-Loire, arr. d'Angers,
cant. de Thouarcé; 1,216 hab.
FAYE-en-Montagne. Com. du dép. du Jura, arr. et
cant. de Poligny; 209 hab.
FAYE-l'Albesse. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr, et
cant. de Bressuire ; 1,157 hab. Le village est situé sur le
Thouaret, affluent du Thouet.
FA Y E-la- Vineuse. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr.
de Chinon, cant. de Richelieu; 604- hab. C'était au moyen
âge la capitale d'une seigneurie qui fut acquise au xvie siècle
par la famille de Richelieu. L'église Saint-Georges (mon.
hist.) est une ancienne collégiale fondée au xie siècle. Dans
son état actuel c'est un bel édifice du xne siècle, sauf la
porte occidentale refaite au xvie et une chapelle ajoutée au
xme. Une crypte très curieuse du xie siècle reproduit la
disposition de l'église supérieure ; elle a conservé de curieux
chapiteaux et le tombeau qui servait primitivement d'autel.
FAYE-sur-Ardin. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr.
de Niort, cant. de Coulonges; 575 hab.
FAYE (Jacques), seigneur d'EspEissES, homme d'Etat et
jurisconsulte français, né à Paris en 1543, mort à Senlis
le 30 oct.1590. Sa famille était originaire du Lyonnais, et
il était fils du jurisconsulte Barthélémy Faye, conseiller au
parlement de Paris. Après avoir étudié le droit, il fut
attaché au duc d'Anjou, depuis Henri III, comme maître
des requêtes, et l'accompagna en Pologne. A la nouvelle de
la mort de Charles IX, il fut envoyé en France pour an-
noncer le prompt retour du duc d'Anjou et remettre à
Catherine de Médicis des lettres de régence. Celle-ci, vou-
lant conserver le royaume de Pologne à son fils, renvoya
Faye dans ce pays pour lui gagner l'appui des palatins
polonais; malgré son habileté, il ne put faire triompher
la cause de Henri, et celui-ci le chargea d'aller proposer le
trône de Pologne au duc de Ferrare. Le zèle de Faye fut
récompensé par la place de maître des requêtes au conseil
d'Etat. Peu après, il acheta la charge d'avocat général au
parlement de Paris; il s'y fit remarquer par son éloquence.
Il se signala aussi par son dévouement pour le roi et pour
les libertés de l'Eglise gallicane, notamment aux Etats de
Blois. Il suivit le roi à Tours et fut nommé conseiller
d'Etat, puis président à mortier. Grâce à son énergie, il put
reconstituer le parlement à Tours, et il en fut le président.
Il usa de son influence sur le roi pour le rapprocher de Henri
de Navarre, et, après l'assassinat de Henri III, il s'attacha
à Henri IV qu'il suivit au siège de Paris. On a de lui :
Avertissement sur la réception et la publication du
concile de Trente (4583). Ses Négociations politiques
sont conservées en manuscrit à la Bibl. nat. (6 vol.
in-fol.). Gustave Begelsperger,
Bibl.: Edouard Faye le Brys, Trois Magistrats fran-
çais du xvi° siècle ; Paris, 1844.
FAYE (Antoine et Jean-Elie de La) (V. La Faye).
FAYE (Le chevalier Bogne de) (V. Bogne de Faye).
FAYE (Andréas), écrivain norvégien, né à Bragernaes
(Drammen) le 5 oct. 1802, mort le 5 mai 1869. Après avoir
cumulé les fonctions de pasteur de Holt (1833) et de
directeur et premier maître de l'école normale du diocèse de
Christianssand (1839), il fut pasteur de Sande (1860) et
prévôt de Nord-Jarlsberg (1864). Quoiqu'il eût formé
une importante collection de manuscrits et documents qui
furent achetés par les Archives nationales, il n'écrivit guère
que d'utiles ouvrages de vulgarisation ou de bonnes mono-
graphies, entre autres : Histoire de Norvège (Christiania,
(1831 ; 4e édit., Laurvig, 1856; en allemand, Leipzig,
1 851); Traditions norvégiennes (Arendal, 1833; 2e édit. ,
Christiania, 1844) ; Histoire des prêtres et du pastorat
d'OEiestad(im) ; Guerre de Norvège en 1808 (1 861) ;
la Norvège en i8i4 (1 863-64) ; Histoire du diocèse de
Christianssand (1867); Charles XII en Norvège (1868),
et des biographies de : Severin Lœvenskjold (1857) ;
Peder Claussœn (1858) ; Jœrgen Erichson (1859).
FAYE (Hervé- Auguste- Etienne -Albans), astronome
français, né à Saint-Benoît-du-Sault (Indre) le 1er oct. 1814.
Fils d'un ingénieur des ponts etchaussées, il entra en 1832
à l'Ecole polytechnique, en sortit avant la fin de sa
deuxième année d'études, essaya de l'industrie, mais aban-
donna cette carrière dès 1836 et, sur la recommandation
d'Arago, se fit admettre comme élève à l'observatoire de
Paris où il montra tout de suite les plus brillantes dispo-
sitions et où il découvrit, le 22 nov. 1843, la comète pério-
dique qui porte son nom (V. t. XII, p. 20). L'Académie
des sciences le récompensa l'année suivante par le prix La-
lande et l'élut membre le 18 janv. 1847, en remplacement
de Damoiseau. Chargé de 1848 à 1854 du cours de géo-
désie à l'Ecole polytechnique, puis nommé successivement
recteur à l'académie de Nancy et professeur d'astronomie
à la faculté des sciences de cette ville (1854), inspecteur
général de l'enseignement secondaire (1857), membre du
Bureau des longitudes (1862), professeur d'astronomie à
l'Ecole polytechnique (1873), président du Bureau des
longitudes (1876), inspecteur général de l'enseignement
supérieur (1877), il se porta, aux élections législatives
d'oct. 1877, candidat du maréchal de Mac-Mahon dans le
XVIe arrondissement de Paris ; il n'obtint que 2,808 voix
contre 4,269 à M. Marmottan, l'un des 363, mais fut, un
mois après, ministre de l'instruction publique dans le ca-
binet du général de Bochebouët (23 nov. -13 déc. 1877).
Depuis ce court et obscur passage aux affaires, il a renoncé
à la politique militante. En 1889, il a été mis adminis-
trativement à la retraite, conservant sa chaire à l'Ecole
polytechnique, la présidence effective du Bureau des longi-
tudes et celle du conseil de l'Observatoire de Paris. L'Aca-
démie des sciences, dont il est demeuré l'un des membres
les plus actifs, l'a d'ailleurs délégué pour la seconde fois
au conseil supérieur de l'instruction publique aux élections
d'avr. 1892.
Ses remarquables travaux ont porté sur toutes les par-
ties de la science astronomique. Ils comprennent des
observations aussi rigoureuses que nombreuses, des cal-
culs d'éléments, des déterminations de périodes cométaires,
des mesures de parallaxes, des études de mouvements
stellaires et planétaires, des perfectionnements de méthodes
et d'instruments, enfin plusieurs théories tout originales,
mais aussi très vivement controversées, parmi lesquelles
il faut plus particulièrement signaler celles relatives à la
nature et à la figure des comètes, aux étoiles filantes, aux
aurores boréales, à la constitution physique du soleil et
à ses taches, à l'origine du monde. Il a fourni depuis 1843
aux Astronomische Nachrichten, aux Monthly Notices
de la Royal Astronomical Society , au Cosmos, aux
Mondes et surtout aux Comptes rendus de V Académie
des sciences de Paris plus de quatre cents mémoires et
notes dont on trouvera la liste, pour les années 1843 à
1884, dans le Catalogue ofscienti fie paper s delà Société
royale de Londres (V. ci-dessous Bibl.). Citons seulement :
Parallaxe dhme étoile anonyme de la Grande Ourse
(1846) ; Construction d'un nouveau collimateur zéni-
thal (1846) ; Mémoire sur Vanneau de Saturne (1848) ;
Sur les Déclinaisons absolues (1850) ; Sur une Mé-
thode nouvelle proposée par M. de Littrow pour déter-
miner en mer l'heure et la longitude (1864) ; Sur les
Cyclones solaires (1 87 3); Sur la Formation des nuages
et de la grêle (187 '5), etc. Il a en outre fait paraître à
part : une traduction, en collaboration avec Ch. Galusky,
du Cosmos d'Alex. deHumboldt (Paris, 1846-59, 4 vol.
in-8); Leçons de cosmographie (Paris, 1852, in-8;
2e édit. 1854); Cours d'astronomie nautique (Paris,
1880, in-8) ; Cours d'astronomie de l'Ecole polytech-
nique (Paris, 1881-83, 2 vol. in-8); Sur l'Origine du
monde (Paris, 1884, in-8 ; 2e éd., 1885), ouvrage dans
lequel l'auteur développe un système cosmogonique nota-
blement différent de celui de Laplace ; Sur les Tempêtes
(Paris, 1887, in-8) ; Pour le Bureau des longitudes
(Paris, 1888, in-4). Léon Sagnet.
93 —
FAYE — FAYL
Bibl. : Note sur les travaux astronomiques de H. Faye;
Paris, 1847, in-4. — Moigno, Annuaire du Cosmos ; Paris,
1860, t. Il, in-8.— Catalogue of scientifîc papers ofthe Royal
Society ; Londres, 1868, 1877 et 1891, t. Il, VII et IX, in-4.
FAYE (Etienne-Léopold), homme politique français, né
à Marmande le 16 nov. 1828. Avocat à Marmande, maire
de cette ville (1870-1873), il se présenta sans succès aux
élections du 8 févr. 4874 pour l'Assemblée nationale dans
le Lot-et-Garonne, mais fut élu par ce département lors
d'une élection complémentaire, le 2 juil. 4874. Il siégea à
gauche, s'occupa beaucoup de questions de droit adminis-
tratif et présenta notamment une proposition relative aux
élections des conseils généraux qui fut repoussée. Elu dé-
puté par Marmande le 20 févr. 4876, il devint questeur
de la Chambre et fut nommé sous-secrétaire d'Etat au mi-
nistère de l'intérieur le 46 mai 4876, en remplacement de
M. de Marcère, devenu ministre du même département.
Tombé avec le cabinet, le 3 déc. 4876, il fit partie des 363
et fut réélu avec eux le 44 oct. 1877. Le 5 janv. 4879,
il était nommé sénateur de Lot-et-Garonne, et devenait, le
28 mai 4879, conseiller maître à la cour des comptes. Lors
du conflit entre les deux Chambres relativement à leurs
prérogatives en matières financières, M. Faye proposa le
système suivant : « Les crédits affectés à la dotation des
services publics constitués en vertu de lois ou de décrets
ayant force de lois, ne pourront être supprimés, diminués
ou augmentés que par un vote conforme de la Chambre et
du Sénat. La suppression ou la diminution de tous crédits
autres que ceux ci-dessus spécifiés ne restera définitive
qu'après un second vote émis par celle des deux Chambres
qui aura proposé cette suppression ou cette diminution.
L'augmentation de ces derniers crédits n'aura lieu que sur
un vote conforme des deux Chambres. » On sait que le Par-
lement finit par écarter cette question de l'ordre du jour du
Congrès de 4884 et que le statu quo fut maintenu. Le
42 déc. 4887, M. Faye fut nommé ministre de l'instruc-
tion publique et des cultes dans le premier cabinet formé
par M. Carnot. Il se prononça pour le maintien de la cen-
sure dramatique. Il démissionna avec le cabinet le 30 mars
4888. Il avait été réélu sénateur lors du renouvellement
triennal du 5 janv. 4888. H vota l'expulsion des princes,
se prononça contre le boulangisme, entra le 22 févr. 4889
dans le cabinet Tirard comme ministre de l'agriculture, et
fut renversé avec lui le 43 mars 4890 par un vote hostile
du Sénat, Renoult.
FAYEL (Le Faiel, le Fay). Corn, du dép. de l'Oise,
arr. de Compiègne, cant. d'Estrées-Saint-Denis ; 434 hab.
La seigneurie du Fayel appartint successivement à dif-
férentes familles jusqu'en 4627 qu'elle passa à la maison
de La Mothe-Houdancourt. Elle fut érigée en duché en fa-
veur du maréchal de ce nom en 4653 et appartient encore
à des descendants parles femmes de cette illustre maison.
Le château remonte au milieu du xvtie siècle et sa cons-
truction est attribuée à Mansard. Un parc de 400 hect.,
tracé par Le Nôtre, est joint au château ; ce parc affecte à
peu près la forme d'un cœur et on prétend que c'est en
souvenir de l'aventure tragique de la dame du Fayel,
Gabrielle de Vergy, dont certains auteurs placent ici le
théâtre. Mais si ce drame n'est pas tout simplement le
produit de l'imagination de quelque poète, il est probable
qu'il s'est passé à Fayel ou Fayet, près de Coucy et non
ici. En 4656, Louis XIV et la reine Christine de Suède se
rencontrèrent au château de Fayel. L'église, reconstruite
en 4642, contient les restes des deux maréchaux de La
Mothe-Houdancourt et de leur famille. C. St-A.
FAY EN (Jean), médecin, versificateur et géographe fran-
çais, né à Limoges vers 4530-4540, mort à Limoges vers
4612. Comme médecin, il composa un Traité sur les se-
crets thérapeutiques, resté manuscrit ; comme poète, des
poésies latines et françaises dont quelques-unes ont été
conservées. Comme géographe, il est l'auteur de la pre-
mière carte connue du Limousin, qu'il dédia à Annet de
Lévis de Ventadour, gouverneur du Limousin (4594). Elle
figure dans le Théâtre français, de Maurice Bouguereau,
et a été très souvent reproduite, tant en France qu'à
l'étranger, pendant la première moitié du xvne siècle. Cette
carte est le principal titre de l'auteur à l'estime de la pos-
térité. M. Ludovic Drapeyron lui a consacré une étude
complète qui paraîtra (1893) dans le Bulletin de la Société
archéologique du Limousin. A. Leroux.
FAYENCE. Ch.-l. de cant. du dép. du Var, arr. de
Draguignan; 4,702 hab. Moulins à huile, tanneries, faïen-
ceries, verreries. Ancienne chapelle Notre-Dame (xne siècle).
FAYET. Corn, du dép. de l'Aisne, arr de Saint-Quen-
tin, cant. de Vermand, entre la Somme et l'Omignon ;
427 hab. Château au milieu d'un beau parc célèbre dans
la légende par les amours de la dame du Fayel (ancien
nom de Fayet) avec le châtelain de Coucy.
FAYET. Corn, du dép. de l'Aveyron, arr. de Saint-
Affrique, cant. de Camarès ; 955 hab.
FAYET. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Clermont-
Ferrand, cant. de Saint-Dier; 724 hab.
FAYET-Ronnàye. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr.
d'Ambert, cant. de Saint-Germain-l'Herm ; 1,008 hab.
FAYET (Jean- Jacques), évêque et homme politique fran-
çais, né à Mende le 29 juil. 4786, mort à Paris le 4 avr.
4849. Après avoir fait ses études au séminaire Saint-Sul-
pice, il fut ordonné prêtre et exerça les fonctions de vicaire
de Quezac, puis de principal du collège de Mende. Lors de
la première Restauration, il fit preuve d'un dévouement
bruyant à la famille royale, se signala par l'arrestation du
sous-préfet de Florac et fut, en récompense de ce haut fait,
décoré par le duc d'Angoulême. Il participa avec la même
activité à l'œuvre des missions, puis à la fondation du Con-
servateur^ fut nommé grand vicaire à Rouen, puis inspec-
teur général des études. En 4 841 , il était curé de Saint-
Roch et, en 4842, évêque d'Orléans. Le 23 avr. 4848, il
fut élu représentant à la Constituante par le dép. de la
Lozère. Cette élection donna lieu à une enquête, puis fut va
lidée. Mgr Fayet se fit à la Chambre une réputation d'esprit;
c'est lui qui fut chargé d'officier à la cérémonie commémo-
rative pour les victimes des journées de Juin (juin 4848).
Il mourut du choléra. On a ses Sermons, discour s et man-
dements (Paris, 4857, 2 vol. in-8).
Bibl. : Dassance, Notice historique sur Mgr Fayet, en
tête de l'édition des Sermons.
FAYET (Antoine), littérateur français, né à Arfeuille
(Allier) en 4845. 11 fut professeur de rhétorique et cha-
noine honoraire de Moulins. Citons parmi ses œuvres :
Biographie de M. de Genoude (Paris, 4844, in-8) ; les
Beautés de la poésie ancienne et moderne; Poésie
hébraïque (Moulins, 4864, in-8); Poésie allemande
(1862, in-8) ; Lettres à un rationaliste sur la philo-
sophie et la religion (4864, in-8) ; De V Esprit national
(Paris, 4850, in-4 2); le Poème de V espérance (Moulins,
4865, in-18) ; le Poème de la foi (4864, n>18) ; De la
Paix perpétuelle, étude historique et critique (4869,
in-42).
FAYETTE (La) (V. La Fayette).
FAYETTEVILLE. Ville des Etats-Unis, comté de Cunv
berland (Caroline du Nord), sur la rivière Cape Fear, à
225 kil. de son embouchure ; important marché de bois et
de résine ; 4,000 hab. en 4880. — Petite ville de l'Arkan-
sas, sur la White River, dans le voisinage de mines de
houille, de fer et de plomb; siège de l'université de l'Etat,
fondée en 4875. Aug. M.
FAYL-Billotou FAYS-le-Billot. Ch.-l. de cant. du dép.
de la Haute-Marne, arr. de Langres ; 2,248 hab. Brasserie,
vannerie, fabrique de chaises, de faux, confiserie. — Cette
localité est fort ancienne; des antiquités gallo-romaines,
fragments de statues, vestiges de constructions diverses, ont
été trouvées à diverses reprises sur son territoire. Le bourg,
couronné jadis par un château fort dès le xive siècle, était
le siège d'une importante baronnie qui appartint successi-
vement aux maisons de Châtillon, de La Beaume-Monrevel,
de Neufchâtel, d'Argouges, d'Imécourt, d'Attricourt, etc.
En 4324, les habitants de Fayl-Billot obtinrent une charte
FAYL — FAYOUM
— 94 —
d'affranchissement de Guy de Châtillon, comte de Porcien.
Le 14 sept. 1636, les Impériaux, commandés par Galas,
vinrent établir leur quartier général à Fayl- Billot, y
séjournèrent six semaines et ne laissèrent derrière eux
que des ruines. Au mois de juillet suivant, les troupes de
Mercy dévastèrent de nouveau la contrée. Aux maux de la
guerre s'adjoignirent, dans le cours du même siècle, ceux
de la lamine (1652) et de l'incendie (1668 et 1687); par
deux fois le bourg tout entier fut réduit en cendres. —
Belle église moderne. A. Tausserat-Radel.
Bibl. : Briffaut, Histoire de Fayl-Billot et notices sur
les villages du canton; Besançon, 1860, in-8, avec pi.
FAYMONT. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure, canton de Yillersexel ; 437 hab.
FAYMOREAU. Com. du dép. de la Vendée, arr. de Fon-
tenay-le-Comte, cant. de Saint-Hilaire-des-Loges ; 679 hab.
FAYN (Etienne), architecte et graveur belge de la seconde
moitié du xvme siècle. Liégeois de naissance, Etienne Fayn
continua, en 1763, l'abbaye d'Orval, commencée par
Dewez; il donna, en 1664, les dessins de l'illumination de
Liège, rectifia les plans des jardins du château de Seraing
appartenant au prince-évêque et fit construire l'église et le
monastère du val Saint-Lambert (aujourd'hui détruits).
Fayn a gravé nombre de portraits de ses compatriotes,
parmi lesquels celui de Fabry, bourgmestre de Liège en
1790, ainsi que des vues de sa ville natale et, entre autres
compositions, le diplôme de la Société libre d'émulation de
Liège. Charles Lucas.
Bibl. : Acad. royale de Belgique, Biographie nationale :
Bruxelles, 1878, t. VI, in-8.
FAYN de Rochepierre. Ancienne famille noble du
Yivarais. Un de ses membres était suppléant du syndic du
Vivarais aux Etats généraux de Blois (1 576) et devint peu
après syndic. Ses descendants parvinrent à rendre le syn-
dicat héréditaire dans leur famille, ce qui amena de fré-
quents démêlés entre eux et les barons du Yivarais. Cette
famille s'est fondue, au commencement du xvme siècle,
dans celle des Rochemore. A. Mazon.
FAYOLIA (Bot.). Genre d'Angiospermes primitifs, décrit
par Renault et Zeiller (Compt. rend. Acad. des se, juin
1884) sur des échantillons provenant des houillères de
Commentry. Ce sont des corps ovoïdes, lancéolés, longs de
8 à 12 centim., semblables, à première vue, à' des stro-
biles de pin, constitués par deux valves opposées, soudées
par leur bord et contournées en hélice ; les sutures de ces
valves forment deux carènes hélicoïdales, légèrement sail-
lantes, dont chacune décrit, de la base au sommet, 6 à
7 tours de spire. Ce genre offre des affinités avec le genre
Spirangium (V. ce mot) et, comme dans celui-ci, les valves
ont dû circonscrire une cavité interne renfermant des graines
de petites dimensions; on n'a pu découvrir de traces de
ces graines. Les espèces décrites sont : F. dentata et
F. grandis. Dr L. Hn.
FAYOLLE (Jean-Raymond), homme politique et magis-
trat français, né à Saint-Paul-les-Romans (Drôme) le 23 déc.
1746, mort à Grenoble le 7 mai 1821. Receveur des con-
tributions à Romans avant la Révolution, membre de la
municipalité de cette ville, président du directoire du dis-
trict, accusateur public près le tribunal criminel de la
Drôme le 8 oct. 4791, il fut élu député de la Drôme à la
Convention le 10 sept. 1792. Il vota la détention du roi
et demanda la mise en arrestation de tous les suspects
(12 août 1793). Signataire de la protestation du 6 juin
contre la journée du 31 mai, il fut décrété d'arrestation le
3 oct. 1793. Il rentra à la Convention le 18 frimaire an III,
et fut envoyé au conseil des Cinq-Cents par le dép. de la
Drôme le 22 vendémiaire an IV. Arrêté au 18 fructidor
et enfermé au Temple, il fut mis en liberté le lendemain .
Juge au tribunal d'appel de Grenoble le 12 prairial an VIII,
conseiller à la cour le 17 avril 1811, il se rallia à la Res-
tauration et mourut dans l'exercice de ses fonctions.
Etienne Charavay.
Bibl. : Moniteur. — Ad. Rochas, Biographie du Dau-
phiné.
FAYOLLE (François-Joseph-Marie), littérateur français,
né à Paris le 15 août 1774, mort à l'asile de Sainte-
Périne le 2 déc. 1852. Elève du collège de Juilly et de
l'Ecole polytechnique, il ne sut pas conserver la fortune
que son père avait gagnée dans la profession de dentiste,
vécut à Londres de 1818 à 1829 du produit de ses leçons
de français et demeura longtemps pensionnaire de la mai-
son de refuge où il s'éteignit. Fayolle a publié, avec Choron,
un Dictionnaire historique des musiciens (1810-1812,
2 vol. in-8) et préparé sur la musique et ses interprètes
d'autres travaux restés inédits ou à l'état de fragments. A
part quelques poésies et brochures de circonstance, il s'est
surtout fait connaître comme éditeur et compilateur. On
lui doit une Acanthologie ou Dictionnaire épigram-
matique (1817, in-12), un Cours de littérature en
exemples (1822, 2 vol. in-12); les tomes II-XII (1805-
1809) des Quatre Saisons du Parnasse, accompagnés de
notes et de notices; un Esprit de Riuarol (1808, in-12),
et un Esprit de Sophie Arnould (1813, in-12), des
Mélanges littéraires, composés de morceaux inédits de
Diderot, Caylus, Thomas, Rivarol, André Chénier, etc.
(1816, in-12); Pour et contre Delille, ou Recueil de
divers jugements portés sur ses ouvrages (1816,
in-8), etc. Il a également collaboré à un certain nombre
de journaux. M. Tx.
FAYOLLE (M]le), actrice française. Elève de Beauvallet,
elle se montra d'abord au théâtre Cluny, puis au Vaude-
ville, et débuta à la Comédie-Française le 18 sept. 1876,
par le rôle de Gabrielle dans Gabrielle d'Emile Augier.
Elle joua ensuite dans la Joie fait peur, l'Ecole des Maris,
et se rendit fort utile en tenant avec soin et dignité un
emploi secondaire dans la tragédie. C'est ainsi qu'on la vit
dans Aricie de Phèdre, Sabine des Horaces, Albine de
Britannicus, Phœdime de Mithridate, Zacharie à'Athalie,
Elvire du Cid, Stratonice de Polyeucte, etc. Depuis quel-
ques années, elle a pris, quoique jeune encore, l'emploi
des duègnes et des caractères, dans lequel elle fait preuve
d'un véritable talent. A. P.
FAYOT (Alfred-Charles-Frédéric), littérateur français,
né à Paris le 25 déc. 1797, mort près de Montmorency en
mai 1861. Employé dans le bureau du ministère des affaires
étrangères, il abandonna, en 1828, l'administration pour
le journalisme. Collaborateur du Livre des Cent et un, de
l'Encyclopédie des gens du monde et autres publications,
il a laissé : Essai historique sur Thadee Kosciusko (Paris,
1820, in-8) ; Conjuration de quatre-vingt-seize gentils-
hommes polonais, écossais, suédois et français contre
le gouvernement russe, etc. (Paris, 1821, in-8) ; His-
toire de France depuis 1793 jusqu'à V avènement de
Charles X (1830, 16 vol. in-18) ; Histoire de la Révo-
lution de Juillet 1830 (1830-1831, 4 vol. in-18); His-
toire de Pologne (1831-1832, 3 vol. in-18); Précis histo-
rique sur le duc de Reichstadt (1832, in-18). Il a rédigé
le Mémorial de Sainte-Hélène du comte Las Cases, pris
part aux romans de la comtesse Mole, etc.
FAYOT1ER (Bot.)(V. Agatï).
FAYOUM. Province de la Moyenne-Egypte. Le Fayoum
occupe, à l'O. de la vallée du Nil, le vaste bassin ellip-
tique où vient, après avoir franchi la chaîne libyque, au
seuil d'El-Lahoun, se jeter le bras occidental du Nil appelé
Bahr Youssef. Nous avons donné au mot Egypte la des-
cription physique de ce bassin, ainsi que sa superficie.
Ajoutons, pour compléter ces renseignements, que les
deux contreforts entre lesquels s'engage le Bahr Youssef
portent les noms de Sidimant et de Gisr el-Gadala, et que
l'assise d'El-Lahoun qui les relie s'élève à 10 m. au-dessus
du niveau des terres de la vallée les plus rapprochées. Du
seuil d'El-Lahoun au Taksim el-Miah, bassin de répartition
des eaux d'où partent les canaux de distribution, il n'y a
pas moins de 19 kil. Le Bahr Youssef court d'abord à
l'O. dans une vallée de 1,500 m. jusqu'à Awarat-el-
Makta, à 8 kil. d'El-Lahoun — en ce point une digue em-
pêche ses eaux de se jeter dans le Bahr bela-Mâ, — puis une
95 -
FAYOUM — FAYPOULT
fois entré dans la plaine se dirige vers le N., non sans dé-
river de chaque côté d'importantes ramifications, lesquelles
coulent au pied de la ceinture montagneuse, arrosant ainsi
le pourtour du Fayoum, pendant que les dérivations du
Taksim rayonnent sur toute la région centrale. Afin de
régler les recettes d'eau, dit M. Chélu (le Nil, le Soudan,
V Egypte, p. 382), le seuil d'El-Lahoun fut complété par
un double barrage. Celui d'amont a subi, à diverses époques,
de graves dommages qui ont nécessité le renforcement par
des enrochements de celui d'aval, lequel supporte mainte-
nant la plus forte poussée des eaux. Au delà du seuil, on
rencontre plusieurs grands ouvrages de construction an-
cienne comme celle des barrages précédents. Le premier,
sur la rive droite, sert à la fois de régulateur à la prise
du Bahr Sélah et de berge aux eaux du Bahr Youssouf,
au-dessus du Bahr bela-Ma, c'est la digue d'Awarat-el-
Makta. Le second, plus à l'O. et sur la rive droite, clôtu-
rait à Minieh-el-Haït (village de la Muraille) le plus grand
bassin d'inondation du Fayoum, régularisait les recettes
d'eau du Bahr Nazleh et, passant en aqueduc au-dessus de
ce dernier, il alimentait le canal Abou-Nour.
Nous avons dit que le sol du Fayoum s'étageait trois
fois de l'O. à l'E. Le premier plateau finit, à l'O., à Me-
dineh avec une pente kilométrique de 0m60 ; le second va
jusqu'à Senhourès avec une pente de 0m95. De ce point
jusqu'au Birket Keroun, la pente s'accentue brusque-
ment et atteint près de 7 m. par kil. Primitivement, le
Fayoum était inondé par le système des bassins (V. Egypte,
§ Irrigation) , depuis le creusement du canal Ibrahimieh qui
permet de tenir en eau le Bahr Youssef toute l'année, le
Fayoum, à l'exception du bassin d'El-Toyour (8,000 fed-
dans) est irrigué par le mode dit séfi. On trouvera au mot
Egypte (§ Inondation par canaux) le chiffre du débit du
Bahr Youssef au moyen des canaux qui rayonnent du
Taksim el-Miah. Si la quantité des eaux ainsi distribuées
suffit très largement aux nécessités agricoles de la province,
il n'en est pas de même de leur qualité. « Passant par
l'Ibrahimieh, dit M. Chélu, les eaux du Bahr Youssef s'y
dépouillent partiellement de leur limon ; celles qu'il reçoit
des bassins d'inondation du N. d'Assiout et de Minieh ont
séjourné pendant près de deux mois dans les hods où elles
se sont clarifiées ; les infiltrations de l'Ibrahimieh et les
egouttements des cultures séfi de la Moyenne-Egypte n'ont
pas jusqu'à présent d'autre colateur que son lit. Même dans
les périodes les plus favorables, par suite de son long par-
cours et de son faible courant, ses eaux se décantent avant
d'avoir franchi le seuil d'El-Lahoun, de sorte que les nom-
breuses dérivations ne fournissent aux terres de la province
que des eaux de qualité inférieure. » L'irrigation y est dite
malak, nous apprend le même auteur, lorsqu'elle couvre
une superficie égale à celle de l'inondation et cela en tout
temps de l'année ; rawaleb, lorsqu'elle dessert des cultures
de rotation (irrigation séfi proprement dite) ; miskawieh,
lorsqu'elle donne les quantités d'eau suffisantes à la con-
sommation. Pour l'étendue des cultures, V. le passage sus-
mentionné de notre art. Egypte. Le Fayoum produit le
blé, les fèves, le maïs, l'orge, le riz, la canne à sucre et
le coton. On y cultive aussi le rosier et la vigne. Ses prin-
cipales industries sont l'égrenage du coton, le décorticage
du riz, le pressage de l'huile, la vannerie et la sparterie,
la distillation des roses.
La population du Fayoum dépasse 200,000 hab.(228,709,
recensement de 1882) répartis dans plus de quarante villes
ou villages. Le chef-lieu de la province est Medinet-el-
Fayoum, ville de plus de 25,000 hab. située sur le Bahr
Youssef, à 17 kil. de la prise d'eau d'El-Lahoun. On y
remarque un long bazar couvert, de beaux jardins et
quelques mosquées dont la plus intéressante est celle du
sultan Kaït Bey. Medinet-el-Fayoum est à la fois le grand
marché et l'entrepôt de la contrée. C'est là que le voya-
geur pourra admirer les roses si vantées du Fayoum. Après
medinet, les localités les plus importantes sont Sannourès,
Tobhar, Sanhour, Biahmou, Begig ou Ebgig, El-Manacheh,
Abou-Dongach, Abouqiss, qui a une usine à sucre, et
Nesleh.
Le Fayoum forma primitivement le nome de Shodou,
puis plus tard le nome Arsinoïtes, du nom d'Arsinoé, la
femme de Ptolémée Philadelphe. Son ancienne capitale,
dont nous ne connaissons que le nom grec Crocodilopolis,
prit alors le nom d'Arsinoé. Il semble que ce soit à partir
de cette époque que l'élément indigène de sa population
rurale, ne pouvant s'habituer à cette nouvelle désignation,
lui donna celui de Pîom (le pays de l'eau), qui nous a été
conservé par les Arabes. A quelle époque remontent les
premiers travaux de canalisation qui, en permettant au Nil
de franchir le seuil d'El-Lahoun, fertilisèrent cette région
perdue pour l'agriculture ? Peut-être sous le règne de
Mena, auquel la tradition attribuait la création de la digue
de Kocheicha, laquelle, en réglant le débit des deux bras
du fleuve en aval de la prise d'El-Lahoun, devait forcément
élever les eaux au niveau voulu pour permettre l'inonda-
tion de cette oasis. Quoi qu'il en soit, le pharaon qui
s'appliqua le plus particulièrement à cette œuvre grandiose,
ce fut Amenemhat III (XIIe dyn.). C'est à ce roi qu'il con-
vient de reporter tous les bienfaits que les Grecs attribuè-
rent au légendaire Mœris. Le Fayoum se partageant avec
le Delta le fâcheux privilège de cacher, sous les alluvions,
les débris de constructions plus éprouvées que dans tout
le reste de l'Egypte, il faudra se livrer à des fouilles mé-
thodiques pour faire sortir de terre l'histoire de cette région
qui avait tant émerveillé les Grecs. Ce qu'il nous est per-
mis d'entrevoir, c'est que le Fayoum ne fut pas négligé au
temps des Bubastites, et que Crocodilopolis, agrandie par
Osorkon Ier, devint, ainsi que nous l'apprend la stèle de
Piankhi, la ville d'Osorkon. Si nous en croyons les
Grecs, le Labyrinthe (V. ce mot) était employé, sous la
XXVIe dynastie, comme lieu d'assemblée par les grands
vassaux des princes de Sais. Actuellement, les seuls restes
antiques qui puissent être interrogés par les archéologues
sont les suivants : Mit-Farès (anc. Crocodilopolis), ruines
d'époques romaine et chrétienne, mine de papyrus grecs
et démotiques. C'est là que Mariette trouva la partie supé-
rieure d'une statue colossale présentant tous les caractères
des monuments hycsos ; Medinet-el-Fayoum (à 2 kil.),
restes d'un grand temple avec représentations d'Amene-
mhat Ier et de Bamsès II ; Begig, obélisque de granit au
nom d'Ousirtasen Ier ; Biahmou, restes de deux pyra-
mides (celles qu'on a identifiées avec les pyramides du lac
Mœris) ; El-Lahoun, restes d'une pyramide ; Awarat-el-
Makta, pyramide dont Flinder-Petrie a découvert l'entrée
et dans laquelle il a trouvé, outre deux sarcophages vides
et sans inscription, un fragment de vase d'albâtre au nom
d'Amenemhat III ; ruines de palais ou de ville (en brique
crue) dans lesquelles Lepsius a relevé le nom d'Amene-
mhat III, de Makherourâ (Amenemhat IV) et de la reine
Sewekneferou, tous ces noms appartenant à la XIIe dynas-
tie. Ce sont ces ruines qui ont été identifiées par Lepsius
avec le Labyrinthe (V. ce mot). Birket-Keroun, ruines
au S.-E. de ce lac, à El-Hammami, et au Kasr-Keroun (Dio-
nysias?), époque romaine. Kasr-el-Brint, débris de cons-
tructions en briques crues ; Kharab-el-Yahoud (id.). Les
dernières fouilles au Fayoum ont surtout mis au jour des
objets de basse époque romaine (sarcophages), des terres
cuites et des bronzes grecs de l'époque alexandrine ; enfin
de la céramique de style mycénien. G. Bénédite.
FAYPOULT (Guillaume-Charles), chevalier de Maison-
celle, diplomate et administrateur français, né en Cham-
pagne en 1752, mort à Paris en oct. 4817. Ancien élève
de l'Ecole du génie de Mézières , il quitta le service mili-
taire comme capitaine en 1780, se livra pendant plusieurs
années à l'étude approfondie des sciences, adopta les prin-
cipes de la Révolution en 1789 et entra au ministère de
l'intérieur, où il fut chef de division sous Roland (1792)
et secrétaire général sous Garât (1792-1793). Obligé,
comme ex-noble, de quitter Paris, il y reparut après la
Terreur, fut appelé au ministère des finances par le Direc-
FAYPOULT — FAZY
— 96 -
toire (oct. 4795), puis alla représenter la République
française à Gênes (avril 4796), où il sut déjouer avec
beaucoup de fermeté les intrigues de rémigration, de l'Au-
triche et de l'Angleterre, et, de concert avec Bonaparte,
renversa le gouvernement oligarchique en 4797. Un peu
plus tard, il alla organiser la République romaine (avril
5 798), seconder l'ambassadeur Trouvé auprès de la Répu-
blique cisalpine (août-nov.) et fut pendant quelques mois
commissaire du Directoire auprès de la République par-
thénopéenne à Naples, d'où il fut rappelé en mai i 799 par
suite de ses démêlés avec les généraux Championnet et
Bonamy . Tenu quelque temps en disgrâce, il fut, à la suite du
48 brumaire, appelé à la préfecture du dép. de l'Escaut et,
après plus de huit années de sage administration, fut des-
titué en 4808 pour n'avoir pas su prévenir une inondation
désastreuse. Un essai malheureux dans l'industrie le déter-
mina en 1809 à accepter les offres du roi Joseph, qui lui
confia en Espagne le portefeuille de le guerre, puis celui
des finances. Après Vittoria (4843), Faypoult, de retour
en France, fut chargé par Napoléon d'une mission auprès
de Murât, demeura sans emploi pendant la première Res-
tauration, fut, pendant les Cent-Jours, préfet de Saône-
et-Loire, défendit Mâcon contre les Autrichiens après
Waterloo, alla vivre quelque temps à Gand, où il fut bien
reçu, et rentra à Paris en 4816. A. Debidour.
FAYS. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Troyes, cant.
deBouilly; 479 hab.
FAYS. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr. et cant.
de Wassy; 447 hab.
FAYS.* Corn, du dép. des Vosges, arr. d'Epinal, cant.
de Bruyères; 256 hab.
FAYSSAC. Corn, du dép. du Tarn, arr. et cant. de
Gaillac; 330 hab.
FAYT (Le Grand-). Corn, du dép. du Nord, arr. et cant.
d'Avesnes; 563 hab.
FAYT (Le Petit-). Corn, du dép. du Nord, arr. et cant.
d'Avesnes; 355 hab.
FAYTHORNE (William) (V. Faithorne).
FAZAKERLEY (Nicholas), jurisconsulte et homme poli-
tique anglais, mort en 4767. Il s'acquit une grande répu-
tation comme avocat dans les procès politiques, comme
celui du libraire Richard Francklin (1734), poursuivi pour
avoir publié dans le Craftsman la fameuse « Lettre de
La Haye » attribuée à lord Bolingbroke. De 4732 jusqu'à
sa mort, il représenta au Parlement le bourg de Preston ;
il appartenait au parti tory et ne tarda pas à s'y faire
remarquer par la logique de son argumentation et par son
énergie dans toutes les discussions où il intervenait. La
ville de Preston lui avait aussi conféré les fonctions de
recorder, ou conseil légal. B.-H. G.
FAZIO ou FACIO ou FATIO (Bartolomeo), en latin
Facius, historien italien, né à La Spezia, près de Gênes,
vers 4400, mort en 4457. Il résida presque toute sa vie à
Naples, où il rédigea les ouvrages suivants, qui passent
pour assez impartiaux et d'une très élégante latinité : De
Bello Veneto Clodiano liber (Lyon, 4558); De Humanœ
Vitœ felicitate seu summi boni fruitione liber (Anvers,
4556); De Rébus gestis ab Alphonso primo Neapoli-
tanorum rege commentariorum libri decem (Lyon,
4560); Ad Carolum Vintimilium de Origine belli inter
Gallos et Britannos (dans la Bibliothèque de Chaccon);
De Viris œvi sui illustribus liber (Florence, 4745), re-
cueil d'importantes notices sur des personnages du xve siècle ;
Arriani Nicomediensis novi Xenophontis appellati de
rébus gestis Alexandri Magni libri octo, B. Faccio
interprète (Pise, 4508); enfin un traité fort rare : De
Differentiis Verborurn latinorum (Rome, 4494). R. G.
Bibl.: Abbé Méhus, Vita di B. Fazio{en tête de l'édition
de Florence du De Viris œvi sui illustribus liber). — Voigt,
Die Wiederbelebung des classischen Alterthums.
FAZIO (Eugenio), écrivain scientifique italien, né a
Carpinone en 4849. Il est professeur d'hygiène à l'univer-
sité de Naples. Parmi ses publications : La Donna, studii
di fisiologia ed antropologia (Naples, 4870); UUomo
nel suo passato, présente ed avvenire (Naples, 4874) ;
Gli Idealisti ed i Materialisti avanii la critica (Naples,
4874); VVbbriachezza e le sue forme (Naples, 4875);
Il Tatuaggio (Salerne,/1876); Le Trasmissioni ereditarie
(Milan, 4879); Storia e progressi délia psichiatria
(Naples, 4879), etc.
FAZOKL (Dàr). Pays de la Nubie, au S. du Sennaar,
à l'O. de l'Abyssinie, sur le cours moyen du Bahr el-Azrak
(ou Nil bleu) et sur celui de son affluent le Tumat. Entre
les deux rivières s'élève à 840 m. le mont Fazokl, comme
un promontoire isolé. Au pied est le village de Fazokl,
ancien centre du pays et résidence de ses princes. Le chef-
lieu actuel est le bourg fortifié de Famaka, à droite aja
Nil bleu. Le pays montagneux et boisé, sillonné de torrents,
a les mêmes productions que le Sennaar, gomme, miel,
séné, ivoire, etc. La population est formée de Foundji, au
nombre d'environ 500,000; les chefs sont musulmans. Le
Fazokl a été conquis par les Egyptiens en 4821.
FAZY (Jean-Jacob, dit James), publiciste et homme
politique suisse, né à Genève le 42 mai 4796, mort à
Genève le 6 nov. 4878. D'une famille du Dauphiné réfu-
giée pour cause de religion, il assiste à Paris à l'entrée
des alliés en 4844, se lance dans l'économie politique,
publie une brochure sur le privilège de la Banque de
France et d'autres volumes qui lui valurent l'éloge de
J.-B. Say. Il s'affilie alors au carbonarisme. En 4826,
nous le retrouvons dans sa ville natale où il fonde le Jour-
nal de Genève, qu'il abandonne bientôt et qui devint plus
tard son ennemi le plus acharné. Fazy est de nouveau à
Paris vers la fin du règne de Charles X ; il est rédacteur
à la France chrétienne, au Mouvement, à la Révolu-
tion : c'est comme rédacteur de ce dernier journal qu'il
signe la protestation des journalistes qui eut des consé-
quences funestes pour le gouvernement de la Restauration.
Ses articles trop bouillants en faveur de la souveraineté
populaire le brouillèrent vite avec le gouvernement de Juillet.
Plusieurs fois condamné, il se décida en 4837 à se fixer
définitivement à Genève où il s'occupa de littérature,
publia un roman historique, Jean d'Ivoire au bras de
fer, la première partie d'un Récit d'histoire de Genève,
un journal d'opposition, la Revue de Genève, etc. — Fazy
fut le principal promoteur de la révolution genevoise du
7 oct. 4846 qui renversa le gouvernement conservateur et
le remplaça par le régime radical. Il fut chef du nouveau
gouvernement de 4847 à 4853 et de 4855 à 4864 et,
pendant toute cette période jusqu'en 1864 à la chute du
régime radical, l'histoire politique de Fazy n'est autre
que celle de son canton. Les détails de cette histoire nous
entraîneraient trop loin (V. à ce sujet James Fazy, sa vie
et son œuvre, par Henri Fazy ; Genève, 4887). Disons
seulement que Genève, débarrassée par lui de son enceinte
fortifiée, lui doit sa transformation en ville moderne. —
Dans le domaine fédéral, la carrière de Fazy a aussi été
importante à l'époque du Sonderbund : comme député à la
Diète, il a beaucoup coopéré à la rédaction de la constitu-
tion fédérale de 4848 ; il soutint vigoureusement le prin-
cipe, encore appliqué aujourd'hui, des deux Chambres
(conseil national et conseil des Etats). — Les dernières
années de Fazy sont tristes ; successivement évincé de tous
les conseils, ayant perdu toute sa fortune et n'ayant plus
pour vivre que son maigre traitement de professeur de droit
constitutionnel, son influence même finit par devenir nulle
lorsque, les questions confessionnelle sayant pris le dessus,
ses anciens alliés les catholiques furent rejetés parmi les
adversaires du radicalisme. Il mourut triste et isolé; mais,
en reconnaissance de son passé, on lui fit des funérailles
solennelles aux frais de l'Etat. Polémiste brillant, orateur
écouté, individualité forte et puissante, James Fazy, dont la
vie accidentée, alternativement brillante et misérable, mé-
riterait une étude détaillée, a été décrit en quelques lignes
par Marc Monnier. C'était, a-t-il dit, un « tribun gentilhomme
qui était le maître du peuple et qui vivait en patricien,
— 97 —
FAZY — FÉAUTÉ
dépensant sa vie et son argent comme sa pensée et sa doc-
trine avec une prodigalité de grand seigneur... beau joueur
quand il avait beau jeu et, même à la fin de sa vie, quand
il eut tout perdu, plus jeune et plus vert d'esprit, plus
confiant en lui-même et en son œuvre que ses vainqueurs
devenus maîtres absolus de Genève ». E. Kuhne.
FAZY (Henri), historien suisse, né à Berne le 31 janv.
1842, petit-cousin du précédent. Venu fort jeune à Genève
dont sa famille était originaire, il entra dans l'enseigne-
ment, puis dans la politique, devint député au grand con-
seil et enfin conseiller d'Etat. Depuis 1885, il est directeur
des archives de Genève. Il s'est occupé tout spécialement
de l'histoire de cette ville : Genève sous la domination
romaine (1868); la Saint -Barthélémy et Genève;
Genève, le parti huguenot et le traité de Soleure (1883) ;
Procédures et documents du xvie siècle (1886) ; James
Fœzy, sa vie et son œuvre (1887) ; la Constitution de
Genève (1890), etc. E. K.
FEA (Carlo), archéologue italien, né à Pigna (Piémont)
le 2 févr. 1753, mort à Rome le 18 mars 1834. Après
être entré dans les ordres, il s'adonna à l'étude de l'anti-
quité et édita une traduction de V Histoire de l'art de
Winckelmann (Rome, 1783 et 1786). Il était biblio-
thécaire du prince Chigi, membre de l'Académie romaine
d'archéologie et de celle des Arcadi. Il a publié de nom-
breux travaux : Miscellanea filologico-critica ed anti-
quaria (Rome, 1790 et 1835) ; Llnlegrità del Panteone
di Marco Agrippa (Rome, 1801) ; Relazione d'un viaggio
ad Ostia ed alla villa di Plinio (1802) ; une excellente
édition des œuvres d'Horace (Rome, 1811) ; Délia Statua
di Pompeio Magno del palazzo Spada (Rome, M 81 2) ;
Iscrizionidi monumenti pubblichi trovate nelVattuali
escavazioni (Rome, 1813); Descrizione di Roma e dei
contorni, con vedute (Rome, 1822; Milan, 1824), etc.
J.-A. Bl.
FEAR River (Cape) (V. Cape Fear).
FEARN ou HUNTER. Ile isolée de l'océan Pacifique, au
S. de la Polynésie, par 169° 40' long. E. et22°30/lat.S.,
à 528 kil. E. de la Nouvelle-Calédonie et 780 kil. E. de
la petite île Matthew (V. ce mot). C'est un cône volca-
nique de plus de 300 m. de haut. Elle fut découverte en
1 793 par le capitaine Fearn, montant le navire le Hunter.
FEARN (John), écrivain anglais, né en 1768, mort à
Chelsea le 3 déc. 1837. Il servit quelque temps dans la
marine. Il a écrit une série d'ouvrages philosophiques dont
le retentissement n'a pas été considérable. Nous citerons :
An Essay on Consciousness (Londres, 1810, in-4); A
Review of First Principles of Berkeley, Reid and
Stewart (1813, in-4) ; An Essay on Immortality (1814,
in -8); A Démonstration of JSecessary Connection
(1815, in-4) ; First Lines of the Human Mind (1820,
in-8) ; A Manual ofthe Physiology ofMind (1829, in-8) ;
The Human Sensorium investigated as to Figure (1832,
in-8), etc.
FEARN E (Charles), jurisconsulte anglais, né en 1742,
mort en 1794, fils du magistrat qui présidait le tribunal
où fut jugé l'amiral Byng. Son esprit était plus porté vers
les inventions industrielles que vers le droit; mais, y ayant
tout d'abord dépensé beaucoup d'argent sans résultats appré-
ciables, il résolut de n'y chercher désormais qu'une dis-
traction dans ses heures de loisir et se consacra tout entier
à sa profession, où il acquit une grande réputation, et, par
suite, une clientèle considérable. Il n'en était pas moins
réduit, par ses habitudes d'imprévoyance et de prodigalité,
à un état voisin de l'indigence lorsqu'il mourut. Fearne a
laissé des ouvrages de jurisprudence qui ont encore de la
valeur, et parmi lesquels il faut citer : A Historical legi-
graphical Chart of Landed Property in England{\ 769)
et An Essay on the Learning of Contingent Remain-
ders and Executory Devises (1772), livre qui a eu beau-
coup d'éditions et qui est resté classique. Les œuvres pos-
thumes de Charles Fearne ont été publiées par les soins de
Thomas-Mitchell Shadwell, en 1797. B.-H. G.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII-
FEARN LEY (Thomas), paysagiste norvégien, né à Fre-
derikshald le 27 déc. 1802,mortàMunichlel6janv. 1842.
Destiné d'abord à l'état militaire, puis au commerce, il entra,
à dix-neuf ans, à l'Ecole des beaux-arts de Christiania, d'où
il passa à l'Académie de Copenhague. Une Vue de cette der-
nière ville lui ayant valu la faveur d'Oscar de Suède, il
alla à Stockholm où il resta six années. De là il se rendit
à Dresde, où il profita de l'enseignement de Dahl, puis à
Munich, où ses scènes de la nature du Septentrion (Ma-
rumelf, Glacier de Justedal, etc.) attirèrent vivement
l'attention. Le reste de sa vie s'écoula en voyages artis-
tiques, à Rome, à Naples, en Sicile (1832), en Suisse
(1835), où il s'occupa de l'étude des glaciers, à Paris,
en Hollande, en Angleterre, en Norvège. Ses œuvres
principales (Cime du Romsdal, Cascade près oVun
moulin à scie, Vues des Vindhellen, de Gudwangen,
de Castellammare, de Sorrente, etc.) qui se trouvent à
Stockholm, à Saint-Pétersbourg, à Ratisbonne (chez le
prince de Tour-et- Taxis), chez les comtes d'Arco, décèlent
une conception originale, jointe à un profond sentiment de
la vérité et à un coloris plein d'expression et d'harmonie.
FEARN LEY (Carl-Frederik) , astronome norvégien, frère
du précédent, né à Frederikshald le 19 déc. 1818, mort
en août 1890. Après avoir visité les principaux observa-
toires de l'Europe (1849-52), suppléé Hansteen (1856) et
refusé la chaire d'astronomie à Copenhague (1857), il fut
nommé lecteur (1857), puis professeur d'astronomie (1865),
à l'université de Christiania. Il observa en Espagne l'éclipsé
solaire du 18 juil. 1860 et, lors de son décès, il travaillait
avec Geelmuyden à déterminer la différence de longitude
entre Hammerfest et Christiania. Il rédigea VAlmanach à
partir de 1863 et publia : Beschreibung und Lage der
Universitœts Sternwarte in Christiania, avec Hansteen
(1849) ; DieBasis auf Egeberg bei Christiania und die
Basis auf Rindenleret bei Levanger 1882) ; Zur Théo-
rie der terrestrischen Refraction (1884); Zonebeobach-
tungen der Sterne zwischen 64°ô0 und 70°10' N.
Deklination avec Geelmuyden (1888); et un grand
nombre de mémoires dans des recueils norvégiens et alle-
mands. B-s.
FÉAS. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées, arr. d'Oloron-
Sainte-Marie, cant. d'Aramits ; 479 hab.
FEATHER River (ou Plumas). Rivière des Etats-Unis,
Etat de Californie. Elle prend sa source dans la sierra
Nevada, au N.-E. de l'Etat, près du mont Lassen, coule
du N.-E. au S.-O, reçoit sur sa rive gauche le Yuba,
arrose à son confluent avec cette rivière les villes de Marys-
ville et Yuba City et se réunit un peu plus loin au Sacra-
mento. Comme toutes les rivières de la vallée du Sacra-
mento, la Feather River, dont les graviers et les sables
charriaient de l'or, eut son heure de célébrité au moment
de la fièvre qui porta les mineurs en foule dans cette région.
FEÂTHERST0N (Isaac, comte), homme d'Elat de la
Nouvelle-Zélande, né dans le comté de Durham le 21 mars
1813, mort le 19 juin 1876. Après des études de médecine
à l'université d'Edimbourg, il émigra en 1840 à la Nouvelle-
Zélande où il s'établit à Wellington. Il se fit l'avocat des
colons, fonda la Settlers Constitutional Association (1849),
lutta énergiquement pour obtenir l'octroi d'une constitution
et lorsqu'elle fut octroyée (1853) fut élu surintendant de
la province de Wellington. Il fit aussi partie de l'assemblée
générale où il représenta Wanganui, puis Wellington. 11
s'y signala comme le défenseur des Maoris et par son
influence réussit à empêcher les indigènes de la province
de Wellington de se joindre à l'insurrection de 1863. Il
prit encore une part importante à l'établissement et au
développement de la navigation à vapeur entre l'Australie
et la Nouvelle-Zélande. En 1871 , il fut nommé agent général
pour la Nouvelle-Zélande, charge qu'il conserva jusqu'à sa
mort.
FÉAUTÉ (Ane. dr.). On appelait féauté, dans le duché
de Lorraine, un tribunal qui statuait sur les contestations
entre voisins, relativement à la propriété foncière, aux
FÉAUTÉ — FEBVRE
- 98
limites des héritages et à l'abornement des chemins. La
féauté était une juridiction organisée par paroisse et indé-
pendante des juridictions ducales, seigneuriales et munici-
pales ; tous les paroissiens, qu'ils fussent ou non les sujets
d'un même seigneur, avaient le droit de rendre la justice
dans la circonscription de la paroisse sur certaines ques-
tions foncières. Les féautiers , du latin fidelis, étaient
ceux qui professaient la même foi, et la féauté le groupe
d'individus qui célébraient publiquement le même culte
dans la même église : d'où ce mot a désigné la juridiction
paroissiale foncière. La féauté se réunissait, soit à des
époques fixes qui variaient d'une localité à l'autre, soit sur
réquisitions ; dans ce second cas, l'annonce en était faite
par un officier seigneurial et par le curé au prône du
dimanche. Les défaillants encouraient une amende. Les
parties comparaissaient volontairement ou sur assignation
et débattaient contradictoirement leurs prétentions devant
la féauté. A l'origine, l'assemblée entière se transportait
sur les lieux litigieux, conduite par divers personnages,
échevins, bailli, prévôt ou curé ; plus tard, dans certaines
localités, elle déléguait des personnages qui visitaient les
lieux litigieux, recevaient les réclamations des parties et
mettaient ensuite la communauté au courant de ce qu'elles
avaient vu et appris. Cette instruction faite sur les lieux
avait fait donner à la féauté, dans le pays de Remiremont,
la dénomination expressive de cherche. L'ensemble des
paroissiens prononçait la sentence. La féauté statuait tantôt
en premier, tantôt en dernier ressort. La juridiction n'était
gratuite nulle part, et les frais du procès étaient souvent
assez élevés. M. Ed. Bonvalot regarde la féauté lorraine
comme un débris des anciennes institutions franques et
pense qu'elle descend soit du tribunal du centenier où les
hommes de la centaine décidaient en qualité de concilia-
teurs les causes de minime importance, soit du tribunal
arbitral des voisins qui fonctionnait à l'époque de Charle-
magne chez les Saxons et les Espagnols. G. R.
Bibl. : Ed. Bonvalot, les Féantés en Lorraine, dans
Nouvelle Revue historique du droit français et étranger,
13° année, 1889, p. 235.
FEBBRAR1 (Giovanni-Battista), sculpteur italien, né à
Crémone vers 1700. Il a exécuté, en collaboration avec le
Vénitien G.-B. Gasparini, les belles stalles de Saint-Do-
minique de Crémone. On lui doit aussi l'autel de bois
doré de l'église collégiale de Saint-Barthélémy, à Busseto,
bourg du Parmesan.
FEBBRARI (Giuseppe), sculpteur sur bois, fils du pré-
cédent, né à Crémone en 1725, mort en 1785.11 eut pour
maître son père qu'il paraît avoir surpassé. Ses œuvres
les plus prisées sont : sa statue de San Gaetano Tiene,
à San Abbondio, de Crémone, ses quatre statues adossées
aux piliers de l'église de Santa Maria del Campo, près de la
même ville, et son groupe de la Sainte Trinité, dans l'ora-
toire de Saint-Nicolas, à Busseto.
FEBRE (Valentin), peintre et sculpteur flamand (V. Le-
fèvre) .
FEBRIER(Mosan), trouvère catalan du xve siècle, dont
il y a quelques pièces éparses dans les cancioneros. On
sait par la fameuse lettre du marquis de Santillane au
connétable Pierre de Portugal qu'il avait traduit Dante.
FEBRIFUGES (Thérap.). On appelait ainsi dans l'an-
cienne thérapeutique tous les médicaments qui étaient
aptes à combattre la fièvre. Actuellement cette dénomina-
tion est peu employée depuis que nos connaissances sur la
nature de la fièvre ont progressé. Les fébrifuges com-
prennent aujourd'hui deux catégories de médicaments, les
antithermiques, tels que l'antipyrine, et les antipyrétiques
antiseptiques, tels que la quinine et l'acide salicylique ,
les premiers faisant tomber la fièvre ou plutôt la tempéra-
ture par suite de leur action sur le sang et sur les centres
thermiques, les seconds s'adressant à la cause même de la
fièvre, à la pullulation des agents infectieux qu'ils entravent.
Cette variété de médicaments est celle qui mérite le mieux
d'être appelée fébrifuge, car c'est la seule qui soit capable
non seulement d'abaisser la température, mais aussi d'em-
pêcher le retour des accès fébriles. Comme fébrifuges
de ce genre, il faut citer surtout la quinine, l'arsenic,
l'acide salicylique, le salol. D1' Georges Lemoine.
FEBRONIAN1SME (V. Hontheim).
FEBRONIUS (V. Hontheim).
FEBRUA. Fête romaine (V. Fête et Février).
FÉBURIER (Charles- Aristide), ingénieur français, né à
Rennes le 26 nov. 1799, mort en 1870. Il était inspec-
teur divisionnaire des ponts et chaussées. On a de lui,
dans les Annales de ce corps : Résistance des entre-
toises (1852); Mortiers à la mer, deux mémoires, l'un
en 1852, l'autre en 1853.
FEBVIN-Palfart. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr.
de Saint-Omer, cant. de Fauquembergues ; 812 hab. Eglise
à trois nefs du xve siècle, restaurée en 1856.
FEBVRE (Alexandre-Frédéric), acteur français, né à
Paris en 1835. Il avait étudié d'abordfla musique, et était,
tout jeune, chef d'orchestre d'un petit théâtre de société,
lorsqu'un jour, comme, un des acteurs étant absent, on ne
savait comment donner le spectacle annoncé, M. Febvre,
qui est doué d'une grande mémoire, propose de jouer le
rôle au pied levé. Son offre est acceptée, et à partir de ce
moment il abandonne l'orchestre pour la scène. Engagé au
Havre, il y passe une année , de retour à Paris paraît à
l'Ambigu dans un ou deux petits rôles, puis entre au
théâtre Beaumarchais, où il se fait remarquer dans quelques
drames: Pauld'Artenay, André le Mineur, le Mauvais
Gas. Engagé à la Porte-Saint-Martin, il ne fait qu'y passer,
puis, en 1855, entre à laGaîté, où il joue le Médecin des
Enfants, Henri III et sa cour, le Juif errant, et est
engagé en 1858 à l'Odéon. Il crée là plusieurs rôles impor-
tants dans le Rocher de Sysiphe, Daniel Lambert, le
Testament de César Girodot, en même temps qu'il se
montre dans le répertoire classique, Turcaret, le Men-
teur, le Chevalier à la mode, etc. De l'Odéon il va créer
*à l'Ambigu Picolet dans le Pont Notre-Dame, puis entre
au Vaudeville où il débute, en 1861, dans Un Mariage
de Paris, et crée successivement Maurice de Nos Intimes,
Richard à' Un Homme de rien, Mirabeau de la Jeunesse
de Mirabeau, Didier de la Famille Benoîton, puis
encore les Brebis dePanurge, leDrac, les Deux Sœurs,
ce qui ne l'empêche pas d'aller à la Gaîté, en 1864, établir
le rôle de Bernard dans la Maison du Baigneur.
M. Febvre avait acquis la réputation et l'autorité; il
était devenu l'un des jeunes premiers les plus brillants de
Paris. Appelé à la Comédie-Française, il y débuta, au
mois de sept. 1866, par le rôle de Philippe II dans Don
Juan d'Autriche, joua Par droit de conquête et Made-
moiselle de La Seiglière, et le 1er mai '1867, huit mois
seulement après ses débuts, était reçu sociétaire. La car-
rière de M. Febvre sur notre grande scène littéraire a été
aussi active que brillante. Avec quelques incursions, peu
nombreuses toutefois, dans le répertoire classiqne (Tartufe,
les Femmes savantes, les Jeux de V amour et du
hasard, les Fausses Confidences, le Barbier de Séville),
il faut signaler les rôles nombreux qu'il a repris dans le
répertoire moderne : le Gendre de M. Poirier, le Demi-
Monde, Mademoiselle de Belle-Isle, le Chandelier, Da-
lila, Bataille de Dames, Mercadet, V Aventurière, les
Effrontés, les Pattes de mouche, \Henri III et sa cour.
Mais M. Febvre a été surtout l'un des soutiens les plus
précieux des auteurs pour les pièces jouées depuis vingt-
cinq ans à la Comédie-Française, et l'on peut s'en rendre
compte par la longue liste des créations faites par lui dans
les ouvrages suivants : le Baiser anonyme, la Valise de
Molière,'" A Deux de jeu, la Parisienne^ Julie, les
Enfants, Christiane, l'Etrangère, le Sphinx, le Lion
amoureux, VAmi Fritz, Petite Pluie, Daniel Rochat,
la Princesse de Bagdad, les Corbeaux, le Roi s'amuse,
Smilis, Antoinette Rigaud, Chamillac, Francillon,
Raymonde, Pepa, Margot. — M. Febvre, qui n'est pas
sans quelque prétention à tous les arts, s'est produit comme
- 99 -
FEBVRE — FÉCAMP
compositeur en publiant quelques morceaux légers de
piano, et il a voulu s'essayer à la littérature en donnant
un volume dont le titre est un calembour : Au Bord de la
scène (1889), et dont l'intérêt est mince. Il a épousé une
fille de Brindeau, l'un de ses prédécesseurs à la Comédie-
Française, Mme veuve Harville, qui fut elle-même une
comédienne distinguée. A. Pougin.
FEBVRE d'Etaples (Le) (V. Lefebvre).
FÉCAMP. Gh.-l. de cant. dudép. de la Seine-Inférieure,
arr. du Havre, sur la Manche, à l'embouchure de la rivière
de Fécamp ; 43,577 hab. La ville s'étend sur une longueur
de plus de 3 kil. dans la vallée assez étroite enserrée entre
le port et des collines incultes. Stat. du chem. de fer de
l'Ouest, embranchement de Beuzeville-Bréauté à Fécamp,
Ecole d'hydrographie. Bibliothèque publique (catal. des
mss. au t. II du Catalogue gén. des mss. des bibl. de
France). Quartier maritime du sous-arr. du Havre; com-
missariat de l'inscription maritime ; syndicat maritime ;
bureau de douanes ; chambre de commerce ; dock-entre-
pôt; consulats d'Angleterre, Autriche, Danemark, Espagne,
Suède et Norvège, Pays-Bas et Portugal; établissement de
bains de mer. Le port auquel on a fait depuis 1880 d'im-
portantes améliorations est le premier de la France pour
les armements destinés à la pêche de la morue (à Terre-
Neuve et en Islande), du hareng et du maquereau. Le che-
nal, compris entre deux longues jetées qui retiennent le
galet qui viendrait l'obstruer, aboutit à un avant-port rec-
tangulaire bordé de quais de trois côtés d'un développe-
ment de 580 m. Du côté 0. est un plan incliné qui se rac-
corde avec des chantiers de construction. Il donne accès au
bassin Bérigny qui peut recevoir des bâtiments calant jus-
qu'à 6 m., et dont les quais (750 m. de développement)
sont reliés à la gare par une voie ferrée ; il communique
avec le bassin Gayant, accessible seulement aux barques
de pêche, qui forme la partie aval du bassin de retenue où
se jette la rivière de Fécamp. Les principales importations
consistent en houille et bois du Nord ; les exportations, en
bois ouvrés et en machines pour les constructions navales.
Fécamp possède des chantiers de construction de navires,
des fabriques d'ancres de navire, de machines agricoles, de
forges, fonderies de fer et de cuivre, scieries et serrureries
mécaniques, des filatures de coton, des tissages, des mou-
lins à huile et à tan, des minoteries, des tanneries, des
mégisseries, des corderies, des fabriques de filets, des éta-
blissements de salaisons, des distilleries et notamment celle
de la liqueur dite Bénédictine de V abbaye de Fécamp.
Histoire. — La découverte d'un cimetière gallo-romain
dans le vallon qui borde la route du Havre témoigne que
la contrée était habitée pendant la domination romaine ;
mais la ville de Fécamp ne doit son origine qu'à la fonda-
tion de l'abbaye de femmes, établie en 658, par saint Wa-
ninge, à l'endroit où, suivant la légende, s'était échoué un
tronc de figuier contenant la relique du « précieux sang »
recueilli par Joseph d'Arimathie sur les plaies de J.-C. Les
invasions normandes ruinèrent ce monastère, comme tous
ceux de la contrée ; il fut relevé par le duc Guillaume
Longue-Epée, qui fit aussi construire dans le voisinage un
château fort où son fils Richard Ier naquit. Celui-ci agran-
dit le monastère et reconstruisit l'église. Aux nonnes furent
substitués, d'abord des chanoines réguliers en 990, puis,
un peu plus tard, des moines de Saint-Benoît. C'est proba-
blement aux ducs que l'on dut la construction, pour défendre
la vallée, d'une muraille transversale, dont on retrouve
quelques vestiges auprès des corderies, et en avant de
laquelle s'élevait la tour de la Vicomte qui a subsisté jusqu'en
1811 et dont quelques ruines informes ont seules résisté
aux vents et à la mer. Sous les ducs de Normandie, qui
en firent souvent leur résidence, la ville de Fécamp devint
prospère, mais cette prospérité cessa avec la conquête
française. Pendant la guerre de Cent ans, elle fut à plu-
sieurs reprises saccagée par les Anglais et fut reconquise
par les Français en 1450. Les guerres de religion ne l'épar-
gnèrent pas ; elle fut prise et pillée par les calvinistes en
1560 ; l'abbaye toutefois put leur résister. Peu après, Vil-
lars, gouverneur de la Normandie pour la Ligue, s'empara
de Fécamp et fit construire, en 1589, au N. de la ville, sur
le sommet d'une falaise haute de 126 m., le fort de N.-D.
de Bourg-Baudouin dont Biron réussit à s'emparer, en 1591 ,
au nom du roi de Navarre. Mais, l'année suivante, il fut
repris par une escalade d'une audace extraordinaire par le
capitaine ligueur Gautimesnil de Boisrozé. En 1594, après
un siège de quinze mois soutenu contre les ligueurs, Fécamp
fut définitivement soumis à la domination royale.
Monuments. — De l'ancienne abbaye bénédictine de la
Trinité, il subsiste, avec l'église, une partie d'un dortoir,
l'office, la salle capitulaire, monuments des xme et xive
siècles, occupés par diverses administrations, et des débris
de l'enceinte romane. L'église (mon. hist.), aujourd'hui
paroissiale, est l'un des plus beaux monuments de la pro-
vince. Dans son état actuel elle remonte à la reconstruction
Portail de l'église de la Sainte-Trinité à Fécamp
(d'après une photographie).
qui fut faite après un incendie, de 1170 à 1200 ; le chœur
a été remanié au xive siècle, et la façade refaite à la fin
du xvne dans le goût du temps. A l'intérieur, la nef, longue
de 130 m. , est restée telle qu'à l'époque de la construction ;
elle est traversée par un transept, à l'intersection duquel
s'élève une tour-lanterne haute de 64 m. Le chœur où l'on
a conservé quelques parties de l'édifice primitif du xie siècle
a été remanié vers 1300. En face de la chapelle absidale,
un tabernacle en marbre blanc, œuvre italienne du xvie siècle,
renferme la fameuse relique du précieux sang, qui attire
à Fécamp un grand nombre de pèlerins. Les bas côtés sont
dépourvus de chapelles, mais les deux bras du transept
ont été aménagés en chapelles dont l'une, celle du Sud,
renferme un curieux groupe représentant la mort de la
Vierge, sculpté au commencement du xvie siècle par le
moine Robert Chardon. Celles du chœur sont closes de
jolies balustrades en pierre, délicatement sculptées à l'époque
de la Renaissance ; plusieurs d'entre elles contiennent des
œuvres d'art intéressantes. Dans le jardin du presbytère se
trouvent quelques ruines de l'ancien château des ducs de
Normandie. La mairie, le télégraphe, la justice de paix,
une école de garçons, une salle d'asile, le musée et la biblio-
thèque occupent les anciens bâtiments de l'abbaye. L'église
Saint-Etienne est un édifice inachevé du xvie siècle qui n'a
FÉCAMP — FECHNER
100
guère d'intéressant que son portail latéral, de style gothique,
orné de statuettes. Le musée a été créé en 1879 par sous-
criptions volontaires ; il contient environ 2,000 tableaux,
des objets d'art et de curiosité. Un autre musée a été éta-
bli dans les bâtiments de la distillerie de la Bénédictine ; il
se compose surtout de meubles et d'objets provenant de
l'abbaye. De belles halles ont été construites en 1860.
Fécamp a conservé quelques anciennes maisons, l'une (mai-
son de saint Waninge) a conservé une porte du xme siècle,
une autre (rue de Mer) , du xvie siècle, est flanquée de deux
tourelles en pierre ; enfin une maison moderne a été déco-
rée avec les débris du jubé de l'église abbatiale (xvie siècle)
démoli au commencement du siècle.
L'établissement des bains de mer s'élève sur une vaste
plage de galets ; il se compose d'hôtels et d'un casino qui
contient des salles de bal, de spectacle, de concert, de lec-
ture, de jeu, de conversation, etc. Dans un parc de 9 hect.
environ, qui occupe le versant de la falaise au bas de laquelle
est le casino, sont de nombreux chalets. Un autre établis-
sement de bains dit du Morillon est situé au N. du pre-
mier ; un établissement de bains de mer chauds (bains
Vaudry), rue du Petit-Moulin, reste ouvert toute l'année.
Bibl. : Leroux de Lincv, Essai hist. et litt. sur l'abbaye
de Fécamp ; Paris, 1839, in-8. — B.-L. Fallue, Histoire
de la ville et de l'abbaye de Fécamp; Fécamp, 1841, in-8.
— H. Gourdon de Genouillac, Hist. de l'abbaye de Fé-
camp et de ses abbés ; Fécamp, 1875, in-8. — -Renaud,
Notices sur les ports de Fécamp, d'Yport et d'Etretat ;
Paris, 1874, in-4. — E. de Busserole, Recherches histo-
riques sur Fécamp ; Fécamp, 1859, in-16.
FÉCHAIN. Corn, du dép. du Nord, arr. de Douai, cant.
d'Arleux; 1,378 hab.
FECHNER (Gustav-Theodor), célèbre physicien et phi-
losophe allemand, né à Gross-Sârchen, près de Niederlausitz,
le 19 avr. 1801, mort à Leipzig le 48 nov. 1887. 11 fit
ses premières* études à Sarau, à Dresde, puis à l'université
de Leipzig où il se livra spécialement à des recherches
d'histoire naturelle, et devint, dès 1834, professeur de
physique. Ses premières leçons portèrent sur le galvanisme
et sur les courants électro -chimiques. Une maladie le
força à suspendre ses travaux (1839-43); depuis cette
époque, il se consacra de préférence à des études de phi-
losophie naturelle et d'anthropologie sans cesser d'ailleurs
d'occuper la chaire de physique de Leipzig où il enseigna
jusqu'à un âge avancé. On aurait tort de ne voir dans
Fechner qu'un physicien et un psychologue. Il se donnait
pour un disciple de Schelling et développa dans un grand
nombre d'ouvrages tout un système de métaphysique, sys-
tème bizarre qui rappelait à plus d'un égard les concep-
tions à demi scientifiques, à demi mystiques des théosophes
de la Renaissance. Il considérait le monde comme une
hiérarchie d'unités de conscience réparties en groupes de
plus en plus vastes et compréhensifs. Au sommet de
l'échelle est l'unité consciente de l'esprit divin qui relie
entre elles toutes les consciences inférieures ; au-dessous
viennent les corps célestes et la terre même qui ont une
conscience propre dans laquelle s'unissent les consciences
de toutes les créatures qui vivent à leur surface. L'âme
humaine est elle-même composée d'atomes inétendus et
imperceptibles ; elle n'est point d'ailleurs substantielle-
ment distincte du corps : âme et corps sont deux aspects
irréductibles d'une même réalité, comme le sont le côté
concave et le côté convexe d'une même circonférence. On
peut concevoir, dès lors, « une théorie exacte des rapports
entre l'âme et le corps, et, d'une manière générale, entre
le monde physique et le monde psychique ». Cette théorie,
Fechner la détacha de bonne heure de la métaphysique, et
il en fit une science spéciale dont il est l'inventeur original
et qui demeure son véritable titre de gloire, la psycho-
physique (V. ce mot).
Le but de Fechner est de donner à la science de l'esprit
un caractère scientifique, en y introduisant, comme en phy-
sique, le calcul et la mesure. Dans ce dessein, il s'est
attaché à l'étude du seul problème des rapports de l'exci-
tation et de la sensation. L'expérience la plus simple nous
apprend que nos sensations ne diffèrent pas seulement en
qualité, mais en intensité, et que, d'une manière générale,
l'intensité de la sensation croît et décroît avec Fintensité
de l'excitation qui en est la cause. Déjà E.-H. "Weber,
dans des articles célèbres du Handwôrterb . der Physiol.
(III, 2e partie, pp. 559 et suiv.), avait établi d'une ma-
nière scientifique que la plus petite différence perceptible
entre deux excitations de même nature est toujours due à
une différence réelle qui croît proportionnellement avec ces
excitations mêmes. Mais quelle est la mesure de ce rapport
entre l'excitation et la sensation? Ce rapport n'est pas
simple, car l'expérience montre qu'une même excitation ne
produit pas la même sensation selon qu'elle ébranle seule
l'organisme ou qu'elle s'ajoute à d'autres excitations déjà
fortes ; on entend dans le silence de la nuit le tic-tac
d'une pendule dont on ne s'aperçoit pas pendant le jour.
En thèse générale, on constate que l'intensité de la sensa-
tion croît non pas exactement comme l'intensité de l'exci-
tation qui la provoque, mais plus lentement qu'elle. Dès
lors se pose cette question : De quelle quantité l'accroisse-
ment de la sensation est-il inférieur à l'accroissement de
l'excitation ? Des expériences précises ont permis à Fechner
d'établir que, toutes les fois que les sensations de poids, de
lumière, de température, de son et d'effort musculaire
croissent d'une manière continue, en deçà de certaines
limites, par l'addition des plus petites différences percep-
tibles à la conscience, il y a dans l'excitation correspon-
dante un accroissement qui est une quantité aliquote,
toujours la même, de l'excitation totale. D'autres expé-
riences l'ont conduit à déterminer, en chiffres, pour
chacun de ces sens, les plus petites différences perceptibles
de sensations. D'autre part, la valeur quantitative de l'ex-
citation et de ses accroissements peut être déterminée. On
obtient ainsi deux séries quantitatives, et il devient possible
de déterminer le rapport existant entre les différences
d'excitation qui croissent progressivement et les différences
de sensation qui croissent uniformément, et d'exprimer
ainsi la sensation en fonction de l'excitation. En s'appuyant
sur le raisonnement mathématique, Fechner est arrivé à
cette formule fameuse qui porte le nom de loi psycho-
physique ou de loi de Fechner : la sensation croît comme
le logarithme de l'excitation. Cette loi, demeurée très
hypothétique, fut très vivement contestée du vivant même
de Fechner par Von Helmholtz, Hering, Langer, etc. Des
polémiques s'engagèrent dans lesquelles Fechner ne cessa
de soutenir sa théorie avec la plus grande énergie.
Parmi les nombreux ouvrages de Fechner, nous cite-
rons : Massbestimmungen ûb. die galvanische Kette
(1831); Repertorium der Neuesten Entdeckungen
(1830-34, 5 vol. in-8); Bas Bûchlein vom Leben nach
d. Tod (Leipzig, 1836; 3e éd., 1887); Ueb. das hôchste
Gut (id., 1846); JSanna, od. ûb. das Seelenleben der
Pflanzen (id., 1848); Zend-Avesta, od. ûb. die Dinge
des Rimmels u. des Jenseits (id., 1851); Ueb. die phy-
sikal. u. philos. Atomenlehre (id., 1855; 2e éd., 1864);
Elemente der Psychophysik, l'ouvrage capital de Fechner
(id., 1860, 2 part.); Ueb. die Seelenfrage, ein Gang
durch die sichtbare Welt, um die unsichtbare %u
finden (id., 1864); Die drei Motive u. Grûnde des
Glaubens (id., 1863); Zur experimentalen Aesthetik
(id., 1871); Einige Ideen zur Schôpfungs und Ent-
wickelungsgesch. der Organismen (id., 1873); Vor-
schule der JEsthetïk(id., 1876, 2 part.); In Sachen der
Psychophysik, ouvrage de polémique (id., 1877); Die Ta-
gesansicht gegenûb. der Nachtansicht (zVZ., 1879) ;
Revision der Hauptpunkte der Psychophysik (id.,
1882) ; Ueber die psychischen Massprincipien und
das weber sche Gesetz, dans les Philos. Stud. (1887,
t. IV, 2e fasc). Fechner avait encore écrit, sous le pseu-
donyme de Dr Mises, un certain nombre d'ouvrages humo-
ristiques qui furent longtemps goûtés en Allemagne :
Beweisdass derMond aus Iodine besteht (1821 ; 2e éd.,
1832); Panegyricus der jetz. Medicin (1822); Stapelia
mixta (1824); Vergleichende Anatomie der Engel
(182&); ces opuscules furent réunis et réédités sous le
titre de Kleine Schriften (Leipzig, 4875); Hdthselbilch-
lein (id., 1878). Th. Ruyssen.
Bibl. : Hering, Ueb. Fechners psycfiophys. Gesetz;
Vienne, 1875. — Delbœuf, dans Etude psychophysique ;
Bruxelles, 1873. — Du même, la Loi psychophysique, dans
la Revue philosophique, 1877, t. III, et 1878, t. V. — Langer,
Grundlagen der Psychophys.; Iéna, 1876. — James Ward,
An Attempt to interpret Fechners Law ; Mind, 1876, p. 452.
— Georg-Elias Mùller, Zur Grundlegung der Psycho-
physik ; Berlin, 1878. — Th. Ribot, la Psychologie allem.
contemp.; Paris, 1879, pp. 155 et suiv. — Ferd.-Aug.
Mûller, Das Axiom der Psychophysik ; Marbourg, 1882.
— Ad. Elsas, Ueb. d. Psychophysik, physik. u. erkennt-
nisstheoret . Betrachtungen ; Marbourg , 1886. — Otto
Cas part, Die psychophys. Bewegung ; Leipzig, 1869. —
Kuntze, G. Th. Fechner ; Leipzig, 1862.
FECHT (La) {Fachina, 772). Rivière de la Haute-Alsace.
Ses sources forment deux groupes : celui de la grande
vallée, dont les affluents naissent des hauteurs s'étendant
du Wissort au Hohneck et celui de la vallée de Stoss-
wihr, dont les tributaires prennent leur origine depuis le
Hohneck jusqu'aux Hautes-Chaumes et dont l'un des bras
sort du lac de Daaren (V. ce mot). Toutes ces sources
forment en amont de Munster un immense éventail. Plu-
sieurs d'entre elles sont recueillies dans des réservoirs,
récemment construits aux frais de l'Etat, qui retiennent
et déversent Feau suivant les besoins de nombreux établis-
sements industriels alimentés par la Fecht. A partir de
Munster, où la grande vallée se réunit à celle de Stosswihr,
la rivière se dirige vers l'E. jusqu'à Tùrkheim, de là vers
le N.-E. pour recevoir la Weiss et le Strengbach, et se
jette dans 1*111 près d'Illhaeusern après un parcours de
43 kil. A 1 kil. en amont de Tùrkheim, la Fecht envoie
vers l'E. un canal usinier, appelé Logelbach, qui traverse
Colmar et se réunit à la Lauch. Malgré les importants tra-
va ux d'endiguement et de correction, la Fecht cause sou-
vent de grands ravages par ses débordements. L. W.
Bibl. : Rev. d'Aisace,11850, 478-535. — Delbos et Koech-
lin, Description géol. du H.-Rhin, I, 26. — Ch. Grad,
Améliorations agricoles et aménagements des eaux; Stras-
bourg, 1885.
FECHT ou FECHTEN (Petrus-Michaelis), théologien
suédois, mort en nov. 1576. Après avoir étudié à Witten-
berg (1558-64), il entra à la chancellerie et devint secré-
taire du roi Johan ÏÏI et inspecteur de l'imprimerie
(1573). Ayant été ordonné prêtre, il fut chargé par le roi
de ménager une réconciliation avec l'Eglise catholique et
de rédiger un supplément à Y Ordonnance ecclésiastique
de i57i, connu sous le nom à'Ordinantia et approuvé
par le synode de Stockholm en 1574; et une nouvelle Litur-
gie (1576), aussi appelée le Livre rouge (Rœdboken et
imprimée à Stockholm en 1576 et 1588. En se rendant à
Rome pour négocier avec le pape, il périt dans un nau-
frage près de l'île de Bornholrn. B-s.
FECHTER (Charles-Albert), acteur français, né à Belle-
ville (Paris) le 23 oct. 1824, mort à New York en 1879.
Après avoir étudié d'abord la sculpture, dont il ne cessa
jamais complètement de s'occuper, il s'adonna au théâtre,
s'essaya sur une petite scène d'élèves aujourd'hui dis-
parue, la salle Molière, ne fit que passer au Conservatoire,
où il resta quelques semaines à peine, puis s'engagea dans
une troupe française qui parcourait l'Italie. De retour à
Paris au bout d'une année, il entra à la Comédie-Fran-
çaise; mais, la position très secondaire qu'il y occupait
lui convenant peu, il accepta un engagement pour le
théâtre français de Berlin. En 1847, if fit une courte
apparition au Vaudeville, alla passer ensuite une saison à
Londres, puis, revenant à Paris, commença à se faire
connaître avantageusement, dans l'emploi des amoureux
et des premiers rôles, sur les divers théâtres des boule-
vards, au Théâtre-Historique d'Alexandre Dumas, à l'Am-
bigu, et surtout à la Porte-Saint-Martin, où il se fit
grandement remarquer dans le Diable, Claudie, la Sang-
Mêlé, le Fils de la Nuit et la Belle Gabrielle. Entre
temps, il avait été créer au Vaudeville le rôle d'Armand
— 101 — FECHNER — FECIAUX
Duval dans la Dame aux Camélias, qui mit le comble
à sa réputation. Il était alors considéré comme un des
premiers comédiens de Paris. Vers 1857 il entra à FOdéon,
d'abord comme acteur et en reprenant avec succès le rôle
de Georges dans V Honneur et l'Argent, créé précédem-
ment par Laferrière, puis comme associé à la première
direction de La Rounat. En 1859, il reparut au Vaudeville,
et deux ans après partit pour l'Angleterre. Parlant Fanglais
aussi purement et aussi correctement que le français, il se
fit applaudir à Londres, pendant plusieurs années, en jouant
Hamlet, Othello, et même un certain nombre de pièces
« adaptées », entre autres l'Auberge des Adrets, donnée
sous le titre de The Radside Inn , et dans laquelle il
remplit le rôle de Robert Macaire avec une originalité
saisissante. En 1863, il prit la direction du Lyceum
Théâtre, mais il y fit de mauvaises affaires et fut forcé de
vendre son matériel. On le vit alors reparaître un instant
au Vaudeville, où il dirigea en 1868 les répétitions d'un
drame de Charles Dickens, V Abîme. L'année suivante il
repartait pour Londres, et donnait au théâtre Adelphi un
drame écrit par lui avec M. Wilkie Collins, Noir et Blanc.
Enfin, en 1870, il s'embarquait pour l'Amérique, où il
allait continuer de jouer la comédie en anglais. C'est là
qu'il est mort, à peine âgé de cinquante-cinq ans. —
Fechter avait épousé une actrice de talent, MUe Rabut,
dont la carrière a été courte. A. P.
FÉCIAUX (Antiq.rom.). Les féeiaux (fetiales) formaient
l'une des grandes corporations religieuses de l'ancienne
Rome. On en faisait remonter l'origine à Numa ouà Ancus
Martius; ils durèrent jusqu'à la fin du ive siècle de notre
ère. Composés de vingt membres qui se recrutaient eux-
mêmes, ils étaient les gardiens et les interprètes d'un droit
spécial, le jus f étiole, qui donnait la consécration reli-
gieuse aux relations internationales; leur concours était
requis toutes les fois qu'il s'agissait de déclarer une_ guerre
ou de conclure un traité, pour assurer l'exécution des
formalités religieuses. En cas de guerre, le _ collège des
féeiaux est chargé d'examiner de quel côté vient la pro-
vocation ; si c'est du côté de Rome , il exige que les
coupables soient livrés à l'ennemi par la deeditio ou
extradition ; si c'est du côté de l'ennemi, il procède à
la déclaration solennelle de guerre par la cérémonie de la
clarigatio. A cet effet, une délégation temporaire du col-
lège, composée de deux à quatre membres, sous la con-
duite de l'un dieux qui prend pour la circonstance le titre
de pater palratus populi romani, va cueillir sur le Capi-
tole la verveine sacrée, puis se rend en grande pompe à la
frontière du peuple agresseur ; elle réclame l'extradition
des coupables. Si elle l'obtient, l'affaire ne va pas plus
loin; sinon, elle procède, trente jours plus tard, à une
nouvelle sommation; enfin, la guerre étant inévitable, elle
se transporte une fois encore à la frontière du pays ennemi,
prononce une formule sacramentelle, et lance sur le terri-
toire ennemi un javelot ensanglanté. Tous les détails de
ces cérémonies sont rapportés par Tite Live (I, 32), à
propos de la guerre entre Rome et Albe. Quand les con-
quêtes de Rome s'étendirent de tous les côtés, il ne fut
plus possible de procéder à ce cérémonial compliqué : on
le remplaça par quelques fictions symboliques, ainsi par le
jet d'un javelot au delà de la frontière fictive du pome-
rium clans la direction du peuple ennemi. Jusque sous
l'Empire, encore à l'époque de Mare-Aurèle, il n'y avait
pas de déclaration de guerre sans ce cérémonial.-1 L'autre
raison d'être du collège est d'accomplir les rites religieux
qui donnent un caractère irrévocable aux traités de paix
ou d'alliance {f cédera). Dans ce cas, le pater palratus,
après qu'on a procédé à la lecture du traité, frappe avec
un silex, conservé dans le temple de Jupiter Férétrien, le
porc qui doit être immolé à cette occasion; il prononce en
même temps les formules sacramentelles (Tite Live, I, 24) :
de là l'expression fœdus ferire. Après la cérémonie, le
texte du traité est confié à la garde du collège. Il arriva
que la députation du collège se transportât dans le pays
FÉCIAUX — FÉCONDATION
- 102
ennemi pour procéder à cette cérémonie ; ainsi, en 201, les
féciaux allèrent en Afrique pour ratifier la paix conclue
avec Carthage. Mais presque toujours les rites religieux
s'accomplissaient à Rome, en présence de représentants de
la partie adverse. En un mot, le collège des féciaux était
chargé de placer tous les actes des relations extérieures du
peuple romain sous la protection de la divinité ; il créa
ainsi les principes du droit international. G. L.-G.
Bibl. : Wetsels, De Fetialibus ; Groningue, 1854. —
Weiss, le Droit fétial et les fétiaux à Rome ; Paris, 1883. —
Marquardt et Mommsen. Manuel des antiquités romaines
(trad. Humbert). — Bouché-Leclercq, Manuel des institu-
tions romaines, pp. 541-544.
F E C K E RT (Gusta ve-Henri-Gottlob) , lithographe et peintre
berlinois, né à Kottbus (Basse-Lusace) en 1820. Il apprit
la lithographie à Berlin, chez Albert Remy, et à l'Académie
de cette ville, dont il devint plus tard membre. En 1857,
il fit un séjour à Paris. Médaillé successivement à Berlin
(1859), à Cologne (1864), à Munich (1876), cet artiste
se distingue, comme lithographe, par la façon dont il entre
dans l'esprit de l'original, comme par la perfection et la
fidélité de son rendu. Ses principales œuvres en ce genre
sont : Musiciens slaves, d'après Gallait, Portrait de
L. Ravené, d'après Knaus; le Fils noyé du pêcheur,
d'après Ritter ; les Tisseurs silésiens, d'après Hiibner.
Feckert a peint aussi beaucoup de portraits, fort appréciés,
à l'huile, au pastel et à l'aquarelle.
FÉCOCOURT. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Toul, cant. de Colombey; 404 hab.
FÉCONDATION. I. Physiologie végétale. — Il ne
sera question ici que de la fécondation des plantes phanéro-
games, celle des cryptogames étant étudiée aux mots Algues,
Champignons, Lichens, Equisétacées, Fougères, etc., etc.
La fécondation a pour résultat, en général, la formation du
fruit et de la graine. Celle-ci est précédée de la formation
de l'œuf due à la fusion dij grain de pollen avec la cellule
femelle ou oosphère. La fécondation comprend donc deux
phases : 1° la 'pollinisation, le transport du pollen sur le
stigmate; 2° la fécondation proprement dite, c.-à-d. la
germination du pollen et le développement du tube polinique
qui amène le protoplasma mâle au contact de l'oosphère.
1° Pollinisation» La pollinisation est directe ou indi-
recte ; elle est directe lorsqu'elle s'effectue entre les éta-
mines et le stigmate de la même fleur ; ; il y a alors auto-
fécondation; elle est indirecte lorsqu'il y a transport du
pollen d'une fleur sur le stigmate d'une autre fleur; il y
a alors fécondation croisée. La fécondation ne saurait
être que croisée pour les plantes unisexuées et pour celles
des plantes hermaphrodites dont les organes mâles et fe-
melles ne mûrissent pas simultanément. On a du reste
constaté chez beaucoup de plantes hermaphrodites que,
même lorsque les étamines et le stigmate mûrissent simul-
tanément, la pollinisation directe n'amène pas la féconda-
tion de la fleur ; du moins y a-t-il toujours une différence
considérable entre les graines résultant de l'autoféconda-
tion et celles résultant de la fécondation croisée. Dans le
premier cas, le nombre et le poids des graines sont infé-
rieurs et les plantes qui en proviennent sont plus faibles
et produisent moins de graines que celles qui ont levé de
graines résultant de la fécondation croisée. La pollinisation
indirecte est donc toujours plus favorable à la conservation
de l'espèce que la pollinisation directe. — Quoi qu'il en soit,
dans un grand nombre de plantes, la fécondation directe est
presque inévitable ; ainsi chez les Solanum les anthères
longues et conniventes forment une colonne qui entoure
le style et le stigmate, et le pollen sort de pores placés à
leur sommet. Dans la Rue, le Berberis, etc., les étamines
s'infléchissent pour déverser le pollen sur le stigmate.
Enfin, dans les fleurs cleistogames , c.-à-d. fécondées
avant Téclosion, la pollinisation est nécessairement directe
(V. Cleistogames).
La pollinisation indirecte s'accomplit par divers méca-
nismes ; par le vent chez les plantes anémophiles qui
fleurissent généralement au printemps ; c'est le cas de la
plupart de nos arbres indigènes à feuilles caduques (Bou-
leau, Noisetier, Tremble, Peuplier, Orme, Chêne, etc.)
dont les fleurs apparaissent généralement avant les feuilles.
Chez les plantes anémophiles, la quantité de pollen est
généralement très considérable et une seule fleur en pro-
duit de quoi fertiliser plus de mille ovaires; les grains de
pollen sont secs et ne peuvent s'agglutiner ; les fleurs sont
placées de manière à être exposées au vent le plus possible
(haute taille des arbres et extrême mobilité des chatons) ;
épillets très mobiles de certaines graminées ; fleurs portées
sur un long et mince pédoncule : Oseille, Epinard, Rhu-
barbe, Chanvre, etc. ; anthères dépassant de beaucoup
les périanthes : Thalictrum minus, Triticum vul-
gare, etc.) ; le stigmate est large, velu, ou les stigmates
petits sont groupés en grand nombre pour former une
large surface : Peuplier, Sparganium, lypha angus-
tifolia, etc. ; le stigmate se projette en dehors du pé-
rianthe, soit à l'extrémité, soit latéralement (Graminées) ;
beaucoup de plantes anémophiles sont dioïques ; toutes ces
dispositions favorisent la fécondation croisée chez les
plantes anémophiles ; il en est de même de la dichogamie
(V. ce mot).
Chez quelques espèces, le transport du pollen s'effectue
par l'eau ; ainsi dans le Vallisneria spiralis, plante dioïque,
les fleurs femelles, pourvues de longs pédicules, viennent
s'épanouir à la surface de l'eau ; les fleurs mâles, qui sont
submergées, se détachent de la plante, viennent flotter à
la surface et s'épanouissent; le courant les entraîne vers
les fleurs femelles qu'elles fécondent.
Enfin, chez le plus grand nombre des plantes, le trans-
port du pollen a lieu par des animaux, particulièrement
par des insectes (plantes entomophiles) ; le corps plus ou
moins visqueux des insectes, en frôlant les anthères, se
charge de pollen qu'ils vont déposer sur le stigmate d'une
autre fleur de même espèce en le frôlant; c'est que ces
fleurs renferment les matériaux nécessaires à la nutrition
de l'insecte qui est évidemment inconscient du rôle qu'il
joue. Les fleurs, par leur couleur, leur odeur, les matières
nutritives qu'elles élaborent, le nectar qu'elles sécrètent,
la forme et la position de leurs parties, etc., se trouvent
adaptées à la pollinisation par les insectes ; il est des
plantes entomophiles chez lesquelles l'autofécondation se-
rait absolument impossible ; ce sont les plantes dioïquos,
les plantes dichogames (chez les plantes entomophiles c'est
la protandrie qui domine, chez les anémophiles, la proto-
gynie) (V. Dichogamie), les plantes dimorphes, qui pré-
sentent deux sortes de fleurs différentes (V. Dimorphisme).
D'autres plantes présentent des dispositions pour empêcher
les insectes de visiter leurs fleurs ; odeur, couleur (surtout
pourpre sombre), aiguillons, épines, sécrétions visqueuses,
poils. Prenons comme exemple le Lychnis nutans qui
offre des dispositions propres à attirer les insectes désirables
et à en exclure d'autres ; ainsi les insectes aptères sont
retenus d'une part par la viscosité de la tige, d'autre
part, par les poils glanduleux du calice et du pédoncule
floral. Mais, s'il y a adaptation des fleurs à la pollinisation
par les insectes, il y a réciproquement adaptation des in-
sectes à la pollinisation des fleurs. De tous les insectes, ce
sont les Coléoptères, les Lépidoptères, les Diptères et les
Hyménoptères qui prennent la plus grande part à la pollini-
sation des fleurs ; tous ils présentent des particularités phy-
siques leur permettant de remplir ce rôle, rôle double qui
consiste à retirer des fleurs le nectar qu'elles contiennent
et à y porter le pollen. Ainsi les Papillons, au moyen de
leur trompe qu'ils déroulent, atteignent le nectar de la
fleur, en même temps que les poils des palpes labiaux se
chargent de pollen ; cet exemple nous suffira. Ajoutons que
les oiseaux jouent un rôle analogue ; ce sont particulière-
ment les Colibris en Amérique, les Cynnyrides en Afrique.
Nous n'insisterons pas sur tous ces moyens de pollinisa-
tion indirecte qui ont été particulièrement étudiés par Dar-
win, Lubbock, Behrens, etc.
2° Fécondation et formation de l'œuf. Une fois le
103 -
FECONDATION
//
Fig. 1. — Grain de pollen sur
le point de subir la divi-
sion. N, noyau ; n , nu-
cléole.
P
>ct
Fig. 2. — Noyau du grain de pollen en
voie de bipartition, sd, sd, sphères
directrices ; p, plaque nucléaire.
pollen transporté sur le stigmate, il y est retenu par les cel-
lules de celui-ci transformées en papilles sécrétant un
liquide visqueux, sucré, ou encore en poils (Blé) ; trouvant
là un terrain favorable, on
JV voit germer les grains de
pollen, qui se trouvent dans
un état dévie ralentie, comme
le prouve la faible propor-
tion de protoplasma qu'ils
renferment. A ce moment,
parfois avant, le noyau unique
du grain (fig. 4), noyau qui
ne renferme plus que la moitié
des segments chromatiques
du noyau de la cellule mère
du pollen (V. ce mot), se
divise en deux noyaux (fig. 2)
suivant le mode normal de
la division indirecte (V. Cel-
lule), et il se forme entre les deux une cloison en forme
de verre de montre qui constitue la séparation d'une grande
cellule appelée végétative et d'une petite cellule appelée
génératrice ( fig.
J 3) ; cette cloison,
-S® de nature pro-
téique chez les
Angiospermes et
destinée à dispa-
raître chez elles
avant la forma-
tion du tube pol-
linique,est déna-
ture cellulosique
et persistante chez
les Gymnosper-
mes; du reste, chez ces dernières, la différenciation qui
s'établit dès la première bipartition chez les Angiospermes
exige parfois plusieurs divisions successives. Quoi qu'il en
soit, la cellule
fi , génératrice de-
/ / vient libre dans
le grain de pol-
len et prend la
forme d'une len-
tille ou d'un
croissant dont le
noyau occupe le
centre. Au con-
tact de chaque
noyau, on re-
marque les deux
sphères dites
attractives dé-
couvertes dans
les végétaux par
Guignard et
nommées par lui
sphères direc-
trices. Dans le
protoplasma de
la cellule génératrice, elles occupent, le plus souvent,
l'une des extrémités du noyau. De plus, le noyau de
la cellule génératrice et celui de la cellule végétative pos-
sèdent chacun un nombre de segments chromatiques égal
à celui du noyau dont ils dérivent, car les segments de
ce dernier se sont divisés longitudinalement en deux par-
ties égales ; le cytoplasme se partage inégalement et prend
dans chaque cellule des propriétés différentes.
Or, au moment de la germination du grain de pollen,
son protoplasma absorbe du liquide, se gonfle et fait saillie
à l'extérieur au niveau d'un pore ou d'un pli en refou-
lant la couche cellulosique d'enveloppe du grain. Ce tube
s'allonge, et on y voit entrer à mesure le protoplasma
Nv-
Cm
-JVm
sd
Fig. 3. — Division du grain de pollen en
cellule mâle Cm et cellule végétative Cv
(d'après Guignard). JVm, noyau mâle;
sd, sphères directrices ; Nv, noyau vé-
gétatif ; e, exine ; i, intine.
avec les réserves alimentaires (matières azotées, huile, ami-
don, sucre, etc.) et les deux noyaux, le plus gros ou noyau
mâle d'abord, ensuite le plus petit ou noyau végétatif;
parfois cependant le noyau végétatif passe devant (fig. 4).
Du reste il disparaît souvent de bonne heure dans le pro-
toplasma du tube; d'autres fois il persiste jusqu'au mo-
ment de la fécondation. Le noyau de la cellule génératrice
se divise en général dans le tube pollinique, mais, excep-
tionnellement, cette bipartition précède la germination du
; 2 .3
Fig. 4. — Pollen du Lis martagon et sa germination dans
de l'eau albuminée (d'après Guignard). 1,2,3, états suc-
cessifs^, p, p, grains de pollen; tp, tube pollinique
avec bouchons de cellulose; Nm, noyau mâle, avec sa
gaine protoplasmique; Nv, noyau végétatif; N'm, noyau
mâle stérile résultant de la division du noyau mâle pri-
mitif. J F
grain de pollen; elle a toujours lieu par division indirecte
et avec bipartition longitudinale des éléments chromatiques,
de sorte que les deux nouveaux noyaux générateurs pos-
sèdent chacun le même nombre de ces éléments qui cor-
respond exactement à la
moitié de ceux que pos-
sède le noyau de la cel-
lule mère du pollen. Il
est du reste facile de
compter ces segments
avant et pendant la pé-
riode de la plaque nu-
cléaire ; les deux nou-
veaux noyaux se rendent ,
en sens inverse, aux
extrémités du fuseau en
entraînant une portion
du protoplasma de la
cellule génératrice. Il y
a alors deux cellules
génératrices libres dans
le tube (fig. 4, 3), et
dont les noyaux vont en
grossissant. La forma-
tion de ces deux noyaux
générateurs est compa-
rable à celle des pronu-
cléus chez les animaux.
Pour pénétrer dans le
stigmate, le tube polli-
nique s'atténue; il suit
le tissu conducteur du style dont il se nourrit après
avoir épuisé les réserves de son propre protoplasma,
puis pénètre dans la cavité ovarienne et, guidé par un
sillon spécial, gagne l'ouverture micropylaire de l'ovule;
il s'y engage et vient s'appliquer sur le sommet du sac
embryonnaire, après s'être frayé un passage à travers les
cellules du nucelle (fig. 7); d'autres fois le sac embryonnaire
vient à sa rencontre en résorbant le sommet du nucelle et
s'insinuant dans le canal micropylaire au point de faire
quelquefois saillie au dehors. Chaque ovule reçoit ainsi un
tube pollinique. Le temps que le tube pollinique met à faire
son trajet est très variable ; chez le Crocus vernus, dont
■~sd
Fig. 5. — Sac embryonnaire au
premier stade de 'la division.
N, noyau primaire du sac em-
bryonnaire avec striation ra-
diaire du cytoplasme tout au-
tour ; nt nucléole ; sd,^ sphères
directrices (chez le Lis marta-
gon, selon Guignard).
FÉCONDATION
— 104
id
le style a 5 à 10 centim. de long, on compte de vingt-quatre
à soixante-douze heures ; chez Y Arum, quoique le chemin
à parcourir du stigmate sessile à l'ovule ne soit que de
3 millim., il faut cinq jours ou plus; chez les Orchidées,
dix jours à plusieurs semaines, et même plusieurs mois.
Cela tient à ce que la maturation des ovules ne coïncide
pas toujours avec la pollinisation ou même que les ovules
ne se forment qu'après la pollinisation.
Le plus souvent l'ovule est mûr au moment où le tube
pollinique arrive au contact avec le sac embryonnaire. Voici
les principaux phénomènes dont ce sac est le siège. Son gros
noyau primaire subit la division indirecte (fig. 5) ; seule-
ment ici, comme pour la cellule mère du pollen, on observe
la réduction de moitié des segments chromatiques ; au mo-
ment de la formation du sac, le noyau reçoit %i segments,
mais lors de sa division il n'offre plus que n segments.
Ces segments se groupent régulièrement pour former la
plaque nucléaire, après que les deux sphères directrices se
sont transportées suivant l'axe longitudinal de sac pour for-
mer les pôles
du fuseau ou
asters (fig. 6).
Les segments se
divisent longitu-
dinalementetles
segments secon-
daires vont aux
deux pôles
faire partie des
deux nouveaux
noyaux, d'a-
bord absolu-
ment identiques
comme struc-
ture et comme
réactions ; mais
en s'éloignant
du centre du sac,
le noyau infé-
rieur grossit da-
vantage, puis
les nouveaux
noyaux se divi-
sent à leur tour,
soit dans des
plans différents ,
soit dans le même plan. Seulement le nombre des segments
chromatiques qui reste invariable dans le noyau supérieur
dans toutes ces bipartitions, augmente dans les divisions du
noyau inférieur ; un ou deux vacuoles se forment dans l'espace
intermédiaire et bientôt on remarque une tétrade à chaque
extrémité du sac. L'un des quatre noyaux supérieurs appar-
tiendra à l'oosphère (fig. 7 et 8). Nous voyons, d'après ce
qui précède, que non seulement il renfermera le même
nombre de segments n que le noyau primaire au moment
de sa bipartition, mais encore que le noyau mâle auquel il
doit s'unir. Ainsi, chez le Lis martagon, qui a servi
aux recherches de Guignard, le noyau mâle renferme
12 segments, le noyau femelle également 12 segments;
l'œuf renfermera 24 segments. Des trois noyaux de la tétrade
supérieure, autres que le noyau femelle, deux appartien-
dront aux cellules appelées synergides, le troisième, libre,
appelé noyau polaire, continuera à former le noyau se-
condaire du sac par son union avec le noyau polaire de la
tétrade inférieure qui vient le rejoindre en haut. Les trois
autres noyaux de la tétrade inférieure, ou noyaux des anti-
podes, se désagrègent avant la différenciation complète de
l'appareil sexuel et la fusion des deux noyaux polaires. Le
noyau de l'oosphère, à la maturité, est un peu plus gros
et plus chromatique que ceux des synergides et possède
un ou plusieurs nucléoles inégaux.
Quant à l'acte de la fécondation, voici en quoi il con-
siste. Le tube pollinique, une fois arrivé sur le sommet du
\d
_ - Noyau du sac embryonnaire
en voie de "bipartition. N, noyau; n,
nucléole; n', nucléolules; sd, sd,
sphères directrices.
sac, renfle son extrémité en massue ou en ampoule, et re-
foule la membrane de ce dernier en s'avançant à l'inté-
rieur, soit en ligne droite, soit obliquement ; plus rarement
il s'étale (Orchis latifolia, Monotropa hypopitys). Ace
moment il n'est plus pos-
sible de distinguer la mem-
brane du sac de celle de
l'extrémité renflée du tube
pollinique. Que la péné-
tration du tube ait lieu entre
les deux synergides (fig. 8)
ou à travers une synergide,
le tube n'en envoie pas
moins directement , dans
l'oosphère, sans temps d'ar-
rêt, celui des deux noyaux
générateurs qui doit opérer
la fécondation ; le noyau
mâle s'accole aussitôt au
noyau de l'oosphère. Le
deuxième noyau générateur
arrive le plus souvent à
l'extrémité du tube et il
en traverse la membrane
ou se fond dans le proto-
plasma du tube ; les syner-
gides ne tardent pas alors
à se désagréger. Le noyau
mâle grossit et renferme
des nucléoles, mais reste
toujours plus petit que le
noyau femelle au-dessus
duquel il est placé. Il arrive que le second noyau générateur
pénètre également dans l'oosphère et prend les caractères
de l'autre, mais il ne s'unit pas au noyau femelle, sauf
exceptionnellement chez le Monotropa. Si pareil phéno-
mène survient
chez les a ni- J]J
maux, il en ;// y'' y Jy/71
résulte des ano- ^
malies de déve-
loppement.
Avant la dé-
couverte des
sphères directri-
ces, on croyait
que la féconda-
tion consis-
tait essentielle-
ment dans la
conjugaison de
deux noyaux.
Or, au moment
où le noyau mâle
traverse l'extré-
mité ramollie et
- Arrivée du tube
pollinique Ip, émis par le
grain de pollenpo, à l'ovule.
m, micropyle; nv, noyau
végétatif; Nm, noyau mâle
fertile; N'm, noyau mâle
stérile ; sy, synergides ; Oo,
oosphère; nu, nucelle; p,
primine ; a, cellules anti-
podes (chez le Lis marta-
gon, d'après Guignard).
gonflée du tube Fig.
Pénétration du noyau fertile
Nm avec ses sphères directrices sdm
dans l'oosphère contre le noyau Nf de
laquelle il s'applique, sdf, sphères di-
rectrices du noyau femelle ; v, v, va-
cuoles ; Ns, noyau secondaire ; N'm,
noyau mâle stérile; tp, tuhe pollinique ;
m, micropyle (chez le Lis martagon,
d'après Guignard).
pollinique , les
deux sphères ,
qui le précèdent,
sont encore si-
tuées côte à
côte, accolées au
noyau et précé-
dées d'une mince couche de protoplasma, provenant proba-
blement de la cellule génératrice ; ce protoplasma, s'il ne
joue pas un rôle essentiel dans la fécondation, n'en sert
pas moins de substratum au noyau et aux sphères direc-
trices ; celles-ci, du reste, représentent l'élément protoplas-
mique de la cellule mâle. Au moment de la pénétration dans
l'oosphère, les deux sphères vont s'accoler à celles qui sur-
montent le noyau de l'oosphère, de manière à former deux
couples constitués chacun par deux éléments d'origine dif-
- 105 -
FECONDATION
férente, el cette formation précède l'union des noyaux mâle
et femelle. Les couples s'écartent l'un de l'autre, et peu à
peu vont se placer à l'extrémité d'une ligne sensiblement
parallèle au grand axe de l'oosphère, c.-à-d. verticale; ils
forment chacun, par leur fusion, une sphère unique d'un
volume double de l'une des sphères primitives (fig. 9). Alors
seulement les asters apparaissent et déterminent la forma-
tion des fils du fuseau.
Tout d'abord le noyau femelle présente les caractères
d'un noyau au repos, caractères que le noyau mâle acquiert
peu à peu à son tour, La ligne de démarcation entre les
deux noyaux est encore visible lorsque déjà se manifestent
les phénomènes*, ci-dessus décrits, de la prophase de la
division ultérieure. Lorsque les membranes limitantes dis-
paraissent, les sucs nucléaires fusionnent, mais il n'y a
Më
Fig. 9. — Première division de l'œuf. Fm, filaments issus
du noyau mâle; Ff, filaments issus du noyau femelle;
aZb, albumen se formant à la suite de la division répétée
du noyau secondaire ; Nalb, l'un des noyaux de l'albu-
men résultant de la division du noyau secondaire et lui-
même en voie de division ; s'y, sy, synergides ; p, primine ;
s,secondine (chez le Lis martagon, d'après Guignard).
pas fusion entre les éléments chromatiques figurés. La
masse se contracte de plus en plus ; les segments s'orientent
pour former une plaque nucléaire, composée de In éléments,
dont n apportés parle noyau mâle, n par le noyau femelle;
dorénavant on ne peut plus distinguer la provenance de ces
segments. Ces segments subissant la bipartition longitudi-
nale, les deux noyaux nouveaux, qui ne sont autre chose
que les deux premiers noyaux de l'embryon, possèdent
in segments. Une cloison cellulosique sépare les deux pre-
mières cellules embryonnaires dont l'inférieure est toujours
plus petite. Le nombre des segments chromatiques varie à
un moment donné, c.-à-d. n'est plus nécessairement égal
à 2w, mais ce phénomène ne paraît se produire qu'après la
formation du ou des cotylédons ; on n'a pas encore de
données précises à cet égard (V. OEuf).
Le noyau secondaire du sac embryonnaire, formé,
comme nous l'avons vu, par la fusion des noyaux polaires
des tétrades opposées du sac embryonnaire, produit, par
sa segmentation, les noyaux de l'albumen ; cette segmen-
tation commence dès que le noyau mâle pénètre dans l'oos-
phère. La formation de l'albumen précède donc notable-
ment la division du noyau résultant de la fusion des noyaux
sexuels ; chez VAgraphis cernua, par ex., on remarque
déjà 8 noyaux d'albumen avant que cette fusion ne soit
effectuée. Le nombre des segments chromatiques varie
dans la segmentation des noyaux de l'albumen, ce qui
s'explique par le rôle essentiellement transitoire que joue ce
tissu, tandis que les noyaux sexuels sont chargés de trans-
mettre au nouvel individu les caractères spécifiques héré-
ditaires de la plante.
Chez les Gymnospermes et les Cryptogames archégo-
niées, les choses se passent essentiellement de même ; la
position des éléments peut varier, mais à un moment donné
les deux couples, formés chacun par deux sphères direc-
trices d'origine différente, n'en prennent pas moins la même
position définitive avant la bipartition du noyau de l'œuf
fécondé, puisque l'axe du fuseau nucléaire est toujours
parallèle à l'axe de l'archégone ou de l'oosphère. Par suite,
après la fécondation, le premier cloisonnement de l'œuf
est transversal dans tous les cas... « Au total, la partie
fondamentale dans l'étude morphologique de la fécondation
paraît résolue. Ce phénomène n'est pas, comme on avait
cru pouvoir l'admettre jusqu'ici, de nature purement nu-
cléaire; il ne consiste pas simplement dans l'union de deux
noyaux d'origine sexuelle différente, mais aussi dans la fu-
sion de deux corps protoplasmiques dont les éléments
essentiels sont les sphères directrices de la cellule mâle et
de la cellule femelle. Si les noyaux n'en ont pas moins une
grande importance dans la transmission des propriétés
héréditaires, la présence permanente des sphères directrices
dans les cellules sexuelles chromatiques, et surtout leur
fusion au moment de la fécondation, nous obligent à resti-
tuer au protoplasma le rôle primordial dans l'accomplisse-
ment du phénomène. Cette fusion appartient à l'essence
même de la fécondation ; elle est nécessaire pour la for-
mation et l'évolution ultérieure de l'œuf. » (Guignard.)
Dr L. Hahn.
II. Physiologie animale. — La fécondation consiste
essentiellement en la fusion de deux éléments, l'un mâle,
l'autre femelle, d'où résulte la production d'un individu nou-
veau. Elle se présente, sous des formes variées et à des degrés
divers, dans tout le règne animal, et, si elle ne mérite point,
aux échelons inférieurs de l'animalité, de porter ce nom, à
s'en tenir strictement à la définition qui précède, il n'en
existe pas moins entre les phénomènes qu'offrent les ani-
maux inférieurs et ceux que présentent les êtres les plus
élevés toute une série de gradations qui font reconnaître
l'identité de nature. Les protozoaires ne présentent point
la fécondation telle qu'elle vient d'être définie. Et comment
le pourraient-ils d'ailleurs? Organismes unicellulaires, ils
n'ont point d'organes ; ils ne peuvent que se diviser en de
petits fragments qui, en grossissant, ressembleront exacte-
ment à leurs parents. Et pourtant il y a chez eux un
phénomène qui rappelle la fécondation. Un naturaliste,
M. Maupas, a, en effet, constaté que, si tel infusoire, le
Stylonichia pustulata, par exemple, semble pouvoir se
reproduire indéfiniment par division ou fragmentation, ce
n'est là qu'une apparence. Sans doute, on obtiendra 20,
400, 150, 200 générations de suite par ce procédé ; mais
il vient un moment où la division ne se fait plus : l'espèce
s'en va ; elle va disparaître si les individus survivants
n'arrivent point à se conjuguer, c.-à-d. à se fondre avec
un de leurs pareils, et encore faut-il que ce pareil soit de
souche différente et non de mêmes parents que l'individu
considéré ; à ce prix-là, l'espèce reprend ses dimensions
normales ; le noyau se développe, et la dégénérescence qui
se manifestait dans une mesure inquiétante est écartée : la
mort, qui était imminente, n'est plus à craindre. Ce n'est
point une fécondation véritable, que cette fusion ; mais,
entre ce processus et la fécondation vraie, il y a tous les
passages et il nous faut le considérer comme le rudiment
de celle-ci. — Je ne ferai que citer rapidement ces formes.
Au bas de l'échelle, nous avons le processus de la forma-
tion d'un plasmodium. C'est celui qui vient d'être rap-
pelé : il consiste en ce que des individus isolés se rap-
prochent les uns des autres et se fondent en une masse
commune où tous se mêlent sans qu'on puisse les distin-
guer les uns des autres ; plus tard, ce plasmodium se
désagrège en un grand nombre d'organismes semblables à
ceux qui l'ont formé et, dans cette conjugaison, des forces
nouvelles ont été communiquées aux éléments qui y ont
pris part, comme le montrent les recherches de M. Maupas.
La conjugaison multiple, où plusieurs individus se fondent
aussi en un seul, représente un processus très similaire au
FÉCONDATION
— 406 —
précédent. Dans la conjugaison ordinaire, les phéno-
mènes sont autres. Ici, deux individus seulement se con-
juguent ou se fondent en un seul, et, quelque temps après,
la masse commune se divise en deux individus qui com-
prennent chacun évidemment une partie des éléments de
chacun des individus primitifs. Un progrès ou une compli-
cation s'observe dans la conjugaison dimorphe : ici, il y
a fusion de deux individus de même espèce, mais mor-
phologiquement, extérieurement, différents : l'un est petit,
agile, l'autre est gros, paresseux, lent ; l'un peut être
regardé comme mâle, l'autre comme femelle. Les quatre
cas qui précèdent ne s'observent que chez les proto-
zoaires et les métazoaires; chez les animaux poly cellulaires,
les métazoaires, c.-à-d. chez tous les animaux autres que
les protozoaires, il y & fécondation, c.-à-d. fusion d'une
cellule mâle avec une cellule femelle, toutes deux mises
en liberté par des individus différents de même espèce. Et
la fécondation a ceci de caractéristique que, sans elle,
l'œuf demeure stérile (sauf dans quelques cas de parthéno-
genèse) ; qu'il faut et il suffit qu'un seul spermatozoïde y
pénètre (si plusieurs y pénètrent, on a un développement
monstrueux) ; que les noyaux de ces deux éléments se
fondent en un seul qui se subdivise ensuite, chacune de ses
divisions renfermant à la fois une partie du noyau mâle et
une partie du noyau femelle.
Tels sont les faits fondamentaux de la fécondation ani-
male. Nous considérerons maintenant tour à tour Yœuf, le
spermatozoïde (cellules femelle et mâle), leur formation
et leur physiologie, et les phénomènes qui assurent leur
rencontre.
Vœuf ou cellule reproductrice femelle. Il ne s'agit
pas ici d'entrer dans les détails de i'ovogenèse : ils seront
donnés au mot OEuf ; encore faut-il rappeler rapidement
où et comment l'œuf se forme. La découverte de l'œuf et de
sa nature cellulaire est toute récente. On croyait encore au
siècle dernier, et même au début du siècle actuel, que
l'œuf était un organisme en miniature. Es gibt hein wer-
den, disait Haller, « il n'y a pas de devenir », c.-à-d.
« il ne se forme rien de nouveau ». Tel était l'axiome de
la « théorie de l'évolution », comme on l'appelait alors,
entendant par là l'antipode exact du sens que rationnelle-
ment nous donnons aujourd'hui à ce terme. Il serait plus
exact de l'appeler théorie de la préformation. Elle suppo-
sait que l'œuf renferme en petit tous les organes et tissus
de Tadulte avec la forme et la position conformes. Cette
miniature n'avait qu'à croître, à grossir, pour former l'or-
ganisme ; il ne s'y développait rien de nouveau ; le sque-
lette tout entier y existait, jusqu'au moindre os ; les muscles,
les glandes, les viscères, rien n'y manquait, et on se dis-
pensait de prouver la chose en disant simplement que tout
cela est si petit que nul microscope ne saurait le montrer
à l'œil. La théorie de la préformation comportait une con-
séquence difficile à accepter. Mais Leibniz et Haller ne se
laissèrent pas arrêter pour si peu. Du moment où il n'y a pas
de « devenir », il faut que tout germe renferme en lui-même
le germe de chacun de ses descendants. C'était la théorie de
V emboîtement des germes : l'œuf que voici ne renferme
pas seulement la miniature d'un organisme, mais dans
cette miniature il y a un ou plusieurs œufs renfermant
eux aussi des miniatures qui, elles-mêmes, en contiennent
d'autres, et ainsi de suite à l'infini. Bref, les œufs de notre
mère Eve, qui n'étaient sans doute pas beaucoup plus gros
que ceux des femmes actuelles (deux dixièmes de millim.
de diamètre), devaient à ce compte renfermer au moins
200,000,000 de germes emboîtés, et, plus encore, puis-
qu'il devait s'y trouver les miniatures de tous les hommes
qui ont vécu jusqu'ici, de tous ceux qui vivent, et de tous
ceux qui vivront jusqu'à la fin du monde. Il était toutefois
une difficulté que la théorie de la préformation n'écartait
point. Les naturalistes, et le public sans doute, savaient
que, pour la reproduction, il est besoin du concours des
deux sexes. Mais pourquoi ce concours ? A quoi bon, du
moment où le germe est préformé? Les uns, les ovistes,
tenaient pour la préformation pure et simple, sans expli-
quer le rôle de la copulation ; les animalculistes préten-
dirent que le véritable germe est non l'œuf, mais bien le
spermatozoïde qui, à les en croire, renferme la véritable
miniature de l'organisme, des os, des nerfs, etc., l'œuf
n'étant qu'un amas de substances alimentaires dont se
nourrit la miniature. On eût pu discuter une éternité
durant, si Gaspard-Frédéric Wolff n'avait, en 1759, for-
mulé la théorie de Yépigenèse, qui mérite mieux le nom
de théorie de l'évolution, et qui se résume en ceci : il n'y a
rien de préformé dans le germe mâle ou femelle ; ce germe
n'est que de la matière vivante, douée sans doute de pro-
priétés particulières et qui s'organise graduellement en tissus
et organes différenciés. De la sorte, la formation de l'em-
bryon est un iverden au sens le plus strict du mot. La
science a démontré l'exactitude de la théorie de Wolff, ce
qui ne lui eût pas été facile avec les ressources dont on
disposait alors ; aujourd'hui, elle est assise sur des bases
solides. L'œuf et le spermatozoïde ne sont que deux cellules
vivantes qui, après fusion, se divisent en d'autres cellules
selon des lois très précises, lesquelles font de même, et
donnent de la sorte naissance à tous les tissus et organes
progressivement et successivement : la formation de l'em-
bryon est une des merveilles de la nature par sa simpli-
cité en même temps que par sa complexité.
Passons maintenant aux résultats acquis : l'œuf est la
cellule la plus volumineuse du corps : il a, chez la femme,
deux dixièmes de millimètre de diamètre, et le mot
« volumineux » a ici un sens tout relatif. Cette cellule
est ronde : son contenu porte le nom de vitellus ; sa
membrane d'enveloppe, celui de membrane vitelline ;
son noyau s'appelle vésicule germinative , et ses nu-
cléoles, taches germinatives. Le vitellus est du proto-
plasme qui renferme des matières de réserve, grasses ou
albuminoïdes, qu'on désigne sous le nom de deutoplasme :
il sert à la nutrition du futur embryon. On a établi une
^^pÊÊm ,/
Fig. 10. — Œuf de lapin, zp, zone pellucide; cf, cellules
i'olliculeuses ; cl, granulations deutoplasmiques ; vg,
vésicule germinative ; m, réseau nucléaire \ tg, tache
germinative.
classification des œufs basée sur le mode de répartition du
protoplasme et du deutoplasme ; mais ceci n'a point d'in-
térêt spécial au point de vue qui nous occupe ; je renvoie
pour les détails au mot OEuf, et il suffira de rappeler ici
que l'œuf de la femme est surtout formé de protoplasme
avec des gouttelettes de graisse qui le rendent assez opaque,
et qu'il ressemble beaucoup à celui des autres mammi-
fères. Fondamentalement, il ne diffère point de l'œuf d'une
grenouille, d'un poisson, d'un mollusque, d'un ver ou d'un
zoophyte ; il n'existe que des différences secondaires. Chez
la femme et les animaux supérieurs, cet œuf se forme dans
un organe spécial, l'ovaire, par une sorte de germination
ou bourgeonnement des vésicules de Graaf (V. Ovaire). Il
— 407
s'en forme en nombre variable ; ici il ne s'en forme qu'un,
là des centaines. Mais prenons le cas de la femme. Géné-
ralement il ne s'en détache qu'un à la fois ; il crève les
parois de l'organe et se détache : c'est Y ovulation que l'on
considère généralement comme coïncidant avec la mens-
truation qui serait l'indice extérieur de la ponte de l'œuf ;
mais il peut se former deux, trois, quatre œufs à la fois,
comme le démontrent les grossesses doubles, triples, etc.
La rupture des parois de la vésicule déterminent une
hémorragie légère, mais le sang menstruel provient en
réalité, non de l'ovaire, mais de l'utérus qui est fortement
congestionné à ce moment. La corrélation de l'ovulation et
de la menstruation n'est pas chose certaine ; en effet, il
peut y avoir ovulation (et grossesse) en l'absence de mens-
truation, après la ménopause, et la menstruation peut per-
sister malgré l'absence d'ovulation (ovariotomie double).
Une fois formé, que devient l'œuf? Son sort est très
variable. Chez beaucoup d'animaux inférieurs (où il se
produit par un processus bien plus simple et sans mens-
truation : celle-ci est spéciale aux mammifères, semble-t-il),
. ils sont entraînés au dehors et tombent à l'eau si l'animal
est aquatique ; chez les vertébrés inférieurs, comme les
poissons, ils sont expulsés au dehors, en pleine mer ;
chez les grenouilles, ils sont déposés dans une mare, et, à
mesure que l'on considère des animaux plus élevés, la
migration de l'œuf se fait de façon plus compliquée. Il y a
des canaux spéciaux pour conduire l'œuf au dehors et sou-
vent pour le revêtir d'une coquille calcaire (reptiles,
oiseaux); chez les mammifères, il se joint à ces canaux une
poche spéciale que l'œuf traverse s'il n'est point fécondé ;
mais où il séjourne, se fixe, et se développe s'il est fécondé :
cette poche est l'utérus. Chez la femme donc, l'œuf tombe,
par un mécanisme encore mal élucidé, dans la trompe de
Fallope qu'il traverse lentement, pour arriver au bout de
huit ou dix jours dans l'utérus qu'il traverse aussi, entraîné
par le sang qui sourd des parois de cet organe. L'ovula-
tion et la menstruation de la femme correspondent exacte-
ment au rut des femelles des animaux supérieurs.
Voici un des éléments de la fécondation en place ; voyons
comment se comporte l'autre.
Le spermatozoïde ou cellule reproductrice mâle.
Comme l'œuf, le spermatozoïde est une simple cellule ;
mais c'est une très petite cellule, comparée à l'œuf. Il se
présente en abondance dans le liquide spermatique . C'est
une cellule allongée qui a généralement la forme d'un
têtard, une extrémité renflée portant une sorte de longue
queue très mince. Hamm, étudiant de Leyde, a été le
premier à en signaler l'existence en 1677. Les spermato-
zoïdes furent assez longtemps considérés comme des para-
sites ; ce fut l'opinion de certains naturalistes jusque vers
4840, et Jean Millier, le physiologiste, déclarait ne savoir
si ce sont des parties de l'organisme ou bien des orga-
nismes parasitaires. On sait maintenant que ce sont des
cellules vivantes produites dans le testicule, emmagasinées
dans les vésicules séminales, et qui sont expulsées au dehors
durant l'accouplement avec un liquide muqueux dont tout
le rôle consiste à les protéger et à en faciliter la sortie. Ce
sont les seuls agents de la fécondation ; le sperme est
inactif (Reichert), et même le spermatozoïde n'est efficace
que s'il est mûr, s'il a acquis la motilité. Cette petite cel-
lule est en effet pleine d'activité. Elle se meut rapidement
dans le sperme, à la façon d'un têtard, et jouit d'une vita-
lité considérable. Elle peut vivre des mois dans les vési-
cules séminales, et, même dans les organes femelles, il leur
arrive de persister fort longtemps. Chez les chauve-souris,
ils demeurent tout l'hiver dans l'utérus de la femelle en
conservant leur vitalité ; chez la poule, ils restent au moins
dix-huit jours vivants, et peut-être peuvent-ils conserver
la vie durant des semaines dans l'utérus de la femme. Ils
sont fort résistants aux agents de destruction ; la congé-
lation temporaire ne les tue pas même chez l'homme (Go-
dard), mais les milieux acides leur sont très nuisibles et
la dessiccation les tue. On peut conserver vivants les sper-
FÉCONDATION
matozoïdes des poissons à l'air libre, à condition qu'ils
restent humectés (Balbiani, Coste, etc.), et ces éléments
conservent leur vitalité même dans le corps mort, jusqu'à
84 heures après la mort. L'homme peut encore donner la
la vie après qu'il l'a perdue. Les spermatozoïdes des animaux
aquatiques jouissent d'une vitalité considérable ; le contact
Fig. 11.— Spermatozoïdes de divers animaux. 1, écrevisse;
2, homard; 3, crabe; 4, ascaride; 5, moina ; 6, homme ;
7, raie, 8, rat; 9, cobaye; 10, scarabée; 11, éponge.
de l'eau, salée ou non, ne les tue pas, et ils se meuvent
dans ce milieu 45, 20, 40 heures et peut-être plus. Chez
l'homme, le nombre des spermatozoïdes varie beaucoup ;
ils manquent parfois, d'où stérilité (41 cas sur 78 sujets,
Mantegazza) ; ils commencent à se former dès la puberté
et, chez les vieillards, il en existe encore (37 fois sur
51 cas, d'après Duplay ; 41 cas sur 105, d'après Dieu)
sur des hommes ayant de soixante à quatre-vingts ans. Je
rappellerai que le testicule ne forme des spermatozoïdes
que s'il est descendu dans le scrotum ; quand il reste dans
le ventre, le sperme reste infécond.
Au point de vue chimique, la constitution du sperma-
tozoïde rappelle celle de l'œuf (surtout du jaune de l'œuf
d'oiseau, car le blanc est un élément accessoire, surajouté);
on y trouve de la nucléine, de la lécithine, de la cholesté-
rine, de l'albumine, de la graisse, etc., et on remarquera
en passant l'analogie, mise en lumière par Gobley, entre
la composition chimique du spermatozoïde et celle du cer-
veau. Ceci dit sur les deux éléments sexuels, voyons com-
ment ils sont mis en présence.
Fécondation ou fusion des éléments sexuels. Dans
le cas le plus simple, chez les invertébrés aquatiques et
même les poissons, les produits sexuels sont expulsés à la
même époque, au printemps, par les animaux en âge re-
producteur. Les œufs s'échappent delà femelle, et les sper-
matozoïdes du mâle, et c'est en grande partie le hasard
qui leur permet de se rencontrer. Dans beaucoup de cas,
toutefois, et ceci s'observe chez les poissons en particu-
lier, le mâle ne laisse échapper ses spermatozoïdes, sur
lesquels il a sans doute quelque contrôle, que lorsqu'il a
rencontré des œufs d'une femelle de même espèce, dépo-
sés sur une plante aquatique, ou un rocher, ou simple-
ment dans une dépression où l'eau est peu agitée et où
les œufs ne sont pas immédiatement dispersés. Il se pose
au-dessus ou au milieu des œufs, et laisse _ échapper son
sperme : les spermatozoïdes (laitance) par milliers et mil-
lions tournent autour des œufs, et par une sorte d'ins-
tinct inexpliqué (car la raison de l'attraction exercée
sur eux par les œufs est encore inconnue) s'effor-
cent de pénétrer dans les œufs. L'imagination peut se
donner libre carrière sur l'énorme, sur l'incalculable pro-
duction d'œufs et de spermatozoïdes qui a lieu au prin-
temps, sur le prodigieux nombre des éléments sexuels de
toute sorte qui à ce moment s'échappent dans les eaux
partout où il y a des êtres vivants, et font de la mer et
des eaux douces une énorme masse de liquide fécondant,
de sperme, en même temps que le théâtre d'un accouple-
ment formidable, le lit nuptial de la plus grande partie de
la nature. A côté de cette fécondation externe, sans
accouplement des individus, il y a le cas moins répandu de
FÉCONDATION
108 -
la fécondation interne propre à l'homme et aux ani-
maux supérieurs, mais que l'on rencontre aussi chez des
invertébrés, comme les mollusques gastéropodes chez qui
il y a accouplement, — et souvent accouplement double,
réciproque, les individus possédant les deux sexes, et s'ac-
couplant à la fois comme mâle et comme femelle, — et
fécondation interne. Entre ces deux modes extrêmes, il y a
d'ailleurs toute une série de formes de passage : chez les
grenouilles, par exemple, il y a enlacement prolongé, mais
la fécondation est externe ; il n'y a pas introduction d'or-
ganes mâles dans les parties femelles ; les œufs sont fécon-
dés à mesure qu'ils sont expulsés ; ils sont fécondés exté-
rieurement.
Nous n'avons rien à ajouter à ce qui vient d'être dit au
sujet de la fécondation externe, mais il convient de rap-
peler brièvement les phénomènes qui précèdent la féconda-
tion interne. Dans ce cas, en effet, la mise en présence des
éléments sexuels ne peut s'effectuer sans d'importants actes
physiologiques dont l'en semble porte le nom d'accouple-
ment. Ils consistent essentiellement en l'introduction dans
les organes femelles, et en particulier dans leur vestibule,
dans le vagin, de l'organe mâle. Cette introduction n'est
possible que grâce à l'érection de l'organe mâle qui
acquiert, par l'afflux sanguin, la turgescence, la rigidité
nécessaires. Quand cette érection ne peut avoir lieu, il
y a impuissance. Impuissance, on le voit, n'est nullement
synonyme de stérilité. Elle n'est parfois que temporaire.
L'impuissant a le plus souvent un sperme fécond, mais il
ne peut l'utiliser, au lieu que le stérile a bien le sperme
et l'érection; il a tout, sauf la fécondité : le sperme est
privé de spermatozoïdes, et c'est un liquide albumineux
incapable de féconder un œuf. D'ailleurs, il peut y avoir
impuissance en même temps que stérilité : c'est l'absence
absolue de sexualité. Du côté de la femelle, il y a bien, le
plus souvent, une certaine érection du vagin qui facilite
l'introduction de l'organe mâle, et elle s'accompagne d'une
certaine hypersécrétion muqueuse qui est aussi un adju-
vant utile : mais tout ceci n'est point indispensable. La
fécondation s'effectue, du moment où les deux individus
sont féconds, aussi bien dans le viol (je prends le cas de
l'espèce humaine) et dans l'accouplement sans amour que
dans l'union la plus passionnée, la plus réciproquement
désirée : l'amour et le plaisir qui accompagne l'union
sexuelle n'ont rien à faire ici, et ni l'œuf ni le spermato-
zoïde ne prennent part aux sentiments, à l'état cérébral ou
psychique des individus temporairement unis. L'accouple-
ment s'étant opéré, de gré ou de force de la part de la
femelle, il y a expulsion d'une certaine quantité de liquide
mâle qui, grâce à l'action de muscles spéciaux, est projeté
le plus loin possible dans le vagin, vers l'orifice de l'utérus.
L'individu a fait tout ce qu'il pouvait : a peu près tout,
car il est des cas où l'art peut venir en aide à la nature et
où la fécondation artificielle (V. le § ci-dessous) est néces-
saire en raison de quelque malconformation du mâle ou de la
femelle, qui s'oppose à la rencontre de l'œuf et des sper-
matozoïdes, pour mettre les éléments sexuels en présence.
Et maintenant, si les individus sont normaux, bien con-
formés, c'est à ces éléments d'achever l'œuvre, et de par-
courir, grâce à leurs propres ressources, la petite distance
qui les sépare encore l'un de l'autre. L'œuf est dans l'utérus
ou l'oviducte, les spermatozoïdes dans le vagin; les sper-
matozoïdes courent au-devant de l'œuf qui, de son côté,
arrive lentement, poussé par les cils vibratiles de l'épithé-
lium. L'œuf, nous l'avons dit, met un temps très variable
à aller de l'ovaire à l'utérus : 4 jours chez le lapin,
6 chez le chien, 8 chez la brebis d'après Coste, 3 mois
chez le chevreuil d'après Packels et Ziegler, 5 ou 6 heures
chez la poule, 8 ou 10 jours chez la femme, approximati-
vement. Aussi la fécondation s'opère-t-elle plus ou moins
vite, selon le point où se trouve l'œuf : en tous cas, même
dans les cas les plus favorables, elle ne s'opère jamais
immédiatement! : à supposer que l'œuf soit déjà dans
l'utérus, il faut encore que les spermatozoïdes aient le
temps d'arriver à le joindre, car sans un contact matériel
absolu, il n'y a pas de fécondation, et la théorie de l'im-
prégnation à distance, de Y aura seminalis, est abandonnée
à jamais : s'il n'y a pas toujours fécondation après le con-
tact du sperme et de l'œuf, il ne peut y avoir de féconda-
tion que par pénétration d'un spermatozoïde dans ce der-
nier. Le plus souvent, les spermatozoïdes vont assez loin
chercher l'œuf, jusque dans la trompe de Fallope qui unit
l'ovaire à l'utérus, et c'est plusieurs heures après l'accou-
plement qu'a lieu la fécondation, dix, quinze, vingt heures
peut-être, chez la femme. Us y vont grâce à leur motilité
propre, grâce aux mouvements spontanés de progression
par eux exécutés, bien que dans quelques cas il semble se
joindre d'autres causes. Pourquoi se dirigent-ils vers
l'œuf? On ne sait. Se dirigent-ils réellement vers lui, et
la rencontre n'est-elle pas en réalité purement acciden-
telle ? On ne le saura que quand on aura montré que les
spermatozoïdes se portent en beaucoup plus grand nombre
dans la direction de l'œuf que dans les autres directions ;
et même en ce cas, avant de parler d'une attraction de l'œuf
exercée sur les spermatozoïdes, — telle qu'il en semble
exister entre l'anthérozoïde et les zoospores des." algues —
il faudra prouver qu'il n'existe pas d'autres causés poussant
les spermatozoïdes vers les points où se trouve l'œuf, et
que ceux-ci ne se dirigent pas vers les points où pourrait
se trouver, mais où ne se trouve pas, ce dernier. En réa-
lité, il est probable que les spermatozoïdes se dirigent un
peu dans tous les sens, et, comme ils sont très nombreux,
Fig. 12. — Spermatozoïdes d'Asterias glacialis s'eflbrçant
cle pénétrer dans l'œuf. En a, le coin d'attraction se des-
sine et s'avance vers te spermatozoïde le plus voisin;
en b, il y a début de fonction ; en c, la tête a pénétré dans
l'œuf.
il arrive le plus souvent qu'un d'eux parvienne à joindre
l'œuf. Cette jonction peut s'opérer un peu partout, dans
les organes femelles. On a longtemps cru qu'elle s'effectue
dans l'utérus : mais c'est une erreur. Les grossesses extra-
utérines prouvent assez que la fécondation peut avoir lieu
dans la trompe, voire même dans l'ovaire, et c'est le plus
souvent dans la trompe qu'elle se fait. Il semblerait même
que la fécondation ne peut se faire bien que dans ce con-
duit, chez la poule du moins, car l'œuf parvenu dans la
partie inférieure de son oviducte est déjà en voie de dé-
sorganisation. Quoi qu'il en soit, le spermatozoïde arrivé
auprès de l'œuf pénètre dans celui-ci, et c'est cette péné-
tration qui marque le début de la période de fécondation.
On constate fort aisément le phénomène en recueillant,
dans un verre de montre contenant de l'eau de mer, quel-
ques œufs d'oursin ou d'étoile de mer par exemple, et en
y ajoutant un peu de sperme. Les spermatozoïdes s'agitent
et s'empressent autour de chaque œuf, un grand nombre
s'accole à l'enveloppe, mais un seul y pénètre (fig. 42). Au
point où il arrive en contact avec l'œuf, celui-ci se soulève en
forme de petit mamelon, parfois effilé, qui semble aller à
la rencontre du spermatozoïde, et c'est dans ce mamelon
que ce dernier s'enfonce peu à peu, en agitant son extré-
mité libre, filiforme. Dès qu'il y est entré, on voit se for-
mer sur la surface du vitellus une membrane mince et
fine qui, débutant au cône ou mamelon d'attraction,
s'étend peu à peu et entoure tout le vitellus, de telle
sorte qu'un autre spermatozoïde ne pourrait s'introduire
dans l'œuf. Il peut bien s'en engager dans l'enveloppe gela-
— 409 -
FÉCONDATION
tineuse de ce dernier, mais ils ne peuvent pénétrer, ou du
moins cela n'a lieu que rarement, et on considère généra-
lement que la sur fécondation ou polyspermie détermine
un développement anormal, la formation d'un embryon
plus ou moins monstrueux. On peut d'ailleurs déterminer
la surfécondation en lésant l'œuf par la chaleur ou le
froid, ou par différents poisons, ou encore d'une façon mé-
canique ; dans ces œufs ainsi maltraités, il pénètre plusieurs
spermatozoïdes et le développement est anormal.
Le processus de la fécondation, tel qu'il a été observé
chez les échinodermes, et tel qu'il vient d'être résumé,
occupe dix minutes environ, et, d'une façon générale, il
s'opère rapidement, du moment où l'œuf et le spermato-
zoïde sont mûrs. Cette question de la maturation sera exa-
minée à l'art. OEuf : ici, le point principal à rappeler de
ce processus est la formation avant, et quelquefois pen-
dant la fécondation, des globules polaires. A un certain
moment (avant la fécondation dans la majorité des cas) on
Fig. 13. — Formation des cellules polaires chez VAsterias
glacialis. Sp, fuseau nucléaire; vk1, mamelon puis cellule
polaire; rk2, deuxième cellule polaire; e&, pronucléus
femelle.
/>/-■
,pm
Fig. 14. — Œuf d'échinoderme. p?n, pro-
nucléus mâle ; pf, pronucléus femelle,
se portant à la rencontre l'un de l'autre.
voit le noyau ou vésicule germinative se résoudre en frag-
ments très petits qui ne tardent pas à se rassembler en
deux amas, l'un, plus profond, l'autre, très superficiel,
et qui soulève la membrane de l'œuf et s'en coiffe, en fai-
sant hernie au dehors. La base de cette petite saillie
s'étrangle, se resserre, se coupe, et la petite saillie forme
dès lors un corpuscule globulaire, situé hors de l'œuf, indé-
pendant de lui (fig. 1 3) . L'amas plus profond de l'œuf se divise
encore une fois de la même manière, et de la sorte deux
corpuscules sont expulsés au dehors. Ces corps sont ce que
l'on a appelé les globules polaires et on a beaucoup discuté
sur la signification et l'utilité de ce singulier proces-
sus (V. en par-
ticulier Weis-
mann , Essais
sur V Héré-
dité, trad. H.
de Varigny,
1891). Ce qui
semble acquis,
c'est que la for-
mation et l'ex-
pulsion des glo-
bules polaires
s'observent
dans tous les
œufs. On avait cru remarquer que les œufs parthénogéné-
tiques, qui se développent sans fécondation, n'en forment
qu'un seul; mais des observations récentes semblent indi-
quer que c'est là une erreur. On a encore acquis ce fait
capital que l'œuf encore pourvu de sa vésicule germinative,
n'ayant point encore subi la transformation de celle-ci en
un noyau qui persiste sous le nom de pronucléus et qui
est le noyau véritable de l'œuf et en un ou deux globules
polaires qui sont expulsés, n'est point apte à la féconda-
tion. En quoi l'expulsion des globules polaires rend-elle
Fig. 15. — Œuf d'échinoderme. pf, pro-
nucléus femelle ; pra, pronucléus mâle :
ils arrivent à se fusionner.
l'œuf fécondable; que lui enlève-t-elle ? Nous ne savons,
mais le fait est là. Donc l'œuf devient mûr par la réduc-
tion subie de la façon qui vient d'être indiquée. J'ajouterai
qu'il semble exister une réduction similaire chez le sperma-
tozoïde dont, au moment de la fécondation, une partie serait
également expul-
sée hors de l'œuf,
de telle sorte
que les noyaux
ou pronucléus
mâle et femelle
ne seraient
qu'une partie de
l'œuf et du sper-
matozoïde, et la
fécondation con-
siste en la fusion
de ces deux pro-
nucléus. Ils vont
à la rencontre l'un de l'autre, le pronucléus mâle ou résidu
du noyau du spermatozoïde se déplaçant avec le plus de
rapidité ; ils se joignent, s'accolent et se fondent en un
seul corps qui est le noyau de segmentation. Ce noyau ne
tarde pas à se diviser en deux ; chacun de ceux-ci se sub-
divise à son tour, et c'est la segmentation de l'œuf qui
commence; grâce à elle, la cellule initiale unique forme
graduellement par ses divisions successives la totalité des
cellules si variées de forme et de fonction dont se compose
l'organisme. Mais nous n'avons point à nous occuper ici de
ces phénomènes : il en sera question au mot OEuf.
Le processus de la fécondation est identique dans des
lignes maîtresses chez toutes les formes animales : il s'agit
du processus intime, cela va de soi, car les phénomènes
extérieurs qui prépa-
rent la fécondation
sont au contraire très
variables, comme
nous l'avons déjà fait
remarquer en passant.
11 peut bien y avoir de
petites différences
dans l'acte essentiel
de la fécondation ,
mais c'est peu de
chose. Par exemple,
certains œufs ont une
enveloppe épaisse et
présentent de petits orifices pour permettre l'entrée des
spermatozoïdes (micropyles); par exemple encore, cer-
tains œufs ne présentent le phénomène de la formation et
de l'expulsion des globules polaires qu'après la pénétration
du spermatozoïde, etc. Ce sont là des variantes de peu
d'importance. Il reste acquis que la fécondation consiste
essentiellement en l'union, ou fusion, de deux organes ou
pronucléus, mâle et femelle.
Ces noyaux sont bien peu de chose assurément ; leurs
dimensions sont bien restreintes, et, pourtant, c'est d'eux
que procédera l'embryon et l'organisme tout entier, non
point dans son anatomie seulement, mais avec ses parti-
cularités héréditaires, psychiques ou physiques, parfois si
minutieuses ; c'est par ces fragments microscopiques de
matière que se transmettent non seulement les caractères
spécifiques — les caractères de l'espèce, homme, lion, poule
ou huître — mais les aptitudes ou les défauts caractéris-
tiques des procréateurs (V. Hérédité).
11 nous reste à noter un fait bien singulier à l'égard de
la fécondation : c'est l'influence qu'exerce souvent la pre-
mière fécondation sur les suivantes, et la sorte d'impré-
gnation de l'organisme femelle qui en résulte. C'est ainsi
qu'une jument ayant été fécondée une fois par un couagga,
ses produits ultérieurs, après fécondation par un pur sang,
rappelèrent avec une netteté frappante la coloration carac-
téristique du premier fécondateur. Pareillement, il est très
■/!$
16. — Œuf cVéchinoderme. ns,
noyau de segmentation résultant
delà fusion des deux pronucléus.
FÉCONDATION — FÉCULE
440
imprudent de laisser une chienne de race s'accoupler pour
la première fois avec un chien abâtardi : plus tard, après
fécondation par un chien de race, elle donnera souvent des
produits très inférieurs. Les exemples de ce genre abon-
dent, et on en trouve même dans l'espèce humaine. A quoi
tient cette influence du premier fécondateur sur les fécon-
dations où il n'a point part? On n'en sait rien. Comment une
femme blanche, mariée d'abord à un nègre, engendre-t-elle
plus tard, après un mariage avec un blanc qui la féconde, des
enfants portant des traces évidentes de sang nègre ? Cela
est ; on en peut citer des cas, mais on ne les explique
point (pour la question de la production des sexes à volonté,
V. Sexualité). IL de Vamgny.
Fécondation artificielle.— On désigne sous ce nom toute
opération dont le but est de mettre en contact les éléments
ovulaires et spermatiques sans le secours de la copulation.
C'est une pratique ordinaire en pisciculture où la féconda-
tion s'obtient en faisant évacuer dans un même vase les
œufs de la femelle et la laitance du mâle, évacuation qu'on
amène par des pressions graduelles sur l'abdomen de ces
animaux. En 4780, l'abbé Spallanzani en fit l'application
scientifique sur une chienne. Dans l'espèce humaine, l'opé-
ration est plus récente ; elle fut pratiquée pour la première
fois et fort heureusement par le docteur Girault en 1838,
puis par Marion Sims, par le docteur Gigon d'Angoulême.
Depuis, elle est entrée dans la pratique, peut-être même
un peu abusivement. C'est qu'en effet, opération d'excep-
tion, la fécondation artificielle ne doit être proposée que
quand tous les moyens thérapeutiques dirigés contre la
stérilité ont échoué et que par ailleurs toutes les conditions
essentielles de la conception existent. Dr Donon.
Bibl. : Physiologie végétale. — Behrens et Hérail,
Traité de botanique. — Stràsburger, Neue Unlersuch.
ûb.den Befruchtungsvorgang beiden Phanerogamen, 1884;
Ueber Kern-und Zelltheilung, 1888.— Guignard, Phénom.
morphol. de la fécondation (Congrès de bot., 1889; Bull.
Soc. bot., XXXVI); Sur laConstitut.des noyaux sexuels
chez les végétaux, dans Compt. rend. Acad. d. se, 11 mai
1891 ; Nouv. Etudes sur la fécondation, dans Ann. se. nat.
(Bot.), 1891, t. XIV, 79 sér. — Les traités de botanique en
général.
FÉCULE (ïndustr.). On donne le nom de fécule à cette
matière pulvérulente amylacée, qu'on extrait des tiges sou-
terraines de la pomme de terre, de l'igname, du manioc,
du palmier, des orchis, etc. Le nom de fécule est parfois
confondu avec le nom d'amidon, car tous deux ont la même
composition chimique et tous deux jouissent du même degré
d'importance dans l'alimentation, mais celui de fécule s'ap-
plique surtout aux produits de la pomme de terre, tandis
que celui d'amidon s'applique aux produits des fruits, des
céréales, des légumineuses, etc. (V. Amidon, t. II, p. 743).
L'industrie de la fécule aété créée enl810 par N.-C. Bloch.
qui a ainsi puissamment contribué à la propagation de la
culture de la pomme de terre ; ses descendants ont orga-
nisé à Tombelaine une féculerie de premier ordre. Dans la
fabrication delà fécule de pomme de terre, le premier point
c'est la réception et la conservation des tubercules. Il faut
donner la préférence aux. espèces récoltées dans les ter-
rains sablonneux ; elles sont toujours plus riches en fécule.
La différence de rendement en fécule est tellement grande,
qu'elle peut varier de 12 à 20 °/0. L'industriel possède
plusieurs moyens pour reconnaître la qualité de la pomme
de terre (V. Féculomètre) ; s'il a recours aux méthodes
basées sur la densité, il n'a qu'à consulter, une fois la den-
sité obtenue, les tables qui donnent immédiatement la ri-
chesse en fécule et en matière sèche :
POIDS
de 5 kilogrammes
de tubercules
DENSITÉ
MATIÈRES
SÈCHES P. °/0
FÉCULE
p. %
POIDS
de 5 kilogrammes
de tubercules
DENSITÉ
MATIÈRES
SÈCHES P. %
FÉCULE
p. %
dans Te au
dans Teau
375
1,080
19,7
13,0
535
1,120
28,3
22,5
380
1,081
19,9
14,1
540
1,121
28,5
22,7
385
1,083
20,3
14,5
545
1,123
28,9
23,1
390
1,084
20.5
14,7
550
1,124
29,1
23,3
395
1,086
20,9
15,1
555
1,125
29,3
23,5
400
1,087
21,2
15,4
560
1,126
29,5
23,7
405
1,088
21,4
15,6
565
1,127
29,8
24,0
410
1,089
21,6
15,8
570
1,129
30,2
24,4
415
1,091
22,0
16,2
575
1,130
30,4
24,6
420
1,092
22,2
16,4
580
1,131
30,6
24,8
425
1,093
22,4
16,6
585
1,132
30,8
25,0
430
1,094
22,7
16,9
590
1,134
31,3
25,5
435
1,095
22,9
17,1
595
1,135
31,5
25,7
440
1,097
23,3
17,5
600
1,136
31,7
25,9
445
1,098
23,5
17,7
605
1,138
32,1
26,3
450
1,099
23,7
17,9
610
1,139
32,3
26,5
455
. 1,100
24,0
18,2
615
1,140
32,5
26,7
460
1,101
24,2
18,4
620
1.142
33,0
27,2
465
1,102
24,4
18,6
625
1,143
33,2
27,4
470
1,104
24,8
19,0
630
1,144
33,4
27,6
475
1,105
25,0
19,2
635
1,146
33,8
28,0
480
1,106'
25,2
19,4
640
1,147
34,1
28,3
485
1,107
25,5
19,7
645
1,148
34,3
28,5
490
1,109
25,9
20,1
650
1,149
34,5
28,7
495
1,110
26,1
20,3
655
1,151
34,9
29,1
500
1,111
26,3
20,5
660
1,152
35,1
29,3
505
1,112
26,5
20,7
665
1,153
35,4
29,6
510
1,113
26,7
20,9
670
1,155
35,8
30,0
515
1,114
26,9
21,1
675
1,156
36,0
30,2
520
1,115
27,2
21,4
680
1,157
36,2
30,4
525
1,117
27,4
21,6
685
1,159
36,4
30,6
530
1.119
28,0
22,2
Le fabricant de fécule, bien fixé sur la qualité de la
pomme de terre, peut calculer son prix d'achat. Pour pré-
server les tubercules de diverses altérations spontanées, on
doit les placer dans un lieu dont la température soit assez
basse et peu variable ; il faut éviter de mettre en magasin
des pommes de terre détériorées, meurtries, écrasées ou
atteintes de la maladie spéciale, et choisir, pour les emma-
gasiner, un lieu qui ne "soit ni excessivement humide, ni
accessible aux eaux pluviales ou à la gelée. L'emmaga-
sinage de la pomme de terre se fait ordinairement à l'air
libre dans des silos, dans des hangars ou dans des caves.
L'emmagasinage à l'air libre doit être rejeté ; le soleil, la
pluie, la gelée, la maladie, y produisent souvent des dégâts
importants. L'emmagasinage en silos longtemps en usage
doit l'être également, car la pomme de terre est exposée à
la maladie qui s'y développe et à la pourriture. L'emma-
— 111 —
FECULE
gasinage dans des hangars couverts supprime presque tous
ces inconvénients, sauf ceux de maladie ; mais cet incon-
vénient à lui seul est très grave, puisqu'un amas de 1 mil-
lion de kilogr. dans ces conditions est fatalement destiné
à une perte de 10 à 20 °/0, car, si le foyer de la maladie
se déclare au milieu du tas, il faut préalablement enlever
ce qui l'entoure et, lorsque enfin on a atteint le foyer, la
destruction est déjà complète. Les installations de hangars
varieront suivant la disposition de l'usine, l'emplace-
ment, etc. Une bonne installation se compose d'un maga-
sin en maçonnerie recouvert d'une charpente ; dans la
longueur est creusé un canal présentant une pente de
2 centim. par mètre et qui servira à laver les tubercules
lors de leur emploi : en dehors de l'emmagasinage de la
pomme de terre, il faut encore, avant de commencer le tra-
vail, se rendre compte des eaux qu'on a à sa disposition,
pour produire la qualité de marchandise compatible avec
ces eaux. Si l'eau est pure, sans souillures quelconques,
si elle ne contient pas de sels, on peut monter une fécu-
lerie pour produire les fécules extra-supérieures. C'est
grâce à cette eau que les matières jouant le rôle de mor-
dants sont fixées sur la fécule et fixent à leur tour la
couleur même du jus de pomme de terre sur la fécule qui
devient alors plus ou moins jaunâtre. Si l'on n'a à sa dis-
position qu'un cours d'eau ordinaire ou une source chargée
de sels, il est plus prudent de ne fabriquer que de la fécule
dite première. Les opérations se subdivisent en : trem-
page des pommes de terre, lavage, épierrage, râpage, ta-
misage de la pulpe, dessablage de la fécule, épuration,
tamisage fin, égouttageet déposage, séchage, écrasage, blu-
tage, emploi des pulpes, emploi des eaux. Suivant les cir-
constances, on peut multiplier une ou plusieurs de ces opé-
rations, pour avoir des résultats plus complets. Ainsi, si
l'on a à sa disposition beaucoup de force, on peut râper la
pulpe à plusieurs reprises pour en augmenter la division ;
on peut tamiser plusieurs fois la fécule à travers des toiles
de plus en plus fines ; passer plusieurs fois sur les tables,
agiter la fécule à plusieurs reprises pour séparer les im-
puretés entraînées dans le tamisage, pour blanchir la fécule
ou pour la dessabler. Nous n'allons pas donner une dispo-
sition générale d'une féculerie, mais simplement décrire
les différents appareils employés dans cette industrie.
Les pommes de terre des sols argileux doivent être, avant
le lavage, immergées dans l'eau pendant quelques heures,
afin de délayer la terre et les corps étrangers adhérents
qui deviennent alors plus faciles à enlever. Le trempage se
fait dans de grandes cuves en bois ou dans des bassins en
maçonnerie, munis de bondes pour le départ des eaux sales
et de vannes pour la vidange des pommes de terre. Dans
les petites féculeries, on lave la pomme de terre dans des
auges où un courant d'eau est établi ; un homme prend les
tubercules avec une pelle en bois. D'ordinaire on emploie
le laveur mécanique : c'est un tambour à jour composé de
deux plateaux circulaires en fonte, montés sur un arbre
en fer et réunis pour former le tambour par des tringles
de fer rond de 0m013 de diamètre, ne laissant entre elles
que 0m01 de vide pour l'échappement des cailloux. Plus de
jeu entre les tringles laisserait passer les petites pommes
de terre. Le tambour du laveur plonge un tiers de sa hau-
teur dans l'eau, et les douze tours par minute qu'il fait avec
un diamètre de 0m80 forcent la pomme de terre à sauter
sur chaque tringle de fer et la nettoient parfaitement. L'eau
du laveur est renouvelée au moins deux ou trois fois par
jour, au moyen d'un trou d'homme permettant en même
temps d'enlever la terre qui peut se trouver au fond du
bassin du laveur. Un tour d'hélice en bois ou en métal,
fixé sur l'axe à l'extrémité du laveur, prend la pomme de
terre pour la jeter en dehors. Du premier laveur, on fait
passer la pomme de terre au second ; du second elle tombe
sur une grille en bois qui la conduit à la râpe où un enfant
la pousse à la main, en ayant soin de ne laisser passer au-
cun caillou; précaution essentielle pour ne pas mettre les
lames de la râpe hors de service. Pour l'épierrage, on
fait passer les pommes de terre dans une auge demi-cylin-
drique remplie d'eau, où un arbre armé de bras les remue
constamment ; les pierres tombent ainsi au fond. Dans
l'opération du râpage, plusieurs tentatives ont été faites pour
remplacer les râpes à dents extérieures par celles à dents
intérieures ou centrifuges. Ces sortes de râpes n'ont pas
donné de résultatparceque, si la vitesse devient trop grande,
la pression comprime la pomme de terre et la division est
grossière ; si la vitesse diminue, le travail est faible. Pour
le même travail, les râpes centrifuges exigent une force re-
lativement plus grande que les râpes ordinaires. De bons
résultats ont été obtenus avec les râpes ordinaires à lames
extérieures très fines. Les râpes-meules sont certainement
ce qu'il y aurait de mieux, si la dépense de la force em-
ployée n'était pas, à peu de chose près, égale à l'avantage
obtenu. Il existe diverses machines employées pour repasser
la pulpe, comme celles de MM. Bloch, Camus, etc. La
râpe ou cylindre dévorateur est un tambour en fonte de
0m50 à0m60 de diamètre et 0m27 à 0m32 de largeur, armé
sur toute sa circonférence de lames de scies fines, espacées
de 0m010 pour obtenir un râpage plus fin. Ce tambour
tourne sur un axe porté solidement sur des paliers fixés
sur un bâti de fonte. Au-dessus du tambour est une ca-
pote mobile en tôle, retenue par des clavettes, et au-des-
sous, dans le sens où le mouvement entraîne la pomme de
terre, est une auge inclinée qui entraîne la pulpe dans une
chaîne à godets, laquelle la conduit dans un tamis cylin-
drique. Un levier placé à la main permet, si un caillou
venait à passer inaperçu dans la râpe, de faire sauter les
ressorts qui pressent le poussoir contre le cylindre et d'avoir
ainsi le temps de dégrener la râpe au moyen de la poulie
folle. Un robinet fait couler de l'eau sur la râpe en quan-
tité suffisante pour délayer la pulpe. Une râpe faisant de
700 à 900 tours par minute pourra broyer au besoin
25 hectol. de pommes de terre par heure. Le tamisage a
pour but de séparer la fécule de la pulpe ; il s'opère méca-
niquement d'une façon continue et suit l'action de la râpe.
On emploie plusieurs systèmes de tamisage : les hacheuses
des moulins ; les cylindres à farine, plus solidement cons-
truits et garnis de toiles métalliques ; les auges demi-
cylindriques fines et garnies de toiles métalliques, dans
lesquelles tourne un agitateur mécanique. Tous ces tamis
exigent une quantité d'eau suffisante pour entraîner toute
la fécule en liberté dans la pulpe. Les tissus des toiles mé-
talliques sont graduellement plus serrés à partir du haut ;
ainsi, les premières toiles sont du n° 30, les dernières du
n° 50. Ces numéros indiquent le nombre des fils parallèles
existant dans ces toiles, sur une largeur de 27 millim.
L'eau et la fécule étant parvenues dans des cuves, on
procède au dessablage, opération qui doit éliminer le sable
et les matières terreuses. A cet effet, on agite et l'on met
en suspension la fécule dans l'eau, puis on laisse reposer
quelques minutes. Les matières les plus denses se déposent;
on décante le liquide qui surnage et entraîne en suspen-
sion la fécule épurée. La décantation se fait à l'aide d'un
gros siphon ou d'un robinet placé un peu au-dessus du fond
des cuves. Après le dessablage, on laisse déposer la fécule
dans d'autres cuves et l'on décante le liquide éclairci : il
s'est formé, à la superficie du dépôt, une couche grisâtre que
l'on enlève à l'aide de racloirs et qui est délayée à part et
passée au tamis de soie afin d'en extraire une partie de la
fécule blanche qu'elle contient. La fécule débarrassée de
cette couche, que l'on nomme gras de fécule, est remise en
suspension dans l'eau claire et passée dans un tamis de soie
ou toile métallique du n° 90. On se sert, pour faire déposer
la fécule, soit de tonneaux défoncés d'un côté, soit de cuves,
soit de citernes cimentées. Le déposage sur des plans incli-
nés donne des résultats très avantageux. Ce sont des tables
de 1 m. de large, dont la longueur varie de 6 à 20 m.,
les bords ayant 0m20. Elles peuvent être en maçonnerie
cimentée ou en madriers bitumés ; on donne une pente de
0m01 par mètre et on laisse couler très doucement l'eau
chargée de fécule; cette dernière, en vertu de sa densité,
FÉCULE — FÉCULOMÈTRE
— 112 —
se dépose dans le parcours, aussi bien que dans les cuves,
et l'eau entraîne le petit son qu'aura retenu la fécule.
La fécule épurée est facilement égouttée dans le tambour
d'un hydro-extracteur ; il ne reste alors que 0,30 d'eau
d'hydratation et interposée qu'il suffit de réduire à 0,1 8 par
le séchage à l'air ou directement à Fétuve, pour obtenir
la fécule commerciale dite sèche, qui retient en général
quatre équivalents d'eau ou 18 °/0. Le séchoir à air libre
doit être autant que possible à l'abri de la poussière et
pour ce motif éloigné des grandes routes. Lorsque la
fécule est destinée à la fabrication de la glucose, on l'em-
ploie souvent à l'état humide. On la désigne alors dans le
commerce sous le nom de fécule verte; elle contient les
2/3 de son poids de fécule dite sèche. On a pu même
conserver la fécule plus humide en masses considérables
mouillée avec de l'acide sulfurique faible à 0,01 et accu-
mulée dans des citernes, pour le travail durant une année.
Au bout de trois ou quatre jours d'exposition dans le sé-
choir ou directement après l'égouttage forcé, on porte la
fécule dans Fétuve à courant d'air chaud. Il faut éviter
d'élever subitement la température à 60° et au-dessus,
car la fécule contient parfois encore assez d'eau inter-
posée pour donner à cette température un empois épais
qui pourrait souder entre eux un grand nombre de grains
et former des grumeaux. Les étuves peuvent être à feu
nu ou à la vapeur ; la dessiccation à la vapeur est plus éco-
nomique, lorsqu'on en possède en quantité suffisante. Dans
ce cas, on emploie Fétuve continue à plateaux, système
Touaillon, ou Fétuve à volettes chauffées à la vapeur.
Lorsque la fécule a été séchée, on écrase les morceaux
légèrement agglomérés à l'aide d'un rouleau en fonte ou
entre des cylindres de bronze, puis on refait passer au blu-
toir, opération après laquelle elle est prête à être vendue
sous le nom de fécule sèche, bien qu'elle contienne environ
18 °/0 d'eau.
On emploie aujourd'hui la fécule à de nombreux usages.
La plus blanche sert au collage des pâtes à papier, à la
préparation des sirops blancs de glucose, aux apprêts et
à la fabrication de la dextrine blanche, à confectionner
quelques pâtisseries légères. Les qualités inférieures s'ap-
pliquent aux produits analogues moins blancs et moins
purs et en outre à l'encollage des fils de chaîne pour les
tissus, à la confection des pâtes, vermicelle et semoule, à
la fabrication du pain, lorsque les prix des farines sont
élevés, à la préparation de l'amidon grillé, des gruaux imi-
tant le tapioca, le sagou, etc. M. Rouy a fait une applica-
tion heureuse de la fécule en substituant cette substance
au poussier de charbon de bois pour saupoudrer les moules
des fondeurs en bronze. On emploie la fécule pour une
foule d'expériences dans les laboratoires : Fessai des
vinaigres, des sels ammoniacaux, des eaux sulfureuses, la
recherche de l'iode et des iodures. Dans les préparations
alimentaires, la fécule de pommes de terre présente l'in-
convénient de développer une légère odeur désagréable due
à l'huile essentielle particulière qui l'accompagne toujours.
M. Martin est parvenu à enlever presque complètement cette
odeur caractéristique, en lavant la fécule avec un centième
de son poids de carbonate de soude dissous dans 50 parties
d'eau et avec un excès d'eau pure.
La pulpe, un des résidus importants de la féculerie, est
presque toujours employée directement pour la nourriture
des bestiaux. Quand t'usine ne se trouve pas dans le voi-
sinage d'une grande ville ou d'une exploitation agricole, il
est utile de conserver ce résidu qui ne peut être consommé
à mesure de sa production. Un des meilleurs moyens sera
assurément la dessiccation ; ce procédé, généralement trop
coûteux pour s'appliquer à un produit d'une valeur aussi
minime, est cependant employé parfois après une expression
sur une toile sans fin, passant entre deux cylindres et qui
élimine environ 50 % d'eau. La pulpe desséchée et broyée
forme un excellent fleurage pour les boulangeries, donnant
à la croûte inférieure des pains le goût et l'odeur agréable
des pommes de terre légèrement torréfiées. On parvient à
retarder suffisamment les altérations de la pulpe en la tas-
sant fortement dans des silos en maçonnerie, sortes de
citernes cylindriques ou rectangulaires et la recouvrant
d'un peu de paille, puis de terre bien foulée. Les petites
quantités d'alcool et d'acides acétique et lactique qui s'y
développent ne nuisent en rien à ses qualités alimentaires
pour les bestiaux. On doit d'ailleurs ajouter dans les ra-
tions des aliments moins aqueux et plus riches en matières
azotées, grasses et salines. La pulpe humide, mais égouttée,
forme environ les 65 % du poids des tubercules ; elle ren-
ferme 12 de matière sèche contenant 7 de fécule. En
râpant les pulpes fermentées, on peut obtenir une nouvelle
qualité de fécule dite fécule repassée. Suivant M. Bloch,
dans les contrées où Feau est légèrement alcaline, le tra-
vail de repassage est impossible ; la fermentation devient
butyrique et répand alors une odeur désagréable pour les
voisins. Les eaux qui proviennent de la pomme de terre
servent à irriguer les prairies ; elles sont très fertilisantes.
Elles contiennent une certaine quantité d'azote, de phos-
phore et de potasse ; à défaut de prairies, il faut diriger
ces eaux dans de grandes citernes pour les laisser déposer
avant de les faire écouler à la rivière, et les saturer si elles
sont acides, sous peine de contraventions. L'écoulement
de ces eaux doit donc entrer en ligne de compte dans le
choix de l'emplacement d'une féculerie. Les réservoirs sont
vidés chaque année ; au fond on trouve un dépôt de ma-
tières organiques et terreuses qui, séché à l'air et employé
comme engrais, est désigné sous le nom de poudrette végé-
tale. Outre la fécule de pommes de terre, on trouve dans
le commerce plusieurs autres fécules alimentaires, dont
nous rappellerons seulement les noms, renvoyant pour
leur description aux articles spéciaux qui leur sont consa-
crés. La fécule d'arrow-root est fournie par la Maranta
arundinacea; celle du sagou est préparée avec la moelle
du Sagus farinifera ; celle du salep provient des tubercules
de diverses orchidées exotiques, et celle du manioc est
obtenue avec les racines du Jatropha manihot. L. Knab.
FÉCULOMÈTRE (Techn.). La valeur commerciale des
pommes de terre destinées à la féculerie, à la distillerie, à
l'alimentation du bétail, dépend de leur richesse en fécule,
et c'est, par conséquent, d'après cette richesse que leur prix
devrait être fixé. Plusieurs moyens sont employés pour re-
connaître la qualité de la pomme de terre : 1° le râpage à
la râpe de cuisine et la pesée de la fécule étuvée ; 2° la den-
sité ; 3° le solanomètre. Le premier de ces moyens est trop
primitif pour mériter la discussion ; le râpage est grossier,
la dessiccation est variable et ne peut indiquer le degré de
la fécule obtenue. Cette méthode peut donner des résultats
approximatifs de 5 à 10 °/0 près; il faut donc la rejeter.
Le poids spécifique des tubercules est en raison directe de
leur teneur en fécule ; on peut déterminer ce poids au
moyen de deux méthodes : la méthode indirecte et la mé-
thode directe. La méthode indirecte consiste à prendre le
poids spécifique d'un liquide rendu égal à celui du corps
solide. On se sert d'une solution saturée de sel marin, dont
on met environ 2 litres dans un vase d'une capacité de 5 à
6 litres. On fait un échantillon moyen de 21 à 30 tuber-
cules et, une fois ceux-ci dans l'eau salée, on verse de Feau
pure en agitant jusqu'à ce que la moitié des pommes de
terre flotte quand le reste tombe au fond. On prend alors
la densité du liquide avec un aréomètre ordinaire, ou celui
spécial de Krocker, puis on consulte les tables (V. Fécule),
qui donnent immédiatement la richesse en matière sèche et
en fécule. Les méthodes indirectes sont basées sur l'emploi
de la formule d = - dans laquelle p est le poids des tuber-
cules et v celui de Feau déplacée. Les pommes de terre sont
essuyées après nettoyage et mouillées pour éviter l'adhé-
rence de bulles d'air. On se sert soit de l'appareil de Stoh-
mann ou de Schertler, soit de balances hydrostatiques. Dans
le premier procédé, on emploie un vase gradué en verre
contenant un volume donné d'eau ; on y met un poids quel-
conque de pommes de terre et Ton remplit d'eau jusqu'à
un niveau marqué. La différence entre le poids de l'eau
nécessaire pour atteindre la graduation et celui ajouté quand
les tubercules étaient dans le vase donne le résultat cherché.
Dans la pratique, on se sert de balances à panier dites
balances de Hurtzig (peson), de Sehwarze (romaine) ou de
Reimann. MM. Aimé Girard et Fleurent ont pensé qu'il
serait possible d'adopter des dispositions simples et d'établir
pour la mesure de la densité d'un lot de pommes de terre un
appareil d'un prix modeste et cependant d'une exactitude suf-
fisante. Le féculomètre comprend principalement un seau en
fer-blanc de 5 litres environ de capacité, portant à la partie
supérieure une hausse évasée, et à l'intérieur duquel peut
être logé un panier métallique mobile et d'une légèreté aussi
grande que possible. C'est dans ce seau que les pommes
de terre, préalablement placées dans le panier, sont descen-
dues, et c'est par la mesure du volume d'eau que les tuber-
cules déplacent alors que doit avoir lieu l'appréciation de
la densité. Pour éviter les erreurs qu'apporterait nécessai-
rement à la mesure de ce volume la grande surface de
liquide contenu dans le seau, MM. Aimé Girard et Fleurent
ont disposé latéralement un tube de verre de 8 millim. de
diamètre intérieur destiné à rendre l'observation plus pré-
cise ; ce tube porte un trait d'affleurement placé un peu
au-dessus de l'orifice du robinet par lequel a lieu l'écoule-
ment de l'eau. Dans le même but, ils ont donné à ce robinet
une longueur très faible en même temps qu'un bec hori-
zontal pour atténuer les effets de la capillarité. Enfin, pour
mesurer la quantité d'eau écoulée, ils emploient un ballon
jaugé dont le col porte une graduation correspondant à des
richesses comprises entre 12 et 25 °/0 de fécule et d'autant
plus grandes que la quantité d'eau évaluée est moins abon-
dante.
La méthode parle solanom être, imaginée par MM. Bloch,
donne des résultats satisfaisants. Cette méthode est basée
sur l'extraction absolue de la fécule dosée à l'état humide
et à son maximum d'hydratation. L'instrument a deux gra-
duations : l'une indique combien 100 kilogr. de pommes de
terre donnent de fécule à 82°, l'autre combien de pommes
de terre donnent de fécule à 75°. Il consiste en un vase en
fer ou en verre, de la forme d'une allonge, terminé par un
tube gradué ; le degré indiqué par le dépôt de fécule indique
directement la richesse de la pomme de terre. Pour faire
un essai, on passe un petit emporte-pièce au travers de la
pomme de terre, on prend 10 gr. du cylindre obtenu
que l'on use sur une petite meule dont l'auge est remplie
d'eau jusqu'au tiers ; les parties échappées à la meule sont
broyées dans un mortier et le tout est jeté sur un tamis en
soie posé sur un vase à robinet. On lave à grande eau et,
pour isoler la fécule, on fait passer le liquide tout douce-
ment sur un plan incliné de 2m30 de long sur 0m06 de
large. On incline ensuite le plan incliné et l'on chasse la
fécule par un courant d'eau dans le solanomètre. Après un
repos suffisant, on lit le nombre de divisions qui donne la
richesse pour 100 kilogr. de pommes de terre.
Les féculomètres ont aussi pour but d'apprécier prompte-
ment la quantité de fécule et celle de l'eau que contient
une fécule verte et sèche du commerce. Différents procédés
peuvent permettre d'obtenir ce résultat. MM. Bloch ont
imaginé un petit instrument basé sur la propriété que pos-
sède la fécule sèche de former un hydrate défini à volume
constant, bien qu'il soit dans une grande quantité d'eau. Ce
féculomètre est constitué par un tube de 35 centim. de lon-
gueur, dont la moitié est divisée en 100 parties ; il est
fermé par un bouchon à l'émeri. Pour faire un essai,
on pèse 10 gr. de fécule, soit sèche, soit verte; on les
introduit dans le tube ; on agite avec de l'eau après avoir
remis le bouchon. On abandonne au repos jusqu'à ce que
la fécule ne se meuve plus en renversant le tube. Une fécule
de bonne qualité se dépose au bout d'une heure, tandis
qu'une mauvaise fécule exige six heures. Après le repos
complet^ on lit le nombre des divisions occupées par la
fécule. Cette lecture donne le titre de la fécule en cen-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 113 — FÉCULOMÈTRE — FEDER
tièmes, c.-à-d. que, si le chiffre 75 est indiqué, les 100 kilogr.
de fécule contiennent 75 kilogr. de fécule réelle et 25 kilogr.
d'eau. Une fécule sèche du commerce doit, si elle est de
bonne qualité, marquer 75 °/0 au minimum et 82 °/0 au
maximum. L. K.
FEDCHENKO (Alexis), savant naturaliste et voyageur
russe, né à Irkoutsk en 1844, mort sur le mont Blanc le
15 sept. 1873. Il s'établit de bonne heure à Moscou et
s'adonna à l'étude des sciences naturelles. Jeune encore,
il effectua plusieurs voyages en Asie, notamment dans le
khanat de Khokand qu'il explora durant les années 1869
à 1871. On lui doit de nombreuses études d'histoire natu-
relle sur diverses régions de l'Asie centrale, publiées dans
des recueils russes, allemands et français. Son grand ou-
vrage, Voyage au Turkestan, qui devait comprendre une
dizaine de volumes in-4, est resté inachevé. En 1873, il
voulut faire une ascension au mont Blanc afin d'étudier de
près la flore alpestre et la comparer à celle de l'Asie cen-
trale. Abandonné par ses guides au milieu de la montée,
il fut retrouvé quelques jours après, mort de froid.
FED DAN. Mesure agraire égyptienne ; elle vaut 400 kas-
sabehs carrés, soit environ 59 ares 29 centiares. Le
feddan qui sert de base à l'impôt ne mesure que 44 ares
59 centiares.
FEDDERSEN, née Çollett (Ditlevine), poétesse norvé-
gienne, née à Christiania le 19 juil. 1722, morte à Copen-
hague le 18 nov. 1803. Mariée à Nie. Feddersen (1699-
1769), magistrat fort lettré, elle écrivit, en partie sous
le pseudonyme de Dori?ide, un grand nombre de poésies
et traduisit l'Ecossaise de Voltaire et Pamela de Goldoni.
FÊDÉ. Pays du Soudan central, qui n'est qu'une longue
dépression ou vallée dirigée du S.-E. au N., de la pointe
S.-E. du lac Tchad auBodelé. Elle a peut-être servi, à une
époque relativement récente, de déversoir au lac Tchad. Les
Arabes l'appellent le Bahr el-Ghazal. Le Fêdé a une lon-
gueur d'environ 550 kil. ; il présente une ligne continue de
végétation forestière. La différence de niveau entre les deux
pointes extrêmes, suivant Nachtigall, n'atteindrait pas
50 m. Partout on trouve l'eau à une faible profondeur et
les indigènes ne font pas remonter le dessèchement du
fleuve dont le Fêdé fut le lit à plus de quatre ou cinq géné-
rations. Les pâturages du Fêdé sont l'objet des disputes les
plus vives entre les peuplades pastorales du Kanem, de
l'Egaï et du Bodelé.
FEDE (Annunzio ou Monzio), peintre italien de l'école
milanaise de la fin du xvie siècle, né à Trente. Il exerçait
son art à Milan en 1593, et se distingua surtout comme
miniaturiste. — Sa fille, Galizia, née à Trente ou à Milan,
eut son père pour premier maître et inspirateur, puis
se rapprocha de la manière des peintres de l'école bolo-
naise antérieure aux Carrache ; il y a d'elle, dans les églises
et les galeries de Milan, plusieurs tableaux d'une exécu-
tion très soignée.
FÉDÉGOSSE (Racine de) (V. Casse).
FEDELE (Cassandra) (V. Mapelli).
FEDELI (Francesco), architecte italien du xve siècle. Né
à Corne, Fedeli fut appelé vers 1479 à Sienne et y fit éle-
ver, sur ses dessins, après 1482, la petite église de Fonte
Giusta consacrée en souvenir d'une victoire des Siennois
sur les Florentins. Cet édifice, adossé au mur d'enceinte,
au N. et non loin de la promenade de la Lissa, conserve
des ex-voto de Christophe Colomb. Ch. L.
FEDER (Lac). Petit lac du Wurttemberg, cercle du Da-
nube, au N. de Buchau; 256 hect., à 575 m. d'alt. C'est
le résidu d'un lac très vaste qui couvrait une grande partie
des plaines voisines, encore marécageuses ; il avait encore
1,100 hect. au début du siècle.
FEDER (Johann-Georg-Heinrich), philosophe allemand,
né à Schornweisach, près de Bayreuth, le 15 mai 1740,
mort à Hanovre le 22 mai 1821. Il fit ses études au gym-
nase de Neustadt, puis à l'université d'Erlangen. Pré-
cepteur des enfants du baron de Wôllwarth, il se mit à
8
FEDER — FEDERALISME
— 114
étudier les théories toutes récentes de Rousseau sur l'édu-
cation, et c'est sous l'influence de ce philosophe qu'il
écrivit sa dissertation inaugurale, Homo natura non férus
(Erlangen, 4764), et l'un de ses premiers ouvrages, Der
neue Emit oder von der Erziehung nach bewâhrten
Grundsdlzen (id., 1768-71). Il devint, en 1765, pro-
fesseur de grec et d'hébreu au gymnase de Cobourg,puis,
en 1768, professeur de philosophie à l'université de Gœt-
tingue. Son enseignement, dans lequel il simplifiait la phi-
losophie de Wolff et donnait aux questions métaphysiques
des solutions d'ordre pratique, eut un très vif succès,
ainsi que les ouvrages qu'il publia à cette époque : Grun-
driss der philos. Wissenschaften (Cobourg, 1767-69);
Lehrbuch der Logik und i¥^toj?%5^(Go3ttingue,1799;
8e éd., 1794), rédigé ensuite en latin sous le titre à'Ins-
titutiones Logicœ et Metaphysicœ {id., 1777; 4e éd.,
1797); Lehrbuch der praktischen Philos, (id., 1770 ;
4e éd., 1776). Ces ouvrages servirent longtemps de ma-
nuels classiques de philosophie dans toute l'Allemagne.
Les Untersuchungen ûb. den menschl. Willen (id.,
1779-93, 4 vol.) et les Grundlehren zur Kenntniss des
menschl. Willens und der natûrl. Gesetze des Piechts-
verhaltens (1783) ont plus de valeur. L'attitude que prit
Feder à l'égard de la philosophie kantienne fut malheu-
reuse. Il ne comprit rien à la signification véritable de la
philosophie critique et prit part à la recension de la
Critique de la Raison pure, publiée par Garve dans les
Gôttihg. gelehrt. Anzeigen (1782); il tenta le premier
d'établir un parallèle entre l'idéalisme kantien et l'idéa-
lisme berkeleyien contre lequel Kant protesta vivement
dans les Prolégomènes (1783). Feder défendit sa thèse
dans son ouvrage : Ueb. Piaum und Causalitât, zur
Prûfung derkantisch. Philos. (Gœttingue, 1787) et s'unit
avec Meiners pour publier contre Kant la Philosophische
Bibliothek (1778,4 vol.). Il publia encore Ueb. das moral.
Gefûhl (1792) ; Ueb. die allgemeinsten Grundsâtze der
praktisch. Philos. (1793); Grundsâtze der Log. und
Metaph. Mais sa popularité avait baissé. Il fut nommé, en
1797, directeur du gymnase du Hanovre, auquel il se con-
sacra très activement jusqu'au jour (1811) où il renonça à
ces fonctions pour vivre dans la retraite. Th. Ruyssen.
Bibjl.; Feder's Leben, Natur und Grundsâtze, autobio-
graphie publiée par le fils de Feder; Darmstadt, 1825. —
Putter, Gelehrtengescliichte von Gôttingen, II, pp. 165
et suiv.
FEDER (Johann-Michael), théologien catholique, né à
Oellingen (Franconie) le 25 mai 1764, mort à Wurzbourg
le 6 juil. 1824. Il traduisit en allemand des fragments
patristiques, dirigea une revue savante de 1788 à 1792
et une revue scolaire de 1791 et 1797 et découvrit, en
1806, dans un palimpseste de Wurzbourg, où il était pro-
fesseur et bibliothécaire de l'université (depuis 1805),
des fragments du Pentateuque et des Prophètes dans une
version de la Bible latine antérieure à celle de Jérôme.
E. Ranke les a éditées depuis dans Par palimpsestorum
Wirceburg. (Vienne, 1871, in-4).
FÉDÉRALISM E. I. L'Etat fédératif est une forme d'Etat
composé (par opposition à l'Etat simple, unitaire), qu'il
importe de soigneusement distinguer des autres formes
voisines. La Suisse est un Etat fédéral; l'Autriche-Hon-
grie offre un autre type d'Etat composé; la Cisleithanie,
considérée à part, est un autre type encore.
La confédération d'Etats est une association entre Etats
souverains ; elle repose sur une base contractuelle ; elle a
pour origine un vinculum juris. Tout amendement au
pacte initial doit être, pour être valable, adopté par
l'unanimité des contractants souverains ; s'il ne se ren-
contre qu'une majorité pour l'adopter, la minorité a le
droit de se retirer de l'association (droit de sécession) . —
Les Etats-Unis d'Amérique, qui sont aujourd'hui un Etat
fédératif, étaient une confédération avant la mise en
vigueur de la constitution du 17 sept. 1787.
L'Etat fédératif est un Etat souverain, composé d'Etats-
membres, dépourvus du droit de sécession, qui : 1° coo-
pèrent, dans une mesure et suivant des procédés variables,
à la formation de la volonté fédérale, et 2U jouissent d'une
certaine autonomie législative. — La Cisleithanie n'est pas
un Etat fédératif, car, bien que les diverses provinces delà
monarchie autrichienne jouissent d'une certaine autonomie
législative, elles ne coopèrent pas, en tant qu'individualités
distinctes, à la formation de la volonté de l'Etat cisleithan.
Le second critérium, à lui seul, ne suffirait pas; l'absence
du premier exclut du nombre des Etats fédératifs, non
seulement la Cisleithanie, mais l'union islando-danoise,
l'union finlando-russe, etc.
Nous excluerons encore de la liste des Etats fédératifs
le Dominion du Canada, bien qu'il satisfasse aux deux cri-
tériums précités. De par le British America Act, en effet
(30 et 31 Vict., c. 3 ; 29 mars 1867), le Dominion se
compose de six provinces qui : 1° jouissent d'une large
autonomie législative, et 2° participent à l'exercice du
pouvoir suprême (cf. Bourinot, Fédéral Government
in Canada, 1891). Mais, si le Dominion aune organisa-
tion fédérale, il n'a pas Y indépendance, troisième condi-
tion essentielle de l'Etat fédéral. Ses autorités fédérales
n'agissent en effet que sous réserve de l'agrément de la
reine d'Angleterre. — Les Grisons avant 1854, le Valais
avant 1844, avaient aussi une organisation fédérale, sans
souveraineté.
Les Etats fédératifs qui existent présentement sont : la
Confédération suisse, l'empire allemand, les Etats-Unis de
l'Amérique du Nord, ceux du Mexique, ceux du Brésil,
ceux de Venezuela, la République Argentine.
La Confédération suisse est régie par la constitution du
29 mai 1874, dont voici l'art. 3 : « Les cantons sont
souverains, autant que leur souveraineté n'est pas limitée
par la constitution fédérale ; et, comme tels, ils exercent
tous les droits qui n'ont pas été transférés au pouvoir
fédéral. » — D'autre part, ces cantons, qui jouissent, dans
de certaines limites, de l'autonomie législative, concourent
à l'exercice du pouvoir fédérai suprême : 1° par la
faculté de provoquer le référendum populaire en matière
législative ordinaire ; 2° par la nomination de députés au
conseil des Etats, deux par canton ; 3° par le vote sur les
revisions constitutionnelles.
L'empire allemand est un Etat fédéral établi par la
constitution du 16 avr. 1871. Vingt-cinq Gliedstaaten,
autonomes, sont représentés au conseil fédéral qui est
l'organe suprême de l'empire, et dont le titulaire de la
couronne de Prusse est le président perpétuel.
Aux Etats-Unis (constitution du 17 sept. 1787), les
Etats-membres, dont le champ d'activité législative est
considérable, concourent comme organes fédéraux à l'exer-
cice du pouvoir suprême : 1° en nommant les sénateurs
(2 par Etat); 2° ils ont le droit de demander la revision
constitutionnelle. Comme en Allemagne et en Suisse, l'or-
gane suprême de l'Etat collectif est le peuple, qui nomme
ici non seulement la Chambre des représentants, mais
encore le président de la République.
Les Etats-Unis du Mexique présentent cette particula-
rité curieuse d'un Etat primitivement unitaire qui s'est
transformé en Etat fédératif. La constitution unitaire de
1822 a été remplacée au Mexique par une constitution fé-
dérative, le 4 févr. 1857, copiée sur celle des Etats-Unis
de l'Amérique du Nord.
La constitution fédérale du 27 mai 1874 a fondé au Ve-
nezuela un Etat souverain, composé de treize Etats fédérés.
« Les Etats participent à la création de la volonté natio-
nale en envoyant chacun deux délégués au Sénat. En outre,
la constitution fédérale ne peut être revisée par les Cham-
bres qu'à la demande des deux tiers des Etats et seulement
sur les points indiqués par eux. Chaque Etat a un prési-
dent, un Sénat, une Chambre des députés et exerce toutes
les attributions non réservées au pouvoir central. »
La constitution de la République Argentine, qui date de
1853, est calquée sur celle des Etats-Unis de l'Amérique
du Nord.
— 415 —
FÉDÉRALISME
La constitution des Etats-Unis du Brésil est en voie de
formation.
II. La théorie de l'Etat fédératif n'a été que de nos
jours l'objet d'études scientifiques. E.-A. Freemana entre-
pris d'écrire l'histoire de la « période fédérale de l'histoire
grecque » (History of fédéral g overnment, from thefoun-
dation of the Achaian league to the disruption of the
United States; Londres et Cambridge, 1863, 1. 1, in-8);
mais les amphictyonies et les ligues de l'antiquité n'ont
point amené la création d'un droit fédéral régulier. Les
plus anciens monuments de la littérature juridique sur cette
question ne remontent pas au delà du xvne siècle; ils
furent naturellement élevés par des jurisconsultes suisses, .
allemands, hollandais, pour lesquels le problème de la sou-
veraineté fédérale offrait un intérêt pratique. L. Hugo et
J.-E. Putter soutinrent la thèse de la souveraineté de l'Em-
pire sur ses membres ; Puffendorf, celle de l'indépendance
des Etats allemands, dont la paix de Westphalie avait pro-
clamé la souveraineté. Ces travaux ne sont plus, du reste,
consultés aujourd'hui que par les historiens. Le bibliogra-
phie relative à la question des rapports entre l'Etat fédé-
ratif et ses membres, qui est immense, est presque tout
entière moderne ; l'existence de trois grands Etats fédéraux
(Suisse, Allemagne, Etats-Unis), l'existence de tendances
plus ou moins vagues à l'organisation fédéraliste en France
et en Angleterre (dont il sera question plus loin), en expli-
quent suffisamment l'abondance.
Les principaux systèmes ont été mis en avant au cours
du xixe siècle, par de Tocqueville, Calhoun, Laband, Jelli-
nek, Gierke et E. Borel.
Tocqueville, commentant la constitution américaine de
1787, remarque que l'Etat fédéral américain s'appuie
directement sur l'ensemble de tous les citoyens de l'Union.
« Il a son administration, ses tribunaux, son armée,
comme un Etat simple. » Mais, à la différence de ce qui se
passe dans les Etats unitaires, « l'Etat fédéral, dit Toc-
queville, n'agit que dans un cercle restreint »; il repose
sur le principe du fractionnement de la souveraineté. « Les
Etats, dans la sphère qui leur est réservée, restent souve-
rains et indépendants. » La compétence de l'Etat fédéral
est l'exception ; celle des Etats particuliers est et doit être
la règle. Cette doctrine a été adoptée, généralisée et popu-
larisée par le jurisconsulte allemand Waitz : « L'Etat fé-
dératif est la forme politique dans laquelle une partie des
buts de l'Etat est en commun, tandis que l'autre appar-
tient séparément aux Etats confédérés en leur qualité
d'Etats indépendants. Ce système implique une double or-
ganisation du peuple, tantôt en un tout, tantôt en parties
indépendantes. » — Elle est apparue vers 1850, cette doc-
trine de la souveraineté partagée, comme un moyen de
conciliation entre les idées fédéralistes et les tendances
unitaristes, notamment en Suisse ; de là son immense suc-
cès ; elle a été adoptée par la grande majorité des auteurs
suisses.
John Calhoun a été le théoricien de la sécession des
Etats du Sud de l'Union américaine. Les Etats fédératifs,
selon Calhoun, ont été créés par des contrats conclus entre
plusieurs Etats ; ceux-ci ont donc conservé le droit de sé-
cession en cas de modification du contrat; les pouvoirs fé-
déraux ne sont que les représentants des Etats particu-
liers ; ce ne sont pas les organes d'une nation. — Mais
nous avons distingué plus haut l'Etat fédératif de la confé-
dération d'Etats ; cette distinction dispense de réfuter plus
longuement les idées de Calhoun, auxquelles l'issue de la
guerre de la Sécession a infligé du reste un si sanglant
démenti.
Laband, Jellinek, Gierke et E. Borel sont des juristes
de profession ; ils se sont livrés à de subtiles considéra-
tions logiques sur la nature des rapports qui existent entre
l'Etat collectif fédéral et ses Etats-membres. Ils admettent,
comme point de départ commun, un postulat sur l'idée
de souveraineté, que le plus radical d'entre eux formule
en ces termes : « La souveraineté est par essence une,
indivisible, exclusive, absolue. » Ils professent tous en
conséquence que la souveraineté, attribut de l'Etat fédé-
ratif central, celui-ci ne saurait la partager avec ses
membres ; ils estiment que « la doctrine qui fonde l'Etat
fédératif sur le partage de la souveraineté est une contra-
diction avec les lois de la logique». «Dans l'Etat composé,
ainsi que clans toutes les formations que peut adopter une
association d'Etats, il n'y a pas d'autre alternative que
celle-ci : ou bien la souveraineté appartient en entier aux
membres, et alors la collectivité n'est pas souveraine, ou
bien elle appartient en entier à l'ensemble, et alors les
membres ne sont pas souverains. » (E. Borel.) — Laband,
Jellinek et Gierke affirment donc la souveraineté de l'Etat
fédératif central et s'accordent, contre Tocqueville (et
contre les textes positifs des constitutions), à nier celle de
ses membres. Mais il y a d'ailleurs entre leurs doctrines
des différences notables. Ils ont inventé chacun des artifices
juridiques différents pour concilier leur idée théorique de
la ^ souveraineté indivisible avec les constitutions réelles
qui sanctionnent, en fait, le partage entre l'Etat collectif
et ses Etats-membres de la souveraineté législative.
Laband avance que « la notion juridique de l'Etat
fédératif, telle qu'elle est réalisée par la constitution de
l'empire allemand », c'est que cet Etat est une république
d'Etats qui exercent collectivement la souveraineté fédérale.
L'empire allemand est une république de vingt-cinq Etats ;
ce n'est pas un empire de quarante millions de sujets. « La
fondation de l'empire a été plutôt l'érection d'un pouvoir
public au-dessus des Etats ; ces derniers sont les membres
de l'empire et forment la base de sa personnalité juri-
dique. » Ainsi, il n'existe, selon Laband, aucun lien direct
entre le peuple et l'Etat collectif ; l'empire allemand ne
s'appuie pas sur le sol allemand ; c'est comme une coupole
posée sur vingt-cinq Etats, qui les abrite et les relie. Cette
théorie ne s'applique qu'à la seule constitution allemande,
car si, en Allemagne, la souveraineté fédérale est bien
réellement exercée par la collectivité des Etats confédérés,
en Suisse, en Amérique, c'est l'ensemble des citoyens de
tous les Etats réunis qui forme le suprême pouvoir fédé-
ral. La médiatisation du citoyen de l'Etat fédératif, pré-
conisée par Laband, a été rejetée par l'unanimité des
auteurs non allemands.
L'Autrichien Jellinek, auquel on doit d'excellentes consi-
dérations sur la genèse de l'Etat fédératif, admet l'existence
d'un lien direct entre le peuple et le pouvoir central et la
souveraineté exclusive de l'Etat collectif. Mais il enseigne
que les membres de l'Etat fédératif sont véritablement
des Etats, quoique non souverains, parce qu'ils tiennent des
constitutions fédérales elles-mêmes le caractère de pouvoirs
publics indépendants. « L'Etat fédératif, dit-il en résumé,
est un Etat dans lequel le pouvoir public souverain établit,
de par la constitution, un partage de ses fonctions entre
lui et les Etats particuliers. Le pouvoir souverain s'en
réserve une quantité déterminée et remet les autres à ses
membres en les laissant libres de fixer les lois relatives à
ces fonctions et le mode de les exécuter. Cette liberté n'est
soumise à aucun contrôle de la part de l'Etat central qui
l'a accordée, pourvu que les limites constitutionnelles
soient respectées, et c'est cette exonération qui donne aux
fonctions attribuées par la constitution fédérale aux Etats
particuliers la qualité des pouvoirs publics indépendants. »
Gierke s'est proposé de même de découvrir un biais
pour conserver aux membres de l'Etat fédératif la qualité
juridique d'Etats. « Nous ne pouvons pas abandonner,
dit-il, la notion généralement admise que les membres des
Etats fédératifs sont eux-mêmes des Etats. Il nous faut
donc absolument trouver quelque chose qui les distingue
toto génère des communes et autres" collectivités infé-
rieures du droit public. » Ce quelque chose que Gierke,
préoccupé de garder aux Etats de l'empire allemand leur
dignité traditionnelle d'Etats, cherche à trouver absolu-
ment, il le trouve dans une distinction subtile entre la
substance et Y exercice de la souveraineté. En substance,
FÉDÉRALISME
116 —
la souveraineté appartient exclusivement à la communauté
formée par l'Etat fédéral et ses membres ; l'exercice de la
souveraineté est partagé, au contraire, entre l'Etat collectif
et les Etats confédérés « qui ont ainsi un pouvoir public
propre qu'ils exercent d'une manière indépendante ».
D'ailleurs, « dans l'Etat fédératif, l'Etat central forme,
avec ses membres, une communauté qui détient le pouvoir
public suprême, et c'est cette participation à la substance
même (non seulement à l'exercice) de ce pouvoir qui, en
donnant aux Etats particuliers, aussi bien qu'à l'Etat col-
lectif, le caractère juridique d'Etats, distingue les premiers
toto génère des communes et explique les honneurs sou-
verains reconnus à leurs monarques (en Allemagne) par
le droit international ».
Quant à E. Borel, dont l'ouvrage {Etude sur la souve-
raineté et VEtat fédératif; Berne, 1886, in-8) est
utile en raison du résumé qu'il présente de la littérature
antérieure, sa doctrine, très cohérente, pousse à l'extrême
les conséquences de l'indivisibilité théorique du droit de
souveraineté. La souveraineté, dit-il, est indivisible, et la
notion de souveraineté est essentielle à la notion de l'Etat.
Il n'y a donc pas d'Etats non souverains. Les Etats-
membres de l'Etat fédératif « ne sont plus des Etats dans
le sens juridique du mot ». Mais quoi ! dira-t-on, s'il en
est ainsi, quelle différence entre les Etats non souverains
de l'Etat fédératif et les provinces, les communes de l'Etat
unitaire ? Quelle différence entre l'Etat fédératif comme
l'Allemagne, et l'Etat unitaire comme l'Italie, produits tous
deux par de grands mouvements nationaux? Certains
juristes (J. de Held, par exemple) refusent en effet à l'Etat
fédératif une place à part dans leurs classifications, entre
l'Etat unitaire et la confédération d'Etats. Tel n'est pas,
cependant, l'avis de Borel. Suivant cet auteur, la distinction
entre l'Etat unitaire et l'Etat fédératif, difficile en théorie,
est manifeste historiquement. Dans les Etats unitaires, c'est
par une concession gracieuse de l'Etat que les collectivités
inférieures jouissent aujourd'hui des bienfaits du self
government. Dans les Etats fédératifs, tels que la Suisse,
« l'Etat n'a pas eu besoin de se créer un nouveau
système de collectivités inférieures, parce qu'il en a trouvé
qui, non seulement, étaient tout organisées, mais encore
qui étaient établies sur une vieille tradition historique
et reposaient sur l'affection de leurs ressortissants ». De plus,
l'unité suisse, l'unité américaine se sont faites jadis, avec
la coopération directe, effective, des Etats ou cantons con-
fédérés ; l'unité italienne, l'unité française ont été opérées
par un Etat qui s'en est annexé d'autres, en dépit des ré-
sistances de leurs gouvernements. Disons donc que, dans
l'Etat fédératif, « les Etats ayant servi comme organes de
la nation lors de la création du nouvel Etat, on leur a
conservé cette qualité d'organes de la nation, en leur attri-
buant une certaine participation à l'exercice du pouvoir
public suprême », participation refusée aux collectivités
inférieures de l'Etat unitaire. Cette coopération des Etats
confédérés à la volonté fédérale peut être plus ou moins
large, mais tous doivent y participer à un degré quelconque.
Cesse-t-elle ? l'Etat fédératif se transforme ipso facto en
Etat unitaire. Contrairement à l'opinion émise par Laband,
si l'Etat fédératif dépouille un des Etats fédérés de compé-
tences qu'il laisse aux autres, il ne commet là qu'une injus-
tice matérielle ; il n'est pas en dehors des limites de son
droit strict ; mais « s'il enlève à un de ses membres la
participation à la volonté souveraine, il prive par là tous
les autres également de leur qualité de collectivités pu-
bliques coopérant comme telles à cette formation ; il change
de nature et passe à l'Etat unitaire ».
Sans nous attarder à discuter en détail celte doctrine,
ingénieuse in abstracto, mais qui se heurte, en pratique,
à des textes positifs, contentons-nous d'observer en quoi
elle diffère essentiellement de celle qui a été énoncée dans
le § 1 ci-dessus. « L'Etat fédératif, conclut Borel, est un
Etat dans lequel une certaine participation à la formation
de la volonté publique suprême est accordée à des collec-
tivités publiques inférieures, quelle que soit, du reste, la
mesure de leur coopération. Ainsi sont distinguées ces
collectivités des simples communes ou divisions adminis-
tratives de l'Etat unitaire. » C'est là le premier terme du
critérium adopté plus haut, et, jusque-là, tout va bien.
Mais le second terme du critérium (autonomie législative)
est rejeté par l'auteur suisse. « L'Etat fédératif, dit-il,
cesse d'exister comme tel et devient Etat unitaire le jour
où sa participation à la formation de la volonté publique
suprême est supprimée. » Il faudrait ajouter « si l'autono-
mie législative des collectivités publiques inférieures est sup-
primée aussi », car cette autonomie, consacrée par le texte
des constitutions et par le long usage, est aussi une des
caractéristiques primordiales de l'Etat fédératif.
Quels sont donc les symptômes qui accuseront l'évolution
de l'Etat fédératif vers l'Etat unitaire? — Suivant la
majorité des auteurs, suivant le sens commun, le plus
frappant symptôme d'une telle évolution serait la tendance
de l'Etat fédératif à unifier la législation civile, à multiplier
les organismes centralisés d'ordre administratif ou judi-
ciaire, à restreindre, par des revisions constitutionnelles,
l'autonomie législative des Etats-membres. Tel n'est pas,
on le devine, l'avis de Borel ; son critérium incomplet,
étroit et formaliste, le mène à considérer de pareilles ten-
dances comme sans danger : « Ce n'est pas, dit-il, dans
l'étendue des compétences particulières, dans le degré de
centralisation ou de décentralisation qu'il faut chercher la
différence entre l'Etat fédératif et l'Etat simple » ; tant
que l'extension des compétences laisse intact le grand
principe de la coopération des Etats-membres à la création
de la volonté nationale, rien n'est compromis ; « mais le
jour où la Confédération suisse, par exemple, enlèverait à
ses membres et leur représentation au conseil des Etats et
leur droit de vote en matière de revision constitutionnelle,
ce jour-là elle serait un Etat unitaire ».
On s'explique très bien que la doctrine ci-dessus résumée
trouve quelques partisans en Suisse. Elle donne, en effet,
un point d'appui juridique d'apparence solide à ceux qui
souhaitent l'extension de la compétence législative de l'Etat
collectif aux dépens des autonomies locales, extension qui,
d'ailleurs, a été, en fait, bienfaisante en ces derniers temps.
Elle est dirigée contre les défenseurs obstinés et trop sou-
vent aveugles, de l'indépendance traditionnelle des Etats-
membres, contre les gens dont on a pu dire : « Ils se figurent
en toute candeur que chaque acte de la Confédération
est un empiétement sur le domaine des Etats qui la com-
posent, une violation de leurs droits, une menace adressée
à leur existence, et que toute la politique doit consister à
défendre les cantons contre cet ennemi qui cherche à les
engloutir. Aussi, voyons-nous, dans chaque application
du référendum populaire, des citoyens rejeter la loi fédé-
rale qui leur est soumise, non parce qu'ils la trouvent
mauvaise en elle-même, mais parce qu'ils envisagent qu'il
faut sauver à tout prix la souveraineté cantonale et l'exis-
tence des cantons. »
Il n'est pas dans notre sujet d'examiner les tendances à
la centralisation qui se sont manifestées ou qui se mani-
festent dans les Etats fédéraux. Remarquons seulement que
le temps est encore très éloigné où l'autonomie législative
des Etats-membres sera réduite, dans les Etats fédéraux
actuels, à des proportions insignifiantes.
III. On a cité plus haut l'exemple du Mexique et du
Brésil, Etats qui, de la forme unitaire, ont passé à la forme
fédérative. Ces exemples sont isolés. Mais pareille évolution
a failli se produire, en France, pendant la Révolution. Depuis
la réunion de la Convention jusqu'au 31 mai, Paris et ses
départements furent constamment aux prises ; or, les mon-
tagnards parisiens ont flétri du nom de fédéralistes les
députés des départements qui, par crainte du joug de la capi-
tale, songeaient, s'il faut en croire leurs adversaires, à diviser
la France. Les Girondins se sont hautement défendus de tra-
vailler à la dissociation des provinces encore mal soudées
de la France monarchique ; « A-t-on, disait Barbaroux
117 —
FEDERALISME
a-t-on, dans la Convention nationale, soutenu quelque opi-
nion en faveur de la république fédérative? Les députés
de quelques départements ont-ils reçu mandat de voter
pour cette sorte de gouvernement ? Les tribunes des so-
ciétés populaires ont-elles retenti de cette erreur politique?
Enfin, a-t-on soutenu publiquement, ou même dans des
sociétés particulières, ce système de désorganisation ? Non,
rien de tout cela n'est arrivé. On criait aux portes de l'As-
semblée que nous voulions un gouvernement fédératif, et
la Convention nationale tout entière se levait pour décréter
l'unité de la République. » Mais le 31 mai 1793, c.-à-d.
le triomphe de Paris-capitale sur la Gironde provinciale,
provoqua des coalitions armées dans toutes les régions de
la France situées au S. du cours de la Seine, en Bretagne
particulièrement, cette « forteresse du fédéralisme ». « Le
lendemain du 31 mai, les départements opposants retrou-
vèrent sans peine leurs affinités de la veille. Ils se grou-
pèrent naturellement dans les limites des provinces dont
ils venaient à peine d'être détachés. » Ces mouvements fé-
déralistes dont M. Wallon (la Révolution du Si mai et
le Fédéralisme en 179 S; Paris, 1886, 2 vol. in-8) a ra-
conté l'histoire furent bientôt écrasés par la Montagne ;
et la France fut transmise par la République à l'Empire
plus « une » encore que la monarchie ne l'avait laissée.
Jamais, depuis lors, l'esprit fédéraliste ne s'est réveillé
chez nous, car le vague fédéralisme intercommunal pro-
posé par les hommes de la Commune de 1871 dans leur
Déclaration du 19 avr. (V. Commune, t. IX, p. 1144,
c. 1) ne saurait être pris au sérieux.
Le fédéralisme, qu'il ne faut pas confondre avec la
décentralisation, n'a guère de chances, pour des raisons
historiques, de s'acclimater jamais en France ; mais, dans
les pays anglo-saxons, ce mode d'organisation politique
semble promis à une grande fortune. On a déjà vu que
le Dominion du Canada serait dès maintenant un Etat
fédéral, comme les Etats-Unis, s'il possédait la souve-
raineté. Quand les colonies anglaises d'Australie, longtemps
isolées et faibles, ont senti le besoin de former une nation
forte, elles ont pensé à se fédérer, en vue d'une Austra-
lasian Fédération. Sir Henry Parkes, premier ministre
de New South Wales, fut, en mars 1890, le promoteur de
la réunion d'une convention fédérale australienne à Syd-
ney. Les débats de cette convention ont offert le plus vif
intérêt à ceux qui s'intéressent au droit fédéral. Sir Henry
Parkes recommandait le système américain des State
rights, c.-à-d. la rétention par les différentes colonies de
tous les droits qui ne seraient pas expressément conférés
au gouvernement fédéral. M. Munro, délégué de Victoria,
préférait au contraire le système canadien qui ne laisse aux
gouvernements provinciaux que les pouvoirs à eux limita-
tivement conférés par la constitution. Les difficultés étaient
nombreuses. La compétence en matière de douanes appar-
tiendait-elle à l'Etat fédératif comme le voulait sir H. Parkes ?
Les protectionnistes, plus riches, mais moins nombreux
que les provinces libre-échangistes, ne le voulaient pas, de
peur de voir leurs intérêts compromis par la majorité fédé-
rale. Comment serait composé le Sénat de la législature
fédérale : toutes les provinces seraient-elles représentées
également, ou d'une manière proportionnelle à leur popu-
lation ? Les colonies les moins peuplées et les plus pauvres
(Australie du Sud, Queensland, Nouvelle-Zélande) dési-
raient que le futur gouvernement fédéral endossât leurs
dettes particulières, et il était de l'intérêt manifeste de Vic-
toria et New South Wales de s'y opposer. — La Conven-
tion de Sydney s'est heurtée à trop de difficultés ; elle n'a
pas abouti ; mais la fédération australasienne est toujours
à l'ordre du jour et sera certainement réalisée un jour. —
V. sur cette question : E. Jenks , The Government of
Victoria (Australia) ; Londres, 1891, in-8 ; sir H. Parkes,
The Fédéral Government of Australasia; Sydney, 1890;
le même vient de faire paraître (1892) un ouvrage, en 2 vol. ,
sous ce titre : Fifty Years in the making of Australian
History.
L'Australie, le Canada, l'Afrique du Sud sont on seront
un jour de grands organismes fédéraux. Rompront-ils, à
l'exemple des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, le lien
qui les attache à la métropole, et deviendront-ils, à pro-
prement parler, en enlevant à la couronne anglaise sa sou-
veraineté théorique, des Etats fédéraux? De nouveaux
schismes se produiront-ils dans la « Plus Grande-Bre-
tagne »? On le croit d'ordinaire, par analogie : « On ré-
pète sans cesse, comme si la chose était indiscutable, que
la sécession des colonies américaines à la fin du xvme siècle
était la conséquence fatale de la loi naturelle qui pousse
toute colonie, quand elle atteint sa maturité, à se détacher
et à s'établir à son compte. » Mais M. J.-R. Seeley a très
bien montré (l'Expansion de l 'Angleterre /Paris,' 1885,
in-12) que l'analogie n'est pas probante. « La sécession
des colonies américaines était peut-être inévitable, mais
seulement parce que, et en tant que, elles étaient tenues
sous le joug de l'ancien système colonial. » Avec le régime
très libéral dont l'Angleterre use aujourd'hui avec ses co-
lonies, une révolution analogue à celle de 1787 n'est pas
imminente. — Quelles seront donc les relations des futures
Angleterres fédérales d'outre-mer (Canada, Australie,
Afrique du Sud) avec la mère patrie ? Grandies, émanci-
pées, ces nobles filles Rallieront avec leur métropole, tel
est l'avis développé par sir Charles Dilke dans son livre
Problems of Gr eater Britain ,paru en 1891. Sir Charles
Dilke ne croit pas au rêve de la « fédération impériale »,
c.-à-d. à la création d'un Etat fédératif formé par l'union
de l'Angleterre et de ses colonies lointaines. « L'Australie,
dit-il, aura bientôt une intense vie nationale ; l'alliance
entre elle et l'Angleterre pourra durer longtemps ; mais
toute tentative pour remplacer le système de l'alliance par
le lien singulièrement plus serré d'une fédération entre
elle et la Grande-Rretagne européenne serait inutile et
dangereuse. » — Le projet d'une « fédération impériale »
n'en est pas moins très populaire chez nos voisins ; il a des
partisans convaincus parmi les hommes d'Etat les plus
éminents, comme lord Roseberry. « L'Angleterre, dit
T.-H.-S. Escott, doit choisir entre la fédération impériale
ou sa chute au rang de puissance européenne de troisième
ordre : to be a second Holland or a Gr eater Britain.
Certains symptômes annoncent que le second parti sera
adopté. Il faudra bien, en tout cas, que le problème fédérai
soit officiellement posé et discuté avant longtemps. Both
in colonies and in England herself the idea is gaining
ground that a sentiment of imperialism, existing
hitherto in the région of aspiration, should find some
more formai expression and develop into something
more than a mère sentiment. Les partisans du fédé-
ralisme impérial pensent qu'il existe dans toutes les pos-
sessions de la couronne anglaise un « patriotisme impé-
rial », comme il y avait dans les divers Etats allemands un
patriotisme allemand avant 1871 . Mais il faut que, comme
en Allemagne, une union formelle soit réalisée, qui dé-
couvre et consolide l'unité latente. Un conseil fédéral re-
présentatif, siégeant à Londres, chargé de discuter les
questions d'intérêt « impérial », tel serait l'organe essen-
tiel de l'Etat fédéral futur, dont le titulaire de la couronne
d'Angleterre serait en quelque sorte le président, comme le
roi de Prusse est le président de l'Etat fédéral allemand
depuis 1871.
L'émancipation des provinces prêtes à se détacher d'un
Etat unitaire, leur incorporation à titre de membres dans
le même Etat, transformé en Etat fédéral, voilà l'artifice
auquel le Mexique et le Rrésil ont recouru naguère pour ne
point voir se dissoudre leur existence nationale; voilà l'ar-
tifice que les partisans de la fédération impériale recomman-
dent aux membres disjoints de la « Plus Grande-Bretagne ».
Mais ce même artifice ne pourrait-il servir à résoudre le
grave problème des rapports de l'Angleterre avec l'Irlande?
L'Irlande, où le parti «nationaliste» est si fort, réclame
le home rule, l'autonomie, cette autonomie dont jouissent
déjà les nouvelles Angleterres d'outre-mer. Sous le régime
FÉDÉRALISME — FEDI
— 118 -
unitaire actuel, ses aspirations particularistes sont un dan-
ger permanent. Qu'à ce régime unitaire soit substitué le
régime fédéral ; que l'Irlande, le pays de Galles, l'Ecosse,
l'Angleterre, ces quatre Etats liés ensemble par l'histoire,
mais non pas soudés intimement, comme nos provinces fran-
çaises, par la vie commune, recouvrent leur individualité,
une part d'autonomie législative, et participent désormais,
comme organes fédéraux, à la « création de la volonté natio-
nale ». Beaucoup d'Anglais, attachés au principe de l'intégrité
du royaume, sont passionnément opposés aux revendications
et aux tendances des home-rulers d'Irlande, d'Ecosse et de
Galles. Mais, si Y «unionisme » perdait un jour du terrain,
on verrait sans doute se produire entre les quatre grandes
sections historiques de l'archipel britannique une fédération
analogue à la fédération canadienne ou australasienne, qui
se fédérerait elle-même avec celles-ci. — C'est une loi de
nature que l'Etat unitaire ne peut pas s'accroître indéfini-
ment ; quand il est devenu trop vaste, il se divise. L'Union
américaine a montré au contraire «le grand exemple d'un
système sous lequel un nombre indéfini de provinces est
maintenu solidement en un seul Etat, sans aucun inconvé-
nient ». Ce système est le système fédératif qui concilie
les deux excellents principes de l'unité nationale et de l'in-
dépendance des groupes historiques vivants. C'est celui de
l'avenir. C'est pourquoi les controverses des jurisconsultes
qui l'ont étudié présentent un vif intérêt pratique; on
trouvera la liste de leurs principaux écrits dans la biblio-
graphie ci-jointe. Ch.-V. L.
Bibl. : À. de Tocqueville, De la Démocratie en Amé-
rique ; Paris, 1836, 2 vol. — G. Waitz, ÏJber das Wesen
des Blindes staats, dans Allgemeine Monatsschrift fur
Wissenschaft und Litleratur, 1853. — J.-C. Calhoun,
Works; New York, 1854-1856, 6 vol. in-8. - M. Seydel,
Der Bundesstaatsbegriff, dans le Tùbinger Zeitschrift,
1872. — Du même, Die neuesten Gestaltungen des Buncles-
staatsbegriffes, dans les Annalen des deutschen Reiches
de Hirth, 1816. — P. Laband, Das \Slaatsrecht des deut-
schen Reiches ; Tubingue, 1876-1882, 3 vol. in-8.— H. Mar-
quardsen, Handbuch des ôffentlichen Rechts der Gegen-
-wart in Monographien (notamment le vol. de von Holst,
Das Staatsrechtder vereinigten Slaatenvon Nord Amerika).
— G. JellIiNek, Die Lehre von den Staatenverbindungen ;
Vienne, 1882, in-8. — 0. Gierke, dans le Jahr bûcher fur
gesetzgebung ...im deutschen Reiche de G. Schmoller,1883,
Vil. — Bake, Beschouwingen over den Statenbondin den
Bondsstaat ; Amsterdam, 1881. — Blumer et Morel,
Handbuch des sch'weizerischen Bondesstaatsrechts, 1877-
1880,2 vol. — Œuvres diverses de Bluntschli. — S. Brie,
Zur Lehre von den Staatenverbindungen, dans la Zeits-
chrift fur das Privât und ôffentlicheRechtderGegenwart
de Grûnhut, 1884, XL — A.-B. Hart, Introduction to the
study of fédéral government, 1891. — C. Hilty, Die
Bundesverfassungen der schweiz. Eidgenossenschaft ,
1891. — G. Liebe, dans la Tùbinger Zeitschrift, 1882. —
R. de Mohl, Das deutsche Reichsstaatsrecht ; Tubingue,
1873. — Rosin, dans les Annalen, 1883. — Rùttimann,
Das nordamerikanische Bvndesstaatsrecht, verglichen
mit den politischen Einrichtungen der Schweiz ; Zurich,
1867-1876, 3 vol. in-8. — H. de Treitschke, Bund und
Reich, dans Preussische Jahrbucher, XXXIV. — J.-M.
Vincent, State and fédéral government in Svfitzerland
{John Hopkins University. Studies in history and politics,
extra-vol. VIII). — Westerkamp, Staatenbund und Bun-
destaat. Untersuchungen ûber die Praxis und das Rechl
der modernen Blinde; Leipzig, 1892, in-8. — Ph. Zorn,
Das Staatsrechtdes deustchen Reiches; Berlin et Leipzig,
1880, et dans les Annalen, 1884 (Neue Beitrage zur Lehre
vom Bundesstaate). — J. Bryge, American Commonwealth ;
Londres, 1889, t. I. — Et les ouvrages cités au cours de
Parti cle.
FEDERATION (Fête de la) (V. Fête).
FÉDÉRAUX, FÉDÉRÉS. On a appliqué notamment ces
noms aux Nordistes des Etats-Unis dans la guerre de la
Sécession, et aux insurgés parisiens de la Commune de
1871.
FEDERICl (Placido), bénédictin italien, né à Gênes en
1739, mort en 1785. Il fut vicaire général de l'abbaye de
Volterra. On lui doit : Rerum Pomposianarum Historia
monumentis illustrata (Rome, 1781, in-4).
FEDERICl (Domenico-Maria), historien et antiquaire
italien, né à Vérone en 1739, mort à Trévise en déc. 1808.
Il était dominicain et professa avec distinction la théologie
à Udine, Padoue et Trévise. On lui doit : Storia de' cava-
lieri Gaudenti (Venise, 1787, 2 vol. in-4); Memorie
trevigiane sulle opère di disegno (Venise, 1803, 2 vol.
in-4) ; Memorie trevigiane sulla tipografia del secolo
XV (Venise, 1805, in-4), où il soutient que la ville de
Feltre fut le berceau de l'imprimerie; Esame critico-
apologetico délia letteratura trevigiana del secolo XVIII
(Venise, 1807, in-8). — L'abbé Louis Federici, son neveu,
lui a consacré une notice dans les Elogi istorici de' pin
illustri ecclesiastici veronesi (Vérone, 1819, t. III).
FEDERICl (Vicente), compositeur de musique, né à
Pesaro en 1764, mort à Milan le 26 sept. 1826. Il apprit
à jouer du piano avec un maître bolonais, Angelo Gadani;
et, parti à seize ans pour Livourne après la mort de son
père, il passa de là à Londres où il vécut en donnant des
leçons de musique. Ayant formé son style sur celui des
compositeurs alors en vogue, Sarti, Paisiello, Cimarosa,
il débuta par l'opéra de YOlimpiade en 1790. Cette œuvre
fut suivie de Demofoonte, de Zenobia, de Ninetti, de
Didone et de beaucoup d'autres, composées pour les théâtres
de Londres. Revenu en Italie en 1803, il écrivit à Milan
Castore e Polluce, Il Giudizio di Numa, Oreste in Tau-
ride, A Turin en 1805, il composa Sofonisbe, que sui-
virent Idomeneo e Zaïra (1806), La Conquista délie In-
die (1808), Ifigenia in Aulide (1809). Il obtint alors
du prince Eugène de Beauharnais la place de professeur de
contrepoint au conservatoire de Milan. En 1812, il donna
à Paris avec succès La Locandiera Scaltra. De retour à
Milan, il y devint censeur du Conservatoire l'année même
de sa mort. Alfred Ernst.
FEDERIGHI (Antonio), surnommé dei Tolomei, célèbre
architecte et sculpteur italien du xve siècle, né à Sienne,
mort à Sienne, en 1490. Cet artiste compte parmi les
plus laborieux de son temps. Comme architecte, on lui
doit, entre autres, la Loggia del Papa> construite aux
frais du pape Pie II (1460-1462) et la chapelle du Pa-
lazzo dei Diavoli ; comme sculpteur, les bénitiers de la
cathédrale, d'un style maniéré, et une partie des bas-
reliefs et des statues, plus robustes, de la Loggia dei
Nobili. Il composa en outre un certain nombre de cartons
pour le fameux pavement de la cathédrale. — Federighi
résume avec distinction ce que l'on peut appeler le style
siennois du xve siècle, c.-à-d. un compromis entre le
moyen âge et la Renaissance.
Bibl.: Milanesi, Documenti par la storia delV Arte se-
nese. — Burckhardt et Bode, Le Cicérone. — E. Mûntz,
les Arts à la cour des papes, 1. 1. — Du même, Histoire de
Vart pendant la Renaissance, 1. 1.
FEDERI60 (Prince) (V. Cesi).
FED H Â LA. Petit port sur la côte occidentale du Maroc.
Il n'est plus fréquenté de nos jours et sert de résidence au
caïd des Zenata;ilest situé par 33° 46' 00" lat. N., 9°44/
24" long. 0. Paris, à quatre heures de marche au N. de
Casablanca et sur l'ouad Mellah. Le mouillage est étroit,
ouvert au N.-O., mais protégé de l'océan par une langue
de terre derrière laquelle les corsaires salétins avaient
jadis coutume de s'abriter. Fedhâla fut fondée en 1773,
peut-être sur l'emplacement d'un poste romain, et pour
l'exportation des céréales, mais elle ne tarda pas à être
délaissée par les Européens avant même d'être achevée, le
gouvernement chérifien ayant retiré les privilèges accor-
dés. H.-M.-P. de La Martinière.
FEDI (Pio), sculpteur italien, né àViterbe en 1815. Elève
d'un orfèvre de Florence et de l'Académie de Vienne, il fut
d'abord graveur ; il apprit la sculpture à Florence et à Rome
et fut employé, à partir de 1846, par le grand-duc Léo-
pold II. Il fit pour les Offices les statues de Nie. Pisano et
d'A. Cisalpino ; un tombeau de la fille du général Swov
(1852), le monument du marquis P. Torrigiano dans le jar-
din de sa famille (1856) ; une Toscane, en l'honneur de
l'annexion au royaume de Savoie (1860). Citons encore de
lui un bon nombre de statues maniérées : l'Espérance
nourrissant V Amour (1861) ; V Amour relevant PAme,
r Amour dominateur de Jupiter et de la Terre; la Poé-
— 41t9 —
FEDI — FÉE
sie sacrée (musée de Vérone). Son chef-d'œuvre qui prit
place dans la Loggia dei Lanzi est un Sacrifice de Po-
lyxène (1860-65).
FEDJ-el-àrbâ. Localité d'Algérie, dép. de Constan-
tine, arr. de Sétif, sur la route de Djidjelli à Gonstantine,
à 73 kil. de la seconde de ces villes, au pied du djebel
Dahmous (1,280 m.) et près d'un défilé pittoresque. Il y
a là un caravansérail et une maison de commandement.
FEDJ-M'zala. Bordj d'Algérie, dép. de Constantine, à
72 kil. 0. de Constantine, dans la région montagneuse du
Ferdjiouna. Il s'appelait autrefois Bordj -bou-Akkaz, du
nom d'un chef du pays qui gouverna pour nous avec au-
torité et justice. C'est aujourd'hui le chef-lieu d'une im-
portante commune mixte de l'arr. de Constantine qui sur
142,780 hectares a 70,662 hab. dont 620 Français. On
y a créé plusieurs centres de colonisation; les principaux
sont Rouached et Tiberguent. E. Cat.
FEDJ EDJ (ChottEl-). Partie orientale du chott El-Djerid,
longue de 110 kil., large de 5 à 20 kil. (V. Djerid).
FEDKOVITCH (Joseph-Horodenek), poète petit-russien
contemporain, né en 1834 dans la Bukovine, d'une famille
de paysans. Il a été pendant quelque temps inspecteur des
écoles. lia publié des poésies (Lemberget Kolomea, 1864-7 7,
3 vol.) et des nouvelles (Kiev, 1876) qui lui ont assuré dans
les pays petits-russiens une popularité considérable. L. L. .
FÉDOR (forme russe de Théodore) ou FÉODOR
(Ivanovitch), tsar de Russie, né en 1557, mort en 1598.
Il était fils d'Ivan IV dit le Terrible et succéda à son père
à l'âge de vingt-sept ans. Il était d'un caractère timide et
d'une santé délicate. 11 se montra incapable de gouverner
par lui-même; ce fut d'abord son oncle maternel Nikita
Romanov qui exerça le pouvoir. Ce fut ensuite le beau-
frère du souverain, Boris Godounov. Tous les événements
qui se sont passés sous le règne de Fedor sont racontés à
Fart. Boris Godounov (t. VII, p. 423). Fedor mourut sans
enfants et eut Boris pour successeur. C'est le dernier prince
de la dynastie normande de Rurik. L. L.
FÉDOR (Alexiévitch), tsar de Russie, né en 1661, mort
le 28 avr. 1689. Il succéda en 1676 à son père Alexis.
Il avait alors quinze ans et était d'une faible complexion.
La régence fut exercée par sa sœur aînée, la princesse
Sophie. Les parents maternels du jeune tsar, lesMiloslavsky,
qui représentaient les anciennes traditions russes, profi-
tèrent de l'avènement du jeune souverain pour faire exiler le
boïar Matvieev qui représentait les idées nouvelles et la
civilisation occidentale. Le règne de Fédor fut marqué par
la soumission de la Petite-Russie (défaite de Thetman
Dorochenko) et la défaite des Turcs qui furent vaincus à
Tchigirine (1678). En 1681, il envoya une ambassade à
Louis XIV. Il s'efforça de déraciner l'un des abus les plus
graves de la société russe, le miestnitchestvo, c.-à-d. les
prétentions des boïars au sujet des préséances. Il fit brûler
le Livre des rangs, source principale de ces prétentions
et fit établir à la place un livre de généalogie, tout en
déclarant que les services rendus passeraient désormais
avant la naissance. Il fonda l'Académie grecque-slave de
Moscou, supprima certaines formes de torture, diminua le
nombre des fonctionnaires et des impôts. Ce fut en somme
un prince doux et éclairé. Il a été marié deux fois : la
première à une Polonaise, Gruszecka, la seconde fois à une
Apraxine qui obtint de lui la grâce de Matvieev. Il ne laissa
point d'enfants. ' L. Léger.
Bibl. : V. Pierre le Grand.
FEDOR A (Bryoz.). Genre de Bryozoaires de la famille
des Escharidae, ordre des Gymnolœmes Cheilostomes.il a été
créé par J. Jullien qui lui assigne les caractères suivants :
zoœcies subhexagonales à orifice circulaire épais non sail-
lant, échancré sur quart postérieur où il est mince, enfin
placé au centre de la zoœcie dont il occupe le tiers du dia-
mètre environ ; ovicelle non saillant indiqué extérieurement
par un ruban lisse, formant un angle obtus dont le sommet
est tourné vers l'orifice. Aviculaires non constants, situés
sur les côtés et en dehors de l'orifice. L. C.
FÉDOROV (Ivan-Fedorovitch) , imprimeur russe du
xvie siècle, né vers 1520, mort à Lwôw (Lemberg) en
1583. Il était né dans le gouvernement actuel de Rolouga.
On peut le considérer comme le véritable introducteurde
l'art typographique en Russie. En 1564, il fit paraître à
Moscou les Actes des apôtres, le premier livre imprimé en
Russie ; l'année suivante, un Livre d'heures. La nouvelle
invention fut mal accueillie : accusé d'hérésie, Fédorov
fut obligé de quitter sa patrie. Il se réfugia en Lithuanie
avec son associé Timofieev ; protégé par le grand hetman
Chodkiewicz, il imprima à Zabloudovun Evangile (1569),
un Psautier et un Livre d'heures (1570). Il se retira
ensuite à Lwôw (Lemberg) et y publia en 1574 les Actes
des apôtres ; ce volume est accompagné d'un épilogue qui
fournit d'intéressants détails sur la vie du maître imprimeur.
Tombé dans la misère, Fédorov fut réduit à mettre en gage
son matériel typographique. En 1580, on le retrouve à Ostrog
en Volhynie. Protégé par le prince Constantin d'Ostrog, il
imprima dans cette ville, en 1580, un Nouveau Testament
et un psautier et la fameuse Bible d'Ostrog, la première
Bible imprimée tout entière en slavon (1581). Fédorov quitta
ensuite Ostrog et retourna à Lwôw où il mourut dans la
misère. On voit encore dans cette ville la pierre de son
tombeau : elle porte cette inscription : « Ci-gît Ivan Fédorov,
imprimeur moscovite, qui par son labeur a renouvelé
l'imprimerie négligée imprimeur de livres qu'on n'avait
pas vus avant lui. » L. Léger.
Bibl. : Petruchevitgh, les Commencements de l'im-
primerie en Russie (en petit-russe) ; Lwôw, 1884. — Pta-
sayeki, Mémoires de l'Académie de Cracovie, 1884, t. XI.
FÉDOROV (Vasili-Mikhaïlovitch), auteur dramatique
russe. Il a fait jouer un grand nombre de pièces dans les
premières années du xixe siècle, aujourd'hui oubliées : le
Soldat russe (1803); le Prodigue bienfaisant (1807) ;
la Vérité pique les yeux (1821); l'Heureuse Fraude
(1824), etc. L. L.
FÉDRY. Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr. de Gray,
cant. de Dampierre-sur-Salon, sur la Saône ; 356 hab.
Carrières de pierres de taille. Stations préhistoriques. Voie
romaine. Tour féodale. Eglise gothique avec dalles tumu-
laires du xvie au xvnr3 siècle. Deux seigneuries, l'une
laïque, aux Tavannes et aux Henrion, l'autre ecclésiastique,
à l'abbaye de la Charité et au prieuré de Fouvent.
Bibl. : A. Milliard, l'Age de la pierre à Fédry; Vesoul,
1883,m-8.
FÉE. Les fées forment une des catégories les plus impor-
tantes de ces divinités d'ordre inférieur qui survécurent
assez longtemps à l'établissement du christianisme, et dans
la conception desquelles s'étaient perpétués et amalgamés de
très anciens souvenirs mythologiques de provenances diver-
ses. Elles ne sont pas différentes, au fond, de ces êtres fan-
tastiques qu'on retrouve dans toutes les religions primi-
tives et dans lesquels l'homme personnifie l'émotion ou la
terreur que lui inspire la vue de certains lieux : nos
« femmes des bois ou des eaux » n'ont pas une autre ori-
gine que les Oréades ou les Nymphes de la mythologie
grecque. Le caractère de ces sortes de divinités, d'abord
extrêmement indéterminé, s'est peu à peu précisé diverse-
ment suivant les différentes religions. Les fées, dans les
croyances populaires des pays romans, sont des êtres fan-
tastiques possédant, outre une habileté et (le plus souvent)
une beauté merveilleuses, le pouvoir de revêtir différentes
formes, le don de divination et une grande influence sur la
destinée des hommes. Cette conception, dont les détails peu-
vent du reste varier, semble s'être formée de souvenirs em-
pruntés aux mythologies latine, celtique et germanique.
L.'étymologie du mot est latine : dans la croyance du
peuple, l'idée abstraite du fatum s'était précisée et en
même temps morcelée en un certain nombre de personnes
divines. Ausone (ive siècle), à côté des trois Grâces, nomme
les tria fata que nous retrouvons dans Procope (vie siè-
cle). Quand la notion du genre neutre disparut, on attri-
bua à ces divinités le sexe masculin ou féminin : mais,
comme leur caractère les rapprochait sans doute davantage
FEE — FEER
— 120 —
de la nature féminine, les fati (iî est déjà question dans
Pétrone d'un malus fatus) disparurent assez vite, tandis
que les fatce passaient dans la mythologie de tous les peu-
ples romans (ital. fata, esp. hada, portug. fada, prov.
fada, fr. fée). L'idée de destinée qu'elles représentaient
et qui restait sensible dans leur nom même les fit rappro-
cher des trois Parques, autres personnifications de la
même idée, et ainsi on fut amené à leur attribuer une
certaine influence sur le cours de la vie humaine. Cette
attribution en vint à prendre, probablement par suite d'une
iufluence germanique, une importance particulière : les
Nornes, sœurs germaniques des Parques latines, ne prési-
daient pas seulement, comme celles-ci, d'une façon toute
générale, à la vie et à la mort ; elles avaient le pouvoir
d'annoncer leur destin aux hommes et même d'influer sur
celui-ci dans une grande mesure : des trois Nomes, deux
étaient considérées comme bienveillantes, la troisième
comme redoutable. Ce caractère passa à nos fées, dont le
nombre ne fut point exactement déterminé, mais qu'on se
représentait souvent comme apparaissant par groupe de
trois ; nous trouvons dans les plus anciens textes (dans les
troubadours du xne siècle par exemple, Guillaume IX et
Marcabrun) la trace de cette croyance que les fées, aux
premières heures de la vie de l'enfant, le douent à leur
guise et déterminent ainsi sa destinée ; on rencontre même
de bonne heure (au xme siècle dans Adam de La Halle) la
mention de la fée jalouse ou malveillante qui vient gâter
l'ouvrage de ses sœurs. Les Nornes, de même que les
Parques, étaient représentées comme des fileuses ou des
tisseuses très habiles, probablement parce qu'elles tenaient
entre leurs mains le fil de la vie, et non, comme on l'a
soutenu, parce qu'elles étaient des divinités du foyer ; de
là vient sans doute que les fées sont souvent réputées mer-
veilleusement adroites dans les ouvrages féminins. Les
Parques latines n'étaient point censées intervenir dans le
cours ordinaire des événements : il n'en était pas de même
des divinités congénères dans les mythologies germanique
et celtique, où nous les voyons se mêler volontiers aux
hommes, le plus souvent dans un esprit de bienveillance
ou d'équité, pour les tirer d'embarras ou réparer les injus-
tices dont ils souffrent : on sait que les fées jouent aussi ce
rôle dans maint conte populaire. — Il semble que ce soit
surtout dans les pays celtiques que la croyance aux fées
ait été la plus répandue et la plus vivace. Là, dans l'an-
cienne Irlande notamment, on se les représentait comme des
esprits aériens intervenant continuellement dans les affaires
des hommes : un trait qui n'est point propre à la mythologie
celtique, mais qui y est beaucoup phis apparent que dans
celle des races germaniques (il avait dû se trouver à l'ori-
gine dans celle des Grecs, comme le prouve la fable de
Calypso), est que les fées peuvent éprouver de l'amour pour
les hommes, qu'elles épousent en dissimulant leur nature
(V. les fables de Mélusine et de la Femme-Cygne dans le
Dolopathos) ou qu'elles attirent dans de mystérieuses
retraites, où ils sont comblés de voluptés, mais d'où ils ne
peuvent sortir : ce dernier trait se trouve dans plusieurs
romans de la Table ronde (V. un thème analogue dans les
lais de Lanval et de Graelent et dans la Légende ita-
lienne de Liombruno). Enfin l'épisode de la vengeance d'une
fée dont un homme a dédaigné l'amour se trouve égale-
ment dans plusieurs romans bretons et il forme le fond
d'une chanson populaire dont les pays romans ne possèdent
qu'une rédaction altérée (Jean Renaud) où le thème pri-
mitif est presque méconnaissable (V. Revue crit., I, 30).
La mention des fées est très ancienne dans notre littéra-
ture. Cette mention ne prouve nullement, comme on l'a dit
parfois, une influence celtique ; elle se trouve en effet dès
une époque où cette influence était nulle sur les œuvres
littéraires, dans le Voyage de Charlemagne par exemple, à
la fin du xie siècle. Cependant, c'est dans la littérature
d'inspiration celtique que la mention des fées est, comme on
pouvait s'y attendre, le plus fréquente : leur intervention
est un des lieux communs les plus habituels des romans
bretons en vers et en prose : c'est de là qu'elles ont passé
dans les chansons de geste de la deuxième époque, dans
leurs suites ou remaniements, où l'on voit divers person-
nages primitivement historiques transportés en pays de
faerie pour y devenir les héros d'extraordinaires et d'inter-
minables aventures (V. par exemple les Suites à'Ogier le
Danois, à'Huon de Bordeaux, la Bataille Loquifer,
Brun de la Montagne, etc.). C'est là enfin qu'ont été les
chercher, en Italie, Boïardo, l'Arioste et leurs imitateurs,
et en Angleterre, Shakespeare, qui leur ont donné aux xve
et xvie siècles un si brillant regain de fortune et grâce à
qui elles ont passé dans certains genres de composition
où nous les voyons encore reparaître tous les jours (livrets
d'opéras, etc.).
A la fin du xvir3 siècle, les fées, ramenées en France par
Perrault, y obtinrent une vogue extraordinaire (V. Conte).
Quatre-vingts ans plus tard (car l'impulsion se ralentit
sans s'arrêter au xvme siècle), la production avait été assez
abondante pour remplir les quarante et un volumes in-8 du
Cabinet des Fées (1785-89). Ce genre aimable n'a pas
cessé d'être cultivé : il continue à fleurir dans les collections
enfantines, et d'ingénieux écrivains comme Nodier lui ont
dû quelques-unes de leurs plus jolies pages (la Fée aux
miettes, Trilby, etc.). A. Jeanroy.
Bibl. : Walkenaër, Lettres sur les Contes des Fées attri-
bués à Perrault et l'origine de la féerie, 1826. — Wolf,
Mythologie des fées et des elfes, 1828.— Leroux de Lincy,
le Livre des Légendes, Introduction, 1836. — H. Schreiber,
Die Feen in Europa; Freiburg, 1842. — A. Maury, les
Fées au moyen âge, 1843.— J. Grimm, Deutsche Mytholo-
gie, 1875, 4e éd., ch. xvi.
FÉE (Antoine-Laurent- Apollinaire), médecin natura-
liste et homme de lettres français, né à Ardentes (Indre)
le 7 nov. 4789, mort à Paris le 21 mai 1874. Pharma-
cien militaire, membre de l'Académie de médecine (1824),
démonstrateur à l'hôpital militaire d'instruction de Lille
(1825), il remplaça en 1833 Nestler dans la chaire de bo-
tanique de la faculté de médecine de Strasbourg et fut
nommé pharmacien en chef de l'hôpital militaire de cette
ville. Il a laissé un grand nombre d'ouvrages et de mono-
graphies remarquables sur la botanique et la zoologie, ainsi
que des travaux de littérature, de philologie, de philo-
sophie, etc. Dr L. Hn.
FEER (Johann), astronome suisse, né le 3 janv. 1763,
mort le 14 sept. 1823. Sa carrière scientifique se passa à
Gotha auprès de Zach, puis à Zurich. Ses œuvres se trou-
vent dans les recueils spéciaux publiés par Bode et par Zach.
FÉER (Léon), orientaliste français, né à Rouen le
22 nov. 1830. Il succéda, en 1864, à M. Foucaux dans
la chaire de langue tibétaine, créée à la Bibliothèque na-
tionale et transférée, en 1865, comme cours complémen-
taire, à l'Ecole des langues orientales; en 1869, il passait
au Collège de France comme chargé d'un cours annexe de
tibétain et de mongol; entré, en 1872, à la Bibliothèque
nationale (département des manuscrits), M. Féer y obtint,
en 1880, le titre de bibliothécaire. L'érudition solide au-
tant que variée de M. Féer lui a valu une juste autorité
dans le triple domaine de l'indianisme, du tibétain et du
mongol. Ses principales publications sont : les Ruines de
Ninive (1864) ; la Puissance et la civilisation mon-
goles au xme siècle (1861) ; République et Royauté
(1871, in-12) ; Analyse du Kandjour (1881, in-4, t. II
des Annales du musée Guimet) ; le Sûtra en quarante-
deux articles (1878, in-18) ; Contes indiens: les trente-
deux récits du trône (1883, in-18) ; Avadânaçataka :
Cent Légendes bouddhiques (1891, in-4, t. XVIII des
Annales du musée Guimet). Chargé par la Société des
textes pâlis d'éditer la compilation intitulée Samyutta-
nikâya, il en a déjà donné trois volumes (Sagâtha, Ni-
dâna, Khandha; Londres, 1884-1890). La Revue con-
temporaine, la Revue des Deux Mondes, la Revue
chrétienne, la Revue des cours publics, la Revue bleue,
le Bulletin de la Société de l histoire du protestan-
tisme français l'ont compté parmi leurs collaborateurs.
— 121 —
FEER — FÉERIE
Une longue série d'articles, publiés depuis 4866 dans le
Journal asiatique, presque tous sous la dénomination
générale à' Etudes bouddhiques, ont enrichi d'aperçus et
de faits nouveaux l'histoire, la littérature et la doctrine
du bouddhisme septentrional et du bouddhisme cinghalais.
La Grande Encyclopédie le compte parmi ses collabo-
rateurs. Sylvain Lévi.
FEER-Herzog (Charles), économiste et homme politique
suisse, né à Rixheim (Alsace) le 2 oct. 4820, mort le
46 janv. 4880. Industriel à Aarau, homme politique écouté,
il représenta la Suisse, depuis 4865 jusqu'à sa mort, aux
conférences de l'Union monétaire latine. On lui doit plusieurs
ouvrages sur cette question : Unification monétaire in-
ternationale ; la France et ses alliés monétaires, etc.;
Or et Argent (4873). E. K.
FÉERIE (Théâtre). Ce qu'on appelle féerie, en matière
de théâtre, est une pièce à grand spectacle, dont l'action
repose toujours sur un sujet fantastique et surnaturel et
qui emprunte son importance, sinon son intérêt, à l'élément
merveilleux. Les sorcières et les magiciens, les fées et les
génies, les gnomes, les lutins, les sylphes, tous ces per-
sonnages fictifs et légendaires créés par l'imagination popu-
laire ou par la rêverie des poètes trouvent naturellement
leur place dans les inventions de ce genre. « Si Peau
d'âne m'était conté, disait le fabuliste, j'y prendrais un
plaisir extrême. » Le public, lui, aussi prend un plaisir
extrême à ces contes en action ; il adore la féerie et il y
court en foule, même alors qu'elle n'a pas le sens commun,
ce dont, il faut le dire, elle abuse parfois plus que de
raison. La féerie serait pourtant un spectacle exquis si elle
était aux mains d'un vrai poète, se laissant entraîner libre-
ment au caprice de ses rêves et de sa fantaisie, de façon
tout à la fois à charmer l'esprit de ses auditeurs et à
émerveiller leurs yeux. Grâce à l'élément merveilleux dont
je parlais, qui lui permet de ne compter ni avec la logique
des faits ni avec celle des idées ; elle a toute faculté de se
mouvoir à son aise et à sa guise dans un monde et dans
un milieu conventionnels, sans prendre souci de la vrai-
semblance, n'ayant à s'occuper que du charme qu'elle peut
répandre autour d'elle, de la grâce qu'elle peut commu-
niquer à tout, n'ayant d'autre objectif que de s'entourer
de tout le prestige, de toute l'illusion, de toute la puissance
que peuvent lui prêter le luxe de la mise en scène, la
splendeur du décor, la richesse du costume, les grâces de
la danse, le charme de la musique, les surprises de la
mécanique, le ruissellement des lumières, en un mot tout
ce que le déploiement scénique le plus fastueux, le plus
étrange, le plus varié et le plus imprévu peut réunir pour
surprendre, éblouir et enchanter les regards du spectateur.
Le malheur est que les auteurs font, la plupart du
temps, trop de fond sur la beauté du spectacle matériel, et
que celui-ci ne fait trop souvent que servir de passeport
aux facéties les plus grossières, aux fables les plus sottes,
racontées dans une langue dont rougirait le dernier des
ravaudeurs littéraires ou soi-disant tels. Le temps n'est
plus où Shakespeare déroulait les enchantements de la
Tempête et du Songe d'une nuit d'été, où Carlo Gozzi
écrivait le Roi des génies, la Dame-Serpent, Turandot,
princesse de la Chine, et, sous ce rapport, le public est
bien obligé de se contenter des rapsodies ayant cours.
On semble croire, en France, que le genre de la féerie
est chez nous d'une exploitation presque récente, et l'on
suppose volontiers qu'il a pris naissance sur les anciens
théâtres de notre ancien boulevard du Temple. C'est une
erreur complète, car voici près de deux cent cinquante ans
que le peuple parisien, ami, comme tous les peuples, du
fantastique et du merveilleux, a donné des preuves de sa
grande sympathie pour les pièces de ce genre. Bien avant
que Gozzi songeât à charmer les Vénitiens avec son « théâtre
nabesque », et dès le milieu du xvne siècle, notre vieux
théâtre du Marais se rendait fameux par le luxe et la
magnificence qu'il déployait dans ses grandes « pièces à
machines », lesquelles n'étaient autre chose que des féeries,
mais des féeries dans lesquelles les dieux de l'Olympe
tenaient la place des fées et des enchanteurs qu'on vit leur
succéder plus tard. Avant même que Pierre Corneille eût
fait représenter Andromède et la Toison d'or, qui sont
de simples féeries (et qui ne comptent point parmi ses
chefs-d'œuvre), l'abbé Boyer avait, dès 4648, donné au
Marais sa grande tragédie « à machines » intitulée Ulysse
dans l'île de Circé ; c'est au même théâtre qu'il donna
les Amours de Jupiter et de Sémélé, et que de Visé; le
rédacteur du Mercure galant, fit jouer successivement
plusieurs pièces du même genre : les Amours de Vénus
et d'Adonis (4670), les Amours du Soleil (4674), le
Mariage de Bacchus (4672). Enfin, la Psyché de Cor-
neille et Molière est une féerie, mais une féerie exquise,
celle-là, et l'on en peut dire autant de tous les opéras de
Quinault et Lully, qui constituaient des féeries extrême-
ment compliquées, entre autres Persée, Phaéton, Belle-
rophon et Proserpine. On voit donc que lorsque, aux
environs de 4798, le gentil théâtre des Jeunes- Artistes
offrait à son public Arlequin dans un œuf, les Vingt-
quatre Heures d'Arlequin, lorsque, un peu plus tard, la
Gaîté mettait tout Paris en rumeur et en joie avec son
légendaire Pied de mouton, l'un et l'autre ne faisaient
que renouer une tradition seulement interrompue.
Ce bienheureux Pied de mouton, qui rendit le nom de
son auteur, Martainville, presque aussi célèbre que son
fameux journal légitimiste le Drapeau blanc, fit la joie
des Parisiens pendant tout un quart de siècle et ne fut
détrôné dans leur affection que par les Pilules du diable,
dont le succès, après tantôt soixante ans, n'est pas encore
épuisé, bien qu'il se traduise par près de 2,000 repré-
sentations. Il est vrai que celle-ci peut passer pour le
modèle des féeries, et qu'avec un spectacle prodigieux elle
offre, chose rare, une pièce vraiment amusante et d'une
gaieté pleine de franchise. Mais, depuis le commencement
de ce siècle, tous nos théâtres de drame, qui avaient aussi
le monopole de la féerie, ont monté une foule de pièces de
ce genre ; c'était à qui d'entre eux : Porte-Saint-Martin,
Gaîté, Ambigu, Cirque-Olympique (aujourd'hui Châtelet),
ferait les plus grands efforts pour éblouir le public. A
la Porte-Saint-Martin, on voyait la Biche au bois, les
Sept Merveilles du monde, l'Arbre de Noël; à la
Gaîté, la Queue de lapin, la Fête du diable, Peau
d'âne, le Marquis de Carabas, Biquet à la houppe,
Ali-Baba, Barbe-Bleue, le Petit Homme rouge, les
Quatre Eléments, les Trois Talismans, les Sept Châ-
teaux du diable, le Voyage dans la lune, le Chat botté,
le Petit Poucet; au Cirque-Olympique, les Pilules du
diable, Za-ze-zi-zo-zu, Fisch-Ton-Khan, la Corde de
pendu, Cri-Cri, le Sac à malices, Rothomago, la
Chatte blanche, les Quatre Parties du monde ; au Châ-
telet, la Belle au bois dormant, les Mille et une Nuits,
les Aventures de M. de Crac, Cendrillon ; à l'Ambigu
enfin, le Monstre et le Magicien, les Contes de la mère
l'Oie, la Queue du chat, la Fille du diable, etc.
En somme, le public parisien fait une très grande con-
sommation de féeries, bien que ce genre de pièces ne puisse
se jouer que sur de grands théâtres, vastes, machinés
d'une façon toute particulière, où les changements à vue,
les métamorphoses, les travestissements, les trucs de tout
genre, les apothéoses puissent se produire avec facilité. Il
est arrivé pourtant, mais très exceptionnellement, que de
petites scènes, assez médiocrement aménagées sous ce rap-
port, se donnaient le luxe d'une féerie ; c'est ainsi que les
Folies-Dramatiques obtinrent jadis un énorme succès avec
la Fille de l'air, et les Variétés avec les Bibelots du
diable ; mais ceci, je le répète, est tout à fait exceptionnel.
D'autre part, la féerie trouvant dans la musique une aide
puissante et tout à fait naturelle, il est arrivé qu'en France,
comme à l'étranger, les théâtres lyriques ont représenté,
souvent des opéras féeriques. On en compte un grand
nombre à notre Opéra, sans parler même des ouvrages de
Lully, déjà signalés plus haut. Zoroastre, de Rameau,
FÉERIE — FEI
Aline i reine de Golconde, de Monsigny, Aladin ou la
Lampe merveilleuse, de Nicolo, le Lac des Fées, d'Auber,
même Faust, de M. Gounod, sont de véritables féeries. Il
en était de même à l'Opéra-Comique, de Cendrillon (Ni-
colo), de la Clochette (Herold), du Cheval de bronze
(Auber), de la Fée aux roses (Halévy). La Flûte en-
chantée, de Mozart, et Oberon, de Weber , sont des sortes
de féeries, et l'on sait que l'élément fantastique et féerique
occupe une place extrêmement importante dans la plupart
des opéras de Richard Wagner, principalement dans sa
Tétralogie.
On peut donc dire que tous les publics, les plus délicats
comme les plus populaires, les plus raffinés comme les plus
naïfs, ont un goût égal et particulier pour la féerie ; on
peut croire, par conséquent, que celle-ci est indispensable
à leurs plaisirs, et il est permis d'affirmer qu'elle vivra aussi
longtemps que le théâtre lui-même. Arthur Pougin.
FÉES (Grotte aux). Grande excavation dans le flanc du
chaînon du Jura qui forme la vallée de Vallorbe, dans le
cant. de Vaud; elle se compose de plusieurs cavernes
reliées par des galeries. La longueur de la grotte aux Fées
est d'environ 150m. ; la hauteur atteint par places 40 m.
FÉGATELLA (Bot.). Genre d'Hépatiques (tribu des
Marchandées, famille des Marchantiacées), à sporogones
groupées à la face inférieure d'un chapeau pédiceilé, à
spores, à chlorophylle et à exospores incolores et très
minces. Ces spores subissent leur premier cloisonnement
à l'intérieur même du sporange et constituent à leur sortie
un corps pluricellulaire ovoïde. L'une de leurs extrémités
s'allonge en un poil absorbant pendant que le thalle dérive
de la cellule terminale située à l'autre extrémité. Le tissu
du thalle, dont le développement a lieu par dichotomie, est
formé de séries longitudinales de cellules dont la mem-
brane d'abord s'épaissit, puis se gélifie. Les stomates pré-
sentent comme particularité leur ouverture en canal bordé
de séries de cellules, quatre au moins. H. F.
FEGERSHEIM (Vegersheim, 1312). Corn, de la Basse-
Alsace, arr. d'Erstein, cant. deGeispolsheim, au confluent
de l'Andlau et de l'Ill et sur le chem. de fer de Strasbourg
à Bàle; 1,799 hab. Tabac, houblon ; toiles de chanvre et
de coton ; restes de l'ancien château de la famille de
Landsberg ; voie romaine. Fegersheim, autrefois ch.-l.
d'une seigneurie, a appartenu successivement aux familles
d'Ochsenstein, de Rathsamhausen, de Deux-Ponts, de
flanau-Liehtenberg et de Hesse-Darmstadt.
Bibl. : Grandidier, Œuvres historiques, V, 412-415.
FÉGRÉAC. Corn, dudép. de la Loire-Inférieure, arr. de
Saint-Nazaire, cant. de Saint-Nicolas; 3,073 hab.
FEHLING (Heinrich-Christoph), peintre allemand, né à
Sangershausen (Thuringe) en 1654 selon les uns, en 1658
selon les autres, mort à Dresde en 1725. Neveu de Samuel
Bottschildt, qui occupait une situation importante comme
peintre de cour à Dresde, il se forma sous sa conduite,
l'accompagna en Italie et y séjourna avec lui quelques
années; puis, de retour à Dresde, fut également nommé
peintre de cour, directeur d'une école de dessin, d'où
devait sortir plus tard l'Académie des beaux-arts, et enfin,
après la mort de Bottschildt, inspecteur de la galerie de
peinture. Il reste de lui quelques fresques, des plafonds au
palais du Grand- Jardin, à Dresde. Ceux qu'il avait peints
au Zwinger furent badigeonnés au commencement de ce
siècle. Le Musée historique de Dresde possède un portrait
de sa main, celui du colonel Kaspar von Klengel. Grand
homme, peintre officiel, il a laissé à peine un souvenir. Sa
gloire fut toute en viager. P. L.
FEHLING (Hermann von), chimiste allemand, néàLu-
beck le 9 juin 1812, mort à Stuttgart le 2 juil. 1885. Il
fut d'abord élève pharmacien, s'adonna bientôt presque
exclusivement à la chimie, suivit de 1835 à 1837 les cours
de l'université d'Heidelberg, fut préparateur de Liebig, à
Giessen, de Dumas, à Paris, et occupa de 1839 à 1882
la chaire de chimie de l'Ecole polytechnique de Stuttgart.
Ses nombreux travaux ont surtout porté sur la chimie
industrielle ; on lui doit en particulier la solution cupro-
potassique connue sous le nom de liqueur de Fehling,
qui est employée pour le dosage du glucose dans les sucres.
Ses écrits comprennent : une soixantaine de mémoires pa-
rus de 1838 à 1881 dans le Journal de pharmacie, dam
les Annales de Liebig, dans le Polytechnisches Journal ;
plusieurs chapitres du grand traité de chimie organique de
Kolbe ; deux nouvelles éditions du Handwôrterbuch fur
Chemie (Brunswick, 2e éd., 1856 et suiv., in-8; 3e éd.,
1871 et suiv., in-8). L. S.
Bibl.: Liste des mémoires dus à Fehling dans le Cata-
logue of scientific papers de la Société royale, t. II et VII ;
Londres, 1868 et 1877, in-4.
FEHMARN. Géographie. — Ile allemande delà mer Bal-
tique, royaume de Prusse, prov. de Slesvig-flolstein, en
face de la pointe N.-E. du Holstein, dont la sépare un dé-
troit de 320 m. de large. Elle a 185 kil. q. et 9,800 hab.
Elle est plate, déboisée, très fertile ; elle renferme la petite
ville de Burg.
Histoire. — ■ • Au moyen âge, cette île, qui s'appelait aussi
Tmre, appartenait aux comtes de Holstein qui y bâtirent
au S. la forteresse de Glambeck, que le roi de Danemark
Eric démolit. En 1580, Fehmarn passa à la branche de
Holstein-Gottorp, en 1773 au Danemark. Elle fut conquise
par les Allemands dans la nuit du 14 au 15 mars 1864.
Elle conserve une certaine autonomie. Sa coutume rédigée
en 1326 fut renouvelée en 1558.
FEHRBELLIN. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
prov. de Brandebourg, district de Potsdam, sur le Rhin,
au centre des marécages du Havelland ; 2,000 hab. C'est
là que le grand électeur Frédéric-Guillaume remporta une
mémorable victoire sur les Suédois le 28 juin J 675. Ceux-ci
avaient pénétré jusqu'à la Havel inférieure ; un échec à
Rathenow (25 juin) les coupa ; W. Wrangel, qui était dans
le Brandebourg, se retira vers le N., pour rejoindre son
frère le feld-maréchal G. Wrangel. Il avait 4,000 cava-
liers, 7,000 piétons et 38 canons; les Brandebourgeois
comptaient 5,700 cavaliers, mais seulement 13 canons. Ils
atteignirent les Suédois dans le défilé de Fehrbellin entre
les marécages du Rhin et de la Havel ; la bataille eut lieu
près de Hakenberg; les Brandebourgeois occupèrent une
hauteur sur le flanc droit de leurs ennemis, dont l'infanterie
ne put enlever la position ; Wrangel se retira avec une perte
de 2,100 hommes sur Fehrbellin ; le lendemain, quand il
y fut poursuivi, son armée se débanda et entraîna dans sa
déroute celle du maréchal Wrangel. Le grand électeur n'avait
perdu que 500 hommes . Cette victoire est la première des
armées prussiennes et fonda leur réputation. Trois monu-
ments la commémorent.
Bibl. : Schottmûller, Fehrbellin ; Berlin, 1875.
FEHRMAN (Daniel), médailleur suédois, né à Stockholm
le 12 janv. 1710, mort le 8 juin 1780. Elève de Hedlin-
ger, il le suivit en Danemark (1732) et en Russie (1735-
37), et le suppléa pendant un nouveau voyage (1739),
enfin lui succéda (1745) comme médailleur à la Monnaie
royale. On lui doit environ trente médailles, entre autres:
la Mort de Fredrik Ier; le Couronnement d'Ado If Fre-
drik; le Mariage du prince Gustaf(IIl), et quatre-vingts
jetons qui sont ses meilleures œuvres. Le modèle en est
vigoureux et élégant, les cheveux et le costume soignés. Il
eut pour élèves K.-F. Wikman, G. Ljungberger et son
propre fils, Carl-Gustaf, né à Stockholm en 1746, mort
le 24 déc. 1798. Quoique celui-ci fût assez avancé dès
1764 pour le remplacer pendant une longue maladie, il
alla se perfectionner à Paris (1774) et à Rome (1775-78).
Il succéda à Ljungberger comme médailleur royal (1787)
et fut en même temps nommé professeur à l'Académie des
beaux-arts de Stockholm. Il exécuta beaucoup de médailles
historiques et commémoratives, ainsi que des jetons. Le
travail en est bon, mais les portraits trop joufflus. B-s.
FEI (Alessandro), dit del Barbiere, peintre italien, né
à Florence en 1543, mort vers J 600. Ce Florentin de la
décadence n'intéresse que les curieux qui trouvent plaisir
à savoir comment les écoles finissent. Il fut élève de Ridolfo
123 —
FEI — FEILDING
Ghirlandaio, de Piero Francia et de Tomaso di San Friano.
C'est dire qu'il appartenait à un temps fort troublé. Vasari
l'a connu et l'a associé à des travaux décoratifs, aux
peintures qu'il improvisait pour les fêtes de la cour des
Médicis. Dans sa notice sur les Accademici ciel Designo,
il parle d'Alessandro del Barbiere comme d'un jeune homme
de vingt-cinq ans qui donnait les plus belles espérances.
Ces prédictions ne se réalisèrent pas tout à fait. Fei eut
cependant plus d'une fois l'occasion d'utiliser son pinceau.
En 1588, lors du mariage de Ferdinand 111 de Médicis,
grand-duc de Toscane, avec Christine de Lorraine, il prit
part à l'édification des arcs de triomphe et des luxueux
échafaudages qui furent dressés sur les principaux points
de la ville et dont les parois s'embellissaient de peintures
allégoriques. De ces belles inventions, il ne reste plus qu'un
vague souvenir, et les œuvres d'Alessandro ont presque
complètement disparu. Les annotateurs de Vasari (édition
de Florence) nous parlent d'une Vierge tenant l'Enfant,
qui décorerait le grand autel de l'ancienne église des
religieuses de San Girolamo, aujourd'hui établissement de
charité, et qui serait signée Alex0 Fei F F ann° 1578.
C'est presque le seul tableau de Fei qu'on ait quelque
chance de retrouver, car on ignore le sort de ceux que
citent Bocchi et Cinelli dans les Bellezze di Firenze
(1677), savoir : une Flagellation à Santa Croce et une
Résurrection à S. Pier Maggiore. Le musée des Offices et
le palais Pitti ne possèdent rien d'Alessandro Fei, dont les
travaux décoratifs n'ont duré qu'un jour. Lanzi explique
assez bien les transformations que le talent de l'artiste a
subies. 11 le montre d'abord comme un maître d'un tem-
pérament énergique et presque rude, mais Fei s'adoucit
peu à peu, et, surtout dans ses dernières années, il prouva
qu'il n'avait pas assisté impunément aux succès de Cigoli
et de Cristoforo Allori. Il commençait même à rechercher
la couleur, quand il mourut, comme dit Ticozzi, sul decli-
nare del 16e secolo. P. Mantz.
Bibl. : Vasari, Le Vite de' pittori. — Lanzi, Storia pit-
torica; Bassano, 1818.
FEI A. Lagune du Brésil, prov. de Rio-de-Janeiro, près
de l'océan Atlantique, à 20 kil. S. de Campos ; 500 kil. q.
Peu profonde, elle est alimentée parle Macabu ; elle se relie
à d'autres lagunes, communiquant avec la mer au S., avec
le Parahyba au N. On y pêche beaucoup de poisson.
FEI D (El). Région d'Algérie, prov. de Constantine, au
N. du chott Melghir, sur l'oued Ei-Arab ; les terres seraient
très fertiles si on y amenait de l'eau.
FEID. Ville d'Arabie, près du Nedjd, dans le Chômer,
au S. du djebel Selma et à 80 kil. S. de Haïl, sur la route
de Bagdad à Médine, dans un pays sablonneux, avec de
beaux jardins.
FEIGE (Théophile), violoniste allemand, né à Zeitz en
1751, mort à Breslau le 24 mai 1822. Il choisit l'état
militaire, mais, dès 1775, à Dantzig, où il était sous-offi-
cier, on appréciait son talent sur le violon. En 1788, il
eut son congé et se livra avec ardeur à ses études musi-
cales. Il fut directeur de musique à Riga (1797) et maître
de concerts à Mittau. Il reprit du service en 1806, fut
trompette dans un régiment de cuirassiers, et sauva la vie
à Blucher, à la bataille d'Auerstsedt, en lui donnant son
cheval. La guerre finie, il revint à sa profession de vir-
tuose. En 1810, il fut premier violon au Théâtre national
de Breslau; en 1813, Blucher le voulut pour trompette en
chef de Pétat-major. En 1815, Feige se fixa définitivement
à Breslau. Ses compositions n'ont pas été publiées, et il a
été connu surtout pour son rare mérite d'exécutant. — Son
frère, Jean-Théophile, né à Zeitz en 1748, mort dans les
premières années de ce siècle, a été violoniste, chanteur,
directeur du théâtre de la Cour à Strelitz, etc. Il a com-
posé deux opérettes, Der Frilhling et Die Kermess, sur
les textes de Kellner. A. E.
FEIGÈRES. Corn, du dép. de la Haute-Savoie, arr. et
cant. de Saint-Julien; 725 hab.
FEiGNEUX. Corn. du dép. de l'Oise, arr, de Sentis, cant
de Crépy-en-Valois ; 318 hab. On a trouvé en ce lieu
beaucoup d'antiquités romaines. L'église, des xi6, xve et
xvme siècles, contient de beaux vitraux du xvie. L'ancienne
coin, de Morcourt avait un château qui appartint long-
temps à la maison de Nanteuil. La seigneurie passa ensuite,
avec celle de Feigneux, à la famille de Yillegagnon. L'an-
cien manoir à tourelles est aujourd'hui converti en ferme.
L'église, tombée en ruine depuis la suppression de la com-
mune en 1825, est gothique des xve et xvie siècles. C. St-A.
FE1GN1ES. Corn, du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. de Bavai, sur un affluent de la Sambre; 2,652 hab.
Stat. du chein. de fer du Nord, ligne de Maubeuge à Mons.
Bureau de douanes ; poteries ; distillerie. Vestiges d'un
ancien château. Eglise des xve et xvi° siècles, dont le clo-
cher est une tour carrée massive du xne siècle.
FEUA ou FEIDJÂ. Immense plaine ou vaste désert de
l'extrême Sud marocain, au N. del'ouad Draaetqui s'étend
entre le Petit Atlas et le Barri. Le sol en est de sable par-
faitement plat ; un grand nombre de rivières et de ruis-
seaux tous à sec le sillonnent. On n'y rencontre pas
d'autres végétations que des gommiers de 2 à 3 m. de
haut ; c'est un passage des plus redoutés, car il est sans
cesse parcouru par les pillards des Beraber, des Ida ou
Belal et des Oulad-Iahia. Le désert d'El-Feija se termine
au djebel Bani, à l'oasis de Tanzida,au Foum Tisint, pas-
sage étroit qui donne accès dans le Sahara marocain ; il a
été visité par de Foucault en 1884 et par Rohlfs en 1864 ;
ce dernier voyageur ne l'a traversé que dans la pointe
orientale. H. -M. -H. de La Martinière.
FEIL (Charles), chimiste et industriel français, né à
Paris le 25 oct. 1824, mort à Choisy-le-Roi (Seine) le
19 janv. 1887. Petit -fils de Henri Gainand (V. ce nom),
dont il fut l'associé (1842), puis le successeur (1848), il
fit faire de grands progrès à l'industrie du verre, particuliè-
rement à celle du flint et du crown glass, et fabriqua
pour les grandes lunettes des observatoires de Vienne, de
Poulkova, de Nice et du mont Hamilton (Californie) des
objectifs dépassant en dimension et en puissance tout ce
qui avait encore été fait (celui de la lunette du mont Hamil-
ton a 0m97 de diam.). Le strass et autres imitations de
pierres précieuses furent également l'objet de ses recher-
ches et, en 1873, il présenta à l'Académie des sciences de
Paris une remarquable série de quarante-quatre échantil-
lons de substances cristallines ou cristallisées obtenus par
la voie sèche (Comptes rendus de l'Académie des sciences,
1873, LXXVI, p. 871). Il parvint même, un peu plus tard,
à produire des marbres artificiels d'une très grande dureté
et de toute beauté. Enfin l'émaillerie lui doit plusieurs for-
mules précieuses , entre autres celle du rouge flammé
des Chinois (1872) et celle d'un émail sans plomb très bril-
lant et inaltérable. Sa maison de verrerie de Paris, que
dirige depuis sa mort M. Mantois, jouit d'une réputation
universelle. L. S.
FE1LBERG (Henning-Frederik), lexicographe et démo-
mathe danois, né à Hillerœd (Sèlande) le 6 août 1831.
Pasteur de Valsbœl (1859) et de Store- Vi en Slesvig
(1862), il fut expulsé par les Prussiens (1864), enseigna
quelques années à Odense et devint pasteur cle Brœrup
(1869) et de Darum (1876) dans le diocèse de Ribe.
Formé à l'école du linguiste E.-H. Hagerup dont il
avait été chapelain, et vivant au milieu du peuple, il en a
observé les mœurs et le caractère qu'il a peints avec fidé-
lité et un vrai talent dans scènes De la Lande (1863) et
Vie rurale en Danemark (1889). Son Dictionnaire du
patois jullandais, en cours de publication (Copenhague,
1886-92, fasc. I-VI, A-H) est un des meilleurs qui aient
paru en Scandinavie, B-s.
FEILDING (Robert), gentilhomme anglais, né vers 1651,
mort le 12 mai 1712. Il appartenait à la famille des Den-
bigh. Il obtint un régiment de Jacques II, qu'il suivit en
Irlande après s'être converti au catholicisme, représenta
Gowran au Parlement irlandais de 1689. En 1696, il fut
enfermé à Newgate. En 1706,, il est poursuivi pour biga-
FEILDING — FËIRAN
— 124 —
mie, condamné, puis relâché. Il servit ensuite dans la flotte.
Le beau Feilding, comme on l'appelait, est surtout célèbre
par ses nombreux succès féminins à la cour de Charles II
et par ses excentricités. On a de lui deux portraits par
Lely et un par Wissing.
Bibl. : Historical Account of that celebrated beau hand-
some Feilding ; Londres, 1707. — Th. Lucas, Memoirs of
Gamesters, 1712. — Cases of divorce for several causes,
1723.
FEILITZEN (Carl-Fredrik-Johan von), écrivain sué-
dois, né à Slaka (OEstergœtland) le 22 sept. 1802, mort
à Stockholm le T nov. 4876. Après avoir servi dans l'ar-
mée (4818-1830), il cultiva les lettres tout en faisant
valoir son domaine de Haddorp. Ses poésies ont paru dans
des journaux et à part : le Bouclier de Helmfried (1824)
et VEpée vengeresse (1861). — Son frère, Otlo-Theo-
dor-Fabian, né à Skeda le 22 avr. 1820, mort le
3 sept. 1889, fut archiviste de l'Etat (1878-1885) pour
lequel il édita : Ordonnances ecclésiastiques d'avant
i686 (lre division, 1872; 2e, 1881-88). Dans Luxe et
Misère (1868); Piétisme, rationalisme. Eglise de
VEtat et lié forme (1869); Ecole savante et instruction
civique (1871), il traita diverses questions sociales, reli-
gieuses et scolaires. On lui doit en outre six nouvelles et
récits populaires, qui ont eu plusieurs éditions et qu'il a
réunis sous le titre de Traits détachés de la vie du
peuple suédois (1890). La plupart ont été traduits en
allemand, en danois et en finnois. — Leur neveu, 0 lof-
Otto- Urban, né en 1834, capitaine dans la garde (1880),
a publié une nouvelle (Erik Werner , 1874), des
conférences (le Culte de Marie dans le protestantisme,
1874); Ibsen et la question du mariage (1882), et
des caractéristiques de Bœckstrœm dans Vâr tid (1875) ;
F. Rydberg (ibid., 1877), et des matériaux statistiques
pour l'étude de la question agraire (Domestique, jour-
nalier et fermier, 1890-91). — Un autre membre de !a
même famille, O lof-Otto-Hugo, né en 1854, mort le
19 janv. 1887, fut docent à Upsala (1883). Dans de longs
voyages, il avait profondément étudié les langues romanes.
Il publia : les Ecoles des Chartes et les Archives en
Italie, dans Historisk Tidskrift (1882); Li Ver del
juïsse, sermon en vieux français (1883) et Dialogues
français-suédois (1885 ; 2e édit., 1891). Beàuvots.
FEILLÉE (François de La) (V. La Feuillée).
FEILLENS. Corn, du dép. deFAin, arr. de Bourg, cant.
de Bâgé-le-Châtel; 2,553 hab.
FEILLET (Alphonse), littérateur et historien français,
né à La Ferté-Macé (Orne) en 1824, mort à Paris le 6 févr.
1872. D'abord professeur d'histoire, il collabora à la Bio-
graphie universelle et au Dictionnaire de la conversa-
tion ainsi qu'à un grand nombre de journaux et de recueils
périodiques, notamment le Censeur, la Revue de Paris,
la Gazette des Beaux- Arts, la Revue historique de
droit, etc. En 1856, il quitta l'Université et prit la direc-
tion d'un cours d'éducation pour les jeunes filles à l'usage
desquels il composa des abrégés, des manuels, des précis
aujourd'hui oubliés et publia des éditions et des traductions
d'auteurs célèbres. Il ne cessa néanmoins de s'occuper
d'histoire et publia en 1862 un ouvrage excellent, la
Misère au temps de la Fronde, qu'il améliora encore dans
plusieurs éditions successives (4e et dernière édition ; Paris,
1868, in-8).
FEILLUNS. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Prades, cant. de Sournia; 128 hab.
FEI-LOUAN-TOU. Baie delà mer de Chine (appelée à
tort Sam-sah), prov. de Fo-kien, au N. Elle forme une
vaste rade de 120 kil. de long, 40 de large, abritée par une
longue presqu'île sauvage qui ne laisse qu'un étroit goulet
d'accès ; aux abords et dans la baie sont de nombreux îlots ;
elle serait très facile à défendre.
FE1N (Eduard), jurisconsulte allemand, né à Brunswick
le 22 sept. 1813, mort près d'Eisleben le 28 oct. 1858.
Après avoir étudié le droit à Heidelberg sous Mitter-
maier, Thibaut et Zacharise, il fut avocat à Brunswick
en 1834. Il passa ensuite plusieurs années, tantôt à Berlin,
tantôt à Heidelberg, pour se préparer à l'enseignement qui
l'attirait davantage. Il fut privat-docent à Heidelberg
en 1843, professeur de droit romain à Zurich en 1844
et à Iéna en 1845 ; il fut appelé à Tubingue en 1852
pour y professer les Pandectes. Ses écrits sont : Das
Recht der Collation (Heidelberg, 1842); Chrestomathie
der Beweistellen %u Puchtà's Pandekten (Zurich, 1845);
Beitrâge zur Lehre von der Novation und Délégation
(Iéna, 1850); Das Recht der Kodizille (Erlangen, 1851-
1853). Cette monographie forme les tomes XLV et XL VI
de l'ouvrage de Gluck, Ausfûhrlichen Erlàuterung der
Pandekten. G. R.
FEINGS. Corn, du dép. du Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. de Contres; 607 hab.
FEINGS. Corn, du dép. de l'Orne, arr. et cant. de
Mortagne ; 568 hab.
FEINS. Com. du dép. dllle-et-Vilaine, arr. de Rennes,
cant. de Saint-Aubin-d'Aubigné ; 1,103 hab.
FEINS. Com. du dép. du Loiret, arr. de Gien, cant.
de Briare; 175 hab.
FEINT (Archit.). Tout motif d'architecture, moulure,
table ou baie et même tout ensemble de motifs d'architec-
ture simulés, soit en relief et à l'aide d'une construction
réelle, soit en imitation et à l'aide de peinture, dans un
but de symétrie et de décoration. Il n'est pas rare, dans les
villes où les constructionss ont enchevêtrées les unes dans
les autres, de voir des parties d'architecture ainsi feintes
servant à décorer des murs élevés en retour d'une maison
d'habitation, murs sur lesquels on répète les bandeaux,
les corniches et les chambranles des baies de la maison voi-
sine afin de servir comme d'encadrement et d'accompagne-
ment à cette dernière et surtout d'atténuer la tristesse que
cause un mur plein et nu. Charles Lucas.
FEINTE. I. Musique. — Ce terme désignait dans la mu-
sique ancienne l'altération d'une note ou d'un intervalle par
un dièse ou un bémol. C'était le nom commun et générique
du dièse et du bémol accidentels. Il n'était déjà plus en usage
à la tin du xvme siècle (V. le Dictionnaire de musique de
J.-J. Rousseau). On appelait aussi feintes, sur l'orgue et le
clavier, les touches chromatiques servant aux dièses et aux
bémols.
IL Escrime. — La feinte est le simulacre du coup. Elle
a pour but d'amener l'adversaire à prendre une parade
qu'on se tient prêt à tromper. Les feintes doivent toujours
se faire le bras allongé, et on doit allonger le bras à la
première feinte. Il y a encore cependant certains maîtres
qui ne le font allonger que progressivement (V. Escrime).
FEIRAN ou FIRAN. L'un des principaux ouadys de la
péninsule sinaïtique; mais l'on donne plus particulièrement
ce nom à la partie de cet ouady qui forme au pied du
gebel Serbâl et au N. de cette montagne la plus grande oasis
de la péninsule. Arrosé en tout temps par des ruisseaux
limpides, noyé même pendant une partie de l'hiver par de
véritables torrents, le sol argileux de cette oasis est cou-
vert d'une épaisse végétation buissonnante d'où émergent
des bouquets de tamarix et de palmiers. Sur un rocher
isolé, nommé El-Maharrad, s'élèvent les ruines du monas-
tère de Pharan. Au pied du mamelon, du côté du N.,
gisent les débris d'une église. L'ancienne ville de Pharan
(V. ce mot) s'étageait sur la pente opposée. Quelques
habitations en pierre, qui existent encore aujourd'hui, fai-
saient sans doute partie de l'ancienne ville. Les cultiva-
teurs sédentaires sont presque tous des Bédouins de la
tribu des Gebeliyehs, auxquels la terre est affermée par
des propriétaires appartenant à d'autres tribus. Le Feiran
est, chaque année, après la récolte, le théâtre d'une fête
religieuse à laquelle prennent part des envoyés de toutes
les tribus ; cette fête comprend le sacrifice d'un chameau
au prophète, mais célébré selon un rite qui nous fait
remonter aux temps préislamiques. Pour les souvenirs his-
toriques et religieux relatifs au Feiran,V. Pharan et Sinaï.
G. Bénédite.
— 125 —
FEISSAL ^- FELBER
FEISSAL.Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. et cant.
de Sisteron ; 44 hab.
FEISSONS-sous-Briançon. Corn, du dép. de la Savoie,
arr. et cant. de Moutiers; 812 hab.
FEISSONS-sur-Salins. Corn, du dép. de la Savoie,
arr. de Moutiers, caut. de Bozel ; 235 hab.
FEISTENBERGER (A.), peintre français (V. Faisten-
berger).
FEISTMANTEL (Otakar), naturaliste tchèque, né près
de Beroun en 1848. Il fut attaché en 1868 au musée du
royaume de Bohême ; il passa ensuite à l'Institut géolo-
gique de Vienne et à l'université de Breslau. En 1874, il
devint secrétaire du Geological Survey de Calcutta. En
1883, il revint en Europe et fut nommé professeur à l'uni-
versité tchèque de Prague. Il a collaboré à un grand nombre
de recueils techniques, tchèques, allemands ou anglais,
notamment aux Palœontographica (qui se publient à
Cassel) ; il a publié en anglais Flora of the Gondwana
System in India (Calcutta, 1876-1886, 4 fasc.) et écrit
en tchèque Huit Années dans l'Inde (Prague, 1884).
FEISTRITZ (en shv e Bystrica). Rivière de l'Autriche.
Elle arrose la Carniole et se jette dans la Save. — Une
autre Feistritz arrose la Styrie, pénètre en Hongrie et se
jette dans la Raab. Sa longueur est de 100 kil.
FEITH (Rhynvis) (V. Feyth).
FEITH (Everard), antiquaire et helléniste hollandais, né
à Elburg vers 1597, disparu à La Rochelle vers 1625.
Après avoir étudié le grec, l'hébreu et la philosophie, il
vint professer la langue grecque en France et se lia avec
Isaac Casaubon, Jacques- Auguste de Thou et Pierre Du Puy.
Henri Bruman, son petit-neveu, a publié : Everhardi
Feithii Antiquitatum Homericarum libri IV (Leyde,
1677; Amsterdam, 1726; Strasbourg, 1743, et dans le
t. VI du Thésaurus Antiquit. Grœc. de Gronovius).
FEÏZABAD. Ville de l'Asie centrale, ch.-l. des Badak-
cham, sur le Koktcha, tributaire de l'Amou-Daria, à 1554 m.
d'alt. Détruite par le khan de Koundouz en 1820, elle a
repris un peu d'importance.
FEÏZABAD. Ville de l'Inde anglaise, dans l'Aoudh, sur
la rive droite du Gogra ; 40,000 hab. Non loin sont les
ruines d'Ayvdhyâ. Feizabad fut la capitale des rois musul-
mans du XVIIIe s. (V. Aoudh).
FEJER (Georges), érudit hongrois, né à Kesthely en
1766, mort à Pest en 1851. Professeur, puis chanoine et
bibliothécaire universitaire, il a consacré une grande partie
de sa vie à un travail digne de nos bénédictins, le Codex
diplomaticus Eungariœ (40 vol., Bude, 1829-44). Malgré
certaines lacunes, cette collection a rendu d'immenses ser-
vices : elle a fait passer les études historiques hongroises
dans le domaine de l'érudition sérieuse et documentée.
FEJER Koerœs (V. Koeroes).
FEJERVAR. Nom magyar de Belgrade.
FEJERVARY de Komlos-Keresztes (Geza, baron), mi-
litaire hongrois, né à Josephstadt le 15 mars 1833. Elève
de l'Académie militaire de Neustadt, lieutenant (1851), ca-
pitaine d'état-major (1859), il se distingua à Solferino et
fut anobli; major et aide de camp de l'empereur (1865),
colonel dans la landwehr hongroise (1872) et secrétaire
d'Etat au ministère de la défense nationale ; il fut mis en
1884 à la tête de ce ministère, dans le cabinet Tisza et
garda son portefeuille dans le cabinet Szapary.
FEJFALIK (Jules), savant autrichien, né en Moravie en
1835, mort à Vienne en 1862. Il s'est particulièrement
occupé de la littérature allemande et de la littérature
tchèque du moyen âge. Il a publié dans les Comptes
rendus de l'Académie des sciences de Vienne un certain
nombre de mémoires importants : liber Kœnig Wenzel
von Bœhmen als deutscher Liederdichter ; Zwei bœhm.
Volksbùcherzur Sage von Reinhart von Braunschweig ;
Untersuchungen ûber altbœhmischer vers und Reim
Kunst; en 1860 il fit paraître à Vienne une brochure,
Uber die Kœniginhofer Handschrift, qui souleva en
Bohême de vives polémiques. L. L.
FEKETE (François), légiste et archéologue hongrois, né
à Almaszeg en 1839. Il a écrit des ouvrages sur les Pan-
dectes (1864) et sur le droit hongrois (1865). Président
du tribunal de Déva, il y a fondé en 1880 une société
archéologique, à laquelle il a fait lui-même des communi-
cations sur les migrations des Valaques. E. S.
FEK ETE Koeroes. Nom magyar de la branche dite noire
de la rivière Kœrœs (V. ce mot).
F EL. Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan, cant.
d'Exmes ; 276 hab.
FEL (Marie), cantatrice scénique française, née à Bor-
deaux le 24 oct. 1713, morte après 1789. Fille d'un or-
ganiste de Bordeaux, douée d'une beauté pleine de grâce,
de délicatesse et d'élégance, d'une voix souple et charmante
qu'elle dirigeait avec un goût exquis, elle vint débuter à
l'Opéra en 1733, dans les Eléments, et pendant un quart
de siècle elle fournit à ce théâtre une carrière brillante,
presque glorieuse, et dont le souvenir se conserva long-
temps. Rameau lui confia les rôles principaux de Darda-
nus, Castor et Pollux, les Indes galantes, Hippolyte
et Aride, Zoroastre, Platée, Zaïs, les Fêtes de Polym-
nie; Mouret, ceux des Amours des Dieux, les Grâces,
les Fêtes de Thalie, le Ballet des Sens, le Temple de
Gnide, les Amours de Ragonde; Mondon ville, ceux de
Titan et l'Aurore, Isbé, le Carnaval du P amasse y
Daphnis et Alcimadure. Elle créa aussi nombre d'ou-
vrages de Campra, Salomon, Baptistin, Rebel et Fran-
cœur, Boismortier, Colin de Blamont, Niel, Montéclair.
L'un de ses succès les plus éclatants fut celui qu'elle
remporta dans le joli rôle de Colette du Devin du village
de Jean-Jacques Rousseau. Mlle Fel quitta l'Opéra en 1758,
avec une pension de 1,500 livres, mais elle continua jus-
qu'en 1770 défaire partie de la musique delà chambre du
roi, avec un traitement de 5,000 livres. Cette femme sé-
duisante inspira de nombreuses et ardentes passions, entre
autres au trop fameux baron Grimm et au poète Cahuzac.
On connaît sa liaison avec le célèbre pastelliste La Tour,
qui fit d'elle un merveilleux portrait, exposé par lui en
1757, et qu'on trouve aujourd'hui au musée de Saint-
Quentin, ville natale du peintre. Arthur Pougin.
FELANIA (Le Felan, Adanson) (Malac). Genre de Mol-
lusques-Lamellibranches, de l'ordre des Lucinacés, établi
par Recluz en 1851, pour une coquille offrant les carac-
tères suivants : coquille de petite taille, suborbiculaire,
équivalve, équilatérale, recouverte par un épiderme mince;
charnière composée sur chaque valve de deux dents api-
cales divergentes, dont la postérieure sur la valve droite
et l'antérieure sur la valve gauche, bifides et canaliculées ;
une rainure sur chacun des côtés de la lame cardinale,
tenant la place des dents latérales ; ligament externe, al-
longé ; impressions musculaires ovales, oblongues, la pos-
térieure plus étendue que l'antérieure ; ligne paliéale simple.
Ex. Felania rosea Recluz. Les Félanies habitent les côtes
de l'Afrique et en particulier le Sénégal. J. Mab.
FELAN 1TX. Ville d'Espagne, île de Majorque, distr.de
Manacor, à 50 kil. E.-S.-E/de Palma, sur les pentes d'une
colline couverte de cactus, au milieu d'une région fertile ;
11,018 hab. E. Cat.
FELA PTO N (Log.) . Terme qui désigne un mode de la troi-
sième figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure est
universelle négative (E), la mineure universelle affirmative
(A), et la conclusion particulière négative (O). Ex. : Nulle
injure n'est agréable ; — toute injure doit être pardonnée;
— donc quelque chose qui doit être pardonné n'est point
agréable. La lettre F indique que, pour être prouvé, ce mode
doit être ramené au mode ferio de la première figure ; la
lettre P indique que cette opération devra se faire en con-
vertissant par accident la mineure.
FELBER (Hans), architecte allemand, né à Ulm. Il
était en 1416 à Augsbourg. De 1427 à 1429, il fut codirec-
teur des travaux de l'église Saint-Georges à Nordlingue. —
FELBER — FELDSPATH
\% —
Un autre Felber, son fils probablement, construisit en
1488 l'église de Waiblingen.
FELB1GER (Jean-Ignace de), prélat catholique, réfor-
mateur des écoles en Silésie et en Autriche, au xvnr3 siècle,
né à Gross-Glogau (Silésie) en 1724, mort à Presbnurgen
1788. Il étudia la théologie à Breslau, entra dans les
ordres, et fut nommé en 1760 abbé-prélat de Sa,; r_. Dési-
reux d'améliorer l'enseignement populaire, il s'employa à
cette œuvre avec la plus grande activité, fondant des écoles
sur le modèle de la première Piealschule instituée à
Berlin par Hecker, répandant la « méthode des tableaux et
des lettres » de Hâhn. Chargé officiellement par le gou-
vernement prussien de réorganiser les écoles en Silésie, il
rédigea le « Règlement pour les écoles catholiques du
duché de Silésie et du comté de Glatz » du 3 nov. 1765.
Le succès des réformes de Felbiger fut tel que Marie-
Thérèse l'appela en 1774 à Vienne et lui donna le titre de
directeur général des écoles des Etats autrichiens. La même
année parut le « Règlement scolaire général pour les
écoles allemandes normales et élémentaires des Etats héré-
ditaires de l'impératrice et reine ». Ce règlement rendit
l'instruction obligatoire, fixa dans tous ses détails le plan
d'études de l'école primaire élémentaire, de l'école primaire
supérieure et de l'école normale, et prescrivit l'emploi de
manuels uniformes. A l'avènement de Joseph II, Felbiger
tomba en disgrâce et se retira dans le prieuré de Pres-
bourg que lui avait donné Marie-Thérèse. Il avait résumé
ses idées pédagogiques dans un petit livre intitulé Ei-
genschaften, Wissenschaften und Bezeigen recht-
schaffener Schulleute, um nach dem in Schlesien fur
die Rômisch-Katholischen bekannt gemachten Land-
schulreglement der Jugend nûtzlichen Unterricht zu
geben. Il y recommandait de s'adresser à l'intelligence des
enfants plutôt qu'à leur mémoire, d'éveiller la réflexion,
d'exercer les élèves au moyen de demandes et de réponses,
et d'alléger le programme de toute surcharge inutile. Mais
à côté de ces idées toutes modernes, il préconisait un sys-
tème artificiel de mnémotechnie universelle, c.-à-d. la mise
en tableaux clairs et méthodiques de toutes les matières de
l'enseignement scolaire. On trouvera la liste complète des
très nombreux ouvrages de Felbiger dans le Lexikon der
von J. J750-i80 verstorbenen Schriftsteller (t. III,
pp. 297 etsuiv.). Th. Ruyssen.
Bibl. : Salzmann, Denkwiirdigkeit aus dem Leben
ausgez. Teutschen; Schnepfenthaï, 1802, p. 330, in-8.—
Journal von u. fur Teutschland, 1785, part. XI, p. 469. —
F. Schlosser, Gqsch. des 18 Jahrhundert und des 19,
bis zum Sturze des franzôs. Kaiserreichs ; Heidelberg.
1844, t. IV, p. 430, in-8.
FELCE. Corn, du dép. delà Corse, arr. de Corte, cant.
de Valle-d'Alessani ; 440 hab.
FELD-maréchal (Art milit.). Grade qui répondait au
xviie siècle, dans les armées allemandes, à notre grade de
chef d'état-major d'une armée, et qui est devenu depuis l'ana-
logue de celui de maréchal de France. Il y a depuis plus
d'un siècle des feld-maréchaux, non seulement en Prusse
et en Autriche, pays de langue allemande, mais encore en
Angleterre, en Russie, etc.
FELDBERG. Village de Suisse, cant. des Grisons, sur
la rive gauche du Rhin ; 528 hab. Il a subi déjà plusieurs
éboulements de la montagne au pied de laquelle il est situé
et se trouve continuellement menacé d'être écrasé, per-
spective malgré laquelle les habitants ne peuvent se décider
à quitter leurs foyers.
FELDKIRCH/Ville de l'empire d'Autriche, dans le
Vorarlberg, sur la ligne du chem. de fer de l'Arlberg ;
3,564 hab. C'est un ch.-l. de capitainerie de cercle. Un
combat y fut livré en 1799 entre les Autrichiens et les
Français commandés par Masséna. Les Français l'occupèrent
en 1805. L. L.
FELDSPATH* La famille des feldspaths constitue en
minéralogie un groupe très important, non seulement à
cause des intéressantes propriétés des types qui le consti-
tuent, mais encore en raison du rôle considérable qu'ils
jouent daus la composition des roches les plus diverses. Les
feldspaths sont des silicates d'alumine et d'une base mo-
noxyde (potasse, soude, chaux ou plus rarement baryte) ; une
de leurs propriétés caractéristiques consiste dans l'existence
de deux clivages faciles, l'un suivant/?, l'autre suivant*?1,
clivages faisant entre eux un angle de 90° dans les felds-
paths monocliniques, ou un angle voisin seulement de 90°
dans les feldspaths tricliniques, que l'on désigne parfois
sous le nom de plagioclases. Les feldspaths monocli-
niques sont potassiques (orthose) ou barytiques (hyalo-
phane). Quant aux feldspaths tricliniques, les uns sont
potassiques ou sodopotassiques (microcline et anorthose)
et très voisins, comme propriétés, de l'orthose ; les autres,
au contraire, sodiques, calciques ou calcosodiques, s'en
éloignent davantage et constituent les feldspaths tricliniques
proprement dits.
Feldspaths potassiques et sodopotassiques. — Orthose
{Kkm^ialbic^O^dlilO^m^h^m0!';
mm =i 118° 48/.— Les formes les plus habituelles sont :
p, r/1, g2, ai, a1'2, b1'2, e^2, etc. Il existe plusieurs
macles très fréquentes : 1° macle de Carlsbad, avec gi
pour face d'association et axe de rotation parallèle à l'axe
vertical ; 2° macle de Baveno, avec eil2 pour face d'asso-
ciation et axe de rotation perpendiculaire ; 3° macle de
Manebach ou de Four~la~Brouque, avec/? pour face d'asso-
ciation et axe de rotation perpendiculaire ; 4° macle de
Valbite^ avec g1 pour face d'association et axe de rotation
perpendiculaire. Dans l'orthose monoclinique, l'axe perpen-
diculaire à g1 étant un axe de symétrie binaire, cette macle
n'est apparente que grâce à une ligne de suture sur le cris-
tal résultant. 11 n'en est plus de même pour V anorthose et
le microcline, qui sont tricliniques (pg1^ 90° 16' dans le
microcline et 90° 29' dans l'anorthose). La macle de l'albite
s'y montre répétée un très grand nombre de fois : elle est
associée d'une façon constante dans le microcline, assez sou-
vent dans l'anorthose, aune autre macle, celle de la péri-
cline, dont il sera question plus loin. Ces macles sont
visibles au microscope grâce aux propriétés optiques.
Dans l'orthose, le plan des axes optiques est perpendi-
culaire à g1, et, dans cette face, la bissectrice aiguë néga-
tive fait un angle de 5° (d'avant en arrière dans l'angle
obtus de ph1) avec la trace de p. M. des Cloizeaux a montré
que si l'on chauffe une plaque d'orthose, taillée perpendi-
culairement à la bissectrice négative, on voit les axes
optiques, primitivement disposés perpendiculairement à g1,
se rapprocher, se réunir, puis s'ouvrir à nouveau dans un
pian parallèle à g1. Cette dernière disposition reste perma-
nente quand la température a atteint 900° ; elle s'observe
normalement dans quelques cristaux naturels d'orthose
[orthose déformé), tandis que la plupart de ceux-ci pos-
sèdent la première orientation {orthose non déformé),
L'anorthose et le microcline présentent des propriétés
optiques voisines de celles de l'orthose non déformé ; le plan
des axes optiques y est presque perpendiculaire à gi; mais,
tandis que dans l'anorthose les extinctions sont de 1° envi-
ron dans p et de 9° dans gi par rapport à l'arête^1, elles
sont de !5° dans;; et de 5° dans g1 pour le microcline. Dans
ce dernier feldspath, en outre, les macles de l'albite et de la
péricline se pénètrent d'une façon extrêmement intime et
donnent dans les plaques p, examinées en lumière polarisée
parallèle, un quadrillage très caractéristique. Le microcline
présente très souvent des interpénétrations de fines bande-
lettes de quartz, d'albite : certaines variétés où elles sont
très abondantes ont été désignées sous les noms de perthite,
de microperthite. La densité de l'orthose et du microcline est
de 2,53 à 2,59, celle de l'anorthose de 2,57 à 2,60. Leur
dureté est de 6. Les feldspaths potassiques sont transpa-
rents ou translucides ; quand ils présentent des colorations
vertes, rouges ou jaunes, ils les doivent à des produits
d'altération. On a donné le nom à'adulaire aux variétés
d'orthose, toutà fait hyalines, celui de sanidine, à'eisspath
à l'orthose des roches volcaniques présentant un éclat vitreux
et de nombreuses craquelures, très caractéristiques ; les
- 427
FELDSPATH — FELETZ
sanidines sont souvent riches en soude et passent à Vanor-
those; la pierre de lune est une variété d'orthose à reflets
nacrés ; la pierre des amazones un microcline coloré en
vert.
Le hyalophane estunorthose barytique([Ba,K]AI'2Si6016)
possédant toutes les propriétés cristallographiques et optiques
de l'orthose purement potassique.
Tous ces minéraux sont inattaquables par les acides ; au
chalumeau, ils fondent difficilement en un verre buileux.
Les feldspaths potassiques ont une grande tendance à se
décomposer, donnant alors naissance à des produits micacés
ou à des substances complètement dépourvues d'alcalis
(kaolin). Le kaolin, ainsi que l'orthose intact, est employé
pour la fabrication de la porcelaine. La pierre de lune, la
pierre des amazones sont utilisées par la joaillerie.
L'orthose et le microcline se rencontrent dans les gneiss,
les granulites et les pegmatites en bons cristaux ou en
masses ; l'orthose est le feldspath dominant des granités,
syénites, microgranulites et porphyres : on le trouve soit en
grands cristaux, soit en microlites dans les trachytes, dont
il constitue le feldspath caractéristique. Dans les syénites
néphéliniques, les phonolites et les leucitophyres, il est
accompagné ou remplacé par l'anorthose.
Feldspaths sodiques, calciqueset calcosodiques. — On
distingue généralement les types suivants dans les groupes
des feldspaths tricliniques, différant les uns des autres par
leur teneur en silice et par la nature du protoxyde domi-
nant :
Bases - Rapports
dominantes. d'oxygène.
Albite Soude. 4 : 3 : 42
Oligoclase .... Soude et chaux. 1 : 3 : 10 à 4 : o : 9
Andésine Soude et chaux. 4 : 3 ; 8.
Labrador Chaux et soude. 4 : 3 : 7 à 4 : 3 : 6
Anorthite Chaux. 4 : 3 : 4.
Ces divers types présentent, de l'albite à l'anorthite, des
caractères variant d'une façon continue. Leurs angles son*
voisins et à mesure que l'on descend dans la série, ces mi-
néraux deviennent plus fusibles et plus attaquables par les
acides (l'anorthite est seule complètement décomposée par
l'acide chlorhydrique) . La densité varie de 2,54 (albite) à
2,75 (anorthite) en passant par les valeurs de 2,62 à 2,65
pour l'oligoclase, de 2,65 à 2,68 pour l'andésine et de
2,68 à 2,74 pour le labrador. Frappé de tous ces faits, le
minéralogiste autrichien Tschermak a proposé (Théorie de
Tsctiermak) de considérer tous les feldspaths tricliniques
non comme des espèces définies, mais comme des mélanges
isomorphes d'albite et d'anorthite. Le volume moléculaire de
l'albite est exactement égal à celui (doublé) de l'anorthite.
Max Schuster a montré que l'angle d'extinction en lumière
polarisée parallèle était fonction de la composition chi-
mique ; M. Mallard a fait voir en outre que ces angles d'ex-
tinction pouvaient être calculés à l'aide des formules qu'il
a établies pour les mélanges isomorphes, les divers felds-
paths possédant des propriétés physiques qui sont en quelque
sorte la moyenne arithmétique des propriétés similaires des
éléments constituants. Cet isomorphisme n'exclut pas du
restela prédominance de certains types privilégiés, dont nous
avons énuméré les noms plus haut. Cette théorie a donné
lieu à de nombreuses controverses.
Le caractère distinctif des feldspaths tricliniques réside
dans l'existence, sur la face;?, de fines cannelures ou stries,
correspondant à la macle polysynthétique suivant la loi de
l'albite : cette macle se traduit dans les lames, examinées
en lumière polarisée parallèle, par des bandelettes hémi-
tropes souvent répétées. Les feldspaths tricliniques présen-
tent toutes les autres macles, signalées à l'occasion de l'or-
those, avec en outre une macle souvent polysynthétique à la
faconde celle de l'albite, c'estlamacle delà péricline. Elle a
pour face d'association une face de la zone ^/i* (variable dans
les divers types feldspathiques) plus ou moins voisine de p
avec axe de rotation perpendiculaire.
Les différences caractéristiques existant entre les divers
feldspaths tricliniques résident dans l'obliquité plus ou
moins grande des deux clivages p et g1 et dans les angles
d'extinction sur ces deux faces. En voici le tableau d'après
les travaux de M. des Cloizeaux (les extinctions dans gi
sont dites positives quand elles se font d'avant en arrière
dans l'angle obtus pli1 et négatives dans le cas contraire) :
Angle pgl
IV\UUCUOIl
dans p
juximcuo
dans g1
Albite
93° 35'
5o
+ 20°
Oligoclase . .
93°50/
4°
+ 5°
Andésine. . .
93« w
0°
0°
Labrador. . .
93° 20'
90
— 24°
Anorthite . .
94° W
37°
— 37°
Dans les feldspaths tricliniques, le plan des axes optiques
n'est plus perpendiculaire à gL comme dans l'orthose, mais
l'indice maximum est toujours plus ou moins oblique sur
cette face. La bissectrice aiguë est positive dans l'albite et
le labrador, négative dans les autres feldspaths tricliniques.
Quant aux formes dominantes ce sont les suivantes : m,
t, g*-, g2 et % p, a1, a^p11*,^ eil2, z172; les cris-
taux sont très souvent aplatis suivant g1.
Les cristaux nets sont très fréquents dans l'albite, beau-
coup plus rares dans les autres types. Les cristaux d'albite
se rencontrent dans les druses des roches éruptives an-
ciennes ou métamorphiques ; la variété péricline consti-
tue de gros cristaux blancs laiteux, présentant souvent la
macle qui a pris son nom ; on trouve aussi de beaux cris-
taux d'albite dans les calcaires métamorphiques des Alpes
et des Pyrénées : ils y présentent parfois une macle spé-
ciale, différente de celles qui ont été énumérés plus haut.
Les cristaux distincts des autres feldspaths se trouvent en
général engagés dans diverses roches ; ceux d'anorthite se
rencontrent surtout dans les blocs calcaires métamorphisés,
rejetés par la Somma. La bytonnite est un feldspath in-
termédiaire entre le labrador et l'anorthite.
L'importance jouée par les feldspaths tricliniques dans la
constitution des roches est considérable. Ils se trouvent
subordonnés à l'orthose dans les roches qui ont été énumé-
rées à l'occasion de ce dernier feldspath ; elles forment le
feldspath dominant des gneiss basiques, des Montes , dia-
bases, gabbros, norites, etc., on les trouve en grands
cristaux ou en microlites dans un très grand nombre de
roches microlitiques (andésites, labradorites, basaltes,
tephrites, leucoléphrites). C'est sur la nature des micro-
lites feldspathiques qu'est basée la classification des roches
microlitiques dans la nomenclature de MM. Fouqué et Mi-
chel Lévy. A. Lacroix,
II. Industrie (V. Albite et Minéralogie).
FELEBA. Pays du Soudan occidental, région sénégam-
bienne, compris entre le Gangaran au S., le Fouladougou
au S.-É., le Dialafara au N.; au confluent des deuxBakhoy.
Le Feleba est habité par les Malinkés.
FÉLEGYHAZA. Ville de Hongrie qui était avant 4876 le
chef-lieu du "district de la Petite-Coumanie, et qui est aujour-
d'hui réunie au comitat de Pest-Pilis. Ses habitants, pour
la plupart magyars et catholiques, sont adonnés à la cul-
ture d'une plaine fertile en blé, en vins, en fruits, et à
l'élève du bétail.
FELETZ (Charles-Marie Dorimond, abbé de), littérateur
français, né près de Brive-la-Gaillarde le 3 janv. 4767,
mort à Paris le 44 févr. 4850. Maître de conférences de
philosophie et théologie au collège Sainte-Barbe, il fut
ordonné prêtre en 4792 par un évêque insermenté, fut
persécuté pour refus du serment constitutionnel, empri-
sonné à Rochefort sur un ponton et, relâché au bout de
dix mois, se cacha en province. En 4804, il revint à Paris,
entra dans la rédaction du Journat des Débats où il
tint, jusqu'en 4829, le sceptre de la critique littéraire.
En 4809, il devint conservateur de la bibliothèque Maza-
rine, collabora au Mercure de France, fit partie de la com-
mission des livres classiques de l'université (4842), fut
nommé inspecteur de l'académie de Paris (4820) et fut élu
FELETZ — FÉLIBRIGE
128 —
membre de l'Académie française en 1826. Outre sa colla-
boration aux Débats, qui lui a valu la réputation d'un des
bons critiques littéraires du temps, l'abbé de Feletz a eu
part au Plutarque français, à Y Encyclopédie des gens
du monde, aux Lettres champenoises, a traduit Horace
pour la collection Panckoucke, etc. On a réuni ses articles
de critique sous les titres suivants : Mélanges de philo-
sophie, d'histoire et de littérature (Paris, 1828, 6 vol.
in-8), et Jugements historiques et littéraires sur quelques
écrivains et quelques écrits du temps (Paris, 1840,
in-8). Il a donné à la Biographie universelle les vies de
Mme du Deffand, de La Fontaine, de Geoffroy, de Palissot,
de Sénecé. R. S.
Bibl. : Villemain, M. de Feletz et quelques salons du
temps, dans Souvenirs contemporains, t. 1. — Paul Des-
jardins, Hoffmann et de Feletz, dans le Livre du cente-
naire du journal des Débats ; Paris, 1889, in-4.
I FEL6ENHAUER (Paul), théosophe et mystique, né à
Pucvic (Bohême) vers la fin du xvie siècle, mort en 1660.
II se signala dans sa patrie par des écrits mystiques dès
1620. Quand les protestants furent persécutés en Bohême,
il dut se réfugier à Amsterdam (1623). De là, de nouveaux
écrits, publiés chez Janson et critiquant vivement l'Eglise
établie, se répandirent en Allemagne. On demanda son
expulsion; en 1657, il fut arrêté et emprisonné à Suhlin-
gen (Hanovre) ; relaxé, il alla à Hambourg, où Ton perd
ses traces.
Bibl. : J.-F. Adelung, Geschichte der menschlichen
Narrheit ; Leipzig, 1787, t. IV. On trouvera aux pp. 400 et
suiv. les 46 titres des ouvrages de Felgenhauer.
FÉLIBIEN (André), sieur des Avaux et de Javercy,
architecte et historiographe français, né à Chartres en
mai 1619, mort le 11 juin 1695. Après avoir étudié à
Paris, il alla à Rome comme secrétaire de notre ambassa-
deur, le marquis de Mareuil, et là, tout en traduisant
(1647) le manuscrit italien de la Vie de Pie V, du car-
dinal Barberini (Paris, 1672, in-12), il se lia avec Le
Poussin, dont les conseils le décidèrent à s'adonner aux
arts. De retour à Chartres, il se maria et vint se fixer à
Paris, où, grâce à la protection de Fouquet, puis de Col-
bert, il devint en 1666 historiographe des bâtiments, en
1671 secrétaire de l'Académie d'architecture, et, en 1673,
garde du Cabinet des antiques. Tout en s'acquittant de
ces emplois, il continua de se livrer aux études artistiques
et littéraires, et cultiva même la poésie (le Songe de Phi-
lomathe, 1688). Parmi ses nombreux ouvrages, nous
citerons : Paraphrases des lamentations de Urémie,
du Cantique des Cantiques et du Miserere (1646, in-12);
Relation de la disgrâce du comte-duc Olivarès, traduit
de l'italien de Camille Guido (Paris, 1650, in-8 ; Amster-
dam, 1660, in-12) ; Origine de la peinture (1660, in-4);
Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excel-
lents peintres anciens et modernes (Paris, 1666, 1672,
1679, 1685, 1688; Amsterdam, 1706, 5 vol. in-fol.) ;
Conférences de l'Académie de peinture (Paris, 1669,
in-4); le Château de l'Ame, traduit de l'espagnol de
sainte Thérèse (1870, in-12); Description de l'abbaye
de La Trappe (Paris, 1671-1689, in-12), de la Grotte
de Versailles (Paris, 1672, in-4), du Château de Ver-
sailles (Paris, 1674; Amsterdam, 1703), des Tableaux,
statues et bustes des maisons royales (Paris, 1677,
in-4) ; Principes de V architecture, de la sculpture, de
la peinture et des arts qui en dépendent (Paris, 1676-
1690, in-4); puis plusieurs œuvres inédites, entre autres
Etude sur les habits et vêtements antiques. Il y a, en
outre, quelques lettres de lui dans la Correspondance de
l'abbé Nicaise.
FÉLIBIEN (Jean-François), fils du précédent, architecte
français, né vers 1658, mort le 23 juin 1733. Il devint
secrétaire de l'Académie d'architecture, trésorier de celle
des inscriptions, et conseiller du roi. Ses principaux écrits
sont : Recueil historique de la vie et des ouvrages des
plus célèbres architectes (Paris, 1687, in-4); Plans et
dessins de deux maiso?is de campagne de Pline, avec
remarques et dissertations concernant l'architecture
antique et gothique (Paris, 1699, in-12); Description
de la nouvelle église des Invalides, avec plans (Paris,
1702, lre édit., in-12).
FÉLIBIEN (Michel), religieux bénédictin de Saint-Ger-
main-des-Prés, frère du précédent, né à Chartres, où il fut
baptisé le 14 sept. 1666, mort le 25 sept. 1719. Il s'adonna
de bonne heure à l'étude de l'histoire et publia, en 1706,
une Histoire de l'abbaye royale de S. Denys en France,
qui est encore aujourd'hui très appréciée. Le succès de cet
ouvrage attira sur son auteur l'attention de Jérôme Bignon,
alors prévôt des marchands, qui, en 1711, lui confia la
rédaction d'une histoire de Paris, conçue de même sur
l'étude des documents originaux. Le savant bénédictin se
mit à l'œuvre, et, en 1713, il publiait une sorte de pro-
gramme de l'œuvre à laquelle il se consacrait et qui ne
devait, avec le texte des pièces justificatives, former que
2 vol. in-fol. Il mourut avant d'en avoir rien publié, mais
en laissant le manuscrit conduit jusqu'à l'année 1661.
Dom Alexis Lobineau, également bénédictin, reprit le tra-
vail à cette date, et, après l'avoir considérablement aug-
menté, le publia en 1725. h' Histoire de la Ville de Paris
forme 5 vol. in-fol., dont 3 de Preuves; c'est un des
instruments de travail indispensables à ceux qui s'occu-
pent d'histoire parisienne. F. B.
FÉLIBRE (V. Félibrige).
FÉLIBRIGE. Association régionaliste d'écrivains et d'ar-
tistes du midi de la France, fondée en 1854. L'étymolo-
gie du mot félibre trouvé par Mistral dans un vieux can-
tique provençal (la Vierge rencontre Jésus dans le temple
« parmi les sept félibres de la loi ») est encore mal expli-
quée. On a proposé : le latin felibris ou fellebris, nour-
risson, d'après Ducange (de fellare, teter, d'où filius) ; le
grec ^iXcjSpouoç, ami de l'hébreu, appliqué dans les syna-
gogues aux docteurs de la loi, ou ^tXappo;, ami du beau ;
l'irlandais filea, barde, et ber, chef, etc.
Le statut du Félibrige, rédigé lors de sa constitution
définitive en 1876, en expliquait ainsi le but : « Le Féli-
brige est établi pour rapprocher dans une ardeur commune
les hommes dont les œuvres sauvent la langue des pays d'oc,
et les savants et les artistes qui étudient et travaillent dans
l'intérêt ou au regard de ces contrées. » Longtemps, il
n'avait été qu'un allègre bataillon de volontaires pour la
restauration d'une littérature et d'un parler déchus. Mais
peu à peu, cette langue devenant « la naturelle incarnation
de la patrie, de l'indépendance et des droits sentiments »,
il enseigna que le premier devoir d'un Méridional patriote,
en dehors des partis, était de maintenir la dignité de race
et l'honneur de son peuple. Peu à peu, il s'enhardit jus-
qu'à murmurer contre l'oppression administrative des pro-
vinces, et fraterniser avec les Catalans, ses frères d'idiome,
pour réclamer comme eux plus de liberté. Le regret poé-
tique et traditionnel des grands jours du passé suscitait
parmi ses adhérents un mouvement scientifique autant que
social. S'il s'accentuait chez quelques-uns jusqu'à se tra-
duire par des vœux de fédéralisme, jugés par d'autres exces-
sifs, la plupart du moins ne cessaient de protester contre
la rigueur d'une prédominance parisienne qui réduit les
énergies locales à néant. On lira plus loin l'évolution de
cette palingénésie provençale.
Le libre développement naturel des forces vives de la
race et du sol, de leur personnalité séculaire, voilà ce que
réclament les félibres. Ce qu'ils veulent tous, c'est qu'un
Provençal, un Languedocien, un Gascon ait le droit de con-
naître et d'aimer son pays natal, avec la liberté de ne pas
renier ses ancêtres en faveur d'un patriotisme si abstrait
qu'il le dénationalise. Ils protestent contre un enseigne-
ment uniformitaire qui réduit l'histoire de la France à celle
des agrandissements de la monarchie. Et au-dessous de sa
métropole nationale, ils lui souhaitent autant de centres
régionaux que d'anciens chefs-lieux historiques. Si toutes
les provinces, en secret agitées contre ce vampire politique,
la centralisation, doivent faire triompher une tendance au-
— 129 -
FELIBRIGE
jourd'hui générale à l'affranchissement, elles se souvien-
dront qu'elle doit son impulsion première au Félibrige.
Les précurseurs. — Vers la fin du xur3 siècle, quand,
après la désastreuse croisade « albigeoise » qui arrêta dans
sa croissance la civilisation du Midi pour en déplacer l'épa-
nouissement, la domination capétienne fut bien établie sur
la Provence après Toulouse, la langue des troubadours,
abandonnée de la faveur officielle, commença de déchoir.
Peu à peu, ce provençal, consacré jadis par les princes
comme l'expression du gai savoir, fut remplacé par le fran-
çais dans les cours méridionales. Entraîné dans le courant
de la littérature triomphante, que la restauration toulou-
saine du xive siècle ne parvint pas à détourner, il perdit,
relégué dans le peuple, jusqu'à son orthographe naturelle,
avant de tomber au rang des patois. Cependant, il n'avait
cessé d'avoir des interprètes, et nous le trouvons très vivant
toujours, sous sa transformation récente, en 1539, quand
François Ier en interdit l'usage dans les actes publics. Cet
édit le discrédita sans qu'une altération nouvelle s'ensuivit.
C'est même alors que se manifeste un premier réveil des
lettres provençales. Mais les précurseurs du Félibrige ne
datent réellement que du commencement de notre siècle.
Avant d'en aborder l'histoire sommaire, nous énumérerons
leurs principaux ancêtres.
Et d'abord le Grassois La Bellaudière (1 532-88) , un Marot
provençal, dont l'œuvre posthume publiée par son émule
et ami Pierre Paul, manqua de provoquer à Marseille une
renaissance, un premier Félibrige en 4595. Vers le même
temps, Augié Gaillard, le fameux charron de Rabastens,
avait réveillé facétieusement les Muses d'Aquitaine, aux-
quelles la renommée française de Du Bartas, qui rima aussi
de nobles strophes gasconnes, rendait la considération. Au
siècle suivant, Pierre Goudelin, de Toulouse (1579-1649),
un lyrique du plus haut vol, s'élevait jusqu'à la gloire. En
Provence, le noëlliste Saboly gagnait une popularité qui ne
l'a pas quitté après deux siècles. Sous Louis XV, le Lan-
guedoc tout entier riait avec le joyeux prieur de Celleneuve,
l'abbé Favre, et le Béarn souriait aux grâces des idylliques
chansons de Despourrins. Ainsi l'idiome méridional n'avait
jamais manqué d'interprètes. Mais ses poètes et ses conteurs,
souvent inconnus l'un à l'autre, s'étaient transmis le flam-
beau, sans s'inquiéter d'où venait la lumière. Ce n'est qu'aux
premières années de notre siècle qu'on vit poindre, parmi
les écrivains de langue d'oc, le souci de la dignité, sinon
encore du relèvement de leur instrument littéraire. Scien-
tifique chez les uns, apostolique chez les autres, ce senti-
ment devait aboutir à la réhabilitation définitive des lettres
méridionales. C'est en Languedoc qu'il se traduisit le plus
généralement sous la forme de l'esprit critique. La plupart
des écrivains notables de cette région ont laissé des recher-
ches philologiques ou le glossaire de leur parler, tels, au
premier rang, Fabre d'Olivet (1767-1825), penseur origi-
nal, polygraphe, qui eut des parties de lyrique puissant,
et le marquis de Lafare-Alais (1791-1846), le savoureux
et pittoresque descripteur des Castagnados de son pays
nabal ; puis l'anacréontique Aubanel, de Nîmes, l'érudit Mo-
quin-Tandon et Jacques Azaïs, le jovial et verveux biter-
rois. Leurs renommées modestes furent éclipsées par la
gloire de l'Agenais Jacques Jasmin (4798-1864), à qui
n'aura manqué qu'un peu de culture, sous son émotion gé-
niale, pour devenir classique.
De l'autre côté du Rhône, dans le premier tiers de ce siècle,
on était moins soucieux d'érudition. Comme les anciens
troubadours, les Provençaux ne chantaient guère que pour
chanter. Depuis Toussaint Gros, leur meilleur poète du
xvme siècle, toute une floraison d'insouciants troubaïres,
comme ils se nommaient, s'épanouissait de la Drôme à la
mer de Nice. L'Avignonnais Hyacinthe Morel, le Niçois Ran-
cher, l'Arlésien M. de Truchet, le Marseillais Bellot, l'Aixois
Diouloufet, l'Aptésien Seymard, le Beaucairois Pierre Bou-
net, populaires à divers titres, mais poètes sans profon-
deur, facilitaient la germination d'une littérature facile et
obstinément patoise. Trois Marseillais, Chailan, le poète du
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Gangui ; Benedit, l'auteur de Chichôis, l'historien topique
des Nèrvi, et le grand lyrique réaliste Gelu, qui mérite-
raient une place à part, gardaient leurs muses pittoresques
de toutes prétentions à l'art littéraire et à la dignité de la
langue. Mais du grand nombre des rimeurs comme de la
sociabilité de la race, devaient surgir les premières tenta-
tives de groupement des écrivains provençaux, qui, plus
que les restitutions savantes des Languedociens, provoque-
raient l'éclosion d'une renaissance littéraire. Déjà en 1823
les frères Achard, de Marseille, et sept autres « troubaïres »
avaient donné un recueil collectif de leurs vers. Il convient
d'ajouter qu'en 1839 la Société archéologique de Béziers,
présidée par J. Azaïs, avait ouvert ses concours aux com-
positions de langue d'oc, la première entre toutes ces aca-
démies méridionales fondées pour l'encouragement exclusif
du français. Cette même année, deux rimeurs en vogue,
Pierre Bellot (1783-1855), qui régnait sans conteste sur
le Parnasse patois, et l'abondant Tarasconais Désanat (1 796-
1873), convenaient de publier un journal populaire. Celui-
là le voulait bilingue, celui-ci uniquement provençal. Il
en parut deux : Lou Tambourinaire et le Ménestrel
(1841-42), de Bellot et Louis Mery (pour le français),
Lou Bouil-Abaisso, de Désanat (1841-42, 1844-46). La
plupart des écrivains patois d'alors et les premiers félibres
collaborèrent à ces deux journaux. Une impulsion était don-
née qui permettait de pressentir un mouvement d'ensemble.
Parmi ceux qui faisaient œuvre d'art dans ce concert touffu
et discordant, les sympathies des mieux doués allaient à un
modeste fabuliste, interprète savoureux de La Fontaine, le
Dr Léon d'Astros, frère du cardinal. Il fut choisi pour prési-
der les deux premières assemblées des poètes de langue d'oc.
Le premier Félibrige. — Le 29 août 1852, un « Con-
grès des troubadours provençaux » se réunit à Arles. Il était
dû à l'autorité naissante de Joseph Roumanille, de Saint-
Remy, très estimé déjà pour deux petits livres de poésie, Li
Margarideto (1847), et Li Sounjarello (1851), d'un atti-
cisme suave inconnu jusque-là dans sa langue, et plus encore
pour des pamphlets politiques du plus sain réalisme indigène
(Li Clube, Li Capelan, Li Partejaïre, etc.). Comme pour
préparer cette réunion de chanteurs, il venait de publier,
avec le concours de deux jeunes amis, Frédéric Mistral et
Anselme Mathieu, les premiers confidents de ses projets, un
recueil collectif des poètes vivants du Midi, Li Prouven-
çalo (1852). Depuis près de deux ans, il avait battu le
rappel des traditions artistiques de la langue natale, et
groupé ses meilleurs interprètes dans un journal d'Avignon,
la Commune. Et ce volume, lancé maintenant avec un
instructif avant-propos de l'érudit Saint-René Taillandier,
attirait l'attention de la critique sur cette résurrection
inattendue. Pierre Bellot et Jasmin n'avaient mérité les
éloges de Nodier, de Villemain, de Sainte-Beuve, qu'à titre
d'accidents isolés de la perpétuation de leur idiome. C'était
un commencement de littérature qui surgissait. Car, moins
qu'à rallier à eux tous leurs frères, ce premier essai avait
permis à Roumanille et à son groupe de rassembler les élé-
ments d'une restauration linguistique et orthographique,
base du relèvement qu'ils rêvaient pour le provençal. Le
double succès d'un tel recueil affranchi des grossièretés
d'expression et d'écriture où piétinaient jusque-là les écri-
vains « patois », et de l'assemblée d'Arles qu'il avait pro-
voquée, suscita un 2e congrès des écrivains méridionaux.
Il se réunit à Aix (1853), sous l'initiative de J.-B. Gaut,
auxiliaire de Roumanille pour le premier, poète et journa-
liste, réformateur lui aussi, mais dans une mesure qui le
reléguait encore à la suite de Bellot parmi les troubaïres.
Le succès fut grand : 65 chanteurs assistèrent au congrès
d'Aix, et un recueil collectif, Lou Roumavàgi deis Trou-
baïres le suivit (1854).
Cependant, le groupe avignonnais dont Roumanille et Mis-
tral étaient l'âme poursuivait ses réformes et se constituait
en école littéraire pour en assurer l'avenir. Le 21 mai 1854,
sept poètes provençaux, assemblés au castelet de Font-
Ségugne (Vaucluse) sous le nom de félibres qu'ils s'étaient
9
FÉLIBRIGE
— 130
donné, résolurent solennellement de restaurer l'édifice de
leur parler national. Les sept fondateurs du Félibrige appar-
tiennent désormais à la légende. C'étaient Joseph Rouma-
nille (1818-91), Paul Giera (1816-61), Jean Brunet (né
en 1822), Alphonse Ta van (né en 1833), Anselme Mathieu
(né en 1828), Théodore Aubanel (1829-86) et Frédéric
Mistral (né en 1830). Leur premier soin fut de décréter
la publication d'un almanach de langue vulgaire, qui devait
répandre au loin la bonne nouvelle avec de beaux vers et
de jolis contes, et la bonne semence d'un idiome désormais
fixé, dans les couches natives du peuple qui le maintenait.
VArmana prouvençaa per lou bel an de Dieu 1855
inaugura cette admirable encyclopédie familière qui compte
aujourd'hui 38 vol. Les tendances apostoliques et éduca-
trices de ce petit livre du peuple sont très sensibles dans
les premières années. VArmana de Noël est comme un
évangile de la Provence chrétienne, messager de son patrio-
tisme ressuscité. Les contes joyeux de Roumanille, pro-
fonds et sains croquis de mœurs, ont fait sa première popu-
larité. Avec lui, avec les Sept de Font-Ségugne, d'autres
conteurs, d'autres poètes, Castil-Blaze, Gaut, Bourrelly,
Chalvet, Crousillat, Reboul, Adolphe Dumas, Aug. Boudin,
le Dr Poussel, amis et un peu précurseurs des félibres , de
nouveaux venus, Mme d'Arbaud, Bonaventure Laurens,
Autheman, Thouron, Legré, Ch. Poney, Martelly, et, du
Languedoc provençal, J. Azaïs, Roumieux, Floret, Canonge,
Gaidan, exaltaient par leur enthousiasme le goût des choses
du foyer, l'amour de la Provence. Mais Mistral, mieux que
tout autre, avait compris la tâche assumée par le Félibrige.
Tandis que la plupart se contentaient de chanter, il com-
mençait à dire dans VArmana tout ce que doit savoir un
Provençal. Il entendait déjà son rôle de chef d'un peuple.
De grands traits d'histoire, des leçons élémentaires de bota-
nique et d'astronomie, des conseils moraux et jusqu'à des
recettes de cuisine, entre une cascareleto réjouissante et
un chapitre de la Bible, à côté d'un divin poème comme la
Communioun di Sant et un chef-d'œuvre d'humour et
d'observation, comme Lou Megede Cucugnan : voilà VAr-
mana provençau des premières années.
Cette première époque du Félibrige, son âge de forma-
tion, est dominée par Roumanille. Encore casanière, la lit-
térature naissante s'occupe surtout du présent. Quand elle
regarde en arrière, elle ne chante que la seule Provence,
catholique et grecque et deux fois romaine, des saintes
Maries-de-la-Mer et de la Vénus d'Arles, des papes d'Avi-
gnon et de Marius, vainqueur des barbares. Cette période
se termine avec l'apparition de Mireille (1859).
Extension du Félibrige (1859-1876). — « Je vais
vous raconter aujourd'hui une bonne nouvelle : Un grand
poète épique est né..., un poète de vingt-cinq ans qui, du
premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mé-
lodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de
V Odyssée d'Homère et les scènes innocemment passionnées
de Daphnis et Chloé, mêlées aux saintetés et aux tris-
tesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de
Longus et la majestueuse simplicité de l'aveugle de Chio... »
On connaît les merveilleuses pages des Entretiens de La-
martine, qui saluèrent l'avènement de Mireille, Du coup,
Mistral était célèbre, et tous les regards se tournaient vers
la jeune littérature d'où était sorti le chef-d'œuvre. Le
Félibrige entrait dans sa période d'affirmation. En sept ans,
ce fut une rare efflorescence de talents nouveaux : Théo-
dore Aubanel, — celui-là était génial, — le profond pas-
sionné, le peintre au coloris puissant de la Miôugrano
entreduberto (1861), un Intermezzo chrétien; Anselme
Mathieu, dont la Farandoulo ressuscitait l'âme amou-
reuse, insouciante et fine des anciens troubadours ; Louis
Roumieux, avec sa comédie : Quau voii prendre doits
lèbre..., premier symptôme d'un théâtre provençal épuré
des épices traditionnelles. Après eux, Fr. Vidal, qui, par
son Tambourin en claire prose aixoise, préludait à la résur-
rection de l'instrument national ; le Salonnais Ant. -Biaise
Crousillat, le poète contemplatif de la Crau, où il avait
recueilli le miel classique de sa Bresco ; trois félibresses :
Mme d'Arbaud, dont tout le Comtat goûtait les Amouro de
Ribas, Mme R.-A, Roumanille, l'héroïne des fêtes de Sainte-
Anne-d'Apt (1862), première consécration populaire du Féli-
brige en Provence, et Antoinette de Beaucaire, à qui ses frères
les poètes élevèrent un « tombeau » magnifique et touchant
pour abriter ses Belugo posthumes ; un Irlandais conquis à
la jeune Renaissance et devenu un de ses maîtres, William-
Bonaparte Wyse, le trouvère nomade des Parpaioun blu
et des Piado de la Princesso, dont l'original esprit et la
culture cosmopolite « élargit par delà les Alpilles natales »
les horizons du Félibrige ; combien d'autres encore qui
éclorent au soleil fécond de ces années enthousiastes.
Roumanille avait réuni en deux recueils ses Oubreto en
prose et en vers (1859-64). Avec Mistral, il avait réédité
Saboly, le premier aïeul vénéré des félibres, l'abbé Favre,
Hyacinthe Morel, puis les poésies éparses de quelques pré-
curseurs comme ce bon Reboul qui leur avait fait connaître
à Nîmes les délices du premier triomphe (1859). Enfin,
Mistral donna son poème de Calendau (déc. 1866), couvé
sept ans comme Mireille et qui achevait de le consacrer
poète national de la Provence. Dans ces deux idylles épiques,
il en avait chanté les deux natures, le pays du Rhône et des
plaines, la région des montagnes et de la mer... Il a eu
tort de croire à un insuccès relatif de cette œuvre : la chro-
nique moutonnière Fa répété et la foule y est moins venue
qu'à Mireille. Mais l'action de Calendau fut décisive sur
les jeunes patriotes méridionaux pour lesquels, d'ailleurs,
il semblait écrit. La profondeur autochtone de sa poésie et
sa fière éloquence au nom des revendications de la race fai-
saient présager une orientation nouvelle de la « Cause ».
Dans cette période de son évolution, que nous conduirons
jusqu'en 1876, le Félibrige ne se borna donc pas à une
affirmation littéraire. Un triple courant ethnique, scienti-
fique et autonomiste s'y développa qui aboutit à une affir-
mation sociale. J'en dirai les étapes sommaires. S'il n'avait
fait présager d'abord qu'une littérature de chanteurs, le
Félibrige démontra peu à peu la nécessité d'une éducation
nationale plus conforme à l'histoire et aux traditions. Il en
vint à prouver l'existence d'une race méridionale, entité
aux parties solidaires, dont le cœur a toujours battu quelque
part sur une des terres de sa domination. On les reconnaît
à leur idiome fraternel de la langue d'oc. C'est à Mistral
qu'il appartient d'avoir mis en lumière ce sentiment de la
race plus puissant que les frontières politiques pour rap-
procher ou éloigner les cœurs. Toute son œuvre en témoigne^
depuis VOde aux Catalans (1861) jusqu'au Chant de la
Coupe et au Sirvente devant le bronze de Jasmin ; son
épopée de Calendau n'est qu'un hymne à la race, comme
tous ses discours de Cavoulié. Quelques-uns des cris du
poète ont fait interpréter son particularisme en mauvaise
part. L'odieux mot de séparatisme a été prononcé. La meil-
leure réponse est dans ces lignes de M. Paul Meyer, à propos
d'une ode mal interprétée à Paris : « L'inspiration qui a
produit la Comtesse est celle d'un poète qui, considérant
la différence de l'état présent de son pays à l'état ancien,
s'écrierait volontiers avec un troubadour du xme siècle :
« Hélas ! quel je vous ai vu, et quel je vous vois ! » (Re-
vue critique, 1, 185.) Mais Mistral, dès cette époque, avait
répondu d'avance à toutes les suspicions :
Sian de la grando Franco, e ni court ni coustié I
D'autres tendances sont venues se greffer sur les siennes,
les horizons s'étant multipliés avec les hommes. En voici
brièvement la genèse. En 1860, un poète de Figueras,
Damaso Calvet, venait raconter aux félibres la restauration
solennelle des Jeux floraux de Barcelone. Mistral, dans VAr-
mana, ne tardait pas à exposer le côté mystérieux de ce
réveil de la langue d'oc dans ses diverses branches et à
saluer les Catalans d'un poème superbe qui rappelait la
commune grandeur historique des deux peuples. Peu après,
un proscrit espagnol, Victor Balaguer, datait de Narbonne
un appel poétique où il demandait l'amitié des Provençaux
434 —
FELIBRIGE
pour la jeune Catalogne. On le reçut en triomphe ; le sou-
venir de la triple fête donnée par Bonaparte Wyse à Font-
Ségugne, Vaucluse et Avignon, et à laquelle prirent part
quatre écrivains de Barcelone ; le voyage que bientôt quatre
lelibres (Mistral, Roumieux, Wyse et Paul Meyer) firent
en Catalogne préparèrent une définitive alliance qui fut
scellée à Saint-Remy en 1869, en présence des sommités
littéraires de Paris. Le Félibrige avait passé le Rhône, pro-
pagé par Roumieux et Albert Arnavielle, un boute-en-train
et un apôtre. Il eut bientôt des affiliés jusqu'à Toulouse et
en Gascogne. La jeune littérature, qui depuis Mireille avait
la sanction de tous les amis du beau, provoqua la création
à Montpellier d'une Société des langues romanes qui la
justifia scientifiquement. Son premier fauteur, le baron
Ch. de Tourtoulon, comme historien de Jacques le Conqué-
rant, les philologues Boucherie et Mon tel, et les deux futurs
maîtres du provençalisme en France, Camille Chabaneau
(principal rédacteur de la Revue des langues romanes,
créé en 4870) et Paul Meyer (fondateur, avec M. Gaston
Paris, de la Romania, Paris, 4872) et avec eux, d'autres
félibres érudits, comme glossateurs et éditeurs des anciens
poètes, enfin Mistral lui-même, par la publication succes-
sive de son Trésor du Félibrige, l'admirable encyclopédie
des dialectes d'oc, rattachèrent la littérature nouvelle à la
tradition romane.
Du jour où Catalans et Provençaux avaient fraternisé,
l'« idée latine » était apparue aux félibres. Elle allait
s'affirmer dans une manifestation internationale. Un lettré
de premier ordre, M. de Berluc-Pérussis avait fait naître
de son « Académie des sonnettistes » le centenaire de
Pétrarque à Avignon. Aidé de MM. Guillibert, d'Aix,
et Doncieux, préfet de Vaucluse, il donna à la fête une
extension inattendue. A côté du français, de l'italien et du cata-
lan, le provençal témoigna pour la première fois de sa dignité
d'idiome vivant. MM. Mézières, Nigra, Conti et de Quin-
tara furent entendus tour à tour avec Aubanel, Félix Gras,
Mistral. Les quatre langues latines, qu'avait également con-
nues Pétrarque, s'associaient pour son triomphe (4874).
L'année suivante, la Société romane ayant ouvert à Mont-
pellier un grand concours philologique et littéraire, l'Ins-
titut de France apportait au Félibrige sa première adhé-
sion : Mistral le présidait avec Egger, assisté de Mila y
Fontanals, Michel Bréal et G. Paris. Ce dernier, frappé de
l'interprétation sociale que cet événement provoquait à
l'étranger, écrivait dans le Journal des Débats : « Des
politiques à courte vue peuvent seuls négliger de pareils
symptômes. Il y a dans l'histoire bien des événements con-
sidérables qui ont eu une origine analogue. »
Nous avions laissé en 4867 le développement littéraire du
Félibrige, pour l'exposé de ses manifestations extérieures.
Ici, les proportions nouvelles du mouvement ne nous
permettent plus qu'un tableau restreint. Dès que la renais-
sance provençale eut pénétré en Languedoc, elle y propa-
gea l'incendie. L'ardent Albert Arnavielle, d'Alais, éveil-
lait les Cévennes avec ses Gants de VAubo, de noble et
tendre inspiration ; Roumieux, populaire de Beaucaire à
Nîmes, réhabilitait la chanson provençale dans son recueil
de la Rampelado ; Lucien Mengaud et Paul Barbe, à Tou-
louse, le conteur Chastaneten Périgord, le lyrique et savant
Gabriel Azaïs à Béziers, le fabuliste Castela à Montauban,
surtout Achille Mir, le Roumanille de Carcassonne, fin chan-
sonnier et savoureux humoriste en prose, entretenaient le
culte du parler natal, tandis que Montpellier, la vieille
capitale scientifique, révélait deux maîtres poètes, Octavien
Bringuier (4830-75), dont la Prouvença et le Roumiéu
promettaient le plus fier essor classique et patriote, etLan-
glade (né en 4823), le grand peintre idyllique des landes
palestiniennes du Bas-Languedoc. En Provence, la même
période voyait naître d'innombrables chanteurs. Mention-
nons brièvementAlphonse Michel, un Béranger champêtre,
l'auteur du Flasquet;R. Marcelin etL. Geoffroy, les déli-
cats rêveurs de Long dôu Camin et de Met Veiado ; puis
un fabuliste, un noèlliste et un sonnettiste du temps des
troubaïres, Bourrelly, Lambert et Gaut... Mais c'est parmi
les nouvelles recrues de VArmana qu'apparaissent les plus
artistes. Paul Arène y fait ses débuts littéraires avec un
chapelet d'odelettes, luisantes de rayons de soleil. Daudet
y donne, en provençal, ses premières Lettres de mon
Moulin. Léon de Berluc-Pérussis, qui apporte au Félibrige
son érudition d'humaniste et ses idées sur la décentralisa-
tion, prélude à ses précieux sonnets, mi-partis de grâce
et d'humour. D'autres talents les avoisinent : Pierre Ma-
zière, Marius Girard, Jean Monné et Auguste Verdot, un
pur attique, mort avant moisson faite.
Mais voici surgir, avec une épopée en 42 chants, Li Car*
bounié de Félix Gras, cette révélation majeure : que la
génération de Font-Ségugne n'a pas épuisé le fonds créa-
teur et natif. Quelques mois plus tôt, Mistral avait réuni le
recueil de ses œuvres lyriques en un livre magistral : Lis
Isclo d'or, où il s'affirmait chef d'une littérature et repré-
sentant d'un peuple.
Etat actuel (4876-4893).— Le 24 mai 4876, le
Félibrige, désireux de resserrer et d'élargir ses rangs, s'as-
sembla pour se reconstituer. Cinquante-quatre de ses mem-
bres étant réunis dans la grande salle des Templiers d'Avi-
gnon, sous la présidence de Mistral, assisté du poète catalan
Albert de Quintana, votèrent le Statut qui régit désormais
la société. J'en donnerai plus loin les bases. C'est en une vaste
confédération littéraire de patriotes provinciaux, dont le ter-
ritoire correspond au glorieux Midi du xne siècle, que s'était
constitué le Félibrige. Formé et affirmé depuis vingt-deux ans,
il lui restait à s'organiser. Nous conduirons jusqu'à ce jour
(4893) cette troisième période de son évolution. — L'auto-
rité de la Loi nouvelle favorisa singulièrement les tendances
sociales dont j'ai exposé les origines. De solennelles Fêtes
latines furent célébrées à Montpellier en 4878. L'inspirateur
en était A. de Quintana, le président Mistral, et le lauréat
Vasile Alecsandri, poète national des Roumains (f 1890),
qui fut un ami fervent du Félibrige. L'organisateur de ces
fêtes, le baron de Tourtoulon, fondait peu après la Revue
du Monde latin (1883). Les rapports fraternels de Cata-
lans à Provençaux s'affirmaient de nouveau en des hom-
mages rendus à Paris et à Montpellier (4885-86) aux
poètes Balaguer et Jacinto Verdaguer, les deux plus hauts
représentants de la renaissance catalane. Une députation
de Languedociens prenait part (4887) aux Jeux floraux de
Barcelone, présidés par la reine régente et pélerinait aux
Baléares. La Société des Félibres de Paris (fondée en 4879
par MM. ^ Maurice Faure, Baudouin et de Ricard) continuait
la tradition en faisant présider ses grandes assises, depuis
4883, par les plus célèbres partisans de la fraternité latine :
Aubanel, Mistral, Balaguer, Castelar, Alecsandri, Ruys
Zorilla et Jules Simon. Enfin, en 4890, une ambassade
était envoyée par le Félibrige en Italie, aux fêtes provoquées
par M. de Gubernalis pour le centenaire de Béatrix, et
reçue avec honneur par le municipe florentin.
Tandis que les Félibres se multipliaient en Languedoc,
à la faveur du romanisme scientifique et de l'idée latine,
quelques-uns d'entre eux s'y distinguaient par un accent
inattendu. Inspirée par un grand écrivain protestant, Na-
poléon Peyrat, le Michelet des Albigeois et de l'Inquisi-
tion, la petite secte se réclamait des libertés de la pensée
romane, comme de la langue des troubadours. Un poète,
Auguste Fourès, et un théoricien Louis-Xavier de Ricard,
l'auteur du Fédéralisme, furent les porte-parole du cénacle,
déjà très éloigné de l'école catholique d'Avignon. Sans
continuer lestraditions joyeuses et populaires du premier
Félibrige, maintenues en Languedoc par Roumieux, Arna-
vielle et Langlade, ceux-là entonnèrent des sirventes de
deuil et de sang. « Toute Renaissance suppose une mort,
un martyr qui se réveille dans son tombeau. Or cette grande
et sainte martyre, c'est l'Aquitaine », avait dit Napoléon
Peyrat. Après sa magistrale épopée en prose, plus éloquente
que scientifique, l'idéal nouveau devait susciter des œuvres
vaillantes comme les Grilhs de Fourès et Toloza, la geste
provençale de Félix Gras. Mais nos jeunes Languedociens
FÉLIBRIGE
— 132 —
ne bornaient pas à cet archaïsme leurs innovations. Quel-
ques-uns d'entre eux se proclamaient républicains fédéra-
listes, et rassemblaient tous les adeptes provençaux, italiens
et catalans de ces idées, dans un almanach littéraire et
radical qui fit grand bruit, La Lauseto (l'alouette) (1877-
78-79 et 4885). L'avant-garde marseillaise et socialiste du
Félibrige devait les suivre dans la voie du fédéralisme, avec
Jean Lombard, l'auteur de l'Agonie (f 4891), le député
Antide Boyer et les poètes Pierre Bertas et Auguste Marin.
Le voyage des Félibres à Florence fut une occasion nou-
velle de manifester ces tendances. Le délégué officiel , M . Paul
Mariéton, y célébra « l'idéale Fédération, embrassant les
provinces fraternelles dans les Etats arbitralement unis ».
Mais ces souhaits fédéralistes, admis d'une grande partie des
félibres, étaient repoussés par quelques-uns, le statut de
la société excluant d'ailleurs toute théorie qui puisse enga-
ger la collectivité. On s'en aperçut bien le jour où, profitant
d'une visite duCapoulié aux félibres de Paris (févr. 4892),
MM. Fred Amouretti et Ch. Maurras lurent, au nom du
jeune Félibrige, une déclaration nettement fédéraliste qui
ouvrit le débat actuel entre les félibres simplement décen-
tralisateurs et ceux qui réclament un régionalisme affir-
mé par l'action. Au premier rang de ces régionalistes
d'avant le fédéralisme, figurait de longue date M. de Ber-
luc-Pérussis. Amené au Félibrige, comme bien d'autres,
par le double courant des Congrès archéologiques du comte
de Caumont et de la Réforme sociale de Leplay, qui
avaient rendu à la province le goût de ses monuments
et de ses traditions, il en arrivait à demander « la dispa-
rition du gouvernement anonyme des bureaux, et la ruine
de cette vieille Bastille de la centralisation ».
Tandis que s'agitaient les politiciens du Félibrige, de nou-
veaux érudits y prenaient place, qui appliquaient leurs con-
naissances à sa propagande, tels Fépigraphiste V. Lieutaud
et le médiéviste A . Roque-Ferrier , rares poètes F un et l'autre,
dans le même goût d'archaïsme. Avec eux, d'autres patriotes,
chacun dans sa région, le comte de Toulouse-Lautrec, le
marquis de Villeneuve, Ch. Ratîer, de Gautelme-d'Ille, etc.,
« organisaient la victoire ». L'auteur de la Grammaire
provençale, le frère Savinien, d'Arles, se faisait l'apôtre
de l'enseignement primaire du français par les dialectes,
comme les poètes Ant. Perbosc, en Quercy, et l'abbé Pascal
à Gap. M. Maurice Faure, l'âme du Félibrige de Paris, se
faisait l'initiateur de ces pèlerinages des Méridionaux aux
grands souvenirs de la terre natale (4877, 4888, 4890,
4891) qui popularisaient la Cause dans son berceau. Un
romaniste, M. Constans, donnait à Aix et à Marseille des
cours publics de littérature provençale ancienne et moderne.
Et Mistral achevait de publier son dictionnaire, vrai tré-
sor linguistique de sa race et de son pays. Avec la Revue
félïbréenne, franco-provençale, fondée à Paris en 4885
par M. Paul Mariéton, qui archive et apprécie les manifes-
tations de la renaissance méridionale, la critique et l'anna-
lisme étaient entrés dans le Félibrige. M. Donnadieu écrivait
l'histoire de ses Précurseurs (4800-4855), des Langue-
dociens en particulier ; M. Chabaneau recueillait les traces
des innombrables poètes provençaux du xvie au xvme siècle.
Enfin, la Terre provençale, de M. P. Mariéton (4890),
traçait le tableau de l'histoire politique et littéraire duMidi,
dans un journal de route embrassant toute la contrée du
Rhône et du littoral.
De nombreux journaux de langue d'oc, quelques-uns déjà
anciens, répandaient graduellement la semence de Font-
Ségugne, des Pyrénées aux Alpes : Lou Félibrige de M. Jean
Monné, à Marseille; YAiôli d'Avignon (où écrit Mistral),
dirigé par M. Folco de Baroncelli ; la Gigolo d'or et la
Campana de Magalouna de MM. Roumieux, Arnavielle et
Marsal, à Montpellier ; le Gril, de M. Visner et le Lengo
doucian de M. de Ricard, à Toulouse ; Lou Calel de M. Del-
bergé, à Villeneuve-sur-Lot; la Sartan de Marseille;
Lou Cascavel d'Alais, Lou Viro-Souléu de Paris, etc.,
avec quelques organes franco-provençaux ; VOccilania de
M. Roque-Ferrier, à Montpellier ; la Cornemuse de M. Jos.
Gautier à Marseille; les Echos de Tamaris de M. Coffi-
nières ; le Mois Cigalier rédigé par M. Alb. Tournier à Paris
et bien d'autres. D'autre part, le succès croissant de YAr-
mana prouvençau inspirait des publications similaires : à
Draguignan, Lou Franc-Prouvençau (47e année), à Avi-
gnon Lou Cacho-Fiô (44e année), puis les almanachs dôu
Lengadô, Garounenc, Lemouzi, de VAriejo, Vivarés,
Doufinen, etc., enfin et surtout YArmana Marsihés
(5e année) du poète Aug. Marin qui a fait accepter à Mar-
seille, d'un public fidèle aux troubaïres, les réformes
graphiques des félibres.
Depuis 1876, les productions littéraires s'étaient infini-
ment multipliées ; quelques-unes atteignaient l'universelle
célébrité. Parmi les plus remarquables : Amour e plour
d'Alphonse Tavan, le livre des tendresses et de la douleur
patiente ; Nerto de Mistral, exquise chronique rimée du
temps des papes d'Avignon, digne del'Arioste... ou de Ca-
lendau;\e Romencero Provençal, de Félix Gras (4886),
légendaire et populaire, son plus beau livre ; Li Fiho d'Avi-
gnoun d'Aubanel (f 1886), où s'affirmait tout son génie,
ardent, plastique et tendre ; la Chansou Lemouzina de
l'abbé Roux (l'auteur des Pensées), magnifiques fresques
épiques, retraçant les grands épisodes du pays des grands
troubadours; les Debis Gascons d'Isidore Salles, initiateur
dans son pays landais, poète ingénieux et traditionniste ; les
Cantsdou Soulelh de Fourès (f 4891), le dernier Albigeois,
recueil lyrique, très varié, d'un artiste et d'un patriote ; Dal
brès a la toumbo, de l'abbé Justin Bessou, le Brizeux du
Rouergue, pieuse épopée villageoise de l'âge d'or; les Can-
soun arlatenco de Ch. Rieu, le populaire Charloun, du
Paradou, peintre natif des mœurs du pays d'Arles; la Pau-
riho de Valère Bernard, fière suite d'eaux-fortes d'un réa-
lisme vengeur et attendri... Comment à ces poètes de talent
consacré ne pas ajouter parmi les plus récents, Mme J. Gau-
tier, l'exquise félibresse Brémonde, MM. Louis Astruc,
l'auteur des Cacio, Eug. Pianchud, Pascal Cros, Aug. Marin,
Clovis Hugues, Boissière, Ch. Boy, Marius André, Raim-
bault, Giraud, pour la Provence; Perbosc, A. Blavet, Pros-
per L'Eté, J. Félicien Court pour le Languedoc, etc.
Mais la lyrique n'était plus seule cultivée. Un théâtre
provençal entrait dans les desiderata des félibres. Je dois
citer brièvement : le drame shakespearien d'Aubanel, Lou
Pan don Pecai, représenté à Montpellier (4878) et à Paris
(traduit par P. Arène) ; la comédie de Roumieux, LaBisco,
jouée à Montpellier, et la tragédie lumineuse de Mistral, La
Rèino Jano (4890), promise au théâtre antique d'Orange.
Enfin la prose, longtemps dédaignée en dehors des alma-
nachs et des journaux, eut tout un bataillon d'interprètes.
Roumanille, son premier artisan, donnait un recueil de ses
Contes prouvençau (4883), modèles d'observation humo-
ristique, pour la plupart déjà célèbres sous les versions
d'Alph. Daudet, Pontmartin, Em. Blavet, etc. Le facétieux
La Sinso (Ch. Senès,de Toulon) publiait ses Scènes de la
vie provençale, instantanés prodigieux du grossier langage
du peuple des villes, que d'imbéciles préjugés entravent
dans le libre usage de son idiome. Un jeune prémontré, le
P. Xavier de Fourvières, qui faisait école de félibres dans le
clergé militant, par ses conférences toutes publiées, popu-
larisait la langue classique. Ses deux volumes de la Créa-
tioun dôu Mounde sont de vrais monuments religieux de
l'éloquence provençale. Moins mystique, Félix Gras contait
en coloriste finement ingénu, dans les Papalino, la légende
gaillarde de l'Avignon des cardinaux et du saint Père. Mais
finissons avec trois récents prosateurs, exemples typiques
de la franchise du mouvement : Baptiste Bonnet dans ses
Memôri dun gnarro, savoureuse et documentaire auto-
biographie d'un valet de ferme ; Louis Foucard, comédien
de talent, auteur de très pittoresques chroniques (Lou Pa-
langre) et l'instituteur Louis Funel dans d'artistes tableaux
de nature et de mœurs, Li Masajan : trois maîtres de la
langue, qui, après les moralistes, 'les orateurs et les lettrés
du Félibrige, achèvent de prouver sa pénétration populaire
et ses tendances à l'universalité.
133 —
FÉLIBRIGE — FËLICIANO
... Devant les proportions de son accroissement et en
présence des graves réformes que ne cessent de réclamer
quelques-uns des siens dans le domaine administratif, que
faut-il présager de son avenir ? Une quatrième période, celle
de l'action, est-elle venue pour le Félibrige ? Nous ne con-
clurons pas, sinon en constatant que rien ne faisait pré-
voir, en 4854, l'épanouissement d'aujourd'hui.
Organisation. — Le Félibrige d'après ses statuts se di-
vise en 4 maintenances correspondant aux grands dialectes
d'oc : Provence, Languedoc, Aquitaine et Catalogne, et
relevant d'un consistoire central. Le consistoire est com-
posé du corps des majoraux (50 pour le midi de la France,
50 pour la Catalogne), choisi parmi les mainteneurs, de
nombre illimité. Ils siègent chaque année à l'assemblée gé-
nérale du Félibrige (Sainte-Estelle) dont la date et le lieu
varient, règlent les rapports des maintenances, remplacent
les majoraux défunts, et tous les trois ans nomment le
bureau. Le bureau du consistoire se compose du Capoulié,
grand maître du Félibrige, de ses 4 assesseurs et des syn-
dics (présidents) des 4 maintenances, du chancelier et du
vice-chancelier.
Les maintenances se divisent en écoles présidées par un
cabiscol. Les plus actives sont, par date de fondation :
YEscolo dôu Florège (Avignon) ; de Lar (Aix) ; dôu
Parage (Montpellier) ; de la Mar (Marseille) ; dis Aup
(Forcalquier) ; de laMountagno (Gap); de Lerin (Cannes);
et les trois plus récentes : Audenco (Carcassonne) ; Moun-
dino (Toulouse); Limousino (Tulle). La maintenance de
Catalogne s'administre elle-même depuis 1886. La Société
des Félibres de Paris, jusqu'ici indépendante, répartit ses
membres dans les maintenances méridionales. Les grands
maîtres du Félibrige ont été jusqu'à ce jour MM. Frédéric
Mistral (1876-1888), Joseph Roumanille (4888-1891) et
Félix Gras, depuis 1891. La Société des Félibres de Paris
a été présidée tour à tour par MM. le baron de Tourtoulon,
Jasmin fils, Paul Arène et Sextius Michel.
Les 4 maintenances ont leurs réunions et leurs concours
annuels, indépendamment de la Sainte -Estelle qui les ras-
semble. Tous les sept ans coïncident avec elle les Grands
Jeux floraux du Félibrige où sont couronnés un poète et un
prosateur de langue d'oc, avec un propagandiste. Les Sainte-
Estelle ont été célébrées depuis 1876 : à Avignon, Mont-
pellier, Avignon, Roque favour, Marseille, Albi, Saint-Ra-
phaël, Sceaux, Hyères, Gap, Cannes, Avignon, Montmajour,
Montpellier, Martigues, Les Baux. Les Grands Jeux du sep-
tennaire félibréen ont été tenus aux fêtes latines de Mont-
pellier (1878), à Hyères (1885), et sur l'Acropole vénérable
de la Provence féodale, à la ville des Baux (1892).
Paul Mariéton.
Bibl. : L'Armana prouvencau (389 année); Avignon,
1854-1892. — La Revue félibréênne (8e année) ; Paris, 1885-
1892. — Paul Mariéton, la Terre provençale (journal de
route : cf., 4e partie l'influence prov.); Paris, 1890. — DrNou-
let, Histoire littéraire des patois du midi de la France ;
Toulouse, 1859 et 1872 (Ier vol. duxve au xvip siècle; 2° vol.,
xviii» siècle). — Li Prouvençalo; Avignon, 1852. — Saint-
René Taillandier, Etudes littéraires ; Paris, 1881, (3 ar-
ticles sur la renaissance provençale). — Le Parnasse du
P. Bougerel, publié et augmenté par C. Chabaneau; Paris,
1884. — F. Donnadieu, les Précurseurs des félibres (1800-
1855); Paris, 1887. — Occitania a 888-1889) et le Félibrige
latin (1890-92) ; Montpellier. — Paul Mariéton, Monogra-
phies de W. Bonaparte Wyse,Fourès,Jos. Roux,Aubanel,
Mistral prosateur, l'Idée latine, le Félibrige devant V Ecole;
Lyon, 1882-84. — A. Roque-Ferrier, Eludes méridio-
nales ; Paris, 1892. — Poètes provençaux, Prosateurs pro-
vençaux contemporains, avec introduction de Paul Marié-
ton , Nouvelle Bibliothèque populaire (n08 97 et 150);
Paris, 1887-1890. — Le Voyage des Félibres sur le Rhône
et le littoral ( 7-16 août 1891 ), récits et documents ; Pa-
ris, 1892.
FÉLICE (Fortuné-Barthélémy de), publiciste suisse,
d'origine italienne, né à Rome le 24 août 1723, mort à
Yverdon (Vaud) le 7 févr. 1789. Elevé par les jésuites, il
prit goût à la philosophie et aux mathématiques et devint
en 1746 professeur honoraire de physique à Naples. C'est
là cpi'il composa ses premiers écrits qui fondèrent sa répu-
tation et le firent considérer, malgré sa jeunesse, comme
l'homme le « mieux savant » de toute l'Italie. Le roi de
Naples lui offrit un évêché qu'il refusa. Une passion vio-
lente pour une jeune Romaine, la comtesse Panzutti,
changea le cours de sa vie. Il enleva la jeune femme, mais
les fugitifs furent arrêtés à Gênes. Acquitté par le tribunal
ecclésiastique, il trouva néanmoins plus sage de passer en
Suisse. Il s'établit d'abord à Berne, où il connut Haller, et
embrassa la Réforme, puis il passa, en 1762, à Yverdon. Il y
établit une imprimerie bientôt célèbre, y fonda un pension-
nat très connu, devint bourgeois de cette ville et y séjourna
jusqu'à sa mort. Compilateur sérieux et travailleur acharné,
de Félice laissait de nombreux ouvrages, des traductions
en italien de la Méthode de Descartes, du discours préli-
minaire de Y Encyclopédie de d'Alembert, etc. ; un Ta-
bleau raisonné de l'histoire littéraire du xvme siècle,
des ouvrages de philosophie et d'éducation, et surtout son
Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des
connaissances humaines (Yverdon, 1770-75, 42 vol.
in-4, suivi d'un supplément [6 vol.] et de 10 vol. de
planches). Cet ouvrage considérable, dédié à Albert de
Haller et pour lequel de Félice a eu de nombreux collabo-
rateurs, est une refonte sur un plan nouveau de V Ency-
clopédie avec de nombreuses additions et beaucoup d'ar-
ticles originaux. E. Kuhne.
FÉLICE (Guillaume- Adam de), professeur et doyen de la
faculté de théologie protestante de Montauban, né à Otters-
berg, dép. du Mont-Tonnerre, en 1803, mort à Lausanne
le 23 oct. 1871. Il étudia la théologie à Strasbourg (1821-
1825); puis, comme pasteur à Bolbec, collabora à divers
journaux religieux ; enfin, il occupa la chaire de morale et
d'éloquence sacrées à Montauban de 1838 à 1870. Parmi
ses ouvrages assez nombreux, il faut citer Y Histoire des
synodes nationaux de l'Eglise réformée (Paris, 1864,
in-12), Y Histoire des Protestants de France (Paris,
1850, in-12; 7e éd. à Toulouse, 1880) et un volume de
Sermons (Paris, 1873). F.-H. K.
FELICETO. Corn, du dép. de la Corse, arr. de Calvi,
cant. de Muro ; 561 hab.
FELICIÂ (Astron.).Nomdu 294e astéroïde (V. ce mot).
FËLICIANO (Félice), antiquaire italien, vivait à Vérone
dans le cours du xve siècle. Il fut un des premiers à
recueillir des antiquités grecques et romaines pour en
former un musée, d'où on le surnomma V Antiquaire.
Malheureusement s'étant adonné en même temps à l'alchi-
mie, il perdit sa fortune et dut se faire imprimeur pour
gagner sa vie. Il a imprimé les Uomini famosi de Pé-
trarque, et il avait laissé divers manuscrits dont quelques
fragments seuls ont été publiés par Maffei, dans sa Verona
illustrata, part. IL E. Babelon.
FËLICIANO (Porfirio), poète italien, né dans le pays
de Vaud en 1562, mort à Foligno le 2 oct. 1632. Il était
ecclésiastique, fut secrétaire du cardinal Salviati, puis du
pape Paul V, qui le nomma évèque de Foligno. Fort sa-
vant en philosophie, jurisprudence, mathématiques, très
bon lettré, il jouissait d'une grande réputation. Outre un
volumineux recueil de Lettres latines et italiennes, on a de
lui : Rime diverse, morali e spirituali (Foligno, 1630).
Bibl. : J.-Nicius ERYTHRAE\]s,Pinacothecavirorum illus-
trium.
FËLICIANO, de son nom latinisé Felicianus Hispanen-
sis, théologien espagnol de Séville, de l'ordre des capu-
cins, mort vers 1735. Il a écrit de nombreux ouvrages
de théologie : Instructio vitce spiritualis brevis et clara
(Séville, 1696, in-8); Cantiones spirituales de obliga-
tionibus christianis et adversus cantica vitiosa (Sé-
ville, 1698-1705, 3 vol. in-8); De Angelis principi-
bus Empyrei (Séville, 1704, in-8) ; Cymbaleumigneum,
id est De Suffragiis pro animis defunctorum (Séville,
\ 704, in-4) ; Sol increatus, Deus trinus et unus, ubi
cultus devotioque fidelis excitatur (Cadix, 1707, in-4);
Lux apostolica (Cadix, 1716, in-8); Canystrum mysti-
cum offerendum puero Jesuin suo sacro natali (Cadix,
1719, in-8). E. Cat.
FELICIATI -, FELIX
— 434
FELICIATI (Lorenzo), peintre italien, né à Sienne en
1732, mort en 1779. Il y a des tableaux de lui dans plu-
sieurs édifices religieux de sa ville natale, notamment à
San Pellegrino, au couvent des Observatins, aux confréries
des Saints-Clous et de Saint-Sébastien, puis un Saint Just
dans l'église de San Casciano, un Saint Etienne dans celle
de Cerreto, et une Vierge à la villa dell'Agazzara, près
de Sienne.
FEL1CISSIMUS, diacre de Carthage. Il ne remplissait
encore aucun office dans l'Eglise lorsque Cyprien fut élu
évêque de Carthage (248) ; mais il semble qu'il appartenait
déjà au parti opposé à cette élection. Novatus l'associa à
F administration de son district presbytéral, appelé Mons,
et lui procura ainsi les moyens d'être consacré diacre ; il
n'est pas bien démontré qu'il ait procédé lui-même à cette
consécration. L'un et l'autre persistèrent dans leur oppo-
sition contre Cyprien et résistèrent à l'immixtion de cet
évêque dans la gestion des choses appartenant à leur dia-
conie. Excommuniés pour ce fait, ils s'unirent aux mécon-
tents qui, estimant excessives les conditions imposées à la
réintégration des lapsi dans l'Eglise, se donnèrent Fortu-
natus pour évêque ; et ils allèrent à Rome, pour induire
Corneille à reconnaître cette élection. Corneille soutenant
Cyprien, ils s'attachèrent au parti qui élut l'antipape No-
vatien (V. ce nom et Corneille [Pape]). E.-H. V.
FELICITAS ou FÉLICITÉ (Àstron.). Nom du 109e
astéroïde (V. ce mot).
FÉLICITÉ et PERPÉTUE (Saintes) (V. Perpétue).
FÉLICITÉ (Sainte) et ses enfants, martyrs. La fête des
enfants est célébrée le 10 juil. ; celle de leur mère, le
23 nov. Félicité, dame romaine de haute lignée, avait sept
fils : Janvier, Félix, Philippe, Sylvain, Alexandre, Yital et
Martial. Après la mort de son mari, elle consacra à Dieu
sa chasteté, et vécut avec ses fils dans une constante pra-
tique des vertus chrétiennes ; vaquant jour et nuit à la
prière, elle était le modèle des veuves et l'édification de
l'Eglise. Or, les prêtres des faux dieux, remarquant que
l'odeur de sa sainteté attirait plusieurs personnes à Jésus-
Christ, la dénoncèrent à l'empereur Antonin. L'empereur
ordonna à Publius, préfet de Rome, d'apaiser par des vic-
times les dieux offensés, et de contraindre, par tous les
moyens. Félicité et ses enfants à leur rendre le culte qui
leur était dû. Publius n'y réussit ni par flatteries, ni par
promesses, ni par menaces, Félicité exhortant ses enfants
au martyre : Regardez, leur disait-elle, ce ciel si beau et
si élevé ; c'est là que Jésus-Christ vous attend pour vous
couronner. Ses enfants furent ensuite pressés séparément,
mais ils persévérèrent tous et périrent dans des tourments
de différents genres, en l'an 160, suivant les Actes; 152,
suivant M. de Rossi ; 202, suivant M. Aube. Leur mère
fut décapitée trois mois après. — Les Actes de ces martyrs
présentent une ressemblance caractéristique avec le récit du
livre des Macchabées ; d'autre part, ils montrent Antonin
le Pieux comme ayant personnellement ordonné le supplice
de Félicité et de ses enfants, tandis que l'histoire atteste,
non seulement qu'aucune persécution ne fut édictée sous
son règne, mais même que cet empereur protégeait les
chrétiens. E.-H. Vollet.
Bibl. : Norkgote, Allàrd, Rome souterraine ; Paris,
1877, in-8. — Aube, Histoire des persécutions de l'Eglise;
Paris, 1876-1885, 4 vol. in-8.
FÉLIN (Didier et Jehan de) (V. Defélin).
FÉLINE (La). Com, du dép. de l'Allier, arr. de Gannat,
cant% de Saint-Pourçain ; 621 hab.
FÉLINE (Le Père), missionnaire de Bayeux de la fin du
xvme siècle. Il est l'auteur d'un petit livre très curieux :
le Catéchisme des gens mariés (s. 1. n. d., in- 12,
53 p.; Caen, 4782). Parmi d'excellents conseils moraux
se trouvent les détails les plus naïvement obscènes. L'au-
torité ecclésiastique le censura et en fit supprimer tous les
exemplaires qu'on put trouver chez l'imprimeur. De là la
rareté et le prix des exemplaires de l'édition originale, fort
recherchés des bibliophiles. A. Gasté.
FÉLINE (Edmond-Jules), ditRoMANY, ingénieur fran-
çais, né à Paris le 31 mars 1806, mort le 46 mai 1878.
Il était inspecteur général des ponts et chaussées et a
contribué pour une grande part aux travaux des ponts de
Paris pendant le second Empire. On a de lui, dans les
Annales des ponts et chaussées : Notice historique sur
le pont métallique Saint-Louis, à, Paris (1863); No-
tice historique sur les ponts de Paris (1864); Cons-
truction d'une arche d'essai (1866); Notice sur la vie
et les travaux de Michal (1875). M.-C. L.
FÉLINES. Corn, du dép. de l'Ardèche, arr. de Tournon,
cant. de Semer es; 740 hab.
FÉLI N ES. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcassonne,
cant. de Monthoumet; 219 hab.
FÉLINES. Com. du dép. de la Drôme, arr. de Die,
cant. de Bourdeaux; 236 hab.
FÉLINES. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. de
Brioude, cant. de La Chaise-Dieu; 1,007 hab.
FÉLINES-d'Hautpoul. Com. du dép. de l'Hérault, arr.
de Pons, cant. d'Olonzac ; 716 hab.
FELINSKA (Eve), écrivain polonais, née en Lithuanie
en 1793, morte en Volynie en 1859. Elle fut déportée
pendant quelques années en Sibérie. Son principal ouvrage
est intitulé Souvenirs d'un voyage en Sibérie et d'un
séjour a Berezov (Wilna, 1850; 2e édit., 1853). Il a
été traduit en anglais par Lach Szyrma et en français par
Mme Olympe Chodzko dans le Tour du Monde (1852). On
lui doit en outre des romans : Hersylija (Wilna, 1849) ;
Monsieur le Député (ib., 1582); la Tante et la Nièce
(4b., 1853), et des Souvenirs fort intéressants (ib., 18 56-
4860). — Elle fut la mère de Sigismond Felinski, né
en 1824, qui devint en 1862 archevêque de Varsovie et
fut peu de temps après exilé dans l'intérieur de la Russie
pour avoir écrit à l'empereur une lettre où il protestait
contre certaines mesures du gouvernement russe. L. L.
Bibl. : Estreicher, Bibliogr. polonaise du xix9 siècle.
FELINSKI (Alois), poète polonais, né à Osssov, près
de Luck (Volynie), en 1771, mort à Krzemieniec le
23 févr. 1820. Il fut d'abord avocat à Lublin. Il servit
sous Kosciuszko et remplit auprès de lui les fonctions de
secrétaire pour la langue française. Après la ruine de la
Pologne il se retira à la campagne et se consacra entière-
ment aux lettres. En 1819, il devint directeur du gymnase
de Krzemieniec où il enseigna la langue polonaise. Il a
beaucoup traduit ou imité des poètes français. En 1817, il
fit jouer à Varsovie un drame en vers, Barbara Bazdiwil-
lowna, qui obtint un grand succès et qui a été plusieurs
fois réimprimé. Ses œuvres ont été publiées à Varsovie en
1816-1821 età Breslau (1840, 2 vol.). Sa vie a été écrite
par M. Clément Kantecki dans l'ouvrage intitulé Deux
Professeurs de Krzemieniec (Dwaj Krzemienczanie ;
Lwow, 1879). L- L-
FEL1P (J.-R.-J.), peintre espagnol (V. Rivellis).
FELIS, FÉLIENS (Zool.) (V. Chat).
FÉLIX (Antonius), procurateur de la Judée. Il succéda
à Cumanus dans ce commandement probablement en l'an 52
de notre ère et l'occupa jusqu'en l'an 60. Il nous est connu
par les Actes des Apôtres, par Josèphe, Tacite et Suétone.
Frère du célèbre affranchi Pallas, on mentionne ses trois
mariages avec des femmes appartenant à des familles
princières. Sous le rapport politique, il y a lieu de noter ses
rapports avec la jeune Eglise chrétienne, particulièrement
avec saint Paul, lequel aurait été déféré devant son tri-
bunal à Césarée ; mais Félix, au témoignage des Actes,
après avoir commencé l'instruction de cette affaire et donné
à l'apôtre prisonnier quelques marques de bienveillance,
l'aurait laissée traîner à dessein pour éviter des complica-
tions avec les Juifs ; il en résulta que saint Paul était
encore en prison quand Félix fut remplacé lui-même dans
sa charge par Festus. Comme administrateur, Félix semble
responsable, en une grande mesure, de la tournure de plus
en plus grave que prirent les affaires juives et qui devait
- 135 -
FÉLIX
aboutir à une révolte ouverte. Le mécontentement général,
causé par des mesures blessantes, se traduit par des
émeutes; les répressions, à la fois maladroites et cruelles,
auxquelles le procurateur a recours pour y mettre un
terme, provoquent une agitation permanente; le gouverne-
ment romain se trouve avoir affaire dans les zélotes et les
sicaires à des adversaires résolus, prêts à affronter le mar-
tyre plutôt qu'à faire le sacrifice de leur foi et des pratiques
traditionnelles. Félix, accusé à Rome par les Juifs, fut
renvoyé indemne. M. Vernes.
Bibl. : E. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im
Zeitalter J. C, 1890, 2« édit., 1" part., pp. 478-481.
FÉLIX, proconsul de Judée, sous l'empereur Décius
(249-251 ap. J.-C.). Pour gagner les faveurs de son
maître, il se signala par de sanglantes persécutions contre
les chrétiens et fit même périr son beau-fils Polyeucte,
victime de sa foi. Nous retrouvons le personnage de Félix
dans, la tragédie de Corneille {Polyeucte). G. G.
FÉLIX, grammairien du vie siècle ap. J.-C, dont le nom
se trouve sur certains manuscrits (Horace), accompagné de
ce titre orator urbis Bomœ; il est donné comme ayant
aidé pour la collation du texte, son disciple Mavortius, qui
fut consul en 527 (V. Mavortius).
FÉLIX 1er (Saint), 27e pape. La date de son élection est
généralement rapportée au 28 ou au 29 déc. 269, celle de
sa mort au 22 déc. 274 ; mais, des indications du catalogue
Libérien (354) il semble bien résulter qu'il fut élu le
5 janv. 269 et qu'il mourut le 30 déc. 274. Le calendrier
romain inscrit sa fête au 30 mai et lui donne le titre de
martyr. Quoique ce titre soit mentionné dans les actes du
concile d'Ephèse (431), chez Cyrille d'Alexandrie, chez
Vincent de Lerins et dans le catalogue Félicien (530), il
est très sérieusement contesté, parce qu'il n'y eut aucune
persécution à Rome, en l'année où Félix mourut, et que,
dans une liste d'évêques et de martyrs remontant aux envi-
rons de 310, sa mort est placée parmi celle des évêques
(Depositiùnes episcoporum),ï\on des martyrs. On suppose
qu'il a été confondu avec Félix II ou un autre Félix, martyr
africain. — D'après le Liber pontificalis, ce serait Félix Ier
qui aurait établi l'usage de célébrer les saints mystères sur
les tombeaux des martyrs. — Après avoir déposé Paul de
Samosate (V. ce nom) et l'avoir remplacé par Domnus, le
concile d'Antioche fit part de ces mesures à tous les évêques
catholiques. A cette occasion, Félix adressa au clergé d'An-
tioche une lettre dont des extraits ont été reproduits dans
Y Apologétique de Cyrille d'Alexandrie et dans les actes du
concile d'Ephèse. Paul refusant de céder la place à Domnus,
le cas fut soumis à l'empereur Aurélien, qui se trouvait
alors à Antioche, après sa victoire sur Zénobie. Cet empe-
reur décida que le siège d'Antioche appartiendrait à celui
qui serait reconnu par les évêques d'Italie et de Rome. Ils
se prononcèrent contre Paul. — Les trois décrétales attri-
buées à ce pape sont fausses. E.-H. Vollet.
Bibl. : Lïpsius, Chronologie der rômischen Bischôfe ;
Kiel, 1869. — Northcote, Allard, Rome souterraine ;
Paris, 1877. — J. Bryce, art. Félix Ior, dans le Dictionary
of Christian biography de W. Smith et de H. Wace :
Londres, 1877-1887, 4 vol. in-8.
FÉLIX II. Sur la liste officielle reproduite chaque année
dans la Gerarchia cattolica, Félix II est inscrit comme
trente-huitième pape, né à Rome, élu en 363, mort en 365,
après un pontificat de un an, trois mois et deux jours. Sur
le Calendrier romain, il est mis au rang des martyrs : fête
le 29 juil. Au contraire, suivant bon nombre d'auteurs très
orthodoxes et très vénérés, parmi lesquels saint Athanase,
saint Hilaire,Rufin, saint Augustin, saint Optatus,Eutychius,
Sozomen et Théodoret, Félix n'aurait été ni martyr, ni saint,
ni pape, mais antipape suspect d'arianisme ou au moins
complice des ariens. De là, une controverse qui agite des
questions fort désagréables pour les adversaires obstinés de
l'infaillibilité des papes et fort difficiles pour l'historien qui
veut discerner la vérité parmi des documents contradictoires.
La difficulté provient de ce que le pontificat de Félix est
intercalé dans le pontificat de Libère, qui fut élu le 22 mai
352 et mourut le 24 sept. 366. — Dans les lignes affectées
au pontificat de Libère, le Liber pontificalis rapporte que,
après l'exil de ce pape et sur son conseil, le clergé de Rome
élut pour le remplacer Félix, prêtre vénérable. Dans un con-
cile composé de dix-huit évêques, Félix excommunia les ariens
Ursace etValens (V. Arianisme, t. III, p. 892, col. 2). Ceux-
ci sollicitèrent alors et obtinrent de l'empereur le rappel de
Libère, à certaines conditions favorables àl'arianisme. Libère
accepta ces conditions (V. Arianisme, t. III, p. 893, col. 1),
revint d'abord s'établir dans le cimetière de Saint-Agnès et
finalement rentra dans Rome, où il tint un concile d'évêcjues
hérétiques qui expulsa Félix. Il s'ensuivit une persécution ;
plusieurs membres du clergé orthodoxe furent martyrisés
clans leurs églises. Félix se retira dans une ferme qui lui
appartenait et y mourut en paix le 29 juil. Au nom de Félix,
le même Liber pontificalis le présente pareillement comme
un pape légitime et zélé pour l'orthodoxie ; mais cette
deuxième notice contient des détails qui contredisent la pre-
mière et que dément l'histoire de l'Eglise. Félix aurait été
évêque de Rome seulement pendant un an et deux mois. II
aurait dénoncé Constantin comme hérétique et comme ayant
été baptisé une seconde fois par Eusèbe de Nicomédie. En
conséquence, il aurait été condamné à mort par l'empereur
et décapité secrètement avec d'autres fidèles. Le Liber pon-
tificalis confond ici Constantin avec Constance et commet
une erreur grossière sur l'époque de la mort de Constantin
et de celle de Eusèbe de Nicomédie. Il convient de remar-
quer, en outre, qu'après avoir laissé Félix mourir paisible-
ment dans sa ferme, le Liber pontificalis le fait décapiter
par ordre de l'empereur. — A part quelques différences
dans les dates, les Actes de saint Félix s'accordent avec le
Liber pontificalis. D'après les Actes de saint Eusèbe, ins-
crit aussi sur le Martyrologe romain (44 août), ce saint
confesseur, qui était prêtre à Rome, prêchait contre Libère
et contre Constance, qu'il accusait d'arianisme. Le parti
orthodoxe, que soutenait Félix, ayant été chassé des églises,
Eusèbe continua à célébrer le service divin dans sa propre
maison. Amené devantle pape et devant Fempereur, il leur
reprocha courageusement leur hérésie. L'empereur le fit
enfermer dans une étroite prison, où il mourut de langueur
sept mois après. — Les Bollandistes (Acta sanctorum)
défendent longuement l'orthodoxie et la sainteté de Félix
et d' Eusèbe ; ce qui implique la chute do Libère.
Dans une pétition (Libellus precum) adressée aux em-
pereurs Valentinien et Théoclose, Marcellin et Faustin(V. ce
nom), prêtres romains, rapportent que, aussitôt après l'exil
de Libère, l'archidiacre Félix jura devant le peuple, avec
tout le clergé de Rome, qu'il n'accepterait aucun autre
évêque avant la mort de Libère. Néanmoins le clergé finit
par élire Félix ; mais le peuple protesta en s'abstenant de
prendre part à l'élection. Lors de la consécration de Félix,
à laquelle trois évêques hérétiques procédèrent dans le pa-
lais impérial, le peuple ne fut représenté que par trois
eunuques de l'empereur. Trois ans après, Libère, qui s'était
soumis aux conditions imposées par Constance, rentra à
Rome; le peuple l'accueillit avec joie. Félix fut chassé de
la ville ; il y revint quelque temps après, rappelé par le
clergé qui l'avait élu, et s'établit dans une basilique au delà
du Tibre ; mais la multitude des fidèles l'en expulsa igno-
minieusement. Il mourut le 22 nov. Les histoires de Sozo-
men et de Théodoret concordent avec l'ensemble de ce
témoignage contemporain, auquel elles ajoutent divers dé-
tails. Cependant, à la mort de Libère, comme Damase dut
son élection aux partisans de Félix, il semble bien que
ceux-ci étaient plus nombreux que ne prétendent leurs ad-
versaires. Un est pas invraisemblable de supposer, comme
le fait Lipsius, que la soumission de Libère à l'arianisme
avait diminué son parti et que Félix périt dans un con-
flit entre les deux factions rivales, mort qui aurait été
considérée comme un martyre par ses adhérents. — Lorsque
Grégoire XIII fit reviser le martyrologe romain (1582),
Baronius proposa d'en exclure Félix et il composa un traité
exposant amplement les motifs de cette exclusion. Le car-
FÉLIX
— 136 —
dinal Sanctorius prit la défense de Félix. Pendant ce débat,
on découvrit fort à propos, sous un autel de l'église Saint-
Cosme et Saint-Damien, un cercueil portant cette inscrip-
tion : Corpus sancti Felicis, papœ et martyris, qui
damnavit Constantium. Convaincu par cette exhibition,
Baronius se rétracta. Félix garda sa place dans le marty-
rologe ; mais le titre de pape lui fut retiré plus tard dans
la prière du bréviaire romain. Pour justifier l'inscription de
Félix sur la liste officielle des papes et la concilier avec la
durée généralement assignée au pontificat de Libère, Bel-
larmin (De Romanis pontificibus) suppose que, après l'exil
de Libère, Félix fut légitimement élu et que, après la mort
de Félix, Libère fut rétabli par une nouvelle élection. Il est
impossible de trouver dans l'histoire la moindre trace de
cette seconde élection. — Deux fausses décrétâtes ont été
attribuées à ce pape ou antipape. E.-H. Vollet.
Bibl. : Dôllinger, Papstfabeln ; Munich, 1863. — Lip-
sius, Chronologie der rômischen Bischôfe ; Kiel, 1869. —
Hefele, Conciliengeschichte ; Fribourg, 1873. — Duchesne,
Etudes sur le Liber pontificalis ; Paris, 1877. — J. Barmby,
art. FélixII, dans le Dictionary of Christian Biography de
W. Smith et H. Wace ; Londres, 1877-1887, 4 vol. in-8.
FÉLIX III (Saint) ou FÉLIX 11, pour les historiens qui
classent Félix II parmi les antipapes. 50e pape, élu le
2 mars 483, mort le 24 févr. 492. Fête le 25 févr. Il
était fils d'un prêtre romain, nommé aussi Félix. Son élec-
tion est remarquable, à cause d'un incident qui doit être
noté en l'histoire de la papauté. Prétendant que Simplicius,
le pape défunt, l'avait conjuré, avant de mourir, de ne
point permettre que l'élection de son successeur eût lieu
sans son consentement, et ce afin de prévenir des troubles
et d'extirper des abus préjudiciables à l'Eglise, Odoacre,
alors maître de l'Italie, fit intervenir dans l'élection le pré-
fet Basile, et obtint de l'assemblée une décision interdisant
au pape qui serait élu et aux papes futurs d'aliéner tes
propriétés de l'Eglise, et prononçant l'anathème contre les
aliénateurs et les acquéreurs de ces propriétés.
Le premier schisme qui rompit la communion entre le
siège de Rome et les patriarchats de l'Orient commença
sous ce pontificat. Il dura trente-cinq ans et fut déterminé,
en partie, par tes dissensions théologicpies excitées par la
question des deux natures, en partie et peut-être sur-
tout, par les prétentions de Félix à une juridiction souve-
raine sur toutes les églises. Après la mort de Timothée So-
lofacialus, patriarche orthodoxe d'Alexandrie, l'empereur
Zenon et Acace, patriarche de Constantinople, consentirent
à reconnaître la réélection de Pierre Mongus, patriarche
monophysite, précédemment déposé, mais qui s'était rallié
à VHénoticon de Zenon (V. ce mot), formule de foi con-
ciliatrice, édictée par cet empereur, pour mettre fin aux
divisions produites par les définitions dogmatiques du con-
cile œcuménique de Chalcédoine (V. ce mot). Jean Ta-
laias, élu par le parti orthodoxe, pour remplacer Timothée,
fut expulsé et se retira à Rome ; il y obtint la protection
de Simplicius, alors pape, qui écrivit en sa faveur des lettres
pressantes à Zenon et à Acace. Dans un concile tenu à Rome,
Félix, continuant ce que son prédécesseur avait commencé,
excommunia P. Mongus et condamna VHénoticon. En adres-
sant ces décisions à Constantinople, Félix y joignit deux
messages : par l'un, il sommait Acace de comparaître de-
vant un synode qui se tiendrait à Rome et d'y répondre
tant à l'accusation d'avoir dédaigné les injonctions de Sim-
plicius, qu'aux griefs allégués contre lui par J. Talaias.
Dans l'autre, il se plaignait à Zenon de l'usurpation de
P. Mongus, réclamait réparation et accusait Acace. En même
temps il encourageait tes intrigues et les accusations des
moines de Constantinople contre leur patriarche. L'empe-
reur et le patriarche répondirent que J. Talaias avait été
justement déposé pour parjure, puisqu'il avait accepté le
siège d'Alexandrie, après avoir juré de le refuser. Quant
à P. Mongus, il avait prouvé son orthodoxie en signant les
articles de Nicée, lesquels étaient le fondement des déci-
sions du concile de Chalcédoine; d'ailleurs, il acceptait
même les canons de ce dernier concile. Déjà Acace,
d'accord avec Zenon, avait rétabli secrètement le nom de
P. Mongus sur les diptyques de l'Eglise de Constantinople.
Désormais ce nom fut lu publiquement au service divin.
Félix convoqua à Rome un concile auquel assistèrent
soixante-six évêques italiens. Ce concile renouvela l'excom-
munication de P. Mongus et prononça contre Acace lui-
même une sentence irrévocable de déposition et d'excom-
munication. Parmi les faits relevés comme motivant cette
condamnation se trouvent des actes que Acace avait accom-
plis très légitimement, en vertu de la suprématie que te
concile de Chalcédoine avait attribuée au siège de Cons-
tantinople sur les églises d'Orient, et tout spécialement les
diocèses de Pont, d'Asie et de Thrace. Mais les évêques de
Rome, tout en se prévalant, contre leurs adversaires, des
canons dogmatiques de ce concile, en réprouvaient les ca-
nons disciplinaires qui leur portaient ombrage. Au fond,
te grief principal était te dédain avec lequel Acace avait
accueilli la citation qui lui avait été adressée de comparaître
à Rome, pour y répondre aux accusations portées contre
lui. Le concile de Nicée, souvent invoqué par les papes pour
justifier leurs prétentions, ne leur a reconnu aucune juri-
diction de ce genre. Ici et dans leur conflit avec les églises
d'Afrique, ils ont confondu le concile œcuménique de Nicée
avec te concile de Sardique, que les Orientaux n'ont jamais
reconnu. Et même, quelque favorables que les dispositions
de ce dernier concile paraissent pour le siège de Rome,
elles ne concernent que la procédure d'appel et n'impliquent
nullement un droit de citation directe. — La sentence
parvint à Acace, au moment où il s'apprêtait à officier dans
l'église : il célébra le service sans s'émouvoir. Quand il
eut fini, il ordonna, d'une voix calme et claire, d'effacer
des diptyques de l'Eglise le nom de Félix, évéque de
Rome (1er août 484). L'empereur et la grande majorité
des évêques d'Orient prirent parti pour Acace. Dès lors
et pendant trente-cinq ans, les patriarchats d'Alexandrie,
d'Antioche, de Jérusalem, comme celui de Constantinople
rompirent toute communion avec l'église de Rome. Félix
s'efforça de soulever les moines de Constantinople et deBi-
thynie contre Acace ; mais celui-ci resta paisiblement en
possession de son siège jusqu'à sa mort (489). Les dispo-
sitions conciliantes de ses successeurs furent rendues inu-
tiles par tes exigences de Félix. Ils offrirent de rayer des
diptyques te nom de P. Mongus, mais Félix persistant à
réclamer aussi la radiation d'Acace, le schisme continua. —
Il reste de ce pape seize lettres. Gratien lui attribue un dé-
cret relatif aux causes ecclésiastiques. E.-H. Vollet.
Bibl. : Thiel, Epistolœ Romanorum pontificum;
Braunsberg, 1869. — Hefele, Conciliengeschichte ; Fri-
bourg, 1873. — J. Barmby, art. Félix III, dans le Dictio-
nary of Christian Biography de W. Smith et H. Wace;
Londres, 1877-1887, 4 vol. in-8.
FÉLIX IV (Saint) ou FÉLIX III, 56e pape, nommé le
24 juil. 526, mort en oct. 530. Jean Ier étant mort à Ra-
venne, emprisonné par Théodoric, roi des Ostrogoths, ce
prince, sans attendre l'élection qui devait être faite par le
clergé et par te peuple, désigna Félix pour lui succéder.
Après quelque résistance, tes Romains se soumirent à cette
nomination. Le Liber pontificalis rapporte que ce pape
fit construire la basilique de Saint-Gosme et de Saint-Da-
mien et restaurer celle de Saint-Saturnin, endommagée par
un incendie. Des trois lettres qui lui sont attribuées, une
seule est authentique, celle qui est adressée à Césaire
d'Arles ; elle prescrit un examen des candidats au ministère,
avant leur ordination. — Le Catalogue Félicien, si sou-
vent mentionné en l'histoire de la papauté, est ainsi nommé
parce qu'il se termine avec la vie de Félix IV. E.-H. V.
FÉLIX V, antipape (V. Savoie [Amédée VIII, premier
duc de]).
FÉLIX, évéque d'Urgel (V. Adoptianisme, 1. 1, p. 901,
col. 4).
FÉLIX, évéque d'Aptunga (V. Donatisme).
FÉLIX (Pierre-Félix-Alexandre-Ursule Cellerier, dit),
acteur français, né à Alexandrie (Piémont) le 18 sept. 4807,
mort à Paris le 14 oct. 4870. Il avait déjà sans doute
commencé sa carrière en province lorsqu'il vint débuter
au Vaudeville, le 1er juil. 1828, dans Léonide ou la Vieille
de Suresnes; en 4829, on le retrouve à Bordeaux, qu'il
quitte en 1 833 pour aller à Rouen où il reste jusqu'en 1 840 ;
il revient débuter, le 13 juil., au Vaudeville, cette fois d'une
façon plus favorable, car il y reste jusqu'à sa mort. Dans
l'emploi des jeunes premiers, puis dans celui des premiers
rôles, Félix fut pendant trente ans l'un des acteurs lès
plus populaires de Paris, de ceux qui exerçaient sur le
public Faction la plus décisive. Pendant sa longue carrière,
il créa un grand nombre de rôles, dans lesquels il montra
de la verve, de l'aplomb, du mordant et une certaine am-
pleur. Marie et les Mémoires du diable avaient établi
sa réputation; elle ne fit que se consolider dans Roger
Bontemps, le Cabaret de la Pomme de pin, la Joie de
la maison, les Vivacités du capitaine Tic, le Troisième
Mari, Aux crochets d'un gendre, les Parisiens, les
Filles de marbre, les Faux Bonshommes, les Petites
Mains, les Brebis de Panurge, la Clef de Metella, le
Mariage d'Olympe, la Famille Benoîton, etc. Félix
était un comédien de plus de naturel que d'étude, et qui
ne laissait pas que de tomber parfois dans la monotonie ;
mais son aplomb sauvait tout, et même à la fin de sa vie
son autorité sur le public n'était guère amoindrie. — La
femme de cet artiste, Flore-Léontine Mélotte, née à Paris
le 27 mars 1815, mourut à Paris le 18 juin 1860. Elle
avait épousé son mari à Rouen, en 1836, lorsque tous
deux faisaient partie de la troupe du théâtre des Arts.
Elle fut engagée à l' Opéra-Comique lorsque lui-même fut
engagé au Vaudeville, et, après avoir tenu à ce théâtre
l'emploi des dugazons, elle se confina dans celui des
duègues. Elle se faisait appeler alors Mme Félix -Mélotte.
FÉLIX (Le P. Célestin-Joseph), célèbre prédicateur fran-
çais, né à Neuville-sur-1'Escaut le 28 juin 1810, mort à
Lille le 4 juil. 1891. Professeur de rhétorique au sémi-
naire de Cambrai, ii entra dans la Compagnie de Jésus en
1837. Il professa quelque temps la rhétorique au collège de
Rrugelette, au juvénat de Saint-Acheul, au collège de la
Providence à Amiens et, en 1851, vint prêcher à Paris.
Ses débuts à Saint-Thomas-d'Aquin et à Saint-Germain-
des-Prés furent éclatants. En 1853, il obtint la chaire de
Notre-Dame, où il fit des conférences extrêmement suivies
pendant près de dix ans. Supérieur de la maison des jésuites
à Nancy, il occupa les mêmes fonctions à Paris en 1 871 ,
puis résida à Lille, où il est mort. Les conférences du
P.* Félix ont été imprimées ; nous citerons : Progrès par
le christianisme (Paris, 1856-1871, 16 vol. in-8) ; le
Socialisme devant la société (1878, in-8); Christianisme
et socialisme (1879, in-8). Quelques sermons ont été im-
primés à part: la Voix de la cloche (1869, in— 18) ; la
Parole et le livre (1867, in-18) ; la France devant le
Sacré-Cœur (1873, in-8) ; les Campagnes (1864, in-12) ;
VObservation du repos du dimanche (1856, in-18) ; le
Travail, loi de la vie et de V éducation (1856, in-18) ;
Devoirs des catholiques envers VEglise (1872, in-8) ;
la Paternité pontificale devant V ordre social (1875,
in-8); la Destinée (1887, in-12); l'Eternité (1888,
in-12) ; les Passions (1890, in-12) ; le Châtiment (1890,
in-12). En dehors des sermons et des conférences, on peut
encore mentionner quelques œuvres de polémique ou de
circonstance : V Athéisme à la porte de V Académie (1 863,
in-8) ; Discours au congrès de Matines (1864, in-8) ;
les Églises non catholiques devant le progrès (1869,
in-12) ; le Prince Adam Czartoryski (1862, in-12) ; les
Quatre Types de l'autorité (1853, in-12); Quelques Mots
sur le livre de la Vie de Jésus (1863, in-8) ; Renan et
sa Vie de Jésus (1863, in-8) ; la Guerre aux jésuites
(1878, in-18); Qu'est-ce que la Révolution? (1879,
in-18); l'Article 7 devant la raison et le bon sens
(1880, in-8); le Charlatanisme social (1884, in-8);
Notre-Dame-du-Cénacle (1886, in-8) ; Paternité et
maternité dans l'éducation (1887, in-12), etc.
FÉLIX (Sophie, dite Sarah), actrice française, née le
— 137 — FELIX
2 févr. 1819, morte à Paris le 12 janv. 1877. Elle était
l'aînée de cette famille Félix, qui, outre la grande tragé-
dienne Rachel, a donné au théâtre plusieurs artistes
distingués. Toutefois elle était peut-être, sous ce rapport,
la moins bien douée d'entre tous, et elle ne dut sans doute
un semblant de situation et de réputation qu'à l'appui et à
la renommée de son illustre sœur. Elle commença sa car-
rière sur les théâtres des boulevards, en se montrant dans
quelques drames populaires. De là elle fut engagée à l'Odéon,
où elle s'attacha à l'étude du répertoire classique, recevant
à cette époque des leçons et des conseils de Mme Desmous-
seaux. Son ambition était d'arriver à la Comédie-Française.
Elle y parvint, grâce à l'influence de Rachel, et elle fit ses
débuts à ce théâtre dans Elmire de Tartufe, dans Mm® de
Clainville de la Gageure imprévue, et dans une pièce
moderne, les Droits de l'homme, de Jules de Prémaray. Elle
à renoncer à une carrière pour laquelle elle n'était pas faite.
Elle quitta donc la scène pour se livrer à des spéculations
industrielles et inventa, ou tout au moins répandit, une
« Eau des Fées », dite aussi « Eau Sarah Félix », qui jouit
d'une certaine vogue et qui, disaient les prospectus, était
souveraine pour la régénération de la chevelure. A. P.
FÉLIX (Rachel) (V. Rachel).
FÉLIX (Lia), actrice française, née en 1830. Elle fut la
troisième sœur et l'élève de la grande tragédienne Rachel.
Elle s'était à peine essayée, en dehors du grand public,
lorsque le hasard la fit appeler à créer, pour son véritable
début, le rôle féminin important de l'unique drame écrit
par Lamartine, Toussaint Louverture, qui fut joué à la
Porte-Saint-Martin le 6 avr. 1850. L'ouvrage n'eut point
de succès, mais la jeune actrice fut remarquée, et aussitôt
plusieurs autres créations importantes lui furent confiées à
ce théâtre, dans Jenny l'ouvrière, Claudie, la Poissarde,
Richard III, les Noces vénitiennes. Sa grâce élégante,
sa beauté pure, sa diction nette et précise, son grand sen-
timent pathétique la mirent hors de pair et la firent bientôt
considérer comme l'une des meilleures comédiennes de
Paris. Lorsque Rachel entreprit ce voyage en Amérique
qui devait lui être si fatal et dont elle devait revenir mou-
rante, elle emmena sa sœur Lia pour lui servir de parte-
naire, et celle-ci joua avec elle Aricie dans Phèdre, Junie
dans Britannicus, Catarina dans Angelo et nombre
d'autres rôles importants, qui développèrent encore son
talent, auquel ne furent pas non plus inutiles les conseils
et l'exemple de l'admirable tragédienne. De retour à Paris,
Mlle Lia Félix fut engagée à f Ambigu pour y créer un
drame nouveau, les Orphelines de la Charité, puis elle
rentra à la Porte-Saint-Martin, où elle joua Richard
d'Arlington, la Closerie des genêts et la Tireuse de
cartes. Elle passa ensuite plusieurs années à la Gaité,
créa à ce théâtre André Gérard, la Fille du paysan, le
Château de Pontalec, la Maison du baigneur, le Mous-
quetaire du roi, le Hussard de Bercheny, puis, l'état
précaire de sa santé toujours chancelante sembla l'obliger
à renoncer pour toujours à la scène. Son silence fut long
en effet, et elle ne le rompit qu'au bout de plusieurs années
pour venir faire à ce théâtre dans un drame de M. Jules
Rarbier, Jeanne d'Arc, une dernière création qui fut
pour elle un éclatant triomphe. Elle déploya dans ce rôle
un talent plein tout à la fois de fierté, de chasteté et de
grandeur, qui mit le comble à sa renommée et qui lui
valut un succès immense. Ce fut, malheureusement, la
dernière fois que le public put l'applaudir, et depuis lors
elle n'a plus reparu à la scène. Arthur Pougin.
FÉLIX (Eugène), peintre autrichien, né le 27 avril
1836. Il fut élève de Waldmùller, étudia ensuite à Paris,
où il s'assimila la manière de Cogniet, et, après une série
de voyages, vint s'établir en 1868 à Vienne. Il a abordé
tous les genres : épisodes religieux, tableaux de la vie
intime (le Premier Ami, l'Atelier du peintre), scènes
FELIX — FELLER
— 138 -
mythologiques (Pan et les Bacchantes), études de cheval,
portraits (Duc Philippe de Wurttemberg) , témoignant,
dans ces diverses représentations, d'une conception vigou-
reuse et saine, alliée à la délicatesse des formes et à un
coloris remarquable.
FÉLIX (Dinah) (V. Dinah Félix).
FÉLIX Alamin, théologien espagnol de la fin du xvne siècle
et de la première moitié du xvme siècle. Il appartenait à
l'ordre des capucins et a écrit de nombreux ouvrages. On
cite de lui : Espejo de la verdadera é de la falsa con-
templation (Madrid, 1691, in-4); De los Enganos de
los demonios éde los vicios (Madrid, 1693, 2 vol. in-4;
réimprimé en 1694 et 1714, in-fol.) ; El Retrato de uno
verdadero sacerdote é el manual de sus obligaciones
(Madrid, 1704, in-fol.) ; De la Beatitud natural é sobre-
natural del hombre (Madrid, 1723, in-fol.) ; La Puerta
del salud é espejo de la verdadera é de la falsa con-
fession (Madrid, 1724, in-fol.) ; Exortacionâ la exacta
observation del decâlogo (Madrid, 1714, in-fol.); El
Tesoro de los beneficios escondos en simbolo de los
Apostoles (Madrid, 1727, in-8); Los Judios mahometa-
nos é los hereticos combates (ibid.), E. Cat.
FÉLIX de Prato, hébraïsant italien, né à Prato (Toscane),
mort à Rome en 1557 ou 1539. Fils de rabbin et rabbin
lui-même, il se convertit au christianisme et se fit augustin
(avant 1506). A Venise, il initia, vers 1515, l'imprimeur
I). Bomberg (V. ce nom) à la connaissance de l'hébreu
et dirigea l'édition de la première Biblia rabbinica Bom-
bergiana (Venise, 1517-18, 4 part, in-fol.). Félix
séjourna à Rome depuis 1518. Il avait publié une traduc-
tion de psautier qui rendit de grands services à cette époque
à cause de son littéralisme : Psalterium ex Hebrœo dili-
gentissime ad verbum fere translatum (V enise, 1515,
in-4; réimprimé à Haguenau en 1522, in-4; à Râle,
1514 ; puis dans le Psalterium septuplex à Lyon, 1530,
in-8, et à Strasbourg, en 1545, in-8). F.-H. K.
FELIX Minutius (V.Minutius Félix).
FELKA. Village de Hongrie, comitat de Zips. Le petit
lac de Felka, dans le haut Tâtra, est à 1,667 m. d'alt.
FELL (Thomas), homme politique anglais, né àHawkes-
well en 1598, mort à Swarthmore le 8 oct. 1658. Inscrit
au barreau de Londres en 1631, il remplit diverses fonc-
tions dans le Lancashire et fut élu au Parlement par Lan-
castre en 1645. En 1648, le Protecteur le nomma commis-
saire de la sûreté du Lancashire; en 1649, vice-chancelier
de ce comté. A partir de 1650, il fit la tournée d'assises
dans le Chester et le North-Wales, et il fit partie de plusieurs
commissions judiciaires. Désapprouvant vers la fin de sa
vie la politique de Cromwell, il se tint obstinément dans la
vie privée malgré les instances du Protecteur. Il fut un des
partisans du quakerisme, ce qui le rendit fort impopulaire
dans sa province.
FELL (John), prélat anglais, né à Longworth en 1625,
mort en 1 686. Encore étudiant à Oxford, il prit les armes pour
la cause royale, et plus tard, entré dans les ordres, il fut
de ceux qui, pendant toute la durée du Protectorat, main-
tinrent le culte anglican. Il en fut récompensé, à la Res-
tauration, par un canonicat à Christ Church et les fonctions
de chapelain du roi. Il joua dès lors un rôle important dans
l'université d'Oxford, dont il devint vice-chancelier en 1666.
Il ne porta pas seulement son attention sur la discipline et la
régularité des études ; mais il donna une impulsion nouvelle
à la production des ouvrages d'érudition et à leur bonne
exécution typographique sur les presses de l'Université. En
1675, il fut promu au siège èpiscopal d'Oxford, On a de lui
des écrits assez nombreux sur des sujets différents tels que :
The Interest of England stated (1659) ; The Life of
Dr Henry Hammoncl (1661) ; Grammatica Piationis sive
Institutions Logicœ (1673); The Vanity of Scoffmg
(1674), des éditions critiques remarquables d'Aratus
(1672), de Cyprien (Oxford, 1682), et d'autres écrivains
latins et grecs. R.-H. G.
FELL (Elizabeth), femme poète anglaise du xvme siècle,
à qui l'on doit : Fables, Odes and Miscellaneous Poems
(Londres, 1771) ; Poem on the Times (1774) et un
volume d'autres Poems (1777).
FELLAH (V. Egypte).
FELLATHA ou FOULLA (V. Peul).
FELLENBERG (Philippe. -Emmanuel de), agronome et
philanthrope suisse, né à Berne le 27 juin 1771, mort le
2hnov. 1844. « Les grands ont assez d'amis, lui avait dit sa
mère, arrière-petite-fiîle de l'amiral hollandais Van Tromp,
sois celui des déshérités.» Fellenberg promit et tint parole.
Après d'excellentes études universitaires, de Fellenberg par-
courut les parties de la Suisse, du Tirol et de l'Allemagne les
plus importantes au point de vue agricole. Persuadé que le
meilleur moyen d'élever le niveau matériel, intellectuel et
moral des populations rurales est d'unir l'éducation pro-
fessionnelle à celle de l'esprit et du cœur, il fonde succes-
sivement à Hofwyl (près de Berne) une école d'agriculture
et de travail pour les paysans pauvres (1804), une école
industrielle, un institut agronomique supérieur pour les
fils des riches propriétaires, et enfin une école normale
destinée à former des instituteurs qui devaient répandre
non seulement l'instruction, mais aussi les meilleures mé-
thodes de culture indiquées par l'expérience et l'observa-
tion. Après la mort de Fellenberg, les établissements
d'Hofwyl, dont la célébrité était européenne, périclitèrent.
De nos jours, on semble s'être inspiré en partie de l'idée
de Fellenberg dans l'élaboration des récents programmes
scolaires de divers pays. Son principal ouvrage est : Vues
relatives à V agriculture de la Suisse et aux moyens de
la perfectionner (Genève, 1808). P. Duproix.
FELLER (François-Xavier de), prêtre et polémiste belge,
né à Bruxelles le 18 août 1735, mort à Ratisbonne le 23 mai
1802. Il entra dans l'ordre des jésuites en 1754 et fut suc-
cessivement professeur de rhétorique à Luxembourg, à Liège
et à Nivelles. Il voyagea ensuite en Allemagne, en Autriche,
en Pologne et en Italie, puis il revint dans son pays natal,
et, après la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773,
il se voua tout entier à la carrière de publiciste. Il attaqua
avec vigueur les théories des encyclopédistes et se déclara
l'ennemi irréconciliable des réformes que Joseph II (Y. ce
nom) voulait introduire dans les Pays-Bas. A chaque édit
impérial qui paraissait, Feller répondait par une brochure
ou par des articles insérés dans son Journal historique ;
il trouvait détestables et nulles au point de vue juridique
toutes les ordonnances du prince réformateur, même les
plus utiles, telles que l'interdiction des sépultures dans
les villes, l'abolition de la torture et la tolérance des cultes
dissidents. Le public ne prêta d'abord que peu d'attention
aux polémiques de l'ex-jésuite ; mais, quand l'empereur
entreprit des réformes politiques, administratives et judi-
ciaires, la masse de la nation s'émut et se tourna vers
l'abbé de Feller comme vers le défenseur le plus éner-
gique des libertés du pays. Dès ce moment, il devint une
véritable puissance et ne se borna plus à attaquer Joseph IL
Lorsque, après la chute du gouvernement autrichien, les
vonckistes (V. Vonck) voulurent introduire quelques amé-
liorations dans la constitution du pays, Feller appela sur
eux toutes les rigueurs du pouvoir et leur dénia même le
droit d'être jugés régulièrement : « Les formes judiciaires,
écrivait-il dans son Journal historique (juin 1790,
p. 313), sont respectables sans doute quand elles assurent
la vie des citoyens ; mais quand elles compromettent la vie
de tous, qu'elles encouragent la scélératesse et la félonie,
elles sont détestables : salus populi suprema lex esto. »
A l'approche des armées françaises, Feller se retira d'abord
à Paderborn, puis à Ratisbonne où il mourut. Les connais-
sances de Feller étaient vastes autant que variées, mais
c'était un homme passionné et brouillon. Un écrivain ultra-
montain (Verhaegen, Histoire du cardinal de Franken-
berg, p. 124) reconnaît que si les intentions de Feller
étaient bonnes, il fut « presque toujours léger dans ses juge-
ments et injuste dans ses appréciations ». La liste des nom-
breux ouvrages de Feller figure dans le tome I de la
- 439 -
FELLER — FELLMAN
Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus,
parles PP. de Backer. En voici les plus importants : Caté-
chisme philosophique (Liège, 4772, in-8) ; ce livre eut
plus de trente éditions et fut traduit en allemand, en
anglais, en hollandais et en italien ; Journal historique
et littéraire (Luxembourg et Liège, 1774-4794, 60 vol.
in-4 2) ; on y trouve beaucoup d'articles intéressants sur
divers points de théologie, d'histoire, de géographie et de
littérature; Dictionnaire historique (Àugsbourg, 4784,
6 vol. in-8), reproduction, en très grande partie du
moins, du dictionnaire de dom Chaudon; Dictionnaire
géographique (Augsbourg, 4782, 2 vol. in-8) ; Recueil
des représentations, protestations et réclamations
faites à Joseph II par les représentants des provinces
des Pays-Bas (Liège, 4787-90, 47 vol. in-8). E. H.
Bibl. : Desdoyarts, Notice sur la vie et les ouvrages
de l'abbé de Feller; Liège, 1810, in-8. — Borgnet, Histoire
des Belges à la fin dttxvni9 siècle ; Liège, 1861, 2 vol. in-8.
— Discailles, les Pays-Bas sous le règne de Marie-Thé-
rèse; Bruxelles, 1873, in-8. — Piot, le Règne de Marie-
Thérèse dans les Pays-Bas autrichiens; Louvain, 1874.
— Juste, la Révolution brabançonne et la république
belge ; Bruxelles, 1884, 2 vol. in-8. — E. Hubert, Etude sur
la condition des protestants en Belgique depuis Charles-
Quint jusqu'à Joseph II ; Bruxelles, 1882, in-8.
FELLER (Franz), facteur d'orgues, né à Kœnigswald
(Bohême) en 4 785, mort à Osseq (Bohême) le 4 er juin 4843.
Il a construit dans cette dernière ville, pour l'abbaye de
l'ordre de Cîteaux, un orgue qui a consacré sa renom-
mée. Il fut aidé dans les combinaisons de cet instrument
par le P. Athanase Bernard, directeur du chœur de l'ab-
baye. Ce qui donne un caractère particulier à l'orgue
construit par Feller, c'est que, bien que composé de 34 jeux,
répartis sur 3 claviers, dont 4 de 46 pieds et 4 de 32, il
n'a qu'un seul jeu d'anches, qui est un trombone de 8 pieds
dans la pédale. Les sons ont une puissance et une douceur
singulières, mais les combinaisons de timbres sont peu
variées. Au point de vue des oppositions de sonorité, la
facture moderne a réalisé de grands progrès depuis la
construction de Forgue d'Osseq. Ch. B.
FELLERIES. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant.
d'Avesnes; 4,955 hab.
FELLETIN. Ch.-L de cant. du dép. de la Creuse, arr.
d'Aubusson, sur une colline au pied de laquelle coule la
Creuse ; 3,379 hab. Tète de ligne d'un embranchement
du chem. de fer de Montluçon à Saint-Sulpice-Laurière, qui
doit être prolongé d'une part sur Ussel (Corrèze), de l'autre
sur Bourganeuf. Industrie assez active, tanneries, fila-
tures, etc., et surtout fabriques de tapis, au nombre de
trois, dont les produits se confondent avec ceux des fabriques
voisines d'Aubusson, plus nombreuses et plus importantes
(V. Tapisserie). Chambre consultative des arts et manu-
factures. Marchés (le vendredi) et foires très fréquentées.
Petit séminaire du diocèse de Limoges. — Felletin n'ap-
paraît dans les documents qu'au moyen âge : c'était une
possession des vicomtes d'Aubusson, qui édifièrent un châ-
teau au sommet de la colline (faubourg de Beaumont). Au
commencement du xne siècle, le monastère de Chambon y
établit un prieuré. Lorsque la vicomte d'Aubusson eut été
achetée par les comtes de la Marche (vers 4260), Felletin
resta quelque temps entre les mains d'Alengart, fille du
dernier vicomte et femme du connétable de France, Imbert
de Beaujeu, puis de Guillaume de Bochedagout. C'est cette
dame de Felletin qui accorda une charte de commune à la
ville, charte dont on ne connaît que quelques articles. Dès
4278, Felletin était incorporé au comté de la Marche et devint
le siège d'une importante châtellenie, cédée par Louis XIV
au duc de La Feuillade. Au xve et au xvie siècle, Felletin
paraît avoir été la ville la plus peuplée et la plus riche de
toute la Marche, et elle disputa longtemps à Guéret le titre
de capitale. Charles IX y établit un tribunal consulaire par
lettres patentes de juin 4567. Un collège (aujourd'hui petit
séminaire) y fut fondé par un prêtre de la ville, François
Durand, en 4589. Les deux derniers siècles et la plus
grande partie de celui-ci ont été pour Felletin une période
de décadence, dont les récents bienfaits du chemin de fer lui
permettront sans doute de se relever. L'église dite du Moutier
a un clocher et un portail remarquables, style gothique
flamboyant. Dans le cimetière, curieuse lanterne des morts
du xme siècle (mon. hist.).— Felletin est la patrie du général
de Nalèche, du peintre Murât, de l'helléniste Courtaud-Diver-
neresse, auquel on a élevé récemment un buste. Une tradition
sans autorité y fait naître Quinault, et son buste surmonte
une fontaine monumentale de la ville. A. Thomas.
Bibl. : Abbé Pataux, Felletin, xvii0 et xviip siècles '
Limoges, 1880.
FELLINI (Giulio-Cesare) , peintre italien, de l'école
bolonaise, né dans les dernières années du xvie siècle,
mort vers 4674. Elève de Gabriele Ferrantini et d'Annibal
Carrache. Ainsi que son frère et collaborateur Marc-An-
tonio, il excella dans la représentation des chevaux, des
figures, et surtout dans le genre ornemental.
FELLINUS (Maria-Sandeus), jurisconsulte canoniste ita-
lien, né à Felina, dans le diocèse de Beggio, en 4444, mort
à Lucques en 4503. Fellinus fut professeur à Beggio, puis
à Ferrare (4465). N'ayant pas osé se commettre avec le
jurisconsulte Philippe Decius qui l'avait provoqué à dis-
puter sur le titre de Probationibus, il laissa sa chaire
pour aller enseigner le droit canon à Pise (4486), En 4488,
le pape Innocent VIII le fit auditor rotœ et lui donna
diverses distinctions en récompense de ses services ; il
avait en effet défendu, par ses écrits, les droits du saint-
siège contre ceux de Ferdinand Ier, roi de Naples, et
Charles VIII, roi de France. Il fut nommé évêque de Penna
et Atri (4495), puis de Lucques (4499). Fellinus légua au
chapitre de la cathédrale de Lucques son importante biblio-
thèque. Ses principaux ouvrages sont : Commentarii in \
libros Decretalium (Venise, 4497-1499, 3 vol. in-fol. ;
Bâle, 4567 ; Lyon, 4549, 4535, 4587, 3 vol. in-fol.); De
Piegibus Siciliœ et Apuliœ (Milan, 4495, in-4; Hanovre,
4604, in-4) ; Consilia (Lyon, 4553, in-fol.). G. B.
Bibl. : De Savigny, Histoire du droit romain au moyen
âge, trad. par Charles Guenoux, 1839, t. IV, p. 272. — Von
Schulte, Die Geschichte des Quellen und Litteratur des
Ganonischen Rechts ; Stuttgart, 1875-1880, vol. 11, p. 350.
FELLMAN (Esaias-Mansueti), missionnaire finlandais,
mort à Kemijservi (Laponie) en 4697. Il fut le premier
prêtre sédentaire d'Enare (4648) et le second de Kemi-
jaervi (4664), succursales de la paroisse de Kemi. Il y
baptisa ceux des Lapons qui étaient encore païens et apprit
à lire à beaucoup d'entre eux dont les descendants le regar-
dent comme un saint. — Son petit-fils Nils (4718-4799)
fut pasteur de Sodankylse (4764), d'Ouleâborg (4768) et
de Liminko (4779). Il écrivit une relation de l'annexe de
de Kemijaervi (4748) et un mémoire sur l'origine et l'état
des paroisses du Kemi-Lappmark (4751). — Le petit-fils
de ce dernier, Jacob, né à Rovaniemile 25 mars 4795,
mort à Lappaj servi le 8 mars 4875, fut ordonné prêtre
en 4845 et devint pasteur d'Utsjoki (4849). Il étudia le
dialecte de cette paroisse de Laponie et se l'assimila au
point de pouvoir s'en servir pour prêcher et pour traduire :
l'Evangile de saint Matthieu (dont il publia deux cha-
pitres à Abo, 4825), partie de celui de saint Marc et le
Catéchisme de Mœller (4860). Non moins versé dans la
connaissance de la nature du pays, il traita en latin de la
botanique de la Laponie dans le Bulletin de la Société
des naturalistes de Moscou (t. III, 4831 , et VIII), et pu-
blia en suédois : Notes sur mon séjour en Laponie
(Borgâ, 4844), ainsi que divers mémoires sur l'agricul-
ture du nord de la Finlande, dans Suomi (4845, 4858),
sur la faune de la Laponie (ibid., 4848), sur les paroisses
du Kemi-Lappmark (ibid., 4846), sur les restes de l'âge
de pierre en OEsterbotten, dans Annales d'archéologie
septentrionale (Copenhague, 4845). Il laissa en outre de
précieux recueils manuscrits. En 1834, il avait dû quitter
la Laponie pour cause de santé et il fut nommé pasteur de
Lappajservi (4832). — Son fils, Nils-Isak, né en 4844,
entré dans la magistrature en 4873, est membre du Sénat
depuis 4887. Il a publié : Plantœ vasculares in Lappo-
FELLMAN — FÉLONIE
— 140
nia orientali sponie nascentes (1864, 1869) ; Plantœ
arcticœ exsiccatœ in Lapponia orientali collectée
(1864, fasc. I-IV) et des articles de droit dans la Revue
de l'association juridique (1874, 1876). Beauvois.
FELLNER (Ferdinand, baron de), dessinateur et peintre
allemand, né à Francfort-sur-le-Main le 12 mai 1799, mort
à Stuttgart le 14 sept. 1859. Il étudia d'abord le droit à
Heidelberg et à Gœttingue, fut reçu docteur et avocat, puis,
en 1825, il se tourna vers l'art, et, après s'être formé à
Munich, il alla en 1831 s'établir à Stuttgart, et s'adonna
surtout à l'illustration. Parmi ses œuvres en ce genre, nous
citerons: Don Quichote (en 16 dessins), Faust, Tell,
Wallenstein, Macbeth, Roméo et Juliette, Obéron, etc.,
puis des poèmes du moyen âge, Gudrun (7 dessins),
Gottfried de Strasbourg, des légendes et scènes histo-
riques, et sa collection de costumes. Il s'essaya aussi, mais
avec moins de succès, dans la peinture. Il y a de lui, au
Kaisersaal de Francfort, une représentation de l'empe-
reur Conrad Ier et de Frédéric le Beau, et à Burgberg,
une Sainte Famille, et un retable, ce dernier fait en col-
laboration avec Pilgram.
FELLOW. Terme universitaire anglais, signifiant com-
pagnon, collègue. Les fellows sont les membres d'une
sorte de corporation jouissant des revenus attachés à un
collège et provenant soit des biens de la fondation, soit de
dons successifs faits par des particuliers. Il est plusieurs
sortes de fellowships variant suivant les dispositions des
fondateurs et des donateurs. Dans les unes, le nombre
de membres est limité ; dans d'autres, la corporation peut
s'adjoindre de nouveaux confrères pris exclusivement parmi
les gradués du collège de la fellowship. Chaque collège
a la sienne, mais quelquefois on y admet, par l'élection
et après un examen, des gradués de différents collèges et
même de toute l'Université. Dans certains cas, les fellows
doivent appartenir à la famille du fondateur ; dans d'autres,
être natifs d'un certain comté. Ces règles prescrites par le
fondateur sont souvent modifiées par les statuts des collèges.
En général, les fellowships sont spéciales aux membres du
clergé qui souvent occupent les fonctions de pasteurs des
paroisses des universités, mais des laïques peuvent obtenir
la fellowship. Les allocations sont très diverses ; elles varient
de 30 livres à 250 et même davantage. Elles confèrent le
droit d'un appartement au collège et certains autres privi-
lèges. Elles sont pour la vie, mais retirées au cas où le
titulaire se marie, fait un héritage dépassant le bénéfice ou
encore accepte une charge ecclésiastique qui constituerait
un cumul. Hector France.
FELLOW ES (Robert), philosophe et publiciste anglais,
né en 1771, mort en 1847. Un legs considérable qu'il
hérita de son ami Francis Maseres lui permit de se con-
sacrer à l'étude désintéressée des questions religieuses et à
la pratique de la philanthropie. Il fut un des promoteurs de
l'Université de Londres. On lui doit, entre autres ouvrages :
A Picture of Christian Philosophy (1798); Morality
united with Policy (1800); Religion without Cant
(1801) ; A Body of Theology (1807), et The Religion of
the Universe (1836), où il fait preuve d'une largeur d'es-
prit remarquable. Il a aussi laissé un volume de Poems
(1806). De 1804 à 1811, il dirigea la Critical Review.
FELLOWS (Charles), voyageur et archéologue anglais,
né à Nottingham en août 1799, mort à Londres le 8 nov.
1860. En 1827, il fit l'ascencion du mont Blanc dont il
publia la relation ; en 1832, il commença à voyager en
Italie, en Grèce et dans le Levant. Le 12 févr/1838, il
partit de Smyrne pour explorer l'intérieur de l'Asie
Mineure; l'ancienne Lycie surtout fut l'objet de ses
recherches archéologiques ; il découvrit les ruines de Xan-
thos et de Tlos, et revint en Angleterre où il publia le
Journal de son voyage en Asie Mineure (Londres, 1839).
A la fin de 1839, il partit de nouveau pour la Lycie avec
George Scharf, et ses découvertes révélèrent au monde
savant une quantité considérable de monnaies, d'inscrip-
tions, de sculptures lyciennes, publiées en 1841 sous le
titre : An Account of Discoveries in Lycia. En 1842 et
en 1844, Fellows entreprit deux nouvelles explorations de
la Lycie, et les sculptures remarquables qu'il rapporta de
ses voyages comptent parmi les plus précieux monuments
du Musée britannique : elles proviennent principalement des
ruines de Xanthus, Pinara, Patara,Tlos, Myra et Olympus,
Outre les ouvrages déjà cités, on lui doit : A Narrative of
an Ascent to the summit of Mont-Blanc (1827) ; Lycia,
Caria, Lydia, illustrated by G. Scharf (1847); An
Account of the Ionic Trophy monument excavated at
Xanthus (1848); Travels and Researches in Asia Mi-
nor, more particulary in Lycia (1852); Coins of
ancient Lycia (1855, in-8). E. Babelon.
FELLTHAM (Owen) (V. Feltham).
FELMÉRl (Louis), philosophe hongrois, néàUdvarhély
en 1840. D'abord professeur à Sarospatak, il y fonda, à la
suite d'un voyage en Italie, un musée esthétique. En 1872,
il est devenu professeur à l'université de Kolozsvâr. Après
un voyage en Angleterre, il a publié un ouvrage en deux
volumes sur l'instruction publique dans ce pays : ce livre a
produit beaucoup d'effet en Hongrie et a été couronné en
1884. E. Sayous.
FELOAGA y Ozcoide (Antonio), jurisconsulte espagnol
du xviie siècle, né à Pampelune, mort à Madrid en 1658.
Il enseigna le droit canon à Salamanque, devint fiscal du
conseil des Indes et chevalier de l'ordre de Santiago. Il a
laissé plusieurs ouvrages parmi lesquels : Phénix juridico.
FÉLON (V. Félonie).
FÉLON. Corn, du territoire de Belfort, cant. de Fon-
taine; 167 hab.
FÉLON (Joseph), peintre, sculpteur et lithographe fran-
çais contemporain, né à Bordeaux en 1818. Cet artiste
n'eut pas de maîtres pour les divers genres qu'il a cultivés,
et c'est à sa verve, à la vigueur de son imagination, tou-
jours à la recherche de nouvelles formules, qu'il doit son
talent. En raison même de la diversité de ses travaux,
il n'est arrivé dans aucun genre à une réelle supériorité, et
parmi ses nombreuses expositions annuelles, il n'a reçu
de médaille qu'au Salon de \ 861 , pour son bas-relief de
la Mère du Sauveur (église Sainte-Perpétue, à Nîmes), et
un rappel de médaille en 1863 pour sa statue de Sigebert,
roi oVAustrasie (à la cathédrale de Nancy). Après ces
œuvres principales, on peut citer, parmi ses innombrables
travaux : Portrait de V auteur, peinture (S. 1840, début),
Mort de Mgr Affre, peinture (S. 1849 ; musée de Saumur),
cartons pour les verrières de l'église Sainte-Perpétue, à
Nîmes (S. 1861) ; Andromède, stat. marbre (S. 1867) ;
Gerson, statue pierre (S. 1874; façade de la Sorbonne) ;
VEeure durepos, statue plâtre (S. 1881); Nymphe chas-
seresse (musée de Bordeaux) ; le Baron Gros, buste marbre
(S. 1887 ; musée du Luxembourg) ; la Musique, bas-
relief pierre, pour l'escalier d'honneur de l'Hôtel de Ville
de Paris (S. 1887). Depuis 1881, M. J. Félon a cessé
d'exposer dans la section de peinture. Ad. T.
FÉLONGNE (Bot.) (V. Chélidoine).
FÉLONIE. On entendait par là, dans le droit féodal,
toute déloyauté ou offense grave, commise par le vassal
envers son seigneur ou par le seigneur envers son vassal,
et qui entraînait la rupture du contrat de fief. Le mot
félon, dont l'origine est incertaine, mais dont la significa-
tion la plus ancienne est celle de traître et rebelle, appa-
raît sous sa forme latine (felo), au ixe siècle, dans un
capitulaire de Charles le Chauve, et sous sa forme française
(fel, felun), au xie siècle, dans la Chanson de Roland.
Ce mot n'entra qu'assez tard dans la langue juridique, et
jusqu'au xme siècle on qualifiait de forfaitures (V. ce
mot) plutôt que de félonies les offenses réciproques du
seigneur et du vassal. A côté de ce sens étroit, spécial aux
matières féodales, le mot félonie avait aussi, surtout dans
la langue littéraire, le sens large de crime par lequel on
attente à la personne d'autrui (rapt, homicide, trahi-
son, etc.). — Suivant l'usage général des fiefs, le vassal
— 141
FÉLONIE — FELTON
était coupable de félonie toutes les fois qu'il manquait à la
fidélité jurée, c.-à-d. quand il offensait son seigneur dans
sa personne ou dans celle d'un membre de sa famille (in-
jures, voies de fait, tentative de meurtre, séduction de sa
femme ou de sa fille, etc.); quand il violait un des devoirs
qui lui étaient personnellement imposés par le contrat de
fief (refus d'hommage, de service militaire, de comparution
devant la cour des pairs, révolte et guerre ouverte, déser-
tion, trahison, aliénation ou abrègement du fief sans l'au-
torisation du seigneur, etc.) ; quand il contrevenait for-
mellement aux lois et règlements établis par la cour
seigneuriale, ou qu'il commettait dans le ressort de la
seigneurie des actes de brigandage ou des crimes de droit
commun. La félonie du vassal avait pour conséquence la
perte de son fief qui revenait au seigneur par droit de com-
mise ou confiscation ; en outre, elle entraînait habituelle-
ment une peine personnelle, telle que la mort, le bannis-
sement, l'amende, suivant la gravité de l'offense ; quand
le vassal était chevalier (ce qui était le cas ordinaire), il
perdait cette qualité à la suite d'une dégradation solennelle.
La confiscation du fief n'avait pas lieu de plein droit, mais
devait, comme la peine qui l'accompagnait, être prononcée
par la cour des pairs, à la requête du seigneur. C'est pour-
quoi si le seigneur ne se plaignait pas de l'offense qu'il
avait reçue, il était censé l'avoir pardonnée à son vassal,
et nul autre que lui, même ses héritiers après sa mort, ne
pouvait intenter de ce chef aucune poursuite contre ce
dernier. — Le seigneur était coupable de félonie envers
son vassal quand il avait manqué au devoir de loyale pro-
tection que la coutume féodale lui imposait envers celui
qui lui avait juré fidélité : par exemple dans le cas de vio-
lences, d'outrages contre sa personne ou celle des siens,
d'abandon, de trahison, etc. Sa félonie devait être, comme
celle du vassal, prononcée en justice par la cour du suze-
rain ; elle devait être prouvée par cinq témoins notables et
sans reproches. Elle faisait perdre au seigneur l'hommage
du vassal outragé et la mouvance de son fief ; désormais le
vassal était placé sous la dépendance directe et le fief dans
la mouvance immédiate du suzerain de celui par qui la fé-
lonie avait été commise. Ch. Mortet.
Bibl. : V. la Bibliographie générale des mots Fief et
Féodalité.
FELOUPS, nègres de la Sênégambie (V. ce mot).
FELOUQUE (Mar.). Nom d'un petit bâtiment dont on
voit encore quelques rares spécimens dans la Méditerranée,
et qui était autrefois fort usité chez les pirates barbares-
ques, à cause de sa légèreté et de sa vitesse. La felouque
était une sorte de petite galère à guibre ou taille-mer très
incliné, à marche rapide, par suite assez étroite au maître-
couple, et qui allait à la rame et à la voile. Elle avait deux
mâts légèrement inclinés sur l'avant, portant des voiles
latines à grandes antennes, telles qu'en ont encore les
tartanes. Le grand mât s'appelait arbre de mestre ; le mât
de misaine, arbre de trinquet. Elle armait de douze à vingt
avirons de chaque bord. Son artillerie se composait de
deux gros canons tirant en chasse devant, et d'autant de
petites pièces de cuivre appelées pierriers, tirant alors
sur les flancs, qu'on en pouvait mettre. Avec un équipage
relativement nombreux et son faible tirant d'eau, elle pou-
vait s'approcher des côtes, entrer dans toutes les baies et
était éminemment propre à la course ou à la piraterie, sa
vitesse lui permettant de se dérober rapidement devant des
bâtiments supérieurs en force.
FELS ou FOLLIS. Le follis est le nom de la pièce de
cuivre dans le Bas-Empire. L'expression, quoique remon-
tant à Dioclétien, paraît avoir été employée plus spéciale-
ment à partir d'Ànastase, pour désigner une bourse (follis)
remplie de petites pièces de cuivre et, par extension, la
monnaie de bronze elle-même. Le follis et ses multiples
constituaient les Nummi follares des auteurs latins. Sa
valeur était, à l'époque de Justinien, de 210 au solide d'or,
soit environ 45 cent, de la monnaie de France. Le follis
fut adopté par les Arabes et le mot devint fouis ou fels
(plur. foulons). C'est le terme employé pour désigner
la monnaie de cuivre, comme dirhem (drachma) pour
la monnaie d'argent et dinar (denarius) pour la mon-
naie d'or. Le plus ancien fels arabe avec mention de ce
nom est de l'an 90 de l'hég. (711 de J.-C). Le fels était
encore usité en Algérie comme monnaie de compte avant la
conquête française. E. Drouin.
Bibl.: Mommsen, Die Follarmùnzen. — Seek dans
Zeitschr. fur Numism., 1890. '
FELSI N A. Ancien nom de la ville de Bononia (Bologne).
FELS1NG (Georg-Jakob) , graveur allemand, né à
Darmstadt le 22 juil. 1802, mort à Darmstadt le 9 juin
1883. Elève de son père, Johann-Konrad (1766-1819),
puis de Giuseppe Longhi, à l'Académie de Milan, où il
obtint le grand prix de gravure en 1828, avec son estampe
le Christ au Jardin des oliviers, d'après C. Dolce. Après
dix ans de séjour en Italie, où il exécuta de belles planches,
il retourna en 1832 dans sa ville natale. Dès lors, il a
gravé de préférence d'après des peintres allemands contem-
porains et est devenu l'un des premiers burinistes de son
pays. Parmi ses gravures, il y a à signaler : le Joueur de
violon, d'après Raphaël (galerie Sciarra Colonna à Rome) ;
la Sainte Famille, d'après Overbeck (1839) ; la Poésie et
l'Amour, d'après Kaulbach (1844); Jésus disputant avec
les docteurs, d'après Léonard de Vinci (4847). G. P-i
FELSINOTHERIUM (V. Lamantin [Paléont.]).
FELSÔ Banya (V. Bànya).
FELSOPHYNE(V. Porphyre).
FELSZTYN (Sébastien de) ou FELSZTYNSKI, compo-
siteur et théoricien polonais, né vers 1490, mort vers 1550.
Il était, vers 1530, professeur à l'université de Cracovie.
Il fut le premier à y enseigner la théorie musicale. Il a
publié deux traités élémentaires de plain-chant et de mu-
sique sous le titre tfOpusculum musicœ (Cracovie, 1519)
et Opusculum musices (iSM), une édition des écrits sur
la musique de saint Augustin et un recueil d'hymnes de
sa composition. Huit morceaux de Felsztynski ont été réim-
primés par Surzynski dans ses Monumenta musices sacrœ
in Polonia (Posen, 1886). M. Br.
FELT (Rév. Joseph B.), historien américain, né à Salem
(Massachusetts) en 1789. On a de lui quelques ouvrages
estimés d'histoire locale, tels que les Annales de Salem
(1827), une Histoire dlpswich, d'Essexet de Hamilton
(1833), et des travaux de statistique, comme flfistorical
Account of Massachusetts Currency (1839), et Collec-
tions for the American Statistical Association on
Towns, Population, and Taxation (1847). B.-H. G.
FELT EN (Georges), architecte russe, né dans la pre-
mière moitié du xvme siècle, mort en 1801. Il était d'ori-
gine allemande suivant les uns, anglaise selon les autres,
et s'établit en Russie vers 1770. Il fut directeur de l'Aca-
démie des beaux-arts. On lui doit entre autres la façade et
l'escalier de cette académie et le palais d'Hiver. L. L.
FELTHAM (Owen), écrivain anglais, né en 1610, mort
en 1677, connu spécialement des chercheurs des antiquités
littéraires de la Grande-Bretagne par un curieux recueil,
Résolves, contenant des traités de piété et de morale, par-
fois comparés aux Essais de Bacon. Le volume X de la
Rétrospective Review donne un excellent compte rendu
et de nombreux extraits de ce livre. H. France.
FELTON (Sir Thomas), sénéchal anglais d'Aquitaine,
mort le 2 avr. 1381. C'était le deuxième fils de sir John,
gouverneur d'Alnwick en 1314. Il fit partie de l'expédi-
tion qui, sous les ordres d'Edouard III, envahit la France
en 1346. Felton était à la bataille de Crécy ; on le trouve
aussi à celle de Poitiers en 1355, aux côtés du prince
Noir. Il fut un des commissaires qui signèrent le traité de
Brétigny. Quand le prince Noir fut requis par Pierre de
Castille de l'aider contre Henri de Transtamare, Felton,
contre l'avis de Chandos, conseilla d'écouter le prétendant.
Il commandait l'avant-garde à Navarette (1357), où il fut
pris. Racheté, il guerroya pendant plusieurs années en
FELTÔN — FELTRE
— 14$ -
Aquitaine, sous le duc de Lancastre. Fait prisonnier de
nouveau par les Français, près de Bordeaux (nov. 1377),
il ne fut relâché qu'en 1380. Ch.-V. L.
FELTON (John), assassin anglais, né vers 1595, mort
le 28 nov. 4628. Il était d'une famille originaire du Suf-
folk et, par sa mère, petit-fils d'un maire de Durham. D'un
caractère morose, il ne se fit pas aimer de ses camarades
dans l'armée, où il entra de bonne heure en qualité d'of-
ficier. Il fit partie, comme lieutenant, de l'expédition de
Cadix en 1625. En 1627, il demanda une compagnie; le
duc de Buckingham, qui semble avoir eu un parti pris
contre lui, lui refusa durement toute espèce d'avancement.
Felton vint à Londres réclamer l'arriéré de sa paye ; et,
très pauvre, de plus en plus sombre, il se mit à fortifier
sa rancune privée contre Buckingham par la lecture des
pamphlets du temps. Le 23 août 1628, il arriva à Ports-
mouth, sous prétexte de reprendre du service dans l'armée
que Buckingham, grand amiral, réunissait en vue d'une
expédition contre la France. Il tua d'un coup de couteau
le célèbre favori. Cet acte excita dans toute l'Angleterre
l'enthousiasme populaire ; on but à la santé du « nouveau
David » ; les prédicants puritains, le comte d'Arundel et
lord Maltravers, allèrent le réconforter dans sa prison.
Quand il eut été pendu à Tyburn, sans torture préalable,
toute une littérature d'épitaphes et de ballades célébra sa
mémoire : elle a été recueillie et publiée en 1850, par
F.-W. Fairholt pour la Percy Society (Poems and songs
relating to Buckingham and his assassination). Le
couteau dont Felton se servit, un couteau acheté dix sous
à Tower Hill, est en la possession du comte de Denbigh,
à Newnham Paddox (Warwickshire). Ch.-V. L.
FELTON (Henry), écrivain et prédicateur anglais, né
à Londres en 1679, mort en 1740. Il publia en 1706 une
brochure contre les presbytériens de Colebrooke qui fit
quelque bruit, et, en 1711, Dissertation on reading the
classics and forming a just style, qui eut plusieurs édi-
tions. Vinrent ensuite Character of a good Prince; The
Scripture Doctrine in the Books of Moses and Job.
Mais il était connu surtout comme prédicateur et en 1781,
son fils, le révérend "William Felton, publia ses sermons
précédés d'une Vie de l'auteur. L'un d'entre eux, The
Christian Faith againts Deists, Arians and Socians,
avec une préface sur Light and Law of Nature and the
Expediency and Necessity of Bevelalion, passe dans
tout ce fatras pour son meilleur ouvrage. Hector France.
FELTON (Cornelius-Conway), professeur et littérateur
américain, né à West Newbury (Massachusetts, Etats-Unis)
le 6 nov. 1807, mort en Pennsylvanie le 26 févr. 1862.
Elevé à l'université de Harvard, où il eut pour maîtres
Everett et Bancroft, Felton s'adonna à l'enseignement des
lettres classiques, professa dès 1829 à Harvard et succéda
en 1834 à Everett dans la chaire de littérature grecque.
Helléniste distingué, orateur, écrivain, critique, érudit, il
occupa dignement son poste jusqu'en 1860, et n'interrom-
pit son enseignement que durant une année (avr. 1 853 à
mai 1854) consacrée à un voyage en Europe. Il visita l'An-
gleterre, l'Allemagne, la France, la Suisse, l'Italie, la Tur-
quie, la Grèce surtout où il séjourna cinq mois. En 1860
il fut nommé président de l'université et garda ces fonc-
tions jusqu'à sa mort. Les écrits de Felton sont en tel
nombre qu'on ne saurait citer que les principaux. En
dehors de travaux de tous genres publiés dans la North
American Beview et quantité d'autres magazines, essais
littéraires, notes critiques, séries de « lectures » à l'insti-
tut Lowell et dans d'autres établissements analogues, il a
laissé : une édition de Ylliade, annotée, avec les illus-
trations de Flaxman, une traduction de la Littérature alle-
mande de Menzel, un choix de morceaux tirés des auteurs
grecs (prose et poésie), des éditions des Nuées, d'Aristo-
phane, du Panégyrique, d'Isocrate, de YAgamemnon,
d'Eschyle, des Niebelungen, de Longfellow, etc., un livre
sur les études classiques, un autre sur des conférences
faites à Boston en français par Arnold Guyot, un choix de
morceaux d'auteurs grecs modernes, des Lettres familières
d'Europe, etc., etc. Aug. M.
FELTRE. Arme défensive ancienne. C'était une sorte
de cuirasse faite de laine foulée que l'on avait trempée dans
le vinaigre pour arrêter les armes tranchantes. Elle était
en usage chez les Romains.
FELTRE. Ville d'Italie, prov. de Bellune (Vénétie),
sur la Colmeda, sous-affluent de la Piave et à 10 kil. de
la frontière autrichienne; 12,345 hab. Située au pied des
Alpes Cadoriques, sur la route de Bellune à Bassano et à
peu de distance du val de Levico, cette ville fut souvent
assiégée et prise. De 1805 à 1814, elle fut un chef-lieu
d'arrondissement du dép. de la Piave. Le général Clarke,
ministre de la guerre de Napoléon Ier, portait le titre de
duc de Feltre.
FELTRE (Henri-Jacques-Guillaume, duc de) (V.Clàrke).
FELTRE (Charles-Marie-Augustin de Goyon, duc de),
général et homme politique français, né à Nantes le
13 sept. 1803, mort à Paris le 17 mai 1870. Sorti de
Saint-Cyr, il fit la campagne d'Espagne (1823), servit dans
les hussards et dans les dragons, et, promu en 1845
colonel du 2e régiment de cette arme, eut à repousser l'in-
surrection de juin 1848. Le 15 avr. 1850, il était nommé
général de brigade et commandant en chef de l'Ecole de
Saumur. Partisan du coup d'Etat du 2 déc, il servit d'aide
de camp à Louis-Napoléon et l'accompagna dans ses diverses
tournées dans les départements. Générai de division en
1853, le comte de Goyon commanda le camp de Lunéville,
puis fut chargé du commandement de l'armée d'occupation
de Rome (1856). Le 25 mai 1862, il fut créé sénateur et
obtint, en 1864, le droit de relever le titre de duc de
Feltre. Il exerça encore le commandement du 6e corps
d'armée, de 1867 à 1868. —Son fils, Charles-Marie-
Michel, né à Chantenay (Loire-Inférieure) le 14 sept. 1844,
attaché d'ambassade à Madrid (1867), à Londres (1868),
attaché à la direction politique du ministère des affaires
étrangères, s'engagea dans les guides au début de la guerre
franco-allemande. Fait prisonnier à Metz, il s'échappa et
servit dans un régiment de hussards. En 1875, il se pré-
senta sans succès dans les Côtes-du-Nord, à une élection
partielle; le 20 févr. 1876, il était élu député de Guin-
gamp. Invalidé, il fut réélu le 21 mai. Membre du parti
impérialiste, il appuya le gouvernement du 16 mai, fut
réélu le 14 oct. 1877, combattit le cabinet Dufaure et la
politique opportuniste. Réélu encore en 1881, il échoua en
1885. — Son frère, le comte de Goyon (V. ce nom), a
été élu député de Guingamp en 1889.
FELTRE (Alphonse Clàrke, comte de), musicien fran-
çais, troisième fils du maréchal duc de Feltre, né à Paris
le 27 juin 1806, mort à Paris le 3 déc. 1850. Il fut élève
à l'Ecole militaire des pages du roi (1824-1826), sous-
lieutenant aux cuirassiers de Berry où servaient ses deux
frères, et donna sa démission d'officier en 1829. Reicha
fut son professeur et il reçut aussi des conseils de Boïel-
dieu. Il a écrit pour le théâtre : Une Aventure de Saint-
Foix, opéra-comique (inédit), sur un livret d'Alexandre
Duval, déjà traité par Tarchi; la Garde de Nuit (1831),
opéra-comique accompagné par le piano et les instruments
à cordes, représenté chez la princesse de Vaudémont ; le
Fils du prince (1834), joué au théâtre de l'Opéra-Co-
mique ; Vïncendio diBabilonia (1841), demeuré inédit ;
le Capitaine Albert, version augmentée et instrumentée
pour orchestre de la Garde de nuit (cet ouvrage, mis en
répétition à l'Opéra-Comique en 1844, fut retiré par l'au-
teur) ; et enfin une partie delà Valérie de Scribe etMéles-
ville. On lui doit de nombreux morceaux pour piano seul,
piano et violon, piano et instruments à cordes ou à vent,
ou pour cordes et instruments à vent seuls, tels que sonates,
rondos, trios, quatuors, quintettes, airs variés, valses,
suites, etc. Il a également composé beaucoup de musique
vocale, nommément : cinq duos bouffes pour soprano et
basse ; les Chasseurs, duo pour ténor et basse ; Ave Maria;
Hymne a la Vierge; des airs et scènes sur les Médita-
— 143 —
FELTRE — FEMME
tions de Lamartine ; trois Dernières Pensées; trois recueils
de mélodies : les Femmes, Un Premier Amour, Un
Roman de jeune fille ; plus de cent vingt romances, chan-
sonnettes, mélodies séparées, entre autres : l'Ame du Pur-
gatoire, Pietro, la Peur de l'orage, Printemps d'amour.
Une partie seulement de ces diverses compositions a été
publiée. A. E.
FELTRINI ou FELTRINO (Andréa), peintre italien, né
à Florence en 1477, mort en 1548. Au nom d'Andréa di
Cosimo, qu'il porta d'abord en l'honneur de son premier
maître, Cosimo Rosselli, il substitua celui de Feltrino, lors-
qu'il se fut initié sous le Vénitien Morto da Feltro à la pein-
ture d'arabesques, qui resta son genre de prédilection et
dont il répandit le goût à Florence. Artiste d'une imagi-
nation brillante, il employa surtout son talent à décorer les
édifices, les façades, les murs, toits, frises et lambris. Il
excella surtout dans les sgraffites. Il avait épousé une sœur
du Sansovino, et eut pour élèves et aides Mariotto et
Raffaele Mettidoro. Gourd ault.
Bibl. : Vasari, Le Vite.
FELTRO (Morto da) (V. Morto).
FELU (Charles), peintre belge, né en 1820. Etant privé
de bras, il parvint, grâce à une application extraordinaire,
à se servir de son pied droit pour dessiner et pour peindre.
Outre un certain nombre de portraits que l'on dit fort
remarquables, il a exécuté une foule de croquis d'après les
maîtres.
FELZINS. Com. du dép. du Lot, arr. et cant. de Figeac,
716 hab.
FEMEIÔT (Mar.). On appelle femelot ou conassière un
piton placé sur l'arrière d'une penture à deux branches
appliquée sur les faces latérales de l'étambot arrière où
elles sont fixées par de grandes vis à bois. Ce piton reçoit
Faiguillot ou vitonnière du gouvernail et sert à supporter
ce dernier. Les femelots sont au nombre de quatre ou cinq,
en nombre égal, naturellement, aux aiguiilots. La succes-
sion des femelots forme la charnière autour de laquelle
tourne le gouvernail. — Dans les nouvelles constructions,
avec le système de gouvernails compensés, les femelots
n'existent plus. Le gouvernail pivote sur une crapaudine
placée sur une semelle en bronze qui est en quelque sorte
le prolongement de la quille après l'étambot arrière.
FÉMININ (Gram.). Le féminin est l'un des genres
(V. ce mot) que le langage attribue au substantif. Sa
fonction est de marquer qu'un objet est considéré comme
un être animé du sexe féminin. Par suite, tous les noms
qui désignent des êtres animés du sexe féminin sont du
féminin : femme, sœur, vache, etc. Le féminin comprend
encore une série de noms qui ne désignent pas des êtres
animés. C'est alors le plus souvent l'analogie de la termi-
naison qui a déterminé le genre. Ainsi en grec tous les
noms de la première déclinaison qui n'ont pas le génitif
en ou sont du féminin ; en latin, il n'y a, dans la même
déclinaison, que les noms d'êtres animés du sexe masculin
qui ne soient pas du féminin. Toutefois, la notion de genre
n'est pas en règle générale attachée aux désinences. Mais
il y a des suffixes qui servent exclusivement à former des
noms féminins, comme d'autres des noms masculins, etc.
Cela vient ou de ce que le suffixe a été pour la première
fois considéré comme tel dans un mot qui servait à dési-
gner un individu du sexe féminin, ou que le premier subs-
tantif de la série a été d'abord un adjectif construit avec
un substantif féminin dont il a gardé le genre (patria
[terra] àepatrius, a, um). On s'explique ainsi pourquoi
montagne est du féminin, tandis que mont est du mas-
culin, pourquoi le neutre latin mirabïlia devenu substantif
de la première déclinaison a donné le féminin français
merveille.
Dans les adjectifs, le féminin doit être considéré comme
une forme spéciale destinée à marquer le rapport de l'ad-
jectif avec un substantif féminin {bonne à côté de bon,
bona à côté de bonus et de bonum). Quand cette forme
n'existe pas, l'adjectif n'a pas de féminin, comme en an-
glais, où l'adjectif, étant invariable, n'a pas de genre,
comme en français dans les adjectifs terminés par un e
muet, comme en latin dans le nominatif prudens qui sert
pour les trois genres, etc. Dans certaines langues le féminin
existe même dans les verbes ; il faut le définir alors la
forme spéciale que prend le verbe pour marquer le rap-
port à un sujet du féminin. C'est ce qui a lieu dans les
langues sémitiques. Ethiopien : gabarca, tu es fort ; ga-
barci, tu es forte. Hébreu: k'dlaltem(masc), k'dlalten
(fém.), vous êtes en train de tuer. Le féminin n'existe pas
dans les langues dites isolantes ou agglutinantes, qui n'ont
pas de genre du tout. D'autres, au contraire, comme le
cafre, où l'on rencontre jusqu'à dix-sept catégories de subs-
tantifs répondant à autant de genres différents, en ont
plusieurs pour notre seul féminin. Paul Giqueaux.
FEM1N1S (Giovanni-Paolo) (V. Farina [Giovanni-Maria].
FEMME. ï. Anthropologie et Physiologie. — Envi-
sagée au point de vue de l'anthropologie et de la physiologie,
c.-à-d. au point de vue purement zoologique, la femme ne
peut se définir que comme étant la femelle de l'homme.
Assurément, la phrase n'est point galante; mais ni l'anthro-
pologie ni la zoologie n'ont l'art des périphrases atténuantes
ou des métaphores qui déguisent la pensée. Acceptons
donc simplement la définition dans sa brutalité, et envi-
sageons la femme au point de vue strictement physiolo-
gique. Le rôle est quelque peu ingrat sans doute : c'est
celui du numismatiste auquel, d'une médaille, il ne serait
permis de considérer que le revers ; mais encore faut-il
tenir compte de ce revers, et peut-être le numismatiste infor-
tuné dont il s'agit préférera- 1— il encore son sort à celui
de son confrère qui ne voit ni revers ni endroit... Est-ce
légende ancienne, est-ce simple boutade, je ne sais : mais
on a dit qu'en réalité la femme n'est point la femelle de
l'homme actuel ; qu'autrefois, elle avait un compagnon
plus semblable à elle, mais que ce compagnon fut graduelle-
ment exterminé par une race plus vigoureuse et plus gros-
sière, — - les petits-enfants de quelque anthropoïde mieux
armé pour la lutte pour l'existence, sans doute — et cette
race, ce serait celle de l'homme actuel. C'est appuyer,
sous une forme métaphorique, sur la différence qui existe
entre l'homme et la femme considérés au point de vue de
l'intelligence, de l'émotivité et de la volonté. Cette diffé-
rence est considérable à coup sûr, mais elle n'est sans doute
pas d'ordre surnaturel : elle s'explique par les dissem-
blances qui séparent les deux sexes. C'est de ces dissem-
blances qu'il nous faut parler ici, et nous les énumérerons
en ordre, en nous attachant non seulement aux caractères
anatomiques, mais aux particularités d'ordre physiologique
et à leur retentissement sur l'organisme de la femme.
Caractères anatomiques. — On peut, j'imagine, le dire
sans blesser la femme, et sans rien lui faire perdre de son
charme et de sa puissance sur l'homme : elle est, anato-
miquement, moins bien organisée ; elle est moins résistante,
moins vigoureuse. Cette infériorité anatomique incontes-
table se traduit dans tous les appareils, dans tous les
tissus, dans toutes les fonctions : je ne parle, cela va de
soi, que des tissus, appareils et fonctions communes aux
deux sexes.
Sa taille est moins élevée que celle de l'homme : la
stature masculine l'emporte en moyenne de 8, 40 et
12 cent., et c'est là un caractère constant : on l'observe
aussi bien chez les Patagons que chez les Parisiens, ou,
pour prendre un type de beauté virile moins contestable,
chez les Normands ; on l'observe dès le début comme à la
fin de la vie : le nouveau-né masculin est plus long que le
nouveau-né féminin. Même différence à l'égard du poids:
l'homme moyen pèse 47 kilogr., d'après' Quételet — ce
chiffre est un peu faible — et la femme 42 kilogr. 1/2 ;
le nouveau-né masculin l'emporte d'environ 350 gr. sur le
nouveau-né féminin. Ce dernier fait est général, mais la
différence dans le poids des deux sexes, à la naissance, peut
être plus grande comme elle peut être aussi moins considé-
FEMME
— 144 —
rable. Le squelette de la femme est, au poids total du corps
1 1 8,5 : 100, au lieu que chez l'homme le rapport est 10,5 :
100. Elle a donc le squelette plus léger. Chez elle encore, les
empreintes osseuses et les saillies où viennent s'attacher les
muscles sont moins développées ; les tubérosités du radius
— pour le biceps — et du tibia — pour le triceps fémoral —
n'ont pas à beaucoup près le volume qu'elles offrent chez
l'homme. L'humérus (os du bras) offre une torsion
moindre que chez l'homme ; à l'extrémité inférieure du
même os on rencontre plus souvent que dans le squelette
masculin la perforation olécranienne qui est un caractère
d'infériorité, un caractère fréquent chez le gorille et
l'orang-outang, et plus fréquent chez les races inférieures
que chez les races supérieures. Un autre caractère d'infé-
riorité se trouve encore dans la clavicule, qui est plus
longue chez la femme que chez l'homme, et qui est habi-
tuellement plus longue chez les races inférieures que chez
les races supérieures. Le fémur est plus oblique chez la
femme — en raison de la forme du bassin — et c'est là
une conformation désavantageuse au point de vue de la
locomotion ; le radius, de même que chez les races infé-
rieures, est plus long chez la femme. Notons enfin que le
bassin de la femme est moins ample; sa capacité est
moindre ; s'il est plus large, il est moins haut que chez
l'homme : mais ceci ne peut être considéré comme un
caractère d'infériorité. Les différences qui viennent d'être
signalées pour quelques-uns des os se retrouvent dans la
plupart des éléments du squelette : elles vont même plus
loin et on les retrouve dans la constitution intime, dans la
constitution chimique des os homologues considérés tour à
tour chez l'homme et la femme. D'ailleurs, pareils faits
s'observent tout aussi nettement chez les animaux. Prenez
deux squelettes, masculin et féminin, du même âge et de
même race, et faites-en l'analyse chimique : il y a des
différences considérables, comme dans l'exemple que voici :
Femmes Hommes
Phosphate de chaux 62,15 58,32
Carbonate de chaux 4,52 9,98
Matières organiques 33,33 31,78
Matières inorganiques 66,67 68,30
Chez la femme donc, il y a une différence quantitative
qui n'est pas à son avantage, car le carbonate de chaux
est plus utile que le phosphate, et son squelette en ren-
ferme moins que celui de l'homme.
Son système musculaire est moins développé, comme
chacun sait : il est moins volumineux, il est plus faible
que celui de l'homme d'un tiers; ses mouvements enfin sont
moins rapides et moins précis. Par contre, le système adi-
peux est plus développé, et c'est ce qui donne à ses formes
leur rondeur et leur grâce : à l'autopsie de la femme en
apparence la plus maigre, on est souvent surpris de voir
combien il persistait encore de tissu adipeux, et les sujets
féminins « gras » épouvantent par l'épaisseur de l'enve-
loppe de graisse jaune qui se dépose entre la peau et les
muscles. Le pied de la femme est plus plat, moins cambré
que celui de l'homme, et c'est encore ici un caractère
d'infériorité : les races les moins élevées ont le pied plus
plat que les races supérieures. Si de l'extérieur nous
passons à l'intérieur, mêmes différences. Les reins, le
thymus , la glande thyroïde sont plus,, développés
et plus lourds chez la femme que chez l'homme ; mais
l'urine est moins riche en urée (19,1 °/0o au lieu de
28,8 chez l'homme); ce dernier caractère toutefois est inhé-
rent non au rein, mais à la différence dans les processus
de nutrition et de dénutrition. Le cœur est plus petit,
plus léger (240 gr. au lieu de 300 gr. en moyenne) et ceci
suffirait à prouver, s'il en était besoin, que le volume de
cet organe n'a rien à faire avec les capacités affectives ; le
pouls est plus fréquent (de 10, 12, 44 pulsations par
minute, comparé à celui de l'homme), comme cela a lieu
d'ailleurs chez la femelle des animaux supérieurs : lion, 60 ,
lionne, 68 ; taureau, 46, génisse, 66 ; bélier, 63, bre-
bis, 80 ;^ etc. ; la tension artérielle est plus faible. Le
sang lui-même diffère sensiblement, non seulement en
quantité, ce qui est tout naturel en raison de la différence
de dimensions, mais en qualité. Le sérum contient moins
de sels (0,81 °/0 au lieu de 0,88) et Quételet a vu que la
proportion des sels du sang diffère de la façon,que voici
aux âges différents :
Hommes Femmes
1 an 14,2 13,3
10 ans 37,1 34,4
30 ans 98,9 78,4
Le fer est probablement plus abondant dans le sang
masculin, car, chez les animaux domestiques, Boussingauit
a relevé des différences notables (bœuf 0,48 °/0, vache
0,35 °/o)- H doit en être de même pour le sel marin : le
coq est plus salé que la poule. Le sang de la femme con-
tient moins d'hémoglobine, et la proportion des globules
rouges est moindre aussi (300 pour 700 de plasma, au
lieu de 350 ou 400 pour 600 de plasma; 3,500,000 glo-
bules rouges par millimètre cube, au lieu de 4,500,000).
Par contre, les globules blancs sont plus abondants chez
elle (1 pour 250 globules rouges au lieu de 1 pour 300),
mais c'est là un signe d'infériorité physiologique.
Les différences sont également sensibles en ce qui con-
cerne l'appareil respiratoire : la capacité thoracique est
moindre ; la capacité pulmonaire est d'un demi-litre infé-
rieure à celle de l'homme (3 lit. au lieu de 3m5 en
moyenne), la respiration est un peu plus fréquente, mais
l'absorption d'oxygène et le dégagement d'acide carbonique
sont moindres : l'homme brûle llsr2 de carbone par
heure et la femme 6sr4. Aussi la température de la
femme est-elle moindre que celle de l'homme ; elle produit
moins de chaleur, et pourtant elle en perd moins que
l'homme, en raison de son enveloppe de graisse. Du côté
de l'appareil digestif, il n'y a guère à signaler que la fré-
quence plus grande de la faim — bien que la femme mange
moins que l'homme, — la préférence pour les légumes, les
sucreries, la gourmandise : mais ce sont là des caractères
insignifiants à côté de ceux que la tête et le cerveau nous
offrent à considérer. La tête de la femme est, à tous les
âges, plus petite que celle de l'homme, et le plus souvent
le crâne de la femme présente un ensemble de caractères
qui le font aisément distinguer de celui de l'homme. Cette
infériorité de volume est un caractère qui s'accuse d'autant
mieux que l'on étudie le crâne de nations plus civilisées :
le crâne de l'homme s'accroît sensiblement, tandis que
celui de la femme reste petit : il ne s'accroît pas dans la
même proportion que celui du sexe masculin : il bénéficie
donc moins des avantages de la civilisation : la femme, à
cet égard, se perfectionne moins que l'homme (G. Le Bon)
et à peine a-t-elle le crâne plus volumineux que ses sœurs
préhistoriques. C'est là un fait important sur lequel nous
reviendrons. Naturellement le volume ou la capacité du
crâne est moindre chez la femme ; le rapport entre le vo-
lume des crânes féminin et masculin est celui de 85 à 100 ;
la différence est naturellement aussi d'autant plus grande
qu'il s'agit de races plus élevées. Notons encore, à propos
du crâne, la persistance plus fréquente chez la femme de
l'os intermaxillaire (caractère d'infériorité) et le progna-
thisme plus grand du maxillaire inférieur.
Du côté du cerveau, il y a des différences également
marquées : le poids est de 1,100-1,300 gr., au lieu de
l,200-d,400 gr. chez l'homme ; il est de l/40e du poids
du corps chez l'homme et de l/44e chez la femme. La dif-
férence varie selon les âges, devenant plus grande à l'âge
où le cerveau doit être le plus développé : *étant de 7 %
de 21 à 30 ans, et de 11 °/0 de 31 à 40 ans, en faveur
de l'homme, même en tenant compte de la différence du
poids du corps entier. En outre, le cerveau féminin est
moins plissé, les circonvolutions sont moins belles, moins
amples, et se détachent avec moins de relief; c'est là un
caractère d'infériorité très positif. Il y a plus de symétrie
que chez le cerveau humain, plus d'égalité de poids, plus
145 -
FEMME
de similitude dans les plis et sillons. La densité de la
substance grise est différente : tandis que chez l'homme et
la femme la densité de la substance blanche, purement
conductrice, ne varie point, celle de la substance grise,
qui est la partie active, la partie formée de cellules, la
partie véritablement intelligente, active et émotive, diffère
chez les deux sexes ; elle est moindre chez les femmes
(1,034 au lieu de 1,036 ou 1,037, d'après Crichton-
Browne) et cette différence s'observe dans la substance
grise de toutes les parties du cerveau. On remarquera
encore que les différentes parties du cerveau n'ont pas chez
la femme le même développement que chez l'homme. Chez
ce dernier, les lobes frontaux — ceux où l'on est d'accord
pour placer l'organe des opérations intellectuelles et des
fonctions psychiques supérieures, sont prépondérants : ils
sont d'autant plus beaux et volumineux qu'il s'agit de
races plus civilisées. Chez les femmes, ce sont les lobes
occipitaux qui sont les plus développés et ont plus d'im-
portance, et ce sont ceux où la physiologie localise les
centres émotifs et sensitifs. Ceci est d'ailleurs bien d'accord
avec les caractères psychologiques des deux sexes, le sexe
masculin ayant plus d'intelligence ou de puissance intellec-
tuelle, tandis que la femme est douée d'une plus grande
sensibilité. Enfin, nous remarquons que l'irrigation san-
guine du cerveau de la femme est moins satisfaisante que
chez l'homme. Crichton-Browne et S. Martin ont noté que
le calibre de la carotide est plus petit chez la femme, et il
en est de même pour les vaisseaux qui apportent le sang
à la région antérieure du cerveau, au lieu que les vais-
seaux qui arrosent la partie postérieure, occipitale, du cer-
veau, ont chez l'homme un calibre moindre que chez la
femme. Chez celle-ci donc, il y a développement plus con-
sidérable de la région sensitive du cerveau, et irrigation
sanguine meilleure ; chez l'homme, les régions motrice et
intellectuelle sont plus développées et mieux pourvues de
sang.
Enfin, si nous considérons les organes des sens, nous
constatons quelques différences évidentes. L'odorat de la
lemme est inférieur à celui de l'homme, d'après des expé-
riences récentes (Nichols et Bailey). La femme ne sent
l'essence de citron, par exemple, qu'à dose double de celle
où l'homme en signale la présence ; la femme ne sent pas
l'acide prussique au 1 /20000e, tandis que l'homme le sent
encore au l/100000e. Du reste, la femme témoigne chaque
jour de son infirmité au point de vue de l'olfaction;
elle se parfume avec excès, au goût de la plupart des
hommes, et cela vient probablement, non seulement de
l'habitude, mais de ce que la même quantité de par-
fum produit sur elle moins d'effet qu'elle en produit sur
l'homme. Une différence analogue semble exister pour
les autres sens : la femme a le goût moins fin que
l'homme; elle apprécie moins bien les différences de
saveur des mets et des vins ; les dégustateurs de profession
sont toujours des hommes ; de même pour les trieurs de
laine, les accordeurs de piano, etc. Toutefois des recherches
systématiques satisfaisantes sur ce point font encore défaut.
Enfin, au point de vue de la sensibilité à la douleur, la
femme semble jouir d'une véritable supériorité, en ce qu'elle
ressent moins la douleur que l'homme ; supériorité, si l'on
veut, car elle témoigne d'une insensibilité relative. Beau-
coup de chirurgiens affirment que la femme supporte mieux
la douleur, et qu'en cas d'opération nouvelle à essayer, il
Yaut mieux opérer sur le sexe féminin, moins sensible et
par cela même plus résistant. Toutefois, il est à noter qu'en
certains cas la femme paraît plus sensible que l'homme. Les
manifestations extérieures de la douleur sont plus vives. Mais
y a-t-il là véritablement douleur plus grande? Ne faut-il pas
plutôt admettre qu'il y a incitabilitè plus grande à Yirri-
tabilité et non de la sensibilité ? ce qui est tout différent.
Ce point de vue, récemment développé par Sergi et Lom-
broso, semble juste : en tous cas, il faut convenir que
la discussion est bien difficile et demeurera telle tant
qu'on ne pourra appliquer à la douleur une mesure
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
précise. Quoi qu'il en soit, je souscrirai volontiers à ces
lignes de Lombroso : « Cette insensibilité relative de la
femme est bien heureuse pour l'humanité, car c'est grâce
à elle que les femmes retombent si facilement dans la gros-
sesse malgré les douleurs de l'enfantement et malgré le
peu de part qu'elles prennent aux plaisirs de l'amour.
L'homme, avec sa sensibilité, n'en ferait pas autant. »
Caractères physiologiques. — Les caractères dont il
s'agit ici, en dehors de ceux qui viennent d'être signalés à
propos des organes anatomiques, sont les caractères sexuels
essentiels : la menstruation, la lactation et la grossesse.
Des deux derniers je ne dirai rien ici, la question étant
traitée spécialement aux mots correspondants : quelques
mots sont toutefois nécessaires à l'égard de la première
de ces fonctions, bien qu'elle soit également l'objet d'un
article spécial. La menstruation est, à n'en pas douter, le
rut de la femme, comme le rut est la menstruation — ou
plutôt l'ensemble des phénomènes accompagnant la mens-
truation— des animaux. Il est plus fréquent chez elle que
chez les femelles des animaux supérieurs, qui d'habitude
n'entrent en rut que une, deux, quatre ou cinq fois par
an : il a lieu une fois par mois à partir de l'âge de douze,
quatorze ou quinze ans, quelquefois plus tôt, à six ans, à
trois ans — cela dépend des races et des climats — jusqu'à
l'époque critique ou ménopause, époque de cessation de la
menstruation, qui survient vers quarante-cinq ou cinquante
ans. La menstruation est une hémorragie utérine qui
accompagne la production des œufs et leur chute hors de
l'ovaire, et c'est un phénomène sexuel important, en ce
sens que, pendant et surtout immédiatement après cette
hémorragie, il y a tendance plus vive à l'activité sexuelle.
Chez l'homme, cette tendance ne subit guère de modifica-
tion selon les époques d'un même mois, par exemple, mais
chez la femme elle est certainement plus prononcée tout
de suite après la cessation de l'écoulement menstruel. Cette
hémorragie ne s'effectue point sans retentir à des degrés
variables d'ailleurs sur l'organisme entier de la femme.
Même dans les cas où le retentissement est réduit au mi-
nimum, chez la femme bien portante, bien équilibrée de
corps et d'esprit, vivant dans un milieu physiquement et
moralement sain, dépourvue des excitations factices des
grandes agglomérations humaines qui sont la source de
tant de maux — on ne le dira jamais assez, — l'organisme
féminin est, durant un temps assez long, dans un état de
souffrance et de faiblesse. Avant que ne s'établisse l'hé-
morragie, il y a de la pesanteur et de la chaleur de la
région pelvienne et de l'abdomen, dues à la congestion qui
s'y fait, le cœur bat plus fort, la respiration est plus rapide,
et il y a de la lassitude générale qui nécessite souvent un
repos absolu, en même temps qu'une excitabilité nerveuse
et mentale parfois inquiétante. L'hémorragie s'établit et
il survient une détente relative ; la femme perd de 100 à
200 gr. de sang (c.-à-d. plus d'un litre, et parfois deux
litres et demi, ou plus encore, par an), et durant cette
période qui dure de trois à cinq jours en moyenne, elle
demeure affaiblie de corps, plus excitable, moins équilibrée,
et ne se reprend peu à peu que quelques jours après la fin
de l'écoulement sanguin. Si beaucoup de femmes ne sont
réellement dans un état anormal que pendant huit ou dix
jours par mois, il en est un grand nombre pour qui cet état
dure quinze jours et plus, et, pour celles-là, on peut même
dire qu'il a une durée plus longue : elles sont en quelque
sorte dans une condition de faiblesse irritable constante,
qui leur fait envisager la vie sous les couleurs les plus
sombres et leur enlève toute force, tout courage. Des soins
intelligents et énergiques sont nécessaires, car sans eux
l'existence entière de la femme peut être littéralement gâ-
chée. Durant la période menstruelle, donc, la femme, sur-
tout dans les villes , est une malade, une blessée, et son
mal retentit nécessairement sur son être tout entier, et la
place, de la sorte, pour un temps, dans une condition d'in-
fériorité physique et mentale incontestable par rapport à
elle-même et par rapport à l'homme dont la vie sexuelle
10
FEMME
446
ne connaît point de modifications sensibles autres que celles
qu'apporte l'âge. Mais il faut bien se dire aussi que c'est
sa sexualité qui fait la femme, et que c'est à son organisa-
tion sexuelle qu'il faut rapporter la plus grande partie de
ses caractères moraux et mêmes physiques. Avant la pu-
berté et après la ménopause, elle diffère moins de l'homme,
et les opérations qui portent atteinte à sa sexualité, à sa
fonction sexuelle pour mieux dire, atténuent également la
différence. L'ovariotomie double, complète, conduit géné-
ralement (car il y a des exceptions, peut-être dues à ce
que l'opération n'a pas été complète) à la ménopause, et à
l'effacement de certains caractères sexuels secondaires,
bien que l'appétit sexuel ne soit point invariablement
détruit. La castration de la femme fait disparaître en par-
tie les allures féminines qui sont remplacées par un
habitus rappelant celui de l'homme ; des poils apparaissent
à la lèvre supérieure, au menton, parfois à la poitrine ;
les seins perdent leur volume et s'atrophient, la voix
devient plus grave, le corps devient plus vigoureux, plus
musculaire, moins gras; la peau perd sa finesse, et la
femme, dans les cas extrêmes, devient l'être difficile à clas-
ser qui se nomme communément une virago. Dans les pays
où la castration de la femme se pratique en dehors des cas
de maladies — castration des femmes qui gardent le sérail, —
on observe la même modification des caractères sexuels
secondaires, surtout si l'opération a été faite avant la
puberté. Cette corrélation du caractère féminin avec la
fonction sexuelle ou du moins l'aptitude totale à l'exercice
complet de cette fonction, est encore démontrée par les
modifications qu'apporte la puberté auxquelles il a été fait
allusion. C'est à l'apparition de la fonction menstruelle que
l'être féminin commence à devenir réellement femme :
jusque-là, les caractères féminins sont peu marqués. On le
voit bien non seulement par les phénomènes dont nous
sommes les témoins quotidiens, dans l'établissement nor-
mal de la puberté, mais encore et surtout par les cas où
cette dernière s'établit à une époque plus précoce qu'il
n'est habituel. Ces cas ne sont pas rares, et on a vu des
enfants de six ans, quatre ans, et moins encore, acquérir
la sexualité et les caractères extérieurs qui l'accompagnent.
Le Dictionnaire des sciences médicales, du début de ce
siècle, en renferme un qui est très net. Il s'agit d'une petite
fille de trois mois, dont on voyait grossir les seins d'une
façon anormale . « Cette inquiétude devint plus grande lors-
qu'on vit les parties génitales se couvrir de poils noirs,
crépus, épais, et les aisselles offrir la même particularité.
Bientôt les règles coulèrent comme chez une femme bien
formée, et elles ont reparu avec régularité jusqu'à présent,
à l'âge de vingt-sept mois. Le Dr Comarmond l'a vue pour la
première fois à l'âge de vingt-sept mois ; il fut étonné de l'ex-
pression du visage, dont les traits étaient prononcés et n'a-
vaient rien d'enfantin, et surtout de la vivacité des yeux qui
semblaient exprimer des désirs. La gorge a continué à
prendre du développement ; elle est ferme et bien placée ;
en un mot, cette petite fille présente, à son âge actuel de
vingt-sept mois, tous les signes physiques de la puberté
qui ont commencé à se manifester après la naissance. »
Les cas de puberté normale, de puberté précoce, et de
castration, enfin, sont donc concordants, et contribuent à
démontrer, comme l'a dit Virchow, que « la femme n'est
femme que par les ovaires ; toutes les propriétés spécifiques
de son corps ou de son esprit, de sa nutrition ou de sa
sensibilité nerveuse, la délicatesse ou la rondeur de ses
membres, etc., tout cela et les autres qualités caractéris-
tiques de la femme sont sous la dépendance de son
ovaire ». Il y aurait erreur manifeste à dire que toute la
femme est dans son ovaire : l'ovariotomie n'enlève point
absolument tous les caractères sexuels secondaires de la
femme ; mais, plus la sexualité de celle-ci est réduite, et
moins elle est féminine; moins elle est sexuée, moins elle
est fonctionnellement sexuelle, et plus elle se rapproche de
l'homme ; et ce qui est vrai de la femme l'est autant des
femelles des animaux.
On remarquera que les caractères sexuels secondaires
de la femme, forme, rondeur des membres, absence de
barbe, etc., etc., sont certainement moins prononcés que
les mêmes caractères chez beaucoup d'animaux. Chez ceux-
ci, en effet, il existe parfois des différences énormes de
forme et de volume entre les deux sexes ; il existe encore
des différences dans la parure chez les oiseaux et les in-
sectes en particulier, et à coup sûr les mâles et femelles de
ces animaux diffèrent infiniment plus comme anatomie
sexuelle secondaire et comme physiologie, que ne le font
l'homme et la femme. C'est là un point sur lequel il con-
vient de s'arrêter en terminant. Nous venons d'énumérer
les différences qui séparent les sexes humains, et sur ces
différences très réelles, sans doute, a été édifiée notre
conception de la société et des rapports réciproques de
l'homme et de la femme, et du rôle de chacun d'eux dans
les groupes sociaux, famille et organisme social. L'homme
civilisé a assigné à la femme une place particulière, un
rôle déterminé ; il le lui a assigné en vertu de son droit du
plus fort. A-t-ii agi logiquement et en conformité avec les
lois de la nature? L'origine animale de l'homme est trop
claire, ses relations avec l'animalité sont trop évidentes
pour qu'il nous soit interdit de chercher des exemples et
des enseignements dans 1 échelle zoologique. Si donc nous
interrogeons l'histoire naturelle, nous nous trouvons en
présence de deux cas bien distincts : le cas des espèces
vivant indépendantes, et celui des espèces sociales consti-
tuées en républiques ou en agglomérations, où chaque caté-
gorie d'individus a son rôle spécial, comme les fourmis et
les abeilles, par exemple. Ce dernier cas ne peut nous ser-
vir : en effet, l'organisation sociale y possède un caractère
tout particulier, la prépondérance d'un élément qui n'existe
pas dans l'espèce humaine, la prépondérance des ouvrières
ou individus non sexués qui sont, en réalité, la grande
majorité, qui sont la force et le nombre. Reste le cas des
espèces vivant indépendantes. Parfois, il est vrai, elles se
réunissent volontiers en troupeaux et obéissent ou semblent
obéir, dans certaines circonstances, à un chef; mais il n'y
a pas là de société véritable au sens où nous l'entendons.
Chez ces espèces, la femelle vit de ses propres ressources :
elle n'est point dépendante du mâle, elle ne lui est pas
soumise.
Au temps de la reproduction, sans doute, les deux
sexes se rejoignent, et, pour un temps, partagent le même
nid, le même terrier; pour un temps aussi, il se forme une
association dont le mâle s'institue le chef et le protecteur :
mais une fois les petits élevés et dispersés, ce dernier
renonce à son rôle ; il va de son côté et la femelle du sien,
ne comptant désormais que sur elle-même pour lutter
contre la faim et la mort ; chacun pour soi. Est-ce à dire
qu'il en devrait être de même dans l'espèce humaine, et
que le renard, l'éléphant ou le chien sont proposés en
exemple à l'homme ? Non, assurément : il n'y a déjà que
trop de renards, et nos sociétés n'ont pas besoin d'être
encouragées dans la voie de l'amour libre et de l'abandon
pur et simple de la femme séduite et devenue mère, c.-à-d.
doublement encombrante aux yeux des amateurs de plaisir
économique. Mais il est permis de se demander si l'homme
a fait réellement à la femme la place qu'elle mérite, si,
après l'avoir traitée en bête de somme et en bétail de
labour et de trait, et en chair à plaisir, et en créature
pleine d'agréments sans doute, mais d'ordre inférieur,
sans intelligence ni raison — quelque chose comme un
animal de prix, mais capricieux et malfaisant, selon la
conception de tel soi-disant moraliste contemporain —
il n'arrivera point un jour à lui laisser plus d'indépen-
dance. Il ne s'agit pas ici de savoir si la femme doit ou
non acquérir des droits politiques ou civils ; cela est de
peu d'importance au regard du problème moral qui se
pose; il s'agit seulement de savoir si l'homme n'a pas,
de par sa force, opprimé et dévoyé la femme, s'il n'en a
pas fait un être inférieur à ce qu'elle peut devenir, et s'il
ne Fa pas engagée dans une voie fausse, en même temps.
- 147 —
FEMME
Il est assez naturel qu'il l'ait opprimée ; elle est plus faible ;
mais avec les progrès de la civilisation, s'il a allégé quel-
que peu le joug qui pesait sur elle, il est permis de se
demander s'il ne Fa pas trop exclusivement considérée au
simple point de vue sexuel, et si elle ne méritait pas
mieux. Il n'a point cherché à la cultiver et à la perfec-
tionner au point de vue intellectuel; il n'a point voulu
l'émanciper de la tutelle où il la tenait ; il a voulu qu'elle
fût sa chose.
Après cela, est-il bien dans son droit quand il clame
l'infériorité de la femme ? Et qui donc l'a faite, cette infé-
riorité? Qui donc a fait la femme, si ce n'est l'homme ? Et
qu'on remarque à quel point est ancrée cette notion de
l'infériorité originelle et nécessaire de la femme ; qu'on
écoute les plaintes amères poussées par l'homme à qui la
femme fait concurrence dans les administrations, dans l'in-
dustrie, dans toutes les professions où elle se glisse peu à
peu : c'est une clameur qui va chaque jour grandissant. Il
semble que l'homme moyen et médiocre ne puisse pas
supporter l'idée de voir la femme son égale ; égale à lui par
la fonction, il se la voit supérieure, naturellement, de toute
la hauteur dont il se la figurait inférieure, et le coup lui
est dur. Ces récriminations, toutefois, ne peuvent inspirer
qu'un sentiment de répugnance à quiconque, interrogeant
l'histoire naturelle, se persuade aisément que la femme
n'est point nécessairement inférieure à l'homme. Ses
forces physiques sont moindres, sans doute ; ses forces
intellectuelles aussi. On ne peut guère changer les pre-
mières, mais on peut beaucoup pour les dernières, et, à la
vérité, nous ne voyons pas pourquoi la femme n'occuperait
pas un jour, à l'égard de l'homme, la situation libre et
indépendante qu'occupe la femelle à l'égard de la plupart
des animaux supérieurs. A coup sûr, il y a un grand obs-
tacle : c'est l'exacerbation de la sexualité qui caractérise
les singes supérieurs et l'homme, c'est l'intensité, c'est la
durée, c'est la fréquence de la passion sexuelle qui mettent
l'homme et la femme en un contact beaucoup plus intime
et constant que cela n'a lieu chez la plupart des animaux.
Cet obstacle, toutefois, ne saurait empêcher certains pro-
grès ; il ne saurait empêcher la femme de se conquérir une
place plus indépendante, plus honorable et plus digne
d'elle. Ses imperfections relatives et dont l'homme est en
grande partie responsable, ne doivent point empêcher de
distinguer les admirables qualités dont elle fait preuve,
chaque heure, malgré la condition qui lui a été faite.
L'homme s'est notablement perfectionné : il n'y a pas de
raison pour que la femme n'en fasse pas autant, ou à peu
près autant, malgré certaines infériorités anatomiques et
physiologiques. Mais l'homme le permettra-t-il et la femme
saura-t-elle le vouloir ? Henry de Varigny.
II. Psychologie.-— La vie mentale des femmes est régie
par les lois générales de la psychologie, comme leur vie
organique par les lois de la physiologie : en ce sens, la psy-
chologie de la femme n'est pas une étude à part. C'est ce
qui explique qu'elle n'ait jamais été traitée d'une manière
complète et systématique : elle n'est pas même regardée
comme une branche distincte de la psychologie scienti-
fique. En revanche, les moralistes, les prédicateurs, les
théoriciens de l'éducation, le roman, le drame, la comédie,
ont de tout temps observé et dépeint d'une manière plus
ou moins profonde, mais avec une sorte de prédilection,
les traits de la nature féminime : traits bien distincts, en
somme, et, au moral, presque aussi nettement caractéris-
tiques du sexe que le sont, au physique, les formes et les
fonctions. Ce qui empêche ces observations, si souvent
justes et fines, de former une vraie science du caractère
féminin, ce n'est pas seulement le fait qu'elles sont éparses
et décousues, c'est qu'elles sont diverses jusqu'à en être
contradictoires, qu'elles sont restées purement empiriques,
et qu'enfin l'impartialité y fait presque toujours défaut,
l'amour ou la satire ayant le plus souvent inspiré les obser-
vateurs. Si bien que, lorsqu'on a voulu recueillir et coor-
donner ces innombrables témoignages, le double caractère
qu'ils offraient a dicté jusqu'aux titres de ces recueils : le
Bien qu'on a dit des femmes; le Mal qu'on a dit des
femmes (Emile Deschanel). Pourtant, il y a bien autre
chose que de l'ironie ou de la galanterie, que des malices
ou des fadaises dans ce qu'un La Bruyère, par exemple,
ou un Fénelon a écrit sur les femmes, dans les admi-
rables pages de Mme Necker de Saussure sur le même
sujet. A grouper méthodiquement tant de remarques péné-
trantes, après les avoir passées au crible de la critique et
en les reliant, d'une part aux données de la physiologie, de
l'autre à celles de la psychologie générale, on constituerait
une psychologie de la femme d'une valeur théorique indé-
niable et d'une haute utilité pratique. Ce ne serait pas une
science à part : on les multiplie un peu trop facilement, de
nos jours; mais ce serait un chapitre de psychologie com-
parée qui jetterait une vive lumière sur la nature humaine.
Car s'il est vrai qu'en dépit des particularités infinies, il y
a quelque chose de général dans les caractères psycholo-
giques qui distinguent le sexe féminin, et si surtout ces
caractères distinctifs sont liés et subordonnés entre eux ou
à d'autres selon des lois, ce sont là les éléments essen-
tiels d'une recherche et d'une interprétation scientifiques :
connaître la femme de la sorte, ce serait connaître l'homme
pour moitié. Quant à l'utilité de cette étude, elle serait
grande pour résoudre les questions relatives à l'éducation
des filles et à la condition des femmes dans nos sociétés
modernes. Il est évident, en effet, que la façon dont il faut
élever la femme et la place qu'il convient de lui faire dé-
pendent de l'opinion qu'on a de sa nature.
Mais cette nature, à son tour, n'est pas un fait sans
cause, une donnée absolue sans lien avec le passé histo-
rique. Ce qu'est la femme psychologiquement, elle l'est
devenue par suite de 3eux causes fondamentales : sa cons-
titution et ses fonctions physiologiques, facteur constant,
sensiblement le même partout ; sa condition sociale, fac-
teur variable. Les traits psychiques qu'on s'accorde à peu
près, à lui reconnaître sont fixes dans la mesure où ils
tiennent directement à la sexualité même ; ils sont douteux
ou varient dans la mesure où ils n'en dérivent qu'indirec-
tement par l'intermédiaire des mœurs. Par exemple, la
fonction essentielle de la femme, c'est la maternité. On
peut regarder à priori comme essentiellement féminins, et
l'on vérifie comme tels, en effet, dans l'immense majorité
des cas, tous les caractères psychiques impliqués dans la
fonction maternelle. La sensibilité est le premier, du moins
cette sensibilité spéciale, faite de tendresse, de soins, de
protection pour la faiblesse de l'enfant. Ce mode d'al-
truisme, le plus fort qui soit et le plus pur, est si naturel
à la femme que celle qui n'en offre pas trace, même en
dehors de la maternité effective, apparaît comme une sorte
de monstre : on dit d'elle que ce n'est pas une femme. Au
contraire, on en a fait la remarque bien souvent, dans
l'affection de toute femme, dès qu'elle aime profondément,
on retrouve quelque chose de l'instinct maternel. Le dévoue-
ment, le besoin de sacrifice, je ne sais quoi de délicat dans
la pitié et d'ingénieux dans la bienfaisance, un courage
parfois à toute épreuve, tout ce qu'il y a de meilleur dans
le caractère féminin, et qui le rend sublime à l'occasion
semble venir de là et porter cette marque.
D'autre part, en raison de sa fonction même, de l'infé-
riorité physique qui en résulte pour elle, et du rapport de
subordination dans lequel elle la met vis-à-vis de l'homme,
la femme s'est trouvée dès l'origine et partout plus ou
moins, dans une situation sociale qui a profondément agi
sur sa nature. Instrument de travail ou de plaisir, rudoyée
ou adulée, il n'y a guère eu de milieu pour elle entre une
dure servitude et une royauté de convention lui attirant
plus de frivoles hommages que de respect. Le respect, c'est
ce qui lui a le plus manqué, et des droits équivalents, je
ne dis pas identiques, à ceux de l'homme. Ne s'appartenant
pas, n'ayant d'avantages en ce monde et n'existant, pour
ainsi dire, que par la volonté d'un maître, plaire ou tromper
devenaient des nécessités pour elle. Nécessités presque
FEMME
448 —
également démoralisantes, quand il faut plaire non à la
raison mais à la passion d'un juge peu délicat lui-même sur
les moyens. De là sans doute ce que la satire attribue si
largement aux femmes, sans qu'on ose dire pourtant que
ce soit à tort, d'habileté à dissimuler, d'ardeur à rivaliser
entre elles, d'esprit de ruse et d'intrigue, de coquetterie,
de besoin de plaire, de partialité pour qui leur plaît, de
cruauté pour qui leur porte ombrage. Sur tous ces points
sans doute, chacun sait comme La Fontaine, « bon nombre
d'hommes qui sont femmes » ; tandis que telle femme, in-
versement, est, dans toute la force du terme, un honnête
homme. Mais en moyenne, on peut, je crois, le dire sans
injustice, il est plus méritoire aux femmes et plus difficile,
vu leurs conditions de vie tant de fois séculaires, l'édu-
cation et les exemples qu'elles se donnent les unes aux
autres*, d'avoir cette générosité qui tient au mépris des
petits avantages et des petits moyens, cet esprit de large
équité et, comme on dirait aujourd'hui, cette objectivité de
jugement qui tient aux habitudes d'initiative [et d'indé-
pendance, ce sérieux sans étroitesse, cette ampleur sans
complication, ce goût actif des choses générales et do la
vérité abstraite, qui sont déjà si rares dans l'autre sexe.
L'éducation pourra changer bien des choses, surtout aidée
de la sélection sexuelle, le jour où les hommes voudraient
tout de bon chez les femmes les qualités dont il leur repro-
chent de manquer; car l'hérédité n'étant pas unilatérale
ne doit pas être ici un facteur prépondérant. Mais en atten-
dant on peut, semble-t-il, tenir pour générales les différences
psychiques que voici, au triple point de vue des sentiments,
de l'intelligence et de la volonté, parce qu'on les constate,
en fait, dans la grande majorité des cas, et que la physio-
logie ou l'histoire de la condition des femmes ou les deux
réunies en rendent compte.
Le sentiment, c'est le triomphe delà femme. Parla ma-
ternité et tout ce qui y confine, elle s'élève sans peine au
plus haut degré de l'amour et du dévouement. Dévouement
aux personnes plutôt qu'à un principe ou à une cause. Il y
a dans son amour plus de profondeur que de largeur,
comme il y a dans son égoïsme plus de vanité que d'or-
gueil, et dans son sentiment esthétique plus de goût que
de puissance créatrice. Sur l'honneur féminin, voir les fines
analyses de Schopenhauer (Sagesse), qui prétend que les
femmes, sentant d'instinct qu'il n'y a pour elles que le
mariage, se mettent à haut prix et forment une franc-
maçonnerie entre elles pour forcer les hommes à capituler.
— L'esprit de la femme, merveilleusement souple, est sur-
tout plastique et imitateur : elle s'assimile vite le concret
et les détails, mais, comme les enfants, répugne à l'abs-
trait, généralise au hasard, ne pense que par cas parti-
culiers. Quelques femmes pourtant ont excellé dans les
mathématiques pures, preuves qu'aucune étude ne leur est
nécessairement fermée. Ce qui leur manque, c'est surtout
le sens de la causalité naturelle, de la loi. Dans l'ordre
physique même, dans les choses morales surtout, où elles
poussent pourtant si loin l'esprit de finesse, l'exception
leur paraît toute simple, le miracle n'a rien qui les étonne.
Il y a là des indications dont il faut tenir compte dans la
manière de les instruire si l'on veut, par la culture, cor-
riger leurs défauts, non les pousser du côté où elles pen-
chent.—Quant à l'action, elles y apportent leurs qualités de
cœur et d'esprit, mais plus de vivacité que de suite, plus
de courage passif que d'initiative. L'indépendance calme et
mesurée n'est pas leur fait : où en auraient-elles fait l'ap-
prentissage ? Naturellement conservatrices, gardiennes des
traditions, esclaves de l'opinion et de la coutume, elles
n'en secouent le joug ni volontiers ni sans risques : les
meilleures avouent leur besoin d'être gouvernées, leur peu
de goût pour les responsabilités. Affaire d'éducation et
d'habitude. La question seulement est de savoir dans quelle
mesure il convient de modifier ces tendances. En tout cas,
il importe d'en tenir compte aussi longtemps qu'elles sub-
sistent. Rien ne serait plus hasardeux pour nos sociétés
libres que l'identification inconsidérée des prérogatives des
deux sexes, au mépris de leur dualisme évident et en
partie sans doute irréductible. H. Marion.
Iïï. Sociologie.— La situation des femmes dans les so-
ciétés humaines, leur rôle dans les groupements primitifs,
dans la famille, dans l'Etat, leurs fonctions et leur vie sociale
sont étudiées ailleurs (V. surtout les art. Esclavage, Etat,
Famille, Industrie). Les rapports entre les deux sexes
sont exposés dans l'art. Famille ; les causes qui leur
assignent des fonctions différentes le sont dans les para-
graphes précédents du présent article. Nous n'avons donc
ici qu'à résumer quelques considérations essentielles. Le
fait capital est l'infériorité physique de la femme encore
aggravée par la maternité ; presque impropre à la guerre,
vaincue d'avance si elle luttait, elle a dans les groupes pri-
mitifs le sort des faibles qui sont à la merci des forts. La
subordination des femmes dans les tribus sauvages fut pro-
bablement la première forme de Y esclavage (Y. ce mot).
La première division du travail se fit au désavantage de la
femme, précisément en raison de sa faiblesse ; asservie à
l'homme, elle se vit imposer presque tout le travail de pro-
duction. C'est encore ainsi que les choses se passent chez
les nègres africains et chez la plupart des sauvages des
pays tropicaux. La vie pastorale, au contraire, suppose que
l'homme travaille autant et plus que la femme ; il en est
de même en général dans les pays tempérés ou froids où la
nature est plus rude, où l'effort total des membres du groupe
humain est nécessaire pour assurer la subsistance, tandis
que dans les pays tropicaux où la nourriture est aisée à se
procurer, par exemple dans les plaines ou les plateaux fer-
tiles de l'Afrique, l'homme fait travailler la femme, même
à la terre. Il n'en est pas ainsi chez les peuples qui ont passé
par la phase pastorale ; les habitudes prises se conservent
dans la phase agricole ; l'homme travaille la terre et y uti-
lise les animaux domestiques.
Les rapports entre les sexes et la condition des femmes
avant la constitution de la famille sont indiqués dans l'art.
Famille ; on y verra également tout ce qui concerne la
femme mariée ou veuve, la dépendance de la fille et de la
femme vis-à-vis de leur clan ou de leur famille, de leur
père ou de leur mari. La situation de la femme, misérable
aux débuts de la vie sociale, ne s'améliore pas forcément
avec le progrès ; un état social supérieur peut comporter
son plus grand assujettissement qu'un état inférieur ; c'est
le cas pour Je régime patriarcal comparé au régime polyan-
drique ou à certaines formes du matriarcat. D'autre part, la
prépondérance accordée à la filiation féminine n'implique pas
toujours une plus haute conception du rôle des femmes et
des droits plus étendus pour elles (V. Famille, § Filiation
maternelle, t. XVI, p. 1149). D'une manière générale l'amé-
lioration progressive de la condition des femmes ne résulte
pas d'une évolution spontanée du groupe familial, mais
d'influences latérales, en quelque sorte, celles du régime de
la propriété et de l'organisation sociale. L'esclavage amé-
liora beaucoup leur sort, en particulier l'esclavage domes-
tique. Chez les sauvages, avons-nous dit, les charges sont
en proportion inverse de la force : l'homme fait travailler
sa femme ; en revanche, dans les sociétés fondées sur
l' esclavage, les charges sont en proportion directe de la force
(parmi les esclaves) ; par le maître, les femmes sont plus
ménagées que les hommes ; la division du travail est plus
rationnelle et à leur avantage. Quand la hiérarchie des
classes s'est établie (V. Etat), les femmes bénéficient du
prestige et des droits de la classe sociale à laquelle elles
appartiennent. L'institution de la propriété individuelle leur
profite également, et ce qu'on leur refuse comme personnes
elles l'obtiennent comme propriétaires. De nos jours encore
et dans les sociétés européennes les plus avancées, nous le
constaterons, de même que chez les Touaregs, les anciens
Egyptiens ou dans la société féodale. D'autre part, si dans
les sociétés plus civilisées, où la famille est fortement orga-
nisée, la femme paraît plus assujettie, elle bénéficie de la
division du travail, échappant aux plus lourdes fatigues ;
spécialisée dans les travaux domestiques, elle devient plus
449
FEMME
délicate et d'autant plus faible relativement ; la différence
physique s'accentue avec le progrès, à tel point que voyant
la blanche si dissemblable du blanc, bien plus que la né-
gresse du nègre, l'Indienne de l'Indien, le Chinois de la Chi-
noise, certains anthropologistes se sont demandé si dans
notre race mâles et femelles ne seraient pas d'origine dif-
férente, les hommes ayant conquis les femmes d'une race
plus élégante, dont ils auraient exterminé les mâles. Cette
naïve hypothèse montre combien, dans les races les plus
civilisées, la femme quoique subordonnée a gagné au pro-
grès social ; on peut observer d'ailleurs que, dans les cam-
pagnes, l'analogie est bien plus grande entre l'homme et la
femme au point de vue de la manière de vivre, des occu-
pations, du costume, de la psychologie, de l'aspect physique.
Riehl (Die Famille, Stuttgart, 488y2) a bien indiqué la
manière dont les sexes se différencient de plus en plus dans
le processus de la civilisation. C'est dans la vie urbaine et
dans la classe capitaliste (noble ou bourgeoise) que la sépa-
ration est le plus tranchée. Mais ici la subordination de la
femme, qui persiste, n'est plus fondée et maintenue par la
force matérielle, mais par la tradition et les coutumes héré-
ditaires, par les mœurs et la législation que fortifient des
théories plus ou moins spécieuses. Elles sont examinées,
ainsi que la position et le rôle des femmes dans les sociétés
civilisées, au cours de cet article. À. -M. B.
ÏV. Egyptologie. — Le témoignage des auteurs an-
ciens s'accorde avec les monuments à nous prouver que la
femme était bien loin d'avoir dans l'Egypte antique la
situation inférieure qui lui a été dévolue dans l'Egypte
moderne par l'islamisme. Les représentations des tombes,
notamment, sont importantes à consulter sur ce point. On
sait que ce sont ces représentations qui nous ont conservé
l'image la plus fidèle de la vie privée dès les temps les plus
anciens dans la vallée du Nil. A l'inverse de ce qui a lieu
pour l'Assyrie, où l'on n'a relevé jusqu'à présent qu'une
seule image de femme sur un bas-relief d'Assourbanipal, il
n'est pour ainsi dire pas de tableau peint ou gravé' sur les
parois des hypogées qui ne nous mette en présence de femmes
de toutes les conditions. La femme n'y est pas représentée
comme prenant la même part qu'aujourd'hui aux travaux
agricoles ; elle paraît plus spécialement réservée pour les
travaux faits à l'intérieur, tels que le tissage, preuve que
l'homme ne la tenait pas encore comme une sorte de bête
de somme affectée par destination irrévocable aux plus
lourdes charges. Au contraire, elle est représentée comme
la compagne de ses plaisirs, prend sa place aux banquets,
où elle charme les convives par sa beauté toujours très
apprêtée, la grâce de sa parure qui consiste en énormes
bijoux et en fleurs, et enfin les chants qu'elle accompagne
elle-même sur la mandoline. Les tableaux relatifs à la vie
de famille nous la montre ainsi placée sur un pied de par-
faite égalité avec l'homme, toujours assise à ses côtés et
prenant sa part aux offrandes et à la vénération des en-
fants. Rien dans l'examen des légendes hiéroglyphiques ne
vient détruire cette impression. Nous y voyons, en effet,
que la filiation s'institue par la femme autant que par
l'homme. Si l'on a une mère d'un sang illustre, on a soin
de s'intituler toujours fils d'une telle et non d'un tel.
Dans les maisons royales, c'est la femme qui légitime: une
fille née de la principale épouse a le pas sur des frères nés
d'une concubine. Les grands prêtres d'Amon ne purent
supplanter définitivement les rois Ramessides qu'en légiti-
mant leur usurpation par des mariages avec les princesses
de l'ancienne maison régnante. Une autre preuve de l'im-
portance de la situation sociale de la femme est encore le
fait qu'elle n'est pas tenue en dehors de la religion. Des
sacerdoces lui étaient réservés, d'abord des déesses (dès la
IVe dynastie), puis aussi de certains dieux. Enfin, l'étude
des contrats démotiques apporte une dernière confirmation
en nous montrant que le mari n'avait aucun droit sur sa
femme et qu'au point de vue juridique il y avait complète
égalité entre les deux sexes. G. Bénédite.
V. Droit grec. — Ce qui caractérisait la condition
de la femme dans l'ancienne Grèce, c'était son état de
perpétuelle minorité. Il n'y avait pas un moment de son
existence où elle eût la pleine jouissance des droits civils
du citoyen; elle avait toujours au-dessus d'elle un maître,
ou, comme on disait, un xuptoç. Jeune fille, c'était de
son père qu'elle dépendait; mariée, c'était de son mari;
veuve, c'était de ses parents ou de son fils. Le ma-
riage n'avait pas pour objet de créer entre deux personnes
égales une communauté de sentiments et d'intérêts ; son
but à peu près exclusif était d'assurer la continuité de la
famille. La femme n'était guère qu'une machine à produire
des enfants ; on ne consultait pas ses goûts quand il s'agis-
sait de l'établir, et le divorce était beaucoup plus difficile
à obtenir pour elle que pour son mari. Il n'était pas rare
qu'un individu, de son vivant ou par testament, cédât sa
femme à un tiers, et dans ce cas elle était légalement
forcée d'obéir. Elle ne pouvait accomplir d'elle-même aucun
acte juridique ; pour acheter, pour vendre, pour donner,
il fallait qu'elle fût assistée de son y.6pio<; ; la loi ne l'au-
torisait à s'obliger pour son propre compte que jusqu'à la
concurrence de la valeur d'un demi-hectolitre d'orge. Les
moeurs, il est vrai, corrigeaient dans une certaine mesure
ce que la loi avait de trop rigoureux. Il est visible, par
exemple, que la participation du xtfptoç aux contrats où la
femme était partie devint de plus en plus une pure for-
malité et qu'elle n'entravait guère sa liberté. Si l'on en
juge par les peintures des poètes et par quelques anecdotes
éparses dans les historiens, on remarque que la femme avait
souvent dans la maison une autorité considérable. Des
personnages de comédie se plaignent volontiers de s'être
donné, en se mariant, non pas une femme, mais une maî-
tresse impérieuse. Thémistocle disait en plaisantant que son
fils, tout jeune encore, était le plus puissant de tous les
Grecs : « Les Athéniens commandent aux Grecs, moi je
commande aux Athéniens, sa mère me commande, et lui
commande à sa mère. » Dans son traité de Y Economique,
Xénophon nous décrit un mariage athénien, tel qu'il le
conçoit. Il veut que la femme soit souveraine dans son in-
térieur, qu'elle ait la direction des esclaves, qu'elle règle
à son gré les dépenses de la famille. Mais tous ses efforts
pour rehausser sa condition n'aboutissent, en somme, qu'à
la transformer en une bonne gouvernante. Sauf peut-être
à Sparte, il n'est pas douteux que les femmes en Grèce
eurent un rôle assez effacé. Ignorantes pour la plupart,
timides, confinées dans un logis d'où elles ne sortaient pas,
résignées à la sujétion qui pesait sur elles, souvent délais-
sées par leurs maris qui préféraient chercher leurs distrac-
tions dans la société des hommes ou des courtisanes, elles
menaient généralement une vie calme, monotone et obscure,
où les futilités avaient plus de place que les occupations sé-
rieuses, et qui n'était faite ni pour développer leur esprit ni
pour leur donner un peu de ressort moral. P. Guiraud.
VI. Droit romain. — La condition juridique faite à
la femme par le droit romain a varié avec les époques. Au
début, comme dans toutes les législations antiques qui
admettent l'organisation patriarcale de la famille, la femme
est tenue dans une perpétuelle sujétion. Non mariée, elle
est sous la puissance de son pater, et, lorsqu'elle en sort,
elle tombe pour tout le reste de sa vie sous la tutelle de
ses agnats. Mariée, elle est placée sous la manus du mari
ou du pater du mari. Cette condition toujours subordonnée,
legs des institutions antiques, a persisté longtemps avec
son caractère archaïque et ses conséquences rigoureuses.
Aussi a-t-elle frappé les historiens anciens eux-mêmes.
Dans le discours qu'il prête à Caton parlant contre l'abro-
gation de la loi Oppia, Tite Live, en termes énergiques et
précis, dépeint la dépendance incessante de la femme qui
ne fait que passer d'une puissance sous une autre, nun-
quam... exuitur servitus muliebris (liv. XXXIV, % 7).
Les mœurs rudes des premiers temps, l'impérieuse et éner-
gique tendance de l'esprit romain s'accommodait facilement
de cette infériorité légale. L'orgueil de la souveraineté
familiale non partagée trouvait sa justification dans une idée
FEMME
— 450 -
toujours toute-puissante sur l'esprit romain : le respect des
mores majorum. Plus tard, lorsque les mœurs anciennes
s'altèrent, la faiblesse de la femme, l'irrémédiable incapa-
cité dont on croit frappé son jugement, seront les motifs
qui serviront à expliquer la persistance et le maintien des
institutions d'autrefois. Dès avant les juristes classiques,
Cicéron et Tacite parlent de Yinfirmitas consilii, de
ïimbecilkim sexum natura invalidum.
Toutefois, les mœurs, plus fortes que les lois, tendaient
à donner à la femme une influence d'autant plus prépon-
dérante qu'elle était cachée, d'autant plus active qu'elle
s'exerçait dans l'intérieur de la famille, en dehors de l'action
des lois. Un temps vint où la décadence des institutions
anciennes se traduisit effectivement dans le domaine juri-
dique par la disparition rapide de la m$nus, par l'affai-
blissement graduel de la tutelle perpétuelle. Ainsi allait
s'accentuant dans le droit le mouvement d'émancipation qui
tendait à soustraire la femme aux divers pouvoirs qui pesaient
sur elle. Les politiques attachés aux anciennes traditions,
soucieux de maintenir intactes les mœurs qui avaient fait
la grandeur romaine, comprirent les dangers de pareils
changements. Les mœurs transformées étaient impuissantes
à maintenir les femmes sous le joug. Des lois nouvelles
furent jugées nécessaires pour les replacer sous l'antique
dépendance. A cette tentative de retour en arrière se rat-
tache avant tout la célèbre loi Yoconia et la jurisprudence
qui en étendit l'application.
Plus tard, les édits d'Auguste et de Claude qui défendent
aux femmes mariées tfintercedere pro viris suis, et le
sénatus-consulte Velléien qui généralise cette incapacité,
sont des dispositions légales également inspirées par cet
esprit de réaction. La période impériale et les progrès du
droit gui la signalent n'ont pas par conséquent amélioré la
condition faite à la femme. Malgré la désuétude où est tombée
la loi Voconia, la femme reste, aussi bien en droit privé
qu'en droit public, dans une condition inférieure, et Papinien
peut écrire sans exagération : in multis juris nostri arti-
culis deterior est conditio ferminarùm quant mascu-
lorum(9, Dig. De Stat. homin., 1, 5). Les principales dif-
férences sont les suivantes. La femme ne peut être investie
de la puissance paternelle ; sui juris elle est à elle seule,
le premier et le dernier membre de sa famille : familiœ
suœ et caput et finis. Elle ne peut être tutrice, si ce n'est
dans des cas exceptionnels. Il lui est interdit de postulare
pro aliis. Enfin l'incapacité dHnter céder e proclamée parle
Velléien persiste, un peu modifiée, il est vrai, jusque dans
le dernier état du droit. Cette incapacité est sans doute une
mesure de protection, et il en est de même delà règle sui-
vant laquelle l'erreur de droit est considérée comme plus
facilement excusable chez la femme que chez l'homme. Mais
ces minimes avantages sont encore une conséquence de
l'infériorité qui continue à peser sur elle. Gaston May.
VII. Ancien droit français. — Chez les Gaulois, la
polygamie n'avait pas entièrement disparu, surtout dans la
caste des nobles. La femme était sous la puissance du mari,
qui avait sur elle le droit de vie et de mort, et sa situation
était très inférieure. Il est croyable que le mari avait le pri-
vilège de la répudier. César nous apprend qu'à la mort d'un
chef on pouvait, soumettre les femmes au jugement des parents
du mari et leur faire subir la torture comme aux esclaves
s'il y avait des doutes sur les causes du décès. L'usage de
jeter la femme au bûcher avec le cadavre du mari paraît
avoir régné chez les anciens Celtes. Au point de vue pécu-
niaire, il n'est pas question dans César d'achat de la femme ;
c'est elle qui apporte une dot, fournie par sa famille, et le
mari y ajoute une valeur équivalente. On a cru à tort y
trouver l'origine de la communauté entre époux. Chez les
Francs, de même que chez les Germains du Nord, le ma-
riage a pu, à l'origine, se contracter par un achat de la
femme, mais cet achat n'a plus été, de très bonne heure,
que symbolique, et encore le mari achetait-il plus exacte-
ment le mundiurifi sur la femme. Le prix d'achat s'était
transformé en une libéralité faite à la femme sous le nom
de dot ; le mari y ajoutait souvent aussi une autre donation
facultative pour lui, le morgengab. La femme recevait gé-
néralement en outre de son père une autre dot, et cet apport
ne recevait pas le nom de dot, mais celui de faderfium.
La femme n'était donc pas la propriété de son mari ; elle
était elle-même propriétaire. Elle n'avait pas, sur la dot
apportée par son mari, un simple droit de survie, mais un
droit de propriété effective. Aussi était-elle considérée comme
l'associée de son mari ; il y avait entre eux une sorte de col-
laboration, de communauté. Au cas de prédécès du mari,
la veuve rentrait dans sa famille ; il n'en aurait pas été
ainsi si elle avait été achetée par le mari. La femme pou-
vait aussi acquérir par succession, avec cette seule excep-
tion qu'elle était écartée par les héritiers mâles de la
succession à la terre salique. La femme germaine était
incapable parce qu'elle était impuissante à porter les armes ;
aussi son incapacité avait-elle pour but de protéger et de
consacrer ses droits ; non mariée, qu'elle fût majeure ou
mineure, elle était en tutelle ; mariée, elle passait sous
le mundium de son mari. La femme avait une situation
meilleure dans la famille, chez les Germains et chez les
Francs, que chez les Gaulois. Le mari avait bien sur elle
les droits les plus rigoureux, mais il ne les exerçait que
dans les circonstances exceptionnelles. Le divorce existait
toujours au profit du mari, mais la femme pouvait aussi
laisser son mari dans des cas graves et déterminés. La
femme adultère était sévèrement châtiée. Chez les barbares
du Midi surtout, comme les Visigoths, les institutions se
mêlèrent de droit romain et plus tard de droit canonique.
C'est ainsi que la dot germanique dégénère chez les Visi-
goths en [une sorte de donatio pr opter nuptias. Cette
double influence se fit même sentir chez les Burgondes. Le
droit canonique s'était emparé de toutes les questions ayant
trait au mariage ; il s'attaqua au divorce et s'efforça de
le rendre plus rare. L'action de l'Eglise est visible dans
les capitulaires qui déclarent le mariage indissoluble, ainsi
que dans les additions faites par Charlemagne à la loi lom-
barde ; cette influence fut définitive au xne siècle et releva
la situation de la femme.
Mais, en même temps, la constitution de la féodalité
apportait de grandes modifications dans la situation de la
femme. Le régime féodal, où les droits de possession d'un
fief étaient fondés sur la possibilité de fournir le service
militaire, n'était pas propre à développer les prérogatives
et l'influence des femmes. Elles furent naturellement décla-
rées incapables de prendre part à la propriété féodale, et il
en fut ainsi tant que le fief ne fut qu'une simple jouissance
soumise à l'unique condition du service militaire. Lorsque
les fiefs devinrent héréditaires et patrimoniaux, le domaine
féodal fut accessible à la femme. Il y eut des dames de
fief, et les femmes purent même exercer le droit de juri-
diction attaché au fief. La loi civile, n'étant plus contrariée
par la coutume féodale, obligea le frère à indemniser ses
sœurs en les établissant. C'est ce qu'explique très bien le
Miroir de Saxe (I, 14). Nos coutumiers des xme et
xive siècles assurèrent même aux sœurs une légitime. Mais,
en même temps, l'esprit aristocratique avait introduit, avec
le droit d'aînesse, celui de masculinité, qui prévalut en
droit coutumier, comme l'attestent les Assises de Jérusalem,
les Etablissements de saint Louis et les autres textes de la
même époque. Par suite des mêmes considérations, les
filles, une fois mariées, furent censées avoir touché avec
la dot leur part de succession ; on avait même l'usage de
les faire renoncer par contrat de mariage à la succession
paternelle, n'eussent-elles reçu d'ailleurs en dot qu'un
chapel de roses. Mais le fief devenu à certains égards un
patrimoine, contrairement à sa destination originaire, n'en
conservait pas moins le caractère d'une concession faite à
charge de service militaire. Alors une difficulté se présen-
tait : qui devait remplir ce service, quand le fief était échu
à une femme non mariée ? Le droit féodal l'emporta à cet
égard. La femme était-elle mineure, le seigneur en avait,
comme d'ailleurs pour un enfant mâle, la tutelle féodale
— 451 -
FEMME
ou garde noble, moyennant la jouissance du fief et de ses
autres biens, qu'il exerçait lui-même ou qu'il cédait à un
chevalier chargé de remplir le service militaire. Etait-elle
majeure, le suzerain avait le droit de la marier et, de son
côté, elle ne pouvait se marier sans son consentement. D'après
les Assises de Jérusalem, le seigneur pouvait contraindre sa
vassale au mariage dès qu'elle avait atteint sa majorité,
c.-à-d. douze ans. Il en était ainsi de la fille et même de
la veuve, jusqu'à l'âge de soixante ans, à moins qu'elle
n'abandonnât le fief. Les rois usèrent souvent de ce droit
de mariage dans l'intérêt de leur puissance. Quelquefois le
contrat d'inféodation réglait le droit pour le seigneur d'in-
tervenir dans le mariage de ses vassales. Le fief n'étant
pas un véritable patrimoine, la femme ne pouvait avoir de
droit de communauté sur celui apporté par le mari. C'est
de la femme noble que l'on disait: Non proprie est soda,
sed speratur fore. Son seul droit possible pouvait être
le douaire, souvenir de l'ancienne dot germanique et du
morgengab (V. Douaire). Mais la femme pouvait avoir
droit à la dissolution du mariage, à prendre une partie des
meubles et acquêts, en générai la moitié. Il y avait là tout
au moins en germe la communauté. Le droit de renoncia-
tion aurait été primitivement introduit en faveur des
femmes nobles. Les anciennes coutumes n'enlevaient pas
à la femme remariée le douaire et les avantages nuptiaux,
mais l'édit des secondes noces, en 1560, limita les avan-
tages nuptiaux que la femme pouvait faire à son second mari.
La femme serve aurait du, semble-t-il, échapper aux
vexations qui résultaient pour la femme noble des carac-
tères du fief. Mais les mainmortables devant, comme on
disait alors, « de grands services de corps et de bras »,
qui excédaient les forces de la femme, celle-ci fut exclue
de toute succession aux biens de mainmorte. Le mundium
appartenait au maître du domaine sur toutes les personnes
libres ou non qui vivaient sous sa protection. D'où le droit
de formariage, empêchant les femmes serves de se marier
avec une personne d'autre condition ou en dehors du terri-
toire du seigneur. Les petites communautés rurales ont pu
être l'origine de la communauté entre époux serfs. Les
bourgeoises et les roturières avaient aussi le même genre
de communauté entre époux qui différait, à quelques égards,
de la communauté entre époux nobles. Il ne faut pas
oublier que, dans les pays de droit écrit, c'était toujours le
régime de la dot romaine qui était appliqué. La veuve
avait souvent un droit de survie appelé augment de dot
(V. ce mot). Dans ces mêmes pays, le mariage n'était pas
pour la femme une cause d'émancipation. Il ne pouvait en
être de même dans les pays de coutume ; le mari devenant
seigneur et maître de la communauté, la femme ne pouvait
rester dans sa famille.
Lorsque le service du fief se trouva uniquement réduit
à des prestations pécuniaires, il devint possible à la femme
de les fournir, et sa situation changea entièrement. Le
droit pour le seigneur de marier sa vassale n'avait plus de
raison d'être. La tutelle féodale disparut aussi graduelle-
ment, comme avait auparavant disparu la tutelle du droit
germanique. Déjà la femme avait conquis la capacité
civile, car la tutelle des femmes avait été abolie, et dans
presque toutes les chartes des xne et xui9 siècles, le mun-
dium, pour la fille comme pour la veuve, avait disparu.
Mais il en était autrement de la femme mariée. Celle-ci
resta en puissance et elle demeura frappée d'incapacité
féodale tout comme d'incapacité civile. L'incapacité féodale
entraînait cet effet que le mari recevait l'investiture et
portait le fief à la place de sa femme. L'incapacité civile
lui interdisait de faire aucun acte juridique sans le con-
sentement du mari. C'était la conséquence de l'autorité
maritale; mais les coutumes, qui généralement l'admet-
taient, en avaient pris le principe dans le mundium ger-
manique plutôt que dans la manus romaine. L'autorisation
maritale était nécessaire pour tous les actes judiciaires et
extrajudiciaires en général ; elle relevait la femme de son
incapacité et la rendait aussi capable que si elle n'avait pas
été mariée. Il est à remarquer que certaines des législa-
tions du moyen âge avaient accordé à la femme marchande
publique, même mariée, l'entière capacité civile ; il en
était ainsi dans les Etablissements de saint Louis (I, 153),
et même auparavant dans la coutume d'Anjou. Dans les
pays de droit écrit, la puissance maritale ne ressemblait en
rien an mundium; elle ne frappait pas tous les biens et ne
s'exerçait que sur la dot. De plus, le régime dotal entraîna
d'une façon presque inévitable l'application à la femme de
l'incapacité résultant du sénatus-consulte Velléien (V. ce
mot), incapacité qui survécut même à l'abolition de cette
législation. En droit coutumier, au contraire, l'application
de sénatus-consulte, bien qu'elle ait été faite, était en
opposition avec les principes de la communauté et dut être
forcément limitée. Les règles relatives à l'incapacité de la
femme mariée sont d'une façon générale restées à peu près
les mêmes aujourd'hui que dans nos anciens pays coutumiers.
Les ordonnances des rois de France avaient en général
tendu à mettre les femmes sur le même pied que les héri-
tiers mâles dans les successions ab intestat. Cependant, un
édit de 1567, l'édit de Saint-Maur, connu sous le nom
d'édit des mères, avait diminué le droit de la mère dans la
succession de ses enfants ; cet édit fut abrogé par Louis XV
en 1729. Le droit intermédiaire en abolissant les droits
féodaux, les privilèges des mâles et toutes les inégalités
qui résultaient des tenures diverses des terres, en appli-
quant dans le décret du 8 avr. 1791 et dans la loi du
17 nivôse an II le principe de l'égalité en matière succes-
sorale, a préparé la situation faite à la femme dans notre
droit actuel. Gustave Regelsperger.
VIII. Droit actuel. — La femme en dehors du
mariage. — Sous l'empire de notre législation moderne,
la femme, au point de vue du droit civil, est à peu près
assimilée à l'homme. En principe, l'égalité civile des deux
sexes a donc été consacrée, et, si la femme est soumise,
lorsqu'elle se marie, à une sorte d'incapacité temporaire,
il s'agit, suivant la juste remarque d'un des jurisconsultes
les plus distingués de notre époque, M. Paul Gide, d'une
sorte d'incapacité « qui n'est pas inhérente au sexe, qui
n'a point sa cause dans la nature physique ou morale de
la femme, mais dans la puissance maritale, c.-à-d. dans
un fait extérieur et accidentel ». Ce sont les lois françaises
modernes qui ont réalisé pour la femme cette précieuse
conquête. Dans la plupart des législations européennes,
la femme, même à l'heure actuelle, est souvent loin d'avoir
obtenu cette égalité civile avec l'homme, et, dans l'an-
cienne France, à la veille même de la Révolution, elle était,
notamment en ce qui concerne les droits héréditaires,
soumise à une sorte d'infériorité des plus marquées. La
suppression des droits d'aînesse et de masculinité, par
la loi des 8 et 15 avr. 4 791, assure aux filles des droits
égaux à ceux de leurs frères dans la famille. La loi du
1 7 nivôse an II et le code civil viennent à la fois complé-
ter et consolider cette situation nouvelle faite à la femme ;
l'égalité dans les droits héréditaires des deux sexes est éta-
blie. Les art. 791 et 1389 mettent fin à l'usage des renon-
ciations aux successions futures, tandis que l'art. 1050
frappe toute substitution qui ferait revivre entre les enfants
les distinctions d'âge ou de sexe de l'ancien droit, d'une
prohibition absolue (V. les lois sur les substitutions et
majorats des 17 mai 1826, 12 mai!835, 7-11 mai 1849).
Par suite, les droits de la femme étaient désormais sérieu-
sement garantis par les dispositions de la loi positive elle-
même. Avec sa part conquise et assurée dans la fortune de
sa famille, la femme a vu le droit d'en jouir et d'en dispo-
ser librement également assuré et reconnu par nos codes.
Désormais, la voilà munie de la même capacité civile que
l'homme ; elle peut faire le commerce, tenir une maison de
banque, comparaître devant la justice, soit comme partie,
soit comme témoin ; elle plaide sa cause elle-même. Enfin,
elle peut agir devant les tribunaux comme mandataire et
s'engager pour autrui. La voilà désormais affranchie de
; l'édit de postulando, des derniers vestiges du sénatus-
FEMME
— 452 —
consulte Velléien, des virilia officia dans le domaine
des relations civiles, en un mot de toutes les chaînes plus
ou moins lourdes inventées par le droit romain, et, de nos
jours encore, souvent respectées dans certains pays du
Midi. Lorsque la contrainte par corps existait encore dans
nos codes, la femme non commerçante en était affranchie.
C'est Là la seule disposition de l'ancien droit qui soit passée
dans les lois modernes. Le code civil et la loi de l'an YI
conformément à cette tradition coutumière avaient prohibé
la contrainte par corps contre le vieillard, le mineur et
la femme, sauf dans le cas de stellionat (loi du 13 ger-
minal an VI, tit. I, art. 5 ; C. civ., art. 2066). La femme
jouit encore de deux autres privilèges refusés à l'homme :
4° elle peut se marier à l'âge de quinze ans révolus ; 2° elle
n'a besoin pour le mariage du consentement de ses ascen-
dants que jusqu'à l'âge de vingt et un ans. Mais en revanche
elle est frappée d'une double in capacité à laquelle l'homme
n'est pas soumis : 4° la femme ne peut être témoin ni dans
un acte de l'état civil, ni dans un testament ; 2° elle ne
peut être tutrice ni membre d'un conseil de famille, sauf
lorsqu'elle est mère ou ascendante de l'enfant en tutelle.
La femme en puissance de mari. — Sa situation juri-
dique est absolument métamorphosée. La femme mariée est
frappée d'incapacité juridique; l'art» 4424 du C. civil l'a
fait figurer au nombre des incapables. Mais cette incapa-
cité n'est pas absolue en ce sens qu'elle entraîne une nullité
relative de contracter et non une nullité absolue. Une nullité
relative, suivant la remarque pleine de justesse de M. Lau-
rent, implique qu'elle n'est pas établie pour un motif d'inté-
rêt général ; dès lors, il convient de dire qu'elle est établie
pour sauvegarder les intérêts de ceux qui peuvent se pré-
valoir de ladite nullité. Tandis que dans l'ancien droit
l'incapacité de la femme n'était fondée que sur la puis-
sance du mari, dans le droit moderne, au contraire, elle
est plutôt fondée sur l'idée de protection qui est due à la
femme, et de protection qui est due dans l'intérêt de la
famille qui se confond lui-même avec celui de la femme.
Par principe, l'incapacité de la femme étant fondée sur le
mariage, il en résulte cette importante conséquence qu'elle
est d'ordre public, puisque le mariage est lui-même d'ordre
public. Dès lors (art. 4388), la femme ne peut reconquérir
par les conventions matrimoniales la capacité qu'elle perd
en se mariant. Ladite incapacité subsiste pendant toute la
durée du mariage.
Actes extra judiciaires. — On lit dans l'art. 247: «La
femme, même non commune ou séparée de biens, ne peut
donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre onéreux ou
gratuit. » L'incapacité de la femme mariée étant générale,
il est de principe qu'elle ne peut faire aucun acte juridique
sans autorisation du mari : c'est donc dire que cette énumé-
ration de l'art. 247 n'est pas restrictive. Cette incapacité
s'applique à toute espèce d'actes, sans qu'il y ait lieu de
distinguer s'ils sont à titre gratuit ou à titre onéreux.
Même pour accepter une donation, la femme a besoin de
l'autorisation du mari. Elle est incapable de s'obliger par
convention ; bref, elle est, en principe, incapable de faire
un acte juridique quelconque. Examinons dès lors les excep-
tions aux principes que nous venons de poser. La femme,
comme tous les incapables, peut faire, sans autorisation ni
assistance, les actes conservatoires. L'incapacité de lafewme
tient, il est vrai, à la puissance maritale ; mais la loi elle-
même y déroge. Nous lisons, en effet, dans l'art. 940 du
C. civ. que la femme peut procéder sans autorisation à la
. transcription des donations qui lui sont faites. Il en est ainsi
pour le testament. De même (art. 4096), elle peut révoquer
une donation faite entre époux pendant le mariage sans
aucune autorisation. De même encore l'art. 935 permet à
la mère d'accepter une donation faite à son enfant mineur.
« Par cela même, dit à juste titre M. Laurent, elle le peut
sans autorisation ; si la loi avait entendu exiger l'autori-
sation, il eût été inutile de dire que les père et mère peuvent
accepter pour le mineur. Il y a cependant ceci de singulier,
c'est qu'un incapable est appelé à couvrir l'incapacité d'un
autre incapable. » La femme sans aucun doute est aussi
tenue de ses délits et de ses quasi-délits. L'art. 4340 proclame
ce principe pour le mineur, à fortiori doit-il en être de
même pour la femme. En cas de gestion d'affaires, la femme
est obligée, comme toute autre" personne, par le fait du
gérant si c'est l'affaire personnelle de ladite femme qui est
gérée. Mais la femme ne peut sans autorisation gérer
l'affaire d'autrui puisqu'il s'agit d'un fait personnel de sa
part. Enfin elle est tenue de restituer le payement de l'indu
en tant qu'elle s'est enrichie. Mais la femme peut -elle
reconnaître un enfant naturel sans autorisation ? Il s'agit,
cela va sans dire, d'un enfant naturel qu'elle aurait eu avant
son mariage. La jurisprudence et la grande majorité des
interprètes se prononcent pour l'affirmative. Enfin elle peut
être mandataire sans autorisation (C. civ., art. 4990).
Actes judiciaires.— La femme ne peut plaider, ni comme
demanderesse ni comme défenderesse, sans être autorisée,
« quand même, dit l'art. 215, elle serait marchande pu-
blique ». La jurisprudence admet qu'il n'est pas nécessaire
que l'autorisation soit accordée avant le commencement de
l'instance, qu'il suffit qu'elle soit obtenue avant le juge-
ment définitif.
Exceptions. — 4° En matière civile. D'après la cour
de cassation, l'on ne peut, en cettematière, admettre d'autres
exceptions que celles qui sont formellement établies par la
loi (arrêt du 24 janv. 4845; Dalloz, 4845, 4, 97). Par
exemple, la femme qui demande la nullité de son mariage
pour vice de consentement doit être autorisée de son mari.
Mais si la femme prétendait qu'il n'y a jamais eu mariage,
la question et par suite la solution à lui donner seraient
absolument différentes. Alors la femme n'agit pas comme
femme mariée; par conséquent, elle n'a pas besoin d'auto-
risation. Aussi la cour suprême a-t-elle à juste titre décidé
que la femme qui s'inscrit en faux contre l'acte de célé-
bration de son mariage ne doit pas être autorisée de son
mari. Contrairement à la doctrine de plusieurs interprètes,
la jurisprudence admet qu'il n'y a pas lieu d'autoriser la
femme, lorsqu'une poursuite en expropriation est dirigée
contre elle.
2° En matière criminelle. Lorsque la femme est pour-
suivie en matière criminelle ou de police, l'autorisation du
mari n'est pas nécessaire (art. 246). Par suite, on rentre-
rait, dans la règle, et il serait besoin de l'autorisation si
c'était la femme qui exerçait la poursuite. Mais que faut-il
décider de l'action civile qui naît du délit? La femme doit
être munie de l'autorisation maritale, lorsque l'action est
intentée devant les tribunaux civils. On est en effet en
présence d'une action en dommages et intérêts, par con-
séquent d'une action purement civile. Si, au contraire,
c'est par devant les tribunaux criminels que l'action civile
est intentée, il faut faire une distinction. Les interprètes
reconnaissent tous qu'il n'est besoin d'aucune autorisation
lorsque le ministère public poursuivant, la partie lésée se
porte partie civile. L'action civile est alors l'accessoire de
l'action publique ; la femme est donc poursuivie en matière
criminelle ; donc on se trouve dans l'hypothèse prévue par
l'art. 246. Mais la dispute s'élève entre les interprètes,
quand la partie lésée intente son action directement devant
le tribunal correctionnel ou de police. V. Saverot.
Autorisation maritale (V. Autorisation maritale, t. IV,
p. 777).
IX. Législation comparée. — Les législations euro-
péennes modernes ont fondu, dans des proportions variables,
les notions juridiques empruntées au droit romain avec les
préceptes du christianisme et les règles coutumières d'ori-
gine germanique. Jusqu'à une époque toute contemporaine,
on y rencontrait, et l'on y rencontre encore aujourd'hui,
par-ci par-là, de choquantes inégalités entre les deux sexes.
D'après le code civil suédois, une femme non mariée reste
jusqu'à la fin de ses jours en tutelle, comme un mineur.
Il en était de même en Toscane et dans les Etats du saint-
siège ; en Espagne, la femme ne pouvait se porter caution ;
ce n'est que depuis la promulgation du code civil italien de
453
FEMME
1867 et du code espagnol de 1889 que, dans les deux pénin-
sules, les femmes ont été relevées des incapacités qui
pesaient sur elles à raison de leur sexe. Dans une assez
grande partie de l'Europe, la loi des successions est encore
faite de manière à favoriser les héritiers mâles : en Angle-
terre, les filles sont exclues par les fils dans la succession
aux immeubles délaissés par le père ; en Russie, chaque
fille, en concours avec des fils, n'a droit qu'à un huitième
des meubles et un quatorzième des immeubles ; tout ré-
cemment encore, à Zurich, la fille ne prenait que 4, là où
le fils prenait 5 et pouvait en outre réclamer les immeubles
paternels à prix réduit.
Le contraste entre l'incapacité de la femme mariée et la
capacité de la femme fille ou veuve est un des traits les plus
originaux du droit moderne. Dans les deux anciennes législa-
tions d'où émanent nos divers codes, ce contraste n'existait
point encore : on ne le retrouve ni dans la jurisprudence
romaine, ni dans les coutumes barbares. Dans la loi moderne,
au contraire, à l'étranger comme en France, ce n'est plus la
femme qui est incapable, c'est l'épouse : l'incapacité du sexe
ne commence qu'avec le mariage et elle finit avec lui. La
femme mariée estcomplètementplacée sous la dépendance du
mari et ne peut faire sans son autorisation le plus mince acte
de la vie civile. Malgré les protestations éloquentes qu'il a
parfois soulevées, cet état de choses, qui se retrouve chez les
peuples les plus divers de mœurs et de tempérament, au
nord comme au midi, s'explique et se justifie par des con-
sidérations sérieuses : partout où, en droit ou en fait, les
époux supportent ensemble les charges du ménage et le
mari administre l'avoir commun, — c'est le cas de presque
toute l'Europe, — il est logique et nécessaire que, si les
deux individus associés par le mariage dans un même but
ne parviennent pas à s'entendre, le dernier mot soit laissé
à l'homme, chef de la famille, nourricier de la famille, res-
ponsable de son entretien et de sa prospérité, et que la
femme ne puisse engager le patrimoine de la famille qu'avec
l'assentiment de celui qui l'administre. Ces lois sont faites
en vue des situations normales. Elles peuvent devenir
iniques si le mari abuse de ses droits ou manque à ses
devoirs. Les législateurs prévoient, pour ce cas, des remèdes
divers : divorce, séparation de biens, suppression ou sus-
pension de l'autorité maritale. On a essayé dernièrement,
en Angleterre, d'un système plus radical et moins compli-
qué qu'une action judiciaire en séparation de corps ou de
biens. D'après une loi de 1882 qui complète une réforme
commencée en 1870 et 1874, la femme conserve personnel-
lement la propriété et la libre disposition de tous les biens
qu'elle possède au moment du mariage, ou qu'elle acquiert
plus tard par droit d'héritage, dans l'exercice d'un métier
ou d'une profession, ou par ses talents artistiques ou litté-
raires ; elle est libre de s'obliger par contrat jusqu'à con-
currence de ces biens ; elle peut plaider comme demande-
resse ou comme défenderesse ; si elle exerce un commerce
indépendamment de son mari, elle peut être mise en faillite
comme une femme non mariée. La loi anglaise a été inspi-
rée parle désir d'assurer la liberté d'allures delà femme,
mariée à un homme paresseux, ivrogne ou prodigue qui
voudrait vivre à ses dépens ; elle constitue, dans le droit
européen, une innovation hardie. Il serait téméraire de
vouloir indiquer dès maintenant les fruits de cette réforme :
à première vue, il ne semble pas impossible de corriger ce
que nos lois restrictives de l'indépendance des femmes
mariées ont, à certains égards, d'excessif, sans aller jusqu'à
cette complète émancipation, fort difficile à concilier avec
les nécessités de l'association conjugale bien comprise :
mariage et dualisme sont deux termes contradictoires.
Ernest Lehr.
X. Politique. — La situation des femmes dans la so-
ciété varie selon les sociétés et les époques ; ce problème a
été résolu de manières très diverses, ainsi qu'on a pu s'en
rendre compte (V. ci-dessus et Famille) ; mais jusqu'aux
temps modernes et presque jusqu'à la période contempo-
raine, ce problème n'a pas été envisagé comme une ques-
tion politique distincte. La situation de la femme a résulté
des mœurs, de la religion, de l'état social, du régime écono-
mique; on ne l'a pas discutée au nom de théories. La ques-
tion des droits des femmes qui passionne un grand nombre
de personnes en Europe et en Amérique est donc une ques-
tion nouvelle. Le rationalisme des idéologues du xvnr9 siècle,
fondant l'organisation sociale et la législation sur le droit
naturel, a déterminé le mouvement des esprits en faveur
de l'émancipation des femmes. La transformation radicale
des conditions économiques et sociales dans les temps mo-
dernes, et particulièrement depuis un siècle, a donné à ces
débats une grande importance. Néanmoins ils restent sur-
tout théoriques, et c'est au nom de la justice, des prin-
cipes de la inorale et du rationalisme philosophique qu'on
a plaidé la cause des femmes et obtenu de considérables
améliorations dans leur condition. La question féminine est
une partie de la question sociale et elle se pose principale-
ment (comme la question sociale dans son ensemble) par la
contradiction entre l'organisation actuelle des sociétés euro-
ropéennes et l'idéal d'une organisation rationnelle. La pré-
tention des réformateurs est de régler conformément à la
logique la situation des femmes vis-à-vis des hommes et
d'effectuer des progrès applicables à notre société, mais
aussi définitifs et conformes à la nature et à l'idéal absolu.
Ils condamnent l'état existant, moins en raison de ses incon-
vénients pratiques qu'au nom de la justice. Le caractère
idéaliste de cette agitation est très marqué, d'autant qu'il
ne peut être parlé ici de conflit entre les parties en pré-
sence ; non seulement la faiblesse des femmes rendrait cette
hypothèse absurde, mais elle est en contradiction avec la
solidarité familiale, et d'ailleurs on trouverait autant, sinon
plus d'hostilité aux réformes parmi les femmes, qui sont
censées devoir en bénéficier, que parmi les hommes. Ces
réformes sont fort étendues, naturellement, et s'appliquent
à toutes les formes de la vie sociale, aux relations écono-
miques comme aux mœurs, au droit privé comme à la poli-
tique.
Le mouvement dont nous parlons étant déterminé par des
conceptions théoriques, il convient de passer en revue ra-
pidement les idées que se sont faites sur le rôle de la femme
les sociétés dont procède la nôtre ; dans quelle mesure fut-
elle jugée assimilable à l'homme ? Pour ce qui touche sa
condition réelle, nous renvoyons à l'art. Famille et aux
autres paragraphes du présent article. Il ne s'agit ici que
des théories. Les Hébreux ont, comme les autres peuples de
l'Asie (ce que nous appelons l'Orient), admis la subordi-
nation totale et l'infériorité complète de la femme ; cette
idée concorde avec le régime de l'Etat et de la famille.
Soustraite aux yeux de l'étranger, enfermée dans la mai-
son ou soigneusement voilée, elle est soumise à une tutelle
perpétuelle. La femme juive n'a pas droit à l'instruction,
même religieuse. Autant vaudrait enseigner l'impiété à la
femme que lui enseigner la loi. Ce mépris se retrouve dans
la généralité des pays musulmans. La femme n'a de place
que dans la famille. De plus, la légende religieuse de la
Bible porte contre elle une accusation terrible ; c'est par sa
faute que le mal est entré dans le monde et que l'homme
est déchu. Cette vieille fable asiatique a été également
transmise aux Grecs et, dans la mythologie hésiodique, Pan-
dore joue le rôle d'Eve; c'est par cette femme, parée de toutes
les séductions, qu'est ouverte la boîte fatale d'où sortent
tous les maux qui désormais désoleront l'univers. Dans les
primitives époques de la Grèce, la femme, bien que très
honorée, n'a de place que dans la famille, comme l'esclave.
Les progrès de l'esprit philosophique font^concevoir l'éga-
lité entre les hommes, et, comme l'esclave, la femme en
profite. Platon se plaint de voir, dans la démocratique
Athènes, les esclaves mâles et femelles aussi libres que les
maîtres qui les avaient achetés et, chose non moins révol-
tante, les femmes égales à leurs maris. Cependant lui-même
la rapproche de l'homme dans sa République. Xénophon,
dans son petit traité d'économie domestique, est favorable
aux femmes, dont il décrit la position abaissée. « Ce qu'il
FEMME
— 154 —
dit, remarque M. Havet, témoigne à la fois de ce que la
constitution de la société avait encore de mauvais et des
habitudes nouvelles qui élevaient les mœurs. La femme,
tenue dans une condition dont aujourd'hui même elle n'est
pas encore assez relevée, était mariée enfant, sans être con-
sultée, puis enfermée dans sa maison, presque comme en
Asie, et menacée de n'y être comptée pour rien dès qu'elle
aurait vieilli. « Il n'y a guère personne avec qui son mari
« ait moins de conversation qu'avec elle. » La philosophie
lui tend la main, comme fera plus tard la religion, et l'ap-
pelle à la dignité en l'appelant à la sagesse et à la vertu.
Elle la déclare associée à l'homme par les devoirs mêmes
que la divinité les invite tous deux à remplir. Ils ont cha-
cun les leurs, mais il en est un qui leur est commun, celui
de la pureté des mœurs, et Xénophon ajoute d'une manière
bien délicate que celui des deux qui vaudra le mieux est à
même de se faire, de ce côté-là, le plus d'honneur. Et il
montre la femme assurée, par ses vertus mêmes, non seu-
lement de l'amour des siens, mais de leur respect. « Ce
« sera ta plus grande joie que de te montrer meilleure que
« moi et de faire de moi ton serviteur. » Mais nous sommes
encore loin de l'égalité, et pour bien se rendre compte des
sentiments des penseurs et de l'aristocratie grecque envers
les femmes, il faut se souvenir de leur prédilection pour
les amours masculines. Platon, qui les condamne dans ses
lois, a écrit ailleurs que « l'amour des femmes est un amour
« inférieur, bon pour les hommes vulgaires, qui ne sont tou-
« chés que du corps ; l'autre passion est, au contraire, la
« marque des âmes d'élite ; elle est faite pour les vrais philo-
« sophes qui ne se soucient pas du mariage ». Sur ce point,
l'austérité des mœurs des Hébreux contraste avec la dé-
pravation des autres peuples de l'Orient et de l'antiquité.
Ils condamnent résolument ces amours contre nature. Sans
insister, nous observons qu'ils coïncident avec un grand mé-
pris de la femme. Dans les cités grecques, tous les faibles
se sentaient opprimés par l'oligarchie. Aristotenous dit que
« les esclaves aiment les démocraties et les tyrannies, c.-à-d.
« tout ce qui menace la cité aristocratique! Mais ce qui est
« bien remarquable, c'est qu'il a dit la même chose des
« femmes, nous faisant voir par là que les femmes aussi,
« dans la cité, étaient opprimées et mécontentes. » (Havet.)
Aristote a sans doute écrit : « Les femmes sont la moitié
de la cité », mais il les déclare très inférieures à l'homme,
en raison surtout. « Le bonheur est chose placée au-des-
sus de l'esclave, et peut-être même la ^vertu ; mais les
femmes n'étant que sujettes, la vertu leur est permise ;
seulement, c'est une vertu à leur mesure, qui reste néces-
sairement inférieure à celle de l'homme. » En revanche,
Aristote rejette les amours grecques avec un sang-froid
méprisant, comme un moderne. Sa doctrine sur la morale
politique (que le christianisme lui emprunta) est extrême-
ment favorable à la femme ; il affirme que la société repose
sur l'amour plus même que sur la justice, et que la justice
suprême est amour. Epurée par la philosophie, la morale
devient plus délicate. Dans les poèmes alexandrins appa-
raissent les héros romanesques qui respectent la vierge en-
levée par eux, voulant l'amener d'abord chez leur père et
l'épouser.
Dans la société romaine, la femme est franchement as-
sociée à la vie de l'homme. « La matrone est un caractère
romain ; fille comme Virginie, femme comme Lucrèce,
mère comme Véturie, elle est également imposante. Où est
le Romain, dit Cornélius Nepos, chez qui la mère de famille
n'occupe dans la maison l'appartement d'honneur et n'y
tienne sa cour ? Rome n'avait donc à apprendre de personne
la dignité de la femme.» Cependant les hommes les plus
éclairés ne croient guère pouvoir associer les femmes à la
haute vie intellectuelle. Elles ne philosophent pas, et on
ne philosophe pas pour elles ; on leur laisse la religion.
Mais l'organisation de la propriété avait, dès le premier
siècle av. J.-C, préparé et même réalisé l'émancipation de
la femme, dans la classe riche s'entend. La facilité et la
multiplicité des divorces à Rome n'ont jamais été égalées
depuis (V. Divorce). On a pu blâmer ces mœurs au point
de vue d'une stricte morale ; elles n'en sont pas moins,
pour le sociologue, bien supérieures à celles de la famille
patriarcale, respectueuse de la liberté individuelle, faisant
reposer le mariage sur la perpétuité de l'accord volontaire,
en tous cas, bien plus avantageuses pour les femmes. On
sait d'ailleurs que la société d'alors avait, autant que les
nôtres, le respect de la chasteté, que la veuve qui restait
fidèle au souvenir de son époux était très considérée ;
femme d'un seul mari était son titre d'honneur. Properce
et Virgile l'attestent et les inscriptions funéraires. Sénèque
le père pense qu'une femme est bien assez défendue par
son austérité contre les sollicitations libertines. Mais la mo-
destie, la timidité qu'il exige d'elle nous reportent aux
écrits des Pères de l'Eglise et à la morale de l'Arnolphe de
Molière. Les stoïciens romains affirment résolument l'éga-
lité de l'homme et de la femme. Nous avons perdu le
livre de Sénèque sur le mariage, mais nous savons qu'il
écrit autre part : « Il est d'un malhonnête homme d'exiger
de ta femme qu'elle soit chaste, tandis que tu vas cor-
rompre les femmes des autres. Il ne t'est pas plus permis
d'avoir une maîtresse qu'à elle d'avoir un amant. » Déjà
Platon avait condamné sévèrement le concubinat domes-
tique ; mais il n'énonçait pas si vigoureusement l'identité
des droits et des devoirs. Les stoïciens pensent que la phi-
losophie est faite aussi bien pour les femmes que pour les
hommes ; Sénèque l'atteste. Les choses ont changé depuis
le temps de Cicéron. La philosophie appelle les femmes
tout comme les hommes. « Et comment ne l'aurait-elle
pas fait quand elle devenait une religion ? Le père des Sé-
nèque, fidèle aux vieilles mœurs romaines, n'avait pas
voulu que leur mère philosophât ; son fils le désavoue là-
dessus avec respect dans un livre adressé à cette mère elle-
même. Un autre de ses livres est adressé à une autre femme.
Vers le même temps, un philosophe un peu plus jeune,
Musonius, traitait cette question ex professo. On nous a
conservé le discours où il montre que les femmes ont droit
à la vérité puisqu'elles ont droit à la vertu. » Le monde
romain était donc parvenu à la nature de l'égalité des deux
sexes dans la vie intellectuelle comme dans la vie matérielle.
Au moment où la société antique rehaussait le plus la
dignité de la femme, en faisait de tout point l'égale de
l'homme, elle conspirait à sa ruine. Le christianisme n'eut
pas de propagandistes plus dévoués que les femmes, et c'est
par elles qu'il conquit le monde. Il ne leur en fut guère
reconnaissant et elles perdirent plus qu'elles ne gagnèrent
à son triomphe. Louis Ménard a écrit sur ce sujet de très
belles pages. « L'importance du rôle des femmes dans l'éta-
blissement des religions est attestée par les traditions
grecques sur les Péléiades deDodone, les Pythies de Delphes,
les M'ainades qui forment le cortège de Dionysos. Ne pou-
vant tourner leur activité vers la politique, les femmes se
rejetaient sur la religion. Leur nature nerveuse les entraî-
nait surtout vers les cultes mystiques, où la mort et la
résurrection d'un dieu étaient célébrées par des alterna-
tives de douleur bruyante et de joie passionnée. Pendant
plusieurs siècles, les" femmes avaient préparé l'avènement
du christianisme ; elles prirent une part active à sa propa-
gation. L'Evangile a conservé les noms de quelques-unes
de celles qui se sont associées au renouvellement des
croyances. « C'étaient, dit saint Luc, des femmes que Jésus
« avait délivrées des malins esprits et guéries de leurs mala-
« dies ; Marie appelée la Magdalène, de laquelle étaient sortis
« sept démons, et Jeanne, femme deChusa, intendant d'Hé-
« rode, et Suzanne et beaucoup d'autres qui l'aidaient de leur
« argent. » Elles le suivaient au désert, suspendues à sa grave
parole, car il n'avait pas voulu condamner la femme adul-
tère, et il pardonnait beaucoup à celle qui avait beaucoup
aimé. Au jour de sa passion et de sa mort, vendu par un de
ses apôtres, renié par un autre, abandonné de tous ses dis-
ciples et de tous ses amis, il vit des femmes en pleurs sur
le chemin de son supplice ; elles embrassaient la croix et
buvaient le sang de la régénération. Quand elles revinrent
— 155 —
FEMME
aux premières lueurs du matin et qu'elles trouvèrent le
sépulcre vide, ce fut à elles qu'il apparut d'abord, et avant
toutes les autres, à celle de laquelle il avait chassé sept dé-
mons. Elle fut la première à saluer le nouveau dieu du
monde, et le monde crut à sa parole et répéta après elle :
« Le Christ est ressuscité ! » Que leur a-t-il donné pour
prix de leur dévotion à son culte ? On dit aujourd'hui que
le christianisme a affranchi la femme; il y avait longtemps
que cela n'était plus à faire. L'hellénisme avait élevé la
femme à la dignité morale de mère de famille, de maîtresse
de maison, selon l'expression d'Homère. Des déesses siégeaient
dans l'Olympe à côté des dieux ; il y avait des prêtresses
dans les temples, et les oracles divins étaient rendus par
des femmes. Mais le dieu du christianisme s'incarne sous
la forme d'un homme, et le féminin n'a pas de place dans
la Trinité. La femme est l'instrument du démon et la source
de la damnation du monde. Ses mains ne sont pas assez
pures pour offrir le sacrifice, sa bouche, pleine de men-
songes, ne peut annoncer au peuple les paroles divines. Elle
est exclue du sacerdoce, la plus haute fonction dans l'ordre
moral, repoussée au pied des autels, elle s'agenouille devant
le prêtre, confesse ses fautes et implore son pardon. L'homme
revêtu d'un caractère sacré l'interroge comme un juge, lui
impose la pénitence expiatoire, éclaire sa conscience obscure
et dirige tous les actes de sa vie. Et, cependant, sur les
débris de la dernière église, la femme viendra prier. C'est
que le christianisme a bien mieux fait que de l'affranchir,
il l'a conquise. Ce n'est pas la liberté qu'elle demande, c'est
l'amour qui la choisit et qui la dompte. Sa religion n'est
pas la justice, c'est la grâce ; sa morale n'est ni le droit
ni le devoir, c'est la charité. Elle n'a nul souci de la patrie
et des religions républicaines ; il lui faut un dieu enfant
à bercer dans ses bras, un dieu mort à inonder de ses
larmes. Elle n'a que faire d'être déesse, pouvu qu'elle soit
la mère de dieu, son lis immaculé, son épouse élue, enve-
loppée dans sa lumière ; elle lave les plaies, elle détache la
couronne d'épines, savourant ses douleurs bénies, le cœur
percé du glaive, mais le front couronné d'étoiles, ravie,
transportée, défaillante dans le nimbe radieux des assomp-
tions. Et la mère du dernier dieu règne à jamais dans le
ciel de son fils, au fond du bleu mystique, les pieds sur le
croissant de la lune, écrasant la tête du serpent. — Si le
Saint-Esprit avait été du féminin comme en hébreu, ou
plutôt si les Alexandrins avaient pris le mot <j>uyjj au lieu
du mot 7sveu[xa, la troisième personne de la Trinité eût été
tout naturellement représentée par la Vierge ; mais une
occasion perdue ne se retrouve jamais. Le féminin, exclu de
la Trinité au nom de l'orthodoxie, dut se réfugier dans le
culte et dans la légende. La conscience populaire plaça la
Vierge au plus haut du ciel et toujours plus près de son fils.
Elle n'a jamais cessé d'être le type de prédilection de l'art
chrétien, et, de nos jours, sa dignité vient de recevoir une
consécration éclatante dans le dogme de l'Immaculée Concep-
tion. — Dans la famille chrétienne, l'autorité morale n'ap-
partient plus au père, mais au prêtre, seul représentant de
Dieu. C'est lui qui dirige la conscience de l'enfant et celle
de l'épouse ; il connaît les pensées que la femme n'ose avouer
à son mari, que la fille n'ose avouer à sa mère. Que sont
les liens du sang, auprès de ce lien d'universelle charité
qui est le royaume de Dieu ? Dans l'idéal chrétien, la chas-
teté de l'épouse est bien au-dessous de la virginité. La vie
est mauvaise, pourquoi la multiplier ? Pourquoi préparer
une moisson à la mort ? La naissance est une chute et la
conception une souillure : la pudeur nous rappelle le sou-
venir de la tache originelle et la honte de notre incarnation.
Heureuses les vierges, les pâles fleurs du paradis, les fian-
cées voilées du céleste époux ! » Ce fut en effet une des
profondes transformations apportées par le christianisme
médiéval au sort de la femme que cette exaltation de la vir-
ginité ; ce ne sont plus quelques prêtresses, quelques ves-
tales que l'on réserve pour le culte, mais des troupeaux de
religieuses, des milliers, des centaines de milliers de femmes
qui se réunissent dans le cloître, enlevées à la vie de famille,
à ses douceurs, à ses charges, à ses devoirs. Très discu-
table et peut-être nuisible au point de vue social, l'ins-
titution monastique conserva aux femmes une certaine
autonomie que la religion chrétienne leur déniait ailleurs.
Originaire d'un pays oriental, empruntant aux Juifs une
grande partie de ses livres sacrés, le christianisme fut défa-
vorable à la femme, et le contraste est marqué entre les
mœurs des peuples où il s'implante, Latins ou Germains,
bien disposés pour la femme, et les textes religieux sur
lesquels s'appuient les prêtres et les doctes pour l'abaisser.
Au début, dans les pays helléniques, les diaconesses sont
nombreuses; elles ont leur place dans l'église, jusqu'auprès
de l'autel ; sur quelques points la tradition se perpétua,
par exemple chez les chartreuses de Salette en Dauphiné et
dans l'abbaye de Saint-Pierre de Lyon. Mais la règle, pré-
cisée par le concile de Carthage, c'est que la femme ne peut,
si instruite qu'elle soit, ni enseigner, ni baptiser, ni prêcher,
ni s'approcher de l'autel, ni toucher les vases sacrés, ni en-
censer, etc. ; il ne lui est pas permis de parler, mais simple-
ment de se soumettre. L'idée qu'on se fait de la femme est
gouvernée par la Genèse. C'est une créature subalterne,
tirée d'une côte de l'homme ; elle est, par nature, son acces-
soire. Fait plus grave, c'est elle qui l'a fait déchoir. Ter-
tullienle lui dit: « Femme, tu es la porte du Diable ; c'est
toi qui, la première, as touché à l'arbre et déserté la loi de
Dieu ; c'est toi qui as persuadé celui que le Diable n'osait
attaquer en face ; c'est à cause de toi que le fils de Dieu
même a dû mourir ! Tu devrais toujours t'en aller en deuil
et en haillons, offrant aux regards tes yeux pleins de larmes
de repentir pour faire oublier que tu as perdu le genre
humain. » Saint Ambroise formule l'opinion qui passera dans
le Décret : « Adam a été perdu par Eve et non Eve par
Adam. Celui que la femme a induit au péché, il est juste
qu'elle le reçoive comme souverain, afin d'éviter qu'il ne
tombe de nouveau par la faiblesse féminine. » Les théolo-
giens sont implacables dans leur hostilité. Le concile de
Mâcon se demande si la femme a une âme ou si elle ne doit
pas être classée parmi les brutes plutôt que parmi les êtres
raisonnables. Il ordonne aux prêtres de fuir tout contact
avec les femmes, même leurs parentes. Hantés de cette ter-
reur de la corruptrice, s'efforçant de maintenir la chasteté
sacerdotale, les théologiens affirment obstinément l'infério-
rité de la femme. L'évolution favorable à ses droits, qui avait
été fort avant dans l'empire romain, fut donc complètement
enrayée par le christianisme.
L'invasion des Barbares et l'effondrement de l'Empire
eurent, au point de vue qui nous occupe, une conséquence
curieuse. Les Barbares, même leurs chefs, n'ont pas la
notion de l'Etat ; ils ne s'élèvent pas à la conception de la
fonction publique, alors que dans la cité antique l'homme
seul avait part aux affaires de l'Etat ; lorsque la vie privée
et la vie officielle, la relation personnelle et la relation pu-
blique se confondent, la ligne de démarcation entre les
fonctions des deux sexes devient moins nette. Le rôle que
les femmes avaient eu accidentellement dans la monarchie
impériale, elles le retrouvent dans les monarchies barbares ;
mais, de plus, quand s'organise la féodalité, liant la sou-
veraineté à la propriété, la femme, bien que n'ayant dans
les sociétés barbares que des propriétés bien moindres que
celles dont elle avait pu s'emparer en Egypte ou à Rome,
acquit une part de l'autorité publique. Elle devenait presque
l'égale de l'homme dans une société religieuse et militaire
où elle était pourtant exclue de l'Eglise comme de l'armée.
En même temps, par contraste avec les brutalités de la
guerre perpétuelle, se développent les délicatesses parfois
raffinées de la chevalerie (V. ce mot). Un véritable culte
de la femme est institué, particulièrement dans la France
méridionale. La littérature, dont le thème principal est
l'amour, contribue à l'adoucissement des mœurs et à l'exal-
tation de la femme. Mais la société féodale s'affaisse, la
monarchie reconstitue la plénitude de la souveraineté. Quand
reparaît, en partie sous l'influence du droit romain, la notion
distincte de la fonction publique, les femmes en sont exclues.
FEMME
- 156
« Par suite de ce double mouvement dans l'ordre des faits
et des idées, la femme est en train d'être irrévocablement
reléguée dans la sphère du droit privé, dans le coin qu'on
lui a abandonné. Mais la Révolution française arrive. Elle
n'apporte pas du premier coup de changement dans la con-
dition de la femme ; c'est même elle qui achève, d'un trait
ineffaçable, la séparation entre le droit privé et le droit
public ; mais c'est elle aussi qui intronise dans le monde
le droit naturel ; dans ce droit, toute créature humaine
trouvera les titres qu'il lui faut pour appuyer ses revendi-
cations légitimes ; ce droit lui permettra d'écarter, par la
question préalable, les objections tirées du passé, des mœurs,
des traditions consacrées par des siècles. Après la Déclara-
tion des droits de l'homme et du citoyen, la Déclaration des
droits de la femme viendra comme suite logique. Elle vient ;
elle est mal accueillie. Mais le droit naturel n'est-il pas
éternel et les revendications basées sur ce droit ne sont-elles
pas imprescriptibles ? En effet, la revendication des droits
des femmes recommence ; elle passe la Manche, puis l'Océan.
L'agitation croît et, de plus en plus bruyante, elle force
l'attention publique ; les hommes d'Etat, les chefs de gou-
vernement lui prêtent l'oreille ; le législateur lui-même se
iaisse fléchir. Dans le jeu politique de certains pays, les
droits politiques des femmes deviennent comme une valeur
négociable à la Bourse ; on les cote, on spécule sur eux ;
les uns avec l'espérance, les autres avec la crainte qu'ils
feront bientôt la loi du marché. » (Ostrogorski.) Après une
pause de quinze siècles, le rationalisme philosophique, pré-
valant sur les législations traditionnelles et religieuses, a
repris en main la cause de la femme.
L'origine du mouvement pour l'émancipation des femmes
remonte à la Révolution française. D'emblée, au nom du
droit naturel, on revendiqua pour elle l'égalité complète
des deux sexes, dans le droit public et privé. Après la
déclaration d'Olympe de Gouges (V. ci-dessous), on vit les
femmes dans les clubs se mêler aux discussions politiques ;
elles eurent leurs clubs et leurs journaux ; mais, quand les
protagonistes invitèrent leurs compagnes à adopter l'habil-
lement masculin pour effacer toute dissemblance extérieure
entre les sexes, l'opinion publique se prononça contre elles.
La Convention ferma leurs clubs et leur interdit toute agi-
tation politique. Après 1830, la question fut soulevée de
nouveau à l'instigation des saint-simoniens et des précur-
seurs du socialisme français. Saint-Simon préconisait le
communisme, mais accordait une place émérite à la femme
libre. En 1848, les socialistes revendiquèrent faiblement
l'égalité politique pour les femmes. L'agitation avait gagné
l'Angleterre; elle y prit une importance extrême; on ne
s'y contenta pas de théorie, on lit les premiers pas dans la
voie de la réalisation pratique. Des associations furent
créées pour revendiquer les droits de la femme ; elles fon-
dèrent des écoles commerciales et professionnelles, des
bureaux de placement, s'efforçant d'améliorer de toute
manière le sort des femmes. Dans le droit privé, on obtint
beaucoup, puisqu'un acte de 1882 a donné à la femme
mariée des droits fort étendus (V. ci-dessus le § Législa-
tion comparée). Nulle part, la question de l'octroi de
l'égalité politique ne paraît plus près d'une solution favo-
rable, ce qui s'explique, car l'Angleterre a gardé le prin-
cipe féodal qui fait reposer les droits politiques sur la
propriété et non sur la personne. En Allemagne, on est
plus arriéré, sauf en matière d'éducation ; il s'est créé des
associations tant pour cet objet que pour l'amélioration de
la situation économique des femmes.Les socialistes, à Berlin
spécialement, gagnent à la fois à leur cause les femmes et
les hommes, et c'est une de leurs grandes forces. En Suède,
le gouvernement a fait beaucoup en faveur des femmes.
En Russie, au contraire, après avoir accepté des mesures
.très libérales, on rétrograde. Aux Etats-Unis, depuis le
milieu du xixe siècle, les débats sur l'émancipation des
femmes sont à l'ordre du jour. Cette démocratie rationaliste
est peu encombrée de préjugés traditionnels; de plus,
comme dans tous les pays de colonisation, les femmes y
sont en minorité, dans les Etats neufs surtout, et par suite
très considérées. Dans la vie économique, le contraste est
frappant avec la vieille Europe. Affranchie des formes les
plus dures du travail journalier, les femmes ont une large
part aux catégories moyennes du salariat, emplois privés
ou publics. Les deux tiers des instituteurs publics sont des
femmes. Au département fédéral de Washington sont atta-
chés plus de 1,300 femmes avec des appointements de
900 à 1,800 dollars. De grands efforts ont été tentés pour
conquérir les droits de vote et d'éligibilité ; le succès paraît
plus facile dans les pays neufs du Far West que dans les
autres. Nous traiterons tout à l'heure de ces questions avec
détail. En somme, les revendications politiques des femmes
ont un double objet et visent une double inégalité entre les
sexes. On propose d'identifier les situations juridiques vis-
à-vis du droit privé et vis-à-vis du droit public. En ce qui
regarde le droit privé, il y a beaucoup à faire, mais les
théoriciens sont généralement d'accord, et, malgré les résis-
tances des juristes, le succès final est certain. 11 s'agit
d'accorder aux femmes et particulièrement aux femmes
mariées, les plus déshéritées actuellement, le droit de
témoigner au même titre que les hommes, d'exercer la
tutelle, de gérer la fortune commune, etc. Le principe est
admis, mais on est loin de sa complète application. Visant
les droits individuels des femmes, ces progrès sont de
beaucoup les plus importants, et sont très désirables, sur-
tout dans les classes pauvres. Quant à l'égalité politique,
elle ne répond à aucune revendication réelle de l'immense
majorité des femmes. Réclamée au nom des principes, bien
plus qu'au nom des besoins, elle est très contestée, même
par les esprits les plus libéraux qui volontiers s'en tien-
draient à la formule ancienne : l'homme au forum, la
femme au foyer. Ce qu'on peut dire, c'est que si les femmes
souhaitaient vivement cette égalité politique, elles l'obtien-
draient facilement.
Après cet exposé succinct des opinions successives sur les
droits respectifs des hommes et des femmes, il nous faut
aborder l'examen des faits et dire ce qu'a été et ce qu'est
la position de la femme en regard du droit public. « En
interrogeant le droit des divers pays sur la condition des
femmes au point de vue de l'exercice des droits politiques
ou publics, on peut saisir les phases que le mouvement en
faveur des droits des femmes a parcourues et apercevoir
les limites que la conscience du monde civilisé lui a pro-
visoirement assignées. » L'ordre historique et l'ordre
logique s'accordant assez bien, nous adopterons la mé-
thode suivante. En premier lieu nous examinerons ce
qui concerne la souveraineté politique et son exercice par
un individu ou par la collectivité ; en second lieu, les faits
relatifs à l'autonomie collective, au gouvernement local;
en troisième lieu, l'autonomie politique individuelle, enfin
l'exercice des fonctions et charges publiques.
La souveraineté individuelle. — Bien que l'exercice
de la souveraineté individuelle, concentrant aux mains d'une
seule personne les pouvoirs de l'Etat, doive paraître le
terme extrême des revendications féminines, c'est là ce
qu'elles ont atteint le plus tôt. La cause en est au régime
monarchique, lequel, sous sa forme la plus stable, comporte
l'hérédité. De même que pour l'héritage privé, la femme a
eu sa part de l'héritage monarchique, non pas égale à
celle de l'homme, mais souvent encore importante. Dans
les monarchies despotiques de l'Orient, où nul n'a de droits
vis-à-vis du maître, les femmes qui entourent celui-ci ont
fréquemment exercé sous son nom, ou par son intermédiaire,
le pouvoir absolu ; c'est la conséquence de la vie de palais
(V. Monarchie). Il n'y a guère d'exemple de femme ayant
régné sous leur propre nom, sauf peut-être en Egypte. La
légende de Sémiramis ne s'est pas confirmée quand l'éru-
dition moderne a vérifié les assertions des conteurs grecs.
Mais elle prouve du moins que, dans les idées des Grecs et
des Orientaux hellénisés du ve siècle avant notre ère, la
souveraineté d'une femme ne semblait pas absurde. En
Egypte et peut-être en Lydie, la légitimité fut transmise à
157 —
FEMME
des dynasties nouvelles par des mariages avec les femmes
de la dynastie précédente. L'attachement à certaines familles,
fortifié par la croyance à une sorte d'investiture religieuse,
pouvait conduire à la royauté d'une femme. Mais il n'était
même pas besoin de causes si profondes ; l'essence même
du régime monarchique, où le pouvoir est indépendant de
l'aptitude personnelle de celui qui en est investi, comporte
parfaitement le règne d'une femme. On le vit bien dès le
ier siècle de l'empire romain (V. Empire, t. XV, p. 963 et 964)
où Agrippine participa au pouvoir impérial, non seulement
en fait, mais en droit. Caligula avait désigné pour lui suc-
céder sa sœur Drusilla ; d'autres impératrices furent divi-
nisées comme leurs époux. À la fin du second siècle, sur
16 dieux impériaux, il y avait 6 femmes. Au siècle suivant
nous voyons les impératrices de la famille de Sévère sou-
veraines; puis à Palmyre, Zénobie héritant de la monarchie
fondée par Odénat. Plus tard, dans le Bas-Empire, Irène
usurpa aussi la monarchie. Dans les monarchies barbares,
fondées sur les débris de l'empire romain, la royauté étant
d'abord un commandement militaire, la femme n'en put
être investie ; l'Eglise n'eut jamais songé à lui donner sa
consécration. Toutefois, parmi les Germains orientaux, de
la souche gothique, Ostrogoths, Visigoths, Lombards, on vit
la couronne se transmettre par des femmes, surtout, semble-
t-il, à cause de rattachement aux familles royales. Tel
n'est pourtant pas le cas de la Bavaroise Théodelinde, reine
des Lombards, qui exerça une si grande influence sur les
destinées de ce peuple. Ici il faut bien admettre que son
ascendant personnel fut la cause principale. Non seulement
elle transmit la couronne à son second mari, mais, durant
un siècle, on tint à prendre les rois dans sa famille. Chez
les Francs, l'histoire de Frédégonde et de Brunehaut prouve
le rôle personnel des reines, même en ces temps sauvages.
Quand vint l'époque féodale, que la succession dynastique
fut consolidée dans la monarchie comme dans le fief, le
seigneur put appeler ses filles à lui succéder. Malgré son
hostilité pour la femme, la coutume germanique laissa faire,
par respect pour, la propriété et de l'hérédité, fidèle au
principe que la condition de la terre l'emportait sur celle
de la personne. On vit donc plusieurs fois des femmes
exercer dans toute leur étendue, par mandataires ou per-
sonnellement, le pouvoir attaché aux terres, levant des
troupes, rendant la justice, battant monnaie. Mais au
xive siècle on réagit. Le système de la succession privée
appliqué aux fiefs en amenait le morcellement à l'infini; les
principautés s'émiettaient ; il fallut établir des règles fixes
pour la transmission des fiefs. Ce fut un des principaux
objets de la Bulle d'or (V. ce mot) de 4356. Elle stipula
que les fiefs tenus immédiatement de l'empereur ne seraient
transmissibles qu'aux héritiers mâles. Quant aux monar-
chies absolues qui se constituèrent au xve siècle, elles furent
généralement défavorables à la succession féminine, mais
pas toujours radicalement, de sorte qu'il s'établit des usages
divers, selon les pays. On peut les répartir en trois groupes :
dans le premier, les femmes sont absolument exclues de
l'hérédité du trône ; c'est le système français, dit de la loi
salique; dans le second, la couronne passe aux femmes à
défaut de mâles de la maison souveraine ; c'est le système
autrichien, ou de la pragmatique sanction ; dans le troisième,
les femmes succèdent concurremment aux mâles ; c'est le
système espagnol ou de la règle castillane.
En France, on n'admit jamais la succession des femmes
au trône, depuis les rois francs mérovingiens : nulle
exception à cette règle. 11 y eut quelques fiefs féminins,
mais jamais dans l'ile-de-France où toujours les mâles
succédèrent exclusivement. Cette coutume, qu'on désigna
sous le nom impropre de loi salique, reposait sur l'idée de
la supériorité des mâles, Froissart le dit formellement.
« Le royaume de France est de si grande noblesse qu'il ne
doit mie par succession aller à la femelle. » Dutillet le
confirme : « Mesdames filles de France sont perpétuelle-
ment exclues de la couronne par coutume et loi particulière
de la maison de France, fondée sur la magnanimité des
Français ne pouvant souffrir être dominés par femmes ni
de par elles. » La question se posa à la mort de Louis le
Hutin, dont le frère Philippe le Long fut préféré à la fille.
Edouard III d'Angleterre prétendit que l'exclusion était
personnelle et ne s'étendait pas aux descendants mâles des
femmes, lesquels héritaient de leurs droits, et revendiqua
la couronne de France contre Philippe de Valois. Ce fut la
cause de la guerre de Cent ans. Le résultat confirma défi-
nitivement la loi salique, qu'on osa à peine contester à la
mort de Henri III. L'opinion du xvie au xvnr3 siècle était
qu'à défaut de constitution écrite la monarchie française
avait quelques lois fondamentales qui en tenaient lieu, et
au premier rang la loi salique. Celle-ci fut confirmée par
l'Assemblée nationale constituante qui en rédigea le texte.
Dans la séance du 27 août 1789, avant de discuter les
articles de la constitution relatifs à la monarchie, on fit
observer qu'ils étaient préexistants dans l'esprit de tous les
Français, qu'il était impossible de résister à l'évidence de
ces principes. L'exclusion des femmes fut spécialement
mentionnée par Petion, comme nécessaire au bien du peuple
français, Le 15 sept. 1789, l'Assemblée reconnut par accla-
mation et déclara à l'unanimité des voix comme lois fon-
damentales de la monarchie française que la personne du
roi est inviolable et sacrée, que le trône est indivisible,
que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de
mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion
perpétuelle et absolue des femmes. Les constitutions impé-
riales de 1804, 1852, 1870 reproduisent ces clauses
qui ne figurent pas dans les chartes de 1814 et 1830.
La loi salique est appliquée en Belgique, en Italie, en
Suède, en Norvège, en Danemark, dans le grand-duché
de Luxembourg, en Roumanie (V. Constitution). On sait
que c'est à cause de cela que le grand-duché de Luxem-
bourg a été séparé en 1890 de la monarchie des Pays-Bas,
laquelle admet la succession cognatique. Le contrat de
famille des Nassau, en date du 30 juin 1783, stipulait
que, pour le Luxembourg, la succession agnatique serait
maintenue comme dans les autre . fiefs immédiats du
Saint-Empire. Les traités de Vienne (1815) et de Londres
(i 867) préservèrent les droits des agnats, et ceux-ci les
exercèrent à la mort du roi et grand-duc Guillaume III,
dernier mâle de la branche d'Orange-Nassau. Le Luxem-
bourg passa à l'autre branche, Hesse-Nassau. Les consti-
tuais ou lois fondamentales de Belgique, de Suède (loi
du 26 sept. 1810 sur l'ordre de succession au trône), de
Norvège, de Danemark (loi du 31 juil. 1853), de Rou-
manie, du Piémont, appliquées à l'Italie, excluent complè-
tement du trône les femmes et leurs descendants. Enfin la
Prusse paraît bien être dans le même cas, quoique cela ait
été contesté, notamment par L. de Rœnne (Das Staats-
recht der preussische?i Monarchie). L'art. 53 de la
constitution dit : « La couronne est, en conformité des lois
de la maison royale, héréditaire dans la descendance mâle
par ordre de primogéniture et suivant la succession agna-
tique directe ». En cas d'extinction des mâles, des pactes
de fraternité appelleraient au trône, à défaut des Hohenzol-
lern, les princes des maisons de Saxe et de Hesse. Ce
régime est celui des électorats de la succession desquels
les femmes étaient exclues sans réserve, et on ne peut lui
objecter la coutume admise par les autres principautés qui
accordaient aux femmes un droit subsidiaire, en cas
d'extinction totale des mâles.
Ce système est celui qu'établit pour l'Autriche l'empereur
Charles VI par sa pragmatique sanction et qui donna lieu
à la guerre dite de la succession d'Autriche. Elle appelait
au trône, à défaut d'héritiers du sexe masculin, les archi-
duchesses filles du dernier empereur, en passant par-dessus
les princesses des branches aînées. Faite en faveur de la
fille de Charles VI, cette loi assura en effet le trône à
Marie-Thérèse. Elle règle encore la succession de toute la
monarchie autrichienne et des nombreuses couronnes réunies
sur la tête des Habsbourg. Les Etats de l'Allemagne du Sud
ont inséré dans leurs constitutions des articles appelant au
FEMME
— 458 —
trône, à défaut des descendants mâles, les femmes ; la Saxe
et le Wurttemberg sans plus de détails. La Bavière a prévu
le cas où la princesse héritière serait mariée à un souverain
étranger : en ce cas, elle lui impose l'obligation de nommer
un vice-roi lequel devra résider dans le royaume ; à la
mort de la princesse, la couronne reviendra à son second
fils. Dans le grand-duché de Bade, on n'admet cjue la lignée
féminine, mais non les femmes ; à défaut d'héritiers mâles,
ce sont les descendants mâles par les femmes qui montent
sur le trône (loi du 4 oct. 4817). Dans le royaume de
Grèce, l'art. 45 de la constitution dit simplement que la
préférence appartient aux héritiers mâles sans distinction
de ligne.
Les monarchies qui admettent la succession féminine,
concurremment avec la succession masculine, sont l'Es-
pagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, la Russie, les
Pays-Bas. Trois de ces monarchies sont actuellement déte-
nues par des reines. Les règles ne sont pas exactement les
mêmes dans tous les pays. On peut seulement remarquer
qu'aucun n'admet l'égalité absolue des femmes et des
hommes, en appliquant le droit d'aînesse rigoureux, la sœur
aînée précédant le frère cadet; dans les lois les plus favo-
rables aux femmes, elles sont toujours primées par les
hommes dans le même degré de parenté. La Russie et les
Pays-Bas accordent même une préférence plus accentuée
aux mâles. Nous avons dit que d'une manière générale la
succession féminine, combinée à la succession masculine,
est désignée sous le nom de règle castillane, parce qu'elle
fut la loi du royaume de Castille. Voici comment la règle
la constitution espagnole qui a repris l'ancienne règle.
« La succession au trône aura lieu dans l'ordre régulier de
la primogéniture et par représentation, la ligne antérieure
étant toujours préférée aux lignes postérieures; dans
la même ligne, le degré le plus proche sera préféré au
degré le plus éloigné ; dans le même degré, l'homme à la
femme, et, à égalité de sexe, la personne la plus âgée à
celle qui l'est le moins. Si les lignes des descendants mâles
du roi Alphonse XII étaient éteintes, ses sœurs lui succé-
deraient, puis sa tante, sœur de sa mère, et enfin ses oncles,
les frères de Ferdinand VII. On sait que les descendants
de ces oncles contestent la valeur de cette loi et prétendent
rétablir la loi salique, loi de la famille des Bourbons, à
laquelle ils appartiennent. Don Carlos a soutenu ses pré-
tentions les armes à la main et à deux reprises les carlistes,
partisans de la succession masculine, ont allumé de terribles
guerres civiles. C'est le roi de Castille Alphonse X qui, en
4260, fit écrire au livre de Las Siete Partidas que la
succession au trône passerait toujours en ligne directe, et
qu'à défaut d'enfant mâle la fille aînée hériterait. Philippe V
établit en Espagne par loi du 40 mai 4713 la loi salique;
cet auto accordado fut mis en question par Charles IV ;
d'accord avec les Cortès de 4789, il résolut de remettre en
vigueur l'ancienne loi des Siete Partidas; mais le roi
demanda aux Cortès le secret absolu jusqu'à la promulga-
tion. Il ne promulgua jamais sa pragmatique; l'éphémère
constitution de 4812 proclama la loi ancienne, mais ensuite
il semblait qu'on fût revenu à la loi salique et à la succes-
sion masculine, lorsque, en 4830, Ferdinand VII, qui
n'avait qu'une fille, Isabelle, promulgua l'acte de 4789.
Son frère, don Carlos, contesta le droit qu'il avait d'exhumer
au bout de quarante années une loi qui n'avait pas été mise
en vigueur. Les constitutions et en dernier lieu celle de
4876 confirmèrent les droits des femmes.
La constitution portugaise a calqué ses dispositions sur
celles de la constitution espagnole.
Dans le royaume uni de Grande-Bretagne et d'Irlande,
le droit constitutionnel anglais a validé des règles ana-
logues à celles de l'Espagne. Aucun texte écrit ne règle la
succession au trône, laquelle est simplement assurée par
Y Act of seulement du 12 juin 1701, aux descendants
de la princesse Sophie de Hanovre. Le droit commun règle
l'hérédité du trône. Dès le xvie siècle, des femmes y furent
appelées : Marie Tudor, puis Elisabeth, en même temps
que sa rivale, Marie Stuart, en Ecosse ; à la fin du xvne,
Marie, fille de Jacques II, puis sa nièce Anne. Si, dans la
même ligne, il n'y a pas d'héritiers mâles, la succession
revient à l'aînée des princesses, lesquelles passent avant
les princes des ligues cadettes. Guillaume IV n'ayant pas
laissé d'enfants, la fille de Faîne de ses frères, le duc de
Kent, Victoria, lui succéda, excluant, comme représentant
de la ligne aînée, le second frère de Guillaume IV, son
oncle à elle, le duc de Cumberland.
En Russie, pendant tout le xvme siècle, l'empire appar-
tint à des femmes. La monarchie étant absolue, il n'y avait
pas de règles fixes pour la succession, et Pierre le Grand
déclara que le roi pouvait en disposer comme il l'entendait.
En fait, il en résulta une série de révolutions de palais,
faisant monter sur le trône des héritiers de diverses bran-
ches. On finit, en 1797, par régler la succession. Dans ce
statut, qui devint l'art. 5 des lois fondamentales de l'em-
pire des tsars, il est dit que « l'un et l'autre sexe ont
droit à la succession au trône, mais ce droit appartient de
préférence aux mâles, dans l'ordre de primogéniture ». La
loi détermine ensuite l'ordre de succession féminine d'une
manière assez compliquée. Nous en empruntons le résumé
au savant travail de M. Ostrogorski (La Femme au point
de vue du droit public, 1892) : « Dans la même ligne,
tant qu'il y a des héritiers mâles directs, descendants des
princes du sexe masculin, les mâles excluent les femmes
absolument ; à défaut des mâles ci-mentionnés, la couronne
passe aux cognats descendants du dernier empereur en
premier lieu, de ses fils en second lieu et de ses filles en
troisième lieu, la branche masculine étant toujours préférée
à la branche féminine ; mais, dans la branche elle-même,
les mâles excluent les femmes seulement dans même degré,
de sorte qu'un frère cadet exclut sa sœur aînée, mais la
sœur aînée non mariée exclut les fils de sa sœur cadette, »
Dans le royaume des Pays-Bas, la constitution, revisée
en 1887, a organisé un système analogue à celui de l'em-
pire russe. A défaut de descendants mâles de fils en fils,
la couronne passe aux filles du dernier roi, après elles aux
filles de la ligne masculine descendantes de lui, puis aux
ligues féminines descendantes. En somme, la Russie et les
Pays-Bas ont plus restreint les droits des princesses que
l'Espagne et l'Angleterre, puisqu'elles n'héritent que lorsque
toute la descendance masculine est épuisée, tandis que dans
les monarchies anglaise et espagnole leur tour arrive dès
qu'il n'y a plus de descendants mâles dans le degré auquel
revient le trône.
Si de nombreux Etats ont accordé aux femmes la pos-
session du pouvoir monarchique en les acceptant comme
souveraines, de plus nombreux la leur ont accordée (avec
des restrictions, il est vrai) sous la forme de la régence,
suppléance du roi mineur, malade ou absent. Celle-ci est
réglée généralement selon les usages du droit commun pour
la gestion des biens, soit par un testament ou une dési-
gnation expresse du roi, soit par l'attribution aux membres
de la famille royale dans l'ordre fixé par la coutume ou les
lois fondamentales, soit par les représentants de la nation.
Le dernier système implique qu'on conçoit la monarchie et
la régence comme une magistrature politique, déléguée par
la nation. D'une manière générale, la régence fut bien plus
souvent accordée aux femmes que la royauté. Même dans
les pays régis par la loi salique, elles y eurent facilement
accès. Comme il s'agissait d'une délégation temporaire et
ordinairement tempérée par le pouvoir des grands person-
nages du royaume, on ne voyait pas grand'inconvénient à
le confier à une femme. Celle-ci étant presque toujours la
mère du jeune roi, lorsqu'il s'agit d'un mineur, on n'a rien
à craindre de son ambition, d'autant moins qu'elle ne peut
pas elle-même ceindre la couronne. On applique les règles
de la tutelle. « La reine mère, tutrice légale de son enfant,
réunissait par suite de plein droit à la garde de la personne
du roi mineur, la garde de ses biens, de son royaume. Ce
n'est que quand la Révolution française a mis fin à la con-
fusion du droit public avec le droit privé qu'une distinc-
— 159 -
FEMME
tion fut introduite entre la tutelle du roi et le gouverne-
ment du royaume en son lieu. » D'autre part, dans le cas
d'empêchement temporaire, le roi a plus de confiance en
sa mère, sa femme ou sa sœur, qu'en nul autre pour le
suppléer et gouverner conformément à ses intérêts et à ses
plans. L'adjonction à la reine tutrice d'un conseil de ré-
gence fut usuelle jusqu'aux temps de la monarchie absolue.
Elle disparut alors, mais toujours la régente dut tenir
grand compte des princes du sang et des grands person-
nages, spécialement des chefs des différentes factions.
En France, on compta, jusqu'en 1789, vingt-quatre ré-
gentes, dont vingt et une mères, deux grand'mères et une
sœur. Le plus souvent désignées par les rois leurs maris,
les régentes eurent souvent à lutter contre les parents
mâles et les grands. Elles avaient d'ordinaire à côté d'elles
un conseil où siégeaient ceux-ci et où étaient représentées
les principales factions. Cependant, une présomption finit
par s'établir en leur faveur et lorsque Louis XIII adjoignit
à Anne d'Autriche un conseil et le duc d'Orléans comme
lieutenant général du royaume, son testament fut cassé
par le Parlement. Quand la France entra dans la période
constitutionnelle, on régla autrement la régence. L'Assem-
blée constituante distingua la tutelle du roi mineur de la
régence et les sépara. La tutelle fut attribuée à la mère
et la régence au parent mâle le plus proche suivant l'ordre
d'hérédité. Les femmes en étaient exclues. Voici comment
le rapporteur du comité de constitution, Thouret, motivait
ces décisions : « Comme ce n'est pas dans l'intérêt parti-
culier du roi et de sa famille que la nation leur a délégué
la royauté héréditaire, de même ce n'est pas pour l'intérêt
du roi mineur que la régence est déléguée ; de même aussi
la régence n'est pas un droit inhérent à la famille ; c'est
par là que cette fonction diffère essentiellement de la tu-
telle ; celle-ci n'a pour objet que l'intérêt du mineur ; la
régence est instituée dans l'intérêt du peuple. Le comité
propose de déléguer la régence en ligne directe au parent
majeur le plus proche par les mâles. Il est inutile de déve-
lopper les raisons par lesquelles les femmes doivent être
exclues absolument de la régence ; vous avez décrété
expressément qu'elles seraient exclues de la royauté. »
Les femmes ne furent défendues que par l'extrême droite
au nom de la tradition. L'abbé Maury s'en fit l'interprète :
« Il serait peut-être imprudent de déférer à jamais la
régence aux mères des rois, mais n'y aurait-il aucun incon-
vénient à les en exclure à jamais? Un usage confirmé par
tant d'exemples mérite de grands égards. » Ciermont-
Tonnerre invoqua la loi salique, qu'il juge applicable ici :
« La loi salique, qui exclut les femmes du trône, paraît
aussi leur défendre en quelque sorte de s'y asseoir momen-
tanément. De plus une longue expérience nous a appris
combien de maux, combien d'injustices, combien de fai-
blesses accompagnent ordinairement cette espèce de domi-
nation. » Malgré un dernier effort de Cazalès, l'Assem-
blée vota l'exclusion des femmes de la régence ; puis elle
décida : « La régence du royaume ne confère aucun droit
sur la personne du roi mineur. La garde du roi mineur
sera confiée à sa mère, ou, s'il n'a pas de mère ou si elle
s'est remariée au temps de l'avènement de son fils au trône,
ou si elle se marie pendant la minorité, la garde sera
déférée par le Corps législatif. Ne peuvent être élus pour la
garde du roi mineur le régent et ses descendants, ni les
femmes. » Quand, après la Révolution française, la mo-
narchie despotique fut rétablie dans la famille des Bona-
parles, le sénatus-consulte organique du 20 floréal an XII,
qui forme la première constitution impériale, maintint
l'exclusion des femmes de la régence. Mais au moment de
la crise décisive de son empire, Napoléon fit modifier ces
dispositions et régler à nouveau la régence par le sénatus-
consulte du 5 févr. 1813. On revint à l'ancien usage :
« Le cas arrivant où l'empereur mineur monte sur le trône
sans que l'empereur son père ait disposé de la régence de
l'Empire, l'impératrice mère réunit de plein droit à la garde
de son fils mineur la régence de l'Empire. » Elle était
assistée d'un conseil de régence et ne pouvait se remarier
sans abdiquer. Les chartes de 1814 et de 1830 sont
muettes sur la régence. On s'en occupa après la mort du
duc d'Orléans. La loi du 30 août 1842 reproduisit l'exclu-
sion des femmes, laissant à la mère non remariée ou à
l'aïeule paternelle non remariée la garde et la tutelle du
roi mineur. Sous le second Empire, la régence fut réglée
par un sénatus-consulte du 17 juil. 1856 conformément à
celui de 1813 ; régence dative (par désignation du souve-
rain) et, à son défaut, l'impératrice mère la recevant de
plein droit. Par lettres patentes du 1er févr. 1858, Napo-
léon III déféra la régence à l'impératrice Eugénie. On sait
qu'en 1870 elle l'exerça quand il partit pour l'armée et
que les résultats en furent désastreux.
Dans les pays étrangers, on peut distinguer deux cas
principaux, selon que la régence s'acquiert de plein droit
ou qu'une loi spéciale soit votée dans chaque cas. Les
clauses relatives à l'accès des femmes à la régence sont
assez diverses. Là où elles sont admises à la succession
concurremment avec les agnats, elles peuvent recevoir la
régence dans les mêmes conditions ; c'est le cas en Espagne,
en Portugal et en Russie. En Espagne, la régence appar-
tient au père et à la mère du roi ; à leur défaut, au parent
le plus proche héritier de la couronne. En Portugal, la
régence est attribuée au plus proche parent du roi dans
l'ordre de succession au trône. A défaut d'héritiers, le ré-
gent est nommé par les Cortès ; en attendant, le gouver-
nement est exercé par une régence provisoire, sous la
présidence de la reine veuve. En Russie, la régence est
déférée par désignation de l'empereur ; à défaut de celle-ci.
elle revient de plein droit au plus proche parent de l'em-
pereur. On peut observer que cette clause qui place le roi
sous la garde de la personne directement intéressée à sa
disparition est peu prudente, même dans l'état actuel de
nos mœurs. L'exemple de Richard III d'Angleterre est
célèbre. En Italie, où règne la loi salique, la régence re-
vient à la reine mère à défaut d'agnats capables de la
prendre. En Prusse et, par suite, pour l'empire allemand,
dans le Luxembourg, les femmes sont exclues de la régence
comme du trône. Elles le sont de même dans des pays où
pourtant elles ont accès au trône à défaut d'héritiers mâles,
comme l'Autriche; même exclusion en Saxe, en Hesse, en
Mecklembourg. D'autres Etats allemands les admettent à
défaut d'agnats ; c'est le système de la Bavière, du Wurt-
temberg, du Brunswick, de l'Oldenbourg, etc. La consti-
tution bavaroise dit qu'à défaut d'agnats capables de
recevoir la régence, celle-ci revient à la reine veuve ; on
peut supposer que la reine veuve ne reçoit la régence que
si elle est mère du roi mineur; mais, d'autre part, si
celui-ci n'est pas fils du dernier roi, sa mère n'aurait nul
droit à la régence. Le texte est donc peu clair. La consti-
tution wurttembergeoise attribue la régence, à défaut
d'agnats, à la reine mère, puis à l'aïeule paternelle du roi.
On trouvera d'amples détails sur la régence dans les Etats
allemands dans l'ouvrage d'OEsfeld (Zur Frage der Re-
gentschaft bel eintretender Herrschaftsunfœhigkeit
des regierenden Monarchen nach deutschem Ver f as-
sungsrecht; Hambourg, 1887).
Dans la plupart des monarchies constitutionnelles, la
régence ne s'acquiert pas par désignation du souverain
précédent, ni de plein droit. Chaque fois qu'il y a lieu à
une suppléance de ce genre, pour cause de minorité ou
d'empêchement temporaire du roi, on vote une loi spéciale
qui pourvoit à la régence. C'est le régime de l'Angleterre,
des Pays-Bas, de la Suède et de la Norvège, du Danemark,
de la Belgique, de la Roumanie, de la Serbie, de la Grèce.
Dans les royaumes Scandinaves, les femmes sont exclues; la
loi danoise du M féyr. 1871 stipule que le régent doit
être un homme; la loi de 1810 sur l'ordre de succession
en Suède exclut les femmes et leurs descendants aussi bien
du gouvernement que de la couronne. Dans les autres pays,
nulle exclusion spéciale n'est édictée ; pour la Belgique et
la Roumanie, où les femmes ne peuvent régner, on peut
FEMME
— 160 —
admettre que les Chambres ne les appelleraient pas à la
régence. Au contraire, en Angleterre et dans les Pays-Bas,
qui ont eu des reines, la régence d'une femme semble chose
naturelle; particulièrement dans l'hypothèse où le souve-
rain mineur est une reine, il est tout indiqué de confier la
régence, comme la tutelle, à sa mère. C'est ainsi que la
loi du 2 août 1884 a statué pour les Pays-Bas où la reine
Emma fut appelée à la régence, durant son veuvage, pour
le compte de sa fille mineure. Elle l'exerce depuis 1890.
En Angleterre, la princesse douairière de Galles fut désignée
éventuellement sous George II, puis, sous Guillaume IV, la
duchesse de Kent, en prévision de la minorité de sa fille,
la reine Victoria.
Des cas nombreux où les femmes ont exercé la souve-
raineté dans une monarchie absolue ou constitutionnelle,
on ne peut rien conclure contre elles. Les régences féminines
ont peu réussi en France, mais c'est le cas de toutes les
régences ; dans la péninsule ibérique les règnes des femmes
ont été très troublés, surtout pendant les minorités ; au con-
traire, en Angleterre, Elisabeth et Victoria ont été peut-être
les souverains les plus glorieux de la monarchie despotique
et de la monarchie constitutionnelle ; en Russie, le règne de
Catherine II peut supporter toutes les comparaisons ; celui
de Marie-Thérèse, en Autriche, ne fut pas sans gloire. Il
semble donc que, pour l'exercice de la souveraineté indi-
viduelle, les femmes ne le cèdent en rien aux hommes.
La souveraineté collective. — Le droit monarchique,
par une extension des règles de succession et du droit
familial, a appelé des femmes à la direction des plus grands
Etats. Lorsque le droit populaire a été reconnu, que la
souveraineté a été rendue en tout ou en partie à la nation
et exercée par ses mandataires, quelle place fit-on aux
femmes ? Aucune à l'origine et presque aucune jusqu'à nos
jours. Dans le système du gouvernement représentatif on
leur refuse aussi bien l'électorat que l'éligibilité. On ne
les consulte pas et on ne les admet pas à l'exercice du
mandat politique. La souveraineté collective, qu'elle soit
reconnue à tous les citoyens majeurs ou à une fraction de
censitaires ou de capacitaires, est déniée aux femmes. Elles
n'ont pas de place dans le suffrage universel, du moins
dans l'immense majorité des cas. Pourtant depuis un siècle
on a commencé à revendiquer le vote politique des femmes,
dont la conséquence directe est leur éligibilité. Cette
question, qui ne passionne d'ailleurs pas beaucoup, est à
l'ordre du jour dans plusieurs des principaux pays d'Europe
et d'Amérique. Nous retracerons ici l'historique des ten-
tatives faites pour conquérir le vote politique des femmes,
c.-à-d. leur participation à la souveraineté collective, soit
par voie législative, soit par l'interprétation extensive des
lois existantes.
Ce qui complique le problème et a fourni aux avocats
du suffrage des femmes de forts arguments, c'est que la
notion des pouvoirs attribués aux assemblées politiques, aux
représentants du peuple, s'est complètement transformée
dans les temps modernes. Nous leur attribuons aujourd'hui
la souveraineté politique, alors qu'au moyen âge il s'agis-
sait seulement de représentation d'intérêts corporatifs.
Aussi le moyen âge paraît-il d'abord plus libéral que l'époque
actuelle. Par une application des principes qui réglaient la
propriété, les femmes jouissaient dans plusieurs seigneuries
des prérogatives du pouvoir public ; et dans les élections
aux Etats généraux on voit des femmes roturières prendre
part aux assemblées électorales ; on a cité l'exemple de Fer-
rières, près de Beaulieu (Touraine), pour les villes qui délé-
guèrent aux Etats de Tours en 1308 ; des femmes y votèrent
en leur nom. Pour les Etats de 1560 et 1576, on vit encore
des veuves et des filles propriétaires participer à la rédac-
tion des cahiers. De souveraineté politique il n'était pas
auestion, puisque le monarque la concentrait tout entière.
Il est vrai qu'en revanche l'influence féminine était immense;
le roi fut souvent dirigé par des femmes, à la fin du règne
de Louis XIV, et sous Louis XV le rôle politique des maî-
tresses royales fut très grand. La question précise des droits
politiques des femmes fut posée par les philosophes du
xvme siècle. L'honneur en revient à Condorcet qui définit
le problème et réclama l'égalité avec une grande fermeté.
Son plaidoyer demeure le plus solide qui ait été pro-
noncé en leur faveur ; et il est difficile d'y répondre. Il
figure dans les Lettres d'un bourgeois de Newhaven à
un citoyen de Virginie (1787). Condorcet écrit : « Nous
voulons une constitution dont les principes soient unique-
ment fondés sur les droits naturels de l'homme, antérieurs
aux institutions sociales. Nous pensons que celui de voter
sur les intérêts communs, soit par soi-même, soit par des
représentants librement élus, est un de ces droits. N'est-ce
pas en qualité d'êtres sensibles capables de raison, ayant
des idées morales, que les hommes ont des droits ? Les
femmes doivent donc avoir absolument les mêmes. Aucun
individu de l'espèce humaine n'a de véritables droits
ou tous ont les mêmes, et celui qui vote contre le droit
d'un autre, quels que soient sa religion, sa couleur ou son
sexe, a dès lors abjuré les siens. Vous admettez sans doute
le principe des Anglais qu'on n'est légitimement assujetti
qu'aux taxes qu'on a votées, au moins par ses représen-
tants, et il suit de ce principe que toute femme est en
droit de refuser de payer les taxes parlementaires. Je ne
vois pas de réponse solide à ces raisonnements, du moins
pour les femmes veuves ou non mariées. Quant aux autres,
on pourrait dire que l'exercice du droit de citoyen suppose
qu'un être puisse agir par sa volonté propre. Mais alors
je répondrai que les lois civiles qui établiraient entre les
hommes et les femmes une inégalité assez grande pour
qu'on pût les supposer privées de l'avantage d'avoir une
volonté propre, ne seraient qu'une injustice de plus. » Si
probants que paraissent les arguments de Condorcet, et
bien que la Révolution de 1789 ait été faite au nom des
principes sur lesquels il s'appuyait, la question du droit
des femmes fut tranchée par la négative.
Au moment des élections, l'agitation qui n'était encore
que théorique parut favorable aux revendications féminines,
tant politiques que sociales. Une brochure demande qu'on
les admette aux Etats généraux et proteste contre une assem-
blée d'où reste exclue la moitié de la nation ; dans deux
cahiers des Etats sont réclamés les droits politiques des
femmes. On demande surtout l'égalité sociale et les bienfaits
de l'éducation. On adresse au roi une pétition des femmes
du tiers état qui demandent qu'on leur réserve le mono-
pole de leurs métiers : couture, broderie, modes. Elles
ajoutent : « Nous demandons à être' éclairées, à posséder
des emplois, non pour usurper l'autorité des hommes, mais
pour en être plus estimées, pour que nous ayons les moyens
de vivre à l'abri de l'infortune. » Puis, le mouvement se
propage, l'enthousiasme général gagne les femmes. Elles
présentent une requête à l'Assemblée nationale, un projet
de loi libellé comme suit : « 1° Tous les privilèges du sexe
masculin sont entièrement et irrévocablement abolis dans
toute la France ; 2° le sexe féminin jouira toujours de la
même liberté, des mêmes avantages, des mêmes droits que
le sexe masculin ; 3° le genre masculin ne sera plus re-
gardé dans la grammaire comme le plus noble, attendu que
tous les genres, tous les êtres doivent être et sont égale-
ment nobles, etc. » Puis Olympe de Gouges prend la direc-
tion et publie sa Déclaration des droits de la femme,
pastiche amusant de la fameuse Déclaration des droits de
r homme et du citoyen. « La femme naît libre et égale à
l'homme en droit. Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la nation, qui n'est que la réunion de
la femme et de l'homme. La liberté et la justice consistent
à rendre tout ce qui appartient à autrui. Ainsi, l'exercice
des droits naturels de la femme n'a de bornes que la
tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose. La loi doit
être égale pour tous. Toutes les citoyennes et tous les citoyens
étant égaux à ses yeux doivent être également admissibles
à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur
capacité et sans autres distinctions que celles de leurs vertus
et de leurs talents. La femme a le droit de monter à l'écha-
faud, elle doit avoir également celui de monter à la tri-
bune. » La plupart des hommes politiques refusèrent d'ac-
cepter ces conclusions ; Sieyès était bien disposé pour les
femmes, mais celles-ci trouvèrent contre elles Mirabeau et
Robespierre. Mirabeau, dans son Travail sur l'éducation
publique, publié après sa mort par Cabanis, prend le contre-
pied delà thèse de Gondorcet. Son argumentation est encore,
à peu de choses près, celle des adversaires du suffrage poli-
tique féminin : « L'homme et la femme jouant un rôle
entièrement différent dans la nature ne pouvaient jouer le
même rôle dans l'ordre social, et l'ordre éternel des choses
ne les faisait concourir à un but commun qu'en leur assi-
gnant des places distinctes. Enlever ces êtres modestes et
dont la pratique retenue fait le plus grand charme au cercle
des habitudes domestiques qui font éclore ou du moins per-
fectionnent toutes leurs aimables qualités ; les transporter
au milieu des hommes et des affaires, les exposer aux périls
d'une vie qu'elles ne pourraient apprendre à supporter
qu'en dénaturant leur constitution physique, c'est vouloir
oblitérer cette exquise sensibilité qui constitue pour ainsi
dire leur essence et devient le garant de leur aptitude à
remplir les fonctions inférieures qu'un bon ordre social leur
attribue ; c'est tout confondre ; c'est, en voulant les flatter
par de vaines prérogatives, leur faire perdre de vue les
avantages dont elles peuvent embellir leur existence ; c'est
les dégrader et pour elles-mêmes et pour nous ; c'est, en
un mot, sous le prétexte de les associer à la souveraineté,
leur faire perdre tout leur empire. Sans doute, la femme
doit régner dans l'intérieur de sa maison, mais elle ne doit
régner que là ; partout ailleurs elle est comme déplacée. »
Les terribles préoccupations clés années révolutionnaires ne
laissèrent pas le temps de s'occuper des femmes. Le petit
groupe des politiciennes discrédita leur cause. On finit par
les trouver gênantes et, en 4793, on mit un terme à leurs
manifestations. Le 28 brumaire, elles avaient envahi la salle
du conseil général de la Commune ; Chaumette les invectiva,
les accusant d'abjurer leur sexe, de se faire hommes. Sur
la proposition du comité de Sûreté générale, la Convention
décréta la suppression des clubs et sociétés de femmes et
leur interdit tout rassemblement. Comme le disait Amar,
l'opinion universelle repoussait l'idée que les femmes pussent
exercer des droits politiques et s'immiscer dans les affaires
du gouvernement.
Les saints-simoniens reprirent l'agitation en faveur des
droits politiques des femmes. Après le maître, Enfantin,
dans son appel à la femme, Bazard, puis Pierre Leroux et
Fourier embrassèrent la cause de l'égalité des sexes ; Fou-
rier voulait même que toute fonction fût remplie conjointe-
ment par un homme et une femme. En 1848, les socialistes
portèrent la question devant le pouvoir législatif et Consi-
dérant invita la commission qui élaborait le projet de cons-
titution à y inscrire les droits politiques des femmes. Quand
la démocratie eut prévalu sous la troisième République,
quelques personnes recommencèrent l'agitation. Des péti-
tions furent adressées aux Chambres et au Congrès, sans
nul résultat. Alors, s'inspirant de l'exemple des pays étran-
gers, les femmes portèrent la question devant les tribunaux,
s' efforçant de faire prévaloir la réforme par une simple
interprétation des textes. Ces débats ont un réel intérêt,
parce qu'ils montrent combien peu de chose il suffirait de
changer aux textes pour donner aux femmes l'électorat et
l'éligibilité politique. En 1880, à Paris, lors de la revi-
sion annuelle des listes électorales, des femmes se pré-
sentèrent aux mairies et demandèrent leur inscription, elle
leur fut refusée ; alors elles protestèrent et refusèrent
l'impôt, « laissant aux hommes qui s'arrogent le privilège
de gouverner, d'ordonner, de s'attribuer le budget, le pri-
vilège de payer les impôts qu'ils votent ret répartissent à
leur gré ».Le conseil de préfecture les condamna, déclarant
que si la loi du 21 avr. 1 832 impose la contribution per-
sonnelle et mobilière à tout habitant français et étranger
de chaque sexe jouissant de ses droits et non réputé indi-
gent, les mots « jouissant de ses droits » ne peuvent être
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
164 — FEMME
entendus des droits politiques. En 1885, nouvelle tenta-
tive ; le litige fut porté devant les juges de paix et en appel
devant la cour de cassation par M1Ie Barberousse. Elle
invoquait le caractère d'universalité des lois électorales ;
peu importait que les lois n'eussent pas nommément dési-
gné les Françaises comme appelées à l'exercice du droit
électoral, attendu que le mot « les Français » englobait les
deux sexes, ainsi que cela se fait dans le code civil et con-
formément à l'adage latin : pronunciatio sermonis in
sexu masculino ad utrumque sexum plerumque por-
rigitur. La cour de cassation, par arrêté du 5 mars 4885,
rejeta le pourvoi. Nous reproduisons ses considérants.
« Attendu qu'aux termes de l'art. 7 du C. ciy., l'exercice
des droits civils est indépendant de la qualité decitoyen,
laquelle confère seule l'exercice des droits politiques, et
ne s'acquiert que conformément à la loi constitutionnelle ;
— attendu que si les femmes jouissent des droits civils
dans la mesure déterminée par la loi, suivant qu'elles sont
célibataires ou mariées, aucune disposition constitution-
nelle ou légale ne leur a conféré la jouissance et par suite
l'exercice des droits politiques ; — attendu que la jouis-
sance de ces derniers droits est une condition essentielle
de l'inscription sur les listes électorales ; — attendu que
la constitution du 4 nov. 1848, en substituant le régime
du suffrage universel au régime du suffrage censitaire ou
restreint, dont les femmes étaient exclues, n'a point étendu
à d'autres qu'aux citoyens du sexe masculin, qui jusqu'alors
en étaient seuls investis, le droit d'élire les représentants
du pays aux diverses fonctions électives établies par les
constitutions et les lois; que cela résuite manifestement
non seulement du texte de la constitution de 4848 et des
lois du 44 mars 4849, 2 févr. 4852, 7 juil. 4874 et 5 avr.
4884, mais plus encore de leur esprit, attesté par les tra-
vaux et discussions qui les ont préparés, et aussi par
l'application ininterrompue et jamais contestée qui en a été
faite depuis l'institution du suffrage universel, lors de la
formation première ou de la revision annuelle des listes
électorales ; — d'où il suit qu'en déclarant que la demoiselle
L. B. ne devait pas être inscrite sur les listes électorales,
le jugement attaqué, loin de violer les dispositions de la
loi invoquée par le pourvoi, en a fait une juste application;
— rejette, etc. » L'argumentation des magistrats de la cour
suprême n'est pas très forte ; elle ne réfute pas le mémoire
de la demanderesse ; elle affirme que, n'étant pas admises par
une loi formelle à l'exercice des droits politiques, les femmes
en sont exclues : c'est précisément ce qui est en question;
si l'on applique le système d'interprétation en usage pour
le code civil ce serait le contraire, car le code civil indique
expressément les cas d'incapacité des femmes, et toutes les
fois qu'il ne dit pas le contraire la femme est réputée
capable. Si l'on accepte le même raisonnement pour les
droits politiques que pour les droits civils, il s'ensuivrait
que la loi accorde aux femmes le droit de vote ; il ne suffit
pas d'opposer l'esprit des lois de 1848. M. Ostrogorski
qui a repris toute cette discussion juridique a bien mis en
lumière les vrais points de vue du grand principe que les
incapacités ne se présument pas ; il oppose le principe fon~
damental de la jurisprudence que dans le doute on doit
s'attacher plus à la matière du débat et à la qualité de
l'affaire qu'aux formules verbales. « Cette règle, l'âme de
l'interprétation juridique, est surtout dans le domaine du
droit politique, car le droit public ne formule que les
grandes catégories de la pensée d'un peuple, en ce qui
touche à l'Etat ; il procède souvent par des généralisations
latentes dans la conscience nationale. L'avènement de la
liberté dans le monde moderne a produit un double effet
dans les rapports de l'individu avec l'Etat : il a garanti à
l'homme la jouissance de ses droits personnels, de sa
liberté individuelle dans toutes ses manifestations, et en
même temps il a appelé le citoyen à participer au gouver-
nement de l'Etat. Les droits que le nouveau régime, nommé
vulgairement constitutionnel, est venu prendre sous sa
sauvegarde sont, par leur nature, inséparables de la pér-
il
FEMME
162 -
sonnalité humaine, étant indispensables au plein épanouis-
sement de ses forces matérielles et morales. La libre
jouissance de ces droits individuels, d'ordre public ou
privé, ne doit avoir pour borne que celle d'autres individus.
Tout autre est la participation au gouvernement du pays.
Supposant des conditions de capacité, et n'étant pas indis-
pensable au développement de la personnalité, elle n'est
pas un droit absolu, mais plutôt relatif. Tandis que les
droits du premier ordre sont, pour ainsi dire, préexis-
tants à la loi qui n'intervient que pour régler leur exercice,
l'autre est un droit conféré par la loi. En conséquence,
toutes les fois que la jouissance d'un droit politique est
mise en question, elle se décide, dans le premier cas, selon
qu'il y a une loi qui restreint ce droit, dans le second cas
selon qu'il y a une loi qui le confère. Voilà la règle fon-
damentale de l'herméneutique du droit public.
« Appliquée à la capacité électorale, cette règle nous
fournira le brocard suivant : la jouissance et l'exercice
des droits d'électeur n'appartiennent qu'à ceux qui sont
expressément désignés par la loi. Les femmes, n'étant pas
désignées expressément dans la législation électorale, qui
ne parle que de Français et de citoyens et non de Fran-
çaises et de citoyennes, sont eo ipso exclues du suffrage.
Le terme « tout Français », s'il s'applique par extension
aux deux sexes dans le droit civil, ne se prête point à une
interprétation extensive dans le droit politique. Elle ne
pourrait y être admise qu'en vertu d'une dérogation expli-
cite, établie soit par le droit écrit, soit par le droit non
écrit, par l'usage. Mais, dans l'espèce, la loi positive s'est
abstenue de le faire, et, quant à l'usage, il a été et il est
encore hostile à l'admission des femmes au pouvoir poli-
tique; leur exclusion du pouvoir, comme s'est exprimé
l'orateur de la Constituante, était un des principes « pré-
« existants dans l'esprit de tous les Français ». La consé-
quence est que, au point de vue du droit politique en vigueur,
les femmes ne peuvent pas se faire inscrire sur les listes
électorales selon la loi du 30 nov. 1875, ni faire la décla-
ration de candidature exigée par la loi du 47 juil. 4 889.
L'agitation recommencée à la fin de l'année 4892 en
faveur des candidatures féminines se heurtera donc à une
fin de non-recevoir.
En Angleterre, la question paraît plus avancée qu'en
France. Le point de départ est sensiblement le même.
A l'époque féodale, les femmes exerçant les droits attachés
à la terre, il y a tout lieu de croire qu'elles purent
prendre part à l'élection des membres de la Chambre des
communes. Cela est démontré pour quelques endroits au
xve, au xvie, et même au xvne siècle, spécialement dans les
bourgs à patrons. En 1572, dans le bourg d'Aylesbury, le
patron du bourg, électeur unique, étant mineur, sa mère Do-
rothée Pakinhton nomma deux députés en qualité de lady
of the manor. En 1628, des femmes votèrent au bourg de
Gatton. Dans un débat, en 1739, le président de la cour
observa que le jurisconsulte Hackewell citait un arrêt judi-
ciaire d'après lequel une femme possédant une propriété
à tenure franche (freehold) pouvait voter pour l'élection des
membres du Parlement, si elle était mariée son mari votait
pour elle. Pourtant il paraît que ce n'étaient là que des
exceptions. Le grand jurisconsulte du xvie et xvne siècle,
Edward Coke, dit expressément que les femmes sont liées
par les actes du Parlement bien qu'elles ne prennent en
aucun cas part aux élections, qu'elles aient ou non une
propriété franche. La cour décida en 1739 que, quels que
fussent les précédents, les femmes n'avaient certainement
plus le droit de vote, attendu que « le choix des membres
du Parlement exige une intelligence développée que les
femmes ne sont pas censées posséder ». Néanmoins les
grandes compagnies coloniales qui administraient les Indes,
les territoires nord-américains, étant organisées, comme
des sociétés commerciales, sur la représentation des inté-
rêts, admettait le vote des femmes.
Vaincues sur le terrain du droit traditionnel, les femmes
reprirent la lutte sur celui du droit naturel ; ce fut le
contre-coup de la Révolution française et des doctrines de
J.-J. Rousseau et de l'Assemblée constituante. En 1792,
Mary Wollston Craft publia sa fameuse Vindication of
the rights of women, dédiée à Talleyrand. Des clubs de
femmes se créèrent, comme à Paris. La réaction vint vite,
mais au xixe siècle le germe déposé leva. Dans les agitations
démocratiques, incessantes, les femmes jouèrent un rôle,
et l'école radicale, s'inspirant des principes de la morale,
revendiqua leurs droits ainsi que ceux de tous les autres
opprimés. Leur plus illustre champion fut Stuart Mill. En
toute occasion il revendiqua les droits de la femme. Il dé-
molit complètement l'argument tiré de l'antiquité séculaire,
de l'injustice des rapports entre les sexes. Sur ce point
son langage est irréfutable. « C'est une loi politique natu-
relle que ceux qui subissent un pouvoir d'origine ancienne
ne commencent jamais à se plaindre du pouvoir lui-même,
mais seulement de ce qu'on l'exerce d'une manière oppres-
sive. Il y a toujours eu des femmes pour se plaindre des
mauvais traitements de leurs maris. Il y en aurait eu bien
davantage si la plainte n'était pas la plus grave des pro-
vocations qui appellent un redoublement de mauvais trai-
tements. On ne peut à la fois maintenir le pouvoir du
mari et protéger la femme contre ses abus ; tous les efforts
sont inutiles ; voici ce qui les déjoue. La femme est la
seule personne qui, les enfants exceptés, après avoir
prouvé devant les juges qu'elle a souffert une injustice,
soit replacée sous la main du coupable. Aussi les femmes
n'osent-elles guère, même après les mauvais traitements
les plus odieux et les plus prolongés, se prévaloir des lois
faites pour les protéger, et si, dans l'excès de leur indi-
gnation ou cédant à des conseils, elles y recourent, elles
ne tardent pas à faire tout pour ne dévoiler que le moins
possible de leurs misères, pour intercéder en faveur de
leur tyran, lui éviter le châtiment qu'il a mérité. Toutes
les conditions sociales et naturelles concourent à rendre
à peu près impossible une rébellion générale des femmes
contre le pouvoir des hommes. Leur position est bien dif-
férente de celle des autres classes de sujets. Leurs maîtres
en attendent plus que leurs services. Les hommes ne se
contentent pas de l'obéissance des femmes ; ils s'arrogent
un droit sur leurs sentiments. Tous, à l'exception des plus
brutaux, veulent avoir dans la femme qui leur est plus
étroitement unie, non seulement une esclave, mais une
favorite. En conséquence, ils ne négligent rien pour asser-
vir son esprit. Les maîtres des autres esclaves comptent
pour maintenir l'obéissance sur la crainte qu'ils inspirent
eux-mêmes, ou qu'inspire la religion. Les maîtres des
femmes veulent plus que l'obéissance ; aussi ont-ils tourné
au profit de leur dessein toute la force de l'éducation.
Toutes les femmes sont élevées dès l'enfance dans la
croyance que l'idéal de leur caractère est tout le contraire
de celui de l'homme. Elles sont dressées à ne pas vouloir
par elles-mêmes, à ne pas se conduire d'après leur volonté,
mais à se soumettre et à céder à la volonté d'autrui. Si
nous considérons d'abord l'attraction naturelle qui rap-
proche les deux sexes, puis l'entier assujettissement delà
femme à l'autorité du mari, de la grâce duquel elle attend
tout, honneurs et plaisirs, et enfin l'impossibilité où elle est
de rechercher et d'obtenir le principal objet de l'ambition
humaine, la considération et tous les autres biens de la
société, autrement que par lui, nous voyons bien qu'il
faudrait un miracle pour que le désir de plaire à l'homme
ne devînt pas, dans l'éducation et la formation du carac-
tère de la femme, une sorte d'étoile polaire. Une fois en
possession de ce grand moyen d'influence sur l'esprit des
femmes, les hommes s'en sont servi, avec un égoïsme ins-
tinctif, comme du moyen suprême de les tenir assujetties;
ils leur représentent leur faiblesse, l'abnégation, l'abdica-
tion de toute volonté dans les mains de l'homme comme
l'essence de la séduction féminine. » Stuart Mill s'appuie
sur une des lois fondamentales de la sociologie et de la
politique des temps modernes, à savoir que la réglemen-
tation par le gouvernement des vocations et capacités de
— 463 -
FEMME
chacun est un procédé condamné par l'expérience ; il y a
abus de pouvoir à décider d'avance que certains individus sont
incapables de faire telle ou telle chose ; il n'y a pas besoin
de faire de loi pour que les forgerons aient tous les bras
vigoureux ; la liberté et la concurrence suffisent. Les in-
capacités de la femme sont, avec la royauté, Tunique
exemple où les lois et les institutions prennent des per-
sonnes à leur naissance, et décrètent qu'elles ne seront
jamais, leur vie durant, autorisées à concourir pour certaines
positions. « La subordination sociale des femmes surgit
comme un fait isolé au milieu des institutions sociales
modernes ; c'est une lacune unique dans leur principe fon-
damental; c'est le seul vestige d'un vieux monde intellec-
tuel et moral détruit partout, mais conservé en un seul
point, celui qui présente l'intérêt le plus universel.» Ce
que Stuart Mill veut réaliser d'un seul coup c'est donc
l'égalité complète et tout d'abord en ce qui concerne la
souveraineté politique, car de là dépend et découlera tout
le reste.
Lorsque le philosophe fut entré à la Chambre des com-
munes, l'agitation politique en faveur du vote des femmes
prit une grande importance. Lors de la discussion du bill
de 1867, qui allait appeler au droit de suffrage de nou-
velles couches d'électeurs, Mill prit la parole pour défendre
un amendement substituant au mot homme le mot per-
sonne. Toutes les femmes propriétaires hors mariage
payant en leur nom l'impôt, occupant une maison, eussent
été qualifiées pour l'électorat parlementaire ; 83 voix se
prononcèrent pour l'amendement, 196 contre. Les réfor-
mateurs portèrent alors la lutte sur le terrain juridique.
Ils invoquaient l'acte de lord Brougham qui décidait que dans
tous les actes les mots indiquant le genre masculin seront
censés comprendre les femmes, à moins d'une disposition
expresse en sens contraire ; en outre, ils citaient les précé-
dents ; des femmes avaient exercé le droit de suffrage plusieurs
siècles avant, et aucun acte ne le leur avait retiré. A Man-
chester, une femme inscrite par erreur sur les listes électo-
rales se présenta et vota. Aussitôt, dans beaucoup de villes,
les femmes jouissant du cens électoral demandèrent leur
inscription sur les listes. Les inspecteurs de paroisse, fort
embarrassés, refusèrent en général, mais un bon nombre
inscrivirent des femmes, au moins à titre d'essai pour que la
question pût être plaidée. Les reviseurs et les « cours de
registration » des districts rayèrent en général les femmes.
Cependant, quelques-uns leur reconnurent le droit de vote,
et finalement 230 femmes se trouvèrent inscrites sur les
listes électorales. A Manchester, 5,000 s'étaient pourvues
devant la cour des plaids contre les décisions des reviseurs
(revising barristers) qui leur refusaient le droit de vote.
Leur avocat est devenu depuis le lord chief justice,
c.-à-d. juge suprême. Son prédécesseur rejeta la prétention
des demanderesses, parce que depuis des siècles les femmes
ne votaient plus; le bill de 1832 avait formellement limité
la franchise électorale dans les bourgs aux personnes
mâles, et, depuis lors, notamment lors du vote de la loi
de 1867, l'incapacité des femmes était reconnue comme
un fait de l'assentiment général ; cette loi avait simplement
étendu les franchises existantes et ne leur en avait pas
substitué de nouvelles; l'acte de lord Brougham était donc
inapplicable en l'espèce, car cette loi devait, d'après son
propre libellé, se combiner avec celle de 1832. Les autres
juges adhérèrent à ces conclusions. La question reprise au
nom d'une loi du xve siècle conférant le vote aux francs
tenanciers fut tranchée de même par la cour qui déclara
son précédent arrêt applicable non seulement aux bourgs,
mais à la capacité des femmes d'élire des membres du
Parlement.
Après cet échec, il fallut en revenir à la procédure
législative; plusieurs années de suite, à partir de 1870,
la proposition de conférer le vote aux femmes fut présentée
et chaque fois rejetée. Cependant elles l'avaient obtenu
dans les élections locales, ce qui devint un argument
sérieux. Elles faisaient valoir que la base de la représen-
tation dans le royaume étant une qualification de propriété,
tant pour le gouvernement impérial (du pays) que pour le
gouvernement local, il y avait anomalie et injustice à voir
que, dans le cas où la propriété appartenait à une femme,
la franchise qui y était attachée devenait caduque vis-à-vis
du gouvernement impérial ; que le vote impérial était plus
important que le vote local, attendu que le Parlement
réglant les questions générales relatives aux sexes dans
leur ensemble et à leurs rapports, les femmes s'y trou-
vaient exposées à des injustices, tandis que le gouver-
nement local ne traite les habitants que comme contri-
buables, donc sur le pied d'égalité ; que les inégalités
légales dont les femmes étaient affligées étaient plus
grandes et plus sensibles que celles auxquelles étaient
sujettes les autres classes de la nation avant qu'elles n'aient
obtenu le pouvoir politique. En effet, les femmes avaient
à se plaindre de l'insuffisance des moyens d'éducation, des
restrictions à la liberté qu'elles possédaient d'embrasser
des professions honorables et lucratives, de la difficulté de
gagner leur vie, du manque de sécurité dans la jouissance
de leurs biens et de leurs revenus, une fois qu'elles étaient
mariées, de la privation du droit de tutelle sur leurs
enfants, de la négation des droits de la mère, etc. Ces
griefs et plusieurs autres qui venaient directement de la
législation en vigueur étaient autant d'exemples de l'infé-
riorité où la loi maintenait les femmes. La seule garantie
de bon gouvernement pour les hommes, de même que pour
les femmes, consistait à consulter tous les gouvernés sur
le choix des gouvernants et la confection des lois.
L'effet de ces protestations fut d'attirer l'attention sur
la situation des femmes et de faire voter une série de me-
sures par lesquelles on leur donna satisfaction sur plusieurs
points. Quant à la question fondamentale du suffrage poli-
tique, elle n'est peut-être pas loin d'une solution favo-
rable. La dernière fois qu'un vote a été rendu, iln'yaplus
eu qu'une vingtaine de voix de majorité contre les femmes
et, dans les deux grands partis qui se divisent l'Angleterre,
la majorité semble acquise à la réforme. Le parti libéral
faillit la réaliser en 1884, lors de la nouvelle extension
des droits électoraux ; Gladstone s'y opposa de crainte de
compromettre le succès du bill ; mais Disraeli, lord Car-
narvon et à leur suite le gros du parti conservateur se sont
depuis lors prononcés pour l'admission des femmes à l'élec-
torat politique. Toutefois, lorsqu'ils ont eu la majorité,
ils ont usé de subterfuges pour empêcher la discussion du
bill ; il paraît établi que le jour où viendra un nouveau
débat public, il sera impossible de former une majorité
contre.
Dans la petite île de Man (V. ce mot), où la population
celtique a conservé ses anciennes institutions, les droits
politiques des femmes ont été reconnus ; c'est le seul coin
d'Europe où ils soient en vigueur. Le Parlement de l'île
(Tynwald Court) comprend deux Chambres ; un conseil de
neuf hauts dignitaires et une Chambre (House ofKeys) élue
par des citoyens censitaires. Les lois votées par ce Parle-
ment sont sanctionnées par la reine d'Angleterre, mais en
dehors du Parlement de Grande-Bretagne et d'Irlande. Il
s'agit donc bien d'un pouvoir politique. Une loi du 31 janv.
1881 a accordé l'électorat aux femmes propriétaires de
biens réels d'une valeur locative annuelle de 100 fr. ;
la franchise électorale est plus restreinte que pour les
hommes; ce n'est pas l'égalité complète, parce que la Chambre
haute de l'île de Man s'y est opposée .
Dans les colonies de l'empire britannique l'extension du
droit de vote aux femmes a été réclamée, mais sans succès,
au Canada et dans les principales législatures de l'Austra-
lasie (Victoria. Nouvelles-Galles du Sud, Australie du Sud,
Nouvelle-Zélande). Les anciennes colonies anglaises de
l'Amérique du Nord, qui ont formé le grand peuple des
Etats-Unis, sont plus avancées.
Les premiers colons des futurs Etats-Unis, puritains
imbus des idées bibliques, étaient naturellement très mal
disposés pour les droits politiques des femmes. Ils pensaient,
FEMME
— 464 —
comme leur livre sacré, que dans l'assemblée la femme n'a
d'autre droit que de se taire. Dans les chartes et les cons-
titutions coloniales, on désigne les électeurs comme habi-
tants ou francs-tenanciers, sans préciser le sexe ; mais, en
fait, il semble bien que l'électorat, quoique lié à la propriété,
fût réservé aux hommes. Quand on rédigea après l'affran-
chissement, les constitutions des Etats dans une langue
plus juridique on inséra le mot mâle dans les textes rela-
tifs aux électeurs. Cela ne changeait rien à l'état existant.
On cite une exception, celle du New Jersey, où la consti-
tution de 4776 donna le droit de vote à tous les habitants
réunissant certaines conditions de cens, sans distinction de
sexe. Mais en 4807 on exclut les femmes et les gens de
couleur. Les auteurs de la constitution du Massachusetts
(4780) qui instituait le suffrage universel, motivèrent l'ex-
clusion des femmes en ces termes : « Les femmes, quel que
soit leur âge, sont aussi (comme les mineurs) considérées
comme n'ayant pas acquis assez de discrétion, non par
manque de capacités intellectuelles, mais à cause de la ten-
dresse et de la délicatesse naturelles de leur esprit, de leur
manière de vivre retirée et de leurs devoirs domestiques
variés. Tout cela réuni entrave les rapports avec le monde
extérieur qui seraient nécessaires pour les rendre capables
de s'acquitter du devoir d'électeur. » Ce n'est pas par une
évolution naturelle de leurs conceptions particulières que
les Etats-Unis ont vu grandir l'agitation en faveur du vote
politique des femmes . C'est par une application des théories
sur le droit naturel importées d'Europe. La campagne abo-
litionniste mit ces questions à l'ordre du jour en signalant
à l'attention de tous l'égalité fondamentale entre tous les
humains quels que fussent les différences physiques. Les
chefs des abolitionnistes se rallièrent de bonne heure au
droit des femmes. En 1 848, fut tenue à Seneca (Etat de
New York) une convention de femmes qui revendiqua l'éga-
lité politique comme corollaire de la déclaration des droits
naturels insérée par les fondateurs de la République dans la
proclamation de l'indépendance. Lorsque la guerre de la
Sécession eut procuré le droit de vote aux nègres, les femmes
réclamèrent avec une énergie croissante. Elles s'adressèrent,
comme en Angleterre, au pouvoir judiciaire. Le refus de
payer l'impôt ne servit de rien. On soutint que les consti-
tutions des Etats qui réservaient le droit électoral aux
citoyens mâles étaient en contradiction avec l'amende-
ment XIV adopté en 4868 pour garantir aux nègres la jouis-
sance des droits civiques. Cet amendement porte (V. Cons-
titution, § Etats-Unis) que toutes les personnes nées ou
naturalisées sont citoyens des Etats-Unis et de l'Etat dans
lequel elles résident ; qu'aucun Etat ne pourra rendre de
loi restreignant leurs droits. Le débat fut d'abord porté
devant la cour suprême du district fédéral de Columbia (où
se trouve la capitale Washington). Le tribunal rejeta la
requête, répondant que le droit de vote reposait sur les lois
politiques; quant au droit naturel, il déclara carrément que
« la revendication du droit naturel de tous les citoyens au
suffrage universel implique, dans l'état actuel des lumières,
la destruction dii gouvernement civilisé », et fulmina contre
le suffrage universel un blâme violent, concluant que l'état
de choses dans les grandes villes américaines « démontre
que le droit de vote ne doit pas être et n'est pas un droit
absolu. Le fait seul que le fonctionnement pratique de ce
prétendu droit serait destructif de la civilisation, décide que
ce droit n'existe pas » (oct. 4874). Dans l'Etat de New
York, quatorze femmes se présentèrent pour voter aux élec-
tions présidentielles de 4872 et leurs votes furent reçus.
L'autorité fédérale intervint, les fit emprisonner ainsi que
les inspecteurs qui avaient accepté leurs bulletins. On pour-
suivit la plus ardente, Suzanne Anthony, qui fut condamnée
à l'amende ainsi que les inspecteurs d'élection. En 4874,
une citoyenne de l'Etat de Missouri s'adressa à la cour
suprême des Etats-Unis. Celle-ci décida que l'expression
citoyens des Etats-Unis s'appliquait aux femmes, mais que
la qualité de citoyen n'impliquait pas la jouissance du droit
électoral ; que l'Union n'avait d'autre corps électoral que
les électeurs des Etats; que, dans ceux-ci, le droit de suf-
frage ne coïncidait pas nécessairement avec le droit de
citoyen et que l'amendement XIV ne s'y appliquait pas ; en
conséquence, dans tous les Etats réservant le droit électo-
ral aux citoyens mâles des Etats-Unis, les femmes n'avaient
pas le droit de voter. Les partisans de la cause féminine
ne furent pas convaincus et persistent à croire que la cons-
titution des Etats-Unis donne aux femmes le droit de vote,
mais il fallut s'incliner devant la décision de fait et s'adres-
ser aux législatures des Etats.
Dans les anciens Etats, il n'y avait nulle chance de succès.
On en trouva davantage dans les territoires derniers venus
de la famille politique de l'Union. Ceux-ci élisent leurs
législatures dont le Congrès des Etats-Unis peut casser les
décisions. En 4868, fut créé le « territoire de Wyoming,
qui avait à cette époque une population de 5,000 âmes,
réunie dans quelques villes le long du chemin de fer trans-
continental. La première session de la première législature
du nouveau territoire n'était pas encore finie, quand une
proposition fut déposée à l'effet d'accorder le suffrage à
toutes les femmes ayant dix-huit ans révolus. On l'accueillit
comme une plaisanterie et les amendements proposés au
bill étaient plus facétieux l'un que l'autre ; un législateur
demandait de substituer au mot « femmes » le terme
« femmes de couleur et peaux-rouges » ; un autre préférait
le mot « dames » ; un troisième suggérait de reculer la
limite d'âge à trente ans, en expliquant que, si cet amen-
dement était adopté, le suffrage des femmes resterait lettre
morte. Le bill fut adopté au milieu des rires par l'une et
l'autre Chambre et finalement approuvé par le gouverneur
le 42 déc. 4869. D'après l'un des anciens gouverneurs du
Wyoming, le vote aurait été enlevé par un stratagème d'un
membre malin de la législature. Mais il paraît que ses col-
lègues mirent de la bonne volonté à se laisser tromper ; ils
auraient adopté le suffrage des femmes en vue de faire de
la réclame au Wyoming qui en avait besoin pour attirer
des émigrants et des capitaux. Dès que le gouverneur eût
apposé sa signature au bill, on fit télégraphier la nouvelle
dans toutes les directions, et le territoire, dont le nom
n'était pas même connu, acquit subitement la notoriété
voulue. Ce fut en effet là que pour la première fois le droit
de suffrage complet fut accordé aux femmes. La loi en
question, intitulée An Act to grant to the women o\
Wyoming territory the right of suffrage and to holà
office, prit place dans le code de Wyoming, sous le chap. 50,
dans les termes suivants : « Toute femme de l'âge de
vingt et un ans résidant dans le territoire pourra voter à
toute élection qui aura désormais lieu. Et ses droits à la
franchise électorale et aux emplois seront les mêmes sous
les lois électorales du territoire que ceux des autres élec-
teurs. » La législature suivante vota l'abrogation de la loi ;
mais le gouverneur du territoire mit son veto. Dans l'ex-
posé des motifs qu'il eut à fournir, il insista longuement
sur le droit des femmes de prendre part au gouvernement
de leur pays, et sur les excellents résultats qu'aurait
donné l'exercice du suffrage par les femmes dans le Wyo-
ming. Comme à la nouvelle délibération nécessitée par le
veto, le bill annulant l'acte de 1869, ne réunit pas les
deux tiers des voies réglementaires, le veto eut son plein
effet et le suffrage fut maintenu aux femmes. En 4890, le
territoire de Wyoming fut admis comme Etat. En faisant
sa demande, il a dû, selon la règle établie, « soumettre à
l'approbation préalable du Congrès la constitution du futur
Etat, élaborée dans une convention spécialement élue à
cet effet par le peuple. Le projet de constitution consacrait
le suffrage des femmes, et, soumis en bloc à la ratification
populaire, il fut approuvé. Le Congrès des Etats-Unis de
son côté n'a pas fait d'objection à la clause relative au
vote des femmes, a admis le territoire postulant, et reconnu
ainsi que l'exercice du vote politique par les femmes n'était
pas incompatible avec la constitution des Etats-Unis. »
(Ostrogorski.) Depuis lors, aux élections de 4892, le poste
de procureur général a été conféré à une femme par le
465 —
FEMME
suffrage populaire. L'Etat de Wyoming continue donc de
marcher à la tête du mouvement.
Dans le territoire de l'Utah, les Mormons ont fait voter
une loi (12 févr. 1870) conférant le droit de vote aux
femmes. La persécution dirigée contre cette secte qui a
créé l'Utah a privé les femmes de leurs droits. Le Congrès
a commencé par priver des droits électoraux tous les
polygames des deux sexes (22 mars 1882). Une autre loi
fédérale (févr. 1887) a complètement supprimé le suffrage
des femmes. — Dans le territoire de Washington, c'est à
l'esprit routinier de la magistrature que la réforme s'est
heurtée. Une loi du 22 nov. 1883 avait établi le suffrage
des femmes ; en 1887, la cour suprême du territoire l'an-
nula pour vice de forme, à la suite du pourvoi d'un
condamné en cour d'assises se plaignant delà présence des
femmes dans un jury où ne devaient siéger, d'après la loi,
que des électeurs. La législature vota une nouvelle loi
(18 janv. 1888) confirmant le droit des femmes; la cour
l'annula de nouveau, par un véritable abus de pouvoir,
sous prétexte que l'acte organique du territoire (1853) ne
comprenait pas les femmes parmi les citoyens des Etats-
Unis qui devaient former le corps électoral. Les législa-
teurs du Washington se lassèrent et, quand leur territoire
fut érigé en Etat, ils n'inscrivirent pas l'électorat des
femmes dans leur projet de constitution. Dans d'autres
Etats, les législatures ont accordé le vote aux femmes, dans
le Colorado, l'Orégon, le Nebraska, l'Indiana, le Dakotah
du Sud; mais dans un Etat il faut à une nouvelle loi cons-
titutionnelle la sanction du peuple directement consulté.
Or, les électeurs ont:toujours rejeté le vote politique des
femmes. Dans le Dakotah du Sud on les consulta simulta-
nément sur l'octroi de la franchise électorale aux Peaux-
Rouges civilisés et aux femmes ; ils l'accordèrent aux pre-
miers par 38,676 voix contre 29,593; mais la refusèrent
aux secondes par 45,682 voix contre 22,972. Pourtant, le
mouvement se généralise et gagne les grands Etats. En
1893, il est question d'élire une femme pour représenter
le Kansas au Sénat fédéral. En même temps qu'elles
s'adressent aux législatures des Etats, les femmes tentent
d'obtenir une loi fédérale, un seizième amendement,
semblable au quinzième qui conféra les droits politiques
aux nègres. Mais jusqu'à présent ni le Sénat ni le Congrès
ne se sont laissés convaincre. Néanmoins c'est aux Etats-
Unis que la situation des femmes tant au point de vue social
qu'au point de vue politique est la meilleure.
Dans le royaume des Pays-Bas, en 1883, une femme
demanda son inscription sur les listes électorales ; la cour
suprême décida que le vote des femmes était contraire aux
intentions et aux principes fondamentaux de la constitution.
Lors de la revision de la constitution, en 1887, on eut
soin de mettre le mot mâle dans tous les paragraphes
relatifs à l'électorat et à l'éligibilité.
Si les femmes n'ont pas eu jusqu'à présent grand succès
dans leur tentatives pour obtenir le vote politique dans les
mêmes conditions que les hommes, elles ont du moins
conquis ou conservé un droit de vote indirect dans plusieurs
pays. En Autriche, les diètes provinciales partagent le
pouvoir législatif avec le Parlement impérial (V. Constitu-
tion et Parlementarisme) ; les électeurs des diètes élisent
les députés à ce Parlement. Or, dans ces diètes on a or-
ganisé la représentation des intérêts ; le système résulte
d'un amalgame des vieilles idées féodales et des principes
modernes. Dans la classe de la grande propriété le droit
électoral est territorial ou réel et non pas personnel ; quelle
que soit la personnalité du propriétaire, il est invariable;
seulement la loi a stipulé que, pour l'exercice de ce droit,
lorsque les électeurs seraient réputés incapables, ils seraient
suppléés par des mandataires, les mineurs par des majeurs,
les militaires par des civils, les femmes par des hommes.
Celles-ci ne votent donc pas, mais elles désignent quelqu'un
pour voter en leur nom. La loi électorale (du 2 avr. 1873)
pour le Parlement central est libellée comme suit : « En
général le droit électoral appartient à tout citoyen autri-
chien du sexe masculin, jouissant de ses droits et ayant
vingt-quatre ans révolus. Seulement dans la classe électorale
de la grande propriété (en Dalmatie, des plus imposés), les
femmes, si elles jouissent de leurs droits d'une manière
indépendante, si elles sont âgées de vingt-quatre ans au
moins et non privées de leur droit électoral, sont considérées
comme possédant le droit d'élire. » Elles l'exercent de la
manière déterminée pour son exercice aux élections des
diètes. En Bohême, la femme ne peut déléguer son droit
qu'à un électeur de la même classe; en Galicie, l'époux
vote pour sa femme ; hors mariage la femme désigne son
mandataire. En Moravie, dans la Silésie, le Tirol, le pays de
Salzbourg, le droit électoral des femmes n'est pas limité à
la classe de la grande propriété ; elles le possèdent égale-
ment dans les classes des villes et des communes rurales,
mais seulement à titre de censitaires, car on ne les admet pas
à titre de capacitaires ; la cour suprême l'a décidé pour les
institutrices ; elles exercent leur droit par l'intermédiaire
de leur mari, ou, si elles n'en ont pas, de mandataires. Dans
le Vorarlberg, pas de grande propriété; les femmes ont
leur droit de vote indirect dans les autres classes (villes
et communes rurales). Dans les autres provinces de la
Cisleithanie, les hommes seuls ont le droit de vote (sauf
toujours dans la classe de la grande propriété). Nulle part
et à aucun titre les femmes ne sont éligibles.
En Suède, les femmes jouissent de l'électorat indirect ; la
Chambre haute représente les intérêts et est élue au second
degré par les corps locaux (V. Constitution et Parlemen-
tarisme) ; la base du droit électoral est non le chiffre de la
population des impôts, non la personne, mais la propriété.
Tous les propriétaires en jouissent donc, les femmes comme
les mineurs. Elles sont admises à voter au premier degré
pour la formation des collèges municipaux d'électeurs,
lesquels élisent les corps d'où émane la Chambre haute;
celle-ci est donc issue au troisième degré dans les communes
rurales, au deuxième dans les villes du suffrage féminin.
Une dernière question se pose dans les pays où la femme
n'a pas de droit de vote, même indirect ou par mandataire.
Dans un régime censitaire, « peut-elle communiquer les qua-
lifications de propriété qui constituent le corps électoral ? »
On l'a concédé en France. Dès la Restauration, on jugea
que les contributions foncières payées par une veuve se-
raient comptées à celui de ses fils, à défaut de fils à celui
des petits-fils, à défaut de petits-fils à celui de ses gendres
qu'elle désignerait (loi du 29 juin 1820). La loi du 19 avr.
1831 étendit un peu ce droit électoral très indirect ; il laissa
à la femme toute liberté pour choisir entre ses fils (même
adoptifs), petits-fils, gendres et petits-gendres, celui à qui
elle attribuerait le droit de profiter de son cens pour voter ;
on étendit encore ce droit de la veuve à la femme divorcée
ou séparée de corps. L'Italie a introduit ces dispositions,
mais en les restreignant, dans sa loi électorale. Celle du
24 sept. 1882 dit que les contributions foncières payées par
une femme veuve ou légalement séparée de son mari peuvent
être comptées à un de ses fils, petit-fils ou arrière-petit-fils
désigné par elle. Une clause analogue, introduite dans la
législation luxembourgeoise en 1857, a été supprimée en
1879. Dans beaucoup de pays censitaires, les taxes payées
par la femme ou ses biens sont comptés au mari, en Bel-
gique, en Luxembourg, en Prusse, en Italie, en Roumanie,
dans l'Etat de Rhode Island jusqu'en 1872, en Angleterre
et en Ecosse jusqu'en 1882. Mais ceci ne peut vraiment pas
être considéré comme un droit de la femme ; ce serait plutôt
l'inverse.
En somme, le seul pays où l'on reconnaisse à la femme
les mêmes droits politiques personnels qu'à l'homme est
l'Etat de Wyoming. Dans plusieurs pays européens, où le
droit électoral repose sur la propriété, la femme en a le
bénéfice ; directement dans l'île de Man et presque au même
titre que l'homme ; indirectement en Suède ; en l'exerçant
par mandataire dans plusieurs des pays de l'empire d'Au-
triche ; enfin, en Italie, elle peut dans quelques cas délé-
guer ses taxes pour parfaire le cens électoral d'un membre
FEMME
— 466 —
de sa famille. Il résulte de là que, sauf dans un Etat amé-
ricain de 100,000 hab., l'égalité personnelle de la femme
et de l'homme n'est encore admise nulle part en ce qui con-
cerne la souveraineté politique.
Le gouvernement local. L'énorme prépondérance prise
dans les sociétés modernes, et particulièrement en France
par l'Etat centralisé, a privé de la plupart de leurs attri-
butions les communautés plus petites ; celles-ci ont été
évincées peu à peu par les agents de l'administration cen-
trale ; cependant presque partout elles ont conservé quelque
autonomie pour la gestion des intérêts économiques locaux.
L'exemple de l'Angleterre a prouvé le grand avantage du
self-government, de l'administration locale exercée par
les représentants directs de la société et non par des agents
d'une bureaucratie centralisée (V. Etat). « Le type premier
du self-government, la communauté de village au moyen
âge avait, pour origine, pour base et pour raison d'être, la
gestion des biens communs. C'était une association natu-
relle, spontanée, sans caractère public. Avec toute l'auto-
nomie qu'elle avait réussi à acquérir, ses libertés tenaient
si peu de l'ordre politique qu'elle put vivre sous les régimes
les plus despotiquement organisés. » Elle se retrouve dans
l'Inde moderne, comme dans la Russie et dans l'Europe où
elle coexistait avec le servage. Elle procède du régime de
la propriété collective et se maintient pour la gestion des
biens indivis, des communaux, allmenden, etc. « Non
qu'elle s'élève à la notion de la personne ; au contraire,
lès villageois ne distinguent pas la commune indépendam-
ment des individus qui l'habitent. Les affaires communales
ne leur paraissent pas pouvoir être décidées autrement que
par tous et chacun ; pour que la commune fasse quelque
chose, il faut, d'après eux, que chacun de ses membres lève
le bras ; pour qu'elle marche dans telle ou telle direction,
que chacun allonge le pied. » De là leur extrême répu-
gnance à admettre la loi des majorités. Dans presque tous
les pays, l'Etat se décharge sur les pouvoirs locaux d'une
partie de sa tâche ; l'Egypte ptolémaïque, l'empire romain,
la France moderne sont presque les seuls Etats où les choses
aient fini par se passer autrement. Il en résulte qu'à peu
près partout les organes du gouvernement local ont un
caractère et une compétence qui tiennent à la fois de l'ordre
privé et de l'ordre public.
Voilà pourquoi nous voyons les femmes y prendre place.
Dans les assemblées de village de la France « où venait
qui voulait, qui devait, qui pouvait », voisins et voisines
(dans le sens du mot latin vicinus), les femmes, filles,
veuves se rendent aussi bien que les nommes ; leur consen-
tement, remarque Babeau, augmentait la validité du contrat,
qui n'obligeait pas ceux qui n'y étaient pas mentionnés.
C'est une conséquence du droit de propriété; en Bourgogne,
en Bigorre, on cite plusieurs exemples de la participation
dès femmes à ces assemblées ; toutefois ce fut, semble-t-il,
l'exception. La Convention, par décret du i\ juin 4793,
décida que, pour les délibérations relatives aux biens com-
munaux, tout individu de tout sexe ayant droit au partage
et âgé de vingt et un ans, aurait droit de voter. L'établis-
sement du suffrage universel a dépouillé les femmes de ce
dernier droit, de même que la réorganisation de la France
par les révolutionnaires avait tout absorbé dans les droits
politiques, fondant les communautés de village dans la
commune. Vainement le saint-simonien Pierre Leroux
proposa d'accorder aux femmes l'électorat municipal; l'As-
semblée législative rejeta son amendement (24 nov. 4851).
Il en résulte que la France, avec l'Espagne et le Portugal,
est de tous les pays celui qui élimine le plus radicalement
les femmes de la vie publique.
C'est la conséquence de ce principe auquel tout a été
sacrifié : le droit personnel. Partout où le vote communal a
conservé sa base réelle, se fonde sur la propriété, posses-
sion de biens ou payement de taxes, les femmes en béné-
ficient comme les nommes. Partout où il a perdu son carac-
tère d'ordre privé, surtout sous le régime du suffrage
universel où il se confond avec le vote politique, les femmes
en sont exclues. Notre civilisation moderne est une civili-
sation urbaine. M. Ostrogorski montre que les nouveaux
besoins qu'elle a créés dans les villes y ont multiplié et
compliqué les attributions publiques à un tel degré que,
réunies à celles déléguées par le pouvoir central, elles
donnent au gouvernement local des villes un caractère qui
le fait approcher de l'Etat. Le vote municipal y confine au
vote politique ; en conséquence, le vote communal des
femmes est généralement limité aux communes rurales.
En Angleterre, il existe un très grand nombre d'organes
de gouvernement local (V. Angleterre, Paroisse, Ville,
Comté, Bourg, etc.). Dans les paroisses, pour la répartition
des taxes, l'élection du conseil (vestry), on vote en raison
de la propriété, les femmes comme les hommes. Dans les
unions de paroisses administrées par un board of guar-
dians, les femmes votent pour l'élection de ces guardians.
Le vote a lieu à domicile. Dans les assemblées plénières,
les femmes viennent comme les hommes. Elles peuvent
aussi prendre part aux réunions de l'assemblée de la
paroisse ecclésiastique, mais on cherche à y restreindre leur
intervention. Elles sont éligibles aux fonctions paroissiales,
spécialement à celles de guardians et peuvent être nom-
mées à celles d'inspecteurs (de la taxe des pauvres, les
mêmes que les inspecteurs d'élection). Si nous passons aux
agglomérations urbaines, nous voyons que, dans les bourgs
municipaux, la loi de 4835 a réservé l'électorat aux per-
sonnes mâles; mais, en 4869, Bright le fit aux femmes,
se fondant sur ce que, dans les « villes non incorporées »,
municipalités en formation, on le leur avait conservé. Le
statut municipal de 4882, codifiant la législation antérieure,
porte : « Pour toutes les fins relatives au droit de vote
dans les élections municipales, les mots indiquant dans cet
acte le genre masculin comprennent les femmes. » Mais
cette franchise ne s'étend qu'à la femme hors mariage et
payant l'impôt ; la femme mariée, même séparée, en est
privée. Pourtant, lorsqu'en 4884 on étendit le vote muni-
cipal des femmes à l'Ecosse, on le concéda à la femme
séparée. L'éligibilité n'a pas été donnée aux femmes dans
les villes. — Mais, quand on organisa les institutions sco-
laires (4870), on attribua l'élection des schools boards
aux électeurs municipaux, femmes comprises, et les femmes
y furent déclarées éligibles. — Enfin, en 4888 et 4889,
quand furent établis des conseils de comté élus pour l'An-
gleterre et l'Ecosse, on adopta les conditions de l'électorat
municipal ; l'éligibilité fut refusée aux femmes. Elles pro-
testèrent et, grâce à l'appui du parti radical, deux d'entre
elles furent élues au conseil du comté de Londres, la fille
de Cobden et lady Sandhust; le conseil, désignant un tiers
de ses membres par cooptation, élut une troisième femme.
L'élection de lady Sandhust fut annulée par les tribunaux ;
le lord chief justice, qui avait plaidé en 4868 pour le suf-
frage parlementaire des femmes, dut, en présence du texte
formel de l'acte de 4882, se prononcer contre elles. Dans
l'acte de 4889 pour l'Ecosse, le Parlement inséra une
clause déclarant les femmes inéligibles aux conseils de
comté. — En Irlande, les femmes n'ont aucun droit élec-
toral ni dans les comtés, ni dans les municipalités, ni dans
les paroisses.
Dans les pays Scandinaves (Suède, Norvège, Danemark,
Islande, Finlande), les règles suivies sont diverses. En
Danemark, les femmes sont exclues du gouvernement local.
— En Norvège, elles le sont aussi, excepté pour l'adminis-
tration 'scolaire; la loi de 26 juin 4889 leur a conféré
l'éligibilité aux comités scolaires ; elles peuvent (si elles
ont des enfants) voter pour l'élection des inspecteurs ; voilà
pour les villes. Dans les communes rurales, elles sont
admises aux assemblées de district qui votent le budget
scolaire, décident les affaires scolaires et élisent les inspec-
teurs ; elles sont éligibles aux fonctions d'inspecteur. —
En Islande, les magistrats des communes (krapper) et dis-
tricts (sysler) sont élus par des électeurs censitaires ; la
loi du 42 mai 4882 admet à voter les veuves et autres
femmes non mariées qui ont leur propre ménage ou
467
FEMME
occupent d'une autre manière une situation indépendante.
Elles peuvent aussi prendre part à l'assemblée paroissiale
qui gère les affaires ecclésiastiques. — En Suède, dans
les assemblées plénières des contribuables des communes
rurales, comme pour l'élection des conseils municipaux, les
femmes non mariées peuvent voter personnellement ou par
délégation, comme les hommes. Elles votent de même pour
élire les conseils provinciaux (landstings). Les femmes
ne sont éligibles qu'aux comités municipaux d'assistance
publique et au comité scolaire de Stockholm. — En Fin-
lande, la loi du 6 févr. 1865 a donné aux femmes l'électo-
rat communal à peu près dans les mêmes conditions qu'en
Suède ; elles ne sont éligibles qu'aux bureaux d'assistance
des pauvres.
En Allemagne, les femmes jouissent du droit de suffrage
municipal dans les communes rurales, mais jamais dans les
villes. Nous avons expliqué pourquoi ; les communes rurales
sont essentiellement des corporations privées, des associa-
tions pour des fins économiques, auxquelles un minimum
d'attributions publiques a été délégué par des nécessités
géographiques. Elles n'ont pas de -juridiction de police.
Dans les six provinces orientales de la Prusse, dans la
Westphalie, les lois du 14 avr. et du J9 mars 1856 ont
consacré le vote des personnes du sexe féminin qui pos-
sèdent des immeubles donnant droit au vote ; elles doivent
se faire représenter, les femmes mariées par leur mari,
les autres par un des électeurs du sexe masculin. De
même dans le Slesvig-Holstein (loi du 22 sept, 1867).
Dans la Province rhénane, la législation française subsiste
en grande partie et les femmes sont exclues. Pour les
assemblées cantonales ou de cercles (Kreistag), les femmes
non mariées votent par représentants dans le groupe de la
grande propriété. On sait que les diètes des cercles élisent
les assemblées provinciales. — Dans le Brunswick, les
femmes non mariées délèguent leur droit de vote dans les
communes rurales (loi du 17 mars 1850). — En Saxe, le
vote communal est accordé aux femmes comme aux hommes ;
non mariées ou séparées elles votent en personne ; mariées,
elles délèguent leur droit au mari. En aucun cas les
femmes ne sont éligibles.
En Autriche, dans les communes, parmi le groupe des
contribuables, les femmes votent par représentation. Il est
question de leur accorder le vote personnel ; la diète de
la Basse- Autriche l'a proposé en janv. 1891. Elles sont
exclues du vote municipal dans les villes et de toute éligi-
bilité.
En Russie, dans le mir ou communauté de village,
l'assemblée se compose des chefs de ménage ; la femme
veuve ou celle dont le mari est absent y vient et exerce
les mêmes droits que les hommes. Wallace présente à ce
sujet les observations suivantes qui sont assez curieuses
(Russia, Londres, 1887). « Sur des questions relatives
aux affaires générales de la communauté elles parlent
rarement, et si elles se hasardaient à énoncer leurs opi-
nions dans de pareilles occasions, elles auraient peu de
chance d'être écoutées ; car les paysans russes ne sont pas
encore imbus des doctrines modernes sur l'égalité des
femmes, et ils expriment leur sentiment sur l'intelligence
féminine par l'adage peu gracieux « femme a le cheveu
long, mais l'esprit court ». Selon un proverbe, sept femmes
n'ont ensemble qu'une âme; et, d'après un autre dicton,
encore moins galant, elles n'ont point d'âme du tout, mais
seulement de la vapeur à la place. Donc, la femme, comme
femme, ne mérite pas beaucoup de considération. Mais
une femme en particulier, comme chef de ménage, a droit
de parler sur toutes les questions qui affectent directement
le ménage dont elle a charge. Si, par exemple, il était
question d'augmenter ou de diminuer la part au sol ou les
charges de son ménage, on la laisserait parler sur le sujet
librement et même se livrer quelque peu à des invectives
personnelles contre ses contradicteurs mâles. Elle s'expose,
il est vrai, à des observations peu flatteuses; mais, si elle
en reçoit, elle les rendra probablement avec intérêt, en
s'en prenant avec une virulence pertinente aux affaires
domestiques de ceux qui l'attaquent. Quand les raisons et
les invectives n'auront pas porté, elle essayera l'effet d'un
appel pathétique accompagné de larmes abondantes, mé-
thode de persuasion à laquelle le paysan russe est singu-
lièrement insensible. » — Pour les assemblées territoriales
de district élues par les propriétaires d'immeubles imposés,
les femmes votent par mandataires ; elles peuvent désigner
à leur choix leurs père, mari, fils, beau-fils, petit-fils,
frère ou neveu; de même pour les conseils municipaux,
elles choisissent leur mandataire entre leurs père, mari, fils,
beau-fils et frère, mais aussi parmi des étrangers, pourvu
que ces derniers aient le cens municipal. Dans l'ordre de
noblesse, la femme peut de même transmettre son droit de
vote à son mari, fils 'ou beau-fils et, à leur défaut, à un
étranger. Le fait caractéristique du système russe c'est
l'émancipation de la femme mariée; nulle part, sauf en
Moravie, nous ne l'avions constaté en Europe.
Hors d'Europe, le gouvernement local a été institué dans
les colonies anglaises, et la question de la participation des
femmes s'y est posée. Les femmes indépendantes, payant
les taxes municipales, ont obtenu le droit de vote, lequel est
attaché à la possession ou à l'occupation des biens réels.
Au Canada, la province française de Québec, le Nouveau-
Brunswick, l'île du Prince-Edouard écartent les femmes ;
la province anglaise d'Ontario a concédé aux femmes le
droit de vote aux élections municipales, aux plébiscites
municipaux, aux commissions scolaires et les éligibilités
corrélatives, mais seulement aux femmes non mariées ou
veuves. Dans le territoire du Nord-Ouest, toutes les femmes
jouissent de ces droits ; dans le Manitoba et la Colombie
britannique, les femmes mariées majeures ; dans la Nou-
velle-Ecosse, celles seulement dont les maris n'ont pas le
droit de vote. Dans l'Australasie, toutes les colonies ont
accordé le suffrage municipal aux femmes dans les condi-^
tions de la franchise paroissiale en Angleterre, subordonné
à la possession ou à l'occupation de biens réels et gradué
selon le montant des impôts ; le vote est conféré sans dis-
tinction de sexe.
Aux Etats-Unis, les femmes n'ont pas plus l'électorat et
l'éligibilité municipale que politique, parce que dans ces pays
de suffrage universel les deux se confondent presque. Les
Etats de la Nouvelle-Angleterre y sont particulièrement
opposés. Le Wyoming a donné le droit de vote aux femmes
dans la commune comme dans l'Etat ; le Kansas leur a
donné, en 1887, l'électorat et l'éligibilité aux fonctions
municipales et scolaires. Une exception a pourtant été faite
en beaucoup de lieux ; elle est relative aux écoles primaires
publiques. On a concédé d'abord aux femmes l'éligibilité
aux comités scolaires : Pennsylvanie, 1873; Illinois, 1874;
Iowa, 1876; Louisiane, 1879 ; Californie, 1880 ; Indiana,
1881; Maine, 1883, et Rhode-Island. Le Massachusetts,
qui l'avait accordé en 1874, en induisit que les femmes
pourraient voter pour l'élection de ces comités (1879).
Depuis, une quinzaine d'Etats ont fait la même concession :
Colorado, Dakotah du Nord et du Sud, Idaho, Michigan,
Minnesota, Monutana, New Hampshire, New Jersey, New
York, Oregon, Vermont, Washington, Wisconsin, plus le
territoire d'Arizona; ajoutez le Kentucky (1887) et le
Nebraska (1889) qui n'ont accordé aux femmes que l'élec-
torat sans l'éligibilité, mais seulement aux femmes qui ont
des enfants d'âge scolaire ; les étrangers ont les mêmes
droits.
La délégation du cens pour l'électorat communal est per-
mise à la femme en Italie et en Belgique, en faveur de ses
fils ou gendres ; en Roumanie, en faveur des fils, gendres,
père ou frères.
En résumé, dans la sphère du gouvernement local, les
femmes ont l'électorat en Grande-Bretagne et dans ses
colonies, dans les Etats de Wyoming et Kansas, en Suède,
Islande, Finlande et Russie, dans les communes rurales de
Prusse, Saxe, Brunswick et d'Autriche. Elles ont le vote
scolaire dans un bon nombre d'Etats de l'Union américaine
FEMME
— 168 —
et en Norvège. Elles ont l'éligibilité aux postes d'adminis-
tration scolaire dans la moitié des Etats-Unis, en Grande-
Bretagne, en Norvège et à Stockholm ; aux postes d'assis-
tance publique en Angleterre, en Suède, en Finlande ; à
toutes les fonctions municipales au Wyoming et au Kansas.
Elles votent personnellement partout, sauf en Russie, en
Autriche et en Prusse.
Le contraste que l'on observe entre le monde latin où
la femme n'a pas d'électorat municipal et le monde anglo-
saxon, germanique ou slave, où elle l'a généralement, tient
surtout à ce que, dans les pays latins, on a réalisé le progrès
qui attribue la participation au gouvernement local au
citoyen, tandis que dans les autres elle est déterminée par
les biens, par l'attache au sol ; nous retrouvons ici, comme
dans tout le cours de l'étude sur la condition de la femme,
cette loi fondamentale que les progrès dans le sort des
femmes se sont accomplis essentiellement par le droit de
propriété.
Les droits publics individuels. — Les droits politiques
dont nous avons parlé jusqu'à présent sont relatifs à la
souveraineté et à la vie collective ; mais, à côté de ceux-là,
et plus essentiels, sont les libertés individuelles dont l'or-
ganisation sociale ne doit limiter l'exercice que dans la
mesure strictement nécessaire. Ce sont ces droits qui ont
été proclamés par la déclaration de 1789 comme primor-
diaux, antérieurs et supérieurs aux droits positifs dérivant
du droit naturel, la liberté individuelle, l'inviolabilité du
domicile, la liberté de conscience, la liberté de parole et
avec elle la liberté de la presse, la liberté de réunion, la
liberté d'association. Les constitutions françaises et, à leur
exemple, celles des autres pays (V. Constitution), les ont
consacrés sous le titre de droits publics individuels. L'exis-
tence des gouvernements emporte limitation plus ou moins
étroite de ces droits. Il nous faut examiner encore si là
encore nous retrouverons une inégalité entre les sexes. Le
principe juridique est ici inverse de celui qui règle les droits
politiques ; toutes les fois que la loi n'édicte pas à ren-
contre des femmes exclusion ou restriction d'un droit pu-
blic individuel, elles sont censées le posséder, tandis que,
pour les droits politiques dérivés de l'Etat social, la capacité
ne se présume pas à défaut d'autorisation formelle de la
loi. Il faut distinguer deux catégories : les droits humains,
comme la liberté individuelle ou la liberté de conscience
qui ne comportent nulle différence d'âge, de sexe ou de
nationalité, et les droits publics proprement dits par lesquels
l'individu sort de son moi, agit sur la collectivité, liberté
de pétition, de réunion, d'association, de la presse.
Le droit de pétition n'est pas un véritable droit ; c'est
une faculté dont aucun pouvoir politique n'a refusé l'exer-
cice à ses sujets; seulement, on a établi dans les pays
libres des règles touchant la manière dont il s'exerce et
les suites qu'il peut espérer. Cela est naturel en ce qui
touche surtout les pétitions collectives. En Angleterre, les
femmes ont le même droit que les hommes en cette ma-
tière. En France, on proposa de le limiter, c.-à-d. de
déclarer irrecevables les pétitions des femmes et des mi-
neurs. L'Assemblée législative faillit enlever aux femmes
le droit de pétition; les orateurs de la gauche et notam-
ment Schœlcher le leur firent maintenir.
Le droit de réunion, confondu d'abord avec celui d'asso-
ciation, fut exercé dans les premières années de la Révo-
lution française par les femmes. Elles en abusèrent
incontestablement. Leur participation aux sociétés, aux
séances des clubs, aux manifestations révolutionnaires, fut
une cause efficace de désordre matériel et moral. La Con-
vention décréta la suppression des clubs et sociétés do
femmes le 9 brumaire an II, après une vive discussion où
Amar et Bazire démontrèrent qu'elles étaient funestes à la
tranquillité publique. On mit en cause les aptitudes poli-
tiques des femmes qui furent révoquées en doute ; vaine-
ment Charlier soutint qu'on ne pouvait les priver d'un
droit commun à tout être pensant. L'année suivante,
le 4 prairial an III, la Convention dépouilla également les
femmes du droit de réunion en les excluant de toute assem-
blée politique, leur interdisant provisoirement l'entrée de
ses tribunes et interdisant tout attroupement de plus de
cinq femmes. — Quand la seconde République eut restauré
le droit de réunion, les femmes en profitèrent sur-le-champ ;
mais, dès le 28 juil. 1848, un décret les exclut des clubs.
— La législation actuelle permet aux femmes d'assister
aux réunions publiques, sauf aux réunions électorales,
mais elles ne peuvent faire la déclaration préalable. Elles
n'ont pas plus que les hommes la liberté d'association;
leur régime est le même : l'autorisation officielle. — En
Allemagne, elles sont exclues des associations et réunions
politiques ; de même en Autriche.
La liberté de la presse est limitée par la responsabilité
du gérant. En France, les femmes peuvent exercer la
gérance depuis la loi de 1881, sauf autorisation maritale,
s'il y a lieu. En Allemagne et en Autriche, de même, le
rédacteur responsable peut être une femme indépendante.
En Espagne, en Bulgarie, elles sont exclues. En Russie et
en Finlande, le gouvernement les admet.
Quelques libertés sont intermédiaires entre les droits
individuels d'ordre privé (liberté de conscience) et d'ordre
public (liberté de réunion) ; leur exercice fait dépasser au
citoyen la sphère de sa vie intime, mais son activité garde
le caractère privé. Il s'agit de la liberté d'instruction et de
la liberté des professions. La liberté d'instruction n'est
réellement en jeu que pour l'enseignement supérieur ; pour
les autres formes, les restrictions adoptées dans l'ensei-
gnement public ou privé résultent simplement de la néces-
sité de séparer les sexes. L'enseignement supérieur est
donné à un âge où ces difficultés n'existent plus guère
parce qu'il s'agit d'adultes responsables d'eux-mêmes.
Mais dans cet enseignement il y a eu une grande répu-
gnance à' admettre les femmes. La question fut tranchée
d'emblée en leur faveur en France où on les laissa suivre
les cours de l'enseignement, lequel est public, et conquérir
les grades universitaires. Quant à l'usage à faire de ces
grades pour l'exercice d'une profession ou d'une fonction
publique, c'est une autre question qui se règle d'après
d'autres principes. En Suède, les femmes furent admises
aux universités en 1870. En Norvège, on les assimila aux
étudiants mêmes pour les bourses en 1884. En Danemark,
on leur accorda l'entrée aux cours et l'accès aux grades,
sauf dans la faculté de théologie. En Italie (1876), en
Suisse, elles ont aussi forcé la porte des universités.
Celles-ci restent fermées en Allemagne et en Autriche. La
Russie leur a ouvert des instituts spéciaux, de même
l'Italie et l'Angleterre, où d'ailleurs l'université de Londres
et l'université Victoria les admettent et leur décernent des
grades académiques; aux Etats-Unis, elles sont encore
exclues de quelques universités libres.
Dans les professions en dehors des fonctions publiques,
quelques-unes sont réglées par la loi, par exemple lors-
qu'on exige un diplôme qui prouve la capacité. Le principe
est celui de la liberté absolue ; les mœurs régleront la part
des femmes ; c'est le cas pour la médecine et la pharmacie
spécialement, professions ouvertes aux femmes en France,
par exemple. Dans d'autres pays on a cru devoir les auto-
riser formellement, en raison du préjugé contraire, en
Angleterre (1876), aux Pays-Bas (1870), en Belgique
(1876), en Suède, en Russie (1890) ; dans les pays ger-
maniques, Allemagne et Autriche-Hongrie, elles sont
exclues des professions, puisqu'elles ne peuvent recevoir
l'enseignement supérieur ni conquérir ses diplômes.
En dernier lieu, il nous faut traiter ici de droits atta-
chés à la capacité civile, bien qu'ils relèvent de l'activité
privée, parce qu'en raison de leur caractère quasi public,
les législateurs en ont privé les femmes ; c'est là une fidé-
lité déplorable aux règles du droit romain fait pour une
société toute différente. Nous parlons ici des fonctions de
témoin instrumentaire et de tuteur d'où le code civil a
exclu les femmes. En Italie, à l'île Maurice, au Canada
(Québec), on leur a rendu le droit de témoignage ; elles en
- 169 —
FEMME
demeurent privées, comme de la tutelle, en France, en Es-
pagne, en Autriche (sauf exceptions), en Allemagne. Au
contraire, en Russie, leur droit reste intact.
Les fonctions et charges publiques. — Nous avons vu
quelle part minime était laissée aux femmes dans la souve-
raineté politique, comment non seulement leurs droits col-
lectifs, mais leurs droits publics individuels étaient res-
treints. Il nous reste à voir dans quelle mesure elles sont
associées à l'exercice de la puissance publique, investies
d'une délégation de l'Etat. Dès le début nous indiquerons
le double aspect de la question : l'Etat a des serviteurs de
catégories bien différentes ; les uns sont investis d'une part
de la puissance publique, les autres sont simplement des
employés comme ceux dont un propriétaire privé utiliserait
et rémunérerait les services. Il faut distinguer entre les offi-
ciers publics et les employés. En qualité d'employés pour
les postes, par exemple, pour l'enseignement public, il n'y
a aucune raison d'exclure les femmes ; ce sont des profes-
sions qui n'ont pas de caractère public intrinsèque ; ce carac-
tère résulte simplement de la qualité du patron ; on pour-
rait en dire autant de la bureaucratie, même centrale, de
la comptabilité, des menus emplois auxiliaires de l'adminis-
tration, lesquels sont pourtant réservés aux hommes, mais
pourraient bien ne pas l'être longtemps. Quant aux fonc-
tions politiques proprement dites aux offices publics, ils sont
presque partout réservés aux hommes, exactement comme
l'électorat politique. La magistrature suprême a été déférée
à des femmes par l'hérédité dans les monarchies ; de même
celles-ci purent, notamment en Angleterre, hériter de
grandes charges de l'Etat, haut connétable, grand chambel-
lan, champion au couronnement, sheriff, etc. ; mais elles
les ont toujours déléguées à des hommes, sauf la comtesse
Anne de Pembroke qui remplit en personne, au début du
xvii* siècle, l'office de sheriff de Westmoreland. Mais les
modernes ont distingué complètement le droit privé du droit
public, et la fonction publique ne peut plus être exercée que
dans l'intérêt de l'Etat. Aucune fonction judiciaire ne peut
être conférée à une femme sauf dans l'Etat de Wyoming,
où elles ont l'égalité complète, et dans celui de Kansas où
elles peuvent être juges de paix. Exclues par nature de
l'état militaire, les femmes le sont de cette hiérarchie, mal-
gré quelques singularités comme celles des sœurs Fernig,
lieutenants de cavalerie sous Dumouriez, de Geneviève Pre-
noy, lieutenant dans le régiment de Condé,de Marie Schel-
link qui avança jusqu'au grade de sous-lieutenant dans
l'armée de Napoléon. Ce sont là des bizarreries sans con-
séquence. Reste l'ordre administratif qui n'est pas comme
l'ordre judiciaire une délégation immédiate de la souverai-
neté. Les femmes peuvent être nommées à des postes de
l'ordre administratif inférieurs à ceux qui n'impliquent que
l'exécution d'ordres transmis d'en haut, l'application de
règles tracées par les supérieurs. Tout dépend ici des con-
sidérations de service et d'ordre pratique dont les chefs des
administrations sont seuls juges. Il ne peut donc pas être
tracé de ligne de démarcation précise. Certains Etats de
l'Union américaine ont fait la distinction en réservant les
fonctions supérieures aux hommes ; mais, tant dans les Etats
que pour le service public fédéral, on emploie très largement
les femmes. Les détails et les statistiques seront données
dans l'art. Industrie où nous réunirons tout ce qui est
relatif aux professions exercées par les femmes. Celles-ci
ont accès aux Etats-Unis à l'enseignement public, aux fonc-
tions médicales, à l'administration municipale ou générale,
aux postes et télégraphes, à l'inspection du travail et des
prisons des femmes, aux bibliothèques publiques, même au
secrétariat des chefs militaires, etc. En Europe, l'enseigne-
ment leur est ouvert, sauf l'enseignement supérieur où elles
ne sont parvenues qu'exceptionnellement à Stockholm et à
Pise, sans que dans d'autres pays il y ait impossibilité légale
à leur nomination à une chaire de faculté. En Russie, on a
pris en 1874 un règlement général qui admet les femmes
dans l'enseignement public, les emplois subalternes du ser-
vice médical, les bureaux des télégraphes, la comptabilité
de l'enseignement féminin, mais l'interdit dans tous les
autres services publics. En France, on les emploie large-
ment dans l'enseignement, les postes, les télégraphes^ On
les admet encore à quelques emplois secondaires, à l'ins-
pection des prisons, etc. Elles sont électrices et éligibles au
conseil supérieur de l'instruction publique et ont plusieurs
sièges réservés au conseil départemental. Ces conseils, sur-
tout le premier, ont des pouvoirs de juridiction administrative.
Les tribunaux de commerce, élus par une catégorie de
citoyens, les commerçants, sont fermés aux femmes, les-
quelles ne sont ni éligibles ni électeurs. En 1883, lors
de la réforme qui étendit le suffrage à tous les commerçants
patentés , Mme Maria Deraismes pétitionna en faveur du
droit des femmes. La Chambre des députés, favorable à
l'amendement qui les assimilait aux hommes, ne l'écarta
que pour hâter le vote de la loi. En 1889 elle vota un
projet de loi introduisant parmi les électeurs les commer-
çantes (5 juil.) ; le Sénat n'a pas statué. En mars 1892,
le gouvernement a proposé la même assimilation pour les
élections aux conseils des prudhommes.
Nulle part les femmes ne sont admises à faire partie
du jury, même dans les Etats de Wyoming et de Washington
où elles eurent ce droit pendant quelques années.
Les officiers ministériels qui prêtent leur concours à
l'exercice de la justice sont réglementés par l'Etat, de qui
ils tiennent leur fonction directement (greffiers) ou indi-
rectement (notaires, etc.). Dans toute l'Europe, les femmes
sont exclues de ces offices, spécialement du notariat qui
est le principal et souvent le seul. Aux Etats-Unis, elles y
sont arrivées dans quelques Etats, les règles variant de
l'un à l'autre; ceux d'Ohio et de Wisconsin ont fait des
lois spéciales (1879 et 1883) pour admettre les femmes
aux fonctions de notaire public.
La profession d'avocat est liée à l'ordre judiciaire de
telle sorte, qu'au moins clans les pays où elle constitue un
monopole elle a quelque chose du caractère public. Peut-
elle être accessible aux femmes ? La question est à l'ordre
du jour. Le droit romain leur est opposé. Elles étaient
admises d'abord an forum à Rome, mais (vers l'an 40 av.
J.-C.) C. Afrania aurait, par son attitude scandaleuse,
déterminé le préteur à interdire aux femmes de postuler
pour autrui. Le code Théodosien les laisse plaider pour
elles-mêmes; le code Justinien exclut absolument les
femmes de tout office civil ou public, des fonctions de
juge, de magistrat, et leur interdit de paraître en justice.
Le droit coutumier du moyen âge conserve ces interdic-
tions. Dans quelques cas, des femmes furent autorisées à
plaider leur propre cause. Depuis un quart de siècle, les
femmes ont essayé de s'ouvrir la profession d'avocat. Aux
Etas-Unis, à partir de 1869, les tribunaux admirent fré-
quemment des femmes à prêter le serment d'avocat, et par
suite à entrer au barreau ; mais l'admission n'était valable
que pour le tribunal qui l'accordait et des dissidences se
produisirent surtout dans les tribunaux supérieurs.
La cour suprême décida que c'était aux tribunaux ou
aux législatures de chaque Etat à édicter les conditions.
Dans les Etats de l'Ouest, les femmes furent aisément accep-
tées ; dans ceux de l'Est, la magistrature résistait; les
législatures de nombreux Etats autorisent les femmes à
exercer la profession d'avocat (Californie, Illinois, Iowa,
Massachusetts, Minnesota, New York, Ohio, Wisconsin).
Une loi fédérale du 15 févr. 1879 décida que toute femme
qui aurait été durant trois ans membre du bureau de la
cour suprême d'un Etat ou territoire pourrait exercer
devant la cour suprême des Etats-Unis. — En Russie, où
la profession d'avocat était libre avant 1874, des femmes
l'exerçaient, mais depuis qu'elle est réglementée, l'empereur
a décidé (7 janv. 1876) que les femmes en sont exclues
comme des autres services publics. — Dans les pays où les
femmes ne peuvent prendre les grades juridiques, elles sont
ipso facto écartées du barreau. Dans ceux où il n'y a pas
de barreau organisé, on paraît devoir les admettre en Suède,
on les a écartées en Suisse. En Roumanie, la cour de Bu-
FEMME — FEMORALE
— 170 —
carest a reçu une femme a prêter le serment d'avocat.
En France, la question n'a pas été posée, mais elle a été
tranchée contre les femmes dans les pays voisins qui ont la
même organisation, en Italie et en Belgique. En Italie,
Lydie Poët fut reçue par le conseil de l'ordre des avocats,
mais exclue par la cour d'appel et la cour de cassation.
Celle-ci développa les arguments suivants (cf. Santoni de Sio,
La donna e î'avvocatura, Rome, 4884). « La profession
d'avocat ne peut se comparer à aucune des autres profes-
sions, pour l'exercice desquelles il suffit d'avoir accompli un
cours d'études et obtenu un diplôme ; les fonctions d'avocat
constituent plus qu'une profession ; elles sont une sorte
d'office public et nécessaire, et tandis que ceux qui exercent
d'autres professions sont libres de prêter le concours qui
leur est réclamé, les avocats ne peuvent refuser le leur,
notamment dans le cas où le magistrat l'ordonne. Les con-
sidérant comme auxiliaire de la justice, la loi italienne les
a organisés en collèges ayant une représentation légale,
leur a attribué des titres spéciaux pour parvenir à la magis-
trature, pour être nommés préteurs, juges, conseillers
d'appel et de cassation après l'exercice de la profession
d'avocat pendant une certaine période de temps. Si les
femmes étaient admises au barreau, elles pourraient aussi
exercer ces charges de judicature ; mais telle n'a pu être
la pensée du législateur. La profession d'avocat étant ainsi
un office public, ou tout au moins une sorte d'office public,
il ne suffit pas, pour admettre les femmes à son exercice,
de dire que dans la législation actuelle aucune disposition
ne prononce leur exclusion. Il faudrait se trouver en pré-
sence d'un texte qui déclarât la femme capable d'occuper
tous les offices et charges tant publics que civils. » — En
Belgique, en 4888, Mlle Popelin fut écartée par la cour
de Bruxelles, conformément aux conclusions du procureur
général qui invoqua le droit romain, l'esprit de la législation
et le fait que l'avocat exerce une fonction judiciaire. Les
conseils de la demanderesse invoquaient l'équité, le fait
que l'avocat n'est pas un fonctionnaire, mais un citoyen
privé. La question est très controversée, en raison du carac-
tère mixte de la profession d'avocat ; mais les tendances
relativement routinières de la magistrature laissent peu de
chance aux femmes d'entrer au barreau autrement qu'en
vertu d'un texte législatif précis.
En résumé, nous voyons que, sauf de rares exceptions, la
femme est écartée des fonctions publiques et même des offices
connexes partout où elle l'est de la souveraineté politique,
mais qu'on lui ouvre largement les emplois administratifs
secondaires. Cela vérifie une fois de plus notre remarque
que l'amélioration de la condition sociale de la femme ren-
contre bien moins d'obstacles que l'amélioration de sa
situation politique. Comme dans la société féodale, il se
pourrait que l'une entraînât l'autre. Il se peut aussi que
les théoriciens de l'école radicale réussissent par la seule
force de l'idée de justice à faire passer dans la loi l'égalité
complète de l'homme et de la femme. A.-M. B.
XI. Industrie. — Le rôle économique des femmes,
l'amélioration de leur situation dans la société contempo-
raine, les professions qui leur sont ouvertes ou fermées
par les mœurs ou les lois, les conditions spéciales où elles
se trouvent dans les fabriques, l'influence de leur travail
sur la vie domestique, etc., toutes ces questions sont trop
étroitement liées au problème de la division du travail, de
l'organisation moderne de la grande industrie, de la régle-
mentation du travail et de la protection des salariés par
l'Etat, etc., pour qu'il n'y ait pas avantage à traiter l'en-
semble du sujet dans l'art. Industrie.
XII. Pédagogie (V. Filles [Education des]).
XIII. Musique (V. Voix).
Bibl. : Egyptologie. — Maspero, Cours du Collège de
France, 1887. — E. Révillout, Cours de droit égyptien.
Droit grec. — Lallier, De la Condition de la femme
dans la famille athénienne ; Paris, in-8. — Lewy, De Civili
Conditione mulierum Grsecarum, 1885.
Droit romain. — Gide, Etude sur la condition privée
de la femme; Paris, 1885, 2e éd., par Esmein, pp. 98-163,
in-8. — Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles, 1876,
1. 1, § 13, p. 403, 3 vol. in-8, 4« éd. — Laboulaye, Recherches
sur la condition civile et politique des femmes ; Paris,
1843, pp. 11-76, in-8. — Marquardt, la Vie privée des
Romains, trad. Henry; Paris, 1892, t. I, pp. 69 et suiv.,
2 vol. in-8. — Fustel de Coulanges , la Cité antique;
Paris, 1876, p. 96, in-12, 6e éd. — Gaston May et Henri
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Paris, 1892, pp. 80, 196, in-12.
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condition civile et politique des femmes ; Paris, 1843.
— Giraud, Essai sur l'histoire du droit français au moyen
âge ; Paris, 1846, t. 1er. — Laferrière, Histoire du droit
civil de Rome et du droit français ; Paris, 1846-58, 6 vol.
in-8. — Kœnigswarter, Histoire de l'organisation de la
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Mariage civil et le divorce ; Paris, 1880, 2a éd. (t. I des
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sur l'histoire du droit français, nouv. édit. publ. par
M. Ed. Laferrière ; Paris, 1885, 2 vol. in-8.— Paul Gide,
Etude sur la condition privée de la femme ; Paris, 1885,
2e éd., avec additions et notes, par A. Esmein, in-8. — Paul
Viollet, Précis de l'histoire du droit français ; Paris,
1886, in-8. — Pardessus, Loi salique; Paris, 1843, in-4.
— Paul Viollet, les Etablissements de saint Louis, 1. 1,
introduction, p. 143. — Pothier, Traité de la puissance du
mari. — Rathery. Recherches sur Vhistoire du droit de
succession des femmes, dans Revue de législ. et dejurispr.,
1843, t. XVIII.
Politique. — Bebel, Die Frau in der Vergangenheit,
Gegenwart und Zukunft ; Zurich, 1883. — Bridel, la
Femme et le Droit ; Lausanne, 1884. — Cosson, la Condi-
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giuridica délia donna; Turin, 1881, 2Ô éd. — S. Mill, l'As-
sujettissement des femmes, trad. Cazelles; Paris, 1876,
2e éd.— Stanton, The Woman Question in Europe; New
York, 1884. — M. Ostrogorski, la Femme au point de
vue du droit public; Paris, 1892.— L. Giraud, la Condition
des femmes au point de vue de V exercice des droits publics
et politiques ; Paris, 1892. — J. Chauvin, les Professions
accessibles aux femmes; Paris, 1892.
FÉMORALE. 1° Aponévrose fémorale. L'aponévrose
fémorale ou crurale est un large manchon fibreux qui entoure
les muscles de la cuisse. Très épaisse en dehors, elle
constitue là ce que l'on a appelé le fascia lata. — Sa face
superficielle répond à la peau. Au-dessous du pli de Faine
(triangle de Scarpa) elle est percée d'un grand nombre
de petits trous vasculo-nerveux : c'est pour cette raison
qu'on a donné le nom de fascia eribriformis à cette
portion de l'aponévrose fémorale. A 1 ou 3 centim. au-
dessous de l'arcade de Fallope, elle est traversée par la
veine saphène interne sous laquelle elle forme un pli falci-
forme appelé repli d1 Allan Burns on ligament deHey.
— De sa face profonde se détachent deux cloisons épaisses
qui vont se fixer aux lèvres interne et externe de la ligne
âpre du fémur pour constituer les cloisons intermusculaires
interne et externe qui partagent la cuisse en deux loges
musculaires, l'une antérieure, l'autre postérieure. De cette
même face proviennent enfin d'autres cloisons plus mipces
qui constituent des gaines aux muscles (gaines musculaires)
et aux vaisseaux (gaine des vaisseaux fémoraux). La gaine
des vaisseaux est étroitement unie aux vaisseaux, excepté
au niveau du triangle de Scarpa où elle prend la forme
d'un entonnoir et se confond avec les parois du canal
crural (V. Crural [Canal]).
2° Arcade fémorale. L'arcade fémorale, arcade crurale,
ligament de Fallope ou de Poupart, est une bandelette
fibreuse étendue obliquement de l'épine iliaque antérieure
et supérieure à l'épine du pubis. Elle limite avec le bord
antérieur de l'os coxal un espace qui établit une large
communication entre l'abdomen et la cuisse. Cet espace est
lui-même subdivisé en deux canaux par une bandelette
fibreuse, la bandelette iléo-pectinée, qui s'étend de l'arcade
à l'éminence iléo-pectinée du pubis. Dans le canal interne
passent les vaisseaux fémoraux ; dans l'externe le muscle
psoas-iliaque et le nerf crural ; le premier constitue l'an-
neau crural, le second le canal iliaque de Velpeau. L'ar-
cade crurale détache en dedans, sous le nom de portion
réfléchie, une lamelle triangulaire qui s'attache sur la
crête pectinéale et constitue le ligament de GimbernaL
L'arcade fémorale est une sorte d'intersection fibreuse entre
les aponévroses de l'abdomen et de la cuisse. ,Par sa face
supérieure, elle reçoit l'insertion des muscles petit oblique
et trans verse de l'abdomen dans son tiers externe, et se creuse
— 171 —
FÉMORALE - FÉMUR
en gouttière dans ses deux tiers internes pour constituer
la paroi inférieure du canal inguinal (V. Inguinal [Canal]) ;
son bord antérieur se confond avec l'aponévrose du grand
oblique et l'aponévrose fémorale ; à son bord postérieur se
fixe le fascia transversalis .en dedans et le fascia iliaca en
dehors.
3° Artère fémorale (V. Crurale [Artère], t. XIII,
p. 516). Ch. Debierre.
FÉM U R. I. Anatomie. — L'os de la cuisse, intermédiaire
au bassin et à la jambe, est le type des os longs. Chargé
de supporter le poids du corps et de le transmettre à la
jambe dans la station bipède, c'estchez l'homme qu'il acquiert
son maximum de développement. Entouré d'une forte épais-
seur de chairs, il est divisé, pour l'étude, en un corps ou
diaphyse et deux extrémités, supérieure et inférieure, sa
direction étant oblique de haut en bas et de dehors en
dedans, en même temps que d'avant en arrière. Le corps
est une colonne sensiblement incurvée, à concavité posté-
rieure, et, de plus, légèrement tordue sur son axe. Examiné
à sa partie moyenne, il présente une surface de section qui
affecte la forme d'un triangle à base antérieure, à angles
latéraux arrondis, à sommet postérieur. C'est reconnaître au
corps fémoral trois faces et trois bords. La face antérieure est
arrondie, plus large en bas qu'en haut. La face interne est
plane et s'élargit inférieurement en devenant postérieure.
La face externe plus étroite s'excave légèrement. Les bords
externe et interne sont arrondis. Sur le bord postérieur,
rugueux et plus ou moins saillant, d'où le nom de ligne
âpre qui lui a été donné, se distinguent deux lèvres sé-
parées par un interstice, où s'insèrent des muscles. La
ligne âpre se bifurque en haut ; la branche externe de la
bifurcation s'allonge jusqu'à une saillie que nous décrirons
plus bas appelée grand trochanter, tandis que la branche
interne rejoint une saillie moindre {'petit trochanter). La
ligne âpre se divise de même inférieurement, et la branche
interne de cette division, interrompue pour le passage de
l'artère fémorale, s'allonge jusqu'à une éminence très pro-
noncée, destinée à l'insertion du tendon du muscle grand
adducteur. L'intervalle compris entre les deux branches de
la bifurcation inférieure de la ligne âpre s'appelle espace
poplité, du nom des vaisseaux qui lui répondent. C'est sur
la ligne âpre que siègent les trous nourriciers de l'os.
A l'extrémité supérieure du fémur, insérée obliquement
sur la diaphyse, on décrit : une tête, un col et deux
éminences, les grand et petit trochanter s, La tête repré-
sente les deux tiers d'une sphère régulière limitée par
une ligne sinueuse. Un peu au-dessous et en arrière du
centre de sa surface, elle offre une dépression destinée à
donner insertion au ligament interarticulaire. Le col du
fémur, support de la tète, aplati d'avant en arrière, est
obliquement dirigé, de manière à faire avec le corps fémo-
ral un angle ouvert en bas et en dedans, d'une ouverture
variable suivant les sexes, les âges et les individus. Sa
base est limitée en arrière et en haut par le grand tro-
chanter, en arrière et en bas par le petit trochanter, réu-
nis postérieurement par une crête saillante à laquelle s'in-
sère le muscle carré de la cuisse. En avant, la base du col
fémoral est limitée par une ligne rugueuse qui, partie du
grand trochanter, passe au-dessous du petit trochanter et
va rejoindre la ligne âpre. Situé à la partie postéro-externe
de l'extrémité supérieure du fémur, le grand trochanter,
qui apparaît immédiatement sous la peau à la région supé-
rieure et externe de la cuisse, fournit un important point
de repère anthropométrique et chirurgical. Quadrilatère,
aplati de dehors en dedans, il offre une face externe convexe
fournissant insertion au moyen fessier et terminée infé-
rieurement par une crête saillante où s'attache le muscle
vaste externe ; une face interne, creusée d'une excavation
(cavité digitale) où s'insère le muscle obturateur externe ;
un bord supérieur, surface d'attache des muscles petit
fessier, pyramidal et obturateur interne; un bord antérieur
où s'attache le muscle vaste externe, et enfin un bord pos-
térieur destiné à l'insertion du carré de la cuisse. Le petit
trochanter est situé en dedans, en arrière et en bas de la
base du col du fémur ; il donne insertion au tendon du
muscle psoas iliaque.
Quant à l'extrémité inférieure du fémur, son volume est
considérable. Plus large dans le sens transversal, elle est
aplatie d'avant en arrière et présente deux renflements plus
prononcés en arrière, convexes, les condyles du fémur,
offrant chacun une surface articulaire. L'un d'eux, externe,
situé à peu près sur le prolongement du corps de l'os, est
séparé du condyle interne, très saillant en dedans, par une
échancrure postérieure profonde (échancrure intercon-
dy tienne). Antérieurement, au contraire, les condyles ne
se distinguent que par une gorge où se loge la rotule. A
cbacun des condyles on décrit : une facette inférieure,
articulaire, convexe, plus arrondie en arrière, répondant à
des surfaces articulaires du tibia et de la rotule. La facette
inférieure du condyle interne est plus saillante en arrière
que celle du condyle interne. En outre, le condyle externe
possède une facette interne, et le condyle interne une fa-
cette externe fortement excavées donnant insertion aux
ligaments croisés de l'articulation du genou. Enfin il existe
pour le condyle interne une facette externe, et pour le
condyle externe une facette interne, munies chacune d'un
renflement ou tubérosité. La tubérosité interne, dont il a
été fait mention plus haut, plus saillante, supporte le tuber-
cule du grand adducteur. Sur la tubérosité externe se remar-
quent deux dépressions, dont l'une, inférieure, en forme de
gouttière, donne insertion au tendon du muscle poplité.
Le fémur est intéressant à étudier à plus d'un titre. Le
docteur Manouvrier l'a choisi pour comparer son poids avec
le poids du crâne. Les anthropologistes étudient sur lui un
certain nombre de caractères morphologiques (fémurs à
pilastres, indices de section, angles diaphysaire, cervico-
diaphysaire) dont la description appartient à la préhistoire,
et susceptibles d'être mesurés exactement et soumis au
calcul (application de la méthode des moyennes).
On emploie à cet effet un appareil fort simple (ostéo-
mètre) composé de deux planchettes assemblées à angle
droit. Sur la plus longue des planchettes, horizontale et
convenablement graduée, on applique le fémur de manière
à ce que les deux condyles soient tangents à la seconde.
On mesure ainsi les projections de la hauteur totale du fé-
mur par rapport au point le plus élevé de sa tête, la hauteur
du grand trochanter au-dessus du plan sous-condylien, etc.
D'autres mesures linéraires sont prises à l'aide du compas-
glissière. Les angles sont mesurés à l'aide d'un rappor-
teur à aiguille. — La hauteur totale du fémur est de 40 à
50 centim. en moyenne.
En représentant par sa projection sur le plan horizontal
de l'ostéomètre l'axe de direction de la diaphyse, on déter-
mine facilement l'angle que cet axe fait avec la verticale,
par abréviation angle diaphysaire, mesure de l'obliquité
du corps de l'os par rapport au plan médian antéro-posté-
rieur du squelette. L'angle cervico-diaphysaire est celui
que font ensemble l'axe de la diaphyse et l'axe du col du
fémur. L'obliquité de la diaphyse étant plus prononcée en
général chez les femmes, à cause de l'écartement plus
grand des cavités cotyloïdes, lié à la fonction de parturition,
la mensuration de l'angle diaphysaire constitue un carac-
tère anatomique intéressant pour le diagnostic du sexe,
surtout s'il concorde avec des dimensions linéaires res-
treintes. Dr G. Kuhff.
IL Pathologie. — Le fémur qui constitue le squelette de
la cuisse s'articule en haut avec la cavité cotyloïde de l'os
iliaque pour former l'articulation coxo-fémorale et en bas
avec le tibia avec lequel il forme l'articulation du genou.
Laissant de côté les maladies des deux extrémités de l'os
(ostéites diverses du tissu spongieux) qui ont des rapports
trop intimes avec les maladies de t ces articulations pour
que nous puissions les en distraire, nous n'étudierons que
les fractures du fémur. Quant aux ostéites dia-épiphysaires,
maladies infectieuses favorisées par l'âge du sujet dont le
épiphyses n'ont pas encore terminé leur soudure avec le
FÉMUR — FENAISON
\n -
diaphyses ; quant aux nécroses consécutives et à l'interven-
tion qu'elles exigent ; quant aux tumeurs des os (ostéo-
sarcomes observés souvent au fémur, tumeurs à myélo-
plaxes, chondromes, cysto-chondromes, kystes simples ou
hydatiques des os, tumeurs pulsatiles des os, etc.), elles ne
sont point différentes au fémur de ce qu'on les observe ail-
leurs et, renvoyant à ces mots, nous ne nous en occu-
perons pas.
Fractures du fémur. Les fractures du fémur se divisent
naturellement en fractures du corps et des deux extrémités.
Les fractures de l'extrémité supérieure présentent deux va-
riétés très importantes : les fractures intra-capsulaires pour
lesquelles la consolidation osseuse est l'exception et les frac-
tures extra- capsulaires pour lesquelles la consolidation os-
seuse est la règle. Le diagnostic différentiel de ce sortes
de fractures a fait l'objet de recherches très importantes
d'A. Cooper et de Malgaigne. S'il est vrai, ainsi que nous
venons de le dire, que la fracture intra-capsulaire ne se con-
solide presque jamais par un cal osseux, ils jugeaient, avec in-
finiment de raison, qu'il est inutile de maintenir au lit, pour
un résultat impossible à atteindre, les malades, ordinairement
des vieillards, exposés, de ce fait, à divers accidents et à la
mort. Mais les auteurs plus modernes ont démontré que ce
diagnostic différentiel est impossible ; on arrive à des pré-
somptions, jamais à la certitude. Dès lors la douleur, l'im-
potence du membre, son raccourcissement, son renverse-
ment en dehors de façon à coucher sur le lit le membre
inférieur tout entier par sa face externe, quelquefois la
crépitation et la mobilité anormale qu'il faut chercher avec
précaution afin de ne pas détruire les engrènements, les
pénétrations des fragments, ayant fait le diagnostic de la
fracture et donné quelques indications sur la variété, il
n'y a plus qu'à se préoccuper de l'âge du sujet. Est-il fort
âgé et par suite est-il dangereux de le tenir couché et
n'est-il ni possible ni indispensable de songer à une con-
solidation osseuse, alors la conduite à tenir se borne à
prescrire le séjour au lit pendant le temps nécessaire à la
guérison des accidents inflammatoires. Bientôt il faudra
faire marcher le malade avec des béquilles en augmentant
graduellement la durée de la marche et l'amplitude du
mouvement. Le sujet est-il plus apte à supporter le décu-
bitus, on prescrira le séjour sur un lit dur en appliquant
une longue attelle externe. On ne pensera pas à l'extension
continue si mal supportée par les vieillards. Si le sujet est
encore vigoureux et modérément âgé, il y a lieu de songer
à rétablir les fonctions en diminuant les déformations et le
raccourcissement. La gouttière de Bonnet à laquelle on
ajoute la traction continue avec des bandes de diachylon
formant une anse à laquelle s'adapte une bande de caout-
chouc ou des poids, constitue un appareil convenable ; la
contre-extension est faite simplement par le poids du corps
mis en situation déclive en soulevant les pieds du lit et
plus ou moins maintenu par une alèse entourant la racine
du membre et venant se fixer au chevet du lit. L'appareil
d'Hennequin, en maintenant le membre inférieur en demi-
flexion, en abduction et en laissant au malade la latitude
de s'asseoir sur son lit est une modification heureuse de la
gouttière de Bonnet avec extension et contre-extension.
Fractures de la diaphyse. Elle peut siéger dans tous
les points de la diaphyse et être produite par des causes
directes (coup de pied de cheval , roues de voiture, balles)
ou par des causes indirectes (chute ; quelquefois, mais rare-
ment, contraction musculaire). Les plaies par cause directe,
surtout celles par balle ou éclat d'obus, peuvent se com-
pliquer de plaies des parties molles ; elles acquièrent alors
toute la gravité des fractures ouvertes, augmentée encore
en raison des grands fracas de l'os, des fissures diaphy-
saires qui les accompagnent.
En raison de l'épaisseur du périoste chez l'enfant et
aussi chez les vieillards, les fractures du fémur peuvent se
produire sans lésion de cette membrane et par suite sans
déplacement, mais chez l'adulte le périoste est ordinaire-
ment rompu et, par suite, ne porte aucune entrave aux
déplacements que nous allons décrire. Le trait de fracture
est quelquefois, mais rarement, presque transversal et
dentelé; d'autres fois, et plus souvent, il est oblique en
bas et en avant ou en bas et en dedans ; on a observé au
fémur des fractures en spirale. Le déplacement existe
presque toujours ; il se fait de telle sorte que le fragment
supérieur se porte en dehors et en avant, formant un angle
à sommet antéro-externe avec le fragment inférieur qui subit
la rotation en dehors par suite du poids du membre. Le
raccourcissement du membre constaté à la vue ou par la
mensuration, l'impotence fonctionnelle, la mobilité anor-
male, la crépitation sont les signes habituels de la fracture
qui s'accompagne souvent d'hydarthrose précoce du genou
par entorse consécutive au traumatisme fracturant. La durée
du traitement est de 20 jours chez l'enfant, de 35 à 60
chez l'adulte qui ne reprend d'ailleurs l'intégrité de ses
fonctions qu'après six mois ou un an. Le pronostic, malgré
la possibilité de raideurs articulaires trop souvent obser-
vées, est bénin aujourd'hui où l'on n'a plus à craindre les
énormes raccourcissements notés par les anciens chirur-
giens. Le traitement de ces fractures a fait de grands
progrès avec l'emploi de l'appareil à bandelettes de dia-
chylon et à traction continue, dit appareil américain, qui
assure et maintient la réduction sans douleur et sans enve-
loppement du membre. L'appareil d'Hennequin a délivré
définitivement les chirurgiens du cauchemar des raccour-
cissements exagérés, et rendu supportable pour le malade
la cure d'une fracture, autrefois si pénible et si aléatoire.
Fractures de V extrémité inférieure. Les fractures de
l'extrémité inférieure du fémur présentent les variétés sus-
condyliennes, à trait transversal au-dessus des condyles;
intra-condy tiennes, le fragment supérieur ayant pénétré
entre les condyles qu'il a fait éclater et qu'il tient parfois
séparés ; enfin la fracture isolée d'un condyle, ou fracture
condy tienne. Ces fractures sont très rares ; elles tirent
surtout leur gravité des complications articulaires et des
lésions vasculaires qui peuvent les accompagner. La mobi-
lité anormale, la crépitation convenablement recherchée, le
déplacement des fragments feront le diagnostic. La traction
continue avec l'appareil américain ou celui d'Hennequin
constitue le meilleur traitement.
A côté de la fracture sus-condylienne et lui ressemblant
beaucoup se place la divulsion de l'épiphyse observée quel-
quefois sur les jeunes gens de moins de vingt ans. Nous
ne faisons que la mentionner. Dr S. Morer.
Bibl. : Pathologie. — Beaunis et Bouchard, Nouveaux
Eléments d'anatomie descriptive et d'embryologie; Paris,
1862. — Tillaux, Traité d'anatomie topographique, 3e éd.
— FoLLiNetDuPLAY, Traité élémentaire de pathologie ex-
terne; Paris, 1868-1888. — Bouilly, Manuel de pathologie
externe; Paris, 1885, t. IV. — Forgue et Reglus, Traité
de thérapeutique chirurgicale; Paris, 1892.
FÉMY (François ou Franz), dit Fémy VAîné, violoniste,
né à Gand le 4 oct. 4790, fils aîné du musicien belge
Ambroise Fémy. Il fut élève de Kreutzer pour le violon,
au Conservatoire de Paris, où il obtint les premiers prix
de violon et d'harmonie. Il a fait partie de l'orchestre des
Variétés et a voyagé en Allemagne, en France, en Hollande.
On lui doit un opéra allemand, Der Raugraf; un opéra-
comique, les Trois Hussards ; quatre symphonies ; trois
concertos pour violon et orchestre, dont le plus connu a
pour titre le Quart d'heure ; trois quatuors pour violons,
alto et basse ; un quatuor concertant ; quatre recueils de
duos (au nombre de 21), écrits pour deux violons; des
variations pour violon principal avec accompagnement de
quatuor à cordes sur Joseph ; la romance et les couplets
de Cendrillon, et l'air connu : Que ne suis-je la fougère.
Fixé en Hollande, Fémy l'Aîné y a été considéré comme un
virtuose sans rival sur le violon. • A. E.
FENAÏA (V. Fenaya).
FENAIN. Corn, du dép. du Nord, arr. de Douai, cant.
de Marchiennes; 2,546 hab.
FENAISON (Agric). La fenaison ou fanaison est l'opé-
ration qui consiste à récolter l'herbe des prairies et à la
— 173 —
FENAISON — FÉNELON
convertir en foin. Elle comprend d'abord la fauchaison
qui s'effectue à la faux ou à la faucheuse mécanique
(V. ces mots); puis le fanage, qui consiste à éparpiller et
soulever l'herbe qui a été fauchée dans le but de la sécher ;
ce fanage se pratique avec des fourches en bois avec les-
quelles on soulève et on éparpille l'herbe, d'autres fois le
fanage s'effectue avec la faneuse mécanique (V. ce mot).
Une fois l'herbe desséchée, on la réunit en tas au moyen
de râteaux à main ou mécaniques, enfin on procède au
bottelage (V. ce mot). Alb. L.
FENAROLI (Fedele), musicien italien, né à Lanciano,
dans les Abruzzes, probablement en l'année 1732, mort à
Naples le 1er janv. 1818. Elève de Durante au conserva-
toire de Loreto, à Naples, il devint professeur au conser-
vatoire de la Pietà de' Turchini. Son enseignement, peu
profond, était du moins très clair, et il a formé de bons
élèves. On lui doit un petit traité d'harmonie intitulé Piegole
per i principianti di Cembalo, qui a été traduit en fran-
çais. Dans un Principe de composition des écoles d'Italie,
Choron a introduit un certain nombre de basses chiffrées
(partimenti) empruntées au livre de Fenaroli. Fenaroli a
également écrit des études de contrepoint, des cantates à
deux voix et beaucoup de morceaux de musique religieuse,
entre autres douze motets, des leçons, des répons, deux
Te Deum, quatre messes solennelles, un Requiem, un
Veni Creator, un hymne pour la fête de saint Michel, etc.
FENAY. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant. de Gevrey-Chambertin ; 569 hab.
FENAY A ou F EN AÏ A. Tribu berbère d'Algérie, dép. de
Constantine, arr. de Bougie, habitant sur la rive gauche
de l'oued Sahel les pentes des montagnes qui se rattachent
au Djurdjura. Elle s'adonne surtout à la culture des oliviers
et à la fabrication du charbon, et comprend 4,200 indi-
vidus répartis dans une vingtaine de villages, qui sont
compris dans la commune mixte de l'Oued-Soummam. Sur
le territoire de Fenaya se trouvent les ruines remarquables
de Tiklat, l'ancien oppidum romain du temps d'Auguste,
appelé Tubusuptus. E. Cat.
FENDEILLE. Corn, du dép. de l'Aude, arr. et cant. de
Castelsarrazin ; 487 hab.
FENDERIE(Métall.).Pour obtenir la verge carrée avec
laquelle on faisait autrefois les clous forgés à la main, on
se servait des trains de fenderie. Le fer laminé sous forme
de plat, dont l'épaisseur était égale au côté du carré qu'on
se proposait d'obtenir, était passé entre deux cylindres can-
nelés qui le fendaient en autant de verges que l'on avait
disposé de cannelures tranchantes. Ce découpage à chaud
d'une seule passe ne donnait pas des arêtes bien vives ; il
restait souvent une faible bavure et, de plus, les deux faces
supérieure et inférieure étaient généralement un peu espacées
parce que le fer ne remplissait pas toujours le fond de la
cannelure. Actuellement, ce genre de laminage tend à dis-
paraître en même temps que le forgeage des clous à la
main ; on lui substitue la verge laminée au train de ser-
pentage. Pour résister au travail de la fenderie, le fer devait
avoir certaines qualités de résistance à chaud qui le fai-
saient rechercher par les cloutiers, tandis que le laminage
carré donne des surfaces d'autant plus nettes et des arêtes
d'autant plus vives que le fer est plus malléable à chaud,
mais aussi plus fragile à froid. La qualité à chaud et à froid
n'existe que dans les fers tout à fait supérieurs et dans les
aciers doux. Les fenderies ne sont pas toujours destinées
uniquement au travail du fer ; on les emploie dans la fabri-
cation du fil à chevilles de laiton pour fendre en lanières
les bandes de laiton obtenues au laminage ; ces lanières
passent ensuite dans des filières appropriées au travail. On
a souvent employé des machines analogues pour découper
les matières employées dans la fabrication des chapeaux de
bois. A cet effet, le bois réduit d'abord en lames très
minces par des varlopes mécaniques était ramolli par un
mouillage convenable, puis livré à la fenderie qui le divi-
sait en filets d'une certaine finesse. L. K.
FENDI (Peter-Franz), peintre et graveur autrichien, né
à Vienne le 4 sept. 1796, mort le 28 août 1842. Fils d'un
maître d'école, il entra dès l'âge de quinze ans à l'Académie
des beaux-arts, où il eut pour maîtres Fischer, Maurer et
Campi, et devint en 1818 dessinateur et graveur en titre
du cabinet des Monnaies et des Antiques, dont il s'occupa
dès lors de reproduire les œuvres avec un art infini. Il fut
en outre un peintre de genre vigoureux. Dès 1821, il était
allé à Venise et avait obtenu une médaille d'or pour son
tableau de la Grotte de Corgnole. Il s'était initié tout
jeune au genre réaliste des Hollandais, et ses scènes de la
vie quotidienne et populaire, rendues avec beaucoup de
coloris et de lumière, plurent par leur nouveauté autant
que par leur valeur intrinsèque, et inaugurèrent la pein-
ture de genre de l'école viennoise. Bossu et laid, il vécut
solitaire. Au nombre de ses élèves les plus éminents figurent
Treml et les frères Schindler. Parmi ses œuvres, très nom-
breuses dans les palais impériaux et les galeries publiques
et privées de Vienne, nous citerons : la Jeune Fille à la
poste aux lettres, la Veuve de P Officier, la Saisie, la
Laitière, la Mouleuse de figures en plâtre, l'Inonda-
tion, la Prière du matin, la Famille impériale en i 834,
groupe de portraits, et beaucoup d'aquarelles et de dessins
à la main. Gourdault.
FENDUE (V. Galerie [Mines]).
FENELON (Bertrand de Salignac, seigneur de La
Mothe-), né à une date incertaine, mort sans alliance
le 13 août 1599. Il fit ses premières armes sous les ordres
du duc François de Guise, dans Metz assiégé par Charles-
Quint (1552), puis accompagna Henri II dans cette cam-
pagne de 1554 en Flandre qui se termina par la victoire
de Benty. A cette époque, les carrières militaire et diplo-
matique n'étaient point encore distinctes. On ne peut donc
dire qu'il changea de voie le jour où il accepta de repré-
senter son roi à l'étranger. Mais le fait est qu'il ne parut plus
désormais aux armées. Sa fortune, non plus que sa gloire,
n'y perdit rien. Certes il fût peut-être devenu un grand capi-
taine : sa renommée sur les champs de bataille aurait eu
peine cependant à égaler celle qu'il acquit sur le terrain non
moins brûlant de la cour d'Angleterre (1570-1574). Tirant
un parti inespéré des moindres incidents, il parvint,
après la Saint-Barthélémy, non seulement à désarmer la
colère que ressentit la reine Elisabeth à la nouvelle du
massacre, non seulement à éveiller ses susceptibilités contre
les réfugiés protestants, le comte de Montgomery en par-
ticulier, et à la dissuader par là de fournir aux assiégés
de La Rochelle les secours qu'ils attendaient d'elle, voire
de laisser ses sujets leur en fournir librement, mais même
à assurer à la France l'alliance anglaise. Sa mission prit
fin avec le règne de Charles IX. On ne sait rien de lui
sous ceux de Henri III et de Henri IV, si ce n'est qu'il
fut à chacun de ses princes immuablement fidèle : qualité
bien rare à toutes les époques, mais combien plus au mi-
lieu des troubles de la Ligue ! Il y joignait un esprit de
justice, une tolérance, une humanité même, qui achèvent
d'en faire une des belles figures de son temps. Les relations
qu'il a laissées du siège de Metz et de l'expédition de
Flandre : le Siège de Metz en MDLII (Paris, 1552, in-4 ;
réimprimé dans toutes les grandes collections de Mémoires
sur l'histoire de France ; Voyages du roi au Pays-Bas
de V Empereur en MDLIIII, brefvement récité par
lettres missives que Bernard (sic) de Salignac escri-
voit du camp du roy à Monseigneur le cardinal de
Ferrares (Paris, 1554, in-4), ainsi que la collection de
ses lettres diplomatiques (Correspondance diplomatique,
publ. par Purton-Cooper; 1838-1840, 7 vol. in-8), le
sacrent, en outre, écrivain de mérite, comme s'il n'avait
dû manquer à cette physionomie trop peu connue aucun
des traits qui, au siècle suivant, donnèrent un si lumineux
éclat à celle de son arrière-petit-neveu, l'immortel arche-
vêque de Cambrai. Léon Marlet.
Bibl. : Comte de La Ferrière, les Projets de mariage
de la reine Elisabeth; Paris, 1885. in-18. — Léon Marlet,
le Comte de Montgomery ; Paris, '1890, in-8.
FÉNELON
— 474 —
FÉNELON (François de Sàltgnac de Là Mothe-), fils de
Pons de Salignac et de Louise de La Cropte de Saint-Abre,
né au château de Fénelon, dans le Périgord, près de Sarlat,
le 6 août 4651, mort à Cambrai le 7 janv. 4715. Sa fa-
mille, noble et ancienne, apparentée de longue date à tout
ce qu'il y avait d'illustre dans la province, ne manquait
que de l'éclat que donne, à défaut de la fortune, la gran-
deur des services rendus. Aussi, parmi ses ancêtres, ne
trouvons-nous guère à citer qu'un arrière-grand-oncle, Ber-
trand de Salignac (Y. ci -dessus). On peut toutefois
nommer encore un de ses oncles propres, à qui, si l'on
en croit M. de Bausset, dans son style un peu empha-
tique, « la religion, l'église et l'humanité seraient rede-
vables des vertus et des grandes qualités de l'archevêque
de Cambrai » : c'est le marquis Antoine de Fénelon. Duel-
liste fameux au temps de sa première jeunesse, le marquis
de Fénelon, converti brusquement, était devenu l'un des
auxiliaires laïques de M. Olier, le fondateur du séminaire de
Saint-Sulpice, et, comme tel, on peut admettre que, s'il ne
détermina pas la vocation de son neveu, son exemple, ses
conseils, sa direction ne furent pas pour y nuire.
I. Nous avons peu de renseignements sur la jeunesse de
Fénelon. On sait, ou l'on croit savoir, qu'il commença ses
études au château paternel, qu'il les continua à Cahors, et
qu'il vint les achever à Paris, au collège du Plessis. Mais
on ignore la date précise de son entrée au séminaire de
Saint-Sulpice, et M. de Bausset, en la mettant en 1665, a
confondu le futur archevêque avec l'un de ses frères, qui
portait comme lui le prénom de François. On ne sait pas
non plus avec exactitude l'année de son ordination. Et on
ne connaîtrait enfin presque rien de ses débuts dans le
monde, si ce n'étaient quatre ou cinq lettres, dont encore
les dates sont incertaines, et le destinataire même de la
plus curieuse douteux ou inconnu. Nous voulons parler de
la lettre, souvent citée, où l'on a cru longtemps qu'il faisait
part, soit à Bossuet, soit à M. de Beauvilliers, de son des-
sein de se consacrer aux missions du Levant :
Arva, beata
Petamus arva, clWites et insulas...
Il suffit cependant de la lire avec un peu d'attention
pour n'y voir qu'un pur jeu d'esprit, et, comme qui dirait
un agréable exercice de rhétorique épistolaire. On achè-
vera de s'en convaincre en la rapprochant d'une autre
lettre, datée du 22 mai 4681, et adressée à la marquise
de Laval, sa cousine. Plus naturellement, avec moins d'ef-
forts, mais d'un style aussi galant que celui de Fléchier
dans ses Mémoires sur les Grands Jours d'Auvergne,
Fénelon y fait le récit de sa pompeuse entrée à Carenac en
Quercy, où il était venu prendre possession d'un prieuré
que lui avait résigné l'un de ses oncles, l'évêque de Sarlat.
« Me voilà à la porte déjà arrivé, et les consuls commencent
leur harangue par la bouche de l'orateur royal !... Qui pour-
rait dire quelles furent les grâces de son discours ? Il me com-
para au soleil ; bientôt après je fus la lune ; tous les autres
astres les plus radieux eurent ensuite l'honneur de me
ressembler ; de là nous vînmes aux éléments et aux mé-
téores, et nous finîmes heureusement par le commence-
ment du monde. Alors le soleil était déjà couché, et pour
achever la comparaison de lui à moi, j'allai dans ma
chambre pour me préparer à en faire de même. » Ni Bos-
suet, ni Pascal — moins grands seigneurs, à la vérité —
n'ont, à ma connaissance, rien écrit de ce ton ; et c'est
l'occasion de noter un premier trait du caractère de Féne-
lon. Il y a du bel-esprit en lui, et il y en aura toujours.
Un peu de préciosité ne l'effrayera jamais ni un peu même
de singularité. Les opinions rares ou paradoxales, en théo-
logie comme en littérature, l'attireront et le retiendront.
Il regrettera sincèrement que les poètes soient astreints en
français à l'obligation de la rime. Il plaindra l'orateur
sacré d'être obligé de compasser son discours sur un texte,
et de se soumettre à l'usage de le diviser en trois points.
Il introduira jusque dans la piété, sous les espèces du quié-
tisme, des raffinements de dilettante. Et tout cela, ce sera
toujours en lui l'effet de la même cause : la défiance, le
dédain, l'horreur des idées communes.
Il n'était pas toutefois tellement chimérique, il ne vivait
pas tellement dans les nuages qu'il ne songeât aussi à sa
fortune ; car il savait bien qu'un grand nom n'est après
tout qu'un embarras pour celui quf le porte, si l'éclat de
sa situation publique ne répond pas en quelque manière à
l'illustration de sa race. On avait fait de lui, en 4678, un
directeur ou supérieur des Nouvelles Catholiques. L'objet
de cette institution, fondée en 4634 par Jean-François de
Gondi, était de « procurer aux jeunes protestantes des re-
traites salutaires contre les persécutions de leurs parents »,
et Turenne converti l'avait honorée, dit-on, de sa protec-
tion. Fénelon, convaincu avec toute la France, ou, pour
mieux dire, avec l'Europe entière de son temps, que la réali-
sation de l'unité religieuse, étant de l'intérêt de l'Etat, était
conséquemment du droit du prince et du devoir de l'Eglise,
avait sans scrupule accepté des fonctions, [où les qualités
de disputeur subtil, de directeur d'âmes, de dominateur ou
de charmeur des volontés, qui étaient déjà les siennes, trou-
vaient une occasion toute naturelle, et utile, de s'exercer.
Mais on conçoit aisément qu'il rêvât d'autre chose. Est-ce
peut-être alors qu'il noua les intrigues dont parle Saint-
Simon ; et qu'on le vît, changeant de brigue au gré de ses
intérêts supposés, courtiser d'abord les jésuites, avec les-
quels « il n'aurait pas pris » ; passer des jésuites aux jan-
sénistes, qui l'auraient, eux, trouvé « trop fin » ; et reve-
nir aux sulpiciens? Il ne faut jamais croire légèrement
Saint-Simon. En réalité, Fénelon, prêtre de Saint-Sulpice,
logé chez le marquis Antoine, dont nous avons dit les
liaisons avec M. Olier, et vivant en partie de la vie de son
oncle, a bien pu, il a même dû côtoyer les jansénistes ;
mais, adroit et politique, ambitieux comme il était, on ne
voit pas quel espoir de fortune il eût pu fonder sur des
gens « avec lesquels, depuis longtemps, il n'y avait à par-
tager que des plaies ». Grâce à son nom, d'autre part, il
avait dès lors contracté des amitiés plus illustres que
celles des sulpiciens, et il s'était assuré jusqu'en cour des
patrons plus puissants que ne l'étaient en ce temps-là les
jésuites. Il connaissait le duc de Beauvilliers, et, par le
duc, il était entré, sinon dans l'intimité, du moins dans ce
que l'on pourrait appeler la clientèle des Colbert. Il con-
naissait également Bossuet, dont il s'était fait l'un des flat-
teurs presque outrés, et, par Bossuet, il avait pénétré dans
le cercle, assez étendu, dont le précepteur du dauphin était
le centre à la cour. Connaissait-il peut-être aussi Mme de
Maintenon — qui n'était rien encore, ou peu de chose —
mais dont quelques initiés aux secrets du harem voyaient
grandir insensiblement la faveur, la fortune, et l'autorité ?
Le supérieur des Nouvelles Catholiques était donc sur le
chemin des grâces, s'il n'en était pas à la source ; et, en
attendant que le maître répandît sur lui ses faveurs, il
n'avait nulle part à chercher des recommandations plus
efficaces, ni des amis plus dévoués.
Après cela, ce qui n'en demeure pas moins du récit de
Saint-Simon, c'est l'idée du personnage ; et on peut discuter
sur les détails du portrait, mais la ressemblance y est.
Rarement homme fut plus souple, plus ondoyant, plus
fuyant que Fénelon, et jamais esprit plus complexe, plus
énigmatique à soi-même peut-être, plus naturellement in-
sincère. Non qu'il n'y ait en Fénelon, comme on le verra
tout à l'heure, un principe de rigidité, quelque chose même,
tout au fond, d'imployable et de cassant. Ni les terribles
colères du petit duc de Bourgogne, ni plus tard l'éloquente
véhémence de Bossuet n'auront raison de ce qui se cache
d'inflexibilité sous son apparente douceur. Mais il a, dès
qu'il le veut, une aptitude incomparable à entrer ou à
feindre d'entrer dans les opinions des autres, en réservant
toujours la sienne. On reconnaît la même et rare souplesse
dans la variété de son œuvre. Le même homme est capable
de s'abaisser jusqu'aux petits enfants, dans ses Fables ou
dans ses dialogues des Morts; et de s'élever, dans la
seconde partie du Traité de l'Existence de Dieu, par
— 475 —
FÉNELON
exemple, ou dans la Réfutation du système du P. Maie-
branche, aux plus hautes spéculations de la métaphysique
et de la théologie. Mais faut-il enfin se faire tout à tous,
s'accommoder tour à tour aux « personnes les plus puis-
santes », ou au «laquais et à l'ouvrier », s'insinuer pour
ainsi dire en eux, et comme y substituer sa conscience à
la leur, Fénelon en est capable encore ; et là sans doute est
l'explication de ce qu'il a inspiré de dévouements passionnés.
C'est eux-mêmes en effet que ses amis ont aimé en lui,
parce que c'est lui qu'il a mis en eux. S'étonnera-t-on après
cela qu'il ait paru plus d'une fois manquer de loyauté ?
qu'il en ait manqué même, au sens ordinaire du mot ? et
qu'il en ait manqué presque sans le vouloir ou sans le
savoir ? Comme y a des hommes en effet dont le naturel est
de n'en pas avoir ; qui sont, pour ainsi dire, naturellement
composés, artificiels et guindés ; dont la simplicité, si par
hasard ils y prétendaient, ferait l'effet d'une recherche ; il
y en a qui naissent ennemis de la franchise, ou plutôt de
l'affirmation ; qui ne croient jamais pouvoir mettre assez de
nuances, de distinctions, de restrictions, de corrections,
assez de « repentirs » dans l'expression de leur pensée ; et
ainsi qui sont sincèrement insincères. Tel fut bien Fénelon.
Mais de telles gens ne sauraient se reconnaître dans les
traductions qu'on donne de leurs idées ; on les trahit tou-
jours ; et parce qu'ils sont seuls à s'apercevoir de la tra-
hison, ils paraissent manquer de franchise.
Louis XIV lé sentait-il, et faut-il voir là l'une au moins
des raisons du peu de goût qu'il montra toujours pour
Fénelon? Il ne lui demanda point de prêcher à la cour.
Et cependant, si Fénelon, nous le savons, n'eût assuré-
ment pu rivaliser dans la chaire chrétienne ni d'éloquence
et de force avec Bossuet, ni de solidité avec Bourdaloue,
deux au moins de ses sermons, — le sermon pour la fête de
VEpiphanie et le sermon pour le sacre de l'Electeur
de Cologne, — sont là qui nous attestent qu'il y eût porté
d'autres qualités, d'abondance et d'onction, par exemple,
d'élégance et de séduction. Le sermon pour la fête de
l'Epiphanie est de 4685. Par Seignelay, d'ailleurs, et par
Bossuet, Louis XIV savait sans doute aussi le succès des
missions de Saintonge et de Poitou, 1 686-1687. Pourquoi
donc n'a-t-il jamais fait monter Fénelon dans la chaire de
Versailles? L'influence de M. de Harlay, l'archevêque de
Paris, qui n'aimait pas, lui non plus, l'abbé de Fénelon,
était-elle assez grande pour balancer dans l'esprit du roi
l'influence de Bossuet? Toujours est-il qu'en 1686, Féne-
lon ayant été proposé pour i'évêché de Poitiers, le roi ne
l'y nomma point: et qu'en 1687, l'évèque de La Rochelle
l'ayant demandé pour coadjuteur, on ne le lui donna pas
davantage. Le Traité de VEducation des filles parut,
sans avancer la fortune de Fénelon, puis le Traité du
ministère des Pasteurs; et Fénelon demeurait toujours
supérieur des Nouvelles Catholiques. Il approchait de la
quarantaine. Evidemment le maître gardait ses préven-
tions. Ce fut le duc de Beauvilliers qui réussit enfin à les
dissiper, aidé de Mme de Maintenon — dont la nature d'es-
prit n'était pas sans quelques affinités avec celle de Fénelon
— et, nommé gouverneur du duc de Bourgogne le 16 août
1689, il faisait dès le lendemain même agréer au roi le choix
de Fénelon comme précepteur des enfants de France.
Assez d'historiens,— depuis l'abbé Proy art jusqu'à Miche-
let, dans son histoire de France, — ont loué l'habileté su-
périeure dont Fénelon fit preuve dans cette éducation, et
tout le monde sait comment, d'un prince « né terrible, dur,
colère, impétueux avec fureur, incapable de souffrir la
moindre résistance, il en fit un « affable, doux, humain,
modéré, patient, humble et austère, tout appliqué à ses
obligations et les comprenant immenses ». Ce n'est pas
d'ailleurs le lieu d'examiner s'il ne dépassa pas peut-être la
mesure, et, à force de le ployer, s'il ne brisa pas chez son
royal élève le ressort de la volonté. Les contemporains ne
virent que le prodige du changement opéré sous leurs yeux
par l'adresse d'un homme ; et nous, le duc de Bourgogne
n'ayant pas subi cette épreuve du pouvoir qui seule juge
les princes, nous pouvons accepter l'opinion des contem-
porains. Ce qu'il nous faut seulement constater, c'est que
Fénelon ne se borna point, comme autrefois Bossuet, à
instruire le prince de ses devoirs en général. Mais il lui en
fit des leçons plus particulières, plus précises, plus pra-
tiques, des leçons applicables aux réalités prochaines ; des
leçons de politique autant que de morale. Il se considéra
comme investi de la mission, non seulement d'élever le
prince, mais, par lui et avec lui, de réformer l'Etat. Son
ambition, jusque-là confuse et comme indéterminée, je
veux dire incertaine de son véritable objet, le reconnut
enfin. Les courtisans semblèrent admettre que le succès de
l'éducation du duc de Bourgogne pronostiquait celui des plans
de gouvernement de l'heureux précepteur. Et soutenu qu'il
était de la faveur de Mme de Maintenon, — elle voulut même
un moment faire de lui son directeur, — nul ne peut dire ce
que l'avenir réservait à Fénelon, quand l'affaire du quiétisme
survint pour briser sa fortune, et comme anéantir en
quelques mois les fruits de tant d'années de patience, de
persévérance, et de prudente ambition. A peine est-il ici
besoin de rappeler comment une visionnaire ou une illu-
minée, — pour ne pas dire une névropathe, — Jeanne
Bouvières de La Mothe, plus connue sous le nom de
Mme Guyon, s'était emparée de l'esprit de Fénelon, non
point du tout, comme on l'a prétendu quelquefois, par
aucun des attraits naturels d'une amitié féminine, mais par
le seul prestige de son éloquence et de sa « spiritualité ».
Leur sublime à tous deux s'était amalgamé, selon le mot
de Saint-Simon, et le précepteur des enfants de France,
avec le goût naturel qu'il avait des opinions rares, s'était
fait à Versailles le répondant delà doctrine de Mme Guyon.
Sur sa parole, Mme de Maintenon avait ouvert l'accès de
Saint-Cyr à celle qu'il appelait un « prodige de sainteté »,
et, comme on le peut croire, dans ce milieu très appro-
prié, le nouveau mysticisme avait fait de rapides progrès.
Un fort honnête homme, de sens droit et d'esprit sain,
n'avait pas tardé cependant à s'en inquiéter. C'était l'évèque
de Chartres, Godet des Marais, « profond théologien »,
directeur de Saint-Cyr et de Mme de Maintenon. Il s'était
d'abord défié d'une doctrine qui, sous le prétexte séduisant
d'épurer l'amour de Dieu de tout intérêt personnel et
même de la considération du salut, « invitait ses adeptes
à ne se gêner en rien, à s'oublier entièrement, à n'avoir
jamais de retour sur eux-mêmes » ; et sans interdire
encore la lecture des livres de Mme Guyon ni condamner
formellement sa personne, il lui avait fermé l'accès habi-
tuel de Saint-Cyr. Il avait alors examiné de plus près
les ouvrages de la prophétesse, — le Moyen court, le
Cantique des Cantiques, les Torrents, — et les ayant
trouvés remplis d' « erreurs dangereuses et de nouveautés
suspectes », il avait exigé que Mme de Maintenon cessât
désormais toutes relations avec Mme Guyon. Fénelon
n'avait point protesté. Même, sans rien retrancher de
l'entière confiance qu'il lui témoignait, et sans rien abjurer
des opinions qui lui demeuraient communes avec elle, il avait
consenti que Mme Guyon demandât des commissaires pour
juger de l'orthodoxie de ses écrits; et sa conduite enfin,
dans toute cette affaire, avait si bien paru d'une victime
des erreurs ou des imprudences de son amie, que l'arche-
vêché de Cambrai ayant vaqué sur ces entrefaites, il y
était nommé le 4 février 1695. Tout semblait terminé par
là. Comment donc et pourquoi tout à coup la querelle
s'envenima- t-elle ? ou pourquoi tout à coup, comme s'il
n'eût attendu que sa nomination pour se révéler tout entier,
Fénelon changea-t-il d'attitude ? A peine, en effet, avait-il
adhéré aux Articles d'Issy, entre sa nomination et son
sacre, que sans retirer son adhésion, — ce n'était pas sa
manière, — il commençait de biaiser, de distinguer, de
disputer, jusqu'à ce qu'enfin il se révoltât, et qu'au mois de
janv. 1697, pressé par Bossuet d'approuver son Instruc-
tion sur les Etats d'oraison, non seulement il s'y refu-
sât, mais qu'encore il y opposât son Explication des
Maximes des Saints.
FÉNELON
— 176
La réponse est facile. Tandis qu'autour de lui, depuis
Tévêque de Chartres jusqu'à l'évêque de Meaux, tout le
monde, sans excepter le plus ancien de ses maîtres,
M. Tronson, le supérieur du séminaire de Saint-Sulpice,
condamnait la doctrine de Mme Guyon, Fénelon, lui, con-
tinuait de l'approuver dans le secret de son cœur, et de
prendre en pitié l'ignorance de ses adversaires, leur inex-
périence des « voies intérieures », et leur acharnement.
Or, voici maintenant qu'on lui demandait de condamner à
son tour ce qu'il n'avait cessé ni ne voulait cesser de croire ;
et, bien plus, on le sommait de déclarer qu'il avait été
cinq ou six ans durant, la dupe d'une illusion ou d'une
fantasmagorie de piété. Le sacrifice était au-dessus de ses
forces. Il voulait bien se taire, — ce qui lui coûtait d'autant
moins qu'il n'avait pas encore parlé, — mais il voulait aussi
que l'on se tût. Et il ne voulait pas surtout qu'après avoir
séparé sa cause de celle de Mme Guyon, on prétendît,
l'obliger de porter les derniers coups lui-même à la femme
qu'il avait inutilement défendue. D'un autre côté, si l'on
avait obtenu de l'abbé de. Fénelon des soumissions toutes
naturelles, en tant que commandées par la discipline de
l'Eglise, il lui paraissait excessif, ou contraire même aux
droits de la hiérarchie, qu'on les exigeât de l'archevêque de
Cambrai. Son sacre, tout récent qu'il fût, ne l'avait-il pas
rendu l'égal de quelques-uns de ses adversaires et le supé-
rieur même des autres, de Bourdaloue, par exemple, ou de
M. Tronson? Leur céder sans combat, c'était compro-
mettre en soi la dignité du titre épiscopal, c'était recon-
naître à leurs décisions en matière de doctrine une auto-
rité qu'elles n'avaient point, c'était admettre qu'en matière
de théologie, les raisons se comptent et ne se pèsent pas.
A quoi si nous ajoutons que la querelle, sous son appa-
rence purement religieuse, était politique en partie, ou du
moins qu'elle Tétait devenue proraptement, et qu'en divi-
sant toute la cour en deux camps, elle avait posé, pour ainsi
dire, la question du gouvernement futur de la France entre
la coterie du dauphin, fils de Louis XIV, et la cabale de
son propre fils, l'élève de Fénelon, la violence de la lutte
achèvera de s'expliquer. En s'abandonnant lui-même,
Fénelon a pu craindre que tout un grand parti ne fût
entraîné dans sa ruine, et que le désastre de ses doctrines
ne fût aussitôt suivi de l'anéantissement de ses ambitions.
On ne saurait sans doute le lui reprocher ; non plus qu'à
Bossuet d'autre part d'avoir vu percer l'ambition du poli-
tique dans les défenses du théologien, et, pensant différem-
ment, d'avoir essayé d'abattre dans son adversaire le théo-
logien et le politique à la fois.
Nous n'insisterons pas sur ce qui suivit. Pendant, deux
ans, de 4697 à 4699, Bossuet et Fénelon firent assaut de
science et d'éloquence, et leurs Ecrits sur le Quiétisme
ne remplissent pas moins de dix ou douze volumes de leurs
œuvres. C'est beaucoup, si Y Instruction sur les états
d'oraison et la Relation sur le Quiétisme en sont les
seuls, ou à peu près, qui survivent. La matière est pour
nous trop subtile; et nous avons certainement tort, pour
plus d'une raison, mais nous ne nous inquiétons guère
aujourd'hui des nuances qui séparent Y amour purement
servile de Y amour de pure concupiscence, celui-ci de
Yamour d'espérance, Yamour d'espérance de Y amour
de charité mélangée, et ce dernier à son tour de Yamour
pur ou de parfaite charité. Bornons-nous donc à dire,
qu'après un long et scrupuleux examen du fond de la con-
troverse, la cour de Rome, par un bref daté du \ 2 mars 1 699,
condamna solennellement le livre des Maximes des Saints,
et mit ainsi fin à la dispute. Déjà Louis XIV, au commen-
cement de la même année, avait retiré à Fénelon sa pension
et son titre de précepteur des enfants de France. Au reçu
du bref, il envoya l'ordre à tous les archevêques de réunir
leurs assemblées métropolitaines pour homologuer en quel-
que sorte publiquement la condamnation de Fénelon. Enfin
des lettres patentes, « données en forme de déclaration »
et enregistrées le 14 août 1699, prononcèrent la suppres-
sion « de tous écrits composés pour la défense du livre
des Maximes des Saints ». C'était la disgrâce, une dis-
grâce complète, une disgrâce retentissante, qui témoignait
sans doute autant de l'irritation, ou de la colère même, que
de la piété du prince. Fénelon l'accepta fièrement, sans
ostentation, mais aussi sans fausse humilité. Si l'on ne
peut pas dire, en effet, qu'un homme nouveau fût né en
lui, son caractère du moins avait achevé de se tremper au
cours de cette longue épreuve. Loin de plier, c'est alors
qu'il se redressa. Et non sans quelque crainte ou quelque
appréhension d'un côté, mais non sans quelque espérance
de l'autre, c'est alors que, de l'ancien Fénelon, souple et
aimable , adroit et flatteur, insinuant, souriant, cares-
sant, on vit sortir et se dégager l'héritier de sa race,
l'aristocrate, le grand seigneur.
Notons ce trait, qui complète l'homme, et qu'il est sur-
prenant qu'on n'ait pas plus souvent signalé. Fénelon a
tout d'un aristocrate, — et d'abord le sentiment d'être une
autre espèce d'homme que ses rivaux de gloire ou de répu-
tation, séparé d'eux par ses origines, d'une autre et plus
rare, ou plus fine essence, que Fléchier, le fils de l'épicier
de Pernes, que Massillon, le fils du notaire d'Hyères, que
Bossuet, le fils du conseiller de Metz. Reportez-vous au
Télémaque ou aux Tables de Chaulnes. Lisez encore le
récit que l'abbé Ledieu, dans ses Mémoires, nous a laissé
de sa visite à l'archevêché de Cambrai. L'ancien secrétaire
et confident de Bossuet, — qui peut-être eût pu se passer
d'aller faire sa cour à Fénelon, — se sent comme qui dirait
transporté dans un autre monde. Tentures de velours cra-
moisi, galons et franges d'or, cheminée de marbre jaspé,
vaisselle d'argent « bien pesante et à la mode », service
de table, tout ce que peut parcourir son regard circulaire
de valet l'émerveille ; et il ne le dit pas, mais on sent la
comparaison qu'il fait de l'intérieur négligé de Bossuet
avec ce cadre, avec ces accessoires luxueux et coûteux, qui
sont comme l'obligatoire accompagnement du nom restauré
de Salignae et du titre de prince de l'Empire. Ajoutons que
si Fénelon a les goûts naturels d'un grand seigneur, bien plus
encore en a-t-il la hauteur d'esprit, l'avidité de domination,
l'impertinence au besoin, l'obstination dans son sens propre.
Il en a également les dédains, l'indifférence aux préjugés
vulgaires, le mépris inné de l'opinion. Rien de plus curieux
à cet égard, — s'il n'y a rien de plus libre, de plus éloigné
de pédant, déplus agréablement mondain, — que la manière
dont il a traité dans son Télémaque les passions de l'amour.
François de Sales avait eu de ces audaces, dans son Intro-
duction à la vie dévote, mais François de Sales était
aussi une façon de grand seigneur. Dirai-je enfin qu'on
retrouverait ce signe de race et cette marque d'aristocratie
jusque dans une Lettre, trop peu connue, sur la Lecture
de l'Ecriture sainte en langue vulgaire ? « J'ai vu des
gens tentés de croire qu'on les amusait par des contes
d'enfants quand on leur faisait lire les endroits de l'Ecri-
ture où il est dit que le serpent parla à Eve pour la
séduire ; qu'une ânesse parla au prophète Balaam ; que
Nabuchodonosor paissait l'herbe » Et la lettre con-
tinue longtemps encore sur ce ton. Bossuet ne l'eût jamais
écrite. Avec la meilleure intention du monde, il y a là une
liberté réelle d'esprit, une conviction de la sottise des
hommes, une confiance en soi-même qui sont sans doute
ce qu'il y a de plus aristocratique au monde. Si l'abbé de
Fénelon, au temps de sa jeunesse, avait, non pas certes
oublié, mais négligé pour ainsi dire, ce qu'il devait à son
nom, l'archevêque de Cambrai s'en est, lui, souvenu, et si
l'on veut le bien comprendre, c'est un trait de sa physio-
nomie morale sur lequel je ne crois pas qu'on puisse trop
appuyer.
II. — Son œuvre est considérable, et, comme elle est
assez difficile à manier, nous en donnons d'abord ici le
détail d'après les éditions Lebel et Adrien Leclère. La
première forme 22 vol. contenant les Œuvres proprement
dites, et ainsi divisés : Première classe. Ouvrages de
théologie et de controverse. Première section (t. I, II, III);
Ouvrages sur divers sujets de métaphysique et de théo-
177 —
FÉNELON
logie, dont les principaux sont : le Traité de V existence
et des attributs de Dieu, publié pour la première fois en
1712-1718, et la Réfutation du système du P. Maie-
branche sur la Nature et la Grâce, qui n'a paru qu'en
1820. Deuxième section (t. IV, V, VI, VII, VIII, IX)
Ecrits relatifs au Quiétisme. Le t. IV est précédé d'une
excellente analyse de la controverse du quiétisme. Troisième
section : Ouvrages sur le jansénisme (t. X, XI, XII,
XIII, XIV, XV, XVI). — Deuxième classe. Ouvrages
de morale et de spiritualité (t. XVII et XVIII). Le
premier de ces volumes contient le Traité de V éduca-
tion des filles; sept Sermons, qui sont tout ce qui
nous est parvenu de l'œuvre oratoire de Fénélon ; et une
vingtaine de Plans de sermons. — Troisième classe.
Mandements (t. XVIII). — Quatrième classe. Ouvrages
de littérature (t. XIX, XX, XXI, XXII, de 1 à 263). Les
principaux de ces ouvrages sont, comme l'on sait : les Dia-
logues des Morts (XIX); le Télémaque (XX); les Dia-
logues sur V éloquence, et la Lettre sur les occupations
de r Académie française (XXI). Les Dialogues des Morts
et le Télémaque ont seuls paru du vivant de l'auteur. —
Cinquième classe. Ecrits politiques (t. XXII, de 264 à la
fin). L'édition Leclère contient 12 vol. uniquement con-
sacrés à la Correspondance, distribuée de la manière
suivante : 1° Correspondance avec le duc de Bourgogne
(t. I), dont le titre plus exact est Correspondance....,
avec le duc de Bourgogne, les ducs de Beauvilliers et
de Chevreuse, et leurs familles ; 2° Correspondance
de famille et Lettres diverses (t. II, III, IV) ; 3° Lettres
spirituelles ou de direction (t. V et VI); 4° Correspon-
dance relative au quiétisme (t. VI, VII, VIII, IX, X,
XI). Le t. XII contient les Tables de la Correspondance
et des OEuvres, précédées d'une fort bonne Revue de quel-
ques ouvrages de Fénelon.
Le classement, on le voit, n'a rien de chronologique ou
seulement de logique, et c'est ce <jui rend la lecture de
ces trente-trois volumes assez laborieuse. Sans examiner à
ce propos s'il n'y aurait pas quelques moyens d'améliorer
la disposition des matières dans les éditions des OEuvres
complètes de nos polygraphes, comme on les appelle dans
les catalogues, mais surtout sans demander, avec de cer-
tains érudits, qu'on s'astreigne à toute la rigueur de la
chronologie, ce qui ne pourrait aboutir qu'au plus effroyable
désordre, il y a donc lieu d'indiquer aux curieux une ma-
nière de s'y prendre, et, par exemple, de les avertir qu'en
ce qui regarde Fénelon, c'est par la lecture de sa Corres-
pondance que l'on apprend d'abord à le connaître. « Très
différentes, en effet — nous l'avons dit et nous le répétons
— des lettres de Bossuet, qui sont surtout des lettres d'af-
faires, fort utiles sans doute, mais non pas indispensables
à la connaissance de son caractère, les lettres de Fénelon,
sans en excepter ses lettres de direction ou de spiritualité,
sont vraiment l'homme même, et l'homme tout entier. Qui
ne les a pas lues peut avoir lu toute son œuvre, il ne con-
naît pas Fénelon, et, réciproquement, quiconque les a lues
pourrait presque se passer d'en lire davantage. Il connaît
Fénelon autant qu'on le puisse connaître. » Nous ajoute-
rons que, sous ce rapport, Fénelon est déjà du xviue siècle.
C'est sa personne qu'on cherche dans son œuvre, et déjà
ses idées nous intéressent moins en tant que vraies qu'en
tant que siennes. Il faut donc lui-même le connaître avant
que de le lire, et, si les Mémoires ou les Correspondances
du temps en sont un bon moyen, la sienne en est sans doute
un meilleur. Sans compter que, s'il est tout entier dans sa
Correspondance, il n'engage au contraire qu'une partie de
lui-même dans ses OEuvres proprement dites, et l'on se
méprendrait gravement, si l'on voulait conclure du caractère
de son style à celui de sa personne. Facile et riant, sinueux
pour ainsi dire, fluide, aimable et parfois légèrement épi—
grammatique, le style des Dialogues des Morts, ou celui du
Télémaque, ou celui de la Lettre sur les occupations de
V Académie ne nous rend que quelques aspects de la
physionomie de l'archevêque de Cambrai. Ses Ecrits sur le
GRANDE ENCYCLOPEDIE. — XVII.
Quiétisme ou sur le Jansénisme, il est vrai, nous en rendent
un autre, et la vivacité d'ironie qui s'y joue ne fait nullement
songer d'un « cygne ». J'en dis autant de l'auteur de la
Lettre à Louis XIV. C'est un autre homme encore qu'il
semble que l'on voie paraître dans ses Ecrits politiques, et
même, en dépit de sa réputation, tout à fait le contraire d'un
rêveur, dans ses Mémoires sur la guerre de la succession
d'Espagne. Mais quelque chose en échappe toujours, et
quand on a noté soigneusement, quand on a rassemblé tous
les traits, qu'on les a pour ainsi dire corrigés, compensés,
modifiés les uns par les autres, c'est à la Correspondance
qu'il faut que l'on revienne, pour y chercher le moyen d'en
fondre les disparates et de les ramener à l'unité. Disons
maintenant quelques mots de celles des œuvres de Fénelon
qui sont demeurées classiques pour nous. Ce sont, entre
toutes, le Traité de V Education des filles, Télémaque, et
la Lettre sur les occupations de V Académie française.
1° La grande nouveauté du Traité de l'Education des
filles, qui parut pour la première fois en 1688, était alors
dans son titre ou dans son dessein même. A la vérité, Fé-
nelon n'avait point destiné ce petit ouvrage au public. Il ne
l'avait écrit qu'à la prière de Mme de Beauvilliers et pour
elle. Mais enfin il le laissa paraître, et c'était dans le temps
où l'opinion commune était celle que Molière avait expri-
mée dans ses Femmes savantes. Bossuet lui-même opi-
nait à exclure les femmes des sciences, parce que, disait-il,
« quand elles pourraient les acquérir, elles auraient trop
de peine à les porter », et il leur recommandait de s'en-
fermer dans le cercle de leurs devoirs domestiques. Féne-
lon est plus hardi. Il pose en principe (ch. i) que l'éduca-
tion des filles est un objet d'intérêt général ou public, de
la même importance au moins que l'instruction des garçons ;
et, à cette importance, il oppose (ch. n) le dédain fâcheux
et inintelligent dont témoignent les éducations ordinaires.
Aussi, comme les garçons, faut-il commencer à instruire
les filles dès leur plus tendre enfance (ch. m), par des
leçons de choses, à l'occasion d'un moulin qu'on voit dans
la campagne ou d'un objet qu'on achète au marché. Ne
leur donnons que de bons modèles (ch. îv). Point de pré-
cipitation ni de hâte ; point trop d'exigences ni de sévérité.
Mêlons, si nous le pouvons, l'instruction et le jeu, ou mieux
encore, tâchons de rendre l'instruction agréable. Dévelop-
pons, mais avec prudence, l'émulation et la sensibilité
(ch. v) . Le temps est alors venu d'étudier en forme : nous
commençons par l'histoire sainte (ch. vi) et nous continuons
par la religion, dont nous assurons les bases naturelles ou
rationnelles (ch. vu) avant de parler de mystères ni de
miracles. Nous pouvons de là passer à Jésus-Christ, « le
centre de toute la religion », et de Jésus-Christ à l'Église
(ch. vm). Ces conseils conviennent à l'éducation des gar-
çons comme à celle des filles, mais, avec les années, les
défauts de chaque sexe apparaissent, et il y faut pourvoir
(ch. ix).Les femmes sont bavardes, elles sont artificieuses,
elles sont timides, et ce sont autant de dispositions qu'il
faut s'efforcer de vaincre ou de régler en elles. Elles sont
aussi coquettes, et volontiers elles jouent au bel esprit
(ch. x). Si nous pouvons les en désabuser, comme aussi
d'une fausse délicatesse qui contribue à les écarter de la
connaissance des « choses qui sont les fondements de la
vie humaine », alors, formons-les au gouvernement de la
famille et de la maison. Apprenons-leur le prix de l'ordre
et de l'économie, celui de la propreté (ch. xi), l'art de se
faire servir et de tenir un ménage. Avec cela la lecture,
l'écriture, les quatre règles ; un peu de droit, voire de droit
féodal, si leur condition l'exige ; un peu d'histoire, — histoire
grecque, histoire romaine, histoire de France ; — un peu de
géographie; un peu de latin, si on le veut, la connais-
sance des « ouvrages d'éloquence et de poésie », un peu de
peinture et un peu de musique, tel est le « programme »
de Fénelon (ch. xn).Il termine en ajoutant (ch. xm) quel-
ques considérations sur le choix d'une gouvernante, et par
la reproduction, si je puis ainsi dire, du portrait que l'au-
teur du livre des Proverbes a tracé de la femme forte. Pas de
12
FÉNELON
— 178 —
prétention didactique, on le voit, dans ce petit ouvrage, ni
de plan régulier, ni rien peut-être au fond qui ne soit
devenu banal pour nous. Aussi le prix en est-il surtout
dans le détail. Des observations piquantes, une élégante
familiarité de style, une sagesse souvent hardie en rendent
la lecture agréable, facile, presque amusante parfois. Le
Traité de l'Education des filles est à bon droit devenu
classique, et pour l'avoir écrit, il y a déjà plus de deux
cents ans, c'est à bon droit également que l'on a placé
sous l'invocation de Fénelon l'un des premiers lycées de
jeunes filles qu'on ait organisés en France. Je n'oserais
répondre qu'il en eût approuvé les programmes.
2° Pour le Télémaque, une fortune tout à fait singulière
a voulu qu'en même temps que l'un des livres les plus
vantés, les plus lus, les plus connus de notre littérature,
il en demeurât, sous plusieurs rapports, l'un des plus dif-
ficiles à juger, des plus énigmatiques, et des plus ambi-
gus. C'est ainsi que d'abord on n'a jamais tout à fait
éclairci le mystère de sa publication. Composé, selon toute
apparence, en 4693 ou 4694, « par morceaux détachés
et à diverses reprises »,. on sait que le Télémaque parut
pour la première fois chez la veuve Barbin, en 4699,
« avec privilège », mais ce que l'on ignore, c'est la part
que Fénelon eut ou n'eut pas dans la publication. A la vé-
rité, dans un Mémoire sur ce sujet, que nous ïie connais-
sons que par quelques extraits, il dit bien « que l'ouvrage
lui a échappé par l'infidélité d'un copiste », et, de ce genre
d'accident ou d'aventure, puisqu'on en citerait vingt autres
exemples alors, il ne semble pas qu'il y ait lieu de douter.
On ne saurait seulement s'empêcher de faire observer que
Fénelon a joué de malheur en affaires de librairie. Déjà, en
4697, le zèle indiscret du duc de Chevreuse avait hâté la
publication des Maximes des Sam£s.N'ai-je pas lu aussi
que, quelques années auparavant, c'était d'après une copie
dérobée dans les papiers du directeur des Nouvelles Catho-
liques, qu'on avait imprimé le sermon de Bossuet pour la
profession de MUe de La Vallière? Et même encore après
la mort de Fénelon, c'est sous son nom que paraîtra,
en 4722, la première édition du Traité de la connais-
sance de Dieu. Mais voici qui est plus étrange. Dans
le Mémoire que nous venons de citer, Fénelon constate
lui-même que le texte imprimé du Télémaque n'est pas
conforme à son original, et il ajoute « qu'il a mieux
aimé le laisser paraître informe et défiguré que de le
donner tel qu'il Va fait». C'est ce qu'on aurait déjà peine
à comprendre si le Télémaque avait passé comme ina-
perçu. Mais il en avait paru jusqu'à vingt éditions, dit-on,
dans la même année 4699, et, raconte un contemporain,
qui s'en indignait d'ailleurs, « on jetait les louis d'or à la
tête des libraires », pour enlever le roman de M. de Cam-
brai. D'autre part, les évêques en général ne cachaient pas
leur désapprobation de la manière un peu vive dont Féne-
lon avait dépeint les amours de Télémaque et de la nymphe
Eucharis. Les « politiques », de leur côté, dans de certains
chapitres, n'avaient pas de peine à trouver des allusions,
des traits de satire, une intention générale de critique dont
le roi même avait quelque droit de se sentir atteint. On
s'explique mal que, dans ces conditions, Fauteur ait mieux
aimé « laisser son livre paraître informe » que « de le don-
ner tel qu'il l'avait fait », et on s'explique encore moins
que seize ans durant, il ait permis la circulation de ce livre
ainsi défiguré. La première édition authentique du Télé-
maque n'a paru en effet qu'en 4747 seulement, par les
soins du marquis de Fénelon. Elle ne diffère pas autant
qu'on le pourrait croire des éditions furtives.
Il n'est pas plus facile de préciser les vraies intentions
de Fénelon. Qu'a-t-il voulu faire ? Ne s'est-il vraiment
proposé que d'amuser le duc de Bourgogne, et de « l'ins-
truire en l'amusant », comme il l'a dit lui-même ? Il
régnerait sans doute alors, dans tout son livre, un air de
volupté dont je ne voudrais pas sans doute exagérer, mais
dont il ne faut pas non plus que l'on nie les dangers. Féne-
on semble en vérité prendre trop de plaisir à développer
toutes ces fictions païennes, et l'amour a trop de part à
l'éducation de son duc de Bourgogne. Bien en prend à Té-
lémaque d'être accompagné constamment de Minerve, car
s'il ne l'était que de Mentor, on craindrait trop pour sa
vertu. Et le conseil de « dégoûter les enfants des romans »,
qu'était-il devenu? Car Fénelon y avait appuyé dans son
Education des filles. Mais, nous l'avons dit, Fénelon atta-
chait peu d'importance à toutes ces bagatelles ; et son ca-
ractère, qui ne l'embarrassait pas quand il faisait traduire
à son royal élève les Dédicaces de La Fontaine à Mme de
Montespan : ad dominam Montespanam, ne le gênait
pas davantage pour écrire Télémaque. Quelle est encore
dans son roman la portée des allusions ou des intentions
satiriques ? peut- on le traiter comme un livre à clef? Son
Philoclès et son Protésilas, son Adraste et son Idoménée,
son Eucharis et sa Calypso, sont-ils ou non des portraits?
Est-ce à Sésostris, ou à Louis XIV, qu'il reproche* et son
amour de la guerre, et l'étalage de son faste, et la tyrannie
de son pouvoir ? Quand les contemporains se disputaient
son livre, y lisaient-ils entre les lignes beaucoup de choses
peut-être que nous n'y voyons pas ? que l'auteur n'y avait
pas mises? qu'il était Je premier surpris qu'on y lût? L'ex-
pression désintéressée d'une utopie de justice et d'équité se
tourne toujours aisément en satire ; et comment célébrerait-
on les arts de la paix, par exemple, sans avoir un peu
l'air de maudire la guerre? ou le bonheur de la médiocrité
sans paraître insulter la fortune ? C'est ce que l'on pour-
rait dire, je crois, du Télémaque et de sa portée politique
en son temps. Comme elle s'amusait à revivre les fictions
païennes, certainement sans songer à mal, ou même en
essayant d'en dégager une signification morale, ainsi, l'ima-
gination de Fénelon se complaisait à rêver d'une organi-
sation sociale dont la vertu serait le principe et la fin. Ce
n'est pas sa faute, après cela, si l'on ne voit guère dans le
monde que des ombres de vertu ; si les hommes en général
sont moins bons qu'il ne se les représente ; et si le pané-
gyrique de l'équité offense enfin toujours ceux qui ne la
pratiquent pas. Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que cette
supposition même, et la facilité que l'on en a d'en faire une
contraire, prouvent la duplicité d'intention du livre ; — et
que Fénelon n'a pas vu parfaitement clair dans son propre
dessein.
Il n'y a pas, aussi bien, jusqu'à la valeur littéraire du livre
qui ne forme une espèce dé problème à son tour, et dont on ne
puisse décider qu'à force de distinctions. « Il y a de l'agré-
ment dans ce livre, écrivait Boileau, le 40 nov. 4699, à
son scoliaste Brossette, et une imitation de YOdyssée que
j'approuve fort. » C'est cette « imitation » même que nous
approuvons moins aujourd'hui. Nous pourrions encore nous
en accommoder si le Télémaque était purement satirique,
je veux dire, si la peinture des mœurs du xvne siècle y
perçait constamment sous la transparence du déguisement
grec, comme dans les Lettres persanes, ou comme dans
un conte de Voltaire. Mais l'imitation est trop fidèle, et
le pastiche trop consciencieux. Voltaire en dit trop quand
il dit que « Télémaque a l'air d'un poème grec traduit en
prose française », et il prouve par là que, depuis YOdyssée
jusqu'aux Ar g onau tiques, l\ a lui-même lu peu de poèmes
grecs. Mais, dans cette prose française, il a raison s'il
veut dire que les noms, que les personnages, que les lieux,
que les faits n'ont rien de national ni d'assez contempo-
rain. Idoménée gêne le lecteur, et nous nous sentons
dépaysés dans S'alente. En d'autres termes, le genre est
faux ; et l'art de Fénelon, tout habile qu'il soit, n'a qu'à
moitié triomphé de cette erreur première. Et cependant, et
malgré cela, — pour ne pas dire peut-être à cause de cela, —
si l'on réussit soi-même à triompher de la première impres-
sion, le charme opère, on s'y abandonne, on s'y laisse aller
tout entier. Mentor prêche "beaucoup sans doute, et sa mo-
rale est parfois ennuyeuse : Et quandoque bonus dormi-
tat Homerus. C'est qu'en ces moments-là Fénelon songe à
son petit prince. Mais bientôt reparaissent l'humaniste et
l'artiste, après le moraliste ; la grâce et l'ingéniosité des
— 179
FENELON
fictions de la mythologie renaissent sous sa plume ; il en
subit lui-même la séduction à sa manière. Des ressouve-
nus de Virgile et d'Homère chantent à son oreille : la
descente d'Ulysse aux enfers, les imprécations de Didon.
Il traduit un vers, il en transpose un autre, et, à la vé-
rité, rien de tout cela n'est très latin ni très grec, n'est
tout à fait ancien ni tout à fait moderne, n'est vraiment
de la poésie ni vraiment de la prose, mais n'en est pas
moins d'une élégance et d'une distinction rares, unique
peut-être en son espèce, et un peu au-dessous, mais pas
trop éloigné de la tragédie de Racine. C'est qu'évidemment,
pour n'avoir pas compris ni senti l'antiquité comme nous,
Fénelon ne Ta pas moins sentie. S'il ne croit pas aux récits
de la Fable, il croit au plaisir qu'ils lui font, et quelque
chose de ce plaisir, en passant dans le roman, Fa comme
animé de l'étincelle de vie. C'est ce qui l'assure de durer
autant que la langue française. Quand on en aura fait toutes
les critiques qu'on en peut faire, — et on en peut faire
beaucoup, qui s'étendraient, si on le voulait, jusqu'au détail
du style, — il restera toujours aussi que dans le Télé-
maque, poème ou roman, satire ou traité de politique, on
retrouve beaucoup de Fénelon lui-même, et longtemps encore
c'est ce qui suffira.
3° La Lettre à M. Dacier, sur les occupations de l'Aca-
démie française est presque le dernier des écrits de Féne-
lon. Il l'écrivait, en effet, en 1714. Il y propose à l'Académie
des moyens d'occuper des séances qu'elle ne savait comment
remplir, depuis qu'en 1694 elle avait donné la première
édition de son Dictionnaire. Elle en préparait une seconde,
qui devait paraître en 1718, mais elle avait du temps de
reste encore. Pourquoi ne l'emploierait-elle pas à rédiger
une Grammaire française? Et en effet on peut dire
qu'alors il n'y en avait pas. Elle pourrait aussi chercher
à enrichir la langue, mais ici, en en formant le vœu,
Fénelon a oublié d'indiquer les moyens de le réaliser. L'Aca-
démie pourrait ensuite essayer de composer une Rhétorique
où Ton rassemblerait « tous les plus beaux préceptes d'Aris-
tote, de Cicéron, de Quintilien, de Lucien, de Longin »,
et, à ce propos, Fénelon esquisse rapidement sa théorie
de l'éloquence. De la Rhétorique il passe à la Poétique,
et c'est là qu'imbu des idées de quelques fâcheux novateurs
de son temps, il fait le procès de la rime ou plus généra-
lement des lois de la versification française. Au projet
d'une Poétique succède celui d'un Traité sur la Tragédie,
puis celui d'un Traité sur la Comédie. Le jugement qu'à
cette occasion il porte sur Molière est demeuré célèbre : « En
pensant bien, il parle souvent mal... D'ailleurs, il a outré
souvent les caractères... Enfin, il a donné un tour gra-
cieux au vice, avec une austérité odieuse et ridicule à la
vertu. » C'est la question à la fois du Misanthrope et du
Tartufe. Mais le Projet d'un Traité sur V Histoire est
peut-être la partie plus neuve de l'opuscule de Fénelon. Il y
exprime cette idée, si j'ose me servir de ce mot, que toute
histoire est une évolution, et que l'objet de l'historien doit
être d'en ressaisir et d'en retracer les phases. Mais les
auteurs de ces Traités voudront-ils bien se soumettre à la
censure de l'Académie? Fénelon répond à cette Objection,
et il termine enfin par une digression Sur les Anciens et
les Modernes. La position qu'il prend dans la querelle est
moyenne ou intermédiaire; mais, s'il inclinait finalement
d'un côté, ce serait plutôt du côté des anciens. On joindra
d'ailleurs, pour avoir toute sa pensée sur ce point, à la
Lettre sur les occupations de l'Académie sa courte
Correspondance avec La Mothe.
Mais encore une fois, dans cette Correspondance comme
partout, et quelles que soient les idées de Fénelon, ce qu'on
y trouvera de plus intéressant, c'est lui-même ; nous dirions
aujourd'hui, c'est ce qu'il laisse paraître de son moi dans
ses œuvres. Sans avoir l'air presque de s'en douter, il a
une manière, qui n'appartient qu'à lui, d'intervenir de sa
personne dans les sujets qu'il traite, et de solliciter pour
l'amour de lui notre acquiescement aux idées qu'il avance.
Il nous donne le sentiment que, d'oser disputer contre lui
nous lui ferions de la peine, nous l'affligerions, nous ré-
pondrions mal au désir qu'il a de nous plaire. « Ce n'est
pas, a-t-on dit, la vérité qui persuade, ce sont ceux qui
la disent. » Si jamais écrivain a mérité que ce mot fût
inventé pour lui, c'est assurément Fénelon. Et, avant de
nous arrêter de parler de ses œuvres, il importait d'en
faire la remarque, pour deux raisons : la première, pour
achever de montrer que ce n'est pas la Correspondance
de Fénelon qui doit servir à commenter ses Œuvres, mais
au contraire ses Œuvres qui seraient bien plutôt le com-
mentaire de sa Correspondance; et la seconde, pour bien
marquer sa place dans notre histoire littéraire, entre Bos-
suet et Voltaire.
III. C'est ce que l'on verra mieux si, du rapide examen
de son œuvre, nous passons maintenant à tâcher de pré-
ciser son rôle et la nature de son influence. Car les cir-
constances ont bien pu, comme nous l'avons dit, l'empê-
cher de jouer en politique le grand rôle qu'il avait rêvé,
mais, nous l'avons dit aussi, du fond de son exil, son action
n'a pourtant pas laissé de se faire sentir, et il est demeuré
l'âme de la cabale du duc de Bourgogne. La preuve en est
dans les dates mêmes de ses Mémoires relatifs a la
guerre de la succession d'Espagne, et encore plus dans
leur contenu. Le premier est daté du 28 août 1701 : Sur
les Moyens de prévenir la guerre; les derniers sont de
1712 et de 1713, postérieurs par conséquent à la mort
même du prince. Il y traite un peu de tout, avec des vues
d'homme d'Etat, guerre et finances, politique et adminis-
tration : il y parle aussi beaucoup des hommes, sur quel-
ques-uns desquels il porte de curieux jugements, Vendôme
et Villars entre autres. Mais ses lettres particulières sont
encore plus caractéristiques. Elles nous assurent en effet
que, si ses Mémoires n'ont point passé sous les yeux du roi
même, le duc de Beauvilliers s'en est du moins comme appro-
prié la substance. Nous y voyons également le témoignage
du pouvoir qu'il a conservé sur son ancien élève, jusqu'à
prétendre intervenir dans ses rapports avec la duchesse de
Bourgogne. A peine le Dauphin, fils de Louis XIV, est-il
mort, le 14 avr. 1711, que l'ancien précepteur trace tout
un programme au duc de Bourgogne. « Le temps est venu,
lui écrit-il, de se faire aimer, craindre, estimer. Il faut de
plus en plus tâcher de plaire au roi, de s'insinuer, de lui
faire sentir un attachement sans bornes, de le ménager,
de le soulager par des assiduités et des complaisances con-
venables, il faut devenir le conseil de Sa Majesté, le père
des peuples, la consolation des affligés, la ressource des
pauvres, l'appui de la nation, le défenseur de l'Eglise, l'en-
nemi de toute nouveauté. » Puis, sans tarder, et de con-
cert avec le duc de Chevreuse, il s'occupe de rédiger les
Plans de Gouvernement qu'on désigne quelquefois sous
le nom de Tables de Chaulnes. Citons-en quelques articles:
« Lois somptuaires comme les Romains... Retranchement
de tout ouvrage par le roi ; laisser fleurir les arts par les
riches particuliers et par les étrangers... »
« Composition des Etats généraux : de l'évêque de chaque
diocèse; d'un seigneur d'ancienne et haute noblesse, élu
par les nobles ; d'un homme considérable du tiers état,
élu par le tiers état... »
« Education des nobles. Cent enfants de haute noblesse
pages du roi... Mésalliances défendues aux deux sexes...
Anoblissement défendu, excepté les cas de service signalés
rendus à l'Etat. Ordre du Saint-Esprit... Ordre de Saint-
Michel... ni l'un ni l'autre pour les militaires sans nais-
sance proportionnée. »
« Grand choix des premiers présidents et des procu-
reurs généraux. Préférence des nobles aux roturiers, à mé-
rite égal, pour les places de présidents et de conseillers. »
Le grand seigneur, on le voit, reparaissait dans ces
plans, où, sans doute, quelques idées plus libérales se mê-
laient à cette intention de commencer la réforme de l'Etat
par la réintégration de l'aristocratie dans quelques-uns des
privilèges qu'elle n'avait d'ailleurs perdus que pour avoir
manqué aux devoirs dont ils étaient le payement par avance.
FÉNELON
-180 -
Et ni le duc de Bourgogne, ni Fénelon n'eurent le temps
de les mettre à exécution. Mais on les avait certainement
divulgués ; ils étaient connus de tout ce qu'il y avait de
« haute noblesse » en France ; on essayera, au cours du
xvme siècle, d'en réaliser quelque chose; et Fénelon a ainsi
sa part de responsabilité dans cette division de la France
contre elle-même qui devait aboutir, soixante ans plus tard,
à la Révolution.
Elle est plus grande encore dans les mesures de persé-
cution que Louis XIV, dans ses dernières années, a prises
contre le jansénisme, et personne, plus ou autant que Fé-
nelon, n'a travaillé, dix ans durant, pour anéantir un parti
qui n'était rien de moins que la substance morale de la
France. De même que Louis XIV avait cru compenser la
Déclaration des libertés de l'Eglise gallicane par la ré-
vocation de l'édit de Nantes, Fénelon a-t-il cru rétablir à
la cour la pureté de son orthodoxie, compromise par la
condamnation du livre des Maximes des Saints? On peut
poser la question, sans avoir à soupçonner pour cela l'en-
tière et absolue sincérité de Fénelon. Je crois qu'il a cru
que le jansénisme était une doctrine également dangereuse
pour l'Eglise et pour l'Etat. Mais ce qui est certain, c'est
qu'emporté par son zèle, il a mis à poursuivre les débris
du jansénisme bien plus d'acharnement qu'autrefois Bos-
suet n'en avait témoigné contre les fauteurs du quiétisme.
Il a recouru aussi à des moyens qui font plus d'honneur
à la sincérité de ses convictions qu'à la sévérité de sa cons-
cience. Mémoires secrets au confesseur du roi, clam le-
genda, dénonciations nominatives, insinuations perfides et
mensongères, propositions de renouveler contre une héré-
sie « plus redoutable » que celle même de Calvin, tout ce
que l'on avait pris contre les protestants de mesures vexa-
toires, iniques et violentes, Fénelon n'a rien négligé ni re-
culé devant rien. Cela est plus grave, peut-être, qued'avoir,
comme Pascal, attribué par inadvertance à Escobar ou à
Sanchez des décisions de Diana, qui n'était qu'un simple
théatin, ou, comme Bossuet, que d'avoir un jour failli enve-
lopper dans la condamnation des erreurs de Mme Guyon
les rêveries sacrées de Tauler ou de Ruysbrock. Mais
cela surtout peut servir à donner une idée de la tolérance
de Fénelon, et à rectifier l'idée que les philosophes du
xvme siècle en ont transmise à la plupart des biographes'
de l'archevêque de Cambrai. Rien ne lui ressemble moins
que le portrait qu'en a tracé La Harpe dans son Eloge, si
ce n'est l'espèce de caricature que nous en a donnée Marie-
Joseph Chénier dans une tragédie niaisement sentimentale ;
et l'original eut lui-même refusé de s'y reconnaître. Humain
sans doute, comme on l'était ou comme on pouvait l'être en
son temps, Fénelon a d'ailleurs été le moins tolérant des
hommes, si le commencement de la tolérance est de savoir
supporter la contradiction, et son humanité n'a été le plus
souvent que de la politique. « Un coup d'autorité comme
celui qu'on vient de faire à Port-Royal, écrivait-il en 1710,
à son ami le duc de Chevreuse, ne peut qu'exciter la com-
passion publique pour ces filles et l'indignation contre les
persécuteurs. » Et c'est dans le même sens qu'il écrivait
trente ans auparavant au marquis de Seignelay : « Pen-
dant que nous employons ici la charité et la douceur des
instructions, il est important, si je ne me trompe, que les
gens qui ont l'autorité le soutiennent, pour faire mieux
sentir aux peuples le bonheur d'être instruits doucement. »
Telle est exactement la mesure de sa tolérance. Protestants
ou jansénistes, quand il a cru pouvoir utilement user en-
vers eux de douceur, et les convertir ou se les concilier
par le moyen de la persuasion, il l'a fait, mais quand il a
cru qu'il convenait de recourir à d'autres procédés, il n'a
pas hésité davantage, au nom de l'Etat et de la religion.
Ni l'obliquité des voies, ni la rigueur des mesures les plus
tyranniques ne lui ont répugne quand il les a crues effi-
caces. Et, à cet égard, non seulement il n'a point devancé
ses contemporains, comme on le dit quelquefois encore,
mais il est plutôt en arrière de quelques-uns d'entre eux,
Bayle, par exemple, ou Fontenelle. Comment d'ailleurs ne |
l'eut-il pas clé, si, comme Louis XIV, il était surtout un
politique, et si toutes les formes d'opposition offensaient
bien moins la pureté de sa foi qu'elles n'irritaient son or-
gueil et qu'elles ne contrariaient ses desseins ?
Le politique domine tellement en lui le chrétien, et le
moraliste même, qu'il n'a pas soupçonné les conséquences
prochaines de son acharnement contre les jansénistes. Il
ne s'est pas rendu compte, ou, s'il s'en est rendu compte, alors
il ne s'est pas soucié que la bulle Unigenitus fût en quelque
manière la consécration du pouvoir de la Société de Jésus,
l'apologie de la casuistique, la revanche et la condamnation
des Lettres provinciales. Il n'a pas voulu voir que, s'ils
étaient hérétiques pour s'écarter des opinions de Lessius et de
Molina sur la grâce, les jansénistes avaient du moins cet avan-
tage sur leurs adversaires d'enseigner une morale infiniment
plus pure, et plus étroite peut-être, mais d'autant plus haute
et surtout plus chrétienne. En essayant d'anéantir en eux
le principe de résistance et d'opposition qu'ils représen-
taient, il a oublié, s'il l'a jamais su, que, selon le mot cé-
lèbre, on ne s'appuie que sur ce qui résiste, et qu'il ris-
quait d'énerver, ou plutôt de détruire le ressort même de
la moralité. Dans la mesure où il a réussi, ce philosophe n'a
rien épargné pour bien faire sentir l'incompatibilité de la
raison et de la foi. A la religion raisonnable de Nicole et
d'Arnauld,ce grand chrétien a fait ce qu'il a pu pour subs-
tituer la dévotion sentimentale et mystique de Mme Guyon.
Marie Alacoque peut maintenant venir : Fénelon lui a frayé
les voies. Mais, en même temps, ce politique a soulevé contre
la religion tous ceux qui voudront se réserver contre ses
empiétements une part de liberté. Pour avoir prétendu la
faire essentiellement consister en ce qu'elle a de plus
incompréhensible et de plus rare, de plus éloigné de l'usage
commun, de plus subtil et de plus mystérieux, il fa
exposée, non seulement aux attaques de la philosophie,
mais aux railleries même des mondains, et tôt ou tard aux
lourdes dérisions du vulgaire. Il lui a donné la forme qu'il
fallait pour qu'elle irritât le bon sens. Il n'a pas vu, du
fond de son exil, que le jansénisme était la seule barrière
qui s'opposât encore dans les dernières années du grand
règne aux débordements du « libertinage ». Et ce qu'il a
moins vu peut-être, c'est ce qu'il fournissait lui-même de
secours aux « libertins » par la nature de son argumen-
tation contre le jansénisme.
D'où vient en effet que les philosophes du xvme siècle
aient généralement fait étalage pour Fénelon d'une indul- -
gence ou d'une partialité qu'au contraire nous voyons qu'ils
refusent constamment à Pascal ou à Bossuet? Sont-ils
peut-être reconnaissants à ce très grand seigneur de s'être
fait l'un d'eux, homme de lettres comme eux, d'avoir écrit
comme eux des « romans » et des fables ? Soyons bien con-
vaincus au moins que, pour Voltaire, Fénelon ne serait pas
Fénelon, s'il n'était pas avant tout de La Mothe-Salignac.
On lui a su gré aussi de sa prétendue tolérance, et à ce
propos il faut dire que, pour décider ce qu'il en devait
penser, le xvme siècle n'a pas eu sous les yeux ce que nous
avons aujourd'hui de documents qui la démentent. On n'a
pas été non plus insensible à cette espèce de libéralisme
ou d'indépendance d'esprit dont nous avons nous-mêmes,
chemin faisant, donné plus d'un curieux témoignage.
L'auteur des Dialogues des Morts est fort au-dessus de
bien des préjugés; et il y a plaisir, dans la Lettre sur les
occupations de V Académie, à entendre ce prêtre parler
de théâtre. Sa manière est effectivement très éloignée de
celle de Bossuet. Enfin, dans son Télémaque et ailleurs, il
s'est expliqué sur le despotisme en général avec une cer-
taine véhémence, et sans examiner là-dessus si son gou-
vernement, ou celui du duc de Bourgogne, son élève, n'eût
pas eu quelque chose peut-être de plus tyrannique encore
que celui de Louis XIV, on ne s'est souvenu que de ses
critiques. Mais, après cela, ce que le xvme siècle a le plus
goûté en Fénelon, c'est le principal adversaire de Bossuet
et de Pascal. Là, pour Voltaire, par exemple, est son titre de
gloire. Les deux grands écrivains dont Voltaire a soixante
— 481 —
FÉNELON
ans combattu l'influence, et tâché par tous les moyens de
renverser l'autorité, il s'est toujours souvenu que Fénelon
les avait attaqués l'un et l'autre, et il lui en est toujours
demeuré reconnaissant. Rousseau, de son côté, s'il fond
en larmes, comme on l'a dit, au seul nom de Fénelon,
c'est qu'il a retrouvé dans la philosophie de l'archevêque
de Cambrai son idée de la bonté de la nature. Et, en effet,
en haine du jansénisme, dont la conviction de la perversité
de l'homme fait en quelque sorte le premier fondement,
Fénelon, lui, semble incliner à croire que nos instincts
nous ont été donnés pour en jouir. L'auteur deY Emile ne
s'y est pas trompé. Nous pourrions d'ailleurs, si c'en était
le lieu, montrer entre eux plus d'un trait de ressemblance
encore. C'est ainsi qu'ils ont l'un et l'autre abondé, comme
l'on dit, dans leur sens propre, tout au rebours de Pascal
ou de Bossuet; et l'un et l'autre, ils ont sans doute magni-
fiquement célébré la raison, mais ils ont surtout écouté
les suggestions du sentiment. Sans en dire ici davantage,
bornons-nous à constater qu'étant déjà du xvme siècle par
tant de côtés de son talent ou de son caractère, Fénelon
l'est enfin par cet esprit d'utopie qui le distingue si pro-
fondément de ses contemporains . Précisément parce qu'il
ne croit pas la nature aussi corrompue qu'on l'enseignait
à Port-Royal, ou même généralement dans la chaire chré-
tienne, ayant ainsi quelque chose de plus laïque, il a sem-
blé à nos encyclopédistes qu'il y avait en lui quelque chose
de plus philosophique. Si c'était une erreur, elle était excu-
sable alors. Elle le serait moins aujourd'hui, que nous
pouvons reviser le jugement des hommes du xvme siècle,
et après avoir vu ce qu'il y avait de commun entre eux et
Fénelon, préciser avec exactitude ce qui le distingue pro-
fondément d'eux.
C'est qu'il y avait en lui, sinon l'étoffe — nous n'en savons
rien — mais quelque chose des aptitudes, et certainement des
aspirations d'un Mazarin ou d'un Richelieu. Etait-il vrai-
ment né pour le gouvernement et pour la politique? C'est
ce que nous ne saurons jamais. Mais il croyait l'être, et si
nous l'admettons un moment avec lui, toutes ses actions,
toute sa vie, tout son caractère en sont comme éclairés
d'une lumière nouvelle. Alors, ce qu'il y a de douteux ou
d'équivoque dans quelques-unes de ses démarches s'explique
par le besoin de se ménager l'avenir, comme aussi ce que
l'on trouverait autrement d'excessif et de trop passionné
dans quelques-unes de ses manœuvres. On comprend l'obsti-
nation de sa résistance dans l'affaire du quiétisme ; on com-
prend son attitude dans l'affaire du Télémaque ; on com-
prend la violence de son acharnement dans l'afiaire du
jansénisme. Pour la gouverner un jour, demain peut-être,
sous le nom de son élève, on se rend compte qu'il lui fallait,
comme politique, une certaine France, organisée d'une cer-
taine manière, déjà prête à recevoir l'impulsion qu'il se
proposait de lui donner. Et sans doute cela ne le justifie
ni ne l'excuse même de l'emploi de certains moyens, mais
c'est une raison d'y regarder de plus près et de peser plus
soigneusement les termes du jugement qu'on en porte. On
ne le traite communément que comme un homme d'Eglise :
il serait juste aussi d'en parler quelquefois comme d'un homme
d'Etat. L'a-t-on bien assez fait ? Nous posons la question
sans vouloir aujourd'hui la résoudre. Mais ce que nous pou-
vons au moins dire, c'est que si l'on se plaçait à ce point
de vue pour étudier le drame intérieur de ses dernières
années, il en prendrait un air nouveau de grandeur et de
beauté tragique.
Pendant plus de quinze ans en effet qu'a duré son
exil, jusqu'à sa mort, et que, bien loin d'abdiquer
aucune de ses espérances, il s'est cru tous les jours au
moment de les voir se réaliser, son ambition même est
devenue la source de ses plus rares vertus, et son orgueil
a fait en lui de plus heureux effets que son humilité.
Quelque autre eût gémi, récriminé, crié, supplié, prié
peut-être, laissé voir sa blessure, demandé à ses anciens
amis l'aumône de leur compassion ; lui, non seulement il n'a
point ployé, mais, sans trahir le secret de son cœur, il a con-
tinué du fond de son exil à diriger, à guider, à conseiller, à
reprendre, à gourmander les siens. Supérieur aux besoins
naturels, entièrement, absolument dépouillé de ses sens,
maître en tout de lui-même, comme rarement homme l'a
été, de sa parole et de sa plume, de ses actions et de ses
pensées, attentif à ses moindres devoirs, il a quinze ans
nourri sa chimère, sans en rien laisser voir au dehors et y
rapportant tout, comme nous le savons aujourd'hui, mais n'y
sacrifiant aucune de ses obligations, pas même celle d'amu-
ser les neveux qu'il aimait à réunir dans son palais de
Cambrai. Comment cependant conciliait-il avec cette âpreté
d'ambition des vertus moins laïques, ou comment sa charité
chrétienne avec des espérances qu'il fallait bien qu'il fondât
sur deux morts au moins : celle de Louis XIV et du Dauphin?
C'est le secret qu'il n'a dit à personne, et que peut-être il n'a
pas su lui-même ! Mais sous ce calme apparent, entre deux
lettres où reparaît l'enjouement de sa première jeunesse, entre
deux Mandements où il attaque le jansénisme, entre deux
courriers de Versailles qui lui apportent des nouvelles du roi,
quels orages, sans doute, quelles alternatives d'espérance et
de dégoût de tout, quels combats de l'ambitieux et du chré-
tien, quelle pitié, quelle horreur de lui-même, quelles dé-
faites et quelles victoires ? On essayerait en vain de se l'ima-
giner. Ce que nous pouvons supposer seulement, c'est que
la violence même de ces luttes intérieures n'allait pas sans
quelque compensation, si, de chacune de ces crises, Fénelon
sortait plus maître encore de lui, plus digne ou plus capable
du rôle qu'il rêvait toujours. Aussi devine-t-on quel coup
fut pour lui la mort du duc de Bourgogne, au mois de
févr.1712, quelle ruine de ses dernières espérances, et quel
deuil, quelle leçon aussi pour le chrétien : « Hélas ! mon
bon duc, écrivait-il à M. de Chevreuse, le 27 févr., Dieu
nous a ôté toute espérance pour l'Eglise et pour l'Etat. Il
a formé ce jeune prince ; il l'a orné ; il l'a préparé pour les
plus grands biens ; il l'a montré au monde et aussitôt il l'a
détruit. Je suis saisi d'horreur et malade de saisissement
sans maladie... » C'était le dernier cri de cette longue et
patiente ambition que l'espérance avait jusqu'alors entre-
tenue dans le cœur de Fénelon, et, cinq jours plus tard, il
écrivait au duc de Chaulnes : « Je ne puis, mon bon duc,
résister à la volonté de Dieu qui nous écrase. Il sait ce que
je souffre, mais c'est sa main qui nous frappe et nous le
méritons. Il n'y a qu'à se détacher du monde et de soi-
même ; il n'y a qu'à s'abandonner sans réserve aux des-
seins de Dieu. Nous en nourrissons notre amour-propre
quand ils flattent nos désirs, mais quand ils n'ont rien que
de dur et de détruisant, notre amour-propre hypocrite et
déguisé en dévotion se révolte contre la croix... Ô mon cher
duc, mourons de bonne foi. » Et, à partir de ce moment,
il continua, puisqu'il avait commencé, d'écrire contre les
jansénistes et de hâter de ses vœux l'expédition de la Bulle
si longtemps attendue ; il essaya, pour se distraire lui-
même de son inconsolable chagrin, de se reprendre à ses
occupations longtemps abandonnées, et c'est alors qu'il
écrivit la Lettre sur les occupations de V Académie fran-
çaise; mais les trois années qui lui restaient à vivre ne
furent plus, si l'on peut ainsi dire, qu'une préparation pas-
sionnée à la mort. Nous en trouvons la preuve dans ses
Lettres spirituelles, animées et comme soulevées, pour
ces années 1712, 1743, 1714, selon l'expression de l'un
de ses biographes, « d'un souffle de foi plus ardent et plus
simple qu'autrefois ». S'il avait attendu que le monde le
quittât pour le quitter lui-même, le détachement était complet
désormais et l'heure suprême pouvait venir. Elle vint, comme
on sait, au commencement de 1715, après six jours seule-
ment de maladie, pendant lesquels, dit Saint-Simon, « il
parut insensible à tout ce qu'il quittait et uniquement occupé
de tout ce qu'il allait trouver avec une tranquillité et une
paix qui n'excluait que le trouble et qui embrassait la péni-
tence, le détachement, le soin unique des choses spirituelles
de son diocèse, enfin une confiance qui ne faisait que surnager
à la crainte et à l'humilité ». Il expira le 7 janv. à cinq
heures et un quart du matin. F. Brunetière.
FÉNELON - FENESTELLA
— 182
Bibl. : Nous avons décrit dans le corps même de cet
article la principale et la meilleure édition qu'il y ait des
œuvres de Fénelon. On fera seulement attention qu'elle
ne contient pas le livre des Maximes des Saints ; et on y
joindra quelques recueils de Lettres inédites, publiées eh
volumes, sous les dates de 1850, 1853, 1863, 1874, ou dans
les recueils de plusieurs Sociétés de province et de Tétran-
ger, sous les dates de 1849, 1859, etc. Les dernières, dont
l'authenticité n'est pas tout à fait démontrée, mais paraît
infiniment probable, ont étépubliéesparM. Eugène Ritter,
le savant professeur de l'université de Genève dans les
livraisons du 15 JL.il. et du 15 sept, de l'année 1892 de la
Revue internationale de V Enseignement supérieur. Elles
sont tirées de la collection des Œuvres de Mma Guyon.
Enfin, pour les éditions particulières du Traité de VEdu-
cation des filles ou du Traité de l'Existence de Dieu,
comme du Télémaque ou de la Lettre à M. Dacier, elles sont
innombrables.
Sur l'histoire de Fénelon lui-même, il serait inutile de
remonter au delà de l'Histoire de FéneZon, par le cardinal
de Bausset, dont il y a plusieurs éditions. On y joindra
comme un complément et un correctif indispensables le
volume de Tabaraud, Supplément aux Histoires de Bos-
suetetde Fénelon, Paris, 1822, et l'Histoire littéraire de Fé-
nelon, par l'abbé Gosselin; Paris, 1843. — V. encore A. Bok-
nel, la Controverse de Bossuet et de Fénelon sur le Quié-
tisme; Mâcon, 1850.— 0. Douen, l'Intolérance de Fénelon,
Paris, 1875, 2e édit. — Algar Griveau, Etude sur la
condamnaAion du livre des Maximes des Saints ; Paris,
1878. — Guerrier, Mmo Guyon, sa vie, sa doctrine et son
influence ; Paris, 1881. — Emmanuel de Broglie, Fénelon
à Cambrai; Paris, 1884. — Paul Janet, Fénelon, dans la
collection des Grands Ecrivains français ; Paris, 1892. —
Albert Le Roy, la France et Rome de 1 100 à 1715; Paris, 1892.
Pour les Etudes littéraires, on n'en finirait pas de les
signaler. Il convient cependant de mentionner au moins
parmi les plus intéressantes : VEloge de La Harpe, 1771 ;
le chapitre de Nisard, 1846, dans son Histoire de la Litté-
rature française, et trois articles de Sainte-Beuve, Cause-
ries du Lundi, 1850 et 1854, t. II et X.
FÉNELON (Gabriel- Jacques de Salignac, marquis de),
général et diplomate français, né le 25 juil. 4688, mort près
deRaucoux le 11 oct. 1746. Entré au service comme mous-
quetaire en 1704, Fénelon assista en 1706 à la bataille de
Ramillies et obtint, la même année, une compagnie au
régiment royal des cuirassiers. De 1707 à 1708, il servit
à l'armée du Rhin sous Rerwick et Villars et, colonel du
régiment d'infanterie deRigorre en 1709, commanda ensuite
en Dauphiné sous Rerwick. De 1710 à 1712, il servit à
l'armée de Flandre et se trouva aux prises de Douai, du
Quesnoy et de Rouchain. Nommé inspecteur général de l'in-
fanterie le 20 oct. 171 8, brigadier lelerfévr. 1719, il obtint,
le 6 mars de la même année, la charge de colonel du régi-
ment de Poitou. Durant la campagne d'Espagne, il assista
aux sièges de Fontarabie, de Saint-Sébastien, d'Urgel et
de Rosas. Le 31 mai 1724, Fénelon fut envoyé comme
ambassadeur en Hollande. Ce poste n'avait plus la même
importance qu'au temps de Louis XIV, mais il exigeait de
celui auquel on le confiait des qualités particulières de sou-
plesse et de fermeté, en même temps que des connaissances
étendues. Fénelon remplit encore une autre mission diplo-
matique ; il fut nommé le 31 août 1737 ambassadeur
extraordinaire au congrès de Soissons. Ces diverses missions
n'interrompirent point sa carrière militaire. Fait maréchal
de camp le 1er août 1734 et gouverneur du Quesnoy le
23 avr. 1735, il devint lieutenant général le 1er mars
1738, conseiller d'Etat d'épée le 26 sept, de la même
année et chevalier des ordres du roi le 2 févr. 1740. Pen-
dant la guerre de la succession d'Autriche, il servit d'abord
à l'armée des Pays-Ras sous le maréchal de Saxe (1744),
puis à eelle du Rhin sous Conti (1745). Il était en passe
d'obtenir le bâton de maréchal quand il fut blessé à mort
à Raucoux. Il a laissé des Mémoires sur ses missions diplo-
matiques, et c'est à lui qu'on doit la mise au jour de la
première édition complète des Aventures de Télémaque
(1717). Louis Farges.
Bibl. : Tinard, Chron. historique militaire.
FÉNELON (François-Louis de Salignac, marquis de),
littérateur français, fils du précédent, né le 7 nov. 1722,
mort au château d'Aschères, près d'Orléans, le 10 oct. 1767.
Il fut successivement brigadier d'infanterie (1747), maré-
chal de camp (1749), lieutenant général (1762), gouver-
neur de la Martinique et des îles du Vent (1763). Il a écrit
une tragédie, Alexandre (Paris, 1761, in-8), et donné une
réédition de la vie de Fénelon sous le titre de Nouvelle
Histoire de messire F. de Salignac de La Mothe Féne-
lon, archevêque-duc de Cambrai (La Haye, 1747, in-8).
FÉNELON (J.-R.-A. Salignac de La Mothe-), de la
famille des précédents, né à Saint-Jean-d'Estissac en 1714,
exécuté à Paris le 7 juil. 1794. Aumônier de Marie Leczinska,
il s'établit en 1758 dans son prieuré de Saint-Sernin-du-
Rois, près d'Autun, et répandit des bienfaits sur tout son
voisinage. Il vint ensuite à Paris où il dirigea l'œuvre des
Savoyards. Arrêté comme suspect, il fut traduit devant le
tribunal révolutionnaire.
FÉNÉRIFE ou VOUHIMASINE. Ville maritime de Ma-
dagascar, sur la côte E., prov. de Retsimaraka. La rade est
peu sûre. C'est un des centres d'exportation du riz.
FÉNÉRY. Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. et cant.
de Parthenay; 465 hab.
FENESTELLA. L Rotanique. — Genre de Champignons
Sphériacés, à périthèces agrégés, munis d'un col, à asques
cylindriques, à grandes spores colorées et offrant un cloison-
nement qui lui donne l'aspect feutré. Habitat : rameaux
d'aunes, de saules, d'aubépine, etc. H. F.
II. Paléontologie. — Genre de Rryozoaires fossiles
créé par Lonsdale et devenu le type de la famille des Fe-
nestellidœ (King), qui présente les caractères suivants:
colonie libre en forme d'entonnoir, d'éventail, de lamelle ou
de branche d'arbre, fixée par une plaque basale commune
et portant les cellules. Rameaux réticulés s'anastomosant
ou reliés par des ponts transversaux. Ouvertures des cel-
lules d'un seul côté de la colonie. — Ces Rryozoaires res-
semblent aux Polypiers cornés du groupe des Alcyonaires
(Gorgones), avec lesquels les anciens les confondaient sous
le nom de Gorgonia. Tous sont de l'époque paléozoïque.
Fenestella s'étend du Silurien au carbonifère. De nom-
breux genres, dont Archimedes (V. ce mot), appar-
tiennent à la même famille. E. Trt.
FENESTELLA, historien latin du temps d'Auguste,
mort à l'âge de soixante-dix ans, en 19 ap. J.-C,
suivant saint Jérôme, vers 36 seulement d'après Pline
l'Ancien (Hist. nat., XXXIII, 52). On ne connaît
que son surnom, son nom et son prénom n'étant
cités nulle part. Il composa des Annales et, comme
Varron, les résuma lui-même ; les livres II, III, et XXII
sont cités par Nonius. Un grand nombre de citations ont
trait à des questions de droit civil ou pontifical (la pro-
vocatio, les questeurs, les quindecimviri, les lois Aurélia,
les jours festi et profesti, le calendrier romain, les jeux
du cirque, les livres sibyllins, etc.) ou à différents usages
relatifs à la vie privée, ou à la littérature (sur Térence et
Cicéron). Pline l'Ancien le cite parmi ses auteurs, au sujet
des éléphants, des animaux aquatiques, des arbres frui-
tiers, des métaux, de la peinture. Ces citations apparte-
naient-elles aux Annales, ou sont-elles tirées d'un ouvrage
spécial sur les coutumes et le droit? On n'en sait rien.
Quoi qu'il en soit, il jouit d'une grande autorité, quoi-
qu'Asconius et Aulu Gelle lui reprochent des erreurs;
Suétone, par exemple, s'appuie sur lui au début de la
Vie de Térence. Lactance l'appelle diligentissimus scrip-
tor (Inst. div., I, 6, 14) et le place à côté de Varron
en les nommant tous les deux maximi auctores. Suivant
la chronique de saint Jérôme (à l'année 772 de Rome);
Fenestella avait aussi composé des poésies ; mais rien ne
confirme ce renseignement ; peut-être le passage est-il
altéré et faut-il lire annalium au lieu de carminum.
Au xvie siècle, on imprima plusieurs fois sous son nom
deux livres, DeMagistratibus et Sacerdotiisromanorum,
où, parmi les sacerdotia, se trouvent les évêques et les
archevêques. Cet ouvrage est en réalité d'un prêtre mort
en 1452, Andr. Don. Fiocchi, et fut publié en 1561 sous
le nom de son véritable auteur (Floccus). A. Waltz.
Bibl.: J. Pœth, De Fenestella historiarum scriptore et
carminum; Bonn, 1849. — H. Peter, Historicorum Roma-
norum fragmenta ; Leipzig, 1883,
— 183 —
FENESTRAGE — FENÊTRE
FENESTRAGE (Archit.). Terme désignant aussi bien
l'ensemble des fenêtres d'un édifice et leur disposition gé-
nérale qu'une série de fenêtres très rapprochées les unes
des autres et seulement séparées par des meneaux de
pierre ou de bois de peu de largeur comme on en voit dans
de nombreux édifices du moyen âge ou de la Renaissance.
— On appelle aussi fenestrage le remplissage, par des ner-
vures en maçonnerie recevant les vitraux, des grandes baies
des édifices religieux de l'époque gothique ; tandis que, de
nos jours, on se sert de ce même terme de fenestrage, en
construction, pour désigner les châssis de menuiserie vitrés
ou croisées qui garnissent les baies d'un édifice. Ch. Lucas.
FENESTRELLES. Rourg d'Italie, prov. de Turin, à
4,454 m. d'alt., près du Clusone, affl. de gauche du Pô;
4,238 hab. La route du mont Genèvre, la meilleure des
routes entre la France et l'Italie, et qui vient de Rriançon,
se bifurque à Césanne : l'une des branches, la plus acces-
sible, se dirige par Oulx et Exilles-sur-Suze ; l'autre passe par
le col de Sestrières sur Fenestrelles. « La route du Clusone est
barrée à Fenestrelles, à 36 kil. du mont Genèvre, par une
série d'ouvrages reliés par un retranchement. Le fort prin-
cipal ou fort inférieur est armé de 60 pièces environ ; le fort
supérieur porte une vingtaine de pièces. La garnison peut
être de 4,000 hommes. » (Col. Niox.) Entre Exilles et Fe-
nestrelles se développent les positions célèbres de Y Assiette.
Fenestrelles a servi de prison à Xavier de Maistre qui y a
écrit le Voyage autour de ma chambre. Cette vallée est
une des vallées vaudoises. Les Vaudois établis depuis le
moyen âge y opposèrent une résistance acharnée à toutes
les persécutions. La langue généralement parlée est le fran-
çais. Cependant l'italien y fait de notables progrès. Fenes-
trelles appartenait au Rriançonnais (Dauphiné) et par suite
à la France. Elle fut cédée à la Savoie par le traité d'Utrecht.
Le fort élevé en 4696 et pris parles Savoyards en 1708,
devint une des plus fortes places delà région. Les Français
le rasèrent en 4796.
FÉNÉTRANGE (Filistenges , 1070, Phylostanges ,
1222, en allem. Finstingen). Ch.-l. de cant. delà Lorraine
allem., arr. de Sarrebourg, sur la Sarre et le chem. de fer
de Sarrebourg à Sarreguemines ; 1,429 hab. Rrasseries,
tanneries, filature de laine, carrières. Eglise collégiale à
trois nefs, beau monument historique du xve siècle. Restes
de deux châteaux forts, dont l'un sert d'école ; des forti-
fications on voit encore quelques murailles avec deux tours
rondes et une porte flanquée de deux tours, qui sert d'hô-
tel de ville ; pont sur la Sarre à trois arches construit au
milieu du xvme siècle ; restes gallo-romains. Fénétrange,
dès le xie siècle domaine du chapitre de Remiremont, qui
y avait un atelier monétaire, devint plus tard le chef-lieu
d'une seigneurie importante, et possédait dès le xive siècle,
un castel avec donjon et forteresse. D'abord fief des évèques
de Metz, puisbaronnie libre de l'Empire, la terre de Féné-
trange passa successivement aux maisons d'Havray, de
Croy, de Vaudémont, de Lorraine et de Salm, et à cer-
taines époques elle avait plusieurs seigneurs à la fois. En
1782, la baronnie de Fénétrange fut donnée par Louis XIV
au duc de Polignac, au moyen d'une vente simulée que
l'Assemblée constituante annula en 1791. Fénétrange
porte d'azur a la fasce d'argent. L. W.
Bibl. : Benoit, Répert. archéol. dudép. delà Meurthe;
Nancy, 1862, 5. — Du même, les Corporations de Fénétrange;
Nancy, 1864; plusieurs articles dans Mém. de la Soc. d'ar-
chéol. lorr.t 1861 et 1868.
FENÊTRE. I. Technologie (V. Croisée).
IL Architecture. — Raie ou ouverture pratiquée dans
le mur extérieur d'une construction pour donner du jour et
de l'air à l'intérieur. Comme tout élément important dans
la structure et pour l'usage des édifices, les fenêtres ont,
suivant les climats, suivant les matériaux mis en œuvre et
surtout suivant la destination des édifices, reçu des dimen-
sions, des formes, des dispositions et des décorations diffé-
rentes. En outre, le style et la richesse d'architecture
d'une époque, exerçant leur influence sur la décoration
des chambranles ou encadrements extérieurs des fenêtres,
assurent à ces dernières une place souvent considérable et
quelquefois prépondérante dans l'ornementation et par suite
dans le caractère monumental des édifices.
On ne peut douter que les anciens n'aient connu l'usage
des fenêtres, et an certain nombre de celles-ci, datant d'épo-
ques bien différentes, mais remontant à plus de dix-huit
siècles, existent encore de nos jours, en partie ruinées il
est vrai, dans les édifices élevés par les Egyptiens, les
Grecs et les Romains. Cependant le climat des bords de la
mer Méditerrannée étant plus chaud que le climat des con-
trées du N.-O. de l'Europe ; la vie des anciens Egyptiens,
des Grecs et des Romains, étant plus extérieure que la
nôtre, cette vie se passant, beaucoup plus que la vie de
nos jours, sur la place publique ou sous les portiques sur
lesquels s'ouvraient aussi bien les portes des temples et
des autres édifices publics que celles des chambres des riches
maisons ; enfin les rites des différentes religions égyp-
tienne, grecque ou romaine, ne permettant l'accès de l'in-
térieur des temples qu'à un petit nombre d'initiés ; toutes
ces circonstances réunies ont fait que, jusqu'au commence-
ment de notre ère, les fenêtres n'ont occupé qu'une place
assez restreinte dans la construction et par suite dans la
décoration des édifices. — Dans l'ancienne Egypte, les py-
lônes, placés à l'entrée des temples, montrent encore les
petites fenêtres, assez irrégulièrement disposées et sembla-
bles à des meurtrières, qui éclairaient des chambres à l'in-
térieur de ces pylônes et permettaient aussi aux gens de
service d'amarrer solidement les mâts et de hisser les dra-
peaux que l'on y faisait flotter les jours de fête ; de plus,
certaines grandes salles hypostyles présentaient, à leur
partie supérieure el grâce à la différence de hauteur de la
nef centrale et des nefs latérales, des fenêtres s'ouvrant
entre les terrasses couvrant ces nefs, fenêtres qui n'étaient
autres que des vides réservés dans la construction et fer-
més par des grillages de pierre ou claustra; enfin, sur les
représentations peintes ou sculptées de palais ou de maisons
que nous ont conservées les tombeaux, figurent de véri-
tables fenêtres souvent divisées par des meneaux en plu-
sieurs ouvertures rectangulaires et encadrées d'un cham-
branle dont les pieds-droits, reposant sur un appui, s'inclinent
vers l'intérieur et diminuent de largeur à mesure qu'ils
s'élèvent vers leur couronnement, lequel consiste assez sou-
vent en une gorge avec au-dessus un simple filet. Mais,
dans les ruines de Thèbes, au pavillon royal de Médinet-
Abou, appelé aussi pavillon de RamsèsIII, du nom du pha-
raon qui le fit construire environ quinze siècles avant notre
ère, existent encore deux types différents de fenêtres : l'un,
dont la baie est plus large que haute, offrant un chambranle
formé par la saillie des assises entre lesquelles s'ouvre
cette baie et couvert, sur ses parties montantes, de hiéro-
glyphes tandis que la partie supérieure est décorée d'un
globe ailé, et l'autre dont le chambranle est orné de même,
mais a un très fort relief, ce qui en forme comme un pe-
tit monument séparé, et est, de plus, couronné d'une gorge
décorée, elle aussi, d'un globe ailé et surmontée de car-
touches entourés et reliés par des ornements en forme de
guirlandes. — La Grèce ancienne offre, moins encore peut-
être que l'Egypte, des exemples de fenêtres éclairant, soit
l'intérieur des temples et des édifices publics, soit l'inté-
rieur des maisons : cependant un bas-relief antique montre
une fenêtre plus large que haute, sur le côté d'un temple;
des fenêtres, ouvertes à même le mur et sans chambranle,
se voient aux portes de Messène, et la cella de Pandrose,
dans l'Erechthéion d'Athènes, sorte de corridor étroit lon-
geant le côté occidental du corps principal de l'édifice, a
conservé, dans les entre-colonnements de sa façade, trois
fenêtres destinées à donner du jour dans cette partie du
monument. Nous reproduisons (fig. 1) l'ensemble d'une
de ces fenêtres ainsi que le détail de la moulure en for-
mant le chambranle, fenêtre et" chambranle qui remontent à
la reconstruction de l'Erechthéion après les guerres médi-
ques, c.-à-d. à la plus belle époque de l'art grec. — Quoique
les Romains ne se servaient pas beaucoup plus que les
FENÊTRE
— 484 —
Grecs de fenêtres pour éclairer leurs temples et leurs mai-
sons, nous connaissons un certain nombre de types de fe-
nêtres romaines, types bien différents dans leurs disposi-
tions et leur décoration, suivant la destination des édifices
Fig. 1. — Elévation de la fenêtre de la cella de Pandrose
à l'Erechthéion d'Athènes, et coupe de la moulure
du chambranle.
dont les ruines nous les ont conservés. C'est ainsi que les
fenêtres du temple de la Fortune, à Prœneste (Italie)
(fig. 2), avec leurs crossettes qui élargissent le cham-
branle à la hauteur de l'appui et du linteau et avec leurs
fines consoles portant une corniche de couronnement, offrent
un bel exemple emprunté au style gréco-romain, tandis que
dans les grands am-
phithéâtres, le Co-
tisée de Rome ou
l'amphithéâtre d e
Pola (Istrie), les
fenêtres sont de
simples baies, car-
rées ou rectangu-
laires, ménagées
dans la construc-
tion de l'étage su-
périeur et dépour-
vues de cham-
branles saillants ;
en revanche, les
salles de réunion
des vastes ensem-
bles d'édifices con-
stituant les Ther-
mes des empereurs
étaient éclairées par
de larges arcades
remplies par des
claustra, et dans
les maisons de Pom-
péi, qui n'avaient
que rarement des
fenêtres ouvrant
sur la voie publique,
ces fenêtres, peu
importantes, souvent plus larges que hautes, étaient per-
cées à même la décoration du mur, et on peut en outre
constater que, dans la maison dite du Poète tragique,
qui, chose exceptionnelle, a six fenêtres à rez-de-chaussée,
les appuis de ces ^"fenêtres sont plus élevés au-dessus du
sol des pièces que ne le seraient à notre époque, avec les
règlements de voisinage, les appuis de jours de souffrance ;
car ces appuis de fenêtres de Pompéi sont à plus de six
pieds (2 m.) au-dessus du sol. C'est encore à Pompéi,
Fig. 2. — Elévation de la fenêtre du
templ
(Italie).*
temple de la Fortune, à Preeneste
"'alie
dans une salle intérieure de la maison dite de Plinius Ru-
fus, que l'on voit un chambranle de fenêtre avec crossettes
encadrant une surface de mur rectangulaire creusée en
biseau et dont une toute petite partie seulement est percée
de part en part afin de former une meurtrière, tant dans
les climats chauds et dans les maisons romaines antiques
les fenêtres jouaient un rôle différent de celui qu'elles rem-
plissent dans nos climats souvent froids et dans nos maisons
modernes du N. de l'Europe. — Les Romains imposèrent
aux peuples qu'ils avaient conquis leur architecture, et, au
moyen des légionnaires cantonnés aux extrémités de l'Em-
pire, ils firent adopter dans toute la partie du monde sou-
mise à leur domination leurs types et leurs procédés de
construction : cependant il est intéressant de mentionner
ici la seule représentation connue d'une petite fenêtre,
bien simple, de forme reclangulaire, percée à même la clô-
ture de bois d'une hutte circulaire gauloise, fenêtre qui se
voit dans le bas-relief romain, encadré dans le piédestal
de la statue de Melpomène au musée du Louvre et repré-
sentant un Gaulois défendant sa maison contre un légion-
naire romain au temps de la conquête de la Gaule par Jules
César.
Dans l'architecture latine et dans l'architecture byzan-
tine, pendant les premiers siècles du moyen âge, les fenê-
tres continuèrent, comme à l'époque romaine, à être ou
rectangulaires ou cintrées par le haut, et, si elles furent
plus nombreuses que
dans les siècles pré-
cédents, leurs ou-
vertures furent tou-
jours , ou laissées
béantes ou garnies de
claustra de pierre,
de marbre, de bois
ou de métal, claus-
tra dont parfois les
vides étaient garnis
de morceaux de
verre. En effet, les
anciens connais-
saient le verre ; mais
ils ne le fabriquaient
pas, comme on le
fabrique de nos
jours , en grandes
surfaces, pour l'em-
ployer à des usages
courants. Jusqu'au xne siècle, nombre d'églises romanes
eurent leurs fenêtres dans les mêmes conditions, mais
avec un large ébrasement intérieur, ainsi qu'on peut
le voir sur le plan (fig. 3) qui accompagne l'élévation
d'une fenêtre de l'église" de Savenières, sur la rive droite
de la Loire, église dont on fait remonter au vme siècle la
partie de façade latérale à laquelle est empruntée cette fe-
nêtre. L'ouverture extérieure en est de petites dimensions,
4m10 de hauteur sur 0m60 intérieurement, et est ornée
d'une archivolte et de pieds-droits formés de briques et de
morceaux detuffeau blanc, tranchant heureusement, comme
coloration, avec la maçonnerie de petit appareil et d'un ton
noirâtre du reste du monument. Au reste, les fenêtres de
l'ère romane primitive présenteraient peu d'intérêt, à cause
de leur peu de variété, si parfois, comme dans certains
monuments carolingiens de l'E. de la France, plusieurs fe-
nêtres n'étaient rapprochées l'une de l'autre, formant ainsi
une fenêtre double, triple et même quadruple dont la re-
tombée intérieure des archivoltes ou les joints des linteaux
reposaient sur des colonnettes assez rudimentaires comme
bases et comme chapiteaux, mais ne manquant pas pourtant
d'une certaine élégance de proportions. En outre, dans les
fenêtres groupées par trois, celle du milieu avait parfois
une plus grande hauteur, surtout quand la fenêtre était
placée à la partie supérieure d'un pignon, et souvent aussi
un arc en décharge, placé au-dessus de la fenêtre et bien
Fig. 3. — Plan et élévation d'une
fenêtre de l'église de Savenières
(France).
485
FENÊTRE
appareillé, venait, comme à l'église Saint-Front de Périgueux,
reporter le poids de la construction supérieure sur les parties
de mur à droite et à gauche de la fenêtre, en même temps
qu'il tranchait par sa courbe sur les assises horizontales de
l'appareil du pignon. Avec l'ère de transition du roman
au gothique, les formes des fenêtres devinrent plus va-
riées, et les parties supérieures des bras de la croisée de la
cathédrale de Noyon, véritables transepts bâtis sur un plan
circulaire, vers 1150, sont éclairées par de longues fenê-
tres jumelles plein cintre qui s'ouvrent sur une galerie
extérieure passant à travers les contreforts butant les
arêtes des voûtes (V. fig. 4, le plan, et fig. 5, la vue pers-
Fig. 4. — Plan! d'une fenêtre des transepts circulaires
Çïî£%& de la cathédrale de Noyon.
pective d'une de ces fenêtres). Comme le plan l'indique,
dans ces fenêtres, des feuillures intérieures pouvaient ser-
vir aussi bien à les abriter du vent qu'à pourvoir à leurs
réparations possibles ; en outre, fenêtre, galerie, contre-
forts et grand arc de décharge entre les contreforts, au-
dessus de la claire-voie de la galerie, forment un heureux
contraste par leurs proportions différentes, et produisent,
sur cette façade circulaire, une grande variété de jeux de
lumière et d'ombres. A la fin du xne siècle et pendant la
première moitié du xme siècle, les fenêtres devinrent de
plus en plus larges à mesure que les édifices devenaient
plus vastes, et
le système des
meneaux se gé-
néralisa, créant
ainsi une clôture
de pierre large-
ment ajourée à
l'intérieur des
baies ; souvent
même, au-dessus
de deux fenêtres
jumelles fut dis-
posé un œil-de-
bœuf, ressouve-
nir de YociUus
des basiliques la-
tines, mais divisé
par des réduits
de pierre en plu-
sieurs lobes
rayonnant au-
tour d'une ou-
verture centrale.
Parmi les plus
belles fenêtres de
ce genre, il faut
citer les fenêtres
de l'église haute
de la Sainte-
Chapelle du Pa-
lais de Justice de
Paris (V. fig. 6, le plan et l'élévation d'une de ces fenêtres).
Le vide est divisé en deux par un meneau central portant
deux arcs brisés et une rose; mais -les deux fenêtres
jumelles ainsi produites sont divisées à leur tour par des
meneaux plus petits qui portent aussi des arcs brisés et
hig. 5. — Vue perspective d'une fenêtre
des transepts
Noyon.
une rose, ce qui diminue les dimensions des espaces à
vitrer et forme entre l'appui de la baie, les contreforts
l'encadrant et l'arc de décharge portant le pignon, une
claire- voie ajourée du plus heureux effet. Malheureuse-
ment, avec la fin du xme et le commencement du xive siècle,
se multiplient les meneaux, et les divisions, d'abord de
formes géométriques (arcs brisés et roses), des claires-
Fig, g. — Plan et élévation d'une fenêtre de l'église
haute de la Sainte-Chapelle de Paris.
voies, prennent des formes contournées, ressemblent à
des cœurs allongés, à des ailes, à des flammes, ce qui
motive le nom de gothique flamboyant donné à cette phase
de l'architecture ogivale. — On ne saurait nier que, dans
les édifices civils, les fenêtres n'aient suivi les mêmes trans-
formations que dans les édifices religieux et n'aient, elles
aussi, présenté, après les formes simples de l'ère romane
et de l'ère de transition, les formes plus sveltes de la pre-
mière période ogivale et enfin les formes tourmentées du
style gothique flamboyant, et l'on en pourrait citer de nom-
breux exemples, surtout dans les couronnements de lucarnes
des édifices civils élevés à la fin du xve siècle; cependant
la nécessité d'obéir à des exigences plus restreintes et
aussi plus nettement définies maintint les formes et les
divisions des fenêtres des édifices civils dans des données
moins fantaisistes, et l'on peut rappeler, comme exemple
de fenêtre d'un édifice civil de la fin du xve siècle, la
fenêtre encore existante de la grande salle du palais des
Comtes, à Poitiers, fenêtre surmontant une cheminée à
trois foyers dont le passage des tuyaux de fumée a forcé
d'aveugler une partie des travées du vitrage (V. Cheminée,
t. X, p. 1053, fig. 1).
L'époque de la transition entre le moyen âge et la Re-
naissance amena, en France particulièrement, des fenêtres
des formes les plus variées et dont la partie supérieure fut
tantôt formée par un arc surbaissé et tantôt couronnée
par un arc en accolade ; mais, avec la Renaissance, repa-
rurent, pour les fenêtres comme pour les autres parties des
édifices, tous les éléments de l'architecture antique. Dès la
fin du xve siècle, les palais de l'Italie présentèrent des fe-
nêtres à plates-bandes ou cintrées, avec claveaux appa-
reillés, encadrées par des assises disposées régulièrement
et souvent taillées en bossages, avec des moulures formant
chambranles, et ces derniers souvent couronnés de frontons
FENÊTRE
186 —
aigus ou circulaires. Il en fut de même en France ; seule-
ment, fidèles aux traditions du moyen âge, les fenêtres y
conservèrent plus longtemps, même dans les édifices civils,
la division en meneaux, lesquels formaient une croix à un
ou plusieurs croisillons dans lesquels des feuillures rece-
vaient des châssis vitrés indépendants les uns des autres.
On peut citer, comme un bel exemple appartenant à la Re-
naissance française, les fenêtres du premier étage de la
cour du Louvre, dans la partie due à Pierre Lescot et à
Jean Goujon (V. fig. 7, une de ces fenêtres empruntée à un
Fig. 7. — Fenêtre du premier étage de la cour du Louvre.
des avant-corps et surmontée de lions affrontés mais sépa-
rés par une tête de femme, tandis que les fenêtres des
arrière-corps ont pour couronnement, au-dessus de la cor-
niche, un fronton aigu ou circulaire). Dans ces fenêtres,
on remarquera de plus le contre-chambranle recevant la
riche console qui porte la saillie de la corniche et a per-
mis de sculpter au-dessus, en haut relief, les lions et la tête
de femme, et on remarquera aussi que, la partie supérieure
du chambranle proprement dit, formant architrave, l'en-
semble de l'encadrement de la baie renferme tous les élé-
ments : architrave, frise et corniche d'un entablement
complet. Au reste, les fenêtres ainsi traitées, de même que
les portes, doivent obéir, dans les édifices dont le style d'ar-
chitecture est imité de l'antique, à des règles concernant
les proportions et la richesse de leurs divers éléments, règles
qu'elles ont de commun avec les ordres (V. ce mot) qui
décorent les édifices et qu'a formulées le plus ancienne-
ment Vitruve dans le livre IV de son Cours d'architecture
au chap. vi : de la proportion des portes des temples et de
leurs chambranles. La fig. 8 donne l'élévation d'une fe-
nêtre, sinon plus riche que la précédente, mais dans laquelle
des colonnes corinthiennes, placées à droite et à gauche de
la baie, supportent, au-dessus de cette baie, un entablement
couronné par un fronton alternativement aigu ou circu-
laire. Cette fenêtre appartient au deuxième étage de la fa-
çade des « Procuratie nuove », sur la place Saint-Marc, à
Venise, édifice construit à la fin du xvie siècle sur les des-
sins de V. Scamozzi et qui passe pour l'œuvre la plus re-
Fig. 8. — Elevât à[ ne
fenêtre avec me.zzaniune
de l'étage supérieur des
« Procuratie nuove », à
Venise.
marquable de cet architecte. L'ensemble de l'encadrement
de la baie, dont les colonnes sont portées sur des piédes-
taux entre lesquels régnent la balustrade et l'appui de la
fenêtre, est étudié suivant les
règles formulées par les
maîtres du xvie siècle et par
Scamozzi lui-même pour l'or-
dre corinthien, et les mou-
lures de l'entablement profi-
lées à droite et à gauche de
la fenêtre indiquent la sépa-
ration en deux étages, dont
un peu important, situé à la
partie supérieure et éclairé
par des* mezzanines (V. ce
mot), du deuxième étage des
« Procuratie nuove ».— Après
la Renaissance et pendant les
deux derniers siècles, les
fenêtres, obéissant comme par
le passé aux styles dominants
en architecture, furent géné-
ralement rectangulaires au
xviie siècle pour prendre une
forme cintrée et souvent sur-
baissée au xviii6 ; les me-
neaux disparurent ; les cham-
branles, d'un certaine sobriété
sous Louis XIII, prirent une
allure magistrale sous
Louis XIV et suivirent tous
les caprices de la mode sous
Louis XV jusqu'à ce que, sous
Louis XVI et le premier Empire, se produisît une réaction
empreinte de froideur et de classicisme et inspirée par une
trop méticuleuse imitation de l'antiquité encore peu connue
et mal interprétée. — Enfin, de nos jours, les fenêtres
rappelant, comme les édifices dans lesquelles elles s'ou-
vrent, les différents styles des époques précédentes, mais
offrant parfois des motifs d'une originalité de bon aloi,
font souvent appel au métal, non seulement pour la fer-
meture de la baie, mais encore pour les divisions de la
croisée (V. ce mot) et ont souvent leurs chambranles ornés
de terre cuite et de faïence émaillée.
Les fenêtres offrant dans leurs dispositions, dans leurs
formes et dans leurs encadrements, les variétés les plus
grandes, il y a lieu de rappeler les principales dénomina-
tions données aux fenêtres avec les quelques explications
sommaires que comportent ces dénominations. — Fenêtre
à balcon. Fenêtre dont l'ouverture descend de niveau ou
presque avec le plancher de l'appartement et dont l'appui
est supporté par des balustres ou des entrelacs de pierre,
de bois ou de métal. — Fenêtre à fer maillé et à verre
dormant. Fenêtre qui, obéissant aux prescriptions de
l'art. 676 du C. civ., sur les jours ouverts dans un mur
non mitoyen joignant immédiatement l'héritage du voisin,
est garnie extérieurement d'un treillis de fer à mailles
d'un décimètre d'écartement et intérieurement d'un châssis
ne pouvant^ s'ouvrir (V. Vue). — Fenêtre a V italienne.
Fenêtre divisée en trois parties dans le sens de la largeur
et dont la partie médiane, toujours plus haute et souvent plus
large que les autres, est fermée par des colonnettes recevant
la retombée d'un arc dont l'imposte prolongée de droite et
de gauche forme les linteaux des deux ouvertures latérales.
— Fenêtre a meneaux et à croisée. Fenêtre divisée
dans sa largeur et souvent aussi dans sa hauteur par des
meneaux de pierre, de bois ou de métal formant des com-
partiments recevant des châssis différents. Lorsque la fe-
nêtre est divisée par deux meneaux, l'un vertical et l'autre
horizontal formant une croix, la fenêtre est dite à croisée,
et, s'il y a deux meneaux verticaux, à double croisée :
dans ces dernières fenêtres, l'espace compris entre les deux
I meneaux horizontaux sert parfois à masquer le passage, à
487
FENÊTRE — FENGER
travers la baie, d'un plancher divisant l'étage ou une partie
de l'étage en deux étages dont un entresol. — Fenêtre
atticurge. Fenêtre rétrécie par le haut, c.-à-d. dont le
linteau est moins large que l'appui et dont les montants ou
pieds-droits sont inclinés obliquement l'un vers l'autre.
Cette fenêtre doit son nom à sa ressemblance avec la porte
appelée par Vitruve atticurge. — Fenêtre avec ordre ou
fenêtre d'ordre toscan, dorique, etc. Fenêtre qui, outre
un chambranle, comprend un contre-chambranle, un pilastre
ou une colonnette rappelant, par ses éléments décoratifs,
un ordre d'architecture antique, et cette fenêtre est, déplus,
surmontée par un entablement soumis aux règles de cet
ordre. Les fenêtres ainsi décorées prennent le nom de
l'ordre auquel appartiennent les détails d'architecture qui
les encadrent. — Fenêtre biaise. Fenêtre dont, en vue
de faciliter l'introduction de la lumière, les tableaux enca-
drant la baie ne sont pas, quoique parallèles entre eux, tail-
lés en retour d'équerre avec le mur de face. — Fenêtre
bombée. Fenêtre dont la fermeture est formée d'une por-
tion d'arc de cercle ou d'une demi-ellipse. — Fenêtre car-
rée. Fenêtre souvent employée dans lès étages d'attique et
dont la hauteur est égale à la largeur. — Fenêtre cintrée.
Fenêtre dont la fermeture est une demi-circonférence
de cercle. — Fenêtre d'encoignure. Fenêtre qui s'ouvre
dans un pan coupé ou dans l'arrondissement d'un angle. —
Fenêtre dormante ou condamnée. Fenêtre dont le châs-
sis est fixé à demeure, de façon à ne pouvoir s'ouvrir,
mais qui complète l'illusion d'une véritable fenêtre. — Fe-
nêtre droite. Fenêtre d'une régularité parfaite, dont les
tableaux sont d'équerre avec le mur de face et dont la
fermeture est un linteau horizontal. — Fenêtre ébrasée.
Fenêtre dont les tableaux, au lieu d'être parallèles, for-
ment au dehors une large embrasure qui facilite l'intro-
duction de la lumière. — Fenêtre en abat- jour. Fenêtre
dont l'appui ou le linteau et parfois tous les deux forment
au dedans une embrasure donnant plus de passage à la lu-
mière. — Fenêtre en angle. Fenêtre disposée sur une
façade tellement près de l'angle rentrant formé par un autre
corps de bâtiment qu'il n'y a pas place de ce côté pour la
partie de chambranle encadrant la baie. — Fenêtre en
embrasure. Fenêtre dont l'embrasure intérieure est très
ébrasée ou largement ouverte. — Fenêtre en tour creuse.
Fenêtre circulaire en plan, concave au dehors et convexe
en dedans, tandis que la fenêtre en tour ronde, égale-
ment circulaire en plan, est convexe au dehors et concave
au dedans. — Fenêtre en tribune. Fenêtre s'ouvrant,
comme la fenêtre en balcon, jusqu'au niveau du plancher
de l'appartement, mais dont le balcon fait une assez forte
saillie au-devant de la façade. Généralement, les fenêtres en
tribune, placées au bel étage ou étage d'honneur et au mi-
lieu de la façade d'un édifice, se distinguent des autres
fenêtres de cet étage autant par les plus grandes propor-
tions de leur baie que par la richesse de leur ornementa-
tion dans laquelle entre souvent un ordre d'architecture.
— Fenêtre feinte ou fausse fenêtre. Fenêtre peinte sur
une muraille en répétition d'une véritable fenêtre, ou en-
core fenêtre dont l'embrasure existe, mais dont le châssis
dormant est appliqué sur un remplissage en maçonnerie
légère de la baie. — Fenêtre gisante. Fenêtre plus large
que haute, appelée par ies Italiens fenêtre mezzaninée, ser-
vant à éclairer un étage d'attique ou d'entresol et souvent
ouverte dans la hauteur de la frise d'un entablement. —
Fenêtre en œil-de-bœuf ou fenêtre ronde. Fenêtre cir-
culaire, véritable oculus, dont la baie forme un cercle par-
fait. — Fenêtre ovale. Fenêtre ou œil-de-bœuf de forme
ovale, soit dans le sens de son grand axe ou de son petit
axe. — Fenêtre rampante. Fenêtre dont l'appui n'est
pas horizontal, le plus souvent parce que cet appui suit
l'inclinaison de l'emmarchement d'un escalier. — Fenêtre
rustique. Fenêtre dont l'encadrement est formé ou tout au
moins entrecoupé de bossages faisant saillie. Ch. Lucas.
III. Mathématiques. — Fenêtre de Viviani. C'est la
voûte carrable (V. ce mot).
Bibl. : Architecture. — J. Gailhabaud, Monuments
anciens et modernes ; Paris, 1850, 1. 1, Il et IV, in-4, pi. —
G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l'Art dans l'anti-
quité, Egypte ; Paris, 1882, t. I, in-8, pi. et flg. — P. Pla-
nât, Encyclopédie de l'Architecture ; Paris, t. IV, in-8 (en
cours de publication).
FENf.1). Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. d'Angers,
cant. de Briollay ; 4,363 hab. Châteaux de Sautray, de
Vauléard, de Montriou (chapelle des xve et xvie siècles).
Fontaine ferrugineuse au hameau de Varennes.
FENEYROLS. Com. du dép. de Tarn-et-Garonne, arr.
de Montauban, cant. de Saint- Antonin ; 627 hab.
FENGER (Peter-Àndreas), théologien et écrivain danois,
né à Christianshavn le 16 févr. 1799, mort le 8 févr. 1878.
Pasteur de Slotsbjsergby, près de Slagelse(1827),'puisdela
paroisse du Sauveur à Christianshavn (1855), il combattit
le rationalisme, mais parla et écrivit pour la liberté civile
et religieuse, notamment pour l'abolition du lien parois-
sial. Après avoir édité les Psaumes de Kingo (1827), il
remit en honneur les anciennes productions de ce genre
dans son Supplément au Psautier (1857 ; 9e éd., 1882).
Il publia aussi des Chants du matin et du soir (1858 ;
4e éd., 1884) ; un Catéchisme (1841), dont la 13e éd.
remaniée (1868) fut interdite dans les écoles (1874) ; un
projet de nouveau rituel (1 874) , et une traduction danoise
(1863) de la Vie de saint Ânsgarius par Rimbert. Des
notices sur lui (1878) ont été données par C.-J. Brandt,
Fr. Nielsen et Fr. Barfod. — Son fils, Ludvig-Peter, né à
Slotsbjsergby le 7 juil. 1833, est membre de l'Académie des
beaux-arts de Copenhague depuis 1871 et architecte de cette
ville (1886). Parmi les nombreux édifices élevés sous sa direc-
tion, il faut citer : la Bourse (1877-82), les églises de Saint-
Jacques (1876-78), de Saint-Mathieu (1877-80), l'église
anglicane de Copenhague (1886-87) et l'église deHyby en
Skanie. Il a publié Dorische Polychromie (Berlin, 1886) et
des mémoires architectoniques dans divers recueils. B-s.
FENGER (Johannes-Ferdinand), écrivain danois, frère
du précédent, né à Christianshavn le 30 mars 1805,
mort le 9 mai 1861. S'étant préparé par de sérieuses
thèses latines sur la Démonologie des anciens Pères
(1827) et sur Celse (1828); par l'étude du syriaque (Du
Schisme nestorien, 1833) ; et par un voyage de quatre
ans (Des Grecs modernes et de leur langue, 1832), il
concourut avec éloge, mais sans succès, pour un lectorat
en théologie (1833), et devint pasteur de Lynge (1833),
puis de Hœje-Taastrup (1854). Le zèle avec lequel il rem-
plit ses fonctions ne l'empêcha pas de poursuivre ses tra-
vaux historiques . Il contribua à la fondation de la Société
d'histoire ecclésiastique (1848) et publia une bonne His-
toire de la mission en Trankebar (Copenhague, 1843 ;
en allemand par E. Francke, Grimma, 1845) ; des recueils
de Psaumes (1845-46), de Prêches (1846), et de nom-
breux articles de revue. Il fut l'un des éditeurs du Psau-
tier de 1 850. — Il ne faut pas le confondre avec son parent
Hans-Mathias Fenger , né à Nordgaard, près de Ringsted , le
9 août 1850, chapelain à Copenhague, qui a publié d'utiles
Contributions à l'Histoire de Hans Egede et de la
mission en Grœnland, 1721-1760 (Copenhague, 1879).
FENGER (Carl-Emil), médecin et homme politique
danois, frère des précédents, né à Christianshavn le
9 févr. 1814, mort le 21 sept. 1884. Lecteur (1843), pro-
fesseur (1850) à l'université de Copenhague, il fut dans
son pays l'un des premiers à propager, tant par son ensei-
gnement que comme médecin en chef de l'hôpital Frederik
(1851), la méthode exacte et rationnelle de la médecine
moderne. Comme membre duFolkething (1849-52, 1861-
76) et duRigsraad (1856), il fut président de la commis-
sion du budget, et il géra les finances avec autant d'ordre
que d'économie dans quatre ministères (Hall, mai à déc.
1859 ; Rotwitt, puis Hall, 24 févr. 1860 au 31 déc. 1863 ;
etHolstein-Holsteinborg, du 28 mai 1870 au 26 juin 1872).
A partir de 1856, il fut directeur de la haute école d'agri-
culture. Outre deux thèses latines sur l'influence morbide
de l'âge et des saisons (1840) et sur l'érysipèle ambulant
FENGER — FENMLL
— 188 -
(1842) et de volumineuses Communications sur Vhôpi- <
toi Frederik (1856), on lui doit des mémoires estimés
dans divers recueils. B-s.
FEN1ANS (Hist. moderne). Ce vieux nom celtique fut
adopté vers le milieu de ce siècle par la fraction extrême du
parti nationaliste irlandais. Les premiers fenians furent des
Irlandais émigrés en Amérique, des réfugiés de 1848. L'un
d'eux, James Stephens, de retour en Irlande, s'aboucha,
en 1858, à Skibbereen, avec le chef d'une société locale,
Jeremie O'Donovan (Rossa), dont le nom a acquis une ter-
rible célébrité (V. O'Donovan). Ces deux hommes organi-
sèrent une propagande active dans les comtés du Sud-Ouest
en vue d'une insurrection violente. La conspiration fut
découverte, mais les conspirateurs furent jugés, cette pre-
mière fois, trop peu redoutables pour mériter un châtiment
sévère. La propagande irlando- américaine continua. La
grande guerre de la Sécession vint lui donner tout à coup une
impulsion considérable, car beaucoup d'Irlandais établis en
Amérique prirent en cette occasion le goût et la pratique
des armes. L'un des hommes de 1848, Térence Beliew
MacManus, échappé d'Australie, étant mort à San Fran-
cisco, son corps fut transféré de San Francisco en Ir-
lande avec une émouvante solennité ; Dublin lui fit , le
10 nov. 1861, des funérailles terribles auxquelles prirent
part 100,000 hommes. Cet incident redoubla le zèle des
agitateurs fenians. Vers 1865, le fenianisme comptait, rien
que dans les régiments irlandais casernes en Irlande,
15,000 adhérents. Des officiers irlandais, licenciés par suite
de la fin des hostilités en Amérique, retournèrent en foule
dans la mère patrie. L'orage semblait près d'éclater. Mais
le gouvernement veillait. Le journal Irish People, organe
des révolutionnaires, fut saisi le 15 sept. 1865. O'Donovan
Rossa, O'Leary, Luby, Stephens furent arrêtés, et, après
l'évasion du dernier, Y habeas corpus fut suspendu. Les juges,
notamment le plus impopulaire de tous, considéré comme un
renégat de la cause nationale, le juge Keogh, frappèrent
sévèrement les coupables, — non sans succès, car le soulè-
vement général, solennellement annoncé pour 1866, n'eut
pas lieu. Il n'y eut que des échauffourées locales, facilement
et rudement apaisées, et des attentats individuels contre les
personnes. Un fenian, le général Burke, ayant été empri-
sonné à Clerkenwell, les affiliés essayèrent de le délivrer
en faisant sauter, avec un baril de poudre, les murs de sa
prison ; cette absurde tentative, qui coûta la vie à 1 2 per-
sonnes et qui en mutila 120, sans endommager la prison,
n'eut d'autre résultat que la pendaison d'un certain Bar-
rett, le 13 déc. 1867. Deux principaux chefs de l'organi-
sation feniane, le colonel Kelly et le capitaine Deasy, furent
arrêtés vers le même temps à Manchester, où ladite orga-
nisation était très forte. Le 18 sept. 1867, la voiture cellu-
laire qui les conduisait à la prison de Salford fut attaquée
par 30 fenians ; le policeman Brett fut tué ; les accusés
prirent la fuite ; mais William-Philip Allen, Michael Lar-
kin, Thomas Maguire, Michael O'Brien et Edward O'Meara
Condon, qui étaient parmi les trente, ne réussirent pas à
s'échapper. Ils furent condamnés à mort pour le meurtre
du sergent Brett, au milieu du déchaînement des passions
politiques les plus violentes. Trois d'entre eux, Allen,
Larkin et O'Brien furent effectivement pendus, le 23 nov.,
devant la prison de Salford. La mort des tsois « martyrs
de Manchester » suscita dans toute l'Irlande une douleur
patriotique. T.-D. Sullivan composa un poème, la Mar-
seillaise des Irlandais, dont il emprunta le refrain : God
save Ireland, à la péroraison du discours de Condon devant
le tribunal. C'est l'indignation causée par cette triple exécu-
tion qui jeta, dit-on, Parnell, alors jeune squire campa-
gnard, dans le parti nationaliste. — Les fenians se sont
trop souvent déshonorés par des crimes de droit commun :
incendies et guet-apens contre les landlords et leurs agents.
Parnell (V. ce nom) était justement l'homme qui devait faire
rentrer dans la légalité l'opposition irlandaise. Les home
rulers parlementaires ont mieux servi que les fenians la
cause commune. Ch.-Y. L.
FÉNIERS. Corn, du dép. de la Creuse, arr. d'Aubusson,
cant. de Gentioux, sur un plateau au pied duquel la Creuse
prend sa source ; 426 hab. Foires importantes. Ancienne
commanderie de Saint-Jean-de-Jérusalem. Ant. T.
FEN1L (Constr. agric.) (V. Bâtiments ruraux, t. V,
p. 788).
FENIL1 (Francesco-Paolo), littérateur italien, né à Pa-
ïenne en 1833. Il a écrit des romans, des poésies : V Or-
fana torinese (1864) ; Irène (1864) ; Pellegrinaggio
in Sicilia (1870) ; Il Mal Sentier o (1873) ; I Sempre-
vivi (1865) ; Medico e marito (1866) ; Dopo la bufera
(1871) ; Le Conseguenze di un bacio (1871) ; Il Dia-
rio di un giovane alla moda (1872) ; In Cappella
(1872) ; Il Crimine di santa Gertrude (1873) ; une
comédie, que joua Rossi : Un Colpo di Stato (1863) ; des
traductions de E. Bulwer Lytton : Saggi sopra la vita ;
La Letteratura e i costumi (Naples, 4864, 2 vol.); de
J. Stuart Mill : Il Governo rappresentatiuo (Turin,
1865), etc.
FENIN (Pierre de), chroniqueur du xve siècle. On ne
connaît pas d'une manière certaine l'auteur de la Chro-
nique de Fenin, On a cru longtemps que c'était P. de
Fenin, sire de Grincourt, en Artois, pannetier du roi, pré-
vôt d'Arras en 1424, et mort en '1433. Mlle Dupont, qui
a publié, en 1837, les Mémoires de Fenin pour la Société
de l'histoire de France, a montré par des arguments con-
vaincants que leur auteur ne peut être le prévôt d'Arras,
et elle les attribue à un autre P. de Fenin, sire de Grin-
court, mort en 1506. M. de Beaucourt, le savant historien
de Charles VII, se rallie à cette opinion, qui ne repose
d'ailleurs sur aucune preuve matérielle. Les Mémoires de
Fenin rapportent surtout les faits relatifs à la rivalité des
Armagnacs et des Bourguignons, depuis le meurtre de
L. d'Orléans (25 nov. 1407) jusqu'en 1427. Les éditions
de D. Godefroy (1653), de Perrin (1785) et de Petitot
(1839) s'arrêtent à 1422. Le t. II de la Collection Michaud
et Poujoulat, qui était sous presse quand parut l'édition
Dupont, contient aussi la partie qui s'étend de 1422 à
1427. D'ailleurs, on n'a peut-être pas la fin de cette chro-
nique. Fenin se rapproche de Monstrelet, qu'il complète
quelquefois, mais sans l'égaler en intérêt. E. Cosneàu.
Bibl. : Mlle Dupont, Mémoires de P. Fenin, préface et
notice. — De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. I,
p. lvii. — U. Chevalier, Bibliogr. du moyen âge, p. 725.
FENIOUX. Corn, du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saint- Jean-d'Angély, cant. de Saint-Savinien ; 303 hab.
Elégante lanterne des morts du xne siècle. Eglise avec un
clocher du xue siècle (mon. hist.).
Bibl. : R. P. Lesson, Lettres historiques et archéologiques
sur la Saintonge et sur l'Aunis, 1840,p. 101.— Recueil de la
commission des arts et monuments historiques de la Cha-
rente-Inférieure, 1888, 3a série, t. II, p. 180.
FENIOUX. Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. de Niort,
cant. de Coulonges-sur-1'Autise ; 1,616 hab.
FENN (Sir John), antiquaire anglais, né à Norwich le
26 nov. 1739, mort le!4 févr. 1794. Il publia avec grand
soin des documents. Son ouvrage principal est intitulé
Original Letters written during the reigns of Henry VI,
Edward IV, Richard III, and Henrij VII, by varions
persons of rank and conséquence, and by members of
the Paston family. Quatre volumes étaient publiés en
1789; un cinquième, complétant l'ouvrage, fut publié, après
la mort de Fenn, par son neveu, Serjeant Frère. Fenn avait
été sheriff de Norfolk. J.-A. Bl.
FENNEC (Zool.) (V. Chien, t. XI, p. 6).
F EN N ELL (James), acteur et auteur dramatique anglais,
né en 1766, mort en 1816. Après avoir dissipé son patri-
moine, il s'engagea au théâtre royal d'Edimbourg sous le
pseudonyme de Cambrey, en souvenir deFénelon, dont il
trouvait que le nom ressemblait au sien. Il eut du succès
dans le drame, principalement dans le rôle d'Othello. A
Londres, et plus tard en Amérique, il mena une vie aven-
tureuse, tantôt jouant sur différents théâtres, tantôt faisant
des conférences, tentant des entreprises industrielles, fon-
— 1É
dant des écoles, se louant comme manœuvre, mais toujours
besogneux et plus d'une fois emprisonné pour dettes. On
a de lui une comédie : Linda and Clara, or the British
Officer (1791) ; des souvenirs d'un voyage en France, A
Review of the Proceedings at Paris during last sum-
mer (1792) et An Apology for the Life of James Fen-
nell (Philadelphie, 1814). B.-H. G.
FENNER de Fenneberg (Daniel), homme politique alle-
mand, né à Trente (Tirol) en 1820, mort dans un asile
d'aliénés, près de New York, le 15 févr. 1863. Officier de
l'armée autrichienne, il démissionna en 1843, quitta l'Au-
triche après avoir publié une violente attaque contre son
armée (OEsterreich und seine Armée, 1847), y rentra
lors de l'insurrection de 1848 et mit ses talents au service
des insurgés. Il échappa et devint le chef de l'armée du
Palatinat ; battu devant Landau, il dut se réfugier en Suisse
d'où il passa en Amérique.
FENNEVILLER. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, canl. de Badonvilier; 256 hab.
FENNI. Nom latin d'un peuple que Tacite place à
l'extrémité N.-E. de sa Germanie. On ne sait au juste si
c'étaient les ancêtres des Lapons ou des Jsemes, leurs cou-
sins, ancêtres des Mahravas de l'usthonie et des Tavastes
ou Haemœlaeis de Finlande. B-s.
FENNOMANES (V. Finlande [Histoire]).
F E N 0 G H 1 M . Oasis du Touât (Sahara occidental) , à 22 kil .
S.-O. de Tamentît. Le principal village est El-Mansour.
FENOLLAR (Bernardo), poète catalan du xve siècle,
né à Valence. 11 devint chanoine dans sa ville natale et
composa des pièces de vers très goûtées. Il était l'ami du
fameux poète Ausias March et fut le secrétaire d'un tour-
noi poétique célébré à Valence le 25 mars 1474 et qui
produisit le recueil intitulé Certamen poetich en lohor de
la Concecio (Valence, 1474, in-4) ; il s'y trouve plusieurs
pièces de Fenollar. Ce volume est le plus ancien livre im-
primé en Espagne avec une date certaine. C'est aussi à
Fenollar qu'est dû principalement le recueil de poésies : Lo
Procès de los olives e disputa dell Jovens y délie Vells
(Valence, 1497, in-fol. [très rare], réimprimé à Valence,
1561, in-8). On indique de lui un autre ouvrage extrême-
ment rare : Historia de la Pasio de nostre Senyor Deu
Jesu Christ (Valence, 1494). Fenollar est remarquable
plus par Fhabileté et la richesse de la versification que par
le talent. E. Cat.
FENOLS. Corn, du dép. du Tarn, arr. de Gaillac, cant.
de Cadalen ; 271 hab.
FENOREN. Petite oasis du Sahara central, dans une
vallée du pays d'Aïr, au N.-N.-E. et à 50 kil. environ du
mont Tîn-Dourdouren. Stat. de caravanes sur la route de
Ghât à Tîn-Telloust (Air).
FENOU S L. I. Botanique. — (Fœniculum Adans.). Genre
de plantes de la famille des Ombellifères et du groupe des
Peucédanées. L'espèce type, F. capillaceum Gilib. (F. offi-
cinale Ali. , Anethum Fœniculum L.) ou Fenouil commun,
F. officinal, est une herbe bisannuelle, dont la souche épaisse
donne naissance à plusieurs tiges dressées, glaucescentes
et striées, portant de grandes feuilles engainantes, dé-
composées en lobes capillaires très allongés, et à leur partie
supérieure, des ombelles composées, très amples, dépour-
vues d'involucres et d'involucelles. Les fleurs, de couleur
jaune, ont une corolle de cinq pétales entiers, à sommet
involuté, cinq étamines et des stylopodes entiers, en forme
de cône épais. Le fruit, ovoïde ou oblong, est formé de
deux méricarpes semi-cylindriques, munis chacun de cinq
côtes saillantes, entre lesquelles se trouvent des vallécules
très étroites, à un seul canal résinifère. Le carpophore est
bipartite et la gaine est parcourue par des sillons longitu-
dinaux. — Le Fenouil croît spontanément dans l'Europe
occidentale et dans la région méditerranéenne jusqu'en
Asie Mineure et en Perse. En France, on le rencontre
assez fréquemment dans les carrières et sur les coteaux
secs des terrains calcaires; il est aussi cultivé dans les
jardins et dans les vignes. On en connaît plusieurs formes
— FENNELL — FENOUIL
ou variétés que certains auteurs considèrent comme des
espèces distinctes ; tels sont notamment le Fœniculum
vulgare Gaertn., dont les fruits constituent le Fenouil
amer ou F. d'Allemagne ; le F. piperitum DC. ou Fenouil
d*âne {Finacchio d'asino, des Siciliens), à fruits acres et
poivrés; puis le F. dulce C. Bauhin, qu'on appelle vul-
gairement Fenouil doux, F. de Malte, F. de Florence,
F. des vignes et dont les fruits constituent VAnette doux
ou Anis de Paris.
Le nom de Fenouil est donné, dans le langage vulgaire,
à plusieurs autres plantes de la famille des Ombellifères.
Ainsi, on appelle : F. annuel, VAmmi visnaga Lamk;
F. d'eau, le Phellandrium aquaticum L.; F. de porc, le
Peucedanum alsaticum Poir.; F. d'ours ou F. des Alpes,
le Meum athamanticum Jacq.; F. marin, le Crithmum
maritimumL.; F. puant ou F. bâtard, Y Anethum gra-
veolens L.; F. sauvage, le Conium maculatum L.;
F. tortu, le Seseli tortuosum L. Ed. Lef.
IL Horticulture. —- On cultive le Fenouil pour ses
fruits utilisés dans la fabrication de liqueurs et surtout
comme légume. Le Fenouil est peu répandu en France dans
les potagers ; il mérite cependant d'être recommandé. La
saveur douce et aromatique de ce légume surprend d'abord,
mais on s'y habitue bien vite. Le Fenouil se plaît dans
une terre légère, fertile. Dans le Midi et en Italie, on
peut le semer en tout temps, mais c'est surtout pendant
les mois de février et d'août que se font les semis. Sous
un climat moins chaud on le sème en mars. Le jeune
plant est repiqué, à 0M35 en tous sens, sur un terrain
bien préparé. On arrose copieusement et on bine pendant
la végétation. Quinze jours ou trois semaines avant de
consommer le Fenouil, on le butte légèrement. G. Boyer.
III. Economie domestique. — La graine de fenouil n'est
guère employée en France que dans la préparation de cer-
taines liqueurs (V. Anisette) et comme plante médicinale
(V. ci-après § Thérapeutique). Mais en Italie on en fait
une grande consommation. Le fenouil sucré {Fœniculum
dulce) est très usité comme plante potagère. Les pétioles
des feuilles, renflées à la base en une masse de la grosseur
du poing, sont mangés crus ou cuits à la manière des arti-
chauts. On en garnit aussi la volaille, la viande rôtie, les
ragoûts. Il entre encore dans la préparation du macaroni.
Avant de l'employer dans ces différents mets, on le fait
cuire dans l'eau avec un assaisonnement composé qui ajoute
à sa saveur aromatique. Dans le midi de la France, on en
nourrit les lapins quelques jours avant de les tuer et on
donne ainsi à leur chair un goût relevé très agréable. On
peut aussi envelopper avec des tiges de fenouil les poissons
qui se mangent grillés, tels que les maquereaux, etc.
IV. Chimie. — Essence de fenouil. Le fenouil doit son
arôme à une essence qu'on trouve dans les fruits, dans la
proportion de 3 ou 4 °/0. — Comme la plupart des
essences naturelles, elle est surtout constituée: 1° par un
hydrocarbure liquide, un térébenthène qui passe à la
distillation vers 190°(Cahours); 2° par un produit concret
qui se dépose à basse température et qui n'est autre
chose que Yanéthol (V. ce mot). — On trouve dans le
commerce trois variétés d'essences de fenouil : 1° l'es-
sence de fenouil doux, produit par le Feniculum dulce,
qu'on cultive dans le midi de la France ; elle dévie à droite
le plan de polarisation de 29°8 (Flùckiger) ; c'est l'espèce
la plus estimée ; 2° l'essence de fenouil amer, qui ne dévie
à droite que de 4°8 (F.) ; 3° l'essence allemande ou de
Saxe, préparée par les distillateurs de Dresde et de Leipzig.
Elle dévie à droite de 9°1 (F.). Le pouvoir rotatoire est dû
au térébenthène, car l'anéthol est dépourvu de pouvoir
rotatoire. Ed. Bourgoin.
V. Thérapeutique. — Les anciens employaient l'huile
retirée de la plante au pansement des plaies et des ulcères
mous. Le fenouil a des propriétés galactagogues marquées,
mais son action emménagogue est problématique ; il est sur-
tout utile dans les dyspepsies atoniques et flatulentes. On
emploie généralement la poudre de semence (1 à 3 gr.)
FENOUIL - FENTON
— 190
en infusion (15 à 20 gr. par litre d'eau), ou encore la
racine à la même dose. On prépare un vin de fenouil
(2 à 6 cuillerées par jour) et une teinture (1 à 2 gr.). Le
fenouil fait partie du sirop des cinq racines, de la thériaque,
du mithridate, du diaphœnix, etc. Dr L. Hn.
FENOU1LLÈDES (Fenoledesium). Petit pays du Lan-
guedoc. Le nom de cette circonscription détachée du pagus
Redensis ou Razès, paraît dès le milieu du vme siècle ;
au siècle suivant, il a titre de comté. Il est dès 966 aux
mains du comte de Barcelone, passe ensuite aux maisons
de Cerdagne, puis de Besalù, dont l'héritage revient en
1111 aux comtes de Barcelone. Le Fenouillèdes est ensuite
donné en apanage au comte de Roussillon, Sanche, frère
d'Alphonse II, comte de Barcelone et roi d'Aragon, et
transmis par Sanche à son fils Nunes-Sanche (f 1242).
Lors de son arrivée dans le Midi, Louis VIII émet la pré-
tention de confisquer le pays, les vicomtes de Fenouillèdes
ayant pris le parti des Albigeois. Nunes-Sanche, comte de
Roussillon, résiste, et le roi finit par lui inféoder les pays
de Fenouillèdes et de Pierrepertusès ; à la mort de Nufies,
en 1242, les officiers royaux l'occupent et Jacques d'Ara-
gon reconnaît en 1258 les droits de la couronne de France
lors du fameux traité de Corbeil. Compris dès lors dans la
sénéchaussée de Carcassonne, le Fenouillèdes reste terre
frontière jusqu'à la conquête du Roussillon par Louis XIII;
depuis 1288, il formait une viguerie, comprenant au
xive siècle cinquante-deux communautés (Pyrénées-Orien-
tales et Aude). A. Molinier.
Bibl. : Hist. de Languedoc, nouv. éd.,passzm. et prin-
cipalement t. XII, note sur la géographie du Languedoc.
FENOUILLER(Le).Com.du dép. delà Vendée, arr. des
Sables-d'Olonne, cant. de Saint-Gilles-sur- Vie ; 838 hab.
FENOUILLET. Corn, du dép. de l'Aude,' arr. de Limoux,
cant. d'Alaignes; 238 hab.
FENOUILLET. Corn, du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. (N.) de Toulouse ; 858 hab.
FENO U 1 LLET. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Perpignan, cant.de Saint-Paul-de-Fenouillet;151 hab.
FENOUILLOT (Jean), publiciste français, né à Salins
en 1748, mort à Besançon le 27 mai 1826. Avocat du roi
au bureau des finances de Besançon, inspecteur de la librairie
pour la Franche-Comté, il se déclara contre la Révolution
et prit violemment à partie les clubs de son département.
Aussi fut-il obligé de passer en Suisse où il s'établit dans
le cant. de Neufchâtel. Il y connut Fauche Borel (V. ce
nom), fut mis en relation avec le prince de Condé qui l'en-
voya en mission en Franche-Comté pour y étudier la dispo-
sition des esprits. En 1802, il rentra en France et exerça
à Lyon, avec de brillants succès, la profession d'avocat.
En 1811, il fut nommé conseiller à la cour de Besançon.
On a de Fenouillot une foule de brochures politiques et
satiriques. Citons: le Dîner du grenadier à Brest (Paris,
1792, in-8) ; la Table d'hôte de Provins (1792, in-8) ;
Précis historique de la vie de Louis XVI et de son mar-
tyre (Neufchâtel, 1793, in-8) ; la Rencontre imprévue
(1793, in-8) ; le Meilleur des almanachs pour 1794
(1794, in-4) ; les Fruits de l'arbre de la liberté fran-
çaise (1798, in-8) ; Adresse de remerciement des re-
quins de la Méditerranée au Directoire exécutif ^ (Cons-
tance, 1798, in-8); la France à ses enfants (Bâle
[Besançon], 1814, m-8) ; le Cri de la vérité sur les causes
de la révolution de 1815 (Besançon, in-8).
FENOUILLOT de Falbaire (V. Falbàire).
FÉNOUX (Victor-Marie-Alexandre-Joseph), ingénieur
français, né à Boulogne-sur-Mer le 5 févr. 1831. inspec-
teur général des ponts et chaussées, il est l'un des ingé-
nieurs qui ont marqué dans les travaux de chemins de fer
(viaduc de Morlaix) et dans les travaux maritimes (phares
dans le Finistère), etc.
FENS (Marais). On désigne sous ce nom la région basse
de l'Angleterre qui comprend une partie des comtés de
Cambridge, Huntingdon et Lincoln, autour de l'estuaire
du Wash (V. Grande-Bretagne).
FENTES branchiales (Anat. et pathol.) (V. Branchie
et Embryon).
FENTON. Ville d'Angleterre, comté de Stafford, fau-
bourg de Stoke-upon-Trent; 15,000 hab. Fabriques de
machines, de matériel des chemins de fer, de faïence, de
porcelaine, etc.
FENTON (Edward), marin anglais, mort en 1603 ,
D'un caractère aventureux, il vendit fort jeune son patri-
moine pour s'engager dans l'armée. Il servit en Irlande
où il combattit la rébellion de Shane O'Neil (1566). En
1577, il suivit la seconde expédition de Frobisher dans
les mers du Nord, puis la troisième (1578), servit de nou-
veau en Irlande et en 1582 fut chargé par le comte de Lei-
cester de diriger une expédition commerciale aux Moluques et
en Chine par la voie du cap de Bonne-Espérance. Le 25 sept,
il abordait au Brésil, livrait le 24 janv. 1583 un combat
sans résultats à trois vaisseaux espagnols et s'en retour-
nait en Angleterre sans avoir rien fait. Aussi fut-il dis-
gracié. En 1588, pourtant, on lui confia le commandement
d'un vaisseau de la flotte réunie contre l'Armada. On a de
lui une fort curieuse traduction : Certaine Secrète Won-
ders of nature (Londres, 1569, in-4), traduit de l'ouvrage
de Pierre Boaistuau : Histoires prodigieuses extraites de
plusieurs fameux auteurs grecs et latins, sacrés et pro-
fanes (Paris, 1567, in-8), et en manuscrit (Cotton. mss.)
le journal de son voyage de 1582-83. R. S.
FENTON (Sir Geffrey) , frère du précédent, homme
d'Etat et écrivain anglais, né vers 1539, mort à Dublin
le 19 oct. 1608. Il résida quelque temps en France;
mais les détails de sa vie sont peu connus jusqu'en
1580, époque où il suivit son frère aîné en Irlande. Il ne
tarda pas à y être promu au poste important de secré-
taire d'Etat auprès du « Lord Deputy » ou gouverneur,
avec lequel il ne craignit pas d'entrer en lutte pour mieux
servir les intérêts de la couronne. Sa conduite ne le ren-
dit pas populaire en Irlande ; mais elle lui valut les faveurs
de la reine Elisabeth, qui le créa chevalier en 1590. Pen-
dant la première partie de sa vie, il s'était livré à des tra-
vaux littéraires et avait publié notamment : Certaine Tra-
gicall Discourses written oute of Frenche and Latine,
tirés de Boaistuau, Belleforest et Bandello (1567) ; A
Discourse of the Civile Warres and late Troubles in
France (1570) et surtout une traduction du grand ouvrage
de Guichardin, sous le titre de History ofthe Wars of Italy
(1579). B.-H. G. U
FENTON (Ehjah), poète anglais, né à Shelton le 20 mai
1683, mort le 13 juil 1730. Pope lui trouva assez détalent
pour lui faire traduire les livres I, IV, XIX et XX de son
Odyssée. On a encore de lui un recueil de poésies (1717),
une tragédie intitulée Marianne (1723), une édition des
Poems de Milton (1727), accompagné d'une excellente
biographie, et une édition des œuvres d'Edmund Walier.
(1729) On a publié une édition collective de ses écrits à
Londres en 1793 (in-4). B.-H. G.
FENTON (Lavinia), duchesse de Bolton, actrice an-
glaise, née en 1708, morte le 24 janv. 1760. De fort basse
extraction, elle eut, dit-on, pour père naturel un lieutenant
de vaisseau nommé Beswick, mais elle porta le nom d'un
sieur Fenton que sa mère épousa peu après sa naissance.
Douée d'une voix charmante et d'une oreille très juste, elle
témoigna d'heureuses dispositions pour la musique qu'un
vieux comédien se plut à cultiver. En 1726, elle débuta à
Haymarket dans Orphans d'Otway ; elle était bientôt en-
gagée au théâtre de Lincoln 's Inn Fields où elle obtint un
succès considérable. Ce succès atteignit des proportions
énormes lorsqu'elle tint le rôle dePolly Peachum dans l'opéra
de Gay, TheBeggar (1728). Fort épris de sa beauté, le duc
de Bolton l'enleva au théâtre et l'épousa en 1751 après la
mort de sa femme, lady Anne Vaughan. On a le portrait de
Lavinia Fenton par Hogarth. R. S.
Bibl.: The Life of Lavinia Beswick, alias Fenton, alias
Polly Peachum; Londres, 1728, in-8.
FENTON. (Edward-Dyne), écrivain anglais, mort à Scar-
19JL—
FENTON — FEODALITE
borough le 27 juil. 1880. Entré dans l'armée en 4847, il
devint capitaine dans le 86e régiment de ligne et tint gar-
nison à Gibraltar durant plusieurs années. Il pritsaretraile
en 1870. On a de lui : Sorties from Gibraltar in quest
of sensation and sentiment (Londres, 1872, in-8),
récits de courses en Espagne très lestement tournés ; Mili-
tary Men 1 hâve met (Londres, 1872, in-8), esquisses
pleines d'humour; Eve* s Daughters (1873, in-8) ; B. an
autobiography (1874, in-8). R. S.
FENU-Grec (V. Trigonelle).
FENWICK (Sir John), homme politique anglais, né en
1579, mort vers 1658. D'une vieille famille du Northum-
berland où il possédait des domaines immenses et une in-
fluence considérable, il commanda le château de Tynemouth
et représenta Northumberland au Court Parlement (1623-
24) puis au Long Parlement. En 1644, il fut exclu de la
Chambre des communes pour adhésion au parti du roi et,
fait prisonnier par les parlementaires en déc. de la même
année, fit sa paix avec eux et fut nommé haut sheriff du
Northumberland et réintégré aux Communes le 26 juin 1646.
— Un de ses fils, M», colonel de dragons dans l'armée
royale, périt au combat de Marston Moor le 3 juil. 1644.
FENWICK (George), homme politique anglais, né vers
\ 603, mort le 15 mars 1 657. Inscrit au barreau de Londres
en 1631, il s'occupa fort activement de la colonisation du
Connecticut, s'établit en 1 639 en ce pays où il commanda
le fort de Saybrook. De retour en Angleterre en 1645, il
fut élu membre du Long Parlement par Morpeth. Parlemen-
taire décidé, il commanda un régiment de la milice du Nord,
reprit le château de Fenham et fut nommé gouverneur de
Berwick. Il fit partie de la commission qui jugea le roi,
suivit Cromwell dans l'expédition d'Ecosse (1650), devint
gouverneur de Leith et du château d'Edimbourg et s'em-
para du château de Hume en 1650. Membre de la com-
mission du gouvernement d'Ecosse, il représenta Berwick
aux deux Parlements de 1654 et 1656. R. S.
FENWICK (Sir John), conspirateur anglais, né vers
1645, mort le 28 janv. 1697. Entré jeune dans l'armée,
il était major général en 1688. Membre du Parlement pour
Northumberland en 1677 et en 1685, il était un des par-
tisans les plus dévoués de Jacques II. Après l'avènement
de Guillaume d'Orange, il ne cessa de fomenter des cons-
pirations contre lui. Arrêté en 1689 et enfermé à la Tour,
il fut relâche après cinq mois de détention. En 1695 il com-
plota la mort du roi. Arrêté le 13 juin, il offrit de révéler
ce qu'il savait des complots jacobites. Ces prétendues révé-
lations n'eurent d'autre but que de nuire à ses ennemis
politiques, Marlborough, Godolphin,Russellet Shrewsbury.
En fait, Shrewsbury et Godolphin ne s'en relevèrent jamais,
bien que la Chambre des communes eût jugé l'accusation
fausse et scandaleuse. Les Chambres rendirent contre Fen-
wick un bill d'attainder après des débats orageux : il fut
décapité sur le Tower Hill après avoir protesté contre la pro-
cédure de son jugement : aux Communes, le bill n'avait
été voté que par 189 voix contre 152 et à la Chambre
des lords par 68 contre 61. R. S.
FÉNYES (Alexius), géographe et statisticien hongrois,
né à Csokay (comitat de Bihâr) le 7 juil. 1807, mort le
23 juil. 1876. Il fut d'abord avocat, siégea à la diète de
Presbourg en 1830, puis s'adonna aux études géogra-
phiques et écrivit les premiers ouvrages de statistique
publiés en langue hongroise. Fixé à Pest à partir de
1836, il y dirigea plusieurs sociétés et y fonda deux jour-
naux industriels. En 1848, il fut nommé chef du bureau
de statistique au ministère de l'intérieur et, en 1849,
président du tribunal militaire. Il rentra dans la vie privée
à l'issue de la guerre de l'Indépendance. Ses principaux
ouvrages, tous en hongrois, ont pour titres : Etat de la
Hongrie et des pays limitrophes au point de vue géo-
graphique et statistique (Pesth, 1836-39, 6 vol. in-8);
Statistique hongroise (Pesth, 1842-43, 3 vol. in-8);
Atlas manuel et classique (Pesth, 1845); Description
de la Hongrie (Pesth, 1847, 2 vol. in-8). L. S.
FENZ0NI(V. Fanzoni).
FEO (Francesco), compositeur italien, né à Naples en
1699. Elève de Gizzi et Pitoni. Il fit jouer à Rome, non
sans succès, ses opéras Ipermnestra, Arianna, Andro-
■macca, Arsace. Revenu à Naples (1740), il dirigea l'école
de chant fondée par Gizzi, composa des psaumes, un ora-
torio, des litanies, un requiem, etc.; il était un des meil-
leurs compositeurs napolitains de son temps.
FÉODALITÉ. Ce mot désigne ordinairement l'ensemble
des institutions publiques et privées qui ont régi la France
ainsi que les autres nations de l'Europe occidentale pen-
dant le moyen âge, et dont la plus caractéristique, celle
qui explique toutes les autres, était l'inféodation ou con-
trat de fief. Mais dans une acception plus large et plus
générale, le mot féodalité doit s'entendre, sans distinction
de temps ni de pays, de tout régime politique, écono-
mique et social où se retrouvent en fait, sous quelque
nom que ce soit, les caractères essentiels de celui qui pré-
valait alors en Europe. On sait, en effet, que cette forme
de société et de gouvernement s'est produite en d'autres
pays et à d'autres époques : en Chine, au Japon, dans
l'Egypte ancienne, dans l'empire byzantin, dans l'empire
turc, au Mexique, elle a régné pendant de longs siècles ;
elle subsiste encore actuellement dans l'Abyssinie et chez
les Hovas de Madagascar, dans la Polynésie et dans
quelques parties de la Nouvelle-Calédonie. Le régime féo-
dal est donc, comme la monarchie despotique ou comme la
démocratie républicaine, « un des types généraux d'après
lesquels les sociétés humaines tendent à se constituer spon-
tanément dans des milieux et sous des conditions déter-
minées ». A vrai dire, le régime féodal ne fut pas en tous
lieux semblable à lui-même. Il serait facile de constater de
nombreuses différences entre la féodalité française et la
féodalité allemande, ou bien entre les diverses féodalités
européennes et celles du Japon, du Mexique ou de l'Abys-
sinie. Mais si les formes locales varient à l'infini, il y a un
certain nombre de traits généraux qui se retrouvent par-
tout et qui distinguent le régime féodal des autres types
d'organisation sociale et politique.
L'exposé qui va suivre comprendra : 1° une partie socio-
logique, dans laquelle nous définirons les caractères essen-
tiels de la féodalité, et nous rechercherons les causes géné-
rales qui en amènent la formation ou la destruction ; 2° une
partie historique dans laquelle nous étudierons en détail
le type féodal qui nous intéresse le plus et que nous con-
naissons le mieux, c.-à-d. la féodalité française. Quant
aux autres types de la féodalité, nous nous bornerons à
renvoyer à l'art. Classes sociales et aux articles spéciaux
consacrés à l'histoire et aux institutions de chacun des
pays où ce régime s'est établi.
I. SOCIOLOGIE GÉNÉRALE. — L Caractères essen-
tiels de la féodalité. — Comme un organisme vivant, qui
pénètre le corps entier jusque dans s*es parties les plus pro-
fondes et réagit sur toutes ses fonctions vitales, le régime
féodal, établi dans une société, en modifie toutes les condi-
tions d'existence ; il détermine à la fois l'état des personnes,
l'état des biens etTorganisation des pouvoirs publics. Mais
pour le saisir dans sa complexité, il faut d'abord analyser
séparément chacun de ses caractères distinctifs.
Toute société féodale présente les trois caractères sui-
vants : 1° elle vit sous le régime agricole; le sol se com-
pose en partie de propriétés collectives réservées pour
l'usage commun, en partie de domaines ruraux appartenant
en propre à des familles ou à des individus et dont la cul-
ture forme le principal élément de la richesse publique ;
le commerce et l'industrie n'ont qu'un rôle très secondaire ;
2° c'est une société guerrier e, c.-à-d. que la condition
des personnes et l'attribution des biens, au lieu d'être fon-
dées sur le travail et la justice, y sont le plus souvent
déterminées par la force et l'oppression, et qu'une grande
partie de ses membres sont constamment armés, soit pour
la défendre contre les agressions du dehors, soit pour
maintenir à l'intérieur l'état de choses établi contre les
FÉODALITÉ
192 —
résistances des mécontents ou les entreprises des ambi-
tieux ; 3° c'est une société aristocratique, c.-à-d. que
ses membres se répartissent en classes distinctes, inégales,
les unes jouissant de privilèges, les autres grevées de
charges ou frappées de déchéances. Il y a diverses formes
d'aristocratie : une classe privilégiée peut tirer sa supério-
rité soit d'une race conquérante dont elle descend, soit de
la richesse mobilière ou immobilière qu'elle seule détient,
soit de la profession religieuse, civile ou militaire qu'elle
exerce à l'exclusion des autres classes ; souvent elle doit
son origine et la solidité de son pouvoir à plusieurs de ces
causes réunies. Dans une société féodale, la classe aristo-
cratique n'est constituée ni par la profession civile, ni par
la fortune mobilière ; elle n'appartient pas non plus habi-
tuellement à une race ou à une religion distincte, bien que
ce caractère se rencontre quelquefois. Elle tire sa préémi-
nence de deux causes principales : c'est elle seule qui est
maîtresse de la terre, c.-à-d., dans une civilisation agricole,
de la richesse publique; c'est elle seule qui porte les armes
et fait la guerre. En deux mots, elle est essentiellement
terrienne et militaire. Ce qui ne veut pas dire qu'elle
soit exclusivement composée de guerriers (car dans la plu-
part des sociétés féodales, la classe privilégiée comprend
aussi des gens d'Eglise, des corporations d'arts et métiers
et des communautés bourgeoises) ; mais, pour jouir plei-
nement des mêmes privilèges que les gens d'épée, ceux-ci
doivent non seulement posséder des terres ou des droits
immobiliers, mais aussi faire acquitter par des repré-
sentants le service de guerre. Quant aux inférieurs, dans
une société ainsi organisée, ils se composent d'esclaves
attachés à la terre, de cultivateurs ou d'artisans participant
plus ou moins à la condition servile, d'hommes libres dont
les droits civils sont fort limités et les charges fort lourdes.
Ce sont eux qui, par leur travail, pourvoient aux .besoins
économiques de la société tout entière ; mais, comme ils
n'ont pas de terre en propre, comme ils n'ont ni armes ni
mœurs guerrières, ils doivent solliciter de la classe aristo-
cratique, au prix de services personnels ou de redevances
pécuniaires, la concession de terres cultivables et la pro-
tection nécessaire à leurs travaux ; c'est ainsi qu'ils vivent
dans sa dépendance et à sa merci.
Ce triple caractère se retrouve dans toutes les sociétés
féodales ; mais il ne suffit pas pour les différencier d'autres
sociétés aristocratiques : car il y a eu dans l'antiquité, en
Grèce et à Rome, puis, après les invasions barbares, chez
les Francs et d'autres peuples germains, des nations agri-
coles et guerrières, où la force militaire et la propriété du
sol étaient concentrées aux mains d'une classe dominante
au profit de laquelle travaillaient des cultivateurs libres et
des esclaves, et où cependant la féodalité n'existait pas. Ce
qui caractérise essentiellement la féodalité, c'est le rôle
prépondérant que joue la terre dans les relations sociales
et qui résulte de conditions économiques toutes particu-
lières. Dans les sociétés modernes, c'est à l'argent qu'ap-
partient ce rôle. La vie sociale se compose d'un incessant
échange de services, les uns d'ordre privé, les autres
d'ordre public ; or, en général, ces services ne s'échangent
pas directement contre d'autres services, mais contre une
valeur conventionnelle, en numéraire ou en papier-monnaie,
qui sert de commune mesure. C'est en argent que chacun
paye les services domestiques, les objets de consommation
ou les produits industriels dont il a besoin ; c'est par des
honoraires, un traitement, une solde, que l'Etat rémunère
les fonctionnaires de tout ordre qu'il emploie à un service
public. Mais dans les sociétés féodales où la culture du sol
est la source à peu près unique de la richesse, où le com-
merce et l'industrie sont très peu développés, où la fortune
mobilière est mal protégée et peu appréciée, l'argent n'in-
tervient qu'accessoirement dans les relations économiques ;
c'est la terre qui fait alors la fonction de l'argent et qui
sert de rémunération à la plupart des services d'ordre privé
et même d'ordre public. Un propriétaire veut-il obliger
pour l'avenir un homme des classes inférieures à lui four-
nir périodiquement les produits d'un métier, un certain
travail corporel ou intellectuel : au lieu d'argent, il lui con-
cède la jouissance d'une terre pour tout le temps pendant
lequel le service sera acquitté. Veut-il obtenir d'un homme
de sa propre classe un engagement de fidélité et d'assis-
tance, la promesse qu'il combattra avec lui, se soumettra
à sa justice, lui payera certains tributs en nature ou en
argent : il lui confère, sous ces conditions, la pleine pos-
session d'un domaine plus ou moins vaste avec tous les
droits qu'il a lui-même sur les habitants de ce domaine.
Dans les concessions de la première catégorie, la terre est
échangée contre des services privés; dans celles de la
deuxième catégorie contre des services d'ordre public, ana-
logues à ceux d'un citoyen envers l'Etat. La terre est donc
alors, entre les mains des privilégiés qui la possèdent, non
seulement une source de richesse, mais un instrument de
domination : au moyen de la terre, on ne pourvoit pas
seulement aux besoins de la vie matérielle et sociale, on
acquiert sur d'autres hommes des droits de souveraineté ;
on n'est pas seulement un propriétaire servi par des fer- \
miers, des cultivateurs, des artisans, on est un seigneur
assisté de vassaux et maître d'un petit Etat. Pendant le
moyen âge, les terres qui étaient ainsi concédées à charge
de service d'ordre public et qui établissaient entre les deux
contractants les relations de seigneur à vassal, portaient,
dans toute l'Europe, le nom de fiefs (feoda) ; elles ont
donné leur nom au régime tout entier dont elles forment
l'institution la plus originale. Mais ce qui est surtout
remarquable, c'est que le contrat par lequel la terre
s'échange contre ces services divers n'est pas un simple
engagement personnel ne liant entre elles que les parties
contractantes ; il y entre un élément réel, fixe et perma-
nent, qui est la terre elle-même. Car c'est comme posses-
seur de la terre concédée (propter rem) que l'un des
contractants doit acquitter ces services ; c'est comme pos-
sesseur du domaine d'où cette terre avait été détachée que
l'autre a le droit de les exiger. Il y a ainsi un rapport
établi non seulement entre deux personnes, maïs entre
deux terres, et qui subsiste, lorsque les contractants origi-
naires viennent à disparaître, à la charge ou au profit des
nouveaux possesseurs quels qu'ils soient. On peut donc dire
que les services stipulés sont imposés à une terre plutôt
qu'à un homme; ils constituent une charge inhérente au
sol, une servitude foncière qui subsiste tant qu'un nouveau
contrat ne vient pas modifier le rapport établi. Inverse-
ment, ces services sont dus moins au propriétaire ou au
seigneur qui les a stipulés qu'à son domaine auquel ils
restent attachés comme des droits réels, aliénables et trans-
missibles avec le domaine lui-même.
De cet état de choses découlent deux conséquences im-
portantes qui sont également caractéristiques des sociétés
féodales: 1° La condition des personnes 'se trouve déter-
minée d'une manière à peu près exclusive par 4e régime
des terres qu'elles habitent. L'initiative individuelle, qui
est si puissante dans les sociétés démocratiques et qui per-
met à chacun d'être le principal artisan de sa condition
sociale, n'a ici qu'une influence secondaire. Ce que vaut et
ce que peut l'homme dans les sociétés féodales, il le doit
surtout à la terre dont il est le détenteur, car c'est le titre
en vertu duquel il tient cette terre ; c'est la concession
faite à ses ancêtres ou à lui-même, qui détermine ses droits,
ses obligations, sa fonction sociale. Si un homme est le
supérieur ou le subordonné d'un autre homme, c'est que
la terre possédée par le premier est suzeraine ou dépen-
dante de la terre possédée par le second; s'il est noble,
roturier ou serf, c'est que la tenure est noble, roturière
ou servile ; pour changer de condition, pour échapper aux
déchéances et aux charges qui pèsent sur les classes infé-
rieures, pour conquérir les privilèges de la classe aristo-
cratique, il n'a qu'un moyen, c'est d'obtenir une concession
nouvelle qui modifie le titre de sa tenure. Mais générale-
ment chacun reste attaché au sol, c.-à-d. au manoir dont
il est le seigneur, au champ qu'il cultive, à la ville où il
— 198 —
FÉODALITÉ
exerce sa profession. Peu importe que le sol passe d'un
seigneur à un autre par héritage ou par cession, la condi-
tion de ceux qui l'habitent reste la même tant que leurs rap-
ports avec la terre qu'ils détiennent ne sont pas changés.—
2° Les conditions économiques dans lesquelles vit la société
féodale donnent à la propriété foncière une forme nouvelle,
intermédiaire entre le régime de la propriété collective,
qui règne dans les sociétés primitives, et le régime de la
propriété libre et absolue, qui domine dans les sociétés
modernes. Cette forme est la tenure perpétuelle ou de
longue durée, dont le -fief est le type le plus remarquable.
Ce qui la caractérise, c'est que le propriétaire n'a sur sa
terre qu'un droit conditionnel et limité, analogue à celui
du locataire ou du fermier. Ce caractère résulte de ce
que les relations économiques et sociales se ramènent,
comme on l'a vu, à des concessions de terres à charge de
services et que, par conséquent, si l'on excepte Je petit
nombre de domaines exempts de toute charge par suite
de circonstances particulières (alleux), la grande majorité
des terres est grevée de servitudes qui mettent cha-
cune d'elles dans la dépendance d'une autre terre et ne
permettent jamais au détenteur actuel d'en disposer seul
et de son plein gré. La règle générale, c'est que nul
homme, qu'il soit seigneur, vassal, tenancier ou serf, ne
possède de terre qu'en vertu d'une concession et à charge
de services dus au concédant. Or, celui qui cède une terre,
à titre gratuit ou onéreux, ne se dessaisit jamais complète-
ment : il retient par devers lui une partie des droits dont
se compose la pleine propriété (domaine direct, émment)
et n'abandonne que la possession et la jouissance (domaine
utilej"; en vertu des -droits qu'il retient et qui comptent
dans son patrimoine, il peut, à défaut des services dus,
parfois même au gré de ses caprices, reprendre la terre
qu'il avait concédée. Les possesseurs du sol, n'ayant ainsi
qu'un titre précaire, ne peuvent en disposera leur volonté ;
souvent, leur droit n'esf que viager, personnel et après
eux fait retour au concédant; mais même lorsque leur droit
est héréditaire, s'ils peuvent le transmettre à leurs héri-
tiers naturels, ils ne peuvent le léguer à d'autres ni le
vendre sans le consentement du seigneur de qui ils le tien-
nent. Ces étroites limites imposées à la propriété foncière
ont pour conséquence de rendre les droits incertains et les
contestations fréquentes, d'empêcher le morcellement du
sol, d'arrêter la libre initiative des individus et par suite
le progrès économique.
Après avoir analysé iesjjlèifîsnts essentiels du régime
féodal, ih convient de nnontrer, par une synthèse rapide,
de quelle façon, chez les peuples qui vivent sous ce régime,
s'opèrent le groupement social et l'organisation politique.
On comprendra mieux encore le rôle capital de la propriété
foncière dans ces sociétés, lorsqu'on aura vu comment la
terre féodale par excellence, le fief, est à la fois le centre
de la vie sociale et celui de la vie politique.
1° Le groupement des personnes sous le régime féodal
ne diffère pas moins du clan familial sur lequel repose l'or-
ganisation des sociétés primitives que de Fassociation libre
pratiquée par les peuples modernes (V. Classes sociales).
Il est fondé sur les liens de subordination qu'établit, non
seulement entre les classes inférieures et la classe aristocra-
tique, mais encore entre les divers membres de cette dernière
classe, une série de concessions de terres à charge de ser-
vices. Car chaque seigneur, puissant par l'étendue de son-
domaine et le nombre de ses hommes d'armes, n'a pas seu-
lement pour clients les roturiers et les serfs qui cultivent ses
terres, mais aussi d'autres seigneurs, trop pauvres ou trop
faibles pour se défendre eux-mêmes aux époques de troubles
et de violences, qui viennent se placer sous sa protection,
lui font hommage de leurs personnes et de leurs biens, et,
en retour, reçoivent de lui des fiefs à raison desquels ils
deviennent ses vassaux. Il arrive ainsi que le pays tout
entier se trouve partagé entre les principaux membres de
la classe aristocratique, maîtres chacun d'un territoire plus
ou moins vaste dont les habitants forment sous son auto-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — XYIt.
rite un groupe distinct et dépendent tous de lui, mais à des
titres divers. Chaque puissant seigneur a sur ses domaines
propres des tenanciers appartenant aux classes inférieures,
les uns de condition libre, les autres de condition servile ;
sur les fiefs qu'il a concédés et dont il est le seigneur, il
a des vassaux, appartenant comme lui à la classe privilé-
giée, ayant eux-mêmes sous leur autorité les hommes libres
/et les serfs du fief qui est devenu leur domaine propre. Des
tenanciers, il n'exige que des prestations pécuniaires ou
corporelles, sous forme de redevances et de corvées ; des
vassaux, il réclame la fidélité et l'assistance personnelle,
sous forme de services de guerre, de justice ou d'argent.
A l'égard des premiers, il a les droits d'un propriétaire
sur ses fermiers ou d'un maître sur ses valets ; à l'égard
des seconds, il a les pouvoirs d'un chef d'Etat sur ses su-
jets. « Un groupe ainsi organisé n'est pas isolé des groupes
voisins ; le seigneur qui en est le chef_peut entrer lui-
même, à titre de vassal, dans un autre groupe de même
nature, dont le seigneur-chef est d'ordinaire plus puissant
que lui-même ; dès lors ses propres terres relèvent directe-
ment de ce seigneur à titre de fief, et les terres de ses vas-
saux en relèvent indirectement à titre d'arrière-fiefs. Plu-
sieurs groupes peuvent être ainsi rattachés à un groupe
supérieur, et celui-ci dépendre d'un autre encore plus élevé .»
Tel est dans ses traits essentiels le groupement particulier
des personnes dans la société féodale ; comme on l'a vu plus
haut, la cause de ce groupementr"fe4îeii qui unit le sei-
gneur aux vassaux nobles et aux gens des classes inférieures
qui dépendent directement de lui, ne consiste pas dans un
simple engagement personnel, mais dans un contrat réel,
dans la concession effective d'une terre à charge de ser-
vices. Pour devenir vassal, l'hommage ne suffit pas ; pour
devenir vilain ou serf d'un seigneur, ce n'est pas assez d'un
engagement pris d'homme à homme : il faut, de plus, dans
le premier cas, la concession d'un fief, dans le second, celle
d'une tenure roturière ou servïle. Si le vassal, si le tenan-
cier sont liés envers le seigneur par les obligations précé-
demment énumérées, c'est, avant tout, à cause de la tenure
qu'ils ont reçue ; s'ils veulent se dégager de ces obligations,
ils doivent renoncer à leur tenure ; s'ils négligent de les
remplir, c'est par la perte de leur tenure qu'ils sont
punis.
2° Lorsque, chez un peuple, l'état social dont on vient
d'indiquer les traits essentiels est devenu général et per-
manent, il produit nécessairement une forme nouvelle de
gouvernement. Ce qui la caractérise, c'est que la souve-
raineté, au lieu de résider dans la nation tout entière ou
dans la personne d'un souverain unique, est dispersée entre
les mains des innombrables chefs de groupes féodaux qui
se partagent le sol, et que ce's chefs sont unis entre eux,
non point par des liens fédératifs, mais par une hiérarchie
particulière qui, à certains égards, les subordonne les uns
aux autres, à d'autres égards, les laisse pleinement indé-
pendants. Dans toute société organisée, les droits de l'Etat
consistent à exiger des individus les services personnels et
pécuniaires dont l'ensemble compose la puissance sociale ;
ses devoirs consistent à assurer aux individus, au moyen
de cette force sociale, la protection, la justice et la liberté
d'action qui leur sont nécessaires. Dans un Etat centra-
lisé, gouverné par un chef électif ou héréditaire, c'est à ce
chef unique ou aux fonctionnaires qui le représentent que
chaque individu fournit ces services et demande cette pro-
tection : dans un Etat féodal, c'est au seigneur de qui
dépend directement la terre où il réside ; car il ne connaît
que lui, n'a de devoirs qu'envers lui, ne doit attendre que
de lui assistance et justice. Chaque groupe féodal forme
donc, dans cette société, comme un petit Etat muni d'un
gouvernement propre et capable d'accomplir toutes les
fonctions essentielles d'un grand Etat : grâce au service de
guerre, de justice et de conseil, que lui doivent ses vas-
saux, le seigneur possède une armée, une cour judiciaire,
un conseil de gouvernement ; grâce aux tributs de ses vas-
saux et aux redevances pécuniaires de ses autres tenan-
43
FÉODALITÉ
—^494 —
ciers, il a un trésor ; grâce aux services de corps que lui
doivent les serfs et souvent aussi les hommes libres éta-
blis sur ses domaines, il dispose des bras d'un grand
nombre de cultivateurs et d'artisans. Mais, comme on l'a
vu plus haut, les groupes féodaux ne sont pas isolés les
uns des autres ; ils sont rattachés entre eux par les liens
de la vassalité et forment une vaste hiérarchie remontant
de groupes inférieurs à des groupes supérieurs de moins en
moins nombreux, jusqu'à ce qu'on arrive à un seigneur
qui ne reconnaît pas de supérieur, qui ne tient ses droits
de personne « hormis Dieu et son épée ». A la vérité, la
présence d'un chef unique, d'un suzerain suprême à la
tête de la hiérarchie féodale n'est pas essentielle à ce
régime. Il semblerait même que, dans une forme de gou-
vernement où tous les grands propriétaires de fiefs s'attri-
buent, chacun dans ses domaines, l'exercice des pouvoirs
publics, l'institution monarchique, c.-à-d. la création d'un'
pouvoir central et supérieur, fût un élément étranger et
même hostile. Cependant, en fait, sous l'influence de cir-
constances diverses qui ont varié suivant les temps et les
pays, partout où la féodalité s'est constituée, l'un des sei-
gneurs terriens a dominé les autres et centralisé en sa per-
sonne toute la hiérarchie féodale. Ce seigneur souverain
porte habituellement le titre de roi ou d'empereur ; il a sous
lui, disposés comme par échelons, tous les fiefs et toutes
les tcnures du royaume, qui sont censés être une émana-
tion directe ou indirecte de sa puissance. En fait, son auto-
rité sur ses vassaux est quelquefois réelle, le plus souvent
fictive : tantôt, s'ils sont peu puissants ou divisés par des
rivalités personnelles, il les tient dans sa main, distri-
buant et reprenant à son gré les fiefs et les dignités sui-
vant le degré d'obéissance dont ils font preuve ; tantôt,
s'ils sont puissants et unis, il doit composer avec eux, se
heurte à de fréquentes résistances et n'obtient que de leur
bon vouloir une obéissance précaire et intéressée. Mais,
dans tous les cas, il faut bien remarquer que son autorité
ne s'exerce, en dehors de son domaine propre, que sur la
personne de ses vassaux directs et jamais, en principe, sur
celle des arrière-vassaux ou des tenanciers qui dépendent
de ces vassaux ; il n'a pour sujets que les premiers ; il peut
les forcer à mettre en mouvement pour lui leurs vassaux et
les hommes de leurs fiefs, mais il ne peut, sauf exception,
requérir directement aucun service de ces vassaux et de
ces hommes qui ne sont pas sous sa dépendance. Ainsi à
tous les degrés de la hiérarchie féodale, chaque seigneur est
à la fois souverain et dépendant : souverain dans son fief,
dont les terres et les gens ne relèvent que de lui ; dépendant
de son suzerain immédiat, envers lequel il est tenu de
devoirs féodaux.
Si tel est le caractère essentiel du régime politique propre
aux sociétés féodales, parmi quelles formes de gouverne-
ment peut-on le ranger ? Il faut d'abord écarter les formes
démocratiques (république fédérative, militaire, représen-
tative), puisque une société féodale est, par définition,
incompatible avec tout régime politique dans lequel le
peuple se gouverne par lui-même ou par des représen-
tants. La féodalité peut être classée parmi les gouverne-
ments aristocratiques, puisque le pouvoir est aux mains
d'un petit nombre d'hommes pris dans une classe privilé-
giée, qui seule possède la terre et porte les armes. Mais elle
peut être aussi classée parmi les gouvernements monar-
chiques, puisque les membres de la classe gouvernante
forment une hiérarchie placée sous l'autorité réelle ou fic-
tive d'un chef unique. La monarchie féodale est tantôt élec-
tive, tantôt héréditaire, mais toujours patrimoniale, c.-à-d.
que son chef exerce le pouvoir, non par mandat de ses
subordonnés (monarchie représentative) ou par autorité
surnaturelle (monarchie théocratique), mais en son propre
nom, comme il use de ses biens personnels, et qu'à tous
les degrés de la hiérarchie aucun droit politique ne se mani-
feste que sous la forme patrimoniale d'un fief ou d'une
seigneurie. Toutefois la monarchie féodale n'est point despo-
tique : si dans ses propres domaines, sur certaines caté-
gories de personnes et de biens, l'autorité du roi est
presque absolue, dans les terres et sur la personne de ses
vassaux, il n'a qu'une autorité fort limitée, subordonnée
au contrat féodal qui les unit à lui. En résumé, on peut
définir la féodalité, en tant que régime politique, une com-
binaison de l'aristocratie terrienne et militaire avec la
monarchie patrimoniale. Mais c'est l'élément aristocra-
tique qui l'emporte ; les privilégiés ne sont pas seulement
la classe dominante, ils sont la classe souveraine ; le mo-
narque n'est lui-même qu'un seigneur placé au-dessus des
autres et n'ayant pas de supérieur. Aussi emploie-t-on quel-
quefois l'expression de régime seigneurial comme syno-
nyme de régime féodal. La première expression est peut-être
plus large et plus intelligible, car elle indique bien un
régime dans lequel les véritables maîtres, au point de vue
politique comme au point de vue social, sont les seigneurs.
Toutefois, c'est la seconde qui a prévalu dans l'usage, sans
doute parce qu'elle marque précisément ce qu'il y a de plus
original et de plus caractéristique dans ce régime, l'inféo-
dation ou concession de fief, par laquelle s'explique la su-
prématie sociale et politique des seigneurs.
IL Causes qui amènent la formation et la des-
truction du régime féodal,— Quelque variés que soient
dans leur succession et dans leur enchaînement les faits
particuliers dont l'ensemble forme l'histoire de l'humanité,
il y a certains états sociaux et certains régimes politiques
que l'on voit, chez tous les peuples qui ont une histoire,
régulièrement apparaître sous l'influence des mêmes cir-
constances, se succéder dans le même ordre et constituer en
quelque sorte les phases essentielles de toute évolution his-
torique. C'est ainsi qu'au sortir de l'anarchie primitive, le
clan familial paraît avoir été partout le premier type d'asso-
ciation ; rapprochés par des affinités ou des nécessités com-
munes, les clans ont formé des tribus, puis des nations.
C'est ainsi qu'au point de vue politique, le régime rudimen-
taire de la tribu libre est partout remplacé, à quelques
exceptions près, par le gouvernement despotique, puis,
chez les races les plus civilisées, par le gouvernement
parlementaire (V. Etat).
Mais autour de ces types fondamentaux qui sont en très
petit nombre et fort simples, apparaissent de nombreuses
variétés, dues à la configuration du sol, au climat, aux
besoins économiques, aux croyances, au hasard des guerres,
et qui tantôt donnent à chacun de ces types un caractère
particulier et individuel, tantôt forment entre chacun d'eux
des états intermédiaires. Telles sont par exemple, au point
de vue social, l'organisation démocratique ou la division
en classes dont les unes sont asservies aux autres ; au
point de vue du gouvernement, la forme républicaine, aris-
tocratique ou monarchique de la tribu, la forme héréditaire
ou élective, théocratique ou militaire de la monarchie des-
potique, la forme unitaire ou fédérative, républicaine ou
monarchique du gouvernement parlementaire. Telle est aussi
la féodalité. On ne saurait voir dans ce régime une phase
nécessaire de l'évolution historique, car il y a des peuples
à qui ce type d'organisation est toujours resté étranger
(par exemple, les anciens Grecs, les Romains, les Slaves).
Mais c'est une forme transitoire, qui se produit communé-
ment, chez la plupart des peuples, à des moments divers
de leur développement social et politique. Combinaison par-
ticulière de l'aristocratie et du régime monarchique, on la
rencontre aussi bien dans les tribus à demi sauvages que
dans les grands Etats civilisés. On peut ramener à quatre
cas principaux les circonstances qui lui donnent naissance :
4° tantôt le régime féodal apparaît comme une des phases
normales de l'évolution qui fait passer peu à peu une tribu
ou une nation du gouvernement démocratique au gouver-
nement monarchique ; 2° tantôt il se produit spontanément
dans la désorganisation d'une grande monarchie, et sert
de transition plus ou moins rapide vers un autre type de
gouvernement monarchique ; 3° tantôt il est violemment
importé chez un peuple vaincu par un peuple conquérant
qui vivait déjà lui-même sous ce régime ; 4° tantôt enfin
- 198
FEODALITE
il est volontairement constitué par le souverain d'un grand
Etat monarchique, dans les provinces les plus éloignées de
son empire, comme un régime transactionnel mieux appro-
prié à ces provinces que l'administration directe par le gou-
vernement central. — Examinons successivement ces quatre
hypothèses.
4° Le régime féodal est inconnu aux sociétés primitives,
même lorsque, abandonnant la vie pastorale, elles se fixent
dans une région déterminée pour en cultiver les terres.
Les chefs de famille, unis par les liens d'une même des-
cendance', vivent d'abord sous un régime démocratique
qui a pour caractère distinctif la communauté des terres
et l'égalité politique. Mais cet état social, dont on retrouve
des traces à l'origine de tous les peuples, n'a subsisté que
par exception dans quelques tribus (Kabyles de l'Algérie,
Peaux-Rouges de l'Amérique) et dans quelques provinces
ou petits Etats de l'Europe (en Suisse, en Frise, dans le
district des Dithmarschen [Holstein], au val d'Andorre, en
Serbie). H. Sumner Maine et E. de Laveleye , dans
leurs recherches sur les sociétés primitives et sur les
formes anciennes de la propriété, ont montré comment,
partout ailleurs, l'égalité avait disparu avec la com-
munauté des terres; comment ces démocraties primitives,
à mesure que se développait la propriété individuelle,
s'étaient changées en aristocraties foncières et s'étaient
acheminées plus ou moins lentement vers le régime féo-
dal. D'abord, à côté des terres communes périodiquement
partagées entre chacun des membres de la tribu, il se
forma quelques domaines indépendants : l'homme qui clô-
turait un terrain vague ou un coin de la forêt commune
pour le cultiver, en devenait propriétaire exclusif et héré-
ditaire ; et la terre ainsi défrichée (bifang, porprisa, pour-
pris) échappait au partage (ager exsors) , Quelques familles
qui, dans la croyance populaire, représentaient la descen-
dance directe de l'ancêtre commun et chez lesquelles le sang
était réputé plus pur, étaient mieux traitées que les autres
dans les partages communs ; étant plus riches, ayant plus de
serviteurs, elles pouvaient plus facilement se créer, par les
défrichements, un domaine exclusif. C'était aussi parmi
les membres de ces familles que l'on choisissait d'ordinaire
les chefs des expéditions militaires ; c'était à eux que reve-
nait, en cas de succès, la plus grosse part des terres con-
quises, du butin ou~4.es esclaves ; c'était à eux qu'en temps
de paix on recourait plus volontiers pour obtenir assistance
et protection. Aussi dans chaque tribu, l'égalité des biens
fut-elle rompue de bonne heure au profit de quelques
familles riches et puissantes, qui formèrent une sorte d'aris-
tocratie et qui, à la faveur des guerres fréquentes provoquées
par l'humeur querelleuse de ces petites sociétés, acquirent
rapidement sur les autres membres de la tribu un pouvoir
prépondérant. Déjà le chef de chacune d'elles avait sous
son autorité les serviteurs par lesquels il faisait cultiver ses
domaines, ou qu'il avait établis comme colons dans une
terre inculte, défrichée par son ordre. Il s'entoura en
outre d'une clientèle d'hommes libres, dont il fit ses su-
bordonnés en leur concédant, soit une partie de son bétail
pour exploiter leurs propres terres, soit une partie de ses
domaines pour les cultiver à sa place : en retour de cette
concession, il stipulait d'eux certains services personnels
ou certaines redevances pécuniaires, qui les mettaient
dans sa dépendance, soit à titre de clients, soit à titre de
fermiers, soit à titre de tenanciers. Quant à lui, assez
riche pour vivre sans travailler, il cessait de cultiver
personnellement la terre, et ne pratiquait que le métier
des armes, la chasse et la guerre; auprès de lui il
avait des compagnons d'armes, qui vivaient à sa table, à
qui il donnait une part de son butin ou de ses terres, et
qui lui rendaient en retour divers services domestiques. A
cette autorité qu'il exerçait sur ses gens et sur tous ceux
à qui il avait concédé une parcelle de son domaine, s'ajouta
bientôt le gouvernement de tous les hommes libres de la
région au centre de laquelle était son manoir. A mesure
que la communauté s'accroissait et que la culture des terres
se compliquait, la participation des chefs de famille aux
affaires publiques devenait pour chacun une charge plus
lourde et plus gênante. Peu à peu les plus pauvres s'en dé-
sintéressèrent ; les plus riches, dont les terres étaient culti-
vées par des serviteurs ou des tenanciers, eurent seuls le
loisir de s'en occuper; c'est à eux, de préférence, que
furent confiées les fonctions instituées dans l'intérêt géné-
ral de la communauté. On s'habitua ainsi à considérer
l'exercice des pouvoirs publics comme étant à la fois la
charge naturelle et le privilège exclusif de la propriété
foncière, et les chefs des principales familles aristocra-
tiques héritèrent des droits administratifs et judiciaires
primitivement exercés par les assemblées d'hommes libres.
Ils gouvernèrent d'abord en qualité de présidents élus par
elles, puis en leur propre nom et de leur seule autorité,
sans le concours de ces assemblées. De même, ils figurèrent
seuls dans les réunions générales où chaque communauté
particulière envoyait des délégués pour délibérer sur les
affaires de la tribu ou de la nation. C'est ainsi qu'au sein
de la communauté libre, les grands propriétaires se trans-
formèrent en seigneurs; que leurs domaines, investis de
droits souverains, devinrent des terres seigneuriales. Par
des empiétements successifs, chacun d'eux s'empara des
biens et des droits communaux, dont il gardait le domaine
éminent et concédait l'usage, au prix de redevances et de
corvées. Beaucoup de domaines privés et de droits indi-
viduels, qui appartenaient en propre à des hommes libres,
tombèrent aussi en son pouvoir ; car le plus souvent ceux-
ci n'obtenaient sa protection, n'échappaient à ses vexa-
tions, qu'en lui faisant hommage de leurs terres, pour les
recevoir ensuite de lui à titre de vassaux et moyennant
quelque service. L'autorité du seigneur s'étendait ainsi
peu à peu à toutes les terres et à toutes les personnes de
la communauté, qui finissait par être englobée tout entière
dans le groupement féodal. Les divers groupes seigneu-
riaux qui se formaient de la sorte chez un même peuple
ne restaient pas isolés les uns des autres ; mais il était
rare qu'ils s'entendissent pour former une sorte d'Etat
fédératif; les ambitions, les rivalités, les querelles divi-
saient entre eux les seigneurs. Après une période de lutte
et d'anarchie plus ou moins longue, les plus faibles tom-
baient de gré ou de force dans la dépendance des plus
forts, qui devenaient leurs suzerains, et, parmi ces der-
niers, le plus habile ou le plus puissant ne tardait pas à
faire reconnaître par les autres sa suprématie sous le nom
de royauté. Ainsi se trouvait constituée, dans ses éléments
essentiels, la monarchie féodale. C'est l'histoire de l'Alle-
magne, antérieurement au xe siècle, qui offre le plus remar-
quable exemple de cette évolution graduelle d'une démocratie
primitive vers le régime féodal. En Angleterre, pen-
dant la même période, l'évolution fut plus lente, et le
régime féodal était encore en voie de formation, lorsque
la conquête normande l'imposa violemment à la population
indigène. Dans quelques parties de l'Afrique et de l'Océa-
nie, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie, dans les archi-
pels de la Polynésie, où elle existe à l'état rudimen taire,
on retrouve les traces encore vivantes d'une évolution
analogue à celle qui vient d'être décrite. /•
2° Le régime féodal peut s'établir également dans des
circonstances tout opposées aux précédentes, non plus à la
naissance, mais au déclin des civilisations. C'est lorsqu'une
grande monarchie tombe en décadence et que les groupes
d'hommes qui la composent différant entre eux de race ou
d'intérêts, rejettent le joug commun pour chercher, chacun
sous l'autoritéde chefs régionaux, une forme nouvelle d'or-
ganisation sociale et politique. C'est ainsi que s'est développé
le régime féodal en France, en Italie et en Espagne pen-
dant le moyen âge. L'étude spéciale qui sera faite ultérieu-
rement de la féodalité française montrera par une analyse
! détaillée comment ce régime est sorti de la dissolution de la
monarchie carolingienne. Il suffira d'indiquer en quelques
traits généraux la marche que suit habituellement cette évo-
lution sociale aux époques de décadence. Les Etats dans
FÉODALITÉ — 496 —
lesquels elle se produit sont généralement de vastes monar-
chies, telles que l'empire de Charlemagne, formées de peuples
que la conquête a violemment rapprochés et qui ne sont
pas unis par un même sentiment national, mais seulement
par une organisation administrative, lien plus apparent
que réel. Lorsque la faiblesse ou l'incapacité du souverain
expose l'Etat aux attaques d'un ennemi extérieur, aux
querelles intestines des factieux, l'organisme administratif
se relâche et l'Etat commence à se dissoudre. Mais la vie
qui abandonne le pouvoir central se réfugie dans chaque
province, dans chaque groupe d'hommes unis par des
affinités communes, et l'instinct de conservation crée dans
chacun de ces groupes un nouvel organisme social. La
puissance publique qui jusque-là résidait tout entière dans
la personne du monarque se divise en une foule de sou-
verainetés locales au profit de ceux qui dans chaque région
possèdent les plus riches domaines et le plus grand nombre
de clients, c.-à-d. au profit des hauts fonctionnaires de
la monarchie qui tombe et des principaux propriétaires
fonciers. C'est à eux que les petits propriétaires, les arti-
sans, les cultivateurs s'adressent, au milieu du désordre
et de l'anarchie qui éclatent partout, pour obtenir la jus-
tice et la protection que le pouvoir central ne leur assure
plus ; c'est à eux et non plus au pouvoir central qu'ils
apportent, en retour, leurs services personnels et leur
travail. Ils les reconnaissent pour seigneurs et se déclarent
leurs vassaux ou leurs hommes. Mais dans le contrat d'as-
surance mutuelle qui intervient alors, ce n'est pas seule-
ment à la personne du protecteur que s'attachent les pro-
tégés, c'est surtout à sa terre, cause et signe apparent de
sa puissance. Ils ne se sentent réellement défendus contre
les troubles et l'instabilité de la vie sociale que si le sei-
gneur les établit sur ses domaines en leur concédant la
jouissance d'une de ses terres, et en même temps cette
terre concédée est pour le seigneur la meilleure garantie
de l'acquittement régulier des services et redevances qu'il
a stipulés en retour. Les groupes féodaux ainsi formés
sont d'abord isolés les uns des autres pendant une période
d'anarchie, puis s'unissent, comme dans l'évolution pré-
cédemment décrite, par des liens de subordination et de
suzeraineté réciproques. Il ne tarde pas à s'élever parmi
eux une seigneurie prépondérante, qui restaure peu à peu
à leurs dépens le pouvoir monarchique, mais en l'adap-
tant aux nécessités du nouvel état social, en l'exerçant
dans les formes féodales.
3° Au lieu de se développer naturellement chez un peuple
par le libre jeu des éléments sociaux, la féodalité peut
lui être imposée par une contrainte extérieure, telle que
l'invasion d'étrangers qui s'établissent chez lui en conqué-
rants. Le cas se présente lorsque la nation victorieuse est
elle-même déjà organisée féodalement et soumet le peuple
vaincu à ses propres institutions. C'est ce qui est arrivé
pour le Japon, conquis plusieurs siècles avant l'ère chré-
tienne par les Chinois, et pour l'Angleterre conquise au
xie siècle par les Normands. Le chef vainqueur confisque
les terres des vaincus, mais, comme il n'a déterminé ses
vassaux et ses compagnons d'armes à entreprendre l'ex-
pédition qu'en leur promettant une large part du butin, il
ne garde pour lui-même qu'une portion du territoire et
des biens confisqués et distribue le reste à ses lieutenants
et à ses soldats, à titre de fiefs, c.-à-d. à charge de service
militaire et d'autres services personnels. Quelquefois, par
calcul politique, il laisse aux -anciens possesseurs une par-
tie des terres, mais à la condition qu'ils deviendront ses
vassaux et lui fourniront les mêmes services. Chaque vas-
sal fait à son tour des concesssions semblables aux hommes
d'armes qui l'ont accompagné et aux indigènes dont il
a besoin. Ainsi s'établit par une spoliation méthodique
toute une hiérarchie féodale, ayant au sommet le chef
victorieux , limité dans sa puissance par les droits qu'il
a dû reconnaître à ses vassaux, et, à la base, toute
la population vaincue, réduite au rang de colons ou de
serfs et pourvoyant par son travail aux besoins de l'aris-
tocratie territoriale et militaire que la conquête lui a
imposés.
Lorsque le pays où le régime féodal est ainsi implanté
se trouve déjà dans un état social voisin de ce régime au
moment de la conquête (ce qui est arrivé pour l'Angle-
terre), lorsque dans la condition des terres et celle des
personnes il s'est déjà produit des inégalités, des subordi-
nations, des groupements locaux qui indiquent une lente
évolution vers l'aristocratie féodale, l'assimilation se fait
rapidement entre les institutions des vainqueurs et celles
des vaincus ; et, au bout de très peu de temps, le nouveau
régime est aussi solidement assis que s'il s'était développé
naturellement. Souvent même il garde des circonstances
dans lesquelles il est né un caractère plus rigoureux et
une hiérarchie plus sévère : car la nécessité de défendre
leur conquête contre les revendications des vaincus oblige
les vainqueurs à conserver longtemps intacte leur organi-
sation militaire et à exiger impitoyablement la stricte exé-
cution des services féodaux.
4° Enfin l'introduction du régime féodal chez un peuple
peut être une création administrative ; ce qui arrive prin-
cipalement dans deux cas : 1° lorsque par calcul ou par
nécessité politique le souverain d'une grande monarchie
renonce à administrer directement certaines de ses pro-
vinces et en concède le gouvernement à un ou plusieurs
chefs responsables, sous l'obligation du service militaire
et de tributs en argent ou en nature ; 2° lorsque dans un
état monarchique le relâchement des liens administratifs
et les résistances locales rendent difficile la levée des
troupes et que le souverain est obligé, pour recruter une
armée, d'intéresser à cette opération les fonctionnaires ou
les personnages les plus influents du pays en achetant leur
concours au prix de concessions de terres. Dans les deux
cas, le monarque garde, à titre de suzerain, le domaine
éminent des provinces ou des terres ainsi concédées en
fiefs. Ceux qu'il en investit en reçoivent, à titre de vas-
seaux, le domaine utile, avec tous les droits et les pou-
voirs qu'il comporte. Eux-mêmes concèdent à leur tour
une partie de ces terres à des vassaux subalternes, à des
tenanciers, des colons ou des serfs, et ainsi se constitue
une véritable hiérarchie féodale. Ces créations de fiefs par
acte du pouvoir central ne sont point rares dans l'histoire
des Etats européens. On en trouve un exemple mémorable
dans l'empire byzantin, qui, au xe siècle, ne se défendit
contre les invasions du dehors et les résistances intérieures
qu'en admettant à titre de vassales les provinces occupées
par les Slaves et les Bulgares, ou en concédant à des
étrangers des fiefs militaires, au centre même de l'Empire.
De même, dans l'empire des Turcs Ottomans, les sultans
créèrent au xive siècle, au profit de leurs compagnons
d'armes (sipahis) des fiefs militaires (ziamets, timars)
qui leur conféraient une véritable autorité seigneuriale sur
les rayas, cultivateurs du sol : ces fiefs, qui formaient la
base de l'organisation civile et militaire de l'empire otto-
man, ont subsisté jusqu'à la réforme de 4858. De même
encore, quand les Turcs conquirent l'Egypte en 1517, ils
y établirent des fiefs analogues au profit des officiers (mul-
tezims) et des mamelucks de qui relevait directement la
population agricole des fellahs.
Après avoir passé en revue les principales causes qui
amènent dans une société l'établissement du régime féodal,
il y a lieu de rechercher comment la féodalité disparaît et
par quels régimes elle est habituellement remplacée.
On a vu précédemment qu'on ne pouvait la classer parmi
les types normaux et permanents d'organisation sociale,
mais parmi les types de transition. Comme les circonstances
diverses qui lui donnent naissance ne durent qu'un certain
temps, il arrive un moment où cette forme organique ne
correspond plus aux besoins de la société qui y est soumise.
On ne peut nier que, dans certaines crises de l'évolution
sociale, le régime féodal n'ait été un réel bienfait pour le
peuple chez lequel il s'établissait. Sans doute, lorsqu'il suc-
cède au régime démocratique des sociétés primitives ou qu'il
— 497
FEODALITE
est violemment imposé par une armée conquérante à une
nation libre, il amène une déchéance dans la condition des
individus comme dans le fonctionnement des forces sociales.
Mais lorsqu'il succède à un régime despotique ou à
une période d'anarchie, il réalise, à ce double point de
vue, un véritable progrès. Pour les classes inférieures,
le progrès est dans la sécurité que leur procure la protec-
tion du guerrier sur la terre duquel elles vivent ; pour la
classe dirigeante, il est dans l'indépendance et la dignité
morale qu'assure à chacun de ses membres la souveraineté
dont il jouit sur ses domaines; pour tous, il est dans la
prédominance du système contractuel, souvent onéreux
aux faibles, mais toujours préférable à la violence et à
l'arbitraire. — Toutefois, si le régime féodal est quelque-
fois bienfaisant, il ne peut longtemps fonctionner sans ré-
véler de telles imperfections, sans engendrer tant d'abus
et d'injustices, qu'il suscite contre lui les haines et les
révoltes les plus justifiées. La protection seigneuriale de-
vient promptement oppressive : le seigneur abuse de sa
force pour pressurer ceux qui se sont mis sous sa tutelle ;
il usurpe les biens, asservit les personnes, les grève, au
mépris des conventions, de charges ruineuses et vexatoires ;
même quand il n'opprime pas ses tenanciers, il les exploite,
et la plupart des services qu'il exige d'eux tournent à son
profit personnel ou à la satisfaction de ses ambitions de
famille. Les liens réels qui attachent l'homme à la terre,
les dangers auxquels s'expose quiconque sort des domaines
de son seigneur, la division de la société en classes fer-
mées, sont autant d'obstacles au développement du com-
merce et de l'industrie, au progrès économique. L'insuffi-
sance des liens féodaux pour établir l'ordre dans une société
qui n'admet que des droits individuels, les mœurs vio-
lentes de l'aristocratie qui ne connaît que le métier des
armes, entretiennent en permanence les guerres privées,
qui ont pour conséquence, le servage, le dépeuplement des
terres, la dévastation des villes et des campagnes. Enfin,
un Etat féodal, où la souveraineté est partagée en une
foule de mains, ne peut avoir, au point de vue de l'admi-
nistration intérieure et des relations internationales, la
cohésion et la puissance d'un Etat centralisé. Ces imper-
fections, les abus et les maux qui en résultent provoquent
plus ou moins rapidement une double réaction contre le
régime féodal. L'une vient des classes inférieures : partout
où l'isolement ou la dégradation morale ne les réduit pas à
l'impuissance, les opprimés, libres ou serfs, s'unissent,
s'organisent par petits groupes, et, forts de leur union,
obtiennent peu à peu, soit de gré, soit de force, des con-
cessions qui limitent l'arbitraire du seigneur et leur garan-
tissent un certain nombre de droits et de privilèges collectifs.
En même temps leur condition économique s'améliore ; plus
libres, elles s'enrichissent par le commerce, l'industrie et
les arts ; elles achètent la terre, et avec elle la puissance
sociale. Un certain nombre de groupes arrivent ainsi à se
faire une place dans la classe privilégiée, à conquérir non
seulement des droits municipaux, mais une véritable souve-
raineté politique qui leur permet de traiter d'égal à égal
avec les seigneurs féodaux. L'autre réaction vient du chef
suprême qui, sous le nom de roi ou d'empereur, occupe
dans la société féodale le sommet de la hiérarchie aristo-
cratique. La maison seigneuriale qui s'est emparée, par la
force ou l'intrigue, de cette souveraine dignité, fait consister
toute sa politique à étendre ses domaines, ses droits et ses
prérogatives aux dépens des autres maisons seigneuriales ;
s' alliant suivant ses intérêts avec les chefs de la société
religieuse, avec les communautés urbaines ou rurales,
avec les petits seigneurs qu'elle cherche à soustraire à la
suzeraineté des grandes seigneuries pour les faire entrer
dans sa vassalité immédiate, elle conquiert, confisque ou
rachète la majeure partie des fiefs, ressaisit, pour s'en
attribuer l'usage exclusif, les droits régaliens que chaque
seigneur exerce dans ses domaines, et par le rétablissement
progressif de l'unité politique et de la centralisation admi-
nistrative, donne satisfaction à la fois à ses ambitions per-
sonnelles et aux intérêts généraux de la nation. — Eman-
cipation des classes populaires, transformation de la vie
économique, reprise par le pouvoir central de tous les droits
souverains : tel est le résultat de cette double réaction.
Dès lors le fief cesse d'être le centre de la vie sociale et de
la vie politique ; le régime féodal, atteint et ruiné dans son
principe même, entre en pleine décadence. Mais la lutte
est généralement longue et la résistance des privilégiés opi-
niâtre. De toutes les formes d'organisation aristocratique,
la féodalité est celle qui tient par les racines les plus pro-
fondes à la société où elle s'est établie, puisque la supré-
matie de la classe dirigeante et la subordination des classes
inférieures reposent, comme on l'a vu, sur un état parti-
culier de la propriété foncière qui ne peut se modifier
que très lentement. Aussi, même détruite, en tant que
pouvoir politique, subsiste-t-elle encore longtemps sous
forme de droits fonciers et de privilèges personnels , au
profit d'une noblesse asservie à la royauté, mais odieuse
au peuple sur lequel elle pèse sans acquitter aucun ser-
vice public.
Des deux forces sociales sous l'action desquelles suc-
combe le régime féodal, le peuple et la royauté, c'est la
seconde qui est d'ordinaire la mieux armée et la plus puis-
sante ; et c'est un régime monarchique qui partout succède
immédiatement à la féodalité. Mais tantôt c'est la forme de
la monarchie absolue qui prévaut, tantôt c'est celle de la
monarchie représentative. — Le premier cas (qui fut celui
de la France et de la plupart des Etats de l'Europe à la
fin du moyen âge) se présente lorsque, dans sa lutte contre
la féodalité, le pouvoir royal a réussi, par la faveur des
circonstances ou par l'habileté de sa politique, à détourner
à son profit toutes les forces vives de la nation, lorsque,
sous couleur de restaurer l'unité politique et l'ordre admi-
nistratif, il a non seulement dépouille les seigneurs de
leurs prérogatives souveraines, mais aussi détruit ou con-
fisqué tous les autres pouvoirs indépendants, toutes les
franchises locales que les classes populaires avaient péni-
blement conquises. Voici dès lors à quoi se réduit la trans-
formation sociale et politique qui s'opère. L'inégalité des
droits et des richesses est moins grande entre l'aristocratie
et les classes inférieures. Mais toutes les classes subissent
le joug commun que leur impose le monarque absolu. Au
lieu d'une foule de petits Etats seigneuriaux et d'oligarchies
municipales jouissant, sous la réserve des obligations féo-
dales, d'une indépendance presque complète, il n'y a plus
qu'un seul Etat, plus puissant, muni d'une administration
plus régulière et mieux armé au dehors pour l'action diplo-
matique ou militaire. Mais au fond la constitution poli-
tique demeure la même; concentrée en une seule main, la
souveraineté reste patrimoniale, comme lorsqu'elle était
partagée entre plusieurs ; le roi s'attribue sur les biens et
les personnes du royaume entier les mêmes droits que
chaque seigneur exerçait sur ses domaines ; au lieu d'être
exploité par plusieurs maisons seigneuriales, l'Etat n'est
plus exploité que par un seul homme au profit de ses inté-
rêts privés et de ses ambitions dynastiques. — Le second
cas se produit lorsque les classes populaires, tout en échap-
pant à l'oppression féodale, ont su se prémunir en même
temps contre le despotisme monarchique : c'est en parti-
culier ce qui est arrivé pour l'Angleterre. Après la con-
quête normande, le pouvoir seigneurial, quoique solidement
établi dans chaque fief et fortifié par une hiérarchie sévère,
n'avait pas détruit ou absorbé tout autre pouvoir. La
royauté y était restée, dès les premiers temps de la période
féodale, plus puissante que partout ailleurs : le roi possé-
dait les plus riches et les plus nombreux domaines ; il avait
conservé tous les droits régaliens, gardé les anciennes di-
visions administratives ; il tenait dans sa dépendance non
seulement le clergé établi et doté par lui, mais aussi la
plupart des seigneurs laïques qui étaient ses vassaux directs
et dont il ne respectait pas toujours les biens ni les privi-
lèges. Les classes populaires, sur qui pesait le régime féo-
dal, avaient autant à craindre de l'arbitraire du roi que de
FEODALITE
— 198 —
l'oppression de l'aristocratie laïque ou ecclésiastique : pour
faire reconnaître leurs droits et conquérir des franchises,
elles n'avaient pas intérêt à invoquer l'appui du pouvoir
royal, mais bien plutôt à demander ces concessions comme
prix du concours qu'elles pouvaient prêter aux nobles et au
clergé contre les empiétements de la royauté. Aussi, le
plus souvent, dans l'histoire d'Angleterre, ne voit-on pas
les artisans des villes et les tenanciers des campagnes lutter
contre l'aristocratie laïque ou ecclésiastique, mais s'unir à
elle pour résister par une action commune aux prétentions
et aux entreprises royales. Après de longues vicissitudes,
le résultat de cette politique fut d'abord de maintenir l'équi-
libre entre les diverses forces sociales, d'atténuer les pou-
voirs seigneuriaux sans restaurer une monarchie despotique,
de laisser ainsi les franchises populaires se développer entre
les privilèges de l'aristocratie et les prérogatives du mo-
narque. Ce fut ensuite de modifier profondément la cons-
titution des pouvoirs publics : non seulement dans les mains
des seigneurs, mais aussi dans les mains du roi, l'autorité
cessa d'être un bien patrimonial dont on dispose à son gré,
pour devenir un dépôt conditionnel dont on est responsable.
Les principaux membres de l'aristocratie laïque et du clergé,
unis aux représentants des corporations et des villes, for-
mèrent, sous le nom de Chambre des communes, une
assemblée représentative de la nation tout entière, qui in-
tervenait dans les affaires générales du royaume pour con-
trôler le pouvoir central ; le roi ne pouvant lever d'impôts
sans l'approbation de cette assemblée, dut tenir compte,
dans l'exercice de son autorité, des vœux et des besoins
de chaque classe de la société ; il devint donc, dans la
gestion des affaires publiques, le mandataire suprême de
la nation. Ainsi le régime contractuel, qui était l'essence
même de la féodalité, loin de disparaître, recevait une plus
grande extension ; il ne s'appliquait plus seulement aux
relations féodales, corporatives ou municipales, mais à
l'ensemble des rapports des gouvernants avec les gou-
vernés ; en un mot, la monarchie féodale se transformait
en monarchie représentative.
IL LA FÉODALITÉ FRANÇAISE. — L'étude historique
du régime féodal en France comporte naturellement trois
grandes divisions : 4° origine et formation de ce régime
(ve-xe siècle) ; 2° description de l'organisme féodal et de
ses principales fonctions (xie-xme siècle) ; 3° décadence et
abolition du régime féodal (xiv8-xvme siècle). De ces trois
périodes, c'est la première qui exigera les plus longs déve-
loppements, parce que c'est à la fois la plus complexe et
celle que l'érudition moderne a le plus étudiée pour en
éclaircir les points obscurs.
I. Origine et formation du régime féodal (ve-
xe siècle). — Dans la région de l'Europe qui correspond à la
France actuelle, le régime féodal ne s'est pas établi avant
la fin du ixe siècle. Plusieurs historiens ont cependant sou-
tenu qu'il existait déjà à une époque beaucoup plus reculée,
et l'ont fait remonter, les uns jusqu'aux temps celtiques
(Montlosier, Laferrière, de Courson), les autres jusqu'à
la domination romaine (Ducange, Perreciot, Sumner-Maine),
d'autres aux invasions germaniques du ve siècle (Boulain-
villiers, Montesquieu, Guizot), d'autres enfin à la révo-
lution qui substitua vers le milieu du vnr3 siècle la
dynastie carolingienne à celle des Mérovingiens (Roth). Il
est certain que chez les Celtes de la Gaule, comme chez
ceux de l'Irlande, il existait, à côté des relations politiques
qui subordonnaient les membres de chaque civitas à leurs
chefs respectifs, des liens de protection et de dépendance
individuelles entre les membres de la classe noble et leurs
clients (soldurii, ambacti) dont les uns étaient des
compagnons de guerre, les autres des fermiers ou des
serviteurs. Mais on ne saurait voir dans cet état social
une forme de la féodalité : car si l'on y retrouve l'un des
éléments essentiels du groupement féodal, l'engagement
de la personne, il y manque un autre élément non moins
essentiel, la concession de la terre. C'était uniquement par
le don ou le prêt de bétail et d'objets mobiliers que les
nobles gaulois attiraient à eux des clients et récompen-
saient leur dévouement, et cela s'explique par le caractère
collectif qu'avait encore à cette époque la propriété immo-
bilière et qui ne permettait pas aux individus de disposer
du sol en guise de salaire pour payer des services person-
nels. — C'est pour le même motif qu'on ne peut recon-
naître dans les institutions importées en Gaule par les
conquérants germains les caractères constitutifs de la féo-
dalité. Les liens individuels qui unissaient les fidèles
(comités, antrustiones, buccellarii, gasindi, vassi) à
leur chef ou à leur patron (senior) ne résultaient que d'en-
gagements personnels et ne reposaient pas sur un certain
état de la propriété foncière. Sans doute le fidèle, en retour
de son assistance, pouvait recevoir une terre aussi bien que
des objets mobiliers ; mais la concession de la terre n'était
alors que l'accessoire des rapports établis entre les per-
sonnes, tandis que, dans le régime féodal, c'est, comme
on l'a vu, cette concession même qui crée le lien person-
nel. — L'élément réel, qui fait défaut dans la clientèle
celtique et dans le compagnonnage germanique, se retrouve
au contraire dans les abandons de terre à titre héréditaire
(bénéficia) faits par les empereurs romains du me et du ive
siècle à des vétérans ou à des lètes sous la charge de ser-
vice militaire. Mais ces bénéfices (V. ce mot) n'avaient
avec les fiefs qu'une ressemblance superficielle ; d'ailleurs
ils n'étaient établis que sur les frontières de l'Empire dont
ils devaient assurer la défense, et ne survécurent pas en
Gaule aux invasions du ve siècle ; ils ne furent ni assez
répandus ni assez durables pour avoir pu modifier l'état
social de la Gaule romaine : on ne saurait donc faire
remonter jusqu'à eux la première manifestation du régime
féodal dans notre pays. — Il y aurait plus de raisons pour
faire dater ce régime du milieu du vme siècle, si l'on ne
voyait dans la féodalité qu'un état social où dominent les
liens de protection et de dépendance individuelles, fondés
sur des concessions de terres à charge de services. Mais
elle n'est vraiment constituée que lorsque l'évolution
sociale a entraîné après elle une évolution politique, lorsque
la souveraineté qui résidait dans le pouvoir centrai est pas-
sée aux mains des propriétaires fonciers et s'est morcelée
en d'innombrables seigneuries. Or au milieu du vme siècle,
au début de la période carolingienne, cette profonde trans-
formation n'était pas encore réalisée, comme on le verra
bientôt.
Si l'on ne peut établir que la féodalité soit devenue, avant
le xe siècle, le régime social et politique de la France, il y
aurait une égale erreur à prétendre* qu'elle s'est alors formée
brusquement, spontanément, sans préparation antérieure.
Les institutions sur lesquelles elle repose sont au contraire
le résultat d'une longue évolution et se rattachent à des
causes lointaines, plus ou moins visibles, qu'il faut recher-
cher non seulement sous les premiers Carolingiens, non
seulement sous la monarchie mérovingienne, mais jusqu'à
l'époque gallo-romaine et même jusqu'aux temps celtiques.
S'il est impossible d'admettre, en leurs conclusions beau-
coup trop absolues, les théories précédemment indiquées
qui font remonter jusqu'à l'une de ces époques reculées la
constitution du régime féodal, il faut toutefois reconnaître
que chacune d'elles contient au moins une part de vérité, en
ce qu'elle signale et met en lumière l'une des origines d'où
ce régime devait plus tard sortir. — On a souvent comparé
les sociétés humaines à des corps organisés qui fonctionnent
et se développent suivant des lois analogues aux lois phy-
siologiques et qui subissent de temps à autre certaines crises
dans lesquelles l'organisme se modifie et se renouvelle pour
s'adapter à des besoins ou à des milieux nouveaux. Mais
comme ces transformations s'opèrent en pleine vie, sans
que le corps social cesse d'agir et d'accomplir ses fonctions
essentielles, il faut que les nouveaux organes se préparent
et se forment lorsque ceux qu'ils doivent remplacer sont
encore en activité ; il faut, pour ainsi dire, que deux orga-
nismes coexistent pendant quelque temps, l'un apparent,
l'autre caché, l'un s'affaiblissant et se désagrégeant de plus
199
FÉODALITÉ
en plus, tandis que l'autre s'étend et se fortifie sans cesse,
accélérant par sa croissance la destruction du premier.
L'historien qui étudie les phases de cette transformation
doit donc examiner d'abord comment était constitué l'orga-
nisme ancien, y distinguer les éléments hétérogènes qui
devaient donner naissance à l'organisme nouveau et recher-
cher comment ils se sont développés à l'état latent pendant
que le corps social vivait encore sous son ancien régime, puis
montrer par suite de quelles circonstances l'ancien orga-
nisme, affaibli et miné depuis longtemps, s'est tout à coup
décomposé, et comment, dans cette crise suprême, les nou-
veaux organes ont apparu, déjà formés, attirant à eux toutes
les forces vitales, éliminant tout ce qui était atteint de mort,
se coordonnant et s'accommodant les uns aux autres, de façon
à former un organisme complet, grâce auquel la vie du corps
social se trouvait renouvelée. On ne saurait donc com-
prendre comment s'est établi le régime féodal, qu'à la con-
dition de tracer d'abord un tableau succinct du régime qui
l'a précédé ; puis d'énumérer les éléments divers qui, au
sein même de ce régime, préparaient déjà la féodalité, soit
en affaiblissant les anciennes institutions, soit en fondant
les nouvelles ; enfin, d'indiquer comment s'est produite la
crise définitive pendant laquelle le nouveau régime s'est
substitué à l'ancien.
A. Le régime féodal a succédé à la monarchie franque,
qui s'établit dans les Gaules après les invasions du ve siècle,
et dont les institutions reposaient sur un petit nombre de
principes qui ont persisté, sauf quelques modifications de
détail, depuis le début de la période mérovingienne jusqu'à
la fin de la période carolingienne. La société, formée d'un
mélange de Gallo-Romains, de Francs et d'autres Ger-
mains, était une société aristocratique. Mais les inégalités
n'étaient pas fondées sur des différences de races ; car, au
point de vue politique, Gallo-Romains et Germains avaient
les mêmes droits et les mêmes charges et, au point de vue
de la législation civile, la personnalité des lois répondait à
des nécessités pratiques, sans créer aucun privilège. Les
distinctions sociales venaient de la naissance ou delà for-
tune : il y avait des esclaves, des hommes demi-libres (colons,
lètes, affranchis) ; enfin des hommes libres, de rangs iné-
gaux, à la tête desquels figurait une noblesse de fait, com-
posée de tous ceux qui exerçaient une fonction publique
importante ou qui possédaient de grandes propriétés (opti-
mates, proceres, potentes). — Au point de vue de la con-
dition des terres, la monarchie franque se rapprochait beau-
coup plus de la société romaine que de la société germanique.
On n'y trouvait que par exception des traces de l'ancienne
propriété collective que les Germains pratiquaient avant leur
établissement ; le régime foncier qui avait partout prévalu,
sans distinction de races, était celui de la propriété indi-
viduelle et héréditaire, conforme au type romain. En prin-
cipe, tout propriétaire avait sur son domaine des droits
absolus ; cependant, certaines pratiques, dont il sera bientôt
question, tendaient à établir entre les terres des conditions
diverses et à subordonner les unes aux autres. — Au point
de vue politique, le gouvernement était une monarchie
despotique, se rattachant à certains égards aux coutumes
germaniques, à d'autres aux traditions de l'Empire romain.
La royauté était héréditaire et absolue, revêtue par l'Eglise
d'un caractère sacré qui impliquait une mission divine.
Le roi avait droit de vie et de mort sur ses sujets, les
convoquait à la guerre, leur imposait sous peine d'amende
ses règlements et ses ordres, rendait la justice aux per-
sonnes et dans les causes qu'il lui plaisait d'évoquer à son
tribunal ; comme gage de soumission, il exigeait périodi-
quement de tous les hommes adultes un serment de fidélité.
Il était assisté dans son palais par des officiers empruntés
à l'administration romaine (referendarins, cancellarius)
ou par des serviteurs préposés à la fois aux services de la
maison et à la direction des affaires publiques (senescalcus,
cornes stabuli, cornes palatii, major domus) ; il était
représenté dans l'administration des provinces par des comtes
ou ducs qui réunissaient, chacun dans sa circonscription,
l'ensemble des pouvoirs royaux, ayant à la fois des attri-
butions judiciaires, financières et militaires ; puis par des
envoyés extraordinaires (missi) chargés de contrôler an-
nuellement la gestion des comptes. Contrairement à la con-
ception romaine d'après laquelle l'empereur, représentant
de l'Etat, exerçait le pouvoir au nom et dans l'intérêt de
tous, le monarque franc considérait le pouvoir royal comme
son bien propre, son patrimoine privé : il en résultait que
le pouvoir se transmettait et se partageait, comme le patri-
moine, d'après les règles du droit privé, que le roi disposait
à son gré de ses droits régaliens au profit des personnes
ou des établissements qu'il voulait gratifier. Les ressources
matérielles du roi étaient peu considérables : produits de
ses domaines, profits de justice (fredum, bannus), réqui-
sitions en nature, dons offerts par les sujets, impôt direct
(census regius), péages locaux. Mais ces revenus ser-
vaient principalement aux dépenses personnelles du roi et
à l'entretien de sa maison ; ils n'avaient pas de destina-
tion publique, « car les services de l'Etat n'étaient pas rétri-
bués : les hommes libres devaient venir à l'armée sans solde
et à leurs frais ; les travaux publics étaient exécutés par
voie de corvées ; les comtes n'avaient, en guise d'appointe-
ments, qu'une part des amendes ». — En face de ce pou-
voir monarchique, en apparence, du moins, si fortement
organisé, il n'existait aucune institution légale. Les assem-
blées populaires, composées de tous les hommes libres en
âge de porter les armes, qui, dans les anciennes commu-
nautés germaniques, délibéraient et statuaient sur toutes les
affaires importantes, avaient cessé d'exister ; les réunions
des champs de Mars ou de Mai n'étaient que des revues •
militaires, et quant aux plaids que le roi ou les missi con-
voquaient à des époques plus ou moins régulières, c'étaient
des assemblées de fonctionnaires laïques ou ecclésiastiques
appelés à donner leur avis sur les projets de guerre, les
règlements législatifs, ou les détails de l'administration
locale.
B. Telles étaient, dans leurs traits les plus saillants, les
institutions régulières de la monarchie franque. Mais celui
qui ne jugerait que d'après elles l'état social et politique du
royaume, surtout sous les Carolingiens, s'en ferait une idée
fausse ou du moins fort incomplète. Il faut tenir compte en
même temps de quelques institutions moins visibles, mais
tout aussi importantes; d'un certain nombre de faits sociaux
nettement accentués, qui donnaient à la société une physio-
nomie tout autre, à la vie publique une direction bien diffé-
rente et qui constituaient les précédents immédiats de la
féodalité : ce sont la vassalité et le séniorat, les concessions
de terres à titre de bénéfices, les chartes d'immunité, les juri-,
dictions privées organisées dans les grands domaines, la
territorialité du service militaire, l'attribution de certains
services publics aux seniores et aux dignitaires ecclésias-
tigues, enfin, l'appropriation des pouvoirs royaux par les «
comtes et les autres fonctionnaires.
Le caractère de ces institutions ou de ces faits, leur
importance au point de vue de la formation du régime féo-
dal ont été et sont encore, .entre les historiens et les juristes,
l'objet de vives controverses dans l'exposé desquelles on ne
saurait entrer ici. Il suffira de faire remarquer que les
erreurs ou les exagérations que la critique a relevées dans
la plupart des systèmes relatifs aux origines de la féodalité
viennent principalement du caractère exclusif de chacun
d'eux. Certains historiens ont été frappés surtout par l'im-
portance de la vassalité et du séniorat, d'autres par celle
du lien réel qui naissait des concessions de terres, d'autres
par les graves conséquences qui résultaient des immunités,
de l'appropriatiou des fonctions publiques, du rôle prépon-
dérant accordé aux propriétaires fonciers dans l'organisa-
tion militaire et judiciaire de la monarchie carolingienne.
De cette analyse incomplète, il est résulté que les uns ont
attribué à la féodalité une origine exclusivement germa-
nique ; que les autres la rattachent aux institutions romaines
plus ou moins modifiées sous l'influence des besoins nou-
veaux ; que d'autres enfin l'expliquent par un concours de
FÉODALITÉ
— 200 —
circonstances accidentelles, où la faiblesse des rois, l'ambi-
tion des hauts fonctionnaires et des grands propriétaires
ont joué le principal rôle. Ces systèmes exclusifs, qui ne
contiennent chacun qu'une partie de la vérité, doivent être
corrigés et complétés l'un par l'autre. « La formation du
régime féodal est un événement trop complexe pour qu'on
puisse le faire découler d'une seule source et le rattacher
à un fait unique ; il a fallu pour le produire une longue suite
de faits et la coïncidence des causes les plus diverses. »
I. Vassalité et séniorat. — Dès l'époque mérovingienne,
mais surtout sous les Carolingiens, il existait entre un
grand nombre d'hommes libres des liens réciproques de
dépendance et de protection qui mettaient une partie de la
société sous le patronage de l'autre. Ces liens ne pouvaient
se confondre ni avec la dépendance de l'esclave à l'égard
du maître ou de l'affranchi à l'égard du patron, ni avec la
soumission que tout sujet doit au souverain : ils consistaient
dans la subordination volontaire d'un homme à un autre, le
premier s'engageant à obéir, le second à protéger ; ils
avaient pour raison d'être le besoin qu'éprouve dans toute
société troublée l'homme faible ou pauvre de s'adresser à
l'homme fort ou riche pour obtenir de lui, au prix d'une
partie de sa liberté, la protection que les pouvoirs publics
ne lui assurent pas. Cette institution n'était pas nouvelle
dans la société franque ; elle n'était pas non plus spéciale à
l'une des races qui avaient concouru à former cette société.
On a vu précédemment que le patronage existait chez les
Celtes ; il existait aussi chez les Romains, sous les noms
de clientèle comitatus, amicitia. Pratiqué sous la Répu-
blique et sous l'Empire, à Rome comme dans les provinces,
non seulement par les particuliers, mais par les empereurs
qui choisissaient parmi leurs clients {comités) la plupart
des fonctionnaires administratifs, le patronage avait pris au
ive siècle une extension considérable, surtout en dehors des
cités, parmi le peuple des campagnes ; chaque grand pro-
priétaire (potens) avait pour clients (suscepti) tous ceux
qui, autour de lui, voulaient échapper aux taxes fiscales ou
trouver protection contre les magistrats provinciaux, et les
constitutions impériales étaient impuissantes à réprimer ces
tutelles privées (patrocinia) qui faisaient concurrence à
celle de l'Etat. Enfin, chez les Germains, les chefs de famille
avaient sous leur autorité (mundium) non seulement ceux
qui leur étaient unis par le sang, mais aussi des gens qui,
n'ayant personne pour les assister et les défendre (étran-
gers, orphelins, etc.), demandaient à entrer dans leur famille
à titre de clients (leti, liti) et donnaient leurs services en
retour de la protection qu'ils recevaient ; en outre, les chefs
militaires (duces) et les principaux magistrats élus par la
nation (principes) s'entouraient d'un certain nombre de
compagnons (comités, buccellarii, gasindi) qu'ils nour-
rissaient et équipaient à leurs frais, et qui leur devaient,
spécialement à la guerre, un, dévouement absolu (obse-
quium, trustem et ftdelitatem). Ces usages, communs
aux trois races qui avaient peuplé la Gaule, étaient fré-
quemment pratiqués sous la monarchie mérovingienne. Le
patronage des grands propriétaires, plus nécessaire que
jamais dans une société décomposée, était reconnu par les
coutumes rédigées à cette époque. Le roi était entouré dans
son palais d'un groupe de comités qui portaient les noms
caractéristiques tfantrustiones, de convivœ régis, qui
jouissaient de certains privilèges et qui, liés par un serment
spécial, étaient tenus à une fidélité et à une obéissance plus
étroites que les autres sujets (trustem, obsequium) ; il
étendait, en outre, son patronage (mundeburdis, verbum
régis) sur tous ceux qui, dans le royaume, n'avaient pas
de protecteur naturel, veuves, orphelins, étrangers, com-
munautés ecclésiastiques. — Mais c'est surtout sous la
monarchie carolingienne que ces liens de dépendance -per-
sonnelle se généralisent et prennent un caractère précis en
revêtant une forme unique, celle de la vassalité. 'Les guerres
civiles du vne siècle et l'inertie des derniers Mérovingiens
avaient porté une grave atteinte à l'autorité du pouvoir cen-
tral : encore toute-puissante là où elle pouvait s'exercer,
l'action du roi ne se faisait pas sentir sur bien des points
du royaume, et la plupart des provinces étaient livrées sans
défense aux vexations des fonctionnaires locaux ou aux
entreprises de l'aristocratie foncière. Les faibles et les
opprimés cherchèrent partout, dans la protection indivi-
duelle, la sécurité qu'ils ne trouvaient plus dans la protec-
tion du roi. A partir du vme siècle, dans les chroniques,
les chartes et les capitulaires, il est fréquemment question
de personnes appelées seniores qui exercent sur d'autres
hommes appelés vassi, vassalli, une autorité reconnue par
la loi. Les seniores (c.-à-d. les anciens, par extension,
ceux à qui on doit le plus d'égards) étaient des personnages
riches et influents, mais de conditions diverses : fonction-
naires royaux, abbés, évêques, propriétaires fonciers. Les
vassi , dont le nom dérivé du celtique gwas s'appliquait à
l'époque mérovingienne à des serviteurs non libres, parti-
culièrement à des valets d'armée (famuli, pueri, vassi ad
ministerium^ ministeriales), étaient presque toujours à
l'époque carolingienne des hommes libres, mais astreints à
certains services personnels, comme précédemment î?s sus-
cepti gallo-romains et les comités germaniques. Ils se liaient
envers leur senior par un engagement spécial, la recomman-
dation (commendatio), qu'ils contractaient sous la foi du
serment, en mettant leur main dans la sienne, et par lequel
ils s'obligeaient « à le servir et à l'assister comme il con-
vient à un homme libre » (ingenuili ordine servitium vel
obsequium im^endere). Il ne s'agissait donc pas de ser-
vices précis, déterminés à l'avance, mais d'un dévouement
constant, qui devait se manifester en toute occurrence, au
gré du seigneur, et qui pouvait consistera garder sa maison,
à le suivre dans ses déplacements, à le défendre en cas
d'attaque. La recommandation attribuait au senior sur le
vassus un droit général de commandement (potestas, mun-
deburdis) et lui imposait en même temps l'obligation de le
protéger (tutela, defensio), soit en intervenant pour lui
en justice, soit en lui fournissant de quoi vivre ; mais il est
très douteux qu'elle lui conférât, comme on l'a soutenu,
une juridiction spéciale, régulièrement organisée et rempla-
çant à l'égard du vassus les tribunaux de droit commun.
L'association de défense personnelle ainsi contractée entre
ces deux hommes les liait d'ordinaire pour la durée de leur
vie et ne pouvait être rompue sans griefs sérieux. — Ce
groupement des vassi autour des seniores était si général
et répondait à de si pressantes nécessités que la royauté
carolingienne ne chercha pas à l'entraver ; elle se résigna
à l'accepter, à lui donner une sanction légale en reconnais-
sant à tout homme libre le droit de se choisir un senior,
en lui interdisant d'en changer sans cause légitime (capit.
de 787, 805, 807, 801-813). Rien plus, elle-même suivit
le mouvement général et, à l'exemple des grands proprié-
taires fonciers, en concurrence avec eux, le monarque caro-
lingien s'entoura de vassi qui s'engageaient dans la même
forme que les autres et qui, indépendamment de la fidélité,
du service militaire et des contributions pécuniaires que lui
devait tout sujet, étaient tenus de lui donner aide à toute
réquisition, de remplir les missions dont il les chargeait,
de comparaître à son tribunal dont ils devenaient justi-
ciables. En cela, sans aucun doute, il suivait la tradition de
la précédente dynastie, et les va$si regales ou dominici
de la seconde race étaient, à bien des* égards, sous un autre
nom,' les successeurs des antrustiones et des convivœ du
palais mérovingien. Mais leur nombre était beaucoup plus
considérable ; au lieiî de former un petit groupe attaché à la
"personne du roi, ils étaient répandus dans tout le royaume ;
ils ne comprenaient pas seulement les familiers du palais et
Jes gens sans défense sur qui s'étendait précédemment le
* mundium royal : les rois carolingiens s'efforçaient visible-
ment d'attirer tous les personnages influents dans les liens
de leur vassalité, croyant sans doute fortifier leur autorité
de souverain en y ajoutant celle de senior. Charlemagne
alla jusqu'à vouloir transformer en serment de vassalité le
serment de fidélité que tout homme libre devait périodique-
ment prêter au roi (serment de 802) ; il prétendit être le
— 201 —
FEODALITE
senior de tous ses sujets, sinon au point de vue des ser-
vices acquittés, du moins au point de vue de la foi jurée :
tentative dangereuse qui faisait disparaître le souverain der-
rière le senior, le sujet (fidelis) derrière le vassus, et hâtait
ainsi l'avènement de la féodalité.
IL Bénéfices et précaires. — En même temps que ces
liens de protection et de dépendance réciproques se formaient
entre les personnes, entre les terres s'établissait aussi
des rapports de prééminence et de subordination. A mesure
que l'on avance dans la période qui va du ve au ixe siècle,
les terres possédées en pleine propriété deviennent plus
rares et sans cesse augmente le nombre de celles qui ne
sont détenues qu'à titre conditionnel et pour un temps
limité. Cette transformation tenait à deux causes : d'abord
à la disparition graduelle de la petite propriété qui, mal
protégée par les pouvoirs publics, ruinée par les exi-
gences fiscales et les réquisitions militaires, abdiquait au
profit des grands propriétaires fonciers, notamment du roi,
des églises et des fonctionnaires royaux ; puis à l'usage
de plus en plus fréquent des concessions de domaines
faites par ces grands propriétaires à titre de bénéfice. On
trouvera sous ce dernier mot un exposé complet des ori-
gines, du caractère juridique et des modifications succes-
sives de l'institution bénéficiaire ; il suffira de rappeler ici
les traits essentiels. A l'époque mérovingienne, on consi-
dérait comme étant faite ex bene/icio toute concession de
terres qui avait lieu à titre gratuit ou moyennant une très
faible redevance, et qui ne conférait à la personne gratifiée
qu'un droit d'usufruit ou un droit de propriété révocable
et temporaire. Les concessions en usufruit, usitées surtout
par l'Eglise sous le nom de precaria, se rattachaient his-
toriquement soit au precarium, convention privée fré-
quemment employée par les Romains, soit aux contrats
administratifs par lesquels le fisc impérial affermait ses
terres (emphytéose perpétuelle, baux de cinq ans). Les
concessions en propriété, qui émanaient toutes de la royauté,
étaient faites, semble-t-il, sous l'influence de l'idée fré-
quemment exprimée dans les lois germaniques, qu'une dona-
tion doit toujours être révocable et limitée à la vie du dona-
taire. A partir de l'époque carolingienne, et notamment des
actes de sécularisation par lesquels Charles-Martel, Pépin
et ses successeurs attribuèrent à leurs fidèles une partie
des précaires ecclésiastiques, toutes les concessions bénéfi-
ciaires, qu'elles fussent émanées du roi, de l'Eglise ou des
propriétaires laïques, furent ramenées à un type unique,
celui de la cession en usufruit ; elles n'eurent plus seule-
ment pour objet des terres ou d'autres biens immobiliers,
mais les droits les plus divers, tels qu'une délégation d'im-
pôts sur un territoire déterminé, une fonction publique ou
un emploi domestique. D'ailleurs, à toute époque, ces con-
cessions ne furent le plus souvent gratuites qu'en apparence
et presque toujours eurent un but intéressé. Tantôt c'était
le prix de services personnels ; tantôt c'était un moyen de
mettre en valeur les grands domaines où les propriétaires
attiraient des cultivateurs par l'appât d'une cession quasi-
gratuite ; tantôt c'était la contre-partie d'une donation en
propriété faite d'abord par celui-là même qui recevait le
bénéfice : car il arrivait souvent qu'un homme libre aban-
donnait la propriété de son petit domaine à un autre homme
plus puissant que lui, sous la condition que celui-ci lui en
rendrait immédiatement la possession sous forme de con-
cession bénéficiaire et lui en garantirait la jouissance jus-
qu'à la fin de ses jours. — Celui qui recevait un bénéfice
n'avait, en principe, sur le bien concédé qu'un droit d'usu-
fruit, personnel et temporaire, qui prenait fin soit à sa mort,
soit à ceile du concédant, soit à l'expiration du feerme fixé ;
mais cette rigueur était adoucie par les conventions ou par
l'usage ; le bénéfice subsistait souvent, malgré la mort du
concédant, pendant toute la vie du concessionnaire, et, même
après sa mort, il était quelquefois transmissible à sa femme
et à ses enfants. En outre, la concession était révocable
dans certains cas déterminés par l'usage, notamment quand
le bénéficiaire manquait à ses obligations. Ce dernier devait
en effet, comme tout usufruitier, entretenir le bien en bon
état et le restituer à la fin de la jouissance, payer un cens
très modique, qui était la constatation matérielle des droits
du propriétaire, enfin acquitter les services particuliers qui
avaient pu être stipulés dans la concession. Etait-il tenu en
outre, à cause de son bénéfice et indépendamment de tout
engagement formel, d'un devoir particulier de fidélité et
d'assistance envers le concédant? Cela est probable, quoique
l'opinion contraire ait été soutenue avec beaucoup de force.
Mais la question perd presque tout intérêt pour les béné-
fices de l'époque carolingienne ; car, dès le vme siècle,
les liens de vassalité qui se forment de tout côté viennent
souvent, dans les conventions privées, se mêler aux rap-
ports purement bénéficiaires. Tantôt un vassus recevait du
senior, à qui il avait engagé sa personne et ses services,
la concession d'un bénéfice ; tantôt l'homme libre qui aban-
donnait à un grand propriétaire son domaine patrimonial
pour n'en garder que la jouissance à titre de bénéfice,
promettait en même temps de le servir à titre de vassus z
afin d'être plus sûrement couvert par sa protection. Aussi
est-il souvent difficile de distinguer si les services dus à la
personne du senior provenaient de la vassalité ou du lien
bénéficiaire. Au ixe siècle, cette confusion s'accentue ; le
bénéfice se distingue de plus en plus des contrats d'exploi-
tation rurale (précaire, emphytéose, bail à ferme, etc.)
dans lesquels une concession de terre est faite à des per-
sonnes de la classe inférieure à charge de services domes-
tiques et de redevances ; il perd peu à peu sa fonction éco-
nomique pour devenir un instrument de domination, un
moyen politique par lequel le roi ou le senior recrute des
vassaux dans tous les rangs de la société. En fait, on n'ac-
cordait plus guère de bénéfice qu'à celui qui prêtait un
serment de recommandation et, réciproquement, nul n'en-
gageait ses services et sa fidélité s'il n'obtenait en échange
une concession bénéficiaire. La qualité du bénéficier se con-
fondait avec celle de vassal (vassallus casatus) ; la terre
était devenue le prix de l'engagement personnel et four-
nissait une sanction indirecte aux obligations du vassal :
car le maintien de la concession était subordonné à l'ac-
complissement de ces obligations et, en cas de manquement
grave, ^t révocation du bénéfice pouvait être prononcée en
justice au profit du senior.
On vient de voir comment, dans la monarchie franque, à
côté de la dépendance générale des sujets à l'égard du roi,
s'étaient formés entre divers groupes de personnes des liens
de dépendance individuelle fondés à la fois sur des enga-
gements personnels et sur des concessions territoriales. Le
pouvoir central en était notablement affaibli ; mais il l'était
bien davantage encore par la perte des principaux attributs
de sa souveraineté, justice, pouvoir militaire, pouvoir finan-
cier, que des concessions ou des usurpations firent passer
peu à peu aux mains de l'aristocratie foncière. Parmi ces
concessions, il faut ranger les chartes d'immunité, la tolé-
rance de juridictions privées dans les grands domaines, le
service militaire lié à la propriété foncière, l'attribution de
certains services publics aux seniores et aux dignitaires
de l'Eglise ; parmi ces usurpations, la plus grave fut l'ap-
propriation des pouvoirs royaux par les comtes et les autres
fonctionnaires.
III. Chartes d'immunité. — Déjà sous les Mérovingiens,
plus fréquemment encore sous les Carolingiens, les établis-
sements ecclésiastiques et parfois aussi les grands pro-
priétaires laïques avaient obtenu des immunités (immuni-
tates), c.-à-d. des chartes par lesquelles le roi interdisait
à tous ses agents (judices) de pénétrer dans les domaines
de ces propriétaires soit pour y rendre la justice, soit pour
y lever des impôts, soit pour y exercer aucune réquisition,
aucun acte de contrainte ou d'autorité. Cet étrange privi-
lège s'explique par les actes d'oppression administrative
que les agents du pouvoir royal, investis de pouvoirs illi-
mités, commettaient trop souvent dans les provinces. Pour
y échapper, les personnages les plus influents sollicitaient
du roi, comme une faveur, de dépendre directement de lui
FÉODALITÉ
— 202 —
et non plus de ses agents ; ils demandaient que leurs terres
fussent assimilées aux domaines du roi (fisci), dont l'admi-
nistration était soustraite à l'autorité des comtes et confiée
à des intendants particuliers. Mais il était bien difficile que
Faction directe du roi s'exerçât sur ces domaines plus ou
moins éloignés du palais. En fait, il s'opérait entre le roi
et l'immuniste un partage d'autorité : le premier convo-
quait seul au service militaire les habitants de l'immunité ;
le second percevait seul à son profit tous les impôts ;
quant à la justice, elle appartenait en général à l'immu-
niste, excepté dans les causes criminelles et quelques
autres que leur importance avait fait réserver au tribunal
du comte. Pour garantir aux églises et aux abbayes le
bénéfice de l'immunité dont il les avait gratifiées, le roi
plaçait auprès de chacune d'elles un représentant de son
autorité, un avoué (advocatus, defensor), qui devait pro-
téger son domaine contre l'intrusion des autres fonction-
naires royaux, et qui avait en même temps pour mission
d'assurer la comparution de l'immuniste et de ses hommes
devant le tribunal du roi ou celui du comte, dans les cas
où ils étaient justiciables de ces tribunaux. L'immunité
était un privilège personnel, qui, par conséquent, devait
prendre fin à la mort du roi qui l'avait concédé ou du per-
sonnage qui l'avait obtenu ; mais, comme il était presque
toujours renouvelé, en fait il devenait perpétuel.
ÎV. Juridictions privées. — Les grands propriétaires
laïques (potentes) n'obtenaient que rarement l'immunité
dont les rois étaient si prodigues à l'égard des commu-
nautés ecclésiastiques. Mais ceux qui ne jouissaient pas de
cette faveur exceptionnelle avaient, du moins, dans l'éten-
due de leurs domaines, le droit de rendre eux-mêmes la
justice aux hommes qui y habitaient. Ce privilège n'était
pas nouveau : déjà sous l'empire romain, au ive et au
ve siècle, les terres des potentes, situées à l'écart des
villes, constituaient des lieux d'asile et de franchise sous-
traits à l'action des magistrats municipaux et provinciaux ;
indépendamment de ses droits légaux sur ses esclaves, le
maître avait, sur les colons et les clients libres qui habi-
taient ses terres, un pouvoir de police et de juridiction que
les lois impériales n'avaient pas reconnu, mais qu'il exer-
çait en fait, librement, par l'intermédiaire de ses Inten-
dants. Ce qui n'était alors qu'un fait général devint, sous
la monarchie franque, un droit consacré par la coutume et
par les capitulaires : l'édit de 644 reconnaissait formelle-
ment ces juridictions privées , que l'on nommait potestates,
ainsi que les domaines sur lesquels elles s'étendaient. Il y
avait ainsi dans le royaume une foule d'enclaves devant
lesquelles s'arrêtait, comme devant les immunités, Fac-
tion des magistrats royaux .
V. Territorialité du service militaire. — Ce n'étaient
pas seulement des droits de justice, mais aussi des privi-
lèges militaires qui étaient attachés par la royauté elle-
même à la possession des domaines fonciers. Dans le cours
du vme siècle, l'armée franque avait subi une transforma-
tion notable : la cavalerie, dont les armées sarrasines
avaient révélé aux Francs toute la valeur, était devenue
l'arme principale, et l'infanterie n'avait plus gardé qu'un
rôle secondaire. Le recrutement de l'armée devint par là
plus difficile, car si la levée en masse de tous les hommes
libres, qui était le régime en vigueur sous les Mérovin-
giens, suffisait pour avoir des fantassins, il fallait, pour
se procurer des cavaliers, dont l'équipement était beaucoup
plus coûteux, recourir à d'autres mesures. Cette nécessité
fut sans doute la cause principale de la sécularisation des
précaires ecclésiastiques opérée par Charles-Martel et par
ses successeurs ; pour s'assurer une élite de cavaliers bien
équipés, ils concédèrent ces terres ecclésiastiques à un
certain nombre de leurs fidèles ou vassi, sous forme de
bénéfices, à la condition qu'ils seraient spécialement astreints
au service de cavalerie. Ces bénéficiers à cheval concédè-
rent, à leur tour, de petits bénéfices à leurs propres vassi
qui devaient être également montés. Mais cette mesure ne
suffit pas, et Charlemagne en vint à faire du service à
cheval la charge exclusive, non seulement des bénéficiers
royaux, mais de tous les propriétaires fonciers du royaume;
ceux qui possédaient quatre manses (capit. de 803) ou
seulement trois manses (capit. de 807) devaient s'équiper
eux-mêmes et servir en personne ; ceux qui avaient moins
s'associaient en plus ou moins grand nombre, suivant leur
fortune, et les uns allaient à l'armée, tandis que les autres
contribuaient en argent à l'équipement des premiers. Tou-
tefois, une différence subsista entre eux et les bénéficiers
du roi : les premiers ne devaient se rendre à l'armée qu'à
une époque déterminée et pour un temps limité, les seconds
devaient marcher à toute réquisition. Mais ce qu'il importe
de remarquer, c'est que les uns comme les autres étaient
désormais astreints au service militaire, non point comme
sujets, mais à cause de la terre qu'ils possédaient ; le droit
et le devoir de porter les armes, les titres de miles et de
caballarius, dès lors synonymes, étaient attachés à la
possession d'un bénéfice royal ou d'un domaine foncier ;
la force armée, fixée ainsi à la terre, échappait en grande
partie au roi.
VI. Services purlics confiés aux seniores. —La royauté
carolingienne, qui avait dû accepter comme une nécessité
sociale et sanctionner de son autorité l'institution du sé-
niorat, crut faire acte de bonne politique en s'en servant
comme d'un moyen de gouvernement. En principe, les
vassi d'un senior continuaient, malgré la recommandation
qui les liait envers ce dernier, à être soumis à l'autorité
du roi et de ses comtes ; ils demeuraient astreints aux
mêmes services et prestations que les autres sujets (capit.
de 786, 807, 808). Mais il arrivait souvent, dans cette
société mal réglée, que les officiers royaux n'obtenaient
qu'avec peine leur présence à Farmée ou leur comparution
en justice; et comme le senior avait sur eux, en vertu de
la recommandation, un pouvoir plus direct, une action
personnelle incontestée, le roi eut recours à son interven-
tion, comme à un moyen commode et sûr, pour assurer
l'acquittement des services qui lui étaient dus. Il char-
gea les seniores, sous leur responsabilité personnelle, de
convoquer et de conduire leurs hommes à l'armée (capit.
de 811), de les faire comparaître, en cas de procès, au
tribunal du pagus (capit. de 8o3, 855, 883), bref, de
remplir en partie, à l'égard de leurs vassi, l'office dont le
comte ne pouvait s'acquitter aussi efficacement qu'eux. Les
seniores acceptèrent volontiers cette charge qui les inves-
tissait d'une part de l'autorité publique. Mais le profit
immédiat que la royauté retirait de leur concours dissimu-
lait un grave péril : en se servant des seniores, elle se
mettait en réalité à leur discrétion ; un jour vint où, pour
assurer le fonctionnement des services publics, le comte
fut impuissant; le seul pouvoir effectif fut celui du senior,
et ses hommes, ne connaissant plus d'autre autorité que
la sienne, s'habituèrent à le considérer, non seulement
comme leur patron, mais comme le seul chef à qui appar-
tint dans l'Etat le droit de commander, au nom du roi
d'abord, plus tard en son propre nom.
VIL Privilèges de l'Eglise. — Il y avait enfin dans la
monarchie franque toute une classe de personnes qui
jouissaient d'une situation privilégiée, et dont les principaux
dignitaires étaient investis par la faveur royale de quelques-
uns des attributs de la souveraineté : c'étaient les clercs.
L'Eglise des Gaules ne formait pas seulement une associa-
tion religieuse ; elle avait une véritable organisation poli-
tique, déjà ancienne, et qui, dans la ruine de la puissance
romaine, s'était conservée intacte : une hiérarchie complète
de magistrats, d'immenses biens, une législation et des
tribunaux particuliers. Elle avait accepté la tutelle de la
royauté franque, mais au prix de nombreux privilèges. Si
le roi choisissait ses principaux dignitaires, légiférait pour
elle, disposait même parfois de ses biens pour suppléer à
l'insuffisance de ses propres domaines, en retour il lui
assurait une protection et une faveur toute spéciale. C'est
ainsi que chaque église avait le droit de percevoir à son
profit un véritable impôt sur toutes les propriétés foncières,
— 203
FEODALITE
la dîme ou dixième de leur revenu (capit. de 779). C'est
ainsi qu'en vertu d'une tradition confirmée expressément
par le pouvoir royal (capit. de 850, 864), les évêques
exerçaient, non seulement une juridiction générale sur tous
les clercs, mais encore une juridiction arbitrale et disci-
plinaire sur les laïques de leur diocèse ; dans leurs tour-
nées pastorales, ils convoquaieut tous les fidèles à des
assises ou synodes, dans lesquels devaient leur être dénon-
cées toutes les personnes coupables de fautes publiques,
notamment d'infractions aux règles canoniques sur le ma-
riage ; les accusés qui n'arrivaient pas à se disculper étaient
frappés de peines disciplinaires. Cette juridiction était sou-
vent exercée sur l'invitation formelle du pouvoir royal,
tantôt pour renforcer la répression civile, tantôt pour la
prévenir, en faisant cesser le désordre avant que l'interven-
tion de l'autorité civile fût devenue nécessaire. A ces pri-
vilèges spéciaux, les évêques et les abbés joignaient ceux
qui pouvaient leur appartenir à titre de propriétaires fon-
ciers, d'immunistes ou de seniores ; en cette dernière
qualité, ils étaient astreints par les capitulaires de 744, de
809 et 811 à conduire eux-mêmes leurs hommes à l'armée
royale. On voit qu'à bien des égards les dignitaires du
clergé avaient le droit de se substituer aux fonctionnaires
royaux dans l'exercice des pouvoirs publics.
VIII. Appropriation des pouvoirs publics par les fonc-
tionnaires royaux. — Tandis que la royauté abandonnait
ainsi volontairement une part de son autorité aux immu-
nistes, aux grands propriétaires fonciers, aux seniores et
aux dignitaires ecclésiastiques, elle en perdait une autre
part en laissant ses propres fonctionnaires transformer en
un bien patrimonial les pouvoirs publics qu'ils exerçaient
en son nom. Sous les Mérovingiens, les officiers royaux,
ducs et comtes, n'avaient qu'une délégation temporaire,
qui pouvait être renouvelée, mais qui restait toujours révo-
cable. Sous les Carolingiens, dans la première moitié du
ixe siècle, ils étaient fréquemment investis de leurs fonc-
tions pour la durée de leur vie, et souvent le fils succédait
au père dans le même emploi ; dans la deuxième moitié de
ce siècle, c'était devenu la règle, et le capitulaire, deKiersy-
sur-Oise (877) l'admettait comme chose normale et équi-
table. Les fonctions publiques furent ainsi peu à peu appro-
priées par ceux qui en étaient les dépositaires. Tantôt ce fut
le résultat d'une usurpation véritable commise par des fonc-
tionnaires qui se rendaient indépendants, comme le firent
les comtes bretons et les ducs d'Aquitaine. Tantôt, le plus
souvent, ce fut la conséquence des pratiques administratives
suivies par la royauté pour la rémunération de ses fonc-
tionnaires. Les princes carolingiens concédaient souvent à
leurs comtes ou à leurs ducs, en guise de traitement, des
bénéfices pris sur les domaines royaux de la circonscrip-
tion qu'ils administraient. Ces bénéfices, qui étaient l'acces-
soire d'une dignité (honor), en prirent le nom et furent
appelés honores, surtout dans la région occidentale de
l'empire franc. Peu à peu, on considéra la fonction comme
inséparable du bénéfice, comme entrant avec lui dans le
patrimoine du fonctionnaire, et quand, sous la pression
des circonstances, la clause qui perpétuait la concession
après le décès du bénéficiaire au profit de ses enfants devint
habituelle dans les bénéfices royaux comme dans les autres,
les offices publics se transmirent héréditairement avec la
terre qui en était la dotation. C'est ainsi que, par la tolé-
rance royale, les fonctions de comte et celles de duc se
transformèrent partout en bénéfices héréditaires et les fonc-
tionnaires en vassi du roi. Mais cette tolérance ne
résulta jamais que d'actes individuels ou de mesures de
circonstances ; il n'y eut aucun règlement général établis-
sant en droit l'hérédité et l'irrévocabilité des offices royaux,
car c'est à tort que l'on a longtemps attribué ce caractère
au célèbre capitulaire de Kiersy-sur-Oise (V. Bénéfice).
C. De l'analyse qui précède, il résulte qu'au ixe siècle
la monarchie franque n'était plus qu'en apparence un Etat
centralisé. En réalité, la plupart des forces vives de la
société échappaient à l'action du pouvoir royal ; elles agis-
saient et se coordonnaient en dehors de lui, désorganisant
ainsi l'Etat, mais préparant par un travail latent et con-
tinu les éléments constitutifs d'un nouvel organisme social.
Commencée au vne siècle, la dissolution de la monarchie
franque se poursuivit presque sans interruption jusqu'à la
fin du ixe. La puissante main de Charlemagne l'arrêta
quelque temps. Ne pouvant ressaisir toute l'autorité que
ses prédécesseurs avait abandonnée par d'imprudentes con-
cessions, il essaya, comme on l'a vu, de rattacher le sénio-
rat à l'administration centrale et de faire ainsi converger
vers l'Etat les forces déjà groupées autour de l'aristocratie
foncière. Mais cette tentative n'eut pour effet que de forti-
fier ces pouvoirs privés en les revêtant de la sanction
publique, et après lui la désorganisation du pouvoir cen-
tral continua, favorisée au ixe siècle par la faiblesse et
l'incapacité de ses premiers successeurs, devenue irrémé-
diable au xe, malgré l'énergie que déployèrent les derniers
Carolingiens dans leur lutte contre l'aristocratie. Au milieu
du désordre qui éclatait partout, des usurpations, des
pillages, des incursions de pirates, la royauté essayait en
vain de rétablir la paix, d'imposer « dés concordes » ; elle
était devenue absolument impuissante à remplir sa mission
de justice et de protection. En théorie, elle gardait son
caractère absolu et ses hautes prétentions ; en fait, elle
avait perdu à peu près toute autorité sur ses fonctionnaires
dont les charges étaient devenues patrimoniales, sur ses
vassi dont les bénéfices étaient déjà presque tous héré-
ditaires et irrévocables, sur l'Eglise à qui la protection
royale était souvent plus nuisible qu'utile et qui opposait
au roi lui-même l'immunité dont ses principaux chefs
jouissaient à l'égard des officiers royaux, sur les petits
propriétaires et les paysans qui ne sentaient plus venir d'en
haut d'autre action que celle des pouvoirs locaux dont
ils dépendaient directement. A partir de Charles le Chauve,
les rois n'administrent plus, en réalité, leur royaume : ce
sont moins des monarques que des chefs de fidèles ; leur
règne se passe à recueillir des serments de fidélité, à re-
nouveler des concessions de comtés ou de bénéfices, à
traiter sans cesse pour ressaisir les derniers restes d'une
autorité partout méconnue. Comme ils ne gouvernent plus
qu'au moyen de la fidélité personnelle et que cette fidélité
ne s'obtient que par des promesses et des concessions, ils
tombent dans la dépendance de leurs propres vassi, qui
portent leurs hommages d'une famille à l'autre, suivant
leur intérêt, et rendent élective en fait, à partir de 879,
l'ancienne monarchie héréditaire. — Mais depuis longtemps
déjà, tous ceux qui, dans la société, avaient besoin de sécu-
rité, ne la trouvant plus dans le pouvoir central, l'avaient
demandée aux membres de l'aristocratie. Les petits pro-
priétaires, les cultivateurs, les artisans s'étaient tournés
vers les grands propriétaires, les évêques, les abbés, les
officiers royaux, vers quiconque exerçait auprès d'eux un
pouvoir réel et avait assez de force matérielle ou d'autorité
morale pour les défendre ; ils s'étaient recommandés à lui
et l'avaient reconnu pour seigneur [senior). D'autre part,
si les faibles avaient besoin de trouver un protecteur, les
forts avaient un égal besoin de trouver des soldats, des
serviteurs, des cultivateurs, pour exploiter leurs terres et
les défendre contre les entreprises de leurs voisins. Partout,
malgré les prohibitions royales (édit de 864), le sol s'était
couvert de châteaux forts (castra, castella), de fertés (fir-
mitâtes), où les paysans, les gens sans armes, venaient
chercher un refuge au moment du péril et prendre part
à la défense. Il s'était ainsi formé entre les uns et les
autres une infinité de groupements et d'associations,
soumises aux conditions les plus variées, mais qui avaient
toutes pour objet d'assurer la protection des faibles et
la puissance des forts en plaçant les premiers sous la
dépendance des seconds. Et ce n'étaient pas seulement
les faibles et les pauvres qui s'étaient ainsi placés sous
le patronage d'un seigneur ; les puissants et les riches re-
cherchaient eux aussi la protection de ceux qui étaient
plus puissants ou plus riches qu'eux. On se recomman-
FÉODALITÉ
204
dait à un seigneur, mais lui-même se recommandait à
un autre ; on lui livrait sa terre, on lui promettait sa
fidélité, et lui-même livrait ses domaines, engageait sa foi
à un autre seigneur. « C'était une chaîne d'engagements
où toutes les classes d'hommes trouvaient leur place. »
Quelques-uns seulement, assez forts pour se défendre
eux-mêmes dans leurs alleux, restèrent indépendants :
entourés de leurs tenanciers, de leurs domestiques et
de leurs serfs qu'ils armaient au besoin, retranchés dans
leurs fermes fortifiées, derrière les murailles et les fos-
sés de leurs châteaux forts, ils surent, sans recourir à
la protection d'un autre, tenir tète aux entreprises des
officiers royaux comme aux attaques des aventuriers'; mais
c'étaient là des cas exceptionnels. — Or, quand la défaillance
du pouvoir central fut complète, il vint un moment où
toute la vie sociale fut réduite à ces rapports de dépendance
et de protection ; où l'Etat, au lieu de former une société
unique, constituée par un organisme général, ne se com-
posa plus que d'une foule de sociétés particulières, vivant
de leur vie propre ; où l'autorité publique, jadis incarnée
dans le pouvoir royal, se fractionna entre ces groupes pour
devenir dans chacun d'eux le patrimoine d'un seigneur,
l'attribut d'une terre seigneuriale. C'est ainsi que dans ce
corps décomposé, les organes de la vie se reconstituaient
sous une autre forme, sous la forme féodale.
Pour se bien rendre compte de l'évolution sociale qui s'opéra
alors, il faut examiner successivement : 1° comment se for-
mèrent ces groupements féodaux ; 2° comment la puissance
publique entra dans le patrimoine de chacun de leurs chefs.
1° Les groupements féodaux furent déterminés par trois
causes principales : ou bien une convention volontaire, ou
bien l'exercice prolongé par la même personne de pouvoirs
publics et privés sur un groupe de gens ou sur un terri-
toire déterminé, ou bien une contrainte violemment exercée
sur les faibles par les plus forts. — La convention la plus
importante était le contrat de fief, dans lequel la recom-
mandation se combinait avec la concession bénéficiaire. On
a vu comment ces deux institutions s'étaient développées
parallèlement et comment, au ix6 sièele, elles se lièrent
l'une à l'autre de façon à ne former qu'un même contrat.
Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que ce nouveau
contrat présentait deux caractères essentiels qui le distin-
guaient à la fois de la recommandation et du bénéfice. En
premier lieu, la dépendance du vassus on, pour employer
la forme qui prévalut, du vassallus, du vassal, cessa de re-
poser sur un engagement purement personnel. « Le seigneur
qui voulait trouver un fidèle, qui avait besoin de son assis-
tance, ne lui demandait plus au préalable sa parole, sa
fidélité, l'engagement de ses services. Il lui offrait une
valeur appréciable en argent, un fonds de terre, des serfs,
des droits à redevance ou à impôt. C'est sur cette dona-
tion que se greffait l'obligation du vassal. » Réciproque-
ment, l'homme qui offrait à un seigneur sa fidélité et ses
services demandait en retour plus qu'une simple promesse
de protection ; il ne se considérait comme lié que s'il rece-
vait une concession de terres ou de droits pécuniaires. Le
contrat qui intervenait était donc un contrat réel, au sens
juridique du mot. A cette époque d'anarchie et de violence,
où la parole donnée n'était plus une garantie suffisante
parce qu'il n'y avait plus d'autorité publique pour la faire
respecter, l'hommage et le serment, qui étaient autrefois
l'élément essentiel du contrat, devinrent secondaires ; la
tradition réelle ou symbolique du fief concédé devint l'élé-
ment prépondérant ; « elle assura le respect de la foi jurée
et l'acquit des services ; elle tint lieu de la sanction royale ».
En second lieu, les relations que le contrat de fief créait
entre le seigneur et le vassal n'avaient plus seulement un
caractère privé ; elles étaient aussi d'ordre public. Non
seulement le vassal était tenu, comme le recommandé, du
devoir général de fidélité et d'assistance, mais il devait, en
outre, se soumettre à sa justice et combattre pour lui
chaque fois qu'il en était requis. C'était là une conséquence
logique du nouvel état de choses, car si la protection du
seigneur remplaçait pour le vassal celle de l'Etat, il était
juste que le vassal, de son côté, acquittât envers son sei-
gneur les obligations dont un sujet est normalement tenu
envers l'Etat. Historiquement, cette extension donnée aux
devoirs du vassal s'explique par deux faits qui ont été
précédemment signalés : d'une part, au vme siècle, la
création de bénéfices royaux à charge de service militaire ;
d'autre part, la tentative faite par Charlemagne pour asso-
cier les senior es à l'administration publique en les char-
geant de convoquer leurs vassaux à l'armée et de les con-
duire au tribunal du comte. « Un jour le senior trouva
qu'il était plus simple de faire venir ses hommes à une
armée qui serait la sienne et à un tribunal qui serait aussi
le sien, et les hommes, que la loi elle-même avait plies à
cette dépendance du senior, pour qui le senior était le chef
et le maître connu, qui d'ailleurs rencontraient chez lui la
protection parce que chez lui était la force..., ces hommes
allèrent tout naturellement à l'armée et au tribunal du
seigneur. » A côté du contrat de fief, il y avait toute une
série d'autres conventions qui tendaient au même but,
mais dont les conditions étaient très variables. C'étaient
les contrats de précaire, de censive, de main ferme, de
bail à comptant, dans lequel le seigneur concédait un
fonds de terre, non point à charge de vassalité, mais en
échange de prestations en nature et en argent ; le contrat
de commande, de garde ou de sauve ment, où le seigneur
n'accordait que sa protection personnelle en retour de ser-
vices de corps et de redevances ; enfin, Y asservissement
volontaire (obnoxiatio), où l'homme se donnait tout entier,
corps et biens, pour avoir la vie sauve. — En dehors de
toute convention expresse, des liens de dépendance et de
protection se formèrent aussi très souvent, d'une manière
tacite, par là seule force de l'habitude, entre les fonction-
naires royaux ou les propriétaires fonciers, d'une part, et,
d'autre part, les gens qui vivaient depuis de longues années
sous leur autorité directe (pagenses, manentes, homines
proprii). La puissance que les uns exerçaient au nom du
roi, les autres en vertu de leurs droits et de leurs privi-
lèges de propriétaires, la soumission que les pagenses
devaient aux officiers royaux par suite de leur serment de
fidélité, les manentes et les homines proprii à leur
patron ou à leur maître par suite de leur résidence sur ses
terres, avaient créé entre les uns et les autres des habi-
tudes de protection et de dépendance qui ressemblaient,
en fait, aux liens résultant d'un contrat défini, qui souvent
se confondirent avec eux et comme eux suppléèrent à
l'inaction du pouvoir central. — Enfin, il faut faire la part
de la force brutale et de l'oppression ; bien des groupe-
ments féodaux ne prirent naissance ni dans une libre con-
vention, ni dans l'exercice traditionnel d'une autorité
légitime, mais dans une série d'actes de violence ou d'inti-
midation par lesquels un aventurier imposait sa loi aux
habitants d'une région et que peu à peu l'intérêt commun
de l'oppresseur et des opprimés transformait en un état
de choses régulier.
2° Dans les innombrables associations de défense indivi-
duelle dont se composait la société du xe siècle, ce qui
faisait la force du chef de groupe, ce qui lui permettait
d'assurer sa protection à ceux qui lui avaient promis fidé-
lité, ce n'est point seulement qu'il était propriétaire d'une
certaine étendue de terres et maître ou patron d'un cer-
tain nombre d'hommes ; c'est aussi qu'à ces droits privés
il joignait souvent (ce serait une erreur de dire toujours)
des droits de souveraineté, qui lui donnaient sur ses terres
et sur ses gens, dans une mesure plus ou moins large, des
pouvoirs analogues à ceux d'un chef d'Etat. Cette souve-
raineté, qui, ainsi fractionnée entre les individus, prenait
le nom de seigneurie , comment s'était-elle formée ?
Comment des mains du monarque était-elle passée dans
celles de l'aristocratie foncière ? On a déjà pu l'entrevoir
par ce qui précède, mais il importe ici de mettre en lu-
mière ce point délicat exposé d'une manière incomplète
ou inexacte par la plupart des historiens de la féodalité.
— 205
FEODALITE
Pour bien poser la question, il faut d'abord définir ce
qu'on entend au juste par souveraineté ou seigneurie, et
pour cela distinguer les droits proprement seigneuriaux
des droits féodaux et des droits fonciers, auxquels ils
se trouvaient souvent unis et mélangés. Les droits fon-
ciers étaient ceux qui naissaient de l'amodiation de la
terre, sous ses formes les plus diverses (contrat de
censive, de précaire, de complant, etc.) et qui formaient
le loyer du sol, payé par les tenanciers, soit en nature,
soit en argent, soit en services corporels. Les droits féo-
daux étaient ceux qui résultaient du contrat de fief et qui
conféraient au seigneur un certain pouvoir sur la personne
et les biens de ses vassaux; ces droits, comme on l'a vu,
étaient à la fois d'ordre privé (assistance personnelle) et
d'ordre public (service militaire, service de justice). Les
droits seigneuriaux étaient ceux qui ne dérivaient ni d'un
contrat de fief, ni d'un contrat d'exploitation foncière, et
que le seigneur exerçait sur ses terres et sur ses hommes
comme le roi les aurait exercés si le pouvoir central
n'avait fait place au pouvoir du seigneur. C'étaient, d'une
manière générale, le droit de rendre la justice et de faire
des règlements législatifs, celui de lever des troupes, celui
de battre monnaie et de percevoir des revenus fiscaux sous
forme de redevances ou de corvées. Ces droits pesaient moins
sur la terre que sur les personnes, et parmi les personnes ne
frappaient guère que les gens des classes inférieures, arti-
sans, cultivateurs libres ou serfs : les membres de l'aristo-
cratie terrienne ou militaire, engagés d'ordinaire dans les
liens de la vassalité, n'étaient soumis qu'aux droits féo-
daux. Or, il y avait dans la société féodale des groupes
dont le chef ne possédait que des droits fonciers : alleutiers
ou vassaux qui n'avaient disposé de leurs domaines que
par des concessions roturières, censives, précaires, etc. Il
y en avait d'autres dont le chef ne pouvait exercer que des
vassaux féodaux ; c'était le cas d'une foule d'alleutiers et
nobles qui avaient sous-inféodé à des tiers une partie de
leur propre terre. Mais dans les groupes les plus im-
portants, dans ceux qui constituaient ce qu'on appela plus
tard des seigneuries par opposition aux simples fiefs, le
chef avait, indépendamment des droits fonciers et des droits
féodaux, des droits de souveraineté plus ou moins larges ;
on n'était un seigneur, dans la pleine acception du mot,
qu'à la condition d'exercer, en totalité ou en partie, le
pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire qui apparte-
naient jadis à l'Etat ou à ses délégués.
Pour expliquer la naissance des droits seigneuriaux, il
ne suffit pas de dire, comme on l'a fait, que le régime sei-
gneurial est sorti d'une fusion de la propriété et de la sou-
veraineté et que cette fusion s'est produite de deux ma-
nières, tantôt parce que le propriétaire du sol avait reçu
ou usurpé des droits souverains sur toute l'étendue de son
domaine, tantôt parce que le fonctionnaire investi de la
souveraineté était devenu propriétaire du sol soumis à son
autorité. En réalité, les choses ne se sont point passées
aussi simplement ni aussi logiquement. Les droits de sou-
veraineté provenaient de causes fort diverses, qu'on peut
ramener à quatre types principaux : concession expresse
ou tacite de la royauté, usurpation de pouvoirs délégués,
accord intervenu entre le seigneur et ses hommes, domi-
nation imposée par surprise ou violence.
a. Comme exemples de concession royale, il suffit de
rappeler ici les nombreuses immunités judiciaires et fiscales
concédées aux églises et quelquefois aux propriétaires
laïques, les abandons d'impôts faits à des particuliers à
titre de faveur ou de rémunération, la reconnaissance offi-
cielle des justices privées exercées par les grands proprié-
taires sur leurs domaines, les capitulaires carolingiens de
803 et 807 qui investissaient ces mêmes propriétaires d'un
véritable pouvoir militaire sur les terres possédées par eux.
Il faut ajouter que, dans les derniers temps de la monar-
chie, les privilégiés qui avaient été gratifiés de ces conces-
sions royales en élargissaient la portée, soit en faisant
insérer des clauses nouvelles dans les confirmations arra-
chées à la faiblesse du souverain, soit en empiétant avec
une audace qui restait impunie sur les droits que celui-ci
s'était réservés. C'est ainsi que les immunistes préten-
daient à l'indépendance complète, non seulement à l'égard
des officiers royaux, mais à rencontre du roi lui-même.
b. Très souvent aussi, les droits de souveraineté prove-
naient d'usurpations de pouvoir commises par les fonc-
tionnaires royaux. Les grands officiers du palais, les ducs,
les comtes, tout en gardant le titre de leur fonction pu-
blique, étaient devenus en fait des seigneurs indépendants
et exerçaient en leur propre nom, à titre héréditaire et
patrimonial, les droits de souveraineté qu'ils tenaient de la
royauté. Dans la plupart des provinces de l'empire caro-
lingien « le comte est devenu héréditaire ; il a continué à
administrer son comté comme par le passé ; mais, n'étant
plus surveillé par les missi dominici que le roi ne peut
plus déléguer, il l'administre pour son propre compte. Il
a toujours sous lui les mêmes officiers qu'autrefois ; plus
que jamais, il les choisit parmi ses fidèles ; les dignités,
les offices qu'ils tiennent de lui, il les leur abandonne à
titre héréditaire, mais toujours moyennant la recomman-
dation, qui bientôt devient l'hommage. Ces mêmes fidèles
viennent aux plaids qui continuent à se tenir comme autre-
fois, y remplissent les fonctions de juges ou de scabins,
y assistent en qualité de jurés (probi homines). Quant aux
droits utiles, quant aux impôts dont il envoyait jadis le
produit au roi, le comte les garde pour lui et en confie la
perception à des officiers portant les mêmes noms, decani,
villici, choisis comme les autres parmi ses recommandés...
Le comte possède les anciens domaines royaux ; il en dis-
pose à sa volonté, les distribue à ses fidèles, en fait aumône
aux églises ; il chasse dans les garennes (for estai), habite
les villœ royales, lève les anciens péages, en crée de nou-
veaux, exerce en un mot toutes les prérogatives du pouvoir
souverain. Mais bientôt, à la faveur des guerres conti-
nuelles, les liens se relâchent entre le comte et ses fidèles,
comme ils s'étaient relâchés entre le comte et le roi. C'est
alors que naissent les petites seigneuries, que les viguiers,
les centeniers deviennent des seigneurs, des barons. Chacun
usurpe dans la mesure de ses forces, et les anciens comtés
de l'époque carolingienne ne sont plus que des cadres trop
étroits dans lesquels tiennent à peine les milliers de sei-
gneuries qui s'y pressent. » Toutefois, chacun de ces fonction-
naires ne réussit pas à garder intacts tous les droits réga-
liens qu'il avait ainsi usurpés : beaucoup leur échappèrent,
soit par des aliénations et des inféodations volontaires, soit
par l'intervention d'un senior qui s'interposait entre eux
et leurs subordonnés. A l'exemple des officiers royaux, les
évêques, que la monarchie avait souvent chargés d'admi-
nistrer, de juger et de surveiller les provinces en qualité
de missi, qu'elle avait même parfois revêtus du titre de
comtes, s'approprièrent souvent ces pouvoirs et devinrent
ainsi seigneurs de la circonscription administrative soumise
à leur autorité, comme ils l'étaient déjà de leurs propres
domaines en vertu de l'immunité.
c. La seigneurie pouvait se former, indépendamment de
toute concession ou de toute usurpation , par un simple
accord de volontés. Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire royal
ou un grand propriétaire cédait à prix d'argent ou inféodait
à charge de vassalité, soit une terre, soit une partie de la
souveraineté qu'il possédait sur cette terre (droits de jus-
tice, droits fiscaux), l'acheteur ou le vassal acquérait par
contrat des droits seigneuriaux sur la terre cédée et sur les
habitants. De même la seigneurie résultait souvent d'un
contrat de commande, par lequel, sans obtenir de con-
cession de terres, des hommes se mettaient sous la pro-
tection d'un propriétaire, au prix de services corporels et
pécuniaires qui les réduisaient à la condition de sujets. De
même encore lorsqu'une région, dévastée par les invasions
ou les guerres privées, était devenue entièrement déserte,
comme il arriva souvent auixe et au xe siècle, et qu'un sei-
gneur laïque ou ecclésiastique y appelait pour la défricher et
la repeupler des colons et des hôtes, un accord intervenait
FEODALITE
- 206 -
entre eux et lui, non seulement pour régler l'accensement
de la terre, mais aussi pour fixer les droits seigneuriaux
auxquels ils seraient soumis (service militaire, justice,
droit de gîte, réquisitions, corvées). Parfois le contrat
était tacite, et les nouveaux arrivants se conformaient aux
coutumes en vigueur dans le reste de la seigneurie ou dans
la région circon voisine.
dr Enfin, un grand nombre de droits seigneuriaux
n'eurent d'autre origine que la volonté oppressive ou l'ha-
bileté frauduleuse d'un puissant seigneur ou d'un aventu-
rier redouté. Tantôt le seigneur arrivait par surprise ou
par force à percevoir certaines taxes nouvelles, à obtenir
des services de corps auxquels ses hommes n'étaient pas
astreints jusque-là; et alors, invoquant ce précédent, il les
exigeait comme des droits établis par la coutume (consue-
tudines) ; une convention imposée après coup régularisait
quelquefois ces usurpations. Tantôt l'aventurier, qui s'était
emparé par un hardi coup de main d'une terre ou d'un
château, obtenait de gré ou de force des habitants de la
région un serment de fidélité avec la promesse d'acquitter
des taxes et des services seigneuriaux ; au bout de quelques
années, il faisait souche de comte ou de baron « par la
grâce de Dieu », et sa puissance allait de pair avec celle
des seigneurs les plus authentiques.
On voit combien étaient variées les origines des seigneu-
ries féodales et quelle large place il faut faire, pour les
expliquer, aux conventions privées, à l'initiative des per-
sonnes et au hasard des circonstances. On conçoit aisément
qu'entre des seigneuries'ainsi constituées il ait régné, surtout
pendant les premiers temps de la féodalité, la plus grande
inégalité de droits et de pouvoirs. Un bien petit nombre
jouissaient de la plénitude des droits souverains ; on les
appellera plus tard baronnies, hautes justices. Mais la plu-
part n'avaient qu'une souveraineté incomplète, démem-
brée, morcelée, variant sans cesse par suite de concessions,
d'inféodations, d'usurpations lentes ou de spoliations bru-
tales. Ainsi les droits fiscaux changeaient de seigneurie à
seigneurie ; la justice n'était pas toujours unie au fief, soit
que le seigneur suzerain l'eût cédée séparément, soit qu'il
l'eût retenue en inféodant la terre, soit que lui-même ou
un tiers l'eût usurpée ultérieurement sur le vassal. Ce
qu'il importe aussi de remarquer, c'est que, pendant les
premiers temps de la féodalité, si grand que fût le rôle
joué par la propriété foncière dans les nouvelles relations
sociales, la seigneurie n'eut pas, comme on pourrait le
penser, un caractère exclusivement territorial ; elle était
souvent personnelle et s'étendait sur des groupes d'indivi-
dus plutôt que sur un domaine nettement déterminé. La
plupart des seigneuries, grandes ou petites, qui figurent,
au xe siècle, dans la carte de la France féodale, étaient
loin d'avoir un territoire compact, sur lequel la souverai-
neté du seigneur pouvait s'exercer d'une manière uniforme
et régulière. Les droits des comtes ou des ducs, qui descen-
daient d'anciens officiers royaux, étaient singulièrement
amoindris par ceux que s'arrogeaient leurs vicomtes, que
revendiquaient les immunistes ecclésiastiques et les grands
propriétaires qui avaient des domaines dans leur comté ou
leur duché ; eux-mêmes souvent les restreignaient en con-
cédant des immunités ou en inféodant des droits de justice.
Ils n'avaient vraiment de suprématie territoriale que sur
les domaines dont ils étaient en même temps propriétaires ;
ailleurs, leur autorité s'exerçait moins sur le territoire que
sur les personnes qui leur étaient liées par un serment de
vassalité ou de fidélité ; elle s'entre-croisait donc en tous
sens avec celle de seigneurs rivaux. La situation des grands
propriétaires d'alleux n'était pas meilleure; ils voyaient
leurs propres agents (villici, majores, judices, prœpo-
siti) s'emparer de leurs terres ; ils durent souvent céder
ou inféoder une partie de leurs droits pour sauvegarder les
autres. La souveraineté territoriale des immunités ecclé-
siastiques pouvait sembler mieux assise, car elle était
mieux défendue que tout autre par les armes spirituelles
dont disposaient les évèques et les abbés ; mais ils rencon-
traient souvent un redoutable adversaire dans leur propre
avoué qui s'attribuait ou se faisait concéder, à titre de
seigneurie distincte, une partie de leurs droits de justice
et de police. Enfin, bien des seigneurs avaient des droits
de juridiction personnelle qui s'étendaient, en dehors de
leur fief, sur les hommes, libres ou serfs, des fiefs voi-
sins : cela arrivait notamment lorsque ces hommes, se sen-
tant mal défendus ou opprimés par leur propre seigneur et
ne pouvant quitter leur résidence, se recommandaient à un
seigneur plus puissant ou plus juste pont ils devenaient ainsi,
à distance, les justiciables et les protégés. — Comme on le
voit, le caractère territorial des droits de souveraineté, qui,
au xine siècle, était devenue la règle commune des fiefs-sei-
gneuries, était, au contraire, exceptionnel au xe siècle. Il
ne s'est accentué et généralisé que plus tard, au xie et au
xne siècle, de deux manières différentes : tantôt parce que
le seigneur, dont le domaine était entrecoupé d'enclaves
territoriales ou de justices personnelles, les avait peu à peu
rachetées, ressaisies ou extirpées ; tantôt parce que le sei-
gneur, qui avait une souveraineté personnelle sur une
partie des habitants d'un fief, avait étendu ses droits par
convention ou par usurpation jusqu'à soumettre à son auto-
rité ce fief tout entier. Cette évolution est marquée d'une
façon sensible par la transformation des titres que por-
taient, à ces différentes époques, les principaux seigneurs
du royaume. Au xe siècle, ils s'intitulent d'une manière
absolue ducs ou comtes, sans joindre à cette qualification
un nom de terre ou de fief; au xie, ils y ajoutent habi-
tuellement le nom des habitants de la région où leur
souveraineté est prépondérante (dux Aquitanorum, Nor-
mannorum, Burgundionum , cornes Andegavorum,
Trecensium). C'est seulement au xne siècle que le nom du
pays se substitue définitivement à celui du peuple {dux
Aquitaniœ, Normanniœ, Burgundiœ, cornes Andega-
viœ, Trecarum ou Campaniœ).
Parmi les groupes féodaux ainsi constitués en seigneu-
ries, un petit nombre étaient restés isolés et indépendants:
c'étaient ceux qui s'étaient formés autour d'un alleutier,
c.-à-d. d'un de ces propriétaires fonciers qui avaient, par
leur énergique résistance, échappé à la suzeraineté d'un
seigneur quelconque, qui avaient gardé leur alleu libre de
tout service, de toute redevance, de tout pouvoir supérieur
de justice ou de police, qui étaient, en un mot, restés seuls
souverains chacun dans son domaine. Mais la plupart des
seigneuries étaient, comme on l'a vu, liées à d'autres sei-
gneuries par des relations de suzeraineté ou de vassalité ;
le même seigneur était souvent, pour le fief qu'il détenait,
le vassal d'un seigneur plus puissant ;. pour ceux qu'il
avait concédés, le suzerain de seigneurs moins puissants.
Toutefois, il ne faut pas se figurer la société féodale comme
ayant été, dès le principe, organisée et encadrée dans une
hiérarchie régulière ; ce qui la caractérise, au contraire,
pendant le xe et le xie siècle, c'est la variété et l'incerti-
tude des liens sociaux, l'absence de régularité. La préémi-
nence d'une seigneurie sur l'autre ne s'établit souvent qu'à
la longue, après des vicissitudes nombreuses, au hasard
des circonstances. Les offices royaux les plus importants,
duchés ou comtés, qui, par l'effet de concessions forcées ou
d'usurpation, s'étaient transformées en seigneuries patrimo-
niales, occupèrent souvent, mais non point d'une manière
uniforme et nécessaire, les premiers rangs dans la hiérarchie
féodale ; on vit s'élever au rang de ducs et de comtes (V. ces
mots) des immunistes ecclésiastiques, des officiers subal-
ternes (vicomtes ou châtelains), des chefs de bande arrivés
à une haute fortune par la violence ou l'habileté. D'ailleurs
les titres honorifiques n'avaient pas alors, au point de vue
du rang, l'importance que leur attribuèrent plus tard les
feudistes du xme siècle : tel seigneur s'intitulait indiffé-
remment dans ses chartes duc, comte ou marquis; tel
vicomte avait des comtes pour vassaux. Ce qui déterminait
la prééminence d'un seigneur, ce n'était pas le titre de
son ancienne dignité, c'était sa puissance réelle et actuelle,
l'étendue de son fief, l'importance de ses revenus, le
207
FEODALITE
nombre de se vassaux. Les plus forts amenaient à leur
hommage les plus faibles, qui restaient dans leur vassalité
tant que les y retenait la force ou l'intérêt. A ce point de
vue, on peut distinguer, dès les premiers temps de la féo-
dalité, deux classes de seigneuries : d'une part, les grandes
seigneuries laïques ou ecclésiastiques, au nombre d'une
quarantaine, presque tous duchés, comtés ou vicomtes,
gouvernées par de puissantes familles, jouissant de tous
les droits régaliens et formant par leur étendue et leur
organisation de véritables Etats féodaux (il suffit de citer
les duchés de Normandie, de Bourgogne et d'Aquitaine, les
comtés de Flandre, de Champagne, de Bretagne, d'Anjou,
de Blois et Chartres, de Toulouse, de Provence, de Dau-
phiné, les vicomtes de Limoges, de Carcassonne, les arche-
vêchés ou évêchés de Laon, Reims, Beauvais, Châlons,
Langres, Le Puy, Mende, Viviers, Lyon, Narbonne) ;
d'autre part, les petites seigneuries, très nombreuses,
pour la plupart, châtellenies, vicomtes, vidamies et avoue-
ries, dont les chefs n'avaient que des terres peu étendues
et des pouvoirs limités. C'est autour des grandes seigneu-
ries et sous leur suzeraineté immédiate ou médiate que se
rangèrent de gré ou de force, pendant le cours du xe siècle,
les petites seigneuries, ainsi que les fiefs et les terres ro-
turières qui ne participaient point à la souveraineté. C'est
ce premier groupement hiérarchique, très instable d'ailleurs,
souvent contesté, sans cesse modifié par les guerres, les
successions ou les conventions, qui arrêta le morcellement
des terres et la dispersion des forces sociales, qui ébaucha
l'organisation politique du régime féodal.
Dans ce nouvel état de choses, la royauté n'avait natu-
rellement aucune place, puisque c'était contre elle et à ses
dépens que cet état se constituait. Pendant tout le xe siècle,
bien que devenue impuissante en fait, elle garda en droit
son caractère traditionnel de monarchie absolue, hérédi-
taire, romaine et ecclésiastique, et resta par conséquent en
antagonisme complet avec les prétentions féodales. Tous les
rois, qu'ils appartinssent à la dynastie carolingienne ou à
la famille de Robert le Fort, cherchèrent avec une énergie
variable, mais avec un égal insuccès, à maintenir contre
le développement croissant de la féodalité les prérogatives
de l'autorité monarchique. Si, malgré son impuissance ra-
dicale, malgré le caractère électif qu'elle avait en fait et
qui la mettait à la discrétion de ses adversaires, elle sub-
sista cependant, ce fut tantôt par la force delà tradition,
tantôt par des raisons toutes personnelles : « Les grands
élisaient un Robertien, parce qu'ils voyaient en lui un chef
capable de les défendre contre les ennemis du dehors ou
un riche propriétaire dont il y avait beaucoup à espérer ;
ils élisaient un Carolingien par un reste d'attachement à la
famille de Charlemagne et aux souvenirs glorieux qu'évo-
quait ce grand nom. » Ils savaient fort bien que leur élu,
devenu roi, agirait comme avait agi son prédécesseur et
revendiquerait contre eux les droits imprescriptibles du
pouvoir central ; mais ils se sentaient assez forts pour le
réduire alors à l'impuissance ou pour faire tourner au
profit de leurs intérêts de famille les gages d'obéissance et
de fidélité qu'ils consentiraient à lui donner. L'organisation
féodale se poursuivit donc pendant le xe siècle en face de la
monarchie, mais sans elle et malgré ses résistances. —
Cet antagonisme cessa-t-il au xie siècle par suite de l'élec-
tion au trône de Hugues Capet? Faut-il voir dans l'avène-
ment de la maison capétienne l'inauguration d'une monar-
chie nouvelle en harmonie avec le nouvel état social, en un
mot d'une monarchie féodale? Cette manière de voir a
été soutenue par quelques historiens de notre droit public;
ils ont cherché à montrer qu'il y eut en 987 une véritable
révolution, opérée par les grands pour concilier l'unité du
royaume avec le morcellement de la souveraineté, et à la
suite de laquelle le pouvoir royal transformé, placé en
haut de la hiérarchie des fiefs, serait devenu l'élément
essentiel et comme la clef de voûte de tout l'édifice féoda .
D'après cette théorie, la souveraineté politique des sei-
gneurs aurait été légalement reconnue par le nouveau roi
et légitimée par son avènement ; celui-ci n'aurait été que
le suzerain général du royaume, « le chef-seigneur » ; il n'y
aurait eu désormais entre lui et les grands du royaume
que les relations ordinaires du seigneur avec ses vassaux.
Cette théorie, séduisante par sa simplicité, n'est pas con-
forme à la vérité historique. Croire que les seigneurs
contemporains de Hugues Capet avaient besoin, vis-à-vis de
leurs propres vassaux, d'un chef ou d'un suzerain suprême,
sans lequel la hiérarchie n'aurait pu être constituée, c'est
transporter au xe siècle l'édifice politique de forme régu-
lière et symétrique que décrivent, au xine siècle, les théo-
riciens de la féodalité. « Dans le groupement des fiefs, qui
s'accomplit au déclin de la maison carolingienne, la hié-
rarchie pouvait s'arrêter aux dix ou douze grandes princi-
pautés entre lesquelles se partageaient les terres françaises
et laisser au dehors l'institution monarchique comme un
élément étranger et même hostile, sans que le nouveau
régime eût à en souffrir. Il semble même que l'absence de
roi pouvait seule logiquement donner pleine satisfaction
aux intérêts féodaux devenus prépondérants. » L'élection de
Hugues Capet ne fut pas une révolution politique et sociale,
assurant le triomphe de la féodalité ; ce fut un changement
dynastique, inspiré et réalisé surtout par l'Eglise, pour
restaurer, par les mains d'une puissante famille féodale,
la monarchie romaine et ecclésiastique des Carolingiens.
Elle réussit, malgré les résistances d'un bon nombre de
seigneurs, parce que la tradition romaine d'unité et de
centralisation, incarnée dans les institutions impériales,
reprise et continuée par la royauté franque , était restée
vivace à la fin du xe siècle, non seulement parmi les membres
de l'Eglise, mais dans les classes inférieures et même dans
une partie de l'aristocratie laïque.
Ainsi, par sa nature et par ses traits essentiels, la royauté
capétienne ne faisait que continuer, en pleine société féo-
dale, la royauté carolingienne. C'était, comme elle, une
monarchie de droit divin, revêtue par le sacre d'un carac-
tère sacerdotal, absolue en principe, concentrant et confon-
dant dans une seule main tous les pouvoirs et toutes les
prérogatives. Aussi bien que les rois du xe siècle, Hugues
Capet et ses successeurs parlaient et agissaient en chefs
du royaume, chargés de défendre le territoire national
contre toute prétention ou toute attaque de l'étranger, d'y
faire régner l'ordre, la paix et la justice, de protéger par-
ticulièrement l'Eglise et ses membres. Ils continuaient à
réclamer le serment de fidélité, l'ancien leudesamium,
des gens d'Eglise, des bourgeois et des vilains, toutes les
fois que la hiérarchie féodale ne s'interposait pas entre eux
et lui. Enfin ils invoquaient, comme le faisaient les Caro-
lingiens, le principe monarchique de l'hérédité de la cou-
ronne, qui, depuis un siècle, avait été si souvent méconnue,
et ils réussirent, malgré les tentatives contraires de l'aris-
tocratie, à le faire prévaloir en fait, grâce à la précaution
qu'ils eurent d'associer au trône, de leur vivant, leur
héritier présomptif. — Mais si les caractères fondamen-
taux de l'institution royale restèrent les mêmes, on ne
peut nier que les conditions extérieures dans lesquelles
s'exerçait désormais le pouvoir ne fussent notablement mo-
difiées par l'avènement au trône de l'une des plus puis-
santes familles de l'aristocratie foncière. Placé par sa haute
mission en dehors et au-dessus de la féodalité, le roi était
en même temps, par sa qualité de seigneur, par ses rela-
tions officielles ou privées avec l'aristocratie, profondément
engagé dans le régime féodal. Non seulement, dans ses
domaines patrimoniaux, il était seigneur direct de ses
tenanciers libres ou serfs et suzerain immédiat d'un cer-
tain nombre de petits vassaux qui lui rendaient hommage
pour leur comté ou leur châtellenie ; non seulement les
grands offices de la couronne et les charges des prévôts
qui administraient ses domaines avaient subi l'influence du
mouvement général qui imposait la forme de fief à toute
fonction comme à toute propriété ; mais, en dehors de son
domaine, à l'égard des comtes, des ducs et des autres pos-
sesseurs de grands fiefs, il exerçait ou prétendait exercer
FEODALITE
une suzeraineté générale. Il est vrai que cette suzeraineté fut
longtemps plus théorique que réelle : car la plupart des
chefs de ces Etats féodaux « n'étaient pas liés envers lui par
un hommage précis et rigoureux, mais par un devoir assez
vague de fidélité, qui les mettait dans la situation d'alliés ou
de confédérés plutôt que de vassaux proprement dits ». C'est
' en ce sens et seulement dans cette mesure que la monar-
chie capétienne se trouvait associée au régime seigneurial
et en subissait l'influence. A aucun moment elle ne fut
purement féodale ; mais, dès le début, elle réunit le double
caractère de monarchie traditionnelle de droit divin et
de suzeraineté générale d'ordre féodal. Le premier
aspect de l'institution se montrait surtout dans les formules
des actes royaux, dans les rapports de la royauté avec
l'Eglise et avec les classes populaires ; le second se mani-
festait dans les relations du roi avec la noblesse féodale,
mais d'une façon intermittente, car, suivant son intérêt ou
son pouvoir, le prince agissait avec les seigneurs tantôt en
suzerain, tantôt en roi. Au xie et au xne siècle, c'est
la prérogative royale qu'invoquèrent surtout les Capé-
tiens, parlant et agissant en successeurs des Carolingiens,
au nom du droit monarchique où ils puisaient leurs droits
les mieux justifiés et les moins contestables. Ce fut seule-
ment au xine siècle que leur caractère féodal s'accentua,
que leur rôle de suzerain général fut reconnu, de gré ou
de force, par tous les grands feudataires ; ce fut alors
seulement que la royauté fit vraiment partie intégrante de
l'édifice féodal dont elle devint la clef de voûte. Elle en tira
le plus grand avantage, car cette suzeraineté fut justement,
comme on le verra, « le point de départ de ses plus impor-
tantes conquêtes sur la féodalité dans Tordre territorial
comme dans l'ordre politique ».
Telle fut dans ses traits essentiels, suivant les con-
jectures les plus autorisées de l'érudition moderne, d'après
les recherches de Roth , Waitz , Fustel de Coulanges ,
Flach, Luchaire, À. Molinier, Ed. Beaudouin, H. Brun-
ner, Lamprecht et d'autres, la formation du régime
féodal en France pendant le xe siècle. S'il y eut un ré-
gime qui ne fut ni préparé systématiquement ni créé
d'une seule pièce, c'est bien celui-là. 11 sortit naturel-
lement de la longue série d'efforts plus ou moins cons-
cients par lesquels plusieurs générations, ne trouvant plus
dans l'état social et dans l'organisation administrative de
la monarchie franque, ni sécurité matérielle ni appui moral,
avaient cherché l'un et l'autre dans le patronage des grands
propriétaires. « On ne saurait donc nier que l'organi-
sation féodale ne répondît tout d'abord , dans toutes les
classes de la société, à un besoin réel de sécurité et de
protection. Dans le nouveau groupement des personnes et
des terres, sous les formes et les conditions les plus
diverses, on retrouve toujours l'association instinctive et
doublement intéressée du faible et du fort, du pauvre et du
riche. » A cette époque de désordre universel, le seigneur
était presque toujours un bienfaiteur et un sauveur ;
chaque forteresse seigneuriale était la sauvegarde d'un can-
ton. Mais pour exercer longtemps un rôle salutaire, la
protection a besoin de contrepoids, sans quoi elle devient
despotisme et tyrannie. Sous l'empire de la nécessité, les
seigneurs avaient remplacé le roi comme protecteur de la
masse du peuple ; mais, entre eux et leurs protégés, la
situation n'était pas égale. Le protecteur était facilement
tenté, par le sentiment même de sa force et de son indé-
pendance, de se transformer en maître, de s'emparer des
biens, de confisquer la liberté des personnes ; les faibles
avaient à peine rencontré un défenseur qu'ils trouvaient en
lui un oppresseur. Si le besoin de protection individuelle
explique en grande partie la formation du régime féodal, il
faut reconnaître aussi que l'histoire de la société féodale
est surtout faite des injustices, des vexations et des vio-
lences qu'engendra l'abus du droit de protection. Les vas-
saux nobles, détenteurs de fiefs, étaient, en général, assez
bien défendus contre l'oppression de leur suzerain par la
solennité du contrat de fief, qui déterminait rigoureuse-
208 —
ment les droits et les devoirs réciproques des deux parties
par l'intervention des « pairs de fief » qui composaient la
cour seigneuriale, au besoin même par la force armée dont
ils disposaient individuellement. Mais les tenanciers libres,
les artisans des villes, les paysans, colons ou serfs, sou-
vent aussi les églises et les monastères, étaient plus ou
moins, en dépit des conventions et des serments, à la
merci du seigneur dont ils dépendaient. Tantôt, gardant
les apparences du droit, celui-ci se bornait à exploiter ses
hommes, comme il exploitait ses terres, en leur faisant
rendre tout ce qu'il pouvait en tirer sans les épuiser ; à
raison de la protection qu'il exerçait, il se faisait payer
par ses justiciables des droits de toute nature (justitiœ,
expleta), qui formaient le principal revenu de la seigneurie
et qui devenaient d'autant plus lourds et plus vexatoires qu'il
les aliénait ou les inféodait à des tiers ; ou bien, détour-
nant de leur destination normale les impôts, les taxes, les
réquisitions en nature, les corvées, les charges militaires,
en un mot, tous les services établis autrefois dans l'inté-
rêt de l'Etat et dont il s'était emparé en promettant de
les appliquer à l'intérêt commun de la région dont il était
le seigneur, ^ il en faisait des droits personnels, exclusive-
ment destinés à pourvoir à ses propres dépenses ou à satis-
faire ses ambitions privées. Tantôt l'abus prenait les formes
de l'usurpation ou de la violence : il suffit de citer les
audacieuses entreprises des avoués, s'emparant des biens
et des droits des églises dont ils étaient les défenseurs
attitrés ; les exactions des châtelains à qui un duc ou un
comte avaient confié la garde d'une forteresse et qui abu-
saient de leur autorité pour intercepter les routes, piller
les campagnes, grever les habitants de la région de taxes
exorbitantes ; les vexations et les tyrannies exercées par la
plupart des seigneurs sur les hommes libres de leurs do-
maines pour les réduire à une sujétion voisine du servage.
Contre ces actes d'exploitation et d'oppression, la foi jurée,
l'honneur chevaleresque, les anathèmes religieux, les ré-
sistances individuelles n'étaient que de faibles défenses. La
meilleure sauvegarde était encore l'asile que les églises et *
les monastères ^ donnaient aux faibles et devant lequel
s'arrêtait ordinairement la violence des seigneurs laïques ;
mais, pour jouir pleinement de la protection de l'Eglise,
il fallait lui abandonner ses biens en forme de précaire ou
renoncer à la liberté en faisant « oblation » de sa per-
sonne. Oppression d'un côté, asservissement de l'autre,
telle était donc l'alternative qui s'offrait aux gens des classes
inférieures, déçus dans les espérances qu'avait éveillées,
au déclin de la monarchie carolingienne, l'établissemeut du
régime seigneurial. Le xe siècle fut une époque de désordre
effrayant : où la petite propriété acheva de disparaître, où
le servage s'accrut démesurément, où partout triompha la
force mise au service des intérêts privés. — Aussi vers la
fin de ce siècle, la grande masse de la nation, n'ayant pas
trouvé dans la protection seigneuriale la sécurité dont elle
avait besoin, se mit-elle à la chercher ailleurs, soit dans
l'association communale, soit dans la protection des rois
capétiens. D'une part, on voit les faibles et les petits
s'associer entre eux, dans les villes et les villages, d'abord
par quartiers, paroisses, métiers ou confréries, puis par
communautés urbaines ou rurales, et, devenus ainsi une
force sociale, obliger peu à peu leur seigneur à compter
avec eux, à limiter ses propres droits par une charte de
franchise, à leur concéder même par une charte de com-
mune des droits de souveraineté pareils aux siens. D'autre
part, on voit l'Eglise, qui avait provoqué la révolution
dynastique de 987 et qui soutenait de tout son pouvoir la
royauté capétienne, lui demander en retour de la défendre
contre l'oppression seigneuriale ; c'est aussi à la royauté
que font souvent appel les communautés bourgeoises dans
leur lutte avec le seigneur dont elles dépendent. Répon-
dant à ce double appel, les rois capétiens devaient peu à
peu ressaisir dans le royaume le rôle de protecteurs souve-
rains et de grands justiciers, que leurs prédécesseurs
avaient perdu en fait, mais dont la tradition s'était con-
— 209 —
FEODALITE
servée dans le droit monarchique. C'est ainsi qu'à peine
constitué, le régime féodal engendrait ou développait, par
les abus inhérents à sa nature, les deux institutions qui
devaient, plus tard, le détruire : les communes et laroyauté.
II. Description de l'organisme féodal et de ses
principales fonctions (xi-xme siècle). — Il peut sembler
téméraire de tracer un tableau d'ensemble du régime féodal
français ; car, dans l'histoire de notre pays comme dans
celle des autres contrées de l'Europe, il n'y a point d'époque
où l'état social et les institutions politiques aient présenté
plus de diversités locales, plus de nuances particulières.
Même après la constitution définitive de ce régime, auxir3
et au xme siècle, l'individualisme domine partout; les rap-
ports privés d'homme à seigneur, de vassal à suzerain, se
sont partout substituées aux relations publiques des parti-
culiers avec l'Etat. Point de lois fixes, générales, obliga-
toires pour tous : « le contrat d'homme à homme avec la
force comme principale sanction, la coutume locale non
écrite et mobile au gré de l'arbitraire, ce sont là les
déterminantes essentielles qui règlent la marche de la so-
ciété ». Aussi la méthode la plus sûre, pour connaître exac-
tement les institutions féodales, consiste-t-elle à les étudier
géographiquement, sous forme de monographies locales ; à
reprendre un à un, région par région, domaine par do-
maine, les innombrables contrats privés qui ont survécu,
à les rapprocher des coutumes, des chroniques, des pro-
ductions artistiques ou industrielles, pour reconstituer par
une série d'études fragmentaires l'infinie diversité de cette
civilisation. Toutefois, on s'aperçoit bien vite que, sous la
variété des détails, il y a un certain nombre de traits gé-
néraux qui reparaissent avec une persistance significative,
non seulement dans une même région, mais à la fois dans
toutes les parties du royaume. Les usages locaux étaient
en grande partie empruntés aux législations précédentes
(lois germaniques, droit romain, capitulaires royaux), qui
étaient d'une application générale et avaient laissé en bien
des lieux des traces identiques. Les pratiques ou les ins-
titutions nouvelles qui ne provenaient pas de cette source
s'étaient formées presque partout sous l'influence des
mêmes 'besoins, sous l'empire des mêmes nécessités ; et
soit qu'il y eût coïncidence naturelle, soit qu'il y eût imi-
tation, les ressemblances étaient fréquentes. Enfin, princi-
palement au xme siècle, la rédaction par écrit d'un grand
nombre de coutumes privées et de chartes communales,
les compilations et les traités élaborés par les juristes pour
les besoins de la pratique, la jurisprudence suivie par la
cour du roi et par les principales cours féodales, quelques
règlements et ordonnances rendus par les premiers Capé-
tiens ou par les grands feudataires, avaient contribué à
introduire dans les matières les plus importantes un cer-
tain nombre de règles générales qui s'étendaient à tout le
royaume. Il y a donc, à côté d'usages particuliers à cer-
taines localités, des institutions communes à toute la France
féodale, qui ont fonctionné plus ou moins régulièrement
pendant tout le moyen âge, et que l'on peut légitimement
présenter sous une forme synthétique. Il faut seulement
se rappeler que cette synthèse ne contient que les principes
essentiels et les usages les plus généraux, et que, dans
leur application à une localité déterminée, ils recevaient
souvent des modifications notables, que peut seule révéler
la connaissance des histoires particulières ou l'analyse des
documents privés. — Dans l'exposé qui va suivre, il ne
saurait être question de suivre dans toutes les phases
de leur évolution, du xe au xme siècle, les diverses insti-
tutions dont se compose le régime féodal. Pour trouver
un historique complet de chacune d'elles, on devra se repor-
ter aux articles spéciaux qui leur sont consacrés. Elles ne
seront décrites ici que sous leur forme la plus caractéris-
tique, au terme de leur développement; mais on aura
soin de montrer, d'une part, comment un lien logique
les rattache les unes aux autres et fait de leur assemblage
un organisme complet, d'autre part, combien sous ces ins-
titutions en apparence régulières, il y avait, en réalité, de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
désordre et d'anarchie. On étudiera d'abord Vètat social,
c.-à-d. la condition des terres et celle des personnes, puis
le régime politique, c.-à-d. d'une part le gouvernement
des seigneurs dans leurs rapports avec les hommes de leur
domaine et avec leurs vassaux, d'autre part les relations
des seigneuries entre elles et avec le roi.
Etat social. — A l'époque féodale, le caractère aris-
tocratique de la société était beaucoup plus accentué qu'à
l'époque franque. La distance s'était considérablement
accrue entre la classe noble, qui n'était pas seulement pri-
vilégiée mais souveraine et les classes inférieures qui dé-
pendaient de la première; toutefois elle était moins grande
dans le midi de la France (Languedoc) que dans le centre
et dans le nord. Les inégalités sociales qui séparaient les
classes étaient liées à l'état économique du pays : la qualité,
les droits et les obligations des personnes dépendaient en
grande partie du titre auquel elles détenaient les terres.
Il importe donc de faire connaître la condition des terres
avant d'exposer celle des personnes.
a. Conditions des biens. La forme commune de la pro-
priété foncière à l'époque féodale était la tenure par con-
cession. La plupart de ceux qui possédaient la terre
n'avaient point sur le sol un droit de propriété complet
et absolu, suivant le type romain; ils n'en jouissaient que
sous la réserve de certains droits et à charge de certains
services, qui les mettaient dans la dépendance d'une autre
personne ou d'une autre terre; ils n'avaient donc sur leurs
domaines qu'un pouvoir limité et conditionnel. C'est qu'ils
tenaient ou étaient censés tenir leurs droits d'une conces-
sion, et que les anciens propriétaires qui étaient ou passaient
pour être les auteurs de cette concession, ne s'étaient pas
complètement dessaisis; ils avaient retenu par devers eux,
comme garantie des services personnels ou pécuniaires qu'ils
stipulaient, une partie des droits dont se compose la pleine
propriété, et n'avaient abandonné que la possession et la
jouissance ; ils pouvaient, en vertu des droits ainsi réservés,
interdire au possesseur de disposer de la terre à son gré, ils
pouvaient même la lui reprendre, si les services dus n'étaient
pas régulièrement acquittés. Souvent, comme on l'a vu, la
concession avait été réelle ; souvent aussi elle avait été
fictive. Pressé par la force ou le besoin de protection, le
tenancier avait dû reconnaître qu'il tenait d'un autre la
terre dont il avait été jusque-là le libre propriétaire. Mais
dans tous les cas, à l'origine de chaque tenure, il y avait
eu une convention ou un acte unilatéral déterminant les
conditions auxquelles la terre serait désormais possédée ;
puis soit que la concession eût été plusieurs fois renouvelée
dans les mêmes termes, soit que, d'abord temporaire et
personnelle, elle fût devenue perpétuelle et héréditaire, les
conditions de la tenure avaient fait corps avec la terre elle-
même; elles en étaient devenues l'attribut réel, le titre per-
manent qui se transmettait avec elle et qui lui servait en
quelque sorte de marque extérieure. C'est ainsi que, suivant
l'étendue des droits concédés et la nature des services im-
posés, la terre était réputée noble, roturière ou servi le,
qu'elle était qualifiée de fief, de censive, de champart,
d'hôtise, etc.
De tous ces modes de tenures, le plus important et le
plus caractéristique était le fief (feodum, feudum, fevum) .
Ce mot était même, au xie et au xne siècle, avec son syno-
nyme beneficium, le terme général par lequel on dési-
gnait toute concession à charge de service, sans distin-
guer si elle avait pour objet une terre ou un autre bien,
si le service stipulé était noble ou vulgaire (V. Fief). Mais
à partir du xme siècle, les tenures roturières ayant reçu
un nom spécial (vilenages, rotures) on réserva, du moins
dans la France du Nord, le mot fief "(fief noble, franc-fief)
pour désigner les tenures foncières, dans lesquelles le con-
cessionnaire devait au concédant des services réputés nobles
ou honorables, tels que le service militaire. La convention
réelle ou supposée qui lui donnait naissance était le contrat
de fief ou l'inféodation (hominium,homagiu?n), qui déri-
vait à la fois, comme on l'a vu, de la recommandation et
14
FÉODALITÉ
210 —
du bénéfice, et par lequel un homme, après avoir promis à
un autre la foi et l'hommage, recevait de lui en retour
l'investiture d'une terre. Dès lors, le premier devenait le
vassal ou le feudataire du second (vassallus, homo) ; le
second devenait le seigneur du premier (senior, dominus).
Le vassal était tenu envers le seigneur, à raison de son hom-
mage, de l'obligation générale de fidélité et spécialement du
service militaire (ost et chevauchée), du service de conseil,
du service de justice ou de cour ; il devait le recevoir et le
défrayer en toutes circonstances et lui payer dans certains
cas exceptionnels les aides féodales. Réciproquement, le
seigneur était tenu envers son vassal de lui faire justice et
de lui garantir la possession de la terre dont il l'avait
investi. La sanction de ces obligations réciproques était,
pour le vassal qui ne les remplissait pas, la saisie temporaire
ou la confiscation définitive du fief, pour le seigneur qui les
violait, la rupture du lien féodal (V. ci-dessous). A la condi-
tion d'acquitter les services précités, le vassal acquérait, sur
la terre qui lui était ainsi concédée en fief, tous les avan-
tages de la possession et de la pleine jouissance ; mais il était
loin d'avoir un droit complet de propriété. Le iief, dans sa
forme première, lorsqu'il se confondait encore avec le bé-
néfice carolingien, était viager et inaliénable ; cela résultait
logiquement du caractère personnel de la concession, qui
dans l'intention du seigneur était destinée au vassal seul
et ne pouvait passer ni profiter à un tiers. Sans doute, ces
deux principes se modifièrent peu à peu sous l'influence de
la coutume : dès la fin du xie siècle, la plupart des fiefs
étaient devenus héréditaires, et le caractère viager ne sub-
sistait dans toute sa rigueur que pour les fiefs concédés
par les hauts barons ou par les rois de France à leurs sol-
dats (bénéficia militaria); au xme siècle, tous étaient de-
venus aliénables (V. Fief). Mais le droit qu'avait primitive-
ment le seigneur d'interdire au vassal toute aliénation et de
reprendre le fief à sa mort, laissa des traces qui durèrent
aussi longtemps que le régime féodal lui-même. L'aliéna-
tion à titre onéreux n'était possible qu'avec l'approbation
du seigneur, qui percevait comme compensation une partie
du prix (quint, lods et ventes), qui pouvait même empê-
cher la vente, en reprenant le fief pour son propre compte
sous la condition de restituer le prix convenu (retenue ou
retrait féodal). L'aliénation à titre gratuit ou la transmis-
sion héréditaire n'était également possible qu'avec l'assen-
timent du seigneur, auquel le donataire, le légataire ou
les héritiers naturels devaient demander l'investiture, et
qui percevait à cette occasion une partie du revenu du fief,
sous le nom de relief ou rachat. De même et pour les
mêmes raisons, le vassal ne pouvait, sans l'autorisation de
son seigneur, diminuer ou abréger son fief par des sous-
inféodations, des concessions de tenures roturières, des
affranchissements de serfs, etc. On voit par ce qui précède
que, sur la terre concédée en fief, coexistaient deux droits
distincts : d'une part celui du vassal qui avait la plupart
des avantages de la propriété ; d'autre part celui du sei-
gneur, qui non seulement retirait du fief des services régu-
liers ou des profits éventuels, mais cjui pouvait, le cas
échéant, rentrer dans la pleine propriété de sa terre par
l'exercice de la commise ou du retrait. Les légistes du
xiie siècle, empruntant la terminologie du droit romain,
appelèrent le premier domaine utile, le second, domaine
direct ou éminenl. Le seigneur a qui appartenait le do-
maine éminent d'un fief était lui-même le plus souvent 3e
vassal d'un autre seigneur et, à ce titre, possédait le do-
maine utile d'un autre fief, auquel se rattachait, comme qua-
lité et appendice, le domaine éminent du premier. On disait
alors que le premier fief était dans la mouvance du second,
dont il constituait l' arrière-fief. La majorité des fiefs ne
conféraient pas au vassal d'autres avantages que les droits
réels de possession et de jouissance indiqués plus haut.
Mais il y en avait aussi un assez grand nombre auxquels
étaient attachés des droits de souveraineté : c'étaient ceux
que l'on qualifiait de seigneuries. On a vu précédemment
par suite de quelles circonstances la seigneurie s'était incor-
porée à la terre ; il suffira de rappeler ici que le vassal à
qui était concédée en fief une de ces seigneuries, acquérait,
non seulement sur la terre les droits fonciers, mais sur
les habitants les pouvoirs administratifs et judiciaires qui
appartenaient au suzerain avant la concession. Toutefois
il pouvait arriver que le suzerain retînt par devers lui la
totalité ou une partie de ces droits souverains ; c'est ce qui
arrivait souvent pour les droits de justice ou pour les
droits fiscaux que le suzerain tantôt se réservait personnel-
lement, tantôt inféodait séparément à un tiers.
A partir du xne siècle, on opposait généralement à la
tenure noble, qui était le fief, te. tenure roturière qui s'ap-
pelait vilenage ou roture. Toutefois cette opposition n'était
pas également tranchée dans toutes les provinces : en Nor-
mandie, en Bretagne et surtout dans le Languedoc, beau-
coup de terres roturières étaient encore au xme siècle
désignées par l'expression de fief vilain ou simplement fief.
Les vilenages présentaient des combinaisons nombreuses et
variées ; les principales étaient la censive, le champart,
la rente féodale, Yhôtise (Y. ces mots). Chacune de ces
tenures dérivait d'un contrat réel ou fictif (mainferme,
bail à comptant ou à miplant, bail à cens, bail à rente)
dont l'objet n'était plus, comme dans le contrat de fief, l'as-
sociation de deux personnes en vue du service militaire,
mais l'exploitation d'un domaine rural ou d'un terrain bâti.
Toutefois, dans quelques régions, la différence avec le fief
était moins tranchée : dans le Languedoc , on trouvait
fréquemment des terres roturières grevées du service mi-
litaire. Aussi, les tenanciers ne prêtaient-ils ni te foi ni
l'hommage, et les services dus par eux consistaient-ils exclu-
sivement (sauf quelques exceptions locales, par exemple dans
le Languedoc) en redevances pécuniaires ou en produits du
sol; le lien personnel était peu apparent : c'était la terre qui
devait plutôt que l'homme. — Dans le vilenage comme dans
le fief, la propriété foncière était divisée en deux fractions :
le domaine direct et le domaine utile. Le seigneur censier à
qui appartenait le domaine éminent avait, comme voie d'exé-
cution contre le tenancier, une sorte de saisie privée ana-
logue à la saisie féodale. Viagères et inaliénables, à l'ori-
gine, les tenures roturières devinrent patrimoniales comme
les fiefs, sous la réserve des droits qui étaient payés au sei-
gneur en cas d'aliénation ou de transmission héréditaire et
qui se réduisirent finalement aux lods et ventes.
Enfin, il y avait des tenures serviles (mansi serviles),
qui présentaient une assez grande analogie avecjes tenures
roturières, car les services dus par les tenanciers étaient
les mêmes de part et d'autre. Mais elles en différaient
par deux traits importants : d'abord, dans la tenure
servile, l'origine de la concession n'était pas un contrat,
mais une simple grâce du concédant qui pouvait à son gré
modifier et aggraver les charges du tenancier; puis la
tenure servile ne devint jamais héréditaire ni aliénable, et
le consentement du seigneur fut toujours nécessaire pour
que la concession passât aux mains d'un autre que le tenan-
cier primitif.
Si, dans la société féodale, les tenures par concession
étaient la forme ordinaire du domaine foncier, cependant
la propriété libre et absolue n'avait pas entièrement dis-
paru. Elle avait subsisté à titre exceptionnel, d'une part,
sous le nom à' alleu, d'autre part, sous le nom de franche-
aumône. On sait combien le sens du mot alleu a varié :
après avoir désigné à l'époque franque la terre héréditaire
par opposition aux précaires et bénéfices viagers , il fut
employé à l'époque féodale pour désigner tantôt la terre
libre par opposition aux terres concédées à charge de ser-
vices, tantôt (notamment dans le Midi) le domaine éminent
du seigneur par opposition au domaine utile du vassal,
tantôt les terres patrimoniales par opposition aux acquêts,
tantôt même certaines terres de concession qui ne paraissent
avoir été grevées d'aucun service, mais qui ne pouvaient être
aliénées sans l'autorisation du seigneur par qui elles avaient
été concédées. Toutefois l'acception qui prévalut fut celle de
terre franche, qui n'était chargée d'aucun service ni rede-
vance, et dont le propriétaire pouvait disposer à son gré.
La terre allodiale était même beaucoup plus indépendante
que la propriété romaine, puisque non seulement elle n'était
limitée par aucun droit privé, mais qu'elle n'était soumise
à aucune charge publique, à aucun impôt, à aucun pouvoir
supérieur de justice ou de police, puisque enfin le plus sou-
vent l'alleutier y exerçait les droits de justice et les autres
droits souverains. Bien plus, cette terre pouvait devenir le
centre d'un groupe féodal; le propriétaire pouvait, en tout
ou en partie, concéder sa terre à titre de fief et de censive ;
il devenait par ce fait seigneur féodal ou censier, et c'était
un seigneur qui n'avait pas de suzerain. Ces terres libres,
qui formaient déjà l'exception au début de la période féodale,
devinrent de moins en moins nombreuses à mesure que l'on
s'éloignait du xe siècle ; elles étaient comme un élément
étranger dans l'organisme féodal qui, réagissant de toute
sa force, parvint à en assimiler une partie en les réduisant
en fiefs et en censives ; mais elles résistèrent à l'absorption
totale et subsistèrent isolément dans la France septentrio-
nale et centrale, en nombre relativement considérable dans
la France méridionale. Toutefois, presque partout, elles
perdirent vers le xme siècle leur franchise absolue ; les
alleutiers qui exerçaient la justice furent réputés la tenir
en fief d'un seigneur ou du roi ; ceux qui ne l'avaient pas
devinrent les justiciables du seigneur dans les domaines
duquel étaient situées leurs terres ; puis un certain nombre
d'alleux furent grevés de services qui rapprochaient leur
condition de celle des fiefs. Dès lors, les juristes, faisant
rentrer cette catégorie de terres dans la hiérarchie féodale,
en vinrent à distinguer les alleux libres ou francs-alleux
« que l'on tenait de Dieu seulement » et les alleux non
libres qui relevaient d'une autre terre ; les alleux nobles
qui étaient pourvus de droits de justice ou qui avaient dans
leur mouvance des tenures féodales et les alleux roturiers
qui ne présentaient pas l'un de ces caractères» — La seconde
espèce de terre libre était V aumône (franche -aumône,
tenure par aumône ou par divin service), c.-à-d. la terre
donnée aux églises ou aux abbayes ad Deo serviendum.
Cette terre, libre de toute redevance, était censée, comme
le franc-alleu, « ne relever que de Dieu ». Toutefois, si
elle ne devait aucun service et, à ce point de vue, méritait
le nom de terre libre, elle fut rattachée de bonne heure à
la hiérarchie féodale par un double lien ; quand l'aumône
avait pour objet une fondation, on admit au xme siècle que
le donateur et ses héritiers conserveraient sur le bien
aumône le droit seigneurial de patronage, c.-à-d. le droit
de présenter l'ecclésiastique qui devait desservir cette fon-
dation ; puis tout droit de justice annexé à une franche
aumône fut soumis à la règle du ressort féodal, comme cela
avait eu lieu pour l'alleu laïque.
Toute terre à l'époque féodale appartenait à l'un des
types de propriété foncière qui viennent d'être énumérés.
Mais il ne faudrait pas croire qu'il y ait eu à une époque
déterminée un classement définitif, que la condition des
terres, après avoir varié suivant les conventions indivi-
duelles, eût été fixée, comme on Fa dit, au commencement
du xue siècle par une série de cadastres locaux , et que dès lors
les terres fussent restées à jamais dans la classe où on les
avait placées. Au contraire, la condition des terres subit
pendant toute la période féodale d'incessantes variations.
L'inféodation, c.-à-d. la transformation de la propriété en
tenure féodale, loin d'être terminée au xne siècle, continua
pendant le xme et le xive. De petits propriétaires d'alleux,
inquiétés par leurs voisins et obligés de recourir à la pro-
tection d'un seigneur, acceptaient la vassalité et transfor-
maient leurs terres en fiefs (receptio infeodum); des sei-
gneurs déjà feudataires pour la partie principale de leurs
domaines cédaient à prix d'argent leurs alleux à leur suze-
rain pour les recevoir de lui à titre d'augmentation de fief
(in augmentum feodi) ; des barons laïques ou ecclésias-
tiques, fidèles à la tradition carolingienne, continuaient à
détacher des parcelles de leur domaine direct pour les don-
ner en fiefs héréditaires aux nobles dont ils voulaient oble-
— ^11 — FÉODALITÉ
nir la fidélité et les services. De même, il ne fut point rare
de voir des terres roturières transformées en tenures nobles
par un contrat de fief qui intervenait à la place d'un simple
contrat d'exploitation. Pour savoir exactement quel était à
un moment donné la condition d'une terre, on recourait à
divers moyens de preuve : tantôt à la production d'actes
privés (aveux et hommages, pour les fiefs de formation
ancienne; reprises ou reconnaissances féodales, pour les
fiefs de création récente); tantôt à des dénombrements gé-
néraux (recognitiones feudorum), faits par le seigneur
pour tout le territoire qui dépendait de lui, et à l'occasion
desquels devaient comparaître devant ses officiers tous les
habitants de la seigneurie, détenteurs de fiefs ou d'alleux,
nobles et vilains, bourgeois et ecclésiastiques. Pour les
terres dont la condition était incertaine faute de titres, on
recourait à des présomptions qui variaient suivant les ré-
gions ; dans les pays de coutumes, la présomption était gé-
néralement en faveur de l'inféodation des terres (nulle terre
sans seigneur) ; dans les pays de droit écrit, elle était plu- -
tôt en faveur de Fallodialité (nul seigneur sans titre),
b. Etat des personnes. Dans la société féodale, il y
avait symétrie entre la condition des terres et l'état des
personnes. Aux trois classes de tenures correspondaient
trois classes sociales : les nobles, les roturiers, les
serfs (en comprenant dans cette dernière catégorie tous
ceux dont la condition est intermédiaire entre le servage
et la liberté); et de même qu'il existait à côté des tenures
proprement dites des terres libres rattachées par certains
liens à la hiérarchie du fief, de même, à côté de ces trois
classes de personnes, il y avait une classe privilégiée,
l'Eglise, qui, par certains côtés, constituait une société dis-
tincte, par d'autres était plus ou moins engagée dans la
société féodale (V. Classes sociales).
4° Classe noble. On a vu précédemment comment s'était
formée la noblesse féodale, au déclin de la monarchie ca-
rolingienne. Tout homme, quelle que fût sa naissance, qui
au plus fort de l'anarchie s'était senti capable, par sa for-
tune territoriale ou par son courage personnel, de protéger
un groupe d'autres hommes, était par là même devenu un
noble. La noblesse féodale eut ainsi dès l'origine pour ca-
ractère distinctif d'être à la fois terrienne et militaire :
pour être gentilhomme, il fallait d'abord posséder une terre
francher comme, l'alleu^ ou grevée seulement de services
nobles, comme le fief; il fallait ensuite se vouer au métier
des armes en devenant chevalier (miles, caverius). La
chevalerie (V. ce mot) était une vaste confrérie, sans
cadres fixes, dont les membres se soumettaient à certaines
règles de conduite et à certains devoirs professionnels. On
n'y était admis qu'après une initiation particulière, un
stage assez long et certaines épreuves personnelles, aux-
quelles s'ajoutèrent au xme siècle des cérémonies reli-
gieuses. Recevoir la chevalerie, c'était pour le noble faire
constater qu'il était apte à s'acquitter honorablement du
métier des armes. Un troisième caractère distinguait aussi
la noblesse des autres classes ; c'est qu'elle jouissait d'un
certain nombre de privilèges juridiques ou fiscaux : droit
de n'être jugé que par ses pairs dans la cour féodale du
suzerain, régime particulier en matière de succession, de
mariage et de minorité, exemption des tailles et de toutes
les taxes indirectes que payaient les roturiers et les serfs. —
Une fois constituée, la noblesse féodale transmit héréditai-
rement ses titres et ses privilèges. La qualité de gen-
tilhomme passa du père aux enfants (quelquefois même,
comme en Champagne, de la mère aux enfants); on fut
noble par la naissance, sans être chevalier ni possesseur
d'aucune terre, mais avec l'aptitude à devenir l'un et l'autre.
Toutefois la noblesse ne resta pas un corps fermé ; indé-
pendamment de la naissance, on continua d'acquérir comme
à l'origine la qualité de gentilhomme de deux façons : par
la concession d'une terre noble et par l'admission dans la
chevalerie. Beaucoup de roturiers entrèrent ainsi dans la
noblesse, au xieet au xne siècle, en récompense de services
de guerre ou autres qu'ils avaient rendus à leur seigneur.
FÉODALITÉ
212 —
Mais, au cours du xme siècle, l'accès de cette classe leur fut
presque entièrement fermé par une double restriction ;
d'une part la coutume s'établit que, pour être fait cheva-
lier, il fallait être noble dej)ar son père, et que seuls les
hauts barons et le roi pouvaient déroger à cette règle par
un acte souverain. D'autre part, lorsque l'usage eut per-
( mis au vassal d'aliéner librement son fief et que les rotu-
riers purent ainsi acquérir une terre noble sans le consen-
tement du suzerain, à la seule condition de payer le droit
de francs-fiefs ou de nouveaux acquêts, conformément à
l'ordonnance de 1275 (V. Fief), les cours féodales s'ému-
rent de voir la noblesse devenir chose vénale et refusèrent
peu à peu d'appliquer l'ancienne règle, d'après laquelle le
roturier devenait noble par l'acquisition d'un fief; mais
cette nouvelle jurisprudence ne fut transformée en loi pré-
cise et générale qu'au xvie siècle par l'ordonnance de 1579.
Il y avait dans la noblesse féodale différents degrés. Il
faut d'abord distinguer les nobles-chevaliers de ceux qui
ne l'étaient pas encore et qui, sous le nom d'écuyers, valets,
damoiseaux, restaient pendant quelques années, quelque-
fois toute leur vie, attachés au service d'un chevalier. 11
faut ensuite distinguer les nobles qui ne possédaient pas de
terres, de ceux qui détenaient une terre noble, et, parmi
ces derniers, ceux qui n'avaient aucun droit souverain, de
ceux qui étaient investis d'une seigneurie. Les nobles qui
ne possédaient pas de terres étaient ceux qui, descendant
d'une famille pauvre, remplissaient toute leur vie les fonc-
tions subalternes d'écuyers ou de valets auprès de nobles
plus fortunés, ou bien ceux qui avaient reçu en fief, au lieu
d'une terre, soit un office seigneurial de rang noble, soit
une pension viagère ou une rente perpétuelle à toucher sur
le trésor de leur seigneur (V. Fief). Les nobles pourvus
d'une terre sans seigneurie étaient les plus nombreux :
ils devaient à leur suzerain les devoirs du vassal et, s'ils
avaient sous-inféodé une partie de leur terre, pouvaient en
même temps exercer, à titre de suzerains, des droits féodaux
sur leurs propres vassaux. Enfin les nobles dont la terre
(alleu ou fief) était assortie d'une seigneurie formaient
l'élite de la classe. Entre ces derniers, la hiérarchie des
titres et des rangs a souvent varié de région à région, du
xie au xme siècle, et l'on ne peut établir de classification
qui ait une valeur générale et permanente. Voici, comme
exemple, d'après le plus ancien registre de Philippe-Au-
guste, la liste des différentes catégories de seigneurs qui
relevaient du roi de France au commencement du xmc siècle:
1° les ducs et les comtes; 2° les barons, qui comprenaient
des vicomtes et des seigneurs non titrés (domini); 3° les
châtelains; 4° les chevaliers bannerets (milites vexillarii,
bannerii); 5° les va vasseurs, hobereaux de condition infé-
rieure, dont on peut rapprocher les sergents fieffés (ser-
vientes), les voyers ou viguiers tenant fief (viarii, vicarii),
les bacheliers (bacalarii). Indépendamment de ces classi-
fications particulières, on donnait d'une façon générale,
depuis le xnc siècle, le titre de barons ou encore de pairs
de fief (pares infeodo) à tous les seigneurs possédant un
fief important, qui relevaient immédiatement du même su-
zerain, quel que fût d'ailleurs le titre spécial de leur sei-
gneurie respective. — La noblesse féodale se composait prin-
cipalement de seigneurs ou de nobles laïques ; mais elle
comprenait aussi, comme on le verra un peu plus loin, des
seigneurs ecclésiastiques et même certaines communautés
de bourgeois érigées en seigneuries.
2° Classe roturière. Toutes les personnes de condition
libre qui ne faisaient point partie de la noblesse par leur
naissance ou à un autre titre, composaient la classe rotu-
rière. Les unes étaient libres de naissance (quand elles
étaient issues d'un père libre ou serf, mais d'une mère
libre) ; les autres étaient d'anciens serfs qui avaient acquis
la liberté, soit par un affranchissement exprès, soit par un
acte qui, fait au vu et au su de leur maître, constituait un
affranchissement tacite (séjour d'une année dans une ville
de commune ou de bourgeoisie, dix ans de clergie, mariage
d'une serve avec un homme libre). La personne libre non pri-
. vilégiée (franc homme, homme depoeste), avait « franche
poeste de faire ce qu'il lui plaisait, excepté les vilains cas
et méfaits qui sont défendus entre chrétiens » ; elle pouvait
notamment choisir son domicile, se marier, acquérir deste-
nures roturières (les tenures nobles lui étaient même acces-
sibles sous certaines conditions précédemment indiquées),
enfin disposer de ses biens suivant les règles établies par
la coutume qui la régissait. Mais si tel était le droit théo-
rique, en fait leur indépendance dans les actes de la vie
civile était souvent limitée et gênée par la subordination
politique que leur imposait la classe noble. Si l'on excepte
le petit nombre de ceux qui possédaient des alleux, ils dé-
pendaient tous d'un seigneur, soit comme tenant de lui une
terre roturière, soit comme habitant ses domaines, soit
comme s'étant placés sous son avouerie ; et tant qu'ils res-
taient isolés, ils étaient à la merci de son autorité arbi-
traire, souvent oppressive. Ils ne commençaient à jouir d'une
certaine indépendance à son égard que lorsqu'ils faisaient
parti^ d'une association marchande, industrielle ou reli-
gieuse, et surtout quand ils étaient membres d'une com-
munauté municipale. A cet égard, la condition des hommes
libres des campagnes (vilains) était bien moins favorable
que celle des hommes libres des bourgs ou des villes (bour-
geois). Les premiers, le plus souvent groupés en petites
communautés rurales, avaient peine à résister à l'arbitraire
de leur seigneur ; soumis aux mêmes droits seigneuriaux que
les serfs, ils n'étaient guère plus libres qu'eux dans les actes
de la vie civile. Au contraire, les hommes libres des villes,
bourgs et villages qui avaient obtenu la franchise ou bour-
geoisie, et à plus forte raison ceux des villes de commune et
des villes consulaires, trouvaient dans la charte octroyée par
leur seigneur, non seulement un certain nombre de privi-
lèges administratifs, fiscaux ou politiques, mais aussi la
garantie de leurs droits civils (V. Commune).— Les roturiers,
considérés individuellement, pouvaient, sous certaines res-
trictions précédemment indiquées, devenir nobles soit par
l'acquisition d'un fief, soit par l'entrée dans la chevalerie.
Considérés collectivement, c.-à-d. groupés en communautés
municipales, ils formaient dans certains cas une véritable
seigneurie, qui prenait rang dans la classe noble. C'est ce
qui arriva pour les villes de commune et les villes consu-
laires au xne siècle : ces seigneuries collectives, représen-
tées par leurs magistrats municipaux, possédaient tous les
attributs et privilèges de la noblesse, détenaient des fiefs,
avaient une milice, acquittaient les devoirs de la vassalité,
exerçaient sur le territoire communal les pouvoirs législa-
tif, judiciaire, administratif et militaire (V. Commune).
3° Classe servile. Très nombreuse au début de la période
féodale, elle comprenait la plus grande partie de la popula-
tion ouvrière. En elle s'étaient fondues toutes les classes
inférieures delà monarchie franque : esclaves attachés à la
personne ou à la terre, lètes, colons, affranchis, coliberts;
elle comprenait aussi des personnes libres de naissance, qu'un
fait postérieur avait réduites à la condition servile. On
n'était donc pas seulement serf de naissance; on l'était aussi
(très souvent au xie et au xne siècle, rarement au xme)
par le séjour d'une année sur une tenure servile, par l'effet
, d'une condamnation en justice, ou par suite d'une aliéna-
tion volontaire de la liberté (oblatio). Quelle que fût leur
origine ou leur dénomination locale (servus, homo de ca-
pile, homo de corpore, nativus, Ugius), la condition de
tous les serfs était la même en un point essentiel : ils avaient
la personnalité juridique, par conséquent pouvaient avoir une
famille et un patrimoine ; c'est là ce qui les distinguait des
anciens esclaves. Mais sur eux pesaient de nombreuses in-
capacités et de lourdes charges, qui variaient de nom, de
forme "et d'étendue suivant les localités, et dont voici les
principales.— 1 ° Ils étaient généralement attachés à un do-
maine ou au territoire d'une seigneurie et pouvaient être
légués, vendus, échangés et partagés avec la terre, au
même titre que le bétail et les instruments de culture. Tou-
tefois le lien qui les attachait à la terre était plus ou moins
étroit : les uns, appelés serfs de corps et de poursuite, y
6243 —
FEODALITE
étaient fixés à perpétuelle demeure et, s'ils allaient résider
au dehors, leur maître avait le droit, dans le délai d'an et
jour, de les poursuivre et de les reprendre en tous lieux ;
les autres pouvaient aller habiter un domaine voisin, mais
à la condition qu'ils continueraient à payer au seigneur ori-
ginaire toutes les redevances et prestations corporelles dont
ils étaient tenus par leur condition servile ; d'autres enfin
n'étaient serfs que propter rem, à raison de la tenure ser-
vile qu'ils possédaient, et par conséquent pouvaient échap-
per au servage en abandonnant cette tenure, avec tout ou
partie de leurs autres biens. A côté des serfs-paysans atta-
chés à la terre, il y avait aussi les serfs-domestiques {ver-
naculi) qui remplissaient, au-dessous des serviteurs de
condition libre, les plus bas offices dans la maison seigneu-
riale, étaient soumis aux plus mauvais traitements et rap-
pelaient encore par bien des traits les esclaves de la période
franque. — 2° Les serfs ne pouvaient, sans le consentement
de leur seigneur, se formarier (foris maritarë), c.-à-d.
épouser une personne de franche condition, ou une personne
de condition servile dépendant d'une autre seigneurie, car
leur seigneur éprouvait un préjudice matériel en perdant
les enfants issus de ces unions, qui, suivant les cas, nais-
saient libres ou bien serfs d'un autre seigneur. Pour obtenir
cette autorisation, les serfs devaient payer, à titre d'indem-
nité, le droit de formariage ; s'ils se mariaient sans auto-
risation, ils encouraient une amende ou la confiscation de
tous leurs biens. Pour atténuer les effets rigoureux de ce
principe, on recourait auxme siècle à divers procédés, no-
tamment aux mariages par échanges, un seigneur permet-
tant à l'un de ses serfs de se marier dans une seigneurie
voisine, sous la condition de réciprocité. — 3° Les serfs
étaient mainmortables, c.-à-d., selon les coutumes plus sé-
vères, incapables de disposer de leurs biens de quelque
manière que ce fût, par vente, donation ou testament ; à leur
mort, tout ce qu'ils possédaient revenait au seigneur, leur
seul héritier. Toutefois de bonne heure cette rigueur s'adou-
cit ; au xme siècle on distinguait, à côté des mainmortables
de corps qui étaient frappés d'une incapacité absolue, les
mainmortables d'héritage, dont les immeubles seuls étaient
indisponibles, les mainmortables de meubles qui n'étaient
incapables que pour leurs biens mobiliers. Dans le midi de
la France, on admit facilement que les biens du serf pas-
seraient à ses héritiers en ligne directe, parfois même à ses
collatéraux, moyennant une indemnité. Dans d'autres ré-
gions, notamment en Auvergne et dans le Nivernais, où la
règle primitive fut maintenue, on la tourna au moyen des
communautés tacites ou taisibles (V. ce mot) : on admit
que la famille du serf dont tous les membres vivaient sous
le même toit, « à un même pain et pot », formaient une
personne civile, seule propriétaire des biens communs et
qui se perpétuait tant que durait la famille ; la mort d'un
de ses membres n'ouvrait donc aucune succession dont le
seigneur pût tirer profit. — 4° Enfin les serfs-paysans
étaient grevés de redevances nombreuses, dont les princi-
pales étaient le chevage (capitalis census), faible somme
que le serf payait tous les ans pour reconnaître sa dépen-
dance, la taille, qui était tantôt « à merci », tantôt limitée
à une somme fixe, et les corvées (corporis operœ, corro-
perœ). — De la condition des serfs on doit rapprocher celle
que la société féodale faisait aux aubains (V. ce mot), qui
devenaient mainmortables de la seigneurie où ils avaient
séjourné un an et un jour et aux Juifs (V. ce mot) qui,
depuis les croisades, étaient soumis à un certain nombre
de taxes spéciales, d'incapacités civiles et de formalités ad-
ministratives.
4° V Eglise avait une place à part dans la société féo-
dale. Au milieu de l'anarchie du ixe et du xe siècle, elle avait,
par sa forte organisation, par son autorité spirituelle, con-
quis dans la société une influence considérable, qui lui avait
permis non seulement de garder, mais d'élargir et d'exercer,
avec une pleine indépendance, les privilèges dont elle
jouissait déjà dans la monarchie franque. De toutes parts
les faibles avaient eu recours à sa protection, lui offrant
leurs personnes ou leurs biens. Ses tribunaux, généralement
préférés aux justices séculières, avaient étendu leur juri-
diction, non seulement sur toutes les affaires qui concer-
naient les clercs, mais sur une foule de questions intéres-
sant les laïques, en matière criminelle (crimes d'hérésie et
de sacrilège, délits d'usure et d'adultère) , comme en matière
civile (causes matrimoniales, filiation, testaments, contrats
confirmés par serments). Ses églises et ses communautés
régulières avaient considérablement accru leurs domaines
et souvent acquis, sur les habitants de leurs nouvelles
terres, des droits de souveraineté temporelle analogues à
ceux qu'ils exerçaient déjà dans leurs anciennes immunités.
Ses conciles s'assemblaient et légiféraient en pleine liberté.
Enfin, individuellement, les clercs avaient deux privilèges
principaux : celui de n'être justiciables en matière civile et
criminelle que des tribunaux ecclésiastiques {privilegium
fori) ; celui d'être exempts de la taille et généralement de
toute taxe personnelle ; ce qui rendait leur condition supé-
rieure à celle des roturiers. — Mais si l'Eglise formait, à
ces divers points de vue, une classe distincte et indépen-
dante, en même temps, par les vastes propriétés foncières
qu'elle possédait, elle se trouvait profondément engagée
dans les liens du régime féodal. Les établissements ecclé-
siastiques devinrent le centre de groupes féodaux ; les abbés
et les évêques, au nom des églises et des couvents, con-
cédèrent des fiefs, des tenures roturières et eurent des
vassaux et des tenanciers. Il se constitua ainsi, à côté de
la noblesse laïque, une noblesse ecclésiastique, composée :
1° d'archevêques et d'évêques, qui étaient, comme à Reims
et à Beauvais, ducs ou comtes de la cité dans laquelle ils exer-
çaient leur fonction épiscopale, ou bien qui partageaient
dans cette cité le pouvoir seigneurial avec un comte laïque,
comme à Nantes et à Chartres ; 2° de chapitres cathédraux
et d'abbés, gouvernant les biens temporels de l'église qu'ils
desservaient ou du monastère dont ils étaient les chefs. Leurs
titres nobiliaires et leurs privilèges étaient les mêmes que
ceux de la noblesse laïque ; seulement, au lieu de se trans-
mettre héréditairement de père en fils, la qualité de noble
était attachée à la fonction ecclésiastique et passait succes-
sivement, avec le bénéfice temporel qui en formait la do-
tation, à tous les titulaires élus canoniquement ou désignés
par leur supérieur spirituel. Mais, en fait, le haut clergé se
recrutait d'ordinaire parmi les plus puissantes familles de
la noblesse laïque, qui recherchaient pour leurs cadets ces
dignités ecclésiastiques ; de sorte que les seigneuries épis—
copales et abbatiales se perpétuaient souvent dans les mêmes
familles. Pris dans l'aristocratie laïque, mêlés aux luttes et
aux intrigues qui divisaient les membres de cette classe, les
abbés et les évêques gardaient les mœurs séculières, gou-
vernant eux-mêmes leurs terres et leurs hommes, prenant
à leur solde des hommes d'armes, fortifiant leurs demeures,
endossant même le haubert dans les guerres féodales. —-Si
par son entrée dans la noblesse, l'Eglise augmentait sa puis-
sance temporelle, en revanche les usages féodaux et les
exigences de la hiérarchie la soumettaient à des obligations
et à des charges qu'elle n'avait pas connues antérieurement.
En même temps que seigneurs, les dignitaires ecclésias-
tiques étaient aussi vassaux et devaient à ce titre, par eux-
mêmes ou par un représentant, tous les services féodaux.
Souvent même, les grands feudâtaires dont ils dépendaient
pour leurs terres prétendaient exercer sur eux, à titre de
protection, les droits qui avaient autrefois appartenu à la
royauté (garde, régale, investiture). L'inféodation s'était
étendue aux fonctions ecclésiastiques, comme aux droits tem-
porels des églises, et souvent les dîmes, les prébendes, les bé-
néfices passaient ainsi aux mains des laïques, avoués, vidâmes
ou autres barons. Enfin comme l'acquisition des tenures féo-
dales par des communautés qui ne mouraient pas et qui n'alié-
naient pas leurs biens lésait les seigneurs suzerains, en les
privant des droits de mutation qui étaient un de leurs prin-
cipaux revenus, les taxes d'amortissement, partout établies
par les coutumes féodales, restreignirent notablement la
liberté avec laquelle l'Eglise avait accru son patrimoine.
FÉODALITÉ
— 214 —
Régime politique; — Au point de vue politique, la
différence entre la monarchie franque et les temps féodaux
est encore plus frappante qu'au point de vue social. A
l'époque franque, c'est la royauté qui était le centre du gou-
vernement, c'est d'elle qu'émanait toute souveraineté, c'est
elle qui, en apparence du moins, dirigeait toutes les forces
sociales. A l'époque féodale, la souveraineté s'est partagée,
comme on l'a vu, entre d'innombrables seigneurs ; chaque
groupe seigneurial forme un organisme politique, vivant de
sa vie propre, ne se rattachant aux autres que par les liens
de la hiérarchie féodale ; il y a autant de gouvernements
distincts que de seigneuries. Le roi lui-même n'est qu'un
seigneur, plus élevé en dignité, mais parfois moins puis-
sant que les autres : par son caractère sacré, par ses pré-
rogatives honorifiques, par la mission que lui impose la
tradition monarchique, il domine la société féodale ; par les
conditions matérielles de son pouvoir, par ses moyens d'ac-
tion, par la composition de son domaine, il appartient à la
féodalité. La conséquence est que, pour connaître lerégime
politique de la France à cette époque, ce n'est point le gou-
vernement royal qu'il faut étudier, mais le gouvernement
seigneurial, dont toutes les institutions portent alors la
profonde empreinte. L'administration du domaine royal fut,
jusqu'au xme siècle, si fidèlement calquée sur celle des
grands fiefs, que, lorsqu'une de ces terres était réunie à ce
domaine, la personne du suzerain changeait seule ; la condi-
tion des habitants et les formes du gouvernement restaient
généralement les mêmes. Lorsque les villes de communes
et les villes consulaires obtinrent au xne siècle l'autonomie
politique, ce fut également sous la forme seigneuriale qu'elles
exercèrent leurs droits et leurs privilèges ; dans le gouver-
nement intérieur comme dans les relations avec leur suze-
rain ou avec le roi, elles imitèrent fidèlement les seigneu-
ries féodales qui les entouraient.
Dès que le pouvoir politique eut été ainsi partagé entre
les membres de la classe privilégiée, le caractère patrimo-
nial, que la souveraineté avait déjà dans les mains des mo-
narques francs, s'accentua encore et devint plus saisissant.
La justice, le droit de lever des troupes, de battre mon-
naie, de percevoir des impôts n'était plus seulement la pro-
priété d'un seul homme, qui en usait arbitrairement, mais
en qui se personnifiait du moins l'intérêt général : disper-
sés en une foule de mains, inégalement répartis et souvent
démembrés, cédés, vendus, légués avec les terres auxquelles
ils étaient incorporés ou quelquefois séparément exercés en
vue d'intérêts privés, tous ces droits souverains étaient de-
venus des objets de commerce, des sources de profits, des
biens identiques à tous ceux qui composaient le patrimoine
d'une famille ou d'un individu. Il en résulta une confusion
complète entre les règles du droit public et celles du droit
privé ; le gouvernement collectif des personnes ne se régla
plus que par les usages ou les contrats qui régissaient la
propriété foncière et les relations individuelles ; il varia
par conséquent suivant les localités ou suivant les classes.
Les coutumes locales ou régionales, les chartes de com-
munes, les ordonnances seigneuriales avaient pour objet de
régler aussi bien la condition politique et administrative que
la condition civile des personnes ou des biens qu'elles con-
cernaient.
Il importe, précisément, à cause de cette confusion de
l'ordre public et de l'ordre privé, de bien définir ce qu'on
doit entendre par régime politique dans la société féodale.
Tout seigneur, que ce fût un alleutier ou un feudataire,
possédait un certain nombre de droits qu'il exerçait, dans
les limites d'un territoire plus ou moins étendu, sur di-
verses classes de personnes. Le territoire d'une seigneurie,
aussi bien lorsqu'il était compact que lorsqu'il était mor-
celé et coupé d'enclaves, se composait ordinairement de
trois catégories de terres : les unes que le seigneur habi-
tait avec sa famille et ses gens, qui comprenaient son châ-
teau et ses résidences diverses, avec leurs dépendances en
maisons, jardins, prés, terres arables, vignobles, et qui
formaient les propriétés seigneuriales (dominicum, terra
indominicata) ; les autres qui étaient occupées par ses te-
nanciers urbains ou ruraux, mais dont il avait gardé l'ad-
ministration directe et qui formaient son domaine propre
(dominium) ; d'autres enfin dont il avait concédé la jouis-
sance et les droits, utiles à ses vassaux, sous l'obligation
d'hommage et de service noble, et qui formaient ses fiefs
(feoda) . Dans chacune de ces catégories de terres, il y avait
des nobles, des gens d'Eglise, des bourgeois et des vilains,
des serfs et d'autres mainmortables. Sur la plupart de ces
personnes le seigneur avait des droits, qui variaient non seu-
lement d'après leur condition sociale, mais d'après la na-
ture des services exigés d'elles. Une partie de ces droits
n'avaient pour objet que des services d'ordre privé (travaux
de culture, travaux industriels, fermages en nature ou en
argent) ; ils résultaient de contrats individuels ou d'usages
locaux relatifs à l'exploitation des terres; ils représentaient
le prix de la jouissance du sol concédé aux cultivateurs,
artisans ou tenanciers ; c'étaient des droits fonciers, qui
au fond n'avaient rien de féodal, car, en les exerçant dans
ses propriétés seigneuriales et dans son domaine privé, le
seigneur faisait acte de propriétaire ou de patron. D'autres
droits avaient pour objet des services qui, bien que deve-
nus patrimoniaux, étaient a l'origine d'ordre public : le ser-
vice de guerre, la comparution en justice, le payement
d'impositions fiscales, etc. ; au lieu de se rattacher à l'ex-
ploitation économique des terres, ces droits se justifiaient
par la protection que devait à ses subordonnés celui qui en
était investi ; en les exerçant, le seigneur faisait acte de
gouvernant. Tantôt ces droits naissaient librement du con-
trat de fief par lequel un noble s'engageait à acquitter ces
services au prix d'une concession de terres ou de biens in-
féodables ; c'étaient alors des droits féodaux. Tantôt ils
étaient imposés aux gens de la classe roturière par un usage
traditionnel dont l'origine remontait à une ancienne con-
cession royale, à une usurpation de pouvoirs régaliens, à
un acte de soumission volontaire on à un abus de la force ;
c'étaient alors des droits seigneuriaux. Ces deux dernières
catégories de droits, correspondant à des services d'ordre
public, constituaient seules, à l'exclusion des droits fon-
ciers, le pouvoir politique d'un seigneur. A la vérité, la ligne
de démarcation n'était pas toujours nette entre ces diffé-
rents droits. Surtout lorsqu'il s'agit de prestations person-
nelles et de redevances pécuniaires : il n'est pas toujours
aisé- de distinguer celles qui avaient un caractère foncier
de celles qui avaient un caractère seigneurial ; dues le plus
souvent par la même personne au même seigneur, elles
étaient facilement confondues en pratique, surtout à partir
du xme et du xive siècle. Mais, si délicate qu'elle soit, la
distinction n'en est pas moins importante, et apparaît dans
tout son jour chaque fois que le seigneur cède ses terres
en se réservant tout ou partie de son droit de souverai-
neté ; il retient alors les prestations et les redevances
qui sont exclusivement ou principalement seigneuriales;
il abandonne celles qui représentent le fermage ou la rente
du sol.
Chaque seigneur exerçait le pouvoir politique, comme on
vient de le voir, sous la double forme de droits féodaux
et de droits proprement seigneuriaux. Il l'exerçait sous
la première forme : 1° à l'égard des nobles laïques ou ec-
clésiastiques à qui lui-même ou ses prédécesseurs avaient
concédé en fief des terres ou des droits immobiliers ; 2° à
l'égard de ceux qui, sans être investis d'une terre, avaient
reçu de lui, à charge de vassalité, soit un office adminis-
tratif, judiciaire ou industriel, soit une rente ou une pen-
sion en argent, soit quelque droit démembré de la seigneu-
rie, soit quelque dîme ecclésiastique ; 3° dans ses rapports
avec les villes ou villages qui, ayant obtenu de lui une charte
communale ou consulaire, avaient été ainsi érigées en sei-
gneuries vassales. Il exerçait son pouvoir politique sous la
seconde forme à l'égard de la nombreuse population de ro-
turiers et de serfs qui habitaient les villes ou les campagnes
de son domaine propre. Quant à ceux qui habitaient sur les
fiefs de ses vassaux, ils échappaient à son pouvoir seigneu-
rial pour tomber sous celui du feudataire dont ils dépen-
daient directement; toutefois, il arrivait souvent qu'il se
réservât par le contrat de fief, une partie ou même la to-
talité de ses droits de justice ou de ses autres droits sei-
gneuriaux sur le fief concédé, et alors, dans les limites de
cette réserve, les roturiers et les serfs des terres inféodées
restaient sous son gouvernement direct. Il pouvait arriver
enfin que son pouvoir seigneurial s'étendît, non seulement
hors de son domaine propre, mais jusque sur les terres d'un
seigneur qui n'était point son feudataire, par exemple quand
il avait des droits de juridiction personnelle sur les bour-
geois ou les vilains d'une seigneurie étrangère qui s'étaient
recommandés à lui et placés sous son avouerie. Mais c'étaient
là des cas exceptionnels ; en règle générale les droits sei-
gneuriaux ne s'exerçaient que sur les gens du domaine
propre et c'est pourquoi les feudistes leur ont souvent donné
le nom de droits domaniaux. — C'est aussi sous la forme
de droits seigneuriaux que se manifestait la protection sou-
vent oppressive des seigneurs laïques sur les églises et les
communautés religieuses de leur domaine.
Les droits féodaux ayant une origine contractuelle étaient
d'ordinaire librement consentis ; le gouvernement de la classe
noble, fondé sur ces droits, était (au moins en principe), un
gouvernement libre, où les pouvoirs du chef étaient définis,
soit par un contrat individuel, soit parla coutume ; ses droits
étaient atténués par des devoirs correspondants; il devait,
pour garder son autorité, gouverner avec l'aveu de ses vas-
saux et dans leur intérêt. Au contraire, les droits seigneu-
riaux ou domaniaux avaient un caractère despotique et sou-
vent arbitraire. La plupart étaient, comme leur nom et leur
objet l'indique ordinairement, des restes du système doma-
nial que les propriétaires gallo-romains appliquaient dans
leurs villœ à la population de serfs ou de colons qui l'ex-
ploitaient, ou des débris du pouvoir administratif et fiscal
que les fonctionnaires de la monarchie franque exerçaient,
avec une âpreté toute romaine, sur les hommes libres
soumis à leur autorité. Sans doute, entre les mains des pro-
priétaires du ixe et du xe siècle, ces droits antiques s'étaient
souvent modifiés, mais leur caractère primitif avait persisté :
ils étaient établis dans l'intérêt exclusif du gouvernant et
ne profitaient directement qu'à lui et à ses agents admi-
nistratifs. En les exerçant, le seigneur exploitait ses
gens, comme il exploitait ses terres en exerçant ses droits
fonciers.
a. Gouvernement féodal. Tout vassal, en faisant hom-
mage et en jurant fidélité à son seigneur, lui promettait
service, aide et conseil (auxilium et consilium). Mais il
ne faudrait pas en conclure que les devoirs des vassaux et
les droits correspondants du seigneur fussent toujours et
partout les mêmes ; ils variaient suivant la nature du bien
concédé (terre, office ou pension) et, pour la même nature
de biens, les conditions particulières de chaque contrat dif-
féraient selon les exigences du seigneur, la puissance du
vassal ou les habitudes de la région. Toutefois, en ce qui
concerne les obligations essentielles, il s'était formé de
bonne heure, grâce à la jurisprudence des cours féodales et
à quelques règlements seigneuriaux, des usages communs
que l'on trouve universellement appliqués au xme siècle,
et il ne subsista de différences que pour les obligations ac-
cessoires ou pour la durée, la fréquence et la quotité des
services. Afin de simplifier l'exposé qui va suivre, on pren-
dra pour type la concession féodale la plus fréquente et la
plus caractéristique, celle qui avait pour objet un fief de
chevalier ou fief de haubert (feodum loricœ) ; les particu-
larités les plus saillantes des autres types seront signalées
au mot Fief.
Le service primordial et essentiel de vassal-chevalier était
le service militaire, car c'était, avant tout, pour avoir des
hommes d'armes que les seigneurs concédaient des fiefs. Ce
service comprenait d'une manière générale : 1° l'ost et la
chevauchée (exercitus et cavalcata), c.-à-d. l'obligation
de se rendre à l'armée du seigneur et de le suivre dans ses
expéditions militaires toutes les fois qu'on était régulière-
— 215 — FÉODALITÉ
ment « semons » ou convoqués; 2° la reddition des châ-
teaux (castra jurabilia et reddibilia) toutes les fois que
le seigneur l'exigeait pour organiser la défense du fief ou
par précaution contre un vassal dont il se défiait; 3° la
garde du château seigneurial (custodia, estage). Mais tous
les vassaux n'étaient pas également tenus de ces trois
obligations et n'y étaient pas astreints dans les mêmes
conditions. Les uns ne devaient l'ost et la chevauchée que
quarante jours par an, aux frais du seigneur, tantôt seuls,
tantôt avec une escorte de chevaliers qui variait suivant l'im-
portance du fief. Les autres (ceux qui étaient engagés par
l'hommage lige)^ devaient l'ost, à leurs frais, aussi long-
temps que durait la guerre entreprise par leur seigneur.
D'autres n'étaient tenus qu'à l'estage; d'autres même pou-
vaient se dispenser de servir en personne, moyennant une
subvention en argent, proportionnelle au nombre de che-
valiers qu'ils devaient fournir. A partir du xme siècle,
comme le service des vassaux détenteurs de fiefs en terres
était devenu insuffisant, la plupart des seigneurs multi-
plièrent les concessions de fiefs en argent, par lesquels ils
obtenaient des nobles de leur seigneurie (et surtout de ceux
qui dépendaient d'une seigneurie étrangère), moyennant une
rente ou une pension viagère, un service permanent d'au-
tant mieux assuré qu'il était soldé. — En second lieu, le
vassal devait le service de justice ou de « cour », c.-à-d.
qu'il était obligé, d'une part, de venir siéger, lorsqu'il en
était requis, à la cour de justice du seigneur, et d'autre
part de se soumettre, lorsqu'il était lui-même mis en cause,
au jugement de cette cour. Ce qui explique comment le vas-
sal pouvait être mandé à la même cour, tantôt comme juge,
tantôt comme justiciable, c'est le principe féodal, rigoureu-
sement appliqué aux nobles et quelquefois étendu aux ro-
turiers, que chacun devait être jugé par ses pairs (V. Cour
des pairs). La cour de justice du seigneur était donc
formée par la réunion de ses vassaux, pares in feodo; ce
n'était pas lui, c'étaient eux qui instruisaient l'affaire et
rendaient la décision ; il se bornait à les convoquer et à les
présider. Lorsqu'un de ces vassaux était cité en justice,
soit par un covassal, soit par le seigneur lui-même, il
comparaissait devant le tribunal formé de ses pairs, dont il
pouvait accepter ou fausser le jugement (V. Appel). Le
service de cour n'était dû habituellement que trois fois par
an, et, dans plusieurs cas prévus par la coutume, on pou-
vait s'en faire dispenser par une essoineou un contremand.
Le plus souvent, le seigneur ne convoquait à la fois qu'un
petit nombre de vassaux; quatre, trois et même deux suf-
fisaient pour rendre valable la composition de sa cour. —
Outre ces deux services, le vassal devait aussi « conseil »
à son seigneur, c.-à-d. qu'il était tenu de venir lui donner
son avis dans les circonstances importantes où le seigneur
jugeait à propos de le requérir, soit qu'il s'agît d'affaires
privées, soit qu'il s'agît d'une question administrative ou
politique intéressant la seigneurie. La réunion des vassaux
mandés ainsi pour le conseil se confondait en fait avec la
cour de justice, et le plus souvent le seigneur les convo-
quait à la fois pour juger et pour conseiller. C'est dans ces
conseils de vassaux que s'élaboraient les ordonnances gé-
nérales du suzerain, qui, pour être appliquées dans tousses
fiefs placés en sa mouvance, devaient être approuvés par
l'ensemble ou au moins par une partie du corps féodal. —
Enfin le vassal devait, sous le nom d'aide (auxilium, tal-
lia), des secours en argent, proportionnés à l'importance de
son fief et exigibles seulement dans certains cas détermi-
nés par la coutume, notamment quand le seigneur mariait
sa fille ou armait son fils chevalier, quand il était fait pri-
sonnier et devait payer sa rançon, quand il partait pour la
croisade, quand il allait a l'ost du roi, quand il achetait
une terre nouvelle, etc. De plus, le seigneur percevait sur
son vassal, au moment de l'hommage, un droit d'investi-
ture (cens féodal) ; à chaque mutation sucessorale dans la
tenure du fief, un droit de relief, rachat ou acapte; à chaque
aliénation, des droits de lods et ventes, de quint et requint
ou d'amortissement. Il avait aussi le droit de se faire
FEODALITE
- 216 -
défrayer, lui et ses gens, par tous les vassaux dont il traver-
sait les terres (gîte, procuration, albergue) ; c'était une
lourde charge que la coutume limita généralement à trois
gites par an, et qui était fréquemment convertie en contri-
bution pécuniaire.
L'acquittement par les vassaux des obligations qui viennent
d'être énumérées procurait au seigneur la plupart des ser-
vices nécessaires au fonctionnement d'un Etat : une armée,
des tribunaux, un conseil de gouvernement, des revenus
en argent. Pour en assurer l'exécution, la coutume féodale
avait, d'une part, attribué au seigneur d'énergiques moyens
de coercition, d'autre part, introduit dans le régime succes-
soral diverses règles destinées à maintenir la perpétuité et
l'intégrité des services. Les moyens de coercition étaient la
commise ou confiscation du fief et la saisie temporaire.
Lorsque le vassal se rendait coupable de félonie envers le
seigneur, soit en lui refusant l'hommage, le service militaire,
la comparution en justice, soit en prenant les armes contre
lui, soit en commettant des actes de brigandage dans la sei-
gneurie, la commise était prononcée par la cour féodale et
exécutée de vive force par le seigneur. Lorsqu'il s'agissait
de manquement simple à quelque service, le seigneur se
contentait de saisir le fief du vassal négligent et d'en per-
cevoir les revenus ; la commise n'intervenait que si l'irré-
gularité se prolongeait au delà d'un délai fixé, ordinaire-
ment Tan et jour. A ces moyens de coercition établis par
la coutume, le seigneur ajoutait quelquefois par prudence,
des sûretés conventionnelles (securitates) qui consistaient
en simples garants (plegii) ou en otages (obsides, ostaticï) :
ceux-ci s'engageaient, en cas où le vassal manquerait à ses
serments, à payer une somme déterminée et à se mettre
personnellement à la disposition du seigneur. — Le service
militaire et les autres services féodaux, qui étaient dus par
chaque vassal proportionnellement à l'importance de son
fief, ne pouvaient être pleinement remplis qu'à la double
condition que ce fief restât indivisible et que le vassal fût
par son sexe et son âge en état de porter les armes. Or,
depuis que la transmission héréditaire des fiefs était deve-
nue la règle universelle, trois circonstances compromet-
taient l'acquittement intégral et régulier de ce service :
c'était d'abord quand le vassal mourait en laissant plusieurs
héritiers, puis quand il laissait pour héritier une fille ou un
fils mineur. — 4° Dans le premier cas, la règle du partage
égal des biens entre les enfants avait été modifiée, vers la
fin du xne siècle pour les fiefs des chevaliers et au xme
siècle pour tous les fiefs territoriaux, par l'établissement
du droit d'aînesse en ligne directe. Ce droit, né dans les
coutumes anglo-normandes, fut appliqué avec rigueur dans
tous les grands fiefs du royaume et même dans les petits
fiefs de l'Anjou, de la Touraine, de la Bretagne, de la Nor-
mandie : l'aîné prenait la totalité du fief et restait seul
chargé des devoirs féodaux ; les puînés ne recevaient que
des pensions ou apanages. Mais dans la plupart des autres
provinces, l'aîné n'eut qu'un préciput, composé du manoir
paternel et de la moitié ou des deux tiers du fief ; le reste
était partagé entre les puînés. Sans doute alors le fief se di-
visait; mais, pour laisser intacts les droits du seigneur, on
eut recours à deux moyens; l'un, usité dans les pays cou-
tumiers, était la tenure en parage ou frérage, l'autre, fré-
quent dans les pays de droit écrit, était l'association des
cohéritiers : tous deux avaient pour conséquence la cosei-
gneurie. Dans le parage, le fief était réputé, au regard du
seigneur, être resté indivis entre les cohéritiers ; le vassal
était une personne collective formée par leur réunion et
représentée par l'aîné (chef parageur) qui rendait seul les
devoirs féodaux pour la totalité du fief; les cadets (apara-
geurs) n'avaient aucun rapport de vassalité avec le seigneur,
mais ils indemnisaient l'aîné, au prorata de leur part héré-
ditaire, des frais que lui imposait l'acquittement des de-
voirs féodaux. Dans l'association entre cohéritiers, il y avait
administration commune du fief, et les coseigneurs, pairs
entre eux {parierii) , s'entendaient pouracquitter collective-
ment ou alternativement les services féodaux dont ils étaient
tenus (V. Aînesse, Cadet, Coseigneur). — 2° Il arrivait
fréquemment que l'héritier d'un fief n'était point le fils, mais
la fille de l'ancien vassal, car le privilège de masculinité, en
vigueur dans les pays germaniques, n'avait pas prévalu dans
la France féodale, et n'avait laissé de traces au xme siècle
que dans les successions collatérales où, à degré égal,
les femmes étaient exclues par les hommes. Les droits du
suzerain n'étaient pas diminués par cette circonstance :
les services que la femme vassale ne pouvait acquitter elle-
même étaient remplis par un représentant. Mais nul ne
semblait mieux qualifié pour ce rôle que son mari, et le
suzerain, intéressé à ce qu'elle ne restât point fille et à ce
qu'elle épousât un bon chevalier, avait, suivant plusieurs
coutumes, le droit d'intervenir, soit pour la contraindre à
se marier, soit pour écarter un prétendant. — 3° Enfin
quand la succession s'ouvrait au profit d'un mineur qui ne
pouvait servir le fief, le seigneur reprenait la terre en sa
« garde » et l'administrait comme son domaine propre jus-
qu'à la majorité du vassal, ordinairement fixée à vingt et
un ans pour les hommes, à quinze ans pour les filles. Au
xmesiècle, la garde seigneuriale fut généralement remplacée
par le « bail » du plus proche parent, c.-à-d. que le père, la
mère ou un collatéral du mineur fut investi, en qualité de
baillistre, de la jouissance du fief, à charge d'acquitter les
obligations féodales (V. Bail).
On vient de voir comment, par l'exercice des droits féo-
daux, le seigneur obtenait de ses vassaux les divers services
qu'un chef d'Etat requiert de ses sujets. Mais ce n'était
point pour son profit exclusif qu'il disposait de ces pouvoirs ;
c'était aussi pour le profit de ses vassaux, envers qui le
contrat de fief lui imposait des obligations définies par la
coutume. Il devait avant tout garantir à chacun d'eux la
possession du fief dont il l'avait investi, en employant
au besoin, pour le défendre, toute la force du groupe féodal.
Il leur devait aussi la justice et était tenu, en cas de plainte
dirigée contre lui-même, de soumettre le procès au jugement
de sa cour. Outre ces devoirs positifs, il était encore tenu,
pour ne pas violer la foi du contrat, de respecter l'honneur
de son vassal, de ne pas lui imposer de redevances nou-
velles, de ne pas lui enlever frauduleusement ses hommes,
de ne pas construire de forteresses sur son fief sans son
consentement, enfin de ne pas aliéner sa propre sei-
gneurie sans l'agrément de ses vassaux réunis. Toute
déloyauté commise par le seigneur avait pour conséquence
la rupture du contrat de fief; le vassal devait alors porter
directement son hommage au suzerain du seigneur félon
(V. Félonie).
Dans le tableau sommaire qui vient d'être tracé du gou-
vernement féodal, on a supposé qu'il s'agissait de seigneurs
et de vassaux laïques. Les règles féodales étaient les mêmes,
en principe, quand il s'agissait de seigneurs ou de vassaux
ecclésiastiques; les mêmes aussi, quand la seigneurie suze-
raine ou vassale était une ville de commune ou une ville
consulaire. Seulement les évêques et les abbés acquittaient
d'ordinaire par représentants (vidâmes ou avoués) les ser-
vices dont ils étaient tenus, notamment le service de guerre,
et, dans les communes, c'étaient les magistrats municipaux
qui étaient chargés de ce soin.
Les contrats féodaux qui avaient pour objet la concession
d'un domaine foncier ou d'un droit réel (fiefs-terre) et
ceux qui consistaient dans l'assignation d'une rente ou pen-
sion pécuniaire (fiefs-argent) étaient principalement desti-
nés à procurer au seigneur la force militaire dont il avait
besoin pour la sécurité et la puissance de sa seigneurie.
C'est pourquoi l'obligation essentielle du vassal était alors
le service de guerre. Mais d'autres concessions féodales
(fiefs-offices) n'avaient pour objet que de procurer au sei-
gneur les fonctionnaires d'ordre administratif, judiciaire ou
financier dont il avait besoin pour le gouvernement des
gens de son domaine ou de ses vassaux : car la tendance,
qui imposait alors à toute propriété la forme féodale, s'éten-
dait aussi à tout office, à toute délégation d'autorité
(V. Fief). Dans ce genre de fief, l'obligation principale du
— 217 —
FÉODALITÉ
vassal n'était point le service militaire ; c'était l'accomplis-
sement de la fonction concédée , et quand l'objet de cette
fonction était réputé honorable et noble (ce qui avait lieu
pour tous les agents de l'administration supérieure), le titu-
laire jouissait des mêmes prérogatives que les autres vas-
saux, faisait partie de la cour des pairs, en devenait justi-
ciable et se trouvait soumis à toutes les aides féodales ; il
pouvait même, en cas de nécessité, être astreint à contri-
buer de sa bourse, sinon de sa personne, au service de guerre.
b. Gouvernement seigneurial ou domanial. S'il n'y
avait pas uniformité dans les droits qu'un seigneur avait
sur ses vassaux en vertu du contrat féodal conclu avec
chacun d'eux, la diversité était plus grande encore pour les
droits seigneuriaux qu'il exerçait sur les roturiers, sur les
serfs et à certains égards sur les communautés ecclésias-
tiques qui dépendaient de lui, soit dans son domaine propre
soit en dehors. Ces droits variaient suivant la coutume
locale et suivant le hasard des circonstances qui avaient
amené la formation de chaque seigneurie. La plupart des
seigneurs n'avaient, comme on l'a montré précédemment,
qu'une souveraineté incomplète, formée de droits épars,
inégaux ou partagés. Ceux qui avaient la pleine seigneurie
formaient l'exception : c'étaient quelques alleutiers, les
grands feudataires du royaume et un certain nombre de
vassaux de moyenne importance, titrés ou non, auxquels
on donnait le titre de barons, pour indiquer cette pléni-
tude de souveraineté ; « cascuns barons, dit Beaumanoir,
est souvrains en se baronnie ». Ces seigneuries complètes
avaient, pour marque extérieure de leur puissance militaire,
le donjon, tour fortifiée qui dominait le château seigneu-
rial ; pour signes matériels de leur puissance civile et ad-
ministrative, les fourches patibulaires et le pilori dressés
pour l'exécution des criminels, le sceau et la monnaie por-
tant l'effigie du seigneur. Si l'on prend l'une d'elles comme
type, pour étudier le gouvernement seigneurial, on voit en
effet que les droits dont elle était composée se rapportaient :
1° au pouvoir législatif et réglementaire ; 2° au pouvoir
judiciaire; 3° au pouvoir fiscal; 4° au pouvoir militaire.
En outre, il s'y joignait ordinairement un certain pouvoir
ecclésiastique.
1° Pouvoir législatif et réglementaire. Par des ordon-
nances qui portaient, comme autrefois les mandements des
rois et des comtes francs, le nom général de ban (ban-
num, proclamation publique et solennelle), le seigneur
réglait de son autorité privée et sans contestation possible
tout ce qui concernait la police de son domaine, l'adminis-
tration domaniale, l'usage des bois, des pâturages, des
eaux, des immeubles et des objets d'intérêt commun (bana-
lités), la tenue des foires, l'époque des moissons et des ven-
danges (banvin), la vente et le taux des denrées de première
nécessité, parfois même la condition civile des habitants.
2° Justice. Les seigneurs dont la compétence était la
plus étendue avaient le droit de juger souverainement et
sans appel, au civil, tous les procès relatifs aux personnes
et aux biens des roturiers ou des serfs de son domaine ;
au criminel, tous les délits commis sur le territoire de ce
domaine, soit par les roturiers et les serfs qui l'habitaient,
soit par les aubains qui s'y trouvaient accidentellement.
Ces larges pouvoirs prenaient le nom de haute justice
(justitia major, jus spatœ, jus sanguinis) ; on y oppo-
sait la basse justice qui appartenait seule à la plupart
des petits seigneurs, et qui ne leur donnait que le droit de
connaître des affaires les moins importantes, c.-à-d. des
délits qui n'entraînaient pas de peine afflictive et des pro-
cès civils où la duel judiciaire ne pouvait être employé
comme moyen de preuve. La haute justice du baron était
souvent limitée, non seulement par les droits de basse jus-
tice locale qu'il en détachait pour les inféoder à ses vas-
saux, mais aussi par les droits de justice personnelle que
d'autres seigneurs laïques ou ecclésiastiques avaient acquis
par avouerie sur les roturiers de son domaine ; en revanche,
il pouvait avoir pour justiciables hors de son domaine, dans
les fiefs de ses vassaux ou dans d'autres fiefs, les hommes
qui se plaçaient sous son avouerie personnelle. A la justice
seigneuriale du baron se trouvaient souvent réunis, indé-
pendamment de la juridiction féodale qui lui appartenait
sur ses vassaux nobles, des droits de justice foncière sur
ses tenanciers non nobles, car le principe féodal, d'après
lequel tout seigneur par qui est concédée une tenure immo-
bilière retient par devers lui, avec le domaine éminent, le
droit exclusif de connaître de toutes les actions relatives à
cette tenure, s'appliquait non seulement aux fiefs, mais
aussi aux censives et autres terres roturières. Lorsque la
tenure concédée à un roturier émanait, comme c'était le
cas ordinaire, du seigneur même dont il était déjà le justi-
ciable, la confusion était possible entre la juridiction fon-
cière et la juridiction seigneuriale, exercées toutes deux au
même tribunal et sur la même personne ; mais ces deux
justices se distinguaient, en fait comme en droit, lorsque le
seigneur de qui émanait la concession avait pour une rai-
son quelconque perdu sa juridiction seigneuriale sur le te-
nancier, ou réciproquement lorsque celui-ci devait sa tenure
non pas à son seigneur naturel, mais à un seigneur étran-
ger.— Les droits de justice étaient exercés sur les roturiers
tantôt par la cour féodale du seigneur, tantôt par le tribu-
nal de son bailli ou de son sénéchal. Celui-ci siégeait avec
l'assistance d'un conseil ordinairement composé de notables
ou de praticiens choisis par lui, et non des pairs de la
partie mise en cause. C'est seulement par exception que les
roturiers pouvaient invoquer le jugement de leurs pairs,
par exemple dans les localités où la coutume avait établi
cette règle pour les causes relevant de la justice foncière,
et dans celles où une charte municipale leur avait reconnu
ce privilège. Quant aux serfs, ils étaient jugés à merci par
le prévôt du seigneur. — La justice seigneuriale n'avait
aucunement le caractère d'un service public rendu aux jus-
ticiables ; c'était un droit patrimonial dont l'unique objet
était l'intérêt du seigneur, l'exploitation de ses subordon-
nés (expletabiles) ; c'était une source abondante de revenus
pécuniaires, et le caractère lucratif de la fonction s'était
accentué au point que le sens ordinaire du mot justitia,
au moyen âge, n'était pas celui de juridiction, mais de pro-
fit de justice.
3° Pouvoir fiscal. De tous les pouvoirs seigneuriaux,
c'était le plus important et celui qui prenaitjes formes
les plus variées. Il comprenait d'abord le droit de battre
monnaie, d'imposer à tous les gens du domaine l'usage ex-
clusif des espèces fabriquées dans les ateliers seigneuriaux
et de modifier à son gré le titre de ces espèces pour béné-
ficier du change. Il comprenait ensuite le droit de prélever
sur les tenanciers libres et serfs, en taxes et réquisitions
(exactiones), une portion considérable de leur avoir en
argent ou en nature, et d'exiger en corvées (servitia) une
part non moins grande de leur travail. Toutefois, il ne fau-
drait pas englober, comme on le fait ordinairement, dans la
catégorie des droits seigneuriaux tous les revenus pécu-
niaires et tous les services corporels que le seigneur exi-
geait de ses tenanciers. Comme on l'a déjà remarqué, une
partie de ces revenus et de ces services avaient le caractère
de droits fonciers, c.-à-d. de loyers ou de fermages : tels
étaient les cens, les champarts, terrages ou agriers, les com-
plants et vinages, les redevances sur l'habitation (masna-
gium) ou sur les troupeaux (bovagium, porcagium, etc.),
que devaient périodiquement au seigneur les possesseurs
de tenures roturières ou de manses serviles ; tels étaient
encore les divers travaux (corvées de labour, de moisson,
de fenaison, de charroi, d'entretien des bâtiments) faits
par eux sur la partie du domaine réservée au seigneur
(indominicatum) . Ces droits, calculés sur la valeur de la
terre exploitée, étaient l'équivalent de la jouissance concé-
dée au tenancier. D'autres droits avaient eu à l'origine le
même caractère, mais s'étaient peu à peu altérés ou exagé-
rés, au point de faire disparaître l'exiguïté du service rendu
au tenancier sous Ténor mité de l'exigence fiscale : tels
étaient les banalités, c.-à-d. le droit d'obliger les gens du
domaine à se servir des fours, moulins et pressoirs du sei-
FÉODALITÉ
gtieur et d'en payer l'usage (furnagium, molta, presso-
raticum), le monopole de la vente du sel {gabelle), les
droits correspondant aux concessions de jouissance dans
les forêts, les pâturages ou les eaux (forestagium, pas-
cuagium, piscagium), les droits de banvin (bannum
vint) ; tels encore les droits sur les foires et marchés où
le seigneur louait ses boutiques et ses halles (jus mercati,
feriœ), les péages et douanes (pedagium, teloneum)
établis d'abord pour subvenir à l'entretien des voies de
communication, mais qui étaient promptement devenus des
impôts sur la circulation des voyageurs et des marchan-
dises. Enfin, il y avait des droits (et c'était le plus grand
nombre) dont le caractère était exclusivement fiscal, qui
se justifiaient en apparence par la protection du seigneur,
mais .dans lesquels on ne doit voir que des formes de
l'exploitation administrative. On peut les ranger en plusieurs
catégories: d° taxes établies directement sur les personnes:
taille ordinaire (tallia, questa, exaciio), taille extraordi-
naire ou éventuelle, analogue à l'aide féodale (tallia, auxi-
liwri), chevage et formariage perçus seulement sur les
serfs (capitalis census, forismaritagium) ; 2° droits de
mutation : lods et ventes (laudationes, ventœ), quint
(quintus denarms), relief ou rachat (relevium, retroa-
capita), mainmorte sur les successions serviles (manus
rnortua), droits sur les successions des aubains et des
bâtards (albanagium, bastardagium) , sur les biens va-
cants) escaduta, eschoites) ; 3° droits sur l'industrie et
sur le commerce : hauban (halbannum), droits sur la vente
des maîtrises, des denrées, des vêtements et ameublements,
sur le commerce de l'argent, etc. ; 4° droits administratifs
et de police : sceau, greife et tabellionat (sigillatus, tabel-
lionatus), sauvegarde et commandise (custodia, salva-
mentum, commendatio, conductus) ; 5° droits de jus-
tice : amendes pour crimes et délits (forisfacta, leges,
emendœ), confiscations (commissum), frais de procédure
(expleta) ; 6° prestations diverses ; hospitalité forcée due
au seigneur, à ses gens et à ses bêtes (gistum, procura-
tion cœna, pastus) ; droit de prise exercé sur les objets
dont le seigneur avait besoin dans ses résidences ordi-
naires (prisia, exactio) ; 7° droits de chasse sur les terres
cultivées et autres réserves (forestœ, garennes) ; 8° enfin
toutes les corvées qui n'avaient point le caractère de droits
fonciers : services personnels (manoperœ), services de
transport (carroperœ). Toutes les ressources qu'il tirait
de ces revenus divers, le seigneur les appliquait à son profit
exclusif, à la culture de ses terres, à ses dépenses person-
nelles, à ses guerres ou à ses plaisirs. Il ne les affectait à
quelque dépense d'intérêt général (construction de routes,
de ponts, d'églises, etc.) que s'il y trouvait un profit direct
(V. Corvée).
4° Pouvoir militaire. Bien que les roturiers n'eussent
pas le droit déporter les armes en temps ordinaire, l'inté-
rêt supérieur de la défense du fief ou même les exigences
d'une guerre offensive amenaient souvent le seigneur à
requérir d'eux le service militaire, et il paraît certain qu'il
en était de même pour les serfs dans certaines localités.
Comme le service militaire des nobles, celui des roturiers
consistait principalement dans l'ost et la chevauchée ; mais
comme ce n'était pour eux qu'une obligation secondaire,
ils pouvaient toujours se faire représenter par un serviens
idoneus, et parfois obtenir leur exemption à prix d'argent.
En outre, ils devaient faire le service de guet (guaita,
escarguaita) dans les châteaux et les enceintes fortifiées,
et travailler à la réparation des murs ou payer le droit cor-
respondant (muragium).
Pendant le xe et le xie siècle, les pouvoirs qui viennent
d'être énumérés furent presque partout exercés par les
seigneurs de la façon la plus arbitraire; la coutume, qui
leur donnait quelque régularité, ne liait le seigneur qu'au-
tant qu'il le voulait. Toutefois, lorsqu'il entendait bien son
intérêt, il n usait pas de son pouvoir avec trop de rigueur,
et « relâchait par degrés les mailles du rets où ses vilains
et ses serfs travaillaient mal, parce qu'ils étaient trop ser-
218 —
rés ». Par exemple, au lieu d'exiger les tailles à volonté et
à merci (ad misericordiam), il consentait à ne les lever
qu'à des époques fixes (ex consuetudine), ou même les
transformait en redevances régulières et fixes, dont les
vilains et les serfs pouvaient s'acquitter par abonnement,
ou qu'ils pouvaient racheter au prix d'un capital une fois
payé. D'autre part, auxne siècle, les habitants des villes et
villages qui avaient réussi à se grouper en communautés
municipales, acquirent ainsi une force collective qui leur
permit démettre un terme à l'arbitraire en se faisant concé-
der des chartes de franchises. Ces chartes, que les seigneurs
octroyèrent par calcul ou vendirent à la plupart des com-
munautés urbaines et à bon nombre de communautés ru-
rales, avaient pour objet principal de fixer invariable-
ment et souvent de réduire les pouvoirs seigneuriaux à
l'égard des membres de la communauté. Au milieu d'infi-
nies variétés, voici les clauses qui revenaient habituelle-
ment. En matière fiscale, on substituait les redevances
réglées ou abonnées aux taxes arbitrairement perçues et
aux services corporels ; on supprimait souvent les tailles,
les corvées et les prestations; on diminuait les redevances
directes en argent et en nature ; mais les péages, les douanes,
les banalités, les droits sur les métiers et les ventes étaient
plutôt multipliés. En matière judiciaire, létaux des amendes
était abaissé; une partie delà juridiction (ordinairement la
basse justice) était abandonnée aux officiers municipaux.
En matière militaire, le service était réduit dans sa durée
et pouvait être converti en taxe. Ces mêmes privilèges se
retrouvaient dans les chartes de fondation des villes neuves.
Ainsi, à l'égard des bourgeois de ces villes, l'exploitation
seigneuriale se trouvait en droit, sinon toujours en fait,
notablement limitée et adoucie. Elle ne gardait un carac-
tère rigoureux et arbitraire qu'à l'égard des vilains non
privilégiés et des serfs ; encore y avait-il beaucoup d'at-
ténuations locales ou individuelles. Enfin, lorsque sur le
territoire d'une baronnie, une ville parvenait à s'ériger en
commune, le baron ne se bornait plus à reconnaître aux
habitants de cette ville un certain nombre de franchises ;
il abandonnait à la communauté, considérée comme per-
sonne collective, une partie de la souveraineté ; elle deve-
nait, elle aussi, une seigneurie, vassale de celle dont elle
était détachée. Mais ce partage delà souveraineté s'accom-
plissait, suivant les régions, dans les conditions les plus
variées : tantôt la commune devenait pleinement indépen-
dante; maîtresse de son sol, investie de tous les pouvoirs
souverains, c'est elle qui, représentée par ses magistrats
élus, exerçait sur ses habitants, à l'exclusion du baron, le
pouvoir législatif, judiciaire, fiscal et militaire. Tantôt, au
contraire, le baron gardait une partie de ces droits souve-
rains, notamment des droits de justice et le droit de battre
monnaie (V. Commune).
Jusqu'à présent il n'a été question du gouvernement sei-
gneurial que dans les rapports du seigneur avec les rotu-
riers et les serfs de ses domaines. Mais ce gouvernement
s'étendait aussi à certains égards sur les gens d'Eglise.
Considérés individuellement, les clercs, qui étaient exempts
du service militaire, libres d'impositions, justiciables des
tribunaux ecclésiastiques, échappaient à l'autorité des ba-
rons. Mais sur les églises et les monastères, les princi-
paux seigneurs laïques prétendaient exercer, chacun dans
les limites de sa seigneurie, les pouvoirs ecclésiastiques
qui avaient autrefois appartenu à la royauté franque.
Les hauts feudataires, dans le duché ou le comté desquels
était situé un évêché, s'arrogeaient le droit de nommer
l'évêque ou au moins de le désigner au choix des chapitres ;
le droit de l'investir de sa fonction ou de son bénéfice sous
la condition d'un hommage spécial, qui n'établissait pas
entre eux un lien proprement féodal, mais qui imposait à
l'évêque la fidélité personnelle; enfin le droit d'exercer
à sa mort la régale sur le temporel de l'évêché. De
même la plupart des barons revendiquaient le droit de
nommer et d'investir les abbés des monastères situés sur
leurs terres, d'exercer sur l'abbaye le droit de garde, qui
— 249
FEODALITE
donnait lieu à un cens annuel, et le droit de gîte. Enfin bien
des seigneurs possédaient, soit en vertu de leur avouerie ou
de leur patronage, soit par suite d'une inféodation, le droit
de percevoir, sur une partie des églises de leurs domaines,
les dîmes et autres revenus paroissiaux. La réforme du
clergé régulier et du clergé séculier, entreprise par les
papes du xie et du xne siècle, eut pour effet de limiter à
certains égards, mais non de supprimer le pouvoir des
barons en matière ecclésiastique.
c. Evolution politique et organisation administra-
tive des grandes seigneuries. On a déjà remarqué combien
étaient inégalement partagées entre les seigneuries la puis-
sance territoriale et les prérogatives souveraines, et l'on a
vu que dès les premiers temps de la féodalité un classement
de fait s'était opéré entre les grandes baronnies laïques et
ecclésiastiques jouissant de tous les droits régaliens (duchés,
comtés, vicomtes de premier ordre), et les petites seigneuries
beaucoup plus nombreuses, mais n'ayant que des pouvoirs
limités (châtellenies, vicomtes de second ordre, vigueries,
vidamies et avoueries). Ce n'est pas seulement au point de
vue du groupement féodal et des rapports de dépendance et
de protection réciproques que cette distinction avait de l'im-
portance, c'est aussi au point de vue de l'évolution politique
et de l'organisation administrative de chaque seigneurie.
1° Les grandes baronnies, quelle que fût leur origine, ap-
partenaient au xue siècle à de puissantes familles féodales,
solidement établies dans les provinces, qui avaient assuré
l'indivisibilité de leur pouvoir et de leur domaine par l'éta-
blissement du droit d'aînesse, la perpétuité de leur dynastie
par l'habitude d'associer d'avance l'héritier présomptif à
l'exercice du pouvoir ducal ou comtal. Toutefois, dans l'in-
térieur de leurs domaines, ces barons avaient affaire à un
grand nombre de vassaux puissants et riches, souvent tur-
bulents et rebelles, dont ils se faisaient difficilement obéir.
Au xie siècle, la plupart d'entre eux n'avaient d'autorité réelle
que là où ils possédaient un comté et un domaine direct.
Mais, au xne siècle, il se produisit dans presque toutes
les baronnies et principalement dans les groupes laïques
de premier ordre (duchés de Normandie, de Bourgogne,
d'Aquitaine ; comtés de Flandre, de Champagne, de Bretagne,
d'Anjou, de Toulouse) une sorte de centralisation politique.
Les ducs et les comtes essayèrent de restaurer à leur profit,
dans les limites de leur suzeraineté, l'unité de gouverne-
ment que leurs ancêtres avaient travaillé à détruire dans le
royaume carolingien. Ils accrurent leur domaine propre par
des conquêtes ou des achats, transformèrent en un terri-
toire compact leurs possessions dispersées, établirent des
règlements généraux, firent la police l'épée à la main,
détruisirent les châteaux des feudataires qui se refusaient
aux devoirs de la vassalité, s'appuyèrent contre eux sur le
clergé et les communautés populaires, s'acquittèrent en un
mot, dans leur seigneurie, de la tâche qu'un siècle plus
tard la royauté remplira à son profit dans tout le royaume.
Il en résulta qu'à la fin du xne siècle toutes ces grandes
baronnies formaient de véritables Etats féodaux, des unités
provinciales, où le pouvoir politique fonctionnait avec plus de
régularité que partout ailleurs et qui étaient pourvus d'une
organisation administrative dont voici les traits essentiels.
Elle se composait, comme toute administration monar-
chique, de fonctionnaires chargés du gouvernement central
et d'agents préposés au gouvernement local. Les uns et les
autres exerçaient d'ailleurs à l'égard des vassaux aussi bien
que des gens du domaine le pouvoir qui leur était délégué ;
ils représentaient le baron à la fois dans le gouvernement
féodal et dans le gouvernement domanial. — L'administra-
tion centrale se confondait, comme à la cour des souverains
carolingiens et capétiens, avec l'intendance de la maison
seigneuriale. Elle était partout confiée à quatre ou cinq
grands officiers (ministeriales) : le sénéchal, le conné-
table, le chambrier, le bouteiller et le chancelier (V. ces
mots). Le sénéchal avait ordinairement l'office le plus im-
portant ; il représentait le baron dans l'exercice de tous
ses pouvoirs, dirigeait la justice et l'administration locale,
commandait l'armée, exerçait la haute police du fief, avait
la surveillance des domaines privés et présidait aux services
domestiques de la maison seigneuriale. Les autres officiers
pouvaient aussi être chargés exceptionnellement de ces
attributions générales, mais ils étaient plus spécialement
préposés, le connétable à l'armée, le chambrier à la garde
du trésor, le bouteiller au service de la table et à l'entre-
tien des vignobles, le chancelier à la garde du sceau et à
la direction des notaires, chapelains et clercs. Les quatre
premiers offices se distinguaient du dernier à plusieurs
égards : ils étaient toujours tenus par des barons laïques
(tandis que le cancellariat était confié à un clerc, ordinai-
rement au premier chapelain du seigneur) ; ils étaient con-
cédés sous forme de fiefs pour lesquels les titulaires prê-
taient hommage ; ils conféraient à ceux qui en étaient
revêtus la propriété de certains domaines et la jouissance
de droits utiles, à prélever notamment sur les corporations
et les communes ecclésiastiques ; ils étaient devenus le plus
souvent héréditaires dans la même famille. Indépendam-
ment de leurs fonctions comme agents de l'administration
seigneuriale, les grands officiers faisaient partie de la cour
féodale, au même titre que les vassaux dont ils étaient
réputés les pairs, et prenaient part avec eux aux délibéra-
tions politiques et judiciaires de la cour (V. Cour des pairs).
Souvent même, dans les baronnies où dominaient les ten-
dances autoritaires, et où les cours plénières étaient rare-
ment convoquées, ils formaient avec quelques vassaux
dévoués une sorte de conseil privé, qui prenait sous l'ins-
piration directe du seigneur les principales mesures d'ad-
ministration générale et s'efforçait de les imposer au corps
féodal tout entier.
Au point de vue de l'administration locale, l'ensemble
du territoire (domaine propre et fiefs) était divisé en un
certain nombre de circonscriptions urbaines ou rurales, à
chacune desquelles était préposé un représentant du sei-
gneur. Ces officiers portaient, suivant les régions, des
noms variés, parmi lesquels dominent celui de prévôt (prœ-
positus) pour la France du Nord, celui de baile (bajulus)
pour la France du Midi. On les appelait plutôt châtelains
en Champagne et en Bourgogne, vicomtes en Normandie,
baillis ou châtelains en Flandre, baillis ou sénéchaux en
Bretagne et en Dauphiné , viguiers en Béarn et dans le
comté de Toulouse : dans ces pays, il importe de ne pas
confondre ces agents administratifs avec les petits sei-
gneurs féodaux qui portaient les mêmes titres, et qui étaient
les héritiers plus ou moins authentiques des agents subal-
ternes anciennement établis dans les comtés carolingiens.
Les prévôts, bailes et autres officiers analogues étaient,
dans le principe, de simples fermiers des revenus du do-
maine, des intendants chargés de percevoir, en retenant
une quote-part pour leur profit, les aides, reliefs, cens,
redevances, tonlieux, péages et autres revenus féodaux ou
domaniaux, qui constituaient l'actif du budget seigneurial.
Mais leurs droits fiscaux entraînaient, par voie de consé-
quence, le droit de veiller à la bonne exploitation des terres,
ainsi qu'à la police des chemins, cours d'eau, foires et
marchés où se percevait la plus grande partie des revenus,
le droit de contraindre par les voies de rigueur les récal-
citrants qui refusaient de payer, enfin le droit de disposer
des forces militaires pour assurer l'exécution de leurs
ordres et de leurs sentences. Ils joignaient ainsi partout, à
la ferme des revenus, des attributions administratives,
judiciaires et militaires, qui s'étendaient facilement au delà
de ce qu'exigeaient les perceptions fiscales et qui faisaient
d'eux, à tous les points de vue, les représentants directs
de l'autorité baronniale. Leur office affectait, comme celui
des grands officiers, la forme féodale et leur était concédé,
à charge d'hommage s'ils étaient nobles, à charge de fidé-
lité s'ils étaient roturiers ; souvent, malgré la résistance
du seigneur, il était devenu héréditaire dans la même fa-
mille. A la fois fermiers et feudataires, presque seigneurs
eux-mêmes, les prévôts et les bailes abusaient volontiers
de leur pouvoir illimité ; indépendamment de leur part dans
FÉODALITÉ
— 220 —
les revenus seigneuriaux, ils exigeaient des gens du do-
maine des redevances supplémentaires, des taxes ou des
corvées arbitraires, qui rendaient plus lourde et plus
odieuse encore l'exploitation domaniale (V. Domaine
royal). Au-dessous de ces officiers et sous leurs ordres, il
y avait un nombre variable d'agents subalternes, eux aussi
fermiers inamovibles, qui représentaient l'autorité seigneu-
riale dans les villages ou les petits domaines ruraux (doyens,
maires, voyers, sergents, bedeaux, messiers,etc), ou qui
étaient chargés de services spéciaux (gruyers, forestiers,
monnayers, receveurs de péages, gardes des foires, cla-
vaires, etc.).
A la fin du xne siècle et au commencement du xme,
quand les domaines seigneuriaux se furent agrandis et que
le gouvernement se compliqua, ce système d'administration
locale devint insuffisant. Entre l'administration centrale
et les sujets répartis dans les prévôtés, il n'y avait pas de
lien, et le haut baron était obligé, pour contrôler ses
agents, de parcourir sans cesse ses domaines. Le sénéchal
et autres grands officiers qui pouvaient le remplacer dans
ce rôle, lui inspiraient souvent une défiance justifiée. Enfin
les abus de pouvoir et les actes d'indépendance que com-
mettaient les prévôts, surtout quand ils étaient devenus
inamovibles, rendaient une réforme nécessaire. Cette ré-
forme fut partout réalisée, probablement à l'exemple de ce
qui se passa dans le domaine royal sous Philippe-Auguste,
par la création d'une nouvelle série d'officiers adminis-
tratifs, hiérarchiquement supérieurs aux prévôts, chargés
de contrôler chacun les affaires d'un certain nombre de
prévôtés et de rattacher ainsi ces circonscriptions au centre
de la seigneurie. Ces officiers, pris d'ordinaire dans la pe-
tite noblesse, s'appelaient baillis dans la plupart des
régions, sénéchaux dans l'Anjou, le Poitou, la Guyenne
et le Languedoc. Investis de pouvoirs étendus pour la po-
lice des domaines, la surveillance des prévôts, la centra-
lisation des revenus, la conduite de l'armée, la tenue des
assises judiciaires, ils dirigeaient toute l'administration
locale, à l'exclusion du sénéchal et des autres grands offi-
ciers, dont les pouvoirs devinrent ainsi honorifiques pour
tout ce qui ne concernait pas les services de la maison
seigneuriale. Délégués temporairement dans leurs fonc-
tions et toujours amovibles, les baillis et sénéchaux restaient
sous l'autorité effective et sous la main du baron.
2° De l'évolution politique et de l'organisation adminis-
trative des petites seigneuries, il y a peu de choses à dire.
Chacune d'elles se trouvant placée dans des conditions dif-
férentes, eut son développement particulier. On peut seule-
ment remarquer que les vidamiesetles châtellenies, établies
dans les villes épiscopales ou dans celles qui s'érigèrent en
communes, furent au xne siècle vigoureusement combattues
parles évèques ou par les bourgeois dont la seigneurie était
rivale de la leur, et depuis cette époque allèrent en décli-
nant. Il en fut de même des vicomtes de second ordre qui,
enclavées dans de grandes seigneuries, furent souvent absor-
bées par elles ; et l'on voit des vicomtes devenir les offi-
ciers subalternes du haut baron qui les avait dépouillés de
leur souveraineté. Quant aux avoués, dont on connaît le
rôle oppressif et les usurpations, ils tombèrent en pleine
décadence au xme siècle ; tantôt les abbés rachetèrent leur
avouerie ; tantôt les hauts barons et le roi de France, s'attri-
buant d'une manière exclusive la protection des abbayes,
enlevèrent aux avoués les droits et les possessions dont ils
s'étaient abusivement emparés. Pour l'administration de
leurs terres, les petites seigneuries suivaient, toute propor-
tion gardée, le système pratiqué par les barons dans leurs
grands domaines, c.-à-d. qu'ils les affermaient à des pré-
vôts, sergents ou autres agents subalternes, chargés de
percevoir les revenus et d'exercer les autres droits de leur
seigneur sur les petits vassaux et les tenanciers de ces
terres.
d. Rapports des seigneuries entre elles et avec le roi.
Jusqu'à présent on a étudié le régime politique de la société
féodale en considérant chaque seigneurie comme un petit
Etat, isolé des autres et se suffisant à lui-même, puisqu'il
était pourvu des organes essentiels à un gouvernement régu-
lier. Il s'agit maintenant de voir quels liens et quels rap-
ports de hiérarchie rattachaient entre elles les nombreuses
seigneuries dont se composait la France féodale. Il semble
tout d'abord qu'il n'y ait point de question plus simple à
résoudre. De deux choses Tune, en effet: ou bien les sei-
gneuries étaient des alleux, c.-à-d. des terres franches ne
dépendant d'aucun pouvoir supérieur, et alors elles restaient
politiquement isolées des autres terres souveraines n'ayant
avec elles que des rapports analogues aux rapports inter-
nationaux. Ou bien les seigneuries étaient des fiefs, rele-
vant, chacun sous les conditions ordinaires de la vassalité,
d'une seigneurie suzeraine, et alors le lien politique qui les
unissait à cette dernière n'était autre que le contrat féodal
dont on connaît les éléments essentiels. Dans ce dernier
cas (qui était de beaucoup le plus fréquent) chaque seigneur
était à la fois souverain dans ses rapports avec ses feuda-
taires et Jes gens de son domaine, vassal dans ses rapports
avec son suzerain immédiat. Sur les premiers il exerçait
les droits féodaux et domaniaux ; envers ce dernier, il était
tenu de remplir les obligations vassaliques et de mettre
à son service, dans la limite de ces obligations, toute la
puissance dont il disposait sur ses propres domaines. Les
fiefs étaient ainsi rattachés les uns aux autres, non par des
liens fédératifs, mais par des liens de subordination réci-
proque, et formaient une vaste hiérarchie remontant des
fiefs inférieurs aux fiefs supérieurs qui eux-mêmes relevaient
du roi. Les rangs supérieurs de cette hiérarchie étaient occu-
pés par les duchés, les marquisats et les comtés, puis
venaient les vicomtes, les baronnies, les châtellenies, les fiefs
de chevaliers, enfin, en dernière ligne, les fiefs non titrés.
Il en résultait une organisation politique ayant pour carac-
tère particulier, que chaque suzerain (et par conséquent le
roi qui était le suzerain supérieur) n'exerçait en dehors de
son domaine d'autorité directe que sur la personne de ses
vassaux immédiats, et non sur celle des tenanciers nobles
ou roturiers qui dépendaient de ces derniers. Tel est le
système qui semble résulter logiquement des principes féo-
daux, et qui fut effectivement érigé en doctrine par les juristes
du xme siècle (V. le Livre de jostice et de plet).
Mais, en fait, il s'en faut de beaucoup que l'organisation
féodale, surtout avant le xme siècle, ait été aussi simple
et aussi régulière. D'abord entre les alleux et les fiefs le
contraste n'était pas, au point de vue de l'indépendance
politique, aussi tranché qu'on pourrait le croire. Si les
alleutiers échappaient à l'action du seigneur dans le terri-
toire duquel leurs alleux sont situés, ils étaient soumis dans
une certaine mesure au suzerain régional, roi, duc ou comte,
à qui ils devaient, non pas l'hommage, mais la fidélité, dont
ils reconnaissaient la haute juridiction, et qui pouvait parfois
exiger d'eux un service militaire restreint. — En ce qui
concerne les fiefs, la subordination réelle des terres ne cor-
respondait pas le plus souvent à l'ordre des titres que l'on
vient d'indiquer, et c'était la puissance effective de chaque
seigneur, bien plutôt que sa qualification nobiliaire, qui
déterminerait son rang dans la hiérarchie féodale. Ainsi
les comtes de Flandre, de Toulouse ou de Poitiers mar-
chaient de pair avec les ducs de Bourgogne ou de Norman-
die ; le vicomte de Carcassonne avait, parmi les vassaux du
comte de Toulouse, un rang supérieur à celui du comte de
Foix ; et les sires de Bourbon avaient des comtes pour
vassaux. C'est seulement au xme siècle que l'on voit appa-
raître dans quelques recensements de vassaux, qui ont sub-
sisté pour la Champagne et la Normandie, un commencement
de hiérarchie régulière. — D'autre part, les rapports féo-
daux présentaient fréquemment les complications et même
les contradictions les plus étranges. Un grand feudataire,
comme le duc de Bourgogne dîne comte de Toulouse, pouvait
être, pour l'une de ses terres, le vassal d'un seigneur de second
ou de troisième rang, quelquefois même de celui qui était
pour d'autres terres son propre vassal. Un même seigneur
possédait bien souvent des fiefs en terre ou en argent qui
— 221
FEODALITE
relevaient de plusieurs suzerains différents, et pour pouvoir
concilier, notamment en temps de guerre, les devoirs féo-
daux qu'il s'engageait à remplir envers chacun d'eux, dans
chaque hommage successif il réservait les droits qu'avaient
déjà sur lui ses suzerains antérieurs. — Ce qui augmen-
tait encore la complexité des relations féodales, c'est qu'elles
n'avaient rien de fixe. Dans presque toutes les régions
françaises, les transformations d'alleux en fiefs, les par-
tages et aliénations de tenures féodales, les concessions
nouvelles, les ligences multipliées modifiaient sans cesse,
non seulement l'étendue et les limites territoriales des sei-
gneuries, mais aussi l'ordre des mouvances. La rupture
du contrat de fief amenait le même résultat, et elle se
produisait souvent, soit qu'elle fût prononcée par une cour
féodale, pour félonie du vassal ou du suzerain, soit qu'elle
fût volontairement provoquée par le vassal qui déguerpis-
sait son fief ou qui désavouait son seigneur naturel pour
en avouer un autre. Enfin, sur les frontières du royaume
(notamment près des terres d'Empire) et sur les limites
de quelques grandes seigneuries (comtés de Flandre et de
Toulouse), l'incertitude de certaines mouvances était telle
que des propriétaires de fief pouvaient transporter leur
hommage d'un seigneur à l'autre au gré de leurs caprices
ou de leur intérêt, parfois même se dispenser de tout
hommage. Toutes ces causes rendaient tellement instable
le territoire des seigneuries et leurs rapports de subor-
dination qu'il est impossible de tracer avec exactitude,
pour une période de quelque durée, la carte géographique
de la France féodale.
Non seulement les cadres de la hiérarchie étaient indécis
et flottants, mais les rapports féodaux entre les seigneuries
n'étaient point réglés avec la rigueur et la logique que les
théoriciens du droit féodal y ont introduit. Si en principe
le suzerain ne devait avoir de rapports qu'avec ses vassaux
directs et jamais avec ses arrière-vassaux, en fait cette
règle recevait des atténuations nombreuses et souvent même
était ouvertement violée. D'abord, dans un certain nombre
de cas la coutume établissait des rapports légaux entre le
suzerain et l'arrière-vassal. En cas de danger menaçant
toute la région, le suzerain avait le droit de lever non seu-
lement le ban, mais l'arrière-ban de ses fiefs, c.-à-d. de
convoquer à son ost ses arrière- vassaux, par l'intermédiaire
des vassaux du premier degré. Il pouvait dans certains cas
(mais ce fut admis seulement vers la fin du xmc siècle)
lever directement sur ses arrière- vassaux l'aide féodale votée
à son profit par sa cour. L'arrière- vassal avait le droit, quand
la cour judiciaire de son seigneur ne fonctionnait pas faute
de pairs, de recourir à celle du suzerain ; dans le cas de
déloyauté commise par son seigneur, de transporter au
suzerain son hommage et son fief. Profitant de ces cir-
constances légales et exploitant habilement leurs droits,
beaucoup de hauts suzerains réussirent à immédiatiser,
c.-à-d. à rattacher directement à eux un grand nombre
d'arrière-fiefs. Ils y avaient tout intérêt, car ils accrois-
saient ainsi leurs forces militaires, le chiffre de leurs re-
venus et l'importance politique de leur seigneurie; et les
arrière-vassaux y trouvaient aussi leur compte, attendant
une protection plus efficace et moins tracassière d'un suze-
rain puissant et éloigné que d'un petit seigneur trop voisin
de leurs terres. Les procédés les plus fréquemment em-
ployés pour atteindre ce résultat consistaient à obtenir
l'hommage direct des arrière-vassaux, en leur donnant en
fief une terre ou une pension impliquant ligence, et à faire
peu à peu prévaloir cette ligence sur celle du seigneur
intermédiaire; ou bien à acheter les droits de ce dernier ;
ou bien à attirer personnellement les hommes de ses vas-
saux en les prenant sous sa protection au moyen de la
commande ou de l'avouerie.
C'est surtouten ce qui concerne les rapports des seigneuries
féodales avec la royauté qu'il faut faire des réserves à la
théorie des légistes du xme siècle, et se garder de l'appliquer
aux deux premiers siècles de la féodalité. On a montré
précédemment en étudiant la formation de la féodalité que
la monarchie capétienne n'avait pas été dès le début une
monarchie proprement féodale, mais une continuation de
la monarchie carolingienne; qu'au lieu d'être dès le
xie siècle le chef suprême de la féodalité, le roi capétien
n'eut longtemps aucune autorité directe ni indirecte sur
la plupart des seigneuries de son royaume ; qu'il n'était
vraiment seigneur et suzerain que sur les gens de son
domaine propre et sur les petits vassaux qui s'y trouvaient
englobés, et qu'en dehors de ce domaine, la plupart des
grands feudataires et des seigneurs de second ordre n'étaient
pas liés envers lui par un hommage précis et rigoureux,
mais par un vague devoir de fidélité, souvent méconnu.
Aussi pendant le xie et le xne siècle les rois capétiens, bien
qu'issus de l'aristocratie féodale, cherchèrent-ils à combattre
le régime nouveau au nom des traditions monarchiques
dont ils avaient recueilli l'héritage à leur avènement. Dans
leurs rapports avec les seigneuries, toutes les fois qu'ils
étaient assez forts pour imposer leur volonté ou assez habiles
pour traiter de gré à gré, ils n'invoquaient pas les droits
et les prérogatives du suzerain, mais ceux du monarque.
C'est au nom du droit monarchique qu'à l'exemple des
derniers Carolingiens ils contestèrent jusqu'à la fin du
xue siècle l'hérédité des grands fiefs, exerçant quand ils le
pouvaient le droit de retrait sur ceux qui tombaient en
déshérence ou dont les possesseurs étaient convaincus d'avoir
manqué à la fidélité. C'est au nom de ce droit qu'ils se
mirent souvent en rapport direct avec les vassaux des
grandes seigneuries, réclamant d'eux non l'hommage, mais
le serment de fidélité; que, dans leurs cours plénières, ils
convoquèrent non seulement les vassaux de leurs domaines,
mais tous les nobles laïques, les dignitaires ecclésiastiques
et même les bourgeois notables qui, sur un point quelconque
du royaume, s'étaient déclarés leurs fidèles. C'est au nom
des anciennes prérogatives de la monarchie sur l'Eglise et
en vertu de l'union étroite et traditionnelle du roi avec le
clergé national, que les premiers Capétiens exercèrent sur
les évêques et les abbés restés immédiatement sujets de
la couronne, les droits de garde, d'élection, d'investiture,
de régale, d'amortissement; qu'ils étendirent sur eux la
juridiction de leur cour; qu'ils purent souvent convoquer
les milices ecclésiastiques, percevoir sur les terres d'Eglise
des décimes, des gîtes et des dons annuels, et suppléer
ainsi à l'insuffisance de leurs ressources domaniales. —
Mais à partir du xme siècle, à mesure que la monarchie
devenait plus forte et plus influente, ses relations avec
l'aristocratie seigneuriale prirent un caractère différent.
Moins par calcul politique que sous la pression irrésis-
tible des idées et des formes propres à la féodalité, elle
s'adapta peu à peu à la hiérarchie complexe de ce régime.
« Sans renoncer à leur rôle de monarques traditionnels,
les rois du xme siècle agirent en suzerains beaucoup plus
souvent que ne l'avaient fait leurs prédécesseurs ; ils
réussirent à se faire reconnaître comme tels par tous les
grands feudataires; ils approprièrent à leur usage les
habitudes et les règles féodales, les poussant pour en béné-
ficier jusqu'à leurs conséquences extrêmes. » Dès lors les
relations des hauts seigneurs avec le roi furent, conformé-
ment à la théorie des feudistes, celles des vassaux avec leur
suzerain; telle fut notamment la politique pratiquée par
Louis IX, qui lût en France le type parfait du roi féodal.
— Cette politique fut facilitée par l'extension soudaine
qu'avait prise le domaine royal (V. ce mot). Les fiefs les
plus importants du royaume : Normandie, Anjou, Langue-
doc, etc., étaient tombés dans la main du roi, soit par suc-
cession, soit par mariage, soit par confiscation ou con-
quête ; ceux qui ne furent pas directement rattachés à la
couronne furent dévolus, à titre d'apanages, à des dynas-
ties issues de la famille royale et qui y firent prévaloir l'in-
fluence monarchique ; de sorte qu'à la fin du xme siècle,
les grands fiefs indépendants ne formaient plus que l'excep-
tion. Devenus maîtres de cette grande puissance territo-
riale, les rois de France eurent l'autorité nécessaire pour
imposer partout leur suzeraineté. Louis IX et Philippe III
FEODALITE
— 222 —
lèvent des aides féodales, non seulement dans les domaines
de leurs vassaux directs, mais dans ceux de leurs arrière-
vassaux ; ils convoquent en cas de guerre le ban et l'ar-
rière-ban féodal ; ils font accepter leur monnaie dans les
grandes seigneuries, concurremment à celle du baron
(ord. de 4263). Ils font prévaloir le principe «que toute
juridiction laïque est tenue du roi en fief et en arrière-fief »,
obligent tous leurs vassaux directs à comparaître devant
leur cour, même quand elle est en majorité composée de
grands officiers de la couronne, et y jugent en appel tous
les arrière-vassaux qui se plaignent d'un faux jugement ou
d'an déni de justice. Les ordonnances générales rendues
par leur cour deviennent exécutoires, même dans les fiefs
dont le baron n'y a pas personnellement consenti. Enfin,
ils usent largement de tous les procédés d'immédiatisation
mis en pratique dans les hautes baronnies : par des con-
trats de ligence, des pensions en argent, ils font entrer
dans leur vassalité directe beaucoup d'arrière-vassaux ; par
des lettres de commande, d'avouerie, de sauvegarde, ils
attirent à eux et prennent sous leur protection des nobles, des
bourgeois, des communautés ecclésiastiques, qui échappent
ainsi à la juridiction de leur seigneur pour ne dépendre que
de la justice royale. Dans cette œuvre, ils sont puissam-
ment aidés par leurs agents administratifs, baillis et prévôts,
dont les circonscriptions embrassent tout le royaume, y
compris les grands fiefs, qui surveillent de près vassaux et
arrière-vassaux, et dont le zèle actif et peu scrupuleux
outrepasse souvent les prescriptions royales.
e. Anarchie et guerre. Le tableau du régime poli-
tique de la féodalité française ne serait ni complet, ni
entièrement vrai, si à la description des rapports légaux
établis par les coutumes ou par les contrats entre seigneurs
et feudataires, on ne joignait celle des rapports violents et
des abus de la force qui, en fait, se substituaient trop
souvent aux premiers. A ne considérer que les textes
juridiques et les documents officiels, on serait tenté croire
que si dans leurs rapports avec les roturiers et les serfs de
leur domaine, les seigneurs exerçaient moins un gouverne-
ment régulier qu'une exploitation arbitraire et oppressive,
du moins, dans leurs rapports avec leurs vassaux ou avec
leur suzerain, les stipulations du contrat féodal et les liens
de la hiérarchie conciliaient heureusement les exigences de
l'ordre public avec la liberté des individus. A étudier les
faits dans les chroniques et dans les documents privés, on
s'aperçoit qu'en réalité « c'est la force matérielle qui domine
tout. Les obligations féodales ne sont remplies, les con-
trats de fief respectés, les règles coutumières observées,
que lorsque le suzerain est assez fort pour obtenir l'obéis-
sance. » Dans cette société où il n'existait pas de pouvoir
politique assez puissant pour imposer à tous une loi commune,
où les droits souverains étaient dispersés entre les mains
de seigneurs à mœurs violentes et à idées étroites, exclu-
sivement voués au métier des armes, ce n'étaient point les
relations pacifiques qui pouvaient dominer, c'était la guerre
privée sous toutes ses formes, d'homme à homme, de
groupe à groupe, de seigneurie à seigneurie. La crainte
religieuse, le respect de la parole donnée, l'honneur cheva-
leresque, refrénaient parfois la brutalité des instincts; mais
le plus souvent « les habitudes invétérées d'une race mili-
taire, la haine de l'étranger et du voisin, le choc des droits
mal définis, des intérêts et des convoitises, aboutissaient à
des luttes sanglantes ». Tantôt la guerre se faisait en
violation du droit : c'était lorsqu'au mépris de la foi jurée,
sans cause légitime, par rancune ou cupidité, le vassal
prenait les armes contre son suzerain, ou le suzerain contre
un de ses vassaux. Tantôt (et c'était là le trait caracté-
ristique de la féodalité) la guerre devenait une voie légale,
reconnue et approuvée par la coutume. Ainsi, quand le
vassal, ayant manqué à ses devoirs était condamné par la
cour de ses pairs et n'obéissait pas à la sentence, le
seigneur, à la tête de l'armée féodale, envahissait son fief,
détruisait ses châteaux, dévastait ses terres, emmenait des
prisonniers et des otages. De même, lorsqu'un différend
éclatait entre vassaux du même suzerain, ou lorsque des
questions d'héritage divisaient les membres de la même
famille noble, celui qui se prétendait lésé avait le choix
entre deux voies parallèles : la procédure judiciaire ou la
guerre privée, plaider ou combattre. Ou bien la querelle
se vidait devant la cour du suzerain, et là, comme la preuve
se faisait le plus souvent par le duel judiciaire, « par
bataille », le procès n'était souvent qu'un combat restreint
aux deux adversaires ; ou bien, repoussant l'intervention
de la cour de justice, les parties préféraient la guerre, et
alors le suzerain d'ordinaire laissait agir les belligérants,
quitte à leur faire conclure une trêve si les hostilités
traînaient en longueur. De même enfin, lorsqu'en dehors
des questions relatives aux tenures féodales, un conflit se
produisait entre des seigneurs qui ne relevaient pas du
même suzerain et pour qui n'existait par conséquent
aucune juridiction commune, le seul moyen légal, la seule
voie possible pour résoudre le conflit, c'était la guerre. Ce
droit de se faire justice soi-même par les armes rappelait
l'ancienne faida germanique, la vengeance privée usitée
dans toutes les sociétés primitives ; nul autre trait ne révèle
mieux le caractère profondément anarchique de la société
féodale.
Elevée au rang d'institution légale, la guerre privée
avait été soumise par la coutume à certaines règles, dont
la plupart étaient dues à l'influence de la chevalerie et
qui formaient une sorte de droit des gens. L'agresseur
devait, sous peine de félonie, adresser à son adversaire,
avant tout acte d'hostilité, un défi, c.-à-d. une déclaration
de guerre, solennellement proclamée par un héraut d'armes.
Entre le défi et les premières hostilités, l'usage laissait
ordinairement une période de préparation d'une ou deux
semaines. En vertu de la solidarité familiale, tous les
parents des deux adversaires, jusqu'au quatrième degré,
étaient impliqués dans la guerre, mais ils pouvaient se
tenir à l'écart de la lutte en faisant une déclaration for-
melle de neutralité ; on ne devait attaquer ni les femmes,
ni les mineurs, ni les clercs, ni les pèlerins ; le héraut
d'armes qui apportait la déclaration de guerre, le chevalier
qui se hasardait dans le château ou dans le camp de son
ennemi, sous la garantie de sa parole, était inviolable. La
guerre était souvent suspendue par une trêve (treuga),
convenue par les adversaires ou imposée par le suzerain,
et que l'on ne pouvait rompre avant le terme fixé sans se
rendre coupable d'un crime relevant de la haute justice.
Elle se terminait régulièrement par un traité de paix,
conclu sous la foi du serment. Le droit de faire la guerre,
qui dans le principe était ouvert à tous, nobles et rotu-
riers, avait peu à peu été réservé aux nobles, comme un
privilège, et au xme siècle les roturiers n'étaient plus
admis à vider leurs différends ailleurs que devant le tri-
bunal de leur seigneur.
Malgré les obstacles que ces règles pouvaient mettre
aux débordements de la force brutale, les guerres privées
causaient de tels ravages que de bonne heure la société
féodale chercha à réagir contre elle. La réaction vint sur-
tout des classes populaires qui en étaient les premières
victimes, et de l'Eglise qui possédait alors la seule autorité
générale au nom de laquelle la paix pût être imposée. Dans
le sud-ouest de la France, puis dans les autres régions, il
se produisit vers la fin du xe siècle un mouvement à la fois
populaire et religieux, qui aboutit d'abord à l'institution de
la trêve de Dieu, suspension d'armes obligatoire qui s'éten-
dait tantôt du mercredi soir au lundi, tantôt seulement du
samedi au lundi de chaque semaine. Mais cette interdiction
temporaire des hostilités, qui n'avait d'autre sanction que
l'excommunication, ne suffit pas pour arrêter les guerres
privées. « Dans la seconde moitié du xie siècle, chaque dio-
cèse devint le centre d'une association ou ligue de paix,
dirigée par l'évêque, munie de statuts réguliers, pourvue
d'un trésor, d'un tribunal de paix (judices pacis) et d'une
force armée qui était composée des milices paroissiales
enrégimentées sous la bannière de l'évêque. » L'objet de ces
223 —
FEODALITE
associations qui devinrent générales à partir du concile de
Clermont (1095), était d'établir la Paix de Dieu, c.-à-d.
de soustraire en tout temps aux ravages des guerres privées
certaines personnes (clercs, agriculteurs, voyageurs, mar-
chands, femmes) et certains objets (biens ecclésiastiques,
moulins, animaux de labour), qui étaient déclarés neutres
et inviolables. Dans quelques régions, surtout au midi et au
centre de la France, ce résultat fut atteint dès le xue siècle;
mais, dans la majorité des cas, les milices ecclésiastiques
« étaient insuffisantes pour contraindre les violateurs de la
paix à poser les armes, et les seigneurs qui faisaient partie
des associations de paix refusaient d'entrer en lutte contre
leurs pareils pour les punir d'actes que l'opinion féodale
ne désapprouvait pas ».
Au xiie siècle, les essais de pacification ne vinrent plus
seulement de l'Eglise. Le roi de France dans son domaine,
les principaux seigneurs dans leurs seigneuries, cherchèrent,
à mesure que leur autorité devenait plus grande sur leurs
vassaux, à diminuer le nombre et l'atrocité des guerres
privées qui causaient à leurs hommes et à leurs terres d'in-
calculables dommages. Le moyen le plus efficace consista à
encourager la pratique de V asseurement (assecuratio).
On nommait ainsi la promesse solennelle qu'une personne
donnait à une autre de s'abstenir de toutes violences envers
elle ; la violation de cet engagement constituait un crime
capital. Pendant longtemps cette sorte d'assurance mutuelle
contre la guerre ne put résulter que du libre consentement
des deux intéressés. Puis on admit que l'une des parties
pouvait, pour prévenir ou faire cesser la guerre, requérir
son seigneur, roi ou baron, de citer en justice son adver-
saire et de l'obliger à conclure avec elle un asseurement :
le refus de la partie adverse était assimilé à la rupture
d'un asseurement conclu et entraînait la même peine. Enfin
quand le seigneur était assez puissant pour être obéi, il
citait de sa propre autorité les deux adversaires devant sa
cour et les forçait, au besoin par la saisie de leurs personnes
ou de leurs biens, à se donner asseurement réciproque.
Mais ce n'est qu'au xm8 siècle que l'asseu rement put être
ainsi rendu obligatoire, et encore à cette époque ni le roi,
ni les hauts barons ne réusissaient toujours à l'imposer. A
la même époque, Philippe-Auguste établit dans le domaine
royal la quarantaine le roi : confirmant sans doute une
coutume antérieure, il décida que les actes de guerre ne
seraient licites contre les parents de chaque belligérant que
quarante jours après l'ouverture des hostilités. Louis IX
alla plus loin, et, en 4257, défendit absolument toutes
guerres privées dans le domaine de la couronne ; mais
cette prohibition radicale ne fut pas observée. En somme,
l'habitude de la guerre était trop profondément enracinée
dans la société féodale pour que ces tentatives de pacifi-
cation aboutissent à un résultat sérieux et définitif. La
guerre privée et l'anarchie ne devaient disparaître que le
jour où disparaîtrait, par le triomphe du pouvoir royal, la
puissance politique de la féodalité.
IÏÏ. Décadence et abolition de la féodalité (xive-
xvm° siècle). — C'est dans la première moitié du xme siècle
que la féodalité française atteignit son apogée. A partir de
la seconde moitié de ce siècle, son déclin commence ; mais
il faut remonter plus haut pour en déterminer la cause.
On a vu quelles nécessités impérieuses avaient donné nais-
sance aux institutions féodales, et comment, au x° et au
xi° siècle, elles avaient répondu, dans toutes les classes
de la société, à un besoin réel de sécurité et de protection.
Mais une fois la crise passée et la société raffermie sur de
nouvelles- bases, les vices que renfermaient ces institutions,
ainsi que les mœurs brutales des hommes qui les mettaient
en pratique, avaient engendré des abus et des désordres
sans nombre. Les services qu'avait pu rendre la classe
noble, cette « gendarmerie à demeure », étaient trop chè-
rement payés par l'oppression qu'elle faisait peser sur ses
protégés, par les ravages incessants que causaient les
guerres féodales. D'ailleurs cette classe de soldats proprié-
taires, indépendants et oisifs, n'ayant de goût que pour les
armes, vivant aux dépens des roturiers et des serfs qui
cultivaient ses terres, n'était pas, à vraiment parler, une
classe de gouvernants. Ce qu'on appelle le gouvernement
domanial n'était qu'une exploitation : « exploitation vexa-
toire, parce qu'elle pèse sur tous les actes et se renouvelle
sous mille formes ; arbitraire, parce qu'il est impossible de
tout régler, et que l'usage ne lie le seigneur qu'autant qu'il
veut se laisser lier ; tyrannique, parce qu'elle s'exerce par
le moyen d'agents inférieurs établis tout près du paysan,
sans contrôle ni appel régulier ; odieuse, parce qu'elle
prend le plus clair des revenus et ne rend en échange aucun
service ». Ce qu'on appelle le gouvernement féodal mérite
à peine ce nom ; car on sait combien les liens de la vassa-
lité et ceux de la hiérarche étaient, en fait, insuffisants
pour assurer l'ordre général et le respect des droits indi-
viduels. Aussi, dès la fin du xie siècle, la grande masse de
la nation, ne trouvant pas dans le régime seigneurial la
sécurité et la justice dont elle avait besoin, les avait ins-
tinctivement cherchés ailleurs, soit dans l'association muni-
cipale, soit dans la protection directe d'un haut suzerain,
tel que le roi de France ou le chef de l'une des grandes
baronnies du royaume. L'association municipale, — tantôt
combattue par les seigneurs, tantôt acceptée à prix d'or,
mais presque partout victorieuse dès la fin du xnc siècle,
favorisée par les progrès du commerce et de l'industrie
qui enrichissaient la population urbaine, et par les expé-
ditions en Terre sainte, dont les coûteuses dépenses déter-
minaient beaucoup de petits seigneurs à faire argent de
leurs droits, — ■ aboutit, comme on le sait, à un double
résultat : tantôt à la concession de chartes de franchises
par lesquelles le seigneur limitait ou abandonnait partiel-
lement ses pouvoirs domaniaux, tantôt à l'érection d'une
seigneurie communale ou consulaire dont la souveraineté
devenait l'égale et souvent la rivale de la sienne. Le recours
à la protection directe du haut suzerain aida presque par-
tout ce dernier à faire rentrer dans l'obéissance ses vassaux
rebelles, à immédiatiser ses arrière-vassaux : elle eut ainsi
pour résultat la constitution, dans les grandes seigneuries
régionales et dans le domaine de la couronne, d'un pouvoir
central assez fort, d'une administration assez régulière pour
soustraire les habitants de ces régions à beaucoup de vio-
lences et de tyrannies locales. En même temps les coutumes
féodales perdaient en partie leur rigueur primitive; les
services personnels et notamment le service militaire étaient
moins impérieusement exigés et souvent transformés en
prestations pécuniaires ; les fiefs, déjà héréditaires, deve-
naient aliénables et, par conséquent, accessibles aux rotu-
riers ; la condition civile des classes inférieures devenait
moins dure, et beaucoup de seigneurs trouvaient leur
profit à affranchir leurs serfs pour en faire des travailleurs
libres, ou du moins à régulariser les prestations serviles
par l'abonnement des corvées et des tailles. Enfin les
guerres féodales prenaient un caractère moins barbare sous
l'influence de la chevalerie et devenaient plus rares, grâce
aux associations de paix dirigées par l'Eglise.
Ces divers correctifs apportés au régime féodal atténuèrent
notablement une partie de ses abus et lui communiquèrent,
du milieu du xne au milieu du xme siècle, une force et une
prospérité nouvelles. Mais ce régime avait des vices inhérents
à sa constitution même et qui ne pouvaient disparaître
qu'avec lui. Or, depuis trois siècles, la société française
avait accru son bien-être matériel, était plus éclairée, avait
pris une conscience plus claire de ses droits et de ses inté-
rêts ; elle cherchait une forme d'organisation sociale et
politique qui répondît mieux que le régime féodal à ses
besoins nouveaux. Elle crut la trouver dans la monarchie des
Capétiens. Pendant le cours du xnc siècle, la royauté avait
pris dans la France féodale une situation prépondérante.
Louis VI, Louis VII et Philippe-Auguste avaient, peu à
peu, fait reconnaître leur autorité, non seulement par les
petits seigneurs de leur domaine propre, mais aussi par la
plupart des hauts barons du royaume. Grâce à l'appui moral
et aux ressources matérielles qu'elle trouvait dans les sei-
FÉODALITÉ
- 224
gneuries ecclésiastiques du nord et du centre de la France,
la royauté avait pu vaincre les résistances locales, étendre
et grouper ses domaines, réunir autour d'elle des forces
suffisantes pour justifier sa prétention au gouvernement
général du royaume. Dans la personne de Philippe-Auguste
et de Louis IX, le roi apparaissait aux classes populaires,
à l'Eglise, à une partie de la noblesse elle-même, comme
le protecteur, le justicier suprême auquel devaient recourir
tous ceux qui souffraient de l'oppression seigneuriale, tous
ceux qui ne voyaient de garantie pour la sécurité et la
paix publique que dans la restauration d'un pouvoir cen-
tral, imposant son autorité effective à toutes les seigneuries
du royaume. C'est pourquoi à partir du milieu du xme siècle
toutes les forces vives de la nation se détournent de plus
en plus de la féodalité pour se tourner vers la monarchie
capétienne, qui d'ailleurs ne néglige aucun moyen de les
attirer à elles et de se les assimiler.
Le principal ennemi de la féodalité fut donc le pouvoir
royal. La lutte qui s'engagea ouvertement entre ces deux
puissances à la fin du xme siècle dura longtemps, car la
féodalité tenait par de profondes racines à la société où
elle était établie depuis quatre siècles. Mais la royauté,
forte à la fois des ressources qu'elle puisait dans son do-
maine et de l'appui qu'elle trouvait, hors de ce domaine,
auprès des bourgeois, des clercs et même d'une partie des
vassaux nobles des grandes seigneuries, apportant à la
société française une forme de gouvernement mieux appro-
priée à ses besoins et à ses aspirations, devait nécessairement
triompher. — Toutefois, il importe de le remarquer, ce
que les rois combattirent dans la féodalité, ce fut exclusi-
vement son pouvoir politique ; ce qu'ils lui enlevèrent, ce fut
la part de souveraineté qu'elle détenait au détriment de
leur propre autorité. Mais ils respectèrent, ils accrurent
même la plupart de ses privilèges sociaux ; ils lui laissèrent
la plupart des droits administratifs qu'elle exerçait dans
ses domaines ; en un mot ils la firent descendre du rang
de classe gouvernante, mais ils la maintinrent au rang de
classe privilégiée. C'est que la monarchie capétienne, issue
comme le régime féodal d'une société aristocratique, en
acceptait toutes les inégalités, quand elles ne mettaient pas
obstacle à l'exercice de son autorité despotique. Le but
que poursuivirent successivement les rois du xme au
xvie siècle n'était pas, à proprement parler, de détruire les
institutions féodales, mais de se substituer à tous les sei-
gneurs féodaux dans l'exercice de leurs droits souverains,
d'absorber en eux-mêmes toutes les seigneuries locales ou
régionales, pour en composer un pouvoir unique, dont la
nature au fond restait la même, c.-à-d. patrimnoiale. Ce but
atteint, ils ne se préoccupèrent de réformer, ni l'état particu-
lier de la propriété foncière, ni les inégalités de classes qui
avaient caractérisé la société féodale et dont les nobles con-
tinuaient à bénéficier. La féodalité, détruite en tant que
pouvoir politique, subsista donc, en tant que régime social,
jusqu'à la fin de l'ancienne monarchie. Ce fut seulement la
Révolution de 1789 qui, en affranchissant les terres, en
décrétant l'égalité civile des personnes, abolit définitivement,
avec ce régime, ce qui subsistait encore de la féodalité.
I. Destruction du pouvoir politique de la féodalité. —
La première atteinte sérieuse portée par la royauté au
pouvoir politique de la féodalité française ne date que du
milieu du xme siècle. Bien que la principale préoccupation
des Capétiens de cette époque fût d'imposer aux grands
vassaux leur souveraineté effective, ils n'avaient pas renoncé
à invoquer les prérogatives qui leur appartenaient comme
héritiers de la monarchie traditionnelle. Au contraire, grâce
à la renaissance des études de droit romain et à l'activité
des légistes, « l'ancien droit impérial, remis en lumière et
en honneur, vint renforcer le droit monarchique d'origine
carolingienne, et pousser la royauté dans les voies du pou-
voir absolu ». En vertu de sa mission de grand justicier
du royaume et de l'omnipotence que lui conférait cette
mission (d'après la doctrine de l'Eglise comme d'après celle
des légistes), toutes les fois que le salut de la nation ou
son « commun profit » était en jeu, le roi de France n'hésita
pas à restreindre ou à supprimer, quand il était assez fort
pour le faire, les droits souverains des seigneurs. Louis IX
et Philippe III, tout rois féodaux qu'ils étaient, entrèrent
déjà dans cette voie ; Philippe le Bel et ses successeurs y
marchèrent résolument. Ils cherchèrent à limiter le droit
de guerre privée, d'abord dans leur domaine (prohibition
absolue par Ford, de 1257, interdiction des représailles,
asseurement imposé d'office), puis dans tout le royaume,
mais seulement à titre temporaire, quand le roi faisant une
guerre nationale avait besoin de réunir autour de lui toutes
les forces de l'Etat (ord. de 1308). Mais leurs efforts
échouèrent presque partout devant les résistances féodales,
et plus d'une fois, au xive siècle, la royauté fut obligée de
reconnaître la légitimité des guerres privées, et de les tolérer
lorsque le recours en justice n'était pas requis par l'un ou
l'autre des belligérants (ord. de 1315, 1330).— Ils réus-
sirent mieux à limiter la souveraineté judiciaire des petits
seigneurs et même des hauts barons, en décidant que toutes
les sentences de leurs juridictions féodales et domaniales
pourraient être portées en appel devant les cours des baillis
royaux, puis en dernier ressort devant la cour du Parle-
ment, et là réformées à la suite d'une procédure qui excluait
le duel judiciaire et n'admettait que l'enquête (ord. de
1258 et 1278) ; en instituant la « prévention » qui auto-
risait la justice royale à se saisir, toutes les fois qu'elle
pouvait devancer la cour seigneuriale, des affaires qui étaient
de sa compétence, et à les juger si les parties ne réclamaient
pas immédiatement la juridiction de leur seigneur; enfin
en appliquant la théorie des « cas royaux », qui attribuait
à la justice royale la connaissance exclusive de toutes les
affaires « touchant le roi » ; et dans cette vague formule
les légistes faisaient entrer tous les crimes de droit commun
qui avaient une gravité particulière, toute atteinte à l'auto-
rité royale et à la paix publique. — Au point de vue fiscal,
Philippe le Bel et ses fils interdirent aux seigneurs de per-
cevoir sans l'autorisation royale les taxes d'amortissement
et de franc-fief, les droits d'aubaine, d'épaves et de bâtar-
dise ; ils contestèrent ou rachetèrent à la plupart des barons
le droit de battre monnaie, qui n'appartint plus en 1328
qu'à une trentaine de feudataires. De même le droit d'ano-
blir les roturiers fut dénié aux grands feudataires et
attribué au roi seul (arrêt du Parlement de 1280). D'autre
part, l'habitude qu'avaient prise les villes de commune dès
le xne siècle de faire confirmer par le roi leur charte de
privilèges, afin de trouver dans son patronage une garantie
plus efficace que n'était celle de leur seigneur, amena peu
à peu les légistes et les baillis de la couronne à déclarer,
dès la fin du xme siècle, que le roi seul pouvait octroyer
une charte de privilèges, et à faire, de toutes les communes
déjà établies, des villes royales, soustraites ainsi à l'autorité
de leur seigneur. La même politique tendit à enlever aux
barons et aux avoués féodaux le patronage des évêchés, la
garde des monastères situés sur leurs domaines, pour
attribuer l'un et l'autre au roi d'une manière exclusive,
avec les droits lucratifs et honorifiques qui s'y rattachaient;
à la fin du xmc siècle, la théorie de Beaumanoir, qui fait
du roi « l'avoué général de toutes les églises du royaume »,
est déjà en grande partie réalisée. -— Enfin les légistes
commencent à propager la doctrine qu'au roi seul appar-
tient dans le royaume le pouvoir législatif; mais la royauté
n'est pas encore assez forte pour interdire aux barons de
légiférer sur leurs domaines ; elle se borne à leur imposer,
toutes les fois qu'elle le peut, l'observation des ordonnances
générales délibérées en dehors d'eux par ses conseils privés.
Non seulement, à la fin du xiue siècle, la noblesse féo-
dale voyait la plupart de ses droits souverains menacés ou
atteints par la prérogative royale, mais ses devoirs de
vassalité envers le roi étaient peu à peu modifiés et rap-
prochés de ceux des autres sujets. Les services de conseil
et de cour n'étaient plus exigés que dans des circonstances
exceptionnelles et à titre honorifique, e depuis que la légis-
lation royale s'élaborait dans des conseils restreints et que
225 —
FÉODALITÉ
le Parlement et les cours de bailliages se recrutaient sur-
tout parmi les hommes de loi. Le service militaire, dont
les vassaux s'acquittaient avec un mauvais vouloir évident,
fut le plus souvent converti en contribution pécuniaire
(aide de l'ost, auxilium exerciius), qui permit au roi
d'organiser son armée sur des bases nouvelles, d'en ré-
duire l'élément féodal, de solder des troupes mercenaires
dont le service était permanent et la docilité certaine. En
revanche, les services pécuniaires, notamment les aides
féodales, furent accrues, multipliées, et prirent peu à peu
le caractère de contributions régulières et annuelles. En-
fin la haute et la basse féodalité subissaient de plus en plus
sur leurs terres l'influence croissante du pouvoir central
dont les agents surveillaient activement tous leurs actes,
s'emparaient de tous leurs droits contestables, leur enle-
vaient leurs hommes pour les mettre sous la sauvegarde du
roi, faisaient pénétrer partout, par une action lente mais
continue, les principes, les pratiques et les institutions de
la monarchie.
La féodalité laïque n'était pas seule atteinte dans ses
droits souverains. La féodalité ecclésiastique, que des liens
étroits avaient toujours rattachée au pouvoir monarchique,
que les entreprises des seigneurs laïques et l'hostilité des
communes avait souvent obligée à solliciter l'intervention
du roi, sentait au xme siècle la tutelle de ce dernier peser
lourdement sur elle et restreindre son indépendance.
D'abord le roi se réserva sur les évèchés et les monastères
qu'il avait soustraits au patronage seigneurial, comme sur
ceux dont il était de longue date le suzerain ou l'avoué,
les droits personnels d'élection, de présentation et d'inves-
titure, les droits pécuniaires de régale, d'amortissement, de
garde ; il se contenta de restituer aux églises les dîmes
inféodées. En outre, depuis Philippe-Auguste jusqu'à
Philippe de Valois (sans 'excepter Louis IX), la politique
royale tendit constamment à subordonner les cours sei-
gneuriales des évêques et des abbés, à l'autorité du Parle-
ment et des baillis devant lesquels on put appeler de leurs
sentences, à y subordonner même leurs cours d'officialités,
en instituant l'appel comme d'abus (1 329) contre les excès
de pouvoir des juges d'Eglise, et en autorisant les juges
royaux à intervenir à défaut de ceux-ci dans la répression
des délits graves commis par des clercs. Enfin Philippe le
Bel et ses successeurs soumirent toutes les églises et com-
munautés ecclésiastiques à un impôt quasi permanent, en
leur imposant, avec ou contre le gré de la cour pontificale,
toutes les fois que l'exigeaient les besoins de l'Etat, la lourde
charge des décimes, douzièmes et centièmes. Pour diminuer
la puissance des seigneuries ecclésiastiques, les agents royaux
n'hésitaient pas à employer souvent la duplicité ou la vio-
lence, profitant de la garde dont ils étaient investis ou du
traité de pariage qui associait le roi à une abbaye, pour
empiéter, comme les anciens avoués, sur les droits et les
terres qu'ils avaient mission de protéger.
Les seigneuries communales n'échappèrent pas plus que
les autres membres du corps féodal aux envahissements du
pouvoir royal. Les rois du xne et de la première moitié du
xme siècle n'avaient encouragé ou toléré le mouvement
communal que lorsqu'ils y avaient vu le moyen d'accroître
leurs ressources fiscales et militaires ou de diminuer la
puissance des grands feudataires. Louis IX et ses succes-
seurs s'attachèrent obstinément à détruire dans tout le
royaume la souveraineté politique des villes de commune
et des villes consulaires, qu'ils considéraient comme un des
plus redoutables obstacles à l'extension du pouvoir monar-
chique. Ils leur enlevèrent l'indépendance financière, en
leur interdisant de lever des taxes, d'aliéner leurs domaines,
et de faire des emprunts sans autorisation, en soumettant
leur comptabilité au contrôle de la chambre des comptes.
Ils leur ôtèrent l'indépendance militaire, en subordonnant
leurs milices aux officiers royaux, l'indépendance judiciaire
en restreignant leur compétence, en autorisant le Parlement
et les baillis à réformer en appel les sentences des justices
municipales. Ils les ruinèrent en les accablant de taxes
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
et d'amendes, et profitèrent des luttes que ces crises finan-
cières firent éclater presque partout entre l'aristocratie
bourgeoise et le commun peuple, pour intervenir dans
leurs affaires, supprimer leurs privilèges et leurs droits
souverains, les réduire à l'état de villes prévôtales (V.
Commune).
La hardiesse avec laquelle la royauté portait la main
sur des seigneuries de tout ordre et de tout rang, qui dis-
posaient encore d'une puissance considérable, ne pouvait
manquer de provoquer de vives réactions. Elles éclatèrent
à plusieurs reprises au xive siècle, d'abord à la mort de
Philippe le Bel, puis sous Jean II, après le désastre de
Poitiers, puis sous Charles VI pendant la régence de ses
oncles. Les féodaux laïques et ecclésiastiques, les repré-
sentants des seigneuries communales, groupés en associa-
tions armées ou réunis en Etats généraux (1314, 1356-57,
1403), se rapprochèrent temporairement pour défendre ce
qui restait de leur souveraineté politique contre les envahis-
sements de l'autorité royale. Les désordres et les rébellions
qui aggravèrent les maux de la guerre de Cent ans eurent
presque toujours pour origine ces résistances de la féodalité.
Heureusement pour la royauté, l'entente ne fut jamais
longue entre les nobles et les bourgeois. Obéissant à des
antipathies et à des rancunes héréditaires, ils ne surent
pas, comme l'aristocratie et la bourgeoisie anglaises, rester
unis au prix de sacrifices réciproques. Plutôt que d'accepter
une part dans les charges publiques, la noblesse et le clergé
désertèrent la cause commune et livrèrent le tiers état à
l'arbitraire des taxes royales. Trahi par les privilégiés, le
tiers état se rapprocha du roi, et, plus sensible aux vexa-
tions féodales qu'à la perte de ses franchises municipales,
soutint la royauté dans toutes ses entreprises contre l'aris-
tocratie laïque et ecclésiastique. Aussi, pendant la période
qui s'étend du milieu du xive au milieu du xve siècle, se pour-
suivit et s'acheva la destruction complète du pouvoir politique
de la féodalité. Les seigneurs furent dépossédés par Phi-
lippe VI et Jean II du droit de battre monnaie (1346-
1361); par Charles V, du droit de posséder des châteaux
forts, quand ils étaient inutiles à la défense du royaume,
du droit d'accorder des chartes communales et de conférer
la noblesse, des droits de franc fief et d'amortissement
(1372-1373), des droits d'aubaine et bâtardise (dont la
royauté n'eut le monopole exclusif qu'au xvie siècle) ; par
Charles VII, du droit de légiférer dans leurs domaines,
d'exiger de leurs sujets aucune taxe nouvelle sans l'auto-
risation du roi, du droit de lever des troupes, exclusivement
réservé au roi par l'ordonnance de 1439, du droit de
guerre privée, déjà suspendu par les Etats de 1357 et
définitivement interdit en 1451. En même temps, la royauté
acheva de mettre la main sur la féodalité ecclésiastique en
la soumettant aux ordonnances générales de police, en lui
interdisant de se réunir en assemblées ordinaires ou extraor-
dinaires sans son autorisation (1407), en enlevant au
pape la disposition des évêchés et des abbayes (pragmatique
de Bourges, 1438), puis en supprimant les élections cano-
niques et le droit de patronage des seigneurs (1463), et en
disposant seule de tous les bénéfices d'Eglise (concordats de
1470 et surtout de 1516). Enfin, Louis XI consomma la
ruine des seigneuries communales et maintint toutes les
villes sous une tutelle rigoureuse, tout en leur laissant
l'apparence de leurs anciens privilèges (justice, milice) et
en comblant leurs magistrats de titres de noblesse. — Dès
lors, la royauté a reconquis un à un les droits régaliens
qui étaient dispersés entre les seigneuries féodales ; à l'excep-
tion des droits de justice seigneuriale et ecclésiastique qu'elle
tolère sous le contrôle de ses propres juridictions, et des
droits domaniaux qu'elle laisse aux seigneurs, parce qu'ils
s'exercent sans préjudice des taxes, impositions et pres-
tations royales, elle a seule le monopole de la souveraineté.
Le pouvoir politique de la féodalité est détruit, ou plutôt
toutes les souverainetés individuelles qui ont été successi-
vement arrachées aux membres de l'aristocratie se retrou-
vent groupées en un faisceau unique, mais non confondues,
15
FEODALITE
— 226 —
dans la main royale. Rattachés les uns aux autres par des
institutions communes à toute la monarchie, tous ces droits
souverains se coordonnent pendant les trois siècles qui
suivent, mais sans perdre complètement le caractère de
diversité et d'inégalité qui était la marque distinctive des
pouvoirs féodaux. Jusqu'à la fin de l'ancien régime, l'auto-
rité monarchique gardera, malgré la centralisation adminis-
trative, l'empreinte de son origine féodale (V. Domaine
royal).
À la vérité, depuis la fin du xve siècle jusqu'au milieu
du xviie, il y eut de la part de l'aristocratie bien des ten-
tatives faites pour ressaisir ce pouvoir politique, bien des
ligues, des guerres, des révoltes ou des intrigues de cour
dirigées par elle contre le pouvoir royal en vue de ressaisir
quelques parcelles de sa souveraineté perdue. Mais la
lutte a désormais un tout autre caractère qu'aux âges pré-
cédents. Les Capétiens directs et les premiers Valois avaient
eu surtout à combattre des dynasties féodales plus anciennes
que la leur et qui se considéraient comme indépendantes.
Ces dynasties avaient fait place presque partout à des
dynasties issues de la famille des Capétiens, que ceux-ci
avaient eux-mêmes établis dans les provinces en prenant
le soin de ne leur attribuer leur comté ou leur duché qu'à
titre d'apanage, et en limitant à certains égards leur sou-
veraineté (réserve de la juridiction d'appel ou ressort,
clause de retour en cas d'extinction de la branche mascu-
line directe). En un mot, « à l'ancienne féodalité indépen-
dante avait succédé peu à peu la féodalité apanagée (mai-
sons de Bourbon, d'Alençon, d'Anjou, de Bourgogne,
d'Orléans, etc.). Or, les nouveaux maîtres de ces grands
fiefs ne pouvaient combattre le principe même de la
royauté, à l'héritage de laquelle ils avaient des droits, ni
la souveraineté de la famille capétienne dont eux-mêmes
étaient issus. Aussi, dès la fin du xive siècle, dans les
guerres civiles qui éclatent sous Charles VI et Charles VII
ne s'agit-il plus pour eux de détruire ou de diminuer le
pouvoir royal, mais de l'exploiter à leur profit. » Le parti
d'Orléans (Armagnacs) et le parti de Bourgogne luttent à
qui s'emparera de la tutelle de Charles VI et gouvernera
le royaume en son nom. Dans leur révolte contre Anne de
Beaujeu (1488), les nobles ont à leur tête l'héritier pré-
somptif du trône, le duc d'Orléans, à qui ils veulent confier
la tutelle du jeune roi. Dans leurs révoltes contre Louis XIII
et Richelieu, ils cherchent à porter au trône le frère du
roi, Gaston d'Orléans, et sans changer la constitution du
royaume, tentent de succéder au ministre dans la faveur du
nouveau roi. Au fond, ils poursuivent leur intérêt parti-
culier , et voudraient reprendre une partie des droits qu'on
leur a enlevés ; mais ils sentent si bien la faiblesse de
leurs prétentions qu'ils se couvrent de prétextes spécieux,
invoquant le bien public (ligue de 1464), l'intérêt reli-
gieux ou la liberté de conscience (guerres de religion), la
défense des libertés publiques et des immunités parlemen-
taires (Fronde).— Une seule fois, dans l'ardeur des pas-
sions politiques et religieuses, ils attaquèrent le principe
même de la monarchie : ce fut pendant la Sainte Ligue. Les
nobles huguenots, méconnaissant la royauté, formulent alors
des théories républicaines ; les catholiques veulent restaurer
le régime féodal ; les bourgeois des villes rêvent de recons-
tituer les seigneuries communales sous l'autorité du pape ;
tous reprennent les droits de guerre, de justice, de finance,
que la royauté ne sait plus défendre ; ils font appel aux
puissances étrangères (Anglais, Espagnols, Allemands,
Suisses) ; les agents du roi se retournent contre lui et se
conduisent en souverains indépendants ; les chefs de bandes,
les châtelains commettent impunément les plus hardis bri-
gandages. Les victoires de Henri IV mirent seules un
terme à cette anarchie qui rappelait les temps les plus
troublés de la féodalité ; et il lui fallut de longues années
(1589-1602) pour faire rentrer dans l'obéissance les gou-
verneurs de province, pour reconquérir par les armes ou
racheter à prix d'argent, château par château, ville par
ville, province par province, la majeure partie de son
royaume, pour déjouer et punir les complots dirigés contre
sa personne par la coalition aristocratique.
Contre ces soulèvements politiques de la féodalité, la
royauté se défendit avec énergie. Elle usa des sentences de
ses parlements, de la police de ses agents et surtout des
forces militaires que le progrès des temps avait mises à sa
disposition (compagnies d'ordonnance, francs archers,
mercenaires, artillerie, etc.). Elle fut sans pitié pour les
perturbateurs; Charles VII, Louis XI emprisonnèrent ou
décapitèrent les principaux représentants de la noblesse
hostile ; Henri IV et Richelieu multiplièrent les condam-
nations à mort, prirent de sévères mesures contre le duel,
dernier vestige de l'ancien droit de guerre privée, et firent
raser un grand nombre de châteaux féodaux, Sous Louis XIII
et Louis XIV, les gens du roi tinrent dans les provinces
éloignées, telles que l'Auvergne et le Velay, des assises
extraordinaires (Grands Jours), où furent traduits et impi-
toyablement condamnés les brigands féodaux qui rançon-
naient les paysans et résistaient à la maréchaussée.
L'effet de ces rigueurs fut de pacifier définitivement l'aris-
tocratie féodale, qui, à partir du xvne siècle, est générale-
ment pliée à l'obéissance, soit qu'elle vive à la cour, rem
plissant des offices domestiques, soit qu'elle serve dans
l'armée, où elle est astreinte à l'ordre du tableau et à la
discipline militaire, soit qu'elle reste confinée dans ses fiefs,
occupant ses loisirs à chasser, à pressurer les gens de ses
terres ou à défendre ses droits contre l'empiétement des
fonctionnaires royaux.
II. Maintien des privilèges sociaux de la féodalité. —
Dépouillée de tout pouvoir politique, l'aristocratie féodale
gardait encore un grand nombre de droits lucratifs et d'avan-
tages sociaux qui la maintenaient au rang de classe privi-
légiée dans l'Etat. Ses membres, laïques ou ecclésiastiques,
n'étaient plus à proprement parler des seigneurs, ou du
moins le mot perdant tout sens politique ne s'entendait plus
que dans le sens juridique (dominus) ; mais ils étaient tou-
jours des nobles, presque tous des propriétaires de fiefs ou
terres nobles, c.-à-d. les premiers après le roi dans la
société aristocratique. La royauté eut même l'habileté de
faire de ceux qu'elle avait détrônés de leur souveraineté
des serviteurs fidèles et des courtisans dociles, en leur con-
cédant, pour compenser l'indépendance politique qu'ils avaient
perdue, de nouveaux privilèges et des faveurs de cour. Toute-
fois, il faut bien le remarquer, les descendants des anciennes
familles féodales ne furent pas seuls à composer cette no-
blesse monarchique ; ils en formaient même la partie la
moins nombreuse. A côté d'eux, jouissant des mêmes pri-
vilèges, il y avait des gentilshommes d'épée qui tenaient leur
noblesse d'une concession royale plus ou moins récente ;
des nobles d'office, de robe, d'échevinage, des nobles à qui
le roi avait vendu leur titre par mesure fiscale, ou qui
l'avaient acquis en achetant une terre noble et en payant le
droit de franc-fief (V. Noblesse).
Les droits et privilèges que la noblesse féodale avait gar-
dés comme débris de son ancienne seigneurie étaient encore
à la fin du xvme siècle : 1° Des dioits de justice, haute,
moyenne ou basse (quelquefois les trois réunies) sur les gens
de leurs terres ; et accessoirement des droits de gruerie
(police des eaux et forêts) et des droits de voirie (police des
rues et chemins). La juridiction devait être exercée par un
juge gradué ou bailli, qui ordinairement était aussi gruyer
et voyer. Le bas justicier avait en outre des sergents et une
prison ; le moyen justicier un procureur fiscal, le haut jus-
ticier une potence devant la porte de son château. Subor-
données aux tribunaux royaux qui jugeaient leurs sentences
en appel, les justices seigneuriales étaient en outre surveil-
lées par les intendants. Il s'y rattachait des charges
de notaires et un greffe pour la perception des droits d'actes
et des amendes. — 2° Des droits fonciers en argent ou
en nature sur les terres roturières de leur fief : cens,
rentes, champart, terrage, etc. — 3° Des droits seigneu-
riaux ou domaniaux sur les mêmes terres et quelquefois
sur les établissements ecclésiastiques qui s'y trouvaient
m —
FÉODALITÉ
situés : taxe de bourgeoisie, droits de chasse, de pêche, de
colombier, de garenne, de blairie ; droits d'épaves, de déshé-
rence et d'aubaine, de bordelage; droits de péage, de bac,
de leide, de foires et marchés, de potages, de boucherie ;
lods et ventes ; banalités de moulins et de fours, ban vin,
corvées de charroi ou de travail personnel, service du guet
(ces derniers souvent convertis en argent) ; dîmes ecclésias-
tiques, droits honorifiques à l'Eglise. Il faut y joindre, dans
les quelques provinces où le servage avait subsisté, la taille,
les droits de mainmorte et de formariage, auxquels les
^serfs étaient encore assujettis. — 4° Des droits féodaux
sur les terres nobles dépendant de leur fief : ces droits se
réduisaient aux reliefs et à l'aide perçue quelquefois en cas
d'admission dans un ordre de chevalerie. — 5° L'exemption
de la taille royale et des logements militaires. — 6° Le droit
de figurer aux Etats généraux et aux Etats provinciaux, les
uns dans le premier ordre de la nation (nobles ecclésias-
tiques), les autres dans le second (nobles laïques). — 7° Le
droit d'invoquer devant les tribunaux une législation spé-
ciale en matière de succession, de tutelle et de fiefs, et cer-
tains privilèges judiciaires (lettres de committimus, de répit,
de surséance, etc.).
Les prérogatives nouvelles que la politique des rois avait
conférées à la noblesse féodale étaient nombreuses. A la
cour, eux seuls avaient le droit d'occuper un rang hono-
rable, de remplir les emplois de la maison militaire et civile
du roi ou des princes du sang. Dans les provinces, on leur
réservait les gouvernements, les lieutenances générales,
les châtellenies. Dans l'armée et dans la marine, eux seuls
avaient droit aux grades, aux croix des ordres royaux (Saint-
Esprit, Saint-Louis, Mérite militaire). Dans l'Eglise, les
évêchés, les canonicats, les abbayes, les prieurés, l'admis-
sion dans les chapitres nobles n'étaient que pour les cadets
de familles appartenant à la vieille noblesse. Les hautes
charges de la judicature leur étaient le plus souvent, mais
non pas exclusivement, réservées. Dans les universités, ils
pouvaient abréger leur temps d'étude. Enfin la noblesse
féodale composait, avec les anoblis de nom et d'armes, la
noblesse d'épée, qui se groupait, en une hiérarchie rigou-
reusement établie par les feudistes et dont l'ordre était le
suivant : princes du sang et princes légitimés ; ducs et
pairs, ducs non pairs mais héréditaires, ducs à brevets ;
marquis et comtes ; chevaliers et barons ; simples gentils-
hommes ouécuyers (V. Noblesse).
Les droits exceptionnels dont jouissait la féodalité laïque
et ecclésiastique sur les terres qu'elle possédait, les privi-
lèges sociaux dont elle était investie, avaient pu paraître
naturels et légitimes au moyen âge, lorsque les féodaux
détenaient une partie de la souveraineté. Ils justifiaient
leur pouvoir et leurs privilèges par les services d'ordres
divers qu'ils rendaient à la société (service militaire, jus-
tice, services religieux); et même quand ils n'usaient de
leur supériorité sociale que pour la satisfaction de leurs
intérêts privés et l'oppression des inférieurs, les esprits et
les mœurs de cette époque s'accommodaient assez facilement
de ces inégalités et de ces abus, si énormes qu'ils fussent.
— Mais au xvir3 et surtout au xvme siècle, la situation
n'était plus la même. Dépossédés de leur souveraineté
politique, écartés du gouvernement par la défiance du roi,
gratifiés de charges de cour ou de fonctions honorifiques,
de grades, d'évêchés, d'abbayes, les anciens féodaux ne
rendaient dans l'Etat presque aucuns services généraux et
recevaient pour leurs sinécures des pensions et des gratifi-
cations énormes. Ils fournissaient à l'armée ou à l'Eglise
quelques milliers de soldats et de prêtres; mais le tiers
état en fournissait des centaines de mille. S'ils ne rendaient
pas de services généraux, ils ne rendaient pas davantage de
services locaux. Les villes et les villages où étaient situées
leurs terres étaient administrés par les officiers royaux ou
municipaux ; eux-mêmes n'avaient aucune part à la gestion
des affaires locales; ils ne touchaient à l'administration
publique que par leur droit de justice, et ce droit était si
limité, qu'il constituait moins un pouvoir qu'un revenu.
S'ils voulaient intervenir à titre officieux, l'intendant ou ses
délégués leur imposaient silence. Le seigneur n'était, en
réalité, sur ses terres, qu'un « premier habitant » que des
immunités et des privilèges séparaient et isolaient de tous
les autres. Loin de défendre ses paysans, c'est à peine s'il
pouvait préserver sa personne, sa demeure, ses gens, ses
immunités, sa chasse et sa pêche contre les empiétements
perpétuels des gens du roi. Ajoutons que, le plus souvent,
il ne résidait pas sur ses terres, mais à la cour, à la ville,
à l'armée, et qu'il abandonnait ses domaines à la gestion
d'un régisseur principalement occupé de s'enrichir.
Rien ne semblait donc justifier les privilèges de la no-
blesse féodale, rien, si ce n'est la tradition et le bon plaisir
du roi. Et cependant ils avaient dans la société, en justice,
à l'armée, en matière d'impôt, des avantages dont ne jouis-
saient ni les roturiers ni les vilains ; bien plus, ils pesaient
sur ces roturiers et surtout sur ces vilains par leurs droits
de justice, par leurs taxes et leurs corvées seigneuriales.
A la vérité, ces droits remontaient haut dans le passé et on
aurait pu croire qu'à la longue la tradition les avait faits
plus tolérables. Au contraire, deux circonstances rendaient
au paysan le pouvoir seigneurial plus lourd et plus blessant
au xvme siècle qu'il ne l'avait été au xnr3. D'abord, c'est
que partout s'étaient établis, avec la centralisation monar-
chique, d'innombrables droits royaux qui s'ajoutaient, sans
les supprimer ni les restreindre, aux droits seigneuriaux.
Sans compter la dîme que percevait l'Eglise, le cultivateur
devait acquitter au roi taille, capitation, vingtièmes, cor-
vées, gabelles, aides, droits de justice et bien d'autres ; et
il lui fallait encore acquitter à son seigneur des taxes ana-
logues. « Il payait à la fois deux gouvernements », l'un
féodal, qui ne rendait plus aucun service effectif; l'autre
monarchique, qui se chargeait de toutes les affaires ; le
premier était de trop. D'autre part, le cultivateur, autrefois
serf, fermier, tenancier, était dans la plupart des régions
devenu propriétaire, par suite de la transformation écono-
mique qui avait divisé au xvnr3 siècle la propriété foncière.
Aimant la terre qu'il avait achetée de ses épargnes, il
sentait plus vivement que jamais les charges et les vexations
innombrables qui le gênaient et le ruinaient. Les droits
fonciers et les droits de mutation étaient tolérables quoique
lourds, mais les corvées, les péages, les banalités, les droits
de chasse, de colombier, de garenne ! Que l'on ajoute les
exigences, les vexations arbitraires des régisseurs, des pro-
cureurs fiscaux, des créanciers à qui le seigneur avait
hypothéqué ses terres, et l'on comprendra quelles misères
et quelles hames engendrait à la fin de l'ancien régime
l'exercice des droits seigneuriaux. Le progrès du bien-être
dans les classes supérieures et dans la riche bourgeoisie,
la diffusion des nouvelles doctrines économiques et sociales
rendaient plus vif encore le sentiment de ces maux et de
ces injustices. Sans doute, il y avait aussi des nobles
s'occupant de leur terre avec intelligence et de leurs
hommes avec sympathie, des nobles dont le gouvernement
paternel était payé de fidélité et d'attachement ; mais
c'était une exception. Le plus souvent le seigneur, absent
de ses terres, n'avait avec ses paysans aucune relation per-
sonnelle qui atténuât la rigueur de l'exploitation domaniale;
ou bien, s'il vivait en hobereau sur son domaine, il était
trop pauvre et trop âpre au gain pour ménager ses gens.
Depuis longtemps la bourgeoisie, dans les cahiers des
Etats généraux de 4560, 1566, 1614, les jurisconsultes
et les magistrats les plus éminents, dans les travaux où
ils s'efforçaient de coordonner et d'unifier la législation
civile, les philosophes et les politiques les plus éclairés du
xvme siècle (Voltaire, Quosnay, Mirabeau, Turgot) avaient
réclamé la revision et la réforme de tous les droits qui
pesaient sur la propriété foncière et sur les classes agri-
coles (V. Droits seigneuriaux). Quelques-uns même en
avaient demandé l'amortissement général par voie de rachat,
invoquant le généreux exemple que donnait alors le duc
de Savoie, roi de Sardaigne, dans ses édits de 1762 à
1773. Mais l'incurie du pouvoir central, l'aveuglement des
FÉODALITÉ
— m —
classes privilégiées, la résistance des gens de loi qui vivaient
de ces abus invétérés, mirent obstacle à toute réforme
sérieuse. Les courageux efforts de Turgot et de ses amis,
les tentatives isolées de quelques assemblées provinciales
n'aboutirent qu'à des échecs. Le parlement de Paris con-
damna au feu, en 4776, le livre où Boncerf dénonçait les
« inconvénients des droits féodaux ». Pendant les der-
nières années qui précédèrent la Révolution, la seigneurie
se montra presque partout plus tenace et plus avide que
jamais. Comme les intendants soutenaient volontiers les
revendications des paysans et que les tribunaux contestaient
souvent l'authenticité des titres féodaux, beaucoup de sei-
gneurs remirent en état leurs archives et leurs livres ter-
riers, exhumèrent des titres anciens ou exigèrent de nou-
velles reconnaissances. Des agents d'affaires sans scrupule,
rompus à la chicane, qu'on appelait commissaires à
terrier, se mirent au service des seigneurs, compliquant
les procès, entreprenant des recouvrements à forfait. Il
sortit de là une haine nouvelle des paysans contre les
archives reconstituées, qui explique les violences auxquelles
ils se livrèrent en 1789.
III. Abolition définitive du régime féodal. — Le régime
féodal subsista, comme état social, aussi longtemps que la
monarchie à laquelle il était, comme on l'a vu, étroitement
lié, et ses abus contribuèrent pour une large part à la ruine
de l'ancienne société et de son gouvernement. La royauté
n'ayant pu ou n'ayant voulu entreprendre les réformes
que réclamait l'opinion publique, on sait comment éclata la
Révolution. Aux Etats généraux de 1789, les cahiers du
tiers ordre, rédigés dans les paroisses sous forme de
plaintes violentes et indignées, conçus en termes plus mo-
dérés dans les bailliages (où dominaient les gens de loi et
les petits propriétaires qui avaient souvent fiefs et censives) ,
furent unanimes pour demander la suppression des privi-
lèges de la noblesse et l'abolition de la plupart des droits
seigneuriaux. Toutefois l'Assemblée constituante, préoccupée
surtout de faire prévaloir contre les résistances royales le
principe de sa souveraineté politique, ne réalisa pas immé-
diatement ces vœux. L'explosion soudaine des impatiences
et des haines populaires précipita les choses : en juillet
1789, dans la plupart des provinces, surtout dans l'Est,
depuis l'Alsace jusqu'en Provence, les châteaux furent
pillés et brûlés, les titres féodaux détruits, les nobles et
leurs intendants maltraités ou mis à mort. Pour arrêter ces
désordres, l'Assemblée constituante, dans un vote una-
nime où les nobles, moitié par calcul, moitié par entraîne-
ment, se joignirent au tiers état, se hâta de proclamer,
pendant la célèbre nuit du 4 août, l'abolition du régime
féodal. Par cette déclaration, tout l'ancien état social,
qui reposait sur la subordination des classes roturières
aux deux ordres privilégiés, lût renversé ; les lois consa-
crant l'inégalité que les mœurs avaient établies furent mises
à néant. « L'homme cessait, en droit, d'être soumis à
l'homme, la terre à la terre ; il n'y eut plus de terres
nobles et non nobles, plus de fiefs ni de droits féodaux ; il
n'y eut plus de seigneurs ni de serfs, de noblesse ni de
roture. La liberté de la terre, l'égalité des personnes au
point de vue de l'impôt, de la justice, du service militaire,
de l'accès aux grades et aux emplois devint le fondement
de la société nouvelle. Il ne devait plus subsister que les
inégalités tenant à la répartition des richesses, c.-à-d. à la
nature et au fond même de toutes les sociétés humaines, et
les lois nouvelles devaient tendre à les atténuer autant qu*il
était possible de le faire par voie législative. »
Mais il ne suffisait pas d'abolir en principe la féodalité ;
il fallait aussi l'abolir en fait. La suppression des privi-
lèges d'ordre militaire, religieux, financier ou judiciaire,
celle des inégalités dans la condition civile des personnes
pouvaient être aisément réalisées par une administration
vigilante imposant à tous le respect des lois nouvelles.
Mais la destruction de tous les droits seigneuriaux qui
pesaient sur la propriété foncière était une œuvre bien
plus délicate, car aux abus évidents se mêlaient des inté-
rêts légitimes; aux droits strictement seigneuriaux étaient
joints partout des droits fonciers, qui n'avaient de féodal
que la forme. Comment concilier à la fois l'affranchissement
de la terre, qui était décrété, et le respect des contrats
réguliers que suppose toute exploitation agricole et qui
étaient précédemment intervenus entre nobles et paysans?
La solution la plus raisonnable et la plus politique sem-
blait être celle que demandaient quelques économistes,
celle que le duc de Savoie avait déjà appliquée à ses
Etats, celle que, plus tard, devaient adopter d'autres pays
féodaux, l'Angleterre, l'Allemagne, la Russie, c.-à-d. le
rachat par l'Etat de tous les droits des anciens seigneurs,
le remboursement de leurs créances légitimes au moyen
d'une indemnité dont TEtat tout entier devait supporter la
charge. La Constituante envisagea autrement le problème
et s'engagea dans une voie dangereuse. Elle crut faire
œuvre de justice en distinguant, parmi les droits qu'avaient
les seigneurs sur la terre et les personnes, ceux qui étaient
le résultat de l'asservissement imposé et ceux qui avaient
été ou avaient pu être librement consentis entre les nobles
et les roturiers. Les premiers, qui procédaient de la féoda-
lité dominante, devaient être supprimés sans indemnité ;
les seconds, qui procédaient de la féodalité contrac-
tante, ne devaient être abolis que moyennant une indem-
nité payée par le détenteur actuel à l'ancien noble pro-
priétaire. Dans la première catégorie furent compris le
servage, la mainmorte , les droits de chasse, de colombier,
de déshérence, de bâtardise, d'aubaine, d'épaves, la corvée
et la taille seigneuriale, les banalités, les péages et bien
d'autres droits" seigneuriaux. Dans la deuxième catégorie
figuraient les cens et rentes, les lods et ventes, les autres
droits de mutation et quelques banalités que l'on présumait
être, sauf preuve contraire, le prix d'une ancienne conces-
sion (décrets du 11 août 1789, rapport du 8 févr. 1790).
En obligeant les tenanciers à racheter ces derniers par
une somme d'argent ou par une rente annuelle, on réta-
blissait à sa charge, sous forme de droits fonciers, les im-
pôts les moins vexatoires mais les plus lourds de l'ancien
régime ; on grevait ainsi les paysans au profit du propriétaire
d'une charge qui semblait devoir absorber la majeure partie
du bénéfice réalisé par ses travaux de culture : c'était perpé-
tuer la fortune immobilière aux mains de l'ancienne aristo-
cratie. L'Assemblée législative réagit en sens inverse et
déclara abolis sans rachat toutes les banalités, tous les droits
de mutation de quelque nom qu'ils fussent désignés ; quant
aux cens et rentes, elle maintint le principe du rachat, mais
au lieu de présumer jusqu'à preuve contraire que ces rede-
vances résultaient d'un contrat, elle renversa la présomp-
tion et imposa au propriétaire l'obligation de faire cette
preuve pour obtenir le rachat. Comme la preuve ne pouvait
résulter que de l'acte primordial d'inféodation etd'accense-
ment, elle était le plus souvent impossible, et la suppres-
sion du droit avait lieu sans rachat (décrets du 18 juin-
16juii. 1792).
Cette solution, favorable au paysan dans la majorité des
cas, paraissait acceptable. La Convention la repoussa et
s'en tint à une solution plus radicale. Elle abolit sans retard
tout droit ancien, quand même il eût été réellement le prix
ou la condition d'une concession de terre (17 juil. 1 793).
C'était condamner en bloc et sans distinction de fait ou de
droit tout ce qui était l'œuvre de l'ancien régime ; c'était
par une réaction haineuse, mais facilement explicable contre
le régime féodal, méconnaître de parti pris tout ce qui avait
pu intervenir de régulier et de normal entre l'ancien proprié-
taire noble et ses vassaux ou ses tenanciers ; c'était, au nom
d'une solidarité que justifie le droit historique, sinon la
morale absolue, faire expier par les derniers propriétaires,
innocents ou coupables, les longs siècles d'oppression dont
la féodalité s'était rendue responsable. Pour empêcher que
l'on pût jamais revenir sur cette abolition définitive, la
Convention avait décrété que tous les titres féodaux seraient
déposés et brûlés au greffe des municipalités. Cette déci-
sion ne fut exécutée que partiellement, et beaucoup de titres
— 229 —
FÉODALITÉ - FÉODOR
survécurent (V. Archives) ; un décret du 41 messidor
an II autorisa même, dans un but fiscal, la production en
justice des actes qui portaient des énonciations féodales.
Mais l'esprit qui avait inspiré les décrets de la Convention
subsista sous le Directoire, le Consulat et l'Empire dans la
jurisprudence des tribunaux comme dans les avis du conseil
d'Etat, chaque fois qu'il y eut lieu d'interpréter des actes
privés remontant à l'ancien régime. — En fait, la Con-
vention, qui avait livré gratuitement le sol aux paysans,
avait ainsi assuré le triomphe de la démocratie française
et rendu pour longtemps impossible la reconstitution d'une
aristocratie féodale. Ch. Mortet.
Bibl. : I. Sociologie générale.— Montesquieu, De l'Es-
prit des lois*, 1748, éd. Laboulaye, 1877. — Laboulaye,
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— Reports respecting the tenure of land in tlie several
countries of Europe, presented to Houses of Parliamcnt,
1869-70. — Hipp. Passy, Des Formes de gouvernement et
des lois qui les régissent, 1870. E. de Laveleye, De
la Propriété et de ses formes primitives, 1877, 2e édit. —
E. Garsonnet, Histoire des locations perpétuelles et des
baux à longue durée, 1879. — H. Sumner-Maine, Etudes
sur l'histoire des institutions primitives, trad. fr., 1880;
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Etudes sur l'histoire du droit, 1889. — H. Spencer, Prin-
cipes de Sociologie, trad. fr., 1883. — Molinari, l'Evolu-
tion politique et la Révolution, 1884. — Ch. Letourneau,
l'Evolution politique dans les diverses races humaines,
1890 ; l'Evolution de la propriété, 1889 (Bibliothèque anthro-
pologique, t. VIII et XI).
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1662. — De La Roque, Traité de la noblesse, 1678. — Loi-
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Examen de l'usage des fiefs en France pendant les xie-
xiv9 siècles, 1725. — Dubos, Histoire critique de l'établis-
sement de la monarchie française, 1734. — Fr. de Bouta-
ric, Traité des droits seigneuriaux et des matières féodales,
1741. — De Boulainvilliers, Histoire de l'ancien gou-
vernement de la France, 1737. — Mably, Observations
sur l'histoire de France, 1765 (1823, éd. Guizot). — Du Buat,
les Origines de l'ancien gouvernement de la France, de l'Al-
lemagne et de V Italie, \%1.— RENAui.DON,Traité historique
et pratique des droits seigneuriaux, 1765. — Guyot, Traité
des fiefs, 1751 ; Des Droits et privilèges annexés à chaque
dignité, 1784. — Perregiot, De l'Etat civil des personnes et
de la condition des terres dans les Gaules jusqu'à la ré-
daction des coutumes, 1786. — Montlosier, De la Monar-
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1815.— Mignet, De la Féodalité et des institutions de saint
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France, 1827; Essai sur l'histoire du tiers état, 1850. *-
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1857; Saint -Remy de Reims, 1856. — Ducange, Glossa-
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l'Ancien Régime, 1880. — H. Beaune, Introduction à l'étude
historique du droit coutumier français, 1880; la Condition
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propriété foncière en France avant et après la Révolu-
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et des noms de lieu habités en France (période celtique et
période romaine), 1890. — Imbart de La Tour, les Elec-
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tutions politiques de l'ancienne France; les origines du
système féodal, 1890; les Transformations de la royauté
pendant l'époque carolingienne, 1892. ■— A. Luchaire,
Histoire des institutions monarchiques de la France sous
les premiers Capétiens (981-1180), 1890, 2° édit.; les Com-
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période des Capétiens directs, 1892. — P. Viollet, Introd.
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français: Droit privé, 1886; Droit public, 1890, t. I. —
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çais, 1892. — H. Brunner, Deutsche Rechtsgeschichte,
1892, t. II. — Huberti, Gottesfrieden und Landfrieden,
1892, 1. 1. — V. aussi la bibliographie du mot Fief et du
mot France.
b. Histoire locale : Luchaire, Alain le Grand, sire d'Al-
bret, 1877. — De Lagrèze, la Féodalité dans les Pyrénées,
1864.— Ch. Seignobos, le Régime féodal en Bourgogne jus-
qu'en 1360, 1883.— A. de Courson, Mémoire de V origine des
institutions féodales chez les Bretons et chez les Germains,
dans Revue de législation, 1847, t. II; la Bretagne du va au
xii9 siècle (introd. au cartulairede l'abbaye de Redon, 1863).
— A. de La Borderie, les Grandes Seigneuries de Bretagne,
dans Revue de Bretagne, 1889. — Cadier, les Etats de Béarn,
1889. — A. Molinier, Etude sur l'administration féodale
en Languedoc ; Etude sur l'administration de Louis IX et
d'Alfonse de Poitiers (1226-1211); Essai sur la géographie
historique du Languedoc au moyen âge, 1879, dans lanouv.
éd. de l'Histoire de Languedoc de D. Vaissôte,1889,t. VII et
XII. — Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, 1870.
— Mathieu, l'Ancien Régime dans la province de Lorraine
et Barrois (1698-1180), 1879. — L. Delisle, Etudes sur la
condition de la classe agricole en Normandie pendant le
moyen âge, 1851; Des Revenus publics en Normandie au
xine siècle (bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. X, XI,
XIII). — V. pour plus de détails les indications bibliogra-
phiques données dans les ouvrages précités de Glasson,
t. IV; Flach, t. I et II; Luchaire, Manuel des institutions,
et la bibliographie des mots : Anjou, Auvergne, Béarn,
Berry, Bourgogne, Bretagne, Champagne, etc.
FÉODOR (V. Fédor).
FÉODOR (Ivanovitch), peintre d'histoire et graveur,
né en 1765 dans une horde kalmoucke de la frontière
russo-chinoise, mort à Karlsruhe en 4832. Amené dans
cette ville par la princesse héréditaire Amélie de Bade, à
laquelle l'impératrice Catherine de Russie l'avait donné, il
y prit les leçons de Melling et de Becker ; il alla ensuite à
Rome, où il passa sept années, puis en Grèce, où il dessina
les sculptures du Parthénon pour lord Elgin, et, revenu
par l'Angleterre à Karlsruhe, il y fut nommé en 1806
peintre de la cour. Son œuvre principale, le Cycle d'images
en camaïeu, tirées de l'histoire biblique (église protestante
de Karlsruhe), décèle un dessinateur habile doublé d'un
anatomiste profond, avec beaucoup d'imagination : on re-
proche néanmoins à ses figures un certain manque de no-
blesse et de grâce. Parmi ses gravures, on cite une belle
Descente de croix, d'après Daniel de Volterra, et une
reproduction en douze parties des portes de bronze du bap-
tistère de Saint- Jean-Baptiste, à Florence.
FÉODOSIA — FER
— 230 —
FÉODOSIA (V. Kaffa).
FÉPIN. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Rocroy,
cant. de Fumay; 408 hab.
FER. I. Minéralogie. — L'existence du fer natif
d'origine terrestre a été longtemps considérée comme dou-
teuse. En 1870, cependant M. A.-E. Nordenskiôld a trouvé
à Ovifak (île de Disco, sur les côtes du Groenland), des masses
de fer métallique atteignant vingt tonnes : la même substance
se rencontre comme partie intégrante d'un basalte à struc-
ture ophitique. L'origine de ce fer a soulevé de nombreuses
controverses, mais tout le monde est aujourd'hui d'accord
pour y voir du fer natif et non du fer météorique. Il possède
une structure cristalline, contient une petite quantité de
nickel, de cobalt, de cuivre, de carbone, etc. ; toutes ses
propriétés sont celles du fer métallique. Peut-être faut-il
attribuer une même origine à divers fers, tels que celui de
San Catharina (Brésil), que Ton considère généralement
comme météoriques. Le nom dCawaruite a été donné récem-
ment à un fer nickelifère, trouvé dans les sables aurifères et
platinifères de la Nouvelle-Zélande ; il semble provenir d'une
péridotite. Le fer cristallise dans le système cubique.
Fer arsenical. — Le fer arsenical ou mispickel est un
sulfoarséniate de fer (FeS2, FeAs2), orthorhombique :
a: b : c = 0,67726 : 1 : 1,48817. mm = 440°48'.
Les cristaux blanc d'argent ou gris d'acier ont en général
des formes simples : m, a1, e1, £4, et les macles suivant
m sont fréquentes. Il existe un clivage suivant m. Dureté,
5,5 à 6. Densité, 5,9 à 6,2. Dans le tube fermé, le mi-
néral donne d'abord un sublimé rouge de réalgar, puis un
enduit noir d'arsenic ; dans le tube ouvert, il dégage des
vapeurs sulfureuses, puis donne un sublimé d'acide arsé-
nieux ; soluble dans l'acide azotique avec dépôt de soufre.
Le mispickel est abondant dans les roches cristallines ; il
accompagne fréquemment les minerais de plomb, d'argent,
d'étain ; il est parfois aurifère (Nouvelle-Galles du Sud),
cobaltifère (Danaïtë), ou nickelifère. La crucite est,
d'après M. des Cloizeaux, une pseudomorphose de fer
arsenical. Le nom de lôllingite ou de leucopyrite a été
donné à un arséniure de fer (FeAs2), ressemblant beau-
coup au mispickel comme aspect général et comme forme
cristalline. Sa densité est cependant plus forte (7 à 7,4);
son clivage se produit suivant p. Ses caractères au chalu-
meau sont à peu près ceux du mispickel, mais, dans le tube
fermé, il donne immédiatement de l'arsenic métallique. La
lôllingite renferme souvent du bismuth et de l'antimoine ;
elle est beaucoup moins abondante que le mispickel; elle
accompagne les minerais de bismuth de Saxe, ceux de nickel
et de cobalt en Norvège, etc. La geyérite et la glauco-
pyrite en sont des variétés.
Fer carbonate.— Le fer carbonate ou sidérose (FeCO3)
est rhomboédrique et isomorphe du carbonate de magnésie.
L'angle du rhomboèdre est de 107°0/. Il possède toutes
les propriétés physiques des carbonates de magnésie, de
chaux, etc., c.-à-d. clivage facile suivant p, biréfringence
très élevée, avec signe négatif de l'axe optique unique, etc.
Dureté, 3,5. Densité, 3,83 à 3,88. Eclat vitreux, inclinant
au nacré. Ce minéral, translucide et parfois transparent,
est généralement gris cendré ou jaune, parfois brun. Il
prend surtout cette couleur en se transformant en limonite
par oxydation et hydratation : la pseudomorphose est sou-
vent complète. A peine attaquable par l'acide chlorhydrique
froid, le minéral se dissout avec effervescence dans cet
acide bouillant. 11 fond au chalumeau en une masse noire.
Le fer carbonate se rencontre en cristaux nets, en masses
clivables ou présente une structure botroydale et fibreuse.
Voligonite en est une variété manganésifère, la sidéroplé-
site une variété magnésienne. Le fer carbonate est exploité
comme minerai de fer dans un grand nombre de localités et
notamment à Allevard (Isère), en Saxe, etc. On le trouve
aussi en nodules dans les mines de charbon (Angleterre,
plateau central de la France, etc.). Le nom de sphéros -
dêrite a été donné à de petits globules fibreux de fer car-
bonate, tapissant les cavités de roches éruptives basiques.
Fer chromé (V. Chrome, t. X, p. 291, et Chromte).
Fer météorique. — Le fer nickelé fin est un des éléments
constitutifs des météorites (V. ce mot) ; certaines d'entre
elles sont exclusivement métalliques (holosidères), tandis
que dans d'autres (syssidères), le fer ne forme qu'une
trame, englobant des silicates magnésiens, ou même n'est
distribué au milieu d'eux que d'une façon sporadique.
Lorsqu'on traite par l'acide azotique étendu une surface
polie de fer météorique, on voit apparaître, d'une façon
plus ou moins nette, suivant la provenanca de l'échan-
tillon, des lignes inégalement corrodées, se coupant suivant
des angles de 60° ou de 90° ; ce sont les figures de Wid-
manstâtten, qui trahissent la nature complexe et la
structure cristalline des fers météoriques, en réalité cons-
titués par le mélange de plusieurs alliages de fer et de
nickel (avec de petites quantité de cobalt, de manga-
nèse, etc.), dont la composition chimique est encore impar-
faitement connue ; ces alliages ont été désignés sous des
noms divers : kamacite , tœnite, plessite, octibbéhite
lamprite, etc.; ils présentent des propriétés différentes;
les uns offrent une forme dominante cubique , d'autres
octaédrique ; beaucoup enfin présentent des lamelles hémi-
tropes. Les fers météoriques renferment souvent des
phosphures de' fer et de nickel (schreibersite, rhabdite),
des carbures des mêmes métaux (cohénite, etc.), très
rarement du diamant. Les diverses associations minéralo-
giques observées dans les fers météoriques seront, du reste,
étudiés à l'art. Météorite.
Fer oligiste (V. Hématite).
Fer oxydé (V. Hématite).
Fer oxydé hydraté. — Le fer oxydé hydraté se trouve
dans la nature soit à l'état cristallisé (gœthite), soit à
l'état amorphe ; on le désigne alors sous le nom de
limonite.
La gœthite (HFe204) est orthorhombique ; elle forme
soit de petits cristaux brun noirâtre, allongés suivant l'axe
vertical et clivables suivant g1, soit de petites lamelles
rougeàtres (rubinglimmer) , des masses fibreuses ou
écailleuses (lepidocrocite) brun rouge, ou enfin des masses
mamelonnées d'un noir de poix (eisenpecherz) . Dureté,
3,8 à 4,4. Densité, 5 à 5,5. Dans le tube fermé, la
gœthite donne de l'eau et se transforme en sesquioxyde de
fer ; soluble dans les acides. La gœthite se trouve avec les
autres oxydes de fer et particulièrement la limonite et le
fer oligiste,
La limonite (H3Fe409) a une dureté de 5 à 5,5, une
densité de 3,6 à 4. Elle forme des masses concrêtionnées,
mamelonnées, stalactiformes, à surface noire et luisante
et poussière jaune ; on la trouve aussi en grains (constitués
par des couches concentriques), de la grosseur d'un pois
{limonite pisolithique), ou d'un grain de millet (limo-
niteoolithique), ou enfin en masses terreuses (ocre jaune).
La limonite est un des minerais de fer les plus répandus.
Ses propriétés chimiques sont les mêmes que celles de la
gœthite. Assez fréquemment, ce minerai est riche en acide
phosphorique. Le fer des marais est une limonite se for-
mant encore à l'époque actuelle dans les marais, Yœtite ou
pierre d'aigle est une variété de limonite, constituant des
nodules creux qui contiennent des noyaux mobiles.
Fer oxydulé. — Le fer oxydulé, généralement désigné
sous le nom de magnétite, est du Fe304 pur. Il est cubique :
ses formes dominantes sont l'octaèdre a1 et le dodécaèdre bl.
La macle du spinelle (V. ce mot) n'est pas rare : il existe
parfois un clivage octaédrique. La magnétite est opaque et
noire de fer ; sa poussière est noire ; elle est toujours ma-
gnétique et parfois magnétipolaire ; elle attire alors la
limaille de fer qui vient s'accumuler aux deux pôles, c'est
la pierre d'aimant. Dureté, 5,5 à 6,5 ; densité, 5,17.
Très difficilement fusible au chalumeau, le fer oxydulé
perd son action magnétique après avoir été chauffé au feu
oxydant ; il est soluble dans l'acide chlorhydrique. La ma-
gnétite se trouve comme élément constitutif dans un nombre
considérable de roches éruptives et se rencontre toujours
231 -
FER
dans les roches basiques. Dans les schistes cristallins,
elle forme, notamment en Scandinavie, d'énormes amas
exploités comme minerai de fer ; elle est abondamment
répandue dans les gisements d'émeri. Quant aux beaux cris-
taux, ils se trouvent dans les chloritoschistes (Suède, Tirol),
dans les fissures des schistes cristallins (Binnenthal), dans
les gisements métallifères (Travervella, etc.). La magné-
sie) ferrite ou magnoferrite est une magnétite dans laquelle
une partie du FeO est remplacée par de la MgO. On peut
rattacher au fer oxydulé la franklinite (Fe, Zn, Mn)0,
(Fe, Mn)203, la jacobsite (Mn, Mg)0, (Fe, Mn)203 cristal-
lisant aussi en octaèdres et faisant, comme la magnétite,
partie de la famille des spinelles.
Fer sulfuré (V. Pyrite).
Fer titane. — Le fer titane a reçu de nombreux noms :
tlménite, menaccanite, washingtonite, mohsite, erich-
tonite, basanomelan^ etc. La proportion du titane qu'il
renferme est assez variable et sa formule n'est pas défini-
tivement établie (Fe, Ti)203 ou (Fe, Ti)03. Ce minéral est
rhomboédrique et hémièdre (pp =r 85°40' à SQ0^) ; ses
cristaux sont tantôt aplatis suivant la base, tantôt consti-
tués par des rhomboèdres très aigus, comme dans la crichto-
nite de FOisans. Faiblement magnétique : noir de fer avec
poussière de même couleur, opaque. Dureté : 5 à 6 ; den-
sité: 4,3 à 4,9. Infusible au chalumeau ou feu oxydant,
faiblement attaqué par l'acide chlorhydrique bouillant : la
solution donne la réaction du fer et du titane. L'ilménite
se rencontre comme élément constitutif d'un grand nombre
de roches éruptives basiques dans les gneiss, etc. Les
beaux cristaux se trouvent surtout dans les fissures des
schistes cristallins avec quartz, albite, etc. (Dauphiné, Saint-
Gothard), dans les serpentines (Etat de New York), dans
les gabbros, norites, les filons d'apatite (Norvège), etc.
Le nom àHsérine a été donné au fer titane que l'on ren-
contre en petits cristaux arrondis ou en grains dans
les sables de beaucoup de localités volcaniques (Auvergne,
Calabre, etc.). Dans les roches anciennes, le fer titane se
transforme souvent en sphène. Ce produit de transfor-
mation a été pris tout d'abord pour un minéral spécial et
appelé titanomorphite et leucoxène. A. Lacroix.
il ^3. -Form.jE:::::::::: g
Le fer est le plus important de tous les métaux. Il est très
répandu dans la nature, mais on ne le rencontre que très
exceptionnellement à l'état natif, si ce n'est dans les mé-
téorites, ce qui semble indiquer qu'il est disséminé dans
tout l'univers ; il s'unit volontiers aux métalloïdes et aux
métaux, notamment aux corps de la famille de l'oxygène.
En raison de la facile réductibilité de ses oxydes par le
charbon, il est connu dès la plus haute antiquité: il était
connu des Chinois plusieurs siècles avant l'ère chrétienne ;
et, du temps d'Homère, il était l'objet de travaux métal-
lurgiques très avancés. C'est ainsi que, dans YOdyssée, un
forgeron trempe une hache dans l'eau froide pour lui donner
de la dureté. Le fer, retiré de ses oxydes, renferme tou-
jours de petites quantités de matières étrangères, comme du
carbone, du phosphore, du silicium. Pour l'obtenir absolu-
ment pur, il faut réduire son sesquioxyde et son chlorure
par l'hydrogène, à une température convenable, ou, encore,
fondre un excellent fer du commerce avec un peu d'oxyde
de fer et du verre pilé ; ce dernier corps fait l'office de
fondant, tandis que le premier oxyde le carbone, le phos-
phore et le silicium. On peut encore l'obtenir pur par élec-
trolyse, mais il faut le chauffer pour enlever les gaz qu'il
contient.
Propriétés physiques. Le fer pur cristallise dans le
système cubique, le plus souvent en cubes ou en octaèdres ;
sa couleur blanche se rapproche de celle de l'argent ; sa
densité est de 7,8439 ; sa ténacité est très considérable,
mais il est plus mou que le fer ordinaire. Son point de
fusion est situé entre 1,500 et 4,600° (Pouillet : 1,550 ;
Daniel : 1,587). Lorsqu'on le frotte, il développe une
odeur particulière et possède une saveur métallique carac-
téristique. Il est très malléable, mais le martelage le rend
cassant, et, en le recuisant, on lui rend sa malléabilité ;
fondu m lingots, il présente une cassure grenue. Les effets
mécaniques prolongés, comme la torsion et le choc, rendent
sa texture cristalline et diminuent sa ténacité. L'une de
ses propriétés physiques les plus remarquables, c'est son
magnétisme : il s'aimante par influence dans le voisinage
d'un aimant, et l'aimantation disparaît lorsqu'on éloigne
ce dernier, alors qu'elle persiste dans l'acier, faits sur
lesquels repose la télégraphie électrique. Il est à noter que
cette singulière propriété se retrouve dans la plupart de
ses composés et qu'elle tend à disparaître sous l'influence
de la température : au rouge, le fer n'est plus attiré par
l'aimant. Le fer possède à un haut degré la propriété d'ab-
sorber les gaz, ce qui explique les soufflures dont il est
parsemé lorsqu'il est mal aggloméré. Cette porosité du fer
rend compte des dangers que présentent les poêles en
fonte qui se laissent traverser par les gaz du foyer, notam-
ment par l'oxyde de carbone, gaz éminemment délétère .
Propriétés chimiques. Le fer ne s'altère pas dans
l'oxygène ou dans l'air sec ; à l'air humide, il est rapide-
ment attaqué et finit par se transformer en rouille. Chauffé
graduellement, il prend des teintes variables avant de
s'oxyder : à 234°, il est jaune d'or ; vers 250°, violet
pourpre, et bleu vers 300° ; à 400°, toute coloration dis-
paraît, puis il redevient bleu un peu avant la chaleur
rouge, température d'oxydation. Il se combine avec presque
tous les corps simples : avec les métaux pour former des
alliages, dont quelques-uns sont très importants, comme le
fer-blanc , le fer galvanisé ; avec les métalloïdes, pour
engendrer des composés extrêmement nombreux. Il s'unit
aux halogènes dès la température ordinaire ; le brome est
tellement actif qu'il attaque le fer en masse ; aussi a-t-on
proposé ce métalloïde pour faire rapidement l'analyse des
fers, des fontes et des aciers. Il s'unit à l'azote pour donner
lieu à un azoture de fer lorsqu'on l'attaque à chaud par le
gaz ammoniac. L'eau pure est sans action sur lui ; mais
si elle est aérée et si elle contient un peu d'acide carbo-
nique, l'attaque est rapide et il se change en rouille. Il se
forme d'abord du carbonate de protoxyde de fer, qui passe
ensuite à l'état de sesquioxyde ; le point attaqué devient un
foyer qui permet à l'oxydation de se propager en vertu
d'une action électrique, le fer et son oxyde constituant un
couple voltaïque ; il y a en même temps production d'am-
moniaque. Suivant Kuhlmann, l'extension d'une tache de
rouille serait le résultat d'un emprunt d'oxygène au peroxyde
formé en premier lieu ; ce dernier céderait au métal le
tiers de son oxygène pour passer à l'état de protoxyde,
lequel se peroxyderait à son tour en fixant directement
l'oxygène de l'air. Le fer est préservé de l'oxydation par
les alcalis, le borax, les huiles siccatives, par une couche
d'étain (fer-blanc), par le zinc (fer galvanisé) ou lors-
qu'il se développe à la surface une légère couche d'oxyde
magnétique ; pour les usages domestiques, on le recouvre
d'un émail ou d'un vernis vitreux. A l'état incandescent, il
décompose l'eau et s'empare de son oxygène pour former
de l'oxyde de fer salin ; il réduit la plupart des oxydes
appartenant aux quatre dernières sections ; il décompose,
même à froid, les hydracides en dégageant de l'hydrogène.
L'acide sulfurique concentré l'attaque à chaud, avec pro-
duction de gaz sulfureux ; étendu, il y a dégagement
d'hydrogène. L'acide nitrique exerce une action spéciale
qui dépend de la concentration : l'attaque est nulle avec
un acide qui marque de 35 à 42° (Baume) ; chose curieuse,
ce fer immergé n'est plus attaqué immédiatement par un
acide plus étendu, alors que ce dernier, employé directe-
ment, donne lieu à une vive oxydation. On dit alors que le
fer est passif. D'après Varenne, la passivité est due à la
formation d'une couche gazeuse qui enveloppe le métal et
l'isole du réactif dans lequel il est plongé ; on s'explique
dès lors pourquoi la passivité du fer cesse dans plusieurs
circonstances, notamment lorsqu'on expose le métal dans
le vide, lorsqu'on frotte sa surface avec une baguette de
FER
232 —
verre. Du fer passif est-il plongé dans de l'acide ordinaire,
il n'y a pas d'action ; mais, si on le soumet à un choc
contre les parois du vase, l'attaque se produit brusque-
ment ; il en est de même lorsqu'on projette un jet d'eau
sur le métal immergé ou qu'on lui imprime un mouvement
rapide de giration, etc.
Les usages du fer sont innombrables ; on peut dire que
ses applications s'étendent tous les jours ; les navires, les
édifices, les constructions de toute sorte en absorbent
d'énormes quantités ; de là l'importance exceptionnelle du
fer parmi les corps simples. Ne pouvant décrire ici ses
nombreux dérivés, nous nous occuperons seulement de ses
combinaisons avec l'oxygène :
Oxydes de fer. — En s'unissant à l'oxygène, le fer
forme plusieurs combinaisons : un sous-oxyde, un pro-
toxyde, un sesquioxyde, un oxyde magnétique, un acide
ferrique.
4° Sous-oxyde. Lorsqu'on chauffe le fer à la flamme du
chalumeau oxyhydrique, il brûle en donnant naissance à
un composé qui n'est pas l'oxyde salin, comme dans le cas
où l'on opère dans l'oxygène pur. On obtient une masse
noire, fusible, un peu malléable, qui se dissout dans l'acide
chlorhydrique en dégageant de l'hydrogène. Ce corps répond
sensiblement à la formule Fe40 (Marchand). D'après Du-
sard, on obtient un sous-oxyde, Fe20, dans la réduction
ménagée du sesquioxyde de fer par l'hydrogène.
2° Protoxyde de fer, FeO. On le prépare par voie
sèche en faisant passer sur du sesquioxyde de fer, chauffé
au rouge sombre, un mélange à volumes égaux d'acide
carbonique et d'oxyde de carbone (Debray). C'est un corps
peu magnétique, facilement combustible, transformable à
chaud en oxyde magnétique, dégageant des vapeurs nitreuses
avec l'acide azotique. Il se dégage à l'état d'hydrate lors-
qu'on verse une solution de potasse dans une dissolution
d'un protosel de fer. Il passe rapidement du blanc au gris
verdâtre, au vert, au noir, au bleu, enfin au jaune brun
lorsqu'il est en contact avec l'oxygène de l'air ; le chlore
produit immédiatement ces transformations. Une fois sec,
cet hydrate est formé d'une masse pulvérulente , d'un
vert clair, coloration due sans doute à une légère oxydation
(Gmelin). Bouilli avec de l'eau, il passe à l'état d'oxyde
salin (Liebig et Wôhler). Il est si peu soluble dans l'eau
qu'il en exige 4/0000 p. pour le dissoudre (Bineau). A
l'état anhydre, le protoxyde de fer, obtenu à diverses tem-
pératures, paraît pouvoir se présenter sous plusieurs formes
allotropiques (Moissan).
3° Sesquioxyde de fer, Fe203. A l'état naturel, c'est le
fer oligiste des minéralogistes ; est-il en masses amorphes,
compactes, rouges et sans éclat, il prend les noms de san-
guine, d'hématite et sert à polir les métaux ; hydraté, il
constitue l'hématite brune, les fers limoneux et oolithiques,
corps qui répondent à la formule (2Fe203).3HO. A l'état
anhydre, il cristallise, comme l'alumine, dans le système
rhomboédrique ; il est dur, brillant, d'un noir foncé, non
magnétique ; il donne à la pulvérisation une poudre d'un
brun rouge. On l'obtient sous forme de fer oligiste lors-
qu'on chauffe au rouge le sesquioxyde de fer dans un cou-
rant de vapeur d'eau ou en calcinant un mélange de sul-
fate de fer hydraté et de sel marin à parties égales. L'hy-
drate se précipite lorsqu'on traite par l'ammoniaque un sel
de sesquioxyde. Il est alors sous forme d'une matière
brune, ocreuse, ayant la même formule que la rouille,
2Fe203.3H0. Bouilli pendant sept à huit heures avec de
l'eau, il se transforme en une poudre rouge, ayant pour
composition Fe203H0 (Péan de Saint-Gilles), corps remar-
quable par son insolubilité dans les acides azotique et
chlorhydrique. La même transformation s'opère dans l'eau,
après plusieurs années (Schiff).
4° Oxyde magnétique, Fe304 = (FeO. Fe203). C'est un
excellent minerai de fer, constituant les aimants naturels.
Il est en octaèdres réguliers, noir, à éclat métallique,
fusible à une haute température, donnant à la pulvérisation
une poussière noire, magnétique. On l'obtient artificielle-
ment en faisant passer de la vapeur d'eau sur du fer
chauffé ou rougi, ou encore de l'acide chlorhydrique sur
de l'oxyde de fer amorphe. Il se dépose à l'état d'hydrate
non magnétique lorsqu'on dissout, à l'abri de l'air, le fer
dans de l'acide sulfurique étendu ; on transforme les deux
tiers en sel de sesquioxyde ; on les chauffe avec de l'acide
azotique ; on ajoute ensuite, après refroidissement, l'autre
tiers de sel de protoxyde. On l'obtient encore en cristaux
octaédriques lorsqu'on chauffe le colcothar, pendant deux
heures, à une chaleur blanche (Sidot). Chauffé avec du
soufre, il se transforme en protoxyde, avec dégagement
d'acide sulfureux. Traité par l'acide chlorhydrique, en quan-
tité insuffisante, il fournit du protochlorure de fer et du
sesquioxyde de fer. C'est une base faible, susceptible d'en-
gendrer des sels avec divers acides (Lefort). Suivant son
mode de péparation, il peut se présenter sous diverses
modifications allotropiques (Moissan). En résumé, c'est un
ferrite analogue aux combinaisons que le sesquioxyde de
fer forme avec divers protoxydes, comme les ferrites de
potassium, de soude, de chaux, de baryum, de magnésium,
de zinc, de manganèse et de cuivre (Fremy, Pelouze, Ebel-
men).
5° Acide ferrique, FeO3. Ce composé oxygéné, décou-
vert par Fremy, n'est connu qu'à l'état de combinaison
avec les bases. Le ferrate de potassium, qui est le sel le
plus important, se prépare : 4° par voie sèche, en proje-
tant du salpêtre dans un creuset de Hesse chauffé au rouge
et contenant de la limaille de fer ; 2° par voie humide, en
faisant passer un courant de chlore dans de la potasse
concentrée, tenant en dissolution de l'hydrate de sesquioxyde
de fer ; ce sel se dissout peu à peu et donne une liqueur
d'un rouge pourpre. L'alcali est-il en grand excès, il se
dépose une poudre noirâtre de ferrate potassique, entraînant
du chlorure de potassium ; on reprend par l'eau et on pré-
cipite par une lessive concentrée de potasse. C'est un sel très
soluble dans l'eau, à laquelle il communique une belle
teinte rouge violacée ; cette solution, qui est peu stable,
se décompose immédiatement à l'ébullition en laissant dépo-
ser du peroxyde de fer ; traitée par les acides, elle dégage
de l'oxygène et donne également du peroxyde, la liqueur
se décolorant complètement (Fremy).
Caractères des sels de fer. Le sulfure d'ammonium
précipite tous les sels de fer en noir, réaction qui suffit
pour distinguer le fer du manganèse et des métaux alca-
lino-terreux. Les moyens indiqués pour distinguer les pro-
tosels sont nombreux. Indiquons seulement les suivants,
qui sont les plus sûrs et les plus usités :
RÉACTIFS
PROTOSELS
PERSELS
Potasse caustique.
Prussiate jaune de
potassium
Prussiate rouge de
potassium
Infusé de noix de
1 galle
Précipité blanc,
qui passe au
vert, au jaune.
Précipité blanc,
qui bleuit à
Pair.
Précipité bleu.
Pas de réaction.
Précipité rouge
brun.
Précipité d'un
beau bleu.
Pas de précipité.
Précipité bleu
noir foncé.
Ed. Bourgoin.
ÎII. Archéologie (V. Age du fer).
ÏV. Thérapeutique. — Le fer est un des plus vieux et
des plus habituels agents de notre thérapeutique. Employé
primitivement d'une façon symbolique, pour l'idée de force
que ce métal a toujours exprimée chez tous les peuples, il
s'est trouvé que ses indications comme fortifiant et anti-
chlorotique étaient pleinement justifiées, par le fait, connu
depuis peu, de son action sur la multiplication des glo-
bules sanguins et la régénération de leur matière colorante.
Les travaux de M. Hayem tendent à repousser la première
— 233 —
FER
partie de cette proposition qui a longtemps eu force de loi
et servi à échafauder nombre de théories sur les mérites
relatifs de telles ou telles préparations patentées. On sait,
aujourd'hui, en effet, que le sang décoloré des chlorotiques
peut contenir un chiffre normal de globules. C'est donc
moins un accroissement des globules rouges qui signale la
reconstitution du sang par l'usage du fer, qu'une augmen-
tation de production de la matière colorante. La richesse
du sang en fer est toujours proportionnelle à sa richesse
en hémoglobine : de là l'utilité de l'emploi de la méthode
colorimétrique de Hayem, pour suivre pas à pas, pendant
un traitement ferrugineux, les progrès réels de la médica-
tion. Enfin, le rôle du fer dans l'hématose est amplement
confirmé, s'il avait besoin de l'être, par les effets vérita-
blement merveilleux obtenus par l'adjonction des inhala-
tions d'oxygène à la médication ferrugineuse, dans le trai-
tement de la chlorose et de l'anémie rebelles.
La façon d'administrer le fer a une grande importance
pour le succès de la médication. Il est essentiel de donner
une préparation absorbable. Les préparations pilulaires,
si elles sont un peu anciennes, effectuent sans perte aucune
la traversée du tube digestif : les poudres, les solutions
présenteront donc toujours de plus grandes garanties d'ab-
sorption. Rabuteau a montré que tous les sels de fer,
quels qu'ils soient, ne pouvaient être absorbés qu'à l'état
de protochlorure, par suite de l'action de l'acide chlorhy-
drique stomacal. Il a donc conseillé l'emploi du protochlo-
rure lui-même : ce protochlorure circule dans le sang, pense-
t-on, à l'état d'albuminate : on admet qu'il y a formation
d'un coagulum, au premier contact du sel ferreux avec le
sérum sanguin, puis dissolution de l'albuminate formé, le
milieu étant alcalin. Certains sels, cependant, tels que les
ferro-cyanures, traversent toute l'économie sans rien céder
d'eux-mêmes et sans subir aucune transformation : on
les retrouve intégralement dans les urines. Mais la plu-
part sont décomposés et abandonnent aux globules une
partie de leur métal ; le reste est éliminé par les sécrétions
diverses, et tout particulièrement, paraît-il, par la bile ;
le fer revient donc dans l'intestin par cette voie, et sa pré-
sence dans les matières fécales, révélée par la coloration
noire qu'il leur communique, ne prouve pas forcément,
comme on l'a dit trop souvent, que la préparation ferru-
gineuse a traversé les voies digestives sans être absorbée.
Cette absorption est lente et difficile, c'est un fait acquis;
aussi, même pour les préparations les plus solubles et
connues comme les plus facilement assimilables, est-il
inutile de dépasser dans leurs prescriptions certaines doses,
toujours très faibles. On exposerait autrement le malade à
des troubles digestifs pénibles, avec toutes les consé-
quences de leur retentissement sur l'état général qu'on
voulait précisément amender. En règle générale, il y a tou-
jours avantage à employer les préparations solubles non
acides, telles que le tartrate, le citrate, le lactate, ou les
préparations insolubles facilement attaquables, comme
le fer réduit ou le protoxalate; ce dernier sel, suivi de
l'ingestion , quelques minutes après, d'un verre de limo-
nade chlorhydrique, est peut-être le type de préparation le
plus sûr et le mieux supporté. Quant aux injections sous-
cutanées (pyrophosphate de fer citro-ammoniacal, perchlo-
rure de fer adouci par la peptonisation), elles sont irri-
tantes, et le danger qu'elles apportent de créer des caillots
emboliques est trop grand en comparaison du peu d'avan-
tages qu'elles présentent, la nécessité d'une absorption
aussi prompte de la préparation étant rare ; dans l'anémie
pernicieuse rapide, seul cas à envisager, il est établi que
le fer est à peu près impuissant.
L'emploi du fer a aussi ses inconvénients : nous avons
parlé des troubles gastriques ; il faut y ajouter celui, tout
à fait capital, de la constipation ; les sels organiques fer-
rico-potassiques (tartrate, citrate, etc.), y prédisposent
moins, et l'on peut toujours adjoindre à la préparation
choisie un laxatif doux quelconque, manne, rhubarbe, etc.
Les préparations solubles noircissent les dents ; aussi un
lavage soigné de la bouche doit-il toujours être recom-
mandé après leur emploi. Autre inconvénient plus grave et
d'ordre général, l'usage prolongé du fer tend à provoquer
des congestions organiques passives; il augmente le sang
des menstrues, prédispose aux céphalées congestives, aux
saignements de nez, aux hémorrhoides, aidé en tout cela par
la constipation qu'il amène avec lui. Mais ce qui est plus
grave encore, c'est qu'au début de la tuberculose, alors
qu'il n'existe que de l'hyperémie du tissu pulmonaire dans
les sommets, l'emploi inconsidéré du fer accroît cette con-
gestion passive et favorise grandement le travail patho-
logique dont ces régions sont le siège, comme le révèle
trop souvent l'apparition d'abondantes hémoptysies. Nombre
de tuberculoses ont été activées ainsi maladroitement par
l'emploi des ferrugineux chez des adolescents dont la
pseudo-anémie n'était qu'un début d'envahissement par le
bacille. Aussi, doit-il être de règle, chez les jeunes chloro-
tiques, de ne jamais prescrire le fer sans avoir fait préala-
blement un examen minutieux de l'état de l'appareil
pulmonaire ; au moindre soupçon, on remplacera avec tout
profit le fer par l'arsenic.
Le fer, en raison de son action coagulante, a été employé
dès longue date sous forme de perchlornre, pour arrêter
les hémorragies ; on tend aujourd'hui à y renoncer de
plus en plus. Il n'arrête que les petites hémorragies capil-
laires, et, pour peu que la quantité employée soit un peu
forte, il n'arrête plus rien du tout, le coagulum formé se
dissolvant dans un excès de perchlorure. Il noircit fâcheu-
sement les plaies, et, chose plus grave, il les infecte, car
la solution officinale de perchlorure employée d'habitude
est un milieu de culture dont s'accommodent fort bien
nombre de micro-organismes. Pour les hémorragies fortes,
il ne dispense pas de la ligature ou de la compression. Le
perchlorure de fer a été employé aussi à l'intérieur pour
arrêter les hémorragies, procédé très douteux comme effi-
cacité et pouvant même aller à l'encontre de ce que l'on
se propose. Les lavages fréquents avec une solution éten-
due de perchlorure de fer ont été préconisés dans le traite-
ment de la diphtérie ; le procédé date de Trousseau, mais
a été rajeuni récemment par Goldschmitt, Guelpa, etc. Le
même perchlorure a été employé au traitement médical et
généralement incertain de l'ongle incarné. Le sulfate de fer
a été employé en injections contre la blennorragie, peut-
être imprudemment. Enfin, les injections coagulantes de
sels ferreux ont été tentées dans le traitement de certains
anévrysmes et même des paquets variqueux dans quelques
circonstances. Dr R. Blondel.
V. Industrie. — L'histoire du fer est celle de la
civilisation ; les savants, pour la plupart, ont admis
que le bronze devait, avoir été connu avant le fer. Cela
est contestable. En effet , tandis qu'avec un feu de char-
bon de bois, on obtient rapidement , par la simple réduc-
tion de minerais de fer riches et convenablement choisis,
un fer forgeable très nerveux, il faut, pour fabriquer
le bronze, obtenir d'abord deux métaux différents, le
cuivre et Fétain, qui, l'un et l'autre, demandent un travail
plus difficile que celui du fer dans les anciens fourneaux,
puis il faut que ces deux métaux soient fondus ensemble en
proportions convenables, ce qui exige des creusets réfrac-
taires, et enfin que l'alliage soit coulé dans des moules pour
recevoir la forme qu'on veut lui donner, alors que, pour
façonner le fer, il suffit de disposer d'une roche comme
enclume et d'une pierre comme marteau. On a trouvé des
objets de bronze dans des dépôts anciens, où les objets de
fer semblent ne pas exister, mais on comprend que, vu la
grande facilité avec laquelle le fer s'oxyde dans la terre
humide, il devait se transformer en une masse soluble dont
les traces ont disparu. Depuis peu, dans ces dernières an-
nées, on a appris à estimer à leur juste valeur les décou-
vertes d'objets en fer ; le nombre de ces découvertes s'est
accru d'une façon remarquable : on a même rencontré des
armes et des outils en fer mêlés à des objets et à des
ustensiles en pierre, alors qu'on attribuait cependant à ces
FER
— 234
derniers une antiquité supérieure à celle du bronze lui-
même.
D'après les recherches approfondies de L. Simonin, la
fusion du minerai se faisait jadis au foyer d'affinage,
comme cela se pratique encore aujourd'hui près de Naples
et en Corse; ces foyers étaient établis, soit au bord
de la mer, soit sur la pente des montagnes. On se
servait, pour les activer, de la force naturelle du vent ; ils
étaient enfoncés dans la terre, entourés d'un mur bas en
grès, comme le montrent les morceaux calcinés et en partie
scorifiés que l'on a rencontrés dans leur voisinage. Le mi-
nerai était grillé en tas; la loupe obtenue à l'aide du
charbon de bois devait constituer un fer doux ; les laitiers
étaient bien fondus, bulleux, noirs, cristallins. Bien que la
plupart des foyers d'affinage aient été soufflés par le vent
naturel, il est cependant hors de doute que les Etrusques
ont connu également les soufflets mécaniques ou artificiels.
La conquête de la Haute-Italie soumit à la domination ro-
maine tous les Celtes cisalpins; nous y voyons fleurir
encore du temps des empereurs une industrie sidérurgique
de grande importance exercée par les Séquanais, notam-
ment près de Bergame et de Brixia. Dans la Gaule trans-
alpine vivaient une foule de peuplades de race celtique,
également très expérimentées dans l'art de travailler les
métaux ; les plus importants étaient les Eduens, les Bitu-
riges, les Arvernes, les Vénètes et les Carnutes. Au siège
d'Alésia, les Arvernes possédaient tellement de fer qu'ils
purent entourer toute la forteresse de pieux de fer enfoncés
en terre les uns contre les autres et reliés par des cram-
pons du même métal. D'après Strabon, les Bituriges n'avaient
comme rivaux dans la fabrication du fer que les Prétocoriens,
habitants du Périgord actuel. On rencontre dans le Berry
de nombreuses excavations (mardelles), avec des foyers qui
ont peut-être servi à la réduction des minerais. Les Trévires,
dont le territoire s'étendait depuis le Rhin jusqu'au delà
del'Eifel, fabriquaient des armes célèbres, et l'on rencontre
dans l'Eifel de nombreux amas de scories appartenant à
l'époque celtique ou gallo-romaine ; les environs d'Aix-la-
Chapelle ont donné lieu à la découverte de plus de cent
foyers anciens. Les Belges, et parmi eux les Ner viens et les
Bellovaques, les Helvètes, travaillaient le fer, comme le
prouvent de nombreuses traces de foyer. D'après Tacite,
les Bretons portaient des glaives énormes ; César trouva
chez eux des chars à deux roues armés de fer. L'industrie
du fer la plus ancienne avait son siège dans les forêts du
Sussex et du Gloucestershire. Il semble que c'est en An-
gleterre que l'on a trouvé les premières usines à fer
romaines ou romano-celtiques ; d'après Fairbairn, les four-
neaux dont on s'était servi étaient des fourneaux à vent,
de construction simple, de forme conique, dont la cuve,
peu élevée, était plus large en haut qu'en bas. Immédiate-
ment au-dessus du sol, ils présentaient de petites ouver-
tures pour l'introduction du vent ; aussi étaient-ils placés
sur les sommets ou sur la pente des montagnes exposées
au vent, afin que celui-ci y eût plus facilement accès, en
même temps que leur flamme pouvait s'échapper par leur
large gueulard. Le minerai et le charbon y étaient chargés
par lits successifs et on pouvait régler la température en
fermant ou ouvrant à volonté les entrées d'air. Le produit
obtenu était une loupe impure, mêlée à beaucoup de sco-
ries; on la purifiait en la cinglant et en la martelant
plusieurs fois. Cependant les Romains connaissaient aussi
les soufflets à la main et Ausone décrit des soufflets en
cuir avec fond de bois, munis de soupapes pour laisser
entrer et sortir le vent et dont les joints étaient garnis de
bandes de laine. En Suisse et en Carinthie, on exploitait le
fer de toute antiquité ; on a trouvé à Erzberg des four-
neaux à vent qui étaient enfoncés dans les montagnes,,
munis d'un canal latéral pour le vent.
C'est au xve siècle, suivant Karsten, que remonterait
une découverte destinée à exercer une influence décisive
sur la civilisation, la fusion du fer à l'état de carbure. En
Allemagne, les connaissances métallurgiques font les plus
grands progrès ; on y rencontre les premiers auteurs qui
aient écrit sur ces matières, soit pour expliquer les pro-
cédés en usage, soit pour les raccorder à un corps de doc-
trine. En tête figure J.-C. Agricola ; ses ouvrages, au
nombre de sept, remontent à 4530 et constituent l'en-
semble le plus remarquable de la science technique à cette
époque ; son traité De Re metallica, où sont décrites avec
la plus grande précision les opérations métallurgiques de
son temps, a été regardé, jusqu'au siècle dernier, comme le
guide le plus sûr. A partir du xvie siècle, le fer va se
répandre peu à peu et prendre le rang qu'il conservera
ensuite sans partage. Suivant Karsten, c'est aux Pays-Bas
qu'on serait redevable des fluss-ofen ou fourneaux pour
réduire le fer avec avantage : ils s'introduisirent peu de
temps après en Suède et s'établirent au xvne siècle en Saxe.
La découverte de la fonte des minerais ne fut pas l'œuvre
d'un jour, ni le résultat d'appréciations scientifiques ; elle
fut l'œuvre patiente d'efforts individuels, de secrets révélés
et transmis par une simple routine. Modifiés de diverses
manières, suivant les pays, les bas et moyens. foyers don-
nèrent lieu à autant de manipulations différentes, connues
sous le nom de méthodes suédoise, allemande, styrienne,
carinthienne, corse, catalane, navarraise, biscayenne, etc.,
et quoique la métallurgie en ait plus tard perfectionné quel-
ques-unes, nous les considérons comme des indices de la
primitive fabrication du fer. Dans les procédés oubliés, dans
les méthodes rajeunies, dans les appareils de fondage
actuels, se reproduit invariablement l'idée appliquée par
les peuples anciens. Nous y avons seulement adapté les
perfectionnements de la mécanique ; nous avons accru les
dimensions des appareils pour traiter des masses plus con-
sidérables.
Vers le milieu du siècle dernier, un homme de génie,
Henry Cort, chercha en Angleterre une solution de la mé-
tallurgie du fer, sans mettre en contact la fonte et le
combustible. Il employa le four à réverbère, où, dans une
chauffe séparée par un mur en maçonnerie, le combustible
développe sa chaleur, transmise, par radiation sur une
voûte, à la matière placée sur une sole. La fonte placée en
gueusets passe, avant de fondre, par un état semi-pâteux;
en y faisant pénétrer un outil et remuant la masse, on
facilite le contact affinant avec le courant gazeux toujours
chargé d'oxygène libre, et peu à peu le carbone de la fonte
se dégage à" l'état d'oxyde de carbone. Ce gaz brûle à la
surlace en jets bleuâtres par sa transformation en acide
carbonique. Bientôt toute la masse est à l'état de fer ; on
la découpe en un certain nombre de balles ou loupes spon-
gieuses tout imprégnées de scories. On les porte successi-
vement sous un lourd marteau qui serre le métal, en
exprime la scorie et donne lieu à une sorte de parallélipi-
pède ou bloom. Pour activer le travail, Cort eut l'idée de
substituer, à l'action lente du marteau mécanique ou mar-
tinet, l'étirage entre deux cylindres portant des entailles
ou cannelures. Nous abrégeons la partie historique de la
fabrication du fer pour nous étendre un peu plus longue-
ment sur les procédés eux-mêmes de fabrication.
Le premier perfectionnement apporté à la métallurgie
antique du fer fut la méthode catalane. Ce nom lui vient
de la Catalogne, cette partie du versant méridional des
Pyrénées où l'abondance du bois et des minerais riches a
permis, de nos jours encore, l'installation d'une industrie
importante dont les produits étaient de première qualité.
Cette méthode, que l'on retrouve dans les vallées méridio-
nales des Alpes, en Lombardie et en Italie, semble avoir
été employée par les Etrusques ; elle a dû, vraisemblable-
ment, fournir aux Romains le fer dont ils se servaient
(V. Forge). Nous ne parlons que pour mémoire de la fa-
brication du fer au moyen des stuckofen allemands ,_ ce
procédé n'étant plus employé. La méthode de fabrication
du fer au stuckofen était fondée sur les réactions et opé-
rations suivantes : dans un four à cuve de peu de hauteur,
d ou 6 m. à peine, on entassait par couches successives
du minerai de fer, du charbon de bois et les fondants né-
— 235 —
FER
cessaires, puis on soufflait avec des tuyères inclinées. On
obtenait ainsi de la fonte (V. Fonte) qui se réunissait
dans la partie inférieure du fourneau ; on faisait écouler le
laitier ou silicate de chaux et d'alumine provenant de la
gangue et on continuait de souffler. Sous Faction oxydante
de l'air favorisée par l'inclinaison des tuyères, on brûlait
la totalité du carbone combiné avec le fer dans la fonte.
Comme la température était peu élevée, il arrivait un mo-
ment où le fer décarburé ne pouvait plus rester à l'état
liquide et il se formait une masse métallique solide (stiick,
en allemand), ce qu'on appelle un loup. Cette masse était
extraite du fourneau par un orifice que l'on pratiquait à
la muraille inférieure ; on y accrochait des tenailles et on
le traînait sous un marteau hydraulique pour le marteler
en forme de barre. On refermait ensuite la brèche en re-
faisant la muraille du four et on continuait de souffler
pour obtenir une seconde masse. Pour obtenir l'affinage
et la décarburation de la fonte, il fallait augmenter l'in-
clinaison des tuyères, mais on ne pouvait empêcher que
l'air, qui avait traversé le bain de fonte sans agir, ne vînt
brûler le combustible qui se trouvait au-dessus ; il se fai-
sait de la fonte pendant l'affinage, et cette fonte venait
troubler par sa présence l'opération qui devait produire le
fer. Le métal obtenu était peu homogène ; de plus, les
scories très ferrugineuses que l'on obtenait corrodaient les
parois du four si on ne les faisait pas écouler rapidement.
La démolition d'une des parois était une opération pénible
pour les ouvriers, et la masse de fer incandescente, souvent
d'un poids considérable, était difficile à manier. On re-
nonça vite à ce procédé pour arriver à une division logique
du travail. Le haut fourneau est un outil merveilleux pour
la production de la fonte. Le minerai de fer, chargé à la
partie supérieure, est réduit peu à peu par le gaz oxyde
de carbone que dégage le combustible en se brûlant à la
partie inférieure. Le fer, réduit en carbure, devient fusible :
c'est la fonte (V. Fourneau [Haut]). Il était donc lo-
gique d'extraire d'abord le fer en totalité du minerai qui
le renfermait et, comme cette séparation ne peut se faire
qu'avec absorption de carbone, d'éliminer ensuite ce car-
bone dans une opération spéciale qui porte le nom d'affi-
nage. Désormais le fer ne se fera plus qu'en partant de la
fonte comme matière première. La fonte renferme de 3 à
5 °/0 de carbone, suivant les conditions de température
dans laquelle on l'a produite. C'est cette proportion de car-
bone qu'il s'agit d'éliminer.
Dans Y affinage au bas foyer, on soumet à l'action affi-
nante d'un vif courant d'air, de la fonte que l'on liquéfie
dans un feu de charbon de bois. Le vent est donné par
une soufflerie mue ordinairement par une chute d'eau et
dont la conduite générale se trouve sur toute la longueur
de l'atelier. Nous ne décrirons pas toutes les variantes que
comporte cette méthode d'affinage. Nous dirons cependant
que l'on peut obtenir à volonté du fer ou du fer cédât, du
fer aciéreux, quand les fontes sont de qualité convenable. En
général, on place la gueuse de fonte en porte à faux au-
dessus du foyer et en face de la tuyère. La fonte se liquéfie
peu à peu, coule goutte à goûte et se rassemble au fond
du creuset où son affinage s'achève au contact de scories
riches en fer et qui proviennent d'une opération précé-
dente. Le plus ordinairement, le produit ainsi obtenu n'est
pas assez affiné; il faut l'extraire du creuset (c'est ce qu'on
appelle un soulèvement), et lui faire subir devant le cou-
rant d'air une nouvelle oxydation. Lorsque l'ouvrier trouve
que l'affinage est terminé, il avale la loupe, c.-à-d. que,
aidé de ses camarades des foyers voisins, il extrait le bloc
de fer mélangé de scories et le traîne sous un marteau des-
tiné à le corroyer et l'étirer en barre. Lorsqu'un soulè-
vement n'est pas suffisant, on en fait un deuxième et l'uni-
formité du produit est alors plus grande. L'affinage au
bas foyer n'est plus guère employé que dans les pays de
montagnes où le combustible végétal est abondant , et où
l'on rencontre des minerais de bonne qualité. On le trouve
encore en Suède où l'on emploie la variante de travail appelée
la méthode du Lancashire, du nom d'un comte d'Angle-
terre, où on l'appliquait au commencement de ce siècle.
L'affinage au bas foyer, par la méthode du Lancashire,
opère sur 75 à 100 kilogr. de fonte à laquelle on fait subir
deux fusions et par conséquent deux soulèvements. Le dé-
chet varie de 40 à 20 °/0 suivant les fontes et suivant
l'habileté de l'ouvrier. La consommation de charbon de
bois est de 3/4 à 1 m. c. pour 100 kilogr. de fer obtenu.
On emploie encore l'affinage au bas foyer pour la fabrica-
tion du fer-blanc ; mais on tend, de plus en plus, à rem-
placer ces produits coûteux par de l'acier doux, plus homo-
gène, donnant moins de rebuts de laminage et coûtant
beaucoup moins cher (V. Fer-blanc).
C'est seulement par le puddlage (en anglais to puddle,
gâcher, remuer) que la métallurgie du fer a pris son vé-
ritable essor. Dans cette opération, la fonte liquide est
soumise, sur la sole d'un four à réverbère, à la double
action oxydante de l'excès d'air renfermé dans les produits
de la combustion et des scories très ferrugineuses ajoutées.
Le tout est remué d'une manière continue par un ouvrier
armé d'un ringard ou crochet de fer. Primitivement, la
fonte, avant de passer au four à puddler, était soumise
préalablement à un affinage partiel qui portait le nom de
mazéage et se fixait dans un appareil spécial appelé maze-
rie (V. Mazéage). Cette opération préalable n'est plus guère
employée ; on puddle maintenant directement les fontes.
Un four à puddler est un four à réverbère généralement
Four à puddler (Coupes longitudinale et horizontale), ï
chauffé au combustible minéral. Il se divise en deux par-
ties, le foyer et la sole. Quelquefois la sole est double ;
dans ce cas, il y a en réalité deux soles, séparées par
un mur en maçonnerie réfractaire du four et entourées
de plaques de fonte reliées entre elles par des tenants
et des montants en fonte et même en fer. La sole en
fonte, sur laquelle se fait le travail, est entourée d'une
circulation d'air ou d'eau. La flamme traverse le four et se
rend par un rampant dans une cheminée ou sous une chau-
dière. Il y a deux sortes de puddlage pour fer : le pudd-
lage en sable ou puddlage sec ; le puddlage bouillant.
Dans le puddlage en sable, on prend de la fonte préala-
blement mazée ; lorsqu'elle s'est ramollie sous la chaleur
du four, l'ouvrier la brise avec son crochet ; elle tombe
alors en sable et se transforme peu à peu en fer, à me-
sure que l'ouvrier renouvelle les surfaces en contact avec
le courant oxydant qui passe par la porte du travail. Le
puddlage gras ou en four bouillant est le seul employé
actuellement. La fonte, à laquelle on n'a fait subir aucune
opération préalable, est fondue dans le four. Tantôt elle
s'échauffe sur la sole du petit four pendant l'opération pré-
cédente et n'a plus à subir qu'un coup de feu dans le grand
four pour arriver à la fusion complète, tantôt les gueusets
FER
— 236
de fonte sont placés directement dans le grand four. Les
fours à double sole servent principalement à l'affinage des
fontes blanches pour fers communs ; les fours à une sole
sont réservés au puddlage des fontes très grises destinées
à produire des fers fins. Il existe aussi des fours à puddler,
à deux portes opposées, où deux ouvriers à la fois peuvent
travailler le fer. Une semblable disposition économise le
combustible, mais demande beaucoup d'entente entre les
puddleurs pour que le travail de l'un ne nuise pas à celui
de l'autre. Les fours simples sont surtout employés en
Angleterre, les fours à deux soles principalement en France
et les fours à deux portes de travail aux Etats-Unis. La
sole dont se servait Cort était primitivement en sable
aggloméré par la chaleur, ce qui augmentait inutilement le
déchet, l'oxyde de fer formé se combinant très facilement
à la silice. Un premier perfectionnement important fut
l'emploi de soles en oxyde de fer obtenu par la combustion
de ferrailles minces en riblons. Le four étant en bonne
chaleur, on introduit sur la plaque de fonte qui constitue
la sole une quantité assez grande de rognures de tôle et
on laisse passer de l'air par la porte. Il se forme un oxyde
fusible qui recouvre la sole en fonte ; l'oxyde de fer, qui
constitue cette sole, se réduit, en partie, au contact du
carbone de la fonte et donne lieu à la production de fer
métallique qui s'ajoute à celui que donne la charge. Le dé-
chet est diminué, du même coup, parce que la quantité
de silice du bain se réduit à celle qui provient de l'oxy-
dation du silicium. Dans le puddlage, le carbone de la
fonte se transforme en oxyde de carbone, soit au contact
de la sole riche en oxyde de fer, soit par l'action du cou-
rant d'air qui a traversé la grille et qui renferme de
l'oxygène libre. Cet oxyde de carbone amène, par son dé-
gagement, une ébullition ou montée de la fonte, et les
bulles de ce gaz viennent brûler à la surface du bain en
produisant des flammèches bleues et se transformant en
acide 'carbonique. Quand la décarburation ainsi obtenue
et qui est favorisée par l'agitation et le renouvellement des
surfaces sous l'action du crochet de fer que manie l'ou-
vrier, ne permet plus au métal de rester liquide, toute la
masse prend l'état solide. Les grumeaux de fer se soudent
les uns aux autres et prennent un aspect spongieux, en
même temps que la scorie, qui imprègne la masse métal-
lique, s'écoule grâce à sa fluidité. C'est ainsi que les sul-
fures et les phosphures de fer, qui n'ont pas subi d'alté-
ration pendant la dé carburation, se liquatent en se séparant
du métal, et permettent d'obtenir du fer, relativement pur,
avec des fontes qui ne le sont pas. On a comparé l'épura-
tion qui se produit au puddlage à la congélation de l'eau
de mer, qui donne de la glace formée d'eau presque pure,
tandis que les sels de soude et de magnésie restent en dis-
solution dans l'eau mère. L'ouvrier découpe, avec une
palette, la masse de fer obtenue en boules ou loupes qu'il
comprime et roule dans le bain pour leur donner une plus
grande cohésion. Il porte alors chacune de ces boules sous
un marteau-pilon qui en exprime les scories (V. Marteau-
pilon) et de là, le bloom prismatique obtenu est laminé
entre des cylindres en une barre plate qui est le fer brut
ou puddlé. Le puddlage présente des variantes d'allure,
suivant la nature de la fonte traitée. Quand la fonte a été,
au préalable, mazée ou passée au feu de finerie (V. Ma-
zéage, Finage, Fine-Métal), ce qui lui enlève la presque
totalité de son silicium, la décarburation commence avant
la fusion du métal, et il se forme rapidement du fer. Quand
la fonte est blanche, c.-à-d. quand tout le carbone qu'elle
contient se trouve à l'état combiné, la décarburation se
fait moins rapidement. Dans la pratique, on caractérise la
facilité plus ou moins grande avec laquelle la fonte se dé-
carbure, par le nombre de crochets ou ringards que l'on
peut passer dans la masse avant qu'elle ne soit d'une con-
sistance trop épaisse. En général, une fonte blanche peut
supporter le passage de trois crochets. Quand la fonte est
grise, la décarburation est plus lente, parce qu'elle est
retardée par la présence du silicium. Il faut, avant que
celle-ci ne commence, que la majeure partie du silicium
soit oxydée. A mesure que cette élimination du silicium
s'opère, le carbone qui se trouvait à l'état de graphite dans
la fonte se dissout et transforme celle-ci en fonte blanche.
Il faut donc, dans le puddlage de la fonte grise, le passage
de plusieurs crochets, pendant que la masse reste parfai-
tement liquide ; ce n'est que plus tard qu'elle se comporte
comme le fait la fonte blanche. Il en résulte que le pudd-
lage de la fonte grise est beaucoup plus lent que celui de
la fonte blanche. Si le passage des crochets dans la masse
liquide est moins pénible que lorsque celle-ci devient pâ-
teuse, il n'en faut pas moins un plus grand travail et une
plus grande consommation de combustible dont la dépense
est sensiblement proportionnelle au temps. La plus grande
durée des fontes grises permet, en même temps, une plus
grande épuration du produit, le soufre et le phosphore
ayant plus de temps pour passer dans la scorie.
Le travail du puddlage se fait, soit avec deux hommes,
soit avec trois hommes sur un même four. Dans le premier
cas, l'ouvrier chef ou maîtr/e puddleur doit développer un
effort physique considérable et qui est d'autant plus pé-
nible que la température à laquelle il est exposé, devant
la porte du four, tend à donner de l'atonie à ses muscles.
L'aide s'occupe du garnissage, de la grille, du passage du
premier crochet et du roulage des boules au pilon. C'est
l'organisation du travail anglais. Dans le travail à trois
hommes, usité en France et notamment aux forges du
Creusot et de Bessèges, la production par four est plus
grande et l'utilisation du combustible meilleure, sans que
le travail de l'ouvrier y soit plus considérable. On s'est
trouvé bien aussi de l'emploi de deux portes opposées per-
mettant à deux puddleurs associés de travailler ensemble
avec le secours de deux aides ; ce système est peu em-
ployé en France. La grosse question dans le puddlage et
qui domine la quantité produite, c'est le rendement, La
perte en fer dépend de la qualité et de la nature de la fonte ;
elle dépend aussi des additions d'oxyde de fer sous forme
de battitures, de crasses de laminage et de minerai de fer
que l'on fait à la charge. En moyenne, dans les fours à
trois hommes, traitant de la fonte blanche, chaude, ordi-
naire, prenant nature après 2 4/2 à 3 crochets, une charge
de 225 kilogr. rend 495 kilogr. de fer brut en barre, ce
qui équivaut à dire que pour obtenir 4,000 kilogr. de fer
brut, il faut 4,450 kilogr. de fonte et cela sans additions
ferrugineuses riches. Dans le travail de la fonte grise peu
siliceuse, il faut 4,200 kilogr. de fonte pour une tonne de
puddlé. Le nombre de charges de 225 kilogr. que l'on
peut traiter par douze heures dans un four à puddler, dé-
pend de la nature de la fonte et du nombre d'ouvriers tra-
vaillant sur le four. Dans un four simple, à deux hommes,
on fait 6 à 7 charges de fonte blanche, soit 4,250 à
4,300 kilogr. de fer brut, ou k à 5 charges de fonte
grise, soit 800 à 900 kilogr. de puddlé fin. Dans un four
à trois hommes ayant une sole additionnelle chauffant la
fonte avant de la traiter sur la sole de travail, on fait
12 charges de fonte blanche correspondant à 2,350 kilogr.
de fer et 8 à 9 charges de fonte grise donnant, en
moyenne, 4,600 kilogr. de fer puddlé. La consommation
de houille est sensiblement proportionnelle au temps de
l'opération ; elle est donc constante pour le travail de douze
heures. Il en résulte qu'en marche, avec fonte blanche, on
emploie 800 à 4,000 kilogr. de houille par tonne de fer, et
qu'en marche, avec fonte grise, cette quantité s'élève à
4.300 et même à 4,500 kilogr. Un des grands progrès
réalisés, dans ces dernières années, au puddlage pour fer
de qualité, c'est l'introduction au mélange de fontes man-
ganésifères. Cette pratique, originaire de la Prusse rhé-
nane, où les fontes à 5 et à 40 °/0 de manganèse sont à
un bas prix relatif, s'est répandue de là en Belgique et dans
l'E. de la France. Des fontes blanches ayant 4,5 °lq de
phosphore, puddlées à la manière ordinaire, donneraient
du fer phosphoreux, à gros grain plat, comme le puddlé
pour rails, fer mou à chaud, se laminant bien à basse tem-
— 237 —
FER
pérature, mais supportant mal une chaleur un peu forte ;
d'ailleurs, fer fragile à froid et «ans résistance au choc.
En les mélangeant avec une certaine proportion de fonte,
ayant de 5 à 12 °/0 de manganèse, on obtient, au contraire,
avec ces mômes fontes, du fer à grain fin, réellement supé-
rieur, résistant à froid et se laminant bien à toute tempé-
rature, de la nature de l'acier puddlé. La teneur en phos-
phore, dans le fer brut obtenu avec ces fonles blanches
phosphoreuses travaillées seules, aurait été de 5 à 6 mil-
lièmes, tandis que cette impureté descend aux environs de
4/2 millième quand le puddlage a eu lieu en présence d'une
proportion convenable de manganèse. Il suffit généralement
de 3 °/0 de manganèse pour neutraliser le mauvais effet
de 1,5 °/0 de phosphore et obtenir d'excellents produits.
On remarque également que, outre la diminution du phos-
phore dans le fer brut, il y a élimination de la majeure
partie de la scorie interposée. Naturellement, le puddlage
d'un mélange de fonte renfermant en moyenne :
Carbone 3,5
Silicium 1,0
Phosphore 1,5
Manganèse 2,5
est plus lent et plus pénible qu'en l'absence du manganèse,
car il faut procéder à l'élimination totale de cet élément
supplémentaire ; mais les résultats sont tellement supérieurs
que ce produit a pris une grande extension. Il est assez
difficile d'expliquer complètement le rôle du manganèse
dans cet affinage. Il semble cependant établi que son action
est multiple. La présence du manganèse hâte l'oxydation
du silicium en fournissant à la silice, qui tend à se pro-
duire, une base énergique, le protoxyde de manganèse,
tout en retardant la décarburation ; le manganèse commu-
nique, par son oxydation, une grande fluidité à la scorie
et celle-ci s'élimine plus facilement de la masse même du
fer. Il semble aussi que l'oxydation du manganèse et du
phosphore soit plus facile quand ces deux corps sont mé-
langés ensemble, et que l'acide phosphorique, qui tend à
se produire, trouve à sa portée une base pour le saturer.
Le chauffage Siemens, avec récupération de chaleur, a
été essayé plusieurs fois au puddlage, avec peu de succès
cependant. Ce mode rationnel d'utilisation du combustible
a rencontré, dans le puddlage, une difficulté toute spéciale
dont on n'a trouvé l'explication que dans ces dernières
années. Il se forme, dans tout four à puddler, par suite
du bouillonnement qui accompagne la décarburation, un
entraînement de particules très ténues d'oxyde de fer qui,
s'aggiomérant avec les cendres du combustible en suspen-
sion dans les gaz du foyer, viennent encombrer plus ou
moins les conduits qui mènent à la cheminée ou aux chau-
dières. Ces dépôts, demi-métalliques, portent le nom de
sarrazins et, dans le cas où l'on emploie le four Siemens,
viennent s'accumuler dans les chambres de récupération,
On arrive ainsi, peu à peu, à une obstruction complète, et
le fonctionnement du four est arrêté. Un ingénieur fran-
çais, M. de Langlade, à la suite d'essais heureux de pudd-
lage au gaz de haut fourneau qu'il avait soumis au lavage
pour leur enlever la poussière dont ils sont chargés, a
résolu d'une manière satisfaisante l'emploi des fours Sie-
mens au puddlage. En sortant du gazogène, les gaz sont
lavés et dépouillés des globules de goudron et des pous-
sières qu'ils pourraient avoir entraînés ; on n'observe plus
alors de formation de dépôts dans les chambres de récu-
pération, et le four fonctionne avec tous les avantages du
système Siemens. Contrairement à ce qu'on pourrait croire,
vu l'élimination des hydrocarbures, qui semble une dimi-
nution du pouvoir calorifique des gaz, la chaleur est plus
élevée dans le four. Peut-être le lavage, en abaissant la
température du gaz, condense-t-il plus de vapeur d'eau
qu'il n'introduit d'humidité. Quoi qu'il en soit, il faut en
conclure que la formation des sarrazins était facilitée par
la présence du goudron et des poussières dans les gaz du
foyer, puisqu'ils ne se produisent plus. Le puddlage à bras
d'homme est, nous l'avons dit, une opération pénible, et
par l'effort physique qu'il faut développer pendant un temps
assez long, et par la température amollissante à laquelle
est soumis l'ouvrier dans le voisinage immédiat de la porte
du four. Il y a dans le puddlage, quand on en a analysé
les diverses phases, des conditions physiques et chimiques
qui rendent difficile la réalisation mécanique de ce travail.
Il faut un contact intime entre la fonte et les agents oxy-
dants, que ceux-ci proviennent de la sole ou des courants
gazeux, et ce contact ne peut a\oir lieu que par des renou-
vellements de surface. Il faut, enfin, que la masse affinée
soit mise sous une forme qui facilite le cinglage et l'éli-
mination des scories. On a cherché une demi-solution dans
le passage mécanique des crochets de ringards et l'on
peut dire que c'est là le seul résultat obtenu ; mais la
complication du mécanisme et le résultat imparfait n'ont
pas permis au procédé de se répandre d'une manière géné-
rale. La solution complète comprenant l'affinage et k for-
mation d'un bloc de fer à l'état naissant prêt au cinglage
a été entrevue en Amérique, mais n'est plus appliquée
nulle part. Le four Danks avait la forme d'un tonneau rou-
lant horizontalement sur des galets au moyen d'une cou-
ronne dentée et d'un moteur. La flamme du foyer entrait
par l'une des faces et sortait par l'autre qui était mobile,
pour permettre la sortie de la masse du fer quand l'affi-
nage était terminé. Le cinglage d'un pareil bloc nécessitait
un outillage spécial et se faisait entre trois cylindres. La
partie délicate était le garnissage ; on se servait de bon
minerai bien aggloméré. Le four Danks présentait sur le
travail à la main un avantage important, c'est qu'il ren-
dait plus de fer que l'on ne chargeait de fonte, grâce aux
impuretés que celle-ci renfermait agissant comme un ré-
ducteur énergique sur l'oxyde de fer du garnissage, grâce
aussi à une plus faible quantité de silice en présence, le
four étant tout entier garni en oxyde de fer. Quoi qu'il en
soit, le puddlage est une opération qui nous semble con-
damnée en principe et dont l'existence est appelée à dispa-
raître devant les progrès de la déphosphoration (V. ce mot).
Au point de vue économique, il convient de signaler un
travail tout particulier : c'est l'utilisation et la transforma-
tion des ferrailles ou riblons du commerce, pièces hors
d'usage que les grandes compagnies de chemins de fer
mettent au rebut "et vieilles matières que les industriels et
les particuliers jettent sur le marché. Avec de telles ma-
tières premières, il est possible d'éviter le puddlage de la
fonte ; c'est ce qui permet de comprendre comment quelques
usines ont pu s'installer dans Paris même et produire an-
nuellement, sans fours à puddler, un total de 30,000 à
40,000 tonnes de fers laminés, principalement de fers à
planchers. Quand il s'agit de tirer parti des ferrailles du
commerce, deux cas peuvent se présenter: les ferrailles
sont très menues ou elles sont très massives. Dans le
premier cas se rangent les tournures, les limailles de fer,
les débouchures, les découpures de tôles très minces. Avec
ces matières, on produit du fer de ferraille ; on les charge
dans un four à réverbère; on pousse le feu pour faire
agglomérer la masse en grosse boule qu'un ouvrier tourne
dans tous les sens ; il se produit du laitier qui imprègne la
boule et complète son affinage. La boule est ensuite portée
sous un pilon qui en forme un massiau que l'on passe au
laminoir pour le transformer en barres plates de fer brut.
Un petit four à réverbère, desservi par deux ouvriers, fait
en douze heures de 2,500 à 3,000 kilogr. de barres brutes.
Si les ferrailles sont massives, vieux rails, tôles, essieux,
bandages de roues, etc., il faut, pour les utiliser, procéder
au paquetage. La longueur et la section des paquets varient
avec le poids et le profil des échantillons que l'on se pro-
pose de fabriquer. Les paquets, appelés aussi masses, sont
chauffés au blanc soudant dans un four à réchauffer
(V. ce mot) et engagés ensuite entre les cannelures des
cylindres d'un laminoir.
Le fer, tel qu'il s'obtient par les différents procédés de
puddlage que nous avons énumérés, se classe, suivant
FER
- £38 -
l'aspect de sa cassure, en plusieurs qualités : 4° fer à grain
fin : c'est le fer supérieur qui peut même prendre la
trempe et passer alors à l'acier puddlé, quand la fonte qui
a servi à le produire possède une certaine composition ;
2° fer a nerf: c'est le fer ordinaire obtenu avec des fontes
peu phosphoreuses ; 3° fer à gros grains : c'est celui que
l'on obtient avec les fontes phosphoreuses quand on les
travaille seules ; il peut contenir jusqu'à 8 millièmes de
phosphore. Le fer puddlé, quand il sort du four, est à
l'état d'épongé toute imprégnée de scories, dont il importe
de le débarrasser pendant qu'elles sont encore bien liquides.
Cette opération porte le nom de cinglage et a pour effet de
produire des lopins de fer appelés blooms, qui seront en-
suite étirés par les cylindres ébaucheurs (V. Cinglage,
t. XI, p. 405). Les opérations diverses que nous avons
succinctement indiquées pour la production du fer s'appli-
quent surtout au fer brut, c.-à-d. incomplètement dépouillé
de sa scorie interposée.
Dans la méthode anglaise, par le puddlage, celle qui est
incontestablement la plus répandue, parce qu'elle est la
plus économique, la proportion de matières étrangères res-
tant dans le fer brut, quand il sort des cylindres ébau-
cheurs, peut atteindre 4 à 5 °/0. Il faut donc procéder à
une opération dite réchauffage et qui a pour but d'épurer
le fer brut tout en lui donnant la malléabilité nécessaire
pour qu'il prenne une forme définitive sous les cylindres
lamineurs. Le fer brut, ayant la forme de plats à bords
plus ou moins rugueux et déchiquetés, est coupé par de
puissantes cisailles en morceaux d'égale longueur ; il est
mis ensuite en paquets rectangulaires que l'on chauffe dans
un four à réchauffer. De là le fer passe aux laminoirs qui
lui donneront l'aspect et la nature du fer marchand (V. La-
minage) .
Les fers que l'industrie métallurgique livre au commerce
reçoivent certaines dénominations, suivant les formes qui
leur sont données. Ces diverses variétés de fer ouvré se
divisent en : fers marchands ou grosses barres de fer
plates, carrées ou rondes ; fers platinés ou barres carrées,
plates, rondes ou de diverses sections, mais de dimensions
inférieures à celles des fers marchands ; fers spattés ou
bandelettes étirées au cylindre, dont l'épaisseur est tou-
jours très petite par rapport à la largeur, et qui se ven-
dent par bottes; fers* étirés, que l'on trouve dans le
commerce sous une grande variété de formes, portant le
nom de fers à T simples ou doubles pour planchers, fers à
équerreou cornières, fers à moulures, à vitrages, à châssis,
fers en croix, rails, etc. ; fers en feuilles, en tôles, fils de
fer, etc. Les fers plus particulièrement employés dans
l'industrie du bâtiment comprennent : les fers marchands,
fers larges plats, fers feuillards, fers spéciaux et tôles.
Les fers marchands se divisent en quatre classes propre-
ment dites et une catégorie particulière dite des fers hors
classe. Aux quatre classes appartiennent les fers carrés,
de 5 à 110 millim. d'épaisseur; les fers ronds, de 6 à
110 millim. de diamètre; les fers plats, dont la largeur
varie de 20 à 165 millim. et l'épaisseur de 3,5 à 41 millim.;
les bandelettes, dont la largeur est comprise entre 20 et
30 millim. et l'épaisseur entre 3,5 et 7,5 millim.; les
plate-bandes demi-rondes, de 27 à 80 millim. sur toutes
les épaisseurs ; les fers demi-ronds, de 12 à 26 millim.
sur toutes les épaisseurs. Dans les fers hors classe, on
distingue : les aplatis, dont la largeur varie de 30 à
81 millim. et l'épaisseur de 3 à 4,5 millim.; les gros
ronds, de 111 à 190 millim. de diamètre sur 4 à 6 m. de
longueur et au-dessus. Dans les fers larges plats, on
compte six classes comprenant des fers dont la largeur est
comprise entre 170 et 600 millim. et l'épaisseur entre 6 et
11 millim. Les fers feuillards se divisent en trois caté-
gories dans lesquelles la largeur des fers varie entre 18 et
100 millim. et l'épaisseur entre 1 et 3 millim. Les fers
spéciaux présentent sept classes et une catégorie d'échan-
tillons hors classe. On y trouve : les fers ordinaires cintrés
de 5 millim. par mètre ; les fers à simples ou à doubles T
de toutes dimensions, à ailes ordinaires ou à larges ailes ;
les cornières, dont la section offre des branches égales ou
inégales ; les fers à barreaux de grilles de 55 à 100 millim.
de diamètre ; les fers à vitrages, les fers en U, etc. Les
fers en feuilles comprennent: les tôles puddlées et les
tôles striées, livrées au commerce en feuilles de dimensions
spéciales (V. Tôle). Les rails ont des sections et des lon-
gueurs toutes particulières (V. Rail). Les fils sont classés
par numéros (V. Fil de fer).
Les progrès accomplis dans la fabrication du fer, de-
venue régulière et scientifique, ont accru les exigences de
la clientèle. Les compagnies de chemins de fer et les ser-
vices techniques de la guerre et de la marine ont formulé
ces exigences dans des cahiers des charges. A chaque qua-
lité de métal doivent correspondre des propriétés physiques
et mécaniques. Les fers de forge sont classés, au point
de vue de la qualité de la matière, en quatre catégories,
savoir : première catégorie, dite fer fin ou au bois ;
deuxième catégorie, dite fer fort supérieur; troisième
catégorie, dite fer fort; quatrième catégorie, dite fer
ordinaire. Des épreuves à froid sont faites sur des mor-
ceaux pris dans les pièces à essayer, forgés ou ajustés en
barreaux ronds ou prismatiques de sections carrées ou
rectangulaires. Le tableau suivant indique la charge ini-
tiale, la charge minima que doit supporter le barreau,
enfin l'allongement minimum .
DESIGNATION
DES FERS
Fer fin au bois .
Fer fort supérieur.
Fer fort
Fer ordinaire. . .
CHARGES M KILOGRAMMES
pour-1 millim. q.
de la
section primitive
31
30
28
26
35
34
32
30
38
37
35
33
allongements
en fonction
de la longueur
des barreaux
essayés
o
0,220 ! 0,250
0,200 ' 0,230
0,150 ; 0,180
0,100,0,120
La ductilité du métal est constatée au moyen d'épreuves
à chaud, épreuves au crochet, des trous, des rabattements,
dont la description nous entraînerait trop loin. Les qualités
du fer sont habituellement désignées par les numéros 2,
3, 4, 5 et 6, le n° 2 indiquant la qualité la plus basse.
Souvent aussi, surtout dans les forges anciennes, il existe
des noms spéciaux pour chaque qualité principale.
La production totale des fers a été, en 1891, de
811,621 tonnes, en diminution de 13,748 tonnes sur
1890. Le total se divise en 664,023 tonnes de fer puddlé,
14,412 tonnes de fer affmé au charbon de bois et
133,186 tonnes de fer obtenu par réchauffage de vieux
riblons et fers. La production des rails en fer a été de
514 tonnes contre 388 tonnes en 1890 et 1,027 tonnes en
1889. La production des fers, en 1891, représente plus
de 125 millions; sur ce chiffre, on compte les tôles
pour 25 millions représentant 117,000 tonnes. Il y a eu
176 usines en activité, comprenant 646 fours à puddler,
51 foyers d'affinerie en activité et 707 fours à réchauffer.
Le dép. du Nord, dont la production représente un peu
plus du tiers de celle de la France, a donné 308,000 tonnes ;
celui de Saône-et-Loire, 71,000 tonnes; les Ardennes,
68,000 tonnes ; la Haute-Marne, 66,000 tonnes; la Seine,
54,000 tonnes ; Meurthe-et-Moselle, 42,000 tonnes ; la
Loire, 37,000 tonnes; l'Allier, 32,000 tonnes.
La métallurgie du fer était dignement représentée à
l'Exposition universelle de 1889. Chaque forge avait tenté
de prouver, par sa propre exposition, la vitalité de l'indus-
trie spéciale du fer, vivement battue en brèche par une
industrie voisine, mais rivale, celle de l'acier. En 1889,
— 239 -
FER
le fer et l'acier tenaient une place à peu près égale ; cepen-
dant la suprématie de l'acier commençait à se faire sentir.
A la prochaine exposition, l'acier tiendra le premier rang
et le tournoi de 1889 restera dans le souvenir des visiteurs
comme le chant du cygne de la métallurgie du fer.
Bronzage du fer (V. Bronzage).
Fer battu. — Les instruments dits en fer battu sont
faits en tôle de fer, étamée, émaillée ou vernie. Ce nom
leur a été donné parce que dans le principe on les obtenait
par le battage au marteau. L'industrie qui les produit s'ap-
pelle casserie, parce que les premiers ustensiles furent des
casseroles, des cassés, comme on les appelle dans nombre
de localités. C'est aux environs de 1825 que la casserie a
pris naissance ; elle a eu pour origine des essais entrepris
pour remédier aux inconvénients que présentaient les mé-
taux usuels alors employés à la fabrication des ustensiles
de ménage. On sait que jusqu'en 1820 en Angleterre,
comme en France et en Allemagne, les ustensiles en fer
battu étaient martelés à la main et que, par suite de ce
procédé de fabrication, les moindres traces des coups de
marteau se voyaient à leur surface. Ce furent, dit-on, les
frères Japy, de Beaucourt, qui réussirent à les obtenir par-
faitement lisses en remplaçant le martelarge par l'embou-
tissage et l'estampage, invention qui devint le point capital
de la nouvelle industrie. Les ustensiles en fer battu se
fabriquent aujourd'hui partout en France. Ils se font géné-
ralement par l'emboutissage à froid, ce qui oblige à n'em-
ployer que du fer de première qualité. Comme les pièces
finies sont le plus souvent cylindriques ou coniques, on
commence par découper mécaniquement la tôle en plaques
rondes convenables, puis, prenant ces plaques l'une après
l'autre, on les emboutit sur une série de matrices, au
moyen d'un égal nombre de poinçons mus par des presses,
des marteaux-pilons ou des balanciers. Quand elles ont reçu
ainsi leur forme définitive, on les porte au four à recuire
pour rendre au métal la malléabilité que l'écrasage lui a
fait perdre, après quoi on les plane pour détruire les plis
que l'emboutissage a formés. Cette opération s'effectue sur
des tours armés de roulettes qui, tournant avec rapidité et
appuyant fortement sur les pièces, les rendent parfaitement
lisses. Quand leplanage est achevé, les ustensiles sont livrés
à la cisaille qui en coupe et régularise les bords, puis
à une machine qui replie ces mêmes bords, enfin à une
poinçonneuse qui perce les trous destinés à river ou à
visser les anses et les queues. Il n'y a plus alors qu'à les
étamer, vernir, peindre ou émailler, et l'on termine en y
adaptant les anses et les queues. Dans certains pays, en
Allemagne notamment, on fait à chaud les ustensiles en fer
battu. Ce mode de fabrication donne des objets moins coû-
teux, mais plus disgracieux.
Fer-blanc. — L'étamage du fer produit le fer-blanc. On
sait que lorsque la tôle de fer, ou fer noir, est exposée au
contact de l'air humide, elle se couvre rapidement d'une
couche d'oxyde qui augmente peu à peu et finit par la
trouer. C'est pour remédier à cet inconvénient qu'on a
imaginé de la recouvrir d'une mince couche d'étain. Après
cette opérationnelle a la couleur, le brillant et l'aspect de
l'étain et, ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'elle conserve
son éclat mieux que l'étain lui-même, à cause de l'action
galvanique qui se produit entre les deux métaux. Toutefois,
il est indispensable que la couche préservatrice ne présente
aucune solution de continuité, où la moindre fissure ne tar-
derait pas à faire naître une tache de rouille, le fer étamé
étant, par suite de cette action galvanique, plus facilement
oxydable que le fer pur. Le fer-blanc n'est donc en réalité
que de la tôle unie et étamée. On admet généralement que
l'art de le fabriquer a été inventé en Bohême, probablement
au xve siècle et que de ce pays il pénétra en Saxe vers
1620. Une cinquantaine d'années plus tard, un nommé
André Yaranton l'introduisit en Angleterre ; enfin , un
peu plus tard il fut apporté en France par des ouvriers
allemands attirés par le gouvernement à l'instigation de
Colbert. Les emplois du fer-blanc sont actuellement très
nombreux et ils tendent à se développer encore. On en fait
des boîtes de conserves, des emballages pour les expéditions
lointaines et mille objets usuels. Depuis quelques années
surtout, l'usage des conserves de légumes, de fruits, de
viandes, etc., s'est considérablement développé dans la vie
courante et a amené une production croissante dans la fabri-
cation du fer-blanc. L'Angleterre, principalement le pays
de Galles, est le pays qui fabrique le plus de fer-blanc.
Elle possède une centaine d'étameries avec quatre cents
laminoirs ; la production atteint 400,000 tonnes. La France
importe une certaine quantité de fer-blanc, principalement
pour l'industrie des boîtes de sardines; cependant elle
s'affranchit tous les jours de l'importation des produits
étrangers.
Les premiers fer-blancs obtenus en Allemagne au siècle
dernier étaient fabriqués avec des fers au bois de première
qualité, que Ton étirait en tôle avec le marteau. On arri-
vait ainsi, à grands frais, à produire des épaisseurs diffi-
cilement régulières, surtout pour les qualités minces. L'in-
troduction du laminoir par les métallurgistes anglais, en
1728, a donné un grand essor à la fabrication des tôles
de faible épaisseur, et actuellement l'emploi du marteau a
complètement disparu pour cet usage. En France, jusqu'en
ces dernières années du moins, on employait des feux d'af-
finerie et le fer au bois pour la fabrication de tôles minces
à fer-blanc. Il existe encore des usines dans le Centre qui
emploient ce procédé coûteux qui ne tardera pas à dispa-
raître. Le laminagede la tôle à fer-blanc se fait au moyen
de plats appelés bidons ou largets, que l'on coupe à la
longueur que doit avoir la largeur de la tôle et que l'on
passe en travers pendant tout le laminage. Ces bidons ou
largets s'obtiennent de différentes manières que nous allons
passer en revue. Pour obtenir le fer au bois, on affine de la
fonte au bas foyer, en présence du charbon de bois, et l'on
forme ainsi une loupe que l'on martèle et que l'on casse
en plusieurs morceaux, après l'avoir aplatie à une faible
épaisseur et laissée refroidir. Ces fragments de loupe sont
ensuite mélangés et soudés dans un bas foyer en présence
de coke et on forme des morceaux qui sont forgés, puis
laminés en bidons et largets. En Angleterre, les fontes
employées pour produire la qualité de fer-blanc, dite char-
coal (charbon de bois), sont des marques du Cumberland,
fonte de très bonne qualité. En France, on a fait long-
temps usage pour le fer-blanc de ferrailles choisies, trai-
tées au bas foyer en présence de charbon de bois. On
obtenait ainsi une bonne qualité, mais qui était inférieure
au produit de l'affinage du Cumberland avec le charbon de
bois pur. Les loupes obtenues étaient martelées et, dans un
second réchauffage, passées au laminoir. En Angleterre,
pour la qualité courante, on emploie le produit du pudd-
lage des fontes un peu inférieures en qualité à celles de
Cumberland. Ce sont des fontes grises, à moins de 1 °/0de
phosphore, que l'on obtient en traitant au haut fourneau
les minerais de Bilbao mélangés de scories anciennes de
puddlage ou de réchauffage et d'un peu de minerai houiller,
dans certains districts. Le 1er obtenu est martelé, puis
réchauffe et laminé en bidons. En France, aucune usine
n'emploie le produit direct du puddlage de la fonte ; aussi
nos prix de revient, de ce fait seul, ont-ils toujours été
plus élevés qu'en Angleterre à qualité égale du métal pour
fer-blanc. Ce qui se rapproche le plus de la fabrication an-
glaise, c'est ce qui se pratique à l'usine de Hennebont,
près de Nantes ; on y puddle des fontes grises du Cleveland
à 1,5 °/0 de phosphore, mais très pures au point de vue
du soufre ; on fait ainsi des plats dits de quatre pouces en
fer brut qui servent d'enveloppe à des paquets de bonne
ferraille. Le voisinage des arsenaux de l'Etat permet, à ce
point de vue, de compter sur une bonne qualité. Ces pa-
quets sont chauffés, martelés avec soin et, après une nou-
velle chauffe, ils sont martelés en largets. Le fer brut, qui
est phosphoreux, donne des surfaces bien nettes par sa bonne
tenue à chaud, mais la qualité générale est surtout donnée par
les ferrailles de choix des ateliers de la marine à Indret.
FER
— 240
Le fer-blanc en fer tend à disparaître de plus en plus.
En Angleterre, plus de la moitié des usines emploient
maintenant l'acier doux. On trouve de grands avantages
dans la substitution de l'acier doux au fer ; le prix n'est
guère plus élevé que pour la qualité coke, et le métal est
bien supérieur. Il supporte, sans gerçures, les emboutis-
sages les plus difficiles et les pliages répétés. Au laminage,
les bords des feuilles sont plus nets ; il y a donc moins de
rognures, et à l'étamage, le métal étant plus homogène,
moins spongieux, la consommation d'étain est plus faible
pour un même éclat de la surface, sans compter que les
seconds choix ou wasks sont beaucoup moindres dans le
produit fini. Les méthodes pour obtenir l'acier à fer-blanc
ne présentent rien de particulier ; il suffît de les énumérer :
ce sont jusqu'à présent le procédé Bessemer, le procédé
Martin avec riblon ; l'ore-process sur sole, la déphos-
phoration au convertisseur, la déphosphoration sur sole.
La fabrication des tôles minces, destinées à l'étamage, donne
lieu à une grande production de rognures, et le procédé qui
emploiera le plus facilement ces déchets sera certainement
celui auquel il faudra donner la préférence, quand l'industrie
de l'acier et du fer- blanc sera dans les mêmes mains. Les
bidons, coupés à la longueur voulue pour la largeur de la
tôle, sont chauffés dans des fours à réverbère et laminés.
Pour éviter l'oxydation, il est préférable d'employer des
fours du type dormant : la porte qui sert au charge-
ment et au défournement des matières est placée dans la
cheminée ; l'entrée d'air est combattue par le tirage du
foyer qui tend à faire sortir par la porte les produits de sa
combustion. Les cylindres qui servent au laminage des tôles
à fer-blanc sont en fonte dure, ou fonte trempée et blan-
chie à la surface ; la partie trempée doit être de 16 à 48
millim. d'épaisseur. Le laminage se fait à plusieurs chaudes
et se finit à plusieurs épaisseurs ensemble. Pour éviter les
grandes longueurs, on préfère replier la tôle sur elle-même,
pendant qu'elle est encore chaude et on reprend le lami-
nage après passage au four à réchauffer. Quand on veut
obtenir un laminage plus net, la tôle, repliée plusieurs fois
sur elle-même, forme un paquet que l'on équarrit à la ci-
saille. Celle-ci porte un rebord qui produit le repliage de
la tôle, opération qui se faisait encore au maillet il y a
quelques années, dans la plupart des usines françaises, et
qu'il convient beaucoup mieux de faire mécaniquement.
Pour les dimensions moyennes des feuilles, il faut compter
les frais de laminage et de réchauffage suivants, par tonne
de produits prêts à l'étamage : 1,400 kilogr. bidons,
4,700 kilogr. houille pour chauffage et laminage, main-
d'œuvre, entretien, décapage, etc., 400 fr. On retrouve
350 kilogr. de rognures que l'on repasse dans la fabrica-
tion. En France, en moyenne, les tôles noires prêtes à
l'étamage reviennent à 300 ou 350 fr. ; en supposant les
largets en fer ou en acier, entre 460 et 200 fr. On com-
prend qu'un laminage à faible épaisseur, multipliant beau-
coup les surfaces, doive amener une notable oxydation
superficielle. Il est absolument nécessaire, pour faire
adhérer l'étain, de procéder à un décapage complet, pour
faire passer au blanc d'argent la couleur plus ou moins
noire de la surface. On emploie pour cela l'acide sulfurique
ou l'acide chlorhydrique étendu d'eau, pour que l'attaque
ne soit pas trop rapide et puisse être surveillée. L'empilage
des feuilles a lieu sur une plaque de fer portant perpendi-
culairement une grande quantité de tiges destinées à isoler
chaque feuille de sa voisine. Comme on entasse une grande
quantité de feuilles à la fois, il faut un effort assez grand
pour enlever et agiter ce plateau dans le bain acide. On
équilibre les plateaux aux deux extrémités de leviers, pla-
teau par plateau. On arrive à travailler ainsi dix à douze
caisses à la fois, soit pour les plonger dans les acides,
soit pour les passer à l'eau de lavage. Le mouvement est
communiqué soit directement par un piston à vapeur, soit
indirectement par une autre disposition facile à imaginer.
Il suffît, en général, de cinq minutes pour un bon déca-
page ; aussi de semblables machines peuvent-elles suffire à
une grande production. Après le rinçage à l'eau, les tôles
sont essuyées et prêtes à l'opération suivante. On fait un
triage des produits du décapage et on procède au recuit
des pièces bien décapées ; cette opération, qui se fait en
vase clos, dure de huit à dix heures. On emploie des caisses
en fonte, en tôle ou en acier coulé. Les boîtes à recuire
ayant été retirées du feu et mises à refroidir, on procède
au laminage à froid, qui a pour but de polir les surfaces
de lôle et de durcir le métal pour qu'il absorbe moins
d'étain. Les laminoirs que l'on emploie pour cette opération
sont en fonte trempée, mais plus dure que dans le cas du
laminage à chaud; n'ayant pas à subir de changements
brusques de température, ils peuvent être plus fragiles et
blanchis de 25 à 30 millim. d'épaisseur. On fait subir aux
tôles laminées à froid une deuxième recuite et même sou-
vent un deuxième décapage, après quoi il n'y a plus qu'à
passer à l'étamage.
On emploie généralement pour l'étamage tout ce qu'il y
a de plus pur en fait d'étain ; on obtient ainsi le brillant. Le
terne se fabrique avec un mélange de plomb et d'étain, où la
proportion de ces deux éléments varie suivant la qualité à
obtenir. Nous supposerons ici qu'il s'agit de la fabrication du
fer-blanc brillant ; on se sert d'une série de pots en fonte pla-
cés au-dessus d'un foyer simple et on y plonge successive-
ment chaque feuille. Le pot n° 4 renferme du suif fondu
ou même de l'huile de palme ; son but est de dépouiller la
tôle de toute trace d'humidité et de porter en même temps
sa température au degré le plus convenable pour l'adhérence
de l'étain. Le pot n° 2 contient de l'étain fondu; les pots
n° 3 et 4 renferment également de l'étain, et servent à
absorber, par une sorte de lavage, l'excès de métal qui
s'est rassemblé sur les bords de la feuille. Le pot n° 5
contient de la graisse fondue. Entre le pot n° 4 et le pot
n° 5 se trouve un jeu de cylindres entre lesquels passe la
feuille étamée. La surface de celle-ci devient régulière et
bien dressée. Les pots qui contiennent l'étain fondu con-
tiennent de la graisse qui recouvre le métal et empêche
l'oxydation à l'air ; ce bain de graisse exhale des vapeurs
nauséabondes ; aussi M. Girard a-t-il proposé de le rem-
placer par un bain de chlorure de zinc à l'avant des
cylindres et à l'autre extrémité un bain de même chlorure
additionné de 4 0 °/0 de chlorure de potassium ou de so-
dium. Enfin, on termine l'opération par un lavage dans
une eau additionnée d'un peu de chlorure d'étain. On a
cherché, dans les dernières années, à rendre automatique
l'étamage, et parmi les méthodes employées nous en cite-
rons une seule dont le fonctionnement est bon ; elle est
fondée sur le principe des vases communiquants ; un vase en
forme d'U est plein d'étain liquide surmonté dans cha-
cune des branches d'une couche de graisse fondue. Des
guides servent à amener chaque feuille jusqu'aux rouleaux
qui arrivent à exprimer l'excès d'étain. Chaque feuille
pousse la suivante, et comme elle éprouve une perte de
poids notable dans l'étain liquide, l'effort pour entraîner
tout l'ensemble est insignifiant. Les guides étant doubles,
les feuilles sont croisées et se poussent par un point de leur
tranche. Un étamage de bonne qualité doit présenter une
couche uniforme d'épaisseur, sans laisser le fer à nu dans
aucun point, avec un certain brillant ; on emploie de 4 30
à 440 gr. d'étain au mètre carré de tôle. Le séjour dans
le bain est d'environ une heure et demie, de façon à obte-
nir non seulement une couche d'étain sur le fer, mais tout
d'abord un alliage d etain et de fer recouvert d'étain. Au
sortir de l'étamage, les feuilles sont passées dans le son et
dans la farine et frottées à la peau de mouton qui leur
donne du brillant. Les tôles sont triées avec soin en pleine
lumière et classées en deux choix ; puis on les met dans
des caisses en bois par 50 kilogr. environ, généralement
53 kilogr. Les frais d'étamage varient avec le cours de
l'étain et l'épaisseur des feuilles. En prenant 2 kilogr. à
2ks50 par caisse, soit 4 à 5 °/0 d'étain, il faut admettre
200 à 250 ir. la tonne pour passer de la tôle noire au fer-
blanc en caisse. Le polissage, confié à des femmes, se fait
actuellement en frottant le métal avec du vieux drap rouge
de troupe, trempé dans un peu d'huile additionnée de
poudre à polir ; grâce à la teinture de la garance, ce drap
possède une certaine raideur, très appréciée chez les fer-
blantiers. La pièce est ensuite séchée par des frictions au
blanc de Meudon et, finalement, le brillant lui est donné à
l'aide de chiffons de toile et de coton. Cette dernière opé-
ration se fait, soit à la main, soit en plaçant les objets fa-
briqués,sur un tour à pédale.
L'étain est une matière chère ; or, dans la fabrication
des divers objets de fer-blanc, on a un déchet qui atteint
6 °/0. Si Ton rapproche ce chiffre de ceux représentant
les quantités de fer-blanc employées qui, par exemple,
pour la seule ville de Nantes s'élèvent annuellement à
4,000 tonnes pour la fabrication de boîtes à conserves,
on voit que le poids de ces déchets atteint lui-même des
chiffres considérables. Il ne faut pas oublier, d'autre part,
qu'une grande partie des objets fabriqués, comme les boîtes
de conserves, sont jetés aux déchets peu de temps après
leur fabrication. On comprend donc qu'on peut avoir entre
les mains des matériaux renfermant de l'étain qu'il est
intéressant de pouvoir extraire. Le procédé le plus élé-
mentaire consiste à réunir ces divers matériaux et à les
chauffer pour en retirer l'étain par liquation. Mais ce pro-
cédé, bien imparfait, ne permet d'obtenir qu'une fraction
de l'étain contenu. Diverses méthodes ont été proposées :
action de l'acide chlorhydrique avec intervention d'un cou-
rant électrique, action du chlore gazeux, etc. Voici un
procédé qui donne d'excellents résultats • on soumet les
déchets de toute nature à un grillage oxydant l'étain et le
fer à la fois ; ils se couvrent d'une couche brune que l'on
laisse former sur un dixième environ de l'épaisseur totale.
Cette croûte est formée d'oxyde d'étain et d'oxyde de fer ;
elle se détache facilement en battant ces déchets. La poudre
recueillie est broyée entre des cylindres et traitée par l'acide
sulfurique qui sépare l'oxyde de fer et isole l'étain. Les
rognures restant après l'opération forment une excellente
ferraille pour la métallurgie du fer. Un autre procédé con-
siste à faire bouillir les rognures dans de l'eau additionnée
d'un mélange d'acides azotique et chlorhydrique, jusqu'à
ce que l'étain soit complètement disparu, puis on ajoute
du zinc à la liqueur qui renferme le chlorure de fer et
d'étain. Ce dernier métal se précipite sur le zinc sous la
forme spongieuse ; on le lave, puis on le fond. M. Delau-
rier propose de faire oxyder complètement les rognures
par la voie humide ; on obtient de l'hydrate de sexquioxyde
de fer et des oxydes d'étain ; ou encore par la voie sèche,
en chauffant ces débris au rouge et avec le courant de l'air.
Dès 1886, M. Beschardt, de Manchester, et M. Montagne,
de Nantes, indiquaient la méthode suivante : les copeaux
de fer étamé étaient chauffés dans un récipient fermé au
moyen de vapeur à 150°; on introduisait ensuite un cou-
rant d'acide chlorhydrique qui convertissait l'étain en pro-
tochlorure, le fer restant inattaqué. Un lavage à 1 eau
pure entraînait le chlorure, d'où l'on précipitait l'étain
à l'état cristallin par l'addition de rognures de zinc. M. Diggs
a imaginé un cylindre métallique garni intérieurement d'as-
phalte et pouvant recevoir un mouvement de rotation; on
y met les déchets de fer-blanc, sur lesquels on laisse
tomber lentement de l'acide chlorhydrique à 17° Baume, à
la température de 95°; M. Edwards, de Londres, et
M. Ramos Garcia, de Paris, ont fait breveter l'emploi d'un
bain d'acide chlorhydrique additionné d'une petite quantité
d'acide nitrique ou de perchlorure de fer. En y plongeant
le fer étamé, surtout si l'on chauffe le bain, on obtient
rapidement la séparation de l'étain; l'électrolyse de la
solution avec des cathodes en étain donne ce métal à l'état
de pureté. Quand les déchets sont soumis à l'action de
l'acide chlorhydrique sans intervention d'un agent oxydant,
il arrive que le fer est aussi attaquable et qu'il se produit
un mélange de chlorure d'étain et de fer. M. Luke, de
Londres, et M. W. Worth, de Francfort-sur-le-Main, agi-
tent ce liquide avec de la craie finement divisée, pour pré-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 241 — FER
cipiter l'étain à l'état d'oxychlorure. L'opération s'exécute
dans des récipients fermés, pour empêcher l'oxydation du
sel de fer qui, autrement, se précipiterait a vecl'ox y chlorure.
Ce dernier, porté ensuite à l'ébullition en présence du car-
bonate de chaux ou de la craie, se transforme en oxyde
d'étain, qui peut^ être réduit à l'état métallique par le char-
bon. Les produits secondaires des réactions peuvent être
traités d'autre part, notamment le chlorure de calcium,
pour régénérer l'acide chlorhydrique. On n'a donc que
l'embarras du choix pour utiliser les déchets de fer-blanc;
il reste à savoir si les frais de fabrication sont assez res-
treints et justifient la nécessité d'une usine spéciale, sans
avoir à redouter les conséquences d'une diminution du prix
du métal. L. Knab.
VI. Construction (V. Constructions métalliques et
Charpente métallique) .
Fer d'amortissement. — Armature en fer continue,
fixée sur un faîtage pour y maintenir une crête en métal
ou en terre cuite ou tout autre système d'ornementation,
et aussi simple tige de fer fixée au sommet d'un comble
afin d'y recevoir un épi de couronnement. Ch. L.
VII. Ordres. — Ordre du Fer d'or et du Fer d'ar-
gent. — Créé par Jean, duc de Bourgogne, en 1411. Les
statuts contenaient cette singulière clause : les chevaliers
s'engageaient par serment à se signaler dans les armes et
se vouaient au service des dames. Ils devaient se battre à
outrance et, dans le cas où ils n'avaient pas d'adversaires,
ils devaient se battre entre eux. jLes traités chevaleresques
du moyen âge relatent tous cet ordre bizarre qui ne dura
pas longtemps.
VIII. Art héraldique. — Les fers de lance, de dard,
de pique, que l'on appelle aussi bocquets, sont toujours
représentés en armoiries la pointe en haut. Quant aux fers
de cheval, ils se placent selon leur position naturelle et
représentent ceux des pieds de devant ; ils sont dits cloués
quand la place des clous est d'un émail particulier.
Fer de moulin. — Figure artificielle, assez employée
en armoiries parce qu'elle symbolise l'attribut seigneurial
de la possession d'un moulin où les vassaux étaient obligés,
moyennant redevance, de faire moudre leurs grains. Ce
fer, placé au milieu de la meule, est formé de deux branches
courbes réunies séparément à une pièce carrée et ajourée.
Cette pièce est aussi appelée croix de moulin à cause de sa
ressemblance avec une croix de Saint-André.
FER a cheval (V. Ferrure).
FER à souder (V. Soudure).
FER froid (V. Reliure).
FER rouge (Epreuve du) (V. Epreuve).
FER (Ile de). L'une des îles Canaries (V. ce mot), la
plus occidentale et la plus méridionale de l'archipel;
278 kil. q. ; 5,000 hab. De forme triangulaire, elle a
29 kil. de long. Son rivage très escarpé est coupé de
criques dont les principales^ sont au N.-O. le Golfo et à
l'E. le Puerto. Elle n'a rien de particulier, et pour la faune,
la flore, l'archéologie et l'histoire nous renvoyons à l'art.
Canaries. Mais envisagée comme la terre la plus occiden-
tale du vieux continent (à tort, d'ailleurs), on proposa d'y
placer le premier méridien à partir duquel se comptent les
degrés de longitude. A cet effet, le 25 avr. 1634, Riche-
lieu convoqua à Paris un congrès international de mathé-
maticiens dont une ordonnance royale ratifia la décision le
1er juil. On admettait qu'elle était à 20° O. de Paris,
et les cartes qui conservent ce méridien continuent d'adopter
cette position théorique. En réalité, la pointe occidentale
de l'île est à 20°31' long. 0. de Paris. Même les Allemands
et les Espagnols abandonnent le méridien de l'île de Fer.
FER (Cap de). Promontoire de la côte d'Algérie, dép.
de Constantine (V, ce mot).
FER (Nicolas de), graveur-géographe français, né en
1646, mort à Paris le 45 oct. 1720. Il exécuta plus de
600 cartes ou plans, comprenant la France politique, ad-
ministrative, ecclésiastique, hydrographique, orogra-
phique, etc., ainsi que divers pays limitrophes, cartes qui
16
FER — FERAUD
— 242
brillent plutôt par leur côté ornemental et le pittoresque
de leurs encadrements historiés, que par une scrupuleuse
exactitude. Il eut le titre de géographe du roi. G. P-i.
FERA. I. Zoologie. — Espèce de Corégone (Coregonus
fera Art.) qui habite les eaux profondes des grands lacs
de la Suisse et qui récemment a été trouvé dans les eaux du
Doubs (V. Lavaret).
II. Pêche. — Ce poisson se pêche avec la senne, au moyen
de deux bateaux. Au moment du frai, le poisson se rap-
prochant du rivage, on amarre Tune des extrémités de
la senne à un pieu ou à un gros câble, Fautre extrémité
étant soutenue à bord d'une barque. On pêche aussi la
nuit avec des filets dormants placés près du bord et, sur
les lacs de Zug et de Lucerne, au feu, à l'aide de filets
traînants, très légers.
III. Art culinaire. — Ce poisson, dont la chair est
très délicate, subit les mêmes préparations culinaires que
la truite (V. ce mot).
FERA (Bernardino), peintre italien, de l'école napoli-
taine, qui vivait en 4700. Elève de Solimena, il se distin-
gua surtout par ses fresques et par de grandes composi-
tions à la détrempe. Dominici, dans ses Vies des peintres
napolitains, dit qu'il eut un frère qui reçut les leçons du
même maître.
FERABOSCO (V. Ferrabosco).
FERy€ (Zool.). Nom qui, dans le Systema naturœ de
Linné, désignait l'ordre de la classe des Mammifères renfer-
mant les Carnassiers de Cuvier(V. Carnassier et Carnivore).
FERAGA ou FERRAGA. Tribu arabe d'Algérie, dép.
et arr. d'Oran, dans la région de Saint-Denis-du-Sig,
divisée en deux groupes : 1° les Feraga Tahta ou d'en
bas, dans la plaine entre le Sig et l'Habra, où l'on a créé
le centre de colonisation de Bou-Henni ; 2° les Feraga
Fouaka ou d'en haut, sur les pentes du djebel Bou-Ziri
(700 m.). Les deux fractions comptent ensemble à peu près
5,000 individus.
FERAH. Ville de l'Afghanistan, sur le Ferah-Roud, par
59° 47' long. E. et 32° 24' lat. N.; 10,000 hab. C'est
l'ancienne Prophthana de Drangiane ou Phra.
FERAH (Béni). Tribu de l'Aurès (V. Beni-Ferah).
FERAH-Roud. Rivière de l'Afghanistan qui descend du
Siah-Koh et coule vers le S. jusqu'au lac Hamoun. Longue
de 350 kil., elle traverse le pays de Gour, baigne Ferah,
Lach, Djoouaïn. A sec en été, elle a beaucoup d'eau au
printemps et est très utile pour l'irrigation.
FERAH ABAD. Ville de Perse, prov. de Mazenderan, sur
la mer Caspienne, à l'embouchure du Tedjên. Non loin sont
les ruines du palais de Chah-Abbas, qui y mourut (1628).
FÉRAL (Louis), homme politique français, né à Toulon
' le 13 déc. 1830, mort à Paris le 7 oct. 1889. Avocat à
Toulouse, conseiller général de la Haute-Garonne, il fut élu
sénateur de ce département le 29 août 1886 en remplace-
ment de Laurent Pichat, inamovible décédé. Membre de
la gauche et d'opinions extrêmement modérées, il s'occupa
surtout des questions agricoles et d'élevage. Il faisait partie
du conseil des haras. Réélu le 5 janv. 1888, il se prononça
contre le boulangisme. — - Son père, Philippe Ferai, avocat
très distingué à la cour de Toulouse, bâtonnier de l'ordre,
né en 1795 à Albi, mort à Toulouse en 1858, a laissé des
Œuvres (Paris, 1859, 2 vol. in-8).
FERALIA (Antiq. rom.) (V.Fête et Religion).
FERANDINI (Jean), compositeur dramatique italien, né
a Venise dans les premières années du xvme siècle, mort à
Munich en 1793. D'abord hautboïste à la cour de Munich,
il fit imprimer à Amsterdam en 1730 deux sonates de
flûte. On lui doit la musique des opéras suivants : Bérénice
(1730); Adrianoin Siria(il31) ; Demofoonte (1737);
Artaserse(1139); Catone in Utica (1 753); Diana Placata
(1758), puis un Componimento dramatico pour le cou-
ronnement du prince Charles- Albert, un moment compé-
titeur de Marie-Thérèse. Il était aussi chanteur excellent
et a formé de remarquables élèves. A. E.
FERANDO(V. Firando).
FÉRAUD (Jean-François), lexicographe français, né à
Marseille le 17 août 1725, mort à Marseille le 8 févr.
1807. Elève des jésuites, il fut ordonné prêtre et se livra
sans aucun succès à la prédication. Ses travaux lexicogra-
phiques valent mieux que ses sermons : Nouveau Diction-
naire des sciences et des arts (Avignon, 1753, in-8) ;
Dictionnaire général de la langue française (1761,
in-8, plusieurs éditions) ; Dictionnaire critique de la
langue française (1787-1788). Féraud fut membre cor-
respondant de la deuxième classe de l'Institut.
FÉRAUD (Jean), homme politique français, né à Arreau
(Hautes-Pyrénées) le 21 mars 1764, mort à Paris le
20 mai 1795. Député des Hautes-Pyrénées à la Conven-
tion, Il vota la mort de Louis XVI sans appel ni sursis. Il
fut envoyé en mission à l'armée des Pyrénées-Orientales,
le 30 avr. 1793, avec Ysabeau, Garrau et Chaudron-
Roussau, et y rendit de grands services par son énergie
et son courage personnel. Au 9 thermidor, il fut adjoint
à Barras pour commander la garde nationale. H reçut en-
suite une mission aux armées du Rhin et de la Moselle. Il
fut assassiné dans la journée du 1er prairial an III. Voici
comment le Moniteur raconte sa mort : « Féraud, qui
était au pied de la tribune, se frappait la tête et s'arrachait
les cheveux. Dans le même moment, vingt fusils couchent
en joue le président. Féraud, qui s'en aperçoit, veut esca-
lader la tribune pour l'aller couvrir de son corps. Un
officier le soutient par le bras pour l'aider à monter. L'un
des séditieux le tire de son côté par son habit. L'officier,
pour lui faire lâcher prise, assène à cet homme un coup de
poing sur la poitrine. Celui-ci, pour s'en venger, tire un
coup de pistolet qui atteint Féraud. Il tombe ; on s'en em-
pare, on l'accable de coups, on le traîne par les cheveux
jusque dans le couloir voisin. » Quelques instants après,
« une tête est apportée au bout d'une pique... C'est celle
du malheureux Féraud. L'homme qui l'apporte s'arrête
devant le président. La multitude rit et applaudit long-
temps. » D'après M. Jules Claretie (les Derniers Monta-
gnards, p. 153), le coup de pistolet qui tua Féraud avait
été tiré par une folle nommée Aspasie Carie Migelli, qui
avait pris Féraud pour Fréron. Le 14 prairial, la Con-
vention célébra solennellement sa mémoire, et Louvet pro-
nonça son oraison funèbre. F. -A. A.
FÉRAUD (Jean-Baptiste-Pi erre-Honoré), architecte fran-
çais, né à Nice en 1817, mort à Paris en oct. 1884. Elève
de l'Ecole centrale des arts et manufactures, puis de Cons-
tant-Dufeux et de l'Ecole des beaux-arts où il marqua son
passage par quelques projets originaux, Féraud, d'abord
inspecteur des travaux de l'hôpital de Nantes en 1845, fut
ensuite nommé architecte de la ville et professeur de l'Ecole
de dessin de Valenciennes. Après 1848, il commença la
construction, malheureusement interrompue, de l'Ecole
régionale d'agriculture de Riom-ès-Montagne (Cantal) et fut
appelé, en 1852, comme architecte diocésain à Alger où il
fit consolider et agrandir l'ancienne mosquée des Ketchaoua,
devenue la cathédrale d'Alger ; donna, pour l'église Notre-
Dame d'Afrique, un projet qui fut modifié, lors de l'exé-
cution, par M. Fromageau, et fit élever, de 1853 à 1856,
le grand séminaire de Kouba, aux environs d'Alger, travail
après lequel il fut atteint d'une complète cécité. Féraud a
dicté une Notice de Constant-Dufeux qui fut insérée
dans la Revue générale de l'architecture (1872,
t. XXIX). Charles Lucas.
FÉRAUD (François-Marie-Tiburce), homme politique
français, né à Arreau (Hautes-Pyrénées) le 18 avr. 1821,
petit-neveu de Jean (V. ci-dessus). Après s'être présenté sans
succès dans les Pyrénées aux élections pour le Corps légis-
latif le 29 févr. 1852 et le 24 mai 1869 contre M. Jubi-
nal, candidat officiel, il fut nommé préfet du même dépar-
tement le 8 mars 1871 et devint en 1875 trésorier-payeur
général de l'Aude. Révoqué en 1885, il fut élu député des
Hautes-Pyrénées le 4 oct. 1885, siégea à droite, vota
contre la politique coloniale, contre la loi militaire et sou-
tint le boulangisme. Il a été réélu député de Bagnères le
us -
FERAUD — FERBER
22 sept. 1889 par 10,867 voix contre 8,435 à son con-
current républicain Raoul.
FÉRAUD (Laurent-Charles), diplomate français, né le
5 févr. 18°29, mort en 1888. D'abord interprète de l'armée
d'Afrique (20 déc. 1845-19 févr. 1872), puis interprète
principal près le gouvernement général de l'Algérie,
M. Féraud fut nommé consul de première classe et chargé
du consulat général de France à Tripoli de Barbarie le
5 nov. 1878. Créé consul général dans le même poste le
10 oct. 1881,' il fut envoyé au Maroc comme ministre plé-
nipotentiaire le 4 déc. 1884 et nommé ministre plénipo-
tentiaire de première classe hors cadres le 20 juil. 1887.
M. Féraud connaissait admirablement la langue, les mœurs
et les usages de l'Afrique musulmane du Nord sur laquelle
il a écrit plusieurs brochures et articles de revue. L. Farges.
FÉRAUD-Giraud (Louis-Joseph-Delphin), magistrat et
jurisconsulte français, né à Marseille le 24 déc. 1819.
D'abord avocat à Aix, il fut nommé substitut du procu-
reur du roi à^ Apt le 13 févr. 1845. De 1847 à 1878, il
suivit sa carrière de magistrat à Aix, au tribunal civil,
puis à la cour où il devint président de chambre ; il avait
été révoqué en 1848 et rétabli dans ses fonctions de
substitut en 1849. En 1878, M. Féraud-Giraud a été
nommé conseiller à la cour de cassation. Ses principaux
ouvrages sont : Etudes sur la législation et la juris-
prudence concernant les fouilles et extraction de ma-
tériaux à l'occasion de l'exécution des travaux pu-
blics (Aix, 1845, in-8) ; Servitudes de voirie, études
de législation et de jurisprudence (lre part., 1850,
2 vol. in-8 ; 2e part., 1852, in-8) ; Législation française
concernant les ouvriers (1856, in-8) ; Jurisprudence de
la cour $ Aix et du tribunal de commerce de Mar-
seille, concernant le droit maritime de 1811 à 1815
(1857, in-8) ; De la Juridiction française dans les
échelles du Levant et de Barbarie (1858, in-8; 2e édit.,
1866, 2 vol. in-8) ; Droit international, France et Sar-
daigne (1859, in-8) ; Voies rurales publiques et privées,
et servitudes rurales de passage (1859, in-8; 2e édit.,
1868, in-8) ; Police des bois, défrichements et reboise-
ments, commentaire pratique sur les lois promulguées
en 1859 et 1860 (1861, in-8) ; Traité de la grande
voirie et de la voirie urbaine (1865, in-12) ; Des
Voies publiques et privées modifiées par suite de l'exé-
cution des chemins de fer (1878, in-8); Code des trans-
ports de marchandises et de voyageurs par chemin de
fer (1883, 3 vol. ; 2e édit., 1889, 3 vol. in-18) ; les
Justices mixtes (1884); Traité^ des voies rurales, pu-
bliques et privées (1886, 2 vol.) ; Code des mines et
des mineurs (1887, 3 vol.) ; Droit d'expulsion des
étrangers (Aix, 1889, in-8). G. R.
Bibl. : Le Tribunal et la cour de cassation ; Paris, 1879,
pp. 361 et 531.
FÉRAUDY (Dominique-Marie-Maurice de), acteur fran-
çais, né à Joinville-le-Pont le 3 déc. 1859. Elève de
M. Got au Conservatoire, il débuta à la Comédie-Française
le 17 sept. 1880, dans l'emploi des comiques, en jouant
Sosie dans Amphitryon. Accueilli avec faveur, il ne tarda
pas à déployer une grande activité et entra vigoureusement
dans le répertoire, tant dans le genre classique que dans
le genre moderne. En même temps, il créait un certain
nombre de rôles dans diverses pièces nouvelles : les Cor-
beaux, le Député de Bombignac, Une Rupture, Molière
en frison, Chamillac, Raymonde, Pepa, Camille, Une
Famille, etc. Il fut nommé sociétaire en 1887.
FERAY (Ernest), homme politique français, né à Paris
le 29 mai 1804, mort le 29 janv. 1892. Elève de l'Ecole
polytechnique, il créa à Essonnes une série d'établissements
industriels (filature, papeterie, fonderie, ateliers de con-
struction), qui acquirent une importance considérable.
Maire d'Essonnes depuis 1848, il fut élu représentant de
Seine-et-Oise à l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871. Il
réunit autour de lui, à Bordeaux, tousses confrères appar-
tenant à l'industrie ou au grand commerce. Ce groupe,
connu sous le nom de « groupe Feray », eut pour programme
la reconstitution du pays par des institutions libérales et
sous la forme républicaine actuelle. Il soutint M. Thiers,
et, après la chute de cet homme d'Etat, se réunit au
centre gauche, qui prit alors Feray pour président, pour-
suivit la formation du gouvernement républicain et lutta
avec persévérance contre toutes les tentatives de restaura-
tion monarchique. Le 30 janv. 1876, M. Feray fut élu
sénateur de Seine-et-Oise. Il siégea au centre gauche et
combattit le gouvernement du 16 mai, qui le révoqua de
ses fonctions de maire d'Essonnes. En 1879, il devint pré-
sident du centre gauche. Il appuya la politique opportuniste,
combattit le boulangisme et prit une part importante aux
discussions économiques. Il avait été réélu aux élections du
8 janv. 1882 et ne s'était pas représenté au renouvelle-
ment de 1891. M. Feray était membre du consistoire de
l'Eglise réformée de Paris. Il fit également partie du conseil
supérieur du commerce et du conseil supérieur de l'instruc-
tion publique. On a de lui : Du Traité de commerce de
1860 avec l'Angleterre (Paris, 1881, in-8).
FÉRAZDAQ (Abôu Firâs Hammam Ibn Ghàlib Ibn
Saasaa, surnommé à cause de sa laideur), c.-à-d. morceau
de pâte, très célèbre poète arabe, issu d'une des plus
nobles familles de la tribu de Tamim, mort à Bassora en
110 de l'hégire (728 ap. J.-C). II vécut à Bassora, Mé-
dine, à La Mecque, et à Damas à la cour des Ommeyyades.
Ses aventures avec Naouâr, sa femme, et sa rivalité avec
Djerir sont les traits les plus saillants de son existence.
— Abusant de sa situation de tuteur, il avait épousé
Naouâr malgré elle et par surprise ; mais , dès qu'elle
s'aperçut de cette supercherie, elle s'enfuit à La Mecque
auprès d'Abd Allah Ibn Zobéir pour lui demander de rompre
cette union. Férazdaq l'y suivit et, après des sollicitations
incessantes, il parvint à se faire agréer par elle. L'accord
dura peu : le caractère maussade de Naouâr, qui était de
plus une musulmane austère, s'accordait mal avec le tem-
pérament enjoué et ami du plaisir du poète ; elle finit par
obtenir qu'il la répudiât. Mais, à peine le divorce prononcé,
Férazdaq s'en repentit amèrement et il exhala ses regrets
en des vers demeurés célèbres. Une partie de ses poésies
est adressée ou consacrée à Naouâr. — Djerîr, qui mourut
la même année que lui, fut l'objet de nombreuses satires
de sa part. Les épigrammes et les traits qu'ils s'adressaient
ont été réunis en un volume : Al Naqaïd, c.-à-d. les
Ripostes (inédit, mais dont W. Wright avait préparé une
édition). Outre les pièces déjà mentionnées, son divan com-
prend d'autres satires, des élégies et des poésies à la
louange de ses contemporains. L'élégance et la force de
l'expression, son courage en ne craignant pas de manifester
son attachement à la famille d'Ali et sa hardiesse à cribler
de ses satires de puissants personnages, tels qu'El-Hadj-
djâdj, le mettent au premier rang des poètes arabes et en
font une des plus curieuses figures des premiers temps de
l'islamisme. Un célèbre grammairien, Younous, a dit :
« Sans les vers de Férazdaq, le tiers de la langue arabe
serait perdu. » Son divan a été publié et traduit en fran-
çais par R. Boucher (inachevé) (Paris, 1870-1875). Il a
été également imprimé au Caire en 1876. L. Leriche.
Bibl. : Caussin de Perceval, Notice sur les trois poètes
arabes : Ahhtal, Djerîr, Férazdaq, dans Journ. asiate 1834.
— Ibn Khallikân, Biogr. Dictionary, III, p. 612.
FERBER (Johann- Jacob), minéralogiste suédois, né à
Karlskrona (Suède) le 9 sept. 1743, mort à Berne le 12 avr.
1790. D'abord répétiteur au collège des mines de Stockholm
(1763-65) , puis professeur de physique et d'histoire
naturelle à Mjtau (1774) et à Saint-Pétersbourg (1783),
il fut en dernier lieu conseiller des mines à Berlin (1786).
Il était aussi membre de l'Académie des sciences de cette
ville. Il accomplit à travers toute l'Europe une longue série
d'excursions scientifiques et publia sur la physique générale,
la géologie, la minéralogie, la géographie et la métallurgie
un nombre considérable de traités et de mémoires, qui ont
contribué aux progrès de ces sciences. Les principaux ont
FERBER — FERBLANTERIE
pour titres : Beitrcïge zur Nineralgeschichte von Boh-
men (Berlin, 1774); Versuch einer Oryktographie von
Derbyshire (Mitau, 4776); Physikal. metallurg. Abhancl-
lungen (Berlin, 1780); Minéral, und metall. Bemer-
kungen (Berlin, 1789), etc. L. S.
FERBLANTERIE (Techn.). L'industrie de la ferblanterie
ne s'occupe pas seulement de la fabrication des objets en fer-
blanc ; elle embrasse aussi dans une certaine mesure celle
des objets en laiton et en zinc. Cette fabrication se prati-
quait autrefois manuellement ; mais, dans ces dernières
années, des procédés mécaniques y ont été introduits, et
l'emploi de machines spéciales à chaque objet a nécessité
une division en spécialités de produits. Sauf exception,
tous ces produits, principalement ceux devant contenir des
liquides, tels que les cafetières, les bouilloires, etc., se
composent d'un certain nombre de parties préparées à part ;
chacune d'elles, découpée à l'aide d'emporte-pièces ou de
cisailles, est amenée à sa forme voulue par emboutissage ou
par cintrage ; leur assemblage et leur soudure se font en-
suite comme dernière opération. Nous indiquerons succinc-
tement les principales opérations du ferblantier : couper la
feuille, la contourner, la souder et la polir. Les anciens
outils à tracer, compas, mètres, règles, ne sont plus d'un
usage fréquent ; l'emporte-pièce approprié aux divers articles
a fait disparaître en partie cette opération du traçage et ne
Ta laissé subsister que pour la fabrication de pièces s'écar-
tant des modèles courants. Les feuilles de fer-blanc devant
être découpées sur une certaine longueur, il est indispen-
sable d'avoir recours aux diverses cisailles ; l'une d'elles a
deux couteaux circulaires et permet principalement, à l'aide
d'un chariot sur lequel le métal est fixé, d'amener celui-ci
au point de croisement des lames en lui faisant décrire une
ligne droite ou un arc de tel rayon que Ton voudra. Ces
mouvements sont réglés au moyen de tiges de fer de lon-
gueur variable ; aussi, pour la fabrication d'objets coniques
ou tronconiques, cette machine fournit-elle, avec exactitude,
les développements des circonférences et rend-elle d'impor-
tants services comme rapidité et comme travail. D'autres
cisailles à lame servent à découper le fer-blanc suivant les
deux génératrices de raccordement et s'emploient en géné-
ral pour toute coupure rectiligne. Si, pendant les opérations
précédentes le métal a subi quelques déformations, il est
facile d'y remédier en le dressant à l'aide de tas et de mail-
lets de bois ; toutes ces pièces découpées sont soumises à
la brisure, opération qui consiste à passer et repasser le
métal sur la bigorne pour en rompre les molécules et faci-
liter ensuite la mise aux contours ; puis ces pièces sont
ensuite moulurées, bordées, roulées et contournées avant
leur assemblage. L'opération du bordage, faite exclusive-
ment autrefois sur des tasseaux, bordoirs, grands tas ou
pieds-de-biche et tranches, se fait le plus souvent aujourd'hui
sur le bordoir mécanique, appareil composé de deux tôles
entre lesquelles est saisie la feuille de fer-blanc que l'ou-
vrier laisse dépasser de quelques millimètres et qu'il plie
par divers procédés ; si ]a pièce a été arrondie, on borde
au tour ou à la moleteuse. Pour le sertissage, le fil placé
sur un dévidoir est attiré par les deux galets de la mole-
teuse, les pièces de fer-blanc accrochées à ce fil par leur
ourlet sont entraînées sur une table et, par leur passage
entre ces galets, la bordure se trouve complètement rabat-
tue en enveloppant et cachant le fer ; si la pièce est con-
tournée avant d'être sertie, l'ourlet se fera au tour. L'opé-
ration, qui a pour but de mouler, de canneler et de percer,
se fait, soit par des galets moulurant selon la forme de
leurs joints, soit par repoussage au tour ou même mieux
par emboutissage. Le perçage s'effectue à l'aide de machines
à percer munies de poinçons, si les bavures doivent être
conservées, ou d'emporte-pièces si leur disparition est néces-
saire. Ces pièces ainsi préparées sont contournées au moyen
de bigornes et d'enclumes à deux pointes s'il y a moulures
ou cannelures, ou au moyen de machines à cintrer à trois
cylindres dans le cas contraire. Les machines à emboutir
permettent d'obtenir en une passe des emboutis lisses ayant
près de la moitié du diamètre du fond. Les machines sont
munies, pour éviter tout accident, d'un rouage automa-
tique conduisant le frein sous l'outil et chassant la pièce
emboutie, et d'un frein permettant l'arrêt instantané.
L'objet peut se monter de deux manières : à soudure
simple, si le vase est destiné à ne pas aller au feu ou à se
trouver peu employé; à agrafe, s'il doit supporter fréquem-
ment l'action de la flamme. Pour le premier procédé, il
suffit de rapprocher les deux bords pleins du métal, de les
soutenir à l'aide d'un morceau de bois plat et de forme
triangulaire, appelé appuyoir et, avec un pinceau, de re-
couvrir les parties à réunir d'esprit de sel préalablement
mis au contact du zinc jusqu'à saturation et additionné de
son volume d'eau. Le métal décapé, l'ouvrier muni du fer
à souder prend un peu d'un alliage d'étain et de plomb
(30 à 40 °/0 d'étain) qu'il porte immédiatement sur le joint
et dans lequel il le fait pénétrer ; il n'y a plus qu'à com-
primer ce joint afin de faire prendre la soudure ; quand elle
est bien prise dans un endroit, on en met d'autre à la suite
en la faisant prendre également au moyen du fer chaud et
de l'appuyoir. Voici en quoi consiste la soudure à agrafe :
S'il s'agit d'assembler un flanc et un bandeau, le rond du
fond est replié de diverses manières, mais toujours de façon
à pouvoir entourer le bord du flanc relevé lui-même ; on fait
entrer le repli du contour dans les deux du fond, on les
rabat l'un sur l'autre, puis on soude avec soin en procé-
dant comme ci-dessus. Si, au contraire, le bandeau est à
fermer suivant une des génératrices du cylindre ou du tronc
de cône, il suffira d'un seul pli de chaque côté. Une des
principales applications de la ferblanterie est la fabrication
des boîtes métalliques (V. Boîte, t. VIII, p. 466).
Les ferblantiers emploient beaucoup actuellement les fers-
blancs revêtus, dont nous dirons quelques mots : les fers-
blancs sont revêtus de différentes couleurs par les procédés
de la peinture, du vernissage ou de l'impression lithogra-
phique. On tire ainsi parti de la cristallisation naturelle du
fer-blanc en lui faisant produire à la surface des objets un
nacrage d'un heureux effet. Ces innovations sont surtout
utilisées par les fabricants de boîtes de conserves alimen-
taires et autres, et constituent l'industrie des tôles et fers-
blancs moirés et imprimés. Lorsqu'on plonge le fer-blanc
dans une liqueur acide, on dissout la couche superficielle
d'étain et sa disparition met à nu les couches inférieures
qui montrent des cristallisations très variées et des dessins
chatoyants d'un bel effet. Le fer-blanc ainsi modifié constitue
le moiré métallique. Le fer-blanc destiné à la préparation
du moiré doit être fabriqué avec de l'étain pur et revêtu
d'une couche de ce métal plus épaisse que celui qui le re-
couvre ordinairement, si l'on veut des cristaux d'assez
grandes dimensions. On chauffe légèrement les feuilles de
fer-blanc, puis, à l'aide d'une éponge, on y passe une
couche bien égale d'une liqueur acide contenant 8 parties
d'eau, 2 d'acide azotique et 3 d'acide chlorhydrique, ou
bien 8 parties d'eau, 1 d'acide sulfurique et 2 d'acide chlo-
rhydrique ; on voit immédiatement apparaître les cristaux
et on arrête l'action des acides en plongeant le fer-blanc
dans l'eau. On peut, du reste, modifier presque à volonté
l'aspect du moiré et la grandeur des cristaux en refroidis-
sant lentement le fer-blanc ou en le refroidissant avec rapi-
dité, mais inégalement vite en ces différents points. On
emploie aussi le fer-blanc terne pour le moiré. On recherche
d'abord quelle est la face de sa feuille qui se prête le mieux
à la production du moiré en frottant avec un chiffon de
laine et examinant le côté où la cristallisation se montre la
plus belle. On chauffe cette face jusqu'à ce que l'étain jau-
nisse ; on nettoie avec une eau formée de 2 °/0 d'acide sul-
furique et 4 °/0 d'eau. On rince à l'eau pure et on applique
l'acide à l'éponge ou au tampon. Les cristaux se présentent
alors en grandes lames fibreuses dont on modifie l'aspect par
une série d'artifices divers ; nous en citerons quelques-
uns : si l'on projette sur la feuille chauffée de petites gouttes
d'eau froide, on produit une cristallisation spéciale avec des
centres correspondants aux points mouillés et, par le trai-
— 245 —
FERBLANTERIE — FERDINAND
tement indiqué, on a le moiré étoile. Si l'on saupoudre la
feuille chauffée de sel ammoniac et qu'on la plonge brus-
quement dans l'eau froide, on produira le moiré granité.
Le moiré s'altère à l'air et doit nécessairement être recou-
vert d'un enduit protecteur ; on lave la feuille de fer moiré
dans une lessive alcaline faible pour enlever les dernières
traces d'acide, puis à l'eau pure ; on sèche rapidement et
on recouvre d'un vernis qui doit être assez mince pour per-
mettre à la lumière de jouer sur les faces des cristaux. Le
vernis au copal remplit bien ce but. Le système de décora-
tion du fer-blanc par l'impression a ouvert une voie nou-
velle à la fabrication du fer-blanc par le fait des nombreux
avantages qu'il procure à un grand nombre d'industries,
parmi lesquelles nous devons d'abord citer celle des pro-
duits alimentaires qui absorbe à elle seule près de la moitié
du fer-blanc fabriqué en France. Pour les procédés d'im-
pression du fer-blanc, Y. Boîte, t. VIII, p. 166. L. Knàb.
FERCÉ. Corn, du dép. de la Loire-Inférieure, arr. de
Châteaubriant, cant. de Rougé ; 902 hab.
FERCÉ. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. de La Flèche,
cant. de Brûlon, sur la Sarthe; 422 hab. Mine d'anthra-
cite. Eglise gothique. Château de Vauloyé, de la Renaissance.
FERDINAND. Les personnages historiques du nom
de Ferdinand sont classés dans V ordre suivant :
i° Allemagne et Autriche; %° Espagne (Castille et Léon-
Aragon); S0 Portugal; 4° Italie (Naples et Sicile-
Savoie-Toscane); 5° Divers.
Allemagne et Autriche.
FERDINAND Ier, empereur d'Allemagne (4558-1564),
roi de Bohême (1526-1564) et de Hongrie (1526 ou 1 540-
1564), né à Alcala de Hénarès (Nouvelle-Castille) le
10 mars 1503, mort à Vienne le 25 juil. 1564. Second
fils de Philippe le Beau, héritier de l'Autriche et des Pays-
Bas, et de Jeanne la Folle, reine de Castille et héritière
de F Aragon, il était le frère cadet de Charles-Quint. Après
la mort de son père (1506), il fut élevé en Espagne auprès
de son grand-père Ferdinand le Catholique, qui lui desti-
nait son héritage. L'ambition du frère aîné fit échouer ce
plan très sage, dont la réalisation eut épargné bien des
désastres à l'Espagne, aux Pays-Bas et à l'Italie. Charles-
Quint, en voulant recueillir l'héritage entier des Habs-
bourg et des rois d'Espagne, se créa des difficultés dont il
ne put triompher ; le partage se fit tout de même, un
demi-siècle plus tard, dans des conditions plus avanta-
geuses en apparence pour l'Espagne qui reçut les Pays-
Bas; elle n'y gagna que d'être impliquée dans toutes les
guerres de l'Europe, où elle s'épuisa. La branche cadette
de la maison de Habsbourg, fondée par Ferdinand, eut
une tout autre fortune et créa la monarchie austro-hon-
groise, encore vivace et florissante. Quoi qu'il en soit,
Ferdinand, élevé à l'espagnole et pour régner sur la pénin-
sule, en fut congédié à la mort de son grand-père par son
frère qui, prenant la double couronne d'Aragon et de
Castille, le renvoya aux Pays-Bas. Il y vécut, là et en
Allemagne, recevant les leçons d'Erasme. En janv. 1519,
son autre grand-père, l'empereur Maximilien, mourut, et
Charles-Quint, recueillant le fruit de la politique nuptiale
des Habsbourg, hérita de leurs possessions allemandes, et,
le 28 juin, il fut élu chef du Saint-Empire. Il sentit la
nécessité de faire une part à son frère Ferdinand et, lors
de la première diète tenue par lui, par un acte daté du
28 avr . 1 521 , il lui abandonna, à titre de possessions hérédi-
taires, les possessions autrichiennes, l'ancien domaine des
Habsbourg, c.-à-d. l'archiduché d'Autriche, la Styrie, la Car-
niole, le Tirol et le landgraviat delà Haute-Alsace. Cet acte est
l'acte de naissance de la maison de Habsbourg-Autriche. Le
duché de Wurttemberg acquis par Charles (6 févr. 1520)
fut confié à l'administration de Ferdinandet, quatre années
plus tard, il lui fut cédé en toute propriété par la convention
de Madrid (15 févr. 1525). Il fit bientôt une autre acquisi-
tion, à la fois beaucoup plus importante et beaucoup plus
durable, celle des royaumes de Bohême et de Hongrie.
L'extinction de la descendance légitime d'Hunyade avait
assuré au Jagellon Vladislav la possession complète de la
couronne de Bohême et de plus celle de Hongrie (1490).
Le prince polonais, mal affermi sur son double trône, me-
nacé par les magnats hongrois et leur chef Zapolya,
préoccupé d'assurer sa succession à son jeune fils, conclut
à Vienne (1515), avec l'empereur Maximilien, un traité
qui décida de l'avenir de leurs monarchies. Un double ma-
riage unissait les enfants du roi de Hongrie aux petits-
enfants du Habsbourg ; les royaumes de Bohême et de
Hongrie étaient garantis au fils de Vladislav, et, au cas
où il mourrait sans enfants, à Pépoux de sa fille Anne. Or
celui-ci était l'archiduc Ferdinand ; l'archiduchesse Marie
épousait Louis de Hongrie. Ce double mariage ne fut
accompli qu'en 1521. Le parti national hongrois fit de
vains efforts pour donner le pouvoir à Zapolya. Quelques
années plus tard, l'incapable Louis s'engloutissait dans un
marécage en fuyant le champ de bataille de Mohacs (1526).
Ferdinand revendiqua la succession, au nom du traité de
Vienne et de sa femme Anne. Les Etats de Bohême l'ac-
ceptèrent sans difficulté (24 oct. 4526), et les pays du
royaume de saint Venceslas furent réunis aux possessions
territoriales de la maison d'Autriche qui furent ainsi plus
que doublées par l'annexion de la Bohême, de la Moravie,
de la Silésie et de la Lusace. Il fut beaucoup plus difficile
de recueillir la couronne de saint Etienne. Le parti de la
cour et le palatin Bathory proclamèrent Ferdinand (16 déc.
1526), mais le parti aristocratique, dirigé par Etienne
Verbœczy, avait proclamé un roi national, Jean Zapolya,
qui fut couronné par l'évêque de Neutra (nov. 1526). On
arma de part et d'autre ; la décision était aux mains du
sultan Suleiman, véritable maître de la Hongrie. Il se
prononça pour Zapolya (févr. 1528). Vainement Ferdinand
tenta de le gagner. Ses ambassadeurs furent emprisonnés
plusieurs mois et lui-même sommé d'évacuer Bude et la
Hongrie. Il offrit un tribut annuel sans obtenir même une
trêve. Le sultan, après avoir reçu solennellement l'hom-
mage de vassalité de Jean Zapolya, chassa de Budapest la
garnison allemande (août 1529) et installa son protégé
dans la capitale. Il vint ensuite assiéger Vienne (oct.
1529). Tout ce que put faire Ferdinand fut de sauver sa
propre capitale et ses Etats héréditaires. La guerre contre
les Turcs fut dès lors la grande affairede Ferdinand ; il y
engagea non seulement ses forces, mais celles de l'Alle-
magne entière. Après l'héroïque défense de Vienne, celle
de la bicoque de Gunz arrêta une nouvelle attaque du sul-
tan (1532). La dévastation de la Styrie et la retraite des
Turcs, déterminée par l'attaque du Péloponèse par Andréa
Doria, furent les seuls faits marquants de cette campagne.
Les Allemands, unis seulement contre l'infidèle, étaient
peu sympathiques à Ferdinand, à cause de son intransi-
geance religieuse, et ne firent rien pour lui conquérir la
Hongrie. Ferdinand obtint enfin la paix ; ses envoyés,
Hieronymus de Zara et Cornélius Schepper, signèrent à
Constantinople un traité qui lui laissait les villes et districts
de Hongrie qu'il occupait encore (juil. 1533). Cinq ans
plus tard, le traité de Grosswardein, conclu avec Zapolya,
ratifia ce partage. Les deux princes gardaient le titre de
roi de Hongrie (4538).
La guerre continua tout de même à la frontière, guerre
d'escarmouches et de razzias. L'échec de Katzianei, dans
la vallée de la Drave, et son emprisonnement à Vienne, le
déterminèrent à passer aux Osmanlis, mais il fut assas-
siné en trahison par le comte Nicolas Zriny qui envoya sa
tête à Vienne (oct. 1539). Ce sanglant épisode n'est pas le
seul de ce genre. La mort de Jean Zapolya, survenue le
21 juil. 1540, raviva les hostilités. Ferdinand fit de
grands efforts pour se faire reconnaître roi des Magyars.
xMais la faction nationale, dirigée par Martinuzzi, évêque
de Grosswardein, soutenait le fils au berceau de Zapolya
et d'Isabelle (sœur de Sigismond-Auguste, roi de Pologne),
et surtout maintenait le principe de la royauté élective. Les
deux partis s'adressèrent à Suleiman ; malgré l'habileté de
FERDINAND
— 246
l'aventurier Laszki, intermédiaire attitré des Habsbourg,
malgré l'offre d'un tribut annuel, la guerre éclata ; Sulei-
man exigeait une vassalité sans réserves. Le sultan vint
camper à Bude ; les régents, au nom du petit Jean-Sigis-
mond Zapolya, lui firent hommage, et le royaume de Hongrie
passa sous la domination directe des musulmans, au moins,
disait-on, jusqu'à la majorité de l'enfant royal. L'année sui-
vante, une armée allemande fut battue devant Budapest.
En 1543, l'occupation de Gran et de Stuhlweissenburg et de
Wissegrad compléta la conquête de la Hongrie par les Turcs,
dont les sipahi furent établis sur les terres du Danube,
autour de Gran et de Bude. La diète de Spire accorda des
ressources suffisantes pour la guerre. La paix de Crespy
avec la France rendit disponibles les forces de Charles-
Quint. La médiation de François Ier fit accorder par le
sultan une trêve à Ferdinand (oct. 1545); en échange des
quelques forteresses qu'il occupait à la frontière, il s'en-
gagea à payer un tribut annuel. Après la victoire deMuhl-
berg, le pacte fut consolidé pour une durée de cinq ans,
en échange d'un tribut annuel de 30,000 ducats (juin
1547). On ne fit plus de grandes campagnes, mais les
conflits ne cessèrent jamais aux frontières. La reine Isa-
belle, établie avec son fils Jean-Sigismond Zapolya en
Transylvanie, faisait de sa cour de Lippa un foyer d'in-
trigues. Le principal tuteur était Martinuzzi ; il négocia
avec Ferdinand une convention aux termes de laquelle
Isabelle serait indemnisée par des principautés silésiennes
de son abdication en Transylvanie où on ferait couronner
Ferdinand à Klausenburg par les Etats (1551). Suleiman,
informé de ces menées, fit emprisonner l'ambassadeur
autrichien et ordonna au beglerg-beg de Roumélie d'envahir
la Transylvanie. Martinuzzi, qui avait été récompensé par
le chapeau de cardinal, organisa la résistance avec l'aide
du général autrichien Castaldo, prit Lippa et chassa les
Osmanlis. Mais il se brouilla avec Castaldo, qui le fit
assassiner sous ses yeux (18 déc. 1551). Le mécontente-
ment populaire eut pour résultat la victoire des Turcs qui
reprirent Lippa, enlevèrent Temesvar et le Banat et ne
furent arrêtés que devant Erlau que débloqua Maurice de
Saxe. Ferdinand souhaitait ardemment d'obtenir la paix
à cause des complications religieuses en Allemagne ; il
multipliait les ambassades à Constantinople, distribuant
argent et pensions aux dignitaires afin d'obtenir du sultan
la concession de la Transylvanie et du lambeau de la
Hongrie qu'il occupait. Les dévastations se prolongèrent ;
même la trêve signée en 1562 ne fut pas observée sérieu-
sement. Le protégé de la Porte, Jean-Sigismond, grandis-
sait et demeurait hostile à Ferdinand. A la mort de celui-
ci, presque toute la Hongrie était au pouvoir des Turcs ;
il n'avait que le titre nominal de roi. Néanmoins, il avait
acquis et conservé ce titre et le transmit à ses successeurs
qui surent le faire valoir lorsque déclina la puissance turque
(V. Hongrie).
Dans son royaume de Bohême, Ferdinand ne rencontra
pas les mêmes difficultés, et il en prépara l'incorporation
complète à la monarchie autrichienne. Son action dans les
affaires tchèques fut liée à celle sur les affaires générales
de l'Allemagne, de même que dans le Wurttemberg, qu'il
ne put annexer définitivement.
Dans la politique générale et spécialement en Allemagne,
Ferdinand fut longtemps le dévoué serviteur de son frère
Charles-Quint (V. ce mot). Il avait une puissance person-
nelle qu'il mit à son service. A l'assemblée de Ratisbonne,
il se déclara contre la Réforme ; il la proscrivit dans ses
Etats héréditaires, expulsant les prédicateurs des idées
nouvelles, obligeant par la force les villes qui les toléraient
à les chasser. Cependant il était assez disposé à ruiner la
puissance séculière des princes ecclésiastiques. Il restrei-
gnait leurs droits dans le Tirol, essayait de séculariser
î'évêché de Passau. Il tenta de profiter de la guerre des
paysans pour asseoir sa domination en Souabe, mais vai-
nement : les nobles vainquirent malgré lui. Dans le Tirol,
il dut faire aux paysans de larges concessions, adoucir les
droits féodaux et les impôts. En Hongrie, le parti papiste
était celui de Zapolya, tandis que la reine Marie entraînait
les novateurs du côté de son frère Ferdinand. En Bohême,
les utraquistes étaient très influents et il fallut les mé-
nager, d'autant que le duc Guillaume de Bavière était le
champion des papistes pour le trône. Ferdinand dut sanc-
tionner les Compactais avant que les Etats de Bohême l'élus-
sent roi et avant qu'il fût couronné à Prague (24févr. 1527).
Aussi, à la diète de Spire de 1526, il se montra très hési-
tant, refusant de se laisser engager d'un côté ou de l'autre.
Il jugeait plus prudent de laisser faire. Pourtant, à la diète
de Spire de 1529, quand se produisit la rupture, Ferdi-
nand, qui représentait son frère, fut d'accord avec la ma-
jorité pour enrayer Je mouvement ; c'est lui qui, le 19 avr. ,
déclara acceptées les propositions de la majorité et annonça
que l'empereur allait les transformer en édit ; il refusa tout
délai aux évangélistes qui rédigèrent alors leur protesta-
tion, Il refusa de la recevoir et rejeta toute transaction.
Quand la diète d'Augsbourg anéantit tout espoir d'entente,
Ferdinand dut même rendre les biens ecclésiastiques que
le pape lui avait abandonnés. Mais sa docilité fut large-
ment récompensée par son frère qui lui assura sa succes-
sion à l'Empire.
Charles-Quint, absorbé par la politique générale, par les
affaires d'Espagne, des Pays-Bas, d'Italie et sa lutte contre
François Ier, ne pouvait pas s'occuper assez des affaires
d'Allemagne ; il sentait la nécessité d'une action forte et
continue pour éviter le schisme et se faire obéir. Après la
diète d'Augsbourg, la guerre civile était à peu près inévi-
table ; on ne pouvait compter que sur la force pour con-
traindre les protestants à l'observance de l'édit impérial.
La diète était divisée, la Chambre impériale impuissante ;
dans le parti catholique, le duc Guillaume de Bavière visait
à l'Empire. Charles-Quint conçut donc le dessein de donner
à son frère un pouvoir suffisant pour qu'il pût le suppléer
complètement, et, en même temps d'assurer à sa maison la
couronne impériale, avant de s'engager dans une période
de luttes dangereuses. Il était contraire aux précédents et
aux lois de procéder ainsi à l'élection du roi des Romains.
Mais, en négociant avec les électeurs individuellement, l'em-
pereur s'assura le consentement des trois électeurs ecclé-
siastiques, du comte palatin et du margrave de Brandebourg ;
son frère avait la voix de Bohême ; restait l'électeur de Saxe.
11 fut convoqué comme les autres à Cologne pour procéder
à l'élection. La réponse fut la ligue de Smalkalde ; mais ni
cette ligue ni la protestation de l'électeur de Saxe n'empê-
chèrent l'élection. Elle eut lieu le 3janv. 1531 ; le 11 janv.
Ferdinand fut couronné à Aix-la-Chapelle. Il s'engageait à
maintenir l'édit d'Augsbourg. Bien que son frère Peut
investi de tous les droits de sa suppléance, il n'eut pas
grande autorité. Non seulement les protestants, mais la Ba-
vière refusaient de reconnaître deux souverains du Saint-
Empire. Ils négociaient avec Jean Zapolya contre les Habs-
bourg, s'entendaient avec François Ier et même avec
Henri VIII. L'alliance des Suisses catholiques des cantons
forestiers était une insuffisante compensation, bien qu'ils
eussent tué Zwingli. La crainte de la France empêcha Fer-
dinand de profiter de ce succès pour écraser les évangéliques
et restaurer la prépondérance autrichienne en Suisse. Il
désirait ardemment le triomphe de l'orthodoxie catholique,
et c'est pour avoir les mains libres qu'il eût fait à la Tur-
quie les plus grandes concessions, se contentant au besoin
d'une expectative de succession en Hongrie. A ce moment
il était plus acharné que son frère contre les réformés et
lui déconseillait tout traité. Il fallut bien s'y résigner
(1532).
Deux années plus tard, Ferdinand perdit le Wurttemberg.
Le duc Ulrich avait tenté de reconquérir son duché avec l'ap-
pui des paysans ; ceux-ci avaient succombé et leur vainqueur,
Georg Truchsess, fut nommé administrateur du Wurttem-
berg pour l'Autriche. Quand il futmort,la ligeu de Souabe
ne fut pas renouvelée. Aussitôt, le landgrave de Hesse, dé-
voué au duc Ulrich, protestant comme lui, réunit, avec
— 247 —
FERDINAND
l'aide des subsides du roi de France, une armée de plus
de 20,000 hommes, à la tête de laquelle il le ramena en
Wurttemberg ; l'armée autrichienne fut écrasée à Laufen
(près de Heilbronn) . Stuttgart ouvrit sa porte à son prince
national et le duché entier le reconnut ; en trois semaines
tout fut fini. Ferdinand n'avait eu le temps de rien faire
que de porter plainte à la Chambre impériale et d'envoyer
un messager au pape pour solliciter quelque argent. Il deve-
nait prudent de traiter. La paix fut conclue à Kadau sur
l'Eger (1534). Grâce à l'entremise du landgrave de Hesse,
Ferdinand obtint une concession. Ulrich consentit à tenir
son duché à titre de fief du souverain autrichien lequel en
avait été investi par l'empereur. C'était une concession de
pure forme, car Ulrich garda son rang comme prince d'Em-
pire. Il sollicita solennellement son pardon à Vienne (4535).
Enfin Ferdinand obtint d'être reconnu roi des Romains par
les confédérés de Smalkalde ; même le duc de Saxe y con-
sentit, sous réserve de la liberté religieuse. Les ducs de
Bavière firent la même démarche et par le traité de Linz
(11 sept. 1534) se lièrent étroitement à l'Autriche, leur
politique religieuse étant conforme à la sienne.
Les années suivantes furent relativement calmes. Quand
les guerres de France et de Turquie furent terminées, ou du
moins suspendues, Charles-Quint se tourna .contre les ré-
formés allemands. Comme il visait à la monarchie univer-
selle, son frère devenait plus froid. Il n'en prit pas moins
une part active à la guerre. En 1546, il entra en Saxe,
d'accord avec Maurice. Le pays fut rapidement soumis, ce
qui décida du succès de l'empereur. Celui-ci avait de son
côté conquis le Wurttemberg qui fut replacé sous la domi-
nation autrichienne. Ferdinand assistait à la bataille de
Muhlberg et invectiva l'électeur prisonnier. Il profita de la
victoire pour écraser toute résistance en Bohême. Les oppo-
sants avaient pris les armes ; ils n'osèrent combattre ; la
ville de Prague, puis toutes les autres durent se rendre à
merci ; elles furent dépouillées de leurs privilèges, les pro-
priétés converties en fiefs, le droit d'élection du roi enlevé
aux Etats, sans parler des exécutions, des emprisonnements,
des amendes et des confiscations individuelles. La réaction
religieuse fut très dure ; des milliers d'utraquistes émi-
grèrent. La domination des Habsbourg fut consolidée en
Bohême et l'autonomie de la nation tchèque frappée à mort.
Au S. de l'Allemagne, Ferdinand s'empara aussi de l'impor-
tante ville de Constance qui avait résisté à V Intérim et
l'annexa à ses possessions. L'excès même de la victoire
faillit devenir fatal à Ferdinand et à sa lignée.
Charles-Quint triomphant conçut le projet de faire du
Saint-Empire romain germanique une monarchie hérédi-
taire et de l'assurer à ses descendants directs. Il rêvait
d'une monarchie universelle embrassant l'Europe centrale
et occidentale, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, gou-
vernant le monde chrétien d'accord avec le pape. Son plan
était de perpétuer l'état de choses existant depuis 1 531 ;
le chef de la branche aînée des Habsbourg régnant comme
empereur sur l'ensemble delamonarchie,le chef de la branche
cadette conservant avec le titre de roi les Etats héréditaires
autrichiens. Son fils Philippe serait devenu empereur ; le
fils de Ferdinand, Maximilien,mariéà Marie (fille de Charles-
Quint), aurait eu le titre de roi. Pour préparer cet arrange-
ment, Philippe fut appelé en Allemagne et Maximilien chargé
de le remplacer en Espagne. Ce plan devait être réalisé à
la diète d'Augsbourg en 1550. Mais Ferdinand ne s'y prêta
nullement, ni Maximilien revenu en toute hâte d'Espagne.
Il y eut entre les frères et les cousins des scènes violentes.
Cependant l'empereur finit par imposer sa volonté ; Ferdi-
nand promit son concours pour le cas où il survivrait à
son frère, et tous deux s'entendirent, spécialement pour agir
sur le concile et réorganiser l'Eglise catholique. La résis-
tance des protestants ajourna les décisions. Ferdinand ne
pouvait les accepter de bon cœur. La mésintelligence gran-
dissait entre les deux branches des Habsbourg. Le roi des
Romains ne voulut pas sacrifier son fils ; celui-ci ne vou-
lait pas renoncer à l'Empire qui lui avait paru destiné. Il
négocia avec Maurice de Saxe pour résister aux projets de
son oncle. En 1552, Maurice, allié au roi de France, chan-
gea subitement la face des choses et ruina les plans de
Charles-Quint. Dès qu'il fut arrivé sur le Danube, il s'en-
tendit avec Ferdinand ; la campagne commença en mars ;
le 18 avr., Maurice et Ferdinand eurent une entrevue à Linz
et jetèrent les bases d'une transaction, convoquant pour le
26 mai à Passau une réunion des princes allemands afin
de donner satisfaction aux griefs de la nation. Quand l'élec-
teur de Saxe entra à Innsbruck, tous les biens des bour-
geois et du roi Ferdinand furent respectés, tandis qu'on
pillait ceux de l'empereur, de l'Espagnol.
Au congrès de Passau, les affaires d'Allemagne furent
réglées entre Maurice et Ferdinand ; l'empereur, d'abord
réfractaire aux préliminaires de Linz, n'accorda à son frère
de pleins pouvoirs qu'après la dissolution du concile et
quand sa propre impuissance fut démontrée. Le congrès
résolut de régler les affaires nationales entre nationaux ;
même Ferdinand et son fils n'assistèrent pas aux délibéra-
tions. Les décisions prises parurent inacceptables à Charles-
Quint ; son frère vint à Villach pour le convaincre, mais
sans y réussir ; l'empereur ne pouvait souscrire à la des-
truction de l'unité religieuse. Il refusa, mais consentit à
une combinaison qui réservait son avenir. Il donnerait de
pleins pouvoirs à son frère, et celui-ci et son neveu lui
remettraient un écrit constatant qu'il protestait en secret.
Ferdinand conclut alors avec les princes allemands un arran-
gement provisoire, stipulant la paix religieuse jusqu'au
traité définitif, déliant Maurice et ses alliés de YInterim
(29 juil. 1552). Maurice avait promis à Ferdinand de mar-
cher avec lui contre les Turcs. Charles-Quint céda aux
instances de son frère et ratifia la convention. Mais la
désunion se prolongea entre les Habsbourg. Ferdinand s'al-
liait de plus en plus étroitement à Maurice de Saxe ; l'em-
pereur voulait diviser les protestants. Comprenant qu'il
souhaitait la guerre, les Allemands s'écartaient de plus en
plus de lui et Ferdinand devenait leur roi national. Quand
Maurice de Saxe fut tué à Sievershausen, le roi autrichien
entra dans la ligue des neutres formée par les princes de
l'Allemagne du Sud pour maintenir la paix.
Lorsque se réunit à Augsbourg (5 févr. 1555) la diète
prévue par le traité de Passau, Ferdinand qui la présidait
était tout à fait acquis aux idées de tolérance religieuse.
Toutefois les concessions réclamées lui parurent exces-
sives ; il eût voulu ajourner la solution à une autre diète
où fût venu l'empereur. Il ne voulait rien concéder sur le
« réservât ecclésiastique », n'admettant pas que les dignités
et principautés religieuses pussent passer à des protestants.
Il finit par offrir la transaction qui fut acceptée ; on inséra
dans l'édit impérial, d'une part, la clause du réservât ecclé-
siastique avec mention que les évangélistes n'y souscriraient
pas, et, d'autre part, on convint, sans l'insérer dans l'édit,
que les vassaux des princes ecclésiastiques pourraient pra-
tiquer la confession d'Augsbourg ; le roi le garantit par
une déclaration personnelle. Après avoir ainsi présidé à la
transformation de l'Allemagne, Ferdinand en devint le sou-
verain officiel. Charles-Quint avait renoncé à ses vastes
projets et les deux frères étaient complètement réconciliés.
Ils échangèrent les lettres les plus amicales. En sept. 1556,
avant de partir pour sa retraite d'Espagne, Charles-Quint
envoya Guillaume d'Orange aviser les électeurs allemands
de son abdication.
Les Allemands procédèrent lentement, afin de bien assu-
rer la paix qu'on venait de conclure, et c'est seulement le
1er mars 1558 que les électeurs réunis à Francfort procla-
mèrent Ferdinand Ier chef du Saint-Empire. Ils lui avaient
imposé une capitulation soigneusement rédigée par laquelle
il s'engageait à observer la paix religieuse, à maintenir
l'ordre conformément à la nouvelle organisation, à gouver-
ner d'accord avec les États. Les électeurs s'engageaient de
leur côté à garantir la paix et à ne pas souffrir que l'Em-
pire sortît de la nation allemande. L'empereur et la nation
i allemande prenaient position contre le pape qui rejetait la
FERDINAND
- 248
paix d'Augsbourg et n'admettait pas qu'on transmît la cou-
ronne impériale sans son aveu. C'était presque une nouvelle
constitution qu'on établissait. L'avantage de ces décisions
est établi par ce fait qu'elles assurèrent à l'Allemagne un
demi-siècle de tranquillité.
Les dernières années de Ferdinand furent occupées par
les questions religieuses. Il restait fermement catholique,
favorisait les jésuites, les autorisant à prêcher et enseigner
dans tous ses Etats héréditaires (1558), à fonder des col-
lèges à Prague, Olmutz, Brunn, Tirnau, Innsbruck et Hall.
Mais, en même temps, il souhaitait des réformes dans
l'Eglise et était nettement opposé au pape Paul IV, l'ennemi
des Habsbourg. Le pape, voyant trois électeurs passés à la
Réformation, craignait qu'une nouvelle conversion ne lui
donnât la majorité dans le collège électoral et ne déterminât
l'élection d'un empereur protestant. Maximilien, le fils de
l'empereur, était sympathique aux idées luthériennes, cor-
respondait avec Melanchthon, n'allait pas à la messe, avait
un chapelain marié. Paul IV comparait Ferdinand Ier à
Elie, qui n'avait pas su maintenir ses fils dans le droit
chemin. La cour de Vienne devenait hostile au pape et sui-
vait une politique nationale, cherchant à régler les affaires
d'Allemagne sur la base de la transaction conclue à Augs-
bourg. L'empereur inclinait vers un compromis qui aurait
concédé la communion sous les deux espèces et des réformes
ecclésiastiques. Il prit une grande part à la troisième réu-
nion du concile de Trente. Il eût voulu y amener les pro-
testants et pour cela le convoquer à Ratisbonne, à Cologne
ou à Constance. Quand on le rappela à Trente, il désirait
qu'on l'envisageât comme un nouveau concile ; il s'était mis
d'accord avec Catherine de Médicis, mais fut abandonné par
elle. Au concile, ses délégués, l'archevêque de Prague et
l'évêque de Funfkirchen, réclamèrent de profondes réformes
dans la papauté : le conclave, le collège des cardinaux,
l'organisation monastique, le mariage des prêtres, la com-
munion sous les deux espèces, le chant d'église en langue
vulgaire, l'amélioration des écoles, etc. Installé à Inns-
bruck, l'empereur suivait les débats. On sait comment
l'habile Pie IV et les Italiens profitèrent des rivalités natio-
nales pour faire avorter toutes les réformes (V. Trente
[Concile de]). Le cardinal Morone persuada à Ferdinand de
s'en remettre au pape. Cependant l'empereur refusa d'ac-
cepter les décisions du concile, à cause du refus de la com-
munion sous les deux espèces, à laquelle il tenait particu-
lièrement en sa qualité de roi de Bohême.
De plus en plus Ferdinand Ier inclinait à la tolérance,
de même que son principal conseiller Seld, le vice-chance-
lier de l'Empire. Il laissait ses sujets abolir ou modifier
une série de lois religieuses catholiques, prendre des pas-
teurs mariés ; les partisans de la confession d'Augsbourg
se multipliaient en Autriche parmi les nobles comme parmi
les paysans. La liberté de conscience était presque com-
plète. De même en Hongrie où presque toute l'aristocratie
avait abandonné le catholicisme, les Allemands devenant
luthériens, les Magyars calvinistes. En Transylvanie, on pro-
clamait la liberté religieuse.
Telle était la situation quand mourut Ferdinand Ier, très
regretté de ses sujets. C'était un prince également pieux et
droit, de relations agréables, aimant son peuple et souhai-
tant de lui conserver la paix. D'un caractère vif et prompt,
il était bon et ouvert, sans morgue, généreux, aimant la
société, les divertissements, le luxe, de mœurs inatta-
quables. Né et élevé en Espagne, il se plia peu à peu aux
mœurs allemandes ; d'abord serviteur dévoué de son frère,
auquel il rendit de grands services, il prit un rôle person-
nel à cause de la modération de son caractère, de son sen-
timent des besoins du peuple allemand ; il se sépara com-
plètement de Charles-Quint lorsque celui-ci voulut le sacrifier
lui et sa famille à sa chimère de monarchie universelle. Il
rétablit la paix en Allemagne et lui assura un demi-siècle
de calme relatif. Il fut le fondateur de la monarchie terri-
toriale qui est devenue l'empire d'Autriche. Sans doute,
il ne put occuper la Hongrie ni conserver le Wurttem-
berg, mais il réunit définitivement les pays de la couronne
de Bohême à ses Etats héréditaires et conserva assez de prise
sur la Hongrie pour réserver l'avenir. Sans être un homme
de premier ordre, il eut donc un rôle historique considé-
rable. A.-M. B.
Bibl. : V. Allemagne et Autriche. — Bugholtz, Ge-
schichte der Regierung Ferdinand I ; Vienne, 1831-1838,
9 vol. — Oberleitner, Œsterreichs Finanzen und Heer-
wesen unter Ferdinand I ; Vienne, 1859.
FERDINAND II, empereur d'Allemagne (1649-1637),
roi de Bohême (1647) et de Hongrie (1648), né le 9 juil.
4578, mort le 15 févr. 1637. Fils aîné de l'archïduc
Charles de Styrie et de Marie de Bavière (fille du duc
Albert III), petit-fils de l'empereur Ferdinand Ier, il fut
élevé dans les principes catholiques les plus rigoureux ;
envoyé à l'école supérieure d'Ingolstadt, chez les jésuites,
il y fut le condisciple de Maximilien de Bavière ; ils de-
vaient suivre de concert une politique qui causa en Alle-
magne des luttes acharnées. Dès 1596, il prit le gouver-
nement des archiduchés, Styrie, Carinthie et Carniole. Il
s'adonna sur-le-champ à la réaction religieuse, annula
l'acte de tolérance octroyé par son père, en déclarant qu'il
n'était valable que durant la vie de celui-ci, expulsa les
pasteurs protestants et en peu d'années ramena à la foi
catholique tous ses sujets. Il gagna l'admiration du saint-
siège et devint l'espoir du parti catholique. En avr. 1605,
il forma avec ses cousins Mathias, Maximilien et Maximi-
lien-Ernest la ligue des archiducs contre l'empereur
Rodolphe II. L'objet était de sauvegarder les intérêts de la
maison de Habsbourg, très compromis, particulièrement
en Hongrie (V. les biographies des empereurs Rodolphe II
et Mathias). Il entra dans la ligue catholique formée par
le duc de Bavière pour la défense des intérêts catho-
liques ; on avait voulu le tenir à l'écart pour que la ligue
ne devînt pas un instrument des Habsbourg, mais on l'ac-
cepta pour s'assurer l'aide du roi d'Espagne. La querelle
de Rodolphe et de Mathias s'aggravant, les principaux
princes allemands se réunirent à Prague pour aviser à
réconcilier les frères ennemis et régler l'affaire de la suc-
cession de Clèves et de Juliers; Ferdinand de Styrie y vint
à côté des électeurs de Saxe, de Mayence, de Cologne, du
landgrave de Hesse et du duc de Brunswick. Dès que
Mathias fut arrivé à l'Empire, la question de sa succession
se posa. Philippe III d'Espagne la revendiquait (pour lui,
puis pour son second fils, Carlos), au nom de sa mère
Anne, fille de Maximilien II ; ses droits primaient tous
ceux de la bande styrienne issue de l'archiduc Charles,
frère cadet de Maximilien II. Mais les Habsbourg d'Alle-
magne répugnaient à cette combinaison et estimaient
Ferdinand de Styrie seul capable de relever leur maison.
Le ^ roi d'Espagne se borna alors à demander une indem-
nité territoriale, le Tiroî et l'Alsace, pour relier ses pos-
sessions d'Italie et des Pays-Bas. Il négocia longtemps, mais
sans succès, malgré la nécessité des subsides espagnols
pour Mathias. L'archiduc Maximilien (frère de Mathias,
mais sans héritier lui-même) appuyait chaudement son cou-
sin de Styrie ; le cardinal-évèque de Vienne, Klesel, tout-
puissant sur l'empereur, traînait les choses en longueur ;
les électeurs ecclésiastiques étaient dévoués à Ferdinand ;
de même l'électeur de Saxe, client fidèle des Habsbourg.
L'archiduc Maximilien écrivit qu'on pourrait se contenter
de faire l'élection par quatre voix, et qu'en tout cas il
fallait se préparer à la guerre (févr. 1616). Cette lettre
fut publiée ; d'où grand remue-ménage. Ferdinand s'en-
tendit avec un nouvel ambassadeur espagnol, le comte
Onate, et signa un traité secret, promettant au roi d'Es-
pagne tout fief impérial qui deviendrait vacant en Italie,
de plus, l'Alsace et enfin la primauté des descendants mâles
de Philippe III sur la descendance féminine de Ferdinand
pour l'héritage des Habsbourg d'Autriche.
Il s'assura d'abord la couronne de Bohême (5 juin 1617).
Les Tchèques étaient hostiles au champion de l'orthodoxie
catholique, -mais les députés des villes étaient désignés
par les municipalités à la nomination du roi ; ceux de la
— 249 —
FERDINAND
noblesse et les hauts fonctionnaires étaient en majorité
catholiques. Ferdinand fut donc accepté sans opposition,
accepté et non pas élu, car on ne laissa pas restaurer
l'ancien droit d'élection. Il monta sur le trône par droit
héréditaire. Sur-le-champ, il manifesta ses sentiments, ne
confirma qu'à grand'peine les privilèges des Etats, desti-
tua ou reçut mal les dignitaires opposants, surtout leur
chef, le comte de Thurn. — L'année suivante, il fut pro-
clamé roi de Hongrie (16 mai 1648) sans qu'on spécifiât
si c'était en vertu de l'élection ou de l'hérédité. Ce der-
nier titre ne lui donnait pas grand pouvoir. Bethlen Gabor
était maître de la Transylvanie, les magnats à peu près
indépendants dans les districts que n'occupaient pas les
Turcs. — Quant à la couronne impériale, Ferdinand ne
l'obtint pas si aisément. Le cardinal Klesel retardait toute
décision. Elle fut ajournée par l'insurrection de la Bohême.
Cette insurrection fut provoquée par la réaction catho-
lique ; elle était hâtive et violente, inconstitutionnelle,
car le nouveau roi ne tenait nul compte des « lettres de
majesté » expulsant des domaines royaux les habitants
hérétiques, confiant toutes les charges municipales à de
fervents catholiques, anéantissant les libertés de Prague,
se préparant à enlever aux protestants leurs églises, au
mépris du pacte conclu en 1609. La destruction du temple
de Klostergrab combla la mesure (déc. 1617). Les défen-
seurs convoquèrent à Prague les dignitaires et députés des
cercles protestants. Une pétition fut adressée aux dix
administrateurs, puis à l'empereur Mathias. La brutale
réponse de celui-ci exaspéra les chefs du mouvement qui
résolurent de se débarrasser des Habsbourg. Un nouveau
congrès protestant, dirigé par le comte de Thurn, aboutit
à la défenestration de Prague (23 mai 1618); les deux
administrateurs les plus intransigeants, Martinitz et
Slavata, furent précipités dans les fossés du château, sans
se faire aucun mal d'ailleurs. Un gouvernement fut orga-
nisé par Thurn qui s'avança vers la frontière autrichienne.
Mathias voulait traiter. Mais Ferdinand fit enlever son mi-
nistre Klesel, qu'on enferma dans un château de Tirol
(juil. 1618). Le faible empereur fut alors un jouet aux
mains de son successeur. On se prépara activement à la
guerre; sans se douter qu'elle durerait trente ans et
s'étendrait à l'Europe entière, on en pressentait la gravité.
Louis XIII avait l'imprudence d'appuyer la maison d'Au-
triche à cause du principe de légitimité. De même le roi de
Pologne, beau-frère de Ferdinand, celui d'Espagne, le
pape promettaient des troupes ou des subsides. En Alle-
magne on se tenait sur la réserve du côté de l'union évan-
gélique comme de la ligue catholique. Des Etats héré-
ditaires d'Autriche, les archiduchés étaient dévoués à leur
maître, sauf celui d'Autriche où les Etats étaient très
mécontents. La Hongrie était neutre, mais mal disposée
pour les Tchèques. Ce qu'il y eut de plus grave pour
ceux-ci, ce fut la défection de la Moravie, où le loyalisme
du protestant Charles de Zierotin servit efficacement la
cause des Habsbourg. La Silésie marchait d'accord avec la
Bohême.
Les hostilités commencèrent en août 1618. Dirigés par
Mansfeld et Thurn, les Bohèmes eurent le dessus d'abord ;
l'armée autrichienne fut tenue en échec, puis bloquée à
Budweiss ; Pilsen pris d'assaut ; l'Autriche envahie ; mais
l'attitude des Moraves et les hésitations de la Basse-Au-
triche ne permirent pas de remporter un succès décisif. On
négociait quand la mort de Mathias laissa le champ libre à
Ferdinand. Au dehors, les protestants de Bohême ne pou-
vaient compter que sur l'alliance de la Savoie et de l'électeur
palatin à qui ils offraient la couronne. Néanmoins la situation
de Ferdinand était critique ; même les Etats d'Autriche vou-
laient lui refuser obéissance et rappeler des Pays-Bas son
cousin Albert, frère de Mathias. Le comte de Thurn conquit
la Moravie, entraîna l'adhésion de la diète de Brunn et parut
le 5 juin 1619 devant Vienne. Dans la ville, les députés
protestants voulaient forcer Ferdinand à céder et à recon-
naître leur confédération avec la Bohême. Il leur opposa
un inaltérable sang-froid et une résistance invincible, don-
nant une preuve éclatante de sa fermeté et de son cou-
rage. Cependant en Bohème les catholiques prenaient
l'avantage. Bucquoy défit Mansfeld à Nettolitz et menaça
Prague. Thurn battit en retraite.
Ferdinand put alors s'absenter pour se faire élire em-
pereur. Qu'en ce moment de conflit imminent les électeurs
protestants l'aient élu, cela paraît invraisemblable ; il eût
été essentiel d'éviter que l'Empire fût engagé dans la guerre
commencée en Bohême. On offrit la couronne impériale au
duc de Bavière ; mais il était trop dévoué aux intérêts ca-
tholiques pour s'opposer aux Habsbourg ; il refusa. Les
électeurs ecclésiastiques étaient acquis à Ferdinand ; celui
de Saxe se rangea de son côté ; on lui reconnut la voix de
la Bohême ; le comte palatin et le margrave de Brandebourg
s'inclinèrent devant la majorité (28 août 1619). La désu-
nion et l'incapacité des adversaires de Ferdinand II as-
suraient son triomphe. Deux jours avant son élection à
l'Empire, il avait été déposé en Bohême où l'on avait élu
l'électeur comte palatin Frédéric V (26 août). Il accepta.
Dans ces conditions, il était insensé d'avoir laissé élever
Ferdinand à l'Empire ; c'était lui assurer un prestige et
une autorité considérables, s'exposer au reproche de félo-
nie en tentant de lui enlever un de ses Etats héréditaires.
Les circonstances étaient pourtant critiques pour la maison
d'Autriche. Bethlen Gabor avait enlevé Kaschau, Presbourg
et fait sa jonction sous les murs de Vienne avec le comte
de Thurn (24 oct. 1619). L'année suivante, il allait se
faire couronner roi de Hongrie, grâce à l'appui des pro-
testants (25 août 1620). Mais une diversion polonaise et
le retour de l'empereur sauvèrent sa capitale. Bethlen Gabor
signa une trêve. En Bohême, Frédéric multipliait les fautes;
par fanatisme calviniste, il supprimait les images, les cru-
cifix, les reliques et s'aliénait le peuple ; sa prédilection
pour la noblesse palatine mécontentait les Tchèques et les
Allemands de Bohème. L'Union évangélique ne bougeait
pas. Au contraire, l'empereur s'assurait l'appui de la
Ligue catholique en engageant la Haute-Autriche au duc
de Bavière et lui promettant le Palatinat et la dignité élec-
torale; La France fit conclure à Ulm (3 juil. 1620) une
convention par laquelle l'Union et la Ligue s'engageaient
à garder la paix, sauf en Bohême. L'armée bavaroise avait
donc le champ libre. Tilly la conduisit en Bohême par le
Sud, tandis que l'électeur de Saxe y entrait par le Nord,
et qu'une armée espagnole envahissait le Palatinat rhénan.
Sous les murs de Prague, à la Montagne-Blanche, l'armée
bavaroise, plus forte de moitié, mit en déroute celle du
palatin (8 nov. 1620). Les gens de Prague refusèrent de
continuer la lutte. Frédéric s'enfuit à Breslau, mais, dès
janv. 1621, la Silésie et la Lusace se soumirent au vain-
queur. Mansfeld se maintint en Bohême quelques mois en-
core; trahi par ses lieutenants, il se retira. En mai 1621,
la résistamee était finie.
La réaction catholique fut atroce; le malheureux royaume
auquel on proposa comme administrateur le prince Charles
de Liechtenstein fut livré aux soldats. Pillages, confisca-
tions, contributions de guerre, brigandages se succédèrent.
Les chefs du parti protestant, qui s'étaient soumis sur la
promesse de grâce, virent ce que valait la parole impé-
riale. Ils furent emprisonnés en masse, condamnés pour
haute trahison, mis à mort, bannis ou enfermés pour la
vie entière. Ferdinand penchait pour la clémence, mais ses
conseillers jésuites, son confesseur Lamormain, les catho-
liques de Bohême le décidèrent à se montrer impitoyable.
Après ces répressions violentes, la persécution fut organisée
à demeure. Les jésuites furent appelés ; on leur livra l'uni-
versité de Prague. Les protestants et les utraquistes virent
leurs temples fermés ou livrés aux catholiques , leurs
pasteurs et leurs instituteurs suppliciés, assassinés ; leurs
livres sacrés brûlés ; des commissaires assistés de bandes
armées parcouraient les campagnes, sévissant contre les
hérétiques ; par des dragonnades, on les contraignait d'al-
ler à la messe et à confession. D'année en année la corn-
FERDINAND
— 250
pression augmentait jusqu'à ce qu'enfin un édit décida
l'expulsion de tous les hérétiques (31 juii. 1627). Beau-
coup plièrent, et pourtant 36,000 familles furent chassées
de leurs foyers. Parmi les exilés se trouvaient Amos Corne-
nius, le fameux pédagogue, et Charles de Zierotin, mal récom-
pensé de son loyalisme. En Moravie et en Silésie, comme
en Bohême, la foi catholique fut ainsi restaurée.
L'empereur n'eut pas plus de respect pour la constitu-
tion allemande et les traités qu'il n'en avait eu pour les
droits de ses sujets directs. Vainement l'Union èvangélique
protesta contre l'entrée en Allemagne des Espagnols de Spi-
nola. Aussitôt après sa victoire en Bohême, Ferdinand II
manifesta son projet d'écraser le protestantisme. Au mé-
pris de toutes les formes, sans procès, il mit au ban de
l'Empire l'électeur palatin et ses partisans Christian d'Anhalt ,
le comte de Hohenlohe, le marquis de Jsegerndorf (29 janv.
1621). Il chargea de l'exécution Maximilien de Bavière,
afin de l'indemniser de ses dépenses pour la campagne de
Bohême et de se faire rendre la Haute-Autriche donnée en
gage, en lui donnant à la place le Palatinat. L'Union èvan-
gélique, discréditée, prononça sa propre dissolution (24 avr.
1621). Bethlen Gabor traita et renonça à la couronne de
Hongrie (paix de Nicolsburg, oct. 1621). M ansfeld n'avait
pu défendre le Haut-Palatinat où l'on fit prêter serment au
duc de Bavière et où la réaction catholique mit sur-le-champ
ses procédés à l'œuvre. Les condottieri Mansfeld et Chris-
tian de Brunswick continuaient la guerre. Mais, en 1622,
le Palatinat entier était conquis et livré à la réaction catho-
lique. Il devenait évident que tout progrès des armes im-
périales avait pour résultat une oppression des protestants.
Le triomphe des catholiques fut enfin marqué par un véri-
table coup d'Etat. Au congrès des princes, réuni à Ratis-
bonne, l'empereur transmit à la Bavière la voix électorale
du Palatinat, la faisant passer de la branche aînée à la
branche cadette des Wittelsbach. Les délégués de la Saxe
et du Brandebourg protestèrent au nom du droit des agnats ;
il eût, en tout cas, fallu une diète pour valider une telle
décision. Cette illégalité rompait au profit des catholiques
J'équilibre dans le collège électoral. Elle rendait la paix
impossible.
L'empereur ne la désirait pas ; maître de l'Allemagne du
Sud, il souhaitait de subjuguer l'Allemagne du Nord pour
en extirper l'hérésie. Pour impossible qu'elle fût, la tâche
ne semblait pas surpasser ses forces. Hors quelques bandes
de capitaines d'aventures, déjà vaincus, il n'y avait pas de
force armée capable de lutter contre les forces impériales
et catholiques. La terreur régnait partout. Le cercle de
Basse-Saxe expulsa Christian de Brunswick, dont Tilly
anéantit l'armée à Stadtlohn en Westphalie (août 1623).
L'armée catholique occupa les cercles de Basse-Saxe et de
Westphalie qui ne tentèrent nulle résistance. Tilly appli-
quait à la lettre le réservât ecclésiastique de 1555, et, repre-
nant les biens sécularisés depuis lors, bouleversait l'Alle-
magne du Nord. Toute l'Europe protestante se sentait
menacée.
Une coalition se forma entre l'Angleterre, la Hollande
et le Danemark (traité de La Haye, déc. 1625) contre la
prépondérance impériale dans l'Allemagne du Nord. Le fils
de Christian de Danemark était coadjuteur des évêchés de
Brème, Verden et Halberstadt ; le roi avait donc un intérêt
direct en jeu. Lorsqu'il se vit menacé par le Danemark au
Nord,^ comme il l'était constamment à FE. par Bethlen Ga-
bor, l'empereur sentit le besoin d'avoir une armée à lui.
Jusqu'alors il avait surtout employé celles de la Ligue ca-
tholique ou de l'Espagne. Wallenstein (V. ce nom) lui en
fournit une. En quatre semaines, il leva 20,000 hommes
(juil. 1625), avec lesquels il occupa les évêchés delagde-
bourg et Halberstadt ; il défit Mansfeld à Dessau (avr. 1 626) ;
le roi Christian se fit battre à Lutter par Tilly. Les affaires
marchaient moins bien dans les Etats héréditaires. En
Haute-Autriche, les paysans, martyrisés par les occupants
bavarois, s'étaient soulevés (mai 1625); conduits par Etienne
Fadinger, ils assiégèrent Linz et tinrent la campagne plus
d'une année ; il fallut de grands déploiements de forces pour
les vaincre, tant l'oppression politique et religieuse exas-
pérait ces populations. Bethlen Gabor, subventionné par
les puissances occidentales (traité de La Haye, avr. 1626),
combinait ses mouvements avec ceux de Mansfeld et de Jean-
Ernest de Weimar, campés en Silésie. Le prince transyl-
vain et Mansfeld se rencontrèrent sur le Gran avec Wal-
lenstein '; mais les deux armées étaient décimées par la
maladie ; d'aucun côté, on n'osa engager la bataille. Mans-
feld alla mourir en Bosnie. Bethlen Gabor traita une fois
de plus. La mésintelligence s'introduisait entre l'empereur
et les catholiques allemands ; ceux-ci souffraient de la guerre
et l'armée impériale ne les ménageait pas plus que les pro-
testants. Wallenstein tranchait en maître, donnant à Georges
de Luxembourg l'héritage de Christian de Brunswick de sa
propre autorité. Les princes de la Ligue réclamaient et se
plaignaient à Ferdinand IL Mais celui-ci, d'accord avec son
ministre Eggenberg, tenait bon pour son redoutable géné-
ral. On sentait déjà que ce n'était pas seulement les pro-
testants qui étaient en danger, mais l'autonomie de tous les
princes allemands. En 1627, Wallenstein soumit la Silé-
sie, occupa le Brandebourg que sa neutralité ne préservait
d'aucun pillage ; puis il envahit le Mecklembourg, se posant
en libérateur. Vaincus à Aalborg, les Danois perdirent tout
le Jutland, ne trouvant de refuge que dans les îles. La
Poméranie fut également occupée. Les impériaux étaient
maîtres de l'Allemagne du Nord à la fin de l'année 1 627 .
Dominant sur les rivages allemands de la Baltique, l'em-
pereur voulut mettre à exécution un vieux rêve des Habs-
bourg, celui de créer une grande puissance maritime. Wal-
lenstein, décoré du titre de général des mers Baltique et
Océanique, fut chargé d'équiper une flotte. Depuis long-
temps, les souverains espagnols souhaitaient d'enlever aux
Hollandais le commerce de la mer du Nord, qui était si im-
portant pour eux (V. Commerce). Les Habsbourg voulaient
se servir pour cela de la Hanse, lui rendre son ancienne
puissance en la mettant à leur service. Le commerce alle-
mand eût été relevé, sa marine bénéficiant des riches dé-
bouchés de la monarchie espagnole. A la grande assemblée
de la Hanse, tenue à Lubeck (févr.-marsc1628), on fit le
projet d'un traité entre l'Espagne et les villes allemandes
n'autorisant que le commerce direct ; c'est le système de
l'acte de navigation qui réussit si bien aux Anglais. Mais
la Hanse était trop déchue, profondément divisée ; les im-
périaux assiégeaient trois de ses villes (Stralsund, Wis-
mar, Rostock) ; elle ne put ou ne voulut fournir aux Habs-
bourg une flotte. La puissance impériale resta limitée par
la mer dont les Danois et Suédois étaient maîtres. Ferdi-
nand II et ses conseillers concevaient alors les plans les
plus vastes : transformation de l'Empire en une monarchie
héréditaire; prépondérance maritime allemande; soumission
des Pays-Bas assurée par une double campagne des impé-
riaux au N., des Allemands au S. ; démembrement du Da-
nemark, dont le roi de Suède recevrait les îles, de manière à
s'en faire un allié ; puis croisade contre les Turcs, conquête
de Constantinople et restauration du vieil empire romain.
Ministres et capitaines autrichiens et espagnols discutaient
sérieusement ces éventualités. Restait à les réaliser. On
comptait sur l'épée de Wallenstein. En Allemagne, la force
primait le droit; on se comportait comme en pays conquis,
confisquant les biens pour les distribuer aux soldats, même
les terres. L'exécution du palatin fut renouvelée contre les
ducs de Mecklembourg dont Wallenstein souhaitait le duché.
Il lui fut donné en gage (1628), puis en fief héréditaire
(16 juin 1629). C'était l'abolition de la constitution du
Saint-Empire ; la souveraineté passait du corps des princes
et villes à l'empereur, lequel agissait comme les rois de
France ou d'Angleterre dans leurs royaumes héréditaires.
La guerre danoise fut rapidement terminée. On ne pouvait
venir à bout du roi Christian sans une flotte. La résistance
victorieuse de Stralsund dont il fallut lever le siège au bout
de six mois, le débarquement des Danois à Wolgast, un
échec à Gluckstadt, prouvaient que les puissances protes-
tantes maritimes (Danemark, Suède, Angleterre, Hollande)
remettraient toujours en question la prépondérance sur les
côtes. On occupait Gustave- Adolphe en entretenant la guerre
de Pologne ; on traita avec Christian. La paix de Lubeck
lui restitua ses Etats continentaux, mais il s'engagea à s'abs-
tenir de toute intervention dans les affaires allemandes et
se désista de toute prétention. Il avait vainement demandé
la garantie de la liberté religieuse et de la constitution du
Saint-Empire.
La guerre semblait terminée. L'empereur crut le mo-
ment venu de prendre des dispositions définitives pour assu-
rer la prépotence des catholiques. Depuis le congrès de
Passau (V. Ferdinand Ier) la question du réservât ecclé-
siastique divisait l'Allemagne ; toutes les sécularisations
accomplies depuis lors étaient jugées illégales par les ca-
tholiques ; ils n'admettaient pas davantage la possession
des évêchés par des administrateurs protestants et voulaient
les exclure des diètes ; en revanche, ils refusaient d'obser-
ver la déclaration de Ferdinand Ier garantissant aux
vassaux des princes ecclésiastiques la liberté religieuse. Ils
soutenaient qu'il dépendait de l'empereur de régler ces
questions, tandis que les protestants les trouvaient du res-
sort de la diète. Ce qui était incontestable, c'est que la res-
titution de fiefs ecclésiastiques sécularisés ou occupés depuis
cinquante, soixante ou soixante-dix ans par les protestants
entraînait un bouleversement de tout le régime politique
et territorial, du régime des propriétés dans l'Allemagne
entière et surtout dans l'Allemagne du Nord. Il donnait
irrévocablement à la guerre le caractère d'une guerre reli-
gieuse. Telle fut en effet la conséquence de Médit de res-
titution rendu le 6 mars 4529 par l'empereur sur la
demande des électeurs catholiques. Il déclarait que les
catholiques réclamaient à bon droit les couvents et tous les
biens ecclésiastiques qui étaient encore en leur possession
au temps de la convention de Passau ; que les membres de
la confession d'Augsbourg qui occupaient des fiefs ecclésias-
tiques, des évêchés ou des principautés ecclésiastiques im-
médiates ne pouvaient être regardés comme évêques'ou
prélats et ne pouvaient ni siéger à la diète ni réclamer
l'hommage ou les droits régaliens; enfin, que les princes
ecclésiastiques pouvaient imposer leur religion dans leurs
possessions. Il avait été question d'étendre l'édit de resti-
tution même aux biens et principautés sécularisés avant le
congrès de Passau, mais on n'osait encore. La mesure prise
était une victoire des princes catholiques plus que de l'em-
pereur. C'était la Ligue catholique qui réalisait son pro-
gramme. D'accord sur ce point avec Ferdinand II, elle ne
l'était pas sur les autres. Les princes catholiques, comme les
autres, étaient effrayés de voir le Saint-Empire dégénérer
en monarchie absolue sous la pression de l'armée de Wal-
lenstein ; entre le parti constitutionnel catholique et le parti
absolutiste militaire, le contraste s'accentuait maintenant
que les hostilités paraissaient terminées. On se plaignait des
allures autocratiques du général qui faisait des levées
d'hommes, frappait des contributions, s'installait dans les
pays, y prenait ses quartiers sans tenir nul compte du
prince légitime, traitant les amis comme les ennemis. La
constitution du Saint-Empire était journellement violée et
l'existence même de cette armée impériale avec son chef
usant de pouvoirs dictatoriaux était en contradiction for-
melle avec la constitution et les usages séculaires de l'Al-
lemagne.
Pour appliquer Fédit de restitution il fallait encore com-
battre. On en chargea l'armée de la Ligue catholique et son
général Tilly. Commençant par le cercle de Basse-Saxe,
les commissaires impériaux se rendirent à Halberstadt, le
second fils de l'empereur, l'archiduc Léopold-Guiilaume, fut
élu évêque; les restitutions imposées s'accomplirent sans
résistance. A Magdebourg il en fut autrement. Le chapitre
déposa l'administrateur brandebourgeois, mais élut arche-
vêque le prince Auguste de Saxe (janv. 4628). L'empereur
refusa de le reconnaître et désigna en vertu du droit de
« provision apostolique » son fils Léopold-Guiilaume. La
— 254 - FERDINAND
population protestante ne laissa pas faire ; au bont de quel-
ques mois, Wallenstein leva le siège(29 sept. 4629). Ce
ne fut pas lui qui le reprit l'année suivante.
L'édit de restitution faisait passer au premier plan la poli-
tique de la Ligue catholique dirigée par le duc de Bavière. Il
fallut alors que Ferdinand II choisît entre les vastes plans que
proposait Wallenstein et ceux de ses alliés catholiques. La
constitution allemande ne fonctionnait plus ; mais, dès qu'on
se rapprochait du régime régulier, il fallait se départir delà
conduite suivie depuis quelques années. L'empereur jugea
trop dangereuse une brouille avec les princes catholiques.
Il s'occupait en Italie de l'affaire de la succession de Man-
toue, qui remettait en jeu la domination de sa famille en
Italie. Fidèle à la politique de famille, il voulait opérer,
d'accord avec l'Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, faire la
guerre à la France, "à la Hollande, à la Suède. Renonçant
au principe de Wallenstein de nourrir la guerre par la
guerre, il lui fallait des ressources; il voulait l'appui des
princes catholiques ; surtout il désirait faire élire son fils
roi des Romains. Il n'osa pas réunir une diète où toutes
les oppositions pouvaient se coaliser et convoqua à Ra-
tisbonne un congrès des électeurs (nov. 4630). Seuls les
princes catholiques y vinrent et ils imposèrent leur poli-
tique à l'empereur. Ils se souciaient peu des querelles in-
ternationales ; au lieu d'aider les Habsbourg dans leurs
guerres, ils réclamaient l'amoindrissement de l'armée im-
périale et l'éloignement de son formidable général. Un con-
grès préparatoire tenu par les chefs de la Ligue à Mergen-
theim, au printemps de 1 630, les trouva d'accord. Apportant
d'innombrables plaintes contre les exactions des soldats de
Wallenstein, ils faisaient observer que son armée n'avait
plus de caractère catholique ; il était indispensable d'écar-
ter les colonels protestants sur lesquels on ne pouvait
compter pour appliquer l'édit de restitution. Subordonnant
leur appui à cette condition, les princes catholiques firent
céder l'empereur. Prévoyant la guerre générale, il n'osa
s'y engager seul. Il abandonna ses rêves de monarchie ab-
solue appuyée sur le pouvoir militaire à la manière des
autres rois européens. Il était arrivé à une antinomie ; une
rupture avec la Ligue catholique pouvait entraîner sa ruine;
il jugea plus prudent de céder à ses exigences, mais fit
preuve d'une médiocre capacité politique. Il n'obtint rien;
renvoyant son général et réduisant son armée au mo-
ment où la guerre générale allait éclater, nommant lieute-
nant-général de ses troupes le général de la Ligue, Tilly,
il fut ensuite obligé d'en passer par où voulait le duc de
Bavière : s'engager à ne pas faire la guerre sans l'aveu des
électeurs, demander aux conseils des cercles les moyens
pour la faire ; traiter avec la France, en abandonnant l'Es-
pagne dans l'affaire de Mantoue dont ses troupes s'étaient
emparée (4630); renoncer à la guerre de Hollande. Il n'ob-
tint même pas l'élection de son fils comme roi. Tombant
tout à fait sous la dépendance de la Ligue catholique, Fer-
dinand II compromit même l'intérêt catholique auquel il
sacrifiait les autres , car les protestants allemands réunis
par le péril commun s'entendaient avec la Suède et la
France. Avec la France, le conflit pouvait être retardé, non
évité ; la pacification en Italie n'empêchait pas les choses
de se gâter sur la frontière de FEst. Depuis 4627 on con-
centrait des troupes impériales sur le Rhin ; on avait songé
à jeter de ce côté l'armée de Wallenstein. La diplomatie
française par ses négociations avec les électeurs ecclésias-
tiques et la Bavière avait menacé si directement l'empereur
qu'il avait jugé nécessaire de céder à la Ligue, pour éviter
qu'elle ne s'alliât au roi très chrétien. Mais celui-ci, ou
plutôt Richelieu, négociait simultanément avec la Suède, et
tandis que Ferdinand II s'affaiblissait pour gagner la Ligue
catholique, il se voyait attaqué par un nouvel adversaire.
On trouvera le récit de ces faits dans les art. Louis XIII,
Richelieu, Gustave-Adolphe. Pour maladroite qu'ait été
la politique autrichienne, il n'est pas sûr qu'elle n'ait pas
embrassé le meilleur parti ; c'était en tout cas le plus pru-
dent, malgré les revers qui en furent la conséquence.
FERDINAND
— zm
Lorsque Ferdinand II congédia Wallenstein, il y avait
un mois que le roi de Suède avait débarqué en Poméranie
(44 juil. 4630). Malgré la neutralité de la Saxe et du Bran-
debourg, il fit de rapides progrès, chassa de la Poméranie
les impériaux. Quand l'entente fut complète entre la Ligue
et l'empereur, les protestants n'ayant plus à espérer le rap-
pel de l'édit de restitution, s'assemblèrent à Leipzig sur
l'invitation de l'électeur de Saxe, afin d'unir leurs forces
pour résister au parti catholique. Mais ce congrès n'osa rien
(févr.-avr. 4634); il espérait obstinément ; les princes
protestants voulaient rester neutres, jouer le rôle de média-
teurs entre le roi de Suède et l'empereur. Cette attitude
amena la chute de Magdebourg (20 mai 463d). L'horreur
et la crainte excitées par cette catastrophe favorisèrent la
cause protestante. Le roi de Suède, maître de la Poméranie,
du Mecklembourg, d'une partie de la Silésie, obligea le
Brandebourg à une alliance. L'électeur de Saxe se joignit
à son tour au champion protestant, et l'armée de Tilly fut
détruite à Breitenfeld (47 sept. 4634). La Ligue catholique
était battue; l'empereur allait reprendre la direction de la
guerre ; mais il allait aussi en supporter le poids, ayant
affaire à de bien autres adversaires qu'au début.
A la nouvelle du désastre de Breitenfeld, Ferdinand II
s'adressa à Wallenstein. Celui-ci, qui s'était fait fort au-
près du roi de Suède de conquérir les pays autrichiens et
de chasser l'empereur en Italie si on lui donnait la vice-
royauté de Bohême, refusa net. Mais Gustave-Adolphe ne
s'entendant pas avec lui, il se rendit à de nouvelles solli-
citations de l'empereur. Celui-ci était disposé à rappeler
l'édit de restitution, pour pacifier les protestants et rega-
gner d'abord l'électeur de Saxe. Mais en même temps il
octroyait à Wallenstein des pouvoirs immenses. Généralis-
sime du Saint-Empire, de la maison d'Autriche et de la cou-
ronne d'Espagne, il aurait le commandement sur tout autre
général dans l'Empire, traiterait selon son bon vouloir les
pays conquis, exercerait à sa fantaisie les plus hautes pré-
rogatives de la souveraineté, confiscation, grâce. Dans le
délai de trois mois qu'il avait fixé, Wallenstein eut son ar-
mée (avr. 4632). Les protestants avaient divisé leurs forces,
le roi de Suède opérant contre la Ligue catholique, l'électeur
de Saxe contre l'empereur. L'électeur entra en Bohême,
s'empara de Prague où il ramena le comte de Thurn, chef
de l'insurrection de 4648 (nov. 4634). Endéc. 4634, Gus-
tave-Adolphe entra en conflit avec la garnison espagnole
de Mayence ; malgré ses désirs et ses déclarations, il ne
pouvait limiter la guerre entre l'empereur et lui. Richelieu
négociait pour isoler l'empereur et diriger sur ses Etals
héréditaires les forces de la Suède. Mais l'électeur de Ba-
vière refusa de poser les armes. La situation s'améliora
pour les catholiques en 4632. La campagne triomphale de
Gustave-Adolphe l'avait conduit en Bavière ; après la soumis-
sion des vallées du Main et du Rhin, il défit les forces au-
trichiennes venues du Brisgau et d'Alsace ; mais l'inaction
des Saxons en Bohême donna le temps à Wallenstein de
réunir son armée et en un mois il les chassa du royaume.
Il ne put cependant décider l'électeur à faire sa paix avec
l'empereur, bien qu'il lui offrît d'en dicter les conditions.
Quant au roi de Suède il voulait entrer dans l'Empire comme
duc de Poméranie et y créer une confédération protestante
(corpus Evangelicorum) dont il serait le chef. Sur le
Rhin, les impériaux d'Alsace sous Montecuculli et Ossa joi-
gnaient leurs efforts à ceux des Espagnols venus des Pays-
Bas, des Bavarois et des Lorrains ; les Français progres-
saient, occupant la Lorraine et plusieurs forteresses de
l'électorat de Trêves ; les Suédois grâce à ce concours purent
se maintenir. Gustave-Adolphe, mis en échec devant Nu-
remberg par Wallenstein, songeait à entrer dans la Haute-
Autriche où les paysans se soulevaient à son instigation.
Il finit par suivre son adversaire en Saxe où il fut vain-
queur, mais tué à Lutzen (46 nov. 4632).
La guerre continua ; au N. la Saxe et le Brandebourg
persistaient dans leur attitude hésitante ; mais le chance-
lier suédois Oxenstierna forma à Heilbronn une ligue des
princes et villes protestantes des quatre cercles de la Haute-
Allemagne (Franconie, Souabe, Haut et Bas-Rhin), dont
le programme était la restauration des libertés et de la
constitution allemandes, des princes protestants dépossédés,
et une satisfaction convenable pour la couronne de Suède.
La France accentuait son concours, mais en exigeant des
garanties pour la religion catholique. Néanmoins la muti-
nerie des soldats obligea à des distributions de terres et de
principautés. Il n'était guère question du respect des formes
constitutionnelles, pas plus dans un camp que dans l'autre.
Les évêchés de Wurtzbourg et Bamberg servirent, à créer
un duché de Franconie pour Bernard de Saxe-Weimar.
Wallenstein restait immobile en Bohême, réorganisant soli-
dement son armée et s'efforçant de traiter avec la Saxe.
On se mit d'accord sur l'égalité religieuse, la restauration
des princes dépossédés et de l'électorat palatin, l'abandon
de l'édit de restitution. La cour de Vienne, les envoyés
du pape et de la Ligue s'opposèrent à ces clauses ; mais
Wallenstein était décidé à passer outre. La politique espa-
gnole compliqua les choses en remettant sur le tapis ses
projets d'établissements sur le Rhin pour relier ses do-
maines des Pays-Bas et d'Italie. D'autre part, la France et
les confédérés d'Heilbronn offraient la couronne de Bohême
à Wallenstein. Celui-ci n'osait pas rompre avec l'empereur,
tout en ayant l'attitude d'un prince presque autonome.
Laissant Horn conquérir l'Alsace, Bernard de Saxe-Weimar
s'emparer de Ratisbonne et menacer Passau et l'Autriche,
il reconquit la Silésie et la Lusace, puis revint en Bohème.
Le conseil de guerre de Vienne l'invitait vainement à mar-
cher contre Bernard; il conservait l'obéissance de ses
colonels, mais déjà des conflits se manifestaient par des
ordres contradictoires émanant de Vienne et du quartier
général. A la cour impériale, l'influence des princes catho-
liques, surtout du duc de Bavière, appuyé par le pape et
l'Espagne, devenait prédominante. La rupture approchait ;
par la menace de sa démission, le généralissime faisait
signer à ses officiers le revers de Pilsen (42 janv. 4634),
par lequel ils s'engageaient à le soutenir en toute hypo-
thèse. Il continuait ses négociations pour la paix avec les
protestants de l'Allemagne du Nord et, prévoyant le .cas
d'un refus de ratification de l'empereur, projetait d'unir
ses forces à celles de la Saxe. Mais l'empereur réussit à
détacher du général ses principaux lieutenants (Aldringer,
Gallas, Manadas, Piccolomini, Colloredo, Gœtz, Hatzfeld,
Diodati) ; il les délia de leur obéissance envers lui, l'accu-
sant de conspirer pour enlever à Ferdinand II ses Etats
héréditaires, puis le fit assassiner (25 févr. 4634). Les
détails seront donnés dans la biographie de Wallenstein
(V. ce nom). La cour accueillit avec joie la nouvelle de la
mort du redoutable condottiere ; une partie de ses dé-
pouilles fut partagée entre les meurtriers : Teplitz à
Aldringer, Friedland à Gallas ; l'empereur garda la plus
grande partie (Sagan, Glogau, etc.). On poursuivit avec
une rancune inexpiable tous les suspects, mais sans presque
rien découvrir. Après le traité ds Prague, on supplicia son
ami le brave comte silésien Schaffgotch, protestant con-
vaincu (juil. 4635), et l'insurrection provoquée en Silésie
par cette dernière violence fut aisément étouffée.
Le crime réussit à l'empereur. L'armée de Bohême fut
placée sous le commandement de son fils Ferdinand, roi de
Bohême et de Hongrie, renforcée par celle qu'amenait
d'Italie le cardinal -infant Ferdinand , gouverneur des
Pays-Bas ; elle reconquit la Bavière et infligea une défaite
complète à celle des protestants. L'imprudence de Bernard
de Saxe-Weimar causa la destruction des forces suédoises
à Nordlingen (6 sept. 4634). L'Allemagne du Sud retom-
bait au pouvoir des catholiques. La France passait au
premier plan. Elle occupa la Haute-Alsace que les protes-
tants renonçaient à détendre, Colmar, Schlestadt, Philips-
bourg, etc. (oct. 4634), et un traité, signé à Paris avec la
Suède le 4er nov. 4364, lui cédait l'Alsace entière avec
Brisach et Constance. Les domaines rhénans de la maison
d'Autriche étaient perdus. Le caractère de la guerre changea
— 253
FERDINAND
complètement ; d'une part, les Français allaient tenir en
échec les catholiques sur la ligne du Rhin, où ceux-ci ne
purent plus reprendre l'avantage. D'autre part, la paix fut
conclue entre l'empereur et la Saxe dans des termes tels
qu'on espérait voir toute l'Allemagne protestante accéder à
la transaction.
Le traité de Prague (30 mai 1635) stipulait que les Etats
protestants conserveraient tous les bénéfices et biens ecclé-
siastiques sécularisés avant la convention de Passau ; pour
ceux qui l'avaient été depuis et pour toutes les principautés
ecclésiastiques immédiates, le statu guo au 42 nov. 1627
serait continué pendant quarante années à compter depuis
le traité ; les droits de siéger et de voter, attachés à ces
principautés immédiates, seraient suspendus. Durant le délai
fixé, on étudierait des arrangements ; au terme et à défaut
de transaction, chacun demeurerait en possession, sauf à
faire trancher les cas douteux par un tribunal mixte. Le fils
de l'électeur de Saxe gardait Magdebourg, celui de l'em-
pereur, Halberstadt. Seraient compris dans le traité ceux qui
l'accepteraient dans un délai de dix jours. Etaient exclus de
l'amnistie tous les personnages impliqués dans les affaires
de Rohême et du Palatinat, ceux des pays autrichiens, le
duc de Wurttemberg, le margrave de Bade-Dourlach et
nombre d'autres. Les Saxons évacuèrent la Silésie qu'ils
occupaient presque entière. La plupart des princes de l'Alle-
magne du Nord accédèrent au traité : le cercle de la Basse-
Saxe, l'électeur de Brandebourg, les ducs de Mecklem-
bourg, de Weimar, beaucoup de villes impériales. Les
princes exclus, le landgrave de Hesse-Cassel, le duc de
Lunebourg et d'autres continuèrent la lutte, jugeant la
transaction trop désavantageuse, surtout au moment où
l'intervention active de la France aggravait le péril des
Habsbourg. Toutefois, en divisant leurs ennemis, ceux-ci
sauvaient leur prépondérance en Allemagne. Même après de
grandes défaites ils la conservèrent, les forces antagonistes
n'ayant plus dans le pays un point d'appui suffisant.
Aux frontières, l'Autriche semblait prendre le dessus.
Gallas avait passé le Rhin ; Jean de Werth et le duc de
Lorraine ravageaient l'Alsace; Piccolomini secourait les
Espagnols dans les Pays-Bas ; l'armée française de La Va-
lette parut bien à la rive droite du Rhin, mais fut bientôt
contrainte à une retraite désastreuse. Les Suédois étaient
très menacés jusqu'en Poméranie et demandaient la paix à
l'empereur. Mais bientôt la face des choses se modifia :
Louis XIII vint en personne chasser les impériaux de Lor-
raine ; le comte d'Avaux fit renouveler pour vingt-six ans
la trêve entre la Pologne et la Suède (traité de Stuhms-
dorf, 12 sept. 1635). Grâce aux subsides français, de nou-
velles armées suédoises furent mises sur pied, tandis que
celle qui occupait la Prusse et la Livonie devenait libre
avec ses chefs Torstensson et Hermann Wrangel. Déjà les
Saxons avaient été battus à Dœmitz par un lieutenant de
Baner (1er nov.) ; ils le furent de nouveau à Kyritz (47déc),
et le Brandebourg fut réoccupé par les Suédois. Dans
l'Allemagne du Sud, Bernard de Saxe-Weimar entra à la
solde du roi de France (traité de Saint-Germain, 27 oct.
1635). Les Français conservaient l'Alsace et guerroyaient
sur le Rhin et la Lahn. Liège repoussait les troupes de
Jean de Werth et de Charles de Lorraine. La campagne
de 1636 n'apporta aux impériaux que des succès secon-
daires : prise de Coblentz, conquête de la Hesse, campagne
de Picardie où Jean de Werth menaça Paris, et de Bour-
gogne où Gallas fut arrêté sur la Saône. Les Saxons prirent
Magdebourg, mais furent vaincus à Wittstock par Baner et
perdirent Erfurt.
A la fin de cette année de luttes sanglantes, Ferdinand Iï,
sentant sa fin approcher, fit élire roi des Romains son fils
Ferdinand. L'élection eut lieu à Ratisbonne le 22 déc. 1636.
Quelques semaines plus tard, l'empereur mourut. Peu
d'hommes ont donné lieu à des jugements plus passionnés
et plus contradictoires. Vénéré par les uns presque à l'égal
d'un saint pour sa piété, sa résolution, sorte de héros
catholique, il est flétri par les autres pour son fanatisme,
son mépris du droit, ses attentats contre les libertés de ses
sujets et contre la constitution allemande, les effroyables
maux qu'il attira en déchaînant la guerre de Trente ans.
Le bien est vrai comme le mal ; ajoutons que Ferdinand II
fut un médiocre politique ; hors l'intérêt de l'Eglise catho-
lique, ses ambitions dynastiques et territoriales, ses ven-
geances personnelles, il ne concevait rien. Voulant abuser
de ses victoires, il en perdit le fruit, et l'issue de la lutte
démontra la vanité de ses efforts. Il eut le sort des tenants
successifs de la cause catholique dans les affaires euro-
péennes ; Philippe II, Ferdinand II, Louis XIV, après d'écla-
tants succès, s'épuisèrent par l'excès de leurs prétentions.
Dans la vie privée, Ferdinand II était sympathique ; il joi-
gnait l'affabilité des Habsbourg à la grandeur et au faste
des Espagnols. Malgré sa simplicité personnelle, il était
prodigue jusqu'à la faiblesse envers ses serviteurs. Brave,
laborieux, aimant également la musique et la chasse, il obser-
vait minutieusement toutes les pratiques du culte, assistant
à la messe, jeûnant, suivant les processions par les plus
mauvais temps. Il se laissait mener par ses conseillers ; son
confesseur, le Luxembourgeois Lamormain, qui a écrit sa
vie dans le style des vies de saints, était l'homme le plus
influent de la cour ; ses autres conseillers : le prince
Eggenberg, le comte Trautmannsdorf ne venaient qu'en-
suite. La pensée maîtresse de Ferdinand II fut l'extirpa-
tion de l'hérésie ; il la poursuivit dans ses Etats hérédi-
taires avec un acharnement exceptionnel même à cette
époque. Il souhaitait la même chose dans toute l'Allemagne.
Il échoua, mais n'en eut pas moins une action considérable
sur l'avenir de son pays. C'est lui qui isola l'Autriche de
l'empire allemand et prépara, réalisa presque sa constitu-
tion en grand Etat homogène. La conséquence fut,en face
de cet Etat catholique, la création d'un grand Etat protes-
tant dans l'Allemagne du Nord. A.-M. B.
Bibl. : V. Allemagne, Autriche, Trente ans (Guerre
de).— Khevenhuller, Annalen Ferdinands II, 1716, 12 vol.,
2° éd. — Hurter, Geschichte Ferdinands II ; Schaf-
fhouse, 1850-64, 12 vol.
FERDINAND III, empereur d'Allemagne (1637-1657),
roi de Bohême et de Hongrie (16%$) né à Gratz le 43 juil.
1608, mort le 2 avr. 4657. Son père lui assura de bonne
heure les couronnes de saint Etienne et de saint Wences-
las. Après le meurtre de Wallenstein, il le mit à la tête de
son armée (avec le concours de Gallas et de Piccolomini),
laquelle reprit Donauwerth et Ratisbonne et remporta la
grande victoire de Nordlingen (1634). Quand il fut élu roi
des Romains après de longs retards (Ratisbonne, 4636),
puis aussitôt appelé à succéder à son père, les catholiques
croyaient s'être donné un empereur qui prendrait lui-même
le commandement de ses armées. Il n'en fut rien. Ferdi-
nand III, comme son père, resta dans sa capitale et se fit
remplacer par des généraux. Il était plus modéré que son
père, inoins dévoué à l'Espagne et aux jésuites, quoique bon
catholique. Ses tendances étaient pacifiques et il ne cessa
de travailler au rétablissement de la paix. Il faut dire que les
défaites de ses troupes et de ses alliés devaient l'y disposer.
Il débuta cependant par des succès. Jean de Werth re-
prit Hermannstein (électorat de Trêves) aux Français qui
ralentissaient leur effort ; les Suédois durent évacuer la
Saxe ; l'électeur de Brandebourg s'allia à l'empereur pour
se mettre en possession de la Poméranie, et l'armée impé-
riale, commandée par Gallas, refoula les Suédois sur la côte
de la mer Baltique ; le landgrave Guillaume de Hesse, mis
depuis longtemps au banc de l'Empire, fut chassé de ses
Etats et mourut ; c'était un des plus fermes défenseurs de
la cause protestante ; Bernard de Saxe-Weimar ne put dé-
busquer Jean de Werth des lignes de Wittenweier. En 4 638,
les choses changèrent. Bernard de Saxe-Weimar s'empara
des villes forestières du Rhin, infligea aux impériaux devant
Rheinfeld une défaite complète ; leurs généraux furent pris,
notamment Jean de Werth; renforcé par Guébriant et
Turenne, il vainquit Gœtz à Wittenweier et s'empara de la
forte place de Brisach après un siège mémorable. D'autre
part, l'alliance franco-suédoise avait été renouvelée et la
FERDINAND
254 -
guerre reprise avec une nouvelle ardeur. Au N. , Baner fit
reculer Gallas et menaça la Silésie; puis il reparut en Saxe,
écrasa ses adversaires à Chemnitz (44 avr. 4639) et enva-
hit la Bohême. Mais le sentiment national y était éteint.
Baner fut arrêté devant Prague et ne put que dévaster la
Bohème, la Moravie et la Silésie ; de Prague on vit en une
nuit les flammes des incendies de cent villages ou châteaux.
Le feld-maréchal Hatzfeld, qui venait de battre l'électeur
palatin à Vlotho en Westphalie (47 oct. 4638), accourut
en Bohême ; mais alors Kœnigsmark ravagea tout le pays
delà Westphalie à la Franconie. L'archiduc Léopold-Guil-
laume, frère de Ferdinand III (évêque de Passau, Stras-
bourg, Halberstadt, Olmulz, etc.), prit le commandement
supérieur des armées autrichiennes ; Piccolomini qui venait
de battre Feuquières à Thionville, fut aussi appelé ; Baner
les combattit autour de Perna. La mort de Bernard de Saxe-
Weimar (juil. 4639) délivra l'empereur d'un adversaire
redoutable qu'il avait vainement essayé de gagner, mais fit
passer définitivement aux Français les possessions rhénanes
des Habsbourg. L'armée weimarienne passa au service de
la France qui la soldait. Guébriant et Longueville la con-
duisirent dans le Rheingauet le Palatinat guerroyant contre
les impériaux de Geleen et les Bavarois de Mercy. Le land-
grave de Hesse contracta une alliance avec la France
(4er avr. 4640). Baner sortit alors de la Bohême et fit sa
jonction avec les Brunswickois, les Hessois et l'armée fran-
çaise. Les impériaux n'osèrent risquer une bataille. L'em-
pereur convoqua une diète à Ratisbonne afin de délibérer
sur le rétablissement de la paix (23 sept. 4640). Baner,
sortant, à l'improviste de ses quartiers d'hiver de Westpha-
lie, faillit enlever la diète et l'empereur (janv. 4644) ; le
dégel du Danube les sauva, et Baner, poursuivi par Piccolo-
mini et Mercy, passa en Saxe. Il y mourut bientôt (mai
4644), mais fut remplacé à la tête de l'armée parle para-
lytique Torstensson qui surpassa encore la célérité de ses
mouvements. L'archiduc Léopold fut battue Wolfenbuttel ;
le Brandebourg signa une trêve avec la Suède. Au bout de
treize mois, la diète de Ratisbonne conclut ses travaux
(9 oct. 4644) en décidant l'ouverture de négociations avec
les puissances étrangères, les congrès devant être tenus à
Munster et Osnabruck ; l'empereur n'exceptait de l'amnis-
tie que ses pays héréditaires, l'affaire palatine et Magde-
bourg. Pour la restitution des biens ecclésiastiques, on s'en
tenait à peu près aux clauses du traité de Prague. Les bases
d'une entente furent arrêtées à Hambourg entre Lutzow,
ambassadeur impérial, d'Avaux pour la France et Salvius
pour la Suède (25 déc. 4 644). L'empereur rejeta ces prélimi-
naires et remplaça Lutzow par Auersperg. Mais les événe-
ments militaires de 4 642 le rendirent plus transigeant. On
fixa mars 4 643 pour l'échange des pouvoirs, le congrès devant
s'ouvrir en juillet. En fait, on traîna si bien en longueur
que les négociations ne commencèrent qu'en avr. 4645.
L'année 4642 s'ouvrit par une défaite des impériaux.
Lamboy et son armée venus des Pays-Bas furent complè-
tement battus par les weimariens de Guébriant à Kempen,
sur le Bas-Rhin; le duché de Juliers, l'électorat de
Cologne furent soumis, après quoi Guébriant se réinstalla
dans le cercle de Basse-Saxe. Torstensson se jeta sur la
Silésie dont les places furent vite enlevées ; de là sur la
Moravie où il prit Olmutz ; puis il se porta à la rencontre
de l'année de l'archiduc Léopold et de Piccolomini et la
détruisit à Leipzig. La Saxe entière fut conquise. La cam-
pagne de 4643 'eût été peu importante si, à la fin de
novembre, la mort de Guébriant n'eût été suivie de la des-
truction de l'armée weimarienne, surprise à Tuttlingen
par Jean de Werth. Gallas et Gœtz opéraient en Silésie
contre Torstensson. Le prince de Transylvanie Georges
Rakoczy, envahit la Haute-Hongrie et y retint Gallas.
Celui-ci suivit de loin Torstensson dans sa campagne de
Danemark (4644), se laissa cerner à Magdebourg d'où il
échappa péniblement ; Torstensson le suivit en Bohême ;
l'armée autrichienne, rassemblée à la hâte (corps de Gœtz,
Hatzfeld, Jean de Werth), fut écrasée à Jankowitz, près
de Tabor (6 mars 4645); Gœtz périt; Hatzfeld fut pris.
Sans généraux et sans soldats, Ferdinand III voyait l'Au-
triche ouverte ; Rakoczy y pénétrait par l'Est avec ses
bandes féroces. On l'éloigna par un traité, et la résistance
de Brunn arrêta Torstensson qui, mécontent d'être laissé à
ses seules forces, sans pouvoir en finir, démissionna. L'élec-
teur de Saxe, démoralisé, avait déposé les armes (6 sept.
4645). La guerre touchait à sa fin. A l'O., après le car-
nage de Fribourg (3-5 août 4644), Condé s'empara des
villes du Rhin (Philipsbourg, Mannheim, Worms, Oppen-
heim, Mayence, Bingen, Kreuznach). Mercy Jet Werth
vainquirent Turenne à Mergentheim (5 mai 4645), mais
furent battus à Nordlingen par Condé et Turenne. L'ob-
jectif poursuivi depuis si longtemps par la diplomatie
française allait être atteint ; le duc de Bavière songeait à
traiter séparément. Le nouveau général suédois Wrangel,
repoussé de Bohême par l'archiduc Léopold, se joignit à
Fritzlau avec Turenne, lequel venait de ramener à Trêves
l'archevêque-électeur , relaxé par l'empereur après une
captivité de dix années. L'invasion de la Bavière par cette
grande armée détermina le duc à signer la trêve d'Ulm
(44 mars 4647). Abandonnés par leur vieil allié, les Au-
trichiens furent exaspérés. Ils s'entendirent avec Jean de
Werth, qui essaya de débaucher l'armée bavaroise et de
la faire passer au service de l'empereur. Il n'y réussit pas.
L'armée impériale avait à sa tête Melander de Holzapfel,
ancien général hessois demeuré protestant. La cour de
Vienne passait là-dessus à cause de ses talents militaires.
Accompagné de l'empereur, Melander marcha contre les
Suédois qui venaient de prendre Eger. Un progrès des
impériaux en Souabe et la retraite de Turenne qui se ren-
dait aux Pays-Bas décidèrent Maximilien de Bavière (et avec
lui l'archevêque de Cologne) à dénoncer la trêve avec la
Suède; mais la France lui refusa de la continuer isolément.
Wrangel, quittant la Bohême devant les Austro-Bavarois,
s'unit à Turenne, et les Franco-Suédois rentrèrent en Ba-
vière. L'armée catholique fut battue et Melander tué prés
d'Augsbourg (47 mai 4648). La dévastation de la Bavière
fut terrible. Une crue de l'Inn préserva l'Autriche. Picco-
lomini et Jean de Werth, à la tête de la dernière armée
impériale, rentrèrent en Bavière d'où la faim chassait les
envahisseurs. Mais à ce moment, Kœnigsmark s'emparait
de la petite moitié de la ville de Prague (5 août) ; l'archi-
duc Léopold était battu à Lens par Condé (20 août). Les
armées allaient se retrouver en présence en Bohème sur le
premier théâtre de la guerre, commencée trente ans plus
tôt, lorsqu'on apprit que la paix était signée. L'histoire
des négociations et les conditions de ces traités, les plus
importants du xvne siècle, seront contées ailleurs (V. West-
phalie [Traités de] et Saint-Empire). Rappelons seule-
ment que Ferdinand III perdait la Haute et Basse-Alsace,
le Sundgau et Brisach, que la nouvelle organisation du
Saint-Empire annihilait les pouvoirs de l'empereur. En
revanche, il n'avait fait aucune concession relativement à
ses Etats héréditaires, n'y accordant ni la liberté religieuse,
ni l'amnistie. Le fossé se creusait entre l'Autriche et le
reste de l'Allemagne.
Du côté de la Hongrie, le zèle catholique de Ferdinand Ht
lui aliéna les populations. Dès 4625, son père s'était dé-
chargé sur lui des affaires de ce royaume. Il y introduisit
les jésuites qui travaillèrent méthodiquement à rendre
l'existence impossible aux hérétiques. En 4629, à la mort
de Bethlen Gabor, son successeur, Rakoczy Ier (4 629-4 648) ,
d'accord avec les Etats de Transylvanie, fit hommage à la
Porte. Il profita du mécontentement des Hongrois pour
essayer de se faire reconnaître roi de Hongrie, du moins
dans la partie occupée par les Habsbourg. Ferdinand III
avait fait déclarer à la diète de Presbourg (4637) que la
paix de Vienne qui accordait aux réformés le libre exercice
de leur culte ne disait rien des églises, et, en conséquence,
il avait affecté celles-ci aux seuls catholiques partout où
ceux-ci étaient en nombre. En 4642, Rakoczy fit élire son
fils prince par les Etats de Transylvanie. En 4643, celui-ci
- 285 -
FERDINAND
épousa l'héritière des Bathori et devint le plus grand pro-
priétaire de la Hongrie. Le palatin Esterhazy écrivit au
roi que le mécontentement et les troubles ne pouvaient être
apaisés que s'il revenait au respect des libertés garanties
par les traités et les lois du royaume ; Ferdinand III vio-
lait journellement la capitulation qu'il avait souscrite à son
avènement. Une révolution était à craindre. La cour de
Vienne ne voulut rien entendre. En 1644, Rakoczy, allié
aux Suédois et aux Français, envahit la Hongrie. Il y fut
accueilli avec joie par la noblesse protestante et salué
prince de Hongrie ; il promettait de restaurer les libertés
politiques et religieuses. Ferdinand III , menacé alors par
Torstensson, s'efforça de traiter avec la Transylvanie et
les mécontents hongrois ; Rakoczy menacé par le sultan
Ibrahim signa la paix de Linz (sept. 1645) laquelle lui
cédait cinq comitats hongrois , concédait aux protestants
plus qu'aucun des pactes antérieurs, liberté religieuse com-
plète pour les èvangélistes et les calvinistes, restitution des
quatre-vingt-dix églises qu'on leur avait enlevées. Après
la paix de Westphalie et l'avènement de Rakoczy II, tou-
jours vassal de la Porte, Ferdinand III se retourna vers la
Hongrie. L'influence autrichienne était amoindrie dans l'Em-
pire; il voulait, en compensation, accroître son autorité
dans ses royaumes ; il demanda donc à la diète de Pres-
bourg (1655) de renoncer à l'élection et de reconnaître la
transmission héréditaire de la royauté hongroise dans la
maison de Habsbourg. Les Etats refusèrent, voyant dans
la formalité de l'élection et la capitulation qui y était jointe
le fondement de leurs libertés et privilèges. Léopold, fils
du roi, fut d'ailleurs choisi sans difficulté et couronné le
27 juin 1655. — La dernière année de sa vie, Ferdinand III
se retrouva en guerre avec la Suède. Il s'allia au roi de
Pologne (qui lui faisait entrevoir sa succession pour un
jeune prince de sa maison) contre Charles X (1er déc. 1656)
et une armée autrichienne vint soutenir Jean-Casimir contre
le roi de Suède et Rakoczy II.
Ferdinand III ne joua en somme qu'un rôle assez effacé,
continant la politique de son père, mais avec moins d'éner-
gie. Il ne rencontra d'ailleurs plus les mêmes résistances
dans sa politique de persécution religieuse ; il la continua
sans la modérer, renouvelant les édits contre les héré-
tiques, les rassemblements, la propagation de livres, les
infractions au jeûne, interdisant, même aux nobles, le ser-
vice évangélique. Les violences de Ferdinand II et la longue
compression avaient brisé les résistances, et ces sévérités
furent subies docilement. Personnellement Ferdinand III
était un homme grand et vigoureux, très pieux, bon Alle-
mand, aimant les arts et surtout la musique. Il fut même
compositeur; Wolgang Ebner, organiste de la cour, a fait
imprimer plusieurs compositions musicales de son maître
(Prague, 1648 ; reproduites dans Allgem. musik. Zeitung
de Leipzig, 1826). A.-M. B.
Bibl. : Koch, Geschichte der Deutschen Reichs unter
der Regierung Ferdinand III; Vienne, 1865-66, 2 vol.
FERDINAND IV, roi des Romains (1653-54), roi de
Bohême (1646) et de Hongrie (1647), né en 1634, mort
en 1654. Fils aîné de Ferdinand III, il fut désigné pour
lui succéder, et fut successivement couronné roi de Bo-
hême (5 août 1646), puis de Hongrie (16 juin 1647). La
diète de Ratisbonne l'élut roi des Romains ; mais il mourut
(de la petite vérole) avant son père , laissant la couronne
à son frère Léopold, d'abord destiné à l'Eglise.
FERDINAND Ier, empereur d'Autriche, né à Vienne le
19 avr. 1793, mort à Prague le 29 juin 1875. Comme roi
de Bohême et de Hongrie il porte le nom de Ferdinand V. Il
était fils de François Ier et de sa seconde femme, Marie-
Thérèse. Il fut couronné roi de Hongrie en 1830 et il
épousa en 1831 Anna, fille du roi de Sardaigne, Victor-
Emmanuel. L'année suivante il échappa à l'attentat dirigé
contre lui par le capitaine Reinolt. Il succéda à son père le
2 mars 1835. François Ier en mourant lui recommanda
Metternich comme son plus fidèle ami et son meilleur ser-
viteur. Ferdinand était d'une constitution délicate : il était
à peu près incapable de gouverner par lui-même. Il fallut
organiser une sorte de régence : Clam-Martinitz, Metter-
nich, Kolowrat, les archiducs Louis et François-Charles
constituèrent la Staaksconferenz qui fut le véritable
organe du pouvoir exécutif (1836). Le règne de Ferdinand
continua la politique réactionnaire inaugurée par son pré-
décesseur Il réalisa cependant quelques progrès ; la cons-
truction des chemins de fer fut poussée avec activité ; le
service militaire réduit de quatorze ans à huit. En 1847,
fut publiée une patente qui autorisait les paysans à se
racheter de la corvée. La même année fut fondée l'Acadé-
mie des sciences de Vienne. En 1846, sous prétexte de
réprimer un mouvement révolutionnaire , Cracovie fut
occupée et cette occupation fut ratifiée par l'Europe. Une
terrible jacquerie éclata en Galicie. La fermentation des
esprits dans les diverses provinces, notamment en Italie,
en Hongrie, en Bohême, devait nécessairement aboutir à
une révolution. Elle éclata au mois de mars 1848. Le
13 mars, Metternich dut quitter le pouvoir et s'enfuir.
L'empereur dut promettre une constitution, accorder un
ministère spécial à la Hongrie, promettre des réformes à la
Bohême (V. Autriche, t. IV, p. 798, et Bohême, t. VII,
p. 77). Les troubles de Vienne l'obligèrent à quitter cette
ville (17 mai) et à se retirer à Innsbruck. Il y fut rejoint
par les députés de la Bohême qui réclamèrent un ministère
responsable, par le ban Jellacich qui refusait obéissance
au ministère hongrois. L'anarchie était à son comble dans
tout l'Empire. A Prague, les Slaves se réunissaient en con-
grès (juin). Les Hongrois émettaient des idées séparatistes.
Au mois de juillet, une diète constituante se réunit à
Vienne. Elle invita l'empereur à revenir dans la capitale
(12 août). Il y rentra en effet; mais, au mois d'octobre,
effrayé par les émeutes qui éclataient à Vienne, il se réfugia
à Olomoùc (Olmutz). Vienne révoltée fut reprise par
Wendischgratz (30 oct.). La diète fut transférée à Kro-
merize (Kremsier) (15 nov.). Le 2 déc. elle reçut un
message de l'empereur annonçant qu'il avait abdiqué en
faveur de son neveu François-Joseph. Le même jour Fer-
dinand partit pour Prague où il vécut dans la retraite
jusqu'à sa mort. L. Léger.
FERDINAND, archiduc autrichien, comte de Tirol et
landgrave d'Alsace, né à Linz le 14 juin 1529, mort le
24 janv. 1594. Second fils de l'empereur Ferdinand Ier
et frère de Maximilien II, il reçut en 1547 le gouverne-
ment de la Bohême, commanda en 1556 l'armée envoyée
contre les Turcs. Il eut en partage à sa mort le comté de
Tirol et les pays rhénans autrichiens. Il avait épousé secrè-
tement, en 1557, la patricienne d'Augsbourg, Philippine
Welser. Son père reconnut ce mariage (1559), mais à titre
morganatique; les enfants reçurent le nom « d'Autriche »,
mais ne pouvaient être appelés à succéder qu'en cas d'extinc-
tion totale de la maison de Habsbourg. Ferdinand tra-
vailla activement à la réaction catholique dans ses Etats.
Ami des arts, il a fondé la collection à' Ambras (V. ce mot,
t. II, p. 630). Après la mort de sa première femme (1580),
il épousa (mai 1582) Anne-Catherine de Gonzague, dont il
eut une fille, Anne, mariée à l'empereur Mathias. A sa
mort, le Tirol et l'Alsace passèrent à l'empereur Rodolphe.
Quant aux fils de Philippine Welser, Charles dut se con-
tenter du margraviat de Burgau, André reçut les évêchés
de Constance et de Brixen et le chapeau de cardinal.
Bibl. : Hirn, Erzherzog Ferdinand von Tirol; Inns-
bruck, 1885, t. I.
FERDINAND (Charles), landgrave de Haute-Alsace, né
le 17 mai 1628, mort à Innsbruck le 30 déc. 1662. Fils
de Léopold, comte de Tirol et landgrave d'Alsace (frère de
Ferdinand II), et de Claudia de Medicis, il fut indemnisé
par Louis XIV de la perte de son héritage ; un traité du
16 déc. 1660 lui attribua trois millions de livres tournois
(V. Alsace). Marié le 10 juin 1646 à Anne de Médicis,il
mourut sans enfants.
FERDINAND (Auguste), prince de Prusse, né le 23 mai
1730, mort à Berlin le 13 mai 1813. Dernier fils de Fré*
FERDINAND
— 256
déric- Guillaume Ier et de Sophie-Dorothée, il prit part aux
campagnes de 4756 et 4757 ; son état maladif le contrai-
gnit à la retraite ; il fut maître de l'ordre des chevaliers
Johannites pour le Brandebourg (1763-4841), puis grand
maître pour l'ordre prussien reconstitué en 4812.
FERDINAND (Charles-Antoine-Joseph), archiduc d'Au-
triche, duc de Massa et de Carrare, né le 1er juin 1754,
mort le 24 déc. 1806. Troisième fils de l'empereur d'Alle-
magne François Ier et de Marie-Thérèse, il épousa Béatrice
d'Esté (15 oct. 1771), princesse de Massa et Carrare,
héritière du duché de Modène (V. ce mot). Il fut nommé
gouverneur de la Lombardie. Chassé par les Français, il
reçut au traité de Lunéville le Brisgau et l'Ostenau, refusés
par son beau-père, le duc de Modène. En 1805, Napoléon
les lui enleva. Il laissa sept enfants : Marie-Thérèse,
épouse de Victor-Emmanuel, roi de Sardaigne ; Marie-
Léopoldine, épouse de Charles-Théodore, électeur palatin ;
François IV, duc de Modène en 1814 ; Ferdinand d'Esté
(V. ci-dessous) ; Maximilien, qui servit dans l'armée
autrichienne; Charles-Ambroise (1785-1809); Marie-
Louise-Béatrice, épouse de François Ier, empereur d'Au-
triche.
FERDINAND (Maximilien-Joseph-), archiduc d'Autriche,
empereur du Mexique (V. Maximilien).
FERDINAND (Frédéric), prince d'Anhalt-Kœthen, né
à Pless le 25 juin 1769, mort le 23 août 1 830. Fils aîné du
prince Frédéric-Erdmann d'Anhalt-Plesss, il entra au ser-
vice de la Prusse (1786), fit les campagnes de 1792-94,
de 1806, se jeta en Bohême après Iéna. Il se retira à Pless,
commanda en 4813 la landsturm de Silésie. En 1818, la
mort de son cousin Louis lui transmit la principauté
d'Anhalt-Kœthen ; il céda alors Pless à son frère Henri. Il
se convertit au catholicisme avec sa seconde femme, Julie
de Brandebourg, et tracassa ses sujets à cette occasion. Il
mourut sans enfants et son frère Henri lui succéda.
FERDINAND de Bavière, archevêque-électeur de Co-
logne, prince-évêque de Liège, né le 7 oct. 1577, mort à
Arnsberg le 7 oct. 1650. Fils du duc Guillaume V de
Bavière et de Renée de Lorraine, frère puîné du duc Maxi-
milien, il fut, comme lui, élevé par les jésuites à Ingolstadt.
Fanatisé par eux, il devint, en 1595, coadjuteur de son
oncle Ernest, électeur de Cologne; il lui succéda en 1612
dans son archevêché et dans les trois évêchés de Liège,
Munster et Hildesheim; il y ajouta en 1618 celui de Pa-
derborn. Il poursuivit aveejacharnement l'hérésie dans ses
Etats (au mépris de la déclaration de Ferdinand Ier) et
dans les pays voisins, aida de tout son pouvoir les missions
des jésuites. Il voulait faire élire à l'Empire son frère
Maximilien. Quand éclata la guerre de Trente ans, il s'as-
socia à la ligue catholique et la contint par tous les
moyens. Grâce à l'alliance des Espagnols, il fut en sécu-
rité jusqu'aux victoires de Gustave-Adolphe ; mais ensuite
ses évêchés furent effroyablement dévastés. Il ne put
jamais résider longtemps dans aucune de ces capitales et
son règne fut des plus troublés, surtout à Liège où le
peuple, tiraillé en tous sens par les discordes civiles, ne
fut jamais aussi misérable. L'absence continuelle du souve-
rain fit que les Liégeois se regardèrent peu à peu comme
les citoyens d'une république autonome. Méconnaissant le
caractère de ses sujets, Ferdinand modifia dans un sens
réactionnaire le règlement des élections magistrales. Cette
mesure amena des troubles qui dégénérèrent bientôt en
révolte ouverte. Deux partis se formèrent : les Chiroux
aristocrates et les Grignoux populaires, et la guerre
civile commença. Les chefs des Grignoux, Beckman et La
Ruelle, n'hésitèrent pas à appeler l'étranger pour faire
triompher leurs principes révolutionnaires. En 1635, La
Ruelle fut élu bourgmestre ; il exploita habilement contre
l'évêque l'indignation provoquée par les excès des soldats
impériaux, car Ferdinand avait permis à Jean de Werth
et à ses brigands croates de prendre leurs quartiers
d'hiver dans la principauté. Eloquent et énergique, le
bourgmestre entra dans tous les projets de la France et
amena le peuple liégeois à regarder Richelieu comme un
libérateur. C'est alors que Warfusée, dans l'espoir de
se faire bien venir de l'évêque, le fit assassiner (16 avr.
1637). L'anarchie suivit ce crime; le peuple bannit les
Chiroux, et Ferdinand, violant la neutralité du pays, appela
les troupes espagnoles contre les Grignoux. Les magistrats
liégeois s'adressèrent à la France et à la Hollande, et les
menaces de ces deux puissances décidèrent l'évêque à négo-
cier avec Liège le traité de 1640, que le peuple déçu
appela la Paix fourrée. Mazarin continua la politique
corruptrice de Richelieu et les Grignoux rentrèrent par la
violence à l'hôtel de ville. Mais, quand, en 1648, le traité
de Munster eut mis fin aux menées de la France, Ferdi-
nand reparut en maître et édicta, le 19 sept. 1649, un
règlement qui privait les Liégeois de la plupart de leurs
droits politiques. Aussi le nom du prince-évêque fut-il
maudit comme celui d'un détestable oppresseur. E. H.
Bibl. : De Crassier, Recherches et dissertations sur
l'histoire du pays de Liège ; Liège, 1845, in-8. — Ennen,
Frankreich und nieder Rhein; Cologne, 1855, 2 vol. in-8.
— F. Henaux, Histoire du pays de Liège; Liège, 1857,
2 vol. in-8. — Henrard, Marie de Médicis dans les Pays-
Bas ; Bruxelles, 1876, in-8. — ' Daris, Histoire du diocèse
et de la principauté de Liège au xvn9 siècle ; Liège, 1877,
in-8. — H. Lonchay, la Principauté de Liège, la France et
les Pays-Bas au xvn» et au xviii0 siècle ; Bruxelles, 1890,
in-8. '
FERDINAND d'Esté (Charles- Joseph-), archiduc d'Au-
triche,^ à Milan le 25 avr. 1781 , mort à Ebenzweyer (près
de Gmunden), le 5 nov. 1850. Second fils de Charles-An-
toine-Joseph, il entra dans l'armée en 1799, reçut en 1805
le commandement du 3e corps autrichien (80,000 hommes),
avec Mack comme chef d'état-major; son armée, établie
entre Ulm et Gunzburg, sur Fille, fut battue par Ney à
Gunzburg (9 oct.) et coupée. Tandis que Mack était enfermé
dans Ulm, l'archiduc échappa avec quelques escadrons de
cavalerie légère ; son infanterie fut prise sur l'Altmuhl par
Murât ; lui-même passa en Rohême. Il prit le commande-
ment des forces autrichiennes, organisa la landsturm, tint
les Bavarois en échec et couvrit avec 10,000 hommes l'aile
droite de l'armée austro-russe jusqu'à Austerlitz. En 1809,
il commandait le 7e corps, fort de 36,000 hommes, et entra
dans le grand-duché de Varsovie pour soulever les Polo-
nais ; tenu en échec à Rajcyn par Poniatowski, il prit
pourtant Varsovie (22 avr.) et attaqua Thorn, mais Ponia-
towski le tournait, occupant Lublin, Sandomir, Leopol, et,
tandis que Dombrowski, passant la Bzura, forçait les Au-
trichiens à évacuer Varsovie (2 juin), Poniatowski lui
enlevait Cracovie et une partie de la Galicie. L'archiduc
dut se retirer en Hongrie. En 1815, Ferdinand commandait
la réserve (44,000 hommes) et passa le Pihin avec deux
divisions. En 1816, il reçut le commandement supérieur
de la Hongrie ; en 1830, il fut nommé gouverneur général
de Galicie. Il se laissa tromper par la noblesse et surprendre
par la révolution de 1846. Il vécut ensuite dans la retraite,
de préférence en Italie. L. L.
Pour les autres princes allemands du nom de Fer-
dinand, se reporter aux articles consacrés à chaque
principauté : Bavière, Brunswick, Hesse, Saxe, Wurt-
TEMBERG, etc.
Espagne.
FERDINAND ou FERNANDO Ier le Grand, roi de
Castille et Léon, mort le 27 déc. 1065. Il était le second
fils de Sancho III, roi de Navarre. En 1032, Sancho, ayant
attaqué Bermudo III, roi de Léon, l'avait obligé à lui aban-
donner la Castille. Ferdinand épousa la sœur de Bermudo,
dofia Sancha, fille d'Alonso V, fiancée d'abord au comte
Garci Sanchez, assassiné le jour des noces par les Vêlas,
dans l'église même. A la mort du roi de Navarre (1035),
Bermudo tenta de reprendre les terres qu'il avait été forcé
de céder, mais il fut vaincu par Ferdinand et son frère
Garcia IV, au val de Tamaron, près du rio Carrion, et tué
d'un coup de lance (1037). Le fils de Sancho, déjà roi de
Castille, devint par cette mort souverain de Léon, en vertu
des droits de dofia Sancha. Avec Bermudo, qui ne laissait
— 257 —
FERDINAND
point de fils, s'éteignit la race de Pelayo, descendant des
anciens conquérants visigoths. Le royaume de Ferdinand
comprenait près d'un tiers de l'Espagne ; ses victoires
l'agrandirent encore. Il réforma les vieilles lois des Goths
et convoqua, en 1050, une assemblée générale à Coyanza,
moitié Cortès, moitié concile national, composée des « riches
hommes » et des évêques. On soumit tous les monastères à
la règle de Saint-Benoit ; la célébration du dimanche fut
imposée sous des peines sévères ; les rapports entre juifs
et chrétiens étaient interdits, les fueros d'Alonso V confir-
més. Défense était faite aux prêtres de vivre en séculiers,
de porter les armes et fie contracter mariage. (Cet abus,
dit-on, existait depuis Wamba. Fruela Ier aurait vaine-
ment essayé de l'abolir.) Les comtes et les ducs durent
juger leurs sujets suivant le droit visigoth, seul reconnu
en Castille et Léon. Pendant que Ferdinand réformait la
législation, son frère Garcia IY, roi de Navarre, depuis la
mort de Sancho, cherchait par jalousie à le tuer. Il feignit
d'être mortellement malade, en la ville de Nâjera. Un mes-
sager partit pour Burgos annoncera Ferdinand qu'il devait
se hâter s'il voulait encore le trouver en vie. Averti à
temps, le roi put échapper aux meurtriers et regagner la
Castille. Garcia, le coup manqué, nia la trahison. Quelques
années après, le Navarrais vint le voir, mais fut arrêté et
emprisonné au château de Céa. Il s'évada et commença la
guerre, s'unit aux Arabes et s'avança vers Burgos. Les
deux frères se rencontrèrent à Atapuerca. Garcia périt
dans la bataille, au plus épais des piques où il s'était pré-
cipité en enragé (1053 ou 1054). Les Castillans épar-
gnèrent les chrétiens; les musulmans furent traqués et
massacrés sans merci. A la suite de cette victoire, le roi
de Castille saisit tout le pays au delà de l'Ebre. Le reste
de la Navarre resta à Sancho IV, fils de Garcia. Ferdinand,
profitant des guerres civiles qui suivirent le démembre-
ment du khalifat de Cordoue, envahit le Portugal, et
prit d'assaut Lamego et Viseo. A Viseo, on découvrit l'ar-
cher dont la flèche avait tué Alonso V devant ses murs,
en 1027. Il fut torturé, puis exécuté. Coïmbre succomba.
Les musulmans résistaient bravement, le siège traînait en
longueur, les vivres manquaient. Le pieux Ferdinand cou-
rut à Compostelle, en Galice, et supplia trois jours entiers
le patron des Espagnes, agenouillé dans la basilique.
Coïmbre capitula grâce à l'apôtre saint Jacques, rapporte
le moine de Silos (1058). Les Arabes furent rejetés au delà
du Mondego. San Esteban de Gormaz, Vado del Rey,
d'innombrables châteaux ouvrirent leurs portes. Ferdinand
marcha jusqu'à Médina Celi, entra dans la Nouvelle-Cas-
tille, conquit Uceda, Salamanque, Guadalajara, Alcalâ de
Henares, Madrid (1060). Jamais les chrétiens n'avaient été
si loin. Tout fut ravagé. Al-Mamoun de Tolède implora la
paix. Dans une autre expédition, l'émir de Séville, Ibn
Abbad, rendit au roi de Castille les précieuses reliques de
saint Isidore (1063) qui furent déposées dans l'église de
Saint-Jean-Baptiste à Léon, construite par Ferdinand pour
recevoir les corps saints repris aux infidèles. Au retour de
ses guerres, tout le butin était distribué aux pauvres et
aux couvents, il enrichissait les églises, particulièrement
celle de Saint- Jean où le roi venait prier de préférence.
Vers la fin du règne, son fils don Sancho secourut l'émir de
Saragosse, tributaire de la Castille, contre Ramiro Ier, un
bâtard du grand Sancho de Navarre. Ramiro périt au
combat de Grados (1063). Aux environs de 1054, Ferdi-
nand avait pris le titre d'empereur, affirmant ainsi sa su-
prématie sur les autres rois de la péninsule. L'empereur
Henri III d'Allemagne, qui prétendait à la domination tem-
porelle sur la chrétienté, voulut l'y faire renoncer et porta
plainte à Rome. Suivant une tradition des plus douteuses,
le fameux Cid Ruy Diaz franchit à ce propos le défilé
d'Aspa ; les Castillans arrivèrent jusqu'à Toulouse, où le
légat du pape aurait arrêté leur marche victorieuse, exa-
miné le différend et déclaré l'Espagne libre de tout vasse-
lage envers le Saint-Empire. La dernière guerre de Ferdi-
nand fut contre Valence, en faveur d' Al-Mamoun de Tolède,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
son allié. (Les historiens musulmans ne disent pas un mot
de cette expédition, pas plus que des précédentes.) L'an-
née d'après, il tomba malade à Léon. Sentant venir le
dernier jour, il déposa pieusement sur l'autel le sceptre et
la couronne, supplia Dieu de pardonner à son âme, revêtit
le froc, répandit des cendres sur sa tête, et expira, entouré
de moines et d'évêques. Avant de mourir, il avait partagé
ses Etats entre ses enfants nés de doua Sancha. L'aîné,
Sancho II, hérita de la Castille, Alonso reçut Léon, Garcia
la Galice, Urraca, la ville de Zamora, Elvira, celle de Toro.
De ce fatal démembrement naquirent d'atroces guerres
civiles. Sancho le Vaillant refit l'unité brisée, par le parjure
et la violence. — Ruy Diaz de Vivar, le Cid Campeador,
naquit sous le règne de Ferdinand Ier. Entre tous les ex-
ploits que lui attribuent les romances à cette époque de sa
vie, un seul est certain. VHistoria Roderici Bidaci et le
Linage de Rodrigo Diaz le font combattre à Grados,
contre Ramiro d'Aragon, pour défendre un émir de Sara-
gosse. Lucien Doljlfus.
Bibl. : Crônica gênerai, éd. de 1541. — Mariana, His-
loria gênerai de Espana ; Madrid, 1794, 10 vol.— Pelagii,
ovetensis episcopi, Chronicon regum ïegionensium, dans
Espana sagrada, éd. de Madrid, 1859, t. XIV. — Monachus
Silensis, Chronicon, ibid., t. XVII.— Romancero del Cid;
Leipzig, 1871.
FERDINAND 11, roi de Léon, mort en 1488. Il était le
deuxième fils d'Alonso VII, et reçut en partage le royaume
de Léon à la mort de son père (4157). L'aîné, Sancho III
ie Désiré, avait hérité de la Castille. Quand Sancho mou-
rut (4458) laissant un fils en bas âge, Alonso VIII, Fer-
dinand intervint dans la querelle des Castro et des Lara
qui se disputaient entre eux la tutelle du prince ; il entra
en Castille et s'empara de la régence. Après de longues
guerres civiles dans lesquelles il soutint le parti des Cas-
tro, Ferdinand épousa dona Teresa, la fille du comte
Nufio, le chef des Lara. Pour contracter ce mariage, il
avait répudié, sous prétexte de parenté, sa première femme
Urraca, fille d'Alphonse Henriquez, roi de Portugal. Rien-
tôt après, il abandonnait la Castille. Ses propres Etats
venaient d'être attaqués. Alphonse Henriquez, allié du roi
de Navarre, s'était emparé de Radajoz(M79). Comme les
Léonais approchaient et qu'il sortait de la ville, le Portu-
gais tomba de cheval en franchissant la porte, se brisa la
jambe et fut fait prisonnier. Traité avec courtoisie et remis
en liberté, il rendit les villes conquises. En 4484, les
Almohades s'étaient jetés sur le Portugal et assiégeaient
Santarem. Sous prétexte d'aller secourir Alphonse Henri-
quez, Ferdinand s'avança jusqu'à la frontière, prêt à profi-
ter de sa défaite. Mais, les musulmans repoussés, il envoya
féliciter son ancien beau-père, regrettant, disait-il, d'être
arrivé trop tard pour vaincre avec lui. Suivant quelques
historiens, les Almohades, chassés du Portugal, débordèrent
sur Léon et furent défaits devant Ciudad Rodrigo. (Les
annalistes arabes ne disent rien de cette invasion.) Les
dernières années de Ferdinand ne sont signalées pas au-
cune guerre importante. Son fils, Alonso IX, lui succéda.
Sous ce règne fut institué l'ordre monastique et militaire
de Santiago ou de Saint-Jacques de l'Epée (4475) dont le
premier grand maître fut un chevalier léonais, don Pedro
Fernandez de Puente Encalada. Il était soumis à la règle
de Saint-Augustin et devait protéger contre les infidèles
les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques de Compos-
telle, en Galice. Lucien Dollfus.
FERDINAND III le Saint, roi de Castille et Léon, né
en 4499, mort le 30 mai 4252. Il était fils d'Alonso IX
de Léon et de Rerenguela (Bérengère) de Castille, fille
d'Alonso VIII le Noble. Son éducation, donnée par sa mère,
rappelle celle de saint Louis. « Cette noble reine conduisit
toujours ce sien fils D. Fernando vers les bonnes coutumes
et bonnes œuvres, et lui donna son lait et F éleva très dou-
cement, de telle sorte qu'encore qu'il fût homme accompli,
la reine dona Rerenguela, sa mère, ne cessait pour cela
de lui enseigner ardemment toutes choses plaisantes à Dieu
comme aux hommes. » (Chronique générale.) Après la
47
FERDINAND
- 258 -
mort d'Enrique Ier, elle le fît venir en Castille et procla-
mer roi dans Yalladolid, lui cédant tous ses droits au trône
(1217). Il fut reconnu par la noblesse et le clergé; les
Lara seuls résistèrent. Leur chef, Alvaro Nunez, "tombé
entre les mains du roi, fut remis généreusement en liberté,
à la condition de restituer toutes les forteresses qu'occu-
pait encore son parti. Pendant que les seigneurs de Cas-
tille guerroyaient entre eux, Aionso IX de Léon attaquait
son propre fils et cherchait à lui arracher un royaume
qu'il considérait comme devant lui revenir en vertu de son
ancien mariage avec l'infante de Castille, dona Berenguela
(Innocent III avait cependant annulé leur union en 1209).
Cette guerre entre le père et le fils se réduisit à des sur-
prises et à des incursions de frontières dans lesquelles le
peuple était rudement foulé de part et d'autre. Le pape
Honorius III intervint en faveur de Ferdinand, et les re-
belles, menacés d'excommunication, se soumirent l'un
après l'autre ; Aionso IX renonça à ravager la Castille
pour attaquer les Mores, Nuiîez de Lara mourut, et Fer-
dinand devint roi de Léon à la mort de son père (1230).
Il réunissait ainsi les deux glorieuses couronnes que le
temps ne devait plus séparer dans la suite.
Libre enfin du côté de la Castille et Léon, il porta tous
ses efforts contre les Mores, divisés entre eux, toujours
en lutte les uns avec les autres. Depuis la journée de Las
Navas de Tolosa (1212) où les chrétiens réunis avaient
brisé la puissance almohade , l'islam subissait un formi-
dable recul. Il n'attaquait plus, mais cherchait seulement
à conserver le sud de l'Espagne. Maintenir la frontière
était tout ce que pouvaient espérer les émirs désunis et
sans cesse assaillis. Jayme d'Aragon, le roi Conquistador,
venait de prendre Majorque et menaçait Valence. Pour la
première fois, la lutte était égale. Ferdinand (Ferdeland,
comme l'appelaient les Mores) entra dans le royaume de
Cor doue ; on ravageait les champs et brûlait les villes. Les
Castillans prirent d'assaut Balma : massacre des habitants.
Alvar Perez de Castro poussa jusqu'au Guadaleté où jadis fut
vaincu le Visigoth Roderic. Poursuivi par Ben Hud, roi de
Cordoue, il s'arrêta, cerné par l'armée musulmane, « mul-
titude qui couvrait les monts et les plaines » (Conde).
Près d'en venir aux mains, Alvar Perez dit à ses quinze
cents hommes : « La mer est derrière vous, l'ennemi en
face ; point d'autre secours que le ciel. Allons mourir et
nous venger ! » Les Castillans massacrèrent leurs prison-
niers et s'ouvrirent un chemin à coups d'épée (1233). Le
ouali d'Ubeda rendit la ville à Ferdinand ; les infidèles
obtinrent la vie (1235). La même année, les Portugais
reprenaient les châteaux des Algarves, sans que les mu-
sulmans aient pu s'unir pour résister. L'islam était pressé
partout. Les garnisons d'Ubeda et d'Andujar apprirent par
des prisonniers que l'ennemi gardait mal Cordoue. Trois
chevaliers, Domingo Munoz, Benito de Banos et Alvaro
Codro, avec leurs hommes, escaladèrent la muraille de
nuit et s'emparèrent d'un faubourg et d'une tour (23 déc.
1235). Attaqués à l'aurore, ils se maintinrent et repous-
sèrent tous les assauts. Un messager vint annoncer la
nouvelle à Ferdinand, comme il se mettait à table, en la
cité de Benavente, au royaume de Léon. « Quiconque est
mon ami et bon vassal me suive », dit-il aux fidalgos pré-
sents. Sur ces mots, il monta à cheval et galopa vers
Cordoue. Dans tous les lieux où il passait, il ordonnait au
peuple de marcher à sa suite. Il franchit ainsi 300
milles, en plein hiver, à travers les neiges et les torrents.
Calatrava, Alcântara, Santiago accouraient. Ben Hud arri-
vait de son côté, mais, apprenant à Ecija que Ferdinand
l'avait devancé, il envoya un chevalier galicien, Lorenzo
Suarez, banni de Castille pour exactions, reconnaître les
forces de l'ennemi. Suarez rapporta que l'armée chrétienne
était innombrable ; l'émir abandonna Cordoue et partit
arrêter Jayme d'Aragon du côté de Valence. Les Cordouans
combattirent sur les places et dans les rues, soutenus par
l'espérance d'être secourus. Ils se rendirent enfin. La seule
grâce qu'ils obtinrent fut d'avoir la vie sauve. Ils durent
quitter leurs maisons. Leurs biens étaient confisqués.
(1236 ou 633 de l'hégire). La mosquée d'Abd-er-Rahman
devint cathédrale, et des prisonniers mores rapportèrent à
Saint-Jacques de Compostelle les cloches enlevées jadis par
Al-Mansour, en 994. Baeza, Almodovar, Ecija tombèrent
aux mains des Castillans. Des populations entières, chas-
sées par les vainqueurs, refluèrent vers Grenade et l'An-
dalousie. Jamais, depuis la prise de Tolède, aux jours
d' Aionso le Brave, l'islam ibérique n'avait éprouvé dé-
sastre pareil.
En 1238, Ben Hud avait été traîtreusement étranglé
par le ouali d'Almeria, Abd-er-Rahman, comme il allait
secourir Valence. La résistance des musulmans faiblit.
L'infant don Aionso, fils de Ferdinand (Alfonso ben Ferde-
land), s'empara du royaume de Murcie (1242). Les habi-
tants furent traités avec douceur. A son entrée dans la
ville de Murcie, nombre d'alcaydes et d'oualis l'accompa-
gnaient et lui rendirent hommage, le reconnaissant ainsi
pour seigneur. Carthagène, Mula et Lorca refusèrent de se
soumettre. Il fallut deux ans pour les réduire. Cette con-
quête arrêtait l'agrandissement de l'Aragon vers le S.
Pendant ce temps, les chrétiens delà frontière pénétraient
en Andalousie, pillaient la campagne autour de Jaen et
s'emparaient d'Arjona. Ils poussèrent ensuite jusque de-
vant Grenade, sans que rien pût arrêter leur marche. La
Vega fut saccagée. Trop faibles pour entreprendre un
siège et manquant de machines, ils furent repoussés par
Mohammed ben Alahmar, qui les attaqua avec 3,000 ca-
valiers et leur reprit l'immense butin qu'ils avaient fait.
Malgré ces revers, l'infatigable Ferdinand arriva devant
Jaen, défendue par Abu-Omar Ali ben Muza. Durant ce
siège, les Castillans détruisirent tout aux environs. Ils
tuaient ou capturaient les infidèles. Mohammed, qui cherchait
à secourir la place, perdit une bataille et s'enfuit. En
dépit des pluies et de l'acharnement des Mores, la cons-
tance des assiégeants ne faiblissait pas. C'est alors que le
roi de Grenade se présenta tout à coup devant Ferdinand,
livrant au vainqueur sa personne et ses terres. Il lui baisa
les mains en signe d'obéissance et se déclara son vassal.
Le Castillan accepta l'hommage et laissa son royaume au
vaincu en échange d'un tribut annuel de 50,000 pièces
d'or. Mohammed devait siéger aux Cortès et servir son
suzerain avec un contingent de cavalerie. Jaen fut occupée
par une garnison espagnole (1245). La dernière posses-
sion des Almohades, Séville, restait encore à reconquérir.
Sommé de tenir les engagements pris, Mohammed vint
aider Ferdinand à la tête de 500 cavaliers mores, et reçut
en don la première ville prise dans cette guerre, Alcalâ de
Guadaira. On arracha les vignes et les oliviers jusqu'aux
environs de Jerez. Les musulmans préférèrent se déclarer
tributaires de leurs ennemis que de voir détruire les
cultures et raser les huertas. Carmona et Constantina
forcèrent leurs oualis à demander grâce. Les Grenadins
obtinrent la soumission de Lorca. Obligé d'aider lui-même
à la ruine de l'islam, Mohammed chercha du moins à
rendre la lutte moins féroce. Sur sa demande, Ferdinand
consentit à épargner les femmes et les enfants dans les
villes emportées par l'épée ; la vie fut accordée à quiconque
mettrait bas les armes. L'émir envoyait sommer les forte-
resses avant l'assaut ; il écrivait aux oualis pour les enga-
ger à cesser la résistance ; maintes places furent ainsi
gagnées. Devant Alcalâ del Rio, les Castillans, rompus
dans une sortie furieuse des assiégés, durent la victoire
aux cavaliers grenadins ; plus agiles sous leur haubert de
fines mailles, ils chargèrent les Almohades, dégagèrent la
lourde chevalerie chrétienne et rétablirent le combat.
Grâce aux conseils de l'émir, Alcalâ del Rio se rendit.
Cette guerre de sièges et de dévastations repoussait lente-,
ment les Almohades vers Séville; toutes les garnisons se
repliaient sur la capitale qu'Abou-Hassan se préparait à
défendre avec les secours du Maroc.
Le 20 août 1247, Ferdinand, suivi de Mohammed ben
Alahmar, commença l'attaque- de Séville par terre et par
mer. Une flotte almohade gardait l'embouchure duGuaclal-
quivir ; les vaisseaux de Ramon Bonifaz la détruisirent et
rompirent le pont de bateaux par lequel la ville communi-
quait, avec le château d'Atrayana (Triana). L'hiver entier
passa en combats autour des murs. Au printemps, l'infant
doir* Alonso arriva devant Séville a\ec de nouvelles troupes,
suivi par le comte d'Urgel et l'infant de Portugal. Lopede
Haro amena ses Basques ; les hommes de Galice vinrent
avec l'archevêque de Saint-Jacques ; la Catalogne et l'Ara-
gon envoyèrent leurs chevaliers et les couvents leurs
moines. Deux faubourgs furent emportés par les chrétiens
après une horrible tuerie. Les assiégés n'en résistèrent
pas moins à tous les assauts. Leurs engins lançaient des
flèches énormes qui traversaient d'outre en outre les che-
vaux couverts de fer. On assure, mais la chose est dou-
teuse, que les Almohades se seraient servis d'artillerie.
(Les historiens arabes, traduits par Antonio Gonde,
parlent bien de machines étranges, mais rien ne prouve
qu'il s'agisse de canons.) Les vivres n'entraient plus depuis
longtemps? Les alcaydes vinrent au camp chrétien traiter
avec Ferdinand. Abou-Hassan lui remit les clefs (22 déc.
4248). Aux termes de la capitulation, les musulmans
pouvaient rester dans la ville et conserver tous leurs biens ;
ils ne devaient dautre tribut que celui qu'ils payaient à
leurs rois. S'ils désiraient abandonner le pays, ils en
étaient libres ; on leur fournissait même des vaisseaux ou
des bètes de somme pour emporter leur avoir. La plupart,
craignant la persécution, quittèrent Séville et s'établirent
au royaume de Grenade ; d'autres s'embarquèrent pour
l'Afrique avec Abou-Hassan. 400,000 personnes s'expa-
trièrent, suivant une approximation probablement exagérée
(100,000 seulement, dit Mariana). Les juifs sortirent
avec les Mores, et la ville resta presque dépeuplée. Le
triste Mohammed ben Alahmar reprit le chemin de Gre-
nade : il avait tenu parole et combattu contre Allah. Pour
achever la conquête de l'Andalousie, Ferdinand s'empara
de toutes les villes et châteaux, jusqu'à Cadix et San Lu-
car. Ramon Bonifaz vainquit une seconde flotte almohade
(1251). Victorieux des infidèles en Espagne, Ferdinand
songeait déjà à les poursuivre en Afrique, quand la mort
vint arrêter ses projets. Atteint d'hydropisie, le pieux ba-
tailleur dépouilla les emblèmes royaux, s'étendit en péni-
tent sur un lit de cendres, et reçut les derniers sacrements,
à genoux, la corde au cou. Il fut enterré dans l'église de
Santa Maria, à Séville, avec la corde qu'il portait à ses
derniers moments. En l'an 1357, Pedro Ier le Justicier, à
court d'argent, fit enlever les ornements qui décoraient les
tombeaux du saint roi, de dona Beatriz et d'AIonso X,
leur fils, ne voulant pas, disait-il ironiquement, laisser
des objets aussi précieux exposés à la cupidité des larrons.
(Zûniga donne une description détaillée des tombes et des
statues, au second volume de ses Annales de Séville.)
— La première idée du vaste recueil juridique intitulé
Code des sept parties (Côdigo de las siete partidas)
appartient à Ferdinand III. Alonso X, sous le règne du-
quel il fut rédigé, l'atteste en ces mots du prologue :
« Le très noble et bienheureux roi don Fernando, notre
père, l'eût voulu faire s'il eût plus vécu, et nous ordonna,
à nous , de le faire. » La Chronique générale est plus
précise encore à ce sujet. « Le roi don Fernando, son père,
avait commencé le livre des sept parties, et don Alonso, son
fils, le fit achever. » — Ferdinand avait été marié deux
fois ; d'abord avec Béatrice de Souabe, fille de l'empereur
Philippe d'Allemagne, en 1220, puis avec Jeanne, fille du
comte de Ponthieu, arrière-petite-fille de Louis VII le
Jeune (1237). Douze enfants naquirent de ces deux unions;
l'ainé, Alonso X le Sage ouïe Savant (el Sabio), lui suc-
céda. Une de ses filles épousa Edouard Ier d'Angleterre.
— Sous son règne, les Albigeois furent persécutés en
Espagne avec acharnement. Telle était la haine du pieux
roi contre les hérétiques qu'il allumait leurs bûchers de ses
propres mains, rapporte Mariana. Ferdinand III, l'un des
plus grands hommes du moyen âge, fut canonisé par le
— 289 — FERDINAND
pape Clément X, en 1677. On l'honore le 30 mai, jour de
sa mort. — L'ordre de Saint-Ferdinand a été institué par
les Cortès, en 1811. Ferdinand VII le confirma par une
ordonnance du 19janv. 1815. Il existe un autre ordre de
Saint-Ferdinand, à Naples, créé par Ferdinand IV, roi des
Deux-Siciles, en 1800. Lucien Dollfus.
Bibl. : Crônica gênerai, éd. de 1541. — Mariana, His-
torié gênerai de Espana; Madrid, 1794, 10 vol. — Florez,
Memorias de las Reynas catôlicas ; Madrid, 1790, 2 vol.
— Antonio Conde, Historia de la dominacion de los
Arabes en Espana; Paris, 1840. — Hernan Perez de
Guzman, Claros varones, dans Rimas inéditas de D.Inigo
Lopez de Mendoza, etc.; Paris, 1844.
FERDINAND IV l'Ajourné, roi de Castille et Léon,
mort le 17 sept. 1312. Il n'était âgé que de neuf ans
lorsqu'il succéda à son père Sancho IV le Rrave (1295),
sous la tutelle de la reine dona Maria de Molina. La mi-
norité du jeune roi ne fut qu'une longue guerre civile.
Don Juan, son oncle, et don Enrique, fils d'AIonso X, se
disputèrent la régence et la personne du prince, pendant
que Diego de Haro, sire de Riscaye, se déclarait indépen-
dant. Les Lara s'armèrent en faveur du roi pour le trahir
aussitôt. Diniz de Portugal soutint, puis abandonna l'infant
don Juan. L'Aragon, Grenade et le Portugal s'allièrent
aux seigneurs révoltés pour démembrer la Castille. Alfonso
de La Cerda (V. ce nom) fut proclamé roi dans Saha-
gun ; Jayme II s'empara du royaume de Murcie, mais, au
siège delayorga, l'armée confédérée se dispersa, décimée
par l'épidémie, après avoir tout ravagé aux environs. Le
roi Diniz fit la paix, Jayme II s'occupa des afîairesde Sicile,
La Cerda dut renoncer à ses prétentions au trône en
échange d'une rente et d'un magnifique apanage; la plupart
des grands vassaux se soumirent les uns après les autres.
Malgré son tuteur don Enrique, Ferdinand épousa dona
Constanza, fille du roi de Portugal, et l'ordre se rétablit
peu à peu (1302). Dès qu'il put songer à la guerre sainte,
le roi de Castille envahit le royaume de Grenade, où ré-
gnait alors Abd-Allah Mohammed III. Jayme II attaquait
Almeria. Repoussé devant Algesiras, Ferdinand s'empara
cependant de Gibraltar, grâce à Guzman le Brave. Les
Mores perdirent encore les villes de Quesada et de Bedmar
et payèrent 5,000 doubles d'or (1309). Lors du procès des
templiers, le roi confisqua leurs biens, en vertu d'une bulle
du pape Clément V ; l'ordre fut aboli en Espagne, comme
dans le reste de la chrétienté, et ses dépouilles enrichirent
les chevaliers de Calatrava. Au moment où il allait partir
pour une nouvelle expédition contre les infidèles, Ferdinand
fit mettre à mort deux fidalgos, Alfonso et Pedro Carvajal,
accusés de meurtre et de pilleries. On leur trancha les
pieds et les mains, puis leurs corps mutilés furent précipi-
tés du haut de la Pena de Martos. Les suppliciés avaient
protesté de leur innocence, et assigné le roi devant Dieu,
dans un délai de trente jours, prenant à témoin saint
Pierre et saint Paul, et l'apôtre saint Jacques pour greffier,
dit une romance. En effet, le terme accompli, Ferdinand IV
fut trouvé mort, dans son lit. De là vint son surnom
d'Ajourné (Emplazado). Il eut pour successeur son fils,
Alonso XL Lucien Dollfus
FERDINAND Vie Catholique, roi de Castille et d'Ara-
gon, né le 10 mars 1452, mort le 23 janv. 1516, àMa-
drigalejo. Il était fils de Juan II, roi d'Aragon, el de sa
seconde femme, Juana Enriquez, fille de Fadrique Enri-
quez, almirante de Castille. Tout jeune encore, Ferdinand
seconda son père contre les Catalans révoltés, après la
mort de son frère Carlos de Viana (V. ce nom) et fut
proclamé roi de Sicile et héritier d'Aragon par les trois
Etats, réunis à Saragosse (1468). Pendant que la guerre
continuait entre Juan II et ses sujets de Catalogne, les
nobles et le peuple de Castille s'étaient soulevés contre
leur roi, Enrique IV, dit l'Impuissant, refusant de prêter
serment à sa fille, dona Juana (la Beltraneja), que l'on
prétendait née de l'adultère de la reine avec Beltran de La
Cueva, comte de Ledesma. Dans la plaine, sous les murs
d'Avila, l'jmage d'Enrique IV, revêtue des ornements
FERDINAND
- 260
royaux et placée sur une estrade élevée, fut solennellement
dépouillée du sceptre et de la couronne, puis précipitée du
trône (1465). Les rebelles avaient d'abord acclamé l'infant
don Alonso, frère du roi dégradé. Gomme il mourut peu
après, ils forcèrent l'Impuissant à déclarer sa sœur Isa-
belle, fille du roi Juan II de Castille, héritière du royaume,
au détriment de dofia Juana. Dès qu'on apprit qu'Isabelle
serait un jour reine de Castille, Ferdinand d'Aragon, le roi
de Portugal et le duc de Guyenne, frère de Louis XI, se
disputèrent sa main. Dans cette lutte, Ferdinand l'emporta.
Isabelle partit secrètement pour Valladolid , avec 300
hommes d'armes, en dépit du marquis de Villena qui vou-
lut l'arrêter et n'osa. De son côté, l'infant Ferdinand était
venu à sa rencontre, déguisé et accompagné de quatre che-
valiers seulement. L'archevêque de Tolède se hâta de les
marier, le 18 oct. 1469, sans pompe,presque en cachette.
Villena, furieux de n'avoir pu empêcher ce mariage, ex-
torqua facilement au triste Enrique IV une déclaration par
laquelle il annulait tous les droits d'Isabelle au trône de
Castille et déclarait son héritière Juana la Beltraneja. On
lui fit épouser par procuration le duc de Guyenne, mais les
envoyés de Louis XI exigèrent de la reine un étrange ser-
ment. Juana de Portugal dut affirmer publiquement que sa
fille était bien l'enfant du roi, non celui de Beltran de La
Cueva. Le mari attestait la chose à son tour. Ce mariage
du reste ne fut jamais consommé, le duc de Guyenne étant
mort en France (1472) sans être jamais venu en Espagne.
A la suite d'une réconciliation entre Ferdinand d'Aragon
et le roi de Castille, celui-ci mourut à Ségovie le 12 déc.
1474. Isabelle Fe fut proclamée reine de Castille et Léon
avec son époux Ferdinand V, et l'élection confirmée par les
Cortès. Aussitôt, le fils du marquis de Villena et l'arche-
vêque de Tolède, Alonso Carrillo, s'armèrent en faveur de
dona Juana et appelèrent à leur aide le roi de Portugal,
Alphonse V, qui entra en Castille et épousa la fille d'En-
riquelV, à Palencia (1475). Zamora et Toro se rendirent
sans résistance ; le comte de Benavente fut v?incu et pris
dans Valtanas, après un combat désespéré dans les rues de
la ville ; la plupart des nobles abandonnèrent la cause du
roi. Tandis que les Portugais attaquaient la Castille, le
maître de Santiago, Alonso de Cârdenas, et le duc de
Médina Sidonia , pénétraient chez eux et ravageaient
leur pays. Ferdinand, qui venait de secourir Burgos
et de reprendre Zamora, repoussait Alphonse V vers
Toro et le battait dans les plaines de Pelayo Gonza-
lez pendant que son allié Louis XI était vaincu devant
Fontarabie (1476). Les rebelles se soumirent, sauf l'ar-
chevêque de Tolède qui résista longtemps et qu'il fallut
réduire par les armes. Enfin, le roi de Portugal, après
avoir été lui-même en France implorer vainement le secours
de Louis XI, renonça au titre de roi de Castille aux confé-
rences d'Alcân tara (sept. 1479). Le pape retira la dispense
accordée pour son mariage, et, l'année suivante, dona Juana
prit le voile au couvent de Sainte-Claire, à Coïmbre. Le
19 janv. 1479, le vieux Juan II était mort, et Ferdinand,
déjà roi de Castille et Léon du fait de sa femme, était de-
venu souverain de Sicile et d'Aragon. Ce fut le premier pas
vers l'unité espagnole qui devait s'achever plus tard par
l'expulsion des Mores et la conquête de la Haute-Navarre.
Dès que Ferdinand et Isabelle se virent affermis sur le
trône, ils attaquèrent la féodalité, le brigandage et l'hé-
résie. Aux Cortès de 1476, tenues en la ville de Madrigal,
ils avaient institué la Santa Hermandad (Sainte-Confrérie)
destinée à réprimer les voleurs et les routiers qui infestaient
leurs royaumes. Aucun privilège ne pouvait arrêter cette
terrible juridiction. Les condamnés étaient mis à mort à
coups de flèches. Non content de rendre les barons justi-
ciables des tribunaux royaux, Ferdinand profita de la con-
quête de Grenade pour réunir à la couronne la grande
maîtrise des trois ordres militaires et monastiques de Cala-
trava, Alcântara et Santiago. En 1480, Ferdinand et
Isabelle réorganisèrent l'Inquisition, en vertu d'une bulle
du pape Sixte IV, datée de 1478. (Le Saint-Office existait
déjà en Aragon depuis le xme siècle. C'est lui qui brûla
les Albigeois. Au xive siècle, Nicolas Eymeiïch composa
un manuel de procédure inquisitoriale. En Castille, les
évêques jugeaient les crimes contre la foi.) Les premiers
inquisiteurs nommés par Ferdinand furent Miguel de Mo-
rillo et Juan San Martin, comme assesseur Juan Ruiz de
Médina, docteur en droit canon. Les autodafés commen-
cèrent au Quemadero de Séville (janv. 1481). Cordoue
suivit. La nouvelle Inquisition rencontra cependant une
assez vive résistance au N. de l'Espagne, surtout en Ara-
gon. Ce n'était pas le bûcher qui faisait horreur, mais les
confiscations au profit de l'Eglise et du roi, contraires
aux fueros. Un inquisiteur ayant été massacré à Saragosse,
Pedro Arbués (béatifié eu 1664), Ferdinand châtia dure-
ment la population et l'Aragon se soumit. Sous le domini-
cain Fray Tomâs de Torquemada, confesseur d'Isabelle, la
persécution redoubla. De 1482 à 1498, 8,800 personnes
furent brûlées vives, 6,500 en effigie, 90,000 condamnées
à l'infamie, à l'amende honorable, à la prison perpétuelle;
6,000 manuscrits arabes, traitant, disait-on, de judaïsme
et de sorcellerie, furent détruits par les flammes, à Sala-
manque, des cadavres déterrés, des ossements jetés à la
voirie. Le code ou recueil des instructions inquisitoriales
(1482) contenait à l'origine vingt-huit articles; onze y
furent ajoutés, en 1490, et quinze autres, en 1498. « L'uti-
lité de cette institution, dit Mariana, parlant du Saint-
Office, a dépassé de beaucoup les espérances qu'on avait
osé concevoir... » Les premières victimes de l'Inquisition
furent presque toutes des juifs; ensuite on brûla des mu-
sulmans relaps, encore en petit nombre, des protestants
et des mystiques catholiques égarés hors de l'orthodoxie
romaine.
Comme les trêves faites avec les Mores venaient d'expi-
rer (1476), le roi de Grenade, Mouley-Aboul-Hassan, avait
demandé leur renouvellement. Ferdinand voulut exiger que
l'émir se déclarât son tributaire. Le Grenadin répondit aux
envoyés castillans : « Allez, et dites à vos maîtres qu'ils
sont morts, les rois qui payaient tribut aux chrétiens, et
qu'en cette ville on ne forge qu'alfanges et fers de lance
pour nos ennemis. » La guerre n'éclata pourtant qu'en
1481. Par une nuit d'orage, les Mores surprirent Zahara,
en pleine paix (27 déc). L'année suivante, Alhama était
enlevée par le marquis de Cadix, Rodrigo Ponce de Léon.
Aboul-Hassan essaya vainement de la reprendre, mais les
chrétiens furent vaincus sous les murs de Loja, où périt
le maître de Calatrava, Ruy Tellez Giron, atteint d'une
flèche empoisonnée (13 juil. 1482). A ce moment, le
peuple de Grenade se souleva ; on proclama Mohammed
Abou-Abdallah (Boabclil), le fils d'Aboul-Hassan, et le roi
détrôné s'enfuit dans Malaga. Malgré la guerre civile, les
musulmans, conduits par Reduan ben Egas, défirent encore
le marquis de Cadix, le maître de Santiago et le comte de
Cifuentes, dans la montagne, aux environs de Malaga
(21 mars 1483). Les Espagnols y perdirent plus de
1,500 hommes et le lieu s'appela dès lors Côte de la
Tuerie (Cuesta de laMatanza). Le comte de Cabra, don
Diego Fernandez de Côrdoba et Alonso de Aguilar ven-
gèrent cet échec : ils battirent les Mores à Lucena et firent
prisonnier Abou-Abdallah. Aussitôt Aboul-Hassan reprit
Grenade et rentra dans l'Alhambra d'où son fils l'avait
chassé peu de temps auparavant. Conseillé par sa mère
Aïcha (Aixa) ou Zoraya, comme l'appelle Antonio Conde, le
lâche Abdallah se reconnaissait vassal du roi d'Espagne,
s'engageait à lui payer tribut, à l'aider contre les musul-
mans, à siéger aux Cortès, à la condition qu'il lui rendît la
liberté et lui prêtât main-forte pour reconquérir les villes
occupées par son père. Ferdinand s'empressa d'accepter,
pensant entretenir ainsi des troubles dont il profitait. En
effet, le roi vaincu rentra dans Grenade, soutenu par les
chrétiens, et la guerre civile recommença. On combattit
dans les rues, avec acharnement. Enfin, le vieil Aboul-
Hassan se démit du pouvoir, espérant ainsi sauver l'islam,
et les Grenadins proclamèrent émir son frère Abd-Alla,
264 —
FERDINAND
el-Zagal, oualide Malaga. A son entrée dans Grenade, une
centaine de têtes chrétiennes, pendant à l'arçon de ses ca-
valiers, enthousiasmèrent le peuple (4484). Abdallah, fils
d'Aboul-Hassan, refusa d'abdiquer, et les deux partis en
vinrent aux mains de nouveau. LesEspagnols s'emparèrent
de Ronda (4485). Illora, Moclin, Loja, Velez-Malaga suc-
combèrent. A ce siège, un musulman, renommé pour sa sain-
teté, avait pénétré dans le camp et poignardé un seigneur
portugais qu'il prenait pour le roi. Ferdinand et Isabelle
prirent Malaga (4487). El Zagal cependant résista brave-
ment ; il vainquit l'ennemi devant Taberna et reprit même
quelques places perdues. Ferdinand renouvela son traité
avec Abou-Abdallah ; le roi more promettait de livrer Gre-
nade et de prêter hommage en échange d'une principauté en
Andalousie, à la condition d'être soutenu contre son oncle.
Baza, assiégée pendant sept mois, se défendit héroïquement.
Il avait fallu, pour arrêter les sorties désespérées des assié-
gés et protéger le camp, l'entourer d'un fossé et d'une mu-
raille garnie de tours, construites par les prisonniers arabes.
Vaincu et résigné à la volonté d'Allah, El-Zagal se rendit
auprès du vainqueur et lui remit toutes les villes qu'il pos-
sédait encore (4490). Il abdiqua, partit pour l'Afrique et
s'établit à Tlemcen où il mourut. (Suivant d'autres, le roi
de Fez lui aurait fait brûler les yeux.) Resté seul, Abou-
Abdallah répondit qu'il ne pouvait obéir aux conditions du
traité secret sans être renversé ou massacré par son peuple.
Il fit partout proclamer la guerre sainte ; les villes occupées
se soulevèrent; les garnisons espagnoles furent égorgées
ou chassées ; les musulmans reprirent la forteresse d'Al-
hendin, défendue par Mendo de Quesada, et remportèrent
quelques avantages à Boloduy et à Marchena. Devant Sa-
lobrena, Hernan Perez del Pulgar les repoussa, et les
Mores durent lever le siège. Le 24 avr. 4494, Ferdinand
s'avança vers Grenade et pénétra dans la Vega, avec
40,000 hommes de pied et 10,000 chevaux. (Un décret
daté de Séville, 40 févr., obligeait lesjuifs à faire en grande
partie les frais de cette guerre.) Tous les villages des en-
virons furent incendiés, les oliviers coupés, les vignes
arrachées, les huertas ravagées afin d'empêcher l'ennemi
de ravitailler Grenade assiégée. Le camp était entouré de
fossés et de retranchements formidables. La reine Isabelle
avait rejoint son époux et veillait aux approvisionnements.
Comme les tentes prirent feu et que tout fut détruit par la
flamme, elle fit construire une ville nouvelle, en face de
Grenade, pour affirmer ainsi son dessein de ne jamais aban-
donner le siège; on la nomma Santa Fé (Sainte-Foi). Ce
travail énorme s'accomplit en deux mois. Quand les vivres
commencèrent à manquer, la foule, entassée dans Grenade,
menaça de se révolter; Abou-Abdallah dut traiter. Son
vizir, Aboul-Kassem Abd-el-Melek partit pour le camp
chrétien où il conféra avec Gonzalve de Cordoue et Hernan
de Zafra. Grenade devait se rendre si elle n'était secourue
par terre ou par mer dans l'espace de deux mois. Aucune
armée ne vint d'Afrique. D'après la capitulation, signée
le 25 no v. 4494, les musulmans conservaient tous leurs
biens, armes et chevaux ; ils ne livraient que leurs canons.
Ferdinand leur accordait le libre exercice de leur religion ;
ils gardaient leurs mosquées et leurs écoles, pouvaient
parler leur langue et porter leur costume ; ils étaient jugés
par les cadis, gouvernés suivant leur loi ; ils ne devaient
d'autres impôts que ceux qu'ils payaient à leurs anciens
maîtres; Abou-Abdallah recevait des terres dans les Alpu-
jarras. C'était en somme les mêmes conditions que celles
imposées jadis à Séville, à Valence et à Tolède. En vain
Moussa, qui avait héroïquement défendu Grenade, déclara-
t-il au conseil que les Espagnols victorieux ne tiendraient
pas longtemps leurs promesses, que les musulmans seraient
un jour brûlés comme les juifs. Il exhorta les Mores à la
résistance acharnée. « Si la terre manque pour nous ense-
velir, le ciel du moins ne manquera pas pour nous cou-
vrir », s'écria— t-ii. Chacun pleurait, silencieusement.
Moussa sortit du conseil, et, tout armé, sur son cheval, il
abandonna la ville. Craignant un soulèvement populaire,
Abou-Abdallah vint, le 2 janv. 4492, remettre les clefs
à Ferdinand et à Isabelle qui l'attendaient, au front de
l'armée rangée en bataille au bord du Génil. Le 6, ils
firent leur entrée et montèrent à l'Alhambra. Les captifs
chrétiens les entouraient, montrant leurs chaînes brisées.
Le farouche Ximenez de Cisneros, archevêque de Tolède,
fit un autodafé de tous les livres arabes. Le dernier souve-
rain de l'Espagne mahométane vécut d'abord dans les Alpu-
jarras, vendit bientôt après tout ce qu'il possédait dans la
vallée de Purchena et partit pour l'Afrique avec sa famille
(1493). Il mourut en combattant pour le roi de Fez,
Mouley Ahmed ben Mérin, à la bataille du gué de Bakouba,
contre les Marocains. C'est à l'occasion de leur victoire
sur les infidèles que le pape Innocent VIII accorda le titre
de rois Catholiques à Ferdinand d'Aragon et à Isabelle de
Castille, titre qui est resté depuis à tous les rois d'Espagne.
L'année même où achevait de s'écrouler la domination mu-
sulmane, Christophe Colomb découvrait l'Amérique (4 3 oct.)
et débarquait à Palos, le 3 août 4493 (V. Colombo).
Le 30 ou 34 mars 4492, Ferdinand et Isabelle rendaient
à Grenade un décret d'expulsion contre tous les juifs rési-
dant en Espagne, à moins qu'ils n'embrassassent la religion
catholique. Espérant acheter le droit de séjourner dans le
pays, les Israélites offrirent au roi de lui payer 30,000 du-
cats. Ils se soumettaient aux règlements les plus humi-
liants : ne point porter de souliers, sinon des alpargates,
encore faites de sparterie, nepoint monter un cheval sellé,
ne point chevaucher en ville, sous aucun prétexte, mais y
entrer toujours à pied. Leurs femmes s'engageaient à sortir
le visage découvert, à nepoint avoir des coiffes violettes, etc.
Ferdinand et Isabelle hésitaient entre le fanatisme et l'ava-
rice, quand Torquemada l'Inquisiteur saisit le crucifix, le
brandit à la face des rois Catholiques. « Judas Iscariote,
s'écria-t-il, a vendu son Dieu pour trente deniers, vous allez
le vendre pour trente mille. Tenez ! le voici, vendez-le ! »
Les juifs partirent en masse, après avoir cédé tous leurs
biens à vil prix, dans le délai fixé à quatre mois. Ceux qui
s'embarquèrent durent encore payer deux ducats par tête.
Beaucoup passèrent en Portugal où les attendaient la per-
sécution et le massacre. Le nombre des bannis fut de
400,000, d'après Zurita, de plus de 800,000, prétend
Mariana. Prescott ne l'évalue qu'à 460,000, chiffre ap-
proximatif donné par Bernaldez. Le reste, converti en
apparence, préféra rester sous l'œil vigilant du Saint-Office.
(Ils étaient 35,000 environ.) Une nouvelle pragmatique,
du 5 sept. 4499, condamnait à mort tout israélite qui ten-
terait de revenir en Espagne, avec confiscation de ses
biens au profit de l'Etat. Après les juifs, vint le tour des
musulmans ou morisques. L'archevêque de Grenade, Fray
Hernando de Talavera, qui procédait par la douceur, en
avait baptisé 3,000 en un seul jour. Malgré ces succès,
Ferdinand trouvait que la conversion des infidèles marchait
avec trop de lenteur ; il envoya pour l'activer Ximenez
de Cisneros, alors archevêque de Tolède et plus tard car-
dinal (4499). Dès son arrivée, les renégats ou fils de rené-
gats, dont le nombre était considérable, reçurent Tordre de
rentrer à l'instant dans l'Eglise, et la persécution commença.
Les Mores de FAlbaicin se soulevèrent ; le comte de Ten-
dilla, gouverneur de Grenade, rétablit l'ordre. Des bandes
armées couraient la campagne et les sierras d'Andalousie,
massacrant les chrétiens. Le pillage et le meurtre vengeaient
les exécutions du Saint-Office. Un chef de brigands, Arroba,
aurait assassiné 4,000 personnes, prétend Perez de Hyta.
« Beaucoup de chrétiens étaient mis à mort et coupés en
morceaux secrètement », affirme le même historien. Ces
crimes amenaient des représailles atroces. Les révoltés se
retranchèrent dans la sierra Bermeja ; on dut les attaquer.
Un frère de Gonzalve de Cordoue, Alonso de Aguilar, périt
en les combattant (4504). Ferdinand lui-même réprima
l'insurrection, très durement. L'Inquisition s'établit à Gre-
nade, et les musulmans, sommés de se convertir, quittèrent
en grand nombre l'Andalousie, laissant le pays sans cul-
ture et les villes sans habitants. Vainqueur de l'islam en
FERDINAND
— 262 —
Espagne, le roi Catholique le poursuivit avec acharnement
jusqu'en Afrique. En 1505, Diego Hernandez de C6rdoba,
alcayde de Los Donceles, et Ramon de Cardona s'empa-
rèrent de Mers-el-Kébir(Mazalquivir) ; Pedro Navarro prit
la forteresse de Penon de Vêlez (1508). Une expédition
dirigée par Ximenez conquit Oran, en 1509. Tripoli et
Bougie furent emportées d'assaut par Pedro Navarro (1510);
Tunis et Tlemcen devinrent un instant tributaires de l'Es-
pagne. Alger ne trouva pas d'autre moyen d'échapper à la
domination castillane que de se donner au pirate Horoudj
qui l'asservit.
L'année où succombait Grenade, Ferdinand et Isabelle
avaient signé avec Charles VIII le traité de Barcelone,
par lequel ils s'engageaient à ne marier aucun de leurs
enfants avec les rois d'Angleterre ou les princes de la
maison d'Autriche. En échange, le Roussillon et la Cer-
dagne, si laborieusement acquis par Louis XI, étaient
restitués aux rois Catholiques. Ce traité dura peu. Trois ans
après, Charles VIII s'étant emparé du royaume de Naples
sur Ferdinand II, un descendant d'Alonso V d'Aragon,
Ferdinand d'Espagne, se joignit à la ligue formée par
Maximilien Ier d'Allemagne, le pape Alexandre VI et les
Etats italiens. Gonzalve de Cordoue (Gonzalo Fernandez
de Côrdoba) débarqua à Messine avec 5,000 fantassins et
600 chevaux pour aider Ferdinand de Naples à chasser les
Français, pendant que la flotte vénitienne les attaquait par
mer (1495). Les Espagnols reprirent d'abord quelques
villes,, mais, à Seminara, d'Aubigny les battit, par la
couardise des Napolitains qui s'enfuirent dès le commen-
cement du combat. Le roi de Naples réussit cependant à
rentrer dans sa capitale, et Gonzalve enferma le vice-roi,
Gilbert de Montpensier, dans Atella. Celui-ci capitula,
trahi par les lansquenets ; les prisonniers français, entas-
sés sur les vaisseaux, moururent presque tous parles pri-
vations et l'épidémie (1496). D'Aubigny rendit Gaète;
Gonzalve reconquit Ostie, à la demande d'Alexandre VI qui
le reçut magnifiquement à Rome (1497). La dernière place
occupée par les Français, Diano, succomba et le Grand Ca-
pitaine, comme on l'appelle en Espagne, put s'embarquer
sans laisser un seul ennemi derrière lui (1498). — La
guerre ne tarda pas à recommencer en Italie. Charles' VIII
était mort en 1498. Son successeur Louis XII s'unit avec
Ferdinand par le traité secret de Grenade pour dépouiller
Frédéric III de Naples et se partager entre eux son royaume
(1500). Frédéric, chassé par Gonzalve de Cordoue qu'il
avait reçu en allié dans ses forteresses, se rendit au roi de
France (1501). Cette conquête à peine terminée, les Fran-
çais en vinrent aux mains avec les Espagnols. Le duc de
Nemours, vice-roi de Louis XII, leur reprit presque tout le
pays. Gonzalve, dont les troupes étaient inférieures en
nombre, se retira dans Barletta (1502) et s'y maintint sept
mois, à force de courage, de ruses et de fausses négociations,
avec une armée découragée et presque affamée. Dès qu'il eut
reçu les renforts envoyés par le roi Catholique, il reprit la
campagne ; d'Aubigny fut vaincu à Seminara, La Palice fait
prisonnier, le duc de Nemours défait et tué à la journée de
Cerignola(1503), Naples reprise ; les châteaux où s'était
réfugiée la garnison ne purent résister aux mines de Pedro
Navarro. Une invasion du maréchal de Rieux en Roussillon
fut repoussée. La même année, le marquis de Saluées était
écrasé dans les marais du Garigliano où les Français lais-
sèrent 8,000 hommes et toute leur lourde artillerie. Gaëte
capitula et Louis d'Ars sortit de Venosa, sur un ordre du
roi de France, avec ce qui lui restait encore de soldats.
L'ancien allié de Louis XII, César Borgia, chassé de la
Romagne par le nouveau pape Jules II, après la mort
d'Alexandre VI, fut arrêté à Castel Novo, malgré le sauf-
conduit que lui avait accordé Gonzalve de Cordoue, et en-
voyé prisonnier en Espagne (1503), « car ayant tant de
fois rompu safoy aux uns et aux autres, Dieu voulut qu'on
luy en fist de mesmes » (Brantôme). S'étant échappé de
Médina del Campo, il périt dans une embuscade, près de
Viana, combattant pour le roi de Navarre. Le 12 oct.1505,
Louis XII abandonnait à Ferdinand tous ses prétendus
droits sur le royaume de Naples. Celui qui l'avait conquis
par son habileté autant que par ses victoires, Gonzalve de
Cordoue, mourut en disgrâce, le 2 déc. 1515.
Au milieu de ces triomphes, Ferdinand et Isabelle per-
dirent successivement plusieurs enfants. Leur fils unique,
l'infant don Juan, mourut le premier, deux mois après son
mariage avec l'archiduchesse Marguerite, fille de l'empe-
reur Maximilien (1497). Sa sœur Isabelle, mariée en se-
condes noces à Manuel de Portugal, et déclarée héritière
de Castille et d'Aragon, périt en mettant au monde un fils
qui ne survécut que deux ans à sa mère (1498). Enfin,
dona Juana qui avait épousé Philippe le Beau, fils de Maxi-
milien et de Marie de Bourgogne, devint folle vers 1503.
La reine Isabelle en conçut un tel chagrin qu'elle tomba
malade et mourut à Médina del Campo, le 26 nov. 1504.
Par son testament, sa fille dona Juana devait régner en
Castille et Léon, conjointement avec l'archiduc Philippe.
Ferdinand était chargé de la régence jusqu'au jour où son
petit-fils don Carlos aurait atteint l'âge de vingt ans, au cas
où l'aliénation de dona Juana la rendrait incapable de
gouverner. Il conservait durant sa vie la grande maîtrise
des trois ordres, Calatrava, Santiago, Alcântara, et recevait
la moitié des richesses du Nouveau-Monde. Dès qu'Isabelle
eut cessé de vivre, la noblesse, courbée longtemps sous une
rude main, se redressa; chacun courut vers l'archiduc.
Presque abandonné par les Castillans, Ferdinand eut re-
cours à son ennemi Louis XII: il fit la paix en grande hâte
et prit pour femme une nièce du roi de France, Germaine
de Foix, à la condition de laisser le royaume de Naples aux
enfants qui pourraient naître de ce mariage. Il avait d'abord
conçu le singulier projet d'épouser la Beltraneja, alors
religieuse à Coïmbre, et de faire valoir à son profit les
droits de la prétendue fille d'Enrique IV, jadis tant méprisée
par lui. Quand Philippe le Beau débarqua à La Corogne
(28 avr. 1506) et vint réclamer son royaume, il ne put ou
n'osa le lui disputer par les armes. Il fallait traiter. Le
beau-père et le gendre se rencontrèrent au milieu d'un
bois de chênes, dans une cabane de laboureur nommée le
Remesal : l'archiduc, superbement vêtu, à la tète d'un
pompeux cortège de seigneurs allemands, espagnols et
flamands, avec 2,000 piquiers en ordre de bataille, le roi
Catholique, vieilli, chétif comme un Louis XI, bien pau-
vrement accompagné de 200 fidèles sans armures et
montés sur des mules (1506). A la suite de cette entre-
vue, tous deux se séparèrent, défiants et malcontents. .Le
27 juin, Ferdinand dut plier ; il abandonna la Castille, re-
nonça à la tutelle du prince don Carlos et se retira en
Aragon, puis dans le royaume de Naples. Trois mois après,
Philippe le Beau, premier roi de la maison d'Autriche,
mourait de la fièvre, à Burgos, le 25 sept. 1506. Les en-
nemis de Ferdinand voulurent empêcher son retour en
Castille ; il réussit cependant à ressaisir la régence et à
gouverner au nom de son petit-fils, énergiquement secondé
par Ximenez de Cisneros qu'il fit nommer cardinal et grand
inquisiteur en récompense de ses services (1507). Retour-
nant en Espagne, le roi Catholique s'arrêta à Savone pour
visiter Louis XII qui venait de soumettre Gênes révoltée.
Le roi de France fit grand accueil à Gonzalve de Cordoue
qui accompagnait son maître, l'invita à manger à sa table
et remit au vainqueur du Garigliano sa propre chaîne d'or
en souvenir de cette entrevue. Ayant brisé toutes les résis-
tances et réuni de nouveau la Castille à l' Aragon, le roi
d'Espagne entra dans la ligue de Cambrai, formée par
Louis XII, Jules II et Maximilien pour démembrer la répu-
blique de Venise (1508). Profitant de la bataille d'Agnadel
(1509), il reprit les villes de Brindisi, d'Otrante et de Gal-
lipoli, cédées jadis aux Vénitiens par le roi de Naples en
échange de leurs secours contre Charles VIII. Le pape
Jules II, qui venait d'humilier Venise, tourna tous ses efforts
contre les Français et fut l'instigateur de la Sainte Ligue,
dirigée contre eux. Henri VIII, les Suisses, les Vénitiens et
l'Espagne s'unirent pour les chasser d'Italie (1511). Gas-
263 —
FERDINAND
ton de Foix vainquit Ramon de Cardona àRavenne et mou-
rut dans sa victoire avec quinze plaies, du front au menton.
Pedro Navarro fut pris. L'infanterie, fort maltraitée, se re-
tira fièrement, à petit pas, sans qu'aucune charge pût l'en-
tamer. « Oncques gens ne firent plus de deffense que les
Espaignolz, qui, encores n'ayant plus bras ne jambe entière,
mordoient leurs ennemys. » C'était la plus rude mêlée qu'on
eût encore vue durant les guerres d'Italie (11 avr. 1512).
Malgré ce sanglant avantage, les Français reculèrent,
vaincus par les troupes de la Ligue et par le soulèvement
des villes italiennes ; ils perdirent presque tout ce qui leur
restait encore dans la péninsule. Ferdinand, qui préparait
une attaque en Guyenne de concert avec Henri VIII, époux
de sa fille Catherine d'Aragon, fit demander au roi de Na-
varre Jean d'Albret et à Catherine de Foix le passage à travers
leur royaume. Tous deux refusèrent délaisser entrer l'ar-
mée castillane. Or Jean d'Albret était excommunié depuis
le 10 févr. 1 510, comme partisan du roi de France et de
l'empereur d'Allemagne, comme adhérent au concile schis-
matique de Pise, ses sujets déliés du serment de fidélité,
ses terres et seigneuries offertes à qui pourrait ou voudrait
s'en emparer. Appuyé par le pape et soutenu par 8,000
Anglais qui venaient de débarquer au port de Pasajes
(Guipûzeoa), le roi Catholique fit envahir la Navarre, en
vertu de l'excommunication de Jules II. Le duc d'Albe,
Fadriquc de Tolède, franchit la frontière, le 21 juil. 1512,
marchant sur Pampelune. Les Navarrais, chargés de défendre
la montagne, s'enfuirent presque sans combat. Le 23, il
arrivait à deux lieues de Pampelune, s'emparait du château
de Garayon, et jurait, au nom du roi son maître, le main-
tien des libertés, fueros et immunités de la Navarre. Pam-
pelune se rendit (25 juil.) et les autres places ouvrirent
leurs portes. Jean d'Albret se réfugia en Béarn. Il tenta
vainement de reprendre son royaume, secondé par Louis XII
qui lui fournit une armée et deux vaillants capitaines,
Bayard et La Palice. Les Français s'avancèrent jusqu'à
Pampelune, mais levèrent le siège en grand désordre à
l'approche des Espagnols conduits par le comte de Riba-
gorza, le marquis d'Aguilar et l'alcayde de Los Donceles,
Diego Fernandez de Côrdoba. Serrés de près, affamés (ils
avaient tout ravagé à leur entrée dans le pays), les envahis-
seurs durent abandonner leur belle artillerie au passage
des Pyrénées. (Suivant les mémoires de Robert de La Mark,
seigneur de Fleurange, les lansquenets l'auraient traînée à
travers les montagnes.) Jean d'Albret réussit cependant à
conserver un lambeau de royaume, la Basse-Navarre. Tout
le reste appartint dès lors à la monarchie espagnole. Ainsi
fut achevée l'unité territoriale, commencée par l'union de
la Castille et de F Aragon, continuée par la prise de Gre-
nade et l'anéantissement de l'islam ibérique, complétée par
l'annexion de la Haute-Navarre et l'abaissement des grands
barons. — La guerre durait toujours en Italie , mêlée
de négociations et de marchés honteux. Louis XII, qui
cherchait encore à reprendre le Milanais, s'était allié à son
ancienne ennemie, Venise, contre Léon X, successeur de
Jules II, et le roi d'Espagne. Ramon de Cardona battit le
général vénitien Barthélémy d'Alviano à Vicence (1513) et
mit tout à sac jusqu'aux lagunes. En 1515, quand Fran-
çois Ier, vainqueur à Marignan, descendit en Italie, Ramon
de Cardona dut se replier sur le royaume de Naples que le
roi de France songeait à reconquérir. Une coalition se forma
contre lui. Ferdinand, Henri VIII et Maximilien s'unirent
pour l'expulser du duché de Milan. Les rois d'Angleterre
et d'Espagne fournissaient de l'argent à l'empereur qui s'en-
gageait à commencer la guerre. C'est au milieu de ces pré-
paratifs que Ferdinand V mourut dans un misérable village
d'Estrémadure, à Madrigalejo, où il s'était arrêté, comme
il se rendait à Séville avec la reine. Il était, disait-on,
tombé malade pour avoir pris des breuvages aphrodisiaques
dont l'unique effet fut de ruiner sa santé. Il espérait obtenir
ainsi un héritier de sa jeune femme, Germaine de Foix,
afin de lui léguer à sa mort les royaumes d'Aragon et de
Navarre, avec la Catalogne, Naples et la Sicile, au détri-
ment du prince don Carlos, tant était grande sa haine
contre la descendance de Philippe le Beau et de Juana la
Folle. Le corps du roi Catholique repose auprès de celui
d'Isabelle de Castille, clans la chapelle royale de Grenade
qu'ils avaient fait construire, la destinant à leur sépulture.
Ferdinand laissait ses couronnes à Carlos Ier (Charles-
Quint). Jusqu'à l'arrivée du nouveau monarque, le gouver-
nement de l'Espagne était confié au cardinal Ximenez de
Cisneros. " Lucien Dollfus.
Bibl. : Hernando del Pulgar, Claros varones; Alcalâ
de Henarès, 1524. — Hernando Perez del Pulgar, Su-
mario de las hazanas del Gran Capitan; Séville, 1527;
réimp. à Madrid, 1834. — Gonzalo de Illescas, Historia
pontifical ; Barcelone, 1602. — Zurita, Anales de la Corona
de Aragon; Saragosse, 1610-21, 7 vol. — ZûSiga, Anales
de Sevilla; Madrid, 1677. — Moret, Anales de Navarra;
Pampelune, 1684-1709, 5 vol. — Ferreras, Historia de
Espana; Madrid, 1700-27, 16 vol. — Cardonne, Histoire
de l'Afrique et de V Espagne sous la domination des
Arabes; Paris, 1765, 3 vol. — Mignot, Histoire des rois
catholiques Ferdinand et Isabelle; Paris, 1766. — Guio
ciardini, Istoria d'Italia; Florence, 1775-76. —Hernando
del Pulgar, Crônica de los Reyes catôlicos; Valence,
1780. — Florez, Memorias de las reynas catôlicas; Ma-
drid, 1790, 2 vol. — Mariana, Historia gênerai de Espana ;
Madrid, 1794, 10 vol. — Llorente, Historia critica de la
Inquisicion de Espana, éd. de 1817-18. — Prescott, His-
tory of the reign of Ferdinand and Isabella, éd. de 1838. —
Antonio Conde, Historia de la dominacion de los Arabes
en Espana; Paris, 1840. — Ginès Perez de Hita, Guerras
civiles de Granada; Paris, 1847.— Communes, Mémoires,
dans la collection Michaud et Poujoulat; Paris, 1854, t. IV.
— Guillaume de Villeneuve, Mémoires, ibid. — Le
Loyal Serviteur, Histoire du bon chevalier Bayard,
ibid. — Robert de La Mark, seigneur de Fleurange,
Histoire des choses mémorables, etc., ibid., t. V. — Bran-
tôme., le Roy Ferdinand d'Aragon, le duc d'Albe, le
conquérant de Navarre, Don Gonsalvo Hernandes de
Cordova, Don Pedro de Navarre, etc., dans les Vies des
grands capitaines étrangers, éd. de Paris, 1858, t. I. —
Francisco de Luque , Historia de Granada, etc.; Gre-
nade, 1858. — La Rigaudière, Histoire des persécutions
religieuses en Espagne; Paris, 1860. — Quintana, Vida
del Gran Capitan, dans Vidas de Espanoles célèbres ;
Paris, 1865. — Pour tout ce qui regarde la découverte de
l'Amérique, V. la bibliographie de Fart. Colombo.
FERDINAND VI , roi d'Espagne, né le 29 sept. 4713,
mort le 40 août 4759. Il était fils de Philippe V et de
Louise-Marie de Savoie. En 4746, il succédait à Philippe V.
D'un caractère faible et mélancolique, il ne s'occupa guère
que de l'administration et des réformes intérieures, renon-
çant à tout agrandissement au dehors. Il signait le traité
d'Aix-la-Chapelle (4748) et mettait ainsi fin à la lutte en-
treprise par l'Espagne en Italie. À partir de ce moment,
Ferdinand YI se consacra entièrement à l'amélioration du
royaume. Il encouragea le commerce, l'agriculture et la
navigation, fit construire de nouveaux vaisseaux, élever des
manufactures, tracer des routes et creuser des canaux;
chaque semaine il consacrait deux jours à écouter les ré-
clamations de ses sujets. La guerre ayant recommencé, en
1756, entre l'Angleterre et la France à propos du Canada,
l'Espagne refusa d'y prendre part et de faire de nouveaux
sacrifices dans l'intérêt de Louis XV ; ses flottes furent em-
ployées à protéger son commerce. En 4753, le roi avait
obtenu de la cour de Rome un concordat, en vertu
duquel il acquérait le droit de présenter lui-même les
prêtres de son choix pour les dignités et bénéfices ecclé-
siastiques. Cinquante-deux nominations seulement étaient
réservées au saint-siège. On lui doit également la fonda-
tion de l'Académie royale de San Fernando, destinée à
l'éducation des peintres, architectes, sculpteurs et graveurs,
projet préparé déjà sous le règne de Philippe V. Les pen-
sionnaires étaient envoyés, aux frais de l'Etat, à Rome ou
à Paris, pour continuer leurs études. Ferdinand YI établit un
jardin botanique à Madrid et encouragea la culture des plantes
médicinales. Il fut secondé dans toutes ces réformes par
Carvajal et par son ministre des finances, La Ensenacla. Sous
ce règne si tranquille, Lima fut détruite par un tremble-
ment de terre (4746) ; plus tard, Quito s'écroulait, l'année
même du fameux cataclysme de Lisbonne (4755). Le 27 août
4758, Ferdinand YI perdait sa femme, Marie-Madeleine-
Thérèse de Portugal, avec laquelle il était uni depuis 4729.
FERDINAND
— 264 —
À la suite de ce deuil, sa mélancolie naturelle augmenta;
l'infortuné devint sujet à des accès de démence ; son seul
plaisir était d'écouter de la musique et d'entendre la voix
du chanteur italien Farinelli, appelé à Madrid par Phi-
lippe V, créé chevalier de Calatrava, et longtemps favori
delà reine défunte. Ferdinand VI mourut sans laisser d'en-
fants. Il eut pour successeur son frère Charles III, roi des
Deux-Siciles. Lucien Dollfus.
FERDINAND VU, roi d'Espagne, né à Saint-Ildefonse
le 43 oct. 1784, mort à Madrid le 29 sept. 4833. Il était
fils de Charles IV et de Louise-Marie de Parme et fut pro-
clamé prince des Asturies en 4789, à l'âge de cinq ans.
Son éducation fut confiée au duc de San Carlos et au cha-
noine Escoiquiz. Encouragé par eux, le jeune prince des
Asturies se mit à la tête du parti opposé à Manuel de Godoy,
prince de la Paix, qui représentait l'influence française en
Espagne et gouvernait Charles IV et la reine dont il passait
pour être l'amant. Dans cette lutte d'intrigue et de ruse,
Godoy réussit à faire éloigner des affaires le prince des As-
turies et voulut l'obliger à épouser Marie-Louise de Bourbon,
sa belle-sœur (Ferdinand était alors veuf de sa première
femme, Marie-Antoinette-Thérèse de Naples, morte en 4 806).
Il refusa d'obéir à la volonté de ses parents et du favori ,
abandonna ses amis politiques et, conseillé par l'ambassa-
deur de France, Beauharnais, il s'adressa secrètement à
Napoléon, et lui demanda la main d'une princesse de la
famille impériale. Dénoncé au roi par les espions de la
reine, il fut arrêté sur l'ordre de CharlesIV, et gardé dans
l'Escurial (28 oct. 4807). Les papiers saisis révélèrent la
correspondance secrète avec l'empereur. Jugé, le prince se
reconnut lui-même coupable de tout ce dont on l'accusait et
livra les noms de 'ses complices ; il fut gracié, Escoiquiz,
San Carlos et le duc de l'Infantado absous par les juges.
Aussitôt Napoléon écrivit au roi, niant avoir jamais reçu
aucune lettre du prince. Cependant les Français envahis-
saient l'Espagne, sous prétexte d'attaquer le Portugal et de
repousser un prétendu débarquement des Anglais; toutes
les places fortes du Nord étaient occupées par trahison ou
par la faiblesse des commandants espagnols. La nation com-
prit enfin; une sédition éclata contre Godoy, accusé d'atti-
rer l'étranger. Le 47 mars 4808, son palais est envahi et
pillé par la foule; quelques jours après, Charles IV lui reti-
rait toutes ses dignités et envoyait Ferdinand apaiser la
multitude. Fatigué d'une longue lutte et sentant son impo-
pularité grandissante, le roi abdiqua dans Aranjuez en fa-
veur du prince des Asturies qui fut proclamé au milieu de
l'enthousiasme national. Le 23 mars, Murât entrait dans
Madrid avec l'armée française. Le même jour, Charles IV
et la reine, conseillés par les agents de l'empereur, lui
adressaient une protestation contre leur abdication forcée,
disaient-ils, et le suppliaient de sauver Godoy en butte à la
haine du peuple et du nouveau roi. Ferdinand VII se laissa
persuader par Napoléon, et partit pour Bayonne avec Es-
coiquiz (40avr.), accompagné par Savary. Arrivé le 42 à
Burgos, au milieu des troupes françaises, il hésita, mais il
était déjà impossible de. reculer. Savary d'ailleurs protes-
tait des bonnes intentions du maître. Bessières avait reçu
l'ordre d'employer la force. A Vitoria, le peuple essaya de
le retenir; Urquijo le supplia de retourner en arrière, de
se méfier des héros. Le 20, il franchissait la Bidassoa,
entouré par la cavalerie française : il était prisonnier. Pen-
dant ce temps, Napoléon faisait venir à Bayonne Charles IV,
la reine et Godoy ; l'infant don Carlos était enlevé. Sur ces
entrefaites arriva la nouvelle du soulèvement de Madrid et
des fusillades atroces ordonnées par Murât, après la soumis-
sion des insurgés (2 mai). L'occasion était belle pour une
scène de violence. L'empereur rendit Ferdinand responsable
du sang versé, le somma d'abdiquer, le menaça, s'il résis-
tait, de le traiter en rebelle, c.-à-d.de le faire passer par
les armes. Enfin, le 6 mai, le prince terrifié signait une
renonciation au trône en faveur de son père, et le 40 une
autre, par laquelle il cédait à Napoléon tous ses droits d'hé-
ritier à la monarchie espagnole. Ferdinand fut dirigé sur le
château de Valençayavec son oncle don Antonio et son frère
don Carlos, et confié aux soins de Talleyrand. Le trajet se
fit avec une escorte d'honneur de quatre-vingts gendarmes.
En échange de ses droits, Napoléon daignait lui accorder
une rente annuelle de 800,000 fr., fort irrégulièrement
payée du reste.
Ferdinand VII ne quitta Valençay qu'en mars 4844, à
la suite des désastres de Napoléon et de la sublime résistance
du peuple espagnol secondé par les Anglo-Portugais. A son
retour en Espagne (24 mars), il abrogea toutes les mesures
prises en son absence, et déclara nulle la constitution de
4812, promulguée par les Cortès, dans Cadix assiégée. Le
décret du 4 mai rétablissait l'ancien état de choses. Ferdi-
nand VII entendait régner en monarque absolu, comme
avaient fait ses ancêtres. Les constituants furent emprison-
nés, exilés, pendus; Calatrava, Martinez de La Rosa en-
voyés dans les presidios d'Afrique, le comte de Toreno
banni. Des insurrections militaires éclatèrent; on les ré-
prima avec sévérité. Porlier avait soulevé les troupes du
Ferrolet de La Corogne: il fut fusillé. A Barcelone, Mina
prit la fuite après une tentative semblable. Richard, Lacy
et Vidal échouèrent et périrent tous les trois. Un corps
d'armée, prêt à partir pour les colonies américaines insur-
gées, se trouvait aux environs de Cadix. Riego, secondé
par le colonel Quiroga, proclama la constitution de 4842,
et la firent acclamer par les régiments (4cr janv. 4820).
Le Ferrol et La Corogne se prononcèrent également.
La Révolution est aussitôt sanctionnée par les Cortès. Fer-
dinand VII, forcé de renoncer au pouvoir absolu à la suite
de l'émeute du 8 mars, jure à contre-cœur fidélité à la
constitution. Dès lors, le pouvoir était aux mains de l'as-
semblée. Les Cortès, régnant au nom du roi, abolirent les
majorats et l'Inquisition, rappelèrent les exilés, suppri-
mèrent les jésuites et les droits payés au saint-siège, les
maîtrises, monopoles et privilèges, réduisirent les dîmes, etc.
Les absolutistes s'émurent ; des bandes se réunirent sous le
nom d'armée de la foi pour défendre la religion et rendre
au roi l'autorité première. Les Basques, dont la constitution
menaçait les fueros, s'insurgèrent. Un chef de guérilla,
Antonio Maranon (le Trappiste) s'empara de Seo d'Urgel et
tint héroïquement tête aux constitutionnels. Mina résistait
aux ultra-royalistes. Des atrocités furent commises des deux
côtés. La guerre civile s'étendait sur le pays; les colonies
espagnoles étaient en pleine insurrection ; la fièvre jaune
dévastait la Catalogne, l'Aragon et l'Andalousie. Riego
venait de tenter de proclamer la République à Saragosse
et avait été destitué. En apprenant la prise d'Urgel, l'effer-
vescence redoubla à Madrid. On se battit dans les rues.
Les gardes du corps durent mettre bas les armes devant
les miliciens. La révolution devenait anarchique.
En présence des troubles et de la situation de plus en
plus menacée du roi d'Espagne,- le gouvernement de
Louis XVIII se décida à intervenir en faveur de Ferdi-
nand VIL L'armée française franchit la Bidassoa, le 7 avr.
4823. Le 23 mai, elle entrait sans résistance à Madrid, et
le 8 août, le duc d'Angouiême rendait l'ordonnance d'An-
dujar, destinée à mettre un frein aux vengeances des
royalistes; elle défendait aux autorités espagnoles toute
arrestation illégale. Les Cortès s'étaient d'abord réfugiées
à Séville, à l'approche des Français, emmenant le roi avec
elles ; de là, elles avaient fui jusqu'à Cadix. Mina seul lut-
tait en Catalogne. Le 49 août, la tranchée fut ouverte devant
Cadix ; le 34 , le fort du Trocadéro était emporté d'assaut ; les
premières bombes tombèrent dans la place et l'on préparait
tout pour une attaque générale. Les Cortès traitèrent. Le roi,
mis en liberté, put enfin se rendre au camp français. Ferdi-
nand VII reprit le pouvoir. Riego fut pendu comme traître
(7nov.), Ballesteros et Morillo exilés; Quiroga et d'autres
purent s'embarquer à temps et quitter l'Espagne. Le souve-
rain rentra en triomphe dans Madrid, acclamé par ses parti-
sans, aussi absolu qu'autrefois (43 nov.) Son premier acte fut
de déclarer nul tout ce qui avait été accompli depuis l'émeute
de mars 4820, comme lui ayant été arraché par la force.
— 265 —
FERDINAND
Délivré des Cortès et de la révolution, Ferdinand n'en
subissait pas moins une autre tutelle, celle des absolutistes
et du clergé, à la tête desquels était son frère don Carlos.
Recevant les félicitations de quelques chefs royalistes, après
son rétablissement : « Ce sont les mêmes chiens avec
d'autres colliers », dit-il. Les absolutistes de Catalogne se
soulevèrent, sous le nom de carlistes , et la guerre civile
faillit recommencer (1827). Les negros ou libéraux re-
muèrent encore; leurs tentatives échouèrent; Torrijos et
ses complices furent fusillés (4831). A l'annonce que sa
quatrième femme, Marie-Christine de Naples, était enceinte,
Ferdinand, qui n'avait pas d'enfant de ses trois mariages
précédents, abolit la loi salique par une pragmatique du
29 mars 1830. Comme l'infante Isabelle naquitlelO sept.,
ce décret dépossédait don Carlos et préparait les longues
guerres civiles qui désolèrent l'Espagne à plusieurs reprises.
Gouverné par ses ministres et dominé par son entourage,
le roi révoqua sa décision, durant une maladie, en 1832,
mais la rétablit à sa guérison. Le 20 juin 1833, il faisait
proclamer Isabelle princesse des Asturies et héritière de la
monarchie. Trois mois après, Ferdinand VII mourait d'un
accès de goutte, laissant le trône à sa fille Isabelle II et la ré-
genceàla reine Marie-Christine de Bourbon. Lucien Dollfus.
Bibl. : V. sur Ferdinand VII, outre les Histoires de
Napoléon et celles de la Restauration, Toreno, Historia
ciel levantamiento, guerra y revolucion de Espana; Paris,
1851, 3 vol., et les documents officiels, au t. X de V Histoire
d'Espagne de Mariana, avec les suites, éd. de Barcelone,
1839-40.
FERDINAND Ier le Juste, roi d'Aragon et de Sicile,
né en 1373, mort le 2 avr. 1416. Il était le second fils du
roi de Castille, Juan Ier, et de Leonor d'Aragon. A la mort
de son frère aîné, Enrique III le Maladif (25 déc. 1407),
il refusa la couronne, mais fut chargé de la tutelle de son
neveu, Juan II, avec la reine mère dona Catalina. Ferdi-
nand repoussa partout les incursions des Mores grenadins,
prit Zahara (1407), ravagea le pays jusqu'à Malaga,
vainquit les infidèles auprès d'Antequera, leur tua
15,000 hommes, assiégea la ville et s'en empara (1410).
C'est à cette occasion que l'infant prit le nom de Ferdinand
d'Antequera. Le roi de Grenade vaincu fit la paix avec la
Castille. A la mort de Martin d'xAragon, en qui finit la
maison de Barcelone (1410), les Aragonais offrirent le
trône à l'infant de Castille, attirés par son grand renom de
vaillance et de justice. Les neuf arbitres, nommés par les
trois Etats, Aragon, Catalogne et Valence, se réunirent au
château de Cespe, et, après avoir entendu les envoyés des
divers prétendants et discuté leurs droits, se pronon-
cèrent en faveur de Ferdinand d'Antequera. Son élection
fut annoncée au peuple assemblé par le dominicain San
Vicente Ferrer (1412). Un seul des compétiteurs refusa de
reconnaître la décision des trois Etats, Jayme II, comte
d'Urgel, qui n'avait obtenu que deux voix seulement.
Vaincu dans plusieurs rencontres, assiégé dans Balaguer,
il dut se rendre à merci (1413) et mourut prisonnier au
château de Jâtiva. Ses terres étaient confisquées par le roi.
Ferdinand victorieux fut couronné à Saragosse (i 1 févr.
1414) et gouverna sagement. Blanca de Navarre, régente
de Sicile, avait été chassée de Palerme par Bernardo Ca-
prera dont elle avait refusé la main ; le roi d'Aragon inter-
vint, la rétablit ; Caprera fut banni de Sicile et forcé
d'aller se justifier en Espagne. Jusqu'au concile de Cons-
tance, l'Aragon avait reconnu Benoît XIII (Aharo de
Luna), le pape d'Avignon, mais, après la déposition de
Jean XXIII et l'abdication de Grégoire XII, Ferdinand
l'abandonna. Il avait été le visiter dans Perpignan en même
temps que l'empereur d'Allemagne, Sigismond, espérant
obtenir de lui une renonciation qui devait mettre fin au
schisme et rendre la paix à l'Eglise . Benoît XIII fut in-
traitable et le menaça de la colère divine, après quoi il
s'enferma dans sa forteresse de Pefiiscola. Ferdinand mourut
au retour de cette entrevue, à Igualada, près de Barcelone,
au moment où il allait partir pour la Castille et chercher
à la détourner de l'obéissance qu'elle avait encore pour le
pape d'Avignon. Ferdinand laissait quatre fils de sa femme
Leonor d'Albuquerque, dont deux régnèrent, Alonso V le
Magnanime qui lui succéda, et Juan II, d'abord roi de
Navarre par son mariage avec la reine Blanca, puis roi
d'Aragon, après la mort de son frère aîné. — Du temps
qu'il n'était qu'infant de Castille, Ferdinand avait institué,
à Médina del Campo, le jour de l'Ascension 1403, un
ordre de chevalerie, l'ordre du Vase des Lis, en l'honneur
de la Vierge Marie. Cet ordre était destiné à défendre la
religion chrétienne contre lés infidèles. Lucien Dollfus.
Bibl. : Zurita, Anales de la Coronade Aragon; Sara-
gosse, 1610-21, 7 vol. — Mariana, Historia gênerai de
Espana; Madrid, 1794, 10 vol.
FERDINAND!!, roi d'Aragon (V. Ferdinand V le Catho-
lique) .
FERDINAND d'Aragon, mort le 20 janv. 1475. Fils
d'un bâtard de Ferdinand le Catholique, il fut vice-roi
d'Aragon sous Philippe IL II a écrit plusieurs ouvrages
historiques sur l'Aragon, tous restés manuscrits, mais uti-
lisés par les historiens : La Historia de los Reyes de
Aragon; Catalogo de todos los Prelados de Aragon;
Nobiliario de las casas principales de Espana, etc.
FERDINAND d'Espagne, gouverneur général des Pays-
Bas, fils de Philippe III d'Espagne, né à Madrid le 17 mai
1609, mort à Bruxelles le 9 nov. 1641. Archevêque de
Tolède, puis vice-roi de la Catalogne, il conduisit en 1634
une armée en Allemagne et contribua à la victoire de Nord-
lingue. Il prit ensuite en mains le gouvernement des Pays-
Bas dans des circonstances difficiles : un corps hollandais,
commandé par Henri-Frédéric d'Orange, marchait vers la
Meuse, tandis que l'armée française des maréchaux de Châ-
tillon et de Brezé envahissait le Luxembourg. Les troupes
espagnoles furent battues à Avennes en Hesbaye; mais bientôt
Ferdinand arrêta les envahisseurs devant Louvain et pour-
suivit les Français jusqu'à Pontoise. En 1638, il fit essuyer
aux Hollandais une sanglante défaite à Cailoo. Le cardinal
mourut subitement peu de temps après une nouvelle victoire
remportée sur les Français à Thionville. Il avait fait preuve
d'une grande valeur militaire et d'un remarquable talent
d'administrateur. C'est à sa vaillance et à son habileté que
les Pays-Bas durent de n'être pas partagés entre la France
et la Hollande. Il eut aussi le mérite de respecter scrupu-
leusement les droits et privilèges des Belges. E. H.
Bibl. : Courvoisier, la Vie de Ferdinand d'Autriche.
— Henné et Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles ;
Bruxelles, 1840, 3 vol. in-8. — Namêche, Cours d'histoire
nationale; Louvain, 1860-1892, 30 vol. in-8.
Portugal
FERDINAND Ier, roi dePortugal,néàCoïmbrele 31 oct.
1345, mort à Lisbonne le 22 oct. 1383. Fils aîné et suc-
cesseur de Pierre le Justicier (1367), il n'eut aucune des
grandes qualités de celui-ci. Doué de tous les avantages
physiques, d'une imagination vive, d'un esprit fécond en
ressources, il manquait totalement de force d'âme et de
loyauté de caractère. Il hérita d'un royaume extrêmement
prospère, et il le conduisit aux abîmes. Son règne se passa
pour ainsi dire à guerroyer contre Henri de Transtamare,
puis contre Jean Ier, pour soutenir ses propres prétentions
ou celles de Jean, duc de Lancastre, à la couronne de Cas-
tille. Trois campagnes entreprises dans ce but furent désas-
treuses pour le Portugal qui fut saccagé et [rançonné non
seulement par l'ennemi, mais surtout par les Anglais,
alliés du roi. Le saint-siège intervint deux fois (1371 et
1373) pour amener la paix ; la troisième guerre, qui dura
trois ans, ne fut terminée que peu de temps avant la mort
de Ferdinand, par le mariage de sa fille unique avec le roi
de Castille. Il l'avait eue de son mariage (1371) avec l'ambi-
tieuse et perfide Eléonore (V. ce nom) Tellez de Menezes,
qui le dominait entièrement et qui fut pour beaucoup dans
les malheurs de son règne. Ferdinand fut le dernier sou-
verain de la branche légitime de sa maison. Il eut pour
successeur son frère naturel, le célèbre Jean Ier, fondateur
de la dynastie d'Aviz. G. Pawlowski.
Bibl. : Fernâo Lopez, Cronica d'el rei Fernando ; Lis-
bonne, 1820. — Nunez do Liâo, Cronicas; Lisbonne, 1780.
FERDINAND
m
FERDINAND le Saint ou le prince Constant, né à
Santarem le 29 sept. 1402, mort à Fez le 5 juin 4443.
Huitième fils du roi Jean Ier, il fut nommé grand maître
de Tordre d'Aviz. Il prit part à l'expédition de son frère
dom Henri contre Tanger. Après la capitulation, il fut
laissé en otage avec douze compagnons en garantie de la
cession de Ceuta. Celle-ci ayant été refusée par le roi de
Portugal et les Cortès, l'infant fut traité en esclave ; il
supporta avec une admirable constance ce long martyre
auquel il succomba au bout de six années. Son corps,
pendu au-dessus d'une porte de Fez, fut ramené en 1471
et enseveli à l'abbaye de Batalha. Lui-même fut béatifié en
1470 et les bollandistes ont inséré sa vie dans leur recueil.
Son biographe fut son compagnon de captivité Joam Al-
varez. Calderon en a fait le héros d'un drame.
FERDINAND, duc de Bragance, marquis de Villa-
Viçosa,néenl403, mort à Villa-Viçosa le 1er avr. 1478.
Fils d'Alphonse Ier, il fut connétable dans l'expédition
de 1437 contre Tanger, gouverneur de Ceuta en 1445,
prit part aux campagnes d'Alphonse V, au nom duquel il
gouverna le Portugal en 1471. Il eut une importante cor-
respondance avec ce roi.
FERDINAND (Auguste-François-Antoine-) , roi-régen t
de Portugal, né à Vienne le 29 oct. 1816, mort à Lisbonne
le 15 déc. 1885. Fils aîné de Ferdinand-Georges-Auguste,
duc de Saxe-Cobourg-Gotha, il épousa (9 avr. 1836) la
reine de Portugal, Maria da Gloria, après la mort de la-
quelle (15 nov. 1853) il exerça la régence, au nom de leur
fils aîné, dom Pedro V, jusqu'au 16 sept. 1855. Malgré son
origine étrangère, il sut gagner les sympathies des Por-
tugais par la correction de son attitude politique, et sa
popularité devint telle qu'après la chute de la reine Isabelle,
on lui offrit la couronne d'Espagne (1869), qu'il refusa.
De son mariage sont issus trois fils, dont le second fut le
roi Louis, et deux filles. Il épousa en secondes noces Elisa
Hensler, qui reçut le titre de comtesse d'Edla. G. P-i.
Italie.
FERDINAND Ier (d'Aragon) (en ital. Ferrante), roi de
Naples (1458-1494), né en 1423, mort le 25 janv. 1494.
Fils naturel du roi d'Aragon et de Sicile Alphonse V et d'une
obscure Castillane, Carlina Villardone, son père qui vivait à
Naples lui destina le royaume de Naples ; en 1443, il lui
donna le titre de duc de Calabre et le fit reconnaître par le
pape Nicolas V comme son successeur à Naples ; en 1445, il
lui fit épouser Isabelle deChiaramonte, fille du comte Tristan
de Copertino. Calixte III refusa de lui donner l'investiture du
royaume à cause de sa bâtardise. A la mort d'Alphonse V,
son frère Jean recueillit F Aragon, la Navarre (au nom de son
fils Charles, prince de Viana), la Sardaigne et la Sicile ;
Ferdinand reçut Naples. Ses sujets, se défiant de son carac-
tère sombre, cruel et hypocrite, étaient mal disposés. Les
Napolitains offrirent la couronne à son chevaleresque cou-
sin, le prince de Viana, qui refusa et se retira en Sicile.
Le pape, suzerain nominal, ne voulut pas le reconnaître et,
par une bulle du 12 juil. 1458, déclara le royaume de
Naples dévolu au saint -siège, réclamant l'obéissance de
tous les ordres de l'Etat. Jean d'Anjou, qui s'intitulait aussi
duc de Calabre, vint prendre le gouvernement de Gênes, pour
attendre les événements. Mais le parti aragonais étant le
plus fort, les barons prêtèrent serment à Ferdinand, qui
en appela du pape au futur concile. Pie II, successeur de
Calixte, le reconnutroide Naples, « sauf le droit d'autrui»,
en échange du payement des arrérages du cens, de la res-
titution de Bénévent et Terracine. Il eut bientôt à com-
battre les Angevins; le duc de Calabre descendit auprès de
Gaëte; beaucoup de barons se déclarèrent pour lui ; au
premier rang le puissant comte de Tarente et le comte de
Rossano, beau-frère de Ferdinand, qui avaient d'abord ap-
pelé le roi Jean II d'Aragon. Jean de Calabre conquit la
Pouille jusqu'au Gargano ; sa victoire du Sarno (7 juil. 1 460)
lui livra la Campanie. Ferdinand échappa avec une ving-
taine de cavaliers. Mais le pape et le duc de Milan lui
envoyèrent des secours. Le condottiere Piccinino, soudoyé
par Jean de Calabre, fut défait par les alliés. La noblesse
napolitaine se tint alors sur la réserve, et, quand le duc de
Milan eut garanti une amnistie totale, elle se rallia àl'Ara-
gonais. Le fameux Scanderbeg (Alexandre Castriota) re-
quis par le pape Pie II, vint d'Albanie à son secours. La
victoire de Troja (août 1462) fut due à ce concours. Le
comte de Tarente et Caracciolo, duc de Melfi, se soumirent
alors. Peu après le premier fut assassiné, et le roi s'em-
para de ses immenses richesses ; il s'en servit pour acheter
le fameux Piccinino (1463). Le comte de Rossano, qui repro-
chait à Ferdinand un inceste, la séduction de la comtesse,
propre sœur du roi, s'était soumis sur la garantie du duc
de Milan; il fut emprisonné (1464). Le duc de Calabre,
réduit à Ischia, se rembarqua. Sa mort et l'extinction de
la dynastie angevine assurèrent à Ferdinand Ier la tran-
quille possession du trône. C'était un vrai prince de la
Renaissance italienne, rusé, déloyal, vindicatif. Il attira
dans son château par une invitation le condottiere Picci-
nino qui n'en sortit jamais (août 1465). Il se fortifia en-
suite par tous les moyens : en premier lieu un mariage de
son fils avec la fille du duc de Milan. Il étonna le saint-
siège par son ingratitude, lui enlevant le duché de Sora,
s' alliant contre lui à Malatesta de Rimini. Politique sans
scrupules, il agit contre sa turbulente noblesse avec une
énergie féroce. A la mort de sa femme Isabelle, dont la
vaillance lui avait rendu de grands services, il épousa la
fille de Jean II d'Aragon, sa cousine Juana. Il mariait ses
nombreux enfants dans des familles influentes ; l'union
d'une fille naturelle avec Léonard de La Rovère, neveu de
Sixte IV, lui gagna ce pontife. Très amateur du luxe, il
tint une belle cour, appela des humanists renommés, Pon-
tanus, précepteur de son fils et fondateur de l'Académie
de Naples; Sannazar ; des juristes comme M. Riccio, Paris
de Puteo, J.-A. Caraffa. Il favorisa le commerce et l'in-
dustrie, subventionna des manufactures de soieries, appela
des artisans étrangers, introduisit l'imprimerie dans sa
capitale (1474). La surprise d'Qtrante par les Turcs
(26 juil. 1480) et le massacre de 12,000 habitants, la
dévastation des cantons voisins terrifièrent l'Italie; mais
Alphonse, fils duroi, reprit la ville avec l'aide de contingents
papistes, espagnols et hongrois. La garnison fut réduite en
esclavage au mépris de la capitulation. Mais le vainqueur
en conçut un orgueil insupportable. Son père lui laissant
presque tout le pouvoir, il se fit détester. Il créa le monopole
du blé, du vin et de l'huile, ce qui était une monstruosité. Le
roi de Naples avait pour ennemis déclarés les Vénitiens ; les
Médicis ne l'aimaient guère ; le pape Innocent VIII l'excom-
munia et le déposa. En 1485, il eut à combattre un nou-
veau soulèvement de ses barons. Il n'était donc pas plus
solide à la fin de son règne qu'au début. Les préparatifs du
roi de France, Charles VIII, qui revendiquait les droits des
Angevins, faisaient prévoir sa chute. Il mourut avant. Malgré
son astuce, sa sombre férocité l'avait rendu si odieux à son
peuple que sa dynastie ne put durer. A.-M. B.
FERDINAND M (en ital. Ferrante), roi de Naples
(1495-96), né le 26 juil. 1469, mort le 7 sept. 1496, petit-
fils du précédent et fils d'Alphonse II, était un prince très bien
doué. Duc de Calabre, il fut envoyé par son père à la rencontre
de l'armée de Charles VIII, s'établit en Romagne, auprès
de Faenza, mais dut reculer devant d'Aubigny. Il se replia de
Viterbe sur Rome avec Virginio Orsini, mais le pape n'osa
lutter, et l'armée napolitaine sortit par la porte Saint-Sébas-
tien, tandis que l'armée française entrait par la porte del
Popolo. Alexandre VI promit alors à Charles VIII l'investiture
de Naples. La dynastie aragonaise tomba sans combattre.
Les Abruzzes et Aquila se soulevèrent arborant le drapeau
français. Alphonse II abdiqua en faveur de son fils (22 janv.)
et s'enfuit en Sicile. Le 23 janv. 1495, Ferdinand II fut
sacré dans la cathédrale de Naples, puis il vint camper à
San Germano d'où Louis d'Armagnac le débusqua. Le nou-
veauroi, trahi par son entourage, ne put résister. A Capoue,
Jacopo de Triulzi (Trivulce) passa aux Français ; Virginio
267 —
FERDINAND
Orsini et Pitigliano furent pris à Noie ; Ferdinand II s'em-
barqua pour la Sicile avec sa famille ; la ville de Naples
envoya ses clefs au roi de France ; les châteaux se rendirent
bientôt. De son royaume, l'Aragonais ne gardait plus qu'Is-
chia. Bientôt il reçut les secours de Ferdinand le Catholique
amenés par le célèbre Gonzalve de Cordoue, et, appuyé par
une flotte vénitienne, il débarqua en Calabre. Les garnisons
françaises avaient indisposé les indigènes. D'Aubigny bat-
tit les Aragonais à Seminara et les rejeta en Sicile. Ferdi-
nand cingla alors droit sur Naples ; l'inconstante population
s'insurgea en sa faveur et en quelques jours les châteaux
affamés durent se rendre (janv. 1496). Gonzalve de Cor-
doue fit le reste. L'armée du connétable d'Aubigny fut usée
en Calabre par une guerre d'escarmouches; San Severino,
chef du parti angevin, fut tué. Le duc de Montpensier, blo-
qué dans Atella, fut obligé de capituler. Le traité ne fut
naturellement pas observé, et l'armée française, entassée à
Baïes et à Pouzzoles, fut détruite par les maladies. La mort
subite de Ferdinand ouvrit les voies à l'usurpation espagnole.
FERDINAND 111, roi de Naples (V. Ferdinand V le Ca-
tholique, roi d'Espagne).
FERDINAND 1er (ou !V),roidesDeux-Siciles,néàNaples
le 2 janv. 1751, mort à Naples le 4 janv. 1825. Lorsque
Charles de Bourbon fut appelé à régner en Espagne, après la
mort de son frère Ferdinand VI, il laissa les Deux-Siciles à
son troisième fils, Ferdinand (IV à Naples, III en Sicile) , alors
âgé de huit ans (6 oct. 1759). Le ministre Tanucci, qui domi-
nait dans le conseil de régence, continua l'œuvre de réformes
civiles et d'affranchissement en matière ecclésiastique qu'il
avait commencée sous le règne précédent. Mais, en 1777,
la reine Marie-Caroline d'Autriche, fille de l'impératrice
Marie-Thérèse, que Ferdinand avait épousée en 1768, ré-
clama le droit, stipulé dans son contrat de mariage, d'en-
trer au conseil à la naissance de son premier enfant mâle :
son premier acte d'influence fut de faire congédier Tanucci.
Faible d'esprit et grossier de goûts, le roi ne fut plus qu'un
jouet entre les mains de la reine, femme cruelle et dissolue,
qui, gouvernée elle-même par le chevalier Acton (V. ce
nom), engagea la cour de Naples dans une longue lutte
contre la Révolution française. A l'approche du général
Championnet, Ferdinand se retira à Païenne (21 déc.
1798). Après la chute de la République parthénopéenne,
ramené à Naples parles Anglais (30* juin 1799), il auto-
risa la plus impitoyable réaction. En 1806, son hostilité
contre Napoléon lui fit perdre de nouveau ses Etats déterre
ferme, que l'empereur donna d'abord à Joseph Bonaparte,
puis à Joachim Murât. Ferdinand conserva la Sicile, que
protégeait la flotte anglaise. Toujours conduit par Marie-
Caroline, il entretint le brigandage sur le continent. Dans
l'île même, il irrita bientôt ses sujets, dont il ne respectait
pas les antiques franchises. Sous la pression de lord Ben-
tinck, il dut consentir à l'éloignement de sa femme, prendre
son fils pour vicaire, et donner aux Siciliens la constitution
de 1812, modelée sur la constitution anglaise. Marie-
Caroline étant morte en Autriche (7 sept. 1814), Ferdi-
nand épousa aussitôt -morganatiquement Lucia Migliaccio,
veuve du prince de Partanna, qu'il fit duchesse de Floridia.
Restauré à Naples après la chute de Murât (1815), il se
fit appeler Ferdinand Ier, roi du royaume uni des Deux-
Siciles, et mit ainsi fin à l'autonomie sicilienne (1816).
Le régime inepte et brutal auquel il soumit ses peuples
amena la révolution de 1820. Ferdinand déposa alors
l'autorité entre les mains de son fils, nommé vicaire (6 juil.) ,
et jura la constitution de 1812 imposée par les car-
bonari. Sous prétexte d'aller défendre le nouvel ordre
de choses, il se rendit au congrès de Laibach. Les Autri-
chiens intervinrent, et il rentra à Naples derrière eux
(1821). Son ministre Canosa exerça des vengeances effré-
nées. Le système ne changea point avec le ministre Medici.
Ferdinand, que ses peurs superstitieuses rendaient pire
chaque jour, mourut enfin, subitement. F. H.
FERDINAND II, roi des Deux-Siciles (1830-1859), né
à Palerme le 12 janv. 1810, mort à Caserte le 22 mai 1859.
Fils de François Ier et d'Isabelle-Marie d'Espagne, il
succéda à son père le 8 nov. 1830. Le blâme qu'il infli-
gea dans son premier édit à ses prédécesseurs fit espé-
rer qu'il allait « guérir les blessures du pays ». Mais l'illu-
sion ne fut pas longue. Aussi astucieux que son père et
son aïeul, mais beaucoup plus résolu, Ferdinand II aggrava
le régime dégradant qui pesait sur ses Etats. Etranger aux
plaisirs, il n'aimait que l'argent et l'exercice du pouvoir.
Donnant l'exemple de la rapine, il souffrait le vol autour
de lui pour payer d'autant moins ses fonctionnaires. L'in-
fâme delcarretto (V. ce nom), investi dès 1831 du minis-
tère de la police, auquel tous les autres étaient subordon-
nés, fut son digne agent. Les conspirations, les insurrec-
tions, provoquées par l'excès des maux publics, furent
étouffées dans le sang. Le roi traitait ses frères aussi dure-
ment que ses sujets. La sainte reine Christine de Savoie,
qu'il avait épousée en 1832, mourut victime de ses bruta-
lités (31 janv. 1836). Moins d'un an après, Ferdinand II
prit pour femme l'archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche
(9 janv. 1837). Les jésuites étaient les maîtres de l'ensei-
gnement ; les prêtres et les moines dominaient partout ;
mais le roi avait soin de se faire un instrument servile du
haut clergé. Son confesseur, TPr Code, trafiquait impu-
demment de l'autorité royale, comme Delcarretto. La cor-
ruption était érigée en système. La férocité des sbires
contenait le peuple. On sait comment échoua la tentative
des frères Bandiera (1844). L'insurrection de Reggio et
de Messine, en sept. 1847, n'eut pas plus de succès. En
janv. 1848, la révolution de Sicile parut enfin changer les
choses. Ferdinand II, effrayé, s'empressa d'exiler Delcar-
retto, dont il donna la place au patriote Poerio. Il promulgua
une constitution (lOfévr.) et confia au général Pepe, l'ancien
chef carbonaro de 1820,1e commandement d'un corps expé-
ditionnaire qui devait concourir avec l'armée de Charles-Al-
bert à l'expulsion des Autrichiens. Mais bientôt, étant par-
venu à opérer dans Naples une sanglante contre-révolution
(15 mai), il rappela les troupes et la flotte, prit un autre
ministère, prorogea le parlement, et tourna ses forces contre
la Sicile. L'horrible bombardement de Messine lui valut le
surnom de roi Bornéo, (3-10 sept.). Après la chute de Pa-
lerme, son joug s'appesantit de nouveau sur les Deux-Siciles
(mai 1849). Les procès commencèrent : Poerio fut envoyé
au bagne; 22,000 condamnations politiques furent pro-
noncées; le roi s'enrichit des biens consfiqués. Les pro-
testations indignées de M. Gladstone (1851), la rupture
des relations avec la France et l'Angleterre (1855) ,
l'attentat du soldat Agesilao Milano, qui blessa le roi
d'un coup de baïonnette dans une revue (8 déc. 1856),
la tentative de Pisacane (juin 1 857) et l'interminable affaire
du Cagliari (V. ce mot), la mise en liberté de Poerio
et de quelques autres condamnés politiques obtenue à
grand'peine par le gouvernement anglais (1858) , signalèrent
les dernières années du règne de Ferdinand IL II mourut
dans d'affreuses souffrances le 22 mai 1859. De sa pre-
mière femme il eut François II, son successeur. Remarié
en 1837 avec Marie-Thérèse, fille de l'archiduc Charles
d'Autriche, il eut neuf fils et quatre filles. Parmi ses fils
citons : Louis, comte de Trani (né en 1838); Alphonse^
comte de Caserte (1841) ; Pasquale-Maria, comte deBari
(1852). F. H.
Bibl. : Nmco,FerdinandoIIedilsuo regno; Naples, 1884.
FERDINAND, duc de Calabre, né en 1487, mort en
Espagne en 1550, fils aîné du roi de Naples, Frédéric III,
détrôné par Louis XII. Il avait été mis en sûreté àTarente.
Gonzalve de Cordoue vint l'assiéger ; il jura sur l'hostie
qu'il le laisserait libre, mais, dès qu'il l'eut, il se fit délier
de son serment et l'expédia à son maître Ferdinand le
Catholique qui le fit interner à Zativa. Il refusa en 1516
la couronne d'Aragon. Charles-Quint le rendit à la liberté
et lui fit épouser la veuve de Ferdinand le Catholique (nièce
de Louis XII). Devenu veuf dix ans après, il se remaria
avec une de Mendoza et fut le dernier de sa race.
FERDINAND Ier, grand-duc de Toscane (1587-1609),
FERDINAND
~ 268 —
né en 4549, mort le 17 févr. 1609. Quatrième fils de
Cosme Ier de Médicis et d'Ëléonore de Tolède, il fut créé
cardinal-diacre dès l'âge de quatorze ans. Il s'établit à Home ;
il s'entendait mal avec son frère François-Marie, grand-duc
de Toscane. Aussi lorsque celui-ci mourut, en même temps
que sa femme Bianca Capello, on accusa le cardinal de les
avoir fait empoisonner. Il en hérita, et devenu grand-duc,
sur les conseils de Catherine de Médicis, reine de France,
il renonça au chapeau et se maria avec Christine de Lor-
raine (30 avr. 1589). Ce fut un excellent souverain, affable
et bienveillant, plein de goût. Il développa activement
le commerce, l'agriculture, continua de s'enrichir par la
banque, comme son père et son frère, et gagna beaucoup
dans ses affaires avec les Hollandais. Il fut donc le plus
riche capitaliste d'Europe, tout en dépensant beaucoup à sa
cour et en travaux publics. Pise se releva et Livournc
grandit. Les juifs, chassés de la péninsule ibérique, vinrent
s'y réfugier. Banquier des rois d'Espagne et de France,
Ferdinand avait une importance politique ; il la maintint en
diplomate avisé sans se laisser dominer par l'un ou l'autre
de ses puissants amis. Il s'entendit bien avec Henri IV,
auquel il maria sa nièce, Marie de Médicis. Il lui prêta de l'ar-
gent et occupa en gage les îles d'If et de Pomègue devant
Marseille ; il servit d'intermédiaire entre le pape et le roi
de France, ce qui irrita Philippe II. Il s'entendait mal avec
l'empereur et négociait avec les princes protestants. Le roi
d'Espagne le menaçait de son frère Pierre, lequel mourut
en 1604. A l'intérieur, Ferdinand pacifia la Toscane par la
capture du condottiere Alfonso Piccolomini, duc deMonte-
Marciano, qu'il fit pendre (159/l). Il fit la chasse aux cor-
saires barbaresques et turcs avec l'assistance des chevaliers
de l'ordre de Saint-Etienne, attaqua Famagourte (1607) et
prit Bône (1608). Il mourut, très regretté de son peuple,
laissant sept enfants, quatre fils et trois filles : Corne, qui lui
succéda ; Charles, cardinal en 1615, mort en 1666 ; Fran-
çois, Laurent, Eléonore, Ca£/im>i£,quiépousaFerdinand,
duc deMantoue; Claude, qui épousa Frédéric de La Rovère,
puis l'archiduc Léopold d'Autriche. Sa femme mourut le
20 déc. 1636.
FERDINAND II, grand-duc de Toscane (1621-1670), né
le 4 juil. 1610, mort le 23 mai 1670. Fils de Côme II et
de Marie-Madeleine d'Autriche, il régna d'abord sous la tu-
telle de son aïeule Christine de Lorraine et de sa mère.
Son avènement marque un tournant dans l'histoire de la
Toscane. Elle déchoit de la prospérité que lui avaient con-
servé les premiers grands-ducs de la maison de Médicis. Les
deux tutrices du jeune prince purent bien maintenir quel-
que temps les traditions, mais on s'en écarta peu à peu.
La rivalité des deux principaux ministres Pichena et Cioli
fut désastreuse. L'éducation du jeune prince fut délaissée
et tomba aux mains des prêtres. Devenu majeur, Ferdi-
nand II abandonna la politique de bascule entre les Bour-
bons et les Habsbourg qui avait sauvegardé l'autonomie de
la Toscane et les intérêts de son commerce. Cédant aux
suggestions de sa mère, princesse autrichienne, il pencba
tout à fait du côté de l'Espagne et de l'Autriche et puisa
largement dans son trésor pour les besoins de ces alliés
besogneux. Il fut flatté par l'Espagne et protégé contre
l'ambition des Barberini mettant à leur service le pouvoir
du saint-siège. Il intervint dans l'affaire de la succession
de Mantoue en faveur de Charles de Nevers. Marié à sa
cousine Vittoria de La Rovère (26 sept. 1631), il revendi-
qua en son nom le duché d'Urbin, mais ne put obtenir que
les biens allodiaux. Son trésor passa peu à peu aux Espa-
gnols et aux Autrichiens. Le clergé accrut énormément son
influence; des fautes économiques, des impôts maladroits
ruinèrent le commerce des grains ; l'agriculture déclina ;
la perte et quelques mauvaises récoltes achevèrent d'effacer
la richesse du grand-duché, dont le souverain était inca-
pable de continuer à soutenir le commerce et la politique
financière des Médicis. La sécurité intérieure disparut;
comme dans le reste de l'Italie le brigandage se développa.
Des capitaux considérables furent engloutis dans le dessè-
chement des Maremmes, qui échoua. L'achat de la seigneurie
de Pontremoli fut une piètre compensation. Personnelle-
ment, Ferdinand II était un diplomate assez fin ; il servit de
médiateur entre Louis XIV et le pape dans l'affaire de la
garde corse et les réconcilia (traité de Pise, 1 2 févr. 1664).
Il étudiait les sciences, avait un laboratoire et fabriquait
des instruments de physique. Il favorisa l'Académie del
Cimento, fondée par son frèrele cardinal Léopold (juil. 1657).
ïleutdeuxfils, Cosme III, son successeur, et François-Marie
(mort en 1711), cardinal en 1686, qui quitta l'Eglise en
1700, pour épouser Eléonore de Gonzague-Guastalla.
FERDINAND 111, grand-duc de Toscane, né à Florence
k6 mai 1769, mort "le 18 juin 1824. Léopold, devenu
empereur d'Allemagne, céda la Toscane à son second fils,
Ferdinand (1791). Celui-ci s'efforça de garder la neutralité
entre la Révolution française et la coalition. Il reconnut
même la République. Mais, les menaces de l'Angleterre
l'ayant entraîné à prendre des mesures contraires à la
France, le général Bonaparte passa l'Apennin (26 juin
1796), entra àLivourne, s'empara delà factorerie anglaise,
et laissa garnison. Le grand-duc, qui le reçut magnifique-
ment à Florence, s'excusa sur la contrainte qu'il avait
subie. En 1798, Ferdinand III, cédant à la pression de la
cour de Naples, reçut sur son territoire les troupes napo-
litaines qui opéraient contre lesFrançais. L'année suivante,
il dut quitter la Toscane, occupée par le général Gauthier
(27 mars 1799). Il prit alors un commandement dans l'ar-
mée autrichienne. Après diverses vicissitudes, il perdit défi-
nitivement ses Etats à la paix de Lunéville (9 févr. 1801).
Il reçut en dédommagement, avec le titre d'électeur, la
principauté de Salzbourg (1803), qu'il dut échanger à la
paix de Presbourg contre le duché de Wurtzbourg (26 déc.
1805). Il fit partie de la Confédération du Rhin. En 1814,
Ferdinand III recouvra enfin le grand-duché de Toscane.
S'il supprima les institutions françaises, s'il altéra même
les anciennes institutions léopoldines, sa douceur naturelle,
bien servie par le scepticisme tolérant du ministre Fos-
sombroni, continua du moins à faire de la Toscane un pays
civilisé, qui contrastait singulièrement avec le reste de la
péninsule. F. H.
FERDINAND de Savoie (Albert-Amédée),duc de Gênes,
second fils du roi Charles-Albert, né le 15 nov. 1822,
mort le 10 févr. 4855. En 4848, grand maître de l'artil-
lerie, il dirigea les opérations du siège de Peschiera (avril-
mai). Le 5 juin, il prit le commandement de la 4e division.
Le troisième jour de la bataille de Custoza (25 juil.), posté
sur les hauteurs de Sommacampagna, il lutta héroïquement
jusqu'au soir contre des forces quatre fois supérieures. Le
44 juil., le parlement sicilien l'avait élu roi sous le nom
d'Albert- Amédée : le jeune prince déclina cet honneur. En
4849, il se distingua encore à la bataille de Novare
(23 mars). Après la paix, il s'occupa de réorganiser l'ar-
tillerie. En 4855, il aspirait à commander le corps expédi-
tionnaire de Crimée lorsqu'il mourut. — Le duc de Gênes
avait épousé, le 22 avr. 4850, la princesse Elisabeth de
Saxe, dont il eut deux enfants : la princesse Marguerite,
aujourd'hui reine d'Italie, née le 20 nov. 4851, et le prince
Thomas, né le 6 févr. 4 854, qui a hérité de son titre. Sa
veuve s'est remariée morganatiquement en 4856 avec le
marquis Rapallo. F. H.
Pour les autres princes italiens du nom de Ferdi-
nand, V. Guastalla, Mantoue, Parme, etc.
Divers.
FERDINAND (Philippe), duc d'Orléans (V. Orléans).
FERDINAND, prince régnant de Bulgarie, né à Vienne
le 26 févr. 4864. Il est fils du prince Auguste de Saxe-
Cobourg-Gotha, mort en 4884, et de la princesse Marie-
Clémentine, fille de Louis-Philippe. Il servit d'abord dans
l'armée autrichienne, puis devint lieutenant de honveds
dans l'armée hongroise. Quand le trône de Bulgarie fut
devenu vacant par suite de l'abdication du prince Alexandre
de Battenberg, le prince Ferdinand fut élu par le Sobranie
— 269 —
FERDINAND — FÈRE
(7 juil. 1887). Cette élection ne fut pas confirmée par la
Russie, qui déclara nulles les opérations du Sobranié, et
parles autres puissances signataires du traité de Berlin.
Néanmoins, le prince Ferdinand accepta et prit possession
du pouvoir le 14 août suivant. Le 28 du même mois, il
fit son entrée à Sofia ; il nomma président du conseil des
ministres M. Stamboulov, qui avait exercé la régence, et
qui est resté depuis cette époque à la tête du cabinet. Le
prince Ferdinand rencontra d'abord quelque hostilité chez
le clergé orthodoxe; la Porte, pour être agréable à la
Russie, déclara à deux reprises que sa présence en Bul-
garie était contraire au traité de Berlin, mais ne fit rien
pour l'obliger à quitter ce pays. S'il n'a pu arriver à se
faire reconnaître officiellement par les puissances, le prince
Ferdinand a rencontré des témoignages de sympathie peu
dissimulée chez les cabinets austro-hongrois et anglais, et
auprès de la Porte, qui tient peu à voir l'influence russe
s'établir dans la péninsule balkanique. L'emprunt bulgare
a été, en 1889, admis à la cote des bourses de Vienne et
de Budapest ; un arrangement commercial a été conclu
avec l'Angleterre et l'Italie. A différentes reprises, des
complots ont été ourdis contre le gouvernement du prince
Ferdinand. Ils ont été vigoureusement réprimés. Le plus
important avait pour chef le major Panitsa qui fut exécuté
à Sofia le 28 juin 1890; parmi les conjurés figurait un
officier russe qui fut expulsé de la principauté. En juin
1890, le ministre des affaires étrangères Stransky demanda
à la Porte la reconnaissance du prince Ferdinand ; il ne
put l'obtenir, mais en revanche le sultan consentit à
nommer trois évêques bulgares en Macédoine. Au mois de
septembre de la même année, un émissaire russe vint à
Sofia pour donner à entendre que le prince serait reconnu
s'il consentait à placer l'armée bulgare sous le commande-
ment d'officiers russes. Cette proposition fut refusée. —
En 1891, le ministre Beltchev fut assassiné; ce meurtre
donna lieu à un grand procès politique à la suite duquel
quatre des accusés furent exécutés et d'autres, parmi les-
quels l'ancien régent Karavélov, condamnés à l'emprison-
nement. Malgré les difficultés de la situation politique, la
Bulgarie a fait, sous le règne du prince Ferdinand, de sérieux
progrès. Une école supérieure a été créée à Sofia; une ligne
de chemin de fer a été créée de Iamboli à Bourgas, une
autre commencée de Sofia à Varna et à Roustchouk. En
1892, une exposition internationale a eu lieu à Philippo-
poli. Les élections pour le Sobranié, qui ont eu lieu en
sept. 1890, ont envoyé 263 députés gouvernementaux
contre 35 opposants. A diverses reprises," le prince Ferdi-
nand a entrepris en Occident des voyages auxquels on a
prêté un sens politique. On a particulièrement remarqué
l'accueil flatteur qui lui a été fait par le cabinet et la cour
de Londres au mois de juin 1892. Au commencement de
l'année 1892, à la suite de l'expulsion d'un journaliste
français, les relations ont été interrompues entre le gou-
vernement français et le cabinet bulgare ; mais elles ont
été reprises peu de temps après, et l'incident n'a pas eu
de suites. L. L.
FERDINAND ( Victor- Al bert-Mainrad), prince de Hohen-
zollern, héritier présomptif du trône de Roumanie, né à
Sigmaringen le 24 août 1 865. Fils de Léopold, prince de Sig-
maringen, il fut désigné par son oncle paternel, Charles Ier,
roi de Roumanie, pour son successeur, avec l'assentiment
de la nation. 11 épousa, le 10 janv. 1893, la princesse
Marie d'Edimbourg. G. P-i.
FERDINAND (Jean Labrunière de Médicis), danseur et
mime français, né à Bordeaux en 1795, mort en 1837.
Il aborda la scène à Montpellier, passa à Marseille, Lis-
bonne, Madrid, Bordeaux, puis fut appelé à l'Opéra, où
il débuta, le 18 juin 1813, dans un pas ajouté au Devin
du village. Le public parisien le prit bientôt en très grande
affection pour la vivacité, la grâce, la légèreté et la pré-
cision de sa danse. Il n'était d'ailleurs pas moins remar-
quable comme mime que danseur, et ses qualités de comé-
dien étaient de premier ordre. Il quitta l'Opéra vers 1834.
FERDINAND de Cordoue, érudit espagnol du temps de
Ferdinand le Catholique. Célèbre par l'universalité de son
savoir, il fut regardé comme un sorbier, comme l'ante-
christ, ce qui n'empêcha pas le roi de lui confier des mis-
sions à Rome et à Paris (1475). Parmi ses nombreux écrits,
on peut citer des commentaires de YAlmageste dePtolémée,
de Y Apocalypse, un débat sur les droits temporels des
papes et les annates, etc.
FERDINAND de Jésus, théologien espagnol, né à Jaen
en 1571, mort à Grenade en 1644. Carme réformé, célèbre
par son érudition et son éloquence, il eut de grands succès
comme prédicateur dans les principales villes d'Espagne ;
il a laissé une cinquantaine d'ouvrages principalement théo-
logiques, 165 sermons, etc.
Bibl. : Le P. Martial de Saint-Jean-Baptiste, Biblio-
theca scriptorum carmelitaimm.
FERDINAND de Sainte-Marie (V. Martinez [Fer-
nando]).
FERDINAND de Santiago, prédicateur espagnol, né à
Séville vers 1541, mort à Séville en avr. 1639. De l'ordre
de la Merci, il eut une grande réputation et fut très goûté
des rois Philippe II et Philippe III. Il a laissé des ouvrages
théologiques et des sermons.
FERDINAND de Talavera, théologien espagnol, né à
Talavera de La Reyna en 1445, mort à Grenade le 14 mai
1507. Hiéronymite, il fut évêque d'Avila et confesseur des
souverains Isabelle de Castille et Ferdinand le Catholique.
Il les poussa à conquérir Grenade. Il a laissé de nombreux
ouvrages théologiques.
FERDINAND(Ordrede)(V.SAiNT-FERDiNAND[Ordrede]).
FERD1NANDEA. Ile volcanique émergée en juil. 1831
dans la mer Méditerranée entre la Sicile' et Pantellaria, à
60 kil. S. de la grande île, disparue en déc. 1831. C'est
un des plus curieux exemples de phénomènes volcaniques
sous-marins. L'éruption se manifesta au début de juillet ;
elle fut observée par le géologue Hoffmann ; les déjections
du volcan finirent en s'amoncelant par dépasser le niveau
des flots et former une île qui eut 60 m. de haut et 2 kil.
de tour. Un capitaine anglais en prit possession, ce qui
donna lieu à une querelle diplomatique entre les Deux-
Siciles et l'Angleterre. L'éruption s'étant calmée, les maté-
riaux meubles de l'île furent emportés par les vagues ; en
décembre, elle était démolie complètement. Son emplace-
ment est signalé par un haut fond.
FERDINANDIouFERNANDI (Francesco),ditlMPERiALi,
peintre de l'école romaine, qui travaillait à Rome en 1730.
On a de lui, à Saint-Eustache de Rome, le Martyre de ce
saint qui est d'un bon coloris. Cet artiste dut mourir jeune,
car, sauf un Saint Romuald mourant, on ne connaît
aucun tableau de lui en Italie.
FERDJIOUA (La) (V. Constantine, t. XII, p. 595).
FERDOUSI (A.-C. Mansour, dit), poète persan (V. Fir-
DOUSl).
FER DRU PT. Corn, du dép. des Vosges, arr. de Remi-
remont, cant. de Thillot; 1,132 hab.
FÈRE (La). Ch.-i. de cant. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, au confluent de la Serre et de l'Oise ; 5,394 hab.
Stat. du chem. de fer du Nord, ligne de Tergnier à Laon.
Place de guerre ; direction d'artillerie ; école d'artillerie ;
arsenal. Théâtre ; musée ; hôtel-Dieu. Huileries, savonneries,
tanneries, meuneries, scierie, fabrique de limes, martinets.
Les plus anciens documents qui mentionnent La Fère re-
montent à l'époque mérovingienne ; c'était alors un domaine
du fisc royal qui fut donné au vie siècle à l'église de
Reims, puis à celle de Laon. Les évêques y avaient au
xie siècle un châtelain. Un siècle plus tard, La Fère dépen-
dait de la seigneurie de Coucy lorsque Louis le Gros y mit
le siège et s'en empara ; toutefois, elle fut rendue plus tard
à cette famille dont Fun des seigneurs concéda à la ville,
au commencement du xme siècle, une charte de commune
imitée de celle de Laon. Ce furent également les seigneurs
de la maison de Coucy qui firent construire le château dont
FÈRE — FERENTAIRE
— 270 —
les vestiges se retrouvent dans les bâtiments, de l'Ecole d'ar-
tillerie. Ce château fut réparé et mis en état de défense au
xvie siècle par le connétable de Montmorency qui fit de la
ville une place importante. Le prince de Condé, dans le
gouvernement duquel La Fère était compris, y mit en
1574 une garnison protestante que vint assiéger, quelques
mois plus tard, le maréchal de Matignon. Les ligueurs
occupèrent à leur tour la ville en 4589, après l'avoir sur-
prise, et la livrèrent aux Espagnols. Henri IV vint y mettre
le siège en 4595 et la fit capituler sept mois après (mai
4596). Lors de la campagne de France en 4844, les Prus-
siens purent facilement occuper la place, mais l'année sui-
vante, après la bataille de Waterloo, le commandant Ber-
thier réussit à résister victorieusement avec une faible
garnison. Pendant la guerre de 4870, Manteuffel, en mar-
che sur Amiens, fit investir la place le 46 nov. ; elle
capitula le 26, après trente-six heures de bombardement.
Parmi les monuments de La Fère, il n'y a guère que
l'église dédiée à saint Montain, édifice du xve siècle, pré-
cédé d'une vilaine façade moderne de style gothique. A
l'intérieur on remarque le monument de Marie de Luxem-
bourg, morte en 4546. L'arsenal a été construit en 1666 ;
les bâtiments de l'Ecole d'artillerie, ainsi que les casernes,
sont du commencement du xvme siècle.
FÈRE-Champenoise {Fara Gam.paniensis). Ch.-l. de
cant. du dép. de la Marne, arr. d'Epernay ; 2,424 hab.
Stat. du ch, de fer de l'Est, ligne d'Epernay à Romilly.
Bonneterie ; fabriques de toiles communes pour sacs, tuyaux
et sacs à incendie ; commerce de grains, de bestiaux et de
vins de Champagne. Cette petite ville, agréablement située
sur la Vaure ou Pleurre, est mentionnée dès le xne siècle.
Ce fut à l'origine un fief dépendant de la maison d'Anglure.
Le 9 mai 4756, Fère-Champenoise fut presque entièrement
ruinée par un terrible incendie qui consuma plus de trois
cents maisons et les deux églises. La seule qui subsiste
aujourd'hui, réparée à la suite du désastre dans un style
bâtard, n'offre d'intéressant que le chœur et la tour, qui
datent du xme siècle et furent épargnés par les flammes.
Autour de la ville se voient les traces des fossés qui la for-
tifiaient jadis contre les invasions du dehors. Le 25 mars
4814, les trois armées réunies de Russie, d'Autriche et de
Prusse attaquèrent près de Fère les troupes françaises,
commandées par les généraux Marmont et Mortier. Celles-
ci, après une héroïque résistance, où s'illustrèrent les jeunes
conscrits et les gardes nationales des divisions Pacthod et
Amey, durent battre en retraite, laissant ouverte devant
l'ennemi la route de Paris. A. T.R.
Bibl. . Ad. Guérard, Statistique historique du dépar-
tement de la Marne ; Châlons, 1862, in-8. — Henry Hous-
saye, 181k ; Paris, 1888, in-8.
FÈRE-en-Tardenois. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Aisne,
arr. de Château-Thierry, sur l'Ourcq; 2,265 hab. Bonne-
terie, filatures de laine, fonderie de fer, mégisserie, fa-
brique de sabots. Ruines d'un château féodal du xme siècle
(mon. hist.) flanqué de huit tours. Une galerie à colonnes,
ornée de sculptures, a été élevée au xvie siècle sur l'em-
placement de l'ancien pont-levis.
FÉRÉ (Gharles-Octave), littérateur français, né à Tours
le 44 oct. 4845, mort à Paris le 24 avr. 4875. Rédacteur
de divers journaux ministériels à Rouen et à Dieppe (4839-
4849), il a écrit un grand nombre de romans d'aventures
parmi lesquels il suffira de rappeler les Mystères de Rouen
(4845, 2 vol. in-8) ; les Chevaliers errants (4854, in-4)
avec Déaddé Saint- Yves; la Chanteuse de marbre (4857 ',
in-8), avec le même ; les Mystères du Louvre (4856, 6 vol.
in-8); la Cour des Miracles sous Charles VI (1860);
les Invisibles (4864, in-4); Jean VEcorcheur (4860,
in-4) ; les Quatre Femmes d'un pacha (1864, 5 vol.
in-8), etc., puis des récits plus spécialement empruntés à
l'histoire : Légendes et traditions de la Normandie
(Rouen, 4845, in-8) ; les Maçons de Saint-Ouen, chro-
niques normandes (Rouen, 4860, in-8) ; Garibaldi, aven-
tures, expéditions, voyages (4860, in-4), etc., etc.
FERE (Charles-Samson), médecin français, né à Auffray
(Seine-Inférieure) le 43 juin 4852. Il a fait ses études
médicales à Paris. Interne des hôpitaux (4877), docteur
en médecine (4882), il a été nommé médecin de Bicêtre
en nov. 4884. Il est l'auteur d'une thèse sur V Etude des
troubles fonctionnels de la vision (4882) et de plu-
sieurs ouvrages parmi lesquels nous citerons : le Magné-
tisme animal (4888), en collaboration avec M. Binet;
Dégénérescence et criminalité, essai physiologique
(1889); 'ta Distribution de la force musculaire dans
la main et dans le pied étudiée au moyen d'un nou-
veau dynamomètre analytique (4889); Du Traitement
des aliénés dans les familles (4889); les Epilepsies et
les Epileptiques (1890). Dr A. Dureau.
FÈREBRIANGES {Fara Breisangie) . Corn, du dép. de
la Marne, arr. d'Epernay, cant. de Montmort ; 305 hab.
L'eghsef gothique, qui domine le village, est surmontée
d une élégante flèche qu'on aperçoit de fortloin. On remarque
à l'intérieur quelques chapiteaux sculptés et des restes de
vitraux du xme siècle. D'importants gisements paléolithiques,
une nécropole mérovingienne ont été explorés par le baron
de Baye sur le territoire de Fèrebrianges, dont le nom pa-
raît remonter à l'époque franque. A. T.-R.
FÉRÉE (La). Corn, du dép. des Ardennes, arr. de
Rocroi, cant. de Rumigny; 635 hab.
FÉREL. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de Vannes,
cant. de La Roche-Bernard ; 2,023 hab. L'église a con-
servé de très beaux vitraux et des peintures du xvie siècle.
FERENCZY (Etienne), sculpteur hongrois, né à Ryma-
Szombath en 4792, mort à Pesth en 4856.11 commença par
êtresimple serrurier, puis il étudia la sculpture à l'Aca-
démie de Vienne et ensuite à Rome, où il fut élève de
Thorwaldsen. En 4824, il revint dans son pays et exécuta
un grand nombre d'œuvres remarquables, notamment : les
bustes des poètes Csokonay, Kôlcseï et Kazynczy, une
statue de Saint Etienne pour l'église de Gran.le tombeau
du comte Forray, etc. ' L. L.
FERENCZY (Jacques), écrivain hongrois, né à Pern,
comitat de Gyôr, en 4844. Il entra dans l'ordre des béné-
dictins et enseigna la langue et la littérature magyare à
Ponony (Pressbourg) de 4850 à 4856 ; il fut ensuite pro-
fesseur au gymnase de Gyôr et directeur du gymnase d'Esz-
tergorm (Gran). Il a publié : Biographie des écrivains
hongrois (Pesth, 1856) ; Histoire de la littérature hon-
groise, Contribution à l'histoire de la littérature hon-
groise, etc. l# l#
FERENCZY (Thérèse), poétesse hongroise, née en 4830
àSzecsény, morte en 4853. Douée d'une imagination plus
que mélancolique qui lui a fait donner le surnom de Cas-
sandre, elle composa des chants lyriques remarquables,
mais qui semblent un appel à la mort. Un amour malheu-
reux la conduisit, toute jeune, au suicide.
FÉRENIAÏ, Prov. de Madagascar, sur la côte S.-O.,
entre le pays des Sakalaves au N. et celui des Mahafalis
au S. Elle confine àl'E. aux pays hovas, Ses habitants, les
Andraivoulas, congénères des Sakalaves, ont su la sous-
traire à la domination des Hovas. Le port principal est
Tolia, à 30 kil. N. de la baie de Saint- Augustin. Le Féré-
niaï est riche en gommes, cire et soie. Le commerce avec
les Européens y est assez actif.
FERENTAIRE. Soldat de pied romain qui faisait partie
des troupes légères et lançait le javelot court avec la main
droite, le bras et le côté gauche protégés par le bouclier.
Mais parfois les férentaires dédaignaient l'emploi du bou-
clier. C'étaient les férentaires qui, placés sur les ailes de
l'armée, commençaient le combat. Il y avait aussi des féren-
taires à cheval {équités ferentarii) qui lançaient de même
leurs javelines ou traits au début de la bataille et dans la
poursuite. Dans la légion telle que la décrit Tite Live, il y
avait 300 férentaires de dix-sept à vingt ans et 300 fron-
deurs de vingt à vingt-cinq ans, chacune de ces classes
comprenant 40 sections de 30 hommes. Parfois, les féren-
— 274 -
FERENTAIRE - FERCHANAH
taires combattaient comme frondeurs, servant les 30 ma-
chines de tir et de jet de la légion.
FERENT1NÂ. Déesse des Latins ; c'est dans le bois sacré
et auprès de la source qui lui étaient consacrés que se
réunissaient les assemblées de la confédération latine. On
place ce lieu dans les monts Albains.
FERENTiNO. Bourg d'Italie, prov. de Rome, à 9 kil.
N.-O. de Frosinone, dominant la vallée du Savio, affl. de
droite du Garigliano; popul., 40,042 hab. ; agglomérée,
7,679.
FERENTINUM ou FERENT1UM. I. Géographie.—
Ville d'Etrurie, au N. de la forêt Ciminienne, à 8 kil. de
Viterbe et autant du Tibre, colonisée par les Romains, mais
gardant la qualité de municipe ; ce fut là que naquit l'empe-
reur Othon. On y signale un temple de la Fortune (déesse
étrusque Nortia ?) . Elle prospéra sous l'Empire. Devenue
cité épiscopale, elle fut détruite par Viterbe, et son évêché
disparut au xne siècle. L'emplacement garde le nom de
Ferento ; il est inhabité. On y voit les ruines de l'enceinte,
d'un théâtre, etc.
II. Histoire. — Ferentinum était une ville des Herniques,
possédée quelque temps par les Volsques qui la perdirent
après leur défaite de 443 av. J.-C. Elle fut prise d'assaut
par les Romains en 364 ; depuis, elle leur fut fidèle, ce
qui lui valut l'offre du droit de cité romaine que ses habi-
tants déclinèrent. Les ruines qui subsistent sont curieuses :
une enceinte cyclopéenne en blocs polygonaux et irrégu-
liers, surmontée par endroits de maçonnerie romaine ; au
sommet de la colline, une citadelle sur laquelle s'élève la
cathédrale.
FERENTUM. Ville de l'Italie ancienne (Apulie), située
au S.-E. de Venusia. En 349 av. J.-C, elle se joignit aux
Samnites pour combattre Rome, mais tomba aux mains du
consul Cerretanus. En 448, les Romains la colonisèrent.
C'est aujourd'hui Forenza.
FERÊNTZ (Movila Lui). Colline près de Jassy. Une croix
de pierre la surmonte. C'est là qu'en 4717 Michel Racovi-
lia, prince de Moldavie, détruisit, avec l'aide des Tatares,
un corps d'armée autrichien qui avait envahi le pays sous
le commandement d'un certain Ferentz. Les morts furent
enterrés sous la colline qui garde le nom du capitaine.
FÉRÉOL (Louis Second, dit), acteur et chanteur fran-
çais, né vers 4790, mort à Orléans en déc, 4870. D'abord
élève de l'école de Saint-Cyr, il renonça à la carrière mili-
taire pour s'adonner au théâtre, et il arrivait sans doute
de province lorsqu'il vint débuter à TOpéra-Comique, dans
le Secret et Zémire et Azor, le 9 juin 4848. Ses com-
mencements furent très modestes dans l'emploi des trials,
qu'il devait rendre fameux, grâce à ses qualités scéniques.
Aussi, dans un espace de près de vingt ans, lui confia-t-on
la création d'un grand nombre de rôles dont deux surtout
lui firent particulièrement honneur, ceux.de Dickson dans
la Dame Blanche et de Cantarelli dans le Pré aux Clercs.
En 4838, il entra à la Renaissance, qui se fondait sous
la direction d'Anténor Joly. Il s'y montra dans quelques
opéras, tels que Lady Melvil et l'Eau mer veilleuse, et
créa le rôle de don Guritan dans le Ruy Blas de Victor
Hugo. Quand ce théâtre ferma, Féréol dit adieu à la scène
et se^ retira à Orléans, qu'il ne quitta plus. A. P.
FÉRÉOL (Louis-Henri-Félix Second, dit), médecin fran-
çais, né à Paris le 42 févr. 4825, mort à Paris le 5 déc.
4891. Fils du précédent, allié aux Boutet de Monvel
et à toute une pléiade de grands artistes, il était destiné
au barreau et fut reçu avocat en 4847; il se fit inscrire
à Orléans où résidait sa famille. Mais les idées de liberté
n'avaient point laissé Féréol indifférent ; républicain con-
vaincu et honnête, il prit une part active et militante
aux événements de 4854, fut arrêté et mis en demeure
de quitter la ville. A l'instigation de ses proches, plu-
sieurs étaient médecins, il se mit à étudier la médecine,
et nous le trouvons interne des hôpitaux au concours de
4854, docteur en médecine en 4859, médecin du bureau
central en 4865. Nommé membre de l'Académie de méde-
cine en 1883, il en était devenu le secrétaire annuel en
4889, et la mort est venue le frapper alors qu'il remplis-
sait, avec le zèle et l'intelligence qu'il apportait en toutes
choses, les délicates fonctions qu'il tenait de la sympathie
de ses collègues. On lui doit quelques mémoires ori-
ginaux intéressants : De la Perforation de la paroi
abdominale antérieure dans les péritonites (4859);
Observations et réflexions sur un cas de coloration
bronzée de la peau (premier cas de la maladie d'Addison
observé en France) (4856); Observations de chromidrose
ou chromicrinie (4885); plusieurs notes et rapports à
l' Académie de médecine, des notices intéressantes sur Noël
Guéneau de Mussy et Bernutz insérés dans le Bulletin de
cette Académie. Dr A. Dureacj.
FÉRET (Techn.) (V. Verrerie).
FÉRET (Pierre), écrivain ecclésiastique français, né à
Mesnil-Verclives (Eure) en 4830. 11 entra dans les ordres,
fut reçu docteur en théologie en 1866 et, après avoir occupé
diverses situations, entre autres celles d'aumônier du lycée
Henri IV et du lycée Saint-Louis, devint curé de Saint-
Maurice (Seine). Il a écrit: le Christ devant la critique
au 11e siècle (Paris, 4865, in-8) ; la Divinité de Jésus-
Christ attaquée par Celse et défendue par Origène
(1866, in-8) ; Dieu et VEsprit humain (1870, in-18) ;
le Droit divin et la théologie (1874, in-8) ; Henri IV
et VEglise (1875, in-8) ; le Cardinal Du Perron (1877,
in-8); Un Curé de Charenton au xvne siècle (1881,
in-8); V Abbaye de Sainte-Geneviève et la congré-
gation de France (1883, 2 vol. in-8) ; le Pouvoir civil
devant l'enseignement catholique (1888, in-12), etc.
FERFÂY. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Bé-
thune, cant. de Norrent-Fontes ; 1,074 hab. Vestiges d'une
ancienne chapelle romaine. Château du xvn6 siècle. Cha-
pelle funéraire de style grec.
F ERG (Franz-Paul), paysagiste allemand, né à Vienne
en 1689, mort à Londres en 1740. Fils d'un artiste obscur,
il étudia à Bamberg et ailleurs, et acquit de la renommée
par ses petits paysages avec figures. Il travailla à Dresde,
à Brunswick et se rendit à Londres en 1718, où il eut du
succès ; mais son indolence et un mauvais mariage le con-
duisirent à la misère. Plusieurs de ses tableaux ont été
gravés. Il fit lui-même une suite de huit eaux-fortes inti-
tulée Capricci. . G. P-i.
FERGAN1 ou FERGHAN1 (A1-) et plus communément
Alfragan, de son vrai nom : Ahmed Mohammed irn Kothaïr,
astronome arabe, surnommé aussi Al-Hacib (le calculateur) ,
qui vivait dans le Ferghanah (aujourd'hui province du Tur-
kestan russe) à la fin du vme et au commencement du
ixe siècle. On ne sait rien de précis sur sa naissance, ni sur
sa mort qui semble se placer vers 830. Il est l'auteur d'un
abrégé assez superficiel d'astronomie, qui a eu plusieurs tra-
ductions latines et de nombreuses éditions : Brevis Com-
pilatio continens rudimenta astronomica, etc., trad.
de J. Hispalensis (Ferrare, 4493, in-4, rare; Nuremberg,
4537, in-4; Londres, 4652, in-4); Chronologica et as-
tronomica elementa, trad. de J. Christmann (Francfort,
4590, in-8, et 4648, in-8); Elementa astronomica, avec
le texte arabe et des notes de J. Golius (Amsterdam, 4669,
in-4, rare), etc. Cet ouvrage, dont Delambre a donné une
analyse, est divisé en trente chapitres. Il reproduit sans
modifications importantes les idées et les données de YAl-
mageste et offre un tableau du monde divisé en sept cli-
mats. On doit encore à Al-Fergani des petits traités sur
l'astrolabe, sur le rakhama (horloge solaire en marbre)
et sur l'obliquité de l'écliptique ; mais ce dernier ne nous
est pas parvenu. Il aurait enfin participé à la revision des
tables de Ptolémée ordonnée par le savant khalife Al-Ma-
moun au début de son règne. L. S.
Bibl. : M. Casiri, Bibliotheca arabico-hispano escuria-
lensis; Madrid, 1760, t. I, p. 409, in-4.— J.-B.-J. De-
lambre, Histoire de l'astronomie du moyen acte: Paris,
1819, pp. 63 et 71, in-4. J '
FERGHANAH. Province du gouvernement général du
Turkestan russe; sup., 73,000 kil. q.; pop., 729,690 hab.,
FERGHANAH
— 272 —
soit 10 hab. par kil. q. C'est la province la plus riche
du pays en terres arables qui occupent 8,96 °/0 de la su-
perficie totale, les terres à pâture en prenant 44,78 °/0
et les terres incultes 46,26 °/0; cette proportion se mo-
difie d'année en année en faveur des terrains cultivés. Le
Ferghanah forme une dépression, sorte de crique géolo-
gique, entourée au N., au S. et à l'E., de chaînes de mon-
tagnes qui appartiennent au système du Thian-Chân et du
Pamir. Au N., la chaîne du Tchatkal le sépare du bassin du
même nom; à l'E., la chaîne bordière du Kachgar forme
limite naturelle, et, au S., le Ferghanah étend ses limites
par delà la chaîne de Kokân, celle de l'Alaï, le plateau de
l'Alaï et la chaîne du Trans-Alaï jusqu'au S. du grand
lac Kara-Koul, sur les Pamirs. La dépression commu-
nique avec les plaines aralo-caspiennes par la brèche de
Khodjent à Fait, de 257 m. Tandis qu'au centre delà
dépression l'élévation moyenne au-dessus du niveau de la
mer atteint 400 m., la contrée s'étage en terrasses
vers les lignes de faîte des chaînes entourantes, percées
d'entailles généralement fort élevées vers le S. et l'E. Les
principales passes de la chaîne de l'Alaï sont : le Kara-
Kazik (4,392 m.), le Dengiz-Baï (3,600 m.), le Djiptvk
(4,450 m.) et le Taldyk (3,600 m.). La passe du terek-
daran mène, à Fait, de 3,730 m., les caravanes du Fer-
ghanah en Kachgarie; elle est assez difficile et souvent
dangereuse à cause des avalanches . Des passes moins
hautes conduisent, au N., dans le bassin du Tchatkal et
au N.-E. dans celui du Naryn ou haut Syr-Daria. Le plateau
de l'Alaï atteint 2,990 m. d'alt. en moyenne et la chaîne
du Trans-Alaï s'épointe en pics de 6,000 à 6,700 m.
d'élévation (Gouroumdi et pic Kauffmann) (V. pour le
Trans-Alaï et la région du lac Kara-Koul, l'art. Pamir).
Le sol de la dépression est formé principalement d'al-
luvions anciennes (loess), d'alluvions modernes et de
sables, auxquels succèdent, vers la montagne, des terrasses
de loess, de conglomérat, de grès. rouges, de couches mar-
neuses, puis des calcaires et des quartzites qui s'adossent
dans l'Alaï à des roches primaires de schiste cristallin et
à des roches éruptives granitoïdes. Les sables mouvants,
formant des dunes ou barkhanes, qui cheminent avec une
vitesse moyenne annuelle de 14m 20, sont un des fléaux du
Ferghanah. Ces sables contiennent 70 °/0 de quartz. Les
oasis de Patar et d'Anderkhan sont surtout exposés à l'en-
vahissement par les dunes poussées en avant sous Faction
unilatérale des vents dont on essaye de paralyser les effets
désastreux par l'établisement de cultures analogues à celles
des landes de Gascogne. Le Ferghanah est parcouru dans
le sens du grand diamètre de son ellipse par le Syr-Daria
qui prend ce nom à la réunion, au S. de Namangane, de
ses deux branches maîtresses : le Naryn et le Kara-Daria.
Un grand nombre de ruisseaux et de rivières lui sont en-
voyés des chaînes bordières, notamment de celle de l'Alaï,
sans que la plupart d'entre eux atteignent le fleuve. Pres-
que tous sont absorbés par les besoins de l'irrigation. Parmi
les rivières venant du S. et qui alimentent les campagnes
de Kokân, Richtan, Marghelan, Wadil, Och, etc., les
principales sont : le Sokh, le Chahimardan, FIsfaïram,
l'Aravan, le Kitchi-AIaï, le Sourch-âb destiné à l'Amou-
Daria. Le Bach-Alaï donne naissance à un autre Kizil-Sou,
se dirigeant, vers l'E., sur le Tarim. Le climat du Fergha-
nah est continental, c.-à-d. extrême. Le maximum peut
attendre + 40° C. en été, et le minimum descendre à —
26° en hiver. Des différences notables existent entre Ko-
kân par exemple et Och, et les chiffres extrêmes, tels que
ceux qu'on constate à Iakoutsk, en Sibérie, s'accusent sur
les hautes altitudes des Pamirs, où le thermomètre peut
monter jusqu'à 70° C. au soleil, en été, et descendre au-
dessous du point de congélation du mercure en hiver. En
été, la dépression du Ferghanah est parfois assaillie par un
vent chaud, appelé garm-sal ou garm-sir, qui souffle de
FO. par la porte de Khodjent et dessèche les cultures.
Au xive siècle, le Ferghanah faisait partie du royaume de
Tamerlan, dont le descendant le plus célèbre, Baber, né à
Andidjan, régna sur la contrée et en fut dép,; jsédé au com-
mencement du xvie siècle. Au xvme siècle, la contrée
s'est trouvée plus ou moins tributaire des Chinois jusqu'à
ce que, vers 1835, Mad-Ali, devenu puissant, eût affaire
à Nasr-Oullah, émir de Bokara, dont les intrigues pro-
voquèrent une série de révolutions intestines. En 1871,
Khoudaïar, khân de Kokân pour la troisième fois, se
montra trop ami des Russes, au juger des Kiptchaks et
des Kirghizes, qui invitèrent son fils Nasr-Eddin à pro-
clamer la guerre sainte et à détrôner son père. La révolu-
tion éclata le 25 juil. 1875. Khoudaïar se réfugia sur le
territoire russe ; son fils fut proclamé khân et la guerre
déclarée. Au commencement de 1876, la province de Kokân
fut incorporée au Turkestan russe sous le nom de Fer-
ghanah, et le général Skobelev, à la suite d'une campagne
contre les Kirghizes récalcitrants de l'Alaï, élargit la fron-
tière jusqu'à ses limites actuelles sur les Pamirs. Le Fer-
ghanah est divisé adminislrativement en 6 districts : Kokân
(y compris l'ancien district d'Isfaïram) , Marghelan, Andidjan,
Och, Namangan et Tchoust, le premier avec 179,720 hab. ;
le moins peuplé, celui d'Och, avec 48,135 hab.
Villes principales : Marghelan, capitale de la province,
siège du gouverneur et centre administratif, à 335 kil.
de Tachkent ; 40,000 hab. L'ancienne capitale Kokân fut
délaissée pour des raisons d'hygiène et de salubrité. La
ville russe de Novy-Marghelan, à une certaine distance de
la ville indigène, s'est embellie beaucoup pendant les der-
nières années par la construction de quelques palais et la
belle avenue des Parcs où les arbres sont répandus à pro-
fusion. Kokân, environ 60,000 hab., ancien palais du
khân, bazar très animé et commerçant. La population indi-
gène est atteinte, en forte proportion, du goitre. Naman-
gan, environ 50,000 hab., dans une contrée très fertile,
ainsi que Andidjan, environ 25,000 hab., renommé pour
la qualité de ses fruits. Och, petite ville de 20,000 hab.,
dans l'angle oriental du Ferghanah, sur la route des cara-
vanes de Kachgarie, se dirigeant sur Goultcha, fortin au pied
du Terek-Daran, etlrkechtam, le dernier poste avancé mili-
taire vers Kachgar. Tchoust, petit chef-lieu de district au
pied du Tchatkal-taou, JIM/, Richtan, Assaké, Naoukat,
Charikan, etc., centres de population indigène. Près
d'Och, le Takht-i-Souleïman ou « trône de Salomon »
est un lieu de pèlerinage très fréquenté ainsi que Chahi-
mardan, en amont de Wadil, dans un site délicieux, où la
tradition place le tombeau d'Ali.
Le Ferghanah est riche en produits naturels de toutes
sortes. Les montagnes recèlent des minerais de fer, de la
galène argentifère, de la houille et de la lignite, de la tur-
quoise dans les monts Kara-Mazar, de l'améthyste, du
soufre. La partie N.-E. semble être assez riche en sources
de pétrole dont cependant on n'a pas encore tiré le profit
probable. Les cultures comprennent, par ordre d'impor-
tance : le sorgho, le riz, le blé d'hiver et d'été, le millet,
Forge, le sésame, le lin, le tabac, etc. Le mûrier est très
répandu et la soie constitue un important article de com-
merce. La culture du cotonnier, surtout des variétés
américaines, s'adaptant bien au climat, tend à prendre une
extension de jour en jour plus grande. La vigne est repré-
sentée par environ vingt variétés, et les produits des ver-
gers sont très appréciés. Le commerce d'exportation du
Ferghanah dépasse 22 millions de fr., et celui d'importa-
tion atteint 20 millions. Quelques fabriques européennes :
distilleries, tanneries, usines pour l'industrie cotonnière,
se sont établies dans ces dernières années, à Kokân surtout,
mais le manque de voies ferrées se fait encore trop sentir
pour donner à l'industrie et au commerce tout l'essor dont
il est susceptible. Les principales villes sont reliées par
des lignes postales et télégraphiques. Le transport des
marchandises se fait surtout par araha (voiture indigène)
ou à dos de chameau ou de cheval. Ethnographiquement,
le Ferghanah est occupé, en dehors des Russes, par des
tribus de race arienne, d'autres, de race turco-mongole.
Les premières comprennent, par ordre d'importance :* les
273 —
FERGHANAH — FERGUSONITE
Sartes, les Tadjiks, les Hindous. Les autres : les Kirghizes,
lesKiptchaks,les Ouzbegs, les Kara-Kalpaks, les Dounganes
et les Mandchoux. Quelques familles juives sont établies
dans les villes principales. Les Kirghizes noirs, Karakirghizes
ou Bouroutes, nomadisent surtout dans les montagnes du
Tchatkal, sur l'Alaï et les Pamirs. G. Capus.
Birl. : Fedchenko, Voyage dans le khanat de Kokân
(en russe), 1878.— Venioukov, jRwssisch asiat. Grenzlânder
(en allem.)1, Leipzig, 1874.— Vambery, History ofBokhara;
Londres. — Geiger, Pamir Gebiete, dans Schrenk. Wis-
sensch. abhandl.; Vienne, 1878. — V. en outre un grand
nombre d'articles de Fedchenko, Kuhn, Middendorf, Iva-
nov, Mouchketov, etc., dans Russ. Revue, 1876, 1877, etc.
FER 60 LA (Niccolo), géomètre italien, né à Naples le
29 oct. 4752, mort à Naples le 21 juin 1824. Il fut pro-
fesseur de mathématiques à l'université de Naples et
membre de l'Académie des sciences de cette ville. Outre
une vingtaine de mémoires parus de 1787 à 1819 dans les
Atti de l'Académie et de la Societa Borbonica, il a écrit :
Solutiones novorum problematum (Naples, 1779,
in-4); Le Sezioni coniche (Naples, 1791, in-8); Prèle-
zioni a principii matematici del Newton (Naples, 1792-
1793,2 vol. in-8); VArte euristica (Naples, 1811);
Trattato analitico dei luoghi geometrici (Naples,
1818). L. S.
FERGOLA (Emanuele), mathématicien et astronome ita-
lien, né à Naples en 1830. Il est professeur à l'université
de Naples, astronome à l'observatoire de Capodimonte et
membre de nombreuses académies et sociétés savantes. Il
a écrit sur les courbes enveloppantes, le développement des
fonctions, la résolution des équations" trinômes de degré
quelconque, les fonctions elliptiques, les éléments de
diverses planètes et comètes, etc., une quarantaine de
mémoires très intéressants parus à partir de 1850 dans
les recueils suivants : Astronomische Nachrichten ; Me-
morie délia Societa italiana; Atti, Memorie et Rendi-
conti de l'Académie de Naples; Annali de Tortolini. L. S.
Bibl. : V. la liste des mémoires de Fergola antérieurs
à 1874 dans le Catalogue of scientific papers de la Société
royale; Londres, 1868, 1877 et 1891, t. II, VII et IX, in-4.
FERGUSON (James), astronome anglais, né à Keith,
comté de BanfF (Ecosse) le 25 avr. 1710, mort à Londres
le 16 nov. 1776. Jusqu'à quatorze ans, il garda les mou-
tons. Mais son maître, frappé de ses précoces dispositions
pour les arts mécaniques et l'astronomie, l'aida à apprendre
le dessin et à étudier les éléments des sciences. Durant dix
années (1734-43), Ferguson gagna sa vie en faisant à
Edimbourg et dans les environs des portraits-miniatures
au lavis. Puis il se rendit à Londres, y donna des leçons
de physique, publia en 1763 des tables astronomiques et
fut reçu la même année membre de la Société royale. Ses
écrits, remarquables par leur clarté, ont eu un très grand
succès ; mais ils dénotent une connaissance insuffisante des
mathématiques. Ils comprennent plusieurs mémoires insérés
dans les Philosophical Transactions (1746 à 1773) et
une dizaine d'ouvrages parus à part : Astronomy explai-
ned on sir Isaac New torts principles (Londres, 1756;
dern. édit., Edimbourg, 1841, 2 vol. in-8); Analysis
of lectures on méchantes, pneumatics, hydrostatics,
spherics and astronomy (Londres, 1763; dern. édit.,
Edimbourg, 1805, 2 vol. in-8); The Yoimg Gentleman" s
and lady's Astronomy (Londres, 1768); Introduction
to electricity (Londres, 1770) , etc. L. S.
Bibl. : Ebenezer Henderson, Life of James Ferguson;
Londres, 1867; 2* édit., 1870.
FERGUSON (Adam), philosophe et écrivain écossais, né
à Logierait (Perthshire) le 20 juin 1724, mort à Saint-
Andrews le 22 févr. 1816. Fils d'un pasteur, il entra dans
les ordres et fut nommé aumônier d'un régiment écossais,
poste qu'il quitta pour entrer à l'université d'Edimbourg,
d'abord comme bibliothécaire, puis professeur d'histoire na-
turelle et de philosophie. En 1767, il publia Essay on ihe
History of Civil Society , plusieurs fois réédité, traduit en
français par Bergier et Meunier, et en quelques autres lan-
gues. En 1778," il fut nommé secrétaire de la commission
envoyée en Amérique pour effectuer une réconciliation avec la
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
mère patrie. L'année suivante, il reprit ses cours et publia
History ofthe Progress and lermination of ihe Roman
Republic (1783, 3 vol. in-4). Cette histoire, la plus impor-
tante de ses œuvres, n'est pas un simple récit des événements
de Rome, mais une sorte de commentaire destiné à mettre
en lumière la politique intérieure et extérieure de la Répu-
blique romaine, son système militaire et ses diverses con-
ditions sociales. Elle a été traduite en français par Demeu-
nier et Gibelin (1784, 7 vol. in-8) et par Rreton (1803,
10 vol. in-18). C'est en quelque sorte une introduction à
ÏHistoire de la décadence et de la chute de V Empire
romain de Gibbon. Ses autres ouvrages sont Principles
of Moral and Political Science, exposé des principes sur
lesquels repose la société civile (1792, 2 vol. in-4, égale-
ment traduit en français), si Remarks on a Pamphlet of
Dr. Price. ^ Hector France.
FERGUSON (Elizabeih Grjime), femme de lettres amé-
ricaine, née à Philadelphie en 1739, morte en 1801. Son
père, le Dr Thomas Grseme, était d'origine écossaise. Elle
épousa un autre Ecossais, Hugh-Henry Ferguson, dont elle
se sépara en 1775, parce qu'il refusait d'embrasser la cause
de l'indépendance. On a d'elle des poésies et des lettres qui
ne manquent pas de mérite. Une traduction de Télémaque
en vers héroïques anglais est restée inédite. Le manuscrit
en est conservé à la bibliothèque Franklin, à Philadelphie.
FERGUSON ou FERGUSSON (Robert), poète écos-
sais, né à Edimbourg le 5 sept. 1750, mort le 16 oct. 1774.
D'après les Elégies qu'il laissa , parues d'abord dans le
Weekly Magazine, les unes en anglais, les autres en écos-
sais, et écrites en un style rude et grossier, on s'explique
difficilement sa réputation de poète e't l'admiration que pro-
fessait pour lui Robert Rurns qui le regardait comme son
maître. Il est probable que sa fin prématurée dans un hos-
pice de fous à la suite d'excès de tous genres, et sa Vie,
écrite par Irving en 1799 et réimprimée en 1805, furent
pour beaucoup dans cette réputation. Ses œuvres ont été
publiées à Edimbourg l'année de sa mort, et republiées à
Glasgow en 1813. Hector France.
FERGUSON (Robert), médecin anglais, né dans les
Indes le 15 nov. 1799, mort à Winkfield, près de Wind-
sor, le 25 juin 1865. Il étudia à Heidelberg et à Edim-
bourg ; médecin de plusieurs grandes familles anglaises,
ami de Walter Scott, de Washington Irving, du poète
Wordsworth, etc., il fonda en 1828 le London med.
Gazette, puis devint professeur d'accouchements au King's
Collège et médecin accoucheur à l'hôpital du Collège, ainsi
qu'au General Lying-in Hospital. Plus tard, il fut
nommé accoucheur de la reine avec le titre de médecin
extraordinaire. Son ouvrage le plus important a pour
titre : Essay s on the most import, diseases of women,
part. 1, Puerpéral Fever (Londres, 1839, in-8).
FERGUSON (Sir Samuel), antiquaire et poète irlandais,
né à Belfast en 1810, mort en 1886. Après de savantes
études sur les antiquités celtiques et un livre, The Crom-
lech on Howth, enrichi de notes sur l'art ornemental des
Celtes, il fut nommé président de l'Académie royale de
peinture de Dublin où il contribua à la formation du magni-
fique musée des antiquités artistiques de l'île. Outre de
remarquables articles parus dans le Dublin University
Magazine, il écrivit des poèmes fort appréciés par ses
compatriotes, autant à cause de leur patriotisme que de
leur rythme mélodieux : Lays of the western Gael,
Congal, Leabhar Breac, The Forging of the Anchor,
Shakespearian Breviates, etc. Hector France.
FERGUSONITE (Miner.). La fergusonite est un nio-
botantalate d'yttria, erbine, cérium, urane, etc., de com-
position très complexe. Quadratique avec hemiédrie pyra-
midale. Les cristaux sont rares; ce minéral se présente
d'ordinaire en masses fragiles d'un brun noir, possédant un
éclat vitreux et en même temps métalloïde. Dureté, 5,5 à 6.
Densité, 5,83. Infusible au chalumeau, décomposée par
l'acide sulfurique. La fergusonite est un minéral des peg-
matites du Grœnland, de Scandinavie et de quelques gise-
18
FERGUSONITE — FÉRÎD
- 274 —
ments du Texas et de la Caroline du Nord. La tyrite et
la br agite en sont des variétés provenant des environs
d'Arendal (Norvège). A. Lacroix.
FERGUSSON (Robert) (V. Ferguson).
FERGUSSON (Sir James), général anglais, né le 17 mars
4787, mort à Bath le 4 sept 1865. Entré dans l'armée
en 1801, il servit au Portugal en 1808 sous Wellesley
avec le grade de capitaine. Il combattit à Roliça et à Vi-
meiro où il fut blessé. En 1809, il fit partie de l'expédi-
tion de Walcheren, revint en Portugal en 1810, où il
demeura jusqu'à la fin de la guerre. Il participa à la fameuse
marche forcée de Talavera, à la bataille de Busaco, à la
poursuite de Masséna, au combat de Fuentes de Onoro, à
l'assaut de Badajoz où il reçut une seconde blessure, à l'as-
saut de Ciudad Rodrigo, où il fut encore blessé, à la bataille
de Salamanca, après laquelle il fut promu major. Enfin il
figura au passage de la Bidassoa, aux combats de la Nivelle
et de la Nive et à l'investissement de Bayonne. En 1816,
il entra au collège militaire de Farnham dont il suivit les
cours pendant trois années. Promu lieutenant-colonel en
1819, il servit en Angleterre, en Irlande, à la Nouvelle-
Ecosse, à Gibraltar, aux Indes, devint aide de camp de
Guillaume IV, fut nommé colonel en 1830, major général
en 1841, lieutenant général en 1851. On lui confia le poste
de général commandant à Malte en 1853. Il y rendit, de
grands services pendant la guerre de Crimée. Enfin il fut
gouverneur de Gibraltar de 1855 à 1859. Le grade de géné-
ral lui fut conféré le 2 fév. 1860.
FERGUSSON (Sir Charles Dalrymple), baronnet de Kil-
kerran, né à Fort-George en 1800, mort à Inveresk le
18 mars 1849. Avocat en 1822, il pratiqua au barreau
d'Ecosse pendant plusieurs années. Très intelligent et fort
généreux il répandit l'instruction et les meilleurs procédés
d'agriculture dans le comté d'Ayr. Il jouissait dans sa ré-
gion d'une influence considérable, mais ne consentit jamais
à prendre une part active à la politique. — Son fils, James,
gouverneur de la Nouvelle-Zélande et de Bombay, a été
sous-secrétaire d'Etat des affaires étrangères en 1886.
FERGUSSON (James), voyageur et archéologue écos-
sais, né à Ayr (Ecosse) le 22 janv. 1808, mort à Londres
le 9 janv. 1886. Il s'est fait un nom par ses nombreuses
publications sur l'architecture des anciens. Etant parti en
1829 dans l'Inde pour s'y livrer au commerce, il resta dix
ans dans ce pays, occupant ses loisirs à étudier et à dessiner
les monuments de l'ancienne civilisation hindoue. En 1845,
parut son premier grand ouvrage : Illustrations of the
rock-cut-temples of India ; puis vinrent successivement :
Picturesque Illustrations of ancient architecture in
Hindostan (1847) ; Essay on the ancient topography
of Jérusalem (1847) ; Essay on a new System of forti-
fication (1850), ouvrage dans lequel l'auteur s'efforce
de démontrer que les fortifications actuelles en pierre sont
incapables de résister aux efforts de l'artillerie : il préco-
nise les fortifications en terre des Indiens ; Handbook of
architecture (1855; 3e édit., 1875); Historical Re-
searches on the principles ofbeauty in art, especially
in architecture (1859) ; History of the modem styles
of architecture (1862) ; History of architecture in ail
countries (1865-67, 2 vol. in-8 ; 1875, 4 vol. in-8) ;
The Mausoleum of Halicarnassus restored (1862);
Tree and Serpent Worship or Illustration ofmythology
and art in India (1868, in-4; 2e édit., 1873); Rude
stone Monumeiîts in ail countries, their âge and uses
(i 872) ; History of hindoo and oriental architecture
(1876). James Fergusson écrivit aussi une remarquable
étude sur la restauration des palais de Ninive et de Perse-
polis (The Palaces ofNineiueh and Persepolis restored,
1851), restauration qu'il fit exécuter en partie au Palais
de Cristal à Sydenham ; puis des notices sur le British
Muséum et la National Galery ; il collabora à la Quarterly
Review et au Nineteenth Ceniurtj ; il fut chargé de sur-
veiller la décoration de la cathédrale Saint-Paul à Londres.
Il était membre de la Société royale de Londres ; en 1871,
il reçut la grande médaille décernée par l'Institut royal
des architectes. E. Babelon.
FERGUSSON (William), chirurgien écossais, né àPres-
ton Pans (East-Lothian) le 20 mars 1808, mort à Lon-
dres le 10 févr. 1877. Ses débuts à Edimbourg, comme
professeur d'anatomie et de chirurgie et comme chirurgien
d'hôpital, furent brillants. En 1840, il passa au King's
Collège Hospital de Londres et obtint la chaire de chirur-
gie au Collège ; plus tard, il devint chirurgien de la reine
et professeur d'anatomie et de chirurgie au Collège royal
de chirurgie (1863). Fergusson était un anatomîste hors
ligne et le plus brillant opérateur qu'ait possédé l'Angle-
terre. Son plus grand titre de gloire est d'avoir remis en
honneur les pratiques de la chirurgie conservatrice. Son
principal ouvrage est System ofpractical Surgery (Lon-
dres, 1842, in-12 ; 5e édit., ibid., 1870, in-8).
FERIA (Pedro Gonzalez de), prélat et linguiste espa-
gnol, né à Feria (Estrémadure) en 1524, mort à Oaxaca
(Mexique) en 4588. Entré en 1545 au couvent domini-
cain de San Estéban à Salamanque, il fut envoyé à Oaxaca
en 1551, devint prieur de Teticpac, puis du couvent de
Mexico. Il était définiteur à Yanhuitlan (1558), lorsqu'il
fut avec cinq autres religieux adjoint comme vicaire pro-
vincial à l'expédition de" Tristan de Arellano en Floride
(1559). Tous eurent à subir de rudes épreuves, et il y
contracta une infirmité pour le reste de sa vie. Il alla de-
mander à Mexico et fit envoyer des secours à ses compa-
gnons d'infortune, restés en Floride. Le 22 sept. 1565 il
fut élu pour trois ans provincial des dominicains de la pro-
vince de Santiago. Après quoi il fut renvoyé en Europe
comme procureur de l'ordre (1570) et reçut le titre de
vicaire général et visiteur des Indes, avec les modestes
fonctions de maître des novices à Salamanque. Il les échan-
gea bientôt (1575) contre celles d'évêque de Chiapas. Dans
ce diocèse, il eut à modérer le zèle des dominicains qui
refusaient l'absolution aux commendataires espagnols qui
percevaient les taxes légalement imposées aux Indiens. Il
se prononça cependant pour le maintien des prêtres régu-
liers et il adressa à ce sujet un mémoire au concile de
Mexico (1585) dont un grave accident le tint éloigné. On
lui doit en outre : Doctrina cristiana y confesonario ,
en espagnol et en zapotec (Mexico, 1557); copieux Voca-
bulario zapotec, et Mémorial de las cosas de Chiapas,
en 1579. Beauvois.
FERIA (Duchesse de) (V. Dormer [Jane]).
FER1Â (Duc de) (V. Figueroa).
FÉR1ANÂ. Bourg de la Tunisie, à 50 kil. N.-N.-O. de
Gafsa, près de la frontière algérienne ; 600 hab. La ville
est surtout remarquable par les ruines d'une grande ville
romaine, un peu au N.-E. , à l'endroit nommé par les Arabes
Medinet el Kedima ou la Vieille- Ville ; elles ont plus de
5 kil. de pourtour et on y reconnaît au milieu des vestiges
affreusement bouleversés les traces de plusieurs rues,
d'une forteresse, d'un théâtre, de thermes, etc. Suivant
Guérin, ce serait l'ancienne Thelepte, peut-être aussi la
Thala, où Jugurtha avait caché ses trésors. E. Cat. .
FERICH (Georges), poète dalmate,né à Raguse en 1739,
mort en 1820. Il fit partie de la Société de Jésus, fut pro-
fesseur et vicaire à Raguse. Il a publié un poème sur la
prise d'Otchakov et traduit en latin un grand nombre de
poésie illyriennes. On lui doit une dissertation, De Sla-
vicœ gentis antiquitatibus (1798) ; Descriptio locorum
oroe Ragusanœ, etc. Sa vie a été écrite par Kaznaëiô* dans
la Zora Dalmatinska (1845). L. L.
FÉRIGY. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Melun,ncant. du Châtelet; 492 hab.
FÉRÎD ed-Dïn Attâr, célèbre poète persan, né en 512
de l'hégire (1118 de J.-C.) à Kerken, village situé près
de Nichabour, dans le Khorasân, mort en 627 (1230).
Son père était épicier-droguiste (attâr), et il exerça lui-
même cette profession jusqu'au moment oh il quitta le
monde pour vivre dans la retraite. S'étant retiré dans le
monastère du derviche Rokn ed-Dîn Akkâb, l'un des plus
célèbres contemplatifs de cette époque, il consacra le reste
de sa vie aux exercices d'une piété exaltée. Il périt, âgé de
cent douze ans, lors des massacres commis par les hordes
mogholes de Gengis-Khân. On montre encore son tombeau
à Nichabour. Les principaux ouvrages du cheikh Férîd ed-
Dîn Attâr, outre un grand nombre de pièces de vers appe-
lées meçnévi, sont : le Pend-Nameh ou Livre des conseils,
YAsrâr-Nameh ou Livre des secrets, le Bulbul-Nameh
ou Livre du Rossignol, le Tezkeret el-Evliyâ ou Vie des
saints, enfin le Mantiq et-Teïr ou Logique de l'oiseau. Ce
sont des traités de morale, écrits dans le style mystique et
suivant les principes de la doctrine des Soûfis. La vie de
Férîd ed-Dîn Attâr, extraite de l'histoire des poètes de
Daulet-Châh, a été placée par S. de Sacy à la fin de sa
traduction an Pend-Nameh (Paris, 4819). Garcin de Tassy
a publié le texte du Mantiq et-Teïr (Paris, 1857) et la
traduction de ce poème (ibid., 1863). La traduction du
Pend-Nameh a été publiée en allemand par Nesselmann
(Kônigsberg, 1871). P. Ravaisse.
FERIDOUN. C'est le nom d'un des héros les plus popu-
laires de la fable persane. Sa légende s'est formée des
anciennes traditions ariennes, embellies et inventées pen-
dant l'époque des Sassanides. L'origine de la légende se
rencontre déjà dans le personnage de Tritauan des Védas,
puis dans le Traétaona du Zend-Avesta, l'un des héros
cités, sans que les fragments de la collection de Zoroastre
nous puissent fournir des renseignements bien exacts.
La figure de Feridoun telle que les Persans de nos jours
se le figurent, est celle d'un libérateur du joug étranger.
Il est le cinquième prince delà dynastie des Pischdadiens,
ou rois anciens, qui commence par le premier homme
Kayomors, et a pour prédécesseurs les rois Huscheng,
Tahmurosp et Djemsehid. Après le règne de ce monarque
pieux et béni d'Ormuzd arriva celui d'un usurpateur mé-
chant, sur l'épaule duquel il y eut deux serpents, et qui
représente l'invasion arabe. Pendant mille ans dura cet
état horrible. Après quelque temps Feridoun arriva, terrassa
le monstre et donna à la Perse sa liberté, régnant pendant
cinq cents ans. Firdousi célèbre ce règne heureux dans son
Livre des rois ou Chah-mameh, où toutes les légendes
se rapportant à ce règne sont représentées avec le charme
particulier à ce poète. J. Oppert.
FÉRIÉ. I. Antiquité (V. Faste et Fête).
IL Liturgie. — Anciennement, ce mot désignait les
dimanches et les fêtes. On en a restreint l'application aux
jours où on ne célèbre pas la mémoire d'un saint, de sorte
que, dans le langage moderne de la liturgie, la férié est
devenue le contraire de la fête (V. Commémoration et Fête).
La liturgie distingue plusieurs sortes de fériés. Parmi elles,
il s'en trouve qui sont supérieures aux fêtes propi ement dites
et qui les excluent : telles sont les fériés majeures, comme
le jour des Cendres et les trois derniers jours de la Semaine
sainte, les deux jours après Pâques et après la Pentecôte
et la deuxième férié des Rogations, qui a son office parti-
culier. Les fériés mineures n'excluent aucune fête, mais
on est obligé d'en faire mémoire : telles sont les fériés de
l'Avent, du Carême, des Quatre-Temps. Les fériés com-
munes ou simples sont celles qui se rencontrent dans les
autres jours de Tannée et qui admettent les fêtes, même
du dit simple, sans qu'on en fasse mémoire. E.-H. V.
Bibl. : Pascal, Origine et raison de la liturgie catholique.
FÉRIN. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant. de Douai;
769 hab.
FERINO (Pierre-Marie-Barthélemy, comte), général fran-
çais, né à Caravaggio, dans le Milanais, en 1747, mort à
Paris le 28 juin 1816. Entré au service en 1789, il fut
nommé général de division en 1793 et se signala par sa
bravoure à Lindau et à la défense du pont de Huningue.
Nommé sénateur en 1805, Férino reçut plus tard le titre
de comte. Louis XVIII le nomma membre de la Chambre
des pairs.
FER 10 (Log.). Terme qui désigne un mode de la pre-
mière figure du syllogisme (V. ce mot), dans lequel la
278 - FÉRÎD - FERMAGE
majeure est universelle négative (E), la mineure particulière
affirmative (I), et la conclusion particulière négative (0).
Ex. : Nul injuste n'est heureux; — quelque homme riche
est injuste; ■— donc quelque homme riche n'est pas heu-
reux. G. F.
FERISON (Log.). Terme qui désigne un mode de la
troisième figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure
est universelle négative (E), la mineure particulière affir-
mative (I), et la conclusion particulière négative (0). Ex.:
Nulle sottise n'est éloquente ; — il y a des sottises dans
des figures de rhétorique ; — donc il y a des figures de
rhétorique qui ne sont pas éloquentes. La lettre E indique
que, pour être prouvé, ce mode doit être ramené à un ferio
de la première figure ; la lettre S marque que cette opé-
ration doit se faire par la conversion simple de la mineure.
FERKANE. Localité du S.-O. de l'Algérie, prov. de Cons-
tantine, à 13 kil. N.-O. de Négrine, dans une gorge de
l'Aurès. La population, exclusivement indigène, est très mé-
langée. Les Nememcha sont l'élément dominant.
FERLAND (J.-B.-A.), historien canadien, né en 1805,
mort en 1864. Entré dans les ordres en 1828, il professa
l'histoire à « Laval University », Québec. On a de lui :
Notes on the first Register of Québec ; Journal of a
Voyage on the Coast of Labrador , et un cours d'His-
toire du Canada. B.-H. G.
FERLENDIS (Giuseppe), hautboïste italien, fils d'un
professeur de musique, né à Bergame en 1755, mort à
Lisbonne en 180u2. A vingt ans, il fut nommé premier haut-
bois à Salzbourg, et là, entreprit de remettre en honneur
le cor anglais, ou mieux l'ancien hautbois de chasse. Il le
perfectionna, le rendit moins dur de son, plus aisé pour
l'exécutant, en fit à peu de chose près le cor anglais actuel.
Il voyagea ensuite à Venise, à Brescia, à Londres, où il
eut de grands succès. Il a composé des quatuors, duos, con-
certos, etc., pour hautbois et pour cor anglais. A. E.
# FERLENDIS (Alessandro), fils du précédent, né à Ve-
nise en 1783. Il séjourna à Lisbonne avec son père, de
qui il était l'élève, et s'y maria avec une cantatrice,
MUe Barberi. Comme hautboïste, il s'est fait entendre à
Madrid, à Paris, en Italie, en Hollande. Il a beaucoup con-
tribué à répandre l'usage du cor anglais, sur lequel il avait
une réelle habileté d'exécution. On connaît de lui quelques
morceaux pour hautbois, pour cor anglais et pour flûte.
FERLIN (Pal-Roland), écrivain suédois, né à Norrtelje
le 31 oct 1795, mort à Stockholm le 15 janv. 1864.
Après avoir été comptable à Stockholm, en Norrbotten
et^ en OEstergœtland, il devint, en 1858, chef du pre-
mier bureau provincial à la Chambre des finances. On lui
doit deux ouvrages estimés : Manuel des fonctionnaires
et employés administratifs (1844; 2e éd., 1846); la
Ville de Stockholm aux points de vue juridique, admi-
nistratif, statistique et civil (1854-58; abrégé, 1859).
FERMAGE. I. Droit grec. — Les contrats de fermage
devaient être habituellement rédigés par écrit. Toutefois,
nous ne possédons jusqu'à présent que deux documents de
ce genre où les parties soient de simples particuliers : l'un
est un bail qui provient d'Athènes, l'autre est le bail à ferme
de Gambréion. Presque tous ont trait à des terres publiques
ou sacrées ; cela tient sans doute à ce que ceux-ci étaient
généralement gravés sur la pierre, c.-à-d. sur une matière
plus facile à conserver. — Pour que l'accord fût valable,
il suffisait de l'accord du preneur et du bailleur ; aucun
magistrat n'était appelé à leur prêter son concours. Les
personnes morales étaient représentées soit par leurs agents
ordinaires, soit par des commissaires spéciaux. Les témoins
ne sont jamais mentionnés. Lorsqu'il s'agissait d'un im-
meuble domanial, on affichait l'acte en un lieu apparent ;
les associations déposaient les leurs dans leurs archives ;
quant aux citoyens, ils les confiaient volontiers à la garde
d'un ami. La durée des baux était très variable. A Délos,
les biens d'Apollon se louaient régulièrement pour dix
ans. Le même terme apparaît dans les baux d'une phra-
trie athénienne et du dème du Pirée. Quand les Thébains
FERMAGE
— 276 —
eurent détruit la ville de Platées, ce fut aussi pour dix ans
qu'ils mirent son territoire en location. Une inscription
âttique fait allusion à l'affermage d'un bien de l'Etat pour
une période de vingt-cinq ans. On poussait même parfois
jusqu'à quarante. Enfin les baux emphytéotiques étaient très
fréquents dans tout le monde hellénique (V. Emphytéose).
Par contre, on a des exemples de baux excessivement
courts. Lysias parle d'un champ qui, dans l'espace de
cinq années, changea quatre fois de fermier.
En Grèce, comme chez nous, le locateur était tenu de
délivrer au preneur la chose louée, et de lui en assurer la
paisible jouissance. La première de ces règles ne figure
dans aucun texte, mais elle allait de soi. La seconde, au
contraire, est souvent reproduite. Les Aixonéens, par
exemple, s'interdisent d'affermer l'immeuble à autrui avant
quarante ans. Un tel « garantit à Eucrate et à ses descen-
dants le maintien du bail ; s'il le renvoie, il lui payera
mille drachmes d'indemnité». Le trouble pouvait être indé-
pendant de la volonté du bailleur et avoir pour cause la
malveillance d'un étranger. Le fermier était évidemment
intéressé tout le premier à repousser ces sortes d'entre-
prises, mais le propriétaire avait pour devoir de l'y aider.
Il était obligé, autant que le locataire, de veiller à ce que
les bornes ne fussent pas déplacées et à ce que les voisins
n'empiétassent pas. En cas de guerre, si la présence de
l'ennemi empêchait de cultiver et de récolter, le bail était
résilié de plein droit. Parfois, on se contentait de décider
que la redevance serait réduite. Les Grecs comprenaient les
inconvénients que présente un bail susceptible d'être annulé
par la vente du domaine. Le fermier n'ose engager dans
son exploitation aucun capital de peur qu'un caprice du
bailleur, en aliénant le fonds, ne lui enlève brusquement
tout le bénéfice de ses avances, et la terre est condamnée
par là à ne recevoir jamais d'amélioration. C'est peut-être
pour ce motif que certains contrats refusent au locateur la
faculté de vendre.
Les obligations du preneur, garanties presque toujours
par des cautions solvables, étaient très complexes. La pre-
mière consistait à acquitter régulièrement le prix du fer-
mage. Il était payable tantôt en argent, tantôt, mais plus
rarement, en nature, tantôt sous l'une et l'autre forme à
la fois. Quelques textes athéniens portent qu'il y aura deux
termes; mais, en général, on préférait tout verser à la
même date. Un document place l'échéance « au moment
des récoltes » ; un autre au début de l'année. En somme,
il n'existait à cet égard aucune règle bien précise. On ren-
contre dans les textes un grand nombre de prix de fer-
mage ; mais on ne voit pas toujours d'après quel taux ils
étaient calculés. Voici pourtant des circonstances où nos
renseignements sont assez précis. Un citoyen d'Amorgos
était possesseur de plusieurs immeubles valant 5,000
drachmes ; il les loua pour 500 drachmes, c.-à-d. à raison
de 10%; niais il ne faut pas oublier qu'il y avait parmi
eux une maison d'habitation et une poterie. Un domaine
situé en Attique donna un revenu de 12 °/0; il comprenait
aussi une maison. La terre seule rapportait certainement
un peu moins. Un bien rural de 15,000 drachmes fut
affermé pour 1,200, au taux de 8 °/0. Enfin, dans les
baux emphytéotiques, la rente était beaucoup moindre.
Contre les locataires insolvables, on avait imaginé divers
moyens de contrainte. En Elide, la dette était doublée. A
Délos, « la rente était augmentée, à titre d'amende ; puis
venaient une suite de mesures de rigueur : vente de fruits,
saisie des animaux et des esclaves, saisie générale des biens
quelconques appartenant aux fermiers, inscriptions hérédi-
taires sur la liste des débiteurs du dieu. » (Homolle.) Un
contrat athénien contient ces mots : « Si le preneur ne
paye pas son loyer, les Dyaléens pourront, avant toute
action judiciaire, procéder contre lui par voie de saisie, et
louer le domaine à qui bon leur semblera. » On lit dans
un autre : « Les Aixonéens auront le droit de pratiquer
une saisie sur la récolte de l'immeuble et sur tous les
biens du fermier. » En Attique, quand c'était l'Etat qui
avait loué, le débiteur était frappé d'atimie, lui et ses
descendants, juqu'à ce qu'il se fût libéré. Un document de
Mylasa énonce cette clause : « Si Thraséas n'acquitte pas
la redevance, il payera la moitié en sus. Si deux fois de
suite il ne paye pas ce qu'il doit, il payera la redevance de
deux années et la moitié en sus ; en outre, le bail sera
annulé. » A Héraclée, le fermier voit d'abord sa dette
doublée et son bail rompu ; si après cela la terre est louée
à un prix inférieur, le locataire évincé a à payer la
différence pendant cinq ans. Il faut noter toutefois que les
stipulations de ce genre ne figurent que dans les baux des
lerres publiques ou sacrées. Quant à l'impôt foncier, il était
dû par le preneur ou le bailleur au gré des parties.
Il est des cas où l'on accordait au fermier la liberté
d'exploiter la terre à sa guise. Mais ces cas semblent avoir
été assez rares, et d'ordinaire on édictait à cet égard des
prescriptions impératives. Parfois on adressait au preneur
des recommandations générales et on lui rappelait qu'il
s'engageait à agir en bon père de famille. Mais souvent
aussi on entrait dans de minutieux détails. Rien de plus
curieux à ce sujet que le contrat d'Amorgos ; on y indique
à quelle époque les vignes seront travaillées, quelle quan-
tité de fumier il faudra déposer sur le sol, combien il
faudra chaque année planter de souches nouvelles et de
figuiers, le tout sous peine d'amende. « Le fermier, dit le
contrat des Dyaléens, donnera deux façons aux vignes, une
par saison ; il emblavera la moitié de la superficie, et sè-
mera des légumes là où il voudra dans les jachères : il
aura soin des arbres fruitiers et ne coupera aucun arbre. »
Partout le bailleur était libre de visiter périodiquement la
propriété, pour vérifier si les conditions du bail étaient
observées. Tantôt on déterminait à l'avance les dommages-
intérêts qui lui seraient alloués pour chaque infraction;
tantôt on s'en remettait à la décision des tribunaux. C'est
ainsi qu'il y avait dans la procédure athénienne deux actions
distinctes pour atteindre le fermier négligent. Dans les
contrats d'emphytéose, on ne se bornait pas à garantir le
fonds contre toute cause de dépréciation ; on exigeait en-
core qu'il fût amélioré par le détenteur et on allait jusqu'à
arrêter le chiffre des impenses qui lui incombaient de ce
chef. Il va de soi que toute aliénation de l'immeuble, sous
quelque forme que ce fût, lui était interdite ; c'est seule-
ment à l'emphytéote qu'on reconnaissait un droit limité de
disposition. A l'expiration du bail, le fermier était sans
doute autorisé à en demander la prolongation ou le renou-
vellement. Il n'est jamais question dans les textes de la
tacite reconduction ; mais il ne s'ensuit pas que ce procédé
fût illégal ou même inusité. Le locataire qui parlait devait
laisser l'immeuble dans l'état où il l'avait reçu ; sinon il
était condamné à des dommages-intérêts. En Attique, dans
la dernière année de sa jouissance, il ne pouvait cultiver
que la moitié du fonds, et son successeur désigné avait la
faculté de pénétrer dans l'autre moitié à partir d'une cer-
taine date, pour y exécuter les travaux nécessaires. S'il ne
tenait pas compte de cette clause, il perdait tout droit sur
la récolte des parcelles indûment mises en culture.
Paul Guiraud.
IL Droit romain et Ancien droit (V. Bail, t. IV,
pp. 1179 et suiv.).
III. Droit civil actuel (V. Fruit).
IV. Droit international (V. Bail, t. IV, pp. 1179 et
suiv.).
V. Economie rurale. — Avantages et inconvénients. Par
fermage, on désigne le mode d'exploitation du sol dans lequel
le capital foncier et le capital d'exploitation sont séparés.
Le cultivateur paye au propriétaire une somme fixée d'avance
qui porte également le nom de fermage; il cultive ainsi à
ses risques et périls. Sur 3,977,881 exploitations rurales
qu'il y a en France, 2,826,388 sont exploitées par le pro-
priétaire lui-même (faire-valoir direct), 919,450 sont ex-
ploitées par des colons ou métayers, et 831,943 sont
exploitées par des fermiers. Le fermage suppose l'existence
de capitaux plus ou moins abondants apportés en garantie
277 —
FERMAGE — FERMANAGH
de la terre affermée ; c'est donc le mode d'exploitation du
sol qui s'impose dans les pays à culture avancée. De
même que le cultivateur paye un salaire à ses ouvriers
pour les travaux qu'ils font, de même il paye une rente ou
fermage au propriétaire pour le service que lui rend la
terre, quelle que soit la récolte. Le solde restant, une fois ces
frais payés , constitue le bénéfice du cultivateur. L'exploi-
tation directe de la terre par le propriétaire offre certaine-
ment plus d'avantages au point de vue du rendement et du
bon entretien des terres; néanmoins, dans l'état actuel des
choses, la situation des fermiers est bien supérieure à celle
des colons et des métayers, tout au moins dans les pays
avancés. Mais pour que le fermage donne tous les bons
effets dont il est susceptible, il importe que le bail soit de
longue durée ; en effet, dans le cas contraire, vu le peu
de temps que beaucoup de fermiers restent sur la même
propriété, ils n'ont aucun intérêt à faire des améliorations
qui sont improductives pour eux. Aussi, pendant les dernières
années du bail cherchent-ils à retirer du sol le maximum
de produit sans lui restituer, par des engrais, les éléments
qu'ont enlevés les récoltes. On distingue plusieurs types
de fermages. Quelques cultivateurs ayant peu de capitaux
disponibles s'adressent à leurs propriétaires pour obtenir
un matériel d'exploitation et parfois même du bétail, c'est
ce qui constitue le cheptel; d'autres possèdent des capi-
taux suffisants pour faire face à toutes les dépenses ; le
matériel et le bétail de l'exploitation leur appartiennent
entièrement. Il y a cependant un cheptel de pailles, four-
rages et engrais, qui ne disparaît que par exception, ces
produits devant être utilisés sur la ferme même afin de
maintenir la fertilité du sol.
Prix du fermage. Le prix de fermage varie néces-
sairement avec le prix de la terre ; toutes les causes qui
agissent sur la valeur du sol agissent sur la rente, mais,
si la valeur du sol et le prix du fermage sont toujours
modifiés dans le même sens, il n'en résulte pas que la
diminution ou l'augmentation soient proportionnelles. En
effet, si la richesse augmente dans un pays, que les capi-
taux y deviennent abondants, ils se font concurrence et
nécessairement le taux de la rente augmentera dans le sens
du mot, mais beaucoup moins rapidement que la valeur
du sol. Nous donnons, dans le tableau suivant les relations
qui existent entre le produit brut, la valeur foncière par
hectare, la part revenant au propriétaire et le taux de la
rente.
PRODUIT BRUT
VALEUR
foncière
PART
revenant
TAUX
par hectare
par hectare
au
propriétaire
fr.
fr.
fr.
fr.
50
350
35
10,0 %
100
900
50
5,5 —
200
1.500
72
4,7 —
300
2.200
100
4,5 —
400
3.000
108
3,6 —
500
3.900
125
3,4 -
600
5.200
138
2,6 —
Rapports de fermier entrant à fermier soldant
et de fermier à propriétaire. Lorsque l'expiration du
bail arrive, le fermier sortant est tenu à certaines obliga-
tions vis-à-vis du fermier entrant, et réciproquement. Ces
obligations respectives sont réglées par les art. 4777 et
1778 du C. civ. ; elles ont pour but d'empêcher que les
terres ne demeurent en souffrance pendant la période de
transition plus ou moins longue dans laquelle l'un et l'autre
ont des travaux à exécuter. Aux termes de ces articles,
le fermier sortant doit assurer, à celui qui lui succède,
les logements convenables et autres facilités pour les tra-
vaux de l'année suivante, et réciproquement le fermier
entrant doit procurer à celui qui sort les mêmes facilités
pour la consommation des fourrages et les récoltes qui
restent à faire. Le fermier sortant doit laisser les pailles
et fourrages de l'année, quand même il ne les aurait pas
reçus.
Indemnités dues au fermier pour améliorations.
La question de l'indemnité due au fermier sortant pour
améliorations foncières a été et est encore très discutée ;
elle consiste en ce fait que le fermier qui a fait des amé-
liorations permanentes ou temporaires, dont il ne peut bé-
néficier assez longtemps pour rentrer dans ses avances,
doit être indemnisé par le propriétaire. Cette indemnité
existe en Angleterre depuis 1883. En France, le projet de
loi de M. Dugué de La Fauconnerie adopte le principe de
l'indemnité établie par deux ou trois experts. Cependant
certaines améliorations échappent à une estimation exacte;
peut-être la loi la plus juste est-elle encore la liberté en-
tière. Si le fermier se propose de faire des améliorations,
il doit les discuter avec le propriétaire avant la signature
du contrat de louage. Dans beaucoup de pays, la question
est réglée d'une manière très simple : le propriétaire
avance les fonds nécessaires, et le fermier lui en paye l'in-
térêt jusqu'à la fin de son bail; si, à l'expiration de celui-ci,
le fermier renouvelle le contrat, l'intérêt rentre dans le
prix de fermage qui se trouve augmenté; ceci s'applique
aux fossés d'écoulement, à la création de chemins, de cons-
tructions nouvelles, de travaux de drainage ou d'irriga-
tion. Albert Larbalétrier.
Bibl. : Droit grec— Euler, De Locatione, conductione
alque emphyteusi Greecorum, 1882. — Dareste, Haus-
soullier et Th. Reinagh, Recueil des inscriptions juri-
diques grecques, pp. 235 et suiv.
FERMAI L (Archéol.). Synonyme d'agrafe ou de mors
de chape, objet destiné à réunir les deux parties d'un vête-
ment sur l'épaule, la poitrine, etc. C'était quelquefois un
simple ornement en métal qui s'attachait aux habits comme
notre broche. Il y avait des fermaiis à couvercle en verre,
en cristal de roche ou même en pierre précieuse qui ser-
vaient de médaillons et le plus souvent de reliquaires. De
là et par extension, on donna ce nom aux joyaux des ordres
de chevalerie, aux appliques des gants épiscopaux, puis au
joyau central d'une couronne et d'un diadème, enfin à la
couronne elle-même en tant qu'elle était seulement un objet
de parure de femme. Le diminutif de fermait est fermil-
let. Les fermaiis étaient faits par les joailliers, les émail-
leurs, les ouvriers en laiton et les bimbelotiers. Au
xvme siècle, outre les orfèvres, une corporation de fer-
maillers partageait la fabrication et la vente des fermaiis.
En terme de blason, on nommait fermait (au pluriel fer-
maux) une figure reproduisant ces sortes d'agrafes dans
les pièces de Vécu. Il y en avait de diverses formes :
ronds, ovales, carrés ou en losange. On appelait fermailles,
au pluriel, des joyaux de toute forme que l'on donnait en
garantie d'un enjeu ou d'une convention. C. St-A.
Bibl. : Bosc, Dict. de l'art de la curiosité ou de bibelot ;
Paris, 1883, in-8. — V. Gay, Gloss. archéol. du moyen âge
et de la Renaissance ; Paris, 1887, in-4.
FERMAI LLERS. Ancienne corporation qui avait le droit
de fabriquer des anneaux, des dés à coudre, des fermaux,
fermillets, etc., espèces d'agrafes pour les vêtements, des
boucles, des grelots, des fermoirs à livres. Ils pouvaient
vendre en boutique exclusivement, c.-à-d. n'étaient pas
tenus d'étaler aux halles. Ils pouvaient colporter. Le maître
ne pouvait avoir qu'un apprenti à la fois : l'apprentissage
durait huit ans, et l'étranger qui venait s'établir à Paris
n'y était reçu qu'à cette même condition. La seule matière
première indiquée au Livre des métiers (titre 62) est le
laiton de Paris ; mais les fermaillers y ajoutèrent par la
suite le cuivre (réservé aux fondeurs et mouleurs par le
titre 61) ; le Dictionnaire de Jean de Garlande (n° 49)
leur attribue aussi le plomb, l'étain et le fer. H. Monin.
FERMANAGH. Comté méditerranéen d'Irlande, prov.
d'Ulster, borné au N.-O. par le Donegal, au N.-E. par le
comté de Tyrone, à l'E. par celui de Monaghan, et au
S.-O. par ceux de Cavan et de Leitrim; 4,691 kil. q. ;
84,878 hab. en 4881 (dont 47,359 catholiques). Il est
FERMANAGH — FERMAT
278 —
subdivisé en 8 baronnies, 73 paroisses et 2,183 villages.
La ville principale est le ch.-l. Enniskillen, reliée par
chemins de fer à Clones, àBundoran et à Londonderry. —
Ce comté est situé dans le bassin de l'Erne, qui le coupe
en deux. A l'O., pays montueux, d'apparence stérile, pitto-
resque cependant aux environs de l'Upper et du Lower
Lough Erne, lacs formés par des épanchements de l'Erne
et semés de près de deux cents îlots. L'Erne forme à
Belleck une cascade célèbre, voisine des meilleures mines
de fer du comté. Le plus haut sommet est le Cuilcagh
(667 m.). A TE., une plaine bornée par les collines limi-
trophes de la frontière (Slieve-Beagh, 383 m.). — L'in-
dustrie est nulle, le Fermanagh ayant toujours été par
excellence un comté agricole et pastoral. La moitié du ter-
rain est en pâturages, moins du quart est labouré; 10 °/0
est couvert par les eaux. Plus de la moitié du sol appartient
à dix propriétaires seulement, dont les principaux sont les
marquis d'Ely, les comtes d'Erne et d'Enniskillen. — La
population, qui augmenta régulièrement jusqu'en 1841,
a décru depuis dans d'énormes proportions (54 °/0 de
1841 à 1881). Elle professe la religion catholique (56%)
et le protestantisme. — Les yeomen de Fermanagh (Fer-
managh men) furent en Irlande les plus zélés partisans
de Guillaume III contre les Irlandais fidèles aux Stuarts, en
1688-89. Ch.-V. L.
FERMANVILLE. Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Cherbourg, cant. de Saint-Pierre-Eglise ; 1,334 hab.
FERMAT (Pierre), mathématicien français, né à Beau-
mont-de-Lomagne en août 1601 (baptisé le 20), mort à
Castres le 12 janv. 1665. Fils de Dominique Fermât,
bourgeois et second consul de Beaumont, et de Claire de
Long, qui appartenait à une famille parlementaire, Pierre,
après avoir reçu sa première éducation chez les cordeliers
de Beaumont, termina ses études à Toulouse en se desti-
nant à la magistrature. Installé comme commissaire aux
requêtes le 14 mai 1631, il épousait, le ltr juin, Louise
de Long, cousine de sa mère. Sa nomination comme con-
seiller de la chambre des enquêtes est du 30 déc. 1634 ;
il obtint, assez difficilement, de passer dans la chambre de
l'édit en août 1648, et mourut à Castres, deux jours après
y avoir rapporté un procès. Il laissa cinq enfants : Clé-
ment-Samuel (Y. ci-après) ; Jean, archidiacre de Fima-
rens; Claire, dont un petit-fils, Jean Gailhard, succéda
comme conseillera Jean-François, fils de Clément-Samuel;
enfin Catherine et Louise, qui furent toutes deux reli-
gieuses. C'est seulement comme conseiller à la cour que
Fermât prit, suivant l'usage, la particule nobiliaire, qu'on
ajoute assez souvent à son nom. — Tandis que sa car-
rière de magistrat s'écoulait obscurément, par sa corres-
pondance avec quelques savants de son temps et par la
communication en manuscrit de traités composés en latin,
il s'acquit, dès 1637, le renom d'un géomètre hors de pair.
Ses principales relations furent d'abord avec Despagnet (le
fils), conseiller au parlement de Bordeaux, Carcavi, qui,
d'abord son collègue à Toulouse, le mit en rapport, une
fois à Paris, avec Beaugrand et Mersenne, et qu'il fit le
dépositaire de ses écrits. Le minime fut un des agents
les plus considérables de la propagation des travaux de
Fermât ; il l'engagea en 1637 dans une dispute célèbre
avec Descartes sur l'explication de la réfraction, dispute
qui s'étendit bientôt à la méthode de maximis et minimis
dont Fermât était l'inventeur, et qui se termina par une
réconciliation apparente. C'est également par Mersenne que
Fermât connut Roberval et Frénicle. Plus tard, Carcavi le
mit en rapport avec Biaise Pascal et probablement aussi
avec Digby, lequel lui donna l'occasion du défi et du pro-
cès mathématique dont les pièces sont réunies dans le
Commercium epistolicum de Wallis. Fermât, après avoir
plusieurs fois entretenu Carcavi du projet de publier ses
œuvres, sans y mettre toutefois son nom, mourut, n'ayant
fait imprimer qu'une seule dissertation sous les initiales
M. P. E. A. S., en 1660 (à la suite -du traité de Lalou-
vère sur la cycloïde), où il démontrait, à la façon d'Archi-
mède, la rectification de courbes géométriques. Pour une
de ces courbes, il avait été devancé, sans qu'il le sût, par
Neil et Van Heuraet; la rectification d'une autre (dévelop-
pée de l'hyperbole équilatère) lui appartient sans conteste.
Son fils Samuel s'occupa de publier les écrits de son père,
mais il éprouva les plus grandes difficultés, car, d'un côté,
il n'était nullement mathématicien ; d'autre part, Fermât
n'avait pas l'habitude de conserver de papiers,, même de
copies de ses travaux, et Carcavi montra une mauvaise
volonté peu explicable.
Samuel commença en tous cas par réimprimer, en 1670,
l'édition gréco-latine du Diophante de Bachet de Méziriac,
en y insérant les célèbres Observations que son père
avait consignées en marge de son exemplaire et le Doctri-
nes analyticœ inventum novum, rédigé par le P. de
Billy sur les lettres (perdues) que lui avait adressées Fer-
mat à propos des problèmes d'analyse indéterminée. Neuf
ans plus tard, Samuel était enfin parvenu à réunir la plu-
part des écrits latins de son père et un nombre suffisant de
lettres inédites ; laissant de côté celles qui avaient déjà été
publiées par Clerselier dans la correspondance de Des-
cartes , il fit imprimer Fin-folio connu sous le titre de
Varia opéra, qui a été, jusqu'à nos jours, le seul volume
où l'on ait pu étudier les travaux de Fermât, et dont les
incorrections sont malheureusement excessives. Une édi-
tion nouvelle et considérablement augmentée est actuel-
lement en cours de publication aux frais de l'Etat.
Le nom du géomètre de Toulouse est inséparable de la
théorie des nombres dont il jeta les fondements en étu-
diant Diophante. Comme, de son temps, l'attention se portait
beaucoup plus sur les solutions de problèmes que sur les
théorèmes, et qu'après lui, l'invention du cateul infinitési-
mal absorba les esprits, ses propositions généralement
énoncées sans démonstration dans sa correspondance ou
dans les observations sur Diophante, restèrent infécondes
jusqu'à Euler, et l'on ne peut être encore assuré d'en
savoir sur ce sujet autant que lui. Si une de ces proposi-
tions (que 2'2 + 1 soit un nombre premier) a été reconnue
fausse, il en est surtout une autre (que xn + yn = %n
soit impossible en nombres entiers, si n> 2) qu'on suppose
vraie, sans avoir pu, jusqu'à présent, la démontrer dans
toute sa généralité. Quoiqu'il déclare formellement possé-
der la démonstration de cette dernière proposition (ce
qu'il n'a jamais fait pour la première), eu égard à sa mé-
thode de travail de tête, une erreur de sa part n'est pas
impossible (ses écrits, même les plus travaillés, pourraient
en donner des preuves). Elle ne diminuerait pas en tout
cas la gloire d'un homme qui a le premier abordé des
questions de cet ordre et trouvé des méthodes pour les
résoudre. On fait aussi honneur à Fermât de l'invention
du calcul différentiel à propos de sa méthode des maxima
et minima et des tangentes, qui, des procédés antérieurs,
est en réalité le plus voisin de l'algorithme de Leibniz ;
on pourrait, avec autant de justice, lui attribuer l'inven-
tion du calcul intégral ; son traité De OEquationum loca-
lium transmutatione, etc., donne de fait la méthode
d'intégration par parties, en même temps que des règles
pour intégrer, en dehors des puissances quelconques 'des
variables, leurs sinus et les puissances de ceux-ci. Il faut
toutefois remarquer qu'on ne trouve pas dans ses écrits un
seul mot sur le point capital, la relation entre les deux
branches du calcul infinitésimal. Mais ce que l'on néglige
d'ordinaire de remarquer, c'est que Fermât partage avec
Descartes l'invention de la géométrie analytique ; il l'a
conçue à la même époque, d'une façon tout indépendante
et sous une forme qui se rapproche plus de la classique
que celle de Descartes (Isagoge ad locos pianos et soli-
dos). Il a corrigé son rival sur un point essentiel, la clas-
sification par degrés. Il a d'ailleurs le premier tenté de
s'étendre à trois dimensions, dans un essai d'ailleurs mal-
heureux (Isagoge ad locos ad super/idem), où, essayant
de classer les surfaces du second degré, il ne reconnaît
— 279 —
FERMAT — FERME
comme réglés que les cônes et les cylindres. En algèbre
pure, on lui doit en particulier la première méthode géné-
rale d'élimination. Il peut être regardé avec Pascal comme
l'inventeur du calcul des probabilités. Enfin, il a laissé, en
géométrie ancienne, des travaux remarquables, en particulier
une restitution des Lieux plans d'Apollonius. En dehors de
ses aptitudes mathématiques, Fermât possédait une érudition
singulière ; la philologie grecque et latine lui doit diverses
corrections importantes, et il se plaisait à composer des
vers latins. Son caractère, d'après sa correspondance, se
montre aflable, peu susceptible, sans orgueil, mais avec cette
pointe de vanité que Descartes, son contraire à tous égards,
caractérisait en disant : « M. de Fermât est Gascon ; moi, je
ne le suis pas. » P. Tannery.
Théorème de fermât. — Ce théorème fondamental dans
la théorie des nombres peut s'énoncer ainsi : si p est un
nombre premier qui ne divise pas a,
ar — 1
est divisible par p; il a été généralisé de plusieurs manières.
FERMAT (Samuel de), écrivain français, fils du précé-
dent, né à Toulouse en 1632, mort en 1690. Avocat et con-
seiller au Parlement. On a de lui : Variorum carminum
libri IV (Toulouse, 1680, in-8) ; Dissertationes de re
militari, de autoritate Homeri apud jurisconsultes, etc.
(Toulouse, 1680, in-8), et une traduction des Traités de
la chasse d'Aman et d'Oppian (Paris, 1680, in-12).
FERME. ï. Charpente. — Une ferme est une cons-
truction formée de pièces placées dans un même plan
vertical et disposées de manière à supporter des charges,
en reposant sur un nombre restreint de points d'appui,
ordinairement sur les deux extrémités seulement. La ferme,
qui porte quelquefois le nom de charpente, se fait en bois
ou en métal ; elle sert le plus souvent à soutenir la cou-
verture d'un édifice, ou bien elle constitue la partie prin-
cipale des cintres servant à la construction des voûtes. Les
fermes des cintres seront décrites à l'art. Pont ; je ne
parlerai ici que des fermes de combles, dont quelques
exemples ont déjà été donnés à l'art. Charpente.
Réduite à ses éléments essentiels, une ferme de couverture
se compose de deux pièces inclinées A A (fig. 1) appelées arba-
létriers dont les extrémités inférieures sont réunies par une-
Fig. l.
pièce horizontale TT qui s'oppose à leur écartement et qui,
pour cela, porte le nom de tirant ou d' entrait. Lorsque le
tirant est un peu long, il y a utilité à le soutenir en son milieu
au moyen d'une pièce verticale PP, appelée poinçon, qui
s'attache à la partie supérieure des deux arbalétriers. Dans
les fermes en bois que je vais décrire d'abord, les extré-
mités des arbalétriers sont assemblées à embrèvement dans
le tirant et dans le poinçon, et celui-ci traverse le tirant
par un tenon assez long pour recevoir une cheville au-
dessous de la pièce horizontale. Ce tenon s'appelle tenon
passant. Les diverses fermes d'un comble sont établies dans
des plans parallèles à des distances ordinairement comprises
entre 3 et 4 m. Des pièces horizontales, placées dans le sens
longitudinal, reposent sur ces fermes parallèles et portent
les chevrons BB sur lesquels est placée la couverture pro-
prement dite. Les pièces longitudinales sont d'abord la
sablière S, placée sur l'extrémité du tirant et sur laquelle
s'appuie l'extrémité inférieure des chevrons ; le faîte G qui
Fig. 2,
reçoit leurs extrémités supérieures et qui repose sur les
abouts des poinçons. Afin de maintenir les fermes dans
leur plan vertical, des pièces inclinées H, appelées aisse-
liers, réunissent le poinçon au faîte et consolident les angles
formés par ces pièces. Enfin, si les chevrons sont assez
longs, il est nécessaire de les soutenir en plusieurs points
intermédiaires, ce que l'on fait par des pannes D, D, reposant
Fig. 3.
sur les arbalétriers sur lesquels elles sont maintenues par
des tasseaux en forme de trapèze F, appelés chantignolles.
Alors, pour éviter la flexion des arbalétriers sous le poids
de ces pannes on les soutient par des contrefiches inclinées
CC, venant s'appuyer sur le poinçon ou par des jambettes
JJ s'appuyant sur le tirant. Avec ces dispositions, l'espace
compris entre le tirant et la couverture ne peut être utilisé,
à cause des pièces diverses, poinçons, jambettes, contre-
fiches, etc., qui l'encombrent. On remédie à cet inconvénient
par la disposition représentée dans la fig. 2. Le tirant est
relevé au-dessous de la dernière panne, en T'T' et s'appelle
alors entrait retroussé ; ne pouvant plus s'appuyer sur les
murs de l'édifice, il repose sur des jambes de force MM
qui s'appuient elles-mêmes sur les extrémités d'un tirant
inférieur TT portant un plancher. La sablière S repose sur
un faux tirant ou blochet NN qui vient s'assembler dans
la jambe de force vers le milieu de sa longueur. L'espace
FERME - 280 —
compris entre les deux entraits TT, TT' et les jambes de
force MM est entièrement libre et peut servir à l'habitation.
On obtient, à ce point de vue, une solution plus satis-
faisante par le comble brisé ou à la Mansart (fig. 3), qui
ne diffère du précédent qu'en ce que le chevronnage et la
couverture suivent, au-dessous de la dernière panne, l'in-
clinaison de la jambe de force MM. La sablière S se place
alors sur les extrémités des tirants inférieurs T. IL est
utile, lorsque la direction de la jambe de force MM ne
s'écarte pas beaucoup de la verticale, d'assurer l'invaria-
bilité de la forme du comble par des aisselliers VV réunis-
sant cette jambe de force à l'entrait supérieur. On trouvera
à l'art. Charpente d'autres exemples de fermes en bois et
particulièrement de fermes sans tirants; j'en indiquerai
d'autres un peu plus bas, mais auparavant, je crois inté-
ressant de donner le croquis (fig. 4) d'une ferme de 49 m.
de portée, construite à Moscou par M. Bétancourt, pour
couvrir une salle d'exercice, et qui a pu être exécutée, malgré
son ouverture exceptionnellement grande, avec des pièces
de dimensions relativement faibles. Les arbalétriers sont
formés de pièces superposées dont le nombre va en décrois-
sant de bas en haut ; les poinçons, au nombre de sept, sont
des moises verticales qui embrassent entre elles toutes les
autres pièces. Le tirant est constitué par deux poutres
assemblées à crans et réunies par des boulons ; il repose
sur le mur par l'intermédiaire d'un certain nombre de
sablières.
On peut couvrir un espace assez grand, sans employer
de tirants, en adoptant une forme de ferme analogue à celle
de la fig. 5 qui est due à Ardant dont le nom a 'été donné
au type qu'elle représente. Les deux contrefiches CCetDD,
et la jambe de force BB réunies par la moise EE forment
un système triangulé qui supporte la partie inférieure de
l'arbalétrier en s'appuyant sur une sablière S. Une autre
sablière S' est destinée à recevoir les extrémités des che-
vrons et des coyaux. Les fermes Emy rentrent à peu près
dans le même type, avec cette différence caractéristique
que l'arbalétrier est supporté par une pièce courbe, en forme
de demi-circonférence et constituée par des madriers cour-
Fig. 5.
Fig. 6.
bés isolément et réunis ensuite par des boulons qui s'op-
posent à leur redressement (fig. 6). L'arc ainsi constitué
est relié par des moises à l'arbalétrier et à des pièces
obliques (fig. 7) qui constituent avec lui un système de
forme invariable et très résistant.
Les dimensions des diverses pièces d'une ferme se cal-
culent par les règles ordinaires de la résistance des maté-
riaux et plus souvent par les procédés de la Statique
graphique (V. ce mot), en supposant que les pièces sont
articulées à leurs points d'assemblage. L'approximation que
l'on obtient ainsi est en général suffisante. Pour les fermes
DESIGNATION
Tirant, sans plancher . . .
Tirant, avec plancher. . .
Entrait retroussé
Jambes de force
Arbalétriers
Poinçon
Contrefiches et jambettes
Aisseliers de l'entrait . . .
Faîte
Aisseliers du faîte
Pannes et chantignolles. .
Sablières
Chevrons
FERME SIMPLE
Fig. 1
6 m.
27/24
22/49
19/19
16/16
»
19/16
45/45
49/19
12/23
9/9
33/30
»
26/24
24'24
19/19
»
20/17
16/16
20/20
14/25
10/10
12 m.
40/36
32/30
30/30
21/21
»
22/19
17/17
22/22
46/28
44/11
FERME
à entrait retroussé
Fig. 2
6 m.
42/30
21/19
24/19
18/15
15/15
14/14
19/15
19/16
15/45
49/19
42/23
9/9
9 m.
52/37
27/24
29/24
22/48
48/48
16/46
24/18
20/47
46/46
20/20
44/25
40/40
12 m.
63/45
33/30
35/30
27/22
22/22
48/48
30/22
22/49
47/17
22/22
46/28
41/44
FERME
la Mansart
Fig. 3
6 m.
42/30
23/20
22/20
20/48
48/48
44/44
20/43
49/16
15/15
19/19
12/23
9/9
9 m.
52/37
30/27
29/27
25/23
23/23
16/16
27/18
20/17
16/16
20/20
14/25
10/10
12 m.
63/45
36/33
34/33
30/28
28/28
18/18
33/22
22/19
17/17
22/22
16/28
11/11
les plus simples et les plus usitées, qui sont représentées
paries figures 4, 2 et 3, on peut, dans les conditions les
plus ordinaires, lorsque ces fermes sont espacées de 3 à
4 m. au plus, adopter, sans calcul, les dimensions indi-
quées dans le tableau ci-dessus, qui sont données dans
le cours de construction de l'Ecole d'application de l'ar-
tillerie et du génie. Les dimensions des pièces sont expri-
mées en centimètres ; le premier chiffre est celui de la
281 —
FERME
hauteur de la pièce ou plus exactement de sa dimension
parallèle au plan de la ferme ; le second est celui de la dimen-
sion perpendiculaire. Les dimensions sont données pour
les trois types et pour des portées de 6 m., 9 m. et 12 m.
Pour les fermes Ardant (fig. 5) voici les dimensions
indiquées par Morin pour les principales pièces :
DESIGNATION
Arbalétriers
Sous-arbalétriers et aisseiiers
Moïses
Jambe de force
PORTEES DE
20 m.
20/20
20/20
20/12,5
25/20
22 m.
22/20
20/20
22/12,5
25/20
21 m.
25/20
20/20
25/12,5
25/20
Pour les fermes Emy (fig. 7) les mêmes dimensions peu-
vent être appliquées aux arbalétriers et aux moises. En ce
qui concerne l'arc, on admet ordinairement qu'il ne sup-
porte qu'un tiers de la charge totale, les deux autres tiers
Fig. 7.
étant portés par les arbalétriers et les pièces de triangu-
lation. Dans cette hvpothèse, on peut calculer les dimensions
b (épaisseur) et h hauteur de la pièce en arc par les for-
mules suivantes où P désigne la charge totale à supporter
et p le rayon moyen de Parc.
Si la charge P est uniformément répartie sur la circon-
férence :
300,000 bh2 = P (0,599 h-f 0,27 p) ;^
si la charge P est uniformément répartie sur l'horizontale:
300,000 bh2 — ? (0,680/i + 0,25 p);
si la charge P est appliquée au sommet ou en deux points
symétriques de Parc :
300,000 bh2 = ?(0$91h-±0,}fôp).
La dimension b étant choisie arbitrairement, chacune de
ces formules deviendra une équation du second degré en h
d'où l'on déduira cette hauteur inconnue.
Les fermes métalliques présentent une variété de formes
bien plus grande encore que celles en bois, et leur classi-
fication n'est pas aussi bien établie, précisément à cause
du nombre considérai e de types différents. Voici celle que
M. de Dartein a adoptée daus le cours d'architecture qu'il
professe à l'Ecole des ponts et chaussées. Il établit d'abord
deux grandes divisions principales suivant que les fermes
font partie (A) de combles formés d'une suite de travées
couvrant un espace rectangulaire ou annulaire; (B) de
combles en formes de dômes couvrant un espace circulaire,
ovale ou polygonal. La première division (A) est de beau-
coup la plus importante par le nombre des applications et
la variété des systèmes. M. de Dartein y distingue deux
groupes principaux ayant pour trait distinctif l'emploi ou
le non-emploi de tirants sous les arbalétriers. Ce caractère
présente une valeur considérable au point de vue, non
seulement de l'aspect, mais encore de la construction.
Quand on se passe de tirants, ou du moins de tirants ap-
parents, il faut que les arba7,étriers fassent corps avec leurs
soutiens et que l'ensemble iinsi constitué soit assez résis-
tant et assez rigide pour? e maintenir par soi-même sans
déformations. Il en est to jt autrement quand on use de
tirants. La poussée est a7 ors contenue au pied de la toiture
proprement dite, et les fermes, au lieu de se continuer dans
leurs supports, reposent simplement sur ceux-ci. En outre,
la présence de liens sous les arbalétriers permet de cons-
truire ces derniers plus légèrement. Le fait de la présence
ou de l'absence de tirants apparents a donc plus de valeur,
comme base d'une classification rationnelle, qu'aucun des
autres caractères de la structure. A ces deux groupes
principaux (a) Fermes à tirants et (b) Fermes sans
tirants, M. de Dartein en ajoute un troisième (c), Fermes
en poutres droites, qui constituent un type courant pour
les combles d'établissements industriels et qui ont été em-
ployées dans quelques halles anglaises (la gare Centrale, à
Glasgow ; la gare de la Citadelle, à Carliste). Dans la divi-
sion B, il n'y a pas lieu de distinguer des groupes ana-
logues, car tous les combles en forme de dôme sont main-
tenus par le même procédé qui consiste dans l'emploi d'une
semelle continue ou ceinture inférieure. Chacun des trois
groupes de la première division, ainsi que la deuxième
elle-même, est divisé en classes dont les caractères sont
fournis par la forme des arbalétriers, l'agencement des
tirants, le mode de liaison des différentes pièces, etc. Ce
qui conduit, en définitive, à la classification suivante :
Combles formés d'une suite de travées couvrant un
espace rectangulaire ou annulaire. — Fermes a tirants
apparents sons les arbalétriers : I. Arbalétriers recti-
lignes avec tirant unique. IL Arbalétriers rectilignes avec
armature à une ou plusieurs contrefiches (dite à la Polon-
ceau). III. Arbalétriers rectilignes, avec ou sans palier sous
la lanterne, soutenus par un treillis riveté. IV. Arc cintré
ou polygonal soutenu par un treillis articulé à grandes
mailles (Bow string). V. Arc à tirant rectiligne ou po-
lygonal rattaché par des aiguilles.
Fermes sans tirants apparents ou sans tirants :
VI. Arc maintenu par un tirant placé sous le sol. VIL Arc
maintenu par des massifs de fondation. VIII. Arc sur
piliers contrebutés.
Fermes en poutres droites : IX. Poutres droites à
barres articulées ou rivetées.
Combles en formes de dômes couvrant un espace circu-
laire, ovale ou polygonal. — X. Coupoles tronconiques.
XI. Coupoles sphériques. XII. Coupoles ellipsoïdales.
Chacune de ces douze classes peut se subdiviser en genres
ou variétés d'après des caractères d'ordre secondaire; ainsi,
par exemple, toutes celles qui comprennent des arcs corn-
FERME - FERMENTATION
282 —
porteront naturellement deux subdivisions suivant que l'arc
sera d'une seule pièce ou qu'il sera articulé. Il n'est pas
possible de donner ici des dessins détaillés des fermes de
tous les systèmes dont i] existe d'ailleurs un grand nombre
de spécimens. Pour trouver des exemples de tous les types,
il faudrait les chercher surtout en Angleterre : c'est dans
ce pays que l'on rencontre la plus grande variété tant dans
les systèmes de construction que dans les procédés d'as-
semblage. En France, à part quelques exceptions, on s'est
borné à deux types, l'un articulé (classe II) n'admettant
que des tiges rectilignes et qui passe à l'étranger pour le
type français ; l'autre, rigide et courbe (classes VI, VII et
VIII), sans organes rectilignes. Dans les deux cas, le parti
est très franc, l'organisme très simple, la disposition ration-
nelle et intelligible ; on s'est préoccupé de l'effet artistique.
Aussi la plupart des grandes fermes françaises sont-elles
des constructions d'une remarquable élégance. Celle des
ouvrages allemands paraît être le raffinement dans la
recherche scientifique. Pour calculer plus exactement la
ferme, pour avoir trois points par où passe sûrement la
courbe des pressions, on rompt l'arc en deux pièces arti-
culées aux naissances et au sommet. Pour procurer aux
fermes plus de stabilité pendant l'opération du levage,
on rapproche ces bâtis deux par deux, et l'on obtient ainsi
des fermes couplées capables de résister aux causes de ren-
versement. Ni l'une ni l'autre de ces innovations n'est
d'origine allemande, mais les ingénieurs allemands ont eu
le mérite de les perfectionner et de les systématiser.
Jusqu'à présent, les plus grandes fermes existantes sont
celles du palais des machines de l'Exposition de 4889 qui
mesurent 440m60 entre leurs points d'appui, les grandes
fermes du palais des arts libéraux de l'Exposition de Chicago
ne différeront de cette dimension que de quelques centi-
mètres. Elles seront beaucoup plus hautes : la rotule de
l'articulation du sommet se trouvera à 61 m. environ au-
dessus du sol, alors qu'au palais des machines cette hauteur
n'est que de 45 m. environ. A. Flamant.
IL Théâtre. — Ce qu'on appelle ferme, en matière de
machinerie théâtrale, est une partie de décoration montée
sur châssis, rigide par conséquent, qui se tient droite sur
la scène et qui monte toujours des dessous par les trappil-
lons, trappes étroites qui, dans les théâtres bien machinés,
tiennent à chaque plan toute la largeur du plancher. Tout
fragment de décor qui se tient debout sans être ni rideau
ni châssis de coulisses est une ferme. Le fond d'un décor
fermé est toujours une ferme ; de même les parties isolées
du décor, qui, placées en un endroit quelconque de la scène
en dehors de ses extrémités, concourent à l'ensemble : par
exemple, dans un décor de paysage, la petite maisonnette
qui se détache bien en vue du spectateur, et l'arbre qui
paraît l'ombrager, et le buisson qui se trouve non loin de
là ; ou, sur une place publique, la fontaine qui semble
verser la fraîcheur, la colonne qui s'élève au loin, ou la
statue placée sur son piédestal. Certaines fermes sont très
développées, très compliquées, occupant parfois toute la
largeur du théâtre et comportant des ouvertures nom-
breuses, telles que portes, fenêtres, lucarnes, etc. ; on
conçoit facilement l'extrême précision qu'il faut apporter
dans l'ajustement de ces décors pour que la manœuvre s'en
fasse aisément et qu'ils puissent, sans retard ni accident,
surgir des dessous par les ouvertures étroites destinées à
leur livrer passage. Il arrive que dans un changement à
vue, un grand nombre de ces fermes, de formes et de
dimensions diverses, s'engouffrent à la fois dans le plan-
cher, tandis que d'autres, en nombre aussi considérable et
de natures aussi diverses, apparaissent tout à coup pour
former ou compléter le nouveau décor. Il faut donc, de
toute nécessité, que ce travail soit préparé, combiné, orga-
nisé avec une attention et un soin tout particuliers, afin
que la manœuvre puisse s'exécuter rapidement, avec sûreté
et sans l'ombre même d'une hésitation. A. Pougin.
III. Agriculture (V. Fermage et Bâtiments ru-
raux).
IV. Ancienne administration (V. Fermiers géné-
raux).
FERME-Ecole. Les fermes-écoles sont des établisse-
ments d'enseignement agricole pratique. Elles ont été orga-
nisées en vertu de la loi du 3 ôct. 4848, charte de l'ensei-
gnement agricole. Elle les définit ainsi : la ferme-école est
une exploitation rurale, conduite avec habileté et profit,
dans laquelle des apprentis, choisis parmi les travailleurs
et admis à titre gratuit, exécutent tous les travaux, rece-
vant, en même temps qu'une rémunération de leur travail,
un enseignement agricole essentiellement pratique. Ces
dispositions ont été maintenues dans la loi du 30 juil.
1875. En somme, il s'agit d'établissements d'apprentissage
pour les enfants des familles d'ouvriers ruraux. La rému-
nération consiste en une prime de 300 fr. remise à la
sortie aux enfants qui obtiennent le certificat d'instruction.
L'objectif est de former d'habiles cultivateurs praticiens,
capables d'exploiter avec intelligence leur propriété ou de
cultiver celle d'autrui en qualité de fermiers, métayers, régis-
seurs, ou encore de devenir de bons aides ruraux, commis
de ferme, contremaîtres, chefs de main-d'œuvre ou d'attelage.
Les fermes-écoles sont des exploitations dirigées par
leur propriétaire ou fermier ; c'est l'Etat qui y place les
apprentis dont il paye la pension, de même qu'il entretient
le personnel enseignant. La pension est de 570 fr. par an.
Le directeur bénéficie en outre du travail des élèves. Ceux-
ci sont en nombre variable; c'est l'arrêté constitutif de la
ferme-école qui détermine ce nombre ; mais il y en a tou-
jours au moins 24. Les apprentis sont nommés au con-
cours ; les matières sont celles de l'enseignement primaire.
Ils doivent avoir au moins seize ans révolus. La durée du
séjour est de deux ou trois ans. Le régime est l'internat. Les
cultures varient selon les pays. Le personnel enseignant com-
prend : un directeur; un instituteur surveillant-comptable ;
un jardinier-pépiniériste; un chef de pratique agricole; un
vétérinaire, un instructeur militaire. L'inspection de l'agri-
culture contrôle les écoles. La condition fondamentale est que
l'exploitation soit fructueuse ; il serait inutile d'enseigner le
déficit ; celui-ci entraîne la suppression du concours de l'Etat.
Les fermes-écoles n'ont pas réussi ; les premières avaient
été créées en 4832 ; la loi de 4848 stipulait qu'il y en
aurait une par département et ultérieurement une par
arrondissement. Leur nombre ne dépassa jamais 70 ; il a
été successivement réduit ; en 4892, il n'y en avait plus
que 46, plusieurs ayant d'ailleurs été transformées en
Ecoles pratiques d'agriculture (V. cet art., t. XV,
pp. 474-75). Voici la liste de celles qui subsistaient en
4892 : Royat (Ariège) ; Besplas (Aude) ; Puilboreau (Cha-
rente-Inférieure) ; Launoy (Cher) ; Les Plaines (Corrèze) ;
La Roche (Doubs) ; Castelnau-les-Nauzes (Haute-Garonne) ;
La Rivière (Gers) ; Machorre (Gironde) ; Nolhac (Haute-
Loire) ; Le Montât (Lot) ; Chazeirolettes (Lozère) ; Saint-
Gautier (Orne) ; Montlouis (Vienne) ; Chavaignac (Haute-
Vienne) ; Beaufroy (Vosges). A.-M. B,
FERMENT (V." Fermentation et Levure).
FERMENTAIRES (V. Azymites).
FERMENTATION. I. Chimie. — Le mot fermentation
s'applique aux phénomènes qui résultent de l'action sur les
matières organiques de corps organisés ou non, les fer-
ments. Dans toute fermentation, il y a trois choses à con-
sidérer : le ferment, la matière fermentescible, les produits
de leur action réciproque. En 4 835, Cagniard de La Tour
démontra que le ferment alcoolique ou levure de bière était
un organisme vivant, et il émit sur son rôle dans la trans-
formation du sucre en alcool une opinion, développée depuis
par Pasteur, qu'on doit considérer comme le point de
départ de la conception moderne des fermentations : les
globules de bière n'agissent sur une dissolution de
sucre qu'autant qu'Us sont en vie, d'où l'on peut con-
clure que c'est très probablement par quelque effet de
leur végétation qu'ils dégagent de l'acide carbonique
de cette dissolution et la convertissent en une liqueur
spintueuse. En 1860, M. Berthelot découvrit que la
— 283
levure sécrète une matière azotée spéciale, l'invertine,
ferment glucosique capable d'intervertir le sucre de canne,
c.-à-d. de le transformer en glucose ordinaire et en lévu-
lose par une simple hydratation : Dans l'interversion du
sucre de canne, dit M. Berthelot, on voit clairement
que l'être vivant n'est pas le ferment, mais que c'est
lui qui l'engendre. Aussi, les ferments solubles une
fois produits exercent-ils leur action indépendam-
ment de tout acte vital ultérieur ; cette action ne pré-
sente de corrélation nécessaire à V égard d'aucun phé-
nomène physiologique. Cette observation est capitale, car
elle permet de diviser les ferments en deux séries distinctes :
les ferments solubles et les ferments organisés.
I. Ferments solubles. — Ils dérivent tous d'organismes
vivants, appartenant au règne végétal aussi bien qu'au
règne animal. Ce sont des matières organiques azotées, se
rapprochant des matières albuminoïdes, qui, placées dans
des conditions convenables, jouissent de la propriété de
dissoudre, d'hydrater, de transformer les molécules orga-
niques. Ils sont amorphes, solubles dans l'eau, insolubles
dans l'alcool et dans l'éther, tous plus ou moins azotés.
Ils se différencient moins par leur composition chimique,
souvent mal connue en raison de la difficulté de les prépa-
rer à l'état de pureté, que par leur action spécifique sur telle
ou telle substance organique. En effet, d'une façon
générale, pour effectuer la décomposition d'un hydrate de
carbone, d'un glucoside, d'une substance albuminoïde, etc.,
il faut en général un ferment déterminé, caractère qui
établit une distinction fondamentale entre les réactions
provoquées par les ferments solubles et les réactions chi-
miques ordinaires, alors que ces dernières paraissent ana-
logues aux premières. Tous les ferments solubles perdent
leur spécificité lorsqu'on chauffe leur solution aqueuse à
une température comprise entre 51 et 70°, alors que les
températures basses n'ont que peu d'influence ; de la dias-
tase, par exemple, conserve ses propriétés lorsqu'on refroi-
dit ses solutions au-dessous de leur point de congélation.
Certaines substances accélèrent la fermentation; d'autres
l'entravent ou même l'arrêtent tout à fait, comme la cha-
leur. Toute action qui affaiblit ou détruit un ferment soluble
arrête le développement de l'être qui le produit ; mais la
réciproque n'est pas vraie, c.-à-d. que toute cause qui
entrave le développement d'un micro-organisme ne nuit
pas d'une manière nécessaire aux ferments solubles. En
effet, il existe tout un groupe de composés, classés parmi
les poisons de la respiration, qui paralysent les ferments
organisés et qui n'entravent pas, dans certaines limites,
l'action des ferments solubles. Ex. : acide cyanhydrique,
essences, éther, créosote, chloroforme, benzine, phénol.
Ces différents corps constituent donc de véritables réactifs
pour différencier certaines fermentations. On a émis plu-
sieurs théories pour expliquer les fermentations détermi-
nées par les ferments solubles : Liebig admet que ces
derniers sont des corps en voie de décomposition qui com-
muniquent leur état de mouvement aux substances fermen-
tescibles ; Berzelius pense qu'il s'agit d'une action de
contact ; pour Wurtz, le ferment se fixe sur la matière
albuminoïde, d'où résulte une combinaison passagère, que
l'eau dédouble en mettant le ferment en liberté ; pour
Ad. Mayer, les ferments solubles agissent en élevant la
température moléculaire des corps fermentescibles, etc.
Aucune de ces théories n'est satisfaisante, et la seule chose
qu'on puisse faire actuellement, c'est d'étudier attentive-
ment l'action de chaque ferment soluble sur les matières
organiques. On connaît jusqu'ici les ferments solubles qui
déterminent :
1° La saccharification de l'amidon
2° L'interversion du sucre de canne
, . . Diastase.
. . Invertine.
\ Emulsine.
' ' l Myrosine.
I Pepsine.
4° La peptonisation des albuminoïdes ] Trypsine.
( Papaïne.
3° Le dédoublement des glucosides.
FERMENTATION
5° La coagulation de la caséine Présure
6° La décomposition de l'urée Uréase.
II. Ferments organisés. — Les ferments organisés appar-
tiennent à trois groupes différents : les moisissures, les
levures et les bactéries.—- Les moisissures sont des végétaux
inférieurs, le plus souvent des champignons de petite taille,
comme YAspergillus niger, le Pénicillium glaucum,
qui font partie des Ascomycètes ; le Mucor, le Rhizopus
nigrans, qu'on range parmi les Oomycètes. Ces crypto-
games ne deviennent des ferments qu'à la condition de les
faire végéter à l'abri de l'air, de telle sorte qu'ils éta-
blissent en réalité une sorte de transition entre les végé-
taux ordinaires et les ferments proprement dits. S'ils se
développent à la surface des moûts sucrés, ils se com-
portent à la manière des champignons supérieurs, c.-à-d.
consomment pour leur propre développement les matières
fermentescibles; mais vient-on à les submerger dans le
moût et, par suite, à les soustraire au contact de l'air, ils
provoquent le dédoublement du sucre en alcool et en acide -
carbonique.
Les levures ont pour type la levure de bière, laquelle
se compose de cellules rondes ou ovales de 8 à 9 \i
(1 (i. = i millième de millim.) dans leur plus grand
diamètre. Ces cellules sont constituées par une membrane
mince renfermant un protepksme incolore, homogène ou
granulé ; elles se multiplient le plus souvent par bourgeon-
nement lorsqu'elles se trouvent dans un milieu nutritif
convenable ; mais, d'après Reess, certaines cellules produi-
sant des spores, à la manière des Ascomycètes, il convient
de ne conserver dans le groupe des levures que les cham-
pignons sans véritable mycélium et dont les cellules pro-
duisent en bourgeonnant des cellules semblables. Ce sont
les Saccharomyces de Meyen, appartenant à l'ordre des
champignons ascomycètes, et dont voici les principales
espèces : 1° le S. cerevisiœ, comprenant les deux variétés
de levures haute et basse, employées dans la fabrication
de la bière ; leur plus grand diamètre est de 8 à 9 p. ; 2° le
S. ellipsoideus, constituant, le ferment spécial du jus de
raisin, dont le diamètre est de 6 (x seulement ; 3° le S. Pas-
torianus, formé de cellules végétatives ovales, isolées, ou
en chaînes ramifiées, ayant de 18 à 22 [x de longueur;
c'est un ferment alcoolique lent, qu'on trouve dans les
levures spontanées du vin, du cidre et de la bière ; 4° le
S. exiguës, cellules en forme de quille ou de toupie,
n'ayant guère que 5 (x de longueur sur 2,5 [x de diamètre
au gros bout ; 5° le S. congîomeratus, qu'on trouve sur
les raisins pourris et dans le vin au commencement de la
fermentation.
Les bactéries sont des organismes inférieurs qui se
rapprochent des champignons lorsque leurs cellules ou
leurs bâtonnets ne contiennent pas de chlorophylle, et
qu'on range parmi les algues dans le cas contraire. Leurs
dimensions sont extrêmement petites, car le diamètre des
cellules atteint à peine 1 (x, tandis que la longueur des
bâtonnets dépasse rarement 4 [x. Reaucoup de bactéries se
multiplient par bipartitions successives et, lorsque les nou-
velles cellules ainsi formées restent réunies, il en résulte
des sortes de filaments à configuration variable ; d'autres
se reproduisent par spores, qui apparaissent dans la cel-
lule mère sous forme d'un petit corpuscule rond ou ovale,
très réfringent. Les fermentations bactériennes compren-
nent: 1° les fermentations par dédoublement (ex. : fermen-
tation lactique) ; 2° les fermentations par hydratation
(ex. : fermentation de l'urée) ; 3° les fermentations par
réduction (ex. : fermentation butyrique) ; 4° les fermen-
tations par oxydation (ex. : fermentation acétique) .
Ces dénominations visent la réaction principale seule-
ment, car il peut se produire des réactions secondaires
d'une autre nature. — Voici maintenant, en résumé,
les caractères de fermentations dues aux ferments orga-
nisés :
1° Fermentation alcoolique. Elle est caractérisée par
le dédoublement des glucoses fermentescibles (dextrose,
FERMENTATION
lévulose, galactose) en alcool et en acide carbonique, sous
Tinfluence des levures, notamment de la levure de bière :
C12H12012 = 2C204 + 2C4H602.
En outre, il se forme toujours une petite quantité de
produits secondaires : de l'acide succinique (Schmidt), de
la glycérine (Pasteur), de l'acide acétique (Béchamp), des
alcools supérieurs, homologues de l'alcool éthylique, notam-
ment les alcools propylique, isobutylique et amylique ;
enfin, en opérant sur de grandes quantités de vin de Bor-
deaux, Henninger a isolé de l'isopropylglycol. Les propor-
tions de ces différents corps, toujours très faibles, car
elles ne représentent que 4 à 5 °/0 du produit fermentes-
cible, varient d'ailleurs suivant les conditions de l'expé-
rience, suivant que la fermentation est lente ou rapide,
suivant la nature de la levure, etc. La plupart des chi-
mistes envisagent la fermentation alcoolique comme un
travail physiologique des levures. Pour Pasteur, elle est une
conséquence de la vie sans air, et la levure n'agit comme
ferment que lorsqu'elle est anaérobie, c.-à-d. privée d'oxy-
gène libre ; dans ce dernier cas, elle emprunte l'oxygène au
sucre, et c'est pour cette raison qu'elle décompose ce der-
nier en alcool et en acide carbonique. Poussant cette théorie
jusqu'au bout, quelques adeptes de Pasteur admettent que
les levures, et, d'une manière plus générale, tous les fer-
ments organisés assimilent la substance fermentescible
comme l'animal assimile les aliments pour excréter les pro-
duits de fermentation, constituant de véritables produits
de dénutrition.
2° Fermentation lactique. Elle se produit dans une
foule de circonstances, notamment lorsqu'on abandonne le
lait à lui-même, par suite de transformation en acide lac-
tique, C6H606, de certaines matières sucrées, comme le
sucre de lait, la glucose ordinaire, le sucre de canne. On
admet qu'elle est due à plusieurs bactéries, notamment au
ferment lactique, le Bacterium acidi lactici, de Zopf,
fprmé de cellules courtes, épaisses, au moins deux fois
aussi longues que larges, mais dont la longueur moyenne
n'atteint pas 2 p.. On sait que le sucre de canne ne fer-
mente qu'après avoir été interverti par l'invertine, produit
de sécrétion do la levure (Berthelot) :
C24H22022 _|_ H2Q2 _ C12H12012 + C12H12012.
Cette interversion préalable se produit-elle dans la fer-
mentation lactique des saccharoses, comme le sucre de
lait? Non, car, à aucun moment, on ne peut constater dans
la liqueur fermentescible la présence d'un sucre réducteur.
Il faut donc admettre que les saccharoses se dédoublent au
moment où il y a fixation de deux équivalents d'eau sur
leur molécule :
C24H22022 + H2Q2 _ ^E^.
Avec les glucoses, C12H12012, le dédoublement est immédiat :
(H2H12012 — 2CGH606.
Le koumiss est une boisson fermentée que les Kal-
moucks, les Kirghiz et les Mongols préparent au moyen du
lait de jument. Il renferme à la fois de l'alcool et de
l'acide lactique, mais on ignore la nature du ferment qui
lui donne naissance. Il constitue pour les peuples de l'Asie
centrale une boisson alimentaire qu'on a utilisée dans les
dernières années en thérapeutique. Il en est de même du
képhir, que les montagnards du Caucase obtiennent au
moyen du lait de vache et d'un champignon particulier
jouant le rôle de ferment et appartenant aux levures.
3° Fermentation ammoniacale. Au moment de son
émission, l'urine des carnivores est neutre ou légèrement
acide ; abandonnée à elle-même, elle ne tarde pas à devenir
alcaline et ammoniacale par suite de la transformation de
l'urée en carbonate d'ammonium :
C2H4Az202 + 2H202 = C2(AzH4)206.
Urée
Carb. d'ammonium
D'après Pasteur et Van Tieghem, la transformation
s'opère principalement sous l'influence d'un micrococcus,
le M. urex, végétal formé de globules sphériques de 1,5 \l
de diamètre et réunis en longs chapelets plus ou moins
recourbés ; cet organisme sécrète un ferment soluble, ana-
logue à l'invertine, et c'est ce produit de sécrétion qui
détermine l'hydratation de l'urée. Cette fermentation pré-
sente un grand intérêt physiologique. En effet, l'urée
représente la principale forme sous laquelle l'azote des
tissus est éliminé de l'organisme animal ; or, elle ne peut
être assimilée par les plantes qu'autant qu'elle est con-
vertie en sel ammoniacal, et cette conversion est l'œuvre
d'un petit organisme qui est l'intermédiaire obligé entre
les plantes et les animaux. Le M. urex exerce également
son action sur l'acide hippurique qu'on rencontre à la place
de l'urée dans l'urine des herbivores, l'acide hippurique se
dédoublant par hydratation en acide benzoïque et en glycol-
lamine :
Ci8H9Az06 + H202 = Ci4H604 + C4H5Az04
Acide Acide "Glycollamine
hippurique benzoïque
4° Fermentation butyrique. Il y a fermentation buty-
rique toutes les fois qu'il y a production d'acide butyrique
ordinaire, C8H804, quels que soient d'ailleurs les orga-
nismes qui la provoquent et les substances fermentescibles
mises en jeu. La plus importante est celle du lactate de
chaux, qui s'effectue sous l'influence du Bacillus amylo-
bacter ; ce ferment butyrique est d'abord sous forme de
bâtonnets de 3 à 10 (x de longueur sur 1 [x d'épaisseur ;
ces bâtonnets s'épaississent en forme de fuseau ou de
têtard, puis donnent naissance à une ou deux spores qui
deviennent libres par suite de la dissolution de la membrane
enveloppante (Van Tieghem). C'est le type des fermentations
par réduction : il y a dégagement d'hydrogène et d'acide
carbonique, d'après une équation analogue à la suivante :
HC6H5Ca06 + H202
Carb. de chaux
= 2C8H7Ca04 + C2Ca206 + 3C204 + 4fl*.
Butyrate Carb. de chaux
Le B. amylobacter donne d'ailleurs de l'acide buty-
rique sur les matières sucrées, la dextrine, l'invertine et
diverses variétés de cellulose.
5° Fermentation acétique. Soumis à l'oxydation, l'al-
cool est susceptible de se transformer successivement en
aldéhyde éthylique, C4H402 et en acide acétique, C4H404 :
C4HW + 0* == H202 + C4H402
C4R402 + 02 = C4H404.
La même transformation s'effectue sous l'influence de
plusieurs bactéries, notamment du Myeoderma aceti, qui
intervient toujours dans la fabrication du vinaigre, d'après
le procédé dit d'Orléans. Le M. aceti est en cellules cylin-
driques à peu près aussi longues que larges, dont le dia-
mètre transversale n'a guère que 1 à 1 ,5 jx. Comme ces cellules
se multiplient par allongement et division transversale en
restant serrées entre elles, il en résulte des chapelets qui
paraissent formés de cellules doubles à étranglements plus
ou moins marqués. De même que le ferment alcoolique, le
M. aceti peut se développer dans des milieux exclusivement
minéraux, par exemple dans un liquide ne contenant que
des phosphates de chaux, de magnésie, de potasse et d'am-
moniaque, plus de l'alcool et de l'acide acétique. Suivant
Nsegeli, il se produirait toujours dans la fermentation acé-
tique un peu d'eau et d'acide carbonique, mais ces deux
produits tirent leur origine de l'acide acétique formé en
premier lieu ; quant à l'éther acétique , qu'on rencontre
toujours dans les bons vinaigres, il résulte de l'éthérifica-
tion de l'acide acétique à l'état naissant. D'après A. Brown.
le M. aceti végète dans des milieux renfermant de l'alcool
propylique, au lieu d'alcool ordinaire, alors que les alcools
méthylique, isobutylique et amylique sont inertes. Il trans-
forme le glucose ordinaire en acide gluconique, C12H12014
(Boutroux) :
Ci2H12012 + 02 = C12H12014.
Il est sans action sur le sucre de canne, le sucre de lait,
Famidon, la lévulose ; enfin, ensemencé dans une solution
— 285 —
FERMENTATION — FERMETTE
de marmite, C12Hi4012, il donne, comme produit prin-
cipal, de la lévulose :
Ci2H14012 4- 0* = H202 + C«Hiz0i2,
réaction intéressante qui permet de transformer la dextrose
en lévulose.
6° Fermentation nitrique. D'après Schlœsing etMiintz,
il existe, dans les terres nitrifiables, un ferment nitrique
capable d'oxyder les sels ammoniacaux et de les trans-
former en nitrates. Ce ferment est analogue au ferment
acétique, mais un peu plus petit : ce sont de petits cor-
puscules brillants, arrondis ou légèrement allongés, à
contours nets, parfaitement homogènes. De même que le
ferment acétique oxyde l'alcool en deux phases, aldéhyde
et acide acétique, de même le ferment nitrique donne
d'abord des nitrites, puis des nitrates ; le phénomène s'ar-
rête à la première phase lorsque les conditions de tempé-
rature et d'aération sont peu avantageuses et que les
dissolutions sont concentrées ; toutefois, les azotites se
transforment en nitrates lorsque l'ammoniaque a entière-
ment disparu. D'après Muntz, les iodures et les bromures
alcalins sont également oxydés et changés en iodates et
bromates, circonstance qui explique la présence de ces
derniers sels dans les gisements nitrés du Chili, du Pérou
et du Venezuela. Ed. Bourgoin.
II. Pathologie. — Dès le ixe siècle, Rhazès compa-
raît la variole à la fermentation du moût de raisin, et,
plus tard, c'est encore ce point de vue qui guide Van Hel-
mont et Stahl quand ils traitent des maladies contagieuses,
que Bressy au commencement de ce siècle appelait les ma-
ladies fermentatives ; mais jusqu'en 4857 toutes ces concep-
tions ne sont que des hypothèses hasardées, ne s'appuyant
sur aucun fait expérimental. C'est de cette époque, en
effet, que date le célèbre mémoire de Pasteur sur la fer-
mentation lactique où, avec preuves à l'appui, il peut affir-
mer que la fermentation est corrélative de la vie, non de
la mort on de la putréfaction des globules. Rayer et Da-
vaine avaient signalé dans le sang des animaux charbon-
neux des corpuscules particuliers, puis Chauveau montrait
quelques années plus tard que le principe actif du vaccin,
de la clavelée, de la variole, était retenu par le filtre, qu'il
était constitué par des éléments corpusculaires. Ces élé-
ments figurés, ces ferments, on parvenait enfin à les isoler,
à les cultiver, à les domestiquer pour ainsi dire, augmen-
tant ou atténuant au gré de l'expérimentateur leur viru-
lence (V. Bactérie). L'idée que la plupart des affections sont
dues à la prolifération des éléments figurés, des microbes,
des ferments en un mot, est désormais acquise à la science.
Mais comment agissent ces ferments pathogènes ? Une pre-
mière opinion toute mécanique admettait que ces micro-
organismes en se multipliant déterminent l'oblitération des
vaisseaux capillaires, la formation d'embolies multiples.
Puis on admit en s'appuyant sur des expériences in vitro
que ces êtres, avides d'oxygène, consomment ce gaz dans
le sang et les tissus ; enfin les recherches récentes, aux-
quelles sont attachés les noms de Charrin, de Chamber-
land et Roux, etc., montrent que les microbes pathogènes
agissent essentiellement par les produits qu'ils élaborent.
L'action des produits solubles, sécrétés par les microbes,
des toxines suivant l'expression admise, ne saurait plus
faire de doute. Les ferments pathogènes agissent dans le
corps d'une façon identique aux ferments butyrique, acé-
tique, etc., qui transforment les matières grasses ou l'al-
cool du vin en acide butyrique, en vinaigre. Et comme le
fait a été observé pour certaines fermentations, ces microbes
peuvent déterminer à un certain moment une telle quantité
de produits de - sécrétion , qu'elle s'oppose elle-même à
leur développement. Il existe toutefois, au point de vue des
micro-organismes pathogènes, un point resté encore obs-
cur : ces organismes fabriquent-ils une seule substance,
qui produit des effets variables suivant la quantité sécrétée
ou bien ces produits sont-ils multiples, chaque microbe
produisant au cours de son évolution des toxines d'action
différente ? Bien que des recherches nouvelles tendent à
faire croire que c'est à cette dernière hypothèse qu'il faut
se rallier, la composition chimique de ces substances est
encore trop mal connue pour permettre de résoudre la
question. Les idées nouvelles sur les fermentations patho-
gènes ont eu en médecine des résultats pratiques déjà
remarquables. C'est ainsi que l'emploi du naphtol et du
salol a réussi dans un grand nombre de cas nosologiques
où la cause immédiate était la présence des micro-orga-
nismes dans l'intestin : telles la diarrhée verte des enfants,
qui cède à l'action antiseptique de l'acide lactique ; les
entérites infectieuses victorieusement combattues par le
naphtol. La fièvre typhoïde elle-même paraît au début, du
moins, pouvoir être traitée avec succès par les mêmes
agents. L'emploi des purgatifs jusqu'ici dirigé avec empi-
risme trouve sa raison d'être avec les conceptions ac-
tuelles : les microbes de l'intestin sécrètent des toxines
qui, absorbées par les parois intestinales, déterminent les
phénomènes d'intoxications connues, fièvre, etc. Il existe
donc une indication formelle de les expulser avant leur
entrée dans le milieu intérieur, et tel est le but des purga-
tifs, associés à l'usage des antiseptiques. Dr P. Langlois.
FERMETÉ (La). Corn, du dép. de la Nièvre, arr. de
Nevers, cant. de Saint-Benin-d'Azy; 700 hab.
FERMETTE (Trav. publ.). La fermette est un cadre en
forme de trapèze, mobile autour de son côté inférieur hori-
zontal et pouvant à volonté se dresser verticalement ou se
rabattre horizontalement. L'application de fermettes aux bar-
rages en rivière, par M. Poirée, a résolu de la manière la plus
générale le problème des barrages mobiles et a produit,
dans la navigation intérieure, une véritable révolution en
permettant d'exhausser le niveau d'une rivière quelconque
et de la rendre à son cours naturel sans y laisser aucune
construction apparente quelconque. Pour rétablir le bar-
rage, on relève une à une les fermettes au moyen d'une
chaîne à laquelle elles sont attachées et dont la longueur,
entre deux points d'attache, est un peu plus grande que la
distance des fermettes, de manière que le relèvement s'opère
successivement. Aussitôt que chacune d'elles est debout,
on la détache de la chaîne et on la fixe à celle qui la pré-
cède au moyen de barres d'appui ; on pose sur la traverse
supérieure la passerelle de manœuvre et ainsi de suite. Les
fermettes, espacées alors en général de 4 m. à 4m25,
servent, par les barres d'appui qui les réunissent, à sup-
porter la partie supérieure d'aiguilles en bois reposant à
leur pied sur le radier du barrage et que l'on place à la
main. Ces aiguilles, dont le poids ne doit guère dépasser
50 Jrilogr. pour qu'elles soient maniables, sont munies d'un
crochet destiné à les attacher à la barre d'appui et qui en
facilite la manœuvre. Pour abattre le barrage, on enlevé
ces aiguilles une à une, puis la passerelle et les barres
d'appui, et on laisse les fermettes se coucher sur le radier
en les rattachant préalablement à la chaîne qui. devra ser-
vir à les relever et dont l'emploi permet l'abatage pro-
gressif et sans choc.
Lorsque la hauteur des fermettes dépasse 4 m. environ,
M. Boulé remplace les aiguilles, dont le poids serait alors
trop considérable, par des panneaux en bois s'appuyant
sur deux fermettes voisines et que l'on glisse sur leur face
d'amont (barrage de Suresnes : hauteur des fermettes,
6m01).M. Caméré emploie des rideaux articulés formés de
tringles horizontales reliées par des charnières et qui se
relèvent en s'enroulant comme des stores (barrage de Villez :
hauteur des fermettes, 5m42).
Les premières fermettes de Poirée construites de 4 834
à 4837 et dont la hauteur ne dépassait pas 2 m., étaient
en fer carré de 0m04 de côté. Aujourd'hui on les fait en
cornières et fers spéciaux ; leur poids s'est considérable-
ment accru avec leurs dimensions. La fermette du barrage
de Suresnes pèse environ 4,800 kilogr. et celle du barrage
de Villez atteint presque 2,000 kilogr. ; cette augmentation
du poids rend la manœuvre difficile. Les points délicats des
barrages de ce système sont les crapaudines autour des-
quelles tourne la fermette ; on ne saurait apporter trop de
FERMETTE — FERMETURE
— 286
soin à ce qu'elles soient suffisamment résistantes et ancrées
solidement dans le radier. Il peut arriver que, par suite
de la présence de corps étrangers charriés par l'eau* ou
même de sable, sur ce radier, les fermettes ne puissent
s'abattre complètement, qu'elles restent en porte à faux,
qu'elles se faussent ou même qu'elles se brisent. Si donc
des dépôts de sable sont à craindre, il faut éviter les encu-
vements continus où ces dépôts s'accumuleraient, laisser
les crapaudines en saillie sur le radier, etc. La chute la
plus élevée qui ait été rachetée jusqu'à présent par des
barrages à fermettes est celle de Suresnes (4 880), qui
atteint 3m27. Il ne serait sans doute pas impossible d'aller
au delà; toutefois on hésite à se confier à des organes
noyés à une profondeur de 5 à 6 m. d'eau. Mais jusqu'à
cette limite, c.-à-d. pour des retenues moyennes, ces bar-
rages, simples, commodes, essentiellement pratiques, cons-
tituent le meilleur instrument d'amélioration des rivières.
A. Flamant.
Bibl. : Guillemain, Navigation intérieure; Paris, 1885.
FER M ETU RE. I. TECHNOLOGIE. — Fermeture de bou-
tique. — Système de clôture mobile, appliqué aux devan-
tures de boutiques. Ici, comme dans un grand nombre
d'ouvrages appartenant à l'industrie du bâtiment, le fer tend
à remplacer le bois. Les anciennes fermetures de boutiques
sont formées de volets détachés, se posant les uns à la suite
des autres, dans des rainures ménagées pour les recevoir ou
reliés entre eux par des charnières et se développant succes-
sivement comme les feuilles des volets de persiennes. Ces
volets se rangent, pendant le jour, dans des boîtes ou
caissons disposés en pilastres de chaque côté de la devan-
ture. Les systèmes de fermetures en fer sont très nom-
breux. Les nouveaux peuvent se classer en deux catégo-
ries : appareils à lames de tôle, appareils à feuille de tôle
ondulée. Dans les premiers, la fermeture est constituée par
des rideaux de tôle dont les lames horizontales s'abaissent
et se relèvent au moyen de chaînes ou de vis sans fin,
mues par une manivelle. A cette catégorie appartiennent
les systèmes Melzessard, Jourdain et Sarton, Chedeville,
Maillard, etc. Les fermetures en métal ondulé, parmi les-
quelles nous citerons les systèmes Clark et Cie, Graffon,
sont plus coûteuses, mais offrent sur les précédentes
l'avantage de se fermer et de s'ouvrir sans l'aide d'aucun
mécanisme, sans occasionner de bruit ni d'ébranlement
et sans pouvoir produire d'accident par une chute de la
tôle ; car le mouvement dans chaque sens est produit par
l'action d'une tige avec laquelle on tire ou l'on soulève le
rideau. L. K.
IL ARTILLERIE. - Armes à feu portatives
(V. Fusil).
Bouches à feu. — A. Historique du chargement
par la culasse. — Le chargement par la culasse présente,
tant au point de vue de la manœuvre que des propriétés
balistiques, des avantages considérables. Les difficultés de
manœuvre étant surtout sensibles pour les canons de la
marine en raison de leur poids et des espaces restreints
dans lesquels ils sont installés, c'est à ces canons qu'on a
d'abord appliqué en France le chargement par la culasse
(canons mod. 4858-60 et 4864). Dans ces deux systèmes on
n'avait pour ainsi dire réalisé, par le nouveau mode de
chargement, aucun avantage balistique sérieux, puisque les
projectiles n'étaient pas forcés ; mais on avait par contre
facilité la manœuvre. Dans les modèles 4870 et suivants
de la marine, les deux genres d'avantages ont été obtenus
grâce au forcement du projectile. — Dans l'artillerie de
terre on avait commencé, en 4855, des essais sérieux de
chargement par la culasse, en employant la fermeture à vis,
proposée dès 4842 par le capitaine Treiiille de Reaulieu.
Mais, pendant longtemps, on n'obtint que des résultats
insuffisants, parce que les études relatives à l'organisation
des projectiles, des fusées, etc., n'étaient pas assez avan-
cées. Ce n'est qu'en 1867 que les expériences purent être
reprises d'une façon suivie et menées à bonne fin par le
commandant de Reffye. En 4870, lorsque la guerre éclata,
le canon de 7 proposé par de Reffye et son mode de char-
gement par la culasse donnaient déjà d'assez bons résul-
tats pour qu'on ait songé à l'utiliser pendant la campagne.
Aussitôt après la guerre, le principe du chargement par
la culasse fut admis en principe; il ne tarda "pas à être
définitivement adopté (canons de 5 et de 7 d'abord, puis
canons mod. 4877).
A l'étranger, les études ont été généralement moins
complètes qu'en France, mais elles ont souvent abouti plus
rapidement à une transformation radicale. Dès 4864, le
chargement par la culasse était appliqué à une partie des
canons prussiens, et après la campagne de 4866 il fut
étendu à tout l'armement. L'exempîe de la Prusse fut
suivi la même année par la Russie. L'Autriche, l'Italie, la
Belgique, la Suède, la Turquie, etc., fabriquèrent elles-
mêmes ou mirent en commande en Prusse ou en Angleterre
des canons se chargeant par la culasse, etles résultats des
expériences que ces nations ont exécutées amenèrent la
transformation de leur matériel. Les Etats-Unis s'y sont
décidés en 1875 pour une partie de leurs canons, et pour
la totalité en 4876. En Angleterre, le chargement par la
culasse fut mis en pratique dès 4858, mais le mécanisme
adopté (système Armstrong) donna lieu à de graves mé-
comptes, et, en 4874, cette puissance revint au charge-
ment par la bouche qu'elle n'abandonna définitivement qu'en
4884, à la suite de l'éclatement d'un canon de 38 tonnes
à bord du Thunderer, accident qu'on attribua à l'intro-
duction de deux projectiles dans la pièce.
B. Généralités. — La fermeture des canons se char-
geant par la culasse est obtenue au moyen d'un mécanisme
comprenant deux parties principales : le système de fer-
meture ou culasse et le système d'obturation ; ce dernier
a pour but de s'opposer à la fuite des gaz de la poudre par
le joint existant entre la culasse et le canon. Nous exami-
nerons les différents dispositifs employés tant dans l'artil-
lerie française que dans les artilleries" étrangères, en corn
mençant par les organes destinés à assurer l'obturation.
Obturation. L'obturation est réalisée soit au moyen
d'une gargousse métallique, soit à l'aide d'un obturateur
en matière plastique ou élastique. La gargousse métal-
lique, adoptée principalement dans les canons à tir rapide,
Fig. 1. — Obturateur de Bange.
est analogue à l'étui des cartouches pour armes portatives
et fonctionne comme celui-ci par expansion : au moment
de l'explosion, les gaz de la poudre la détendent et l'ap-
pliquent fortement contre les parois du canon et contre la
culasse. — L'organe d'obturation peut être soit relié à la
culasse comme l'obturateur de Bange et l'obturateur
Freyre, soit fixé à demeure dans le canon comme l'anneau
Broadwell. V obturateur de Bange (fig. 4), adopté en
France pour presque toutes les pièces de l'artillerie de
terre, est fondé sur le principe suivant : un anneau ou
galette plastique A est enfilé sur la tige d'un piston B
appelé tète mobile ; il s'applique par une de ses faces contre
la culasse C et par l'autre contre une des bases du pis-
ton. Sous Faction des gaz, le piston recule et comprime
la galette ; celle-ci se dilate dans le sens transversal et
s'applique plus ou moins énergiquement contre les parois
de l'âme du canon. La matière plastique choisie par le
colonel de Bange est un mélange de 65 parties de suif de
mouton et de 35 parties d'amiante; la galette est entourée
d'une enveloppe entoile et protégée sur ses deux faces par
deux coupelles en étain a et af dont les arêtes sont renforcées
par trois bagues fendues en laiton b, bf et b" qui empêchent
la matière de se crever au contact du piston et de la culasse et
de s'écouler par les joints. L 'obturateur Freyre (fig. 2) mis
287 — FERMETURE
forme pour ainsi dire ressort : sous l'action de la pression,
la face interne s'aplatit tandis que la gorge s'ouvre, ce qui
contribue à appliquer l'extrémité a de l'anneau contre le
Obturateur Freyre.
en service dans l'artillerie espagnole a quelque analogie
avec le précédent. La matière plastique y est remplacée
par un anneau en cuivre rouge ou en acier À, à section
triangulaire, placé ainsi que l'indique la figure. La tète
mobile B en reculant sous l'action des gaz détend l'anneau
obturateur et comprime un ressort antagoniste, qui n'a
d'autre but que de ramener ensuite la tête mobile à sa
position normale. Vanneau Broadwell A, en cuivre ou en
acier, a le plus souvent le profil indiqué par la fig. 3. Sa
Fig. 3. — Anneau Broadwell.
face extérieure, appliquée contre les parois du canon, est
sphérique comme son logement ; sa face interne est con-
cave. La pression des gaz l'applique à la fois contre le ca-
non et contre une plaque d'appui B en acier, fixée à l'avant
de la culasse. Des rainures circulaires creusées dans la
face postérieure de l'anneau forcent les gaz, qui s'introdui-
Obturateur Piorkowskï.
raient dans le joint du côté de a, à des détentes succes-
sives qui diminuent leur force élastique. D&nsY obturateur
Piorkowskï (fig. 4), qui n'est qu'un perfectionnement de
l'anneau Broadwell, la face extérieure, tout en étant tou-
jours sphérique dans son ensemble, présente une gorge
très accusée a ; la face interne est convexe au lieu d'être
concave. Il résulte de ces dispositions que l'obturateur
Obturateur de la marine française.
joint cet assure mieux l'obturation de ce côté; en outre,
la gorge procure une détente aux gaz qui auraient pu pas-
ser en un point quelconque du joint b. La marine française
emploie un anneau en cuivre A (fig. 5) fonctionnant comme
l'obturateur Broadwell.
Fermeture. 1° Artillerie française. Les fermetures
de culasse employées en France sont toutes à vis système
Treuille de Beaulieu. Elles se composent essentiellement
d'un corps de vis cylindrique, ou vis-culasse, en acier,
pouvant se visser dans un écrou taraudé dans le canon.
L'axe de l'écrou, celui de la vis et celui du canon coïncident.
Pour obtenir une résistance suffisante et pour empêcher tout
dévirage sous l'action du tir, le pas de la vis a dû être choisi
assez court et le nombre des filets assez grand; mais
alors, pour fermer ou ouvrir la culasse, on était obligé de
faire faire à la vis un nombre de tours considérable autour
de son axe, ce qui occasionnait une grande perte de
temps. Afin d'éviter cet inconvénient, le capitaine Treuille
de Beaulieu a eu l'idée de ne laisser subsister les filets de
la vis que sur trois secteurs cylindriques de 60° chacun,
en les abattant complètement sur trois autres secteurs,
de 60° également et alternant avec les secteurs filetés. La
même disposition a été appliquée à l'écrou du canon. Il en
résulte que la culasse étant complètement ouverte, pour la
fermer il suffit : \ ° d'amener la vis en face de l'écrou, de
manière à placer ses secteurs filetés en regard des secteurs
lisses de l'écrou ; 2° de pousser la vis à fond parallèlement
à son axe ; 3° de donner un sixième de tour dans le sens
convenable pour mettre la vis complètement en prise avec
son écrou. Pour ouvrir la culasse, on exécute les trois
mêmes mouvements, mais en ordre inverse. La vis étant
extraite du canon, le dernier mouvement, destiné à démas-
quer l'entrée de la bouche à feu, peut se faire soit par une
rotation autour d'un axe horizontal ou vertical, soit par une
translation perpendiculairement à l'axe du canon. Pendant
toute la durée de ce mouvement, la vis-culasse n'étant plus
supportée par son écrou doit être soutenue par une pièce
spéciale ; c'est cette pièce qui possède le mouvement de
rotation ou de translation dont nous venons de parler ;
suivant qu'elle entoure complètement la vis ou qu'elle n'en
contourne que la partie inférieure, elle porte le . nom de
volet ou de console. La console est employée dans cer-
taines bouches à feu de la marine et particulièrement dans
celles de gros calibres . Dans les premiers canons de la
marine se chargeant par la culasse (mod. 4858-60), elle
tournait autour d'un axe parallèle à celui de la bouche à
feu, dans une pièce appelée cadran, fixée sur la tranche
postérieure du canon : le système était désigné sous le nom
de fermeture a cadran ; plus tard, en 1864, le cadran
fut remplacé par une coulisse horizontale parallèle à l'axe
des tourillons, d'où le nom de fermeture à coulisse ; ce
système donnait lieu à des coincements et ne tarda pas à
être remplacé par le système à charnière, dans lequel la
console tourne autour d'un axe perpendiculaire au plan des
axes du canon et des tourillons. C'est ce système qui a
prévalu dans les canons de la marine postérieurs à 1870
ainsi que dans ceux de l'artillerie de terre : dans les uns
FERMETURE
- 288
comme dans les autres, le volet ou la console tournent au-
tour d'un boulon vertical (le canon étant supposé horizon-
tal). C'est ainsi que sont organisées les fermetures de
Reffye (canons de 5, de 7 et de 138 tirant une gargousse
métallique à inflammation centrale), Lahitolle (canon de
95 millim.) et de Bange (la plupart des canons de l'ar-
tiilerie de terre). Toutes emploient la mise de feu par étou-
pille à friction. Nous donnerons plus loin les caractères
essentiels du système de fermeture de Bange.
Notons également que depuis 1870 l'artillerie de la ma-
rine ayant adopté la mise de feu au moyen d'une étoupilie
à percussion centrale, ses fermetures ont été munies d'un
mécanisme de mise de feu spécial comportant deux pièces
principales : le verrou et le marteau; la première cons-
tituant un appareil de sûreté destiné à empêcher la mise
de feu prématurée, la seconde servant à frapper l'étoupille
par l'intermédiaire d'un percuteur. Depuis 1881 la marine
a adopté un verrou à ressort faisant disparaître certains
inconvénients du verrou simple.
Il est indispensable que le volet ou la console ne puisse
tourner autour de sa charnière pendant le mouvement de
translation de la culasse suivant l'axe du canon, sans quoi
la vis se coincerait dans son logement. Il est nécessaire
également que la vis, une fois tirée complètement hors
du canon, conserve par rapport au volet une position
invariable, sans quoi, dans le mouvement de rotation du
mécanisme autour de l'axe vertical, pour fermer la culasse,
l'axe de l'écrou et celui de la vis ne se placeraient pas dans
le prolongement l'un de l'autre, et les secteurs filetés ne
se trouveraient pas en regard des secteurs lisses. Le méca-
nisme doit donc être complété par une pièce spéciale ayant
pour but de relier le volet ou la console, tantôt à la vis-
culasse, tantôt au canon ; cette pièce porte le nom de
verrou ou de loquet suivant les systèmes. La fermeture
comporte en outre le plus souvent un dispositif de sûreté
empêchant le dévirage accidentel de la vis et quelquefois
aussi un organe destiné à empêcher, comme le verrou
de sûreté de la marine, la mise de feu prématurée. Une
planchette de chargement, qu'on dispose sur le secteur
lisse inférieur de l'écrou de culasse, sert dans les gros
calibres à guider le projectile au moment du chargement ;
elle protège les parties relativement tendres du projectile
contre les dégradations que pourraient y occasionner les
filets de l'écrou et préserve l'anneau obturateur, s'il y a
lieu. Enfin, pour les gros calibres de la marine, les culasses
ayant des poids parfois très considérables, on a recours
pour la manœuvre du mécanisme à des systèmes d'engre-
nages facilitant respectivement chacun des trois mouve-
ments que comporte cette manœuvre.
2° Artilleries étrangères. Les systèmes de fermeture
employés à l'étranger peuvent se ramener à six types prin-
cipaux : à bloc, à piston, à double coin, à coin prismatique,
à coin cylindro-prismatique et à vis. Les trois premiers
sont aujourd'hui abandonnés; nous n'en dirons que
quelques mots. La fermeture à bloc, connue également
sous le nom de fermeture Armstrong, consiste en un bloc
portant à l'avant un obturateur en cuivre et s'introduisant
dans une mortaise percée verticalement dans le canon.
L'obturateur est pressé dans le canon à l'aide d'une vis
creuse ayant même axe que ce dernier et qui permet,
lorsqu'elle est desserrée et que le bloc est retiré, d'exécu-
ter le chargement par sa partie postérieure. La fermeture
à piston, appelée aussi système Wahrendorf, comprend
essentiellement un piston mobile suivant l'axe de la bouche
à feu et une forte clavette cylindrique traversant à la fois
le piston et le canon dans une direction perpendiculaire à
cet axe et servant à fixer le piston dans la position de fer-
meture. Une portière mobile autour d'une charnière joue
le rôle de volet. L'obturation est obtenue au moyen d'une
coupelle en carton qu'on remplace après chaque coup.
La fermeture à double coin ou système Kreiner est formée
de deux coins à angles égaux dont l'ensemble est mobile
dans une mortaise horizontale percée dans le canon per-
pendiculairement à l'axe de ce dernier. Les faces de contact
des deux coins sont inclinées par rapport à l'axe du canon
et verticales : en faisant glisser ces deux faces l'une par
rapport à l'autre, on peut augmenter ou diminuer l'épais-
seur du prisme formé par la juxtaposition des deux
coins, et, par suite, faire varier à volonté le serrage avec
lequel leur ensemble est appliqué contre les parois de la
mortaise. Ce glissement est obtenu au moyen d'une vis à
manivelle tournant dans un écrou pratiqué dans un seul
des coins. Chacun des coins est percé d'une fausse âme
pouvant se placer dans le prolongement de l'âme du canon
pour permettre le chargement. L'obturation est réalisée à
l'aide d'un obturateur en carton ou en métal.
Les fermetures à coin prismatique et à coin cylindro-
prismatique ne diffèrent en principe l'une de l'autre qu'en
ce que la face postérieure du coin est plane dans les pre-
mières et cylindrique dans les secondes. La forme cylin-
drique a l'avantage de supprimer les angles rentrants de
la partie arrière de la mortaise dans laquelle le coin se
meut, et par suite de diminuer les chances de rupture du
canon en ces points. Le coin peut glisser horizontalement
dans sa mortaise et être appliqué énergiquement contre
les parois, au moment de la fermeture, au moyen d'une
vis de serrage dont l'axe est parallèle à la direction du
mouvement du coin. Il est percé d'une fausse âme pour le
chargement. L'obturation est généralement obtenue par
un anneau Broadwell. La description détaillée du coin
cylindro-prismatique, tel qu'il a été adopté pour les canons
de campagne allemands, est donnée plus loin.
La fermeture à vis, que la France employait seule il y
a une dizaine d'années, tend à se répandre de plus en plus
à l'étranger. Les Anglais et les Américains l'ont adoptée
pour leur nouveau matériel, les Italiens, les Espagnols,
les Suédois, les Portugais, les Serbes, etc., pour certaines
de leurs bouches à feu en service ou en expériences ; les
Allemands eux-mêmes ont pris la vis pour certains de leurs
mortiers et canons courts, et les Russes viennent de l'adopter
pour leurs canons légers de campagne. Les obturateurs
qu'on rencontre à l'étranger concurremment avec la ferme-
ture à vis sont tantôt l'obturateur de Bange, tantôt les
anneaux Broadwell ou Piorkowski, plus ou moins modifiés.
Il faut cependant remarquer qu'on ne s'est pas astreint par-
tout à la segmentation de la vis en six parties ; en Angle-
terre, par exemple, le nombre des segments croît avec le
calibre : il est généralement de six pour les canons de petit
et de moyen calibre. En Italie, pour certains canons, bien
qu'on ait maintenu sur la presque totalité de la vis trois sec-
teurs pleins égaux, l'un des filets s'étend sur les cinq sixièmes
de la surface extérieure. Le Brésil expérimente actuellement
(1893) un matériel de campagne du constructeur français
Canet, dans lequel la vis est interrompue suivant des segments
hélicoïdaux, de sorte que la rotation imprimée à la vis sur
elle-même produit en même temps sa translation suivant
l'axe du canon, ce qui supprime un des trois mouvements
que comporte la manœuvre de la vis ordinaire. Les Etats-
Uni^ essayent une fermeture système Gerdom dans laquelle
la vis, formée de deux secteurs lisses et de deux sec-
teurs filetés, n'est susceptible que d'un mouvement de ro-
tation dans le volet. Celui-ci fait corps avec un bras
perpendiculaire à son plan et mobile autour d'un pivot
vertical placé sur le côté, en avant de la tranche postérieure
du canon. Le canon est échancré à l'arrière pour livrer
passage à la vis dans son mouvement autour du pivot. L'ou-
verture de la culasse ne comporte ainsi que deux mouve-
ments : quart de tour de la vis et rabattement sur le côté.
3° Canons a tir rapide. Dans les canons à tir rapide,
adoptés récemment par un grand nombre de puissances tant
pour l'armement des navires que pour la défense des places et
des côtes, le chargement se fait au moyen de gargousses
métalliques à inflammation centrale réunies ou non au pro-
jectile suivant la grosseur du calibre. Les bouches à feu
comprennent toute la série des calibres depuis 37 millim.
et même au-dessous jusqu'à 15 centim. L'obturation est
289 —
FERMETURE
obtenue au moyen de la gargousse elle-même ; quant aux
mécanismes de fermeture, organisés le plus souvent pour
la mise de feu mécanique, ils comportent un appareil de
percussion qui s'arme automatiquement. Celui-ci, formé
d'un chien ou d'un percuteur, d'une gâchette et d'une
détente, fonctionne généralement par la pression directe
du doigt sur la détente, ou par l'action d'un tire-feu si le
canon est susceptible de reculer. Dans quelques systèmes le
mouvement pour fermer la culasse détermine lui-même le
départ du coup. Lorsque la mise de feu se fait électrique-
ment, le départ du coup est provoqué à l'aide d'un ferme-
circuit. Un extracteur, fonctionnant automatiquement au
moment où l'on ouvre la culasse, décolle la douille vide et
le plus souvent l'expulse de lui-même au dehors. Les dis-
positions ingénieuses imaginées par les constructeurs pour
réaliser toutes ces conditions ainsi que pour accélérer au-
tant que possible les mouvements d'ouverture et de fermeture
de la culasse présentent des variétés très nombreuses ;
elles peuvent se ramener à quatre types principaux : le coin
vertical, le coin horizontal, le bloc tournant, la vis.
Les fermetures à coin vertical comprennent essentiel-
lement un coin prismatique susceptible d'un mouvement
de montée et de descente dans une mortaise du canon;
lorsqu'il est abaissé, il permet d'effectuer le chargement
par sa surface supérieure. A ce système appartiennent la
fermeture Hotchkiss qui sera décrite plus loin en détail,
ainsi que les fermetures Gruson, Krupp et Skoda.
Le mécanisme à coin horizontal adopté par Krupp
pour ses canons de moyen et de gros calibre n'est autre
que le coin cylindro-prismatique dont nous donnerons la
description, dans lequel on a supprimé la lumière et auquel
on a adapté un appareil de percussion et un extracteur.
A la catégorie des fermetures à bloc tournant appar-
tiennent : a. Le mécanisme de culasse Nordenfelt, qui
se compose d'un bloc formé de deux parties pouvant glisser
l'une sur l'autre et dont l'ensemble se déplace dans la
mortaise du canon en tournant autour d'un arbre parallèle
à l'axe des tourillons, fixé en arrière et en bas de la
tranche antérieure de la mortaise. Le bloc est manœuvré
par un levier monté sur le même arbre. La mise de feu se
fait automatiquement lorsqu'on achève de fermer la cu-
lasse ; on peut également disposer le mécanisme pour le
tir à volonté, b. Le mécanisme automatique Maxim, dans
lequel l'inventeur a utilisé le recul du canon pour produire
automatiquement les différents mouvements de la charge :
ouverture de la culasse, extraction et rejet de la douille
vide, introduction d'une nouvelle cartouche dans le canon,
fermeture de la culasse et armé du percuteur. La mise de
feu s'exécute coup par coup à l'aide d'une détente à crosse
de pistolet ; si le pointeur presse sans interruption sur la
détente, le tir devient continu et atteint la vitesse de
5 coups par seconde pour le calibre de 37 millim., le plus
fort auquel ce système ait été appliqué. L'approvisionne-
ment se fait au moyen d'une bande de chargement garnie
de cartouches, entraînée mécaniquement à chaque coup
parle fonctionnement de l'arme, c. La fermeture présentée
par le capitaine Engstrôm, dans laquelle le bloc, mobile
autour d'un arbre parallèle à l'axe des tourillons, est com-
mandée par un pêne tournant autour d'un second arbre
parallèle au premier.
Parmi les systèmes de fermetures à vis, les plus usités
sont ceux de Canet et d'Armstrong : a. Dans le système
Canet l'organe de fermeture est la vis française avec volet-
console, organisée de manière qu'on puisse effectuer les
trois mouvements, de rotation, de translation et de déga-
gement sur le côté, que comporte la manœuvre de la vis, à
l'aide d'un simple déplacement imprimé au levier de ma-
nœuvre dans un seul et même plan. La mise de feu se fait
au moyen d'une amorce électrique vissée dans le culot de
la cartouche, b. La fermeture Armstrong consiste en une
vis à filets interrompus, dont le corps n'est cylindrique
qu'à la partie postérieure et affecte à l'avant la forme d'un
cône tronqué. Grâce à cette disposition on peut amener la
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
vis dans son logement par un simple mouvement de rota-
tion, ce qui supprime celui des trois mouvements qui s'ef-
fectue dans la direction de l'axe du canon. Les secteurs
filetés sont alternés dans les deux parties de la vis de
façon que les secteurs lisses du cylindre correspondent aux
secteurs filetés du tronc de cône. La mise de feu se fait en
principe par l'électricité, c. Signalons enfin le mécanisme
de culasse proposé par MM. Dodeteau et Dar mander, dans
lequel la vis se manœuvre par un simple mouvement recti-
ligne imprimé à une poignée de manœuvre suivant l'axe du
canon. La vis est supportée par une console qui, lorsque
le mouvement d'extraction de la première est terminé,
tombe d'elle-même en tournant dans un plan vertical pas-
sant par l'axe du canon. La mise de feu se fait soit au moyen
d'une détente, soit par le mouvement même de fermeture.
C. Fermeture Avis système de Range. — La description
détaillée de cette fermeture, accompagnée de figures, est
donnée au mot Bânge [De]. Bornons-nous à indiquer ici ses
caractères généraux. Elle se compose d'une vis à filets in-
terrompus sur trois secteurs égaux, d'un volet, d'une tête
mobile et d'un obturateur plastique. Toutes les parties du
mécanisme sont assemblées entre elles par des goupilles, ce
qui rend le démontage très facile. La culasse se manœuvre à
l'aide d'une poignée fixe faisant corps avecla vis et d'un levier-
poignée mobile. Le loquet, actionné par un ressort à deux
branches relie en temps voulu le volet à la vis ou à la
pièce. Un plan incliné, taillé dans la paroi du canon,
agit sur le bec supérieur du loquet pour faire sortir le
talon de son logement dans la vis, lorsque celle-ci doit
redevenir libre. Des dégagements dans la frette-culasse
ou dans le volet permettent de faire fonctionner le loquet
malgré le bris du ressort. La tête du levier -poignée,
tracée en came, forme système de sûreté contre le dé vi-
rage, en pénétrant dans une mortaise du volet; elle
permet le décollement de l'obturateur, lorsqu'on a exécuté
le sixième de tour, en prenant appui sur la tranche posté-
rieure du volet. La mise de feu se fait par un canal de
lumière percé dans l'axe de la tête mobile (V. fig. 4). Un
obturateur plastique, décrit plus haut, assure l'obturation
du mécanisme. Ce système de fermeture a été appliqué en
France à la plupart des bouches à feu en service dans
l'artillerie de terre.
D. Fermeture à coin cylindro-prismatique, système
Krupp (fig. 6 à 9). — Le mécanisme à coin cylindro-pris-
matique est employé, en Allemagne, depuis 4872, à l'ex-
clusion des autres fermetures à coin. Nous allons décrire
celui qui est adopté dans les canons de campagne alle-
mands mod. 4873 et mod. 4873-88. — La mortaise dans
laquelle le coin se déplace horizontalement a sa face anté-
rieure normale à l'axe de la bouche à feu, tandis que sa face
postérieure, demi-cylindrique, a ses génératrices légèrement
obliques à cet axe. Sur les faces supérieure et inférieure est
ménagée une nervure directrice dont les arêtes, parallèles
à la face postérieure, obligent le coin à s'éloigner ou à se
rapprocher de la face antérieure, suivant qu'on le tire vers
la gauche ou qu'on le ramène à droite pour 'ouvrir ou
fermer la culasse. Sur la face gauche du coin est vissée la
plaque de recouvrement. En haut et à gauche est ména-
gée, dans le coin, une excavation servant de logement à la
vis de serrage ; celle-ci, dont l'axe est parallèle à la face
postérieure du coin, est une vis à filet carré présentant en
tout trois pas et demi. Les trois pas de vis sont rasés
jusqu'au noyau, en ligne droite, sur un certain développe-
ment ; le demi-filet voisin de la plaque de recouvrement
est intact. Un filetage pratiqué dans la mortaise du canon,
forme un écrou, taraudé à la demande de la vis. On ma-
nœuvre la vis au moyen d'une manivelle qui peut exécuter
un demi-tour complet; en engageant les filets dans l'écrou,
on force le coin dans sa mortaise ; en amenant au contraire
la partie non filetée en face de l'écrou, on desserre le coin,
et on peut ensuite le tirer à la main. Un linguet à ressort
empoche la manivelle de tourner et, par suite, la culasse
de s'ouvrir, tant qu'on ne l'a pas relevé. A l'autre extrémité
49
FERMETURE
290 -
du coin est percée une fausse âme qui vient se placer
dans le prolongement de l'âme lorsqu'on ouvre la culasse :
elle est garnie d'un manchon intérieur en bronze, sur
lequel sont fixées deux vis-guides qui traversent le coin et
dont les têtes viennent s'engager dans deux coulisses delà
mortaise parallèles à la face antérieure de celle-ci. Il en
résulte que dans le mouvement de va-et-vient du coin, le
bord antérieur du manchon reste toujours à hauteur de la
tranche antérieure de la mortaise, de façon à supprimer,
autant que possible, toute solution de continuité entre la
fausse âme et l'âme.
L'obturateur est un anneau en cuivre (en acier pour les
gros calibres) dans lequel la surface extérieure est sphé-
rique mais dépourvue de gorge ; sa surface interne est
Fia-. 6.
Vue latérale
gauche de la culasse.
convexe. La base de l'anneau s'appuie, lorsque la culasse
est fermée, contre une plaque d'acier logée dans une ex-
cavation circulaire ménagée dans la partie antérieure du
coin; un goujon vissé dans cette plaque l'empêche de
tourner sur elle-même. Dans la plaque d'appui de l'obtu-
rateur est creusé un godet peu profond destiné à re~
Fig. 7. — Coupe verticale.
cueillir les crasses et les débris de la gargousse. Lorsque le
serrage de l'obturateur devient insuffisant, on peut inter-
poser entre la plaque et le coin des rondelles de laiton ;
si cela ne suffit pas on change l'obturateur. D'ailleurs, le
système d'obturation doit être surveillé très attentivement.
La plaque d'appui et l'obturateur sont nettoyés fréquem-
Vue arrière.
Fig. 9. — Plan du coin.
A, coin cylindro-prismatique; B, vis de serrage; C, manivelle de la vis de serrage; D, vis-lumière; F, coquille;
G, plaque de recouvrement; H, jjlaque d'appui; I, fausse âme; K, châssis préservant la partie saillante du coin;
L, obturateur; a, goujon; 6, fente pour le tire-feu; c, trou pour le dégorgeoir; d, obturateur de lumière; f, fourreau
de lumière; g, grain de lumière de la plaque d'appui; h, vis fixant la plaque de recouvrement; i, vis-guide du man-
chon; fe, rainure triangulaire où coulisse l'extrémité de la vis-lumière; f, clavette de manivelle; m, linguet ; x, axe
du linguet; y, ressort clu linguet; z, axe du ressort du linguet.
ment pendant le tir, au moyen de chiffons trempés dans
la glycérine ou dans l'huile de Belmontyl.
Le canal de lumière, traversant obliquement le renfort
du canon et le coin, débouche au centre de la plaque
d'appui : deux grains en cuivre sont logés l'un dans la
plaque, l'autre dans le coin ; une vis-lumière en acier tra-
verse le renfort et sert à la fois d'arrêtoir pour le coin et
de système de sûreté, la flamme de l'étoupilie ne pouvant
arriver jusqu'à la charge que si les deux grains sont dans
le prolongement de la vis-lumière, c.-à-d. que si le coin
est poussé à fond. Un petit anneau de cuivre, à section
triangulaire, placé au joint de la vis-lumière, empêche les
gaz de se répandre dans la mortaise. La vis-lumière se
termine, au-dessus du renfort, par une sorte de coquille
qui sert de pare-étoupille et protège la hausse contre l'en-
crassement; elle est percée d'une fente qui livre passage
au tire-feu et d'un trou dans le prolongement du canal de
lumière pour permettre d'introduire le dégorgeoir. La co-
quille est prolongée par un pied donnant prise à une clef,
à l'aide de laquelle on dévisse la vis-lumière lorsqu'on
veut retirer entièrement le coin.
E. Fermeture à coin vertical, système Hotchkiss (fig.
10 à 13). — Le mécanisme de fermeture des canons à tir
rapide Hotchkiss se compose d'un coin mobile dans une
mortaise verticale pratiquée dans le canon et d'une mani-
velle de manœuvre à deux branches placée sur le côté
droit du coin ; l'appareil de mise de feu, comprenant un
chien, une gâchette et une détente, est logé partie dans
une chambre ménagée à la base du coin, partie en arrière
du coin sous le canon; un extracteur est disposé sur le
côté gauche. — Le coin a sa face antérieure normale à
l'axe du canon et sa face postérieure légèrement inclinée sur
cet axe, de manière que la partie la plus large du coin se
trouve en bas. Il présente à sa partie supérieure un évide-
mentqui, lorsqu'on abaisse le coin, vient se mettre dans
le prolongement de l'âme pour le chargement. Il est muni
latéralement de deux coulisses-guides parallèles à sa face
postérieure, servant à diriger le mouvement; celui-ci est
291 -
FERMETURE
limité par une vis-arrêtoir engagée dans une entaille du
coin. Sur l'arbre de la manivelle est calée une bielle dont le
bouton peut coulisser dans une rainure pratiquée dans le coin .
Cette rainure se compose de deux arcs de cercle dont l'un
Fig. 10. — Vue latérale droite de la culasse.
trique le coin ne bougera pas, mais quand il arrivera dans
l'autre partie, le coin s'abaissera brusquement non seule-
ment sous l'efîort de la manivelle mais encore sous l'action
de son propre poids. Pendant la première partie de ce mou-
Fig. 12. — Coupe transversale.
est concentrique à l'arbre de la manivelle et dont l'autre
a sa concavité tournée en sens inverse. Supposons la cu-
lasse fermée : si l'on fait tourner la manivelle de droite à
gauche, tant que le bouton restera dans la partie concen-
Coupe par l'axe du canon.
vement de la manivelle, où le coin reste immobile, un bras
calé sur l'arbre de la manivelle agit sur un doigt monté sur
l'axe du chien et arme ce dernier dont la noix comprime un
ressort à deux branches en même temps qu'un bec de la
Fip
13. — Coupe verticale suivant MNOP (fig. 12),
faisant voir le mécanisme de la détente.
A, coin; B, manivelle; C, bielle; D, bras; F, doigt; G, chien; H, gâchette; I, détente; K, extracteur; a, bouton de
bielle; b, rainure du coin; c, coulisse-guide du coin ; d, vis-arrêtoir, e, évidement du coin; f, noix; gr, ressort de
chiert; h, ressort de gâchette; i, boulon d'extracteur; ï, rainure coudée; x, axe de manivelle et de bielle; y, axe du
doigt et du chien; z, axe de gâchette.
gâchette saisit le cran de la noix et maintient le chien dans
la position de l'armé. Lorsqu'on veut faire partir le
coup, on agit sur la détente qui rend à la noix sa liberté.
L'extracteur est constitué par une tige mobile dans une
glissière pratiquée dans la paroi gauche de la bouche à feu
parallèlement à l'axe du canon ; l'extrémité antérieure de
cette tige forme crochet et saisit le bourrelet de la cartouche.
Sur la tige est fixé un boulon qui se déplace dans une
rainure coudée de la face gauche du coin, de sorte que
l'abaissement du coin provoque le mouvement en arrière
de l'extracteur, et l'éjection de la douille vide au moment
où la culasse est complètement ouverte. Pour fermer la
culasse on tourne la manivelle de gauche à droite : le coin
remonte, soulevé par le bouton de la bielle, et sa face an-
térieure vient s'appliquer contre le culot de la cartouche
en produisant un serrage énergique.
FORTIFICATION. — Fermeture des ouvrages. —
Dans les ouvrages fermés de champ de bataille, on interrompt
toujours les fossés du côté des entrées, qui sont naturelle-
ment placées du côté le moins exposé aux attaques. Ces pas-
sages, de 1 à 2 m. pour l'infanterie et de 2m50 à 3 m. pour
l'artillerie, sont généralement couverts contre les coups au
moyen de traverses. Mais celles-ci ne sont pas suffisantes,
ni l'enlèvement du pont qui sert à franchir le fossé lorsqu'il
existe ; il faut en outre constituer un obstacle qui, en se fer-
mant à volonté, empêche l'ennemi d'entrer de plain-pied dans
l'ouvrage, après avoir escaladé le fossé. C'est pourquoi ces
passages sont fermés par des barrières improvisées ou par
des chevaux de frise. Ces fermetures, dont la disposition
varie forcément avec le temps et les ressources dispo-
nibles, se placent ordinairement à hauteur de la crête inté-
rieure, et sont tenues sous le feu d'une traverse couvrante
ou d'une portion de parapet à proximité. Elles sont reliées
par des palissades avec le parapet ou le fond du fossé. Les
fermetures les plus rapidement organisées doivent toujours
être préférées, et on arrive à ce résultat en cherchant à
FERMETURE - FERMIERS
292 —
utiliser les portes charretières ou autres, assez solides, que
l'on trouvera dans le voisinage, en perçant au besoin des
créneaux dans celles qui sont pleines. On peut employer
comme fermeture des barricades formées de rondins ou
poutrelles, encastrées horizontalement entre deux coulisses,
mais seulement dans
les ouvrages dont on
n'a plus à sortir,
c.-à-d. au dernier
moment. Pour des
petits passages de
0m80 à 1 m., on
peut organiser, de
diverses façons, des
fermetures mobiles
autour d'un axe ho-
rizontal situé à 2 m.
au moins au-dessus
du sol. La fig. 44
indique la disposi-
tion d'une de ces
portes tombantes et
son mode de fonctionnement. On peut également fermer les
passages peu importants an moyen de barrières à bascules
consistant en une poutrelle ou un corps d'arbre, qui porte
horizontalement sur deux poteaux verticaux, et qui est tra-
'a a a a a a a a
Fig. 14.
73
V V V V V
WF^T^^^^^m^^mûi!^^
Fig. 15.
versé par un certain nombre de fuseaux verticaux. Cette bar"
rière peut pivoter horizontalement sur un poteau par son
centre de gravité, et, par suite, s'ouvrir et se fermer facile-
ment (fig. 15). Enfin, on emploie aussi, pour les passages de
1 m. à lm50, une
petite barrière à un
vantail, du genre de
celle indiquée dans la
fig. 46.
Les passages pour
l'artillerie sont fermés
au moyen de barrières
à deux vantaux ou de
barrières roulantes .
Mais, quel que soit le
mode de fermeture
employé, il faut évi-
ter les constructions compliquées ou à faire de toutes pièces,
en se servant toujours du matériel trouvé sur place, que l'on
améliore au besoin de la manière la plus pratique pour rem-
plir le but poursuivi. Dans les ouvrages isolés ou importants,
il est prudent de disposer deux fermetures l'une derrière
l'autre, comme mesure de précaution. Dans ce cas, jamais
les deux portes ne sont ouvertes en même temps, [tans ces
ouvrages, on peut se dispenser d'interrompre le fossé devant
les entrées, et, pour traverser celui-ci, on installe un pont
roulant ou un pont-levis improvisé.— Des blockhaus (V. ce
mot) placés en face des passages à travers le parapet peuvent
être utilement employés pour défendre l'entrée des ouvrages.
Dans ce cas, ils sont organisés défensivement sur les faces
tournées vers l'entrée, et des massifs de terre formant
parados prolongent chacune de leurs extrémités, dans le
Fig. 16.
but d'intercepter les coups obliques. Enfin, tous les sys-
tèmes de fermeture ou d'organisation défensive des entrées
sont sensiblement renforcées au moyen de défenses acces-
soires (V. ce mot) disposées en conséquence.
ADMINISTRATION MILITAIRE. — Fermeture des
portes (V. Porte).
ENSEIGNEMENT. — Fermeture d'écoles. — En ce
qui concerne l'enseignement primaire, la fermeture des
écoles privées est ordonnée par l'art. 42, § 4, de la loi du
30 oct. 1886, dans le cas où la direction refuse de se sou-
mettre à la surveillance et à l'inspection des autorités sco-
laires, et si ce refus a donné lieu, dans l'année, à deux
condamnations préalables prononcées par le tribunal cor-
rectionnel, « la fermeture de l'établissement sera ordonnée
par Fe jugement qui prononcera la seconde condamnation ».
En outre est toujours en vigueur l'art. 29 de la loi du
15marsl850, d'aprèslequel quiconque aura ouvert ou dirigé
une école en contravention avec les dispositions de la loi sera
poursuivi devant le tribunal correctionnel, condamné à une
amende et verra son école fermée. Les mêmes règles sont
applicables aux pensionnats primaires (loi du 1 5 mars 1850,
art. 53, déc-7 oct. 1850, art. 6). De même et par appli-
cation des art. 22 et 66 de la loi de 1850, les directeurs
d'établissements secondaires, qui n'auraient pas satisfait
aux conditions de la loi dans l'ouverture de leur établis-
sement, ou qui auraient refusé de se soumettre à la sur-
veillance de l'Etat, seront poursuivis, et leur école sera
fermée, dans le premier cas, après la première condamna-
tion, dans le second cas, après récidive. A raison même de
la rigueur des prescriptions légales que nous venons de
rappeler, il est rare que l'autorité administrative ait à pro-
céder à la fermeture d'une école quelconque. Les précau-
tions prises par la loi pour régler les formalités d'ouver-
ture (V. Ouverture des écoles) ont précisément ce résultat
que les écoles ne se fondent que dans des conditions accep-
tables. Lors de la réaction de 1850, il y a eu cependant
un certain nombre d'écoles fermées, et la circulaire du
4 févr. 1851 se plaignait de la mollesse de certains tribunaux
qui, tout en prononçant la condamnation à l'amende contre
certains délinquants, n'avaient pas ordonné par le même juge-
ment la fermeture d'écoles indûment ouvertes. De même, et
en sens opposé, l'application du décret de 1880 contre les
congrégations non autorisées a eu pour conséquence la ferme-
ture d'un certain nombre d'établissements d'enseignement
secondaire dirigés par la Société de Jésus. G. Compayré.
TOPOGRAPHIE. — Fermeture d'un polygone (V.
Levé).
Bibl. : Artillerie.— Capitaine Rinck, Mécanismes de
culasse.— Aide-mémoire à l'usage des officiers d'artillerie,
chap. xv. — Capitaine Veyrines, l'Artillerie à l'Exposition
de 1889. — G. Kaiser, Construction der gezogenen Ges-
chùtzrohre; Vienne, 1892. — J. Dredge, Modem french
Artillery ; Londres, 1892.
FERMIERS généraux (Hist. fmanc). Sous l'ancienne
monarchie, la compagnie des fermiers généraux était
chargée de recouvrer, pour le compte du Trésor et moyen-
nant un prix réglé à forfait, tous les revenus fiscaux dont
l'ensemble correspond aux contributions indirectes de notre
temps. Elle ne fut constituée que par Colbert, en 1681.
Mais le système de la ferme remonte à une époque bien
antérieure : il paraît avoir été en vigueur dès les premières
années du xme siècle. La ferme des contributions était
alors morcelée ; chaque nature de taxe faisait l'objetd'un
bail distinct par province ou même par prévôté. Ainsi dis-
séminées sur tous les points du territoire, sans attache
directe avec le pouvoir central, les fermes royales don-
naient de sérieux mécomptes. Le roi n'étant pas renseigné
sur la valeur réelle des revenus affermés, les baux étaient
consentis à des prix dérisoires, puis rétrocédés par l'adju-
dicataire à des sous-fermiers qui, pour grossir leurs béné-
fices, appliquaient les tarifs avec une extrême dureté. Pour
remédier à ces abus, Sully résilia les traités en cours et
réunit en une seule adjudication toutes les taxes similaires.
Les traitants on partisans, ainsi désignés du nom du traité
— 293 —
FERMIERS
ou parti qui les liait envers le roi, jetèrent les hauts cris.
Il paraît que l'un d'eux, le sieur Robin, désireux d'avoir
la préférence pour le bail de la généralité de Tours, offrit
à Mme de Sully un diamant de 6,000 écus, pour qu'elle l'ap-
puyât auprès de son mari. Il s'y prenait mai avec un homme
qui ne voyait d'autres amis à obliger que le peuple et son
maître. La réprimande sévère que Sully fit à sa femme en pré-
sence du traitant le délivra pour jamais de semblables sollici-
tations. Les fermes générales furent adjugées aux enchères
et le résultat de cette opération fut fructueux pour le Trésor.
Dans cette période de transition, les fermes étaient au nombre
de quatre : les douanes ou traites, connues aussi sous le nom
de cinq grosses fermes ; les aides (droits sur les boissons) ;
les gabelles de France et les gabelles de Languedoc. Il y
avait, en outre, dix-huit petites fermes locales.
Colbert acheva la réforme inaugurée par Sully, en adju-
geant à une société de quarante financiers, pour un prix
annuel de 56,670,000 livres, les droits qui, précédem-
ment, faisaient l'objet de traités distincts. Ce bail, qui fut
passé le 26 juil. -1684, au nom de Jean Fauconnet, marque
l'entrée en scène des fermiers généraux. Leur compagnie
fut définitivement organisée, sous le ministère de Fleury,
lors du bail Carlier, signé le 19 août 1726. C'est au profit
delà société intéressée dans ce bail que furent successive-
ment renouvelées les adjudications de la ferme générale
jusqu'à la fin de la monarchie. Ne pouvaient faire partie
de cette compagnie que les personnes pourvues par le roi
du brevet de fermier général. Fixé tout d'abord à 40, le
nombre des fermiers associés fut porté à 60 en 1755, puis
ramené au chiffre primitif, en 1780. La société, constituée
sous la forme commerciale, versait au Trésor, comme ga-
rantie de sa gestion financière, un cautionnement ou fonds
d'avance de 90 millions. Les associés contribuaient par
égales parts à la formation de ce capital, de sorte que
l'apport de chacun d'eux s'élevait à 1,560,000 livres.
La compagnie des fermiers généraux n'intervenait point au
bail des impôts, en tant qu'adjudicataire ; elle ne jouait, en ap-
parence, que le rôle de caution. C'était toujours au nom d'un
individu étranger à la corporation des fermiers que l'adjudi-
cation était prononcée et que les actes de poursuite en paye-
ment des droits étaient signifiés aux redevables. Semblable
au manceps des compagnies publicaines de l'ancienne Rome,
cet adjudicataire n'avait aucune part dans l'administration ;
c'était un homme de paille, ordinairement d'humble extrac-
tion, commis de la ferme ou même valet de chambre du con-
trôleur général. Après avoir apposé sur le bail sa signature à
côté de celle du roi, ce comparse rétrocédait tous les droits
qu'il tenait du contrat à la compagnie des fermiers et ren-
trait dans l'ombre, pour jouir, en paix et à couvert de toute
responsabilité, d'un traitement annuel de 4,000 livres. No-
tons que le prête-nom de la ferme changeait à chaque re-
nouvellement de bail. Quant à la Compagnie, elle restait
immuable, sans autre changement que les mutations surve-
nues dans son personnel, par suite de décès ou de démissions.
Le bail de la ferme était fait pour six ans, « à extinc-
tion de chandelle, au plus offrant et dernier enchérisseur».
(Règlem. du 25 juil.1681). Le prix, qui ne dépassait pas
56,670,000 livres en 1681, s'éleva à 91 millions en 1738,
à 124 millions en 1763 et atteignit 162 millions en 1774,
dans le bail de Laurent David. Voici, d'après le bail sous-
crit, le 30 déc. 1761, au nom de Jean- Jacques Prévôt,
comment le prix de ce traité, fixé à 124 millions, serépar-
tissait entre les diverses natures d'impositions :
livres
Gabelles.. 35.196.600
Traites et cinq grosses fermes 14.031 .300
Aides 33.983.200
Vente du tabac 22.208.700
Domaine d'Occident 1 .139 .300
Domaine de France (contrôle des actes,
insinuation, etc.) 14.817.100
A reporter 121.376.200
livres
Report 121.376.200
Droits afférents aux duchés de Lorraine
et de Bar 2.623.800
Total 124.000.000
Contrairement à ce qu'on pourrait penser à première vue,
le prix du bail n'était point effectivement encaissé par le
Trésor, à l'échéance des termes ; il se réglait par un simple
jeu d'écritures. Entre la ferme et le Trésor il existait un
compte d'avance ou, pour nous servir de l'expression con-
sacrée par la pratique moderne, un compte courant par
doit et avoir. La Compagnie créditait le Trésor du prix du
bail aux échéantes et, inversement, elle le débitait du
montant des dépenses qu'elle acquittait pour le compte de
l'Etat, au fur et à mesure de la présentation des mandats
de payement. Et, comme la ferme générale se trouvait
toujours en avance avec le Trésor, il en résultait que celui-
ci n'avait aucun encaissement de numéraire à opérer, sauf
dans le cas où la liquidation établie en fin de bail faisait
ressortir une recette supérieure à l'ensemble des six annui-
tés de la ferme. L'Etat venait alors au partage du bénéfice.
La compagnie des fermiers généraux administrait directe-
ment, sous l'autorité du contrôleur général, les diverses per-
ceptions comprises dans le bail. Il est vrai qu'à l'origine elle
pouvait se décharger de la gestion de certaines branches de
revenus, en les sous-affermant, par généralités ou pour toute
l'étendue du territoire. À l'époque où ce mode d'exploitation
indirecte était autorisé, il n'y avait pas moins de 250 sous-
fermiers. Mais les sous-fermes furent supprimées en 1755
(bail Henriet) et les fermiers généraux exercèrent, dès lors,
par eux-mêmes et sans intermédiaire, la régie de tous les
droits énumérés dans le procès-verbal d'adjudication.
Le service central de la ferme avait son siège à Paris, à
l'hôtel des fermes, rue de Grenelle-Saint-Honoré. Il se répar-
tissait en trois grandes sections : les comités, les correspon-
dances et les tournées. La première de ces sections, celle des
comités, se divisait en plusieurs départements, ayant chacun
des attributions particulières. Ainsi, il y avait le département
des caisses, le plus important de tous, où se traitaient avec le
gouvernement les affaires d'intérêt général ; le département
du personnel, celui du contentieux et celui des retraites ; les
départements des gabelles, des tabacs et des traites. Chacun
de ces départements, subdivisé en bureaux où travaillaient
des chefs, des sous-chefs et des commis, avait à sa tête un
directeur et, au-dessus de celui-ci, un comité de 6 à 20 fer-
miers généraux. Les décisions élaborées dans la section des
comités étaient transmises aux directeurs de province, par
les soins de la section de correspondance, également diri-
gée par un certain nombre de fermiers généraux. Enfin,
la troisième section du service central de la ferme était
celle des tourneur s, c.-k-d. des fermiers généraux désignés
annuellement par le contrôleur général des finances pour
se rendre en province et vérifier les caisses des receveurs
de la ferme. L'inspection des tourneurs s'étendait d'ailleurs
à toutes les parties du service et elle était des plus minu-
tieuses. Le fermier en tournée devait s'enquérir « de la
conduite des commis, de leur manière de vivre ; s'ils sont
sages, appliqués, sociables et expéditifs, ou, au contraire,
s'ils sont fiers, arrogants, emportés, vains, aimant la
dépense et le jeu, et s'ils ne sont point accusés de tirer des
gratifications des redevables ; s'ils sont mariés, s'ils ne se
mêlent d'aucun commerce » (Recueil des édits concernant
le contrôle des actes, année 1689). Ajoutons que les fer-
miers généraux se faisaient fréquemment suppléer, pour
leurs tournées de vérification, par des mandataires ou délé-
gués qui portaient le titre de contrôleurs généraux des fermes.
Dans chaque généralité, la Compagnie était représentée
par un ou plusieurs directeurs. En sa qualité de chef de
service, le directeur avait pour mission d'assurer l'exécu-
tion des ordres émanés de l'administration centrale, de
veiller à ce que les perceptions fussent conformes aux tarifs,
de diriger les opérations des agents du contrôle extérieur,
FERMIERS
294 -
de suivre les instances intéressant la Compagnie, enfin
d'envoyer à Paris, le 1er mai de chaque année, le compte
général des produits de l'année précédente. Comme rece-
veur général, le directeur était chargé de centraliser toutes
les recettes opérées par les comptables de la généralité et
d'en effectuer ensuite le versement à la caisse de la ferme
générale. Ses appointements variaient de 42,000 à 45,000
livres par an. Dans les généralités où il y avait plusieurs
directeurs, chacun d'eux était préposé à une branche dis-
tincte de produits : ainsi, dans la généralité de Tours, la
ferme des domaines, celle des gabelles et tabacs, celle des
aides et droits y joints, avaient chacune, en 4777, un
directeur spécial (Chardon, Une Direction de l'enregistre-
ment au temps de la ferme générale, p. 47).
Les directeurs régionaux avaient sous leurs ordres tous
les agents du service actif ou sédentaire de la généralité,
à savoir les inspecteurs, les contrôleurs ambulants, les
vérificateurs et les commis-buralistes. Les inspecteurs
avaient pour devoir de surveiller les opérations des contrô-
leurs ambulants et de rendre compte au directeur, leur
chef immédiat, du résultat de leurs investigations. Les
contrôleurs ambulants et les vérificateurs concouraient les
uns et les autres à la vérification de la gestion des commis ;
il leur était prescrit d'examiner à fond les registres de re-
cette, de s'assurer de la régularité des perceptions et la
bonne tenue des bureaux, de constater les contraventions
commises par les redevables et de relever les droits en
souffrance. La principale attribution des contrôleurs ambu-
lants, était de parcourir, au commencement de chaque tri-
mestre, les vingt ou trente bureaux de leur circonscription
pour en arrêter les produits et se faire remettre le montant
de la recette qu'ils versaient ensuite entre les mains du
directeur. Quant aux commis de la ferme, ils étaient éta-
blis dans les villes et bourgs, pour la perception des taxes
multiples comprises dans le bail. Exempts de tutelle, de
guet et de garde, ainsi que du logement des gens de guerre,
ils ne devaient, ni la taille, ni la collecte, ni l'impôt du
sel (ordonn. de juil. 4684, art. 44 ; édit de mars 4696).
D'autre part, la loi mettait les commis « sous la sauvegarde
du roi et des juges ». Défense expresse à toutes personnes
« de méfaire ni médire des employés de la ferme du roi »,
sous peine d'amende. Un conseiller du parlement de Rouen,
M. Brevedent de Sahurs, ayant traité « de persécuteurs et
perturbateurs du repos public » les agents de la ferme, à l'oc-
casion d'une saisie de vin caché dans un chargement de foin,
se vit condamner, par un arrêt de la cour des comptes de Nor-
mandie du 27 janv. 4747, à \ 00 livres d'amende envers le
roi, et à 300 livres de dommages-intérêts envers la ferme.
Les commis de la ferme étaient commissionnés par les
fermiers généraux; ils ne pouvaient entrer en fonctions
qu'après avoir prêté serment devant l'intendant ou son
subdélégué. Ils devaient être catholiques : une décision du
26 juil. 4735 révoqua le commis de Royan, parce qu'il pro-
fessait la religion réformée. Dans nombre de paroisses, il
n'y avait qu'un seul commis pour le recouvrement de tous
les droits de la ferme (arrêt du conseil du 8 avr. 4740).
Mais, généralement, la recette des droits établis sur les
actes sous le nom de contrôle et d'insinuation, qui exigeait
une certaine culture juridique, était séparée des autres
perceptions et confiée aux notaires, aux procureurs et aux
greffiers. Necker nous dit que les personnes qui parvenaient
ainsi, par cette voie latérale, aux emplois du contrôle des
actes, étaient portées à ne voir dans leur charge de commis
qu'une occupation accessoire et se montraient d'une grande
tiédeur pour les intérêts de la ferme {Administration des
finances, I, p. 496). C'est du reste ce qui ressort des
notes confidentielles adressées à la ferme, en 1777, par
le directeur des domaines de Tours, au sujet du commis
Fleury, de Chalonnes. Il paraît que, non content de cumu-
ler les fonctions de procureur fiscal avec son. emploi de
contrôleur des actes, le préposé de la ferme gérait les pro-
priétés de l'évêque d'Angers. Voici en quels termes le
directeur, qui avait son franc parler, appréciait les qualités
administratives de ce singulier contrôleur : « Fleury n'est
ni instruit, ni zélé ; il ne fait que le courant de son bureau ;
souvent malade et croyant toujours l'être ; les affaires de
Msr l'évêque l'occupent plus que celles de la ferme »
(Chardon, ibid., p. 63). Il y atout lieu dépenser que les
Fleury abondaient dans les emplois inférieurs de la ferme,
et c'est apparemment pour remédier à cette situation que
les fermiers généraux instituèrent, le 28 juil. 477-4, un
cadre de surnuméraires où se recruta désormais le person-
nel des commis du domaine. A partir de ce moment, les
bureaux du contrôle cessèrent d'être annexés aux offices
de notaires ou de procureurs et furent réservés aux jeunes
gens pourvus du brevet de surnuméraire.
Les règlements punissaient avec une extrême rigueur
les malversations des employés de la ferme. Une déclaration
du 5 mai 4690 prononçait la peine de mort contre tout
commis convaincu de détournement de fonds, lorsque la
somme divertie excédait 3,000 livres. Au-dessous de ce
chiffre, la fixation de la peine afflictive était abandonnée à la
sagesse des juges. Les magistrats ne reculaient point devant
l'application de ce code draconien. Convaincu de s'être appro-
prié 48,300 livres au préjudice de sa caisse, un distributeur
de papier timbré de la place Dauphine fut condamné à être
pendu, par une sentence des élus de Paris du 6 oct. 4724.
La même peine fut infligée, en 4744, par un jugement de
l'intendant de Bretagne, au contrôleur des actes de Corlay,
coupable d'une soustraction de recette de 6,000 livres : il
est vrai que le condamné ne fut pendu qu'en effigie.
Telle était, dans son ensemble, l'organisation de la ferme
générale. On y retrouve tous les traits de notre bureau-
cratie financière contemporaine (V. Contributions indi-
rectes, Enregistrement), à cette différence près que l'ad-
ministration, au lieu de dépendre d'un directeur unique,
étroitement subordonné au ministre, vivait sous la tutelle
d'une puissante compagnie, en quelque sorte autonome et
inamovible, sur laquelle les événements politiques n'avaient
que peu de prise et qui ne craignait pas, à l'occasion, de
défendre ses prérogatives contre les empiétements du pou-
voir royal. On connaît le mot de Voltaire sur les fermiers
généraux : « Il y a dans Persépolis quarante rois plébéiens
qui tiennent à bail l'empire de Perse et qui en rendent
quelque chose au monarque. » Cette boutade malicieuse ne
doit pas être prise à la lettre, mais elle contient une
grande part de vérité. On a certes exagéré, en accusant les
fermiers généraux d'avoir édifié leur fortune sur la ruine
publique. Les fermiers n'étaient point des concussionnaires;
c'étaient des financiers très avisés qui louaient, à prix d'ar-
gent, leurs services et leur crédit à un gouvernement tou-
jours besogneux et en quête d'expédients. La rémunération
qu'ils prélevaient sur le produit de l'impôt n'avait rien d'illé-
gitime, puisqu'elle découlait d'un contrat librement débattu
et conclu au grand jour entre la ferme et le représentant de
l'Etat. Que cette rétribution des fermiers généraux fût exces-
sive, c'est ce que nous concédons volontiers. Un contempo-
rain de la ferme, Bourboulon, qualifie de scandaleuxles pro-
fits de la Compagnie et évalue à 203,000 livres de rente le
traitement annuel de chacun des associés (Observations sur
les opérations de finances de Necker). Cette estimation se
trouve réduite à 400,000 livres, dans le mémoire de l'abbé
Terray, et à 52,020 livres dans le mémoire justificatif pré-
senté à la Convention par Lavoisier. La vérité est qu'en 4775,
l'émolument annuel d'un fermier général comprenait :
livres
Droit de présence 24 . 000
Intérêt à 40 °/0 du premier million de son
cautionnement 400 . 000
Intérêt à 6 °/0 sur le surplus (560 . 000) 33 . 600
Etrennes 2.000
Total 459.600
Si de ce chiffre il convient de déduire les intérêts et pen-
sions dont la plupart des charges étaient grevées au profit de
croupiers ou bailleurs de fonds, par contre, il faut y ajouter
— 295 —
FERMIERS
les bénéfices que la compagnie partageait avec le Trésor, à
l'expiration du bail. Ces bénéfices atteignirent, pour certains
baux, une somme considérable. Ainsi, le bail David (1774-
4780), qui se liquida par un excédent de recette de 30 mil-
lions, procura à chaque fermier, en sus de son traitement
ordinaire, un revenant-bon de 250,000 livres. Tout compte
fait, on peut taxer à 300,000 livres environ le produit an-
nuel d'une charge de fermier général.
Le gouvernement royal ne songeait guère, et pour cause,
à diminuer les profits des fermiers ; il avait au contraire
tout intérêt à les grossir, étant donné que le roi, les mi-
nistres et les courtisans s'arrogeaient, à titre^de croupes ou
de pensions, une notable partie du gain obtenu par la
ferme. Sans parler du pot-de-vin traditionnel de 100,000
écus qu'ils allouaient au contrôleur général au moment de
la signature du bail, les fermiers donnaient aux ministres,
comme étrennes en argent, bougie, vin et tabac, 210,000
livres par an (Lavoisier, ibid.) Lorsqu'il fut pourvu du
brevet de fermier général, en 1763, Jacques Delahante
dut remettre au roi une somme de 150,000 livres « peur
payer ce qui restait dû sur le prix d'achat de la principauté
de Dombes » (A. Delahante, Une Famille de finance, I,
p. 294). Enfin, il est avéré, d'après un relevé dressé sur
les ordres du ministre en 1776, que les gens de la cour et
leurs créatures touchaient à cette époque, indépendamment
des croupes, 400,000 livres de pensions assignées sur les
fermiers généraux. Ainsi, Mme de Pompadour avait un
intérêt de 1/4 dans la place du fermier d'Aucourt; elle
recevait, de plus, de M. de Saint-Hilaire une pension de
12,000 livres. Quant à la du Barry, elle avait stipulé de
son protégé, Bouret d'Erigny, une croupe de200, 000 livres.
Parmi les autres pensionnaires de la ferme figuraient la
nourrice du duc de Bourgogne, une chanteuse de concert
de la reine et un lieutenant- colonel des gardes françaises.
Le roi lui-même, se faisant la part du lion, s'adjugeait le
produit d'une place entière de fermier général, au moyen
de trois croupes distribuées entre les fermiers Saieur, de La
Haye et Poujaud.
Ce trafic scandaleux, qui fut dévoilé sous le ministère de
Terray par l'indiscrétion d'un commis, ne contribua pas
peu à compromettre le bon renom de la ferme générale. On
crut dès lors sur parole les publicistes qui, à mots cou-
verts et sous le voile de transparentes allégories, représen-
taient la Compagnie comme un syndicat d'exacteurs, parta-
geant avec la cour le fruit de leurs rapines. Il faut bien dire
aussi que certains fermiers généraux semblaient prendre à
tâche de justifier, par leur luxe insolent et leur conduite
inconsidérée, ces perfides insinuations. A côté des finan-
ciers probes et exacts qui portaient tout le fardeau de l'admi-
nistration, la Compagnie comptait malheureusement, parmi
ses membres, des aventuriers enrichis dans des spéculations
inavouables et qui se sont fait un nom par leurs ruineuses
folies. De ce nombre était Michel Bouret, qui mourut dans
îa misère, après avoir, au dire de Bachaumont, gaspillé une
fortune de 42 millions. On peut citer encore Bouret d'Eri-
gny, frère du précédent, qui succéda à Helvétius, grâce à
la protection de Mme de Pompadour dont il avait épousé la
cousine; Saint-James qui dépensait 400,000 livres à
l'ameublement du salon et de la salle à manger de son
hôtel et qui, après avoir fait banqueroute, mourut à la
Bastille; Grimod de La Reynière, l'auteur du Calendrier
des gourmands, qui donnait à ses chevaux des mangeoires
d'argent. Encore est-il que ces excentriques émules de
Fouquet étaient, pour la plupart, généreux et bienfaisants.
Le fastueux La Popelinière, que Voltaire saluait tour à tour
du nom de Mécène, de Pollion ou de Gamache, protégeait
les auteurs sans fortune et, s'il faut en croire Mme de
Genlis, dotait tous- les ans six pauvres filles. Ce sont là des
circonstances atténuantes, dont il faut savoir tenir compte,
si l'on veut porter un jugement impartial sur les hommes
et les choses de la ferme.
De toutes les causes qui suscitèrent contre les fermiers
généraux l'animad version de leurs contemporains, la plus
active fut sans contredit le caractère vexatoire des impôts
dont la perception leur était confiée. Deux de ces contribu-
tions, les traites et la gabelle, étaient particulièrement
exécrées. Le tarif et l'assiette de ces taxes variaient suivant
les provinces (V. Contributions indirectes). Ainsi, en
dehors des pays de grande gabelle, plusieurs provinces
étaient exemptes ou rédimées de l'impôt du sel. De là une
contrebande incessante sur les frontières intérieures qui
séparaient les pays de gabelle des provinces exonérées.
Pour combattre la fraude, la ferme avait dû mobiliser une
armée de 23,000 employés. Ces commis ou« gabelous » se
rendirent odieux par leur fiscalité révoltante et par l'espion-
nage auquel ils se livraient pour découvrir les faux sauniers.
Si l'on tient compte, en outre, des peines exorbitantes
infligées aux fraudeurs; si l'on considère que le délit de
faux saunage encourait, suivant la gravité du cas, le fouet,
le carcan, lesgalèresou lamort(ordon. de!680, tit.XVIl),
et que sur les six mille forçats détenus dans les bagnes, en
1783, le tiers était composé de contrebandiers dénefncés
par les gabelous, on ne sera pas surpris de l'effroyable im-
popularité qui, aux approches de la Révolution, s'attachait
à l'administration des fermiers généraux.
Turgot accorda une première satisfaction à l'opinion
publique, en supprimant le pot-de-vin qu'il était d'usage
de remettre au contrôleur général, à chaque renouvelle-
ment de bail. Il fit décider aussi qu'à l'avenir il ne serait
créé, à la charge des fermiers généraux, aucune de ces
croupes et pensions dont Louis XV et sa cour avaient si
honteusement trafiqué. Necker alla plus loin. Pour amoin-
drir la puissance de la ferme, jusqu'au jour où il serait pos-
sible à l'Etat de prendre lui-même en main la gestion des
revenus affermés, il réduisit à quarante le nombre des
fermiers généraux et restreignit le rôle financier de la com-
pagnie au recouvrement des taxes douanières (traites) et
des droits d'entrée à Paris, à la vente du sel (gabelles) et
au monopole du tabac. Quant à l'impôt des boissons (aides)
et aux droits domaniaux (contrôle, centième denier, etc.),
ils furent distraits de la ferme et attribués à deux autres
compagnies, la régie générale et l'administration générale des
domaines (arrêt de règlement du9janv. 1780). Cette réforme
fut avantageuse pour le Trésor. Le rendement des taxes
indirectes, qui n'approchait guère que de 162 millions en
1774, époque à laquelle tous les droits étaient réunis dans
le bail de la ferme, atteignit, en '1786, 242 millions. D'un
autre côté, la réduction à quarante du nombre des fermiers
généraux permit au gouvernement d'épurer la compagnie et
de n'y conserver que les hommes laborieux et attachés à
leurs devoirs. Ainsi que le reconnaissait Necker lui-même,
les cautions du bail de 1781 n'étaient plus les fermiers d'au-
trefois [Compte rendu au roi). Ils comptaient parmi eux
des financiers distingués et d'une probité au-dessus de tout
soupçon, tels que Jacques Delahante, Paulze, de Crisenoy,
Parseval, Papillon d'ilauteroche, d'Arlincourt, Borda, La-
voisier. Mais, si méritoires qu'elles fussent, les améliora-
tions réalisées à cet égard dans l'administration de la ferme
ne purent réhabiliter aux yeux du public cette institution
vieillie et déconsidérée. Les ennemis de la ferme générale
ne désarmèrent point : « Je voudrais, écrivait Mercier
dans son Tableau de Paris, renverser cette immense et
infernale machine qui saisit à la gorge chaque citoyen. »
Les principes inscrits par le législateur de la Révolution
dans la déclaration des droits de "l'homme, le nouveau ré-
gime fiscal qui allait naître de ces principes, étaient incom-
patibles avec le maintien de la ferme générale. Aussi,
l'Assemblée constituante, après avoir aboli successivement
les gabelles, les aides et les autres droits mis en ferme ou
en régfe (Lois des 26 mars 1790, 19-25 févr. 1791 et
2-17 "mars 1791) prononça la suppression de la ferme gé-
nérale. Elle chargea, en même temps, six commissaires,
nommés parmi les anciens fermiers, de liquider les comptes
delà Compagnie. Mais les ennemis de la ferme réclamèrent
bientôt des mesures plus énergiques. Le 27 sept. 1793,
un député de l'Aisne, Antoine Dupin, fit décréter par la
FERMIERS — FERNAMBOUC
296 —
Convention la nomination d'un comité de cinq membres, à
l'effet de reviser les comptes de la Compagnie. Le 4 fri- '
maire an II, un second décret ordonna l'arrestation des
fermiers qui avaient cautionné les trois derniers baux. Ce
décret fut rigoureusement exécuté. Tous les financiers ayant
appartenu au corps de la ferme, en qualité de titulaires ou
d'adjoints, se virent incarcérer dans l'ancien couvent de
Port-Royal, devenu la prison de Port-Libre (aujourd'hui
l'hôpital de la Maternité). Il n'y eut exception pour per-
sonne, pas même pour Lavoisier, bien que l'illustre savant
se trouvât alors investi d'une mission officielle, celle de
concourir à la création d'un nouveau système de poids et
mesures. Un mois après leur arrestation, le 24 déc.1793,
les fermiers généraux furent transférés, au nombre de
trente-deux, à l'hôtel des fermes, aménagé en prison pour
la circonstance. Ils profitèrent des loisirs forcés de leur
captivité pour terminer les comptes de la ferme, pendant
que leur collègue et compagnon de geôle, Lavoisier, rédi-
geait un mémoire en réponse aux imputations élevées contre
eux parles commissaires re viseurs.
Les événements se précipitent. Le 5 mai 1794 (16 flo-
réal an II), à la suite du rapport présenté par Dupin sur
les comptes de la ferme; la Convention décide sans débats
que les trente-deux fermiers incarcérés seront traduits
devant le tribunal révolutionnaire. Fouquier-Tinville signe
le jour même l'acte d'accusation et fait écrouer les pri-
sonniers à la Conciergerie. Trois jours après, le 19 floréal,
à dix heures, les accusés sont conduits devant le tribunal,
à l'exception du fermier Verdun que Robespierre a fait
rayer de la liste. L'audience s'ouvre sous la présidence de
Coffinhal, assisté des juges Foucault et Denizot. Parmi les
membres du jury figurent le luthier Renaudin, le joaillier
Klipsis, le coiffeur Pigeot, Auvray, employé aux diligences.
Lecture faite par le substitut Liendon du décret qui met
hors des débats les adjoints Delahante, Saulot et de Belle-
faye, le président Coffinhal procède à un simulacre d'inter-
rogatoire et pose au jury la redoutable question suivante :
« Les accusés sont-ils coupables d'être auteurs ou com-
plices d'un complot contre le peuple français, tendant à
favoriser le succès des ennemis de la France, en exerçant
des exactions et en mêlant au tabac de l'eau et des ingré-
dients nuisibles à la santé des citoyens, en prenant 6 et
10 °/0 d'intérêts de cautionnement, en retenant dans leurs
mains les fonds nécessaires à la guerre contre les despotes
coalisés contre la République et les fournir à ces derniers? »
La réponse du jury est : Oui, à l'unanimité. C'est la peine
de mort. La terrible sentence est exécutée sans sursis.
Presque au sortir de l'audience, les condamnés s'acheminent
vers la place de la Révolution et montent sur lechafaud.
Tous, ils subissent la mort courageusement.
Ce drame sanglant eut un épilogue assez inattendu. Une
année à peine s'était écoulée depuis l'exécution des vingt-
huit fermiers généraux, lorsque Dupin lui-même, le per-
fide instigateur de leur procès, vint proposer à la Conven-
tion de déclarer que la confiscation des biens « des finan-
ciers injustement condamnés » serait de nul effet. Rejetant
tout l'odieux de leur condamnation sur la faction de Robes-
pierre, il avoua hautement que Lavoisier et ses infortunés
collègues de la ferme « avaient été envoyés à la mort sans
avoir été jugés » (Moniteur du 20 floréal an III). Mais
les veuves et les enfants des victimes ne se contentèrent pas
de cette amende honorable; ils réclamèrent l'arrestation et
la mise en jugement de Dupin, et leur requête fut présentée
à la Convention par le député Génissieux. Le 22 messidor
an III (13 août 1795), l'Assemblée, ratifiant les conclu-
sions du député Lesage, d'Eure-et-Loir, décréta Dupin de
prise de corps. Remis en liberté, par suite de l'amnistie du
4 brumaire an IV, Dupin disparut de la scène politique et
parvint à se faire oublier dans un obscur emploi des con-
tributions indirectes. Entre temps, une nouvelle commis-
sion de comptabilité fut chargée de reprendre l'examen des
comptes de la ferme. A la suite d'une enquête approfondie
qui dura plusieurs années, les commissaires reconnurent
que les fermiers généraux, loin de devoir au Trésor
130 millions, ainsi que l'avaient prétendu leurs accusateurs
de 1793, étaient au contraire en avance de 8 millions
(arrêt de quitus du Ie1' mai 1806). La réhabilitation était
complète. Emmanuel Besson.
Bibl. : Marquis de Mirabeau, Théorie de l'impôt, 1760,
in-4. — Bosquet, Dictionnaire raisonné des domaines ;
Rouen, 1762, 3 vol. in-4. — De Forbonnais, Recherches et
considérations sur les finances de France ; Liège, 1768,
6 vol. in-18. — Necker, Compte rendu au roi; Paris, 1781,
in-4. — Bourboulon, Observations sur les opérations des
finances de Necker ; Genève, 1781, in-4. — Bresson, His-
toire financière de la France ; Paris, 1829, 2 vol. in-8. -—
De Nervo, les Finances françaises sous l'ancienne monar-
chie, la République et l'Empire; Paris, 1863, 6 vol. in-8. —
A. Lemoine, les Derniers Fermiers généraux; Paris, 1873,
in-8. — Vuitry, Etudes sur le régime financier de la
France avant la révolution de 1189; Paris, 1878, in-8, et
1883, 2 vol. in-8.— A. Delahante, Une Famille de finance au
xyiii0 siècle ; Paris, 1881, 2 vol. in-8, 2e édit. — A. de Janzé,
les Financiers d'autrefois (fermiers généraux); Paris, 1886,
in-8. — E. Chardon, Une Direction de l'enregistrement au
temps de la ferme générale; Abbeville, 1887, in-8. —
E.,Grimaux, Lavoisier;; Paris, 1888, in-8. — Bouchard, Sys-
tème financier de l'ancienne monarchie; Paris, 1891, in-8.
FER MO. Ville d'Italie, ch.-l. de circondario de la prov.
d'Ascoli Piceno (Marches) , à 7 kil. de l'Adriatique ;
18,383 hab. L'ancrage, très médiocre d'ailleurs, situé à
l'embouchure du Lete, sert de port à Fermo.
FERMO (Lorenzino da), peintre italien, né à Fermo (prov.
d'Ascoli), florissait vers 1660. Il y a de lui de nombreux
tableaux dans les villes de la Marche d' Ancône ; le plus célèbre
est une Sainte Catherine, qui se trouve à l'église des Con-
ventuels de Fermo. L'extrême variété de style de cet artiste
ne permet pas de le rattacher spécialement à aucune école.
Lorenzino da Fermo fut le maître de Giuseppe Ghezzi.
FERMOIR, FERMOUER (Archéol.). Sorte d'agrafe
employée au moyen âge pour fermer les livres et les ma-
nuscrits ; ils étaient indispensables à cause de la forte pres-
sion que nécessitait le parchemin pour maintenir les ais en
bois reliant les manuscrits. Les fermoirs étaient ou bien
métalliques, avec charnières et crochets, ou bien c'étaient
de simples crochets montés sur cuir ou sur tissu, fixés sur
l'épaisseur de la couverture et s'attachant de l'autre côté
à une boucle ou à un arrêt quelconque. Les fermoirs en
métal, parfois en or ou en argent, étaient souvent riche-
ment ciselés ou niellés. G. St-A.
Bibl. : Bosc, Dict. de l'art de la curiosité ou du bibelot;
Paris, 1883, in-8. — V. Gay, Gloss. archéol. du moyen âge
et de la Renaissance ; Paris, 1887, in-4.
FERMOR (Henrietta-Louisa), comtesse de Pomfret,
morte à Bath le 15 déc. 1761. Fille du baron Jeffrey s, elle
épousa, en 1720, Thomas Fermor, baron Leominster, créé
en 1721 comte de Pomfret ou Pontefract5 grand écuyer de
la reine Caroline, dont elle devint dame d'honneur. Après
la mort de la reine, elle voyagea beaucoup sur le continent.
Très liée avec Horace Walpole, lady Montagu, la duchesse
de Norfolk, la comtesse d'Hartford, elle a laissé une Cor-
respondance volumineuse (Londres, 1805-1806, 3 vol.).
FERMOR (Thomas- William), comte de Pomfret, géné-
ral anglais, né le 22 nov. 1770, mort le 29 juin 1833.
Entré dans l'armée en 1791, il servit en Flandre en 1793,
assista aux sièges de Valenciennes et de Dunkerque, parti-
cipa à la répression de la révolte d'Irlande en 1794, à
l'expédition du Helder où il se distingua. Lieutenant-colo-
nel en 1808, il servit dans la garde en Portugal. Il fut
promu lieutenant général le 27 mai 1825.
FERMOSELLE. Villa d'Espagne, prov. de Zamora,
à 7 kil. de la frontière de Portugal, sur un rocher au pied
duquel s'unissent le Douro et le Tormès; 4,956 hab. On
y remarque les ruines d'un vieux fort.
FERNAMBOUC. Nom donné par des marins français, dès
le xvie siècle, au port de Recife et au territoire de Pernam-
buco, au Brésil. Ce nom est entièrement inconnu dans le pays.
Bois de Fernâmbouc (Teint.). — Ce bois, qui croît dans les
forêts du Brésil et qui provient du Cœsalpinia echinata, est
un des produits tinctoriaux les plus importants ; il fournit une
— 297 —
FERNAMBOUC — FERNANDES
belle couleur rouge et sert dans la teinturerie, la fabrication
de la laque carminée, la lutherie, etc. (V. Rouge). L. K.
FERNAN-Vaz. Estuaire de l'Afrique occidentale, par
1° 20' lat. S. dans le pays de Cama, dépendance do la colo-
nie française du Gabon. Le Fernan Vaz, large de 300 m. et
d'un accès difficile à cause de sa barre, sert de déversoir à la
série de lagunes où se jette l'Ovango, un des bras méridio-
naux de FOgôoué. Population nègre, laborieuse, avec laquelle
les relations commerciales (caoutchouc, ébène) sont aisées.
FERNAN ouHERNAN Gonzalez, premier comte de Cas-
tille, né à Burgos, mort en 970. Il descendait des anciens
juges de Castille par son père, Gonzalo Fernandez. Uni à
Ramiro H, roi de Léon, ils vainquirent ensemble le khalife
de Cordoue, Abd-er-Rahman III, à la journée d'Osma (933
ou 934). En 934, 938 ou 939, ils gagnèrent une seconde
bataille à Simancas où les Arabes auraient perdu 80,000
hommes. Les musulmans essuyèrent une troisième défaite à
Dazio. Cependant Fernan Gonzalez victorieux cherchait à
se rendre indépendant du royaume de Léon ; dans ce but,
il se serait même allié aux infidèles tant de fois vaincus par
lui. Il se souleva, mais fait prisonnier avec un autre comte
castillan, Diego Nunez, il obtint son pardon et maria sa
fille Urraca avec Ordofio, fils de Ramiro IL A l'avènement
d'Ordofio III, nouvelle révolte, sans plus de succès. L'ap-
proche des Arabes les réconcilia : le roi envoya même des
secours au vassal vaincu à San Esteban de Gormaz où la
perte des Castillans fut énorme. « Allah seul connaît le
nombre de ceux qui périrent là. » (Conde.) Tout le comté
aurait été dévasté. A peine Sancho Ier le Gros, successeur
d'Ordofio III, commençait-il à régner, qu'OrdonoIV le Mau-
vais le renversait, avec l'aide de Fernan Gonzalez qui se dé-
clarait indépendant (960). Sancho Ier, rétabli sur le trône
(964), abandonna le comte de Castille, attaqué de nouveau
par toutes les forces de l'Islam. Il n'en livra pas moins une
bataille désespérée près d'Hasinas et triompha des musul-
mans après trois jours entiers d'une lutte furieuse. Les
chrétiens dirent avoir vu saint Jacques, à la tête de la
chevalerie céleste, combattre pour eux dans les airs. «Tant
de cadavres sont tombés que la plaine en est toute cou-
verte; on les poursuivit jusqu'à Almansaoù finit la tuerie.»
{Romancero.) Invité à venir aux Cortès de Léon après
cette victoire, le comte s'y rendit, mais si bien accompagné
que le roi n'osa le faire arrêter, comme il en avait la vo-
lonté, et le laissa repartir librement. D'accord avec le roi de
Navarre, Garcia II (?), Sancho lui fit offrir la main de
l'infante dona Sancha. Arrivé à Pampelune pour la célébra-
tion de ce mariage, il fut traîtreusement enfermé ; les
prières de sa nouvelle épouse finirent pourtant par obtenir
sa liberté. Le Navarrais furieux lui déclara la guerre, mais,
vaincu par les Castillans, il subit lui-même une longue cap-
tivité dans Burgos. Plus tard, attiré à Léon par Sancho le
Gros, Fernan Gonzalez fut arrêté de nouveau. Il réussit à
s'échapper, grâce à Dona Sancha ; elle prit les vêtements de
son mari, lui donna les siens et resta dans la prison. Le
roi, touché de ce dévouement, la renvoya à Burgos et fit la
paix avec le comte. Au moment où les Arabes envahissaient
la Castille, conduits par le comte Vêla, Fernan Gonzalez
mourut, laissant ses terres à son fils Garci Fernandez. —
L'histoire de Fernan Gonzalez est fort obscure et pleine de
contradictions. Si, d'après les historiens arabes, il fut loin
d'être toujours vainqueur dans les nombreuses batailles
livrées aux musulmans (notamment à Simancas), les Espa-
gnols ont exagéré ses triomphes et mêlé beaucoup de lé-
gendes aux faits réels de sa vie. Il passait pour invincible.
« Dieu voulut au bon comte cette grâce accorder que Mores
ni chrétiens ne le purent vaincre. » (Chronique rimée de
Fernan Gonzalez.) Ses romances le font combattre contre
Al-Mansour, qui ne commença cependant ses meurtrières
invasions dans l'Espagne chrétienne qu'en 977, probable-
ment afin d'opposer au héros castillan un adversaire digne
de lui. Suivant la tradition, il aurait cédé au roi Sancho Ier,
devant les Cortès de Léon, un autour de grand prix avec un
magnifique cheval arabe, conquis sur Al-Mansour. Ne
pouvant en payer le prix au jour fixé, le suzerain affran-
chit le vassal de tout hommage ; la Castille devint libre :
dès lors le comte n'eut plus à baiser la main d'aucun
homme. Il est plus probable que Fernan Gonzalez secoua
le joug féodal à la suite du renversement de Sancho Ier,
mettant à profit l'avènement d'Ordofio le Mauvais pour
lequel il s'était déclaré. C'est, avec le Cid et Bernardo del
Carpio, un des plus fameux héros de l'Espagne gothique.
Son tombeau est dans l'église de San Pedro de Arlansa, en
la ville de Burgos. Lucien Dolleus.
Bibl. : Crônica gênerai, éd. de 1541. — Mariana, Ilis-
toria gênerai de Espa.ua; Madrid, 1791, 10 vol. — Tesoro
delos Romanceros y Cancioneros espanoles; Paris, 1838.
— Antonio Conde, Hisloria de la dominacion de los
Arabes en Espana; Paris, 1840.
FERNAN Nunez (duc de), diplomate et grand d'Espagne,
né à Madrid en -1778, mort à Paris le 26 oct. 1824. Son
père, ambassadeur d'Espagne en France sous Louis XVI, prit
grand soin de son éducation ; à la cour il se fit remarquer
de bonne heure par ses connaissances et l'indépendance de
ses opinions. Il s'attacha au prince royal Ferdinand, et
comme il n'avait pu le dissuader d'aller à Bayonne, tint
du moins à l'y accompagner. Il accepta pourtant la place
de grand veneur près du roi Joseph, mais ne se servit de
sa situation que pour combattre celui-ci qui le fit déclarer
traître (3 nov. 4808). Le comte de Fernan Nunez s'enfuit,
alla combattre avec l'armée de l'indépendance, et dans les
Cortès fut un des royalistes les plus ardents. Ferdinand Vil,
revenu sur le trône, le nomma ambassadeur à Londres en
1814, puis l'envoya à Vienne signer le traité de paix que
Labrador n'avait pas voulu signer comme étant peu digne
pour l'Espagne, et enfin, en 18 17 à Paris, comme plénipo-
tentiaire. Il avait dans l'intervalle été fait duc ; la révo-
lution de 1820 lui enleva sa charge et il continua de rési-
der à Paris, où il mourut des suites d'une chute de cheval.
FERNAN A. Localité de Tunisie, pays des Khroumir, sur
la route qui va de Souk-el-Arba (stat. du chem. de fer de
Constantine à Tunis) à La Calle, ainsi appelée du mot
fernan, chêne, à cause d'un chêne immense et plus de dix
fois séculaire qu'on y remarque.
FERNANDES. Nom patronymique commun à une suite
d'architectes portugais, dont les plus remarquables ont été
Balthasar Fernandès, architecte du château de Cintra,
sous le règne de D. Sebastien ; Gil Fernandès, qui vivait
en 1531 et qui dirigea les travaux de la maison des auto-
rités et du magasin de blé à Sétubal ; Laurent Fernan-
dès, qui, vers 1511, était le maître des œuvres du monas-
tère de Belem ; Louis Fernandès qui paraît avoir partagé
avec Laurent la direction des travaux de ce même monas-
tère et avoir été plus tard le maître des œuvres à Saint -
Jérôme de Valbemfeito, puis à Coïmbre, et enfin les deux
Mathieu Fernandès, père et fils, qui dirigèrent successi-
vement, au xve et au ^vie siècle , les travaux du couvent
Batalha sous le roi Emmanuel. C'est au père qu'on doit la
merveilleuse ornementation de ce monument, où figure
aussi son portrait sculpté. Il participa également aux tra-
vaux du célèbre monastère d'Alçobaça et mourut le 3 avr.
1515. Son fils décéda en 1528. P. L.
Bibl. : Raczynski, Dictionnaire hislorico-arlistique du
Portugal; Paris, 1847.
FERNANDÈS Pjnheiro (José-Feliciano) , vicomte de
Sam Leopoldo, homme d'Etat brésilien, né à Santos le
9 mai 1774, mort à Porto-Alègre (Rio Grande du Sud) le
6 juil. 1847. Magistrat, il débuta dans la politique comme
député aux Cortès Constituantes du Portugal (1822), puis
à l'Assemblée constituante de l'empire du Brésil (1823).
Président de la province de Rio Grande du Sud (1824-
1826), il y fonda la colonie allemande de Sam Leopoldo.
Depuis 1826 jusqu'à sa mort il siéga au Sénat. Conseiller
d'Etat pendant le règne de D. Pedro Ier. Ministre de
l'intérieur du 10 mars 1826 au 20 nov. 1827, il créa les
facultés de droit de S. Paulo et d'Olinda, réorganisa l'école
de médecine de Rio et inaugura celle des beaux-arts. Il fut un
des fondateurs (1838) et le premier président de l'Institut
FERNANDÈS — FERNANDEZ
298 —
historique et géographique du Brésil. Parmi les travaux qu'il
a publiés, nous citerons : les Annaes da Provinciade S. Pe-
dro (Paris, 1839, 2e édit.). Ses Mémoires ont été publiés
en 4874 dans^la Revue de l'Institut historique.
FERNANDÈS Pinheiro (le chanoine Joaquim Caetano),
homme de lettres brésilien, neveu du précédent, né à Rio
de Janeiro le 17 juin 1825, mort à Rio de Janeiro le
15 janv. 1876. Professeur de rhétorique au collège impérial
D. Pedro II, secrétaire de l'Institut historique et géographique
du Brésil. Il publia un grand nombre de monographies et de
livres d'enseignement, presque tous se rapportant à l'histoire
du Brésil. Le plus important de ces ouvrages est le Resumo
de Historia Litteraria (Rio, 1872, 2 vol. in— 8).
FERNANDEZ (Béatrix) , favorite du roi d'Espagne
Henri II (Henri de Transtamare) au xive siècle. Elle eut une
grande influence sur ce souverain. Les chroniqueurs vantent
sa beauté. Elle eut du roi deux fils, Maria et Fernando.
FERNANDEZ (Lucas), auteur dramatique espagnol, de
la fin du xve et du commencement du xvie siècle. On sait
seulement qu'il était de Salamanque et qu'il y fit imprimer
un recueil de compositions scéniques dans le genre de
celles de son compatriote Juan de La Encina, sous le titre :
Farsas y eglogas al modo y estilo pastoril y castel-
lano (1514, in- fol.). Il s'y trouve six pièces, dont
trois du genre comique et trois autos, curieuses pour l'his-
toire des origines du théâtre espagnol. Elles étaient com-
plètement tombées dans l'oubli, quand l'érudit don José
Gallardo en publia des fragments avec une étude sur l'au-
teur dans sa revue intitulée El Criticon (nos 4, 5 et 7,
1836). Il y a joint une pièce inédite : Didlogo para
cantar (entre Juan Pastor et Bras) fecho por Lucas Fer-
nandez sobre quién te hizo Juan Pastor. E. Cat.
FERNANDEZ ou HERNANDEZ (Alejo), peintre espa-
gnol, qui travaillait à Cordoue et à Se ville au commence-
ment du xvi6 siècle. Il avait pour collaborateur habituel,
dans la décoration des retables dont il eut l'entreprise, son
frère Jorge Aleman, qui en faisait la sculpture et l'aidait
à dorer et à étoffer. Alejo est l'auteur des peintures com-
posant le retable du couvent de San Geronimo, à Cordoue;
les sujets en sont tirés de la vie du Christ et de celle de
saint Jérôme; le panneau central représente la Cène et
porte la signature de l'artiste. En 1508, les deux frères
furent appelés à Séville par le chapitre de la cathédrale qui
traita avec eux pour l'achèvement du grand retable, com-
mencé sur les dessins de Dancart en 1482 et continué
par Marco, avec l'aide de Bernardo de Ortega, jusqu'à la
partie formant dais. En 1525, ils avaient complètement
terminé ce travail qui embrassait à la fois la sculpture
décorative, la dorure et Vestofado ou polychromie. On
conserve, dans la sacristie de la capilla major, divers
panneaux peints par Alejo, notamment une Conception,
une Nativité de la Vierge et la Purification et dans la
chapelle San Andrès une Adoration des rois. Toutes ces
peintures sont de style gothique et empreintes d'un profond
sentiment de noblesse et de foi. L'église de Santa Ana, dans
le faubourg de Triana, a conservé un ouvrage de Fernandez
représentant la Vierge assise sur un trône et portant
V enfant, qui montre quels grands progrès la peinture avait
accomplis à Séville depuis l'époque de San chez de Castro.
FERNANDEZ (Benito), missionnaire et linguiste espa-
gnol du xvie siècle. Il était religieux au couvent domini-
nicain de San Estéban à Salamanque, lorsqu'il suivit au
Mexique le P. Vicente de Las Casas. En l'envoya dans la
Mixtèque dont il apprit les dialectes de manière à les par-
ler et à les écrire avec pureté et même avec élégance. Il
prêcha non seulement dans ses paroisses de Tlaxiaco (1548)
puis d'Achiutla, mais encore dans d'autres situées près de
l'océan Pacifique, dont les curés ne pouvaient se faire en-
tendre des indigènes. Dans son zèle contre l'idolâtrie il
détruisit les nécropoles de Chacaltongo, de Chicahuastla et
d'Achiltla, avec les idoles qu'elles renfermaient. Les néo-
phytes ne lui en voulurent pas et un siècle plus tard leurs
descendants le vénéraient comme un saint. Il publia : Arte
en lengua misteca (dialecte de Tlachiaco et Achiutla ;
Mexico, 1567; dialectedeTepuzculula;#>ïcL, 1568); Doc-
trina cristiana en lengua misteca (ibid,, 1550, 1564,
1568) ; et laissa en manuscrit : Algunos Modos de bien
hablar en lengua chuchona de Cuextlahuaca ; Doc-
trina y oraciones y moral cristiana en lengua de
Tepuzculula; Epistolas y Evangelios en lengua mis-
teca. Beàuvois.
FERNANDEZ (Diego), capitaine et chroniqueur espagnol,
du xvie siècle. Né à Palencia, il suivit la carrière des armes
et en 1545 partit pour le Pérou, où il joua un rôle dans
les luttes entre les chefs espagnols. Il servit d'abord dans
l'armée d'Alvarado contre Francisco Hernandez Giron et
autres rebelles, puis sous le vice-roi Hurtado de Mendoza,
marquis de Canete, et revint en Espagne vers 1560. A la
demande du vice-roi, il écrivit l'histoire des troubles du
Pérou, puis il fut encouragé par Francisco Tello de Sandoval
à écrire celle de Gonzalo Pizarre, d'où le livre intéressant :
Primera y segunda parte de la Historia del Piru
(Séville, 1571, in-foL), La vente et la lecture en furent
interdites dans le nouveau monde. E. Cat.
FERNANDEZ (Luis), peintre espagnol, né à Madrid en
1596, mort à Madrid en 1654. Il fut le meilleur élève d'Eu-
genio Caxès. Ses plus importants ouvrages ont péri ou ont
disparu, notamment ses fresques de l'église Santa Cruz,
dévorée à la fin du xvnr3 siècle par un incendie, ainsi que
les peintures, allusivesàla vie de saint Ramon, qu'il avait
exécutées pour le cloître de la Merced calzada, à Madrid.
Le musée du Fomento conserve de l'artiste un tableau re-
présentant Saint Vincent martyr, avec sa signature et la
date de 1635, qui atteste en Fernandez un coloriste de
haute valeur et, sous ce rapport, supérieur à son maître.
FERNANDEZ (Francisco), peintre espagnol, né à Ma-
drid en 1605, mort à Madrid en 1646. Formé à l'école de
Vicente Carducho, cet artiste fut choisi pour peindre au
palais de Madrid quelques portraits décoratifs des anciens
rois ; quelques autres ouvrages de lui subsistaient encore
à la fin du xvnr3 siècle au couvent de la Vitoria, notam-
ment : les Funérailles de saint François de Paul et
Saint Joachim avec sainte Anne. La rareté des œuvres de
Fernandez s'explique par sa mort prématurée. Il fut assas-
siné à la suite d'une querelle. Il a gravé à l'eau-forte le
frontispice et les planches 2, 4 et 5 des Dialogos de la
Pintura, publiés par Vicente Carducho, en 1633. P. L.
FERNANDEZ (Manuel Santos), peintre espagnol qui vi-
vait à Madrid, au commencement du xvnr3 siècle. Son
maître avait été Geronimo Antonio de Ezquerra qui s'était
fait une certaine célébrité en peignant des tableaux de
nature morte. En 1719, Fernandez terminait pour la cha-
pelle de Notre-Dame del Puerto, voisine du pontdeSégo-
vie, à Madrid, un tableau d'autel représentant saint
François d'Assise et saint Antoine de Padoue. Il pei-
gnit plus tard, d'après la belle statue de Pereira, un Saint
Bruno pour le couvent du Paular. P. L.
FERNANDEZ (José), missionnaire et linguiste espagnol
du xvme siècle. Il prit l'habit de saint François dans la pro-
vince de Burgos et passa, en 1717, dans celle de Zacatecas
(Mexique), où il fut lecteur en théologie et provincial. Il
écrivit : Arte y vocabulario de la lengua Tepehuana.
FERNANDEZ (Prospero), président de la république
de Costa Rica, né à San José le 18 juil. 1834, mort en
mars 1885. Issu d'une famille qu^ a fourni à son pays
deux présidents de république, il fit ses études à l'univer-
sité de Guatemala et entra ensuite dans l'armée. Général
de division à vingt-trois ans, il devint, en 1881, comman-
dant en chef de l'armée. Elu président de la république le
10 août 1882, il mourut avant l'expiration de son mandat
(V. Costa-Rica). G. P-i.
FERNANDEZ Cruzado (Joaquin-Manuel) , peintre espa-
gnol, né à Jerez de La Frontera le 24 déc. 1781, mort à
Cadix le 31 janv. 1856. On lui doit quelques bons portraits
de personnages contemporains, Ferdinand VIII, Isa-
belle II, etc., et quelques estimables tableaux religieux et
— 299 —
FERNANDEZ
d'histoire notamment : l'Ange gardien et Saint Benoît,
dans la cathédrale de Cadix ; l'Assomption de la Vierge,
à Lausanne ; Adam et Eve pleurant Abel, exposé à Ma-
drid en 1842; Fernand Cortès et Guatimozin. Il a
publié à Cadix un traité d'anatomie spécialement appliquée
à la peinture.
FERNANDEZ de Côrdova (Gonzalo) (V. Côrdova y
Aguilar).
FERNANDEZ de Heredia (Juan-Francisco), écrivain
espagnol du xvne siècle. Originaire de F Aragon, il étudia à
Salamanque, devint docteur en droit, chevalier de l'ordre
d'Alcantara, conseiller aux cours des comptes d'Aragon et
de Madrid, Il a écrit: Salomo Pacificus (Valence, 1642,
in-8); Seneca y Mero (4642 et Madrid, 1681); Ora-
don Panegyrica de historia ê la vida y hechos de San
Victorian, eremita y abad... (1676, in-4) ; Trabajos y
afanes de Hercules, floresta de sentemias y exemplos
(Madrid, 1682, in-4). Ce dernier livre, le plus connu de
ceux qu'a écrits Fauteur, est un recueil de devises et d'allé-
gories, très alambiqué. E. Cat.
FERNANDEZ de La Oliva (Manuel), sculpteur espagnol
contemporain, né à Madrid, élève de son père et des cours
de l'Académie de San Fernando. Il exposa en 1862, à Ma-
drid, une Andromède qui fut l'objet d'éloges mérités. En
1864, il produisait : Premier Désenchantement, jolie sta-
tue qui fut acquise pour le musée national par l'Etat. Nommé
professeur de sculpture à Cadix, il exerce aujourd'hui la
même fonction à l'école des beaux-arts de Séville.
Bibl. : Ossorio y Bernard, Galeria biografica de ar-
listas espanoles del siglo XIX ; Madrid, 1883-84, 28 édit.
FERNANDEZ de Laredo (Juan), peintre scénographe
espagnol, né en 1632 à Madrid, mort à Madrid en 1692.
Il était élève de Francisco Rizi et collabora avec son maître
aux fresques et principalement aux décorations théâtrales
que celui-ci était chargé de peindre pour le théâtre de la
cour, sous Philippe IV. Après la mort de Rizi, Fernandez
de Laredo, dont le talent comme perspecteur et décorateur
était reconnu, fut, sous Charles II, nommé peintre de la
chambre en 1687. Il continua en cette qualité de diriger la
partie scénographique du théâtre royal et peignit, dans di-
vers monuments, de curieuses perspectives, exécutées a
tempera. P. L.
FERNANDEZ de La Vega (Luis), sculpteur espagnol, né
à Llantones, dans les Asturies, vers 1600, mort à Oviedo
en 1675. Il était de famille noble et donna de bonne heure
des preuves de ses aptitudes pour les arts. CeanBermudez
émet l'hypothèse fort plausible que le jeune Luis a dû faire
son apprentissage à Valladolid, auprès du célèbre Gregorio
Hernandez, se fondant sur les évidentes similitudes de ma-
nière et de style que l'on note dans leurs ouvrages respec-
tifs. En 1636, Fernandez de La Vega, sans délaisser la
sculpture, exerçait à Gijon la charge de juge de la noblesse ;
il terminait en effet vers ce même temps deux statues d#e
Saint Joseph et de Saint Antoine, qui furent acquises par
le capitaine don Fernando de Valdès et placées par celui-ci
dans la chapelle de Notre-Dame, qui appartenait à sa fa-
mille. En 1640, l'artiste achevait pour la décoration de la
chapelle des Vigiles, dans la cathédrale d'Oviedo, un grand
médaillon d'une remarquable facture. Il fut également l'ar-
chitecte et le sculpteur de plusieurs retables pour diverses
chapelles dans les cathédrales de Gijon, d'Oviedo et à la
collégiale de Salas qu'il décora dans un goût sobre, d'excel-
lentes figures de saints et d'anges aux formes élégantes et
vraies et aux attitudes tranquilles et bien observées. P. L.
FERNANDEZ de losRios (Àngel), littérateur et homme
politique espagnol, né à Madrid le 27 juil. 1821, mort à
Paris en 1879. Avocat et journaliste militant d'une rare
activité, il paya maintes fois par l'exil ses opinions libé-
rales et antibourboniennes. Dans le Parlement, dont il fit
souvent partie, il était un des plus dévoués collaborateurs
du célèbre Olôzaga, le chef du parti progressiste. Il fonda
ou dirigea nombre de journaux, parmi lesquels Las Nove-
dades, dont l'influence fut grande. Sa brochure, 0 todo 6
nada (1864), ne contribua pas peu au renversement de la
dynastie. Il fut alors nommé ambassadeur à Lisbonne
(1868-1872). Exilé après l'intronisation d'Alphonse XII,
il vécut d'abord en Portugal, puis à Paris et publia plu-
sieurs travaux intéressants, parmi lesquels son Guide
(Guia) de Madrid (1876) ; Mi Mission en Portugal
(1877) ; la Exposicion de -1878 (Paris, 1879), et surtout
une biographie de son ami Olôzaga (1875), qui offre un
saisissant tableau des luttes politiques en Espagne sous le
règne d'Isabelle II (2e éd. : Estudio histôrico de las lu-
chas politicas en la Espana del siglo XIX ; Madrid,
1880). G. P-i.
FERNANDEZ de Nâvarrete (V. Nav arrête).
FERNANDEZ de Otero (Alfonso), jurisconsulte espa-
gnol de la première moitié du xvne siècle. Chanoine de
l'église de Valladolid, il s'occupa, comme deux de ses frères,
Antoine et Jérôme, de droit canonique, et publia de nom-
breux ouvrages en Italie, où sans doute il passa le reste
de sa vie, de 1616 à 1623. E. Cat.
FERNANDEZ ou HERNANDEZ de Oviedo y Valdès
(Gonzalo) (V. Oviedo).
FERNANDEZ de Velasco (V. Castille et Frias).
FERNANDEZ-Guerra y Orbe (Aureliano), poète dra-
matique, critique littéraire et historien espagnol contempo-
rain, né à Grenade le 16 juin 1806. D'abord professeur
d'histoire dans sa ville natale, il a été transféré ensuite
dans la chaire des littératures étrangères à l'université de
Madrid, et a occupé en même temps de hautes fonctions
au ministère de la justice. Il a débuté dans les lettres par
des poésies et par des drames (La Hija de Cervantes,
Alonso Cano, etc.) et a collaboré avec Tamayo y Baus au
drame historique La Rica Hembra (1854). Mais il est
surtout apprécié pour ses travaux d'histoire littéraire des
xvie et xvne siècles. On lui doit à cet égard une édition
des œuvres de Quevedo, précédée d'une remarquable étude
sur ce poète (1852-1859, 2 vol.) ; La Vida y las Obras
de l'énigmatique bachelier Fr. de la Torre (1857), etc.
C'est aussi un des historiens les plus érudits d'aujourd'hui,
comme en témoignent ses nombreux travaux, dont les plus
importants sont : Sobre la Gonjuracion de Venecia en
1618 (Madrid, 1856) ; Itinerarios de la Espana romana
(1862) ; ElFuero de Avilés (1865, 1870); El Bey D.
Pedro de Gastilla (1 868) ; D. Rodrigo y la Gava (1877 ;
2e éd., 1883) ; Gaida y ruino del imperio visigôlico
espanol (1883, in-4). Rentra, en 1856, à l'Académie de
l'histoire, et en 1857 à l'Académie espagnole, dont il est le
secrétaire. G. Pawlowski.
FERNANDEZ-Guerra y Orbe (Luis), auteur dramatique
et critique littéraire, frère du précédent, né à Grenade le
11 avr. 1818. Ses drames ont eu peu de succès. Plus
méritoire est son édition critique de Gomedias d'Augustin
Moreto yCavafia (1856). Son excellente étude sur Don Juan
Ruiz de Alarcôn y Mendoza (1871, in-4) lui ouvrit, en
1872, les portes de l'Académie espagnole. G. P-i.
FERNANDEZ Pescador (Eduardo), sculpteur et graveur
en médailles espagnol, né à Madrid en 1836, mort à
Madrid le 26 mai 1872. Elève des cours de l'Académie de
San Fernando, il obtint une pension du gouvernement et
vint achever de se perfectionner dans son art à Paris. De
1860 à 1866, il exposa à Madrid divers spécimens de son
talent tels que : les médailles-portraits de la reine Isabelle II,
du Duc de Rivas, de D. Salusliano Olozaga, un bas-relief
d'après le tableau des Lances, de Velazquez, des médaillons
représentant la Justice, la Loi, la médaille des députés et
des portraits de divers personnages modelés en cire. L'un
de ses derniers ouvrages est un médaillon-portrait de Mar-
tinez delà Rosa. P. L.
Bibl. : Ossorio y Bernard, Galeria biografica de av-
tislas espanoles del siglo XIX ; Madrid, 1883-84, 2e édit.
FERNANDEZ- Vieira (V. Vieira).
FERNANDEZ y Gonzalez (Manuel), poète et célèbre ro-
mancier espagnol, né à Séville en 1830, mort à Madrid en
janv. 1888. Il étudia le droit à Grenade, puis s'engagea
FERNANDEZ — FERNBACH
— 300 —
dans l'armée et en sortit, après un service de sept ans,
avec le grade de sergent-major. Dès l'âge de dix-neuf ans,
il fit représenter à Grenade un drame, El Bastardo y el
rey, mais il ne débuta sérieusement dans les lettres qu'en
1850 avec un volume de Poesias , qui firent sensation, et
en publia plus tard un second recueil : Poesias varias
(1858). Il se fit aussi remarquer comme dramaturge, et
ses pièces : Cid Rodrigo de Vivar et Aventuras impé-
riales comptent au nombre des bonnes productions de la
scène espagnole. Mais il est surtout, connu par ses innom-
brables romans d'aventures de cape et d'épée, dans le goût
de ceux d'Alexandre Dumas père. Doué d'une rare puissance
d'invention, conteur attachant, il exerça une influence pro-
digieuse sur les masses ; mais, sacrifiant tout à l'action,
et ne cherchant qu a produire de l'effet, il ne fut qu'un
feuilletoniste. C'est à peine si quelques romans historiques
de sa première période, tels que : El Cocinero de Su
Majestad, Martin Gil, Los Mon fies de las Alpujarras,
comptent dans la littérature ; le reste n'est que du métier.
« Il pouvait être notre Walter Scott, dit un de ses bio-
graphes, il ne fut que notre Ponson du Terrail. »
G. Pàwlowskï.
Bibl. : M. de La Revilla, Obras ; Madrid, 1883.
FERNANDEZ y Gonzalez (Francisco), écrivain espagnol
contemporain. Sénateur, membre de l'Académie espagnole
et de l'Académie d'hïstoire, il est l'auteur d'études remar-
quables parmi lesquelles nous citerons : Las Doctrinas del
doctor iluminado Raimondo Lullo (1870-72) ; Establi-
cimiento de los Espafioles y Portuguezes en las comar-
cas occidentales de Africa (1885) ; de los Moriscos que
permanecieron en Espana despues de la expulsion
decretada por Felipe III (1871) ; El Mesianismo israe-
lita en la peninsula Iberica (1 885) ; De la Escultura y
Pintura entre los pueblos de raza semitica y senala-
damente entre los judios y arabes (1872) ; Institutio-
ns juridicas del pueblo de Israël en los di fer entes
estaclos de la Peninsula Iberica (Madrid, 1881, t. I).
FERNANDEZ v Peràlta (Juan), écrivain espagnol du
xvne siècle. Il n'est connu que par un recueil de contes et
nouvelles, le Para si, extrêmement rare et écrit en réponse
au Para todos de Montalvan. Ce recueil parut vers 1650.
FERNAND1NA. Ville des Etats-Unis, Etat de Floride, à
l'embouchure du petit fleuve Saint-Mary's, dans l'île Amelia ;
3,207 hab. en 1890. Tête de ligne, sur l'Atlantique, du
chemin de fer traversant de ce point à Céda Keys (golfe du
Mexique) le seuil de la presqu'île Floridienne.
FERNANDO (V. Ferdinand).
FERNANDO de Noronha. Ile du Brésil, 180 milles N.-E.
du cap de Sam Roque. Elle a plus de 11 kil. de longueur
N.-E. et S.-O. et environ 4 kil. de largeur, et est entou-
rée de quelques îlots, dont les plus considérables se trou-
vent près de la pointe N.-E. Elle estaccore de tous les côtés.
11 y a seulement deux écueils dans son voisinage : l'un
2 milles au S.-E. de la pointe S.-E., l'autre à environ
1 mille au S. de la pointe S.-O. L'île est « de formation vol-
canique, présentant partout des falaises à pic et une sil-
houette très découpée, dominée par un pic fort aigu de
305 m. de hauteur, souvent comparé à une flèche de ca-
thédrale ; ce pic remarquable rend l'île visible de 10 à
12 lieues » (Mouchez). Le seul point accessible aux navires
est la baie Santo-Antonio, dans la partie N.-O., où se
trouve le bourg de Sant' Anna dos Remedios. Le débarque-
ment est presque toujours très difficile.
Cette île sert de lieu de déportation et se trouve sous
la direction d'un gouverneur militaire relevant du minis-
tère de la justice à Rio de Janeiro. Elle compte à peu près
3,000 hab., parmi lesquels 1,500 forçats, et une garni-
son de 200 hommes. En 1738 et 1741 les Portugais y
construisirent huit forts et redoutes, qui se trouvent au-
jourd'hui presque entièrement délabrés.
L'île de Fernando de Noronha fut découverte en 1501
ou 1502. En 1504, elle fut donnée par le roi à un gentil-
homme, Fernando de Noronha. Les Hollandais occupèrent
cette île depuis 1631 jusqu'en 1654. Abandonnée des Por-
tugais jusqu'à l'année 1737, elle fut occupée définitive-
ment par une expédition partie de Pernambuco.
FERNANDO-PO. Géographie. — Ile espagnole de la côte
O. d'Afrique, dans le golfe de Biafra, par 3° 12' et 3°477
lat. N., 6°6' et 6° 37 long. E. Elle a 60 kil. de long du
N.-E. au S.-O., une superficie de 2,071 kil. q. C'est la
plus voisine de la côte et la plus grande des quatre princi-
pales îles du golfe de Guinée. Elle est très montagneuse,
de formation volcanique, dominée par le pic Fernando-Po,
Santa-Isabel ou Clarence (3,365 m. ou même 3,858 m.),
volcan encore actif qui fait vis-à-vis au mont Cameroun.
Le sol est d'argile rouge reposant sur du grès et souvent
recouvert de lave ; les rochers alternent avec la terre vé-
gétale. Des falaises dominent la mer ; le principal mouillage
est au N., celui de Santa-Isabel ou Clarence. Les bois re-
couvrent les pentes jusqu'aux deux tiers de la montagne ;
le tiers supérieur est revêtu de buissons et d'herbes. Le
climat est très pluvieux de juin à sept., ensuite vient la
saison sèche due au vent de terre (harmattan), soufflant
de déc. à févr. ; puis vient la saison plus agréable des
brises du S.-O. qui précède la saison des pluies. D'une
manière générale, le climat de Fernando-Po est très mal-
sain et les Européens n'ont pu s'y établir à demeure, mal-
gré la richesse de l'île. Dans ses forêts croissent les bois
précieux de construction ou de teinture (palmiers, ébénier,
acajou, lignum-vitœ, etc.). Les terrains cultivés sont
très fertiles ; les indigènes se nourrissent surtout d'ignames.
On évalue la population à 20,000 âmes. Les indigènes sont
appelés Ediyâ ou Boubi. Ils n'appartiennent pas à la race
nègre pure, car ils ont la peau olivâtre et les cheveux
moins laineux que ceux du nègre. On peut les rapprocher
des populations voisines de la côte, Bimbya du Cameroun
ou Fans du Gabon. D'ailleurs, dans l'île même, la race
n'est pas unique; il s'y parle trois dialectes très différents.
Ces indigènes sont hostiles aux blancs.
Histoire. — Découverte en 1486 par le capitaine por-
tugais Fernâo do Po, qui lui donna le nom de Formosa,
l'île prit bientôt celui de ce navigateur. Elle reçut, au
xvie siècle, une colonie portugaise qui s'établit sur le
rivage oriental. Cédée à l'Espagne en 1778, elle fut éva-
cuée" en 1781 et demeura abandonnée jusqu'en 1827.
L'Angleterre y fonda alors une station, avec l'autorisation
de l'Espagne, afin de surveiller la traite des esclaves dans
le golfe de Guinée. Les Anglais s'établirent dans la baie
du N., formée par le promontoire de Point William ^ et
appelèrent leur colonie Clarence. Le climat leur nuisit
beaucoup; ne retirant pas les avantages espérés de cet
établissement, ils le restituèrent à l'Espagne qui le réclama
en 1845 et le réoccupa en 1856. Clarence devint Santa-
Isabel. Une entreprise commerciale donna de merveilleux
résultats, mais les déceptions suivirent ; les colons furent
décimés par la fièvre ; les missions des jésuites, qui avaient
remplacé celles des Anglais, disparurent lors de l'expul-
sion de l'ordre ; enfin, en avr. 1879, le gouvernement
espagnol rappela ses fonctionnaires.
Bibl. : Martinez y Sanz, Brèves apuntas sobre la isla
da Fernando Pôo ; Madrid, 1859, in-8. — San-Javiar, Très
aiïos en Fernando Pôo; Madrid, 1875, in-8. — Soyaux,
Aus Fernando Po, dans Ans Allen Welttheilen, 1877.
FERNBACH (Franz-Xaver) , peintre allemand, né à
Waldkirch, près de Fribourg-en-Brisgau, en 1798, mort
à Munich en 1851. Il commença par peindre des cadrans
d'horloge de la Forêt-Noire. Puis, à l'aide d'une petite
épargne, étant venu à Munich en 1816, il y étudia trois
ans à l'Académie des beaux-arts, apprenant son métier de
peintre et s'ingéniant en même temps à mille recherches
pour gagner sa vie. L'envoi qu'il fit à l'exposition de 1820
de deux dessus de table peints en manière de mosaïque lui
valut la protection du roi Maximilien Ier de Bavière, qui lui
fournit les moyens d'aller parfaire son instruction par des
études scientifiques à l'université de Landshut, puis à Vienne.
Plutôt chercheur et théoricien que peintre exécutant, ayant
passé sa vie à faire ou rêver des découvertes, Fernbach n'est
— 301 —
FERNBACH — FERNIG
pas sans tenir sa place dans le mouvement d'art qui fit de
Munich, pendant la première moitié de ce siècle, un centre
si brillant. Son grand titre de gloire, aujourd'hui oublié,
est d'avoir retrouvé ou au moins cru retrouver l'encaus-
tique des anciens. Ses premiers essais, qu'il soumit à une
commission, en 1834, lui firent confier la restauration des
peintures découvertes à Forchheim et qu'on regardait
comme du temps de Charlemagne. L'invention ne manqua
pas d'exciter l'enthousiasme dans un milieu où l'on singeait
en toutes choses si candidement l'antiquité. Schnorr utilisa
immédiatement le procédé dans ses peintures de la Rési-
dence sur l'histoire de Charlemagne, de Frédéric Barbe-
rousse et de Rodolphe de Habsbourg. Rottmann l'employa
également en partie pour ses fameux paysages grecs de la
nouvelle Pinacothèque. Fernbach est aussi l'inventeur d'un
système de détrempe, dont Maurice de Schwind s'est servi
avec une constante prédilection. 11 a publié, en outre, un
certain nombre d'écrits spéciaux : Kenntniss und Behand-
lung der Oelfarben (Munich, 1834); Lehr und Hand-
buch ûber die Oelfarbe (ibid., 1843), et surtout,
concernant sa principale découverte, Die enkaustiche
Malerei (ibid., 1845). Paul Leprieur.
FERNEL (Jean), mathématicien et médecin français,
né à Clermont en Beauvoisis en 1497, mort à Paris le
26 avr. 1558. Il a publié, en 4 528, De Proportionibus,
et deux traités astronomiques, le Monatlospherion et
la Cosmotheoria. C'est dans ce dernier ouvrage qu'il
raconte avoir trouvé 57,046 toises pour le degré du mé-
ridien en allant par la grande route de Paris à Amiens et
en comptant le nombre des tours de roue de sa voiture.
Ce résultat est d'une exactitude surprenante, Picard aj^ant
trouvé plus tard 57,060 toises par la triangulation.
Comme médecin, Fernel se vit décerner le surnom de
Galien moderne. Après avoir achevé ses premières "études
dans sa ville natale, il entra à l'âge de dix-neuf ans au
collège Sainte-Barbe à Paris et, trois ans après, fut reçu
maître es arts. Tombé malade à la suite d'un excès de
travail, il se décida à étudier la médecine, ce qu'il fit
tout en enseignant la philosophie au collège Sainte-Barbe
et en poursuivant ses recherches de mathématiques et
d'astronomie. Loin de les abandonner après avoir été reçu
docteur en 1530, il dérangea même sa fortune pour
construire à grands frais des instruments. Les instances de
son beau-père (il s'était marié en 1532) triomphèrent
pourtant de sa passion favorite et privèrent ainsi la France
de travaux astronomiques dont l'importance eût été sans
doute considérable. A partir de 1534, Fernel se consacre
exclusivement à la médecine qu'il enseigne et pratique à
la fois, et publie d'importants ouvrages : De Naturali
Parte Medicinœ libri septem (Paris, 1542, in-fol.,
traité de physiologie repris plus tard dans sa Medicina) ; De
Evacuandi Ratione liber (Paris, 1545, in-8), où il
s'élève contre l'abus de la saignée : De Abditis Rerum
causis libri duo (1548, in-fol.), sous forme de dialogue,
également compris dans la Medicina qui parut en \ 554
(in-fol.), et eut plus de trente éditions. C'est un corpus
où Fernel a cherché à réunir tout ce qu'il y avait de bon
dans les auteurs grecs, latins et arabes en physiologie, en
pathologie et en thérapeutique. Fernel s'était acquis une
grande réputation comme praticien ; avant son avènement
au trône, Henri II voulait déjà l'attacher à sa personne.
Fernel déclina longtemps cet honneur et finit par l'accep-
ter au commencement de 1557. Il mourut au retour du
siège de Calais quelques semaines après avoir subitement
perdu sa femme. Sa vie a été écrite par son élève et neveu
Guillaume de Plancy et se trouve dans les éditions de la
Medicina qui suivent celle de 1567. Après sa mort furent
publiés divers ouvrages posthumes. Les écrits médicaux de
Fernel n'ont plus qu'une importance historique ; il n'en a
pas moins joué un rôle considérable. Ce n'est pas, au
reste, un rénovateur, mais un restaurateur, d'esprit d'ail-
leurs judicieux et suffisamment hardi ; il caractérise cette
phase de la Renaissance où l'érudition passe la première, où
il s'agit de savoir ce qui a été fait par les anciens, avant
d'ouvrir de nouvelles voies. T.
FERNER (Bengt), savaut suédois, né à Nyeds Prestgârd
(Vermland) le 10 nov. 1724, mort à Stockholm le 18 nov.
1802. Il fut professeur d'astronomie à l'université d'Upsal,
précepteur du prince royal et membre de l'Académie de
Stockholm. Il a publié dans le recueil de cette société
(1752 à 1758) les résultats de ses recherches météorologi-
ques et dans lesPhilosophical Transactions de la Société
royale de Londres ses observations sur les passages de
Vénus de 1761 et 1769. L. S.
FER NEY-Volt aire. Ch.-l. de canton du dép. de l'Ain,
arr. de Gex; 1,200 hab. Petit village qui au xne siècle
appartenait à une famille du même nom. Son château
fut détruit au xvie siècle par les Bernois. Au xvne, Fer-
ney passa aux mains des familles Chevalier et Rozet de
la bourgeoisie de Genève ; Marc Rozet le vendit le 5 févr.
1674, au prix de 60,000 florins d'or, à Guillaume de
Budé, et le 9 févr. 1759, Marie-Louise Mignot, veuve de
Nicolas-Charles Denis, l'achetait au prix de 89,000 livres,
pour Voltaire. On sait que ce dernier amena la prospérité
à Ferney. Après sa mort, Mffie Denis vendit cette terre
230,000 francs au marquis de Villette qui peu après la
rétrocédait à la famille de Budé. G. G.
FERNIG (Félicité et Théophile), héroïnes françaises qui
s'illustrèrent dans les armées de Dumouriez pendant les
premières campagnes de la Révolution. Leur père, Louis
Fernig (mort en 1816), était originaire d'Alsace. Après
avoir servi comme sous-officier dans un régiment de hus-
sards, il s'était fixé à Mortagne (Nord), où il devint, lors
de la Révolution, secrétaire de la municipalité. Félicité
naquit à Mortagne le 10 mai 1770, sa sœur Théophile à
Chat eau-1' Abbaye, village voisin, le 17 juil. 1775. Leur
père les accoutuma, dès l'enfance, à monter à cheval, à
faire de longues marches, à manier l'arc et le fusil. Au
printemps de 1792, la guerre ayant éclaté entre la France
et l'Autriche, Mortagne et les localités environnantes,
situées à deux pas de la frontière, se trouvèrent exposées
aux incursions des coureurs ennemis. Comme il n'y avait
pas encore de troupes françaises à proximité, les habitants
résolurent de se défendre eux-mêmes. Le pays se prêtait
aux embuscades ; ils organisèrent de petites expéditions
dans lesquelles les reconnaissances autrichiennes furent
plus d'une fois maltraitées. Dès le premier jour, les demoi-
selles Fernig s'étaient mêlées aux combattants. Bientôt,
elles les dirigèrent. Au mois de mai, elles quittèrent les
habits de leur sexe pour endosser une espèce d'uniforme
aux couleurs nationales, et à partir de ce moment elles se
joignirent en volontaires aux soldats du camp de Maulde,
dont quelques détachements allaient chaque jour escar-
moucher avec l'ennemi. Ce camp de Maulde, devenu fameux
par la suite, venait d'être établi à peu de distance de Mor-
tagne. Dumouriez, aidé de Beurnonville, y formait trois
ou quatre mille hommes en les exerçant chaque jour à des
attaques d'avant-postes. Les deux sœurs accompagnaient
les colonnes, sans cesse au premier rang, croisant le sabre
ou faisant le coup de feu avec l'assurance de vieux trou-
piers. Dans ce moment d'exaltation patriotique, un tel
exemple était fait pour enflammer les troupes. Dumouriez,
toujours habile, en tira parti. Il attacha les deux jeunes
filles à son état-major, les promena partout avec lui, pu-
bliant leurs actions d'éclat et les proposant pour modèles à
ses volontaires. L'effet fut prodigieux. Les demoiselles
Fernig devinrent célèbres dans toute l'armée. Celle-ci leur
voua un véritable culte, non seulement à cause de leur
bravoure, mais encore de la conduite irréprochable qu'elles
gardaient au milieu des troupes. Elles étaient, dit Dumou-
riez dans ses Mémoires (1. III, ch. n), « encore plus
extraordinaires par leur pudeur et leur vertu que par leur
courage ». Et ce qui peint bien l'esprit des troupes à cette
époque, c'est qu'elles purent passer près d'une année
parmi les soldats, sans avoir à se plaindre du plus léger
manque de respect.
FERNIG — FEROË
- 302 —
Lorsqu'en sept. 4792, Dumouriez se porta au-devant
des Prussiens pour leur disputer le passage de l'Argonne
et qu'il appela à lui les troupes du camp de Maulde, il ne
manqua pas de faire venir les deux héroïnes. Arrivées à
Sainte-Menehould, elles furent accueillies avec enthou-
siasme par les commissaires de la Convention qui les
comparèrent à Jeanne d'Arc et leur remirent des brevets
provisoires d'adjoints aux adjudants généraux. Une fois
la campagne de Valmy terminée , Dumouriez les ramena
en Flandre avec lui. Dans l'intervalle, les Autrichiens
avaient forcé la frontière du Nord dégarnie ; ils étaient
entrés à Mortagne et, par vengeance, avaient livré aux
flammes la maison de la famille Fernig. A la nouvelle de
cet acte de barbarie, la Convention décréta que la maison
serait reconstruite aux frais du trésor public. Les deux
sœurs jurèrent alors de ne plus quitter leurs compagnons
d'armes. Elles les suivirent dans les Pays-Bas, assistèrent
aux batailles de Jemappes et d'Anderlecht ainsi qu'aux
autres opérations de la campagne. Puis, lorsque les revers
survinrent, on les retrouva aux côtés de leur général, sou-
tenant les troupes démoralisées par l'exemple de leur
fermeté. Elles se signalèrent notamment à la malheureuse
bataille de Nerwinde en ralliant les fuyards du corps de
Chancel. Ce fut leur dernier exploit. Quelques jours plus
tard, Dumouriez consommait sa trahison.
Elles avaient trop de confiance dans le général ; elles
étaient trop étrangères à la politique pour soupçonner ce
qu'il tramait avec l'ennemi. Elles le suivirent aveuglément
jusqu'au bout. Le 5 avr. 1793, elles se réfugiaient avec
lui dans le camp des Autrichiens. Mais là, comprenant
enfin ce qui s'était passé, elles lui remirent leur démission.
Il était trop tard ; on ne leur permit pas de rentrer en
France. La Convention les avait décrétées d'accusation avec
tous les autres complices de Dumouriez. Ce fut en vain
qu'elles sollicitèrent le retrait de cette mesure injuste.
Elles durent se résigner à l'exil. Leur constance fut admi-
rable. Dénuées de toute ressource, elles se mirent coura-
geusement au travail pour gagner leur vie. Félicité alla
s'établir à Bruxelles où elle tint un bureau de loterie ; sa
sœur parcourut les foires de Belgique en vendant des
objets de toilette. Cette vie d'épreuves dura six ans. Le
47 août 4798, Félicité épousa un officier belge, M. Vander-
vallen, qu'elle avait sauvé, dit-on, au combat d'Anderlecht.
Cette union lui assurait l'aisance. Elle prit auprès d'elle
sa sœur qui refusa toujours de se marier. Toutes deux
vécurent, dès lors, à Bruxelles. Elles y moururent, Théo-
phile le 2 avr. 4849, Félicité le 4 avr. 4841.
Les demoiselles Fernig avaient un frère et deux sœurs.
Le frère, Louis-Alexandre-désiré, né à Chàteau-F Abbaye
le 42 juin 4772, était officier d'infanterie à l'époque de la
Révolution. Parvenu, sous l'Empire, au grade d'adjudant-
commandant ou colonel d'état-major (6 mars 4842), il fut
écarté du service par la Restauration. Mais Louis-Philippe,
qui avait connu Théophile et Félicité dans l'entourage de
Dumouriez, le réintégra dans les cadres en 4830 et le
nomma général de brigade. Retraité trois ans après, il mou-
rut le 24 août 4847. — Des deux sœurs, l'aînée, Louise,
épousa un négociant français, nommé Nerenburger, établi
à Amsterdam; la cadette, Aimée, devint la femme du
général Guilleminot. Ch. Gràndjeàn.
Bibl. : Bonhomme, Correspondance inédite de Théophile
Fernig ; Paris, 1873, in-12.— Duhem, Notice biographique
sur les demoiselles Fernig, clans Mém. histor. sur l'arr.
de Valenciennes, 1876, t. IV. — Arthur Chuquet, Valmy,
Paris, 1887, pp. 155-158, in-18.
FERNKORN (Anton-Dominik), sculpteur allemand, né
à Erfurt le 47 mars 4843. Elève de Stiglmayer, puis
de Schwanthaler, il alla en 4840 à Vienne, où il fit un
grand nombre de statues parmi lesquelles nous citerons :
six figures des Nibelungen, pour le comte Reichenbach ;
un Saint Georges (équestre) terrassant le dragon, pour
le comte Montenuovo ; la statue équestre du Grand-duc
Charles, pour le Burgplatz, et celle à\\PrinceEugè?îe; les
bustes de VEmpereur François-Joseph, de Schmerling,
de Hebel, les figures de la fontaine de la Bourse. Il a éga-
lement exécuté six statues impériales au dôme de Speycr,
le Lion d'Aspern, la Sainte-Marie qui couronne l'église
catholique de Fôth (Hongrie), le monument de Jellatschits
à Agram, etc. Il devint directeur de la fonderie impériale
de Vienne Met fut frappé d'aliénation dans sa vieillesse.
FERNOÉL. Corn, dudép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Riom, canfc. de Pont-au-Mur ; 437 hab.
FERNOW (Karl-Ludwig), écrivain d'art allemand, né
à Blumenhagen (Prusse) le 49 nov. 4763, mort à Weimar
le 4 déc. 4808. D'abord clerc de notaire, puis élève apo-
thicaire à Lubeck, il occupait ses loisirs à étudier la pein-
ture et la poésie. Il entra en relations avec le peintre
Carstens, puis, à Iéna, avec Reinhold et Baggesen, qui
déterminèrent sa vocation. Grâce à la protection du baron
Herbert et du comte Burgstall, il put faire un long séjour
en Italie (4794-4802) et, à son retour, il fut nommé
professeur extraordinaire à l'université d'Iéna, puis, en
1804, il devint bibliothécaire de la duchesse douairière
Amélie de Weimar. On a de lui, entre autres : Leben des
Kûnstlers Carstens (Leipzig, 4806) ;Rômische Studien
(Zurich, 4806-4808, 3 vol.), son ouvrage capital ; enfin,
des études sur Canova (Zurich, 4806), Ariosle (1809),
Pétrarque (Leipzig, 4848), Ses œuvres complètes ont été
publiées à Leipzig en 4829 et rééditées en 4834, en 2 vol.,
avec une biographie par Julianna Schopenhauer. G. P-i.
FEROË ou F>€RÔER. Groupe d'Iles au N. de l'Ecosse.
Deux étymologies : Fœr, qui, en langue Scandinave, signifie
« brebis » et 6, île, ou (d'après Landt) Faraivay (îles
éloignées). Ces îles, qui font partie intégrante du royaume
de Danemark, représentent l'ancienne Frislande, que l'on
retrouve sur les vieilles cartes. Elles sont au nombre de 26
dont 47 seulement d'habitées, savoir : au N. du 64e degré
delat. N. et en allant de PE. à l'O., Fuglô, Svinô, Widero,
Borô, Kunô, Kalsô, Osterô, Naalsô, Stromô, Hestoô,
Kolter, Waagô, Myggenaes. Au S. du 64e degré de lat. N.,
Sandô, Skuô, Store Dimon, Suderô. Les neuf autres ne
sont que des rochers basaltiques de peu d'importance
minés chaque jour par Faction corrosive de la mer et des-
tinés à disparaître. La terminaison ô signifiant îles, nous
devons donc dire les Fserôer et non les îles Fserôer pour ne
pas faire un pléonasme. La plus importante est Stromô et
c'est au S.-E. de cette île que se trouve Thorshavn (port
du dieu Thor), capitale de tout l'archipel avec ses 4 ,200 hab .
La superficie totale de l'archipel est de 4,332,5 kii. q.
Au point de vue de la géographie physique, les Fserôer
représentent certainement une des parties émergées de
cette chaîne continue qui, avec les Orcades, les Shetland
et l'Islande, rattache l'extrémité N. de l'Ecosse à la côte N.
du Groenland. La pointe N. extrême du groupe est Enne-
bierg sur Widero par 62° 25', et le rocher de Munken
dessine sur les cartes l'extrémité S. par 64° 24/ . Mais il
y a lieu de faire disparaître ce point, car le récif n'existe
plus. Il s'est englouti le 7 nov. 4885. La petite île de Hôlm,
à PO. de Myggenaes, marque la longitude occidentale
extrême, 40° 2', et la pointe de Bispen à TE. de Fuglô
limite la longitude orientale, 8° 38/. Les côtes de ces îles
sont le plus souvent abruptes, mais on trouve en maints
endroits d'excellents mouillages parce que la mer est très
profonde à une petite distance delà terre. Le sol est entiè-
rement d'origine volcanique. Les roches qu'on y rencontre,
basaltes, trachytes, etc., appartiennent toutes à la série
basique ancienne. Les laves récentes n'y sont pas repré-
sentées. Dans la partie septentrionale de Suderô, près de
Hvalbô, existe un gisement de charbon bitumineux repo-
sant sur un lit d'anamésite d'environ 20 m. et de schistes
ou d'argiles bruns de 8 m. d'épaisseur. Les couches de
combustible s'étendent sous une surface de 2,000 hect. et
l'on pourrait en extraire environ 44 millions de tonnes.
Climat. — L'archipel baignant dans le courant de
l'Atlantique dirigé vers le N.-E., il en résulte que son
régime est humide, mais fort tempéré. C'est le climat le
plus égal que nous ayons en Europe : La différence entre
l'hiver et l'été n'est que de 9°. Pendant mon excursion du
1er au 30 juin 1887, je constatai régulièrement 6° le matin
et 10 à 12° à midi.
Flore et faune. — A l'inverse de l'Islande qui ne
compte que trois arbres, trois sorbiers, des oiseaux et
quelques arbustes : Salix arctica ou Betula nana, les
Faerôer voient leurs jardins s'agrémenter de frênes, d'érables
sycomores, de saules, de groseillers, etc. La rhubarbe et
surtout l'angélique atteignent dans les enclos de Thorshavn
de hautes dimensions. A la fin de juin 1887, j'ai mesuré des
feuilles de 50 centim. de long. Une faible partie du sol seu-
lement est susceptible de culture. Ailleurs on ne trouve que
des tourbières ou une terre noirâtre recouverte de gazon.
L'orge, la pomme de terre et les turneps (sorte de radis,
Brassica râpa) sont les seuls produits cultivés d'une façon
sérieuse, et encore l'orge ne mûrit-il bien que dans des
greniers chauffés.
La faune importée n'a pas de caractère propre. L'animal
le plus essentiel à la vie des habitants est un genre de
cétacé connu sous le nom de grindehval (Delphinus glo-
biceps ou Globicephalus, vulgairement épaulard). Chaque
septembre, tous les ans, il vient en grandes bandes et sa
capture représente une valeur de 180,000 fr. Les mou-
tons, plus maltraités encore qu'en Irlande, vivent sur les
montagnes à l'état sauvage sans étable et sans hangar pour
l'hiver. Ils errent en compagnie de petits poneys solide-
ment bâtis et d'une sûreté de pied absolue. La laine qu'on
arrache à la main au mois de juin est longue, fine et
soyeuse. On en fait de fort jolis châles et des habits dits
de vadmel. Autrefois les Faerôer ne renfermaient pas de
lièvres. En 1856, le bailli Dahlerup en importa deux
couples de Norvège; ils se sont tellement multipliés que
pendant l'hiver de 1887 on en a tué trois cents. Par contre,
le lapin n'y peut pas vivre. La faune ornithologique est
d'une richesse incomparable ; c'est par millions que puffins,
pingouins, guillemots, goélands, pétrels, plongeons, cor-
morans couvrent les falaises. Les indigènes sont, on le
* sait, d'intrépides dénicheurs ; pour atteindre les œufs de
ces oiseaux de mer, ils se hissent par une corde et restent
suspendus au-dessus des abîmes les plus effrayants.
Les Faeroïens offrent tous le type Scandinave ; ils sont,
comme les anciens Vikings, grands et forts, souvent rouges
de cheveux et de barbe. Leur costume n'a de spécial qu'une
sorte de bonnet phrygien porté par riches et pauvres, et
que le mocassin islandais, c.-à-d. une chaussure formée
d'un morceau carré de peau de dauphin ou de phoque,
cousu par devant pour faire l'empeigne, relevé en arrière
pour le talon et maintenu sur le cou-de-pied au moyen
de courroies rouges. Actuellement l'archipel est une terre
danoise; tous les habitants, au nombre de 12,000 environ
(1891), comprennent et parlent le danois, ont le même dra-
peau, la même monnaie, la même religion. Cependant les
pêcheurs ont un dialecte de l'ancien nordique mélangé
d'islandais et de danois. La religion réformée de Luther
fut introduite par Christian III à la place de la catholique
vers la fin du xvie siècle. La maison de l'évèque se trouve
dans Osterô et se nomme Prestegaard.
De mœurs très pures et d'un caractère doux, les Faeroïens
représentent une des meilleures populations du globe. Ils
habitent des maisons à peu près toutes construites sur le
même type, non plus en blocs de trachyte, comme les bœrs
de l'Islande, ou en poutres raides comme celles de Scandi-
navie, mais en planches rabotées et juxtaposées l'une à
l'autre. Elles n'ont qu'un rez-de-chaussée et sont assez
uniformément séparées en deux par une cloison. L'un des
compartiments, qui ne reçoit d'air et de jour que par la
porte ou le trou qui sert de cheminée, forme cuisine. Le
second est garni de quelques meubles et possède deux ou
quatre fenêtres vitrées ; c'est1 le séjour ordinaire de la
famille..,. L'archipel est depuis le traité de Kiel au Dane-
mark qui, en cédant à la Suède le royaume de Norvège, se
réserva le Grœnland, les Faerôer et l'Islande. L'Angleterre
a cependant occupé ces îles de 1803 à 1814, année où elle
- 303 — . FEROË — FÉRON
les abandonna,* dédaignant sans doute leur faible valeur
commerciale.
Les îles sont partagées en syssels (districts) au nombre
de 6 comprenant 17 paroisses : syssel de Stromô : Stromô,
Naalsô, Koster, Hestô; syssel de Norderô : Fuglô, Swinô,
Widerô, Borô, Kunô ; syssel de Osterô : Kalsô, Osterô ; syssel
deWaagô : Waagô, Myggenaes; syssel de Sandô : Sandô,
Skuô, Store Dimon, Lille Dimon; syssel de Suclerô : Suderô.
Aujourd'hui ces îles sont très salubres, l'hygiène générale
des habitants étant devenue meilleure. Scorbut, tétanos des
nouveau-nés et rachitisme ont presque disparu. Je n'ai pas
rencontré un seul lépreux, bien que Gaimard en ait signalé
66 en 1836. La grippe (Krugm et Tuef) y présente un carac-
tère d'endémicité bien établi et y exerce comme en Islande
une influence prononcée sur le chiffre des décès. Cependant
son apparition n'y coïncide pas comme à Saint-Kilda avec
l'arrivée d'un étranger. Dr Labonne.
FÉROLE (Bois de). Fourni par le Ferolia Guianen.sis
AubL, arbre de la famille des Ulmacées. Ce bois, de cou-
leur rouge, panaché de jaune, est pesant, compact et sus-
ceptible du plus beau poli. C'est un des bois satinés du
commerce. Ed. Lef.
Bibl. : H. Bâillon, Hist. des PL, VI, pp. 183, 208.
FERQLLES-le-Queuvre. Corn, du dép. de Loiret, arr.
d'Orléans, cant. de Jargeau; 825 hab.
FÉRON. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Trélon, sur un sous-affluent de l'Helpe-Mineure; 547
hab. Source ferrugineuse dite la Fontaine-Piougc, minerai
de fer, carrière de marbre. Vestiges d'anciennes fortifica-
tions. La tour de l'église percée de meurtrières date de
1614. Le château du Pont-de-Sains, où Talleyrand s'était
retiré pendant sa disgrâce, n'a conservé de ses anciennes
constructions que la porte principale flanquée de deux
tourelles et des souterrains.
FERON (Jean Le), écrivain héraldiste français, né à
Compiègne en 1504, mort vers 1570. Avocat au parlement
de Paris, il s'occupa beaucoup des questions nobiliaires et
héraldiques. Il a laissé plusieurs ouvrages sur ces matières ;
les plus importants sont : De la Primitive Institution
des roijs héraultz et poursuivans d'arme (Paris, 1555,
in-4) ; le Simbol Armoriai des Armoiries de France
et d'Escoceet de Lorraine (Paris, 1555, in-4) ; Catalo-
gue des très illustres Ducz et Connestables de France
(Paris, 1555); viennent ensuite les catalogues des divers
grands officiers de la couronne, chanceliers, maréchaux, etc.
Chaque catalogue forme un tout avec pagination spéciale :
Catalogue des noms, surnoms, faits et vies des Connes-
tables, Chanceliers, etc., édition revue, corrigée et aug-
mentée parMorel (Paris, 1598, in-fol.) ; les Armoiries des
Connestables, Grands Maîtres, Chanceliers, etc., édition
revue et augmentée par Claude Morel, imprimeur ordinaire
du Roy (Paris, 1628, in-fol.) ; Histoire des Connestables,
Chanceliers et Gardes des sceaux, etc., augmenté de
diverses recherches et pièces curieuses par Denys Godefroy
(Paris, 1658, in-fol.). H. Gourdon de Genoujliac.
FÉRON (Eloi-Firmin), peintre français, né à Paris le
1er déc. 1802, mort à Conflans (Seine-et-Oise) en 1876.
Elève de Gros, il remporta le grand prix de Rome en 1826,
avec Damon et Pythias. Dessinateur savant et vigoureux,
mais froid, ses compositions sont pompeuses et solennelles,
surtout les premières, et manquent absolument de vérité
dans le coloris. Vettor Pisani tiré de prison ; Annibal au
passage des Alpes (S. 1833, musée de Marseille) ; la
Ilésurrectionde Lazare (S. 1835), n'obtinrent qu'un suc-
cès d'estime. Cet artiste a beaucoup travaillé pour les gale-
ries historiques de Versailles ; voici les principales oeuvres
de lui qui s'y trouvent : Entrée de Charles VIII à Naples
(S. 1837); Bataille de Fornoue (S. 1838); Prise de
Pihodes (S. 1840) et les portraits en pied de Duguesclin,
des Maréchaux de Laval, de Choiseul, de Noailles, des
Comtes de Montgommery et à'Olivarez et du Duc de
Guise. On voit encore de lui, au musée d'Arras, Athlète
vainqueur expirant dans r arène. Ad. T.
FERONIA — FERRADIS
— 304
FERONIA. I. Mythologie. — Antique divinité italienne,
particulièrement honorée par les Latins et les Sabins. Ses
deux sanctuaires les plus célèbres étaient, l'un auprès de
Trebula Mutuesca (Monteleone), où sa fête donnait lieu
annuellement à un grand concours de peuple et à une foire
importante; l'autre au pied du mont Soracte en Etrurie.
A Rome même on célébrait sa fête en novembre sur le champ
de Mars. C'était une divinité agricole que l'on honorait par
l'offrande des prémices du sol ; elle paraît avoir présidé à
l'affranchissement des esclaves, ce qui fait que Vairon l'a
identifiée avec la déesse Libertas. D'autres l'associaient au
culte de Junon. L'opinion la plus probable est que Feronia
fut originairement une divinité présidant à la culture des
céréales ; la fête de novembre semble avoir été en relations
avec les semailles d'automne. On ne trouve l'image de cette
déesse que sur les monnaies de la Gens Petronia, origi-
naire du pays des Sabins: elle y a les traits que l'art
donne d'ordinaire à Cérès. J.-A. H.
II. Botanique. — (Feronia Corr.). Genre de plantes
de la famille des Rutacées et du groupe des Aurantiées.
L'unique espèce, F. elephantum Corr,, est un arbre
épineux, à feuilles alternes, imparipinnées, avec des fo-
lioles opposées et subsessiles. Ses fleurs, qui rappellent
beaucoup celles des Orangers, sont blanches, très odo-
rantes et disposées en grappes simples ou ramifiées. Le
fruit, appelé vulgairement Pomme d'éléphant (Wood-apple
ou Elephant-apple des Anglais), est une baie volumineuse,
recouverte d'une écorce ligneuse et renfermant de nom-
breuses graines entourées d'une pulpe comestible. Ce bel
arbre croît dans l'Asie tropicale. Ses feuilles exhalent,
quand on les froisse, une odeur anisée agréable. On
extrait, par incision du tronc, une gomme de belle qua-
lité, employée dans l'Inde aux mêmes usages que la gomme
arabique. Ed. Lef.
III. Entomologie (Feronia Latr.). Genre de Coléoptères,
de la famille des Carabiques et du groupe des Harpalides,
établi par Latreille, en 1817, mais que l'on désigne aujour-
d'hui sous le nom de Pterostichus, créé par Bonelli dès
1810. Il se compose d'un grand nombre d'espèces, de faciès
très variés, vivant à terre, sous les pierres, les feuilles mortes
et parmi les mousses, dans les endroits frais ou boisés. La
plupart sont de couleur noire ou foncée, mais quelques-
unes, surtout celles des régions alpines, sont ornées de
nuances métalliques des plus brillantes. Leur corps est
oblong, presque toujours déprimé en dessus, avec les
antennes comprimées, le dernier article des palpes cylin-
drique ou tronqué et les tibias antérieurs terminés par une
seule épine. Les F. melanaria Illig. et F.nigrita Fabr.,
notamment, sont très communs aux environs de Paris.
IV. Astronomie. — Nom du 72e astéroïde (V. ce mot).
FÉROUER (du persan ferouher, forme moderne du
vieux perse fravarti, zend fr avachi). Nom du génie ou
ange gardien dans la religion avestique. Les férouers étaient
primitivement, comme les Pitris de l'Inde, les dieux do-
mestiques, les mânes des ancêtres ; mais le mazdéisme les
transforma et en fit une création distincte en séparant le
férouer du corps qu'il anime. Ils devinrent ainsi des esprits
immortels habitant le ciel et la terre (car les dieux avaient
aussi leurs férouers), intermédiaires entre l'homme et la
divinité; à l'époque sassanide, le férouer finit par se con-
fondre avec l'âme responsable des actions de la vie. On
invoquait les férouers dans différentes circonstances (l'Avesta
contient de nombreuses hymnes en leur honneur). Dans le
calendrier perse, les cinq jours épagomènes leur étaient con-
sacrés ; ils jouaient aussi un rôle antidémoniaque. E. Dr.
Bibl. : J. Darmesteter, Ormazd et Aîiriman. 1877. —
Palan ji, The Fravashis, 1889.
FEROUTKA. Groupe de population algérienne, d'ori-
gine très mêlée, et dont le nom signifie les gens de rien ;
il s'est établi sur la rive gauche de l'Harrach, au pied de
l'Atlas, et a été constitué en douar en 1866.
FERQUES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Boulogne, cant. de Marquise; 4,010 hab. Importantes
carrières de marbre blanc veiné de rouge. Ruines de l'an-
cienne abbaye de Beaulieu fondée vers 1131. Au lieu dit
Argencourt on a découvert et fouillé en 1868 un cimetière
mérovingien.
FERRABOSCOou FORABOSCO (Girolamo), peintre de
l'école vénitienne, né, croit-on, à Padoue. Il travailla à
Venise entre 1630 et 1660. Il semble avoir étudié à Rome,
où il figure parmi les membres de l'Académie de Saint-
Luc. Ses tableaux d'histoire et ses portraits, dans la ma-
* mère de Pietro Liberi, sont comptés parmi les meilleures
œuvres italiennes du temps, pour le coloris et l'expression.
Ouvrages principaux : la Mort entraînant une femme
nue et couronnée de fleurs, à la galerie de Dresde; un
David, à la galerie Lichtenstein (Vienne).
FERRABOSCO ou FERABOSCO (Alphonse), composi-
teur et violiste italien, au service du duc de Savoie vers la
milieu du xvie siècle, passa ensuite en Angleterre. Il est
l'auteur d'un livre de madrigaux à quatre voix (Venise,
1542), et de madrigaux et motets insérés dans divers
recueils du xvie siècle. — Son fils, Alphonse, né à Green-
wich vers 1580, mourut en 4652. Il fut maître de musique
du prince Henri et lui dédia, en 1609, un recueil d'airs
composés pour les fêtes de la cour d'Angleterre. Il publia,
dans la même année, des Lessons ou pièces à plusieurs
instruments, et collabora en 1614 au recueil de Tears ou
Lamentations, de Leighton. Ses contemporains vantaient
son talent d'exécutant sur la lyre, instrument à archet,
de la famille des violes. M. Br.
FERRAC1NO ou FERRACINA (Bartolomeo), mécanicien
italien, né à Solagna (prov. de Vicence) le 18 août 1692,
mort à Solagna le 24 janv. 1777. Ouvrier scieur de long,
il imagina de bonne heure, et malgré l'absence de toute
instruction, d'ingénieuses machines qui lui valurent une
prompte réputation. Il exécuta, entre autres travaux remar-
quables, l'horloge de la place Saint-Marc à Venise, un
appareil hydraulique élevant l'eau à trente-cinq pieds au
moyen de plusieurs vis d'Archimède, la voûte de la grande
salle de Padoue, le pont de bois de Bassano sur la Brenta.
Bibl. : Fr. Memmo, Vita e machine di B. Ferracino;
Venise, 1754, in-4. — G.-B. Verci, Elogio del famoso
B. Ferracino; Venise, 1777, in-8.
FERRACUT1 (Giovanni-Domenico) , peintre italien de
l'école romaine, né à Macerata (Marche d'Ancône), florissait
à la fin du xvne siècle. Elève de Claude Lorrain, dont il
exploita la protection et la bienveillance, il s'acquit une
réputation comme paysagiste, et excella surtout dans les
effets de neige.
FER RADE. C'est une fête pastorale qu'on célèbre en
Provence et notamment à Arles avec beaucoup d'éclat :
elle consiste à réunir tous les jeunes bœufs dans un espace
déterminé pour les marquer avec un fer rouge au chiffre
du propriétaire. C'est un prétexte de fêtes et de réjouis-
sances. Au jour dit, les bouviers amènent des plaines de
la Camargue, à grands coups d'aiguillon et dans une
course folle, les jeunes taureaux qu'ils parquent dans une
place destinée à cet usage ou plus simplement dans la grande
rue d'un village dont on barre les deux extrémités avec
des charettes. Trois fois on fait faire aux taureaux le tour
de l'enceinte, puis les cavaliers s'élancent dans l'arène,
cherchant à saisir le taureau par les cornes et à le renver-
ser. Une fois l'animal sur le flanc, quatre ou cinq hommes
le maintiennent pendant que le bouvier lui marque la
croupe d'un fer chaud. Les plus habiles et les plus forts
lutteurs sont l'objet d'ovations enthousiastes. Les jeunes
filles leur apportent des cornes remplies de vin ; on leur
jette desécharpes, des mouchoirs de couleur, etc. La fer-
rade, qui n'est pas sans danger, est en somme un diminu-
tif des courses de taureaux. "Mistral en a donné une des-
cription très colorée dans le chant IV de Mireille.
FERRADIS (Vicente), poète espagnol du xve siècle, qui
vivait à Valence. Il y a de lui trois pièces de vers sur des sujets
religieux, primées dans les tournois poétiques du temps et
reproduites dans le Cancionero gênerai d'Anvers, 1573.
— 305 —
FERRADO — FERRALS
FERRADO (Le P. Cristôbal), peintre et religieux espa-
gnol, né à Anieva (Asturies) vers 1620, mort à Séville en
4673. Après être entré à vingt ans dans l'ordre de Saint-
Bruno et avoir fait profession à la chartreuse de Santa
Maria de Las Cuevas, voisine de Séville, il dut apprendre
l'art de peindre de l'un des artistes qui travaillaient vers
1640 à la décoration du monastère (peut-être Zurbaran).
La plupart de ses productions furent exécutées pour le
couvent de son ordre à Séville. Elles en ont été enlevées
lors de la mise sous séquestre des biens des ordres monas-
tiques ; on en retrouve quelques rares épaves dans diverses
églises de Séville et au musée provincial.
FERRAGE. I. Industrie. — Les dépôts de fer n'ont
guère trouvé d'application que dans le décor de certains bi-
joux pour imiter l'ancien travail de la damasquinure et pour
l'aciérage des clichés dansl'électrotypie. Le chlorure double
de fer et d'ammonium, que l'on emploie pour remédier au-
tant que possible à la tendance des sels de fer à se suroxyder,
s'obtient en dissolvant 60 gr. de fer dans l'acide chlorhy-
drique, en conservant un excès de fer pour éviter la for-
mation de perchlorure et ajoutant à la solution 55 gr. de
chlorhydrate d'ammoniaque. L'aciérage est très utilement
employé en galvanoplastie, pour recouvrir la surface d'une
planche d'impression d'une couche d'acier en fer dur, la-
quelle protège cette surface pendant longtemps contre l'ac-
tion du tampon, de l'essuyage et de la presse et qui peut
être renouvelée facilement et autant de fois qu'il est néces-
saire, dès qu'elle présente les premières traces d'usure. Il
faut commencer par nettoyer le cliché et le dégraisser avec
de la potasse caustique, puis on le passe avec une anode
en fer très pur et un courant de 4 volts, dans un bain com-
posé de 12 parties de carbonate d'ammoniaque et 75 par-
ties d'eau. Le cliché ferré est lavé à l'eau bouillante aus-
sitôt après sa sortie du bain, lavé et brossé à l'eau froide,
séché et frotté à la benzine d'abord, puis avec un chiffon
imbibé d'huile. Pour éviter plus efficacement son oxyda-
tion, il est à conseiller de le recouvrir d'une couche de cire
fondue jusqu'au momeVit de s'en servir. Nous décrirons le
procédé dû à M. Garnier et qui est en exploitation dans
plusieurs ateliers d'électrotypie. M. Garnier fait le ferrage
des planches gravées dans une solution aqueuse de sel am-
moniacal au dixième, traversée par un courant d'une force
électromotrice de 2 volts et fourni par une pile Bunsen
de un ou plusieurs éléments. Au pôle positif (charbon), on
attache une plaque de fer plongeant dans le bain et cons-
tituant l'anode. Le fil négatif (zinc) plonge également dans
le bain. La planche gravée, bien décapée à la potasse et
rincée à l'eau, est attachée au pôle négatif. L'anode en fer
est attaquée et donne du chlorure de fer ammoniacal qui
est décomposé à son tour ; le fer se dépose sur la planche
de cuivre gravée formant cathode. Au bout d'une demi-
heure, le dépôt est suffisant. Le fer peut être déposé aussi
bien sur le fer que sur le cuivre, et il est tellement dur
qu'on a trouvé avantage à en recouvrir même les planches
d'acier. Lorsque la plaque ainsi préparée s'use et commence
par montrer par place la couleur rouge du cuivre, on la fait
passer dans un bain d'eau acidulée par l'acide azotique ; le
1er disparaît et on peut l'aciérer à nouveau.
Pour la photogravure au trait, on prépare une planche
de cuivre avec une couche mince d'une dissolution d'encre
et de bichromate d'ammoniaque dans l'eau. Sur cette pré-
paration séchée, on pose le cliché positif à reproduire et on
l'expose soit au soleil pendant une minute, soit à la lumière
électrique pendant trois minutes. On chauffe légèrement et
on couvre ensuite la plaque avec une solution de perchlo-
rure de fer et, après quelques minutes de contact, la planche
est gravée. On enlève la réserve avec une brosse dure et
une lessive de potasse. Pour les corrections à faire, on opère
de la manière suivante : la planche à corriger est couverte
d'un vernis protecteur dans les parties qui doivent être
conservées, puis plongée dans un bain de cuivre. On re-
couvre ainsi de cuivre les parties à corriger; on plane, puis
on tire une épreuve où les parties à corriger viennent en
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
blanc. Le dessinateur peut alors facilement raccorder ses
corrections avec les parties non corrigées du dessin ; puis
on reporte ces corrections sur la planche à graver, et enfin
on tire autant de clichés qu'on le veut parle procédé connu ;
grâce à ce moyen, on peut tenir au courant les planches des
cartes géographiques. Un inconvénient qu'il faut signaler
cependant, c'est que le métal ainsi déposé manque d'adhé-
rence. Au service géographique de l'armée, on fait d'abord
un moule galvanoplastique en relief de la planche, puis,
par une seconde opération, un moule en creux du relief:
c'est cette planche galvanique en creux qui constitue la
reproduite. Les hachures se font sur le relief, avant la se-
conde opération. Pour obtenir des dépôts électrolytiques
de fer, MM. Barthol et Muller emploient le procédé suivant :
ils font dissoudre 60 gr. de sulfate ferreux dans 5 litres
d'eau ; puis ils ajoutent à cette dissolution 2,400 gr. de
carbonate de soude, dissous également dans 5 litres d'eau.
Ils laissent reposer, décantent et dissolvent le précipité de
carbonate de fer dans une quantité d'acide sulfurique, juste
suffisante pour redissoudre le précipité qui est ensuite étendu
à 20 litres avec de l'eau distillée. La dissolution doit être
légèrement acide. Il faut employer une anode de fer
pur. L. Knab.
Ferrage des chevaux (V. Ferrure).
II. Administration militaire. — Masse de ferrage.
Chaque corps de troupes à cheval a droit à une masse
d'entretien de harnachement et de ferrage. Elle varie
suivant les armes, suivant que les corps sont à Paris ,
en province ou en Algérie, entre 5 et et 9 cent, environ
par jour et par cheval. De leur côté, les troupes à pied qui
sont pourvues de chevaux et mulets de bât ou de trait
perçoivent une masse qui doit pourvoir à l'entretien et au
ferrage de ces animaux. Sa prime est de 0 fr. 09315
par animal et par jour et de 10 cent, par voiture. A part
cette prime journalière, ces masses font encore recettes
du produit de la vente des fumiers et de celui de la vente
des dépouilles de chevaux ou mulets morts. Ed. S.
FERRAILLEURS. Les marchands de vieux fers, dont
l'humble métier demeura longtemps libre, furent organisés
en corporation par Louis XIV. Us avaient pour patrons
saint Roch et saint Sébastien. Au xvnr3 siècle, la maîtrise
ne coûtait pas moins de 400 livres. En dernier lieu, après
l'échec des idées de Turgot, les ferrailleurs furent réunis
en une seule corporation avec les cloutiers et les épingliers,
et la maîtrise, pour les trois métiers unis, réduite à 100
livres. La communauté, d'après l'édit d'août 1776 (n° 20
de l'annexe), « partage avec celle des merciers le commerce
de petite quincaillerie, en échoppe et en étalage seulement,
non en boutique ni en magasin ». A Paris, le quai de la
Ferraille était leur centre principal. L'ordonnance de police
du 10 sept. 1783, concernant les compagnons ferrailleurs,
fait allusion (art. 16) à des statuts à rédiger en vertu de
l'édit de 1776 : ces statuts restèrent à l'état de projet; en
tout cas, ils ne furent point enregistrés au Parlement.
H. Monin.
Bibl.: Archives nationales, AD. XI, 18.
FERRAJUOLI ou FERRAJUOLO (Nunzio), dit Degli
Afflitti, peintre italien, de l'école bolonaise, né à Nocera
dei Pagani (Napolitain) en 1660, mort à Bologne en 1735.
Il eut pour premier initiateur à Naples Lucca Giordano et
acheva de se former à Bologne dans l'atelier de Gian-Giu-
seppe del Sole. Après avoir débuté assez heureusement
dans la peinture historique, il l'abandonna pour le paysage à
Fhuileet à fresque, genre dans lequel il déploya une science
profonde de la perspective qui l'a fait classer en son
temps immédiatement après Claude Lorrain et le Poussin.
Par sa manière, toutefois, il se rapproche tantôt de l'Albane,
tantôt de Paul Brill. Beaucoup des menus personnages qui
figurent dans ses sites, presque tous d'invention, ont été
exécutés par Angelo Malavena. Il eut pour élèves Carlo Lodi
et Bernardo Linozzi.
FERRALS. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Narbonne,
cant. de Lézignan ; 1,553 hab.
FEBBALS — FERRAND
— 306 —
FERRALS-les-Montagnes. Corn, du dép. de l'Hérault,
arr. de Saint-Pons, cant. d'Olonzac; 637, hab.
FERRAMOLA (Floravante ou Fioriani), peintre italien,
né à Brescia vers 4480, mort le 3 juil. 1528. Au moment
du siège de Brescia par l'armée française, c.-à-d. en 1512,
Ferramola était déjà dans sa patrie un maître considéré et
presque glorieux. La ville ayant été prise d'assaut et livrée
au pillage pendant huit jours, l'artiste partagea le sort de
ses concitoyens. Il perdit tout son avoir. Il eut alors re-
cours à Gaston de Foix qui commandait les troupes de
Louis XII et qui savait d'ailleurs la valeur du peintre. Le
vincitor francese, qui n'était pas un méchant homme, eut
pitié de cette infortune et, pour consoler Ferramola et l'in-
demniser des pertes subies, il lui fit faire son portrait,
qu'il lui paya largement. Ce portrait, aujourd'hui perdu,
est probablement devenu le prototype de toutes les effigies,
plus ou moins suspectes, où l'on croit reconnaître les traits
de Gaston de Foix. Ferramola travailla beaucoup à Brescia,
où ses oeuvres authentiques sont maintenant si rares. On
croit le retrouver dans une fresque assez détériorée, V An-
nonciation, qu'on voit au-dessus de la porte de l'église
des Carmes. Le peintre de Brescia a aussi laissé des traces
de son passage dans certaines localités de la province.
D'après Fenaroli, il resterait encore de lui, dans l'église
Santa Maria de Lovere, au N. du lac d'Iseo, une série
d'apôtres; l'un d'eux, Saint Mathieu, porterait l'inscription
Opus Fioriani Ferramola civis Brixiœ, 1514. Une
œuvre plus considérable l'occupa ensuite ; à partir de
1516, Ferramola décora, avec son élève Alessandro Bon-
vicino, les volets des orgues du Duomo vecchio, à Brescia :
les archives gardent encore la mention des payements
qui furent faits aux deux artistes de 1516 à 1518.
Ces peintures d'ailleurs ne sont pas perdues ; elles ont
été transportées à l'église Santa Maria de Lovere. En 1527,
le peintre travaillait, encore une fois, au Vieux Dôme
de Brescia. Fenaroli cite aussi, sans les décrire, les
vestiges des peintures que Ferramola avait exécutées à San
Salvatore. Parmi les œuvres les plus regrettables du vail-
lant artiste, il faut mentionner les décorations dont il avait
orné les murailles de la maison Borgondio délia Corte.
Quelques-unes de ces peintures avaient un intérêt histo-
rique, car elles représentaient, avec les costumes du temps,
les fêtes et les joutes qui furent célébrées en 1495 à
l'occasion de la venue de Caterina Cornaro. Dans les mu-
sées, Ferramola est tout à fait rare. A l'Académie des
beaux-arts de Venise, le catalogue lui attribue, non sans
vraisemblance, une Madone entourée de plusieurs saints
et adorée par deux donateurs. Ferramola a formé un illustre
élève, le beau coloriste Alessandro Bonvicino qu'on appelle
il Moretto et qui avait travaillé avec lui au Vieux Dôme de
Brescia. P. Mantz.
Bibl. : S. Fenaroli, Dizionario degli Arlisti Bresciani;
Brescia, 1877. — F. Odorici, Guida di Brescia, 1853. .
FERRAN. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. d'Alaigne; 251 hab.
FERRAN (Antonio), peintre espagnol, né à Barcelone
en 1786, mort à Barcelone en 1857. Elève des cours de
dessin établis dans la Casa Lonja, il en devint par la suite
l'un des professeurs les plus distingués. En 1826, il expo-
sait dans sa ville natale divers sujets d'histoire, notam-
ment : Socrate se préparant à boire la ciguë et Moïse
au désert ; en 1836, il envoyait à une exposition à Ma-
drid Pétrarque et taure, tableau qui fut acheté par la
reine Christine. En 1845, il exposait à Barcelone le Christ
mis au tombeau, et une Fuite en Egypte. Un de ses
tableaux représentant une Bacchanale figurait à l'Expo-
sition universelle de 1855 à Paris. Le musée de Barcelone
conserve de lui un Otello, un Moine capucin, la Forge
de Vulcain, Bélisaireet l'Education de V Amour. P. L.
FERRAN (Manuel), peintre espagnol contemporain, né
à Barcelone et élève de Couture. Il est l'auteur d'un grand
nombre de sujets historiques et de genre parmi lesquels on
note particulièrement : Philippe III le Hardi, bénissant
ses enfants h son lit de mort ; Antonio Pere%,
délivré de sa prison à Saragosse, qui ont été acquis
par l'Etat et figurent au musée du Fomento, le Car-
naval au quartier Latin, exposé en 1860 à Madrid, et
r Apothéose de Cervantes avec Don Quichotte lisant
des romans de chevalerie, exposés en 1866. Quelques
peintures de Manuel Ferran ont été achetées pour le musée
de Barcelone, notamment un Paysage. P. L.
FERRAND (Fulgentius Ferrandus), théologien et ca-
noniste, mort vers 550. Il avait suivi en Sardaigne Ful-
gentius, évèque de Buspe, exilé. Rentré en Afrique vers
523, après la mort de Thrasimond, roi des Vandales, il
devint diacre de l'Eglise de Carthage. Dans ses dernières
années, il prit une part importante à la résistance opposée
par les Eglises d'Occident et surtout par les Eglises
d'Afrique à la condamnation des Trois Chapitres. OEuvres :
Breviatio canonum ecclesiasticorum, comprenant sous
deux cent trente-deux numéros des extraits des conciles
grecs, d'après la Versio hispana, et des conciles d'Afrique,
dont plusieurs ne nous sont connus qu'au moyen de cet
abrégé. Ces extraits sont classés méthodiquement sous les
divisions suivantes : Evèque, prêtre, clercs, pénitence,
procédure, service divin. Certaines mentions de conciles
et d'auteurs, contenues dans cet ouvrage, permettent de
conjecturer qu'il a été composé vers 547. Vita S. Ful-
gentii, Buspensis episcopi, placée au commencement des
œuvres de cet évêque et dédiée à Félicien. Epistola ad
S. Fulgentium de duabus quœstionibus super salute
Mthiopis moribundi : ce moribond avait été baptisé, alors
qu'il était entièrement privé de connaissance ; ce baptême
a-t-il été efficace pour son salut? S'il l'a été, pourquoi ne
pas baptiser un cadavre ? Une autre lettre au même évêque
et d'autres à diverses personnes. De septem regulis inno-
centiœ. Epistola ad Eugypium abbatem de Trinitate
et duabus in Chrislo naturis.. Epistola Anatolio de
quœstione an aliquis ex Trinitate passus est. Epistola
pro Tribus Capitulis, adressée à deux diacres romains.
La première édition des œuvres de Ferrand date de 1518.
La plus complète est celle de Chifflet (Dijon, 1649, in-4).
D'autres écrits, dirigés contre les ariens, ont été publiés
par le cardinal Mai. E.-H. Vollet.
FERRAND, comte de Flandre, dit Ferrand de Portu-
gal, mort à Douai le 27 juil. 1233. Ferrand ou Fernand,
fils de Sanche Ier, roi de Portugal, et de Dolcis de Barce-
lone, épousa, en 1211, Jeanne, dite de Constantinople, fille
aînée du comte Baudouin IX, dit de Constantinople, et héri-
tière du comté de Flandre. Le mariage eut lieu grâce à
l'appui du roi de France, Philippe- Auguste, qui s'était
décidé en faveur du fils de Sanche Ier, bien qu'il eût passé
peu de temps auparavant, avec Enguerrand et Thomas de
Coucy, un traité pour leur mariage avec Jeanne de Cons-
tantinople et sa sœur Marguerite. Aussi, dès le début de son
règne, Ferrand céda-t-il à la couronne de France les villes
d'Aire et de Saint-Omer (traité de Paris, 24 févr. 1212),
avec les territoires adjacents. Le 22 janv. 1212, Ferrand
avait prêté le serment de fidélité qu'il devait en qualité de
comte de Flandre à son suzerain le roi de France. A la
demande du comte, les principaux seigneurs du pays de
Flandre, à la suite des châtelains de Gand et de Bruges,
ratifièrent ce serment de vassalité. Philippe-Auguste venait
d'affermir la suzeraineté de la couronne de France sur le
comté de Flandre. A son arrivée dans le pays, le nouveau
comte fut accueilli favorablement à Courtrai, à Ypres, à
Bruges, mais les Gantois guidés par les chevaliers Basse de
Gavre et Arnould d'Audenarde se soulevèrent contre son
autorité : les rebelles furent contraints à mettre bas les armes
et condamnés à payer une amende de 300,000 livres. Fer-
rand gouvernait la Flandre depuis quelques années à peine
lorsque, séduit par l'or du roi d'Angleterre, et désireux de
se débarrasser d'une suzeraineté dont il avait lui-même con-
tribué à rendre les liens trop étroits, il entra dans l'alliance
de Jean sans Terre contre Philippe-Auguste. Aussitôt
celui-ci pénétra en Flandre à la tête d'une armée puissante
tandis qu'une flotte forte de 400 navires faisait voile
vers 4es côtes du pays.
Les vaisseaux du roi furent presque tous détruits par
les Anglais à l'embouchure du Zwin (30 mai 1213),
mais l'armée que Philippe-Auguste commandait faisait en
Flandre des progrès redoutables. Le roi de France ayant
été rappelé en Anjou par une brusque attaque des Anglais,
son fils Louis demeura à la tête des troupes sur lesquelles
Ferrand remporta, à dater de ce moment, quelques succès»
Au commencement de l'année suivante se forma la ligue
de Jean sans Terre, d'Otton IV et de Ferrand de Por-
tugal contre Philippe-Auguste. Otton s'avança à la tête
d'une armée puissante dans laquelle se trouvaient le comte
de Salisbury avec un corps anglais, les ducs de Brabant
et de Limbourg, Bouchard d'Avesnes alors réconcilié avec
Ferrand. La brillante victoire de Bouvines (27 juil. 1214)
anéantit la coalition et livra Ferrand de Portugal, pris par
Hugues et Jean de Mareuil, aux mains du roi de France,
qui le fit promener à travers Paris « en une litière que
traînaient deux chevaux pommelés ». L'Orléanais Guillaume
Guiart nous a conservé, dans sa Branche des royaux
lignages, les vers :
Ainsi s'en va lié en fer
Li quens Ferrant en son enfer
Li auferrant de fer ferré.
Emportent Ferrant enferré.
Philippe-Auguste plaça son prisonnier dans la tour du
Louvre. La comtesse Jeanne accourut à Paris implorer la
pitié du vainqueur : elle s'engagea (24 oct. 1214), non
seulement à remettre comme otage, garantissant la fidélité
à venir de son mari, un fils du duc de Brabant, mais à
faire démolir les remparts de plusieurs cités, Valenciennes,
Ypres, Audenarde, Cassel, et à ne pas accroître, sans la
permission du roi, les fortifications des autres villes. A ce
prix Jeanne obtint la paix, mais elle ne put obtenir la déli-
vrance de son mari qui demeura, huit années encore, dans
la tour du roi. Durant cette époque l'influence de la cou-
ronne de France et surtout du parlement royal s'étendit
sur la Flandre : on voit le Parlement recevoir les appels
des seigneurs de Flandre et les soutenir dans leur lutte
contre leur suzeraine ; pour comble de malheur, un soulè-
vement populaire obligea Jeanne de Constantinople à fuir
et à venir jusqu'à Lille se mettre sous la protection de
Philippe-Auguste qui tenait son mari enchaîné.
Jeanne de Constantinople ne put décider le roi à la
liberté du prisonnier qu'en consentant au traité de Melun
(avr. 1225, v. st.) ; elle s'engageait à payer une rançon
de 50,000 livres, pour laquelle elle donnait en gage les
villes de Lille, Douai et l'Ecluse, et à faire renouveler les
serments de fidélité au roi de France par les barons et les
bourgeois de Flandre. Mis en liberté (6 janv. 1227), Fer-
rand gouverna la Flandre non sans gloire, et remporta de
brillants succès dans une guerre contre le Brabant. Au
cours du soulèvement des hauts feudataires du royaume
de France (1229) contre la régence de Blanche de Castille,
Ferrand' se distingua avec Thibault, comte de Champagne,
par sa fidélité à la couronne et au gouvernement de la
reine. Ce fait est remarquable. On doit également noter,
sous son règne, la grande expansion des communes fla-
mandes, l'amélioration de la condition des habitants dans
les villes et dans les campagnes. Ce fut le comte Ferrand
qui donna à la ville de Gand son organisation échevinale
en instituant le fameux collège des XXXIX. C'est à tort
néanmoins que l'on a présenté cette mesure comme ayant
été prise en faveur de la classe populaire : elle fut tout à
l'avantage de l'aristocratie bourgeoise. — Ferrand de Por-
tugal mourut sans avoir eu d'autre enfant de sa femme qu'une
fille nommée Marie, qui mourut fort jeune ; il fut enterré
à Marquette, près de Lille, dans une abbaye que sa femme
avait fondée. Frantz Funck-Brentano.
Bibl. : A. Wauters, Table chronologique des chartes et
diplômes concernant l'histoire de Belgique ; Bruxelles,
1871-1874, t. III et IV, in-4. - L. Delisle, Catalogue des
actes de Philippe-Auguste ; Paris, 1856, in-8. — Thomas
307 - FERRAND
Rymer, Fœdera et Acta publica inter reges Anglise et
alios quosvis ; diverses éditions. — A. Teulet, Layettes
du trésor des Chartes ; Paris, 1863-1866, t. I et II, in-4. —
J.-J. De Smet, Corpus chronicorum Flandriœ ; Bruxelles,
1837-1865, 4 vol. in-4. —Baron de Reiffenberg, Chronique
rimée de Ph. Mouskes, dans la Coll. des chron. belges;
Bruxelles, 1836-1838, 2 vol. in-4. — Fr. de Laborde, Chro-
nique de Guill. Le Breton, dans la Coll. de la Soc. de l'hist.
de France; Paris, 1882, in-8. — H.-R. Luard, Chroniques
de Mathieu de Paris, dans la Coll. du Maître des rôles ;
Londres, 1872-1883, 7 vol. in-8. — L.-A. Warnkœnig ,
Hist. de Flandre, trad. par A.-E. Gheldolf ; Bruxelles,
1835-1864, 5 vol. in-8. — Edw. Leglay, Hist. de Jeanne
de Constantinople ; Lille, 1841, in-8. — Du même, Hist.
des comtes de Flandre; Paris, 1843, 2 vol. in-8. — Ker-
vyn de Lettenhove, Hist. de Flandre; Bruxelles, 1847,
3 vol. in-8. / '
FERRAND (David), poète et imprimeur français, né à
Rouen vers 4590, mort à Rouen en juin 4660. Il prit
souvent part aux concours de poésie en l'honneur de la
Vierge établis à Rouen sous le nom de Palinods ; il en fut
même un des juges en 4654. C'est en 4625 qu'il commença
la publication de sa Muse normande ou Recueil de plu-
sieurs ouvrages facétieux en langue purinique ou gros
normand (patois rouennais). La dernière partie de ce re-
cueil, très curieux au point de vue des mœurs et du lan-
gage du bas peuple rouennais, parut en 4653. On a encore
de D. Ferrand quelques recueils intitulés les Estrennes
de la muse normande ; les Evretins de la muse nor-
mande ; les Larmes et Complaintes de la règne d'An-
gleterre sur la mort de son époux (4649) ; la Muse
sainte (4659), etc.
Bibl. : Introduction mise par M. A. Héron en tête de
sa réimpression de la Muse normande, dans la Société
rouennaise des Bibliophiles ; Rouen, 1891.
FERRAND (Jacques-Philippe), peintre français, né à
Joigny le 25 juil. 4653, mort à Paris le 5 janv. 4732. Elève
de Mignard et du miniaturiste Samuel Bernard, Ferrand s'est
fait connaître comme émailleur. Agréé à l'Académie de pein-
ture en 4687, il fut reçu le 27 mai 4690 sur la présentation
d'un portrait du roi fait en émail. L'acte de baptême de
son fils, inscrit au registre de Saint-Germain-l'Auxerrois
le 14 avr. 4686, nous apprend qu'à cette date Ferrand était
déjà peintre de Louis XIV, servant la garde-robe de Sa Ma-
jesté. Il avait une sorte de réputation en Europe où les
émailleurs devenaient rares. Il fut appelé en Angleterre et
visita deux fois l'Italie. Ferrand publia en 4724 V Art
du feu, imprimé chez Colombat, libraire privilégié de
l'Académie royale. P. M.
Bibl. : Archives de VArt français, t. IV.
FERRAND (Anne de Bellinzani, présidente), épistolière
française, née vers 1657, morte à Paris le 48 nov. 4740.
Elle était fille de François Bellinzani et de Louise Chevreau,
sa seconde femme. Elevée dans le luxe d'une mère qui
inspira à La Bruyère le portrait de son Arfure, et au
milieu de financiers, d'hommes de cour et d'écrivains,
dont l'un, Pavillon, l'a célébrée en vers, Anne de Bellin-
zani reçut une excellente éducation, mais se distingua dès
quatorze ans par un esprit très romanesque. Un dépit
enfantin l'avait décidée à fuir dans un couvent, lors-»
qu'elle fut rattrapée et forcée d'accepter pour mari Michel
Ferrand, alors lieutenant au Châtelet (43 févr. 4676),
d'une dizaine d'années plus âgé qu'elle, et qui, en 4683,
devint président de la première chambre des requêtes.
Une intrigue avec le baron de Breteuil, lecteur du roi,
plus tard ambassadeur à Mantoue (4684), qui lui avait
inspiré sa première passion enfantine, surtout les affaires
embarrassées laissées par Bellinzani, amenèrent entre les
époux une séparation (29 mars 4686). Mme Ferrand se
retira alors rue du Bac, et son mari chez son père, rue
Serpente. Sept mois plus tard, elle y accoucha d'une fille
(27 oct.) dont la naissance fut l'objet d'une protestation
du président, et qui, inscrite sous de faux noms et élevée
loin de sa mère, intenta, en 4736, un procès en revendi-
cation d'état, à la suite duquel elle fut reconnue pour
enfant légitime (4738). Des raisons qui semblent se rat-
tacher aux affaires de son père firent enfermer la prési-
dente Ferrand, pendant plusieurs années, à l'abbaye de
FERRAND
— 308 —
Lcau N. D. (1687-91). Rendue à la liberté et fort répandue
dans le monde, elle fut un instant inquiétée lors de la cons-
piration de Cellamare (27 sept. 1718). Le 10 août 1710,
elle avait perdu sa mère. Veuve le 31 août 1723, elle
mourut, âgée d'environ quatre-vingt-deux ans, au couvent
du Cherche-Midi, où elle s'était retirée. — La présidente
Ferrand est connue par son Histoire des Amours de
Cléanthe et de Relise, avec le recueil de ses lettres
(Leyde, 1694, in-12, de 91 p. [Bibl. nat., V2 467, a]),
récit de ses amours avec le baron de Breteuil, publié
dès 1689 (dernière édition, Paris, 1880, in-16). Les Lettres
du chevalier de Méré (Paris, 1689) en contiennent qui lui
sont adressées.
Bibl. : E. Asse, Notice biographique, en tête des Let-
tres; Paris, 1880. — Bibl. nat., cabinet des titres, dossiers
bleus, BelUnzani et Ferrand. — Etat anc. et mod. des
duchés de Florence, Modène ; Utrecht, 1711, in-12, p. 298.
— Archives nat., Lettres patentes, Z, 6012, ï. 16, 17; Reg.
du secret., O1, 23, p. 402. — P. Clément, Lettres de Col-
bert, 1861, I, 365. — Causes célèbres; Paris, 1739, XIII,
384. — Mercure de France, déc. 1740, p. 2752.
FERRAT! D (Antoine), poète français, fils de la précé-
dente, né en 1678, mort à Paris le 17 nov. 1719.
Conseiller à la cour des aides en 1702, il fut un ma-
gistrat ami des lettres et des plaisirs. Dès 1708, il com-
posait des vers pour une fête donnée à la duchesse de
Bourgogne, et se fit surtout connaître par des épigrammes
et des madrigaux dont on appréciait beaucoup la finesse
de tour et de pensée. Ses vers n'ont jamais été complète-
ment réunis et se trouvent dans les recueils suivants :
Pièces libres de M. Ferrand et Poésies de quelques
auteurs sur divers sujets (Londres, 1738 et 1762,
in-12); Elite de poésies fugitives (Londres, 1764,
III, 208, 312); Chansons satiriques (Bibl. nat., mss.,
F. fr. 12626, t. XI, f. 495), et dans les Œuvres de
Voltaire. Très lié avec Charlotte de Pelard de Sivry,
comtesse de Fontaine, auteur de la Comtesse de Savoie,
il aurait, au dire de Dangeau, collaboré avec elle au
poème d'un opéra dont Colin aurait fait la musique, et,
d'après le président Hénaut, à V Histoire d'Aménophis, de
la même, ainsi qu'à l'opéra des Caractères de V Amour,
de l'abbé Pellegrin.
Bibl. : E. Asse, Notice sur la présidente Ferrand,
Lettres, 1880, in-16. — Dangeau, Journal, XVII, 482, XVIII,
158. — Chaulieu, Œuvres, 1757, in-12, I, 18, 20. — Hénault,
Souvenirs. — Voltaire, Œuvres, édit. Garnier, XIV, 71;
XXIII, 376; XXXII, 520, 529.— Guilhermy, Inscriptions
de la France, 1875-1883, in-4.
FERRAND (Jacques), général français, né à Ormoy
(Haute-Saône) le 11 nov. 1746, mort à Amance (Haute-
Saône) le 30 nov. 1804. Entré au service en 1766, il
n'était encore qu'officier subalterne lors de la Révolution,
qui le fit colonel (1791). S'étant distingué au siège de Lille
(oct. 1792), il fut nommé général de brigade, puis géné-
ral de division (1793), servit en cette qualité aux armées
des Ardennes, du Nord, du Rhin, fut destitué en- 1796
comme complice de Pichegru, recouvra son grade grâce à
Carnot, représenta le dép. de la Haute-Saône au conseil des
Cinq-Cents (1797) où il soutint encore Pichegru, fut exclu
de cette assemblée au 18 fructidor et vécut dès lors dans
la retraite. A. Debidour.
FERRAND (Antoine-François-Claude), magistral, publi-
as te et homme politique français, né à Paris le 4 juil. 1751,
mort à Paris le 17 janv. 1825. Conseiller au parlement de
Paris dès l'âge de dix-huit ans, il partagea tout d'abord
son temps entre les débats de cette cour, auxquels il prit
une part active sous Louis XV et sous Louis XVI, et la
culture des lettres. Fort opposé aux principes de la Révo-
lution, il émigra dès le mois de sept. 1789, fit partie du
conseil du prince de Condé, puis du conseil de régence
institué par Monsieur après la mort de Louis XVI (janv.
1793), se retira plus tard à Ratisbonne et, en 1801, ren-
tra en France, où il écrivit plusieurs ouvrages historiques,
non sans travailler de son mieux, à petit bruit, au réta-
blissement de la royauté. Le 31 mars 181 4, les alliés
venant d'entrer dans Paris, il fut, avec Chateaubriand et
Sosthène de La Rochefoucauld, chargé par ses coreligion-
naires politiques d'une démarche auprès de l'empereur de
Russie en faveur de Louis XVIII qui, devenu roi, le
nomma ministre d'Etat et directeur général des postes
(13 mai). Ferrand fit partie de la commission chargée d'éla-
borer la charte, se fit remarquer à la Chambre des dépu-
tés par l'âpreté de ses revendications en faveur des émigrés,
occupa quelque temps par intérim le ministère de la marine,
fut dépossédé le 20 mars 1815 au matin de la direction des
postes, qu'il reprit, mais pour peu de temps, après les Cent-
Jours, fut nommé pair de France (19 août 1815), membre
du conseil privé (19 sept.), membre de l'Académie française
(par ordonnance royale du 21 janv. 1816) et, malgré ses
infirmités, prit pendant ses dernières années une part
importante aux travaux de la Chambre des pairs où il ne
cessa de soutenir la politique ultra-royaliste.
Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons : le Siège
de Rhodes, tragédie (1784); Zoari, tragédie (1786);
Alfred, tragédie (1785) ; Accord des principes et des lois
sur les évocations, commissions et cassations (Paris,
1786, in-12) ; Essai d'un citoyen (Paris, 1789, in-8) ;
Nullité et despotisme de l'Assemblée prétendue natio-
nale (Paris, 1789, in-8) ; les Conspirateurs démasqués
(Turin, 1790, in-8) ; les Français à l'Assemblée natio-
nale (Paris, 1790, in-8) ; Adresse d'un citoyen très actif
aux questions présentées aux Etats généraux du Manège
vulgairement appelés Assemblée nationale (Paris, 1 790,
in-8) ; Douze Lettres d'un commerçant a un cultivateur
sur les affaires du temps (Paris, 1790, in-8) ; le Der-
nier Coup de la Ligue (Paris, 1790, in-8) ; Réponse au
post-scriptum de M. de Lally-Tollendal à M. Burke
(1791 ou 1793) ; De la Révolution sociale (1793, in-8) ;
le Rétablissement de la monarchie française (Nice,
1792, in-8) ; Lettres d'un ministre d'une cour étran-
gère sur l'état actuel de la France (1793); Considéra-
tions sur la Révolution sociale (Neufchâtel et Londres,
1794, in-8); l'Esprit de l'histoire (Paris, 1802, 4vol.
in-8; 6e édit., 1826); Eloge historique de Madame
Elisabeth (Paris, 1814, in-8) ; Théorie des révolutions
(Paris, 1817, 4 vol. in-8); Histoire des trois démem-
brements de la Pologne (Paris, 1820, 3 vol. in-8) ; Vues
d'un pair de France sur la session de 1821 (Paris,
1821, in-8) ; Réflexions sur la question du renouvelle-
ment intégral de la Chambre des députés (Paris, 1823,
in-8) ; Testament politique de M. le comte Ferrand
(Paris, 1830, in-8). A. Debidour.
FERRAND (Marie-Louis), général français, néàBesançon
le 12 oct. 1753, mort à Saint-Domingue le 7 janv. 1808.
Entré de bonne heure au service, il fit ses premières armes en
Amérique sous les ordres de Rochambeau. Plus tard, pen-
dant les premières campagnes de la Révolution, il servit à
l'armée du Nord, puis à celles des Ardennes et de Sambre-
et-Meuse. Il s'y distingua, mais sans arriver à la notoriété.
Il était cependant parvenu au grade de général de brigade,
lorsqu'à la fin de 1801 il fut désigné pour faire partie de
l'expédition que le général Leclerc devait conduire à Saint-
Domingue contre les noirs révoltés. Arrivé à destination,
il fut chargé de pacifier la partie orientale de l'île que l'Es-
pagne nous avait récemment cédée lors de la paix de Baie.
Il y réussit; mais, tandis qu'il opérait de ce côté, la fièvre
jaune décimait le gros des forces françaises restées dans
la partie occidentale. Bientôt Leclerc mourut et les débris
de ses troupes évacuèrent le pays par capitulation (30 nov.
1 803) . Ferrand, resté seul avec 1 ,800 hommes aux environs
de Santo Domingo, refusa de poser les armes. Il s'en-
ferma dans la place et pendant plusieurs mois résista vic-
torieusement aux attaques de 22,000 noirs commandés
par Dessalines. Un renfort que l'amiral de Missiessy lui
amena en août 1805 lui permit de prendre l'offensive. Les
noirs furent battus et la ville dégagée. Aidé des colons
espagnols, Ferrand rétablit l'ordre dans les districts voi-
sins et même y fit régner une certaine prospérité. Toussaint
Louverture, maître de l'île presque entière, n'osait pas Fin-
— 309
FERRAND — FERRANDIZ
quiéter. Mais vers la fin de 1808, lorsque les colons espa-
gnols apprirent l'invasion de leur pays par Napoléon, ils
abandonnèrent le général français. A la suite de quelques
conflits partiels, 2,000 d'entre eux s'assemblèrent à
Seybo sous la conduite du créole Rarairez et se portèrent
sur Santo Domingo. Ferrand marcha à leur rencontre avec
500 hommes. Battu, il se brûla la cervelle sur le champ
de bataille pour ne pas survivre à sa défaite. Ses derniers
soldats et son lieutenant le général Barquier se réfugièrent
dans la ville, où ils se défendirent contre les insurgés unis
aux Anglais jusqu'en juil. 1809. Ce fut le dernier épisode
de l'expédition de Saint-Domingue. C. G.
FERRAND (Jacques-Olivier-Claude), improvisateur popu-
laire, mort à Rouen en 1809. Marchand de rouennerie, il
abandonna le commerce pour courir les carrefours en réci-
tant ses poésies, et même en jouant des pièces satiriques et
triviales qu'il composait dans quelque cabaret. Il obtint de
grands succès populaires et, comme la plupart des bohèmes,
mourut tout à fait misérable. Son chef-d'œuvre est le Sa-
vetier de Péronne (Rouen, an IX, in-8), comédie- vaude-
ville en un acte, où il mettait en scène l'abbé Maury. Citons
encore de lui : l'Inconnu généreux (Rouen, an I, in-8),
mélodrame en un acte ; les Brigands de la Vendée (an I,
in-8), drame en trois actes ; le Faux Jardinier (an I,
in-8), opéra-comique (!) en un acte ; la Prise de Vienne
(Paris, an II, in-8), impromptu en vers libres et en prose
« avec plusieurs vaudevilles et calembourgs très intéres-
sants, à l'occasion de la prise de Vienne » ; Sophie et Dor-
val (Rouen, an IX, in-8) , comédie-vaudeville en deux actes ;
le Barbier de campagne (1801, in-8), comédie en un
acte ; la Diligence du Havre à Rouen ou le Conscrit
déserteur (an XI, in-8) ; la Revue de l'an XI par le
premier consul à Rouen et au Havre (an XI, in-8) ; le
Triomphe de la vertu (an XII, in-8), comédie en deux
actes ; les Vélocifères ou la Manie du jour (an XII,
in-8), impromptu. R. S.
FERRAND (Joseph), administrateur français, né à Li-
moges en 1827. Préfet de la Haute-Savoie, puis de l'Aisne
et du Calvados (1871-74). Membre correspondant de l'Aca-
démie des sciences morales et politiques (7 mars 1888).
11 est l'auteur d'importants traités d'histoire administra-
tive. Nous citerons : De la Propriété communale en
France et de sa mise en valeur (Paris, 1859, in-8) ; les
Institutions administratives en France et a V étranger
(1879, in-8) ; la Réforme municipale en France et en
Italie (1881, in-8) ; les Pays libres, leur organisation
et leur éducation d'après la législation comparée
(1884, in— 18) ; l'Organisation municipale de Paris
(1887, in-8).
FERRAND de La Càussade (Jean-Marie Bécays), général
français, né à Monflanquin (Lot-et-Garonne) en 1736, mort
à La Planchette, près de Paris, en nov. 1805. Pourvu, dès
l'âge de dix ans, d'une lieutenance au régiment de Nor-
mandie-Infanterie, il assista tout enfant aux dernières opé-
rations-du maréchal de Saxe dans les Pays-Bas. Capitaine
en 1755, il prit part aux campagnes d'Allemagne durant
la guerre de Sept ans et se distingua à Clostercamp. Classé
ensuite dans l'état-major des places, il devint en 1773
major-commandant de Valenciennes, poste qu'il occupa
jusqu'en 1790. A cette époque, l'état-major des places
ayant été supprimé, Ferrand fut élu par les habitants de
Valenciennes commandant de la garde nationae. Deux ans
plus tard, grâce à Dumouriez, il était réintégré dans les
cadres et nommé successivement colonel, puis maréchal de
camp (20 août 1792). Sur ces entrefaites, les impériaux
vinrent mettre le siège devant Lille. Ferrand, à la tête de
6,000 hommes empruntés aux garnisons du voisinage, les
inquiéta par quelques démonstrations et contribua à la
délivrance de la ville (fin septembre). Peu après, Dumouriez
revenant de Valmy l'attacha à l'armée du Nord, l'emmena
avec lui dans les Pays-Bas et lui confia le commandement
de son aile gauche le jour de la bataille de Jemappes. Après
la victoire, il le chargea d'occuper Mons. Le 15 mars 1793,
Ferrand fut promu général de division. A quelques jours
de là, la défaite de Neerwinde l'obligeait à évacuer Mons
précipitamment et à se retirer sur Valenciennes. Il venait
de reprendre le commandement de cette place lorsque Du-
mouriez consomma sa trahison. Ferrand. résista à toutes les
tentatives de son ancien général pour se rendre maître de
la ville et l'entraîner lui-même dans son parti. Cependant
la déroute de l'armée du Nord avait découvert la frontière.
York etCobourg vinrent assiéger Valenciennes : il n'y avait
plus que cette forteresse qui les empêchât de marcher sur
Paris. Ferrand s'y défendit avec énergie ; mais, après quatre-
vingt-sept jours de blocus et de bombardement, l'attitude
de la population l'obligea à capituler (28 juil.). Malgré sa
belle résistance et bien qu'il eût obtenu les honneurs de la
guerre, il fut décrété d'accusation, arrêté, enfermé à l'Ab-
baye. Elargi en septembre, il obtint d'être employé de nou-
veau à l'armée du Nord sous les ordres de Jourdan. Mais
il ne tarda pas à être destitué comme ex- noble et fut une
seconde fois emprisonné. Le 9 thermidor lui rendit la
liberté. On le renvoya alors à l'armée du Nord sous Piclie-
gru ; il passa ensuite avec ce général à l'armée de Rhin
et Moselle, puis fut chargé, sous le Directoire, d'un com-
mandement territorial dans les départements annexés de
l'ancienne Belgique. Après le 18 brumaire, il devint préfet
de la Meuse-Inférieure, fonction qu'il conserva jusqu'à sa
mise à la retraite, en 1804. G. G.
Bibl. : Ferrand, Précis de la défense de Valenciennes ;
Paris, 1805, in-8. — Texier de La Pommeraye, Relation
du siège et du bombardement de Valenciennes en mai,
juin et juil. 1193; Douai, 1839, in-8. — La Défense de Va-
lenciennes et le général Ferrand, dans la Révol. franc.
(Rev.), IX, 363. *
FERRAND de Monthelon (Antoine), peintre français, né
à Paris en 1686, mort à Reims le 20 mars 1752. Ferrand
de Monthelon est le fils et l'élève de l'émailleur Philippe
Ferrand. Il accompagna son père en Italie et, de retour à
Paris, il entra en 1722 à l'Académie de Saint-Luc où il
remplit les fonctions de professeur. A partir de 1748, il
enseigna le dessin à l'école créée à Reims. Comme peintre,
il était essentiellement portraitiste. C'est au musée de sa
nouvelle patrie qu'il faut étudier ses œuvres. On retrouve
au musée de Reims les portraits de Y Abbé de Saulx, cha-
noine de Saint-Symphorien , de Jean Godinoi, qui fut
aussi chanoine de Reims, et de J.-F. Rogier, conseiller en
la' cour des monnaies. Le musée municipal possède, en
outre, de Monthelon, quelques dessins aux trois crayons
qui montrent une certaine facilité décorative. Mais chez cet
artiste provincial, dont on se souvient encore en Cham-
pagne, le professeur dépassa le peintre. Ferrand de Mon-
thelon a été l'un des plus intelligents promoteurs de l'école
de dessin de Reims. P. M.
Bibl. : Ch. Loriquet, Catal. dumvsée de Reims, 1881.
FERRAND1NÂ. Ville d'Italie, prov. de Potenza, près de
la rive droite du Basento, tributaire du golfe de Tarente;
7,545 hab.
FERRAND1NO (Leonardo), sculpteur génois, du com-
mencement du xvne siècle, mort à un âge très avancé. Il
eut pour maître Taddeo Carlone et se distingua par un
style plein de grâce, dont témoigne seule aujourd'hui sa
Madone de l'église de la Nunziata del Guastato, dans sa
ville natale.
FERRANDIZ (Bernardo) , peintre espagnol contemporain ,
né à Valence et successivement élève de l'Académie de San
Carlos, à Valence, de celle de San Fernando, à Madrid et
de l'Ecole des beaux-arts à Paris. Peintre d'histoire et de
genre, il a pris part depuis 1860, tant à Paris qu'à Ma-
drid, aux diverses expositions annuelles. Parmi ses ouvrage^
les plus remarqués, dans l'une ou l'autre ville, nous nous
bornerons à citer : le Tribunal des eau r, acquis par
Napoléon III, Un Atelier parisien, le Modèle, Un Al-
cade valencien (17'50), les Prémices appartenant à M. de
Fernan-Nunez, le Viatique, au marquis de Molins, Une
'Noce à Valence, et un grand nombre de petits tableaux de
mœurs et de sujets pittoresques empruntés à la vie du
FERRANDIZ — FERRARE
— 310
paysan valencien. Depuis 1868, M. Ferrandiz est profes-
seur de peinture à l'école de Malaga. P. L.
FERRANT y Llausas (Luis), peintre espagnol, né à Bar-
celone en 1806, mort à Madrid le 28 juil. 1868. Elève de
D. J. de Ribera, il fut envoyé par l'infant D. Gabriel à
Rome comme pensionnaire. Revenu à Madrid en 1848, il fut
nommé peintre de la Chambre, puis professeur de peinture
à l'Académie de San Fernando et enfin élu membre de cette
même académie. Attaché comme peintre en titre à la per-
sonne de l'infant son protecteur, Ferrant a exécuté pour
sa galerie un nombre considérable de tableaux d'histoire
et de genre parmi lesquels nous relevons le Débarquement
à Alicante de Vinfant D. Gabriel, YEntrevue de la
reine Isabelle et de l'infant, Cervantes écrivant le Bon
Quichotte, Philippe IV et la comtesse de Guzman, un
Chœur de religieuses, ainsi que divers portraits de l'in-
fant et de membres de la famille royale. Il est également
l'auteur des portraits de Sanche IV et d'Alphonse X, qui
figurent au musée du Prado, d'une toile représentant Saint
Ferdinand et Sainle Isabelle, qui est au ministère de la
guerre, de portraits de personnages illustres navarrais qui
décorent le salon de la Députa tion à Pampulune et, pour le
palais de Madrid, de diverses compositions historiques et
religieuses. P. L.
FERRANTE (Le chevalier Giovanni-Francesco), peintre
italien, de l'école bolonaise, né à Bologne vers 1600, mort
à Plaisance en 1652. Après avoir reçu dans sa ville natale
les leçons de Francesco Gessi, un des meilleurs élèves du
Guide, il fut appelé à Plaisance qu'il embellit de nombreuses
peintures à l'huile et à fresque. Il y a aussi, entre autres
œuvres de sa main, à Bologne, un Saint Paul battu par la
tempête (église Saint-Paul) ; une Apparition de Jésus-
Christ à saint Antoine et une Sainte Lucie (Santa Ma-
ria délia Misericordia) . Il eut pour élève Bartolommeo
Baderna.
FERRANTl(Decio), peintre italien, de l'école milanaise,
né vers 1500. Lui et son fils et élève Agosto excellèrent
dans la miniature. La cathédrale de Yigevano possède de
ces deux artistes un Evangéliaire, un Livre d'épîtres et
un Missel qui sont de véritables chefs-d'œuvre.
FERRANTI (Zani de) (V. Zani).
FERRANTINl (Ippolito), peintre italien, de l'école bolo-
naise, du commencement du xvne siècle, frère de Gabriel
Ferrantini, paraît avoir été comme lui élève des Carra che,
dont il imita habilement la manière. L'église Saint-Ma-
thias, à Bologne, possède de lui un tableau représentant
Y Archange saint Michel et, au-dessus, la Sainte Trinité
et la Vierge. Il fut membre de l'Académie degli Incaminati.
FERRARA (Francesco), économiste italien, né à Palerme
en 1810. Chef de bureau de la statistique de Sicile (1834),
il créa le Giorniale di stastitica, fut emprisonné dans la
citadelle de Palerme en 1847 pour avoir pris une part
active au mouvement en faveur de l'indépendance, devint
en 1848 membre du gouvernement provisoire, et fut un des
délégués qui eurent mission d'offrir la couronne au duc
de Gênes. Mais le gouvernement napolitain ayant ressaisi
la Sicile, M. Ferrara demeura à Turin. Nommé en 1849
professeur d'économie politique à l'université de cette ville,
il fit partie, en 1867, du cabinet Ratazzi avec le porte-
feuille des finances et devint ensuite directeur de l'Ecole
supérieure du commerce à Venise. On a de lui de nombreux
écrits sur des matières économiques, notamment les douanes,
les enfants trouvés, etc. Ses ouvrages les plus connus sont :
l'Economie politique chez les anciens et Importance de
V Economie politique (Turin, 1849-1850, in-8). Il a dirigé
aussi le choix de l'importante collection connue sous le nom
de Bibliothèque de l'Economiste (Turin, 1850-1868,
13 vol. in-8).
FERRARE (en italien Ferrara). I. Géographie. —
Ville d'Italie, ch.-l. d'une prov. du même nom qui fait partie
de l'ancienne Emilie, située sur le cours inférieur du Pô au
point où se sépare le Pô di Volano du Pô di Primaro, sur
le chem. de fer de Bologne à Venise; 30,695 hab.; 85,000
avec la corn. Toute la plaine environnante est marécageuse.
Cependant on a beaucoup exagéré le danger des inon-
dations du Pô dans cette région. Cuvier prétendait que
dans les hautes crues, le niveau du fleuve dépasse en
hauteur le toit des maisons de la ville. D'après les mesures
du savant ingénieur Lombardini, le fleuve dans ses plus
fortes inondations a atteint seulement 2m75 au-dessus
du niveau de la cour du château. Ferrare est même
un refuge pour les paysans quand toute la campagne
alentour est sous les eaux. Les bras du Pô, dans le voisi-
nage de Ferrare, sont d'ailleurs en partie obstrués. Le
courant des fortes eaux se porte vers les branches du
N. du delta, et ce déplacement du fleuve a beaucoup con-
tribué à faire perdre à Ferrare son ancienne importance.
Bâtie à l'époque de l'invasion des Huns, au ve siècle, par des
fugitifs d'Aquilée, sous le nom de Forum Alieni, Ferrare
a les mêmes origines que Venise. Elle dut tous ses embel-
lissements à la maison d'Esté. La peinture était en grand
honneur à Ferrare. Ses peintres ne formèrent cependant, à
aucune époque, une école originale; ils subirent tantôt l'in-
fluence de Padoue comme Cosimo Tura (1430-1496),
tantôt celle de Bologne comme Lor. Costa, l'un des meil-
' leurs élèves de Francia , tantôt celle de Raphaël comme
Benvenuto Tisio, plus connu sous le nom de II Garo-
falo; tantôt celle du Titien et de Venise qui perce dans
les œuvres du coloriste exquis, Mazzolino. — Le château
avec ses quatre tours massives qui dominent la ville et
qui la révèlent au loin, la cathédrale mec ses trois étages
superposés d'arcades à plein cintre, très beau spécimen
de l'art lombard ; le palais Schifanoja, ancienne résidence
de plaisir des princes d'Esté, avec de belles fresques de la
Renaissance ; le palais dei Diamanti, revêtu sur sa façade
de marbres à facettes, et transformé en musée, constituent
les principaux monuments de Ferrare. La modeste maison
de l'Arioste n'est curieuse que par les souvenirs qu'elle
évoque. La ville de Ferrare s'est donnée à l'Italie en 1860,
en même temps que le reste de la Romagne. — L'Arioste
et le poète Guarini, l'illustre moine Savonaroîe, le physi-
cien Galvani, le peintre Benvenuto Tisio (le Garofalo) sont
les plus illustres enfants de Ferrare. Ferrare est aujour-
d'hui encore un chef-lieu de province, un archevêché, un
centre d'université et une place fortifiée, quia pour annexes,
un peu au N., les fortes positions de Ponte Lagoscuro
et de Santa Maria Maddalena au passage du Pô. Mais
son importance, comme centre littéraire et artistique, a
disparu avec la maison d'Esté. Son commerce est tombé
depuis que le Pô a développé son cours plus au N. Elle
laisse l'impression d'une ville déchue qui vit surtout par
ses souvenirs. H. Vast.
IL Histoire. — L'origine de Ferrare est plus récente
que celle de la majorité des villes italiennes. Ignorée dans
l'antiquité, son nom n'apparaît qu'au moyen âge. Son his-
toire primitive fut déterminée par des conditions géogra-
phiques sensiblement différentes de celles qui existent
actuellement. Ferrare est dans le delta du Pô, au N. du
bras méridional, peu important aujourd'hui, qui se subdi-
vise en aval en deux branches, le Pô di Volano et le Pô di
Primaro. Mais le bras septentrional, le Pô délia Maestra,
par lequel passe la plus grande partie des eaux du fleuve,
ne s'est ouvert qu'en 1152. Jusqu'alors le fleuve s'écoulait
au S. de l'emplacement de Ferrare. Toute cette région,
située au N. du Pô, entre lui et l'Adige, appartenait donc
à la province romaine de Vénétie. Après l'invasion lom-
barde, elle fut conservée par les Byzantins et, en 604,
l'exarque Smaragdus, pour en faciliter la défense, cons-
truisit, au N. du Pô, la place forte de Ferrare. Elle devint
le centre d'un groupe de cités, comprenant en outre les
villes d'Adria (Hatria) et Gabellum (Gavello), qui fut rat-
taché à l'exarchat de Ravenne et le couvrit au N. Ce débris
de l'ancienne Vénétie fut organisé au vme siècle en duché.
Le duché de Ferrare s'étendait entre l'Adige, le Tartaro
et le Pô di Volano. Il fut conquis par les Lombards sous
le règne de Luitprand. Cependant, lorsque Pépin eut donné
— 341
FERRARE
au pape l'exarchat et la Pentapole, Ferrare fit partie des
vingt-deux villes dont Etienne II reçut les clefs (757). La
domination du saint- siège s'affaiblit vite en Romagne.
Ferrare acquit une véritable autonomie aux siècles suivants ;
toutefois, au xie siècle, elle reconnaissait la suzeraineté du
marquis de Toscane, Boniface, à la mort duquel Ferrare
passa sous la suzeraineté de sa fille, la célèbre comtesse
Mathilde. C'était, au xne siècle, une des villes les plus
florissantes du S. du Pô. Elle était divisée, comme les
autres, entre la faction impérialiste et la faction républi-
caine et pontificale. A la tête du parti impérial (plus tard
gibelin) était la famille des Salinguerra Torelli ; à la tête
du parti national (plus tard guelfe) la famille des Ade-
lardi. Ils se disputaient le capitanat, magistrature suprême
de la commune, qui la gouvernait d'accord avec le conseil.
Les guelfes prévalurent au moment de la grande lutte
engagée par Frédéric Barberousse, et Ferrare entra dans
la ligue lombarde. Les Adelardi devinrent alors les maîtres
par l'acquisition de l'office de podesta, impliquant la direc-
tion administrative et judiciaire. En 1177, c'est à Ferrare
que le pape Alexandre III vint conférer avec les délégués
des villes lombardes afin de s'entendre avant le grand
congrès de Venise où fut décidée la paix avec l'empereur.
Au début du xme siècle se fit la division des seigneurs et
des cités de l'Italie en guelfes et gibelins. Dans la marche
de Vérone, une lutte acharnée s'engageait entre les puis-
santes familles des Ezzelino de Romano et des Este. Ferrare
y fut impliquée. Un mariage avait été projeté entre le
troisième des Torelli et Maschesella, héritière des Ade-
lardi, afin de réconcilier les deux familles; le marquis
Château de Ferrare (d'après une photographie).
Azzo V d'Esté enleva l'héritière et la fit épouser par Obizzo ;
les biens des Adelardi passèrent ainsi à la maison d'Esté
qui prit pied dans le Ferrarais et la marche d'Ancône ;
Azzo d'Esté fut, à la fin du xne siècle, le personnage
dirigeant de Ferrare. La lutte continua après lui ; son
fils, Azzo VI, fut trois fois chassé de Ferrare par Salin-
guerra Torelli qu'appuyait Ezzelino ; trois fois il y entra,
mais il fut définitivement vaincu à San Bonifacio et mourut
peu après (nov. 1212). Le marquis Aldobrandino qui
lui succéda conclut avec Salinguerra un pacte aux termes
duquel les deux rivaux se partageaient le gouvernement
de la ville, désignant le podesta en commun. Mais Aldo-
brandino, vaincu par Ezzelino, disparut dès 1215. Son
jeune frère Azzo VII (né vers 1205, mort le 17 févr. 4264)
fut d'abord le plus faible. Salinguerra Torelli, marié à une
sœur d'Ezzelino le Jeune, domina Ferrare jusqu'en 1240. Les
bourgeois lui étaient très favorables. Son habile politique
avait beaucoup enrichi la ville par le développement de
son commerce. Mais, à partir de 1229, la guerre reprit
acharnée entre les guelfes et les gibelins, les Este et les
Romano (V. ces noms) ; le mariage de Rinaldo, fils
d'Azzo VII, avec Adélaïde, fille d'Alberic de Romano,
n'amena qu'une courte trêve. Appuyé par la ligue lombarde
et par les Vénitiens, Azzo d'Esté fit subir de tels dommages
aux Ferrarais qu'ils finirent par passer au parti guelfe ;
Hugo Ramperti ouvrit les portes de la ville ; Salinguerra
fut interné à Venise, son palais démoli, ses partisans
bannis (1240). Ferrare passa sous la domination des Vé-
nitiens, puis d'Azzo d'Esté. Celui-ci transporta au S. du
Pô le centre de la maison d'Esté ; elle semblait très com-
promise ; au N., Ezzelino lui avait enlevé ses possessions ;
Rinaldo, fils d'Azzo, avait péri ; son petit-fils Obizzo survi-
vait seul. Mais après la mort de Frédéric II, la maison de
Romano sombra ; en 1259, Ezzelino périt. Ses implacables
adversaires, les Este, triomphaient. Le jeune Obizzo II,
petit-fils d'Azzo II (né vers 1240, mort le 13 févr. 1293),
ajouta à la seigneurie de Ferrare celle de Modène (1288)
et de Reggio. Son fils, Azzo VIII (mort le 31 janv. 1308),
hérita de ces trois seigneuries ; mais ses frères Francesco
et Aldobrandino lui disputèrent Modène et Reggio (1294),
FERRARE
342
d'où les habitants le chassèrent en 1306; il ne se maintint
qu'à Ferrare. Il désigna pour successeur Folco JIL fils de
son fils bâtard, Fresco. Mais les deux oncles, Francesco
et Aldobrandino, s'adressèrent au pape et lui demandèrent
l'investiture; Ferrare redevenait effectivement un fief du
saint-siège. Fresco, ne pouvant résister, céda Ferrare aux
Vénitiens et se retira. à Venise avec son fils Folco. Un po-
desta vénitien gouverna la ville (4308). Elle fut reprise
bientôt par les troupes pontificales, mais Clément V la
donna à Robert de Naples. Francesco et Aldobrandino II le
combattirent , mais sans succès ; ils étaient réduits au
marquisat d'Esté (avec les monts Euganéens et Rovigo).
Francesco fut tué en 4342 ; Aldobrandino II disparaît à la
même époque. Ses trois fils, Rinaldo (mort en 4335),
Obizzo III (mort en 4352) et Niccolo Ier (mort en 4346), et
ceux de Francesco Azzo et Bertoldo rentrèrent à Ferrare
en 4347 ; la population, exaspérée par les soldats catalans
de Robert de Naples, s'était soulevée contre eux, aidée par
le marquis d'Esté et les Bolonais ; elle prit le château Te-
baldo où s'étaient réfugiés les Catalans et les massacra ; le
45 août, les trois fils d'Aldobrandino II reprenaient la sei-
gneurie de Ferrare. Le pape Jean XXIï les excommunia et
lança l'interdit sur Ferrare. Le résultat fut de jeter les
Este dans le camp gibelin. Les marquis tentèrent vaine-
ment de reprendre Modène. Aldobrandino III, né en 4335,
mort en 4364, fut dévoué aux gibelins. Il obtint, en
4 354, de l'empereur Charles IV le vicariat impérial.
Charles IV confirma son frère et successeur Niccolo II
(mort le 26 mars 4388) dans la possession de Rovigo,
Adria, Comacchio, etc. Il guerroya contre les Visconti de
Milan et les Gonzague. Son frère Alberto (mort le 30 juil.
4393) fit tuer son neveu Obizzo, fils d'Aldobrandino ÏÏIet
s'allia à Jean Galéas Visconti (Milan) et à Francesco de
Gonzague (Mantoue) ; puis, en 4390, s'unit contre eux à
Bologne et à Florence. Son fils, Niccolo III, né en 4384,
mort à Milan le 26 déc. 4444, fut placé dans sa minorité
sous la protection de Venise ; avec l'aide de cette répu-
blique, de Bologne et de Florence, il conserva Ferrare
contre son parent Azzo (descendant de Francesco) . Il guer-
roya contre Jean Galéas Visconti (4403), puis d'accord
avec lui contre Ottoboni, usurpateur de Reggio, s'empara
de cette ville et de Parme (4409). Il fit périr en 4425 sa
seconde femme Parisina Malatesta et son bâtard Ugo, con-
vaincus d'adultère. Après de nouvelles guerres contre Jean
Galéas, il signa la paix du 7 avr. 4433, conclue entre
l'empereur Sigismond et Milan d'une part, le pape Eu-
gène IV, Venise et Florence de l'autre. Il devint l'ami et
allié de Jean Galéas, et s'établit à Milan, où il espérait lui
succéder quand il fut empoisonné.
Avec Niccolo et ses fils commence la période la plus bril-
lante de l'histoire de Ferrare et de la maison d'Esté. Cette
principauté au S. du Pô était le pays de la paix; la cour
de Ferrare pouvait rivaliser d'éclat avec celle de Milan. Les
souverains favorisaient les lettres et les arts, créaient ou
enrichissaient les écoles, l'université, les bibliothèques,
musées. Lionello, fils de Niccolo (4444-4450), eut pour
précepteur le fameux Guarino de Vérone. Il fut médiateur
de la paix signée à Ferrare entre Alphonse, roi d'Aragon et
de Sicile, et les Vénitiens. Son frère Borso (1454-4474)
fut un des plus magnifiques princes de la Renaissance ita-
lienne. La splendeur de son accueil lui fit donner par l'em-
pereur Frédéric III le titre de duc (4452) pour les fiefs
impériaux de Modène et Reggio. Il l'obtint également pour
Ferrare, fief du saint-siège, du pape Pie II qu'il avait
aussi bien fêté lors de son voyage vers le concile de Man-
toue. Borso introduisit à Ferrare l'imprimerie. A sa mort,
la prospérité fut un moment troublée par la rivalité de son
frère Ercole et de Niccolo, fils de Lionello. Appuyé par les
Vénitiens, le premier l'emporta sur son neveu. Les scènes
de cette guerre civile, contrastant avec la vie luxueuse et
peu morale de la cour, frappèrent vivement l'imagination
de Savonarole, natif de Ferrare et petit-fils du médecin de
Niccolo III. A peine maître du pouvoir, Ercole revint à la
vie de fêtes. En 4482, il fut près de la ruine. Le pape
Sixte IV et Venise la complotaient pour se partager ses
Etats. La République l'accusa de lever un péage sur les
transports par le Pô du sel des salines vénitiennes aux-
quelles il faisait concurrence par ses salines de Comacchio.
Une flotte vénitienne remonta le fleuve, prit Rovigo ; l'ar-
mée vénitienne occupa la Polésine ; l'allié d'Ercole, le duc de
Calabre, fut battu par les pontificaux. Ercole d'Esté sut con-
vaincre le pape qu'il était absurde d'agrandir les Vénitiens et
obtint la paix : il continua deux ans la guerre avec Venise ;
par la paix de Bagnolo il dut lui céder la Polésine avec
Rovigo, Lendenara, Badia, renoncer à son péage du Pô sur les
navires vénitiens et à l'exploitation des salines de Comac-
chio. Après cette guerre, Ercole vécut en paix avec ses voi-
sins. Sa cour était extrêmement brillante. A coté de Boiardo,
son ministre, et de Scancliano, YÂrioste s'y essayait
(V. ces noms et Renaissance, § Italie). Alphonse Ier, infé-
rieur peut-être à Ercole, dut aux littérateurs une plus
grande renommée. Sa biographie a été donnée (V. Al-
phonse Ier). Rappelons qu'il entra dans la ligue de Cam-
brai, réoccupa les villes perdues en 4484 ; son artillerie
écrasa la flotte vénitienne à Polisella, sur le Pô (22 déc.
4509). Quand le pape Jules II eut traité avec Venise, le
duc continua la guerre, d'accord avec le roi de France. Son
artillerie, qui étsât admirablement organisée, eut une grande
part à la victoire de Ravenne (avr. 1542). Néanmoins la
mort de Gaston de Foix et les échecs consécutifs des Fran-
çais décidèrent Alphonse à se soumettre. Il courut à Rome
se faire relever de l'excommunication ; Jules II lui réclama
une grande partie des fiefs pontificaux ; il voulait annexer
Modène, Parme et Reggio; Léon X continua ces projets. La
bataille de Marignan les mit à néant. Le duc de Ferrare
recouvra Parme, Reggio et Modène (nov. 4546). Il resta
fidèle à l'alliance française jusqu'à l'expulsion des Français
du Milanais, mais alors il signa la paix avec l'empereur en
même temps que les Vénitiens (4523). Il conserva Rovigo.
Désormais la maison d'Esté sera généralement fidèle à
l'Espagne. Dans la campagne de 4527, c'est le duc de Fer-
rare qui ouvrit aux bandes du connétable de Bourbon la
route de Rome. Il entra bien dans la ligue formée ensuite,
mais en 4529 il fut le premier à se soumettre à Charles-
Quint. Celui-ci trancha alors le différend qui divisait le duc
et le pape, et le premier sortit de cette longue crise avec
ses Etats intacts. La maison d'Esté n'avait rien gagné à ces
guerres d'un demi-siècle engagées par la France, mais elle
n'y avait rien perdu.
Ferrare fut un des principaux centres de la Renais-
sance (V. ce mot) ; elle dut une renommée particulière aux
littérateurs qui y vécurent à la cour des deux Hercules
(Ercole) et des deux Alphonses; les princesses, Lucrèce
Borgia, femme d'Alphonse Ier, Renée de France, femme
d'Ercole II, eurent une grande part à ce mouvement.
Alphonse Ier ayant bâti à Ferrare le plus beau théâtre de
l'Italie, la ville devint le centre de l'art scénique dans la
péninsule. Ercole II (né le 4 avr. 4508, duc en 4535,
mort le 3 oct. 4559) fut le fidèle serviteur de Charles-
Quint; son frère, le cardinal Hippolyte le Jeune, embrassait
le parti français, de telle sorte que la dynastie eut un pied
dans chaque camp ; le duc maria sa fille Anne au duc de
Guise et entra en 4556 dans la ligue formée par Paul IV
et la France; mais, dès le 48 mars 4558, il traitait avec
l'Espagne. Sa femme Renée, gagnée aux idées de la Réfor-
mation, avait ouvert à Ferrare un asile à Calvin et à Clément
Marot. Elle protégea tous les novateurs religieux de l'Italie.
Mais Renée fut très maltraitée par son époux, et, quand elle
rentra en France, le protestantisme disparut de Ferrare. Il
y avait été un moment assez développé. Alphonse II (V.
ce nom), fils et successeur d'Ercole (4 559-4 597) est surtout
connu comme persécuteur du Tasse (V. ce nom). Son règne
marque encore un beau moment, le dernier, de la cour de
Ferrare. Elle comprenait, outre le duc et sa femme (Lucrèce
de Médieis, puis Barbara), ses sœurs, Léonore, l'amante du
Tasse, et Lucrèce, mariée au duc Francesco d'Urbin, qui
343 —
FERRARE — FERRARI
vivaient à Ferrare. La vie s'écoulait en fêtes somptueuses
avec des représentations dramatiques et une mise en scène
magnifique qui préparait celle du futur opéra italien ; les
tournois alternaient avec les allégories , les concours
poétiques , les discussions scientifiques. Mais l'orgueil
démesuré d'Alphonse II l'entraînait à des dépenses écra-
santes. Il envoyait à l'empereur un corps auxiliaire de
4,000 hommes , briguait la couronne de Pologne, Ferrare pas-
sait pour imprenable; 27,000 hommes étaient inscrits dans
la milice; le duc accablait ses sujets d'impôts; alors qu'il
laissait tomber en ruine les digues et canaux qui faisaient
la sécurité et la richesse du pays, il imposait un droit d'un
dixième sur tous les contrats, sur les entrées de marchan-
dises, se réservait le monopole du sel, de la farine, du
pain, presque celui de la chasse; il faisait tuer à une au-
dience le fiche Ercole Contiano pour s'emparer de ses biens.
Cette tyrannie ne devait pas peser longtemps sur Ferrare.
Alphonse, malgré son troisième mariage avec Marguerite
de Mantoue, n'avait pas de fils légitime. Il voulait trans-
mettre sa succession à son cousin Cesare, fils d'un bâtard
d'Alphonse Ier ; l'empereur Rodolphe accorda son consen-
tement; mais le pape refusa. A la mort d'Alphonse II
(27 oct. 4597), Clément VIII déclara que tous les fiefs
pontificaux de la maison d'Esté faisaient retour au saint-
siège; il excommunia Cesare (né en oct. 4467, mort le
44 déc. 4628), et le faible prince n'osa ou ne put résister;
ses sujets, dont la tyrannie d'Alphonse II avait lassé l'affec-
tion, ne le soutinrent pas ; sa cousine Lucrèce lui était hos-
tile. Elle négocia un traité par lequel Cesare renonça à
Ferrare, Comacchio et ses fiefs de Romagne(42 janv. 4598).
Il se retira dans son duché de Modène et Reggio. A Ferrare
fut installée la domination pontificale. Un mois plus tard,
Lucrèce mourut, léguant tous ses biens au cardinal Aldo-
brandini; même les propriétés privées des Este dans le
Ferrarais leur échappèrent ainsi.
La prospérité de Ferrare était finie ; la tyrannie ecclé-
siastique fut pire que celle d'Alphonse II ; rapidement elle
appauvrit la ville et le pays. Un quartier entier, le plus
riche, fut démoli pour édifier à la place une citadelle ; une
grande partie de la population émigra vers le duché de Mo-
dène. On trouvera ailleurs (V. Este et Modène) le récit des
destinées ultérieures de la dynastie dont le nom est insé-
parable de celui de Ferrare. Quant à la malheureuse cité,
il y a peu de chose à en dire. En 4735, Clément XII érigea
son évêché en archevêché. En 4796, la ville fut prise par
les Français et annexée à la République cisalpine, puis au
royaume d'Italie. Au congrès de Vienne, les territoires au
N. du Pô furent réunis au royaume lombard-vénitien, le
reste avec Ferrare restitué au pape, mais les Autrichiens
eurent le droit de garnison dans la place et l'occupèrent
effectivement jusqu'en 4 859. A ce moment, lorsqu'ils furent
partis, le peuple se souleva et avec le reste de la Romagne
il se réunit au royaume d'Italie (V. Italie). A.-M. B.
Concile de Ferrare. — Par bulle du 48 sept. 4437,
Eugène IV avait ordonné la translation à Ferrare du con-
cile réuni à Bâle. Le 40 janv. 4438, une assemblée com-
posée de ceux qui obéirent à cette injonction tint sa
première session à Ferrare, sous la présidence du cardinal
J. Cantarini. Dans la deuxième session, qui fut présidée
par le pape lui-même (45 févr.), on excommunia ceux qui
s'obstinaient à siéger à Bâle. Quand les Grecs furent arri-
vés, on fit une nouvelle ouverture du concile, qui fut
solennellement déclaré, de la part du pape, de l'empereur
et des pères, concile général pour la réunion de l'Eglise
grecque et de l'Eglise latine. Seize sessions, communes
avec les Grecs, furent tenues du 8 oct. 4438 au 40 janv.
4439. Elles ne produisirent aucun résultat sérieux. La
peste s'étant déclarée à Ferrare, Eugène, d'accord avec les
Grecs, transféra le concile à Florence (V. Bâle [Concile
de], Florence [Concile de]). E.-ff. V.
Bibl.: A. Frizzi, Memorie per la storia di Ferrara;
Ferrare, 1847, 5 vol. in-4. — G. Mianni-Ferranti , Com-
pendio délia storia sacra e politica di Ferrara; Ferrare,
1805-1810, 6 vol — A. Maresti, Teatro genealogico e isto-
rico délie famiglie di Ferrara; Ferrare, 1678, 2 vol. in-fol.
— Barotti, Memorie istoriche de'letterati Ferraresi;
Ferrare, 1777, in-fol. — Gir. Baruffaldi, Notizie storiche
délie accademie letterarie Ferraresi; Ferrare, 1787, in-8.
— Lor. Ughi, Dizionario degli uomini illustri Ferraresi;
Ferrare, 1814, in-8. — G. Baruffaldo, Vite de pittori e
scultori Ferraresi, 1844-1846, 2 vol. in-8. — Sismondi, His-
toire des républiques italiennes du moyen âge; Paris, 10
vol. in-8. — Giraldi, Comment, délie cose di Ferrara et
deiprincipi di Este. — Pigni, Istoria dei principi d'Esté.
— V. aussi la bibl. de Fart. Italie.
FERRARE (Gelasio di Niccolô), le plus ancien peintre
de l'école de Ferrare (milieu du xme siècle). Il reçut à
Venise les leçons du Grec Théophane de Constantinople, qui
lui inculqua sans doute sa manière. Il semble avoir été le
premier artiste du moyen âge qui ait osé aborder un sujet
païen : ce fut, en 4°24<2, sa peinture de la Chute de Phaé-
ton dans le Pô, exécutée sur la commande d'Àzzone d'Esté,
premier seigneur de Ferrare. Il fit en outre pour Philippe,
évêque de la même ville, une Madone et une Bannière
de saint Georges avec laquelle on alla au-devant de l'am-
bassadeur de Venise, Tiepolo.
FERRARE (G.-G.-A. da), peintre italien (V. Galàsso-
Galassi).
FERRARE (Cristoforo de), dit parfois Cristoforo de
Modène ou de Bologne (les trois villes le revendiquent
comme sien), peintre de l'école ferraraise, de la fin du
xive siècle. Il vécut et travailla surtout à Bologne. Il y a
de lui dans cette ville, en l'un des palais Malvezzi, un ta-
bleau en dix compartiments, avec de nombreuses figures
assez faibles de dessin et de coloris, et, à la Madonna di
Mezzaratta, près de la porte d'Àzeglio, un maître-autel peint
de sa main. Ajoutons-y, au musée de Ferrare, un petit
Christ sur fond d'or.
FERRARE (Antonio de) (V. Antonio Alberti, t. III,
p. 262.
FERRARE (Stefano Falzagalloni , dit Stefano de),
peintre italien, de l'école ferraraise, élève et ami de Man-
tegna. Il y a de lui au musée de Ferrare (palais dei Dia-
manti) une Vierge trônant entre deux Saints, exécutée
en 4534 pour l'église Santa Maria in Vado; puis les Douze
Apôtres, en six tableaux, dans la manière du Garofalo ; et
à la Brera de Milan deux Madones. Il travailla aussi à la
décoration de la chapelle de Saint-Antoine, à Padoue.
FERRARE (Giovanni-Battista de'), peintre italien, de
l'école ferraraise, mort au commencement du xvnô siècle.
Il décora, vers 4563, avec la collaboration d'autres artistes,
le casino diSopra, près deNovellara, puis, seul, en 4567,
le château de Bagnolo. Ses fresques de Sopra, transportées
sur toile, ont été acquises par le comte de Chambord quand
il était propriétaire du palais Cavalli à Venise.
FERRARI (Andreolo de'), architecte italien du xive siècle,
appartenant à l'ordre des franciscains. Il fut, d'après Cico-
gnara (Storia délia Scultura), un des arbitres appelés
à trancher les différends qui s'élevèrent entre les maîtres
de l'œuvre et les ingénieurs italiens au sujet de la cons-
truction du Dôme de Milan.
FERRARI (Antonio), peintre italien, de l'école crémo-
naise, de la fin du xive et du commencement du xve siècle,
né à Pavie. Il est auteur, suivant Giuseppe Grasselli, de
fresques retrouvées par ce biographe sous le badigeon de
la chapelle Saint-Jean-Baptiste à San Luca de Crémone, et
d'une Madone entre deux saints qui se trouve au-dessus
de la porte de la même église.
FERRARI (Defendente de') ou DE FERRARI, peintre
italien des xv-xvie siècles, né à Chivasso, dans le Piémont.
Cet artiste a laissé dans sa province natale de nombreux
ouvrages, rangés jusqu'à ces derniers temps parmi les
inconnus de l'école piémontaise ou même de l'école alle-
mande. Parmi ses peintures, une des plus importantes est
le triptyque du maître-autel de l'église abbatiale de San
Antonio de Ran verso. Le style de Ferrari a quelque chose
de heurté et d'inégal, mais ses figures sont pleines de
caractère.
Bibl.: Gamba, l'Art, 1878, t. I, pp. 174 et suiv.
FERRARI
314 -
FERRARI (Antonio, surnommé Galateo), naturaliste et
antiquaire italien, né à Galatina (Terre d'Otrante) en 4444,
mort à Lecce le 22 nov. 1516. Il fut médecin de Ferdi-
nand Ier, roi de Naples. Ses ouvrages sont les suivants :
De Situ Japygiœ; Descriptio urbis Gallipolis; De Villa
Vallœ (Bûle, 1558, in-8 ; Naples, 1624, in-4 ; Lecce, 1727,
in-8); De Situ elementorum, de situ terrarum, de
mari et aquis et fluviorum origine (Bâle, 1558, in-8).
On lui a aussi attribué un ouvrage sur la prise d'Otrante
par les Turcs, traduit en italien par Marziano : Successi
deir armata turchesca nella citta d'Otranto, daW
anno 1480 (Cupertino, 1583; Naples, 1612, in-4).
FERRARI (Francesco-Bianchi), dit II Frari, peintre
italien, de l'école modénaise, né en 1447, mort en 1510.
Il jouit de son vivant d'un grand renom et exécuta dans sa
ville natale beaucoup d'œuvres très prisées, dont la plu-
part ont disparu. Il y a de lui au Louvre une Madone sur
le trône, entourée d'anges et de saints, où l'on reconnaît
l'influence du Bolonais Francesco Francia, son contempo-
rain, et aussi une parenté frappante avec le Saint Fran-
çois (galerie de Dresde) du Corrège. Cette dernière similitude
confirme la supposition que F.-B. Ferrari fut le maître du
grand artiste parmesan.
FERRARI ou FERRER1 (Zachario), poète italien, né à
Yicence vers 1460, mort en 1530. Il est principalement
connu pour avoir été chargé par le pape Léon X de rédi-
ger, en style classique et selon les mètres d'Horace, un re-
cueil d'hymnes que l'on voulait alors substituer aux hymnes
et proses traditionnelles de l'Eglise. Ce travail ne parut
qu'après la mort de Léon X, sous le pape Clément VII qui
l'approuva et en recommanda la lecture ; plus tard, Pie \I
prohiba ces hymnes en même temps que le bréviaire de
Quignonez dont elles avaient été le prélude et qui était ré-
digé dans le même esprit. Le volume de Ferrari a pour titre :
Hymninovi ecclesiastici juxta veram metri et latini-
tatis normam (Rome, 1525, in-8). R. G.
Bibl. : Dom Guéranger, Institutions liturgiques ; le i
Mans, 1840-1847, 5 vol. in-8. — Rémy de Gourmont, le La-
tin mystique, les poètes de l'Anliphonaire ; Paris, 1892, in-8.
FERRARI (Gaudenzio), célèbre peintre de la Renais-
sance, né à Yalduggia, dans le Piémont vers 1481, mort
à Milan entre 1545 et 1547. On lui donne pour premier
maître Girolamo Giovenone, qui travaillait à Verceil en
même temps que Macrino d'Alba et Defendente Ferrari.
Mais il s'inspira surtout de Léonard de Vinci (qu'il aura
étudié à travers les ouvrages de Bernardino Luini) et de
Baphaël, avec la manière duquel il se sera familiarisé à
l'aide de gravures. Ce qui est certain, c'est que, grandi
dans la tradition des Primitifs, qui maintinrent si longtemps
leur empire dans cette partie de l'Italie, il ne tarda pas à
abandonner leurs procédés parfois trop minutieux pour un
style plus libre et une exécution plus facile. Il ne garda
de son éducation première qu'une certaine lourdeur et la
tendance au mysticisme, tendance qui dégénère parfois chez
lui en sentimentalisme et même en fadeur. Sa vie se par-
tagea entre Varallo, Verceil et Milan, où il se fixa en 1536.
Les églises de la Haute-Italie regorgent de fresques et de
tableaux de Ferrari. Parmi eux il convient de citer, à Milan,
le Baptême du Christ, dans l'église Santa Maria presso
San Celso, et le célèbre Martyre de sainte Catherine,
au musée de Brera ; à Canobbio, le Portement de croix;
à Varallo, le Mariage de sainte Catherine ; à Verceil,
une Madone; à Turin, une série de cartons conservés à
l'académie Albertine. La grande réputation dont Ferrari
n'a cessé de jouir dans la Haute-Italie vient de ce qu'il
fut le premier peintre piémontais de marque. Ses princi-
paux élèves furent Giuseppe di Amadeo Giovenone, Ber-
nardino Lanino, G.-B. délia Cerva. E, Mùntz.
Bibl. : Bordiga, Notizie intorno aile opère di G. Fer-
rari; Milan, 1821. — Du même, Le Opère del piitore e
plasticatore Gaudenzio Ferrari; Milan, 1835.— Pergenti,
Elogio di Gaudenzio Ferrari; Milan, 1843.— Neri et Mas-
sarotti, Gaudenzio Ferrari; Varallo, 1874. — Colombo,
Vita ed opère di Gaudenzio Ferrari; Turin, 1881.—
Woermann, Geschichte der Malerei, t. II, p. 573.
FERRARI (Bartolomeo) (V. Bàrnabites).
FERRARI (Giovanni -Francesco), poète italien du
xvie siècle. Sa vie est totalement inconnue. Il a écrit cin-
quante-trois pièces de vers, facétieuses ou burlesques, ré-
digées en italien, en bergamasque, en modenais, en roma-
gnol, même en argot. La Fontaine lui a emprunté sa
fable de la Cigale et la Fourmi, Ses vers forment un
volume: Rime burlesche (Venise, 1570, in-8).
FERRARI (Bernardo), peintre italien, de l'école mila-
naise (xvie siècle), né à Vigevano (Milanais), élève et imi-
tateur de Gaudenzio Ferrari. Il y a au Dôme de sa ville
natale deux panneaux d'orgues peints par lui.
FERRARI (Ottaviano), philosophe et antiquaire italien,
né à Milan le 23 sept. 1518, mort en 1586. Il fut pro-
fesseur au collège Canobio à Milan, puis il enseigna la
philosophie à Padoue. On lui doit : De Sermonibus exo-
tericis (Venise, 1575, in-8); De Disciplina encyclica
(Francfort, 1606, in-8); De Origine Romanorum (Mi-
lan, 1607, in-8), ouvrage réimprimé dans le recueil de
Grsevius.
FERRARI (Luigi) , mathématicien italien, né à Bologne le
2 févr. 1522, mort à Bologne en 1565, empoisonné, dit-on,
par sa sœur. À l'âge de quinze ans, il devint l'élève de
Cardan (V. ce nom) et, trois ans après, donnait déjà des
leçons de mathématiques à Milan. D'un caractère emporté,
il venait de perdre dans une rixe les doigts de la main
droite. De 1549 à 1556, il fut chargé de diriger les opé-
rations du cadastre dans le Milanais. Une fistule l'obligea
de quitter cet emploi et il se retira à Bologne, où il pro-
fessa les mathématiques. Sa vie a été écrite par son maître
(OEuvres de Cardan, IX), dont il imita les licences et
dont il égala la science. On lui doit : la première solution
de l'équation du quatrième degré, qu'il trouva à vingt-
trois ans sur un problème proposé par Zuane Tonini da
Coi et qui fut publiée dans Tirs magna de Cardan (1545) ;
une invention pour la production d'un mouvement recti-
ligne alternatif par une combinaison de rotations (Cardan,
Opus novum de prop. 1570). En 1547, il commença
avec Tartaglia (V. ce nom) une dispute célèbre qui se
termina par la joute mathématique du 10 aoAM548,à
Milan, et que le Brescian a racontée à sa façon. Les six
cartels de Ferrari et les réponses de Tartaglia, imprimés
dès le temps de la dispute, ont été publiés à nouveau en
1846 par Gherardi et en 1878 (Milan) par Giordani. Les
deux adversaires s'y prodiguèrent les injures à défaut de
raisons ; mais Tartaglia, quoi qu'H en ait dit, ne s'en tira
pas avec avantage. T.
FERRARI (Francesco-Bernardino), antiquaire italien, né
en 1576 à Milan, mort à Milan le 3 févr. 1 669. Il fut chargé
par le cardinal Frédéric Borromée de rassembler dans diffé-
rentes parties de l'Europe les livres rares et les manuscrits
qui devaient former la bibliothèque Ambrosienne. Il fut mis à
la tête de cette bibliothèque célèbre et professa au collège
Àmbrosien institué par le même prélat. On lui doit : De
Ritu sacrarum Ecclesice catholicœ concionum (Milan,
1618 et 1620, in-4; Paris, 1664, in-8); De Antiquo
Epistolarumecclesiasticorum génère (Milan, 1612, in-8);
De Veterum acclamationibus et plausu (Milan, 1627,
in-4). E. B.
FERRARI (Benedetto), poète et compositeur italien, né
à Reggio en 1597, mort à Modène en 1681. Il se distingua
d'abord comme virtuose sur le théorbe. En 1637, il écrivit
le poème à'Andromeda, que Manelli (V. ce nom) mit en
musique, et qui fut le premier opéra italien exécuté sur un
théâtre public. De 1639 à 1664, il fit représenter à Venise,
Ratisbonne et Parme, sept opéras dont il avait écrit les
paroles et la musique, et dont les poèmes seuls existent
aujourd'hui. On ne connaît plus de sa composition que
Fintroduction d'un ballet, Dafne, et un recueil de Musiche
varie a voce sola, libro secondo (Venise, 1637). ^
FERRARI (Giovanni- Andréa de'), peintre italien, de
l'école génoise, né à Gênes en 1599, mort en 1669. Elève
de Bernardo Castello, puis de Bernardo Strozzi, dit le Gapu-
— 315
FERRARI
cm, dont il reproduisit tour à tour la manière, il prit l'habit
ecclésiastique pour exercer son art plus à l'aise et travailla
avec acharnement jusqu'à la fin de sa vie, s'adonnant avec
un égal bonheur à tous les genres, histoire, paysage, fleurs,
animaux, portraits en grand et en miniature. Il n'y a peut-
être pas une église ou un palais de la Ligurie qui ne pos-
sède quelque œuvre de lui. Citons à San Gesù de Gênes,
un retable peint dans le style de son premier maître ; à la
cathédrale San Lorenzo et dans l'église de Voltri, une
Crèche et une Nativité de la Vierge, exécutées dans le
goût de Strozzi.
FERRARI (Leonardo), dit le Leonardino ou le Lonar-
dino, peintre italien de l'école bolonaise, de la première
moitié du xvne siècle, mort après le 43 févr. 4648, date
inscrite sur son testament. Elève de Mucio Massari, il
s'adonna tout ensemble aux sujets familiers, caricaturesques,
et au genre religieux. Les églises de Bologne conservent de
lui un certain nombre de tableaux.
FERRARI (Giacomo), peintre italien de l'école crémo-
naise (xvne siècle), né à Mantoue. Il y a de lui, à Saint-
Georges-et-Saint-Pierre de Crémone, les Martyres de saint
Guarini et de saint Alexandre (4657 et 1658) et des
légendes de la vie de Pépin et de Plectrude ; puis, à Saint-
Dominique, un tableau représentant ce saint et Simon de
Montfort chassant les Albigeois. Il finit par s'adonner à
F alchimie et mourut misérable et dément.
FERRARI (Eusebio), peintre italien de l'école piémon-
taise (xvii9 siècle), né à Verceil. Il a laissé de nombreux
tableaux dans les églises de sa ville natale, déjà décorées à
fresque par son devancier Ferrari, et notamment à Saint-
Paul-des-Bénèdictins .
FERRARI (Luca), dit Lucade Reggio, peintre italien,
né à Reggio (Emilie) en 1603, mort à Padoue en 1654.
Bien que Lanzi (Storia délia Pittura) le rattache à l'école
vénitienne, il vécut et enseigna à Padoue et, en sa qualité
d'élève du Guide, il relève plutôt de l'école bolonaise, dont
il conserva la grâce, tout en affectant dans ses fresques de
la Madonna délia Ghiara de Reggio une manière qui rap-
pelle celle de Tiarini. Sa Descente de croix à Saint-An-
toine de Padoue, la Peste de 1630, aux Dominicains de
la même ville, son Elie et saint Jean, à la Madonna délie
Lagrime de Bologne, attestent ses qualités de coloriste hors
ligne. Il eut pour élèves Minorello, Cirello et Francesco
Zanella.
FERRARI (Orazio), peintre italien de l'école génoise,
né à Voltri en 1606, mort à Gênes en 1657. Bon fres-
quiste, il peignit encore mieux à l'huile et vécut quelque
temps à la cour du prince de Monaco. Il y a de lui une
Cène remarquable à l'oratoire de San Siro de Gênes.
FERRARI (Ottavio), antiquaire italien, né à Milan le 20 mai
1607, mort à Padoue le 7 mars 1682. Neveu de Francesco-
Bernardino Ferrari, il fut nommé, comme ce dernier, pro-
fesseur au collège Ambrosien ; il professa aussi à l'uni-
versité de Padoue. Il jouit de la faveur de la reine Christine
de Suède et de Louis XIV; la ville de Milan le nomma
son historiographe. Ses principaux ouvrages sont les sui-
vants : Origines linguœ îtalicœ (Padoue, 1676, in -fol.) ;
DeRevestiarialibri très (Padoue, 1642, in-8), édition aug-
mentée en 1654; Analecta de re vestiaria et lato clave;
accedit dissertatio de lucernis sepulcralibus (1670,
in-4) ; Prolusiones xxvi : epistolœ, formulœ ad capienda
doctoris insignia, inscriptiones (1664-1668, 2 vol.in-8)
avec un Panegyricus Ludovico XIV, Francorum régi.
Il a aussi écrit quelques dissertations, aujourd'hui sans
valeur archéologique, sur les thermes, les mimes et combats
de gladiateurs dans l'antiquité.
FERRARI (Francesco), peintre italien, de l'école ferra-
raise, né à Castello délia Fratta, près de Rovigo, en 1634,
mort à Ferrare en 1708. Il apprit la perspective et l'orne-
ment du Bolonais Gabriel Rossi et alla avec lui à Castello
del Cattaio, où il travailla à la décoration du théâtre du
marquis degli Obizzi à San Lorenzo. Appelé ensuite à
Vienne par Léopold Ier, il y exécuta diverses œuvres du
même genre, puis revint s'établir à Ferrare, où il peignit
quelques tableaux pour San Francesco, le Gesù, San Gior-
gio et la maison Bucci. Il fit également, pour San Petronio,
la plus grande église de Bologne, un Martyre de saint
Sébastien, De l'école qu'il avait ouverte sortirent notam-
ment Mornassi, Grassaleoni, Raffanelli, Giacomo Filippi et
Antonio-Felice Ferrari, son fils, qui fut aussi son plus
illustre élève.
FERRARI (Gregorio), peintre italien, de l'école génoise,
né à Porto Maurizio (Ligurie) en 1644, mort à Gênes en
1726. Elève de Domenico Fiasella dit le Sarzana, il alla
ensuite à Parme étudier le Corrège et dut à cette imitation
un style large et original, joint à un coloris vigoureux qui
pâlit cependant dans ses fresques et que gâtent des incor-
rections de dessin et de raccourci. Ses œuvres principales
sont, à Gênes, un Saint Michel, à la Madona délie Vigne ;
plusieurs tableaux, entre autres Apollon et les Muses,
Platon et Aristote avec leurs élèves, dans les salles de
l'Université, et deux toiles auxThéatins de San Pier d'Arena.
Cet artiste a aussi travaillé à Turin et à Marseille.
FERRA RI (Antonio-Felice), peintre italien, de l'école fer-
raraise, né à Ferrare en 1668, mort en 1719. Elève de
Francesco Ferrari, son père, il travailla surtout dans sa ville
d'origine, puis à Ravenne, Padoue et Venise, et acquit dans
le genre architectural et décoratif le renom d'un artiste
habile, au style à la fois délicat et grandiose. Giuseppe
Facchinetti, Maurelio Goti et Girolamo Mengozzi furent au
nombre de ses élèves.
FERRARI (Lorenzo, abbé), peinUe italien, de l'école gé-
noise, né à Gênes en 1680, mort en 1744. Elève de Gregorio
Ferrari, son père, puis de Carlo Maratta à Rome, il procède
à la fois de l'école romaine et de celle du Corrège et excella
dans les camaïeux. Outre ses nombreux travaux en ce genre
dans les églises et les palais de sa ville natale, il a laissé,
entre autres fresques, des sujets tirés de Y Enéide, au palais
Carega, et une représentation de saints de l'ordre des au-
gustins déchaussés à l'église delà Visitation.
FERRARI (Pierre), architecte et ingénieur italien, né à
Spolète en 1753 et mort àNaples le 7 déc. 1825. Nommé
ingénieur en chef du dép. du Trasimène et chargé de grands
travaux par l'administration française du royaume d'Italie,
Ferrari, qui devint plus tard architecte de la Chambre apos-
tolique et qui fut l'auteur de nombreux plans de villas, est
surtout connu par ses études de dessèchement des lacs de
Trasimène et de Fusin et par son ouvrage paru en 1825 et
intitulé De l'Ouverture du canal navigable qui, de la
mer Adriatique, en traversant l'Italie, déboucherait
en deux endroits de la mer Méditerranée. Ch. L.
FERRARI (Giacomo-Gotifredo) , musicien italien, né à
Roveredo en 1759, mort à Londres en déc. 1842. Il com-
mença ses études musicales à Vérone, les perfectionna à
Mariaberg, dans le Tirol, où il reçut des leçons de contre-
point d'un moine fort bon harmoniste, le père Marianus
Stecher, Après deux années, il revint en Italie, et trois
ans plus tard quitta les affaires pour la musique. On le
retrouve à Rome, puis à Naples, où Paisiello le recommande
au contrapuntiste Latilla, avec lequel ses progrès sont
rapides. Campan, maître d'hôtel de la reine de France, lui
propose de venir à Paris; il y consent, et Mme Campan le
présente à la reine, qui apprécie son talent d'accompagna-
teur et veut faire de lui son maître à chanter. En 1791,
Ferrari est nommé accompagnateur au théâtre de Monsieur
(le théâtre Feydcau); en 1793, la troupe étant dispersée,
il se livre à la composition, met en musique les Evéne-
ments imprévus, mais n'obtient pas de succès. Il se rend
à Bruxelles, à Spa, à Londres, et partout se fait applaudir
comme claveciniste. C'est à Londres qu'il se fixe; il y
compose, et donne aussi des leçons de chant; cependant
il voyage quelque temps en Italie, et fait même un séjour
prolongé à Edimbourg. Outre l'opéra cité plus haut, Fer-
rari a écrit : La Villanella rapita, opéra bouffe, et trois
autres opéras italiens, dont l'un surtout fut estimé, I Due
Suizzeri; deux ballets, Borea e Zefflro et La Dama di
FERRARI
— 316 —
spirito; des ariettes, romances, duos italiens, canzo-
nettes, etc. ; le Départ, grande scène ; deux airs français
célèbres : Qu'il faudrait de philosophie, et Quand
l'Amour naquit à Cythère, etc. On lui doit aussi un
Treatise of singing, traduit sous le nom de Méthode de
chant (Paris, 48%!); un autre traité, Studio di musica
pratica e teorica; deux livres d'exercices vocaux inti-
tulés Solfegi, et un recueil anecdotique sur sa vie, sous
ce titre : Anedoti piacevoli e interessanti occorsi nella
vita di Giacomo Gotifredo Ferrari (Londres, 1830,
2 vol.).
FERRARI (Bartolommeo), sculpteur italien, néà Maros-
tica (Vicentin) le 18 juil. 1780, mort à Venise le 8 févr.
1844. Elève de son oncle Giovanni Ferrari-Torretti, il
acheva de se former à Florence et exécuta beaucoup de sta-
tues, crucifix, monuments funéraires, à Padoue, à Ferrare
et surtout à Venise. Citons de lui dans cette dernière ville :
le buste de François-Joseph à l'Arsenal, des ornements
du maître-autel de Saint-Marc, les figures du tombeau de
Canova aux Frari, et de remarquables sculptures en bois à
l'église des Jésuites. Ce fut lui qui restaura en 1815 le
Lion ailé de Saint-Marc.
FERRARI (Luigi), sculpteur italien, fils du précédent, né
à Venise en 1811. Elève de Canova et un des artistes qui
travaillèrent au monument de ce maître aux Frari, il est
devenu professeur à l'Académie de Venise. Il a exécuté
d'autres œuvres remarquables, parmi lesquelles nous
citerons : un Laocoon, groupe en marbre qui est au Mu-
seoCivicode Brescia, xmEndymion (palais Erizzo, Venise),
une Madone délie concezione, dans la chapelle privée du
comte Villadarzere ; un marbre de la Mélancolie, chez le
chevalier Uboldi à Milan, deux David vainqueur de Go-
liath, une statue de Marco Polo, des bustes de Dante
et de Raphaël, l'Innocence donnant la pâture à un
oiseau, une Fille priant sur le tombeau de son père,
FERRARI (Giuseppe), philosophe et homme politique
italien, né à Milan le 7 mars 1812, mort à Rome le 2 juil.
1876. Il fit ses études à l'université de Pavie et fut reçu
docteur en droit (1831). Disciple de Romagnosi, il débuta
dans la Biblioteca italiana par un écrit sur la Mente di
Gian Domenico Romagnosi (1835). La même année, il
donna une édition complète des œuvres de Vico, accompa-
gnée d'une étude sur la Mente di Giambattista Vico.
Cette édition a été réimprimée depuis dans la collection des
classiques italiens (Milan, 1852-1854, 6 vol. in-8). En
1837, le besoin de liberté l'amena en France. Il s'y fit
connaître par une étude sur Vico et V Italie (Paris, 1839).
En 1840, il fut reçu docteur es lettres en Sorbonne : ses
thèses sur la Nouvelle Religion de Campanella et la
Théorie de l'erreur firent sensation. Cousin lui donna une
chaire de philosophie au collège de Rochefort. L'année
suivante, la hardiesse de ses idées le fit refuser à l'agré-
gation. Cependant, en 1842, il fut chargé de suppléer
l'abbé Bautain dans la chaire de philosophie de la faculté de
Strasbourg. Dès ses premières leçons, il souleva les cla-
meurs des cléricaux, qui lui attribuèrent comme opinions
personnelles des citations de Platon sur la communauté des
biens et des femmes. Immédiatement destitué par Ville-
main, il revint à Paris et publia pour sa justification les
Idées sur la politique de Platon et d Aristote. Reçu
agrégé en 1843, il resta en disponibilité. Collaborateur de
la Revue des Deux-Mondes si de la Revue indépendante,
il leur donna des articles très remarqués sur le mouvement
littéraire et politique en Italie. Son plus important ouvrage
dans cette période fut V Essai sur le principe et les
limites de la philosophie de l'histoire (Paris, 1847).
En 1848, Hippolyte Carnot le réintégra dans la chaire de
Strasbourg, mais il passa bientôt comme titulaire au col-
lège de Bourges. Un discours adressé à ses élèves contre
l'expédition de Rome le fit suspendre de nouveau (1849).
Une brochure sur les Philosophes salariés, qu'il lança
alors, lui aliéna ses collègues de l'Université. Tout entier
à ses travaux, il publia Machiavel juge des révolutions
de notre temps (1849) ; La Federazione repubblicana
(Capolago, 1851); La Filosofla délia rivoluzione (Capo-
lago, 1851 , 2 vol.); L'Italia dopo il colpo di Stato (Capo-
lago, 1852) ; Histoire des Révolutions d'Italie, ou
Guelfes et Gibelins (Paris, 1858, 4 vol. in-8). Une édi-
tion italienne de cet ouvrage a paru à Milan (1871-1873,
3 vol.). Les événements de 1859 le rappelèrent en Italie,
où il fut d'abord député de Luino. Fédéraliste, il combat-
tit avec ardeur la politique unitaire de Cavour. Apprécié
comme orateur, admiré comme écrivain, estimé comme
galant homme dans la vie privée, mais, porté par nature
à la contradiction, aimant à se singulariser, se faisant vo-
lontiers un mérite de son isolement, Ferrari n'eut aucune
action dans la Chambre, où il représenta dans les législa-
tures suivantes le collège de Gavirate . Il revenait passer
ses vacances à Paris. Ami intime de Proudhon, s'il subit
l'influence du grand^ polémiste sur plus d'un point, il
exerça la sienne sur lui en ce qui concernait la question
italienne. Malgré son opposition à l'unité monarchique, il
fut bien traité par le pouvoir, qui lui ouvrit tour à tour,
selon ses convenances, des chaires à Turin, à Milan, à
Rome. Membre de l'Institut lombard et du conseil supé-
rieur de l'instruction publique, il fut fait sénateur le
15 mai 1876, six semaines avant sa mort. Entre autres
ouvrages de Ferrari, on cite encore ceux-ci : Histoire de
la raison d'Etat (1860) ; La China e VEuropa (1867) ;
Corso d'istoria delli scrittori politici italiani ; La
Mente di Pietro Giannone; Teorïa dei periodi poli-
tici, etc. Au moment où la mort le surprit, il préparait
une œuvre qu'il dcp^X&iXYAritmeticaneiristoria, et dans
laquelle il voulait prouver, à grand renfort de chiffres, que
les événements se sont toujours accomplis et devront fata-
lement s'accomplir, non seulement de telle manière don-
née, mais dans telle année précise. « A la recherche de
l'homme libre, concluait-il, j'ai trouvé l'homme-machine. »
M. Stefano Bissolati a dit de Giuseppe Ferrari que, « scep-
tique et fédéraliste, il eut uniquement pour but de dissiper
les illusions du sens commun et d'abattre la tyrannie des
écoles dogmatiques ». En somme, esprit brillant, mais
tout à la fois systématique et paradoxal. F. Henneguy.
Bibl. : Mauro Macchi, Annuario istorico italiano ;
Milan, 1877.
FERRARI (Paolo), auteur dramatique italien, né à Mo-
dène le 5 avr. 1822. Il débuta assez jeune, mais n'atteignit
quelque réputation qu'avec Codicillo et La Donna e lo
Scettico, comédies demeurées au répertoire. C'est de
1852 que date sa pièce intitulée Goldoni e le sue sedici
commedie; elle eut beaucoup de succès et fut promenée
en triomphale « tournée » sur les principales scènes ita-
liennes. Ses meilleures productions sont ensuite : Parini
e la Satira (1857), où l'on trouve le curieux type du
marquis Colombi, qui amusa grandement le public du
théâtre Alfieri de Turin ; Il Duello, il Suicidio, Gli
Amici rivali, Cause ed effetti, Il Ridicolo, Gli Uomini
serii, suite de drames intéressants, dans la formule semi-
romantique. Il a beaucoup écrit et ses pièces sont toujours
habilement construites, pleines de mouvement, bien dialo-
guées, imaginées par un assez sagace observateur ; mais
toutes ces qualités ne suffisent pas, lorsque manque l'ori-
ginalité.: Paolo Ferrari fut un disciple attardé de Goldoni
qui renouvela la méthode de son maître par l'étude et l'imi-
tation du théâtre français moderne. R. G.
Bibl. : Revue internationale, de Florence, t. I. — L. For-
tis, Paolo Ferrari ; Milan, 1889, in-8.
FERRARI (Ettore), sculpteur italien, né à Rome le
25 mars 1847. Elève de son père Filippo Ferrari, puis de
l'Académie, il fit en 1870 un voyage d'études dans les prin-
cipales villes d'Italie et se lia avec les maîtres les plus
éminents. Parmi ses œuvres, récompensées aux diverses
expositions publiques, citons : les Martyrs, d'après Cha-
teaubriand; la statue de Stefano Porcari (1871); le
Suicidé (Jacopo Ortis, 1877), et surtout son groupe de
marbre, Cum Spartaco pugnavit (1880). Il s'est aussi
beaucoup occupé d'études littéraires et de peinture.
FERRARI (Dr Ciro-), météorologiste italien, né à Vé-
rone le 21 janv. 1856. Elève du P. Denza, au collège de
Moncalieri, docteur es sciences physiques à l'université de
Turin (1880), il entra comme météorologiste adjoint au
bureau central de météorologie de Rome. Depuis 1888, il
est chargé du cours libre de météorologie à l'université de
Padoue et membre correspondant de la Société allemande
de météorologie. Il a publié de nombreux articles dans des
revues italiennes, françaises et allemandes. Ses mémoires
originaux, très importants, donnent de précieux documents
sur les orages en Italie et sur les orages en général. Les
Osservazioni dei temporali raccolte net 1880, 1881,
1882-1 883, e relaUvo studio, dans les Annali delV
Ujfizio centrale di meteorologia (série II et vol. II, V, VI),
forment un vaste ensemble de près de 1,000 pages gr. in-4,
et de 111 planches. VAndamento tipico dei registratori
durante un temporale (ibid., vol. VII) restera comme
une des études les plus solides qui aient été faites sur cette
question difficile. E. Durand-Gréville.
FERRARI (Severino), poète moderne italien, né à Albe-
rino, prov. de Bologne, en 1856. Il prit ses grades uni-
versitaires à Florence (1881-82), fut successivement pro-
fesseur à Macerata, La Spezia, Reggio, Païenne et enfin
Modène. L'activité de Ferrari s'est partagée entre la poésie
et la critique. Poète, il est un des représentants les plus
intéressants de la jeune école italienne. Il se distingue sur-
tout par la pureté et l'éclat d'une forme non exempte tou-
jours d'un peu de préciosité (particulièrement dans ses
imitations de la poésie savamment naïve et rustique de
Politien et de L. de' Medici) et par un mélange savoureux
de fantaisie et d'émotion. Critique, il s'est voué surtout à
l'histoire de la poésie populaire italienne dans sa plus an-
cienne période et de ses imitations plus ou moins savantes.
Voici la liste de ses principales publications. Poésie : Il
Mago (Florence, 1882, satire littéraire dans un cadre lyrique
et fantastique); Bordatini (Ancône, 1885); Secondo Libro
dei Bordatini (Florence, 1886) ; Versi (Modène, 1892).
Prose : A Proposito di Olimpo di Sasso-ferrato (petit
volume de polémique littéraire); Biblioteca di lettera-
tura popolare (Florence, 1882, recueil capital pour l'his-
toire de la poésie populaire italienne du xivc au xvie siècle) ;
UContrasto délia Bianca e délia Bruna (Turin, 1885,
extr. du Giorn. storico) ; Documenti per servir e aWis-
toria délia poesia semipopolare cittadinesca in Italia
nei secoli xvi e xvn (Bologne, 1887, extr. du Propugna-
tore) ; Gabriello Chiabrerae laCoronad'Apollo (Gênes,
1888, extr. du Giorn. ligustico) ; Gabriello Chiabrera e
le raccolte délie sue rime da lui medesimo ordinale
(Faenza, 1888); UIncatenatura dei Bianchino, nuove
ricerche(Gcène$, 1888). Enfin il a publié dans la collection
classique Sansoni de très bonnes éditions de la Gerusa-
lemme liber ata, de Ugo Foscolo, et un choix de poètes
lyriques italiens du xixe siècle. A. Jeànroy.
Bibl. : G. Mazzoni, Poeti giovani, 1886.
FERRARI-Toretti (Giovanni), sculpteur italien, né à
Crespano (Vénétie) en 1744, mort à Venise en 1826. Il
eut pour premier maître, à onze ans, son oncle Giuseppe
Bernardi-Toretti, dont il prit le nom par la suite et qu'il
commença par aider dans ses travaux. Il alla ensuite à
Mantoue, à Modène, à Bologne, à Rome, où il passa sept
années, puis revint s'établir à Venise, où il s'employa à la
décoration des églises, palais et jardins. Parmi ses œuvres
principales, nous citerons le monument de Y Amiral An-
gioloEmo (Servîtes), une Psyché de marbre et d'autres
statues au Prato délia Valle à Padoue.
FERRARIS (Lucius), provincial de l'ordre de Saint-
François, consulteur du Saint-Office, né à Solero, près
d'Alexandrie. OEuvre principale : Prompta bibliotheca
canonica, juridica, moralis, necnon ascetica, pôle-
mica... ordine alphabetico congesta (Bologne, 1746,
8 vol. in-4). La valeur historique de ce livre est à peu
près nulle, mais la disposition des matières par ordre
alphabétique et la citation des décisions des Congrégations
317 — FERRARI — FERRASSIÈRES
romaines et de la Rote lui ont valu un succès attesté par
de nombreuses éditions, auxquelles on a ajouté successi-
vement les suppléments nécessités par les développements
de la jurisprudence et de la réglementation ultramontaines.
La dernière a été composée dans l'imprimerie de la Pro-
pagande (Rome, 1888, 9 vol. in-4). E.-H. V.
FERRARIS (Joseph, comte de), général et géographe
autrichien, né à Lunévilie le 20 avr. 1726, mort à Vienne
le 1er avr. 1814. Il entra dans l'armée autrichienne en
1735; colonel pendant la guerre de Sept ans, il se dis-
tingua à la bataille de Hochkirchen. Lieutenant général en
1763, il devint, en 1767, directeur général de l'artillerie
dans les Pays-Bas. Deux ans plus tard, il soumit au prince
Charles de Lorraine (V. ce nom), gouverneur général,
un projet tendant à lever sur le terrain la carte des pro-
vinces belges au 11,250e et à la publier, réduite au
86,400e, en gravure sur cuivre ; ce projet revenait en
somme à continuer sur le territoire belge ia carte de Cas-
sini, dite de l'Académie, qui, depuis 1750, était en cours
de publication en France. Il sut mener ce gigantesque
projet à bonne fin ; il fut, du reste, puissamment aidé par
la bienveillante intervention de Marie-Thérèse, de Joseph II
et de Kaunitz ; l'exécution de la carte de Ferraris coûta
273,000 florins, mais c'était un chef-d'œuvre. Ferraris
prit une part brillante à la guerre de 1793 contre la France
et fut élevé en 1808 à la dignité de feld-maréchal. — Son
fils, Louis de Ferraris, fut un diplomate distingué, et
signa, au nom de l'Autriche, les traités de Campo-Formio
et de Lunévilie. E. H.
Bibl. : Gachard, Notice historique sur la rédaction et
la publication de la carte des Pays-Bas autrichiens, par le
général-comte de Ferraris, dans les Mémoires de l'Aca-
démie royale de Belgique; Bruxelles, 1843: t. XVI, in-4. —
Hennequin, Etude historique sur l'exécution de la carte
de Ferraris, dans le Bulletin de la Société royale belqe de
géographie; Bruxelles, 1891, t. XV, 177-297.
FERRARIS (Carlo de), littérateur italien, né à Aversa,
dans le royaume de Naples, en 1821, mort en 1890. Il a
publié quelques volumes de vers : Versi (Naples, 1840);
Baccolta délie poésie di Carlo De Ferraris, per cura
dei prof essor Tulelli (Naples, 1855); Seconda Baccolta
(Naples, 1861); Terza Raccolta (Naples, 1871). Les
œuvres en prose ont été recueillies par M. Emanuele Rocco :
Prose varie (Naples, 1876). Cet écrivain jouit d'une cer-
taine réputation toute locale.
Bibl.: Emanuel Rocco, Prefazione aile Prose varie;
Naples, 1876.
FERRARO (Giuseppe), érudit italien, né à Carpeneto
d'Acqui en 1846. Professeur à l'Ecole normale supérieure
de Pise. Il s'est surtout occupé de publications relatives
au folk-lore du Montferrat (V. Complainte) : Canti po-
polari monferrini (Turin et Florence, 1870, dans la
collection des Canti e racconti dei popolo italiano de
Comparetti et d'Àncona) ; Super stizioni, usi e proverbi
monferrini (Turin et Païenne, 1886) ; Canti popolari
dei Basso-Monferrato (ibid., 1888), etc.
FERRARY (Désiré -Maurice), sculpteur français con-
temporain, né à Embrun en 1852. Elève de M. Cavelier,
il obtint en 1882 le grand prix de Rome. Il avait déjà
débuté au Salon en 1875, avec un Narcisse, statue plâtre ;
ses expositions suivantes, Une Charmeuse, statue plâtre
(S. 1878) et surtout Belluaire agaçant une panthère
(S. 1879), avaient mis en relief son talent hardi, puissant
et original. Le bronze de cette dernière œuvre a été acheté
par la ville et placé au square des Batignolles. En 1886,
il exposa un gracieux bas-relief de Mercure. On peut
encore citer de lui la Décollation de saint Jean-Baptiste,
groupe marbre (S. 1889), et son dernier ouvrage, Phryné,
statue plâtre. Ad. T.
FERRASSIÈRES. Corn, du dép. de la Drôme, arr. de
Nyons, cant. de Séderon, au pied du mont Ventoux ;
312 hab. Miel renommé. Ruines du château de la Gabelle,
Les gouffres de Monieux et de Ferrassières, d'une grande
profondeur, passent pour alimenter la fontaine de Vaucluse.
FERRAT — FERRÉ
— 318 -
FERRÂT (Cap). Cap de la côte d'Algérie, à 2 milles à
F 0. du cap Carbon, par 35° 54' 20" de lat. N. et 2° 42' 52"
de long. 0.
FER RATA (Ercolè), sculpteur italien, né à Pelsotto di
Como vers 4614 (vers 1630, d'après Nagler), mort à
Rome en 1686. Après avoir étudié à Gênes sous Tommaso
Orsolino, son parent, il entra à Rome dans l'atelier de
l'Algarde et travailla surtout dans cette ville, ainsi qu'à
Florence et à Naples. Nul artiste n'eut une connaissance
plus approfondie de l'antique et ne s'entendit mieux à le
restaurer. Parmi ses œuvres, nous citerons à Rome : le
bas-relief du maître-autel de Santa Francesca Romana,
représentant cette Sainte lisant un livre; la statue de
la Force, du tombeau de Léon XI à Saint - Pierre ; la
figure de Saint Pierre dans le grand bas-relief d'Attila
qui surmonte en la même basilique l'autel de Saint-
Léon ; la Charité qui orne le tombeau de Clément IX
à Sainte-Marie-Majeure ; les sculptures du maître-autel
(Sainte Agnès) et des autels latéraux (Martyres de
sainte Emérance et de saint Eustache), dans l'église
Santa Agnese de la place Navone, Sous le pontificat
d'Alexandre VI, il aida le Bernin à faire les modèles des
colosses qui portent la chaire de Saint-Pierre et exécuta
ensuite, pour l'église de laMinerva,le tombeau du Cardinal
Bonelli; pour la place du même nom, l'Eléphant de
marbre qui porte l'obélisque ; pour la façade de Saint-
André délia Valle, la Renommée et les Stations de saint
André apôtre et du bienheureux André oVAvellino;
pour Saint- Ange, Y Ange colossal tenant la croix; pour
Saint- Jean-d es-Florentins, une statue de la Foi placée près
du maître-autel et les tombeaux à'Ottaviano Acciajuoli
et du Cardinal Falconieri ; pour Santa Maria délia Pace,
le Saint Bernard et les quatre enfants qui soutiennent
le frontispice de la chapelle où se trouvent les fameuses
Sibylles de Raphaël. Entre temps (1677), il avait été ap-
pelé à Florence par le grand-duc Cosme III, pour y res-
taurer les trois sculptures antiques qu'on venait d'apporter
de Rome : la Vénus deMédicis, les Lutteurs, le Rémou-
leur. Outre ces travaux, il exécuta pour la chapelle Chigi
de la cathédrale de Sienne, un Saint Bernardin et une
statue à' Alexandre VIII , pour la cathédrale de Modène,
l'effigie de l'évêque Robert Fontana ; pour le baptistère de
Reggio, une Sainte Jeanne Chantai, puis des statues
ou ornements de fontaine destinés à la Sicile, au Portu-
gal, et pour Venise, un Hercule enfant luttant contre un
serpent, qui fut un de ses derniers ouvrages. Ferrata
était, depuis 1651, membre de l'Académie de Saint-Luc.
Au nombre de ses élèves figurèrent Felippo Carcani, Giu-
seppe Mazzuoli, Carlo Foggini, L. Lottone et P. Balestri.
FERRAZ (Marin), philosophe français, né à Ceyzérieu
(Ain) le 28 mars 1820. Il fit ses études au collège de
Belley, puis au lycée de Lyon, où il fut élève de l'abbé
Noirot. Etudiant libre à Lyon, il y prit sa licence es lettres
en 1844, et fut successivement professeur de rhétorique
aux collèges d'Ajaccio (1844-51) et de Châteauroux
(1851-52), professeur de philosophie à Bourg (1852-53).
Agrégé cette même année (c'était le temps de l'agrégation
unique), il enseigna ensuite au lycée de Bourges (1853-
56) et de Strasbourg (1856-63). Des thèses de doctorat
estimées (De Stoïca Disciplina apud Poetas Romanos,
in-8 ; et la Psychologie de saint Augustin, Paris, in-8 ;
celle-ci couronnée par l'Académie française), le firent nom-
mer à la faculté des lettres de Lyon (1863), d'abord profes-
seur suppléant de littérature ancienne, puis chargé de cours
(1864) et enfin titulaire de la chaire de philosophie, qu'il
occupa de 1865 à 1884. Représentant élu des facultés
des lettres au conseil supérieur de l'instruction publique de
1880 jusqu'à sa retraite, souvent lauréat de l'Institut,
l'Académie des sciences morales et politiques le nomma
membre correspondant en 1888. Ses ouvrages, presque
tous le fruit de son enseignement, à la fois consciencieux
et solides de fond, châtiés déforme, sont : la Philosophie
du Devoir (Paris, 4869, in-8; 3e éd., ibid., 1878, in-12);
complétée en 1881 pariVos Droits et nos Devoirs (Paris,
in- 12); Histoire de la philosophie en France au
xixe siècle, première partie : Socialisme, naturalisme et
positivisme (Paris, 1882, in-12, 3e éd.); deuxième
partie :_ Traditionalisme et Ultramontanisme (Paris,
1880, in-12, 2e éd.); troisième partie : Spiritualisme et
Libéralisme (Paris, 1891, in-12, 2e éd.); Histoire de la
philosophie pendant la Révolution (Paris, 1889,
in-12). H. M.
FERRAZ2I (Giuseppe-Jacopo), littérateur et biblio-
graphe italien, né à Cartigliano, près de Bassano, le 20 mars
1813, mort en 1880. On lui doit les ouvrages suivants
parmi lesquels une série de bibliographies spéciales d'une
réelle valeur et indispensables pour l'étude de l'histoire
littéraire italienne : Di Bassano, edei Bassanesi illustri
(Bassano, 1847) ; Giuseppe Cogo, cenni biografici (Bas-
sano, 1 832) ; Volgarizamenti, in versi sciolti, dell'Eglo-
ghe di Virgilio, suivi d'une étude sur la poésie pastorale
et de notes philologiques et esthétiques (Bassano, 1853-
55) ; Antologia italiana (Vienne, 1858-59); Manuale
Dantesco (Bassano , 1864-65, 3 vol.); Bibliografia
Dantesca (Bassano, 1871-77, 2 vol.); Bibliografia Pe-
trarchesca (Bassano, 1877); Torquato Tasso, studii
biografici, critici e bibliografici (Bassano, 1880) ; Bi-
bliografia Ariostesca (Bassano, 1881)., R. G.
FERRÉ (Le). Com. du dép. dTlle-et-Vilaine, arr. de
Fougères, cant. de Louvigné-du- Désert; 1,455 hab.
FERRÉ dit le Grand-Ferré, paysan du village de Rive-
court, entre Pont-Sainte-MaxenceetCompiègne. Il se ren-
dit célèbre par ses exploits contre les Anglais vers 1358.
Ancien Jacquier, il avait été pris, à cause de son courage et
de sa force prodigieuse, comme lieutenant par Guillaume
Alaud ou L'A loue, chef des paysans qui s'étaient réunis pour
défendre le château fort de Longueil. Les Anglais de Creil,
ayant pénétré dans ce château par une brèche non encore
réparée, tuèrent L'Aloue et les quelques hommes qui
s'étaient réunis à sa voix. Mais le Grand Ferré, ayant réuni
et mis en ordre le reste de la petite garnison volontaire,
fondit sur les agresseurs, sa lourde hache à la main, et, aidé
des gens du bourg, il les détruisit presque jusqu'au der-
nier. Les chroniqueurs prétendent qu'il en tua quatre-vingt-
cinq de sa propre main, sans compter ceux qu'il blessa. Le
gouverneur anglais de Creil ayant envoyé dès le lendemain
un nouveau corps de troupes commandé par des officiers
expérimentés, le Grand Ferré s'avança à leur rencontre et
le détruisit pareillement. Puis, après ces prodigieux exploits,
le brave paysan se retira dans sa maison de Rivecourt et
l'histoire perd complètement sa trace. On lui a élevé der-
nièrement un petit monument à Longueil. C. St-A.
Bibl. : Graves, Statist. du canton d'Estrëes-Saint-De-
nis ; Beauvais, 1832. — Michelet, Hist. de France. — Si-
méon Luce, Acad. des Insc?\, séance du 14 août 1891,
C. R., p. 266. '
FERRÉ (Charles-Théophile), né à Paris en 1845, mort
à Satory le 28 nov. 1871. Comptable chez un agent d'af-
faires, il se fit remarquer de bonne heure dans les réunions
publiques où il défendait avec une conviction ardente les
doctrines socialistes. Affilié au mouvement blanquiste, il
prit part à toutes les manifestations de la fin de l'Empire.
En 1869, il était emprisonné à Sainte-Pélagie où avec Raoul
Rigault et d'autres il tenta une insurrection contre les gar-
diens qui aboutit à une lourde aggravation de peine. Im-
pliqué dans le procès de Blois, il comparut le 19 juil. 1870
devant la Haute Cour et se fit expulser de l'audience pour
ses véhémentes interpellations au président. Il fut d'ailleurs
acquitté. Pendant le siège de Paris il organisa le comité de
vigilance du XVIIIe arr., figura dans les compagnies de
marche du 152e bataillon de Montmartre, participa à
l'insurrection du 18 mars et fut élu, le 26, membre de la
Commune par le XVIIIe arr. Membre du comité de Sûreté
générale, substitut du procureur de la Commune, il fut délé-
gué le 4 avril à la Sûreté générale où il remplaça Duval, et
du 14 au 24 mai exerça les fonctions de préfet de police.
Après avoir évacué la préfecture, il se rendit à la mairie
- 349 -
FERRÉ - FERREL
du XIe arr,, contribua ardemment à la résistance et réussit
à se cacher dans Paris après la chute de la Commune. Dé-
couvert dans une mansarde delà rue Montorgueil, ilfuttra-
duit devant le 3e conseil de guerre à Versailles. Il dédaigna
de se défendre, mais protesta avec la dernière énergie contre
la production d'une fausse lettre de lui adressée au citoyen
Luçay et qui contenait les mots trop éloquents de « Flam-
bez Finances ». Condamné à mort le 2 sept. 4871, il fut
fusillé à Satory le 28 nov. avec Rossel et Bourgeois. Il
mourut avec le plus grand courage, en criant*: « Vive la
Commune ! »
FERREIRA (Bernarda) (V. Cerda).
FERRE1RA (Antonio), célèbre poète et auteur drama-
tique portugais, né à Lisbonne en 4528, mort à Lisbonne
en 4569. Issu de parents nobles, il fut destiné à la ma-
gistrature et fit ses études à l'université de Coïmbre où
il cultiva avec passion la langue et la littérature grecques
sous la direction de Féminent Diogo de Teives. Reçu doc-
teur en droit, il fut pourvu d'une chaire, à laquelle il
renonça bientôt, pour aller exercer à Lisbonne les fonctions
de juge à la cour suprême. Protégé par le roi Jean III,
estimé des plus grands personnages, il fut enlevé prématu-
rément par la peste et sa mort fut regardée comme une
calamité publique. Un des plus illustres représentants de
l'humanisme en Portugal, Ferreira s'est formé comme
poète sur les modèles de l'antiquité grecque et latine. Ses
odes, ses épîtres, d'une grande élégance de langage, le
firent surnommer l'Horace portugais ; certaines de ses
églogues rappellent la grâce virgilienne ; ses épigrammes
sont coulées dans le moule hellénique. Par contre, dans ses
nombreux sonnets, il montre une inspiration personnelle,
tout en étant disciple de Pétrarque au point de vue de la
forme. Ses poésies, qui circulaient en manuscrits de son
vivant, ne furent publiées que près de trente ans après
sa mort, par les soins de son fils (Poemas lusitanos;
Lisbonne, 4598, in-4 ; rééd. en 4771, 2 vol. in-8, et
en 4829, 2 vol. in-4 6). Plus grande est son importance
comme poète dramatique. Encore étudiant, il composa, pour
une fête universitaire, une comédie en prose, en cinq actes :
De Bristo, imitée des Italiens. Son autre pièce, 0 Cioso (le
Jaloux), également en prose, est la première comédie de
caractère qu'on ait vu représenter en Europe à l'époque de
la Renaissance. Ces comédies ont été publiées avec celles
de Sa de Miranda en 4622. Son œuvre la plus méritoire
est une tragédie avec choeurs, dont le sujet est Inez de
Castro. Dérivée directement du théâtre grec, c'est la
seconde tragédie qui ait paru dans les littératures modernes,
et son influence fut considérable, en raison des grandes
beautés qu'elle renferme (trad. en français, avec la pièce
précédente, par F. Denis, dans le Théâtre européen, 4835).
La meilleure édition de ses œuvres est celle donnée par
Fernandes Pinheiro (Obras complétas; Rio de Janeiro et
Paris, 4865, 2 vol. in-4 8). Ferreira fut aussi un grand
caractère et un esprit libéral; il le prouva en plaidant
chaleureusement pour la liberté de penser, dans une épître
adressée en 4564 au cardinal-infant D. Henrique, régent
du royaume, épître motivée par l'institution de la commis-
sion de Y Index. G. Pawlowski.
Bibl. : F. de Castilho, Ant. Ferreira, poeta quinhen-
tista; Rio de Janeiro, 1875, 3 vol.
FERRE! RÂ (Alexandre-Rodriguez), explorateur et natu-
raliste portugais, né à Bahia en 4756, mort à Lisbonne en
4815. Il fit de 4783 à 4793 un grand voyage d'exploration
scientifique au Brésil, visitant l'intérieur du pays, le bassin
de l'Amazone, le Matto Grosso , etc. Malheureusement la
plus grande partie de ses manuscrits furent perdus. Revenu
à Lisbonne, il fut administrateur du Cabinet d'histoire natu-
relle et du Jardin botanique.
FERREIRA (Sylvestre Pinheiro), diplomate et philo-
sophe portugais, né à Lisbonne le 34 déc. 4769, mort à
Lisbonne le 4er juil. 4846. Après être entré chez les ora-
toriens avec l'intention d'embrasser l'état ecclésiastique, il
quitta cette congrégation et obtint au concours, en 4793,
la suppléance d'une chaire de philosophie à l'Université de
Coïmbre. Son attachement aux doctrines de Condillac lui
valut des persécutions : il s'exila volontairement (4797),
séjourna quelque temps en Angleterre et en Hollande, et
devint secrétaire de la légation portugaise à Paris. En-
voyé, en 4802, à Berlin comme chargé d'affaires, il fut
destitué en 4807, sur la demande de Napoléon Ier, irrité de
ce qu'il avait informé le prince régent de ses projets contre
la péninsule ibérique. Il rejoignit alors la famille royale
qui s'était réfugiée au Brésil, gagna la bienveillance de
Jean VI et fut le premier qui, en 4844, lui conseilla
d'établir le gouvernement représentatif dans ses Etats d'Eu-
rope et d'Amérique comme le seul moyen d'éviter une sé-
paration qui lui semblait prochaine. A la suite de la
révolution de Porto (févr. 4824), il fut chargé du minis-
tère des affaires étrangères ; mais la faiblesse du roi rendit
vaines toutes les mesures qu'il proposa ; il suivit son sou-
verain en Portugal (4822) où il conserva son portefeuille
jusqu'à l'abolition du régime constitutionnel (avr. 4824).
Il se retira alors à Paris où il se livra exclusivement à des
travaux philosophiques et littéraires. Il ne rentra dans sa
patrie qu'après l'expulsion de dom Miguel (4834). Il était
membre correspondant de l'Institut de France.
Ferreira avait beaucoup écrit en portugais et en français
sur des sujets très divers de philosophie, de philologie, de
législation ou de droit. En philosophie, il préconisait
Locke et Condillac, tout en rejetant leurs conclusions en
matière religieuse. Ses idées morales et politiques étaient
dominées par un optimisme emprunté à l'école allemande.
Il se suppose à l'âge d'or et imagine un système duodécimal
d'organisation sociale dans lequel le principe de l'élection
est absolu. Il réclame l'élection des magistrats, l'abolition
de la peine de mort, la création de colonies pénitentiaires
et l'application du système de la nation armée. En économie
politique, il ne reconnaît que la propriété du travail ;
l'Etat seul est maître du sol. — Parmi les ouvrages de
Ferreira, citons : Synopse do codigo do processo civil
conforme as leis e estilos actuaes do fôro portuguez
(Paris, 4825, in-8); Essai de psychologie (id., 4826,
in-8); Précis d'un cours de droit public interne et
externe (id., 4830, in-8); Projectosde ordenasoês para
o Reino de Portugal (id., 4834 et 4832, 3 vol. in-8);
Observaçocs sobre a carta constitucional do reino de
Portugal et a constituiçào do imperio do Brazil (id.,
4834, in-8); Essai sur les rudiments de la langue alle-
mande (id., 4832, in-8); Manual do citadâo em uni
governo representativo ou principios de direito consti-
tucional, administrativo e dasgentes (id., 4834,2 vol.
m-8), ouvrage remanié et agrandi en français sous ce titre :
Principes du droit public constitutionnel, adminis-
tratif et des gens, ou Manuel du citoyen dans un gou-
vernement représentatif (id., 4834, 3 vol. in-8); Noçoes
elementares de ontologia (id., 1834, in-8); Noçoes élé-
mentaires de philosophia gérai (id., iS39, in-8), remanié
en français sous le titre de Précis d'un cours de philo-
sophie élémentaire (id., 4844); Précis d'un cours
d'économie politique (id., 4840, in-4 2), enfin de nom-
breux articles dans le Panorama. Th. Ruyssen.
Bibl.: J.-J. Louzada de Magalhâes, 8. P. Ferreira,
sein Leben und seine Philosophie ; Bonn, 1881, in-8, où Ton
trouvera la liste complète des ouvrages de Ferreira,
FERREIRA da Camara (Emmanuel) (V. Camara).
FERREIRA da Veiga (Evaristo) (V.Veiga).
FERREL (William), météorologiste américain, né à Bed-
ford (Pennsylvanie) le 29 janv. 4847. Il a été attaché de
4857 à 4867 à la rédaction de VEphemeris and nauti-
calÂlmanac, de 4867 à 4882 au Coast Survey Office, de
4882 à 4886 au Signalarmy Office. Il est membre de l'Aca-
démie américaine des arts et des sciences depuis 4868 et
correspondant de la plupart des sociétés de météorologie
européennes. Il a fait un nombre considérable d'observa-
tions météorologiques et marégraphiques, dont les résul-
tats se trouvent pour la plupart consignés dans les Reports
FERREL — FERRER
— 320 —
of the Coast and Geoditic Survey et dans les Professio-
nal Papers of the .Signal Service. Il a inventé un appareil
pour l'annonce des marées. Il a écrit (outre des mémoires
et articles insérés dans Y Astronornical Journal de Gould,
dans Y American Journal de Silliman, dans les Proceed-
ings de l'académie américaine, dans la Nature de Londres
et dans quelques autres publications spéciales) : Conver-
gying Séries expressing the Ratio between the Diame-
ter and the Circumference of a Circle (Washington,
4874, in-4) ; The Motions of Fluids and Solids on the
Earth's Surface (ib., 4882) ; Température of the Atmo-
sphère and Earth' s Surface (ib., 4884), etc. L. S.
Bibl. : V. les titres des mémoires de W. Ferrel anté-
rieurs à 1884 dans le Catalogue of scientific papers de la
Société royale; Londres, 1868,1877 et 1891, t. II, VII et IX.
FERRENSAC. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Villeneuve-sur-Lot, cant. de Castillonnès ; 434 hab.
FERRÉOL ou FORGET (Saint), Ferreolus, martyr et
premier évêque de Besançon. Fête le 46 juin. Suivant la
légende, il était originaire d'Athènes et disciple de saint
Irénée, qu'il avait suivi dans la Gaule. Il fut envoyé par
lui, avec son frère Ferratio (Ferjeux), pour établir une
Eglise chrétienne à Besançon. Les deux frères furent ar-
rêtés par ordre de Claude, préfet, et décapités vers 244.
Une rue de Besançon porte le nom de rue des Martyrs ;
c'est là que la tradition place le lieu de leur supplice.
FERRÉOL (Saint), Ferreolus, 5e évêque d'Uzès, né en
524, mort en 581. Par son père, il descendait de l'empe-
reur Avitus et de deux préfets des Gaules ; par sa mère,
il était petit-fils du roi Lothaire Ier. Elevé au siège d'Uzès,
où il succéda à son oncle, saint Firmin (553), il s'appliqua,
avec grand zèle, à la conversion des juifs, alors fort nom-
breux dans la province ; il les recherchait, se mêlait fami-
lièrement avec eux et les invitait à sa table. Ces relations
parurent suspectes et le firent accuser de former un com-
plot avec les juifs, contre le roi. Childebert l'appela devant
lui et le retint pendant trois ans à Paris; mais enfin, con-
vaincu de son innocence, il le renvoya dans son diocèse,
avec des présents. Dès son retour, Ferréol convoqua un
synode pour procéder à la conversion des juifs. Beaucoup,
dit-on, se convertirent ; ceux qui restèrent fidèles à leur
religion furent contraints à se livrer au travail de la terre
ou à émigrer : ce qui paraît indiquer que la conversion des
autres n'avait point été entièrement opérée par la persua-
sion. Il reste de ce saint une règle composée pour un mo-
nastère qu'il fonda à Uzès. — On lui donne parfois le titre
de martyr, mais il semble impossible de trouver dans la
Gaule, au temps de Ferréol et dans les circonstances de sa
vie, l'occasion d'un martyre. E.-H. V.
FERRÉOL (Saint), évêque de Limoges, élevé au siège de
Limoges en 579, mort le 48 sept. 597. Il est surtout connu
pour avoir, dans une sédition populaire, sauvé la vie à un
certain Marc, référendaire de Chilpéric. Grégoire de Tours
a raconté cet épisode avec quelque détail. Les reliques de
saint Ferréol sont conservées dans l'église de Nexon
(Haute-Vienne). Sous l'épiscopat de ce saint fut bâti le
monastère de Saint-Paul-lez-Limoges. A. Leroux.
FERREOLUS (Tonancius), noble d'origine gauloise,
gendre de l'empereur Avitus, né vers 420 dans le Rouer-
gue, devint en 450 préfet du prétoire des Gaules et mou-
rut après 485. Sidoine Apollinaire cite avec éloge la
magnifique bibliothèque qu'il avait rassemblée. Les généa-
logistes des xvie et xvne siècles, imaginèrent de faire
remonter jusqu'à lui les généalogies des deux premières
dynasties des rois de France.
FERRER (San Vicente), souvent nommé en français
Vincent Février, dominicain et prédicateur espagnol, né
à Valence vers 4357, mort à Vannes, en Bretagne, le
5 avr. 4449. Il entra dans l'ordre de Saint-Dominique et
parcourut l'Espagne, la France, l'Angleterre, l'Irlande et
l'Allemagne, à partir de 4397, prêchant avec véhémence
contre les vices du siècle et menaçant la chrétienté des co-
lères célestes. Sa parole, vigoureuse et triviale dans son
énergie, faisait éclater l'auditoire en sanglots et provoquait
souvent des conversions soudaines. Mariana affirme qu'il
accomplit des miracles fréquents, au cours de sa mission
religieuse; il rendait, dit-il, la vue aux aveugles, guéris-
sait les paralytiques et les malades et « ressuscitait même
les morts ». Par l'effet de son éloquence, 8,000 musul-
mans et 35,000 juifs reçurent le baptême, en Castille
(4404). Nombre d'autres renoncèrent à leur foi, à la suite
des conférences que l'ardent dominicain eut avec les chefs
de la Synagogue, dans les juiveries d'Aragon (4444).
Cette oeuvre de prosélytisme était d'ailleurs énergiquement
secondée par le pape Benoît XIII et par les ordonnances
qu'il rendit contre les hérétiques juifs et mores. Après
la mort du roi Martin d'Aragon (4410), Valence choisit
Vicente Ferrer et son frère, le chartreux Fray Bonifacio,
pour la représenter à l'assemblée chargée de prononcer
entre les prétendants au trône d'Aragon. Ferrer soutint
l'infant Ferdinand de Castille, fils de Juan Ier, et annonça
lui-même son élection, à la suite d'un sermon, devant le
peuple réuni (4442). Il mourut dans un couvent de Vannes
où il avait passé les dernières années de sa vie, avec
quelques religieux de son ordre, et fut enterré dans cette
ville. Pendant les troubles de la Ligue, en 4592, Phi-
lippe II réclama les vénérables restes du saint espagnol.
Comme il ne put les obtenir, quelques soldats valenciens,
en garnison à Vannes, cherchèrent à les dérober. Les
chanoines durent les cacher, et réussirent ainsi à les con-
server à leur église. Vicente Ferrer fut canonisé, sous le
pontificat de Calixte III, en 4455. On l'honore le 5 avr.
Ses sermons ont été imprimés : Sermones quadragesi-
males (Cologne, 4482) et Sermones de tempore, de
sa7ictis per annum (4525). Un poète du xve siècle,
Ferrant Manuel de Lando, a écrit en vers un éloge du saint
(Cancionero de Baena, 1. 1). Lucien D'ollfus.
Bibl. : Fr. Diago, Historia de la vida... del bienaventu-
rado San V. Ferrer; Barcelone, 1600, in-4.— Bayle, Vie
de saint Vincent Ferrier; 1855, in-12. — Pradel, Saint
Vincent Ferrier; 1864, in-12. — Paul Meyer, la Prédication
de Vincent Ferrier en France; dans Romania, 1881, d. 226.
— Antoine Thomas, Saint Vincent Ferrier dans le midi de
la France d'après les documents d'archives, dans Annales
du Midi, 1892, pp. 236 et 380.
FERRER (Bartholomeo), et non FERRELO, navigateur
espagnol du xvie siècle. Il fut attaché, en 4542, comme
premier pilote, à l'expédition envoyée sur la côte occiden-
tale de la Californie par le vice-roi du Mexique, Antonio de
Mendoza, sous les ordres de Juan Rodriguez Cabrillo. A la
mort de celui-ci, en 4543, Ferrer prit le commandement
de l'expédition. Ferrer navigua jusqu'au cap Blanc, mais
le froid et le manque de vivres l'obligèrent à faire voile
pour la Nouvelle-Grenade.
FERRER (Geronimo), sculpteur espagnol, établi à Rome
en 1654. Lors du voyage que Velazquez fit en Italie en
4649, il engagea Ferrer au service de Philippe IV pour
fondre en bronze un grand nombre de modèles de statues
antiques que le peintre du roi avait fait mouler pour en
orner l'Alcazar de Madrid. Ferrer s'acquitta de ce travail
à la satisfaction de Velazquez, et ses fontes décorèrent long-
temps la salle octogone de l'ancien palais. P. L.
FERRER (Pedro-Juan), peintre- espagnol, originaire de
Mayorque où il florissait autour de 4730. Il était élève
d'un autre peintre mayorquin, Guillermo Mesquida, et il a
produit, dans une note de coloration agréable, des ouvrages
d'une heureuse composition ; les principaux se trouvent
dans l'ancienne église des Dominicains et au monastère
des Bernardins. Il eut un fils qui devint également un
peintre de talent ; un de ses tableaux existe dans ce même
couvent. P. L.
FERRER del Rio (Antonio), historien espagnol, né en
4848, mort vers 4878. Il était bibliothécaire au ministère
de l'instruction publique, et se fit connaître en 4846 par
une Galeria de la literatura espanola (Madrid, in-8) et
par une biographie de Espronceda, publiée en tête du volume
des poésies de cet écrivain. En 4850, il publia Decadencia
de Espana : primera parte. Historia del levantamiento
— 321
FERRER — FERRET
de los comunidades de Castilla (Madrid, in-8), œuvre
remarquable par la facilité, la clarté du style et l'habileté
de la mise en scène, mais qui est loin d'avoir dit le der-
nier mot sur cet intéressant sujet; Examen histôrico-
critico del reinado de D. Pedro de Castilla (Madrid,
1850, in-8) et en 1856 il donnait son Historia del rei-
nado de Carlos III (Madrid, 4 vol. in-8), qui est une des
meilleures études historiques qui aient paru en Espagne dans
ce siècle. Enfin, en 4867, il publiait pour la Biblioteca
Rivadeneyra une édition des œuvres de Florida Blanca,
On peut lui reprocher d'être un peu superficiel.
FERRERAS (Juan de) , historien espagnol, né à La Baneza
(Galice) en 1652, mort en 1735. Entré dans l'Eglise, il
devint curé d'une des paroisses de Talavera de La Reyna,
puis de celle de Saint-Pierre à Madrid par l'influence du
cardinal Porto Carrero qui l'avait pris pour confesseur.
Donnant tous ses loisirs à l'étude de l'histoire, il refusa
divers évêchés et postes importants et fut un des membres
les plus actifs de l'Académie espagnole dès sa fondation. Il
contribua pour une part très grande à la rédaction du grand
dictionnaire de cette Académie, surnommé Diccionario de
autoridades, publia quelques dissertations théologiques,
des poésies réunies dans le tome LXVII do la Biblioteca
Rivadeneyra et un livre de théologie politique, El Desen-
gano -politico. Mais l'œuvre principale qui l'a fait con-
naître et à laquelle il consacra toute une vie de labeur est sa
grande histoire d'Espagne (jusqu'en 1598) publiée d'abord
sous le titre de Historia de Espana (Madrid, 1700-1727,
46 vol. pet. in-4), puis sous celui de Synopsis historica
chronologica de Espana, formadade los autores seguros
y de buena fé (1775-1781, 17 vol.) ; elle fut traduite en
français (Paris, 1751, 10 vol. in-4). C'est une œuvre de
patiente érudition, mais de peu de sens critique.
Bibl. : Nasarre y Ferrtz, Elogio historico de J. de
Ferreras ; Madrid, 1735, in-4.
FERRER E. Corn, du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Bagnères-de-Bigorre, cant. de Mauléon-Barousse, sur
l'Ourse occidentale ; 426 hab. Aux Chalets de Ferrère,
source minérale gazeuse froide fréquentée chaque année
par quelques centaines de malades du pays. Etablissement
de bains. Cascade Vaqué. Bloc erratique de la Roche
damnée au milieu de la forêt de Samaoury.
FERRÈRE (Philippe), avocat et homme de lettres fran-
çais, né àTarbesle 2 oct. 1767, mort le 14 janv. 1815.
Il fut d'abord avocat au parlement de Bordeaux ; plus
tard, il refusa de faire partie du Tribunat. Ses plaidoyers
ont été publiés en 1820 dans le Barreau français. Il a
laissé aussi quelques écrits littéraires.
Bibl. : Pinard, le Barreau, Paris, 1843, p. 259. — Henri
Chauvot, le Barreau de Bordeaux de 1115 à 1815 : Paris,
1856, p. 350.
FERRER! (Zachario), poète italien (V. Ferrari).
FERRER1 (Andréa), sculpteur et peintre italien, né à
Milan en 1673, mort à Ferrare en 1744. Il vint tout jeune
à Bologne, où, à l'école du sculpteur Giuseppe Mazza, il
acquit une grande habileté, surtout dans le modelage en stuc
et en terre cuite ; puis, en 1722, il alla s'établir à Ferrare,
où il a laissé des œuvres très nombreuses : deux autels, entre
autres, à la cathédrale, des médaillons dans l'escalier de
l'archevêché, plusieurs Saints à SanMaurello,une Vierge
devant Saint-Georges-hors-la-Porte-romaine. A Bologne, on
ne connaît de lui qu'une statue de Notre-Dame du Mo?it-
Carmel, près de l'église San Martino. Il eut pour élève son fils
Giuseppe, auteur d'un buste en terre cuite de Saint Mathias
fait pour la série des apôtres de la cathédrale de Ferrare.
FERRI (Enrico), jurisconsulte italien, né à San-Bene-
detto-Po (près Mantoue) le 25 févr. 1856. Elève et suppléant
d'Ellero, il a enseigné aux universités de Turin, Sienne,
Rome, été élu député (1880). Il dirige avec Lombroso YAr-
chivio di psichiatria, Scienze penali ecl antropologia
criminale. Parmi ses ouvrages, nous citerons : Teorica
deW impatabilita (Florence, 1878); Vomicidio nella
sociologia criminale, nella legislazione e nella giuris-
prudenza (Bologne, 1888-89, 2 vol. av. atl.).
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII,
FERRERS (Robert), comte de Derby, né vers 1240,
mort vers 1279. Il prit parti pour les barons contre le roi
Henry III, dont il avait épousé la nièce, Isabelle, fille de
Hugues XI de Lusigiian, comte de La Marche. En 1263, il
s'empara de Worcester, qu'il saccagea, et fit prisonnier le
fils du roi, Edouard. L'année suivante il remporta encore
une grande victoire sur les troupes royales à Chester. Mais,
après la pacification, il fut jeté en prison et ses biens con-
fisqués. Devenu libre en 1266, il reprit les armes et fut
défait à Chesterfield par Henry d'Almayn. Prisonnier de
nouveau, il ne fut relâché qu'en 1269 ; mais ses domaines
et son titre avaient été donnés par le roi Edouard à son
frère Edmond de Lancastre, dans la maison duquel ils res-
tèrent depuis. B.-H. G.
FERRERS (George), écrivain et homme politique an-
glais, né à Saint-Albans (Hertfordshire) vers 1500, mort
en janv. 1579. Il fit ses études à Cambridge, se fit inscrire
au barreau de Lincoln's Inn et acquit une réputation considé-
rable comme avocat. Membre du Parlement pour Plymouth,
en 1542, en 1545 et 1553, il jouissait d'une grande faveur
auprès de Henry VIII. Il prit part aux guerres contre
l'Ecosse et la France. En 1551, il fut pourvu de la charge
de maître des menus plaisirs du roi et organisa des ballets
et des représentations fort brillantes. Quoique protestant,
il passa au service de la reine Marie, prit part à la répres-
sion delà révolte de Wyatt. En 1554 et 4555, il repré-
senta Brackley à la Chambre des communes et fut élu par
Saint-Albans en 1571. Sous Elisabeth, il s'occupa peu de
politique, mais resta néanmoins en relations avec les par-
tisans de Marie Stuart, notamment Févêque de Ross. Fer-
rers a publié une traduction anglaise de la Grande Charte
(Londres, 1534) ; il a écrit partie des poèmes historiques
de la collection de Baldwin, Mirror for magistrates (1559,
1563, 1578). On lui a attribué l'histoire de Marie Stuart
parue sous le nom de Grafton et plusieurs pièces de théâtre.
FERRERS (Henry), antiquaire anglais, né à Baddesley
Clinton (Warwickshire) le 26 janv. 1549, mort le 10 oct.
1633. Après avoir étudié à l'université d'Oxford, il se con-
sacra à l'étude de l'histoire de son pays natal et il ras-
sembla dans ce but une quantité énorme de documents et
d'antiquités. Il mourut sans avoir publié toutes ces richesses
mais un bon nombre de ses manuscrits sont conservés
dans l'Ashmolean Muséum, à Oxford, et au British Mu-
séum ; il y en a aussi huit volumes dans la bibliothèque
de M. Staunton, de Longbridge.
FERRERS (Norman-Macleod), mathématicien anglais,
né àPrinknash Park (Gloucestershire) le 11 août 1829.
Il a fait de brillantes études à Cambridge, est depuis 1855
l'un des membres les plus distingués du corps enseignant
de cette université, dont il a été vice-chancelier en 1884,
et dirige depuis la même époque, avec M. Sylvester, le
Quarterly Journal ofmathematics, auquel il a fourni de
nombreux articles de mathématiques pures et de mécanique.
Il a été élu membre de la Société royale de Londres en 1877.
Parmi ses ouvrages publiés à part, il convient de citer :
Elementary Treatise on trilinear coordinates (1861);
Elementary Treatise on spherical harmonies (1877).
FERRES (Les). Com. du dép. des Alpes-Maritimes,
arr. de Grasse, cant. de Coursegoules ; 180 hab.
FERRET. Bout de métal qui garnit chacune des extré-
mités de l'aiguillette. Au siècle dernier, le ferret, comme
son nom l'indique, était en fer ; il est aujourd'hui en cuivre
doré ou argenté.
FERRET (Val). Nom donné à une double vallée qui
sépare le massif du mont Blanc de celui du grand Saint-
Bernard ; le point le plus élevé est le col Ferret, au N.
duquel descend la Dranse, vers le Rhône; au S. duquel
descend la Doire, vers le Pô. La vallée supérieure de la
Dranse jusqu'à Orsières et celle de la Doire jusqu'à Entrèves-
Cormayeur portent le nom de val Ferret. La route reliant
le Valais à la vallée d'Aoste part d'Orsières, remonte la
Dranse jusqu'à La Folly où elle se bifurque, l'ancien sen-
I tier passant par Le Chantonet (2,492 m.), le nouveau quit-
21
FERRET — FERREY
— 322 —
tant le torrent à Ferret (1,696 m.) pour franchir la crête à
2,536 m. d'ait. ; ils se rejoignent au Pré du Bar, d'où
la route gagne Cormayeur. Le val Ferret septentrional
appartient à la Suisse (cant. du Valais), le val méridional
à l'Italie (V. Mont Blanc).
FERRETI (Giovanni-Battista), antiquaire italien, né à
Vicence en 1639, mort en 4682. Il était bénédictin de
l'ordre du Mont-Cassin. On lui doit un recueil de toutes les
inscriptions en vers, contenues dans Gruter ; il est intitulé
Musœ lapidariœ antiquorum in marmoribus Carmina
(Vérone, 4672, in-fol.)
FERRETI (Giovanni-Domenico), dit quelquefois, on ne
sait pourquoi, Domenico d'imola, peintre italien de l'école
florentine, né à Florence en 4692, mort après 4750. Il
étudia à Bologne sous Gian-Giuseppe del Sole, mais vécut
en Toscane, où il a laissé de nombreuses œuvres remar-
quables, surtout ses fresques, tant par la correction et la
délicatesse du dessin que par la vivacité agréable du colo-
ris et les qualités d'imagination. Parmi ses tableaux à
l'huile, nous citerons à Florence : la Conception de la
Vierge (San Martino) ; une Descente de croix (Carminé) ;
une Adoration des Mages et la Mort de saint Joseph
(San Paolo) ; une Gloire d'anges, ajoutée à une Visitation
de Ghirlandajo (SanProcolo) ; une autre Descente de croix
au palais Rinuccini ; à Pise : le Martyre de saint Bar-
thélémy (San Bartolommeo) ; la Translation du corps de
saint Guide (Dôme) ; parmi ses fresques, à Florence : une
coupole de chapelle (Ognissanti) ; une lunette offrant le
Martyre de saint Etienne, et une Assomption (Badia) ;
Sainte Catherine de Ricci et des Anges, Moïse et Aaron,
¥A7*che de JSoé, le Sacrifice d'Abraham, Saint Domi-
nique délivrant une possédée (lunettes aux Dominicains) ;
les Douze Apôtres (Saint-Sauveur) ; à Pise : quelques
fresques dans les palais Curini et Ceoli ; à Pistoie : des
fresques à la voûte de Saint-Philippe ; une représentation
de Saints de l'ordre des servites , à FAnnunziata ; les
Mystères de la Passion (lunette), el une voûte d'escalier,
au palais Amafi ; à Sienne enfin, au palais Sansedoni, des
fresques de 4745, sans doute ses derniers grands tra-
vaux, représentant la Nuit, les Arts libéraux, les Tra-
vaux d'Hercule, Y Hymne, l&Benommée, les Saisons, etc.
On trouvera le portrait de Ferreti peint par lui dans la
collection iconographique des Offices, à Florence.
FERRETO ou FERRETI, poète et historien italien, né
à Vicence, mort en 4335. Il a laissé un poème latin sur
la famille de l'Escale, et une chronique qui va de 4250
à 1348. Ces deux ouvrages ont été recueillis par L.-A.
Muratori au t. IX de sa grande collection, Rerum itali-
carum scriptores ab anno D adMD (Milan, 4723-4770,
34 vol. in-fol.).
Bibl. : Angiolgabrielo di Santa-Maria, Biblloteca de-
gli scrittori vicentini ; Vicence, 1782, in-4.
FERRETTE (Phirrith, 4428, Phirida, 4433), en allem.
Pfirt. Ch.-l. de cant. de la Haute- Alsace, arr. d'Altkirch,
tête de ligne de l'embranchement qui se détache à Altkirch
du chem. de fer de Mulhouse à Belfort ; 524 hab. Carrières,
ruines d'un château fort de la fin du xie ou du commence-
ment du xne siècle, démantelé par les Suédois pendant la
guerre de Trente ans. La petite ville de Ferre tte, autrefois
entourée de murailles, était la capitale du comté de même
nom ; elle porte d'azur à deux barbeaux adossés d'argent.
FERRETTE (Comté de). Ce comté s'étendait sur l'an-
cien pagus du Sundgau et comprenait plusieurs seigneuries
de la Haute-Alsace, dont les plus importantes étaient celles
de Belfort, de Thann et d'Altkirch. Il doit son origine à la
famille des comtes de Mousson et de Montbéliard : en
4403, Frédéric Ier, comte de Montbéliard, hérita les terres
de l'Alsace supérieure qui, plus tard, prirent le nom de
comté de Ferrette. Primitivement terre allodiale, le comté
de Ferrette devint en 4274 fief oblat de l'évêché de Bâle,
passa en 4324 à la maison d'Autriche à la suite du ma-
riage de l'archiduc Albert II avec Jeanne, fille d'Ulrich II,
le dernier des comtes de Ferrette. Après avoir été engagé
à la maison de Bourgogne en 4469, il retourna à la mai-
son d'Autriche et fut cédé à la France par le traité de
Westphalie; enfin, en 4659, Louis XIV le donna en fief
à Mazarin ; les héritiers du cardinal en furent les sei-
gneurs jusqu'en 4789.
Bibl. : Jugger, Spiegel der Ehren des... Erzhauses
Oesterreich...; Nuremberg, 1668, in-fol. — Schoepfjlin,
Als. ill., t. II, 32, 4-12, 449. — Rev. cathol. d'Aïs., t. II, 568.
— A. Quiquerez, Hist. des comtes de Ferrette ; Montbé-
liard, 1863. — Ch. Goutzwiller, Esquisse hist. de l'ancien
comté de Ferrette; Altkirch, 1868, 2° éd. — Ed. Bonvalot,
Coutumes de la Haute-Alsace, dites de Ferrette; Col-
mar, 1870.
FERRETT1 (Emile), jurisconsulte italien, né à Castel
Franco le 14 nov. 4489, mort à Avignon le 45 juil.
4552. Après a\oir étudié le droit à Pise et à Sienne, il
fut secrétaire du cardinal Salviati de Florence, puis pro-
fesseur à Rome et secrétaire de Léon X. Quelques années
après, il se retira à Castel Franco pour faire de nou-
velles études et plus tard il suivit à Rome et à Naples
le marquis de Montferrat. A son retour, il tomba aux
mains des Espagnols et dut payer une rançon. Il vint
habiter la France et professa à Valence. Le roi François Ier
le fit conseiller au parlement de Paris et le chargea de
missions diplomatiques à Venise et à Florence ; il fut
envoyé, avec la permission du roi, auprès de Charles-
Quint, par le marquis de Montferrat. Après une mission à
Florence pour le roi de France, il se fit donner le droit de
bourgeoisie dans cette ville. Il enseigna ensuite à Avignon
et devint conseiller au parlement du Dauphiné. Ses écrits
sont : Notœ in IV libros înstitutionum, Prcelectiones
in prœcipuos Pondectarum libros; Prœlectiones in
prœcipuos Codicis libros ; Marci Tullii Ciceronis
Orationes Verrinœ ac Philippicœ (Lyon, 4544, in-8);
Tractatus de mora (4550, 4599, 4675); Responsa. Les
œuvres complètes de Ferretti ont été publiées à Lyon,
4553, et à Francfort, 4598. G. R.
FERRETTI (Giovanni), compositeur italien, né à Venise
en 4540. Il a publié à Venise, de 1567 à 4588, cinq livres
de Canzoni alla napolitana à cinq voix, deux livres à six
voix, et un livre de madrigaux à cinq voix. De nombreux
morceaux de Ferretti, sans doute tirés des ouvrages précé-
dents, figurent dans des recueils du xvie siècle. M. Br.
FERRETTI (Luigi), poète italien, né à Rome le 24 févr.
4836. Neveu du poète romanesco Belli, il a comme lui
écrit tous ses vers en dialecte romain, et on ne le considère
pas comme inférieur à son célèbre devancier. Tous les dia-
lectes italiens, très anciennement cultivés, ont conservé
leur littérature spéciale, et c'est à peu près la seule qui soit
encore réellement goûtée du rare populaire qui sache lire,
parce qu'elle s'exprime non plus en une langue savante et
littérairement francisée, mais en une langue dont la syn-
taxe, la tournure et les images sont absolument nationales
et originales. La plupart des poésies dialectales italien-
nes ont circulé longtemps manuscrites ou orales avant
d'être imprimées ; telles celles de Luigi Ferretti, qui sont
des sonnets : La Dottrinella (4878) ; Centoventi So-
netti in dialetto romanesco (4879), avec une préface
et des notes de Luigi Morandi. R. G.
Bibl. : Luigi Morandi, Luigi Ferretti, dans la Nuova An-
lologia, 1878. — Rocco de Zerbi, Luigi Ferretti, dans le
Piccolo de Naples, 5 janv. 1879. — Nuova Antologia, 1886.
FERRETUS (V. Ferreto).
FERREUX (Ferrosum). Corn, du dép. de l'Aube, arr.
de Nogent-sur-Seine, cant. de Romilly; 306 hab. — Cette
localité, mentionnée dès le xne siècle, possède une église
du xiie siècle, remaniée au xvie.
FERREY (Benjamin), architecte anglais, né à Christ-
church (Hampshire) le Ier avr. 1810, mort à Londres le
22 août 4880. Issu d'une famille française protestante
réfugiée à la suite de l'édit de Nantes, Ferrey, élève de
Pugin l'ancien, accompagna son maître dans ses voyages
en Angleterre et en Normandie, collabora largement à
quelques-uns de ses ouvrages, tels que Ornemental Bar*
geboards et Gothic Ornaments, et devint un des premiers
323 —
FERREY — FERRIAR
maîtres de la nouvelle école d'architecture gothique an-
glaise. D'abord connu par la construction d'une partie de
la ville de Bornemouth, il fut nommé architecte du diocèse
de Wells et Baths, où il restaura la nef, les transepts et
la chapelle de la Vierge ainsi que le palais épiscopal de la
cathédrale de Wells, et fut nommé l'un des architectes con-
seils de l'ïncorporated Church Building Society : il dessina
l'église Saint- James, à Morpeth, et, pour miss Burdett
Coutts, l'église Saint-Stephen, à Rochester Row, West-
minster, ainsi que le presbytère et les écoles de cette lo-
calité ; puis la résidence de Bayshot Park pour le duc de
Connaught. En dehors de mémoires publiés dans les comptes
rendus de l'Institut royal des architectes britanniques, Ferrey
a publié, en collaboration avec Edw. Wedlake Brayley,
The Antiquities ofthePi^iory of Christ Church (Hants,
1834,in-4), et, seul, Recollections of A. -N. Welby Pugin
and his father Augustus Pugin, with notice of their
ivorks, etc. (Londres, 1861, in-8). Charles Lucas.
Bibl.: The Builder ; Londres, 1880, t. XXXIX,p.281,in-4.
FER RI (Alfonso), chirurgien italien, né à Faenza vers
1545, mort vers 1595. Il enseigna la chirurgie et Fana-
tomie successivement à Naples et à Rome, où le pape
Paul III le choisit pour son premier chirurgien. Ce fut un
praticien très habile ; ses œuvres renferment, à côté d'er-
reurs grossières qui étaient de son temps, une foule d'idées
originales. L'un des premiers il a traité des plaies par
armes à feu. Il a inventé le dilatateur connu sous le nom
à'alphonsin (V. ce mot). Ouvrages principaux : De Ligni
sancti multiplia medicina... (Rome, 1537, in-8 et
autres édit.; en franc., 1540, in-12); De Sclopetorum
sive archibusorum vulneribus; De Caruncula, sive
callo, quœ cervici vesicœ innascitur (Rome, 1552,
in-4, et nomb. édit.). Dr L. Hn.
FER RI (Ciro), peintre-graveur italien, né à Rome en
1634, mort à Rome en 1689. Elève de Pierre de Cortone,
il mit tous ses efforts à imiter le faire du maître, et y
réussit complètement sauf pour la grâce des figures et l'éclat
du coloris. Il fut pour beaucoup dans la propagation de
son style à Florence, où il suivit Cortone et l'aida dans les
peintures du palais Pitti. Celles de Sainte-Marie -Majeure
de Bergame sont regardées comme ses meilleures fresques.
Il fit de nombreux travaux dans sa ville natale, et sa der-
nière œuvre est la coupole de Sainte-Agnès, qu'il laissa
inachevée. On trouve de ses tableaux à l'huile dans des
églises de Rome, de Milan, de Pérouse, de Sienne, de Cor-
tone, etc., ainsi que dans les principaux musées de l'Eu-
rope, excepté celui du Louvre. Le musée de Caen possède
de ce maître un beau Christ en croix. Ciro Ferri peignit
beaucoup de miniatures pour des livres de liturgie, et laissa
de nombreuses eaux-fortes. G. P-i.
FERRI (Le P.Girolamo), archéologue italien, né à Lon-
giano (Romagne) le 5 févr. 1713, mort à Ferrare le 27 juin
1786. Il professa les belles-lettres dans plusieurs collèges
et en dernier lieu à l'université de Ferrare. Latiniste émi-
nent, il publia à cet égard : Epistolœ pro linguœ latinœ
usu, advenus Alembertium (Faenza, 1771, in— 8). On
lui doit encore des biographies d'Alexandre de Sardes
(1775) et de Balth. Castiglione (1780), etc. G. P-i.
FERRI (Gesualdo), peintre de l'école florentine, né à
San Miniato en 1728, mort vers 1780. Elève de Pompeo
Batoni. Parmi ses peintures on cite celles du Poggio Impé-
riale, et celles de l'église del Carminé et de l'oratoire San
Firenze à Florence. G. P-i.
FERRI (Luigi), philosophe italien, né à Bologne le
15 juin 1826. Il est professeur à l'université de Rome,
doyen de la Faculté des lettres, membre correspondant de
l'Institut de France, secrétaire de la classe des sciences
morales et historiques de l'Académie des Lincei. Il fit ses
premières études dans sa ville natale; mais son père,
peintre et architecte en décors, ayant été appelé à Paris
pour la décoration du Théâtre-Italien, il le suivit et fut
placé au lycée Bourbon, où il remporta le prix de disser-
tation latine. Elève de l'Ecole normale, il enseigna succes-
sivement à partir de 1850 dans les collèges de Chalon,
Evreux, Dieppe, Blois et Toulouse; puis, son père ayant
été rappelé en Piémont comme peintre de la cour, L. Ferri
vint en 1855 enseigner la philosophie d'abord à Annecy,
ensuite au collège de Casal-Montferrat. En 1858, il fut
nommé inspecteur des écoles moyennes pour la philosophie,
puis, en 1860, il devint chef du cabinet du ministre de
l'instruction publique, Mamiani. En 1863, il fut appelé à
la chaire d'histoire de la philosophie à l'Institut des études
supérieures de Florence, d'où en 1871 il fut transféré à
l'université de Rome comme professeur . de philosophie
théorétique.
Elève de Jules Simon et de Saisset, ami de Mamiani,
directeur de la revue philosophique fondée par ce dernier
(Revue des écoles italiennes, devenue maintenant Revue
italienne de philosophie), L. Ferri professe une doctrine
intermédiaire entre le spiritualisme psychologique français
et l'idéalisme néo-platonicien de Rosmini et de Gioberti ;
il a surtout insisté sur l'intuition simultanée de la causa-
lité externe et de la causalité interne dans l'acte de la per-
ception : Studii sulla coscienza, dans Filosofia délie
scuole (1875-77); ïlFenomeno nelle sue relaziani con
la sensazione, la percezione e Voggetto (id., 1883).
Tout en se livrant avec goût à l'observation psycholo-
gique comme dans ses Osservazioni sopra una bambina
(id., 1879), il ne renonça jamais aux spéculations méta-
physiques : son ontologie semi-empirique est exposée dans
ses articles de la même revue : Analisi del concetlo di
Sostanza e sue relazioni coi concetti di Essenza, di
Causa e di Forza (1885) et Délia Idea del Vero e
sua relazione colla idea deWEssere (1887). Mais,
comme ses contemporains de l'Ecole normale de Paris,
il porta surtout son effort du côté de l'histoire de la
philosophie. On lui doit dans cet ordre d'études : Délia
Filosofia del Diritto presso Aristotile (Cimento, 1855) ;
17 Genib di Aristotile (Florence, 1866); Suite Vicende
délia filosofia in Roma (Rome, 1876)-; La Questione
délia schiavitù nella storia délie idée (id., 1885) ; Stu-
dii su Leonardo da Vinci, dans Arte in Italia (Turin,
1871); La Psicologia di Pietro Pomponazzi secundo
un manuscritto délia biblioteca Angelica di Roma,
dans Academia dei Lincei (1877). Ce dernier travail est
original et intéressant ; les ouvrages les plus importants de
L. Ferri sont cependant sans conteste son Essai sur V his-
toire de la philosophie en Italie au xixe siècle (Paris,
1869, 2 vol.) et la Psychologie de V association depuis
Hobbes jusqu'à nos jours (Paris, 1883), tous les deux
rédigés en français. La Psychologie de V association a été
couronnée par l'Institut. — Déférence pour le sens commun,
clarté, noblesse un peu froide, précision sans acuité, com-
pétence et conscience, telles sont les caractères qui dis-
tinguent les productions deL. Ferri, et qui le rapprochent
des philosophes professeurs de l'école de Cousin. Ses tra-
vaux historiques ne sont jamais exempts de préoccupations
dogmatiques et apologétiques. Son influence a contribué
efficacement à maintenir dans la tradition l'enseignement
philosophique des écoles secondaires en Italie. A. Espinas.
FERRI-Pisàni, comte de Saint-Anastase, administra-
teur français, né à Ajaccio en i 770, mort à Paris le 21 oct.
1846. Attaché en 1805 à la secrétairerie d'Etat du
royaume d'Italie, il fut l'année suivante envoyé à Naples, où
le roi Joseph le nomma secrétaire de son cabinet, conseiller
d'Etat et surintendant des postes. Il exerça sous ce prince,
à partir de 1808, les mêmes emplois en Espagne, où il
devint président de section au conseil d'Etat, rentra en
France après Vitoria (1813), fut créé comte par Napoléon,
resta écarté des affaires sous la Restauration et fut en 1830
appelé par Louis-Philippe au conseil d'Etat, où il siégea
jusqu'en 1845. Il avait épousé une fille du maréchal Jour-
dan. A. Debidour.
FERRIAR (John), médecin et poly graphe anglais, né en
1761, mort en 1815. Après avoir fait ses études à Edim-
bourg, il s'établit d'abord à Stockton-on-Tees, puis à
FERRIAR — FERRIER
— 324 —
Manchester, où il ne tarda pas à se faire une réputation
d'hygiéniste et d'écrivain disert. Il donna un grand nombre
de mémoires intéressants à la Société littéraire et philoso-
phique de Manchester. Ses œuvres poétiques, comme The
Puppet Shew et la tragédie The Prince of Angola, ne sont
que des productions assez médiocres ; mais ses Médical
Historiés and Reflections (1792-1798, 3 vol.) et ses
Illustrations of Sterne (1798) suffiront à sauver son nom
de l'oubli. B.-H. G.
FERRICYÂNURE (V. Cyanure).
FERRIER (Saint Vincent) (Y. Ferrer).
FERRIER (Arnaud du), diplomate français, né à Tou-
louse vers 1508, mort vers la fin d'oct. 1585. Après un
voyage àPadoue, où il connut L'Hôpital et fut reçu docteur
es lois, Arnaud du Ferrier revint en France et professa le
droit à Bourges, puis à Toulouse où il eut Cujas comme
élève. Conseiller au parlement de cette ville, puis à celui
de Rennes, il fut nommé président à celui de Paris. Ce fut
dans ces fonctions qu'il eut, en 1559, le courage de se ran-
ger parmi ceux qui protestaient contre les peines civiles
infligées en matière religieuse. Cela ne l'empêcha pas d'être
envoyé comme ambassadeur au concile de Trente avec Lan-
sac au mois d'avr. 1562. Il s'y fit remarquer par son
attitude à la fois habile et énergique et, après avoir
protesté vivement contre plusieurs décisions du concile,
se retira à Venise. Le roi approuva sa conduite et le
nomma, sur sa demande, ambassadeur dans cette ville en
remplacement de Boistaillé. Il y resta jusqu'en 1567, où il
eut pour successeur Paul de Foix, et y revint en 1570.
Dans cette dernière mission qui dura douze ans, jusqu'à
son remplacement par Hurault de Maisse, il eut à excuser
aux yeux des Vénitiens le massacre de la Saint-Barthélémy
et à recevoir Henri III , de retour en France après avoir
abandonné le trône de Pologne. Au cours de toutes ses mis-
sions, du reste, du Ferrier se conduisit avec une habileté
remarquable dont témoignent les parties de sa correspon-
dance qui ont été publiées. Aussi la première dépêche de
de Maisse montre qu'il partit de Venise, « ayant été honoré
de ces seigneurs à son partement, autant que nul autre qui
ait encore esté icy ». Ils lui firent un présent de2,000écus
et d'une chaîne de 1,000, ce qui n'avait encore été fait pour
aucun autre ambassadeur. De retour en France, du Fer-
rier, qui s'était lié à Venise avec Duplessis-Mornay, ne
tarda pas à se rapprocher du roi de Navarre et probable-
ment à se faire calviniste. Il y perdit d'abord les sommes
considérables dont Henri III était resté débiteur à l'égard
des Vénitiens et pour lesquelles il avait répondu ; il y per-
dit aussi sa place au conseil privé, dont la reine mère
l'avait éloigné et où Henri III l'avait réintégré à son pas-
sage à Venise. Les fonctions de chancelier du roi de Navarre
ne furent qu'une faible compensation à ces pertes maté-
rielles ; il en profita cependant pour conseiller à ce prince
une politique de conciliation, et l'engagea notamment à
s'unir à Henri III et au parti des Politiques pour combattre
la Ligue. La carrière de du Ferrier est donc une des plus
remarquables parmi les diplomates et les hommes d'Etat
du xvie siècle. Contemporain de L'Hôpital et de Marillac, il
est le digne précurseur de d'Ossat. Louis Farges.
Bibl. : P. Sarpi, Hist. du concile de Trente. — Char-
rière, Nég. de la France dansle Levant (ap. doc. inédits).
— Du même, Archives des mis., se. etlitt., 3e série, t. III.
— E. Frémy, Un Ambassadeur libéral sous Charles IX et
Henri III ; Afnaud du Ferrier; Paris, 1880, in-8. ,
FERRIER (Jérémie), pasteur protestant, né à Nîmes
vers 1560, mort à Paris le 26 sept. 1626. 11 se fit
remarquer, en 1599, dans une discussion publique contre
le controversiste P. Coton, à Nîmes. Il devint pas-
teur en cette ville, dès 1601, et attira de grands audi-
toires. Il y fut presque aussitôt nommé professeur à
l'Académie. Les thèses qu'il publia à cette occasion
affirment que le pape Clément VIII est proprement Fante-
christ, ce qui souleva de longues disputes et des démêlés
avec la police. Au cours de ces controverses, il se laissa
gagner par la cour, et accepta, en avril 1613, une place
d'assesseur criminel. Le consistoire de Nîmes l'excom-
munia; le peuple l'insulta dans les rues; il finit par se
retirer à Paris, où il abjura entre les mains du cardinal
Duperron. Il publia alors une rétractation de ses thèses : De
V Antéchrist (Paris, 1615, in-4) et fut nommé conseiller
d'Etat; puis il eut un certain succès en justifiant l'alliance
politique avec la Hollande dans le Catholique d'Etat (Paris,
1625, in-8) qui eut trois éditions en un an. F.-H. K.
FERRIER (François-Louis-Auguste), homme politique
français, né à Paris le 13 avr. 1777, mort à Paris le
11 janv. 1861. Entré dans l'administration des douanes,
il fut nommé en 1804 sous-inspecteur à Bayonne, et devint
inspecteur à Worms, puis dans le Palatinat et en Toscane.
En 1812, il fut nommé directeur général des douanes. Il
était alors directeur à Rome. Destitué par la Restauration,
il reprit son poste pendant les Cent-Jours et le perdit de
nouveau après Waterloo. Le gouvernement ne lui donna
que les fonctions de directeur à Dunkerque, qu'il remplit
jusqu'en 1841. Le 25 déc. de cette année, il fut créé pair
de France. Il a écrit : Essai sur les ports francs (Bayonne,
1804, in-8) ; Mémoire sur le crédit (Lille, 1817, in-8) ;
Du Gouvernement considéré dans ses rapports avec le
commerce (Paris, 1822, in-8, 3e éd.); Mémoire sur la
demande d'un entrepôt de denrées coloniales à Paris
(1819, in-8); De l'Entrepôt de Paris (1828, in-8); Du
Système maritime et commercial de V Angleterre au
xixe siècle (1829, in-8);D<? V Enquête commerciale
(1829, in-8) ; De la Responsabilité ministérielle rela-
tivement à l'administration des finances (1832, in-8);
De r Impôt (1833, in-8); De la Rémunération des ser-
vices publics (1833, in-8); Du Port de Dunkerque et
de son avenir commercial (1838, in-8).
FERRIER (Susan-Edmonstone), romancière écossaise,
née à Edimbourg en 1782, morte à Edimbourg en 1854.
Fille d'un employé au secrétariat d'Etat, elle écrivit en
collaboration avec une nièce du duc d'Argyll, miss Clave-
ring, un roman, Marriage, que l'éditeur Blackwood paya
150 livres sterling. Encouragé par le succès, le même édi-
teur lui donna 1,000 livres pour son second roman, The
Inheritance ; enfin un troisième dédié à Walter Scott,
Destiny, lui rapporta 1,700 livres. Ces prix énormes, bien
supérieurs à la valeur de ces œuvres, s'expliquent par le
fait qu'elle y introduisait en des esquisses satiriques,
vives et souvent spirituelles, les personnages les plus connus
de la haute société écossaise en imitation des Caractères de
La Bruyère, dont elle faisait sa lecture favorite. Une der-
nière édition a paru en 1881. Hector France.
FERRIER (Paul), auteur dramatique français, né à Mont-
pellier le 29 mars 1843. Après quelques études de droit,
il abandonna la jurisprudence pour la littérature. En 1868,
il débutait à la Comédie-Française avec la Revanche
d'Iris, comédie en un acte en vers. Il donnait ensuite au
Vaudeville : Un Mari qui voisine (1869) ; Une Femme
est comme votre ombre (1870), et à l'Odéon, la Cré-
maillère (1872), puis Gilbert (1872), comédie en trois actes
en prose. Son succès commença à se dessiner avec Chez
r avocat (1873), comédie en un acte en vers libres, qui
est restée au répertoire du Théâtre-Français, et avec les
Incendies de Massoulard (1873), comédie en prose repré-
sentée au Palais-Royal. Depuis lors, la production de
M. Ferrier a été considérable et ses succès constants. Nous
citerons sans plus de commentaires : Tabarin (1875, in-12),
comédie en deux actes, écrite spécialement pour Coquelin; la
Partie d'échecs (1876, in-12, Palais-Royal) ; les Cinq
Filles de Castillon (1876, in-12, Gymnase) ; les Com-
pensations (1877, in-12, Gymnase); Au Grand Col (1877,
m-12), et la Chaste Suzanne (1878, in-12, au Palais-
Royal) ; la Femme de chambre (1878, in-12) ; les Ilotes
dePithiviers (1879, in-12) ; le Codicille (1879, in-12) ;
Nos Députés en robe de chambre (1880, in-12) ; le Pa-
risien (1881, in-12), en collab. avec Vast-Ricouard ; la
Rue Bouleau, avec les mêmes (1883, in-12) ; la Vie facile
(1881, in-12), avec Albéric Second; la Flamboyante (188 4,
— 325 —
FERRIER — FERRIÈRE
in-12), avec Félix Cohen et A. Yalabrègue; l'Heure du pâ-
tissier (4 880, in-12) ; Madame est jalouse (4883, in-12);
la Doctoresse (1889, in-12), avec Bocage; le Coup de
foudre (4888, in -12) ; Nos Bons Jurés (1888, in-12),
avec Carré; l Art de tromper les femmes (1890, in-12),
avec de Najac. Outre ces comédies et une revue en trois actes
composée en collaboration avec Joliivet, Clairville, Depré,
la Briguedondaine (1886, in-12), M. Ferrier a donné
des opérettes, des opéras-bouffes, des féeries qui ont été
pour lui de véritables triomphes. Citons : la Marocaine
(1879, in-12), musique d'Offenbach; les Mousquetaires
au couvent (1880, in-12), musique de Varney, collab.
de J. Prével; Babolin (1884, in-12), musique et collab.
des mêmes; Fanfan la Tulipe (1882, in-12), id.; la
Petite Muette (1878, in-12), musique de Serpette; les
Petits Mousquetaires (1885, in-12), musique de Varney,
collab. de Prevel ; Tabarin (1885, in-12), musique de
Pessard; Dix Jours aux Pyrénées (1888, in-12), mu-
sique de Varney ; Joséphine vendue par ses sœurs (1886,
in-12), musique de Roger, collab. de V. Carré ; Paquet à
la Houppe (1889, in-12), musique de Varney; la Vénus
d'Arles (1889, in-12), musique de Varney, collab. de
Liorat; le Fétiche (1890, in-12), musique de Roger,
collab. de Clairville. On peut encore mentionner des à-propos
et monologues comme : la Sœur de Cacolet (1874, in-12) ;
Ducannois (1878, in-12) ; Paris sans cochers (1878,
in-12), etc.
FERRIER (Gabriel), peintre français, né à Nîmes (Gard)
en 4 847. Entré à l'Ecole des beaux-arts en 1867, il y fit
de sérieuses études sous la direction de Pils et de M. Hébert,
et obtint le prix de Rome en 1872. De la villa Médicis il
envoya comme premier tableau V Enlèvement de Gany-
mède où Ton remarquait déjà les qualités qu'il devait
développer plus tard, c.-à-d. la correction du dessin, le
sentiment de la chair, du coloris chaud et vibrant. Il exposa
au Salon de 1876 un David vainqueur de Goliath, qui
est au musée de Nîmes, et une Bethsabée. Il se signala
tout à fait à l'attention publique en 1878 avec un grand
tableau, Sainte Agnès martyre, qui fut acquis par l'Etat
et envoyé au musée de Rouen. L'exécution en fut jugée
franche, copieuse, hardie et vivante. En 1879, M. Gabriel
Ferrier exposa une Scène de V Inquisition en Espagne
que le critique Paul de Saint-Victor déclara un « morceau
à la Ribéra ». Citons encore, du même artiste : Salammbô
(1880); Printemps, panneau décoratif, et Portrait de
M. ClaudiusPopelin (1881); Salut! roi des Juifs (1882);
Portrait du général Pittié au Palais de l'Elysée (1884) ;
Ange gardien (1885); Fumeur de kiff, scène inspirée
des Paradis artificiels de Reaudelaire, et V Ecole arabe
(1887); Portrait de M . Jules Claretie (1888) ; les Mères
maudissent la guerre (1 889) ; G lorificaïion des arts, pla-
fond pour l'ambassade de France à Berlin (1891), etc. , etc.
FERRIER de La Martinière (Louis), littérateur fran-
çais, né à Arles en 1652, mort en 1721. Précepteur du
duc de Saint-Àignan, puis de Charles-Louis d'Orléans, che-
valier de Longueville, il a laissé des tragédies : Anne de
Bretagne (4679, in-12) ; Adrasle (4680, in-12) ; Mon-
tezuma (4702, in-42) ; des poésies, Préceptes galants
(4678, in-42), et une traduction de V Histoire univer-
selle de Justin (4693).
FERRIER du Chastelet (Pierre-Joseph de), général
français, né à Bavilliers, près de Belfort, le 25 mai 1739,
mort à Luxeuil (Haute-Saône) le 29 nov. 1828. Mousque-
taire en avr. 1754, il fut promu maréchal de camp le 21 sept.
1788. Partisan des idées nouvelles, il fut, en 1791, chargé
du commandement des troupes destinées à rétablir l'ordre
dans le Comtat-Venaissin. Ferrier, qui était considéré
comme un excellent patriote, organisa, après le 10 août, la
défense des gorges de Porentruy et eut de nombreux
pourparlers avec les Suisses. Il fut promu lieutenant géné-
ral le 7 sept. 1792. Il servit ensuite sous les ordres de
Custine et eut des démêlés avec son chef qui le dénonça
(23 juin 1793). Au mois de juillet suivant, il remplaça
Houchard à l'armée de la Moselle, et sa division réclama
sa destitution pour cause d'impéritie (13 août 4793).
Ferrier donna, le 42 sept., sa démission qui fut acceptée le
17 oct. 4 793. Son nom est souvent orthographié Ferrière.
FERRIÈRE (La). Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Loudéac, cant. de La Chèze ; 734 hab.
FERRIÈRE (La). Corn, du dép. d'Indre-et-Loire, arr.
de Tours, cant. de Neuvy-le-Roi ; 392 hab.
FERRIÈRE (La). Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Gre-
noble, cant. d'Allevard ; 789 hab.
FERRIÈRE (La). Corn, du dép. de Maine-et-Loire, arr.
et cant. de Segré ; 504 hab.
FERRIÈRE (La). Corn, du dép. de la Vendée, arr. de
La Roche-sur-Yon, cant. des Essarts; 2,295 hab.
FERRIÈRE-au-Doyen (La). Corn, du dép. du Calvados,
arr. de Vire, cant. d'Aulnay-sur-Odon ; 202 hab.
FERRIÈRE-àu-Doyen (La). Corn, du dép. de l'Orne,
arr. de Mortagne, cant. de Moulins-la-Marche; 441 hab.
FERRIE RE-aux-Etangs (La). Corn, du dép. de l'Orne,
arr. de Domfront, cant. de Messel; 1,070 hab. Mines de
fer. Verrerie. Souterrains d'un ancien château dont il ne
reste que des vestiges.
FERRIÈRE-Béchet (La). Corn, du dép. de l'Orne, arr.
d'Alençon, cant. de Sées ; 327 hab.
FERRIÈRE-Bochard (La). Com. du dép. de l'Orne, arr.
et cant. (O.) d'Alençon; 600 hab.
FERRIÈRE-Duval (La). Com. du dép. du Calvados, arr.
de Vire, cant. d'Aulnay-sur-Odon; 93 hab.
FERR!ÈRE-en-Gençais (La). Com. du dép. de la Vienne
arr. de Civray, cant. de Gençais; 581 hab. Vestiges d'en-
ceintes et de fortifications anciennes. Mottes ou tumuli
entourés de fossés. Eglise de l'époque de transition avec
abside polygonale.
FERRIÈRE-en-Parthenay (La). Com. du dép. des Deux-
Sèvres, arr. de Parthenay, cant. de Thénezay; 4,023 hab.
FERRIÈRE-Harang (La). Com. du dép. du Calvados,
arr. de Vire, cant. du Bény-Rocage; 675 hab.
FERRIÈRE-llAUT-CLOCHER(La). Com. du dép. de l'Eure,
arr. d'Evreux, cant. de Conches ; 322 hab.
FERRIÈRE-la-Grande. Com. du dép. du Nord, arr.
d'Avesnes, cant. de Maubeuge; 3,480 hab. Minerai de fer.
Carrières de pierre bleue et de marbre. Hauts fourneaux.
Usines de la manufacture de Maubeuge. Quincaillerie.
Fabrique de brosses. On a découvert un cimetière gallo-
romain et mérovingien sur le territoire de cette commune.
FERRIÈRE-la-Petite. Com. du dép. du Nord, arr.
d'Avesnes, cant. de Maubeuge; 848 hab. Poterie, faïencerie,
Fabrique de sabots. Restes de l'ancien château aménagés
en faïencerie.
FERRIÈRE-Larçon. Com. du dép. d'Indre-et-Loire,
arr. de Loches, cant. du Grand-Pressigny, sur un affluent
du Brignon; 751 hab. Fabr. de toiles. Eglise dont la nef
est romane et le chœur gothique.
FERRIÈRE-la-Verrerte. Com. du dép. de l'Orne, arr.
d'Alençon, cant. de Courtomer ; 562 hab.
FERRIÈRE-SAiNT-HiLAiRE.Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Bernay, cant. de Broglie ; 377 hab.
FERRIÈRE-sur-Beaulteu. Com. du dép. d'Indre-et-
Loire, arr. et cant. de Loches, sur un affluent de l'Indre ;
329 hab. Monuments mégalithiques. Ruines d'un aqueduc
gallo-romain. Eglise du xivc siècle. Ruines d'une ancienne
chapelle de sainte Radegonde.
FERRIÈRE-sur-Rille. Com. du dép. de l'Eure, arr.
d'Evreux, cant. de Conches; 401 hab. Minerai de fer.
Haut fourneau. Eglise dont la tour remonte au xinc siècle ;
elle conserve un beau retable sculpté de la Renaissance.
Vestiges d'un ancien château féodal.
FERRIÈRE (Claude de), jurisconsulte français, né à
Paris le 6 févr. 1639, mort à Reims le 11 mai 1715. Il fut
professeur à Reims, puis à Paris, et avocat au parlement
FERRIÈRE — FERRIÈRES
— 326 —
de Paris. Ses ouvrages sont : Jurisprudence du Digeste
(1677-1688, 2 vol. in-4) ; Commentaires sur la cou-
tume de Paris (Paris, 1679, 1685, 1692 ; avec les obser-
vations de Le Camus, 1714; avec des notes de Sauvan
d'Araraon, nouv. éd., Paris, 1770, 1778, 2 vol. in- 12) ;
Traité des fiefs (1680, 1700, in-4) ; Science parfaite
des notaires (1684, in-4) ; Introduction a la pratique
(1684, in-12) ; Jurisprudence du Code et des Novelles de
Justinien (1684-1688, 4 vol. in-4) ; Commentateurs sur
la coutume de Paris (1688, 3 vol. in-fol.) ; Institutes de
Justinien (Paris, 1692, 1760, 1787, 2 vol. in-12) ;
Nouvelle Institution coutumière (1692, nouv. éd. ;
1702, 3 vol. in-12). — Son fils, Claude-Joseph, né à
Paris vers 1680, mort en 1750, a été avocat au parle-
ment et doyen de la faculté de droit de Paris, et il a publié
une Histoire du droit romain (1718; 2e éd. , 1 726, in-4 2) ,
pour laquelle il a fait de nombreux emprunts à Gravina.
Il a publié et développé divers ouvrages de son père,
notamment l'Introduction à la pratique, qui est devenue
un Dictionnaire de droit et de pratique (1740, 2 vol.
in-4), ouvrage qui a eu de nombreuses éditions ; les Ins-
titutes de Justinien (traduction faite par Claude de Fer-
riére et portée par son fils de 2 vol. à 7 au moyen de
notes et d'une histoire du droit romain, 1721-1760, 7 vol.
in-12) ; enfin, l'ouvrage de Claude de Ferrière sur la
science des notaires sous le titre de : Science parfaite des
notaires, ou le Parfait Notaire (1734, nouv. éd. avec
notes, de F.-B. Devismes; Paris, 1771, 2 vol. in-4). G. R.
FERRIÈRES. Com. du dép. de l'Ariège. arr.et cant. de
Foix;242hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. delà Charente-Inférieure,
arr. de La Rochelle, cant. de Courçon ; 455 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. duDoubs, arr. de Besançon,
cant. d'Àudeux ; 138 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béliard, cant. de Marche ; 120 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Mont-
pellier, cant. de Claret; 46 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Saint-
Pons, cant. d'Olargues; 210 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de laManche, arr.de Mor-
tain, cant. du Teilleul ; 164 hab.
FERRIÈRES. Com. du^ dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. de Saint-Nicolas-du-Port ; 189 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Clermont,
cant. de Maignelay ; 382 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
d'Argelès, cant. d'Aucun; 719 hab.
FERRIÈRES (La). Com. du dép. de la Haute-Savoie,
arr. et cant. (N.) d'Annecy; 216 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
de Neufchâtel-en-Bray, cant. deGournay; 1,208 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Picquigny ; 384 hab.
FERRIÈRES. Com. du dép. du Tarn, arr. de Castres,
cant. de Vabre, sur la rive droite de l'Agoùt; 751 hab.
Ruines d'un château de la Renaissance, reconstruit en
partie au xvme siècle et transformé alors en prison ; belle
cheminée.^
FERRIÈRES-en-Brie. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Meaux, cant. de Lagny. Stat. (à Ozouer-la-Fer-
rière) du chem. de fer de l'Est, ligne de Paris à Belfort ;
931 hab. Ce lieu est mentionné au xe siècle comme appar-
tenant à l'abbaye de Saint-Maur ; plus tard, il eut des sei-
gneurs particuliers, parmi lesquels on connaît Martin de
Bellefaye auxve siècle, Nicolas Herbelot, maître des comptes,
Adam Aymery, Guillaume et Charles deMarillac au xvie siècle.
Sous Louis XIV, Ferrières fut acquis par Léonard Goulas,
secrétaire de Gaston d'Orléans ; la terre passa ensuite à la
famille de La Briffe et fut érigée en marquisat, le 17 déc.
1692. Le château est aujourd'hui la propriété du baron de
Rothschild qui, en 1857 , l'a fait complètement reconstruire
de la façon la plus luxueuse. On sait que c'est dans ce
château que fut installé d'abord, au commencement du siège
de Paris, l'état-major allemand, et que Jules Favre y entama
avec M. de Bismarck les négociations célèbres qui, malheu-
reusement, ne devaient pas aboutir. L'église de Ferrières
date du xnie siècle et a été habilement restaurée de nos
jours.
Bibl. : L'abbé Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris,
t. IV, pp. 635-613, de l'édition de 1883.
FERRIÈRES-et-là-Folie. Com. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Wassy, cant. de Joinville ; 194 hab.
FERRIÈRES-Gatinais, Ch.-l. de cant. du dép. du Loiret,
arr. de Montargis, sur le Cléry; 1,628 hab. Moulins àfarine
et à tan. Tanneries. L'église (mon. hist.) est l'ancienne église
abbatiale d'un monastère bénédictin fondé en 630. L'édifice
actuel est du xve siècle.
FERRIÈRES-lès-Ray (Ferrariœ). Com. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Gray, cant. de Dampierre-sur-
Salon, sur la Saône ; 75 hab. Sarcophages et débris nom-
breux de l'époque romaine.
FERRIÈRES-lès-Scey. Com. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Vesoul, cant. de Scey-sur-Saône ; 193 hab.
FERRIÈRES-suR-SiCHON.Com. du dép. de l'Allier, arr.de
La Palisse, cant. du Mayet-de-Montagne ; 1,836 hab. Avant
la Révolution, il était le chef-lieu d'une seigneurie qui fut
érigée en comté, et qui, avant d'appartenir à la famille de
Manissy, qui la posséda à partir du xvne siècle, passa suc-
cessivement aux mains des Canilhac, des Châtillon, des
Beaufort et des La Tour d'Auvergne. Il ne subsiste plus
de son château qu'une assez belle tour carrée qui jadis en
défendait l'entrée. C'est de la commune de Ferrières que
fait partie Montgilbert, château ruiné qui fut le chef-lieu
d'une baronnie ayant appartenu aux Aycelin de Montaigu
et aux de Vienne, puis au fameux Rodrigue de Villandrando,
et enfin aux La Baume-Montre vel, aux Saulx-Tavannes et
aux du Prat. A. Vayssière.
FERRIÈRES (Guillaume de), trouvère français du
xme siècle, dit le vidame de Chartres. Il appartenait à
une noble famille de Bourgogne, se croisa en 1199 et prit
part à la quatrième croisade. On a conservé de lui neuf
chansons d un réel mérite, mais dont on n'a pas encore
donné d'édition critique.
FERRIÈRES (Raoul de), trouvère français du xme siècle.
Ses poésies ont été publiées à Caen, en 1847, par G. -S. Tré-
butien, sous ce titre : les Chansons de messire Raoul
de Ferrières, très ancien poète normant (xme siècle),
nouvellement imprimées à Caen et sont à vendre en la
Froide Rue (in-16, goth., 23 p., tir. à 120 ex.).
Bibl. : L'abbé de La Rue, Essais sur les Bardes, t. III.
FERRIÈRES de Marsay (Charles-Elie, marquis de),
homme politique français, né à Poitiers le 27 janv. 1741,
mort à Marsay (Vienne) le 30 juil. 1804. Chevau-léger,
il fut élu le 27 mars 1789 député de la noblesse aux Etats
généraux par la sénéchaussée de Semur. Il ne joua dans
l'Assemblée aucun rôle actif, et après la session se tint
dans la vie privée. On a de lui : la Femme et les vœux
(Amsterdam, 1788, 2 vol. in-12); De la Constitution
qui convient aux Français (Paris, 1789,, in-8); Compte
rendu a mes commettants (1791, in-8); De VEtat des
lettres dans le Poitou depuis Van 300 de l'ère chré-
tienne jusqu'à l'année il 89 (1800, in-8); Mélanges de
littérature et de morale (Poitiers, 1798, in-8) ; Opinion
contre r arrestation du roi à Varennes (1791, in-8) ;
Plan de finances pour V établissement d'une caisse
territoriale (1790, in-8); Saint-Flour et Justine
(1792, 2 vol. in-12); le Théisme (1785, 2 vol. in-12);
Mémoires pour servir à l'histoire de l'Assemblée con-
stituante et de la Révolution de i789 (Paris, 1798,
3 vol. in-8), qui sont compris dans la collection des Mé-
moires relatifs à la Révolution française.
FERRIÈRES-Sauveboeuf (Comte de), diplomate fran-
çais, né en 1750, mort à Montmort (Marne) en 1814.
327 —
FERRIÈRES — FERRON
Entré dans l'armée, il fut, en 1782, chargé d'une mission
diplomatique à Constantinople et à Ispahan. En 1789, il
se fit inscrire aux Jacobins, mais s'étant montré trop indul-
gent pour certains détenus politiques, il fut exclu du club
par ses collègues et même écroué au Luxembourg. Dès
cette époque, il paraît être affilié à la police. En 1799, le
Directoire le charge d'une mission secrète auprès de l'ar-
mée de Scherer. Le général le fait enfermer à la citadelle
de Milan, d'où il parvient à s'évader. Il publia alors un
violent pamphlet contre Scherer qui s'en plaignit au Direc-
toire : Ferrières fut incarcéré au Temple. Après le coup
d'Etat du 18 brumaire, il se retira en Champagne, son
pays natal. En 1814, il voulut combattre l'invasion étran-
gère et leva un corps franc. Il fut presque aussitôt assas-
siné par un inconnu en plein jour dans une rue de Mont-
mort. Il a écrit : Mémoires historiques et politiques de
mes voyages faits depuis i 7 82 jusqu'en il 89 en Tur-
quie, en Perse et en Arabie , etc. (Maastricht et Paris,
1790, 2 vol. in-8) ; Précis des lettres écrites par le
citoyen F. S., pendant sa détention au Temple, au
citoyen Merlin (Paris, 1799, in-8).
FERRIGNI (Piero-Francesco-Leopoldo-Coccoluto), jour-
naliste italien, né à Livourne le 15 nov. 1836. Sous le
pseudonyme de Yorick, il s'est fait la réputation d'un écri-
vain spirituel et d'un alerte publiciste. Telle de ses bro-
chures d'actualité politique s'est tirée, dit-on, à 750,000.
Il a collaboré à plusieurs journaux dont il a fait le succès,
notamment à la Vedetta de Florence, la Nazione, la
Gazzetta del Popolo, au Fanfulla qu'il fonda lui-même.
Ecrivant avec facilité en français et en allemand, il donna
également des articles à YIndépendance italienne et à la
Neue Freie Presse. De plus, il a publié les volumes sui-
vants : Viaggio attraverso VEsposizione italiana del
186i (Florence, 1861); Cronaôhe dei bagnidimare;
Fra Quadri e statue (Milan, 1872) ; La Festa dei fiori
(Florence, 1874); VediNapoli e poi... (Naples, 1877) ;
Su e giùper Firenze (Florence, 1 877 ; 6e éd. , 1 883) ; Pas-
seggiate (1879); Teatro spicciolo (Florence, 1883), etc.
Bibl. : Fanfulla délia Domenica, 23 déc. 1883.
FERRIOL (Charles-Augustin de) (V. Argental [Comte
d']).
FERRO (Scipione del), mathématicien italien, du com-
mencement du xvie siècle. Il professa à l'université de
Bologne de 1496 à 1526, année à la fin de laquelle il
mourut. Il inventa le premier, vers 1515, la construction
de la racine réelle de l'équation du troisième degré sans
second terme, construction qu'il communiqua au Vénitien
Antonio Maria Fior ; il lui donna ainsi l'occasion de soute-
nir contre Tartaglia la joute mathématique du 12 févr. 1535
en lui posant trente problèmes qui se ramènent à la forme
d'équation : x3 -f- ax~b. Tartaglia abandonna le prix,
mais se déclara en possession de la solution. Ferro s'était
également occupé des constructions géométriques avec une
même ouverture de compas. Il laissa ses manuscrits à son
gendre, Annibale délia Nave, qui lui succéda dans sa chaire
de 1526 à 1550. Cardan et Ferrari les virent en 1542.
On ignore ce qu'ils devinrent ensuite. T.
FERRO (Gregorio), peintre espagnol, né à Santa Maria
de Lamas (Galice), en 1742, mort à Madrid en 1812.
Elève de l'Académie de San Fernando et sectateur de Ra-
phaël Mengs, il devint directeur général des cours de l'Aca-
démie (1804). Ferro a beaucoup copié Mengs et produit
nombre d'ouvrages d'un coloris assez fade et d'un mérite
plus que discutable. Ceux qu'il peignit pour divers couvents
ont disparu, mais il en subsiste encore quelques-uns à Ma-
drid, notamment son tableau de l'église de San Francisco
el Grande, représentant une manière de Nativité, et un
Saint Sébastien dans la collection de l'Académie de San
Fernando. Ferro est l'auteur de quelques dessins qui ont
été gravés dans l'édition du Don Quichotte faite en 1780
par l'Académie.
Bibl. : Ossorio y Bernard, Galeria biogràfica de ar-
tistas espafioles del siglo XIX ; Madrid, 1868.
FERROALUMINIUM (V. Aluminium).
FERROCHROME (V. Chrome).
FERROCUIVRE (V. Cuivre).
FERROCYANURE (V. Cyanure).
FERRO L (Le). Grand port militaire d'Espagne, sur la
côte de Galice, à 18 kil. N.-E. de La Corogne, situé
sur le bord septentrional d'une baie étroite et" profonde
au fond de laquelle débouche le rio Jubia; 23,811 hab.
(la population varie beaucoup suivant l'état des finances
espagnoles et l'activité que le gouvernement peut donner
aux chantiers). La position offre une grande analogie
avec celle du port français de Brest. Du large, pour
entrer dans le port, on a d'abord à passer par un goulet
de 500 m. à peine de large sur 4 à 5 kil. de longueur
et qui est dominé par des hauteurs hérissées de batteries.
La baie s'ouvre ensuite, complètement abritée, assez
large pour contenir les 'flottes les plus nombreuses.
Cette position maritime si forte fut longtemps sans em-
ploi; l'abri qu'y trouvèrent quelques vaisseaux dispersés
de l'invincible Armada attira sur elle l'attention de Phi-
lippe II; mais ce n'est guère qu'à partir de 1730 que le
gouvernement s'occupa activement de faire de ce point, où
il n'y avait qu'un pauvre village, un grand arsenal mari-
time. Les Anglais s'en montrèrent fortmquiets : Pitt disait
que, si l'Angleterre possédait sur ses côtes un tel port, il
faudrait l'entourer d'une muraille d'argent. L'amiral War-
ren, en 1800, qui faisait voile vers l'Egypte, reçut ordre
de s'en emparer et surprit la place à peu près sans défen-
seurs et sans munitions. Le gouverneur tint bon, et la me-
nace d'une tempête qui aurait brisé les vaisseaux sur les
rochers obligea la flotte anglaise à s'éloigner. Le Ferrol,
quoique bien défendu, fut pris facilement par terre par
Soult en 1809 et par le corps expéditionnaire français de
1823. Le gouvernement a beaucoup fait en ce siècle pour
donner au Ferrol une grande importance ; c'est aujourd'hui
un des grands établissements de marine militaire de l'Eu-
rope. Il y a un arsenal, des ateliers, des fonderies, des
corderies, des magasins immenses, douze cales de construc-
tion en pierre de taille et des chantiers, le tout couvrant
plus de 10 hect. ; il y a aussi dans la rade un dock flot-
tant qui peut transporter une frégate. Il y a une école
d'hydrographie, une école de navigation, une école d'ingé-
nieurs de la flotte et, administrai vement, c'est le chef-lieu
d'un arrondissement maritime qui comprend tout le littoral
de l'Atlantique, depuis la Bidassoa jusqu'au Minho. Il n'y
a que peu de commerce, les grands navires de commerce
étrangers n'étant pas admis dans le port. La ville se com-
pose de trois parties : le vieux Ferrol, aux rues irrégu-
lières et mal bâties ; le nouveau Ferrol, où se trouvent les
principaux édifices publics et les promenades, et l'Esteiro
ou le faubourg. E. Cat.
FERROLLÉS-Atïilly. Corn, du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Melun, cant. de Brie-Comte-Robert; 260 hab.
FERROMANGANÈSE (V . Manganèse) .
FERRON (Théophile-Adrien), général français, né à
Pré-Saint-Evroult (Eure-et-Loir) le 19 sept. 1830. Il
entra à l'Ecole polytechnique et en sortit en 1852. Il fut
nommé lieutenant du génie en 1854, capitaine en 1857 et
chef de bataillon en 1869. Directeur du génie à la Nou-
velle-Calédonie pendant la dernière guerre, il revint en 1871
et put prendre part au siège de Paris. Colonel en 1878, il
fut choisi en 1879 par le général de Galliffet, qui comman-
dait alors le 9e corps d'armée, comme chef d'état-major.
Peu après, nommé par le ministre Campenon sous-chef
d'état-major général, il devint secrétaire du conseil supé-
rieur de la guerre, général de brigade en 1882 et général
de division le 20 mars 1886. Appelé comme ministre de
la guerre le 30 mai 1887 dans le cabinet Rouvier, il
conserva ce poste jusqu'au 20 nov. de la même année.
Pendant ce court passage au ministère, il fit voter plusieurs
lois utiles à l'armée (organisation de l'infanterie, création
de quatre régiments de cavalerie, mobilisation et sous-offi-
ciers rengagés, etc). Le 28 mars 1889, un décret le plaça
FERRON — FERRONNERIE
— 328 -
à la tête du 48e corps à Bordeaux, où il est encore aujour-
d'hui (1893). Il a publié plusieurs ouvrages dont les prin-
cipaux sont : Considérations sur le système défensif de-
là France (Paris, 4873, in-8); Considérations sur le sys-
tème défensif de Paris (1873, in-8); Instructions som-
maires sur le combat (4883, in-8) ; les Chemins de fer
allemands et les chemins de fer français, par le major
X... (Paris, 4879, in-8) ; Places fortes et chemins de
fer stratégiques de la région de Paris, par le major X. ..
(Paris, 4880, in-8).
FERRONAYS (Ferron de La). Famille de Bretagne qui
a donné son nom à la terre de La Ferronays, près de Dinan.
D'après La Chesnaye des Bois, elle remonterait à 4418.
Quoi qu'il en soit, on trouve dès le xve siècle un Olivier de
La Ferronays d'où descend la famille actuelle. Parmi les
principaux membres nous citerons : Gilles, chevalier de
l'ordre du roi, mort en 4576 ; Jacques, son arrière-petit-
fils, commandant de la citadelle de La Ferté et du château
de Vincennes. — Ses fils et petits-fils, Pierre- Jacques et
Pierre-Jacques-Louis- Auguste (4699-4 753) , furent l'un
brigadier, l'autre maréchal de camp des armées du roi. Le
fils du dernier, chevalier de Saint-Louis et gouverneur de
Dole, arriva même au grade de lieutenant général. — Jules-
Basile (4735-1799) entra dans les ordres, assista Bernis
au conclave de 4769, fut successivement évêque deSaint-
Brieuc, Bayonne et Lisieux, président de l'assemblée pro-
vinciale de la Moyenne-Normandie en 4787 et joua un cer-
tain rôle dans l'émigration. — Le comte de La Ferronays,
son neveu, fut ambassadeur en Russie sous la Restauration
du 7 mai 4824, où il succéda à Noailles, jusqu'au 24 mars
4828. Il s'attacha à faire prévaloir la politique d'entente
cordiale avec cette puissance. — Son petit— fils, Henry-
Marie- Auguste, né à Paris le 45 sept. 4842, après être
entré à Saint-Cyr en 4863, fit la campagne de 4867
contre Garibaldi et celle de 4 870. Il fut attaché militaire à
Londres de 4875 à 4882. Depuis le 4 oct. 4885 il est
député de la Loire-Inférieure. Louis Farges.
FERRONAYS (Pauline de La) (V. Craven [Mmô Au-
gustus]).
FERRON l (Girolamo), peintre et graveur à l'eau-forte
italien, né à Milan en 4687, mort vers 4730. Elève de
Carlo Maratta à Rome, il ne fut jamais qu'un peintre mé-
diocre. Il réussit mieux dans la gravure, comme en témoi-
gnent les estampes bibliques qu'il exécuta d'après son
maître. G. P.-i.
FERRON I (Pietro), mathématicien italien, né à Florence
le 22 févr. 4744, mort à Florence le 4er nov. 4825. Il
fut professeur de mathématiques à l'université de Pise et
membre de la Société italienne. Il a écrit sur le calcul inté-
gral, le binôme de Newton, les sections coniques, les fonc-
tions analytiques et plusieurs questions de mécanique, une
vingtaine de mémoires parus de 4790 à 4828 dans les
Memorie délia Società italiana. Il a en outre publié à
part : Saggio sulla equazione di condizione e sulla
invenzione délia brachistocrona (s. L, 1794, in-4).
FERRONICKEL (V. Nickel).
FERRONNERIE. L'art de travailler le fer forgé. Ce
n'est guère qu'au xne siècle que l'industrie des fers artiste-
ment travaillés prit en Occident, en Gaule spécialement, une
importance particulière : jusqu'alors, le fer avait été prin-
cipalement employé par les architectes dans les chaînages,
et par les simples ouvriers pour les travaux communs ; le
bronze était le métal des artistes. Au xne siècle, et dès le
début, les feeseurs de pentures atteignent les dernières
limites de l'art : le métal, chauffé, battu, forgé en petites
masses par l'artisan, acquiert une malléabilité que nous ne
connaissons plus. Les pentures de l'église de Neuvy-Saint-
Sépulcre sont un des brillants [spécimens de cette époque.
Au xme siècle, la simplicité magistrale des modèles pré-
cédents est remplacée par des enroulements de feuillages
et de fleurs, étampés, découpés, soudés à chaud en larges
bouquets épanouis dont les portes de la façade occidentale
de Notre-Dame de Paris offrent un exemple admirable.
Au xive siècle, ces ouvrages extraordinaires de fer plein,
longuement travaillés au marteau simplement, sont rem-
placés par de brillants découpages de tôle épaisse, soudés
à un centre plus solide, ce qui permet d'obtenir une déco-
ration imposante tout en sup-
primant la plus grande par-
tie des difficultés. L'étoffe,
généralement rouge, sur
laquelle l'ouvrier fixe son
travail ajouré, en fait en-
core ressortir la riche orne-
mentation, à laquelle con-
courent, pour leur part, de
superbes clous travaillés
dont les saillies, habilement
disposées, donnent l'illusion
d'un long travail de forge.
Les grilles, qui sont avec
les pentures et quelques
flambeaux (V. ce mot),
pour ainsi dire les seuls
objets qui nous soient restés
des œuvres de ferronnerie
du xne au xive siècle, suivent
comme technique et comme
économie les pentures qui
viennent d'être signalées.
La jolie grille du Puy-en-
Velay, du xne siècle, rap-
pelle la sobre et délicate
Fragment de penture de
l'église de Neuvy-Saint-
Sépulcre (xii8 siècle).
économie des pentures de Neuvy-Saint-Sépulcre ; celle de
Saint-Denis, de la fin du xne siècle, dont Viollet-le-Duc
donne un croquis (Dict. d'archit., t. VI, p. 64), se rap-
proche énormément des pentures cle Notre-Dame de Paris,
enfin la grille de la cathédrale de Constance, du xive siècle,
est bien proche pa-
rente de la penture
de Gallardon, re-
produite ci-contre.
L a serrurerie
proprement dite
n'a son com-
plet épanouisse-
ment que pendant
un siècle et demi :
la fin du xive, le
xve et le commen-
cement du xvie siè-
cle. L'architecture
exerce sur elle une
influence prépon-
dérante ; des tra-
vaux antérieurs, il
ne reste que bien
peu cle spécimens :
quelques marteaux
de portes, d'admi-
rables têtes de lion,
comme celles du
Puy, de Lausanne,
de Hambourg, nous
apportent cependant un témoignage de l'habileté des forge-
rons des xiie, xuie et xiv9 siècles. Mais c'est surtout au
xve siècle que le goût des objets d'art, du fini dans les
détails, secondé par de nouveaux moyens d'exécution, sim-
plifiés par l'emploi de la lime et de la cisaille, inconnues
aux ouvriers du xne et du xme siècle, permirent à l'artiste
de produire ces élégants coffrets ajourés, ces serrures dont
les fonds d'étoffe font ressortir l'éclat du fer, ces montures
d'escarcelles aussi légères que l'argent, ces triptyques, cette
coutellerie admirable ; il n'est pas jusqu'aux poires d'an-
goisse, ces instruments de torture, qui ne soient de vrais
bijoux, de réels chefs-d'œuvre. (V. Armure, Clef, Flam-
Fragment de penture d'une maison
de Gallardon , commencement du
xve siècle.
329
FERRONNERIE — FERRUCCI
beau, Grille, Penture, Poire d'angoisse, Puits, Ser-
rure). F. de Mély.
FERRONNIÈRE (V. Coiffure, t. XI, p. 865).
FERRONNIÈRE (La belle), maîtresse de François Ier.
— « J'ai quelquefois entendu dire, au sujet de l'abus dont
François mourut, qu'il prit ce mal de la belle Ferronnière,
une de ses maîtresses, et que le mari de cette femme, par
une étrange et sotte espèce de vengeance, avait été cher-
cher cette infection en mauvais lieu pour les infecter l'un
et l'autre. » Ainsi parle Mézeray en son Histoire de
France, composée sous Louis XIII. L'anecdotier Louis
Guyon ajoute que ce criminel de lèse-majesté d'un nouveau
genre s'appelait maître Le Ferron, avocat au parlement de
Paris. Malheureusement pour ce romanesque récit, il résulte
des érudites recherches de M. de Lescure qu'il ne re-
pose sur aucun fondement sérieux. Il est certain qu'il y eut
alors un — et même deux — Le Ferron, tous deux Pari-
siens, tous deux avocats ; il est non moins certain que
François Ier eut une passion passagère pour la femme d'un
avocat parisien ; mais celui-ci avait nom Lecoq, et cette
intrigue date de 4515. De son côté, le portrait peint par
Léonard de Vinci, et où il avait, prétendait-on, voulu im-
mortaliser les traits de la « maîtresse fatale », a été
reconnu par les critiques d'art pour celui d'une grande
dame italienne. De sorte que, tout compte fait, il ne reste
rien de la légende de la belle Ferronnière.
Bibl. : M. de Lescure, les Amours de François Ier.
FERROS1L1C1UM (V. Silicium).
FERROUILLAT (Jean-Baptiste), homme politique fran-
çais, né à Lyon le 4 mai 1820. Secrétaire particulier de
Bethmont, il fut élu, le 4 févr. 1848, représentant du Rhône
à la Constituante où il combattit les socialistes et appuya
la politique de Louis-Napoléon. Non réélu à la Législative,
il se fit inscrire au barreau de Paris, revint prendre sa
place au barreau de Lyon en 1856. Il avait protesté contre
le coup d'Etat du 2 décembre et il se rangea dans l'op-
position républicaine. Conseiller municipal de Lyon (15 sept.
1870), président du comité de résistance, il fut élu repré-
sentant du Var à l'Assemblée nationale le 2 juil. 1871.
Membre de l'Union républicaine, il lutta contre le ministère
de Broglie, fut élu sénateur du Var le 30 janv. 1876, et au
Sénat fit partie du groupe radical. Comme tel il refusa de
voter la dissolution de la Chambre, combattit le 16 mai,
vota l'art. 7, le divorce, appuya la politique coloniale et
rapporta des lois importantes (organisation de l'enseigne-
ment primaire, notamment). Il avait été réélu le 8 janv.
1882 et il entra dans le cabinet Floquet le 3 avr. 1888,
avec le portefeuille de la justice et des cultes ; il démis-
sionna le 5 févr. 1889. M. Ferrouillat combattit le bou-
langisme et ne fut pas réélu aux élections du 4 janv. 1891.
F E R R 0 U L (Joseph - Antoine - Jean - Frédéric - Ernest) ,
homme politique français, né au Mas-Cabardès (Aude) le
13 déc. 1853. Médecin à Narbonne, il s'était fait de bonne
heure remarquer par l'ardeur de sa propagande socialiste
et sa collaboration aux organes socialistes de Marseille, de
Lyon et de Narbonne. Le 8 avr. 1888, il se présenta aux
élections législatives dans ledép. de l'Aude, comme radi-
cal socialiste, et fut élu au second tour de scrutin contre
le général Boulanger. Membre du groupe socialiste, il com-
battit le boulangisme faiblement, car il ne vota aucune des
mesures prises contre lui. Il fut réélu député par la pre-
mière circonscription de Narbonne, au second tour de scrutin
(6 oct. 1889), par 4,829 voix contre 4,297 à M. Douarche,
républicain, et continua à prendre une part active au mou-
vement socialiste.
FER ROUX (Etienne-Joseph), homme politique français,
né à Salins (Jura) le 25 avr. 1751 , mort à Salins le 12 mai
1834. Fils d'un négociant, électeur à Salins, il fut élu
député du Jura à la Convention le 6 sept. 1792. Il vota
la mort du roi et se lia avec les girondins. Signataire de
la protestation du 6 juin 1793 contre la journée du 31 mai,
il fut décrété d'arrestation le 3 oct. et resta enfermé dans
la prison du Luxembourg jusqu'au 18 frimaire an III
(8 déc. 1794). Réintégré dans la Convention, il fut envoyé
en mission à Lyon le 11 prairial an III, contribua à paci-
fier le dép. de la Loire (fructidor an III) et fut rappelé le
20 vendémiaire an IV. Elu le lendemain député du Jura
au conseil des Anciens, il fut porté sur les listes de pros-
cription au d 8 fructidor, mais son nom fut rayé. Il sortit
du conseil en Pan VIL Sous le Consulat, il devint directeur
des contributions directes à Lons-le-Saunier, puis à Besan-
çon ; retraité en 1815, il fut atteint par la loi de 1816
contre les régicides et se retira en Suisse dans la ville de
Nyons. En 4829, il publia le Testament politique de
M. Ferroux, ex-conventionnel. L'année suivante, la ré-
volution de Juillet lui permit de venir finir ses jours à
Salins. Etienne Charavay.
FERRUCCI (Andréa), sculpteur italien, né à Fiesoleen
1465, mort à Florence le 30 juin 1526. Il eut pour maîtres
Francesco di Simone de Florence et Michel Maini de Fiesole.
C'est un artiste intéressant et fécond, qui eut de son temps
une grande réputation : en 1487, le roi de Naples Ferdi-
nand Ier le chargea de la décoration du château de Saint-
Martin; le cardinal de Strigonie, en Hongrie, lui commanda
son tombeau, et, en 1517, le roi de Hongrie lui-même lui
fit exécuter une fontaine de marbre. On peut étudier le
talent de Ferrucci clans un certain nombre d'œuvres
importantes : à Fiesole, dans l'église Saint-Jérôme (au-
jourd'hui comprise dans la villa Ricasoli), deux bas-reliefs,
Saint Jérôme avec son lion, et un Miracle de saint
Antoine de Padoue; dans la cathédrale un beau retable
de marbre, d'une architecture riche et élégante, avec deux
figures de saints en haut-relief et une charmante Annon-
ciation en deux médaillons ; — à Florence, dans la cathé-
drale (dont Andréa dirigea les travaux à partir de 1512),
une statue de Saint André et le buste très vivant et spi-
rituel de Marsile Ficin sur son tombeau ; au musée Natio-
nal, une Sainte Famille, médaillon de marbre d'un tra-
vail exquis ; — à Pistoja, les figures du Christ et de Saint
Jean sur les fonts baptismaux de l'église San Jacopo ; —
à Bologne, dans l'église Saint-Martin, le riche tombeau
des Saliceti; — deux statues iï Anges à Volterra. Fer-
rucci est, avec B. da Rovezzano, un des artistes qui repré-
sentent de la façon la plus instructive la transition entre le
« quattrocento » et la dernière Renaissance. Il a encore
(comme dans le retable de Fiesole) ce qui fait le charme
des Rossellino, des Mino et des Civitali, ses prédécesseurs
immédiats : la simplicité et la facilité de l'exécution, la
grâce aisée des attitudes, l'élégante légèreté des draperies,
la douceur des visages, l'air de candeur et de jeunesse.
Mais déjà, dans ses dernières œuvres, où semble se trahir
une influence malheureuse de Michel-Ange, il laisse voir le
travail et l'effort, en cherchant la grandeur et la puis-
sance. Dans le Saint André, par exemple, on sent la
recherche des mouvements contournés, des plis tourmentés,
des ombres profondes. Ses élèves, Andréa, Silvio et Maso
Boscoli, de Fiesole, ne produisent plus que des œuvres
laborieuses et prétentieuses, telles que le tombeau iï Antonio
Strozzi, dans la cathédrale de Florence. E. Bertaux.
Bibl. : Vasarï, Le Vite. — Burckhardt, Cicérone. —
E. Mùntz, Histoire de l'art pendant la Renaissance, t II.
FERRUCCI (Francesco), surnommé del Tadda, sculp-
teur italien, né à Fiesole, mort en 1585. Il se rendit
célèbre en retrouvant l'art, perdu depuis l'antiquité, de
tailler le porphyre avec des outils d'acier. Il exécuta,
d'après ce procédé, la Grande Coupe de la Fontaine du
palais Pitti, les portraits du Grand-Duc Corne Ier et
de sa femme, celui du Duc Côme l'Ancien (médaillons
au palais Pitti), une Tête de Christ, admirée de Michel-
Ange (1560); la statue de la Justice, placée en 1580 sur
la colonne érigée devant l'église de la Sainte-Trinité.
Bibl. : Vasarï, Le Vite.
FERRUCCI (Pompeo), sculpteur italien, neveu du pré-
cédent, né à Fiesole en 1570, mort à Rome en 1636. Son
œuvre la plus importante est une grande Assomption en
haut-relief, accompagnée des figures de Saint Jérôme et
FERRUCCI — FERRURE
— 330 —
d'un Cardinal Vidoni, dans la chapelle Vidoni de l'église
délia Vittoria. Il est d'ailleurs moins un artiste qu'un pra-
ticien habile, chargé par Paul V d'exécuter des statues
funéraires et des restaurations d'antiques.
FERRUCCI (Niccodemo), peintre de l'école florentine,
né à Fiesole, mort à Florence en 1650. 11 aida son maître
Passignano et acquit une certaine habileté dans la peinture
à la fresque. Ses œuvres sont nombreuses. Citons : Deux
Apôtres, à Saint-Simon et Saint-Jude; six fresques de la
Vie de Saint François, à Ogni Santi. Parmi ses tableaux,
mentionnons : une Conception, à Saint-Simon et Saint-
Jude, le Christ au Jardin des Oliviers; la Madone du
Rosaire, à Saint-Roniface, et le plafond du palais Buona-
rotti avec la galerie à la gloire de Michel-Ange, où il
peignit les portraits de tous les peintres, sculpteurs et ar-
chitectes qui s'inspirèrent de ce maître.
FERRUCCI (Rosa), écrivain mystique italien, née à
Rologne vers 4828, morte à Pise en janv. 1857. Fille
du professeur Ferrucci, elle rédigea quelques opuscules
qui lui ont valu une certaine réputation dans le monde
religieux, moins cependant que sa vie elle-même, dont plu-
sieurs ont loué l'exemplaire dévouement aux pauvres. Après
sa mort prématurée, on publia un volume intitulé Rosa
Ferrucci, ecl alcuni suoi scritti pubblicati per cura
disuamadre (Florence, 1857 ; 2e éd. augmentée, 1858). —
Sa mère, Caterina-Franceschi Ferrucci, a écrit : lnni (Bo-
logne, 1828) ; Rime varie e prose, dans les Poésie e prose
inédite o rare di Italiani viventi (Bologne, 1835) ;
Prose e versi (Florence, 1873), un roman, Francesca di
Rimini, et quelques ouvrages d'éducation. R. G.
Bibl. : Abbé H. Perreyve, Rosa Ferrucci, ses lettres
et sa mort ; Paris, 1859, in-16.
FERRURE. I. Architecture . — Toute pièce de serrurerie
ou de quincaillerie, charnière, fiche, gond, équerre,penture,
crémone, espagnolette, loqueteau, verrou, serrure, etc., em-
ployée pour fixer, consolider et fermer un ouvrage de me-
nuiserie : bâtis, lambris, porte, croisée, persienne ou volet. On
verra aux mots Ferronnerie, Penture et Serrure, notam-
ment, toute l'importance prise, pendant le moyen âge, par
les ferrures des portes des églises. — Les ferrures subissent
divers travaux d'apprêt de métal qui les divisent en ferrures
forgées, blanchies, polies, etc.; de plus, en vue de les pré-
server de l'oxydation ou de les faire entrer dans un sys-
tème général de décoration, elles sont imprimées, peintes,
vernies, bronzées, nickelées, argentées, dorées ou platinées,
toutes opérations suffisamment expliquées par leur désigna-
tion même. Charles Lucas.
II. Art vétérinaire. — La ferrure est l'art d'appliquer
méthodiquement une semelle de fer sous les pieds des che-
vaux ou des bœufs dont on utilise les forces motrices, afin
de prévenir les conséquences fâcheuses de l'usure trop
prompte de la corne des sabots ; la ferrure est de date rela-
vement récente ; elle ne remonte guère qu'au ive ou ve siècle,
de notre ère, car Végèce, qui vivait sous le règne de Valen-
tinien III, au ive siècle, et qui, dans son traité De Re
militari, décrit minutieusement toutes les maladies ou
accidents du pied du cheval, n'y fait aucune allusion. Le
premier fer à clous qui ait un caractère d'authenticité est
celui que Ton a découvert à Tournai, dans le tombeau de
Childéric, roi des Francs, mort en 481. Il y a lieu de
croire que l'invention du fer à clous est d'origine germaine,
et que ce fer a été importé en Gaule et en Italie lors des
invasions des Barbares. C'est grâce à la ferrure que le
cheval a pu être employé comme moteur et que l'homme a
pu l'utiliser aux services multiples dans lesquels il l'em-
ploie. La connaissance anatomique et physiologique du
pied du cheval est indispensable à l'ouvrier maréchal
(V. Pied), non seulement pour confectionner le fer, mais
aussi pour l'appliquer avec sagacité. Les instruments em-
ployés pour pratiquer la ferrure sont le brochoir ou la
mailloche, le boutoir, le rogne-pied, les tricoises, la râpe
et le repoussoir. — Le pied étant tenu par un aide, le
ferreur le déferre, puis il le pare et le dispose à recevoir
un fer neuf. Ce dernier doit préalablement recevoir l'ajus-
ture et la tournure, opérations qui se font à chaud, car,
sous cet état, le fer est malléable et subit toutes les modi-
fications que lui imprime le marteau de l'ouvrier. Une fois
adapté au sabot, on l'y fixe au moyen de clous, au nombre
de six ou huit ; cette opération constitue le brochage. Les
Anglais, eux, procèdent dans la ferrure suivant un manuel
opératoire très différent du nôtre. L'ouvrier anglais ferre
sans auxiliaire. Seul il lève le pied, le maintient dans une
position convenable, raccourcit sa corne, la pare, la dispose
pour la réception du fer, tourne et ajuste ce dernier, l'es-
saye et le fixe à l'aide de clous. Pour parer son pied, il
se sert du rogne-pied et, au lieu de boutoir, d'un couteau
particulier, à lame longue et courbée, désigné sous le nom
de couteau anglais. — La ferrure vise un but multiple :
1° conserver ou rétablir la régularité des aplombs; 2° con-
server ou rétablir l'intégrité de la forme du sabot ; 3° con-
server la liberté des mouvements qui peuvent se produire
dans le sabot, et au besoin chercher à les rétablir. — ' La
ferrure s'applique tantôt à chaud, tantôt à froid. La ferrure
à chaud, caractérisée par l'application rapide du fer sous
le sabot, alors que le métal est encore chaud, pour per-
mettre à l'ouvrier d'en saisir les défectuosités et d'y remé-
dier de suite, est de beaucoup la plus usitée. La ferrure à
froid, celle dans laquelle le fer reçoit sa tournure et son
ajusture sans avoir subi au préalable le contact du pied,
ne se fait plus qu'exceptionnellement, pour certains che-
vaux de haut prix. Essayée il y a une quarantaine d'années
dans l'armée, elle n'y a pas réussi. L. Gàrnier.
III. Industrie. — On ferre le cheval, mais aussi le
mulet, l'âne et le bœuf : c'est surtout pour le premier
que le ferrage a une importance capitale. Les fers à
cheval sont formés d'une bande de fer aplatie et courbée
sur sa largeur ; on y distingue deux faces principales, celle
qui touche la terre et que l'on appelle face inférieure et
celle sur laquelle repose le pied ou le sabot de l'animal
et que l'on nomme face supérieure. La partie extérieure
suit exactement le contour de la corne, et la partie inté-
rieure ne doit en rien gêner la fourchette, c.-à-d. cette
partie plus ou moins élevée, en forme de V, qu'on remarque
sous le pied et dont la pointe est tournée vers le devant,
tandis que les deux branches se dirigent vers le talon. On
donne le nom de voûte au champ ou à la largeur du fer,
considéré à l'endroit où sa courbure est le plus sensible,
parce que, en ce point, il est plus ou moins relevé en
bateau. Vers le milieu de cette voûte se trouve une partie
triangulaire, qu'on appelle la pince; elle est placée devant
le pied pour garantir la corne contre le choc que le che-
val pourrait faire dans sa marche, par la rencontre d'une
pierre ou de tout autre corps résistant. On appelle mamelles
les deux régions qui de chaque côte confinent à la pince,
quartiers les deux régions qui les suivent, et talons ou
éponges les deux régions qui se trouvent à l'arrière du
sabot. On remarque encore sur chaque fer des trous, ordi-
nairement au nombre de huit, quatre sur chaque branche,
qui sont évasés du côté de la face inférieure. Ces évasements
se nomment étampures. Les trous servent à recevoir des
clous en fer très doux, à tête plate et à queue très longue,
mince et facile à plier, qu'on y broche, pour fixer les fers.
La couverture est la largeur de la bande métallique, la
tournure la forme donnée au fer, V ajusture est l'incurva-
tion sur plat que le maréchal donne au fer avant de le pla-
cer. Le pinçon est une languette de fer levée en pince ou
en mamelles pour donner au fer plus de fixité, et le cram-
pon, une èminence élevée en talon ou en éponge pour em-
pêcher les glissades. Le fer de devant a, comme le pied, une
forme arrondie, et celui de derrière est légèrement allongé.
Diverses variétés de fers ont été proposées à différentes
époques. Au siècle dernier on eut le fer à croissant de La-
fosse père et fils. Le fer étant placé sur le pied, la corne
en talons se trouve au niveau de sa face inférieure. Ce fer
laisse au pied son intégrité, mais manque de résistance. A la
cavalerie des omnibus de Paris, on s'est inspiré de l'idée
334 —
FERRURE - FERRUS
des Lafosse. Le fer mécanique de devant a 0m023 de lar-
geur en pince et 0m01 5 d'épaisseur. Ces deux dimensions
vont en diminuant progressivement, pour n'être plus en
éponge que de 0m013 et 0m01. Le fer de derrière a 0m03
de largeur en pince et en mamelles et 0m015 en talons ;
0m018 d'épaisseur en pince et 0m007 en éponge. Ces fers
n'ont que six étampures. Dans cette ferrure, comme dans
celle des Lafosse, la fourchette appuie sur le sol et cet ap-
pui a pour résultat, tout en donnant aux chevaux plus de
stabilité sur le sol, de maintenir l'intégrité de la boîte cor-
née. La ferrure Charlier ou péri-plantaire a eu, une
vingtaine d'années, une certaine vogue à Paris. Dans cette
ferrure le bord inférieur de la paroi est creusé pour rece-
voir le fer qui est étroit et dont la face inférieure, placée
au niveau de la sole, permet à la fourchette d'appuyer sur
le sol. Elle a l'inconvénient d'être d'une application peu
facile ; elle convient toutefois aux chevaux de luxe, bien
qu'elle soit à peu près complètement abandonnée aujour-
d'hui. Le mulet, l'âne et le bœuf quelquefois reçoivent une
ferrure appropriée à la conformation de leurs pieds. Contre
les glissades, on a inventé une foule de fers spéciaux, dits
fers à glace, rainés, à clous, à vis, à crampons, avec pa-
tins en caoutchouc. On connaît les clous à glace système
Delpérier, système Lepinte, les crampons à chevilles ou main-
tenus à l'aide d'une clavette, les crampons à vis tronco-
nique, à tête carrée, sans épaulement. C'est ce dernier sys-
tème qu'a accepté le ministre de la guerre pour la cavalerie
française.
Fabrication des fers à cheval. — Si les pieds de
tous les animaux portant des fers étaient exactement
conformés de la même manière, la fabrication des fers
à cheval serait des plus faciles. Mais il n'en est pas
ainsi, parce que les pieds des chevaux sont sujets à des
difformités qu'il est impossible de prévoir. C'est ce qui
explique pourquoi on a longtemps pensé qu'on ne pourrait
jamais, même avec une grande variété de types, faire
d'avance et mécaniquement des fers se présentant à toutes
les exigences. On y est cependant parvenu en se rendant
compte des formes rationnelles qu'ils doivent affecter dans
le plus grand nombre des cas et voici, à ce point de vue,
les principes qu'on a pu poser. Relativement aux fers de
devant, on a reconnu que, pour les chevaux à allure lente,
travaillant dans les pays montagneux, ou traînant habi-
tuellement de lourdes charges, l'épaisseur doit être la plus
grande à la pince et au talon, tandis qu'elle doit être moyenne
aux mêmes parties, pour les chevaux de plaine, et plus
grande au talon qu'à la pince pour les chevaux à allure
rapide. Pour ces mêmes fers, la branche en dehors s'usant,
en général, plus vite que celle du dedans, doit être plus
épaisse que cette dernière ; par contre, la branche interne
doit être plus large que la branche externe, afin de proté-
ger le pied de l'animal contre certaines blessures plus fré-
quentes de ce côté qu'à l'extérieur. En ce qui concerne les
pieds de derrière, on a constaté que la pince, étant la par-
tie sur laquelle se fait l'appui dans la progression, doit
être particulièrement nourrie ; mais, comme on lève presque
toujours les crampons aux fers de derrière, il faut que les
éponges soient également bien nourries afin qu'elles puissent
fournir la matière nécessaire pour ce genre de travail.
Pour ces fers, encore, l'usure est bien plus forte sur les
branches du dehors, ce qui oblige à les tenir épaisses.
Quant aux branches du dedans, il n'est pas nécessaire de
les tenir larges comme les branches correspondantes des
fers de devant ; il faut, au contraire, les faire étroites et
minces pour rendre îe fer aussi léger que possible. Quoi
qu'il en soit, on a enfin réussi, dans ces dernières années,
à réaliser pratiquement la fabrication mécanique des fers
à cheval. Voici en peu de mots comment on procède à
l'usine de M. Sibut, d'Amiens, qui peut être prise comme
exemple. On n'a besoin que d'une chaude et de cinq opé-
rations successives. Les lopins, chauffés au blanc, sont
d'abord ébauchés à l'aide d'un laminoir à excentrique, puis
passés dans une cintreuse à coquille qui leur donne la
courbure voulue. L'ébauche est alors placée dans une
étampe et soumise à l'action d'une presse à excentrique qui
lui fait prendre la forme définitive et étampe les trous,
mais sans les déboucher. Après cette opération, elle reçoit
un deuxième étampage, celui-ci au pilon, qui produit l'ajus-
ture en biseau que présente la rive interne du fer. Ces
opérations à chaud sont accompagnées de projections d'eau
pour débarrasser le fer de l'oxyde qui se forme à sa sur-
face. Enfin, le fer étant refroidi, il est soumis à une der-
nière opération, pendant laquelle des poinçons d'acier
débouchent les trous. Indépendamment des fers ordinaires,
il y en a d'autres qu'on applique de préférence dans cer-
tains cas spéciaux. Tels sont : les fers anglais, dont les
trous sont noyés dans une rainure ; les fers à crampons,
dont les éponges sont recourbées à angles droits, pour empê-
cher les glissades ; les fers russes, qui sont destinés au
même objet et qui ont trois crampons, l'un à la pince et
les autres aux talons ; les fers à glace employés quand le
sol est rendu glissant par la gelée ou le verglas. Ces fers
ont le même emploi que les fers à crampons ; dans leur
forme la plus simple, ce sont des fers ordinaires dont on a
retiré trois ou quatre clous usuels, pour les remplacer par un
nombre égal de clous spéciaux, dits clous à glace, que l'on
rive sur la muraille de la paroi du sabot. L. K. et L. G.
FERRUS (Pero),*poète castillan de la fin du xive siècle.
On manque de renseignements sur sa vie. Il est probable
qu'il écrivait déjà sous le règne de Pedro le Justicier,
peut-être avant. En tout cas, il survécut à son successeur
Enrique II, décédé en 1379, et sur la mort duquel il com-
posa un dit remarquable. PeroFerrus, qui cultivait la poésie
amoureuse et lyrique, semble avoir été fort érudit pour
l'époque, si l'on en juge par les nombreuses allusions his-
toriques et mythologiques dont abondent plusieurs de ses
oeuvres, entre autre un dit sur les héros célèbres de l'an-
tiquité, de l'histoire nationale et des romans de chevalerie,
adressé à Pero Lopez de Ayala. Les quelques pièces qui
nous restent de lui figurent au t. I du Cancionero com-
pilé par le juif Juan Alfonso de Baena, vers 1450 (édité
d'abord à Madrid, 1851, in-4, puis à Leipzig, 1860,
2 vol. in-18). C'est probablement le plus ancien poète du
recueil. Lucien Dollfus.
FERRUS (Georges de), capitaine français, né à Oulx
(qui faisait alors partie du Dauphiné) vers le milieu du
xvie siècle, mort vers 1590. Fils de Jean Ferrus, bourgeois
de Briançon, et de Madeleine Emé. M. le Dr Chabrand,
d'après des documents conservés à la bibliothèque de Gre-
noble, a récemment démontré que tous les historiens dau-
phinois ont confondu ce personnage avec Jean-Louis
Borel, sieur de La Cazette, son beau-père, dont ils lui ont
attribué tous les exploits et jusqu'à sa fin tragique. C'est
en effet Louis Borel qui fit ses premières armes au siège
de Perpignan (1542), combattit à Cerisoles (154.4), guer-
roya en Ecosse contre les Anglais, revint en Briançonnais
pour y réduire les Vaudois révoltés (1562), lutta contre
les troupes protestantes de Lesdiguières et contribua à la
reprise d'Exilles sur les protestants en 1569. C'est encore
Louis Borel qui conduisit les compagnies briançonnaises au
siège de Corps en 1570, qui attaqua Freyssinières en 1573
et reprit Briançon sur les protestants en 1580. Enfin c'est
lui qui fut assassiné par les ordres de Lesdiguières le
15 juil. 1590. En un mot, le capitaine désigné par les
historiens sous le nom de La Cazette de 1542 à 1590 est
Jean-Louis Borel et non Georges de Ferrus, son gendre.
Allégée de ces glorieux épisodes, la biographie de ce der-
nier est brève. Georges de Ferrus épousa, le 15 août 1567,
Eléonore Borel de La Cazette, fille du capitaine dont il
devait pendant trois siècles usurper la gloire. Il combattit
sous les ordres de son beau-père contre les protestants
pendant toute la durée des guerres de religion. En 1570,
il était avec sa compagnie au siège de Corps et en 1574 il
défendait Briançon ; l'année suivante il campait au Villard-
Saint-Pancrace. A. Prudhomme.
Bibl. : Dr A. Chabrand, Jean-Louis Borel, sieur de La
FERRUS — FERRY
— 332 —
Gazette, et Georges de Ferrus, dans Bull, de la Soc. d'études
des Hautes-Alpes, t. VIII, p. 288. — Maignien, Georges de
Ferrus dit La Cazette (1542-1 *Q0), extr. du journal le Dau-
phiné du 7 août 1881. — A. Rochas, Biogr. du Dauphiné ;
Paris, 1856, t. I, p. 382, in-8.
FERRUS (Guillaume-Marie-André), médecin français,
né à Château-Queyrâs, près de Briançon (Hautes-Alpes), le
2 sept. 1784, mort à Paris le 23 mars 4861. Il a fait ses
études médicales à Paris, où il a été reçu docteur en 1804.
D'abord chirurgien militaire, il fit les dernières campagnes
de l'Empire et se fit remarquer par son dévouement ; puis
licencié à la paix, il ne tarda pas à s'occuper de l'étude des
maladies mentales. Elève et ami de Pinel, il fut d'abord
médecin à la Salpêtrière, puis médecin en chef de la division
des aliénés de Bicêtre. Il préconisa l'utilité des travaux ma-
nuels, l'agriculture entre autres, et c'est surtout à son
initiative que la ferme de Sainte-Anne a été créée. Médecin
consultant du roi et membre du conseil de santé en 1830,
membre de l'Académie de médecine en 1834, inspecteur
général du service des aliénés, il a publié sur les établis-
sements spéciaux qu'il avait été chargé de visiter plusieurs
rapports intéressants dont les conclusions ont servi de base
à la loi de 1838 et il a combattu dans la presse et à la
tribune académique le système des quarantaines et des
cordons sanitaires. Nommé inspecteur du service sanitaire
des prisons, il a publié également un Rapport sur la po-
lice sanitaire des maisons centrales de force et de
correction (1 834) , et un travail intitulé De V Expa-
triation pénitentiaire, pour faire suite à l'ouvrage pré-
cédent. Dr A. Dureau.
FERRUSSAG. Corn, du dép. de la Haute-Loire, arr. de
Brioude, cant. de Pinols; 458 hab.
FERRY Boat (V. Bateau, t. Y, p. 733).
FERRY Ier et II, comtes de Bar (V. Frédéric).
FERRY, ducs de Lorraine (V. ce mot).
FERRY (Paul), pasteur protestant, né à Metz le 24 févr.
1591, mort à Metz le 28 déc. 1669. Il ne quitta guère
Metz. Ses publications sont médiocres. Il s'était laissé ga-
gner par Richelieu, moyennant une pension, pour parler
en faveur de la réunion des deux religions. Il n'a un intérêt
général que par sa correspondance très étendue, entre
autres avec Bossuet, et pleine de renseignements sur les
contemporains. Elle est conservée dans le fonds Coquerel
à la Bibliothèque du protestantisme (Paris). F. -H. K.
FERRY (Claude-Joseph), homme politique et savant
français, né à Raon-1' Etape (Vosges) en 1756, mort à
Liancourt (Oise) le 1er mai 1845. Disciple et ami de
d'Alembert, il entra en 1786 comme professeur à l'école
du génie de Mézières. Il applaudit à la Révolution, fut élu
député à la Convention par le dép. des Ardennes (1792),
vota la mort de Louis XVI, fut envoyé comme commissaire
en Corse et dans plusieurs départements du centre (1793),
s'opposa à la démonétisation des gros assignats, fut attaché,
à titre d'examinateur à l'Ecole polytechnique qu'il avait
aidé à fonder (1795), la quitta lors de l'établissement du
Consulat, gouvernement auquel il refusa de se rallier, fit
de longs voyages scientifiques dans le N. de l'Europe et
finit par reprendre sa chaire à l'école du génie (qui avait
été transférée à Metz). Il redevint même examinateur à
l'Ecole polytechnique (1812), mais fut destitué par les
Bourbons en 1814. Il était demeuré républicain et refusa
de se rallier à Napoléon pendant les Cent- Jours. Aussi ne
fut-il pas proscrit en 1816 comme les autres régicides.
FERRY (Louis Ferry Gabriel de Bellemare, connu sous le
pseudonyme de Gabriel), littérateur français, né à Grenoble
en nov. i 809, mort à bord du paquebot anglais V Amazone,
le 3 janv. 1852. Fils d'un négociant établi à Mexico, il fit
ses études au collège de Versailles, puis rejoignit son père
dont il fut pendant sept ans l'associé. Revenu en France,
il écrivit plusieurs romans dont il emprunta le sujet aux
mœurs du Nouveau-Monde et qui ne lurent réimprimés en
volumes qu'après sa mort : le Coureur des bois (1853,
7 vol. in-8, nouv. éd. corrigée sur les notes de l'auteur,
1853, 2 vol. in-12 ; 1860, 2 vol. in-12); le Dragonrouge
ou Costal r Indien (1855, 4 vol. in-8), plusieurs fois
réimp. sous le seul titre de Costal l'Indien; les Squat-
ters, la Clairière du bois des Hogues (1858, in-12);
Scènes de la vie mexicaine (1854, in-12); Scènes de
la vie militaire et Scènes de la vie sauvage au Mexique
(1856-1857, 2 vol. in-12); les Révolutions du Mexique,
avec préface de George Sand (1864, in-18). Citons à part
la Chasse aux Cosaques (1854, 5 vol. in-8) et le Vicomte
de Châteaubrun (1856, 2 vol. in-8; 1861, in-18). Ga-
briel Ferry, qui n'avait point connu la vogue dont jouirent
quelques années plus tard les romans de Gustave Aimard,
avait obtenu une place d'inspecteur du rapatriement des émi-
grants en Californie et se rendait à son poste quand il trouva
la mort dans l'incendie du paquebot qui le transportait. —
Son fils, M. Gabriel de Bellemare, né à Paris en 1846,
a publié sous le même pseudonyme divers romans : les
Deux Maris de Marthe (1884, in-12) ; Cap de fer (1887,
in-12) ; les Exploits de César (1889, in-18) et deux vo-
lumes de biographie anecdotique : les Dernières Années
d'Alexandre Dumas (1883, in-18) ; Balzac et ses amies
(1888, in-8). M. Tx.
FERRY (Emile-Jean), homme politique français, né à
Paris le 7 déc. 1821. Ancien industriel, maire du IXe arr.
de Paris, il a été élu député de la Seine lev6 oct. 1889,
au scrutin de ballottage, par 3,966 voix contre 3,538 à
M. Georges Berry.
FERRY (Jules-François-Camille) , homme d'Etat français ,
né à Saint-Dié le 5 avr. 1832. Reçu licencié en droit dès
1851, il se fit inscrire comme avocat au barreau de Paris,
fut remarqué en 1 855 à la conférence des stagiaires, mais
dut surtout au journalisme la notoriété qu'il acquit sous
l'Empire. Après avoir collaboré assez longtemps à la Gazette
des Tribunaux, il se jeta dans la presse politique et s'y
rendit redoutable au gouvernement par sa parfaite con-
naissance des affaires, son habileté à élucider les questions
les plus obscures, les plus embrouillées, et son vigoureux
talent de polémiste. Ses articles dans le Courrier de Paris,
dans la Presse, la part qu'il prit au mouvement démocra-
tique lors du renouvellement du Corps législatif en 1863
et la brochure qu'il écrivit peu après sur la dernière Lutte
électorale attirèrent sur lui l'attention publique, si bien
que sa candidature à la députation, qu'il posa dans la cin-
quième circonscription de Paris au commencement de 1864,
ne parut pas trop prématurée. Il la retira, du reste, bien-
tôt devant celle de Garnier-Pagès. Impliqué quelques mois
plus tard dans le procès des treize, il entra l'année sui-
vante à la rédaction du Temps et y mena campagne très
énergiquement contre la politique extérieure et intérieure
de l'Empire. Sa retentissante brochure sur les Comptes
fantastiques d'Ilaussmann (critique très vive et très péné-
trante des procédés irréguliers d'administration qu'employait
depuis longtemps le préfet de la Seine) et son article sur
les Grandes Manœuvres électorales, qui valut au journal
V Electeur une condamnation à 10,000 fr. d'amende, le
rendirent très populaire (1868). Aussi, lors des élections
générales de 1869, sa candidature législative, posée de
nouveau à Paris, obtint-elle un plein succès.
Elu député, dans la sixième circonscription de cette
ville, au second tour de scrutin, par 15,729 voix contre
13,944 données à M. Cochin, il alla siéger sur les bancs
de l'opposition républicaine au Corps législatif, dont il
demanda vainement la dissolution, combattit de toutes ses
forces le ministère Ollivier, s'efforça d'empêcher la décla-
ration de guerre à la Prusse en juil. 1870 et, après l'effon-
drement de l'Empire (4 sept.), entra, avec ses collègues de
la Seine, dans le gouvernement de la Défense nationale, qui
le prit pour son secrétaire et lui confia (6 sept.) l'adminis-
tration du dép. de la Seine, c.-à-d. de la banlieue de Paris,
cette ville étant placée sous l'autorité d'un maire, qui était
alors Etienne Arago. M. Jules Ferry fit preuve dans cet
emploi de beaucoup d'activité, contribua puissamment par
son sang-froid et son énergie, lors de l'échauffourée du
31 oct., à délivrer le gouvernement, que l'émeute tenait
— 383 -
FERRY
prisonnier à l'Hôtel de Ville, et, après la démission d'Etienne
Arago (45 nov.), fut chargé d'administrer non plus seule-
ment les communes suburbaines, mais la capitale elle-même.
Il pourvut de son mieux, au milieu de grandes difficultés,
pendant la fin du siège, à l'ordre public et aux subsistances,
qui durent être rigoureusement rationnées à partir du
18 janv., et triompha, le 22 du même mois, d'une nouvelle
insurrection populaire. Après l'armistice, il fut élu repré-
sentant des Vosges (8 févr.), le cinquième, par 33,439 suf-
frages. Mais tandis que l'Assemblée nationale délibérait à
Bordeaux, il dut rester à Paris, où la révolution fermen-
tait plus que jamais. Le soulèvement du 18 mars mit de
fait à néant son autorité préfectorale. Après avoir tenu bon
jusqu'à la dernière heure, d'abord à l'Hôtel de Ville, puis à
la mairie du Ier arrondissement, il dut se retirer et alla
rejoindre à Versailles Thiers qui lui témoigna autant d'amitié
que de confiance et qui, après avoir triomphé de la Com-
mune, le confirma dans ses fonctions de préfet de la Seine
(fin de mai 1871). Mais M. Jules Ferry, très vivement atta-
qué par une partie considérable de l'Assemblée, ne crut pas
devoir les conserver et fut remplacé le 5 juin suivant par
M. Léon Say.
A Versailles, il s'associa pendant les derniers mois de
1871 à tous les votes importants du parti républicain et
fit au mois de mars 1872 devant la commission d'enquête,
sur l'insurrection dn 18 mars, une déposition qui lui valut
de la part de la presse réactionnaire les plus violentes
accusations. Envoyé le 15 mai suivant comme ministre plé-
nipotentiaire en Grèce, il s'y occupa surtout d'aplanir le
différend survenu entre le gouvernement hellénique d'une
part, la France et l'Italie de l'autre, au sujet des mines du
Laurium. Il y était encore lorsque Thiers fut renversé par
la coalition monarchique et bonapartiste du 24 mai 1873.
Il donna aussitôt sa démission et revint prendre sa place
dans l'Assemblée, où il lutta constamment et de toutes ses
forces contre le gouvernement dit de combat, contribua
pour sa part à la chute de M. de Broglie (16 mai 1874),
au vote des lois constitutionnelles (févr. 1875) et prononça
de nombreux discours, dont quelques-uns, notamment ceux
qu'il fit contre la loi sur l'enseignement supérieur, pour le
scrutin de liste, sur la collation des grades universitaires
et les jésuites, furent très remarqués. L'influence de
M. Jules Ferry, qui était en 1875 président de la gauche
républicaine, grandissait chaque jour. Aussi, après la dis-
solution de l'Assemblée, tint-il une place considérable dans
la Chambre des députés, où il fut envoyé par les électeurs
de Saint-Dié (20 févr. 1876) et où une nouvelle gauche
républicaine le désigna encore pour son chef. A partir de
cette époque, il s'écarta de plus en plus du parti radical.
Mais il n'en mena pas moins une campagne très vigoureuse
contre la faction cléricale, dont il avait déjà maintes fois
signalé les empiétements dans l'Etat sous l'ordre moral.
C'est ainsi qu'après avoir prononcé un énergique discours
contre les facultés catholiques et les jurys mixtes d'exa-
men, il combattit de toutes ses forces la politique inau-
gurée le 46 mai 1877 par le maréchal de Mac-Mahon, fit
partie du groupe des 363 et contribua pour une bonne
part au triomphe de la cause républicaine lors des élections
générales du 14 oct. suivant.
Réélu député à cette époque par le collège de Saint-Dié,
il vota dans la nouvelle Chambre l'enquête demandée sur
les agissements du ministère de Broglie, combattit le cabi-
net extra-parlementaire présidé par le général de Roche-
bouet (nov. 1877) etsoutinten 18781e ministère Dufaure,
mais en s'efforçant de le pousser en avant. Après les élec-
tions sénatoriales du 5 janv. 4 879, il somma le gouverne-
ment, par l'ordre du jour du 20 janv., d'orienter sa poli-
tique vers la gauche et notamment d'épurer le personnel
administratif et judiciaire dans un sens nettement républi-
cain. On sait que le maréchal de Mac-Mahon aima mieux
se retirer que de céder au vœu des Chambres . La Répu-
blique eut enfin (30 janv. 1879) un président républicain
dans la personne de M. Grévy, qui, tout aussitôt, forma le
cabinet Waddinglon (4 févr.), où M. Jules Ferry obtint le
portefeuille de l'instruction publique et des beaux-arts.
Le nouveau ministre présenta dès le mois de mars sui-
vant deux projets de loi d'une grande importance : l'un
était relatif à la réorganisation du conseil supérieur de
l'instruction publique et des conseils académiques, d'où il
éliminait tout élément ecclésiastique. Le second, qui eut
beaucoup plus de retentissement, restituait à l'Etat le mono-
pole de la collation des grades universitaires, supprimait
les jurys mixtes, obligeait les élèves des établissements
libres d'enseignement supérieur à prendre leurs inscriptions
dans les facultés de l'Etat et enlevait le droit d'enseigner
ou de diriger un établissement d'instruction à tout membre
d'une congrégation religieuse non autorisée. Cette dernière
clause, contenue dans l'art. 7 du projet, valut à M. Jules
Ferry un déchaînement de fureurs monarchiques et cléri-
cales qui ne l'empêcha pas d'obtenir gain de cause à la
Chambre des députés (16 juin-9 juil.),cmais qui intimida
une partie de la majorité républicaine du Sénat. M. Jules
Simon se posa ouvertement en adversaire de l'art. 7. Le
ministre ne céda pas. Maintenu en fonctions dans le cabinet
Freycinet (28 déc. 1879) , il vit l'article en question repoussé
par la Chambre haute ; mais il y suppléa par les décrets
du 29 mars 1880 qui, au nom des lois existantes, pres-
crivaient la dissolution des congrégations non autorisées.
En même temps, il présentait de nouveaux projets de loi
établissant l'obligation et la gratuité de l'instruction pri-
maire, au sujet de laquelle il accepta bientôt le principe de
la laïcité absolue. Une agitation factice fomentée par le
parti de l'Eglise à cette occasion amena le président du
conseil à reculer et à se dérober aux conséquences des
décrets. M. de Freycinet s'étant retiré (23 sept. 1880),
M. Jules Ferry lui succéda, sans quitter le ministère de l'ins-
truction publique, fit exécuter les décrets (oct.-nov.) et pen-
dant quelques mois au moins obtint qu'ils fussent respectés.
Il était alors à l'apogée de sa popularité. Mais haï par le
parti clérical, suspecté par le parti radical qu'il contrecarrait
chaque jour davantage et parfois avec une certaine raideur, il
n'allait pas tarder à la perdre par suite de l'opposition que lui
valut sa politique étrangère. Préoccupé d'augmenter à bref
délai, dans de larges proportions, la puissance coloniale de
la France, il se jeta coup sur coup dans diverses entreprises
qui surprirent le pays et finirent même, à tort ou à raison,
par l'alarmer. Ce fut d'abord l'expédition de Tunisie, com-
mencée en avril 4881 pour protéger la frontière orientale
de l'Algérie contre les incursions des Khroumir et qui,
malgré le traité de Kassar-Saïd (mai), obligea la France à
un déploiement de forces considérables (clans le temps même
où éclatait l'insurrection grave du Sud-Oranais) et rendit
fort aigres ses relations avec l'Italie. Les élections géné-
rales du 21 août 4884 n'en furent pas moins très favo-
rables au gouvernement républicain. Mais à la rentrée des
Chambres le ministère n'obtint en faveur de sa politique
qu'un ordre du jour assez équivoque et M. Jules Ferry crut
devoir donner sa démission (40 nov.). Gambetta, qui lui
succéda comme président du conseil, ne resta au pouvoir
que deux mois et demi. Dès le 30 janv. 4882, un nouveau
cabinet était constitué. M. de Freycinet en prenait la direc-
tion et M. Ferry rentrait au ministère de l'instruction
publique.
Grâce à lui, la loi prescrivant la gratuité, l'obligation et
la laïcité de l'instruction primaire (la plus précieuse con-
quête de la troisième République) fut enfin votée. Il tra-
vaillait encore à affranchir l'Université des derniers liens
qui la rattachaient à l'Eglise et à restreindre l'influence du
clergé dans l'enseignement, quand les complications causées
par les événements d'Egypte amenèrent la chute de M. de
Freycinet, qu'il dut suivre dans sa retraite (29 juil. 4882).
Mais il ne devait pas tarder à reparaître aux affaires. Les
troubles qui suivirent la mort prématurée de Gambetta
(34 déc. 4882) et la réputation de fermeté qu'il avait
acquise lui valurent d'être rappelé au gouvernement le
24 févr. 4883 comme président du conseil. Il reprit le por-
FERRY - FERS - 334 -
tefeuille de l'instruction publique, qu'il échangea au mois
de novembre suivant contre celui des affaires étrangères.
Son énergique attitude vis-à-vis des princes, qui recommen-
çaient à s'agiter, le succès d'une grande opération finan-
cière (conversion du 5 °/0 en 4 1/2 °/0) qu'il fit voter en
I 883, l'épuration de la magistrature, qu'il accomplit la
même année par la suspension de l'inamovibilité, parurent
un moment consolider son crédit. Une majorité compacte se
groupait autour de lui dans le Parlement. Mais la politique
coloniale allait cette fois lui être fatale. L'expédition du
Tonkin (août 1883), qui, après quelques mécomptes, amena
en somme assez rapidement l'occupation de ce pays, n'eût
fait qu'accroître son autorité, si l'hostilité de la Chine, qu'il
s'efforça longtemps de dissimuler ou de représenter comme
un facteur négligeable, n'eût bientôt donné à cette guerre
un caractère alarmant pour une nation qui, comme la
nôtre, voulait réserver toutes ses forces pour l'éventualité
d'une lutte décisive contre l'Allemagne. Le guet-apens de
Bac-lé (juin 4884) l'obligea d'entreprendre contre le
Céleste-Empire des opérations navales et militaires qui
eurent pour principal objectif l'île de Formose et qui ne
réussirent pas parfaitement. On disait que M. Ferry ne
faisait, en somme, que le jeu de M. de Bismarck. On lui
reprochait, dans le temps où une partie de nos troupes était
employée dans l'extrême Orient, de tenter une nouvelle
aventure à Madagascar, où, par suite des menées de l'An-
gleterre, nos droits séculaires étaient méconnus. Les inter-
pellations sur la politique extérieure se multipliaient dans
les deux Chambres et devenaient de plus en plus vives. Des
imputations injurieuses étaient lancées contre l'honorabilité
du ministre. Les querelles motivées par la politique inté-
rieure aigrissaient encore ces débats . Un parti nombreux
demandait la revision de la constitution. Les réformes de
détail auxquelles aboutit le tumultueux congrès de Ver-
sailles, en août 1884, furent loin de le satisfaire. Mais, en
somme, tout s'effaça bientôt devant les préoccupations moti-
vées par la politique étrangère. On accusait ouvertement le
ministère de complaisances coupables pour l'Allemagne ; on
lui imputait le résultat négatif des interminables négocia-
tions amenées par les affaires d'Egypte ; on voulait voir la
fin des incidents de Madagascar et, plus encore, on souhai-
tait celle des démêlés provoqués par l'expédition du Tonkin.
M. Ferry obtenait encore fréquemment de nouveaux crédits
pour la guerre d'Orient. Mais on lui reprochait d'avoir
entraîné le Parlement à son insu ou malgré lui dans ces com-
plications et de ne le mettre jamais qu'en présence de faits
accomplis, pour lui forcer la main. Sa majorité s'émiettait
et diminuait à vue d'œil . Elle lui fit enfin défaut au moment
même où il allait obtenir de la Chine un traité de paix
reconnaissant à la France le protectorat du Tonkin et de
l'Annam. La nouvelle de l'échec de Lang-son et de la re-
traite précipitée des troupes françaises qui avaient un moment
occupé cette ville, causa dans toute la France et surtout à
Paris (29 mars 1885) un émoi extraordinaire. M. Jules
Ferry s'abandonna pour ainsi dire lui-même. A la suite
d'une séance orageuse où les nouveaux crédits qu'il sollici-
tait lui furent refusés presque sans discussion et où une
demande de mise en accusation fut déposée contre lui par
MM. Laisant et Delafosse, il donna sa démission (30 mars)
et fut remplacé à la présidence du conseil par M. Henri
Brisson.
Les esprits ne tardèrent pas à se calmer. M. Ferry ne
fut pas mis en accusation. Il alla voyager quelque temps en
Italie, parvint à se faire réélire, au scrutin de liste, par le
dép. des Vosges (4 oct. 4885), mais ne put jouer dans la
nouvelle Chambre qu'un rôle fort effacé, tant sa personne
et sa politique étaient discréditées. Il n'en conservait pas
moins une grande influence sur le parti dit opportuniste.
II en usa pour démasquer et combattre de toutes ses forces
le général Boulanger qui le provoqua bruyamment, en août
1887, pour l'avoir appelé en public « un Saint-Arnaud de
café-concert ». Quelques mois plus tard, M. Grévy ayant
dû démissionner, à la suite des affaires Wilsoti (V. ce nom),
on put croire un moment que M. Jules Ferry allait être
appelé par le Congrès à la présidence de la République
(3 déc). Mais l'opposition du parti radical et l'attitude hos-
tile de Paris l'écartèrent de cette magistrature. Son impo-
pularité s'accrut encore à mesure que grandissait l'incroyable
crédit du général Boulanger. Lors des élections générales
du 14 oct. 1889, il ne parvint même pas à obtenir des
électeurs de Saint-Dié, sa ville natale, le renouvellement de
son mandat. Mais iïa reparu depuis sur la scène politique,
le dép. des Vosges l'ayant, enjanv. 1891, envoyé au Sénat.
Il a pris, en 1891 et 1892, une part importante aux tra-
vaux de cette assemblée comme président de la commission
d'enquête sur l'Algérie et de la commission des douanes.
A. Debidour.
FERRY (Albert), homme politique français, né à Fraize
(Vosges) le 23 févr. 1833. Maire de Saint-Dié, conseiller
général des Vosges, il fut élu député de Saint-Dié le 21 août
1881, siégea à la gauche radicale et appuya constamment
la politique opportuniste. Réélu député des Vosges le 4 oct.
1885 et le 22 sept. 1889, il a combattu le boulangisme.
FERRY (Charles-Emile-Léon), homme politique français,
né à Saint-Dié le 23 mai 1834. Chef de cabinet de J. Favre
pendant le siège de Paris, préfet de Saône-et-Loire (20 mars
1871), commissaire du gouvernement en Corse (oct. 4871),
préfet de la Haute-Garonne (11 nov. 1871-24 mai 1873),
il fut élu député de la deuxième circonscription d'Epinal le
21 août 1881 et appuya la politique opportuniste. Il ne se
représenta pas aux élections législatives de 1885 et fut
élu, le 29 avr. 4888, sénateur des Vosges, en remplace-
ment de M. Claude, décédé. Au renouvellement du 4 janv.
4891, il céda son siège à son frère Jules Ferry (V. ci-
dessus) .
FERRY de Clugny, prélat et homme d'Etat belge, né à
Autun vers 4440, mort à Rome en 4483. Philippe le Bon,
duc de Bourgogne, l'envoya fréquemment en ambassade
auprès du pape et du roi Louis XI. Evêque d'Autun en
4459, Ferry passa au siège de Tournai en 4474 et devint,
cette même année, chancelier de la Toison d'or. Sixte IV
lui donna le chapeau de cardinal en 4480. Il joua un
rôle important dans les difficultés suscitées à Maximilien
par Louis XI et servit énergiquement les intérêts du prince
autrichien. Avant de mourir, l'évêque de Tournai fonda à
l'université de Padoue un collège en faveur de ses diocé-
sains. E. H.
Bibl. : Le Maistre d\Astaing, Histoire de la, cathé-
drale de Tournai; Tournai, 1842, 2 vol. in-8.
FERS. Cette peine, qui n'existe plus pour l'armée de
terre, consistait en travaux forcés imposés à des hommes
traînant à une jambe un boulet attaché par une chaîne
de fer. On l'appelait fréquemment, pour cette raison,
la peine du boulet. Aux termes de l'art. 8 de la loi du
6 oct. 4794, elle ne pouvait, en aucun cas, être perpé-
tuelle. D'après la loi du 19 oct. suivant, elle devait être
infligée aux militaires, soit pour révolte contre les chefs, soit
pour désobéissance, vol et désertion. Elle était prononcée
pour un temps variant de six mois à vingt années. Ed. S.
L'expression s'applique encore à une punition discipli-
naire en usage dans les marines de guerre des diverses
puissances maritimes. Voici en quoi elle consiste. Une ou
plusieurs barres de fer, dites de justice, de 0m02 environ
de diamètre, de longueur variable suivant les cas, sont
fixées dans le lieu désigné par le commandant (dans le faux
pont généralement) par une crampe A enfoncée dans le pont.
Sur cette barre courent des manilles M dans lesquelles
l'homme puni passe la cheville, à frottement doux, bien
entendu, avant que lesdites manilles ne soient enfilées sur
la barre. Les barres ordinaires ont environ 2 m. et por-
tent huit manilles ; un cadenas, fixé à l'extrémité opposée
à A, les empêche de ressortir. En un mot, le matelot a la
cheville encastrée dans la manille qui glisse sur la barre.
Il est assis ou couché, à volonté. La punition ne comporte,
d'ailleurs, aucune idée infamante. En s'en rapportant, dans
le décret du 20 mai 4885 sur le service à bord des bâti-
335 —
FERS — FERSTEL
ments de la flotte, aux articles portant les nos 690-696,
qui règlent les conditions de l'application de la barre de
justice, on voit que cette punition, appelée fers dans le
langage courant, occupe un rang intermédiaire entre la
consigne et la prison. Elle est applicable aux marins
et quartiers-maîtres. Seuls, ces derniers la subissent à
une barre spéciale. Sa durée maxima est de dix jours
(art. 693). Dans les cas graves, les hommes peuvent subir
la peine de la double boucle (c.-à-d. fers aux deux pieds).
Durée maxima, dix jours. Cette peine comporte le retran-
chement absolu de vin et d'eau-de-vie (art. 694). Enfin,
Fart. 695 dit qu'à bord des bâtiments qui n'ont pas de
prison, la peine de la prison est remplacée par la boucle
simple. L'art. 696 prescrit pour les hommes aux fers une
promenade sur le pont de deux heures par jour, une
heure le matin, une heure le soir. Tel est le règlement de
la marine française. Pratiquement, la punition des fers,
dont la durée est fixée d'ailleurs par le commandant seul,
est, malgré son nom rébarbatif, bien moins sévère que le
règlement ne semble l'indiquer. Elle permet de prévenir
souvent des délits graves, et les matelots la préfèrent de
Barre de justice.
beaucoup à la prison, infiniment plus dure et qui leur
enlève leur solde. Presque toujours, d'abord, les hommes
punis de fers (boucle simple) ne sont embrochés, suivant
l'expression consacrée, que la nuit. Le jour, ils font leur
service. Ils en sont donc quittes pour dormir couchés sur
du bois et avec leur couverture. Un homme rentre-t-il de
terre, dans une relâche après de longs jours passés à la
mer, un peu trop gai, faisant du bruit, on l'envoie dis-
crètement à la broche avant que l'ivresse ne le pousse à
quelque acte d'indiscipline plus grave. Là, aux fers, il est
isolé; il ne peut s'attirer aucune mauvaise affaire. Le len-
demain matin on le lâche et tout est dit. Deux matelots se
battent-ils sur le pont ; on fait descendre aux fers le plus
coupable. Le lendemain il reprend son service ; la nuit a
passé sur sa colère, c'est fini. Nous pourrions multiplier les
exemples montrant que cette punition rend à bord de sé-
rieux services : elle permet de prévenir, comme nous le
disions plus haut. Des hommes, pleins de bonne volonté à
coup sûr, mais ne connaissant rien ni à la nature ni au
caractère du matelot, et s'en rapportant au mot, ont écrit,
ont parlé, même à la Chambre, contre cette peine barbare,
dégradante, legs des âges de barbarie, etc. Les quelques
lignes de cet article montrent qu'il en est tout autrement.
La punition des fers doit subsister dans la marine ; elle est
nécessaire : d'abord parce que la répression doit pouvoir
être bien plus énergique qu'à terre ; à bord d'un bâtiment
isolé sur les océans, où d'un côté il y a un équipage nom-
breux, et de l'autre une poignée d'hommes formant l'état—
major; en second lieu, parce qu'elle n'est, pour le matelot,
ni infamante ni inhumaine, et que, somme 4;oute, on n'est
pas arrivé à conduire des hommes ardents, vigoureux,
énergiques comme les marins, par le raisonnement et la
philosophie. Cte K. du Crano.
FERS EN (Frederik-Axel, comte von), homme politique
et mémorialiste suédois, né à Stockholm le 5 avr. 4749,
mort le 24 avr. 4 794. Issu d'une ancienne famille écos-
saise (Mac-Pherson) devenue cosmopolite, il servit en
France de 4740 à 4748, leva un régiment dont il fut colo-
nel et devint brigadier. Ses amis, les Chapeaux, les firent
rentrer avec le même grade dans l'armée suédoise (4750).
Il y fut nommé colonel de la garde royale (4756), général
(4763), feld-maréchal (4770), promotions dues plutôt à
la politique qu'à ses talents militaires, dont il donna les
preuves en enlevant aux Prussiens les îles de Wollin et
d'Usedom, les fortifications de Swinemiinde et cent cin-
quante-deux canons (août-sept. 4759). Dès 4755, il fut le
chef des Chapeaux qui combattaient les tendances autocra-
tiques de la cour. Mais il se rapprocha bientôt de celle-ci
(1760), fut d'avis d'étendre les prérogatives royales, non
parla force, mais avec l'assentiment des ordres (4768), et
donna au roi le conseil d'abdiquer pour forcer le conseil à
convoquer la Diète. Nommé riksrâd après le coup d'Etat
de Gustave III (4772), il donna sa démission six mois plus
tard, rentra dans l'opposition aristocratico-libérale, fut
arrêté en 4789, emprisonné pendant dix semaines et per-
dit de plus en plus l'influence qu'il avait acquise par son
habileté comme chef de parti, son amour de la légalité et
son intégrité. Il fut dès la fondation (4786) un des dix-
huit de l'Académie suédoise et il laissa des Ecrits histo-
riques qui ont été publiés sans critique par R.-M. Klinc-
kowslrœm (Stockholm, 4867-72, 8 vol. in-8). B-s.
F ERS EN (Hans-Axel , comte von), homme politique
suédois, fils du précédent, né à Stockholm le 4 sept. 4755,
assassiné à Stockholm le 20 juin 4840. Après avoir étudié
aux écoles militaires de Brunswick et de Turin et servi
comme capitaine dans les dragons de la garde suédoise
(4775), il fut nommé colonel du régiment français de
Royal-Bavière (4779), où il était lieutenant depuis 4770.
Il se distingua dans la guerre des Etats-Unis comme adju-
dant de Rochambeau (4780-83), devint en France colo-
nel-propriétaire du régiment de Royal-Suédois (4783), et,
dans sa patrie, colonel de l'armée (1782), lieutenant- co-
lonel des escadrons de la noblesse (4787) qu'il commanda
pendant la guerre de Finlande (4788), maréchal de camp
(4792), lieutenant général (1802), général (4809). Il fut
chancelier de l'université d'Upsala (4799), maréchal du
royaume (4804), membre du gouvernement (4800, 4803,
4808 et 1809). Aussi bien doué de corps que d'esprit, il
était bien vu de la cour de Versailles et notamment de la
reine Marie-Antoinette, dont il fut jusqu'à la mort le che-
valier sans peur et sans reproche. En 4788, il fut envoyé
en France avec une mission secrète, prépara l'évasion de
Louis XVI (juin 4791), conduisit lui-même la% voiture des
fugitifs jusqu'à Bondy et, après l'arrestation du roi, réus-
sit à passer en Belgique, d'où il revint à Paris sous un
déguisement (févr. 4792) dans l'espoir d'être utile aux
augustes captifs. En 4797, Gustave IV l'envoya en ambas-
sade au congrès de Rastadt où il ne fut pas admis, et à
la cour de Bade pour conclure son mariage avec la prin-
cesse Frédérique-Dorothée-Wilhelmine. Quoique disgracié
en 4807, Fersen ne prit aucune part à la révolution de
4809 et sa fidélité à la branche détrônée des Vasas le ren-
dit suspect aux nouveaux gouvernants ; aussi, lors des fu-
nérailles de l'héritier présomptif, Charles-Auguste, aux-
quelles il présidait en qualité de maréchal du royaume, le
laissèrent-ils exposé aux violences homicides de la populace
de Stockholm, qui, excitée par des pamphlets, le soupçonnait
injustement, avec tsa sœur la comtesse Piper, d'avoir em-
poisonné le prince regretté. Sous le titre de : le Comte de
Fersen et la cour de France, des extraits de ses papiers
ont été publiés par son petit-neveu, le baron R.-M. Klinc-
kowstrœm (Paris, 4877-78, 2 vol. in-8). Beauvois.
Bibl. : P. Gaulot.
FERSTEL (Henri, baron von), architecte autrichien, né
à Vienne le 7 juil. 4828, mort à Grinzing le 44 juil. 4883.
Il fit ses études à l'Académie des beaux-arts de Vienne. On
lui doit l'église votive du Sauveur à Vienne (achevée en 4 879),
la Banque, le Musée autrichien, l'Institut de chimie, le palais
de l'archiduc Victor et l'Université de Vienne. En 4866, il fut
nommé professeur d'architecture à l'Ecole technique ; en
4867 il obtint un grand prix à l'Exposition universelle de
de Paris ; créé baron en 4869, il fut nommé Oberbaurath
en 4874. En dehors de Vienne, il a construit l'église pro-
testante de Vienne, l'hôtel de ville de Tiflis, les bâtiments
de l'administration du Lloyd à Trieste, etc. Il affectionnait
surtout le style de la Renaissance italienne. L. L.
FERTANS — FERTÉ
- 336 -
FERTANS. Corn, du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Amance ; 305 hab.
FERTÉ (Abbaye de La) (V. Saint- Ambreuil [Saône-et-
Loire]).
FERTÉ (La). Com. du dép. des Ardennes, arr. de Sedan,
cant. de Carignan; 443 hab.
FERTÉ (La) (Firmitas). Com. du dép. du Jura, arr.de
Poligny, cant. d'Arbois, surlarive gauche delà Cuisance ;
333 hab. C'est dans cette commune qu'était située l'abbaye
de Rosières, de l'ordre de Citeaux, fondée vers 4430 par
Humbert III, sire de Salins, et dont les possessions devinrent
rapidement considérables. La décadence, il est vrai, succéda
assez \ïte aux richesses, et cette maison, vers le milieu du
xvme siècle, ne comptait plus que trois religieux. Son
église renfermait plusieurs monuments funéraires; elle a
été entièrement démolie. A. Vayssière.
FERTÉ-Alais (La). Ch.-l. de cant. du dép. de Seine-
et-Oise, arr. d'Etampes, sur la rive droite de l'Essonne ;
969 hab. Stat. du chem. de fer de Lyon (ligne de Paris à
Montargis par Corbeil) ; foires à la mi-Carême et le 25 sept.;
commerce important de bestiaux et de céréales. Cette petite
ville était déjà importante au commencement duxir9 siècle,
car en 1408 elle soutint un siège contre Louis VI ; elle
appartenait alors à la famille des Montmorency ; peu après
elle entra dans le domaine royal. L'église date delà fin du
même siècle et possède même des parties plus anciennes
qui donnent à croire qu'elle n'aurait été que reconstruite à
cette époque sur le plan d'un édifice beaucoup plus ancien.
Il ne reste plus que quelques vestiges du château fort qui
servit pendant un temps de prison d'Etat.
FERTÉ-Beauharnais (La). Com. du dép. de Loir-et-
Cher, arr. de Romorantin, cant. de Neung-sur-Beuvron ,
sur la rive droite du Beuvron ; 664 hab. Stat. du chem. de
fer (sur route) de Blois à Lamotte-Beuvron. On y admire
le beau château habité pendant quelque temps par Eugène
de Beauharnais.
FERTÉ-Bernard (La). Ch.-l. de cant. du dép. de la
Sarthe, arr. de Mamers, au milieu de prairies arrosées
par l'Huisne ; 5,239 hab. Stat. du ch. de fer de l'Ouest,
ligne de Paijis à Brest. Fabriques de toiles et de coton-
nades ; blanchiment et teinture de fils ; forges et fonderie ;
minoteries; tannerie, corroirie, chamoiserie. La Ferté-
Bernard doit son origine et son nom à un château cons-
truit au xie siècle par un évêque du Mans et qui fut pos-
sédé jusqu'au xive siècle par la famille seigneuriale des
Bernard. Philippe-Auguste s'en empara en 4489 lorsqu'il
conquit le Maine sur Henri II d'Angleterre. Le dernier des
Bernard de La Ferté vendit en 4319 sa seigneurie à Phi-
lippe, comte du Maine, qui fut plus tard le roi Philippe VI.
Elle fut cédée ensuite par Jean, fils de Philippe VI, à
Ingelger d'Amboise et passa plus tard à la famille de Craon.
Après la mort de Pierre de Craon, la seigneurie de La
Ferté passa successivement au fils de Charles V, Louis Ier,
duc d'Orléans, puis à Louis II d'Anjou et à son fils Louis III.
En 4424, le comte de Salisbury assiégea La Ferté qui ré-
sista pendant quatre mois ; bientôt reprise par Ambroise
de Loré, elle ne tarda pas à retomber aux mains des
Anglais qui ne la perdirent définitivement qu'en 4449. Le
roi René, puis son neveu Charles de Calabre, furent quelque
temps seigneurs de La Ferté ; ce dernier légua cet apanage
au roi Louis XI. Partagée bientôt entre le duc de Nemours
et René de Lorraine, la seigneurie de La Ferté échut à l'un
des fils de celui-ci, Claude de Bernard, tige des Guise. Aussi
la ville prit-elle chaudement le parti de la Ligue. Assiégée
en 4590 par le prince de Conti à la tête des troupes royales
et défendue par Dragues Comnène, La Ferté fut obligée de
capituler. Au xvme siècle, la seigneurie fut possédée par
Georges de Brancas, duc de Villars, qui la vendit en 4642
au duc de Richelieu ; elle demeura jusqu'à la Révolution
dans la famille des Richelieu.
La ville se divise en ville basse et en ville haute, reliées
par la rue du Bourgneuf. Des anciens remparts ne subsiste
qu'une belle porte du xve siècle (mon. hist.) flanquée de
deux grosses tours à mâchicoulis. On y a installé l'hôtel
de ville. L'église de Notre-Dame-des-Marais (mon. hist.) est
un bel édifice des xve et xvie siècles, de style gothique
flamboyant avec des parties Renaissance. La nef, le tran-
sept et la tour ont été construits de 4450 à 4500; le
chœur et les chapelles absidales ont été élevées à diverses
époques du xvic siècle. A l'intérieur, les galeries basses
et la façade du bas côté sud sont couvertes de sculptures
et notamment de curieuses statuettes représentant le roi
de France et ses douze pairs. Au-dessous des fenêtres
basses, de gracieuses arabesques encadrent des médaillons
d'empereurs romains. A l'intérieur, les verrières peintes de
4450 à 1500 sont l'œuvre de François Delalande, Robert
et Jean Courtois. Les chapelles absidales sont de très élé-
gantes constructions de la Renaissance, dont les voûtes à
médaillons et pendentifs sont particulièrement remarqua-
bles. Il faut encore citer comme un chef-d'œuvre le beau
cul-de-lampe qui supporte les orgues, sculpture datée de
4501 et exécutée par Evrard Baudot. Les halles sont une
construction monumentale du xvie siècle. La ville est en
partie alimentée d'eau par la source de la Cohière, amenée
dans la ville par un aqueduc du xve siècle. Parmi les an-
ciennes maisons des xve et xvie siècles qui se sont conser-
vées, on doit citer le n° 44 de la rue Notre-Dame, cons-
truction en bois du xve siècle, dont les poutres sont décorées
de personnages formant cariatides. La Ferté est la patrie
de l'architecte Jean Texier, plus connu sous le nom de Jean
de Beauce, constructeur du clocher neuf de la cathédrale
de Chartres.
FERTÉ-Chevresis (La). Com. du dép. de l'Aisne, arr.
de Saint-Quentin, cant. de Ribemont; 4,344 hab.
FERTÉ-Fresnel (La). Ch.-l. de cant. du dép. de l'Orne,
arr. d'Argentan; 484 hab. Stat. (à plus de 2 kil. du
bourg) du ch. de fer de l'Ouest, ligne de Bernay à Sainte-
Gauburge. Ruines d'un château féodal dont la tradition
attribue la construction à Guillaume le Conquérant. Dolmen
de la Pierre-Coupée. Château moderne.
FERTÉ-Gaucher (La). Ch.-l. de cant. du dép. de Seine-
et-Marne, arr. de Coulommiers, sur la rive gauche du
Grand-Morin ; 2,436 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est
(ligne do Paris à Vitry par Coulommiers).
FERTÉ-Hauterive (La) (Firmitas monialium). Com.
du dép. de l'Allier, arr. de Moulins, cant. de Neuilly-le-
Réal, sur la rive droite de l'Allier; 581 hab. Formée par
la réunion des paroisses de La Ferté et d'Hauterive et du
village des Echerolles, qui dépendait alternativement des
paroisses de Saint-Gérand-de-Vaux et de Saint-Loup, cette
commune est assise dans l'immense et fertile plaine qui
continue, dans le Bourbonnais, la Limagne d'Auvergne. Elle
est reliée par un pont à Châtel-de-Neuvre, village bâti au
sommet d'une éminence, sur l'autre rive de l'Allier. Les béné-
dictins de Souvigny possédaient là un prieuré de fondation
très ancienne et un fort château, reconstruit vers le milieu
du xv° siècle et devenu la résidence des prieurs commen-
dataires de ce célèbre établissement clunisien. Il subsiste
du château une énorme tour carrée. A. Vayssière.
FERTÉ-Imbàult (La). Com. du dép. de Loir-et-Cher,
arr. de Romorantin, cant. de Salbris, sur la r. g. de la
Sauldre; 4,049 hab. On y remarque un très remarquable
château, datant dans ses fondations de l'époque du haut
moyen âge et remanié en partie au xvne siècle. Il appar-
tient à la famille Fresson. Sur le territoire de la commune
est située la chapelle Saint-Thaurin, monument historique
qui renferme le mausolée du maréchal de Praslin.
FERTÉ-Loupière (La). Com. du dép. de l'Yonne, arr.
de Joigny, cant. de Charny; 4,325 hab.
FERTÉ-Macé (La). Ch.-l. de cant. du dép. de l'Orne,
arr. de Domfront ; 8,421 hab. Stat. du ch. de fer de
l'Ouest, ligne de Briouze à Couterne. Petit séminaire.
Chambre consultative des arts et manufactures. Centre in-
dustriel important. Tissages mécaniques de coton; fabrique
de mèches de lampes ; toiles de fil et de coton. Fabriques
de rubans de fil, de sangles, de galons, de toiles à tapisser.
Blanchisseries ; apprêts d'étoffe. Commerce de lin et de fil.
Eglise moderne de style byzantin, dont la tour, du xic siècle,
est le seul reste d'un édifice plus ancien. Hôtel de ville dont
certaines parties datent du xive et du xve siècle. La Ferté-
Macé était, au moyen âge, une importante seigneurie. La
ville, prise par les protestants en 1574, leur fut enlevée
peu après par le maréchal de Matignon.
FERTÉ-Milon (La). Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de
Château-Thierry, cant. de Neuilly-Saint-Front, sur l'Ourcq;
1,589 hab. Bibliothèque publique. Hospice. Carrières de
pierre. Blanchisseries de toiles. Minoteries, tanneries, mé-
gisseries. Ruines d'un château féodal (mon. hist.) du
xii0 siècle. La seigneurie de La Ferté-Milon avait été donnée
en 1477 par Louis XI à Jean de Daillon, seigneur du Ludc.
La place, prise par Henri IV en 1594, fut assiégée inuti-
lement pendant la Fronde par le duc de Lorraine. L'église
Saint-Nicolas a conservé de belles verrières du xve siècle
(mon. hist.). La Ferté-Milon est la patrie de Racine, dont
la statue, œuvre de David d'Angers, s'élève sur la place
principale de la ville.
FERTE-Saint-Aubin (La) ou Lowendal ou Senneterre
ou Saint-Michel. Ch.-l. de cant. du dép. du Loiret,
arr. d'Orléans, sur le Cosson ; 3,341 hab. Stat. du ch.
de fer d'Orléans, ligne de Paris à Vierzon. Cette loca-
lité, dont le plus ancien nom est La Ferté-JSabert , a porté
successivement ceux de La Ferté- Senneterre ou Saint-
Nectaire, La Ferté-Lowendal et La Ferté-Saint-Michel,
sous lesquels on la désigne quelquefois encore. Brique-
teries et tuileries. Commerce important de céréales. Des
vestiges d'une voie romaine et d'un camp romain ont été
retrouvés sur le territoire de cette commune. La seigneurie
était, au xve siècle, possédée par la famille d'Etampes d'où
elle passa, au siècle suivant, à la maison de Saint-Nectaire
qui lui donna son nom (V. plus loin Ferté-Senneterre
[Famille de La]). Par lettres patentes de nov. 1665,
elle fut érigée en duché-pairie en faveur de Henri de Saint-
Nectaire, maréchal de France. L'ancien château de Saint-
Aubin a des parties du xme siècle, mais l'ensemble fut
reconstruit de 1635 à 1650 sur les dessins de Mansart.
Sous Louis XV, le maréchal de Lowendal, qui acheta la
seigneurie en 1748 et lui donna son nom, fit construire
les pavillons des communs des deux côtés de l'entrée.
L'église de Saint-Aubin (xnc-xvic siècles) est dominée par
un haut clocher du xvc siècle.
FERTÉ-Saint-Cyr (La) ou Saint-Aignan. Corn, du dép.
de Loir-et-Cher, arr. de Romorantin, cant. de Neuug-sur-
Beuvron ; 1 ,066 hab.
FERTÉ-Saint-Samson (La). Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. de Neufchâtel, cant. de Forges; 604 hab.
Au sommet d'une énorme motte féodale, nommée la Côte
des châteaux, se voient encore quelques vestiges de l'an-
cienne forteresse. La Ferté était, au moyen âge, le chef-
lieu d'une juridiction des pays de Bray dont relevaient plus
de cinquante paroisses. Le bâtiment de la prison, celui du
tribunal et le logis du lieutenant criminel existent encore.
L'église, fondée au xc siècle par Gautier de Gournay, n'a
d'ancien que son abside (xm° siècle) ; elle est dominée par
une flèche élancée. Au hameau de Saint-Samson, l'église a
conservé un baptistère du xmc siècle. Près de là, le Mont-
des-Fourches est une éminence de 137 m. d'alt. où se
dressaient autrefois les fourches patibulaires de la justice
de La Ferté.
FERTÉ-sous-Jouarre (La). Ch.-l. de cant. du dép, de
Seine-et-Marne, arr. de Meaux, sur la r. dr. de la Marne.
Stat. du ch. de fer de Paris à Avricourt et de la ligne
de La Ferté-sous-Jouarre à Montmirail ; 4,670 hab. Devant
la ville, la Marne forme une île où est situé un château de
la période de transition et qui fut occupé par les calvinistes
pendant les guerres de religion. La Ferté subit encore
plusieurs sièges en 1589 et 1590. C'est aujourd'hui une
ville manufacturière, dont la richesse était due surtout
durant ces dernières années à un très important commerce
de meules à moulin. F. Bournon.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVIL
— 337 — FERTÉ
FERTÉ-sur-Amance (La) (Firmitas ad Amantiam).
Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Langres; 514 hab.- Stat. du ch. de fer de l'Est, ligne de
Paris à Belfort. Vins ; exploitation de pierre à plâtre et
de chaux sulfatée. Cette localité, située au sommet d'une
montagne haute de 329 m., présente l'un des plus beaux
sites du département. La Ferté doit son origine à une
importante forteresse construite, vers le ixe "siècle, sur
l'emplacement d'un castrum romain dont les substructions
ont été retrouvées de nos jours. Ses premiers seigneurs
semblent avoir appartenu à la maison de Bour bonne. La
terre passa ensuite, par des alliances successives, aux mains
des familles de Vignory (xme s.), de Joinville, de Neuf-
châtel (1375), de Ray (1395), de Choiseul (1528) et de
La Tour-du-Pin (1721). A. T.-R.
Bibl. : Briffault, La Fer lé-sur- Amance, dans Bulle-
tin de la Société historique de Langres, 1879, in-8.
FERTÉ-sur-Aube (La) (Firmitas ad Albulam). Com.
du dép. de la Haute-Marne, arr. de Chaumont, cant. de
Châteauvillain; 921 hab. Forges et hauts fourneaux. Cette
localité doit son nom à une forteresse construite vers le
xe siècle, sur les rives de l'Aube, et qui fut, au moyen âge,
le siège d'une importante châtellenie relevant du comté de
Champagne. Réunie en même temps au domaine royal, elle
en fut distraite en 1365, lors du mariage d'Isabelle de
France avec Galéas Visconti, et fit partie du comté-pairie
de Vertus, constitué en dot à cette princesse. Valentine de
Milan, fille d'Isabelle, transmit ce comté aux d'Orléans, en
1387, par son mariage avec le duc Louis ; en 1445, il
échut à Marguerite d'Orléans, femme de Richard de Bre-
tagne. François, leur fils, en fit don à François d'Avau-
gour, son fils naturel légitimé, dont les descendants le con-
servèrent jusqu'en 1704. En cette année enfin, la mort de
Claude de Bretagne, baron d'Avaugour, ayant entraîné le
démembrement du comté de Vertus,le domaine de La Ferté
fut acquis par le comte de Toulouse, duc de Châteauvillain.
La Ferté possédait un prieuré relevant de l'abbaye de Clair-
vaux. Dès 1232, les habitants du bourg avaient reçu du
comte Thibault IV une charte de commune. A. T.-R.
FERTÉ-Vidame (La). Ch.-l. de cant. du dép. d'Eure-
et-Loir, arr. de Dreux ; 960 hab. Forêt domaniale de
3,715 hect., plantée de chênes et de hêtres. Stat. du ch.
de fer de l'Ouest, ligne de Verneuil à La Loupe. Après
avoir longtemps appartenu aux vidâmes de l'évêquc de
Chartres, la seigneurie de La Ferté passa à la famille de
Saint-Simon. Le duc de Saint-Simon s'y relira en 1723 et
y écrivit ses Mémoires. Après sa mort, la terre de La Ferté
fut acquise par le marquis de Laborde qui fit démolir l'an-
cien château du moyen âge aménagé à la Renaissance, et
dépensa environ dix-huit millions à rebâtir sur son empla-
cement une immense construction. Acquis en 4784 par le
àuc de Penthièvre, il appartenait, au moment de la Révo-
lution, à la duchesse d'Orléans. Saccagé et ruiné en 1793,
il fut restitué en 1814 à la famille d'Orléans. Louis-Phi-
lippe fit reconstruire, en 1845, le « petit château » ; mais
en 1855, le domaine, confisqué en 1852, fut vendu aune
société et morcelé. De l'ancien château du xvme siècle, il
ne subsiste que des ruines. Le parc, dans lequel se trouvent
six étangs, est resté une dépendance du petit château.
L'église est une construction du xvne ; sous la chapelle de
la Résurrection est le caveau funéraire de la famille de
Saint-Simon, mais les tombeaux ont été violés et détruits
pendant la Révolution.
FERTÉ-Villeneuil (La). Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Châteaudun, cant. de Cloyes ; 666 hab.
FERTÉ-Imbault (Jacques, marquis de La) (V. Etampes
[Jacques d']).
FERTÉ-Senneterre ou mieux Salint-Nectaire (Famille
de La). La famille de Saint-Nectaire était originaire du
lieu de ce nom en Auvergne. Elle prit le nom de La Ferté-
Saint-Nectaire, corrompu en Senneterre, sous lequel elle
s'est principalement illustrée, lorsque au xvie siècle elle
acquit de la maison d'Etampes la baronnie de La Ferté-
22
FERTE — FERULE
— 338
Nabert (V. Ferté-Saint- Aubin [La]). A en croire Fayon,
le premier membre de la maison de Saint-Nectaire qui
soit connu, serait Bertrand, comptour de Saint-Nectaire,
seigneur de Verbelay, de Clavellier, de Doré et des Roches,
capitaine d'une compagnie de cent lances, dont le fils
Jacques épousa en 11 79 Hélène deGhabannes. Le P. Anselme
ne fait remonter les origines de la famille qu'à Louis, sei-
gneur de Saint-Nectaire, connétable d'Auvergne en 1231
et 1234. Quoi qu'il en soit, au xve siècle, Antoine Ier,
marié en 1435 à Antoinette de Montmorin Saint-flérem,
commandait pour le roi en Haute et en Basse- Auvergne.
— Son fils, Antoine ZI", assista comme député de la noblesse
aux Etats tenus pour la rédaction des coutumes en 1510.
Le fils qu'il eut de son mariage avec Marie d'Alègre, Nec-
taire, fut écuyer d'écurie du roi (1538), gentilhomme de
la chambre, chevalier des ordres, capitaine de cent hommes
d'armes, bailli d'Auvergne, de la Marche et de Saint-Pierre-
le-Moutier. — Son fils, François, né vers 1533, mort
avant 1597, fut le premier qui prit le nom de La Ferté-
Saint-Nectaire ; il avait hérité la baronnie de La Ferté-Nabert
de sa mère, Marguerite ou Marie d'Etampes. Il débuta au
siège de Perpignan en 1542, combattit en Champagne
(1544), en Ecosse (1548), en Picardie (1549), accompa-
gna le maréchal de Saint- André en Angleterre en 1551 et
retourna à l'armée du Piémont en 1552. Il assista à la
défense de Metz par Guise (1552). Fait prisonnier en 4 553,
il se racheta, revint en Italie (1554), assista au ravitaille-
ment de Marienbourg sous Nevers et Saint-André et fut
nommé gouverneur de Metz et du pays messin de 1556 à
1560. Il fut présent aux négociations duCateau-Cambrésis.
Il assista ensuite à la bataille de Poitiers comme maréchal
du camp (1561), aux batailles de Dreux (1562), Jasse-
neuil, La Roche-Abeille etJarnac(1569). Il suivit ensuite le
duc d'Alençon en Flandre (1581) et fut fait chevalier des
ordres du roi en 1583. Il était de plus lieutenant des gen-
darmes du roi et bailli des montagnes d'Auvergne. Le frère
cadet de François, Antoine, mort en nov. 1592, fut évêque
du Puy (1561) où il établit les jésuites, abbé de Saint-
Géraud d'Aurillac et de Saint-Chaffre. Il assista aux Etats
généraux de Blois. Sa sœur, Madeleine, épousa le 29 mai
1548 Guy de Saint-Exupéry, marquis de Miramont. C'est
la fameuse amazone d'Auvergne qui battit et tua de sa main
le baron de Montai, lieutenant du roi en Basse- Auvergne.
— Henry, fils aîné de François et de Jeanne de Laval,
naquit vers 1580. Gouverneur du comté de Soissons, lieu-
tenant général aux gouvernements d'Auvergne, de Cham-
pagne et de Brie, chevalier des ordres du roi et ministre
d'Etat, il fut employé par Louis XIII et Richelieu dans
diverses ambassades en Allemagne, en Angleterre et à Rome.
Il -négocia notamment la paix de Suse avec le duc de
Savoie (1629) et celle de Nîmes avec les religionnaires. Il
mourut à Paris le 4 janv. 4662. — En 1594, il avait
épousé Marguerite de La Châtre dont il eut : Henry, mar-
quis, puis duc de La Fer té-Saint-Nectaire, maréchal et pair
de France, chevalier des ordres du roi, né vers 1600, mort
à LaFerté le 27 sept. 1681. Premier capitaine du régiment
de Soissons en 1627, il débuta au siège de La Rochelle en
1628 et fut également aux prises de Privas et d'Alais
(1629). Il assista ensuite au secours de Casai (1630), aux
prises deMoyenvic (1631), Trêves (1632), Nancy (1633)
et à la bataille d'Avein (1635). Il participa ensuite aux sièges
deCorbie (1637) et de Hesdin (1639) à la suite duquel il
fut fait maréchal de camp (1er juil. 1639). Après avoir
battu les Espagnols à Saint-Nicolas-sur-FAa (5 août), pris
Chimay (1640) et contribué au siège d'Aire (1641), il com-
manda l'aile gauche à Rocroy (1643). Il commanda en
Lorraine jusqu'en 1648 où il fut fait lieutenant général et
prit part à la bataille de Lens (20 août). Il revint ensuite
en Lorraine où ses succès contre Ligniville lui valurent le
bâton de maréchal de France (5 janv. 1651). Il resta encore
en Lorraine jusqu'en 1653 et passa alors en Flandre avec
Turenne, de concert avec lequel il força les lignes d'Arras
(1654), mais il se fit battre et prendre devant Valen-
ciennes (16 juil. 1656). Use vengea en prenant Montmédy
(1657) et Gravelines (1658). Il rentra dans la retraite
après avoir commandé en 1663 l'armée qui força le duc
de Lorraine à un accord avec Louis XIV, — Il eut pour
fils de sa seconde femme, Madeleine d'Angennes, Henry,
né le 23 janv. 1657, mort le 1er août 1703. Colonel du
régiment d'infanterie de son nom en 1671, il servit à
l'armée du roi en 1672 et sous Turenne de 1673 à 1675.
Nommé brigadier le 24 févr. 1676, il prit part à la bataille
de Kochersberg (1676), au siège de Fribourg (1677), aux
campagnes sur le Rhin (1678). Après avoir assisté à la prise
de Luxembourg (1684), il se retira à Venise (1686). Il
reprit du service en 1690 en se jetant dans Casai et com-
battit sous Catinat en Italie (1691). Fait maréchal de camp
le 2 mai 1692, lieutenant général le 3 janv. 1696, il ser-
vit en Allemagne jusqu'en 1697. Il n'avait eu que des filles
de son mariage avec la fille du maréchal de La Mothe-Hon-
dancourt. Louis Farges.
Bibl. : Le P. Anselme, Hist. généalogique, t. IV. —
F. Fayon, Généalogie de la maison de Senecterre ; Lyon,
s. d., in-4.
FERTiAULT (François), littérateur français, né à Ver-
dun-sur-Saône (Saône-et-Loire) le 25 juin 1814. D'abord
employé de commerce, puis caissier d'une maison de banque,
il a consacré ses loisirs aux lettres pour lesquelles il avait
témoigné un penchant précoce et publié, soit seul, soit
avec la collaboration de Mme Fertiault, un certain nombre
de volumes en vers et en prose : Histoire pittoresque et
anecdotique de la danse (1854, in-18) ; le Poème des
larmes (1860, in-8) ; les Voix amies (1864, in-18); le
Bac des vendangeurs (1864, in-18); la Chambre aux
histoires, recueil de nouvelles (1874, in-18) ; les Amou-
reux du livre (1877, in-18, eaux-fortes de Jules Chevrier),
variations en vers et en prose sur la bibliophilie ; Salon de
1811, causeries d'un flâneur (1878, in-12) ; le Berger
duBéage (1880, in-12); les Légendes du livre (1886,
in-8). M. Tx.
FERTIT (Dar). Pays du Soudan oriental, compris depuis
1873 dans le Soudan égyptien, et qui s'étend entre le Dar-
four au N., le pays des Niam-Niam au S., et le pays
des Bongo, à l'E. Il est arrosé par le Biri et le Kourou.
Le Fertit a été pendant longtemps un des champs d'exploi-
tation des marchands d'esclaves. Il alimente pour une part
considérable les marchés de l'ivoire de l'Afrique orientale.
FERTŒ (Lac). Lac de Hongrie plus connu sous le nom
de lac de Neusiedl (V. ce mot) .
FERTRÈVE, Corn, du dép. de la Nièvre, arr. de Nevers,
cant. de Saint-Bénin-d'Azy ; 571 hab.
FÉRULE. I. Pédagogie (V. Fouet).
IL Histoire ecclésiastique. — Insigne du pape. Le
pape ne porte point la crosse ; elle est remplacée pour
lui par la férule, bâton d'or surmonté d'une croix pattée,
qu'il tient aux offices pontificaux et aux consécrations.
III. Botanique. — (Ferula Tourn.). Genre d'Ombelli-
fères, du groupe des Peucédanées, que M. H. Bâillon (Hist.
des PL, VII, pp. 97, 186) considère comme une simple
section du genre Peucedanum (V. Peucédàn) , caractérisée
par le fruit dont le bord est plus épais et dont les vallé-
cules renferment chacune deux ou trois bandelettes. — Les
Férules sont de grandes plantes herbacées, vivaces, à feuilles
décomposées-pennées, pourvues d'une gaine très déve-
loppée qui, dans la partie supérieure des rameaux, cons-
titue une sorte de spathes enveloppant les inflorescences.
Leurs fleurs, hermaphrodites ou polygames, sont disposées
en ombelles terminales, à rayons nombreux, accompagnées
d'un involucre et d'involucelles peu développés. On en
connaît une soixantaine d'espèces qui appartiennent à la
région méditerranéenne et s'étendent vers l'E. jusque dans
l'Asie moyenne. Les plus importantes à mentionner sont :
4° le Ferula communis L. (Peucedanum Ferula H. Bn),
espèce d'Orient et de la région méditerranéenne qu'on
trouve, en France, sur les collines arides, à Hyères, Fréjus
Toulon, Marseille, Nîmes, Montpellier, Narbonne, etc.; elle
— 339 —
FERULE — FESCENNINS
était préconisée jadis contre l'hystérie et les hémorragies
utérines; ses tiges ont servi, dit-on, à faire des férules
pour les écoles ; 2° les F. Asa-fœtida L. et F. nartkex
Boiss., qui fournissent V Asa-fœtida (V. ce mot);
3° le F. tingitana L. (F. samba Boiss.), appelé au
Maroc Fasogh et Faslwok, d'où l'on tire la gomme ammo-
niaque de Tanger ou d'Afrique; 4° le F. Sumbul Hook. f.,
du Turkestan, dont la résine renferme en abondance un
suc laiteux, d'une odeur extrêmement fétide, connu sous
le nom de Sumbul (V. ce mot); 5° enfin les F. galba-
niflua Boiss. et F. rubricaulis Boiss., espèces persanes,
auxquelles on attribue la production du Galbanum (V. ce
mot). Ed. Lef.
FÉRULlQUE(Acide[Chim.]).Form. j g^; goRt
Acide à fonction complexe découvert par Hlasiwetz et
Barth dans la résine de Asa-fœtida (Ferula Asa-fœtida),
et obtenu synthétiquement par Tiemann et Nagajosi-Nagaï
en traitant par la soude le produit de la réaction de l'acé-
tate sodique et de l'anhydride acétique sur le sel sodique
de la vanilline. Il cristallise en aiguilles incolores, fusibles
à 468° ; il est soluble dans l'eau, dans l'alcool et dans
l'éther ; la solution aqueuse précipite l'acétate de plomb
en jaune, et le chlorure ferrique en jaune brun foncé.
L'amalgame de sodium le convertit en acide hydroférulique,
C20H1208, corps fusible à 90°. Fondu avec la potasse caus-
tique, il fournit de l'acide protocatéchique ; oxydé par le
permanganate, il donne de la vanilline. Il donne avec les
bases deux séries de sels. Les sels de potassium et d'argent
sont anhydres. Le sel d'ammonium a pour formule :
Ci0H9(Azïï4)02 + 1P02.
L'acide férulique possède un isomère de position, l'acide
isoférulique, qu'on obtient en chauffant à 420° l'acide
caféïque avec des quantités calculées de potasse et d'éther
méthyliodhydrique. Cet acide fond à 24 4-21 2°, donne par
l'hydrogène naissant de l'acide hydro-isoférulique ou acide
hespérétique, engendre deux séries de sels très analogues
à ceux de l'acide férulique. Ed. Bourgoin.
Bibl. : Barth et Hlasiwetz, Soc. eh., t. VI, 336. —
Nagajosi-Nagai, id.t t. XXVI, 321 ; t. XXXI, 80. — Tieman
et Will, t. XXXVII, 75.
FERUS (Johann), franciscain, né près de Mayence en
4494, mort le 8 sept. 4554. Il s'appelait en réalité Wild,
mais n'est connu que sous son nom latinisé. Il fut supé-
rieur de son couvent et prédicateur ordinaire de la cathé-
drale de Mayence ; nourri de la lecture de la Bible, il eut
des ennemis et des amis dans les deux camps que créa la
réforme religieuse. Ses homélies avaient été très goûtées
parles auditeurs, et quelques-unes, imprimées sous forme
de commentaires, eurent de nombreuses éditions, en par-
ticulier Evang. secandum Matthœum commentât ior.
libri IV (Mayence, 4559, in-fol. ; Anvers, 4559, in-8;
Lyon, 4559, in-8; Paris, 4 564; éd. expurgée à Alcala,
4562). Plus tard, ses ouvrages furent mis à l'index. La
liste complète se trouve dans les Mémoires deNicéron.
FÉRUSSAG ( André- Etienne- Just-Paschal- Joseph-Fran-
çois d'AuDEBARD, baron de), naturaliste et écrivain français,
né au Chartron, près de Lauzerte (Tarn-et~Garonne),
le 30 déc. 4786, mort à Paris le 24 janv. 4836. Admis, sous
l'Empire, dans les vélites de la garde, il en profita pour
suivre les cours de Cuvier et de Latreille. Envoyé en Espagne,
il y devint officier et se retira du service peu de temps après
pour devenir successivement sous-préfet, professeur de
géographie et de statistique à l'école d'application du corps
royal d'état-major, chef de division au ministère du com-
merce. Il publia et continua V Histoire des mollusques
([4847-] 4820-4854, 4 vol. gr. in-4), de son père,
ancien officier supérieur (né en 4745, mort en 4845), et
mit au jour plusieurs mémoires d'histoire naturelle, entre
autres les Tableaux systématiques des animaux mol-
lusques (4822). Son principal recueil, qui est très connu,
parut de 4823 à 4830, sous le titre de Bulletin universel
des sciences et de l'industrie.
FERVÂCHES. Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Saint-Lô, cant. de Tessy ; 433 hab.
FERVACQUES. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Li-
sieux, cant. de livarot, sur la Touques; 704 hab. Filature
de laines. Tannerie. Préparation de bois de teinture. Châ-
teau du xve siècle, remanié et agrandi aux xvie et xvne •
par le maréchal de Fervacques (V. l'art, suivant). Eglise
à tour romane. Ancienne halle en charpente.
FERVACQUES (Guillaume de 14autemer, comte de),
maréchal de France, né en 4538, mort en nov. 4613. Il
sert aux batailles de Renty (4554), Saint-Quentin (4557),
Gravelines (4558), Dreux (4562) et Saint-Denis (4567). A
cette dernière journée, il se distingue particulièrement et
obtient le collier de l'ordre et une compagnie d'ordonnance.
Il défend Poitiers en 4569 et se trouve au siège de Saint-Lô
en 4574. La découverte d'une conjuration formée contre
le roi lui vaut la dignité de maréchal de camp en 4575.
Envoyé, en 4584, par le duc d'Anjou au secours de Cam-
brai, il s'en acquitte avec gloire et parvient à chasser les
Espagnols de tout le Cambrésis. Après la mort du duc, il
assiste Henri IV dans toutes ses expéditions et se trouve
à l'assaut qu'il donne aux faubourgs de Paris. Fait lieute-
nant de roi aux bailliages d'Evreux, de Caen et de Rouen
(4 592), il est créé maréchal de France le 26 sept. 4597,
puis duc de Grancey en déc. 4644.
FERVILLE (Vaucorbeil, dit) (V. Vaucorbeil).
F ESC A (Friedrich-Ernst) , musicien allemand, né à Mag-
debourg le 45 févr. 4789, mort à Karlsruhe le 24 mai
4826, Son père n'était pas dépourvu de connaissances musi-
cales, et sa mère, élève de Hiller, avait été cantatrice de
la chambre de la duchesse de Courlande. A quatre ans, le
jeune Fesca jouait déjà de petites pièces de clavecin ; à neuf
ans, il commença l'étude du violon. A onze ans, il exécuta
en public un concerto de violon, et fut très applaudi. En
4805, il se rendit à Leipzig. En 4806, le duc d'Olden-
bourg, étant venu à Leipzig, l'entendit et l'engagea aussitôt
dans sa chapelle. Fesca n'y resta guère cependant : sur la
recommandation du duc de Bellune, il entra dans la cha-
pelle de Cassel, en qualité de violon solo. En 4814, il alla
à Vienne ; cette même année, il fut nommé premier violon
au service du grand-duc de Bade, et, en 4845, maître des
concerts. Fesca était d'une sensibilité très grande et animé
d'ardents sentiments religieux ; ainsi certains de ses psaumes
furent composés pour exprimer, tantôt la tristesse que lui
causait un état maladif des plus cruels, tantôt sa recon-
naissance envers Dieu à la suite d'une amélioration de sa
santé. Ses ouvrages sont peu originaux. Les meilleurs
paraissent être ses compositions de musique religieuse. lia
écrit de nombreux quatuors à cordes, trois symphonies, des
quintettes, des chansons allemandes, des pots-pourris, des
chansons de table, deux ouvertures, trois quatuors pour
flûte, des psaumes, deux opéras, Cantemir et Omar et
Leïla.— Son fils, Alexander-Emst (4820-4849), fut un
compositeur de quelque mérite. Alfred Ernst.
FESCAMPS. Corn, du dép. de la Somme, arr. et cant.
deMontdidier; 344 hab.
FESCENNINS (Vers). Virgile parle, dans les Géor-
giques (II, v. 385 et suiv.), des vieux laboureurs d'Au-
sonie dont la joie se manifeste en des vers sans mesure et
un rire sans frein :
Versibus incomptis ludunt risuque soluto...
Cette poésie populaire et rustique portait le nom de vers
fescennins. Ils étaient chantés dans les réjouissances de la
campagne, soit aux fêtes religieuses, soit aux réunions
privées et particulièrement aux mariages. C'est peut-être
même dans les cérémonies nuptiales qu'elle est née ; en
tout cas, ce fut son domaine le plus propre, et c'est là
qu'elle finit par se cantonner quand elle eut disparu ailleurs.
Le caractère de ces chants primitifs et agrestes était natu-
rellement assez grossier : les bonnes mœurs n'y pouvaient
guère être respectées ; l'esprit caustique des Italiens s'y
donnait carrière ; les dieux ni les hommes n'échappaient
FESCENNINS — FESSARD
— 340
à leur raillerie jusqu'à ce que la loi intervînt pour lui im-
poser une limite. Horace, dans un passage classique (Epî-
tres, II, I, 139 et suiv.), raconte avec vraisemblance les
origines de cette poésie : « Les anciens laboureurs, dit-il,
hommes énergiques et contents cle peu, une fois la moisson
rentrée, reposaient par un jour de fête leur corps et leur
âme qui supportaient, dans l'espoir de les voir finir, de
rudes travaux. Réunis aux compagnons de leurs fatigues, à
leurs enfants et à leurs épouses fidèles, ils apaisaient la
Terre par un porc, Sylvain par du lait, offrant du vin et
des fleurs au Génie qui nous avertit de la brièveté de la
Vie. La licence fescennine, introduite par cet usage,
répandit en vers dialogues de rustiques injures. Cette
liberté revint chaque année et fut bien accueillie jusqu'au
jour où la plaisanterie devint cruelle, où elle se changea
en fureur et pénétra menaçante et impunie au milieu des
familles honnêtes... On porta enfin une loi qui défendit,
sous peine de châtiment, d'attaquer par des vers méchants.
La crainte du bâton (fustis) força les poètes à changer
leur manière. » Cicéron nous a conservé le texte de la loi
des Douze Tables qui punissait de mort si quis occenta-
visset sive carmen condidisset, quod infamiam faceret
flagitiumque alteri. Nous voyons par le même passage
cité que les chants fescennins prenaient la forme du dia-
logue (versibus altemis), favorables aux échanges de
plaisanteries caustiques. Ce vers sans mesure, suivant
l'expression de Virgile, était évidemment le vers sa-
turnin. D'après Diomède, certains grammairiens donnaient
cependant au pied appelé crétique le nom de fescenninus.
Ce texte est évidemment altéré. Le même passage de Vir-
gile nous apprend que les acteurs mettaient sur leurs
visages des masques hideux faits d'écorce d'arbre :
Oraque corticibus sumunt horrenda cayatis.
Vers la fin de la République, les vers fescennins devin-
rent un genre littéraire. Octave, suivant Macrobe, composa
des fescennins contre Pollion, qui dit à ce sujet : At ego
taceo ; non est enim facile scribere in eum qui potest
proscribere. D'ailleurs les vers fescennins, dans la lit-
térature, furent consacrés exclusivement aux noces, et
gardèrent, pour cette raison même, quelque chose du
libertinage originel. Catulle l'atteste, lorsqu'il s'écrie, dans
ÏEpithalame de Manlius, v. 42°2 : Ne diu taceat pro-
cax Fescennina locutio. Claudien composa, sous le titre
de Fescennina, quatre pièces, très chastes d'ailleurs,
en mètres différents pour célébrer le mariage d'Honorius et
de Maria. Ausone, dans le Centon nuptial, fait aussi
allusion aux fescenninos d'un poète, Annanius, qui vivait
sous Adrien. La dernière partie du Centon peut donner une
idée de la crudité des vers fescennins ; lui-même s'excuse
ainsi : « Jusqu'ici j'ai chanté le mystère nuptial en paroles
voilées que tous peuvent entendre. Mais, puisque la solen-
nité des noces aime les vers fescennins et que ce jeu
admet la liberté des mots consacrée par l'antique coutume,
je vais révéler les autres secrets de la chambre et du lit. »I1
nous reste à dire un mot de l'étymologie du nom. Quelques
savants le font venir de fascinum, synonyme de phallos,
qui désignait le symbole de la fécondité, ce qui convenait
évidemment aux fêtes des champs et aux cérémonies nup-
tiales. Mais la similitude complète des noms et l'analogie
avec l'étymologie des Atellanes font pencher la balance en
faveur de l'origine généralement reconnue. C'est d'une ville
de l'Etrurie méridionale nommée Fescennium que vien-
draient la chose et le nom (V. Servius, En., VII, 695).
Festus, avec cette étymologie, en donne une autre qui
n'est guère admissible. Ces chants auraient été ainsi nom-
més parce qu'on leur attribuait la propriété de chasser le
mauvais œil (fascinum). A. W.
FESCH ou F^SCH (V. F/esch).
FESCH (Joseph), cardinal-archevêque de Lyon, oncle
maternel de Napoléon Ier, né à Ajaccio en 1763, mort à
Rome en 4839. Destiné à l'état ecclésiastique, il fit ses
études au séminaire d'Aix ; il était prêtre avant 1789. Pen-
dant la Révolution, il prit du service dans l'armée et fut
employé aux vivres ; pendant la première campagne d'Ita-
lie, sous son neveu, il était commissaire des guerres. Dès
le commencement du Consulat, rentré dans l'Eglise, il était
chanoine de la cathédrale de Bastia. Après la conclusion du
concordat, il fut promu à l'archevêché de Lyon. En 4803,
il reçut le chapeau de cardinal ; en 4804, il fut chargé de
négocier l'affaire du sacre ; en 4805, il fut nommé grand
aumônier de France, grand cordon de la Légion d'honneur
et membre du Sénat. Jusqu'aux premiers démêlés de Napo-
léon avec Pie VII, il représenta la France, comme ambas-
sadeur auprès du saint-siège. Au concile national tenu à
Paris en 1841, il se joignit à ceux qui n'admirent les
mesures proposées par l'empereur qu'avec réserve de l'appro-
bation du pape. En 4844, il se retira à Gravines, dans un
couvent de religieuses, qu'il avait fondé. Sous les Cent- Jours,
il fit partie de la Chambre des pairs. Banni par les Bour-
bons, après la seconde Restauration, il se réfugia à Rome,
où il cultiva les lettres et les arts jusqu'à sa mort. Au temps
de la puissance de son neveu, il avait refusé l'archevêché
de Paris et le titre de primat d'Allemagne ; exilé, il ne
consentit jamais à se démettre de l'archevêché de Lyon ; de
sorte que, pendant près de vingt-quatre ans, ce diocèse fut
administré par un vicaire. — En 4856, la ville d'Ajaccio
lui a élevé une statue de bronze. E.-H. V.
FESCH ES-le-Châtel. Corn, du dép. du Doubs, arr.
de Montbéliard, cant. d'Audincourt; 4,474 hab.
F ES DIS. Village d'Algérie, dép. de Constantine, arr. de
Ratna, créé, il y a une quinzaine d'années, non loin d'an-
ciennes ruines romaines, à 40 kil. au N. de Batna. Les
terres sont bonnes, mais le pays est froid et cependant
fiévreux ; c'est une simple annexe de la commune de plein
exercice de Batna. E. Cat.
FESELER (Melchior ou Martin), peintre allemand, mort
en 4538. Elève d'Albert Durer, il fit plusieurs tableaux de
batailles, entre autres le Siège de Rome par Porsenna
(à Munich) ; le Siège d'Alésia par Mes César (à Munich) .
Il imitait avec beaucoup d'habileté Durer et Altdorfer.
F ES M Y. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Vervins,
cant. duNouvion; 579 hab.
F ESP A MO (Log.). Terme qui désigne un mode de la
quatrième figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure
est universelle négative (E), la mineure universelle affir-
mative (A), la conclusion particulière négative (O). Ex. :
Nulle vertu n'est une qualité naturelle ; — toute qualité
naturelle a Dieu pour auteur; — donc, il y a des qualités
qui ont Dieu pour auteur qui ne sont pas des vertus. La
lettre F indique que, pour être prouvé, ce mode doit se
ramener à un ferio de la première figure ; la lettre M
indique que cette opération doit se faire en changeant la
majeure en mineure et la mineure en majeure, ce qui exige
la conversion simple de la majeure (S), et la conversion
par accident (P) de la mineure. G. F.
FESQUES. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
et cant. de Neufchàtel-en-Bray ; 287 hab.
FESSANVILLIERS-Mattanvilliers. Com. du dép.
d'Eure-et-Loir, arr. de Dreux, cant. de Brezolles; 487 hab.
FESSARD (Etienne), graveur français au burin, né à
Paris en 4744, mort à Paris le 2 mai 4777. Elève d'Edme
Jeaurat. On lui doit une série d'estampes mythologiques
d'après Carie Van Loo, de Troy, Bouchardon, Watteau, etc.;
des sujets de sainteté d'après le Corrège, Titien, Rem-
brandt, Natoire, etc., des bergeries d'après Boucher; plu-
sieurs bons portraits, tels que le Marquis d'Argenson,
le Duc de Choiseul, le Cardinal de Luynes, etc. ; des
illustrations pour les Fables de La Fontaine (4765-4775,
6 vol. in-8), etc. G. P-i.
FESSARD (Charles- Jules), ingénieur français, né à
Gisors (Eure) le 44 avr. 4845, mort le 30 mai 4878. Il
appartenait au corps des ponts et chaussées, dont il fut un
membre distingué. Il construisit le viaduc de Dinan, sur
lequel il a publié un important mémoire dans les Annales
des ponts et chaussées de 4855.
— 341 —
FESSE - FESSY
FESSE (Y. Fessière [Région]).
FESSEVILLIERS. Corn, du dép. du Doubs, arr. de
Montbéliard, cant. de Maiche; 190 hab.
FESSEY-Dessous. Corn, du dép. de la Haute-Saône,
arr. de.Lure, cant. de Faucogney; 284 hab.
FESSIÈRE (Région). I. Anatomie. — La région de la
fesse est limitée en haut par la crête iliaque, en bas par le
pli fessier, en dehors par une ligne allant de l'épine iliaque
antéro-supérieure au grand trochanter, en arrière par le
sacrum et le coccyx. Plus développée chez la femme que
chez l'homme, la fesse est recouverte par une peau épaisse,
doublée d'un pannicule adipeux, cloisonné, très abondant,
en continuité avec celui de la cuisse et avec celui du bassin
par les échancrures sciatiques. Au-dessous, on trouve l'apo-
névrose fessière, mince en arrière où elle cloisonne le grand
fessier ; épaisse en avant, où elle donne insertion au moyen
fessier, qu'elle sépare aussi du grand fessier. Ce dernier
muscle s'insère en haut par des fibres obliques à la crête
iliaque et au sacrum, en bas sur une ligne oblique allant
du sommet du grand trochanter à la ligne âpre. Une bourse
séreuse sous-fessière sépare le muscle du grand fessier du
grand trochanter sur lequel il glisse. Le moyen fessier,
situé au-dessous de l'aponévrose fessière sur laquelle il
prend insertion, s'insère encore en avant à l'épine iliaque
antéro-supérieure à la crête iliaque et remplit la fosse
iliaque entre ces deux lignes courbes. De là, il se porte sur
la face externe du grand trochanter. Sur le même plan,
en arrière et au-dessous du moyen fessier, on rencontre
le pyramidal, les jumeaux entre lesquels se voient l'obtu-
rateur interne, le carré crural, muscles qui vont du bassin
au grand trochanter, sous le nom de pelvi-trochantériens.
Enfin le petit fessier, qui remplit toute la fosse iliaque au-
dessous de la ligne courbe inférieure, va s'insérer au bord
supérieur et antérieur du grand trochanter. Comme iï est
facile de le voir, les muscles fessiers, surtout le grand
fessier, sont fléchisseurs de la cuisse sur le bassin, tandis
que l'action principale des autres muscles de la fesse est
la rotation en dehors du membre inférieur.
Les artères de la région viennent de l'hypogastrique ; ce
sont : la fessière, qui sort du bassin par un tronc très
court de 3 millim. au-dessus du pyramidal; l'ischiatique
qui émerge au-dessous de ce muscle avec la honteuse in-
terne qui, après avoir contourné l'épine sciatique, rentre
dans le bassin. Par le même trajet que l'ischiatique, entre
cette artère et la honteuse interne, sortent le grand nerf
sciatique qui se distribue à tout le membre inférieur et le
petit sciatique ou fessier inférieur, plus spécialement des-
tiné aux muscles et à la peau de la fesse. Les lympha-
tiques superficiels vont aux ganglions inguinaux, les pro-
fonds aux ganglions hypogastriques.
II. Pathologie. — Nous ne pouvons qu'énumérer les
affections de la région fessière qui, d'ailleurs, présentent
ici les mêmes caractères que dans les autres régions. La
peau est souvent le siège de furoncles et d'anthrax, sur-
tout chez les cavaliers. Les plaies de la région ne présen-
tent rien de particulier ; les contusions peuvent s'accom-
pagner cependant de vastes épanchements sanguins qui,
par compression, provoquent de pénibles douleurs scia-
tiques. On a observé à la fesse des abcès chauds et des
abcès froids ; les abcès par congestion peuvent envahir la
région par les ouvertures sciatiques. On a cité des ané-
vrysmes de l'artère fessière, et Sappey a lié l'ischiatique
pour un anévrysme. Duplay a décrit une inflammation de
la bourse qui sépare le grand fessier du grand trochanter
(bourse sous-fessière), affection qui peut simuler la coxalgie
(périarthrite coxo-fémorale) et donner lieu à des brides
entravant les mouvements de la cuisse ou à un épanche-
ment liquide qui souvent passe à la purulence. C'est dans
cette région, contre l'épine sciatique, que siège un des
points douloureux de la névralgie sciatique. Ce nerf peut
être contus à la fesse et être atteint de névrite ; on a aussi
observé quelques tumeurs du nerf sciatique. Outre les can-
croïdes de la peau de la fesse et les tumeurs dont nous
avons parlé, on a décrit dans cette région des tumeurs du
tissu cellulo-adipeux, et Péan a publié une observation de
fibro-cysto-sarcome sous-fessier sans relation avec les os
de la région. Dr S. Morer.
Bibl. : Beaunis et Bouchard, Nouv. Eléments d'anat.
descript. et d'embryologie ; Paris, 1862. — Richet, Traité
pratique d'anat. médico- chirurgie, 1870. — Tillaux, Traité
d'anat. topographique ; Paris, 3e éd. — Follin et Duplay,
Traité élém. de path.; Paris, 1868-1888, t. VII.— Bouilly,
Manuel de path. ext.; Paris, 1885, t. IV. — Forgue et Reclus,
Traité de thérapeutique chirurgicale ; Paris, 1892. —Péan,
Leçons de clinique chirurgicale, à partir de 1876; Paris.
FESSLER (Ignace -Aurèle), historien hongrois, né à
Czurendorf le 18 mai 4756, mort à Saint-Pétersbourg le
15 déc. 1839. Sa vie fut très agitée : tour à tour capucin,
franc-maçon, protestant, il erra en Autriche, en Prusse,
en Russie, poursuivi de ville en ville, d'emploi en emploi,
dans chacun de ces pays, par les inimitiés qu'il s'était
attirées en dénonçant les moines à l'empereur Joseph II.
Néanmoins, il finit paisiblement, dans le poste considérable
de surintendant général de l'Eglise luthérienne en Russie.
Son ouvrage le plus important est Geschichte der Ungem
und ihrer Landsassen (Leipzig, 1812-1825, 40 vol.), et
dont Klein a donné une édition corrigée(1867-1883,5vol.).
Fessier a laissé aussi une curieuse autobiographie (1826)
et des romans plus ou moins historiques qui sont tombés
dans l'oubli. E. S.
FESSLER (Johann), sculpteur allemand, né à Bre~
genz (Vorarlberg) en 1803, mort à Vienne le 14 mars
1875. Après s'être formé à l'Académie de cette dernière
ville, il voyagea en Allemagne et en Suisse. Ses princi-
pales œuvres appartiennent au genre décoratif : tels sont
ses neuf bustes de musiciens (bronze), Mozart, entre autres,
au Mozarthof à Vienne ; ses figures d'ornementation de
l'église votive ; son Christ en croix et sa Mère de Dieu
(grès) du portail latéral de Sainte-Elisabeth, sa statue de
marbre du comte Rildiger de Starhemberg, du pont Eli-
sabeth.
FESSLER (Joseph), canoniste, né à Lochau (Voralberg)
en 1813, mort en 1872. Il fut professeur de droit
ecclésiastique à Brixen, puis à Vienne, évêque de Nysse
in partibas, finalement évêque de Saint-Polten. Au concile
du Vatican, il était secrétaire général. OEuvres principales :
Der canonische Prozess (Vienne, 1860) ; Die wahre
und die falsche Jjnfehlbarkeit der Pdpste (Vienne,
1871), traduit en français par Em. Cosquin. Ce dernier
ouvrage est une réponse à un écrit du docteur de Schulte,
Das vaticanische Concilium.
FESSONS-sur-Briançon. Corn, du dép. de la Savoie,
arr. et cant. de Moutiers, sur l'Isère; 812 hab. Ruines
des deux châteaux forts qui défendaient autrefois l'étroit
défilé du Pas de Briançon. Chapelle de N.-D. de Briançon,
but de pèlerinage.
FESSONS-sur-Salins. Corn, du dép. de la Savoie, arr.
de Moutiers, cant. de Bozel, sur une hauteur dominant le
confluent du Donon, du Nant et du torrent des Allues ;
235 hab. Ruines d'un ancien château féodal. Le Roc du
Diable, nommé aussi Croix de Fessons ou du Tovex, mon-
tagne de 1,450 m. d'alt., domine Fessons, la ville de
Moutiers et la Tarentaise.
FESSY. Corn, du dép. de la Haute-Savoie, arr. de Tho-
non, cant. de Douvaine; 467 hab.
FESSY (Alexandre-Charles), musicien français, né à
Paris le 18 oct. 1804. mort à Paris le 30 nov. 1856.
Admis au Conservatoire en 1813, il obtint, en 1824, le
premier prix au concours d'orgue. Devenu organiste de
l'église de l'Assomption, il fut ensuite chef d'orchestre des
concerts de la salle Vivienne, du Théâtre-Lyrique ^ et du
théâtre du Cirque. Excellent accompagnateur au piano, il
a publié pour cet instrument des morceaux divers parmi
lesquels un Rondo brillant sur un thème favori duCro-
ciato ; il est aussi l'auteur de V Organiste français,
répertoire de musique religieuse pour l'orgue, ainsi que de
plusieurs morceaux pour harmonie militaire. A. E.
FESTA — FESTON
342
FESTA (Costanzo), compositeur italien, mort à Rome
le 10 avr. 1545. Il fut attaché depuis 1517 jusqu'à sa
mort à la chapelle pontificale, en qualité de chanteur. Ses
contemporains le qualifiaient Musicus eecellentissimus et
cantor egregius. Ses œuvres imprimées consistent en un
livre de Madrigali a tre voci, dont il parut trois éditions
à Venise; un livre de Motetti a tre voci (Venise, 1543) ;
un Magnificat dans les huit tons, à quatre voix (Venise,
1554) ; un livre de litanies, imprimé à Munich en 1583 ;
un Te Deum, publié à Rome en 1596. Soixante-quatre
morceaux religieux ou profanes , pour la plupart tirés des
oeuvres précédentes, sont insérés dans divers recueils du
xvie siècle. Deux messes, un Patrem, dix-huit motets et
trente et un chorals existent en manuscrit à la chapelle
pontificale. En 1539, il collabora au spectacle donné à
Florence lors du mariage de Cosme de Médicis ; la musique
de ce divertissement fut imprimée sous le titre de Musiche
délie nozze dello ill. duca di Firenze, etc. (Venise,
Gardane). Festâ est regardé comme le premier grand con-
trepointiste italien, et l'un des plus remarquables prédé-
cesseurs immédiats de Palestrina. Son célèbre Te Deum
est encore chanté chaque année à l'entrée de la procession
de la Fête-Dieu à Saint-Pierre de Rome. M. Brenet.
FESTA (Carolina), cantatrice scénique italienne, née à
Naples en 1778, morte à Saint-Pétersbourg en janv. 1836.
Après avoir obtenu dans sa patrie des succès retentissants,
elle vint débuter au Théâtre-Italien de Paris, le 8 avr. 1809,
dans UAngiolina, et souleva littéralement l'enthousiasme.
Revenue en Italie, elle fit fureur d'abord à la Scaîa de Milan,
puis à Turin, à Venise, à Munich, à Pérouse, à Brescia, à
Bologne, à Bergame. A cinquante ans passés, elle savait
exciter encore les applaudissements les plus vifs et les plus
sincères. Cette artiste extrêmement remarquable avait
épousé un officier napolitain nommé Maffei, qui avait quitté
pour elle l'état militaire, et on la connaissait sous le nom
de Mmc Festa-Maffei. Elle abandonna le théâtre pour aller
se fixer, en 1829, comme professeur de chant à Saint-
Pétersbourg.
FESTALEMPS. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Ribérac, cant. de Saint-Aulaye ; 672 hab.
FESTES-et-Saint-André. Com. du dép. de l'Aude, arr.
et cant. de Limoux ; 367 hab.
FESTETICS. Noble famille hongroise qui au xvne siècle
s'illustra dans les guerres turques, acquit par mariage la
seigneurie de Tolna, puis, au xvme siècle, fut élevée \ la
dignité comtaîe. Les deux membres les plus connus de cette
famille sont : le général de cavalerie Joseph Festetics
(1694-1757) qui se signala dans la défense de Semendria
et dans la campagne de Prague (1742), et le savant phi-
lanthrope et économiste Georges Festetics (1754-1 819) qui
rendit les plus grands services à l'économie rurale et à la
culture intellectuelle de son pays par des fondations de
toutes sortes ; il a laissé aussi une réputation de bibliophile
et de numismatiste. On peut mentionner encore le comte Tas-
silo (181 3-1 883) qui se distingua dans plusieurs cam-
pagnes, et son frère, le comte Georges (deuxième du nom),
ministre et grand maréchal de la cour de Hongrie en 1867,
mort cinq jours après son frère. — Son fils, le comte
lassilo (né le 5 mai 1850), marié avec une princesse
Hamilton, est un des plus grands seigneurs hongrois.
FEST1EUX. Com. du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Laon ; 515 hab.
FESTIGNY (Festiniacum). Com. du dép. de la Marne,
arr. d'Epernay, cant. de Dormans ; 673 hab. Eglise go-
thique des xme, xve et xvie siècles ; débris de vitraux et
de carrelages émaillés ; flèche élégante reconstruite dans le
courant de ce siècle. Sur une colline élevée, au S. du vil-
lage, se voient la chapelle et la fontaine de Saint-Philbert,
lieu de pèlerinage renommé. Près du hameau de La Bou-
lonnerie, on remarque encore, en plein bois, les vestiges
de l'ancien prieuré de la Nonelle.
FESTIGNY. Com. du dép. do l'Yonne, arr. d'Auxerre,
cant. de Coulange-sur-Yonne ; 231 hab.
FEST1NO (Log.). Terme qui désigne un mode de la
deuxième figure au syllogisme (V. ce mot), où la majeure
est universelle négative JE), la mineure particulière affir-
mative (I), et la conclusion particulière négative (0). Ex. :
Nul poisson ne respire par des poumons ; — il y a des ani-
maux aquatiques qui respirent par des poumons ; — donc
il y a des animaux aquatiques qui ne sont pas des poissons.
La lettre F indique que, pour être prouvé, ce mode doit
être ramené à un ferio de la première figure ; la lettre S
indique que cette opération doit se faire par la conversion
simple de la majeure.
FESTIVAL. Fête musicale dont l'origine vient d'Alle-
magne. Les festivals viennent de l'habitude des sociétés
musicales de se réunir et de lutter ensemble. Les sociétés
chorales venues des points les plus éloignés se réunissent
et exécutent les principaux morceaux des maîtres allemands
devant une foule immense attirée par la fête. En général un
festival dure trois jours : le premier est consacré à l'exécution
d'un oratorio ou d'une symphonie ; le second à l'audition
d'ouvertures, symphonies, psaumes divers; le troisième jour
est consacré spécialement à la musique de concert, airs
d'opéra, quatuors, soli, harmonie instrumentale et vocale.
Les Sœngerbund organisent les festivals allemands vers
l'époque de la Pentecôte avec le concours des différentes
sociétés philharmoniques. Chaque ville de l'association est
choisie à son tour pour la fête. Les premiers festivals
datent de la fin du siècle dernier; de 1786 à 1800, ces
fêtes étaient tout à fait locales ; un peu plus tard, les so-
ciétés d'une ville invitèrent les sociétés voisines, puis les
Liedertafeln, cercles de musique vocale, vinrent s'yjoindre.
Depuis 1826, les festivals comprennent les fêtes de chant
choral avec le concours des sociétés étrangères, et sont ac-
compagnés de distributions de prix et d'exercices gym-
nastiques ; elles sont parfois organisées en vue d'une fête
nationale. Les festivals trouvèrent un excellent accueil en
Suisse, où ils se multiplièrent : on cite, en particulier, la
fête des chanteurs du lac de Zurich, qui se célèbre à tour
de rôle dans chaque centre. Les festivals se sont beaucoup
développés. De 1826 à 1846, on en compte près de 400 ;
et depuis cette époque, leur nombre a continuellement aug-
menté. On compte souvent de 1,000 à 1,500 chanteurs et
de 50 à 80 sociétés qui y prennent part. La France n'a
connu les festivals qu'à partir de 1846 : les premiers eurent
lieu à cette époque au cirque des Champs-Elysées et comp-
tèrent environ 1,000 chanteurs. Les réunions suivantes se
multiplièrent et la première réunion générale des orphéo-
nistes de France eut lieu en 1857, au palais de l'Industrie
en présence de Napoléon III : 172 sociétés y envoyèrent
3,000 chanteurs. Citons encore le festival de l'Exposition
universelle de 1867 qui dura huit jours. — Les Anglais et
les Américains ont aussi organisé des festivals ; mais ces
fêtes ont un caractère particulier ; ce n'est pas une réu-
nion d'associations musicales. C'est un concert monstre où
l'on assemble dans une salle immense la plus grande quan-
tité possible de chanteurs et d'instrumentistes, et où l'on
joue le plus grand nombre possible de morceaux. Tous les
ans, il se tient plusieurs festivals de ce genre à Londres,
à Liverpool, à Manchester, etc. On cite dans ce genre
le colossal Haendel Festival qui eut lieu au Cristal Palace
de Sydenham. Il y avait 2,600 choristes, 1,200 instru-
mentistes et 22,000 auditeurs; les frais n'ont pas été
inférieurs à 400,000 fr. ; les virtuoses les plus célèbres
étaient engagés pour les solos . L'exécution est naturelle-
ment très inférieure à celle des festivals allemands. Les
Américains ont voulu à leur tour dépasser les peuples du
continent et ont organisé à New York et à Baltimore des
festivals où les choristes se comptaient par milliers. Il
semble que ces fêtes ont plus d'intérêt pour des curieux
que pour de véritables musiciens. Ph. B.
FESTON. I. Architecture. — - Ornement composé à
l'origine de feuilles, de fleurs et de fruits que Ton suspendait,
lors de fêtes publiques ou privées, le long des linteaux et des
chambranles des portes et entre les colonnes des temples
— 343 -
FESTON — FÊTE
ouïes poteaux disposés à cet effet. Les Grecs et les Romains
donnèrent aux festons divers noms suivant que des fruits
entraient ou non dans leur composition, et les fresques de
Pompéi nous ont conservé de charmants exemples de fes-
tons peints décorant les murs de riches habitations privées.
— Dans l'architecture inspirée de l'antique, les festons com-
prennent souvent, mêlés aux feuilles ou aux fleurs et rat-
tachés par des bandelettes, des attributs empruntés à la
chasse, à la pêche, à la musique et aux autres arts, tandis
que, dans l'architecture du moyen âge, les festons, presque
toujours ajourés, consistaient en découpures, lobes ou den-
telures courant le long des archivoltes ou des pignons. —
Un motif d'architecture est dit festonné, lorsqu'il est orné
de festons ou découpé en festons. Charles Lucas.
IL Technologie.— Feston de broderie (V. Broderie).
FESTUBERT. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Béthune, cant. de Cambrin ; 4,234 hab.
FESTUCA (Bot. et M.) (V. Fétuque).
F EST US (Porcius), procurateur de la Judée. Il succéda
à Félix et occupa sa charge de 60 à 62 de l'ère chrétienne.
II nous est connu par les Actes des apôtres et par Josèphe.
Il semble avoir étudié dans un esprit d'impartialité l'accu-
sation portée par les Juifs contre saint Paul, lequel il
trouva prisonnier à Césarée lors de la prise de possession
de ses fonctions. Dans ses relations avec les Juifs, il paraît
également avoir fait preuve de mansuétude et d'un senti-
ment de justice, qui font contraste avec les détestables
procédés de Félix ; cette façon d'agir aurait pu à la longue
ramener quelque calme dans les esprits, si la mort n'était
venue interrompre l'œuvre de Festus après deux ans seu-
lement. M. Vernes.
Bibl. : E. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im
ZeitalterJ. C, 1890, 2° édit., lro part., pp. 485-487.
F EST U S (Sextus-Pompeius) , lexicographe latin, qui vivait
probablement au ne ou me siècle ap. J.-C. La date pré-
cise est incertaine; on sait seulement qu'il est postérieur à
Martial et antérieur à Macrobe, car il cite le premier et est
cité par le second. Il est l'auteur d'un dictionnaire alpha-
bétique des mots ou expressions notables de la languelatine,
divisé en 20 livres et connu sous le titre : De Verborum
Significatione. C'est une compilation très intéressante pour
la connaissance de la grammaire et des antiquités latines.
Elle représente un abrégé du grand ouvrage de M. Verrius
Flaccus (V. ce nom), De Significatif, Verborum. Festus
paraît avoir introduit peu de choses de son cru, mais uti-
lisé d'autres ouvrages de Verrius Flaccus (De Obscur is
Catonis ; De Plauti Calculis ; De Jure sacro et augu-
rait, etc.) ; en revanche, il laissa de côtelés mots tombés
en désuétude, les réservant pour un autre traité, Priscorum
verborum cum exemplis, lequel est perdu. L'ouvrage de
Festus nous a été transmis par un abrégé qu'en fit, au
vme siècle, Paul, fils de Warnefrid, plus connu sous le nom
de Paul Diacre (V. ce nom).— L'ouvrage original de Verrius
Flaccus a péri, sauf un ou deux petits fragments. L'abrégé
de Festus nous est parvenu par un manuscrit, malheureu-
sement très mutilé. Ce manuscrit sur parchemin, du xie ou
xiie siècle, comprenant 128 folios, soit 256 pages, fut ap-
porté d'Illyrie et acheté par Pomponius Laetus. Dès ce mo-
ment, il y manquait 58 folios comprenant toutes les lettres
jusqu'à M ; il y existait de plus trois lacunes, comprenant
40 folios, enfin le dernier manquait, de sorte qu'il n'en
restait que 59 folios intacts. Politien en fit une copie. Pom-
ponius Lsetus en détacha lui-même 48 feuillets et transmit
les 44 autres à Manilius Rallus. Ce débris principal du ma-
nuscrit passa à la bibliothèque Farnésine de Parme d'où il
passa à Naples (4736), où il est encore. Les 48 feuillets
gardés par Pomponius Laetus furent fréquemment copiés ;
ils disparurent avant la fin du xvie siècle. Enfin, même dans
ces 59 feuillets, il y avait nombre de trous, le manuscrit
ayant souffert surtout du feu, de telle sorte que, dans la co-
lonne extérieure, la plupart des mots étaient illisibles ou
détruits. Les blancs ont été comblés par Scaliger et Ursi-
nus, tantôt hypothétiquement, tantôt avec l'aide de l'abrégé
de Paul Diacre. On a en effet de nombreux manuscrits de
cet abrégé d'un abrégé. Paul Diacre était fort ignorant; il
a élagué ou modifié bêtement tout ce qu'il ne comprenait
pas, copié servilement des fautes, ajouté quelques obser-
vations. On conçoit qu'il est indispensable de distinguer dans
une édition de Festus ces divers éléments : manuscrit Far-
nèse, copies de celui de Lsetus, épitome de Paul Diacre,
compléments de Scaliger et Ursinus. La première édition de
Festus fut donnée à Milan par Zarotus en août 4 471 ; d'autres,
où figuraient également les autres grammairiens latins, pa-
rurentà Milan (4540),Paris (4544 et 4549), Venise (Aide
Manuce, 4543), etc. ; puis vinrent les éditions critiques
d'Antonius Augustinus , archevêque de Tolède (Venise ,
4559-1560, in-8), Scaliger (4565, in-8) et Ursinus (Rome,
1581, in-8). Toutes sont effacées par celle de K.-O. Mul-
ler, la seule à laquelle on doive recourir (Leipzig, 1839,
in-4). Elle renferme une préface avec étude critique des ma-
nuscrits et de leur contenu ; le texte de Paul Diacre ; celui
de Festus ; les meilleurs commentaires. Muller a distingué
dans l'œuvre de Festus la partie qui semble extraite de
Verrius Flaccus, de celle qui semble compilée par Festus
lui-même.
F ES U LES (V. Fiesole).
F ET (Athanase-Athanassiévitch), poète lyrique russe, né
dans le gouvernement d'Orel le 23 nov. 1820, mort en nov.
1892. Son nom véritable est Schenchine, mais il est plus
connu sous celui de Fet. Il acheva ses études à l'université
de Moscou et entra dans l'armée. Il en sortit en 1856,
se maria avec la sœur du célèbre médecin Botkine, et se
retira dans le gouvernement d'Orel. Dès 1840, il avait
débuté par un volume de vers intitulé le Panthéon
lyrique (Moscou, 1840), qui annonçait déjà un véritable
talent. Il publia ensuite des vers dans le Moscovite et dans
les Annales de la Patrie. Il les réunit en 1870 dans un
volume (Poésies de A, Fet). Il collabora ensuite au Con-
temporain, au Messager russe, à la Parole russe, etc.
Ses poésies ont été réimprimées à Saint-Pétersbourg
et à Moscou (1863). En 1883' et 1885, il a publié deux
recueils sous ce titre : Feux du soir (Moscou). Outre ses
poésies originales, il a donné d'excellentes traductions des
poètes latins, de Gœthe, de Shakespeare, de Scho-
penhauer, etc. L. L.
Bibl. :Mejov, Catalogue de la littérature russe. — Ger-
bel, les Poètes russes; Saint-Pétersbourg, 1888. — Ska-
bitghevsky, Hist. de la littérat. russe contemporaine;
Saint-Pétersbourg, 1891.
FÊTE. Généralités. — Les fêtes sont des jours de
réjouissance collective en l'honneur d'une divinité, d'une
personne, d'événements importants ou bien en commémo-
ration de l'anniversaire de ces événements. Elles sont
caractérisées par le chômage, plus encore que par les di-
vertissements ou les cérémonies dont elles peuvent être
l'occasion. Elles sont périodiques (annuelles, mensuelles,
hebdomadaires) ou accidentelles (pour célébrer une victoire,
une inauguration, une naissance, un mariage), publiques
ou privées. Les principales sont naturellement les fêtes
publiques périodiques. Le besoin d'une certaine alternance
du travail et du repos, de chômages réguliers, paraît très
général, pour ne pas dire universel. Il y a là un penchant
de la nature humaine, auquel les fêtes donnent satisfac-
tion. Elles répondent de même au besoin d'amusements
collectifs. On sait combien la joie est contagieuse et est
ressentie plus vive en foule qu'isolément. Cela est surtout
vrai des plaisirs bruyants, les plus goûtés des primitifs.
L'institution de grandes fêtes, revenant à époque fixe, est
intimement liée au progrès de la civilisation et de la reli-
gion. Le caractère religieux des fêtes est si évident que
des écrivains ont pu les définir des jours réservés à l'accom-
plissement de cérémonies religieuses. Il serait impossible
de passer en revue les fêtes de toutes les races et sociétés
humaines, d'en étudier l'origine, les modifications succes-
sives, sans retracer par là même les mœurs, les coutumes,
les religions de l'humanité tout entière. Nous ne pouvons
aborder cette étude, même restreinte aux fêtes publiques
FÊTE
344
régulières ; on en trouvera les éléments dans l'art. Reli-
gion et dans les articles relatifs à la civilisation des prin-
cipaux peuples, Egyptiens, Indous, musulmans, etc. (on
devra se reporter aussi au mot Calendrier) ; enfin, des
articles spéciaux sont consacrés à chaque fête importante.
Nous n'avons donc ici qu'à présenter des considérations
générales, à esquisser un tableau d'ensemble. Nous donne-
rons ensuite quelques indications sur les fêtes des peuples
de qui l'Europe actuelle tient sa civilisation, ses usages :
Asiatiques occidentaux, Egyptiens, Hébreux, Grecs, Ro-
mains, sur le système des fêtes chrétiennes ; nous donne-
rons quelques détails sur les fêtes populaires ; nous insiste-
rons sur le système des fêtes révolutionnaires, curieuse
tentative pour renouveler profondément la vie morale des
Français, parce qu'il s'agit d'un système complet qu'il est
nécessaire d'exposer en bloc, tandis que* pour les autres,
les détails sont dispersés entre les très nombreux articles
consacrés à chacune des fêtes ; enfin, nous parlerons des
fêtes nationales récemment créées et dont le caractère poli-
tique est manifeste. Ces créations factices ont rejeté dans
l'ombre la plupart des anciennes fêtes, mais il est douteux
qu'elles durent aussi longtemps. Les fêtes les plus vivaces
sont les vieilles fêtes populaires qui solennisent les princi-
pales étapes des saisons et de la culture.
Les moralistes et les économistes se sont posé la ques-
tion de l'utilité des fêtes publiques. Ils en condamnent
l'abus et mettent en question le principe lui-même. « Ces
prétendues réjouissances publiques ont, dit Legoyt, des
conséquences économiques regrettables. Elles causent un
notable préjudice au travail et interrompent dans la classe
ouvrière les habitudes d'ordre, d'économie et de tempé-
rance. » L'ouvrier passe son temps au cabaret, au grand
détriment de sa bourse et de sa santé ; trop souvent il
s'enivre et prolonge le lendemain le chômage de la veille.
En outre, les grandes agglomérations d'hommes provoquent
parfois des accidents graves et propagent les maladies con-
tagieuses. Enfin, l'état psychologique des foules est très
inférieur moralement à celui des individus qui les compo-
sent. Ces objections ont leur valeur; néanmoins on ne peut
assimiler l'homme à une machine ; l'alternance du chômage
et du travail est aussi nécessaire à l'ouvrier qu'au patron ;
la détente des muscles et des nerfs est aussi utile que celle
du cerveau. Si l'on se place au point de vue du bonheur
des membres de la société, les fêtes et les plaisirs dont
elles sont l'occasion apportent aux individus une grande
somme de satisfaction dont on chercherait vainement
l'équivalent ailleurs ; qu'elles soient souvent grossières, on
peut le regretter, mais les intéressés sont seuls juges et les
fatigues d'un débardeur ou d'un terrassier exigent d'autres
contre-parties que celles d'un comptable ou d'un artiste. Ce
qui reste vrai, c'est que les fêtes peuvent être un moyen
d'éducation, qu'il est excellent d'y encourager les exercices
physiques, jeux d'adresse ; de développer les concerts, les
représentations théâtrales, les expositions agricoles, indus-
trielles, artistiques. En somme, les fêtes publiques sont
une des plus heureuses parties de la vie populaire ; elles
développent la sociabilité et répondent à un besoin uni-
versel.
Fêtes périodiques. — Laissant de côté les fêtes occa-
sionnelles et les fêtes privées, nous examinerons brièvement
celles qui se reproduisent périodiquement. Nous les voyons
toujours liées à des cérémonies religieuses. Chez les peuples
qui pratiquent le culte des astres, cela va de soi ; la nou-
velle lune, la pleine lune, les solstices, etc., donnent lieu à
des manifestations spéciales. Mais il en est de même pour
tous les cultes, notamment pour un des plus anciens, le
culte desmorls (V. Religion). Les cérémonies ne pouvant
être continuelles, dès que les cultes sont régulièrement orga-
nisés, ils comportent des cérémonies périodiques, lesquelles
naturellement ont plus d'importance, étant plus rares, et
deviennent de véritables fêtes. Le culte des morts compor-
tait généralement des fêtes mensuelles ou annuelles. Les
Karens des montagnes de l'Inde offrent aux défunts de
grands banquets annuels ; les Nagas de l'Assam leur ap-
portent à chaque lune des offrandes sur leurs sépulcres ;
les Mexicains avaient une fête des morts en novembre ; les
Chinois en célèbrent une au solstice d'hiver. Les Péruviens
avaient aussi une fête annuelle où les momies des empe-
reurs morts étaient installées sur la grande place de la ca-
pitale pour présider aux réjouissances populaires. Les
Egyptiens avaient en l'honneur des morts vingt-sept fêtes
par an, vingt-quatre à chaque quinzaine et de plus les trois
fêtes de saisons. Nous parlerons tout à l'heure des fêtes ana-
logues des Grecs et des Romains. Un grand nombre des
fêtes chez tous les peuples sont, soit dans leur forme actuelle,
soit dans leur origine, des fêtes de la nature, correspondant
aux phases de la vie naturelle, aux changements de sai-
sons, aux diverses périodes de la végétation et des cultures ;
dans l'Asie, en particulier, les civilisations avancées divi-
nisèrent les forces naturelles ; on sait que le naturalisme
est le fond des religions de la Mésopotamie, de la Syrie, de
l'Asie Mineure, qu'il a inspiré dans l'Inde la religion phi-
losophique des Védas ; qu'une interprétation, contestable il
est vrai, le place à l'origine des religions des Grecs et des
autres Indo-Européens. Le réveil de la vie, qui semble en-
dormie durant l'hiver, plus que toute autre révélation des
puissances naturelles, donnalieu à des réjouissances et à des
cérémonies. Les hommes s'efforçaient de symboliser ou
d'imiter l'action des divinités ou de s'associer à leur acti-
vité par une mimique et des cris ; nous avons dit à propos
du culte grec de Dionysos (V. ce nom) combien furent
générales ces fêtes, ces orgies sacrées où l'homme croyait
entrer en communion avec'les êtres mystérieux qui règlent
le cours des choses. La danse (V. ce mot) est la manifes-
tation caractéristique de ces fêtes, surtout chez les non-ci-
vilisés. A ces fêtes de la nature qui se rapprochent des
conjurations, il faut ajouter les fêtes de réjouissance et de
remerciements et les fêtes expiatoires ou de deuil. Soit pour
remercier les dieux des bienfaits accordés, soit pour célé-
brer les actions des héros, des fondateurs d'Etats ou de reli-
gions, on institua des fêtes généralement renouvelées à
chaque anniversaire. Dans celles-ci, comme dans les précé-
dentes, une large place fut faite aux plaisirs sensuels. Dans
toutes celles qui symbolisent ou rappellent la reproduction,
ont lieu des scènes dont l'obscénité nous serait intolérable;
toute l'Asie méridionale en fit une partie essentielle de ses
fêtes religieuses ; à celle de Siva dans l'Inde, de Bubastis
en Egypte, de Mylitta ou d'Aphrodite sur les rivages mé-
diterranéens, la licence était pareille et pareille l'exaltation
sensuelle. Les fêtes expiatoires n'ont guère moins d'impor-
tance : le jeûne, la chasteté imposée paraissent devoir apai-
ser le courroux céleste ; on essaye aussi d'y parvenir par
des danses, des chants, des banquets, des représentations
scéniques ; même dans les fêtes de deuil, symbolisant par
exemple la mort, particulièrement la mort temporaire de
l'hiver, les accès de joie alternent avec les lamentations ;
ainsi dans la fête d'Isis à Busiris, dans celles d'Adonis, en
Syrie, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie. Les fêtes offi-
cielles ou populaires comportent une variété infinie de dé-
tails spécifiques, selon les temps et les lieux, mais les
quelques indications générales que nous venons de donner
sont vraies dans la plupart des cas. Une rapide revue des
principaux peuples civilisés le montrera.
Les Mexicains, dont le calendrier était bien réglé, avaient
un système de fêtes fixes et de fêtes mobiles réparties sur
l'année entière ; les trois principales étaient placées en mai,
juin et décembre, en l'honneur des dieux Tezcatlipoca,
Huitzilopochtli et Tlaloc. Les Péruviens avaient encore plus
régularisé leurs fêtes, les faisant concorder avec le cours
des saisons ; à chaque nouvelle lune, une fête ; de plus,
quatre grandes aux quatre saisons : fête du soleil (Yntip-
Raymi au solstice d'été, précédée de trois jours de jeûne et
durant neuf jours) ; fête du solstice d'hiver; Cusqui-Raymi
après les semailles, quand le maïs commençait à paraître
(sacrifices, banquets, danses et chants) ; Citua, à la nou-
velle lune qui suivait l'équinoxe d'automne ; après un jeûne
345 —
FÊTE
de trois jours consacrés aux pratiques de purification et
d'expiation, la fête se prolongeait jusqu'à ce que la lune
entrât dans son second quartier. — Les Indo-Européens
barbares, Celtes, Germains, Scandinaves, Slaves avaient
également des fêtes de saisons (V. plus bas). — Pour l'Inde
védique, YAitareya Brâhmana, le premier traité métho-
dique sur les cérémonies religieuses, les règle par saison et
par mois. Les grands sacrifices annuels ont lieu au prin-
temps, en avril ou en mai. Dans l'Inde moderne, les grandes
fêtes populaires sont celles du printemps et de l'automne, de
Holi, qui prennent cinq jours en mars ou avril, et de Da-
sahara, qui ont lieu en octobre. Au mois de Tchaïtra, après
la fête du printemps, qui se place au début de l'année lunaire
de Vikramaditya, deux jours sont réservés à celle du dieu
de l'Amour ; nous ne disons rien des fêtes de Yichnou,
Siva, Indra, etc., dont il sera parlé au nom de ces divinités ;
rappelons les deux fêtes du Gange, les fêtes nocturnes* de
la sauvage Kali, enfin celle du Lingam avec ses obscénités.
— Le bouddhisme, bien qu'hostile aux cérémonies reli-
gieuses, a accepté les fêtes nationales de ses adeptes et a
fini par en avoir de propres. En Chine, trois jours de l'an-
née sont consacrés à vénérer le Bouddha : l'anniversaire de
sa naissance (8e jour du 4e mois) ; l'anniversaire de son
départ de sa maison (8e jour du second mois) ; l'anniver-
saire du jour ou il atteignit la perfection et entra dans le
Nirvana (8e jour du 42e mois). On trouvera d'amples dé-
tails sur les fêtes chinoises dans l'ouvrage de Doolittle :
Social Life of Chinese. Dans le royaume de Siam, le
huitième et le quinzième jour de chaque mois sont regardés
comme sacrés et chômés. La fête de la fin de l'année donne
lieu à des réjouissances universelles ; celle du commence-
ment de l'année se prolonge peudant trois journées ; une
fête marque le début de la saison des pluies ; une autre la
récolte du riz, dont on offre les prémices ; en août, la fête
du génie du fleuve (Mé-Nam) afin d'obtenir son pardon pour
tous les actes qui ont pu souiller ses eaux. — Les Parsis,
à la fin de leur année de six saisons, c.-à-d. en février,
offrent de grands sacrifices expiatoires ; on peut les rap-
procher des fêtes funèbres placées à la même date par les
Romains. Les Parsis ont conservé le calendrier solaire des
Perses anciens ; celui-ci comporte pour chaque saison une
grande fête ; de plus, les cinq jours intercalaires consacrés
aux ferouers (V. ce mot) sont une fête de toutes les âmes.
Chacune des quatre grandes fêtes solaires (coïncidant à peu
près avec les équinoxes et les solstices) durait six jours ;
chacune des six fêtes des saisons durait cinq jours ; elles
étaient consacrées à plusieurs dieux, comme les quinqua-
trus du calendrier romain ; citons les deux fêtes du Feu
(février et novembre-décembre) ; trois fêtes de Victoires
(d'Iran sur Touran, de Feridoun sur Zohak, de l'exter-
mination des mages ou des mauvais génies) ; trois fêtes
dites de la Liberté (fête des vendanges à la mi-novembre ;
fête du Mannequin, sorte de carnaval avec promenade so-
lennelle du mannequin juché sur un tonneau, à la fin de
décembre ; fête des Morts dans les premiers jours de no-
vembre). Les fêtes des Perses et leur calendrier religieux,
étaient parfaitement réglés ; ils ont eu une influence consi-
dérable sur les peuples voisins. Le culte de Mithra (V. ce
nom) passa avec ses fêtes en Asie Mineure et de là dans
tout l'empire romain ; sa fête principale, celle de la nais-
sance du soleil tombait au huitième jour avant les kalendes
de janvier, c.-à-d. au 25 déc. Cette fête, qui était célé-
brée dans tout l'Occident aussi bien qu'en Orient, fut rem-
placée par celle de Noël. On peut remarquer d'ailleurs que
plusieurs des fêtes chrétiennes dérivent de celles de l'an-
cienne Perse.
Dans la région de la Mésopotamie et de la Syrie, dans
celle de l'Asie Mineure, les cultes qui semblent prévaloir
sont ceux des dieux et des déesses de la fécondité ; ils don-
naient lieu à des fêtes telles que l'histoire n'en connaît pas
de plus magnifiques ni de plus passionnées (V. Religion,
Babylone, Phénicie, Adonis , Astarté, Mylitta, etc.).
Hérodote a décrit celles de Babylone où la prostitution sa-
crée (V. Famille, t. XVI, p. 1140) jouait un grand rôle.
La fête d'Adonis, écrit Bouchité, était solsticiale comme
la précédente et tombait vers la fin de juin dans le mois
appelé Thammus, du nom même du dieu. Célébrée origi-
nairement à Byblos, en Phénicie, elle le fut plus tard à
Antiochesurl'Oronte, à Jérusalem, à Alexandrie d'Egypte,
à Athènes. Mais, au lieu de rester solsticiale comme dans
l'Orient, la fête d'Adonis à Athènes paraît être devenue
équinoxiale, tombant en avril et en mai, à la nouvelle lune.
Cette fête avait deux parties, l'une consacrée à la douleur,
l'autre à la joie. Elles étaient consécutives, mais sans se
succéder partout dans le même ordre. A Byblos, la fête
lugubre venait la première ; à Alexandrie, c'était la fête
joyeuse qui précédait. A Byblos, les femmes devaient se
couper les cheveux, ou bien offrir au dieu, dans le temple,
le sacrifice de leur chasteté. A Alexandrie, elles parais-
saient seulement les cheveux épars et en robes flottantes,
sans ceintures. Outre les lamentations d'usage, des hymnes
de deuil étaient chantés avec accompagnement de flûtes.
L'image d'Adonis était placée sur un magnifique lit funèbre
ou sur un catafalque colossal. A Byblos, les lamentations
se terminaient par l'ensevelissement du dieu. A Alexandrie,
le jour qui suivait la fête d'allégresse, on portait en pro-
cession la statue d'Adonis jusqu'au rivage, et on la préci-
pitait dans la mer. Nous reproduisons ce tableau des fêtes
d'Adonis parce qu'elles peuvent être prises comme types
symbolisant la fécondité végétale ; elles donnent lieu à un
débordement de passion d'une exubérance inouïe, plaisirs
effrénés, lamentations éplorées. En Phénicie, la religion
naturaliste donne lieu à des fêtes analogues. A Tyr, la
grande fête de Melkarth, le dieu solaire, se célébrait au
début du printemps ; de toutes les colonies venaient des
ambassades apportant leurs offrandes ; un vaste bûcher était
allumé, d'où s'échappait un aigle, symbole du dieu renais-
sant. En Phrygie, le culte de Cybèle et d'Atys donnait
lieu à des fêtes génésiaques semblables à celles du culte
d'Adonis ou d'Astarté. La plus grande avait lieu à l'équi-
noxe du printemps. Les fêtes étaient distribuées de telle
sorte que le dieu était censé dormir en hiver ; au printemps,
on fêtait son réveil, à l'automne sa retraite. En Lydie, la
sensualité n'était pas moindre ; dans l'orgie sacrée on simu-
lait même des changements de sexe ; les danses guerrières,
les jeûnes et abstinences rigoureuses alternaient avec les
scènes de volupté, les phallagogies ou processions du phal-
lus. Nos idées de pudeur étaient étrangères à ces popula-
tions, et les fêtes étant des moments de réjouissance géné-
rale ; on s'y livrait de préférence aux plaisirs sexuels.
Répandues dans presque tout le bassin de la Méditerranée,
surtout par l'esclavage qui transplantait sur tous les rivages
leurs adeptes, ces fêtes n'ont laissé que peu de traces dans
les âges ultérieurs.
Les Egyptiens avaient un grand nombre de fêtes répar-
ties sur toute l'année d'après les règles d'un calendrier bien
réglé (V. Isis, Osmis, Sérapis). A la mi-novembre on cé-
lébrait la disparition d'Osiris et le désespoir d'Isis; après
cette fête de deuil, venait au solstice d'hiver celle de la re-
cherche d'Osiris, puis, vers notre 1er janv., l'arrivée d'Isis
bientôt suivie de la fête d'Osiris retrouvé. Après ces fêtes
du soleil et de l'hiver venait celle de la végétation, symbo-
lisée par la sépulture d'Osiris (semailles), sa résurrection
quand l'herbe émerge du sol, la grossesse d'Isis, sa déli-
vrance ; on offrait au nouveau-né les prémices de la récolte ;
puis venait la procession du phallus et la fête de la puri-
fication d'Isis. Dans la seconde période de l'année (été,
automne) la grande fête était, en juillet, celle de la nais-
sance d'Horus. Il ne faut pas oublier celles qu'on célébrait
à propos de l'inondation bienfaisante du Nil, surtout le
24 sept, quand la crue atteignait son plus haut niveau;
celle-ci se prolongeait pendant sept jours. Comme fêtes
irrégulières, mais très importantes, il faut citer celle du
bœuf Apis, à la naissance ou à la mort de l'animal sacré.
Enfin il y avait une quantité de fêtes locales, toujours fixées
à la nouvelle ou à la pleine lune.
FÊTE
— 346 -
Fêtes juives. — Les Hébreux ont transmis leurs fêtes
aux religions dérivées de la leur, christianisme et isla-
misme ; elles ont donc pour nous un intérêt exceptionnel.
La plus considérable de ces institutions est celle du sabbat,
fête hebdomadaire où le repos est obligatoire ; elle a per-
sisté, sauf modification du jour (au lieu de samedi, di-
manche ou vendredi) chez les chrétiens et les musulmans.
D'ailleurs, tout le calendrier juif est dominé par le nombre
sept. Cela est manifeste dans le Lévitique. Le septième
jour de la semaine est voué au repos par le Pentateuque ;
la fête de la récolte est placée sept semaines après celle du
printemps ; les grandes fêtes ont lieu le septième mois de
l'année ; chaque septième année ou année sabbatique donne
lieu à des cérémonies spéciales, de même qu'après sept
semaines d'années viennent celles de la cinquantième année
ou année du jubilé. Rappelons le passage du Deutéronome
relatif aux fêtes, car c'est encore sur lui qu'est fondée
l'obligation de l'observance religieuse des fêtes chrétiennes :
« Vous célébrerez la fête des semaines en l'honneur du
Seigneur, votre Dieu ; vous lui ferez l'oblation volontaire
des fruits du travail de vos mains, selon l'abondance que
vous avez reçue de lui ; vous ferez des festins de réjouis-
sance, vous et vos enfants, vos serviteurs et servantes,
le lévite qui est dans l'enceinte de vos murs, l'étranger,
l'orphelin et la veuve qui demeurent avec vous. » Les fêtes
sabbatiques sont les plus importantes, et la prescription fon-
damentale y est la cessation du travail. Mais il semble établi
que, dès une antiquité reculée, les Juifs eurent des fêtes
lunaires et des fêtes de saisons. Le 403e psaume dit naï-
vement : « Dieu a créé la lune pour marquer les jours
d'assemblée. » Les grandes fêtes sont groupées autour des
deux équinoxes de printemps et d'automne, aux mois de
Tisri et de Nissan. Toues les fêtes juives commencent à six
heures du soir et durent jusqu'au lendemain à la même
heure, une nuit, puis un jour. De ces fêtes, deux avaient
un caractère expiatoire, celles du nouvel an et de la récon-
ciliation des expiations ; les autres, bien que la plupart
fussent originairement des fêtes naturelles, avaient été
associées à la commémoration de grands événements légen-
daires ou historiques. Les cinq fêtes prescrites par le Pen-
tateuque et observées toujours par les juifs actuels sont :
Pécah, le 44 Nissan (Pâques), fête du Printemps et de
la sortie d'Egypte, suivie de la fête du Pain sans levain. —
Sabuot , le 6 et 7 Sivan (Pentecôte) , au bout de sept
semaines, fête de la Récolte ou des Prémices, à laquelle on
offrait au temple les prémices de la récolte ; elle commé-
more en même temps l'octroi de la Loi sur le mont Sinaï.
— Rosch-haschana, les 1er et 2 Tisri, fête du nouvel
an, consacré au souvenir du passé, jour de l'examen de
conscience (Jom haddîn) et fête des Trompettes (Jom te-
roua) , dont le son doit avertir les fidèles et les faire ren-
trer en eux-mêmes. — Jom hakkipoarim , jour des
expiations, le 40 Tisri, jour de jeûne et d'abstinence
religieuse qui est relié à la fête du nouvel an par huit
jours de jeûne et d'expiations. — Succot , du 45 au
23 Tisri, fête des Tabernacles ou de la Moisson*, qui est
en même temps consacrée à remercier Dieu de la protec-
tion accordée aux Israélites durant leur séjour dans le
désert. — Il faut ajouter deux fêtes d'institution plus ré-
cente qui se rapportent à des événements historiques ou
supposés tels : la fête des Lumières (Hanucca), le
25 Kislev, qui se prolonge pendant huit jours et rappelle
la victoire des Macchabées sur les Syriens et la nouvelle
consécration du temple accomplie alors (464 av. J.-C); la
fête des Sorts ou Purim, le 44 Adar, qui célèbre le salut
des juifs échappant, grâce à Esther, à la destruction pro-
jetée par Aman. Sur ces fêtes, on trouvera d'ailleurs des
détails dans les articles spéciaux. Les juifs fêtent encore
trois nouvelles lunes; le 9 Ab est pour eux un jour de
deuil où , par un jeûne, ils déplorent l'anniversaire de la
ruine de Jérusalem.
Fêtes musulmanes. — Le jour sacré est le vendredi,
jour d'assemblée (El Goumah), mais il n'est pas d'usage
de chômer, sauf pendant la prière. Les deux grandes fêtes
sont Id-el-Kebir ou el-Kourban (grande fête) et Id-es-Saghir
(petite fête); la première a lieu le 40e jour du dernier
mois de l'année (Zu-1-Heggeh) et dure trois ou quatre
jours ; la seconde, plus joyeuse, a lieu aussitôt après la
clôture du Ramadan et dure trois jours. On fête encore les
dix premiers jours de l'année (mois deMoharram), surtout
le dixième (Yom Achoura), l'anniversaire de la naissance
du Prophète (4er jour du 3e mois), de son ascension au
ciel (7e mois).
Fêtes grecques. — Les Grecs avaient un grand nombre
de fêtes, tant générales que locales ; le nombre s'en accrut
successivement depuis l'époque homérique jusqu'à l'époque
romaine, à tel point que, dans certaines cités telles que
Tarente, le- nombre des jours fériés excédait celui des jours
de [ravail. Sur les temps homériques nous sommes peu
renseignés ; il est question dans Y Odyssée de la fête men-
suelle de la nouvelle lune ; dans Y Iliade, de celle de la mois-
son ; les Travaux et les Jours d'Hésiode et les hymnes
dits homériques nous fournissent de précieux renseigne-
ments. D'autre part, Ylliade parle d'une fête annuelle en
l'honneur d'Erechtée qui avait lieu en Attique. Non moins
que les fêtes naturelles se développèrent les fêtes des dieux
et des demi-dieux, les commémorations de grands événe-
ments historiques ou légendaires. Chaque ville, chaque
dême avait ses fêtes locales (sopxat §y]{jLoxtxa^), parfois splen-
dides, ses usages propres ; nous pourrions dresser la liste
d'un millier de fêtes grecques et encore cette liste serait-
elle forcément très incomplète. Nous ne la donnons pas, car
c'est au nom de chaque divinité qu'on trouvera l'indication
des fêtes rattachées à son culte. Les événements de la vie
domestique donnaient également lieu à des fêtes privées
(lopTat), qui s'ajoutaient aux fêtes publiques. Pour celles-
ci nous donnerons simplement un bref aperçu de celles du
calendrier athénien le mieux connu. Il comportait cinquante
à soixante jours où toute la vie publique chômait ; chaque
mois avait sa part dans ces fêtes sacrées (îspojxrjvtai). Ce-
lui de Gamélion (janvier), les Lénées, fête de la vendange
en l'honneur de Dionysos ; celui d'Anthestérion,les An-
thesteria en l'honneur de Dionysos ; elles duraient trois
jours; les Diasia, en l'honneur de Zeus, et les Petites
Eleusinies ; celui d'Elaphébolion, les Pandia, fête de Zeus,
les Elaphebolia, fête d'Artémis, et les Grandes diony-
sies ; celui de Munychion, les Munychia, fête lunaire en
l'honneur d'Artémis, les Delphinia, en l'honneur d'Apol-
lon ; celui de Thargélion, les Thargelia, consacrées à
Apollon, les Plynteria et les Callynteria à Athéné; celui
de Skirophorion, les Diipolia, fête de Zeus, et les Skiro-
phoria, fête d' Athéné ; celui d'Hékatombaion, les héca-
tombes offertes à Apollon, les Kronia, fête de Kronos, et
les Panathénées, fête d' Athéné ; celui de Métageitnion, les
Metageitnia, en l'honneur d'Apollon ; celui de Boédro-
mion, les Boedromia, en l'honneur d'Apollon, les Neme-
seia ou Nekusia, fêtes des morts, et les Grandes Eleusi-
nies ; celui de Pyanepsion, les Pyanepsia, fête d'Apollon,
les Oschophoria, consacrées probablement à Dionysos, les
Chaikeia, à Athéné, les Thesmophories, à Déméter et les
Apaturies; celui deMaimaktérion, les Maimaktéries, fête
de Zeus ; celui de Poséidon (décembre), les dernières Dio-
nysies. A la liste des fêtes nationales, il convient d'ajouter
les grandes fêtes religieuses internationales, ou panégy-
ries (rcavYiytfpsiç), marquées par les jeux Olympiens,
Pythiens, Néméens et Isthmiques (V. ces mots et Jeu).
C'étaient des solennités d'une extrême importance dans la
vie hellénique. D'une manière générale, les fêtes domes-
tiques n'ont que peu ou pas le caractère religieux ; les fêtes
publiques l'ont très accusé. Ce fait, comme bien d'autres,
contredit directement les théories développées parFustelde
Coulanges. Dans les fêtes publiques on offre des sacrifices,
suivis de banquets ; on organise des processions, accompa-
gnées de chants, de musique, de danses. On sait que l'idée
de représenter les faits de la légende religieuse qui étaient
liés à la fête qu'on célébrait a conduit à l'organisation des
- 347 -
FÊTE
représentations scéirïques et fut l'origine du théâtre. Ce
sont principalement les fêtes des divinités chtoniennes Dio-
nysos (Bacchus) et Déméter, qui donnent lieu à ces repré-
sentations théâtrales. Observons d'ailleurs que l'invention
n'en revient pas aux Athéniens, mais bien aux Egyptiens
qui fêtaient ainsi Osiris, ïsis, etc. Les spectacles scéniques
devinrent une partie essentielle des fêtes grecques et leur
constituèrent une originalité. Ils déployaient une pompe en-
core plus grande dans les processions où souvent l'on pro-
menait l'image du dieu. Les fêtes enthousiastes à la manière
des Orientaux, particulièrement des Phrygiens, étaient assez
nombreuses dans le culte des dieux chtoniens; toutefois,
elles se maintenaient dans des limites plus décentes. La
mythologie des Grecs est bien plus élégante et modérée que
celles des Phrygiens ou des Syriens, et la majorité des mythes
pouvaient en être figurés sans indécence. On ne saurait
s'exagérer la place que tinrent les fêtes clans la vie des po-
pulations grecques. Elles développèrent leur sociabilité, leur
esthétique, le goût des exercices athlétiques et des beautés
artistiques. Il ne faut pas oublier que, grâce à l'esclavage
ou au servage, les citoyens avaient beaucoup de loisirs ;
les fêtes les occupaient autant que la politique, la guerre ou
leurs affaires.
Fêtes romaines. — Les Romains ont déployé, dans
l'organisation de leurs fêtes, leur esprit précis et forma-
liste, qui contraste profondément avec la libre initiative et
la variété de l'esprit hellénique. Leur premier soin est de
classer les jours selon leur qualification. Nous en avons
déjà dit quelque chose dans les art. Calendrier et Fastes.
Ils distinguent en premier lieu les jours de fête (festi) des
jours où l'on peut vaquer à ses affaires (pro festi), classant
à part ceux qui sont à demi fériés (endotercisi) . Le jour
de fête est caractérisé par le chômage des affaires publiques,
spécialement de la justice, le repos accordé aux non-libres
et imposé aux libres, les prêtres ne devant même pas voir
un homme travailler; de plus, en ces jours, avaient lieu des
sacrifices, des banquets. En somme, les cérémonies reli-
gieuses et le chômage sont les deux traits typiques. On
distingue les fêtes en plusieurs groupes : feriœ stativœ,
fêtes fixes, revenant chaque année à la même date ; feriœ
undictivœ, fêtes mobiles, parmi lesquelles les unes sont
conceptivœ ordinaires et prévues ou elles ont lieu tous
les ans ; les mtres,imperativœ, extraordinaires. De plus,
à côté des fêtes publiques (feriœ publicœ) , on reconnais-
sait les fêtes privées des classes (feriœ gentium), des
familles (familiarum) ou des individus (feriœ singulo-
mm). Les fériés statives, qui formaient la base du calen-
drier, étaient au nombre de quarante-cinq et c'étaient les
plus anciennes, remontant en principe au roi Numa. La
plupart comportaient la participation du peuple entier,
rentrant dans la catégorie des sacra popularia. Les fériés
indictives régulières sont annuelles ; plusieurs se sont
d'ailleurs fixées à une date précise, d'autres sont restées
mobiles, suivant le cours des saisons (Sementivœ, Paga-
nalia, Compitalia, Feries latines). Les jeux publics
étaient, en principe, des fériés extraordinaires résultant
de vœux ; mais ces fêtes devinrent annuelles et fixes ; elles
se multiplièrent ; à la mort de César il y avait 65 jours de
fêtes réservés aux jeux ; au ive siècle ap. J.-C. on en comp-
tait 175, sans préjudice des autres fêtes. Ainsi, au temps
d'Auguste, sur les 65 jours de fête et 48 jours de réjouis-
sance publique (marqués NP au calendrier), il n'y en avait
guère qu'une douzaine qui coïncidaient. Ajoutez une soixan-
taine d'autres jours néfastes et vous voyez combien il
restait peu de jours non fériés, c.-à-d. de travail. Nous
allons passer rapidement la revue des fêtes romaines.
Commençons par les fêtes domestiques. Les divinités de la
maison ont leurs fêtes mensuelles aux Kalendes, aux Nones
et aux Ides de chaque mois (le 1er, le 5 et le 13) et des
fêtes annuelles, anniversaires joyeux ou douloureux de la
famille. On appelle feriœ devicales les cérémonies expia-
toires par lesquelles une famille se purifie après un décès
(V. Funérailles). Plusieurs fêtes sont célébrées simulta-
nément par toutes les familles ; celles qui sont relatives au
culte des morts : les jours des Morts (dies parentales)
du 13 au 21 févr., conclus par la fête des Morts (Fer alla);
le lendemain, banquet familial (fête des Caristia) ; au mois
de mai (9, 11 et 13), fête des Retenants, Lemuria (V. ce
mot). Ces fêtes sont inscrites au calendrier; d'autres sont
communes au culte privé' et au culte public, Matronalia
(1er mars), fête de Junon Lucine ; Saturnales (17 déc),
fête de Saturne, dieu des pères et mères de famille ; fête
des Esclaves (servorum dies, le 13 août), en l'honneur
de Diane et de Servius Tullius. Les fêtes dites populaires
empiètent sur le culte privé, imposant aux particuliers des
actes religieux ; plusieurs ont cessé d'être célébrées par le
peuple entier : le Septimontium, fête de la vieille Rome
primitive, dont ne s'occupa plus qu'une confrérie ; les For-
nacalia de février, marquées par un banquet où l'on man-
geait une bouillie en l'honneur de Fornax, et les Hordi-
cidia ou Fordicidia (15 avr.), où l'on sacrifiait des vaches
pleines, n'étaient célébrées que par les patriciens et leurs
clients. D'autres fêtes étaient célébrées seulement par des
confréries, par exemple celles des Lares rustiques (Lara-
lia) et de carrefour (Compilalia). D'autres étaient parti-
culières à certaines catégories : aux femmes enceintes et
mères de famille, Carmentalia (11 et 15 juin), Matro-
nalia (1er mars), Matralia (11 juin) ; aux femmes ma-
riées et aux esclaves, fête de Diane sur l'Aventin (13 août)
et à Nemi ; fêtes corporatives des gens du port (Po'rtuna-
lia ou Tiberinalia, 15 août), des pêcheurs du Tibre (ludi
piscatorii), des marins (Neptunalia, 23 juil.), des hydrau-
liciens (Juturnalia, 11 janv.), des foulons, des médecins,
des professeurs, etc. (Quinquatrus, 19 mars). D'autres
fêtes, tombées en désuétude et dont la raison d'être était
oubliée, ne se conservaient guère qu a titre officiel : le
Lucuria (19-21 juil.) dans un bois de la rive droite du
Tibre, les Furrinalia (25 juil.), enfin les Volcanalia,
fête expiatoire célébrée le 23 août. — Les grandes fêtes
populaires, lesquelles constituaient le fond de la religion
populaire des Romains, étaient des fêtes agricoles. Les
feriœ sementinœ étaient des fêtes des semailles, qui
avaient lieu en décembre ou janvier. On les identifie aux
Paganicœ ou Paganalia, peut-être à tort ; celles-ci seraient
peut-être des fêtes locales annuelles des cantons agricoles.
Au printemps, la fête de Cérès (Cerealia, 19 avr.), suivie
de celle de Pales (Palilia, 21 avr.), fête du Palatin, deve-
nue celle de l'anniversaire de la fondation de Rome ; la
fête du premier vin (Vinalia prima, 23 avr.) ; celle des
Robigalia (25 avr.), destinée à préserver les blés de la
maladie de la rouille ; puis les fêtes de Flore (Floralia, du
28 avr. au 3 mai). Cette dernière des grandes fêtes du
printemps était fort licencieuse. Venaient ensuite les Am-
bamalia, qui coïncidaient au 29 mai avec la fête de Dca-
dia ; avant la moisson, la fête expiatoire marquée par le
sacrifice de la porca prœcidanea ; plus tard, à la fin de
l'été, les fêtes d'inauguration des vendanges (Vinalia rus-
lica, 19 août) et de la fin de la moisson (Consualia,
21 août) ; celle-ci était une grande réjouissance ; même les
animaux domestiqnes y étaient associés ; on les couronnait
de fleurs ; celle de la dégustation du vin nouveau (Medi-
trinalia, 11 oct.) ; au début de l'hiver, à la fin des se-
mailles, les fêtes des dieux de la fécondité: Faunalia,
(5 déc), Consualia (15 déc), Saturnalia (17-21 déc),
enfin, au terme de l'année, en février, avait lieu la fête du
dieu Terme, garant de la propriété (Terminalia). Vers le
même moment, on procédait à des purifications par les
cérémonies des Luper cales pour la cité du Palatin, des
Quirinalia pour celle du Quirinus (ou les curies). « La
dernière cérémonie de l'année, écrit M. Bouché-Leclercq,
était le Regifugium, sorte de drame symbolique dans
lequel le chef de l'Etat, assisté des Saliens, se chargeait,
pour ainsi dire, des péchés de toute la communauté, et
prenait tout à coup la fuite, pour revenir ensuite purifié
de toute souillure. » Les purifications étaient répétées en
mars, au commencement de la nouvelle année, et coïnci-
FÊTE
- 348 -
daient avec des fêtes guerrières, Quinquatrus du 19 mars,
Tubilustrium, 23 mars (purification des trompettes), puis
le lendemain, grande revue (Q. R. C. F., quando rex co-
mitiavit fas). Nous complétons ce résumé par un tableau
de la date des principales fêtes romaines ; on trouvera,
lorsqu'il y a lieu, des détails dans les articles spéciaux. Le
1er janv. était une sorte de fête en l'honneur de Janus,
Strena, Esculape, etc. ; les clients envoyaient des présents
à leurs patrons, les esclaves et affranchis à leurs maîtres,
les amis les uns aux autres. Cet usage s'est perpétué jus-
qu'à notre époque.
7 janv. Fête de Janus (jeux).
9 — Àgonalia.
41 — Carmentalia.
13 — Fête de Jupiter Stator (jeux).
15 — Carmentalia.
21-23 — Ludi Palatini.
5 févr. Fête de la Concorde.
13-21 — Jour des Morts (clies parentales).
13 — Fête de Jupiter et Faunus.
15 — ■ Lupercales.
47 — Quirinalia.
21 — Feralia.
23 — Terminalia.
25 — Regifugium.
27 — Equirrîa.
1er mars. Matronalia.
44 — Equirrîa.
45 — Fête de Jupiter et Anna Perenna.
47 — Liberalia (Agonia).
49 — Quinquatrus.
23 — Tubilustrium.
5-40 avr. Ludi Megalenses (Cybèle).
42-49 — Ludi Ceriales.
45 — Fordicidia.
49 — Cerialia.
24 — Palilia.
23 — Vinalia.
25 — Robigalia.
28-30 — Ludi Florales.
28 — Fête de Vesta (in Palatio).
4-3 mai. Ludi Florales.
1 — Fête des Lares.
9-44 — Lemuria.
12 — Fête de Mars Ultor (Ludi Martiales).
43 — Lemuria.
45 — Fête des Argei, de Mercure, de Maia.
24 — Agonalia.
23 — Tubilustrium.
5 juin. Fête de Dius Fidius.
7 — Ludi piscatorii.
9 — Vestalia.
44 — Matralia.
43 — Quinquatrus minuscule (fête de Jup. Invict.)
6-43 juil. Ludi Apollinares.
49-24 — Lucaria.
23 — Neptunalia.
25 -— Furrinalia.
43 août. Nemoralia ; fête de Diane, Jupiter, Vor-
tumnus, Castor et Pollux.
47 — Portunalia.
49 — Yinalia.
24 — Consualia.
23 — Voicanalia.
25 — Opiconsiva.
27 — Yolturnalia.
4-49 sept. Ludi Romani.
43 — Epulum Jovis.
41 oct. Meditrinalia.
43 — Fontinalia.
49 — Armilustrium.
4-47 nov. Ludi plebeii.
43 — Epulum Jovis.
5 déc. Faunalia.
44 — - Agonalia (du Septimontium).
45 — Consualia.
47 — Saturnalia.
49 — Opalia.
24 — Divalia (Angeronalia).
23 — Larentalia.
On remarquera que les fêtes sont placées aux jours im-
pairs et de préférence dans la seconde moitié du mois.
Chaque neuvième jour ou nundine (V. ce mot) était férié ;
mais comme la date des nundines changeait avec Tannée
(le nombre de jours de celle-ci n'étant pas un multiple de
huit) on ne peut les indiquer sur un calendrier. Une mention
spéciale est due aux fériés latines, fête officielle de la
confédération latine, célébrée annuellement sur le mont
Albain en l'honneur de Jupiter Latiaris ; les magistrats
suprêmes et tout le Sénat y assistaient ; la date était fixée
par les consuls qui ne pouvaient entrer en campagne avant
de s'en être acquittés ; à leur défaut on la faisait tenir par
un dictateur. Après le sacrifice d'un taureau blanc avaient
lieu des jeux, quelques-uns répondant à un symbolisme
mythologique, comme celui de la balançoire. Il n'y a rien
à dire des fêtes extraordinaires ordonnées par le Sénat ou
par un magistrat pour commémorer un événement consi-
dérable ou apaiser le courroux divin, par exemple, après
la chute d'un aérolithe; les jeux voués, c.-à-d. promis à
un dieu dans des circonstances diverses, péril, action de
grâces ; les jeux funèbres offerts parfois par des particu-
liers pouvaient donner lieu à de grandes fêtes. Plus consi-
dérables furent celles des jeux séculaires (V. ce mot),
empruntés par les Romains aux Etrusques. Nous avons
insisté sur les fêtes romaines, parce qu'elles ont tenu dans
la vie publique et privée une place importante. Mais il ne
faut pas se figurer qu'elles fussent d'un caractère très gé-
néral. C'étaient les fêtes d'une ville, rien de plus ; non
seulement elles ne lui sont pas communes avec les autres
peuples de l'Italie, elles ne le sont même pas avec les autres
cités du Latium. Quant au caractère des fêtes italiennes
et romaines en particulier, il était plus brutal que celui
des fêtes grecques; on peut s'en faire une idée par ce que
nous savons des Lupercales. Elles se transformèrent sous
l'influence des Grecs ; les danses se régularisèrent, les cris
se rythmèrent ; la mimique prit la forme dramatique ; ce-
pendant plusieurs de ces fêtes, notamment celle des Satur-
nales, gardèrent jquelque chose de leur barbarie primitive.
Au temps de l'Empire les fêtes grecques et celles des reli-
gions orientales s'introduisirent en Italie où elles eurent
une grande vogue. On voit alors, par l'influence de ces re-
ligions qui se substituent aux vieux cultes nationaux, les
mêmes fêtes s'établir d'un bout à l'autre de la Méditerra-
née. Celles de la religion impériale sont fêtées dans tout
l'empire romain; par exemple, les anniversaires de la nais-
sance des empereurs, spécialement d'Auguste (23 sept.,
deux jours de fête). Nous sommes loin du particularisme
des cités grecques et italiennes. Le christianisme va béné-
ficier de ce nivellement et le compléter.
Fêtes chrétiennes. — A l'origine, les chrétiens obser-
vaient simplement les fêtes juives ; ainsi firent Jésus-Christ
et ses disciples. Mais de bonne heure ils célébrèrent le pre-
mier jour de la semaine, le dimanche (V. ce mot), en
l'honneur de la résurrection du Christ; à cette date, nous
apprend l'Apologie de Justin Martyr, ils s'assemblaient. Ils
continuèrent d'abord de chômer le sabbat, surtout dans
l'Est où l'élément juif était considérable. Les constitutions
apostoliques mentionnent les deux jours comme dates d'as-
semblée de l'Eglise, et de chômage pour les esclaves, tout
en supprimant le jeûne du sabbat. Le 46e canon du concile
de Laodicée confirme l'observance religieuse du samedi ;
mais ailleurs, en Occident surtout, on y résiste; le concile
d'Illiberis marque bien la différence, bien qu'au temps de
saint Ambroise le samedi fût encore une fête ; on tend à
lui retirer ce caractère, à en faire simplement un jour de
[ jeûne. D'autres fêtes s'introduisirent peu à peu à côté de
— 349 —
FÊTE
la fête hebdomadaire ; elles ne furent pas, semble-t-il, ins-
tituées d'emblée comme fêtes spéciales des chrétiens, mais
cela revint au même. Dans le courant du 11e siècle s'établit
partout T observance des anniversaires de la mort et de la
résurrection du Christ (rcac^/a araupoSat^ov et 7uaa^a
àvacrcàcsifxov) (V. Pâques, Vendredi saint) ; la fête delà
Résurrection coïncidait avec la Pâque juive ; de même on
conservait la Pentecôte ; ce sont les fêtes indiquées par
Origène qui comprend sous le nom de Pentecôte toute la
période des cinquante jours après Pâques. Puis s'établirent
les fêtes de l'Epiphanie, des Innocents et de la Nativité ;
elles n'étaient pas encore universelles au temps de Clément
d'Alexandrie. Chaque Eglise commémorait ses martyrs et
au temps de saint Cyprien, on voyait des fêtes particulières
célébrées par des individus en mémoire de leurs amis. Au
ive siècle apparaît la fête de l'Ascension ; saint Augustin,
muet sur celles de la Nativité et du Baptême, cite parmi
les anniversaires fêtés par l'Eglise entière ceux de la Pas-
sion, de la Résurrection, de l'Ascension. A cette époque
encore le christianisme laissait une réelle liberté à ses
fidèles en matière de fêtes religieuses, contrastant avec les
minutieuses règles imposées par le judaïsme. Une régle-
mentation fut rendue nécessaire par les innovations des
hérétiques et la tendance des païens convertis en masse au
ive siècle à continuer la célébration de leurs anciennes fêtes.
On chercha à absorber celles-ci, à les combiner avec celles
du christianisme en les faisant coïncider dans le calendrier.
Constantin donna un caractère officiel au dimanche qui de-
vint jour néfaste ; Théodose étendit l'interdiction à tout
spectacle public en ce jour. Théodose II y assimila l'Epi-
phanie, les anniversaires des martyrs (fêtes de saint Etienne,
de saint Pierre et saint Paul, des Macchabées). Au début
du vie siècle, le concile d'Agde indique comme fêtes prin-
cipales oîi la présence à l'église est obligatoire, Pâques,
Noël, l'Epiphanie, l'Ascension, la Pentecôte, la Nativité de
saint Jean-Baptiste. Dans les siècles suivants furent ajou-
tées celles de l'Annonciation, de la Purification et de l'As-
somption de la Vierge, de la Circoncision, de saint Michel,
de tous les Saints. On forma les trois grands cycles de
YAvent, de Pâques et de la Pentecôte (V. ces mots et
Année ecclésiastique). Le caractère de ces fêtes chrétiennes
différait grandement des fêtes anciennes ; elles étaient tout
à fait religieuses ; non seulement la vie publique était sus-
pendue, mais tout jeu ou amusement qui pût détourner de
la dévotion était interdit ; on allait à l'église, paré de ses plus
beaux habits ; on se réunissait en banquets fraternels ; il
était strictement interdit de jeûner. On trouvera ci-après
des détails techniques sur les fêtes catholiques (V . le § Li-
turgie),
Nous ajouterons quelques indications sur celles des autres
communautés chrétiennes. L'Eglise grecque a plus de fêles
que l'Eglise latine, spécialement de fêtes des saints. Au der-
nier dimanche de l'Avent, elle commémore tous les saints
de l'ancienne loi; à d'autres jours, Adam, Eve, Elie,
Isaïe, etc. Le rituel est analogue à celui des catholiques.
— L'Eglise copte a sept grandes fêtes : Noël, l'Epiphanie,
l'Annonciation, les Rameaux, Pâques, l'Ascension, la Pen-
tecôte; elle observe comme fêtes moindres le Jeudi saint,
le Samedi saint, la fête des Apôtres (11 juil.) et celle de la
découverte ou Invention de la Croix. — L'Eglise anglicane
a conservé plusieurs fêtes, outre le dimanche : la Circon-
cision, l'Epiphanie, la Conversion de saint Paul, la Puri-
fication de la Vierge, saint Matthieu (l'apôtre), l'Annoncia-
tion ; le lundi et le mardi de Pâcnies, saint Marc, saint
Philippe et saint Jacques, l'Ascension, le lundi et le mardi
de la Pentecôte, saint Barnabe, la Nativité de saint Jean-
Baptiste, saint Pierre, saint Jacques, saint Barthélémy,
saint Mathieu, saint Michel et tous les anges, saint Luc,
saint Simon et saint Jude, Toussaint, saint Jean FEvangé-
liste, les Saints Innocents. Le 13e canon enjoint à tous les
fidèles de célébrer ces fêtes en écoutant la parole divine,
s'amendant de ses péchés, se réconciliant avec ceux qu'on
a offensés, communiant, visitant les pauvres et les ma-
lades, etc. Les presbytériens ne reconnaissent d'autre fête
que le dimanche ; l'assemblée de Westminster, dans ses
décisions acceptées par l'Eglise d'Ecosse (en 1645), s'est
exprimée très catégoriquement à ce sujet. — L'Eglise évan-
gélique allemande conserva d'abord la plupart des fêtes ca-
tholiques ; mais les réformés furent plus radicaux que les
luthériens. Dès 1598, dans le Brandebourg, on restreint
le nombre des fêtes des saints et de la Vierge. En 1754, la
Prusse ne reconnaissait plus, avec le dimanche, que trois
grandes fêtes (Noël, Pâques, Pentecôte), de trois jours cha-
cune, les Quatre Temps, le jeudi et le vendredi saints, l'As-
cension et le nouvel an. Frédéric II, en 1773, ne laissa
subsister que les deux premiers jours des trois grandes fêtes,
le vendredi saint et le nouvel an; en 1789, Frédéric-Guil-
laume II rétablit l'Ascension. Dans les pays protestants
d'Allemagne, on prit au xvnr3 siècle des mesures analogues
reportant au moins les petites fêtes (Vierge, apôtres) au
dimanche suivant ; cependant l'Epiphanie subsista généra-
lement. Quelques nouvelles fêtes furent créés, celles de la
Réformation (31 octobre) des morts, de la Bible, des Mis-
sions, etc., sans parler des fêtes politiques dont -nous re-
parlerons. L'Eglise chrétienne conserva longtemps l'usage
des juifs, de commencer les fêtes au soir du jour précédent ;
mais, à partir du xne siècle, on adopta l'usage astronomique
de compter de minuit à minuit. Quelques traces de l'ancien
système persistent dans l'habitude d'annoncer les Vigiles, le
Carême. Pour les détails, V. ci-après le § Liturgie, l'art. An-
née ecclésiastique et le nom des principales fêtes. A. -M. B .
Liturgie. — Au nom de chacune des fêtes de quelque
importance on trouvera des indications sur son origine
et sur sa célébration; aux mots Année ecclésiastique,
Calendrier ecclésiastique, Avent, Dimanche, un exposé
sommaire des considérations qui ont présidé à l'institution
des fêtes chrétiennes. Nous mentionnons ici diverses clas-
sifications dont elles ont été l'objet dans l'Eglise catho-
lique. — La première se rapporte à des dispositions
liturgiques ; elle divise les fêtes en simples, demi-doubles
et doubles. Les doubles se subdivisent en doubles ma-
jeures, doubles de première classe, doubles de seconde
classe. Aux vêpres des fêtes doubles, quelle que soit leur
classe, on double, c.-à-d. on répète l'antienne de chaque
psaume, le récitant une fois avant le psaume et une fois
après. A la messe, il n'y a qu'une oraison, à moins qu'on
ne doive faire quelque commémoration (V. ce mot). Aux
fêtes simples et aux demi-doubles, la messe a toujours trois
oraisons, et on ne double pas les antiennes des vêpres. —
Les fêtes doubles de première classe sont : Noël, l'Epi-
phanie, Pâques avec les trois jours précédents et les deux
suivants, l'Ascension, la Pentecôte et les deux jours sui-
vants, la Fête-Dieu (Corpus Christi), la Nativité de saint
Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, l'Assomption, la
Toussaint, et de plus, pour chaque église, la fête de son
patron, de son titre ou de sa dédicace. Les fêtes doubles
de seconde classe sont : la Circoncision, la fête du Sacré-
Nom de Jésus, de la Trinité, du Précieux Sang du Christ, de
la Purification, de l'Annonciation, de la Visitation, de la Nati-
vité et de la Conception de la Vierge, les fêtes des Douzes
Apôtres, des Evangélistes, de saint Etienne, des Innocents,
de saint Joseph, de saint Michel. Les dimanches majeurs de
première classe sont : le premier de l'Avent ; le premier du
Carême, ceux de la Passion, des Rameaux, de Pâques, de
la Quasimodo (dominica in albis), de la Pentecôte et de
la Trinité ; les dimanches majeurs de seconde classe sont : le
second, le troisième et le quatrième de l'Avent, Septuagésime,
Sexagésime, Quinquagésime, le second, le troisième et le
quatrième du Carême. Les fêtes fixes se célèbrent toujours au
même quantième du même mois. Les fêtes mobiles varient de
quantième. La plus grande est celle de Pâques; un grand
nombre se règlent sur elle, soit pour la précéder, soit pour la
suivre. Avant Pâques, la Septuagésime, la Sexagésime, la
Quinquagésime, les Cendres et tout leCarême. Après Pâques,
l'Ascension, la Pentecôte, la Trinité, la Fête-Dieu, le Sacré-
Cœur de Jésus. Cependant, certaines fêtes mobiles ne sont
FÊTE
point réglées par celle de Pâques. Telles sont les fêtes du
Saint-Nom de Jésus, du Précieux Sang, de saint Joachim,
du Saint-Nom de Marie, des Sept Douleurs, du Saint-Ro-
saire, de la Maternité de la Sainte-Vierge, de la Dédi-
cace, etc. — On appelle cardinales les fêtes qui dirigent
l'office d'un certain nombre de dimanches ; ce sont : Noèl,
l'Epiphanie, Pâques et la Pentecôte.
Les laïques peuvent, sans pécher, omettre les fêtes de
dévotion ou les observer, tout en donnant au travail le
temps qui n'est point consacré au culte. Les fêtes d'obli-
gation, au contraire, sont assimilées aux dimanches, pour
les dispositions relatives au repos et à la sanctification. On
contrevient à ces dispositions de trois manières : 4° en né-
gligeant les œuvres de piété qui sont ordonnées en ces jours-
là ; 2° en faisant un travail ou en pratiquant un négoce
défendus ; 3° en prenant des divertissements interdits. A
l'égard des œuvres de piété, les canons imposent aux fidèles
l'obligation d'entendre la messe, les jours de dimanche et
de fête. Cette prescription est ainsi énoncée dans les rimes
qui formulent les commandements de l'Eglise :
Les Fêtes tu sanctifieras
Qui te sont de commandement.
Les Dimanches, la Messe ouïras
Et les Fêtes pareillement.
À Tégard du travail, les règlements ont différé et diffèrent
encore, suivant les églises, les lieux et les temps ; mais le
précepte général est de s'abstenir de toute espèce de labeur
à l'exception de celui qui est indispensable à la^vie ou qui
est exigé par une pressante raison de nécessité ou de piété.
Cette exception est admise par la Sacrée Congrégation : A
Sancta Congrégation e decisum fuit licere die bus festis
dare operam rébus ad vitam necessariis, tempore peri-
turis, prœsertim tempore vindemiarum et messium ac
collectionis fructuum, vel ubi nécessitas urgeat aut
suadeat pietas, adque judicium scilicet or dinar H. Afin
d'éviter les abus des interprétations individuelles, l'ordi-
naire doit être consulté et doit prononcer sur les cas d'ex-
ception et de dispense. Restent absolument condamnés, les
marchés, les foires et généralement tout négoce public ;
de même, les jeux, les danses, les combats et autres spec-
tacles.
Dès que le christianisme fut devenu la religion de l'Em-
pire, le pouvoir séculier s'appliqua à sanctionner par des
mesures coercitives les ordonnances de l'Eglise, relatives
aux dimanches et aux fêtes d'obligation. A dater de Chil-
debert, les prescriptions des empereurs romains furent
reproduites et développées par de nombreuses ordonnances
de nos rois. Un capitulaire de Charlemagne est ainsi conçu:
Diem dominicain secundum reverentiam colite : opus
servile, ici est agrum,vineam, velsiqua graviorasunt
in eonon faciatis, nec causas, nec calumnias inter vos
dicatis, sed tantum divinis cultibus serviatis, etaves-
pero ad vesperum dies dominicus servetur (Mb. VI, •
186 et 125). Les ordonnances d'Orléans et de Rlois renou-
velèrent ces dispositions, en 1560 et 1579. L'art. 20 de
Pédit de Nantes astreignit même les protestants « à garder et
observer les testes indictes en l'Eglise catholique, apostolique
et romaine ; ils ne pourront es jours d'icelles besogner, ven-
dre ni étaler à boutiques ouvertes, ni pareillement les ouvriers
travailler, hors leurs boutiques et en chambre, et maisons
fermées, es dits jours de festes et autres jours défendus, en
aucuns métiers dont le bruit puisse estre entendu des pas-
sans ou des voisins » (art. 20). Plusieurs édits les avaient
dispensés de tapisser le devant de leurs maisons pour le
passage des processions ; mais un arrêt du conseil (19 oct.
1650) les y obligea : « Faute par eux d'y satisfaire, il sera
tendu devant leurs maisons, à leurs frais et dépens ; et au
remboursement d'iceux seront contraints par toutes voies
dues et raisonnables. » — On sait ce que la Révolution fit
des fêtes de l'Eglise. A l'époque où l'on commençait à pro-
céder au rétablissement officiel du culte catholique, un arrêté
des consuls (7 thermidor an VIII) reconnut aux simples
citoyens « le droit de pourvoir à leurs besoins et de vaquer
350 —
à leurs affaires tous les jours, en prenant du repos suivant
leur volonté, la nature et l'objet de leur travail ». Mais il
fit correspondre les fériés civiles aux fêtes de l'Eglise, sta-
tuant que l'observation des jours fériés serait d'obligation
pour les autorités constituées, les fonctionnaires et les sala-
riés du gouvernement (art. 2). La loi organique du 18 ger-
minal an X contient une disposition analogue : « Le repos
des fonctionnaires est fixé au dimanche» (aYt. 57).— Sous
la Restauration, qui rétablit une religion de l'Etat, une loi
du 18 nov. 1814 interdit les travaux ordinaires et exté-
rieurs les dimanches et les jours de fêtes reconnues. La
charte de 1830 ayant supprimé la religion de l'Etat, il
semblait que cette loi était implicitement abrogée, comme
contraire à la liberté de conscience et à l'égalité des cultes;
néanmoins, sous le second Empire, il s'est trouvé des tribu-
naux qui l'ont appliquée.
Pendant de longs siècles, le pouvoir d'instituer et par con-
séquent de supprimer des fêtes fut attribué aux évêques. Le
concile de Trente le leur reconnut implicitement (Sess.XXV,
De Regul, cap. 12). Mais, par la constitution Universa,
Urbain VIII (1623-1644) le réserva au pape. Malgré cette
réserve, on persista, en France, à considérer ce droit comme
n'ayant point cessé d'appartenir aux évêques. Toutefois, la
cessation du travail intéressant l'Etat, les évêques ne pou-
vaient établir ou supprimer des fêtes qu'avec le concours
de la puissance temporelle. L'art. 28 d'un édit de 1695
dit formellement : « Les archevêques et évêques ordonne-
ront les fêtes qu'ils trouveront à propos d'établir ou de
supprimer dans leurs diocèses ; et les ordonnances qu'ils
rendront sur ce sujet nous seront présentées pour être au-
torisées par nos lettres. Ordonnons à nos cours et juges
de tenir la main à l'exécution desdites ordonnances, sans
qu'ils puissent en prendre connaissance, si ce n'est en cas
d'appel comme d'abus et en ce qui regarde la police. » Les
règlements sur l'observance des fêtes faisant partie de la
police générale du royaume, les magistrats étaient chargés
de leur exécution. De son côté, le clergé devait y veiller;
y veillaient aussi et très âprement les seigneurs de village,
à cause des amendes qui leur revenaient des condamnations
de police, dans l'étendue de leurs fiefs. Il vint un temps
où tous ces moyens de contrainte restèrent impuissants.
En ses assemblées de 1755 et 1760, le clergé dut exposer
au roi un tableau affligeant de la profanation des dimanches
et des fêtes. Le roi promit d'employer son autorité pour
faire exécuter les loix de V Eglise et de l'Etat sur cet
article. Il est probable que cette promesse, faite à la veille
de h Révolution, ne fut guère suivie d'effet.
Le nombre des fêtes variait avec les diocèses. Devant les
premiers progrès du protestantisme, plusieurs conciles pro-
vinciaux, notamment ceux de Sens (1524), de Rourges
(1528), de Rordeaux (1583), exhortèrent les évêques dio-
césains à le réduire, afin que celles qui seraient conservées
fussent solennisées avec plus de décence et de piété. Un
mandement très fortement motivé de l'archevêque de Paris
mais provoqué, dit-on, par le besoin de faciliter la cons-
truction du Louvre (28 oct. 1666) en supprima plusieurs :
sainte Anne, sainte Madeleine, saint Marc, saint Luc,
saint Roch, sainte Croix, saint Thomas, saint Rarthélemy,
saint Rarnabé, saint Mathias, saint Joseph, saint Michel,
saint Nicolas, sainte Catherine, les Innocents. Voici, d'après
une liste annexée à ce mandement, celles qui étaient restées
de commandement dans ce diocèse : Janvier : Circoncision,
sainte Geneviève, Epiphanie. Février : Purification.il/afs:
Annonciation. Mai : saint Jacques et saint Philippe. Juin :
saint Jean-Raptiste, saint Pierre et saint Paul. Juillet :
saint Jacques. Août : saint Laurent, Assomption, saint
Louis. Septembre : Nativité de la Sainte Vierge, saint
Matthieu. Octobre : saint Denis, saint Simon, saint Jude.
Novembre : Toussaint, Commémoration des morts, saint
Marcel, saint Martin, saint André. Décembre : Conception
de la Sainte Vierge , Noël , saint Etienne , saint Jean
l'Evangéliste. En outre, le lundi et le mardi de Pâques, le
lundi de la Pentecôte, l'Ascension, la Fête-Dieu, et pour
— 354 —
FÊTE
chaque paroisse, la fête du principal patron. Au mois de
févr. 1778, des lettres patentes du roi supprimèrent en-
core treize fêtes dans le diocèse de Paris. — L'art. 41 de
la loi du 48 germinal an X (2 avr. 4802) statue qu'aucune
fête, à l'exception du dimanche, ne pourra être établie sans
la permission du gouvernement. Un induit émis le 9 avr.
4 802 par le cardinal Caprara, légat a latere de Pie Vil
et publié par arrêté des consuls le 29 du même mois, sup-
prima la plupart des fêtes anciennement établies; il n'en
conserva que quatre : Noël, l'Ascension, l'Assomption, la
Toussaint. Sous l'ancien régime, il était admis sans contes-
tation que la suppression des fêtes ne regarde que la
liberté rendue au peuple de vaquer à ses occupations ordi-
naires. Quant à l'office divin, la coutume et les canons
exigeaient qu'il fût célébré dans les églises après comme
avant le retranchement. Conformément à ces maximes,
Y induit du 9 avr., tout en déchargeant les fidèles de
l'obligation d'entendre la messe aux jours des fêtes sup-
primées , exhorte tous ceux qui ne sont point forcés de
vivre du travail des mains à ne pas négliger d'y assister.
Il déclare, en outre, que Sa Sainteté a voulu que, dans
aucune église, rien ne lut innové dans l'ordre et le rit des
offices et des cérémonies qu'on avait coutume d'observer
aux fêtes supprimées et aux veilles qui les précèdent, mais
que tout fût entièrement fait comme on avait coutume de
faire précédemment. Il est vraisemblable que la dévote
observance des fêtes supprimées fut adoptée par les mé-
contents comme une forme d'opposition au régime issu de
la Révolution et comme un mode de protestation contre le
Concordat et ses conséquences. Le gouvernement impérial
poursuivit avec beaucoup de rigueur et peu de succès
l'abolition complète des fêtes supprimées. Jusqu'en 4835,
il fut imité par les gouvernements qui lui succédèrent. De
nombreuses circulaires ministérielles prescrivirent de ne
plus annoncer ces fêtes, même comme étant de simple dé-
votion, et de ne plus les célébrer par des services autres
que ceux des jours ordinaires de la semaine. On prohiba
même leur indication dans le Ordo qui règle l'office des
ecclésiastiques pour chaque jour de l'année. Ces exigences
ne pouvaient être soutenues par aucune sanction efficace ;
elles étaient d'ailleurs manifestement contraires au texte
fort précis de Yindult de suppression. Elles n'eurent
d'autre résultat que de fournir à quelques évêques l'occa-
sion précieuse de gourmer impunément l'autorité sécu-
lière. — Une loi récente a ajouté aux fériés civiles le
lundi de Pâques et le lundi de la Pentecôte ; mais cette
mesure n'a point fait rentrer ces jours-là dans la classe
des fêtes ecclésiastiques d'obligation. E.-H. Vollet.
Les fêtes de l'Eglise catholique, aussi bien les fêtes mo-
biles que les fêtes fériées, et en particulier les fêtes des
saints, ont souvent servi, swi moyen âge, d'éléments chro-
nologiques pour dater du jour.
Moyen âge. — Les fêtes publiques du moyen âge ont
été avant tout les fêtes religieuses dont nous venons de
parler. La plupart des fêtes populaires des populations euro-
péennes coïncident avec ces manifestations de la religion
officielle. L'Eglise a pris soin de s'arranger pour cela. Gré-
goire le Grand prescrivait aux missionnaires qu'il envoyait
chez les Anglo-Saxons d'adopter ainsi leurs fêtes, comme
leurs temples en les transformant et les appropriant au
culte chrétien. On retrouve donc au moyen âge, à côté des
fêtes du christianisme, sous leur manteau, d'anciennes fêtes
des Perses, des Grecs, des Romains ; en même temps, soit
assimilées aux grandes fêtes officielles, soit subsistant à
côté d'elles, se conservent des fêtes populaires nationales.
Nous n'en dirons que quelques mots : les Celtes avaient
des fêtes naturelles périodiques ; telle celle du printemps,
dans l'ile Tenby, chantée par le barde Taliesin. On offrait
des bœufs sacrés auprès de la mer ; une procession mys-
tique se déroulait sous la conduite des prêtres ; célébrées
en l'honneur d'un dieu solaire, la fête commençait à l'au-
rore. La fête du Carnaval remonte à des origines celtiques ;
on y promenait un mannequin qu'on noyait ensuite ; on s'y
déguisait en animaux au dimanche suivant, dimanche des
Brandons ; on allumait des feux, on dansait autour ; on se
promenait avec des torches brûlant les nids de guêpes.
Citons encore la fête analogue des bourrées de la Saint-
Jean; la vieille fête des Semailles, placée sous l'invocation
de saint Mamert avec sa procession noire des têtes humi-
liées ; Charlemagne y prit part, pieds nus, cheveux dénoués
saupoudrés de cendres. La fête de l'Avent a été rattachée,
à tort ou à raison, à l'Avane celtique. La bûche de Noël
nous vient d'une coutume païenne ; on rallume le feu au
début de l'année pour symboliser la renaissance du soleil.
Comme fêtes du printemps nous conservons en Espagne et
en Italie, à l'équinoxe du printemps (dimanche de Lsetare),
la fête où l'on met à mort (en effigie) la plus vieille femme
du village ; on scie, ou brûle la poupée ; en Ecosse, cette
cérémonie a lieu à Noël. Enfin, l'usage de planter le mai
(V. ce mot) est presque universel. —Les Germains avaient
des fêtes de saisons, dont les principales (Dult ou Hochzît)
tombaient aux équinoxes et aux solstices. La plus grande
était celle de l'équinoxe d'hiver, fête de M ou Joël, dédiée
à Fro ou Freyr, dieu solaire, et symbolisant la naissance du
soleil ; elle se prolongeait depuis l'équinoxe d'automne,
durant douze jours, jusqu'au moment de notre fête des
Rois ; on supposait que les dieux parcouraient la terre. Les
hostilités étaient suspendues ; on se parait de feuillages verts
et on offrait à Freyr des sangliers. La plupart de ces usages
persistent et s'expliquent à notre fête de Noël dans les pays
germaniques ; de là viennent l'arbre de Noël, le gui ou le
houx dont on décore les maisons, etc. (V. Noël). La fête
de l'équinoxe du printemps était dédiée à Ostara ; elle s'est
confondue avec Pâques (V. ce mot). La fête du solstice
d'été et celle de l'équinoxe d'automne ont laissé moins de
traces, de même que celle du 4er mai dite de Walpurgis
(V. ce mot). Les Slaves ont, comme les races de l'Europe
occidentale, gardé sous de nouveaux noms leurs anciennes
fêtes. Celles-ci étaient distribuées selon l'ordre des saisons
et le cours de la vie végétale. Au solstice d'hiver (ou au
24 déc.) fête de Koliada, fête pacifique avec distribution
d'étrennes ; Je lendemain, fête des sages-femmes où les
filles et femmes sont censées privées de leur sexe et doivent
s'adresser aux sages-femmes pour le recouvrer. Au solstice
d'été (ou au 24 juin), fête de Koupalo, célébrée par des
feux de joie autour desquels on danse et chante couronné
de fleurs ; on fait passer le bétail sur les cendres afin de
le préserver des maléfices. Celte fête se continue sous le
vocable de sainte Agrippine. Les Serbes couronnent leurs
maisons et leurs étables de fleurs à la Saint- Jean, afin
d'écarter les mauvais génies. La grande fête des morts des
Slaves était à la nouvelle année ; une seconde au 24 mai,
l'une donc en hiver, l'autre au printemps, plus tardif en
Russie qu'en France ou en Grèce. Le sens de ces fêtes est
conforme à leur date ; de même les cérémonies et les légendes
qui s'y rattachent. Les Finnois avaient quatre grandes fêtes,
une par saison ; pour les semailles au printemps, la mois-
son en été, une fête d'actions de grâce à l'automne, une
fête joyeuse en hiver, dite fête de l'Ours; on célébrait par
des cérémonies le soir du dimanche, du lundi et du jeudi.
La fête principale paraît avoir été celle de l'hiver, iden-
tifiée depuis avec Noël. On en pourrait citer beaucoup
d'autres. Chez les Lives, c'est celle de l'été (la Saint-Jean)
cjui a le plus gardé son caractère primitif. Nous arrêtons
ici cette énumération en rappelant de nouveau que, sur
toutes ces religions naturelles, il convient de se reporter à
l'art. Religion et aux articles spéciaux consacrés à chaque
race (Y. Celtes, Germains, Slaves, etc.).
Des fêtes populaires proprement dites du moyen âge, peu
ont atteint une grande importance ; elles font l'objet d'articles
séparés (V. Ane, Fou, Carnaval, etc.). Quant aux fêtes
publiques occasionnelles, elles prirent un grand développe-
ment à partir du xve siècle, moment d'organisation des
grandes monarchies nationales. Les plus imposantes avaient
lieu lors de l'avènement du sacre des rois, de leur mariage
ou de celui de leur fils, de leur entrée solennelle dans les
FÊTE
352
villes. Ces fêtes font l'objet des art. Carrousel, Entrée,
Tournoi, etc. Elles avaient un caractère militaire prédo-
minant. Au contraire, la Renaissance donna lieu à une
série de fêtes archéologiques ou littéraires très belles, qui
sont un des traits .les plus curieux de cette époque (V. Re-
naissance) ; les cortèges, les représentations scéniques y
tinrent une grande place. Les fêtes gouvernementales de-
vinrent de plus en plus frivoles sous la monarchie absolue ;
elles étaient destinées presque exclusivement à l'amuse-
ment du monarque et de sa cour. On peut citer parmi les
plus somptueuses celles du règne de Louis XIV. Il va de
soi que, malgré leur grand apparat, ces fêtes n'eurent
jamais l'importance des fêtes publiques de l'antiquité ou
des fêtes chrétiennes. Au contraire, lorsque la Révolution
française réorganisa sur de nouvelles bases la société fran-
çaise, les hommes d'Etat, sentant bien l'immense impor-
tance des fêtes publiques, s'efforcèrent de lui en donner un
système complet qu'on put substituer aux fêtes religieuses,
de même qu'ils substituaient une constitution nouvelle à
l'ancien régime. A.-M. B.
Histoire de la Révolution. — Fêtes révolution-
naires. — La période de la Révolution française a eu des
fêtes de circonstance, célébrées spontanément par le peuple
ou décrétées par les pouvoirs constitués, en l'honneur d'évé-
nements ou de personnes. Telles sont : la fête du 27 sept.
1789, à l'occasion de la bénédiction des drapeaux de la
garde nationale dans l'église de Notre-Dame de Paris;
la fête de la Fédération nationale, le 44 juil. 4790,
et ses anniversaires (qui étaient en même temps ceux de la
prise de la Bastille) des années 4791, 4792 et 4793; la
première fête (funèbre) improvisée au Champ de Mars en
mémoire des défenseurs de l'ordre à Nancy, et qui tourna
à l'honneur des soldats de Châteauvieux, victimes de Bouille,
le 20 sept. 4790; la pompe funèbre de Mirabeau, le 4avr.
4791; la fête de la translation des restes de Voltaire
à Sainte-Geneviève (sic), le 44 juil. 4794 ; la seconde fête
(triomphale) en l'honneur des soldats de Châteauvieux,
délivrés des galères par la Législative, fête plutôt tolérée
qu'organisée par les pouvoirs publics, le 45 avr. 4792
(V.Collot d'Herbois) et surnommée fête de la Liberté; la
fête (funèbre) en l'honneur deSimonneau, maire d'Etampes,
ou fête de la Loi, opposée par le parti constitutionnel à la
précédente, le 3 juki4792; la fête (funèbre) en l'honneur
des victimes du Dix-Août, le 26 août 4792 ; la fête de la
Liberté en l'honneur de la Savoie affranchie par les armes
françaises, le 44 oct. 4792; la pompe funèbre de Michel
Le Métier de Saint-Farjeau , décrétée par la Convention
le 22 janv. 4793 et célébrée le 24; la fête du 40 août
4793, décrétée par la Convention le 27 juil. sur les
propositions de Lakanal, de Lanthenas et sur le rapport
de David : la fête en l'honneur de la reprise de Toulon
(10 nivôse an II, 30 déc. 4793); la translation des restes
de Marat au Panthéon (5 e jour compl. an II, 21 sept.
4794); celle des restes de J.-J. Rousseau (20 vendémiaire
an III, 44 oct. 4794) ; la fête de la fondation de la Répu-
blique ou des victoires (30 vendémiaire an III, 24 oct.
4792); la fête (funèbre) en l'honneur du général Hoche
(40 vendémiaire an VI, 4er oct. 4797); les fêtes en l'hon-
neur de Buonaparte et du traité de Campo Formio (bru-
maire et frimaire an VI, oct. et déc. 4797); le premier
anniversaire du 48 fructidor (4 sept. 4798) et le second
(4 sept. 4799); la fête (funèbre) au sujet de l'attentat
commis à Rastadt contre les plénipotentiaires français
Bonnier et Roberjot (20 prairial an VII, 8 juin 4799);
enfin la pompe funèbre en l'honneur du général Joubert
(30 fructidor an VII, 46 sept. 4799). Toutes ces fêtes
appartiennent à l'histoire générale de la Révolution, ou,
lorsqu'elles concernent des individus, constituent l'appen-
dice naturel de leur biographie. Nous ne traiterons donc
ici spécialement que des fêtes révolutionnaires instituées
par les représentants de la nation ou incidemment par la
Commune de Paris, d'après un plan préconçu et avec un
caractère fixe, périodique, et perpétuel dans l'intention des
promoteurs ou des fondateurs. Des débuts pénibles et con-
trariés, une chute rapide, tels sont les traits dominants
par lesquels se signale cette institution.
Au moment de sa mort, Mirabeau allait prononcer sur
l'instruction publique trois discours qui furent publiés par
son médecin, Cabanis. Le second discours, « sur les fêtes
publiques, civiles et militaires », renferme un projet de
décret en neuf articles (Travail sur V éducation publique
trouvé dans les papiers de Mirabeau l'aîné, publié par
P.-J.-G. Cabanis, docteur en médecine, etc. ; Paris,
4791, in-8, pp. 74 à 407). Le grand tribun, entre autres
moyens d'éducation civique, proposait neuf fêtes annuelles,
quatre civiles, quatre militaires et une grande fête nationale
à la fois civile et militaire, dite fête du Serment ou de la
Fédération (44 juil.). Comme elles étaient purement poli-
tiques, il les voulait absolument laïques : « La sévère majesté
de la religion chrétienne ne lui permettant pas de se mêler
aux spectacles profanes, aux chants, aux danses, aux jeux
de nos fêtes nationales et de partager leurs bruyants trans-
ports, il n'y aura désormais aucune cérémonie religieuse
dans ces fêtes (art. vu). » Cette exclusion du christianisme
a paru fondée sur des motifs ironiques à M. Eug. Despois
(le Vandalisme révolutionnaire, p. 4, 2e éd.) ; mais elle
peut être considérée aussi comme prudente et respectueuse,
sinon au fond même de la pensée de l'orateur, du moins
dans son intention de persuader une assemblée fort atta-
chée, dans son ensemble, aux traditions catholiques. Quoi
qu'il en soit, c'est à l'antiquité classique, et surtout aux
Grecs, que Mirabeau demandait des exemples, « sans tenir
assez compte des différences de climat, si favorable en
Grèce, si défavorable en France, aux réunions en plein
air » (ibid., p. 270); ajoutons, en laissant absolument de
côté le caractère essentiellement religieux des fêtes anti-
ques, même des Dionysiaques et des Saturnales. — L'évê-
que d'Autun, Talleyrand, peu enthousiaste de sa nature, se
montre aussi grand partisan des fêtes nationales : « Elles
auront pour objet direct des événements anciens ou nou-
veaux, publics ou privés, les plus chers à un peuple libre ;
pour accessoires tous les symboles qui parlent de la liberté
et rappellent avec plus de force à cette égalité précieuse,
dont l'oubli a produit tous les maux des sociétés ; et pour
moyens ce que les beaux-arts, la musique, les spectacles,
les combats, les prix réservés pour ce jour brillant, offri-
ront dans chaque lieu de plus propre à rendre heureux et
meilleurs les vieillards par des souvenirs, les jeunes gens
par des triomphes, les enfants par des espérances. >V Que ce
rapport signé Talleyrand ait été, suivant un bruit du temps,
rédigé par l'oratorien Desrenaudes (E. Maron, Hist. litt.
de la Convention, p. 99), peu importe : il n'en est pas
moins édifiant de voir avec quelle conviction 1' « éditeur
responsable » fait ressortir l'enseignement moral que le
peuple ne manquera pas de tirer de ces fêtes : « C'est la
morale elle-même qui va bientôt ordonner, qui va animer
ces fêtes que le peuple espère, qu'il désire et que d'avance
il appelle fêtes nationales. . . Vous ne voudrez pas priver
la morale d'un tel ressort ; vous voudrez aussi conduire
les hommes au bien parla route du plaisir... » — Dans la
séance du 2 sept. 4794, Thouret proposa, comme addition
aux articles de l'acte constitutionnel, « l'établissement de
fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution
française, entretenir la fraternité entre les citoyens, les
attacher à la patrie et aux lois ». Cette addition fut votée
à l'unanimité, en même temps (chose significative) que le
principe d'un code de lois civiles communes à tout le
royaume. Le but est évidemment de fortifier et d'unifier
l'esprit public.
A la Législative, Condorcet passa rapidement sur le
projet d'établissement de fêtes nationales dans son plan
d'instruction publique. Il n'en méconnaissait pas l'impor-
tance. « Puisque leur action, dit-il ailleurs, existerait in-
dépendamment de la puissance publique, il est bon qu'elle
puisse s'en emparer, pour les empêcher de contrarier ses
vues. » Il repousse du reste l'idée de fêter des abstractions,
— 353
FÊTE
Comme la piété filiale], Yunion conjugale , le stoï-
cisme, etc., et n'admet que les fêtes anniversaires dont le
sens est toujours net par l'événement qu'elles rappellent.
Après le pacifique succès des Suisses de Châteauvieux,
Gonchon présente à la barre de la Législative une dépu-
tation du faubourg Saint-Antoine qui demande au Comité
d'instruction publique de s'occuper incessamment de la
présentation d'une loi sur les fêtes civiques, « car c'est
dans les fêtes que régnent l'égalité, la fraternité ; c'est là
que les ennemis de cette égalité ouvriront enfin les yeux
à la raison, qu'ils verseront des larmes de repentir », etc.
Cette adresse fut imprimée par ordre de l'Assemblée
(séance du 22 avr. 4792). Mais de graves événements
retardèrent la réponse. Bien qu'une des onze sections
entre lesquelles se répartit le comité d'instruction publique
de la Législative (41 mai 1792) eût pris le nom de section
des fêtes nationales, les procès-verbaux du comité (publiés
par M. Guillaume) ne permettent guère de constater que
l'existence de cette section. Ce fut à la Convention, le
26 juin 4793, queLakanal présenta un Plan d'éducation
nationale au nom du comité d'instruction publique. Les
art. 53 à 70 sont consacrés à rétablissement des fêtes
nationales, « dans les cantons, les districts, les dépar-
tements et dans les lieux où l'Assemblée nationale tient
ses séances » (art. 53). Elles seront de trois sortes : les
unes auront rapport aux époques de la nature, les autres
à celles de la société humaine, les troisièmes à celles
de la Révolution française (art. 54). Toutes les frac-
tions du territoire participeront à ces trois catégories de
fêtes dont voici d'ailleurs le tableau résumé, d'après le
texte revisé et publié le 1er juil., par conséquent définitif
(art. 55 à 57) :
Cantons.
4. Ouverture des travaux de la cam-
pagne
2. Clôture des travaux de la cam-
pagne..
3 . Fête de la jeunesse
4. Fête du mariage
5 . Fête de la maternité
6. Fête des vieillards
7 . Fête des droits de l'homme
8. Fête de l'union politique, etc. . . .
9 . Fête particulière du canton
^
Fêtes naturelles.
Fêtes sociales.
Fêtes civiques.
Fêtes civiques.
Districts.
40 . Fête du retour de la verdure. .
44 . Fête du retour des fruits.
42. Fête des moissons [ Fêtes naturelles.
43. Fête des vendanges ou de toute
autre récolte locale
44. Fête de l'égalité
1 5 . Fête de la liberté
46 . Fête de la justice
47 . Fête de la bienfaisance )
48. Fête particulière du district Fête civique.
Départements .
49. Fête du printemps (équinoxiale)..
20. Fête de l'été (solsticiale)
21. Fête de l'automne (équinoxiale)..
22. Fête de l'hiver (solsticiale)
23. Fêtes de la poésie, des lettres,
sciences, etc
24. Fête de la destruction des ordres
ou de l'unité (au 47 juin) . . .
25. Fête de l'abolition des privilèges > Fêtes civiques.
(au 4 août)
26. Fête particulière du département.
Enfin (art. 58), au siège de la représentation nationale,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Fêtes naturelles.
Fête sociale.
seraient célébrées, au nom de la République entière, les
fêtes :
Fête sociale.
27. De la fraternité du genre humain ,
(4erjanv.) (
28. De laRévolution française (44 juil.)
29. De l'abolition de la royauté et de
l'établissement de la République i
(sic) (40 août) \ Fêtes civiques.
30. Du peuple français, au jour où il
sera proclamé que la constitu-
tion est acceptée
Les frais des fêtes nationales devaient être à la charge
de la nation ; à une commission centrale, à des bureaux
d'inspection des districts, étaient confiés les détails de l'or-
ganisation. Les édifices publics, y compris les églises,
étaient mis pour la circonstance à la disposition des orga-
nisateurs. Spectacles, musique, chants, récitations poé-
tiques, discours publics, danses, évolutions militaires et
gymnastiques, tels seraient les éléments essentiels de ces
fêtes. Des prix seraient solennellement décernés sur des
programmes publiés un an à l'avance, etc. (art. 59 à 78).
— Sieyès était le véritable auteur du plan de Lakanal,
dont il fit l'apologie dans le Journal d'instruction sociale
(nos 3, 4, 5 et 6). Dès le 30 juin, Hassenfratz dénonçait
aux Jacobins « le père du projet, le prêtre Sieyès, dont on
connaissait la perfidie » ; le « Tartufe » ennemi de la
révolution du 31 mai. Le comité d'instruction publique
fit en vain des corrections. Le 2 juil., Lequinio critiqua
le plan comme trop compliqué; il posa ce principe : « Pour
que les fêtes produisent tout leur effet, il faut qu'elles
soient en petit nombre. » Il se moqua de la supersti-
tion du 1er janvier, et, sur des considérations astronomiques
assez superflues , il proposa de fêter le nouvel an à l'époque
de l'équinoxe du printemps. Il reprocha au projet de
« paganiser la France » ; il s'éleva contre les fêtes parti-
culières des communes, « principe de fédéralisme, germe
de la renaissance des corporations ». Il proposa dans son
contre-projet seulement sept fêtes nationales, universelles,
dans la République : 1° celle du mariage, à l'équinoxe du
printemps ; 2° celle des droits de l'homme et de la frater-
nité du genre humain (1er mai); 3° celle de laRévolution
(14 juil.); 4° celle de la liberté (10 août); 5° celle de
l'égalité (2 juin); 6° celle de l'émulation [concours entre
les écoliers, entre les instituteurs, et distributions de
volumes de prix] (15 sept.) ; 7° celle des vieillards (1er nov.).
Coupé (de l'Oise) et André Duval, qui prirent aussi part
à cette discussion, s'accordèrent à critiquer l'abus des
fêtes publiques. Le dernier n'en voulait qu'une seule :
le 40 août. — La question des fêtes , qui en somme
n'avait rien de bien urgent, traînait encore lorsque Hé-
bert et ses adhérents de la Convention et de la Com-
mune imaginèrent de donner à leurs opinions athées la
consécration d'une fête officielle, qui d'ailleurs devait avoir
aussi pour effet de combattre les catholiques, hostiles à
la Révolution, sur le terrain de la religion elle-même.
La fête de la Raison eut lieu à Notre-Dame le décadi
20 brumaire an II (10 nov. 1793). La Commune et le
département y arrivèrent à dix heures, sans accompagne-
ment de force armée. Pour « écarter des yeux presque tout
ce qui rappelait la religion catholique, on avait, au milieu,
élevé une sorte de montagne qu'à droite et à gauche des
draperies reliaient aux piliers, de façon à cacher le chœur
et tout le fond de l'église qui, portes ouvertes, apparaissait
ainsi large, peu profonde et bien éclairée, comme on le
voit par l'estampe grossière, mais frappante, du journal de
Prudhomme. » (Aulard.) Au sommet de la montagne, un
temple de style grec, avec cette inscription : « A la philo-
sophie » ; de* chaque côté de la porte, les bustes de quatre
philosophes; à mi-côte de la montagne, l'autel et le flam-
beau de la vérité. Deux théories de jeunes filles habillées
de blanc avec des ceintures tricolores vinrent se croiser et
s'incliner devant l'autel de la Raison, puis se réunir au
23
FÊTE
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sommet de la montagne. Alors sortit du temple, en robe
blanche, manteau bleu et bonnet rouge, tenant une pique,
une femme qui personnifiait la liberté : probablement
MUe Aubry, de l'Opéra (les noms de Mlle Maillard, du
même théâtre, de Mlle Candeille, et de Mme Momoro, ont
également été prononcés). La déesse vint sur un siège de
verdure recevoir les hommages des républicains qui enton-
nèrent l'hymne de M.-J. Chénier (air de Gossec) :
Descends, ô Liberté, fille de la Nature !
Puis la Liberté rentra dans son temple après s'être retournée
sur le seuil « pour jeter encore un regard de bienfaisance
sur ses amis », dont « l'enthousiasme éclata par des chants
d'allégresse » et des serments d'éternelle fidélité. — La
Convention, que les meneurs avaient eu soin d'inviter trop
tard, eut ensuite à recevoir tout le cortège, figurantes et
déesse, et à subir une harangue du procureur de la Com-
mune, Chaumette, qui conclut en demandant que Notre-
Dame fût consacrée à la Raison et à la Liberté : le
président Laloy prit la peine d'excuser l'Assemblée de son
abstention de la fête ; la Convention vota la consécration
nouvelle sur la motion de Chabot et fit recommencer la céré-
monie à sa propre intention. Mais, suivant Durand-Maillane
et Grégoire, la moitié des membres s'éclipsèrent. Il n'est
pas exact d'ailleurs que la Convention ait fini par déclarer
le catholicisme « déchu du culte public » (Michelet). Elle
ne fit que suivre timidement le mouvement déchristianisa-
teur, maintint le traitement des prêtres, ne désaffecta
nullement en principe tous les bâtiments qui servaient
au culte catholique , mais laissa les communes libres de
renoncer à ce culte. (C'est ce qu'a fait ressortir M. Aulard
dans un livre où, le premier, il a dégagé de la légende,
et l'historique de la fête de la Raison, et l'exposé de
ses conséquences immédiates, politiques et religieuses.)
Cependant Robespierre fit alliance avec les dantonistes, afin
de perdre la faction d'Hébert et la Commune elle-même ;
sur l'institution des fêtes nationales, en particulier, Danton
prit la parole le 26 nov. (deux jours après l'institution du
calendrier républicain) , et le fit en des termes remarquables ,
si toutefois l'on s'en rapporte au texte du Moniteur :
« Si la Grèce eut ses jeux olympiques, la France solen-
nisera aussi ses jours sans-culottides. Le peuple aura des
fêtes dans lesquelles il offrira de l'encens à l'Etre suprême,
au maître de la nature : car nous n'avons pas voulu
anéantir la superstition pour établir le règne de l'athéisme.»
La fête, surtout professionnelle d'ailleurs, qu'improvisèrent
les élèves envoyés des districts pour apprendre à raffiner
le salpêtre, fut un nouveau témoignage de la préoccupation
populaire : la Convention se fit représenter à l'épreuve du
salpêtre et de la poudre à canon qui eut lieu dans le jardin
national (Tuileries) le 30 ventôse an II. Enfin Robespierre
aborda « les rapports des idées religieuses et morales avec les
principes républicains », et fit voter le décret du 18 floréal
an II (7 mai 1794). Robespierre insiste, et dans son dis-
cours et dans le dispositif du décret (art. 4, 2, 3, 4, 45),
sur le caractère déiste et moral de ces fêtes qui sont faites
« pour rappeler l'homme à la pensée de la divinité et à la
dignité de son être ». Toutefois, au fond, sa classification
ne diffère pas sensiblement de celle de Sieyès. Les fêtes,
dit l'art. 5, « emprunteront leurs noms des événements
glorieux de notre révolution » (c.-à-d., précise l'art. 6, du
44 juil. 4789, du 40 août 4792, du 24 janv. 4793, du
34 mai 4793); soit « des vertus les plus chères et les plus
utiles à l'homme, soit des plus grands bienfaits de la na-
ture ». Ces deux dernières catégories, d'ailleurs confon-
dues ensemble, constituaient les Fêtes décadaires, parce
qu'elles étaient fixées aux jours de décadi, à partir du
20 prairial an II (Y. Calendrier républicain). Elles étaient
consacrées : à l'Etre suprême et à la nature ; au genre hu-
main ; au peuple français ; aux bienfaiteurs de l'humanité ;
aux martyrs de la liberté; à la liberté et à Légalité ; à la
République; à la liberté du monde ; à l'amour de la patrie;
à la haine des tyrans et des traîtres (il appartenait bien à
Robespierre de fêter la haînel); à la vérité ; à la justice; à
la pudeur ; à la gloire et à l'immortalité ; à l'amitié ; à la
frugalité ; au courage ; à la bonne foi ; à l'héroïsme ; au
désintéressement ; au stoïcisme ; à l'amour ; à l'amour con-
jugal; à l'amour paternel ; à la tendresse maternelle; à la
piété filiale ; à l'enfance ; à la jeunesse ; à l'âge viril ; à
la vieillesse ; au malheur ; à l'agriculture ; à l'industrie ;
à nos aïeux; à la postérité; au bonheur. — Si Lakanal
avait fait une place, dans son projet, au symbolisme moral,
on voit que, dans le décret du 48 floréal an II, il envahit
presque toute l'année républicaine. Après la Convention,
les jacobins applaudirent à leur tour à la nouvelle insti-
tution. La Société populaire des Tuileries se vanta, par
un arrêté du 26 floréal an II (43 mai 4794) d'avoir donné
naissance à l'idée des fêtes décadaires, et de les avoir célé-
brées dès le mois précédent de brumaire, c.-à-d. huit
mois avant l'institution officielle de ces fêtes. On voit à
quoi, en tout ceci, se réduit la part d'invention de Robes-
pierre. C'est avec des idées ramassées un peu partout qu'il
combinait une religion quintessenciée et pédantesque dont
il se voyait déjà le grand prêtre. Mais le 9 thermidor
suivit de près la fête de l'Etre suprême (V. Robespierre).
Les fêtes décadaires faisaient concurrence aux fêtes heb-
domadaires du catholicisme. Aux yeux des ennemis de
l'Eglise, c'était un^avantage. Pour les esprits tolérants,
pour tous ceux que préoccupait l'intérêt avant tout popu-
laire des fêtes, c'était un notable inconvénient. Un répu-
blicain catholique eût été obligé, par conscience et par
civisme, de chômer encore bien plus de commémorations
politiques ou de héros que le pauvre savetier de La Fontaine
ne chômait de saints. Le 49 fructidor an II (5 sept. 4794),
Thibaudeau fit rapporter la partie du décret du 4 frimaire
an II qui consacrait à des fêtes nationales les sans-culottides;
et le dernier jour de l'année républicaine, cinquième sans-
culottide, fut seul férié (24 sept. 4794). Sept jours après,
Merlin de Thionville remit tout en question. N 'avait-on pas
confondu jusqu'ici la fête nationale avec le spectacle national ?
Au spectacle, le peuple écoute ou regarde; dans une fête
nationale, il doit être occupé lui-même, se divertir et non
être diverti, agir en un mot. L'attente d une foule immense,
la contrainte policière , la symétrie obligatoire , l'unité
même du spectacle ont nui aux fêtes publiques. De la mu-
sique avant tout, et non qui exige le silence, mais qui
anime les auditeurs à chanter et à danser ; non pas un
orchestre, mais un grand nombre d'orchestres se succédant
et se répondant tout le long du cortège ; enfin une action,
un drame populaire. Merlin en donne le plan, en trois
actes, sous le titre d'Esquisse de la fête nationale pour
célébrer V anniversaire de V évacuation du territoire
de la République. Ce fut la fête dite de la fondation de
la République ou des Victoires (30 vendémiaire an III,
oct. \ 794). — Le 8 fructidor an III, les administrateurs de
la Loire-Inférieure demandèrent que le 4 er vendémiaire fût
fêté : « Le 44 juillet et le 40 août seront à jamais célèbres.
Ils ont donné à la France la liberté et l'égalité. Mais le
4cr vendémiaire lui a donné la République : ce jour est le
complément des deux autres : ce sera le jour chéri des
Français. »
Cependant le parti anticatholique s'efforçait de donner
aux fêtes décadaires un caractère d'hostilité aux dogmes
et aux institutions de l'Eglise. Sous le nom de Discours
décadaires, le conventionnel Poultier publia des cahiers
qui se vendaient douze sous et qui étaient destinés à rem-
placer et à faire oublier ou mépriser les sermons des
prêtres ; chaque cahier avait pour texte une des fêtes décré-
tées par la Convention. Le premier, consacré à Y Etre su-
prême et à la nature, oppose à « l'homme des prêtres »,
qui ne fait le bien que par terreur de l'enfer, « l'homme
de la nature », qui aime le bien pour lui-même, qui « ne
meurt pas, mais s'endort en souriant à tout ce qui l'envi-
ronne ». Le 4er nivôse an III (24 déc. 4794), Marie-
Joseph Chénier essaya de faire substituer les fêtes déca-
daires, avec sermons civiques, lectures de décrets, chants
3B5-
FÈTÈ
et danses, aux messes dominicales. Sur un discours de
Grégoire, la Convention passa à l'ordre du jour. Eschas-
sériaux renouvela cette tentative le 22 nivôse (11 janv.
1795). Il apporte, au nom du Comité d'instruction,
quelques idées nouvelles : donner des éloges, au cours de
la cérémonie qui devait se célébrer dans chaque commune,
au citoyen qui pendant la décade aura fait une belle action,
à celui qui aura imaginé quelque industrie nouvelle, aux
nouveaux mariés, aux citoyens qui se sont réconciliés ;
d'autre part, censurer ceux qui se seront fait remarquer
par leur éloignement systématique des fêtes décadaires et
les priver pendant trois mois de l'assistance aux fêtes et ban-
quets civiques. Lequinio, représentant en mission, appuie
cette motion par une lettre circonstanciée, datée de Join-
ville, le 11 pluviôse an III; il veut qu'on s'empresse d'op-
poser les solennités nouvelles aux manœuvres scélérates
des prêtres fanatiques qui aveuglent un peuple bon mais
ignorant. Le 17 pluviôse (5 févr. 1795), la Convention
vota l'impression du rapport et du projet de décret sur les
fêtes décadaires, présentés par Eschassériaux. Les vocables
de ces fêtes sont toujours des abstractions : la Nature,
l'Amour, la Reproduction des êtres, la Constitution, la
Haine des tyrans, la Régénération du peuple français. Mais
le décret du 3 ventôse (21 févr.), sur l'absolue liberté de
l'exercice des cultes (que d'ailleurs la République cesserait
de salarier, de loger, etc., et se contenterait de protéger
et de surveiller) , ce décret qui au fond séparait les Eglises
de l'Etat, se trouvait, par son principe, en opposition
directe avec l'idée d'une religion civique. Le décret sur l'or-
ganisation de l'instruction publique, définitivement adopté
le 3 brumaire an IV (25 oct. 1795), maintient les fêtes
nationales, mais elles sont réduites à sept : celle de la fon-
dation de la République (1er vendémiaire); celle de la jeu-
nesse (10 germinal) ; celle des époux (10 floréal) : celle de
la reconnaissance (10 prairial); celle de l'agriculture
(10 messidor) ; celles de la liberté (9 et 10 thermidor) ;
celle des vieillards (10 fructidor). Chants patriotiques,
discours civiques, banquets fraternels, jeux propres à chaque
localité, distribution de récompenses, tel en est le programme
général : l'ordonnance en appartenait aux administrations
municipales, sauf pour la fête du 1er vendémiaire qui,
dans la ville où siégeaient les pouvoirs publics, était réglée
par le Corps législatif. Les fêtes décadaires furent mainte-
nues, sans aucun caractère d'obligation toutefois. Depuis
le décret du 7 fructidor an III, les sans-culottides avaient
pris le nom de jours complémentaires. Les commémora-
tions du 14 juil., du 10 août, du 21 janv., du 31 mai se
trouvaient, du moins implicitement, abrogées, mais le Direc-
toire fit revivre le décret du 18 floréal an II en ce qui con-
cernait les trois premières.
Après l'assassinat du député Féraud et le discours fu-
nèbre prononcé par Louvet, Thibaudeau profita de l'émo-
tion générale pour proposer en l'honneur de la mémoire
des Girondins, une fête des martyrs de la liberté, qui serait
célébrée le jour anniversaire de leur exécution (31 oct.).
Au lieu de renvoyer, comme d'habitude, cette proposition
au Comité d'instruction publique, la Convention la vota
sur-le-champ en principe, sauf par le comité à régler le
cérémonial (14 prairial). Boissy d'Anglas proposa (2e jour
complémentaire de l'an III, 1 8 sept.l 795) de réunir cette fête
funèbre à celle de la fondation de la République, sans oublier
les victimes des massacres de septembre, etc. Mais pouvait-
on rire et pleurer le même jour ? fit observer Guyomard.
Le Comité d'instruction publique fit adopter la date du
3 oct. (11 vendémiaire). Ce jour-là tous les députés sié-
gèrent en costume, un crêpe noir au bras et, dans le mo-
ment même où grondaient les sections royalistes, ameutées
contre les décrets de fructidor (V. Constitution de l'an RI),
la Convention interrompit à deux reprises son ordre du jour
pour écouter un morceau funèbre et un hymne aux mar-
tyrs de la liberté exécutés par le Conservatoire national de
musique. Au bas de la tribune était placée une urne funé-
raire couverte de crêpes et de couronnes ; sur le socle on
lisait : « Ils ont recommandé à la patrie leurs pères, leurs
épouses et leurs enfants. Aux magnanimes défenseurs de la
liberté, morts dans les prisons ou sur les échafauds, pen-
dant la tyrannie. » L'hymne ne parlait que des vingt-deux
Girondins. Hardy fit observer que la « tyrannie décem-
virale » avait fait 47 victimes : sur la liste qu'il lut et qui
fut imprimée au procès-verbal, on ne lit pas le nom de
Danton. — Dans la séance du 23 thermidor an III (10 août
(1795), Gamon, après avoir célébré l'anniversaire du Dix-
Août, glorifié la mémoire des Girondins et flétri celle de
Robespierre, avait fait la motion suivante : « La Con-
vention décrète que, le jour où la Constitution sera mise en
activité, il sera célébré dans toute la République la fête de
la réconciliation générale des Français. » Le sang de
vendémiaire fumait encore qu'il la renouvela (17 vendé-
miaire an IV, 9 oct. 1795). Mais Lecomte répondit que
« jamais les républicains n'avaient été divisés entre eux ;
prétendait-on les réconcilier avec les infâmes royalistes? »
Roux ajouta que l'union des Français ne pouvait être
attendue que du règne des lois : « Souvenons-nous, ajouta-
t-il, de la farce ridicule du baiser Lamourette. » Bref, la
Convention passa à l'ordre du jour.
Le Directoire exécutif prit une suite d'arrêtés en exé-
cution des lois de la Convention sur les fêtes nationales et
sur les fêtes décadaires : celles-ci tantôt délaissées, tantôt
remises en honneur suivant l'acuité de la lutte contre le
catholicisme militant. En l'an IV, il avait cru pouvoir
transférer aux 9 et 10 thermidor la commémoration du
14 juil. et du 10 août : les Cinq-Cents présentèrent des
observations, et, à la suite de leur résolution du 8 ther-
midor, les Anciens votèrent la loi du 1 0 thermidor an IV,
qui réinstituait formellement les fêtes nationales annuelles
du 26 messidor (14 juil.) et du 23 thermidor (10 août).
—- L'arrêté du 17 germinal an IV (7 avr. 1796), con-
sidérant cjue les circonstances imposaient l'économie et ne
permettaient pas de donner aux fêtes réglées la pompe
et l'éclat qu'elles devaient recevoir par la suite, établit
pour la Fête des époux une cérémonie très simple. Les
municipalités auront à rechercher les personnes mariées
qui, par quelque action louable, auront mérité de servir
d'exemple à leurs concitoyens, et celles qui, déjà char-
gées de famille, auront adopté un ou plusieurs orphelins.
Leurs noms seront inscrits et proclames le jour de la
fête ; elles recevront des couronnes civiques, de la main
du vieillard qui viendra à la tête de la plus nombreuse
famille. « Les jeunes époux qui se seront unis pendant le
mois précédent et la première décade de floréal seront
invités à la fête et feront partie du cortgèe. Les épouses y
paraîtront vêtues en blanc, parées de fleurs et de rubans
tricolores. »
La loi du 23 nivôse an IV rappelant Fart. 6 de la loi con-
ventionnelle du 18 floréal an III, régla, pour le 1er pluviôse
(21 janv. 1796), la célébration de l'anniversaire « de la
juste punition du dernier roi des Français », laquelle eut
également lieu en l'an V, en l'an VI et en Fan VII. — La
Fête de la reconnaissance et des victoires, appelée cou-
ramment fête de la Victoire, fut réglée par l'arrêté àa
1er prairial an IV (20 mai 1796). Elle fut célébrée le 10, au
Champ de la Réunion (Champ de Mars). Sans insister ici
sur les détails purement descriptifs, signalons, d'après le
programme, les dispositions qui rendent le mieux compte
de l'esprit de cette cérémonie : « Du moment où le Direc-
toire, précédé de sa garde et accompagné des ministres,
sera rendu à la place qui lui est destinée, la garde natio-
nale en activité, divisée en quatorze camps représentant les
quatorze armées, et portant chacune un drapeau distinctif,
commenceront les évolutions. A chacun de ces corps sera
joint un certain nombre de vétérans invalibles ou soldats
blessés avec attention de les mettre clans le corps repré-
sentant l'armée à laquelle ils ont été blessés. Les soldats
blessés ou vétérans, conduits par des officiers et accom-
pagnés du drapeau de leur armée respective, monteront vers
le Directoire, qui couronnera les drapeaux. » Au « banquet
FÊTE
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républicain » qui termina la fête fut chanté un hymne de
Lebrun, musique de Catel, dont voici le refrain :
Enivrons, mes amis, la coupe de la gloire
D'un nectar pétillant et frais.
Buvons, buvons à la victoire,
Fidèle amante du Français.
Les fêtes d'un caractère plus pacifique et d'un esprit
plus réellement républicain étaient aussi l'objet de la solli-
citude directoriale. Nons citerons comme exemple la Fête
de V agriculture. L'arrêté du 24 prairial an IV (12 juin
1796), signé Carnot, président, est précédé de considé-
rants remarquables : « Si l'agriculture est le premier des
arts, c'est surtout.dans une république, assise sur un vaste
territoire, qu'elle seule peut assurer la liberté d'un peuple,
et le soustraire à la dépendance des peuples voisins. Elle
est la source première et inépuisable de la prospérité pu-
blique et de la richesse nationale ; en substituant les jouis-
sances vraies de la nature aux besoins factices du luxe et
de l'oisiveté, elle maintient la simplicité et la pureté des
mœurs ; enfin, l'oubli des honneurs publics que mérite
l'agriculture est une marque certaine de l'esclavage et de
la corruption d'un peuple. » Le dispositif règle ainsi le
cérémonial : dans chaque canton, à quelques pas devant
l'autel de la patrie, on placera une charrue ornée de feuil-
lages et de fleurs et attelée de bœufs ou de chevaux. Dans les
communes ou l'on pourra se procurer un char, il suivra la
charrue et sera surmonté d'une statue de la Liberté. Devant
la charrue se placeront vingt-quatre laboureurs d'élite,
tenant d'une main un des ustensiles du labourage, de
l'autre un bouquet d'épis et de fleurs. Le meilleur et le
plus honnête laboureur, proclamé par la municipalité,
prendra place à côté du président. La garde nationale
accompagnera le cortège. A un signal donné, les laboureurs
et les citoyens armés feront l'échange momentané des us-
tensiles de labour et des fusils. Au son des fanfares et des
hymnes, le président enfoncera dans la terre le soc de la
charrue et commencera un sillon. La fête sera terminée
par des danses. — C'est dans le même esprit de sensibilité
vertueuse que l'arrêté directorial du 27 thermidor an IV
régla la fête de la vieillesse... dont les enfants devaient
être le principal ornement. A Paris, divers théâtres réser-
vèrent des places aux vieillards couronnés. On joua Œdipe
a Colonne, on revit le Devin du village deJ.-J. Rous-
seau, auquel furent ajoutés des couplets et une scène de
circonstance (10 fructidor an IV, 27 août 1796). — Mais
la fête essentiellement politique, à laquelle se rattachaient
toutes les autres, était celle du 1er vendémiaire. Dans la
séance du 28 thermidor an IV (15 août 1796), Marie-
Joseph Chénier lut aux Cinq-Cents un rapport sur le mode
de célébration de {'anniversaire de la fondation de la
République, Mercier, pour ne pas faire dater l'ère répu-
blicaine « du temps où l'on vouait à la mort les Lavoisier
et les Condorcet », demanda qu'elle fût reportée au jour
de la mise en activité de la constitution de l'an III. C'était
précisément aller à rencontre de cette constitution même.
Aussi la date du 1er vendémiaire fut-elle maintenue sur la
proposition de Doulcet. Rouzet, le 6 fructidor an IV (23 août
1796), demanda qu'à l'occasion de cette fête, tous les actes
et toutes les procédures pour délits politiques pendant la
Révolution lussent brûlés solennellement : heureusement
pour l'histoire, cette motion ne passa point. C'est le mi-
nistre de l'intérieur Benczech qui, le 20 sept., régla pour
Paris la fête du surlendemain (1er vendémiaire an V). Sur
le Champ de Mars fut dressé un segment du Zodiaque,
surmonté du signe de la Balance. A trois heures après midi,
" une salve d'artillerie annonça le commencement de la fête.
Le Soleil, sous la figure d'Apollon, assis sur un char attelé
de douze chevaux, entouré des Heures et suivi des Saisons,
chacune sur un char, s'avança dans l'arène. Seconde salve
lorsqu'il arriva devant le signe de la Balance. Au même
instant, les emblèmes de la royauté, placés entre le char et
le tertre central du Champ de Mars, s'écroulèrent et lais-
sèrent voir, sur un fût de colonne, la statue de la Répu-
blique française appuyée d'une main sur un faisceau, et
montrant de l'autre la statue de la Liberté. Hymne « à
grand chœur », proclamation des poètes et des musiciens
qui par leurs talents avaient concouru à l'éclat des fêtes
nationales, course à pied, course à cheval, course des
chars, « exercices à cheval autour du cirque par le citoyen
Franconi, illumination de l'Ecole militaire, feu d'artifice
dans l'île des Cygnes, orchestres et danses populaires, telles
furent les réjouissances qui terminèrent la première fête
de la République. La Reveiilère-Lépeaux, président du Di-
rectoire, y prononça un discours : d'Italie, du Rhin, il
n'arrivait alors que de glorieuses nouvelles. — La fête du
1er vendémiaire an V lut célébrée aussi à Milan, sous la
présidence de Bonaparte et de sa femme. La Liberté y
était représentée par une jeune femme vêtue à la grecque,
et agitant un drapeau tricolore : autour de celte déesse
vivante «folâtraient six jeunes garçons, ornés de guirlandes,
de fleurs et de feuillages, et portant des emblèmes de la
liberté victorieuse, de la tyrannie vaincue, de la coalition
foudroyée. » Les vaincus fêtaient ce qu'ils croyaient être
« la première année de leur république lombarde et ita-
lique ». En Fan VI, le 18 messidor (6 juil. 1798), le
Directoire lit adresser aux départements une circulaire du
ministre de l'intérieur « sur le but auquel doivent tendre
les fêtes nationales ». Le même jour fut réglée la fête du
26 messidor (14 juil.), où furent exécutés par le Conser-
vatoire, Y Hymne à la Patrie et Y Hymne du 14 juillet,
Merlin, de Douai, comme président du Directoire, prononça
un discours dont l'idée générale était : « Au 14 juillet, le
peuple français voulait la liberté, l'égalité; donc il voulait
la République. Les dangers courus, les victoires remportées
doivent l'y attacher encore plus étroitement. » Cependant,
depuis le 18 fructidor an V (4 sept. 1797), dont l'anni-
versaire devint aussi une fête, la République ne se main-
tenait que péniblement. En dehors de Paris, les fêtes déca-
daires étaient fort négligées. Le ministre de l'intérieur
Benezech adressait, en 1797, une instruction détaillée aux
commissaires du pouvoir exécutif près les administrations :
« Que celles qui n'ont vu dans les fêtes nationales que des
cérémonies frivoles ou précaires sortent de leur erreur et
célèbrent désormais avec intérêt et attachement pour la
Constitution des fêtes qu'elles célébraient avec indifférence
et pour obéir à la loi. » L'institution ne visait à rien moins
qu'à « éterniser l'existence des principes politiques ». Ainsi
plus la forme du gouvernement paraissait menacée par les
progrès incontestables alors de l'opinion royaliste, plus
aussi se multipliaient les efforts du monde officiel pour res-
taurer et faire vivre cette éphémère religion politique, dont
le dogme et le culte étaient à la merci des événements.
« Les hommes ne savent pas, avait pourtant écrit Voltaire,
qu'il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce
de gouvernement. » — A Paris même, les fêtes devenaient
purement officielles ; l'ensemble de la population s'y mon-
trait indifférent. Le 5 frimaire an VI, un arrêté du bureau
central de la ville de Paris, approuvé par l'administration
centrale de la Seine, ordonne : « qu'aucune marchandise
autre que des comestibles ne pourra, les jours de fêtes na-
tionales et les décadis, être exposée en vente dans les rues,
places, halles et marchés, soit en échoppes, soit en étalages
mobiles ; qu'aucun marchand en boutique ne pourra ces
mêmes jours exposer aucune montre ni étalage de mar-
chandises faisant saillie sur la voie publique » ; interdit
aux maçons, charpentiers, etc., tout travail sur la voie
publique ou leurs matériaux peuvent être déposés en vertu
de permissions ; met à l'amende les contrevenants comme-
embarrassant la circulation et les prive de leurs permissions
ou licences (25 nov. 1797). Les progrès de la Tliéophi-
lanthropie (V. ce mot) ne tardèrent pas à se traduire par
des délibérations et des mesures législatives. Bonnaire
déposa un projet relatif à la célébration du décadi, le
28 messidor an VI (16 juil. 1798). Gauthier (du Cal-
vados), Heurtaut-Lamerville, Duplantier (de la Gironde),
Briot, Creuzé-Latouche, Lucien Bonaparte prirent part à
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FÊTE
la discussion : les deux derniers, dans un esprit plus libéral
que républicain, s'indignèrent de la proposition incidente
de Briot, proscrivant le repos du dimanche. « A Rome,
s'écria Lucien Bonaparte, avez-vous entendu dire qu'on
ait forcé une secte à travailler le décadi ? » Ce qui fâchait
le plus les partisans des fêtes décadaires, c'était de voir
les boutiquiers du Palais-Royal fermer le dimanche, eux
qui ne l'avaient jamais fait sous l'ancien régime. « Etaient-
ils devenus plus dévots ? » demandait Duviquet. La dis-
cussion ne fut close que le 5 thermidor (23 juil.). Par la
loi du 16 thermidor an Vï (3 août 1798), les décadis et les
jours de fêtes nationales sont des jours de repos dans la
République ; les autorités constituées, leurs employés et
ceux des bureaux au service public, vaquent les jours
énoncés, sauf le cas de nécessité et l'expédition des affaires
criminelles ; les écoles publiques, ainsi que les écoles par-
ticulières et pensionnats des deux sexes, vaquent les mêmes
jours. Les administrations feront fermer les établissements
d'instruction où l'on ne se conformerait pas aux disposi-
tions du présent article. Les écoles publiques ainsi que les
établissements particuliers d'instruction ne peuvent vaquer
aucun autre jour de la décade que le quintidi, sous peine de
fermeture. Les significations, saisies, contraintes par corps,
ventes et exécutions judiciaires, n'ont pas lieu les jours
affectés au repos des citoyens, à peine de nullité. Les ventes
à l'encan ou au cri publics sont proscrites ces mêmes jours
sous peine d'une amende de 25 à 300 t'r. Les exécutions
criminelles sont suspendues. Les boutiques, magasins et
ateliers sont fermés (sauf les ventes ordinaires de comes-
tibles et d'objets de pharmacie) : la récidive à cette obliga-
tion légale est passible d'amende et de 10 jours (au plus)
d'emprisonnement. Ne seront autorisés que les étalages
propres à l'embellissement des fêtes, les travaux publics
urgents spécialement désignés par les corps administratifs
et ceux qu'exigeraient dans les campagnes les semailles et
les récoltes.
La loi du 43 vendémiaire an II avait limité les vacances
des administrations, tribunaux, agents ou fonctionnaires
publics aux décadis ; la loi du 2 frimaire an II avait aboli
l'ère vulgaire pour les usages civils ; la loi en forme d'ins-
truction du même jour (§ 6) portait : « Les caisses pu-
bliques, les postes et messageries, les établissements publics
d'enseignement, les spectacles, les rendez-^ous de commerce,
comme bourses, foires, marchés ; les contrats et conven-
tions ; tous les genres d'agences publiques qui prenaient
leurs époques dans la semaine, ou dans quelques usages
qui ne concorderaient pas avec le nouveau calendrier, doi-
vent désormais se régler sur la décade, sur les mois et sur
les jours complémentaires. C'est aux bons citoyens à donner
l'exemple dans leurs correspondances publiques ou privées
et à répandre l'instruction sur tout ce qui peut faire sentir
les avantages de cette loi salutaire. C'est au peuple français
tout entier à se montrer digne de lui-même en comptant
désormais ses travaux, ses plaisirs, ses fêtes civiques, sur
une division du temps créée pour la liberté et l'égalité,
créée pour la Révolution même qui doit honorer la France
dans tous les siècles. » Le calendrier républicain devait
« faire oublier jusqu'aux dernières traces du régime royal,
nobiliaire et sacerdotal ». L'arrêté du Directoire du 14 ger-
minal an VI (3 avr. 1798), rendu en exécution des lois
susdites, oblige les administrations municipales des cantons
ruraux et des communes de 5,000 âmes et au-dessus, de
régler leurs séances sur la décade ; les commissaires du
Directoire exécutif dénonceront celles qui tiendraient compte
du dimanche et autres fêtes catholiques ; elles peuvent
d'ailleurs siéger les décadis. Mêmes règles imposées aux
juges de paix ; — à la tenue des marchés : « les marchés
au poisson ne doivent pas avoir de rapport avec les jours
d'abstinence désignés par l'ancien calendrier »; — à
l'époque des foires ; — aux jours de bourse ; — à l'ou-
verture des écluses ; .— aux départs et retours des messa-
geries publiques de terre et d'eau ; — aux ateliers et
chantiers publics (sauf le congé facultatif du quintidi après
midi) ; — aux caisses publiques ; — aux grandes parades
militaires et exercices de gardes nationaux ; — aux direc-
tions de spectacles, bals, feux d'artifices; — aux affiches
et même aux écriteaux annonçant les maisons à louer ; —
aux baux de location ; — aux journaux et ouvrages pério-
diques, même à ceux qui à la date ancienne ajoutent les
mots vieux style, «ainsi qu'il a été indécemment pratiqué
jusqu'à ce jour ». Des sanctions légales sont d'ailleurs
appliquées à toute contravention. Ainsi, sur les fêtes déca-
daires, la Convention n'avait eu recours qu'à la persua-
sion ; le Directoire met en jeu la force publique.
Le 6 thermidor an VI (24 juil. 1798), les Cinq-Cents
votent un bulletin décadaire et adoptent le projet de réso-
lution de Bonnaire et Thiessé qui fixait la célébration des
mariages au chef-lieu de canton et aux décadis : le même
jour, il devait être donné connaissance aux citoyens des
naissances, décès, reconnaissances d'enfants nés hors ma-
riages, actes d'adoption et divorces ayant eu lieu pendant
la décade, ce qui n'excluait pas (bien entendu) les registres
d'état civil municipaux. — En l'an VII, le Directoire con-
tinue à exciter le zèle civique des municipalités : la longue
circulaire du ministre de l'intérieur François de Neufchâteau
(17 ventôse an VII, 7 mars 1799) insiste particulière-
ment sur la fête de la jeunesse, imitée des éphébées athé-
niennes. Le ministre recommande de ne pas oublier « la
replantation des arbres de la liberté qui n'auraient pas été
plantés dans les fêtes précédentes ou qui auraient péri »
(cf. loi de la Convention du 3 pluviôse an II). « Quelle
époque plus convenable peut-on choisir à cet effet que celle
d'une fête où l'élite de la jeunesse sera elle-même chargée
de planter cet arbre chéri, dont les progrès futurs rappel-
leront aux citoyens l'image attendrissante de la fête natio-
nale où il aura été planté... Tout homme ayant un cœur
sensible, tout digne amant de sa patrie, ne pourra passer
devant cet arbre sacré, ne pourra voir de loin ses rameaux
sans éprouver un doux tressaillement. Tous les ans l'arbre
verdira et avec lui croîtra l'amour de la liberté qui doit
fleurir ainsi que lui sous l'égide de la Constitution. Heureux
les jeunes gens pour qui la Révolution s'est faite, etc. »
Ainsi, les circulaires administratives, au lieu de rappeler
purement et simplement les lois antérieures et leurs sanc-
tions, prennent un ton bucolique et sentimental, un style
fleuri dans lequel se glissent des réminiscences de Vir-
gile. — Le 19 germinal (8 avr. 1799), un message des
directeurs appelle l'attention des Cinq-Cents sur les fêtes
décadaires. C'est par l'influence qu'exercera cette belle
institution qu'on obtiendra la réunion des cœurs et que la
morale universelle sera substituée aux préjugés et au fana-
tisme. Mais, jusqu'à présent, la célébration des fêtes déca-
daires n'a guère opposé aux habitudes monarchiques qu'une
force d'inertie : il faut encore lui imprimer une force
d'action positive. La théocratie connaissait bien toutes les
ressources de ce système : dans les fêtes religieuses, elle
parlait à l'imagination, au <ïœur, à tous les sens. « Il faut
faire pour la vérité ce que l'erreur faisait pour assurer son
empire : il ne s'agit que de donner aux habitudes une autre
direction. » (En effet, il ne s'agissait que de cela!) Le
Directoire concluait avec une logique contestable que les
fêtes n'ayant pas pris dans les chefs-lieux de canton, il
fallait en étendre l'obligation à toutes les communes, auto-
riser à cet effet les municipalités « à consacrer à ces fêtes
les édifices ci-devant destinés au culte, » créer et salarier
des inspecteurs et ordonnateurs communaux, transformer
les fêtes patronales des villages en fêtes locales et cham-
pêtres. Tous ces nouveaux projets s'écroulèrent à la suite
du coup d'Etat parlementaire des 27 floréal et 30 prairial
an VII (16 mai, 18 juin 1799). L' ex-directeur La Revel-
lière-Lépeaux, qui, déjà, s'était compromis et même ridicu-
lisé à bien des yeux par sa complaisance pour les Théo-
philanthropes et qui s'était toujours principalement occupé
des fêtes nationales et décadaires, perdit toute influence et
fut même mis en accusation. Les échecs d'Egypte et de
Lombardie n'étaient d'ailleurs pas faits pour soutenir un
FÊTE
- 358 -
enthousiasme de plus en plus factice. Dans son exposé
général du 12 fructidor an VII (29 avr. 1799), Briot de-
mandait entre autres réformes urgentes la suppression de
toutes les fêtes nationales autres que celles du 14 juil., du
10 août, du 21 janv. et du 1er vendémiaire. Ces fêtes
demeurèrent en honneur sous le Consulat et ne furent
abrogées que par l'Empire. H. Monin.
Fêtes modernes. —A l'époque contemporaine, les fêtes
ont beaucoup perdu de leur importance. La disparition pro-
gressive des croyances religieuses qui les vivifiaient leur
fait beaucoup de tort ; la diffusion de l'instruction, l'état
d'esprit rationaliste qu'elle propage empêchent de les prendre
au sérieux; d'autre part, le prodigieux développement des
moyens de transport, la célérité et la fréquence des com-
munications déracinant l'homme du sol effacent rapidement
les coutumes locales, les traditions comme les institutions.
Les tentatives faites par les révolutionnaires et par les positi-
vistes pour en créer de nouvelles, conformes à nos idées
philosophiques, n'ont pas abouti (V. le § ci-dessus et Posi-
tivisme). Les fêtes ne s'en perpétuent pas moins, mais la
plupart ne sont plus que de grandes récréations, et guère
des jours de commune émotion. La décadence est sensible
même dans les fêtes de famille. Il y en a de deux sortes :
les fêtes occasionnelles, célébrant un événement considé-
rable de la vie de famille ; les fêtes périodiques à certains
anniversaires. Dans les deux cas ces fêtes sont une occasion
de réunion, de rapprochement pour les divers parents, de
manifestation des affections domestiques. Les plus somp-
tueuses sont celles qu'on offre à ses proches et à ses amis
à l'occasion des mariages, l'usage étant qu'elles soient don-
nées par la famille de la femme ; cependant déjà l'aristo-
cratie, c.-à-d. la portion la plus éclairée de la classe capi-
taliste, tend à abolir le repas de noces. D'autres fêtes de
famille ont lieu à l'occasion du baptême des enfants, des
fiançailles ou du contrat de mariage ; quelquefois pour le
25e, le 40e ou le 50e anniversaire du mariage (noces d'ar-
gent, d'or, de diamant). Des fêtes périodiques quelques-
unes sont propres à la famille ; on célèbre l'anniversaire
de la naissance ; plus encore ce qu'on appelle la fête de
chacun, c.-à-d. le jour consacré dans le calendrier au saint
dont on porte le nom et qui est censé votre patron ; cet
usage est naturellement spécial aux catholiques, mais il est
encore très vivace; on fait à cette occasion des cadeaux.
De même au nouvel an ; la fête du « jour de l'an » est, en
France du moins, la principale fête de famille ; les enfants
viennent complimenter leurs parents; on échange des
souhaits de prospérité pour l'année qui s'ouvre. Ces vœux
dépassent le cercle de la famille ; dans la société bour-
geoise on échange des visites ou du moins des cartes de
visite. L'usage des étrennes distribuées non seulement aux
enfants, mais à tous les serviteurs, ne décline nullement.Les
deux fêtes religieuses qui encadrent le jour de l'an sont égale-
ment des fêtes de famille, Noël et le jour des Rois. La pre-
mière est la grande fête des pays germaniques et anglo-
saxons ; la seconde, des pays du Midi, qui fêtent d'ailleurs
toute la période depuis Noël. Les enfants ont la principale
part dans la fête de famille à Noël ; c'est à eux qu'on offre
les jouets suspendus à l'arbre de Noël, au sapin illuminé
en leur honneur ; c'est dans leurs souliers placés auprès
de la cheminée qu'on met les cadeaux; il est vrai que
les adultes se réservent le souper classique du réveillon
(V. Noël). C'est encore un banquet qui célèbre la fête des
Rois dont ne subsiste guère que la coutume de se partager
une galette où est cachée une fève dispensatrice de la
royauté du festin pour celui qui la reçoit, On peut encore
considérer comme fête de famille la fête annuelle des Morts.
Les fêtes populaires coïncident généralement avec les fêtes
religieuses, mais sans grand éclat; dans les villes elles ten-
dent à disparaître ; il ne subsiste guère que les fêtes publi-
ques. Cependant là, comme dans les villages, certains quar-
tiers ont annuellement leur fête foraine. La partie religieuse
des fêtes est de plus en plus négligée ; celles qu'on célèbre
encore à Pâques, à la Fête-Dieu, à l'Assomption, etc., ne
sont plus les principales dans la vie champêtre ou urbaine.
Les ressources locales sont limitées : des bals dans les guin-
guettes ou sous l'ombrage, aux accents d'un orchestre ru-
dimentaire, quelques jeux, des tirs. L'élément d'attraction
capital est fourni par les forains nomades qui promènent
de ville en ville, de village en village, leurs troupes d'ac-
teurs, de saltimbanques, leurs ménageries, leurs jeux de
boules, de quilles, de roulette, leurs tirs, leurs jouets et
friandises. Ces fêtes foraines ne tiennent plus grand compte
du calendrier religieux ; chaque village a la sienne à son
tour ; dans la banlieue parisienne, elles ont un développe-
ment exceptionnel. Elles donnent lieu en somme à une in-
dustrie spéciale qui sera étudiée à part (V. Forain) ; plus
rien de la spontanéité des véritables fêtes populaires. En
dehors des fêtes foraines, celles-ci sont encore marquées
par des concours, régates, courses de chevaux, courses de
taureaux ; les vieux amusements comme la course en sac
tendent à disparaître. Signalons enfin l'effort des travail-
leurs socialistes pour créer une fête du 1er mai. Le chô-
mage n'a prévalu que partiellement, mais le soir au moins
la fête est célébrée dans les plus grands centres ouvriers
à moins qu'on ne l'ajourne au dimanche suivant.
Les fêtes publiques, officiellement décrétées par l'Etat ou
les pouvoirs locaux, sont les plus considérables, bien que
factices. Elles donnent une suffisante satisfaction au besoin
de divertissement par les jeux, les bals, les illuminations
et les feux d'artifice qui sont leur grande attraction. C'est
dans cette catégorie qu'il faudrait ranger les concours dont
nous parlions et peut-être même la fête foraine annuelle de
chaque village. Les fêtes religieuses conservées par l'Etat
ne sont marquées que par le chômage de la vie publique.
Toutefois le second empire français ayant adopté pour la
fête du souverain la date de l'Assomption, la grande fête
publique de la France coïncida durant quelques années avec
une fête religieuse. Mais le caractère politique et officiel
dominait. Depuis lors ont été créées deux fêtes nationales
commémorant deux grands événements historiques : la fête
du 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille, renou-
velée de la fête de la Fédération, et la fête du 22 septembre,
anniversaire de la proclamation de la République.
Fête de la Fédération. — La fête de la Fédération,
célébrée au Champ de Mars le 14 juil. 1790, fut une des
plus belles journées de la Révolution française. Elle eut
une extrême importance comme affirmation de l'unité fran-
çaise et de l'accord quasi universel en faveur du régime
nouveau. Ce fut le grand événement de l'année 1790. Sous
l'action de l'Assemblée constituante, l'ancien régime s'était
effondré ; mais l'organisation destinée à le remplacer n'exis-
tait pas encore ; il n'y avait plus guère d'autorité, de force
publique. L'organisation se fit presque spontanément d'un
bout à l'autre de la France, sous forme de fédérations. Un
grand nombre de départements avaient institué des fêtes
nationales pour la prestation du serment civique ; dans ces
fêtes, la milice populaire, les gardes nationales des districts
fraternisèrent avec les troupes de ligne. L'origine des fé-
dérations entre les gardes nationales doit être cherchée au
S.-E. de la France, sur la frontière ; elles voulaient assurer
les subsistances et se garantir contre une invasion étran-
gère. L'idée se propagea rapidement et les fédérations se
multiplièrent tant comme moyen d'assurer Tordre que
comme manifestation de fraternité patriotique. Nous repro-
duisons ici le texte du pacte fédératif des bas officiers, ca-
poraux, grenadiers et fusiliers des régiments de Normandie
et de Beauce en garnison à Brest. « Quand de dangereuses
manœuvres semblent se tramer pour s'opposer à la régé-
nération de l'Etat et qu'il est essentiel que tous les bons
citoyens manifestent de plus en plus leur dévouement à la
patrie, pour que la France connaisse le nombre de ses vrais
défenseurs et que nos ennemis du dehors et surtout ceux
du dedans sachent enfin ce que peuvent des hommes libres,
nous, bas officiers, caporaux, grenadiers et fusiliers desdits
régiments, réitérons devant Dieu le serment d'être fidèles
à la nation, à la loi et au roi. Nous jurons de défendre jus-
359
FÊTE
qu'à la mort la nouvelle constitution du royaume et nos
dignes représentants, qui, d'accord avec le roi citoyen, ne
travaillent que pour le bonheur de la France. Nous jurons
de protéger et de défendre tous nos braves compatriotes,
tant citoyens militaires que militaires citoyens. Nous jurons
de surveiller et de traverser de notre pouvoir toutes les
trames et manœuvres des ennemis du bien public. Nous
jurons de plutôt mourir que de cesser un seul instant d'être
libres ; mais nous protestons n'entendre d'autre liberté
que celle conforme à la loi et à la subordination qui en
émane. » Ce langage est caractéristique et montre l'inten-
sité des sentiments communs à l'immense majorité des Fran-
çais. Le mouvement d'organisation se propageait de plus
en plus. « Les fédérations de nov. 89 brisent les Etats
provinciaux ; celles de janvier finissent la lutte des parle-
ments ; celles de février compriment les désordres et les
pillages ; en mars, avril, s'organisent les masses qui étouf-
fent en mai et juin les premières étincelles d'une guerre
de religion ; mai, encore, voit les fédérations militaires, le
soldat redevenant citoyen, l'épée de la contre-révolution,
sa dernière arme, brisée. Que reste-t-il ? la fraternité a aplani
tout obstacle ; toutes les fédérations vont se confédérer
entre elles ; l'union tend à l'unité. Plus de fédérations,
elles sont inutiles, il n'en faut plus' qu'une : la France. »
(Michelet.) Cet effacement du particularisme provincial fut
d'autant plus admirable que précisément les fédérations et
surtout celles des gardes nationales auxquelles on donne
spécialement ce nom, eussent pu conduire au fédéralisme.
Ce fut tout le contraire. Ecoutez Michelet : «Nous avons vu
les unions se former, les groupes se rallier entre eux, et,
ralliés, chercher une centralisation commune ; chacune des
petites Frances a tendu vers son Paris, l'a cherché d'abord
près de soi. Une grande partie de la France crut un mo-
ment le trouver à Lyon (30 mai). Ce fut une prodigieuse
réunion d'hommes, telle qu'il n'y fallait pas moins que les
grandes plaines du Rhône. Tout l'Est, tout le Midi avait
envoyé ; les seuls députés des gardes nationales étaient cin-
quante mille hommes. Tels avaient fait cent lieues, deux
cents lieues, pour y venir. Les députés de Sarreiouis y
donnaient la main à ceux de Marseille. Ceux de la Corse
eurent beau se hâter, ils ne purent arriver que le lende-
main. Mais ce n'était pas Lyon qui pouvait marier la France.
Il fallait Paris. » La fête de Lyon avait été imposante ;
les 50,000 délégués, représentant plus de 500,000 hommes,
se réunirent au pied d'un rocher artificiel haut de 50 pieds
renfermant un temple de la Concorde ; au sommet s'éle-
vait une statue colossale de la Liberté, tenant d'une main
une couronne civique, de l'autre une pique surmontée du
bonnet phrygien ; au pied de cette statue, un autel ; des
gradins étaient taillés dans les roches. On apporta les dra-
peaux sur ces gradins, on célébra une messe, on prononça
le serment civique ; un feu d'artifice, des bals et des ban-
quets terminèrent la fête.
On forma le projet d'en organiser une semblable à Paris,
d'y convoquer une fédération des gardes nationales de
toute la nation dans laquelle on confondrait les serments
civiques du peuple entier. La Commune de Paris adopta ce
projet et délégua une députation présidée par Bailly pour
le présenter à l'Assemblée nationale. Une adresse des Pa-
risiens à tous les Français fut rédigée par Bourtibonne,
Pons de Verdun et Pastoret. On y lisait : « Chers et
braves amis, jamais des circonstances plus impérieuses
n'ont invité tous les Français à se réunir dans un même
esprit, à se rallier avec courage autour de la loi et favo-
riser de tout leur pouvoir l'établissement de la constitution.
Nous ne sommes plus Bretons ni Angevins, ont dit nos
frères de la Bretagne et de l'Anjou; comme eux, nous
disons : nous ne sommes plus Parisiens, nous sommes tous
Français. Vos exemples et les dernières paroles du roi
nous ont inspiré un grand dessein ; vous l'adopterez, il
est digne de vous. Vous avez juré d'être unis par les liens
indissolubles d'une sainte fraternité, de défendre jusqu'au
dernier soupir la constitution de l'Etat, les décrets de
l'Assemblée nationale et l'autorité légitime de nos rois.
Comme vous, nous avons prêté ce serment auguste ; fai-
sons, il en est temps, faisons de ces fédérations une con-
fédération générale. Qu'il sera beau le jour de l'alliance
des Français ! un peuple de frères, les régénérateurs de
l'Empire, un roi citoyen, ralliés par un serment commun à
l'autel de la patrie, quel spectacle imposant et nouveau
pour les nations ! ... C'est le 44 juillet que nous avons
conquis la liberté, ce sera le 44 juillet que nous jurerons
de la conserver. Qu'au même jour, à la même heure, un
cri général, un cri unanime retentisse dans toutes les
parties de l'Empire : Vive la nation, la loi et le roi ! » Ce
' projet fut apporté à l'Assemblée nationale le 5 juin ; elle
l'approuva et chargea le comité de constitution de l'orga-
nisation. L'évêque d'Autun apporta le 7 juin le projet de
décret ; il fut discuté le 8 et adopté avec quelques amen-
dements le 9. Les gardes nationales, l'armée de terre et de
mer durent envoyer des députés : les gardes nationales à
raison de six hommes sur deux cents, au choix des direc-
teurs de district ; à une distance de plus de cent lieues, on
ne devait envoyer qu'un homme sur quatre cents. L'armée
de terre enverrait six députés par régiment d'infanterie,
quatre par régiment de cavalerie. Pour les premiers, la
dépense était aux frais des districts. Ce pouvait être un
obstacle. « Mais, dans un si grand mouvement, y avait-il
des obstacles? On se cotisa, comme on put; comme on
put, on habilla ceux qui faisaient le voyage ; plusieurs
vinrent sans uniforme. L'hospitalité fut immense, admi-
rable, sur toute la route ; on arrêtait, on se disputait les
pèlerins de la grande fête. On les forçait de faire halte, de
loger, manger, tout au moins boire au passage. Point
d'étranger, point d'inconnu, tous parents. Gardes natio-
naux, soldats, marins, tous allaient ensemble. Ces bandes
qui traversaient les villages offraient un touchant spec-
tacle. C'étaient les plus anciens de l'armée, de la marine,
qn'on appelait à Paris. Pauvres soldats tout courbés de la
guerre de Sept ans, sous-officiers en cheveux blancs,
braves officiers de fortune qui avaient percé le granit avec
leur front, vieux pilotes usés à la mer, toutes ces ruines
vivantes de l'ancien régime avaient voulu pourtant venir.
C'était leur jour, c'était leur fête. On vit au 44 juillet des
marins de quatre-vingts ans qui marchèrent douze heures
de suite ; ils avaient retrouvé leurs forces; ils se sentaient,
au moment de la mort, participer à la jeunesse de la
France, à l'éternité de la patrie. » (Michelet.) A Paris,
l'effervescence n'était pas moindre. On se préparait à rece-
voir dignement ses hôtes; projets, brochures se multi-
pliaient. La suppression des titres de noblesse fut un effet
assez imprévu de cette agitation et un épisode de la pré-
paration à la fête. Le même jour (49 juin), le Prussien
Anarcharsis Cloots demandait à l'Assemblée pour les étran-
gers le droit de prendre part à la fédération de la France
armée ; un Turc vint aussi ; mais la députation comprenait
des gens de Belgique, de Liège, de Savoie, d'Avignon qui
désiraient être Français. A mesure que les fédérés arri-
vaient à Paris, on se disputait le plaisir de les loger.
Cependant les préparatifs matériels avançaient lente-
ment. On avait choisi comme emplacement le Champ de
Mars, mais on voulait le transformer; au lieu de cette
esplanade, former une sorte de vallée dominée des deux
côtés par des talus ou gradins sur lesquels s'étageraient
les 50,000 acteurs, les 300,000 spectateurs. Le travail
tardant, malgré les 42,000 ouvriers, le peuple parisien
entier s'y porta au refrain de Ça ira et en une semaine
tout fut prêt. Nous reproduisons le récit fait par Pages de
l'Ariège, en le complétant. Le roi qui désirait lier les Fran-
çais à sa cause fit ouvrir le pont Louis XVI qui rappelait
un bienfait de la monarchie, dans cette fête de l'indépen-
dance. Il accueillit les fédérés avec affabilité : « Dites à
vos concitoyens que le roi est leur père, leur frère, leur
ami, qu'il ne, peut être heureux que de leur bonheur, grand
que de leur gloire, puissant que de leur liberté, souffrant
que de leurs maux. » On s'attendrissait, convaincu de sa
FETE
360
loyauté. On criait Vive le roi ! Au matin du 14 juil., dès
cinq heures, les fédérés, délégués de 4 millions de soldats
citoyens, rangés par départements sous 83 bannières, se
réunissent sur les boulevards. Leur cortège part de la
place de la Bastille pour se rendre au Champ de Mars. Sous
de lourdes averses, de continuelles rafales, malgré Feau,
malgré la faim, ils chantent; ils vont par les rues Saint-
Martin et Saint-Honoré ; des fenêtres on leur descend des
pains, des jambons. Ils arrivent, passent la Seine sur un
pont de bois en face de Chaillot, défilent sous un vaste arc
de triomphe élevé à rentrée du Champ de Mars ; au milieu
du cirque qu'on venait de créer était l'autel de la patrie ;
du côté de l'Ecole militaire, des gradins réservés au roi et
à l'Assemblée. Les fédérés se rangent dans ce lac de boue,
sans songer à s'abriter de la pluie ; pour passer le temps ils
se mettent à danser, formant de joyeuses farandoles. L'As-
semblée nationale arrive, précédée des vétérans, suivie des
jeunes élèves. Le roi s'assied, la reine à côté de lui, leur
famille, les ambassadeurs, dominant toute la foule. La-
fayette sur son cheval blanc arrive au pied du trône ; le
commandant des gardes nationales parisiennes vient prendre
les ordres du roi. A l'autel, entouré de deux cents prêtres
parés de ceintures tricolores, Talleyrand, l'évêque d'Au-
tun, officie; il bénit les drapeaux. « Lafayette, à la tête
de l'état-major, monte à l'autel; il jure d'être fidèle à la
nation, à la loi, au roi. Les bannières s'agitent, les sabres
nus et croisés étincellent : fédérés, soldats, marins, s'unis-
sent à ce serment ; le président de l'Assemblée nationale le
répète : les députés y répondent ; le peuple entier s'écrie :
« Je le jure ! » Le roi se lève alors : « Moi, roi des Fran-
çais, dit-il, je jure d'employer le pouvoir que m'a délégué
l'acte constitutionnel de l'Etat à maintenir la constitution
décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi. »
« Voilà mon fils », ajoute la reine, en élevant le dauphin
dans ses bras, « il partage avec moi les mêmes sentiments ! »
Aussitôt les cris de Vive le roi ! vive la reine ! vive le dau-
phin ! font retentir les airs. » Les acclamations du peuple,
le bruit des tambours, un orchestre de 200 musiciens et
de 40 pièces d'artillerie annoncent à Paris les promesses
échangées entre le peuple libre et le roi citoyen. La joie
est unanime ; ceux même qui ne sont pas venus au moins
jusqu'aux collines de Chaillot et dePassy, hommes, femmes,
enfants, lèvent les mains avec transport et s'écrient : Oui,
je le jure. Le lendemain les journaux troubleront cette
félicité; ils récrimineront contre l'adoration témoignée à
Lafayette, contre le refus du roi de venir à l'autel prêter
le serment qu'il a prononcé dans sa tribune, sous sa tente ;
mais on ne les écoute guère. L'enthousiasme est général.
Après la cérémonie, les fédérés se rendent à un banquet
de 25,000 couverts offert par la Commune de Paris aux
14,000 délégués venus des départements. Les journées
suivantes continuent la fête ; on danse sur l'emplacement
de la Bastille; Paris déploie tous les moyens de séduction,
illuminations, revues, joutes, ascensions aérostatiques, feux
d'artifice, bals, etc. Le 14 juil., tandis qu'on fêtait à Paris
la fédération de toutes les gardes nationales, chaque ville,
chaque village, prenait sa part de l'allégresse nationale,
avait sa fête. Personne n'y manque ; on s'assemble en
pleine campagne, désertant les villages ; des passants tra-
versant un bourg n'y ont vu que des chiens ; tous les
hommes étaient à la fête, « tous étaient acteurs, depuis le
centenaire, jusqu'au nouveau-né ; il n'y a plus ni riche,
ni pauvre, ni noble, ni roturier ; les vivres sont en com-
mun, les tables communes ». A Saint-Jean-du-Gard, le
curé et le pasteur s'embrassent à l'autel ; l'un vient au
temple, l'autre à l'église, écouter le sermon de son confrère.
Ailleurs deux vieillards, un noble de quatre-vingt-treize ans,
un laboureur de quatre-vingt-quatorze, s'embrassent sur
l'autel. Volontiers tous concluaient comme ces fédérés villa-
geois : « Ainsi finit le meilleur jour de notre vie. » La fête
dépasse même les frontières; les amis de la liberté la
célèbrent à Hambourg, à Londres.
L'anniversaire du 14 juillet, sanctifié par cette fête unique
dans notre histoire, est resté depuis la fête républicaine par
excellence. On la célèbre les années suivantes. Deux fois
on tentera de renouveler la Fédération. Au 10 août 1793,
on convoque à Paris les délégués de toutes les assemblées
primaires pour jurer la constitution qui vient d'être accep-
tée ; la Convention veut réconcilier les départements dont
beaucoup se sont montrés hostiles à Paris et au gouverne-
ment. Elle y réussit à peu près. Le décor de la fête réglé
par David fut très majestueux. En même temps qu'à Paris,
on faisait jurer tous les citoyens français assemblés en
fédérations particulières. Aux Cent-Jours, Napoléon Ier,
cherchant à s'appuyer sur le peuple, organisa une Fédé-
ration sous le nom de Champ de Mai. Elle n'eut aucun
écho.
En 1880, la date du 14 juillet a été choisie pour la fête
nationale. Le sentiment public a ratifié ce choix et, dans
la France entière, le 14 juillet est la fête par excellence.
A Paris, il donne lieu à une certaine pompe : illuminations,
feux d'artifice ; une grande revue militaire passée à l'hip-
podrome de Longchamp rappelle la solidarité du peuple et
de l'armée nationale. La plus belle de ces fêtes fut celle de
1882, où de nouveaux drapeaux furent remis aux régi-
ments. Elle solennisa le relèvement militaire de la France.
La population prend une part active à la fête, pavoisant
les maisons de drapeaux, les illuminant, banquetant en
plein air, dansant la nuit entière ; les divertissements se
prolongent durant deux ou trois jours. — - En 1892, a été
créée une seconde fête nationale; la date choisie est
celle du 22 septembre, anniversaire de la fondation de la
République. La première année, la fête fut signalée
à Paris par une cavalcade historique. A.-M. B.
Bibl. : Généralités. —V. la bibliographie de Part. Reli-
gion et des articles consacrés aux dïvers peuples. Nous
ne citerons ici que quelques ouvrages utiles à consulter:
Doolittle, Social Life of Chinese. — Carné, Tvavels in
Indo-China and the Chinese Empire. — Bowring, Siam.
— Haug, Parsis.— George, Diejûdischen F este. — Hup-
feld, De Primitiva Festorum apud Hebrœos ralione. —
Dillmann, Feste, dans Dibeilexicon. — Schœmann, Grie~
chische Alterthïimer, t. II, pp. 439 et suiv. — Mommsen,
Heortologie. — Marquardt, Manuel des antiquités ro-
maines (appendice très complet avec la liste des fêtes ro-
maines). — Manniiardt, Feld und Waldkïdte. — Paul
Lacroix, Mœurs du moyen âge et Mœurs du xvne siècle.
Histoire de la Révolution. — Réimpression du Mo-
niteur, t. IX, 572; XII, 195; XIV, 72, 438; XVII, 41,
51; XVIII, 528; XX, 403, 422, 474; XXI, 685, 744, 777;
XXII, 93, 232; XXIlï, 21, 83, 199, 372, 410, 523; XXVI,
236; XXVIII, 450, 630, 686; XXIX, 76, 222, 304, 309, 317,
319, 322, 325, 328, 335, 350, 361, 363, 395, 627, 629, 652, 658,
795. — Sur la fête de l'Agriculture: XXVIII, 331, 340;
XXIX, 292, 300. - Sur la fête des Epoux : XXVIII, 248. —
Sur la fête de l'Etre suprême : V. Robespierre. — Sur la
fête de la fondation de la République : XXV, 776, 785 ;
XXVIII, 396, 397, 408, 433, 439, 443, 450, 456, 791, 797;
XXIX, 1, 3, 8, 340 à 390 passim, 404 à 570 passim; 796, 801,
803, 805, 819. — Sur la fête de l'Hospitalité : XVI, 211.- Sur
la fête delà Jeunesse: XXVII, 667; XXVIII, 117; XXIX,
636. — Sur la fête des Martyrs de la liberté : XXIV, 614 ;
XXV, 785 ; XXVI, 113-115. — Sur la fête de la Raison :
XVIII, 365, 397 ; XX, 394 ; XVIII, 507. En outre, V. Hébert,
Robespierre. — Sur la fête de la Réconciliation : XXV,
468, 713 ; XXVI, 174. — Sur la fête de la Reconnaissance :
XXVIII, 278, 298. — Sur la fête de la Souveraineté du
peuple : XXIX, 142, 153, 157, 462, 164, 200, 202, 605 bis, 642,
618 bis, 626, 629. — Sur les fêtes des Victoires : XXI, 111,
135 ; XXII, 83, 282, 294-295 ; XXVIII, 267, 268, 278, 295. — Sur
la fête de la Vieillesse : XXVIII, 398, 412, 354.— M. Tour-
neux : Bibliographie de Vhistoire de Paris pendant la
Révolution française, t. I, pp. 219, 259, 264, 286, 370, 380,
385, 386, 395, 396, 414, 415, 425, 427, 438, 445, 449, 455, 456,
469, 470, 471, 472, 473, 474, 475, 477, 479, 480, 489, 490, 491,
492. — Fr.-Ant. Boissy d'Anglas, Essai sur les fêtes na-
tionales, suivi de quelques idées sur les arts, et sur la
nécessité de les encourager, adressé à la Convention na-
tionale; Paris, an II, in-8. — J. Grobert, Des Fêtes
publiques chez les modernes; Paris, an X, in-8. — C. Rug-
gieri. Précis historique sur les fêtes, les spectacles et les
réjouissances publiques; Paris, 1830, in-8. —Jules Renou-
vier, Histoire de Vart pendant la Révolution ; Paris , 1863,
pp. 416 à 428, in-8. — J. Guillaume, Procès-verbaux du
Comité d'instruction publique de la Législative ; Paris,
1889, pp. 250,291, 300, in-8. — Du même, Procès-verbaux du
Comité d'instruction publique de la Convention; Paris,
1892, t. I, pp. 573, 567 et suiv., in-8 (en cours de publication).
— H. Monin, la Fête du 22 septembre et ses précédents
historiques, dans la Revue bleue du 17 sept. 1892.
361
FÊTE - FÉTIS
Iconographie. — Collection complète des tableaux his-
toriques de la Révolution française, composé de 112 nu-
méros en 3 volumes; Paris, 1882, n°» 27, 39,40,43,55,
59, 61, 63, 100, 108, 109, 126,129, 131,134; Paris (Didot), 1802,
in-fol. — Gi%avures historiques des rjvincipaux événements
depuis l'ouverture des Etats généraux de 1189 (aux dates
des 7 et 14 juil. 1790) ; Paris (Janinet), 1789 (1790). 1. 1, in-4
etin-8. — Collection de quinze estampes sur les principales
journées de la Révolution, gravées par Helman, d'après
Les dessiiis de Monnet, n03 V, VII, IX.— P. Delarociie, etc.,
Trésor de numismatique et de glyptique...; Médailles de
la Révolution française; Paris, 1836, pi. XXI à XXIX;
pi. XXXVIII, n° 1; XL, 1; LU, 1,6, 7; LUI, 1; LXX, 5;
LXXXV, 9, 10 ; LXXXVI,6; in-fol.
FÊTE (Le). Com. du dép. de la Côle-d'Or, air. de
Beaune, cant. d'Arnay-le-Duc ; 106 hab.
FÊTE-DIEU ou FÊTE du Saint-Sacrement (V. Eucha-
ristie, t. XVI, p. 720, col. 2).
FÉTERNE. Com. du dép. delà Savoie, arr. de Thonon,
cant. d'Evian; 4,447 hab.
FETESCI. Village de Roumanie, district de Jalomita,
arr. de Balta-Jalomita; environ 700 hab. Tètes des lignes
Bucarest-Fetesci et Faurei-Fetesci.
F ET H -Ali-Chah (V. Fath-Ali-Chaii).
FETI (Domenico), peintre italien, né à Rome en 4589,
mort à Venise en 4624. Par ses origines, Feti appartient
à l'école romaine, mais il n'a guère sacrifié à l'idéal qui
caractérise cette école. Son indifférence pour les belles
formes, la pauvreté de son style le rattacheraient plutôt
au groupe, des naturalistes. Il fut l'élève de Lodovico Cardi.
Entraîné a Mantoue par le cardinal de Gonzague, il y peignit
d'abord à fresque. A la cathédrale de Mantoue, il reste
encore dans le chœur quelques vestiges du labeur de Feti ;
mais ces peintures ont été restaurées par Felice Campi. Feti
quitta Mantoue et vint habiter Venise. La vulgarité de son
goût le rendait peu propre à la peinture religieuse ; il s'y est
pourtant essayé plusieurs fois, mais, d'ordinaire, il ne voyait
dans les scènes évangéliques que le côté populaire et pitto-
resque. Les tableaux de Feti ne sont pas rares. L'Académie
des beaux -arts de Venise possède la Méditation, sujet que
le maître a plusieurs fois reproduit, le Bon Samaritain,
le Semeur, une Liseuse t la Bénédiction de Jacob, une
Vieille Femme. A Florence, au palais Pitti, nous retrou-
vons les Ouvriers de la Vigne, parabole déguisée en pay-
sannerie ; Dresde n'a pas moins de onze tableaux; la Pina-
cothèque de Munich montre un Ecce Homo, Berlin un Elie
dans le désert. Le Louvre a quatre peintures de Feti,
entre autres la Mélancolie, figure réaliste d'une femme
agenouillée devant une tête de mort, et la Vie cham-
pêtre, représentée par une fileuse au pied d'un arbre. Au
musée de l'Ermitage, on peut voir le portrait d'un acteur
tenant un masque à la main. Le personnage, longtemps
anonyme, est aujourd'hui connu. Ce portrait est celui de
l'Arlequin de la troupe comique du duc de Mantoue.
Feti est un coloriste assez embourbé ; il est complètement
dépourvu de style, et ses types ont même très peu de carac-
tère ; mais il a le pinceau robuste et plantureux. S'il est
sans goût, il a la main ferme et il est du temps où l'on
savait peindre.
Bibl. : Baglione, Le Vite de' pittori, 1649. — Lanzi, Sto-
ria pittorica; Bassano, 1818. — Segna, Guida di Man-
tova, 1866.
FÉTICHISME (V. Afrique, t. I, p. 740, col. 2, et
Religion).
FÉTIDIER (Bot.). Nom vulgaire du Fœtidia mauritiana
Comm., que l'on place, mais avec doute, dans la famille
des Myrtacées et dans la tribu des Barringtoniées. C'est un
arbre qui rappelle le noyer par son port et dont les feuilles
alternes, pétiolées, entières et coriaces sont rapprochées
au sommet des rameaux. Ses fleurs, solitaires à l'extrémité
de pédoncules axillaires, ont un périanthe simple à quatre
divisions, de nombreuses étamines multisériées, insérées à
la gorge du périanthe, et un ovaire infère, qui devient à la
maturité une capsule turbinée et coriace, renfermant des
graines nombreuses.—- Le Fétidier croît à l'île Maurice. Son
bois, d'une odeur forte et très désagréable, est rougeâtre et
recherché par les ébénistes à cause de sa solidité et de son
liant. C'est un des bois puants du commerce. Il perd peu
à peu son odeur lorsqu'il est resté quelque temps exposé
à l'air. Ed. Lef.
Bibl. : H. Bâillon, Ilist. des PL, VI, pp. 326, 372.
FÉTIGNY. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-Sau-
nier, cant. d'Arinthod; 494 hab.
FÉTIS (François-Joseph), historien musical, théoricien
et compositeur belge, né à Mons le 25 mars 4784, mort à
Bruxelles le 26 mars 4874. Fils d'un organiste, qui était
aussi directeur de concerts à Mons, le jeune Fètis montra
de bonne heure des dispositions exceptionnelles pour la
musique. A sept ans. il écrivait des duos pour violon, et,
avant neuf ans révolus, un concerto pour violon et orchestre.
A neuf ans, il remplit les fonctions d'organiste du chapitre
noble de Sainte-Waudru. Il continua de composer et fit de
nombreux morceaux, une symphonie concertante pour deux
violons, alto et basse avec orchestre, un Stabat, des qua-
tuors, une messe, etc. En oct. 4800, il entra au Conser-
vatoire de Paris dans la classe de Rey, qui lui apprit
l'harmonie d'après le système de Rameau, et il fut bientôt
le répétiteur de la classe. Quant au piano, Boïeldieu fut
quelque temps son professeur. En 4803, il fit un voyage
et ne revint à Paris qu'en 4804, avec un nouveau bagage
de connaissances et de réflexions, issues de l'étude de Bach,
Haendel, Mozart, Haydn, Albrechtsberger, Marpurg, etc.
Il commença même à réunir des matériaux pour une his-
toire des inventions de Gui d'Arezzo et de la notation mu-
sicale. Il se lia avec Cherubini, et se mit à l'étude des
maîtres italiens, depuis les plus récents, Paisiello, Cima-
rosa, Guglielmi, jusqu'aux plus anciens, entre autres Pa-
lestrina. En 4806, il entreprit une revision du chant liturgi-
que romain, espérant retrouver sous les altérations diverses,
et malgré certaines lacunes, les exactes versions primitives.
Cette même année il se maria avec la petite-fille du che-
valier de Kéralio, héritière d'une grande fortune que des
spéculations malheureuses lui firent perdre promptement.
En 4841, il dut quitter Paris, et se rendit dans les Ar-
dennes, où il demeura trois ans, occupé à la composition
musicale et à l'étude de la philosophie. En 4813, il devint
organiste de la collégiale de Saint-Pierre, à Douai, et pro-
fesseur de chant et d'harmonie à F école municipale de
musique de cette ville. C'est de ce séjour à Douai que
datent ses premiers travaux importants sur le système de
l'harmonie, travaux qu'il devait résumer plus tard en des
livres très discutés. C'est aussi à cette époque qu'il conti-
nua sa Biographie des musiciens, entreprise en 4806,
mais dont la publication ne put être commencée qu'en
1834. La somme de travail fournie par Fétis pendant cette
période de sa vie a de quoi surprendre l'imagination, si
l'on songe, non seulement à la rédaction de ses ouvrages
(sans préjudice de la composition musicale à laquelle il se
livrait activement), mais encore aux recherches de toute
nature qu'il dut effectuer.
En 4848, Fétis vint à Paris; en 1821, il remplaça Eler
comme professeur de composition au Conservatoire. En
févr. 4827, il fit paraître la Bévue musicale, journal exclu-
sivement consacré à la musique, qui fut en France le pre-
mier essai durable de ce genre. La Bévue musicale a paru
pendant huit ans ; il est presque inutile de dire que Fétis
en était le principal rédacteur : même, à l'en croire, il
aurait rédigé à lui seul les cinq premières années. Déplus,
il a fait pendant plusieurs années le feuilleton musical du
Temps et collaboré encore au National. En 4832, il
fonda des concerts historiques et ouvrit un cours gratuit
d'histoire et de philosophie musicales. En 4833, il devint,
sur le désir de Léopold Ier, directeur du Conservatoire de
Bruxelles et maître de chapelle du roi. Fétis était d'une
érudition prodigieuse et d'une extraordinaire puissance de
travail. Comme compositeur, il n'échappera pas à l'oubli,
malgré une production considérable, car l'originalité de la
forme et la profondeur de l'émotion lui manquaient abso-
FETIS — FETTAN
— 362 —
lument. Comme théoricien, son esprit scientifique était plus
apparent que réel, et il a cru trop vite, par sa loi de la
tonalité, donner la solution de tous les problèmes qui tour-
mentent encore, à l'heure actuelle, les acousticiens et les
musiciens ; cependant on lui doit de sérieuses découvertes,
d'utiles efforts vers une méthode rationnelle, et d'ingé-
nieuses remarques, comme le mécanisme de la substitution
du sixième degré à la dominante dans les accords dérivés
de l'accord de dominante ; cependant, il n'a pas suffisam-
ment rendu justice à Rameau, non plus qu'aux travaux
purement scientifiques des physiciens. Comme historien et
biographe, son œuvre est énorme, et lui assure une légi-
time renommée, malgré l'aigreur et même la mauvaise foi
do ses attaques contre tous ceux qui pensaient autrement
que lui, Coussemaker entre autres. Il convient d'ajouter
que ce puissant travailleur n'avait à aucun degré le véri-
table sens artistique, et qu'il s'est rendu ridicule plusieurs
fois en se donnant la mission de corriger les compositions
des maîtres, particulièrement celles de Beethoven. Mais une
partie de son œuvre restera comme un monument d'éru-
dition et de labeur, un immense répertoire de dates et
de faits.
Les compositions musicales de Fétis sont nombreuses ;
nous citerons des pièces d'harmonie, des fantaisies pour le
piano, des sonates faciles pour piano à quatre mains, trois
suites de préludes progressifs, des variations à quatre mains,
un sextuor pour piano à quatre mains, deux violons, alto
et basse, un duo pour piano et violon, une marche variée
pour piano, trois quintettes pour deux violons, deux altos
et violoncelle, deux symphonies, une ouverture de concert,
environ cent cinquante morceaux divers écrits en manière
d'exercices pour le Conservatoire de Bruxelles ; deux noc-
turnes italiens, une canzonette, un Miserere à trois voix
sans accompagnement, une Messe de Requiem pour quatre
voix et chœur, avec accompagnement de cors, trompettes,
trombones, saxhorn, bass-tuba, bombardon, orgue, vio-
loncelles, contrebasses et timbales, exécutée le 14oct. 1850
pour le service funèbre de la reine des Belges, un TeDeum
en plain-chant mesuré et rythmé, six messes faciles, des
vêpres et saluts, avec hymnes et antiennes ; des opéras-
comiques, V Amant et le Mari, les Sœurs jumelles, la
Vieille, Marie Stuart en Ecosse, le Bourgeois de Reims,
le Mannequin de Bergame, un petit opéra, Phidias.
Parmi les œuvres non publiées, on remarque une messe à
cinq voix, des litanies, des motets, d'autres messes, des
hymnes, des Lamentations de Urémie, à six voix avec
orgue ; des quintettes, quatuors, sextuors, des symphonies ;
soixante fugues et préludes fugues pour l'orgue, une fan-
taisie symphonique pour orgue et orchestre, de nombreuses
pièces diverses pour le même instrument, etc., etc. Au
point de vue didactique et historique, Fétis a écrit les ou-
vrages suivants : Méthode élémentaire et abrégée d'har-
monie et d'accompagnement. . . (1 824) ; Traité de la fugue
et du contrepoint (1825; 2e éd.. 1846) ;' Traité de
r accompagnement de la partition (1829) ; Solfègesjpro-
gressifs, avec accompagnement de piano, précédés de
l'exposition raisonnée des principes de la musique
(1827) ; Revue musicale, huit années, en 15 vol. (1827-
1834); Mémoire sur une question mise au concours par
l'Institut des Pays-Bas : Quels ont été les mérites des
Néerlandais dans la musique, principalement aux xive,
xve et xvie siècles, etc. (Amsterdam, 1829) ; la Musique
mise a la portée de tout le monde... (1830 ; 3e éd.,
1833), livre traduit en plusieurs langues ; Curiosités his-
toriques delà musique... (1830), recueil d'articles choisis
dans la Revue musicale; Galerie desmusiciens célèbres
(trois livraisons seulement) ; Biographie universelle des
musiciens et Bibliographie générale de la musique
(Paris et Bruxelles, 1834, 8 vol. in-8 ; 2e éd., Paris,
1874, avec supplément en 2 vol., sous la direction de
M. Arthur Pougin), livre de capitale importance; Manuel
des principes de musique, à l'usage des professeurs
et des élèves, etc. (1837) ; Traité du chant en chœur
(1837); Manuel des jeunes compositeurs... (1837);
Méthode des méthodes de piano... (1837) ; Méthode des
méthodes du chant; Esquisse de V histoire de V harmo-
nie... (1840) ; Méthode élémentaire du plain-chant
(1843) ; Traité complet de la théorie et de la pratique
musicale (Paris, 1844, 6e éd., 1857), ouvrage qui a
eu plusieurs traductions ; Notice biographique de Nicolo
Paganini... (1851); Traité élémentaire de musique...
(1851.-1852); Antoine Stradivari... (1856); Mémoire
sur cette question : les Grecs et les Piomains ont-ils
connu r harmonie simultanée des sons ? en ont-ils fait
usage dans leur musique {Mém. de r Académie royale
de Belgique, t. XXXI) ; dans les Bulletins de cette Acadé-
mie, on trouve encore une vingtaine dénotes sur des ques-
tions d'érudition, d'histoire et de philosophie musicales, et
de rapports (notamment aux expositions universelles de
1 855 et 1 867) ou discours sur diverses questions concernant
la musique ; Histoire générale de la musique depuis
les temps les plus anciens jusqu'à nos jours (Paris,
1869-1876) ; cette histoire, interrompue par la mort de
l'auteur, ne comprend que cinq volumes, au lieu de huit
qui avaient été prévus, et s'arrête à la fin du xve siècle ;
d'autres ouvrages de Fétis sont demeurés en manuscrit ; ce
sont : la Science de r Organiste, Philosophie générale
de la musique, Gradua le de tempo re ac de sanctis
juxta ritum sacrosanctœ romance ecclesiœ, des traduc-
tions de traités de musique du moyen âge et du Traité de
musique de Boèce, Souvenirs d'un vieux musicien, et
Causeries musicales. Alfred Ernst.
JBibl.: L. Alvin, François-Joseph Fétis ; Bruxelles, 1874.
FÉTIS (Mme Adélaïde-Louise-Catherine), femme du pré-
cédent, née à Paris le 23 sept. 1792, morte à Boitsfort,
près de Bruxelles, le 3 juin 1866. Son père était P.-F.-J.
Robert, ancien rédacteur du Mercure national, ancien
représentant de Paris à la Convention ; sa mère était Louise-
Félicité Guinement de Kéralio (V. ce nom). Mme Fétis a
traduit en français l'ouvrage de M. William C. Stafford,
A History of Music, et publié cette traduction à Paris,
en 1832, sous le titre d'Histoire de la musique. A. E.
FÉTIS (Edouard-Louis-François), littérateur et critique
musical, né à Bouvignes, près de Binant, le 16 mai 1812.
Fils des précédents, il remplaça son père comme directeur de
h Revue musicale, pendant cinq mois, en 1829, et rédigea
cette revue pendant les années 1833, 1834 et 1835. Il fit
ensuite le feuilleton musical de l'Indépendant, qui devait
s'appeler plus tard l'Indépendance belge, puis y écrivit tout
ce qui concernait les beaux-arts, sous la signature XX. En
1836, il entra à la Bibliothèque royale de Belgique, où il
devint conservateur du département des imprimés. Il fut aussi
professeur d'esthétique à l'Académie des beaux-arts de
Bruxelles, etc. On lui doit de nombreux articles dans les
Bulletins de cette académie et dans la Gazette musicale
de Paris (depuis 1839) ; ses ouvrages sont les suivants :
Légende de Saint-Hubert (Bruxelles, 1846) ; Description
des richesses artistiques de Bruxelles (Bruxelles, 1847) ;
les Musiciens belges (Bruxelles, s. d. [1848]) ; les Ar-
tistes belges à l'étranger (Bruxelles et Paris, série dont
le lGrr vol. a paru en 1857). A. E.
FÉTIS (Adolphe-Louis-Eugène), musicien français,
né à Paris le 20 août 1820, mort à Paris le 20 mars
1873, frère du précédent. Il commença ses études musi-
cales au Conservatoire de Bruxelles et les continua à
Paris avec Henri Herz et Halévy pour professeurs.
Après avoir enseigné le piano et l'harmonie à Bruxelles et
à Anvers, il se fixa à Paris (1856). Il a composé plusieurs
opéras-comiques et opérettes, dont l'une, le Major Schlag-
mann, a été jouée en 1859 ; une série de morceaux de
salon pour piano intitulés les Légendes des siècles, des
romances sans paroles, des morceaux pour harmonium et
violoncelle, etc., et un recueil de mélodies pour une et
deux voix, intitulé Album de 1861. A. E.
FETOUÂ (V. Fetva).
FETTAN ouVETTAN (romanche Vtan), Village de Suisse,
— 363 —
FETTAN — FEU
catifc. des Grisons, dans la Basse-Engadine, en face de
Tarasp, sur la rive gauche de l'Inn ; 484 hab. parlant le
romanche. Environs charmants. Cure d'air, source d'eau
acidulée. Le village est à 1,647 m. d'alt. Il a été incendié
deux fois au siècle dernier et de nouveau en 1885. Patrie
de Vulpius, traducteur de la Bible en romanche et de
B.-A. de Saluz, général français. E. Kuhne.
FETTI (Giovanni), sculpteur florentin du xive siècle. Il
sculpta en 1367 une figure de la Force, pour la Loggia de'
Lanzi de Florence, et ébaucha une statue de la Tempé-
rance.
FÉTUQUE. I. Botanique. — (Festuca L.). Genre de
Graminées, dont les représentants, voisins du Bromus (V.
Brome), en diffèrent surtout par la glumello inférieure
demi-cylindrique, aiguë, arrondie sur le dos, entière au
sommet et munie d'une arête franchement terminale. Les
espèces, assez nombreuses, sont répandues dans les régions
tempérées et alpines de l'hémisphère boréal. Les F. pra-
tensis Huds. ou Fétuque des prés, F. rubra L., et F.
ovina L., notamment, sont très communs en Europe. Ils
servent à la nourriture des bestiaux. Ed. Lef.
IL Industrie. — La fétuque géante est une puissante
graminée, essentiellement vivace, qui croît en grande quan-
tité dans les environs de Bône (Algérie) et qui donne un
rendement en filaments textiles de près de 80 °/0, dont les
Arabes tirent parti pour faire des cordes. Elle se présente
sous forme de touffes énormes sur les terrains complète-
ment dépourvus d'eau ; ses feuilles lancéolées, sillonnées de
nervures saillantes, hérissées de scies âpres et bordées de
dentelures aiguës et rigides, atteignent de 2 m. à 2m50
de hauteur et sont surmontées, lorsqu'elles sont en matu-
rité, de robustes tiges dont le sommet, à 2 ou 3 m. du sol,
se couronne d'élégantes panicules assez semblables à celles
de certains sorghos. L. K.
FETVA ou plus exactement FETOUA est le nom arabe
donné à certaines consultations juridiques formulées ordi-
nairement dans les conditions suivantes. Chaque fois qu'un
cadi est appelé à rendre un jugement sur des points de
doctrine ou des points de fait, qui n'ont pas été prévus
dans les divers textes servant de codes aux musulmans, il
s'adresse au mufti et lui demande de fixer la jurisprudence
à suivre sur le cas particulier qui lui est soumis. Le mufti
recherche alors, soit dans les commentaires du Coran, soit
dans les ouvrages de droit ou de théologie, les décisions
qui se rapprochent le plus du point sur lequel on lui
demande son avis et libelle sous le nom de fetoua le prin-
cipe qu'il estime devoir être appliqué par le cadi. Les
parties en cause peuvent d'ailleurs aussi bien que le magis-
trat solliciter un fetoua. En général, ces consultations n'ont
de valeur que pour le fait à l'occasion duquel elles ont été
provoquées et, à moins d'être émanées de personnages
considérables, elles n'établissent point une jurisprudence
irrévocable. Certaines questions religieuses ou même poli-
tiques peuvent faire l'objet d'un fetoua. C'est ainsi que les
Anglais, dans l'Inde, ont provoqué un fetoua décidant que
leur autorité devait être légitimement acceptée par les
musulmans comme n'étant point en contradiction avec les
principes religieux de l'islam. 0. Houdas.
FETZARA. Lac d'Algérie, dép. de Constantine, qui
s'étend au S. du massif de l'Edough et à 18 kil. S.-O. de
Bône ; il doit son nom à la tribu arabe des Fetzara. Situé
à 15 m. seulement d'alt., il a une surface qui varie beau-
coup avec les pluies, car à TE. et à l'O. il déborde sou-
vent sur les plaines voisines ; on peut évaluer sa superficie
moyenne à 12,000 hect. et sa profondeur moyenne à 2 m.
Il est alimenté par divers cours d'eau qui descendent des
montagnes qui le bordent au N. et au S. Son eau est amère
et salée ; elle est riche en poissons, notamment en gros
barbeaux, et des flamants, grèbes et cygnes peuplent ses
bords ; mais il se dégage de là des miasmes qui engendrent
la fièvre. Aussi s'est-on appliqué, depuis 1879, à faire
écouler les eaux par une tranchée dans le Môboudja, affluent
de la Seybouse, et à planter les terrains conquis sur les
eaux d'un grand nombre d'eucalyptus ; mais l'œuvre du
dessèchement avance lentement, et souvent après les pluies
le lac reprend possession de ce qu'on lui a enlevé. Au milieu
même du lac, on a retrouvé les ruines d'un centre romain,
ce qui fait croire que sa formation est relativement récente,
peut-être postérieure à l'invasion arabe. E. Cat.
FEU. L Ethnographie. — L'homme est le seul ani-
mal qui sache faire du feu. Malgré tout ce qui a été
avancé, sans preuves concluantes d'ailleurs, par quelques
voyageurs (Stanley en dernier lieu), on peut affirmer
que jamais on n'a vu les singes faire du feu ou même
entretenir un feu qu'ils rencontreraient accidentellement.
D'autre part, il n'existe pas de peuplade, même au plus
bas de l'échelle de la civilisation, qui ne connaisse au-
jourd'hui l'usage du feu, et, aussi loin que l'on puisse
aller dans les temps préhistoriques, on trouve des traces
matérielles de l'emploi du feu (cendres, charbons, mor-
ceaux de pyrite usés, silex craquelés, etc.). La plupart des
forces de la nature pouvant se transformer en chaleur, la
lumière, l'électricité, le mouvement, l'affinité chimique,
ont été mises à profit par l'homme pour la production du
feu, avec plus ou moins de succès. Les essais d'allumage
à l'aide de verres biconvexes et des miroirs en concentrant
la lumière solaire, mentionnés dès la plus haute antiquité,
n'ont jamais pu se généraliser. De même, l'électricité em-
ployée de-ci de-là depuis le siècle passé (lampe de Volta ,
1777) comme allume-feu dans certains cas spéciaux, attend
encore un inventeur pour devenir un producteur de feu
facilement transportable. Quant au mouvement et l'affinité
chimique, ils ont été de tout temps et sont encore les
seules forces utilisées généralement pour la production
du feu. Le mouvement est utilisé de trois façons diffé-
rentes : par le frottement de deux morceaux de bois, par
la percussion de deux morceaux de certains minéraux ou
par la compression de l'air. La dernière de ces méthodes
est peu répandue ; on l'a signalée chez les Dayaks de
Bornéo et en Birmanie. Elle est basée sur le principe du
briquet à air de nos cabinets de physique (V. Briquet).
Par contre, les deux autres ont été et sont encore répandus
d'une façon générale chez tous les peuples sauvages, in-
cultes et primitifs.
On peut obtenir un peu de braise ardente capable d'en-
flammer certaines substances (amadou , duvet , herbe
sèche, etc.), soit en frottant deux morceaux de bois l'un
contre l'autre, soit en les sciant l'un par l'autre, soit en
tournant le bout de l'un dans une petite fossette pratiquée
dans l'autre. De là
trois manières de
faire le feu , ayant
chacune une aire
géographique bien
délimitée. La pre-
mière manière (frot-
tement simple), la
plus primitive et la
moins commode, est
employée unique-
ment, et à l'exclu-
sion de toute* autre,
enOcéanie; elle pa-
raît être d'origine polynésienne. Elle consiste à frotter une
petite baguette de bois dur contre une bûche de bois tendre
en inclinant la première sous un angle de 45° par rapport
à la seconde, maintenue entre les genoux (fig. 1). En im-
primant un mouvement de va-et-vient avec pression à la
baguette, on creuse une petite gouttière dans la bûche et
on finit par obtenir l'incandescence des parcelles de bois
pulvérisé, qui s'amassent au fond de la gouttière. On n'a
qu'à y jeter un peu d'herbe sèche ou de l'amadou et souffler
pour obtenir la flamme.
La méthode de sciage est employée par les Malais, par
quelques tribus australiennes, ainsi qu'en Birmanie et
dans l'Inde. L'appareil consiste en un morceau de bambou
Fig. 1.-
- Production du feu par frot-
tement (Polynésie).
FEU
364
Fig. 2.—- Production du feu par sciag
(Malaisie).
fendu longitudinalement, que Ton scie par le bord tran-
chant d'un autre morceau de bambou jusqu'à ce que la
sciure devienne ar-
dente et enflamme
l'amadou sur lequel
elle tombe (fig. 2).
La méthode de
giration ou de /b-
rage, qui consiste
à faire pivoter le
bout d'une baguette
de bois dans une
fossette pratiquée à
la face d'une bûche
ou d'une planchette, est répandue sur un vaste espace. On
la rencontre chez les Nègres comme chez les Indiens des
deux Amériques, chez les Tchouktchi comme dans certaines
régions de l'Inde, etc. L'appareil le plus primitif consiste,
comme celui des
Polynésiens, en
une bûche ou
planchette de bois
tendre, tenue ho-
rizontalement
avec les pieds ,
sur laquelle on
pose la pointe
émoussée d'une
baguette cylin-
drique en bois
dur; en faisant
tourner vivement
entre les paumes
des mains la ba-
guette dans les
deux sens, on
Zoiilou allumant du feu par
giration.
creuse une petite fossette et l'on obtient l'incandescence
de la poussière du bois qui s'amasse autour de la pointe ;
on produit ensuite la flamme avec de l'amadou, de l'herbe
sèche, etc. (fig. 3). C'est ainsi que font le feu certaines tribus
de Zoulous et d'autres nègres,
certains Australiens, les Aïnos,
les Indiens de Costa-Rica, etc.
Mais cet appareil primitif su-
bit des perfectionnements impor-
tants chez d'autres populations,
surtout chez les Peaux-Rouges
et les Esquimaux. La première
amélioration consiste à creuser
préalablement la fossette dans
une planchette bien horizontale;
un perfectionnement ultérieur est
de faire communiquer cette fos-
sette avec une des faces verticales
de la planchette par une gout-
tière de laquelle sortira au de-
hors la poudre de bois produite
par le frottement sous forme de
petits boudins incandescents qui
tomberont sur l'amadou (fig. 4).
Quant à la baguette verticale, on
lui adapte différents appareils
pour rendre le mouvement plus
accéléré et plus régulier. Ainsi
les Esquimaux l'entourent d'une
corde ou d'une lanière que l'on
tire alternativement dans les deux sens ; dans ce cas, le bout
supérieur de la baguette est maintenu par la main d'une autre
personne, ou par l'opérateur lui-même à l'aide d'une petite
planchette qu'il saisit entre ses dents (fig. 5). Les Indiens^de la
Colombie anglaise et d'autres peuplades attachent les deux
bouts de la corde à un arc, ce qui permet de tourner la ba-
guette avec une seule main (Bow-drillfig. 6) .Enfin, une sorte
Fig. 4.— Appareil pour
allumer le feu par gi-
ration (Alaska).
de vilebrequin ou de tourniquet à archet (Pump-drilï), muni
d'un poids, quoique fort impropre à produire la chaleur (le
frottement est très réduit dans cet appareil), a été adopté
par deux peuplades, les Iroquois du Canada et les Tchouktchi
de la Sibérie, pour la production du feu. Avec ces appareils
perfectionnés, on peut obtenir l'incandescence du bois en
quelques minutes, parfois en quelques secondes ; mais tou-
jours le feu y couve seulement sous la poudre de bois et
il faut avoir re-
cours à l'ama-
dou et au souffle
puissant des
poitrines des
sauvages pour
produire la
flamme.
La seconde
manière d'obte-
nir le feu, celle
de percussion
de deux mor-
ceaux de pyrite
de fer ou de si-
lex et de pyrite,
a dû être connue dès l'époque la plus reculée, en "même
temps que la première. Aujourd'hui elle n'est employée
que par quelques rares tribus arriérées : Fuégiens, Esqui-
maux, Aléoutes. Avec la connaissance du fer, qui rem-
plaça la pyrite, le vrai briquet a été inventé ; il remplaça
bien vile en Europe et en Asie la production du feu par
. 5.— Esquimau allumant du feu avec
un vilebrequin à courroie.
Fig. 6. — Bow-drill (Alaska).
frottement, comme à son tour il a été remplacé par les
appareils utilisant l'affinité chimique des différents corps.
Les allumettes chimiques, inventées depuis un demi-
siècle, sont aujourd'hui répandues sur toute la Terre et
remplacent, dans les pays les plus reculés, tous les autres
modes de production de feu.
Mais les anciens procédés survivent dans les traditions,
dans le culte. C'est ainsi que, chez les Romains, les
Vestales rallumaient le feu éteint par mégarde par le frot-
tement de deux morceaux de bois ; c'est par le même pro-
cédé que les Rrahmanes actuels de l'Inde obtiennent le feu
pour les cérémonies religieuses en face des boutiques où
l'on vend les allumettes anglaises ; c'est encore par frot-
tement que les Indiens de l'Amérique, pourvus amplement
d'allumettes par les Yankees, se procurent le feu pour les
fêtes sacrées. En Europe même, en Grande-Bretagne et en
Suède, on allumait encore jusqu'au commencement de ce
siècle le feu destiné aux usages superstitieux (pour préserver
les bêtes et les gens contre les maladies contagieuses) en frot-
tant deux morceaux de bois. Cette pratique superstitieuse
a été interdite par un décret datant de la fin du siècle passé,
dans ce même district de Jonkoping d'où aujourd'hui se
répandent par milliards les fameuses allumettes suédoises.
Les procédés longs et difficiles d'obtenir le feu forcent
— 365 —
FEU
les peuplades sauvages de le conserver comme une chose
des plus précieuses. Presque partout c'est aux femmes
qu'incombe ce soin. Chez les Australiens, les femmes qui
laissent éteindre le feu sont punies presque aussi sévère-
ment que l'étaient les Vestales romaines. Les Papous de
la Nouvelle-Guinée préfèrent faire plusieurs lieues pour
chercher le feu chez la tribu voisine que d'en allumer un
autre. Aussi la préparation du « nouveau feu » est-elle
accompagnée chez plusieurs peuplades d'Amérique et d'Océa-
nie de fêtes et cérémonies religieuses. D'ailleurs, le feu
même est considéré comme une divinité par plusieurs
peuples (Kamtchadales, Aïnos, Mongols). Le premier mot
des hymnes védiques des Aryens est Ag?ii1 le dieu du
feu, le prêtre divin du sacrifice ; l'adoration du feu était
l'antique religion des Persans et s'est conservée encore
aujourd'hui chez certains Parsis de l'Inde et chez les Guèbres
de la Perse ; nous passons le culte de Xiuhteuctli « seigneur
du feu » chez les anciens Mexicains, dePhtahchez les Égyp-
tiens, de Vulcain, d'Héphaistos, de Vesta, chez les Grecs
et les Romains, etc. Souvent le culte du soleil était combiné
avec celui du feu, et les anciennes fêtes solaires, chantées
par Ovide, sont devenues les « feux de la Saint-Jean » que
le clergé bénit encore tous les ans sur quelques points de
la Basse-Bretagne. Nous ne "pouvons que mentionner les
légendes relatives à l'origine divine du feu, et qui res-
semblent toutes plus ou moins à celle de Prométhée (le
Mahonïka des Polynésiens, le Tleps des Circassiens, etc.).
Les sacrifices au feu ou par l'intermédiaire du feu sont
communs à un grand nombre de peuples incultes ou mi-
civilisés; les Algonquins, les Toungouz, les Bouriates
jettent le premier morceau du repas dans le feu « pour
l'esprit » ; les Chinois et les Siamois brûlent les objets
précieux, les animaux, etc., pour que leur « vapeur » monte
au ciel vers les divinités, vers la lune, le soleil, etc.
Presque partout le feu est une chose précieuse, adorée,
entourée d'un respect superstitieux. C'est un péché de cra-
cher dans le feu chez les Ghialiaks comme chez les pay-
sans russes. On fait passer à travers ou par-dessus le feu,
qui purifie tout, les enfants nouveau-nés, les femmes
relevant de couches, les malades, dans mainte pratique féti-
chiste, chez les nègres, chez les Malais ou chez les peu-
plades sibériennes. Chez les anciens Mongols un étranger
ne pouvait franchir le seuil de latente sans être « purifié »
en sautant par-dessus un bûcher allumé. J. Deniker.
IL Physique. — Historique. — Les phénomènes de la
combustion, la chaleur et la lumière qui l'accompagnent et
qui semblent avoir leur siège dans la flamme elle-même, enfin
la liaison étroite qui existe entre ces phénomènes et la vie des
êtres organisés, ont de tout temps frappé au plus haut degré
l'attention des hommes. L'art de produire le feu est le pre-
mier degré de notre science : la connaissance du feu, « maître
de tous les arts, le plus grand bien qui soit pour les vivants »,
fut le premier pas dans cette longue suite d'inventions qui
ont maîtrisé la nature et fait passer l'espèce humaine de
l'état purement animal jusqu'à ce degré de civilisation atteint
par les peuples modernes. Mais de la pratique des faits
l'esprit humain ne tarda guère à passer à leur explication.
C'est ainsi que le feu adoré à l'origine comme un être
animé, un dieu tantôt bienfaiteur, tantôt dévorant, devint
un objet de conceptions scientifiques au temps des philo-
sophes grecs. Ils en aperçurent tout d'abord le double carac-
tère : celui d'une matière et celui d'un phénomène purement
dynamique. En tant que matière, le feu fut regardé par
Empédocle, par Aristote et par la plupart des philosophes
grecs comme l'un des quatre éléments, assimilable à l'air,
à l'eau, à la terre, et soumis comme eux aux régularités de
la géométrie. Mais ils envisagèrent aussi, au point de vue
dynamique, le feu comme une cause de mouvement univer-
sellement agissante dans la nature et sans laquelle rien de
visible ou de vivant ne peut exister. Ce double caractère du
feu devint surtout manifeste quand on chercha à se rendre
compte des transformations de la matière en proie à la com-
bustion.
En effet, le poids de cette matière semble changer sans
cesse dans les opérations accomplies sous l'influence de la
chaleur. Tantôt on voyait les métaux augmenter de poids
par la calcination : c'était même là un fait généralement
connu dès la fin du xvie siècle. Tantôt, au contraire, les
corps combustibles disparaissaient en brûlant, laissant à
peine quelques traces de cendre ou de terre comme résidu.
De là cette opinion, en apparence évidente, que les corps
combustibles sont susceptibles de se changer dans la matière
ou élément du feu, ou plutôt de régénérer cette matière,
qui y était réputée latente. « Le soufre renferme du feu en
abondance », disait déjà Pline dans l'antiquité. Ce même
élément du feu semblait au contraire se fixer sur les corps
qu'il transformait, tels que les métaux.
La notion du feu, celle des matières combustibles, celle
des esprits volatils, nos vapeurs et nos gaz d'aujourd'hui,
furent ainsi associés et confondus au moyen âge et jusqu'au
xvnr3 siècle par un syncrétisme étrange, mais inévitable.
Cependant les progrès des mathématiques et de la physique
introduisaient chaque jour dans les sciences une précision
jusque-là inconnue. Les esprits, formés par la discipline
d'une éducation plus forte et plus exacte, n'étaient plus
satisfaits par le vague mysticisme des anciennes théories.
C'est à ce moment que s'éleva le système du phlogistique
de Stahl, qui réunit les faits fondamentaux de la chimie dans
une conception synthétique d'une logique plus rigoureuse et
dont on ne vit pas tout d'abord l'insuffisance expérimentale.
D'après le système de Stahl et de ses partisans, les corps
combustibles tels que le soufre, les huiles, le charbon ren-
ferment un principe particulier, le phlogistique, susceptible
de se transformer dans la matière du feu lorsqu'il est sou-
mis à l'influence d'une élévation de température. Cette
matière du feu se dissipe a#vec flamme, chaleur et lumière.
Les corps combustibles sont donc formés par cette sub-
stance, associée avec une dose plus ou moins considérable
de terre. Les métaux échauffés perdent la même substance
en se changeant en chaux métalliques. Les métaux sont
donc, aux yeux de Stahl, des corps combustibles formés
par l'union d'une terre ou chaux, avec le principe inflam-
mable. Réciproquement il suffit d'ajouter, à une chaux mé-
tallique, du phlogistique, pour reconstituer le métal primi-
tif, et l'on y parvient en effet en le chauffant avec un corps
combustible, tel que l'huile, le charbon ou le soufre, corps
particulièrement riches en phlogistique.
La formation des chaux métalliques était par là rappro-
chée de la combustion ; les liens si manifestes qui existent
entre réchauffement des corps, la production de la flamme
et de la chaleur ; enfin la respiration même des animaux,
réputée propre à exhaler au dehors le phlogistique fixé dans
le corps humain ; bref, une multitude de phénomènes divers
se trouvaient ramenés à une même conception générale.
« La combustion, disait Macquer au temps même de
Lavoisier, est le dégagement du principe de l'inflammabi-
lité. » Ce principe, cette entité nouvelle, dans laquelle on
supposait résider l'inflammabilité, rappelle les éléments des
anciens, sièges prétendus de la solidité et de la liquidité.
C'est une conception, inverse en quelque sorte du mercure
des philosophes, tel que le comprenaient les alchimistes,
principe métallique par excellence, supposé commun à tous
les métaux. Le phlogistique avait, en outre, cette faculté
de se transmettre d'un corps à un autre, de façon à lui
communiquer la propriété d'être inflammable. Cette théorie
fut renversée de fond en comble par Lavoisier, qui montra
que les changements de poids et les fixations ou pertes de
matière accompagnant la combustion sont inverses de ce
qu'on avait supposé jusque-là. Lorsque le charbon brûle et
semble disparaître, en réalité sa matière ne se dissipe point ;
elle ne perd point son poids à l'état de chaleur ou de phlo-
gistique. Loin de là, c'est le charbon qui s'unit avec une
substance matérielle spéciale, l'oxygène, ignoré jusqu'au
temps de Lavoisier; et il forme ainsi un composé nouveau,
l'acide carbonique, dans lequel tout le carbone élémentaire
subsiste et dont le poids est supérieur à celui du charbon pri-
PEU
- 366 —
mitif , en raison exacte du poids de l'oxygène fixé sur lui. Au
contraire, lorsque la chaleur réduit une chaux métallique
mêlée de charbon à l'état de métal libre et brillant, cette ré-
duction n'est pas l'effet de la fixation d'une matière spéciale,
telle que le prétendu phlogistique, car le poids du métal est
moindre que celui de la chaux métallique qui l'engendre.
Mais la matière perdue par cette dernière reparaît, unie à la
matière même du charbon, sous la forme d'un gaz nouveau,
dont le poids représente exactement celui des éléments qui
ont concouru à le produire.
Telles furent les découvertes de Lavoisier ; elles chan-
gèrent complètement l'interprétation des phénomènes chi-
miques adoptée jusque-là et firent évanouir le système
d'une chaleur pondérable, susceptible de se fixer sur les
corps, ou de les quitter, en en accroissant ou en diminuant
le poids. De ce système détruit, il subsistait cependant une
idée essentielle, car il est certain que la combustion et la
formation des gaz qui l'accompagnent impliquent autre chose
que la simple pesée des matières mises en jeu dans l'expé-
rience. Lavoisier avait cherché à s'expliquer ces phénomènes
par une conception nouvelle, de caractère mixte et qui con-
servait encore quelque trace des anciens préjugés. Pour lui,
les effets de la combustion et le feu qui l'accompagne
étaient dus à la séparation d'une matière spéciale, matière
d'un caractère particulier et impondérable, la matière du
feu ou fluide igné, dont la combinaison avec la matière pon-
dérable de l'oxygène, de l'hydrogène, de. l'azote, etc.,
constitue, disait-il, ces gaz dans leur état présent. Lorsque
le gaz oxygène se combine aux métaux et aux corps com-
bustibles, il se sépare de la matière de la chaleur, à laquelle
il était combiné précédemment et qui le maintenait à l'état
aériforme. La combustion devenait ainsi un véritable phé-
nomène de substitution, opérée entre la matière impondé-
rable du feu qui s'échappe avec flamme, chaleur et lumière,
et la matière pondérable du soufre, du phosphore, ou du
charbon, qui demeure combinée avec la base, pondérable
aussi, de l'oxygène. Les mêmes phénomènes se produisent,
mais avec plus de lenteur, dans la calcination des métaux
et dans la respiration des animaux.
Cependant, à côté de cette conception matérialisée du
feu, Lavoisier en signalait une autre, déjà courante de son
temps et par laquelle son collaborateur, le mathématicien
Laplace, insistait particulièrement. D'après ces savants,
« d'autres physiciens pensent que la chaleur n'est que le
résultat d'un mouvement insensible des molécules de la
matière. On sait que les cprps, même les plus denses, sont
remplis d'un grand nombre de pores ou de petits vides...
Ces espaces vides laissent à leurs parties insensibles la
liberté d'osciller dans tous les sens, et il est naturel de
penser que ces parties sont dans une agitation continuelle,
qui, si elle augmente jusqu'à un certain point, peut les
désunir et décomposer les corps : c'est ce mouvement intestin,
qui, suivant les physiciens dont nous parlons, substitue la
chaleur. » Ce point de vue a prévalu de notre temps : il est
la base de la théorie mécanique de la chaleur dont les pro-
grès embrassent aujourd'hui tout l'ensemble des sciences
physiques. Déjà Laplace et Lavoisier en avaient aperçu la
portée dans les phénomènes de la combustion, en appliquant
à la théorie de la chaleur le principe purement mécanique
de la conservation des forces vives, principe qui devient
applicable si la chaleur est regardée comme la force vive
résultant des mouvements insensibles des molécules des
corps. C'est ainsi que le feu, envisagé autrefois comme une
substance matérielle, douée d'une existence propre, est
devenu pour la science moderne un pur phénomène , par
suite d'une révolution dans les idées, non moins profonde
au point de vue physique qu'au point de vue philoso-
phique. M. Berthelot.
III. Géologie. — Feu central (V. Terre).
IV. Météorologie. — Feu follet. — Lueur erratique
qu'on voit planer, la nuit, au-dessus des endroits ma-
récageux et des cimetières. Le feu follet a l'aspect d'une
flamme vacillante terminée par une aigrette irrégulière
qui rappelle vaguement la couronne d'une grenade, il se
montre de préférence en automne par un temps calme.
Son apparition est un objet de frayeur pour les campa-
gnards qui croient y voir une âme en peine. Tous les
ouvrages contemporains considèrent le feu follet comme
une exhalaison enflammée. Les chimistes sont du même
avis ; ^ d'après eux , le feu follet provient des matières
organiques en décomposition, qui dégagent de grosses
bulles de gaz hydrogène phosphore, PhH3, rendu spon-
tanément inflammable à l'air par une faible quantité
d'hydrogène phosphore liquide, PhH2. Cette explication,
vraie quant à la substance du feu follet, — témoin l'odeur
de phosphore que ce météore laisse quelquefois après lui,
— ne concorde pas jusqu'au bout avec les faits. En réa-
lité, le feu follet n'est pas une lueur instantanée ; il peut
briller dix, vingt, trente secondes et même, quoique rare-
ment, plusieurs minutes ; il ne produit pas de fumée ; il
n'enflamme pas ; il ne roussit même pas les herbes sèches
sur lesquelles il se pose. On doit nécessairement admettre
que, dans le gaz qui constitue le feu follet, la proportion
d'hydrogène phosphore liquide est trop faible pour amener
l'inflammation spontanée à l'air et que le météore brille
seulement par phosphorescence.
Feu Saint-Elme. —Aigrette lumineuse, parfois de grande
dimension, qu'on voit briller, en temps d'orage ou de tem-
pête, aux pointes des mâts et des vergues ou le long des
cordages. Les anciens appelaient Castor et Polluoc une
aigrette double, qu'ils considéraient comme de bon augure;
une flamme simple était pour eux un mauvais présage et
ils l'appelaient Hélène, d'où le nom de feu « Sainte-Hélène»,
qui s'emploie encore. Au moyen âge, c'était le feu « Saint-
Erasme », que les marins italiens' appelèrent Eramo, puis
Ermo et Elmo. On sait que saint Erasme était, dans les
idées des chrétiens du moyen âge, un des quinze grands
protecteurs de l'Occident. Ce phénomène s'explique facile-
ment par la propriété qu'ont les pointes de laisser échapper
l'électricité sous la forme visible d'une aigrette. Il se ma-
nifeste souvent ailleurs que sur mer, par exemple aux
sommets des toits et des arbres, aux pointes des rochers,
parfois même au bout des brins d'herbe.
E. Durand-Gréville.
V. Technologie. — En terme de machines, on ap-
pelle feu poussé la chauffe activée par tous les moyens
propres à augmenter la production de vapeur d'une
chaudière. Dans le feu modéré ou retenu, au contraire,
la chauffe est moyenne ou lente en raison de la quantité
de vapeur nécessaire au fonctionnement de la machine. Il
y a toujours avantage, au point de vue économique, à avoir
un plus grand nombre de foyers allumés que celui stricte-
ment indispensable pour la marche de la machine, attendu
que, dans ce cas, on n'est pas obligé d'ouvrir aussi fré-
quemment le fourneau et conséquemment de laisser passer
au-dessus de la couche de combustible un grand volume
d'air froid qui abaisse la température de la chaudière, que
les gaz s'échappent dans l'atmosphère à une température
moins élevée, enfin, que l'on produit moins d'escarbilles
puisque le combustible est moins remué que dans le feu
poussé. La boîte à feu est la partie arrière de la chaudière
à la suite de la grille et de l'autel, dans laquelle passent
la flamme et les gaz chauds d'un fourneau, pour se dissi-
per ensuite dans l'atmosphère par la cheminée. L. K.
VI. Céramique. — Grand feu. — Suivant la nature
de la pâte céramique, le chauffage des fours clans lesquels
s'opère la cuisson demande une température plus ou moins
élevée (V. Céramique, t. IX, p. 1487). Telle poterie cuit
à une très basse température, comme les terres cuites sans
glaçures à surface mate qui fondent à 40° du pyromètre
de Wedgwood : c'est le petit feu : d'autres , les biscuits,
cuisent du rouge cerise au rouge blanchâtre : c'est le demi-
grand feu; lesdernières, enfin, les grès, les porcelaines dures,
kaoliniques et feldspathiques peuvent subir sans altérations
140° du pyromèlre de Wedgwood : c'est le grand feu. Pour
arriver à ces hautes températures, sans briser les objets,
— 36? -
FEU
l'encastage demande des précautions infinies. La cuisson
dure de 75 à 100 heures. Il est facile de comprendre que
toutes les couleurs décoratives fusibles ne peuvent exister
à ces hautes températures. Celles qu'on peut employer, et
qui pour cela portent le nom de couleurs de grand feu,
sont le bleu de cobalt, le vert de chrome, les bruns de fer,
de manganèse, de chromate de fer, les jaunes d'oxyde de
titane, les noirs d'urane, enfin quelques couleurs qui fondent
en se dénaturant et produisent, sous l'influence de la flamme,
les flambés chinois. F. de M.
VII. Mines. — Feu grisou (V. Grisou).
VIII. Pyrotechnie. — Feu d'artifice, Feu de Bengale
(V. Artifices).
Feu grégeois.— Le feu grec ou grégeois a été inventé par
les Byzantins : sa découverte fut l'un des premiers fruits
militaires de la chimie naissante. Son efficacité, reconnue
par la destruction des flottes des Arabes et des Russes, le
mystère qui en entoura la fabrication, enfin les exagéra-
tions intéressées des Byzantins, qui le mirent en œuvre et
furent les seuls à s'en servir pendant quatre ou cinq cents
ans, tout contribua à l'entourer d'une sorte d'auréole de
terreur, qui a traversé les âges et est venue jusqu'à nous.
L'historien Lebeau, reproduisant sans critique les contes
des gens de Gonstantinople, expose gravement que « le feu
grégeois brûlait dans l'eau ; il dévorait tout ; ni les pierres,
ni le fer même ne résistaient à son activité. Lorsqu'on se
servait d'arbalètes ou de balistes, on en jetait alors une
prodigieuse quantité, qui, traversant l'air avec la splen-
deur de l'éclair et le bruit du tonnerre, embrasait avec une
horrible explosion des bataillons, des édifices entiers, des
navires. » On attribua môme la propriété inextinguible,
non seulement à la composition incendiaire, mais aux em-
brasements qui en provenaient.
Ce fut lors du siège de Constantinople par les Arabes,
en 673, vers la cinquième année du règne de Constantin III,
qu'un transfuge, venu des pays occupés par les musulmans,
Callinicus, architecte d'Héliopolis (en Syrie, d'après les
uns; en Egypte, d'après d'autres), apporta aux Grecs le feu
grégeois : il en fut réputé l'inventeur. Grâce à cette décou-
verte, la flotte arabe fut incendiée et détruite à Cyzique.
Au cours des siècles suivants (936), une flotte russe,
dirigée contre Constantinople, fut anéantie de la même
manière : « C'est alors, dit le chroniqueur russe Nestor,
qu'armé d'un feu ailé et au moyen d'un certain tuyau, le
général grec lance la flamme sur les navires russes : spec-
tacle aussi effrayant qu'extraordinaire. Les Russes, à l'as-
pect de ce feu magique, se précipitent à la mer pour
échapper à son atteinte et parviennent, en très petit nombre,
à regagner leur pays. » On le lançait sur les vaisseaux
ennemis au travers des gueules d'animaux sauvages, figu-
rées en métal doré pour augmenter la terreur. Jusqu'au
xe siècle, d'ailleurs, l'emploi du feu grégeois paraît limité
aux guerres navales. Tout au plus était-il projeté sur les
habitations situées au bord de la mer. L'usage du feu gré-
geois et des compositions incendiaires multiples résumées
sous ce nom se répandit alors de plus en plus. Non seu-
lement on l'appliquait dans les sièges, à la façon des Grecs
et des Romains, et dans la guerre navale, à la manière
des Byzantins ; mais les musulmans, c.-à-d. les Persans
et les Turcs, qui combattaient les croisés, mirent en œuvre
le feu grégeois dans la guerre de campagne. Ils attachaient
des compositions incendiaires à tous leurs traits, armes
d'attaque ou machines de guerre. Ils lançaient à la main
des pots à feu, en terre ou en verre, qui se brisaient en
couvrant l'ennemi de feu ; ils l'aspergeaient de feu, avec
des bâtons creux et des massues. Au moment des croisades,
les chevaliers latins qui combattaient en Syrie et en Egypte
eurent à lutter contre le feu grégeois, dont le secret s'était
répandu chez les musulmans. L'emploi de ce procédé scien-
tifique, contre lequel la force brutale et la supériorité des
armes manuelles étaient impuissantes, leur inspira un
extrême effroi. Joinville décrit avec une épouvante naïve
les effets du feu grégeois, projeté sur les soldats de saint
Louis en Egypte par les Sarrasins. C'était là, aux yeux
des hommes de ce temps, un artifice infernal et magique,
contraire à la loyauté.
Cependant les terreurs excitées par le feu grégeois se
calmèrent peu à peu. On reconnut qu'il était peut-être plus
effrayant qu'efficace et on l'employa peu en Occident, jus-
qu'au jour où il fut rejeté partout au second plan, aux
xiYe et xv® siècles, par la découverte de la poudre à canon,
dont la puissance était bien autrement redoutable. Il con-
tinua pourtant à être employé jusqu'au xvie siècle ; presque
tous les traités de pyrotechnie du temps en donnent la
composition et l'emploi ; puis il tomba dans un oubli pro-
fond. C'est sous forme légendaire que sa réputation repa-
raît au xvme siècle, à la suite des récits merveilleux de
Lebeau et autres historiens naïfs. On crut alors que le
secret du feu grégeois était perdu, et plus d'un inventeur
prétendit le retrouver. Ce fut le cas d'un nommé Dupré, à
qui Louis XV acheta sa découverte en 1758. On répandit
le bruit officiel que la sagesse de ce monarque, ami de l'hu-
manité, avait replongé dans l'oubli cette puissante inven-
tion. Une nouvelle légende que nous lisons dans quelques
auteurs de la fin du xvme siècle dit même que l'auteur
aurait été enfermé à la Bastille, pour mieux assurer le
secret. En réalité, les essais du procédé furent poursuivis
par l'administration de la marine. Dans une expérience faite
au Havre en 1758, avec une pompe à huile de naphte,
dont le jet était enflammé par une mèche allumée, on brûla
même une chaloupe. Nous avons vu reproduire de sem-
blables essais sous la direction du général Trochu, dans
le bois de Boulogne, pendant le. siège de Paris. En tout
cas, c'est à ces imaginations que nous devons la première
publication et la meilleure qui ait été faite jusqu'ici du
Livide des feux, de Marcus Grœcus. Napoléon, ayant
entendu dire que cet ouvrage, encore manuscrit, renfer-
mait le secret du feu grégeois, le fit imprimer par un
savant du temps, La Porte du Theil, en 1804.
Le feu grégeois se projetait par des tubes métalliques, en
forme de seringues, placés à l'avant des navires ou portés à
la main : ce qui ne pouvait avoir lieu qu'à une courte distance
et avec une mer tranquille. On le lançait aussi, contenu dans
des barils ou gros récipients, à l'aide de perrières et arba-
lètes à tour, au temps de saint Louis. Sa flamme était
susceptible d'être dirigée en tout sens, même de haut en
bas, ce qui permettait de la darder à volonté sur un homme
ou sur un objet ; propriété alors nouvelle et effrayante,
mais qui appartient à tout mélange où le combustible est
mélangé avec un comburant tel que le salpêtre. On ne
l'éteignait pas avec l'eau, mais en projetant dessus du sable,
de la terre, en y injectant de l'urine, du vinaigre ou plu-
tôt de la saumure, chargée de matières salines qui laissent
en s' évaporant à la surface des objets enflammés un enduit
incombustible.
Examinons de plus près les effets du feu grégeois. Parmi
^eux que les historiens décrivent, il en est certains qui
appartenaient déjà aux anciennes compositions incendiaires,
dont la tradition vint se confondre avec la sienne ; mais il
en est d'autres qui impliquent l'intervention d'un agent
nouveau, je veux dire le salpêtre, susceptible d'entretenir
la combustion, même à l'abri de l'air, et de lui donner
cette intensité extraordinaire, cette lumière, ce caractère
bruyant, cette faculté de projeter la flamme en tous sens,
qui frappèrent si vivement les contemporains et qui firent
du feu grégeois une arme nouvelle et plus redoutable
contre les machines et les vaisseaux. En réalité, c'était une
masse d'artifice, formée de salpêtre, de soufre et de résine
et d'autres matières combustibles aisément fusibles. De
semblables mélanges recèlent, en outre, des effets explo-
sifs particuliers ; mais ces effets ne furent pas soupçonnés
d'abord : ce n'est qu'à la suite d'une longue pratique que
Ton fut amené, par l'empirisme, à les reconnaître et à en
tirer parti. Le feu grégeois disparut alors, par suite des
progrès mêmes amenés par sa connaissance plus approfon-
die. Mais ces progrès furent d'autant plus lents que la
FEU — 368 —
composition du feu grégeois était tenue soigneusement
secrète par les Byzantins. La fabrication même, d'après
Cedrenus, était un monopole réservé à une famille.
Le salpêtre était confondu par les anciens avec desefflo-
reseences salines très diverses, telles que chlorure de so-
dium, sulfate de soude, carbonate de soude, réunies par
eux sous les "noms de fleur de natron ou de nitre, ou
plus simplement nitrum. Le hasard aura sans doute ré-
vélé à quelque manipulateur la propriété comburante de
l'efflorescence spéciale qui constitue notre salpêtre, et elle
sera demeurée plus ou moins longtemps à l'état de secret
de magie ou de prestidigitation, jusqu'au jour où un inven-
teur plus hardi en fit un artifice de guerre.
Callinicus, au vne siècle, fut le propagateur de la dé-
couverte du salpêtre et de ses propriétés comburantes ;
mais les Grecs la conservèrent soigneusement cachée.
C'était là un secret d'Etat. Vers le temps des croisades, le
secret tomba, comme il finit par armer inévitablement,
dans le domaine public. Il fut connu des musulmans, qui
en généralisèrent l'emploi dans la guerre de campagne,
ainsi qu'il a été dit plus haut : la composition du feu gré-
geois se trouve dès lors décrite en détail dans les écri-
vains arabes du xuie siècle. A la même époque, elle fut
aussi exposée en Occident, par Marcus Graecus, Roger
Bacon, le faux Albert le Grand, etc., copiés d'âge en âge
jusqu'aux traités imprimés du xvie siècle, qui la décrivent
amplement. Bref, le feu grégeois était pleinement connu
au xvie siècle, et les formules en étaient demeurées à peu
près les mêmes depuis les Arabes, lesquels ont reproduit
sans doute les prescriptions tenues secrètes par les Byzan-
tins. Ces formules renferment les mêmes éléments que les
mélanges incendiaires des anciens, à un ingrédient près, le
salpêtre : mais cette addition est capitale, car elle permet-
tait au feu grégeois une fois enflammé de continuer à brû-
ler, quelle que fût la vitesse du projectile, de brûler aussi
sans avoir le contact de l'air et même sous l'eau et de ne
pouvoir être éteint ou étouffé qu'avec une extrême diffi-
culté. Les cordeaux d'artifice qui servent aujourd'hui à
mettre le feu à la poudre sont constitués par des compo-
ditions analogues, et ils ne peuvent être interceptés qu'en
les coupant. Si l'on essaye de les éteindre autrement, ils ne
continuent pas moins à brûler jusqu'à ce qu'ils aient at-
teint la poudre. C'est par de telles propriétés que le feu
grégeois avait constitué un engin nouveau et terrible, très
supérieur aux compositions antérieures. Mais, tout en don-
nant aux procédés d'attaque par le feu un développement
et une supériorité inconnus jusque-là, il avait continué à
être appliqué aux mêmes armes. Sa puissance a duré ainsi
jusqu'au jour où l'emploi des mélanges nitrates qui en for-
maient la base a conduit à découvrir et à utiliser l'énergie
propulsive des agents chimiques, énergie ignorée des an-
ciens et dont le mouvement propre de la fusée avait com-
mencé à donner une idée. Ce jour-là, une révolution plus
profonde a fait disparaître les machines de guerre usitées
depuis deux mille ans et subir à Part militaire, sur terre
et sur mer, des transformations dont le terme n'est pas
encore atteint de nos jours. M. Berthelot.
IX. Art militaire. — Commandement d'exécution dans
les tirs. Par extension, on appelle feux le tir lui-même. On
distingue en tactique les feux de mousqueterie et les feux
d'artillerie. Les deux principales sortes do feux avec le
fusil d'infanterie sont : le feu à volonté, dans lequel chaque
soldat tire, charge et continue à tirer sans interruption, et
le feu de salve, dans lequel l'unité désignée, bataillon, com-
pagnie, escouade, ne tire qu'au commandement. Les deux
espèces de feux les plus usitées pour le canon sont : le feu
par pièce et le feu par salves de batterie. Au point de vue
tactique, le feu est opposé au choc. Le feu produit, dans
la tactique actuelle, beaucoup plus d'effets meurtriers que
le choc. Au feu du fusil correspond un nombre de bles-
sures beaucoup plus élevé qu'au feu du canon. Il n'entre
pas dans le cadre de cet article de donner beaucoup de
chiffres; il suffit de rappeler que, sur les 127,820 blessés
de l'armée prussienne en 1870, il y en a eu 88 °/0 par le
fusil, 10 °/0 par le canon, 2 °/0 par l'arme blanche ; il
suffit d'indiquer l'accroissement constant du pour cent des
blessures dues au fusil dans diverses guerres de la seconde
partie du xixe siècle et rabaissement correspondant des
blessures faites à l'arme blanche pour comprendre le rôle
prépondérant du feu dans la tactique actuelle. L'introduc-
tion des armes à répétition avec poudre sans fumée avec
vitesses initiales supérieures à 600 m. devra exagérer
encore dans la guerre future la puissance des feux de mous-
queterie : l'introduction éventuelle des perfectionnements
analogues dans le service du canon pourra à peine com-
penser une partie des effets du fusil actuel à cause de la
vulnérabilité relative des deux armes. Au point de vue de
la.tactique actuelle, on distingue souvent le feu d'ensemble,
qui bat une zone de terrain considérable avec des hausses
échelonnées, du feu ajusté. Avec les qualités actuelles du
fusil, les feux d'ensemble à grande distance pourront, dans
certaines circonstances déterminées, exercer des effets
extrêmement meurtriers et comparables à ceux du canon.
Pour ce qui distingue l'artillerie placée sur les vaisseaux,
les règlements distinguent : le feu de bordée, où toutes
les bouches à feu d'un seul bord tirent simultanément, le
feu de batterie, le feu de division ou de demi-batterie, le
feu de section. Ces quatre sortes de feux d'ensemble sont
moins usités que le feu de file, où chaque pièce tire après
celle qui la précède vers l'avant, et que le feu à volonté.
On prévoit aussi le feu des deux bords, où les servants
courent successivement d'un bord à l'autre pour mettre
en batterie alternativement les pièces de l'un et de l'autre
bord. Ce feu, qui est très pénible, est usité dans le cas où
le vaisseau est pris entre deux feux. Enfin le feu conver-
gent ou feu concentré consiste à faire tirer toutes ensemble
les bouches à feu d'un seul bord comme dans le feu de
bordée, cela à un signe convenu, donné au moment où le
navire présente à l'objectif ses diverses bouches à feu qui,
au préalable, ont été pointées géométriquement sur l'ob-
jectif qu'elles doivent battre. P. Marin.
X. Marine. — Un des plus grands dangers de la navi-
gation, sans contredit, est l'abordage entre deux bâtiments,
surtout depuis que le tonnage et la vitesse ont considéra-
blement augmenté. Il en résulte au choc une force vive
MV2 (M, masse ou poids du navire; V2, carré delà vitesse
exprimée en mètres par seconde) à laquelle les plus puis-
santes constructions maritimes ne peuvent résister. Les
diverses puissances maritimes se sont préoccupées de cet
état de choses, et, pour y remédier dans la limite du pos-
sible, ont adhéré à certaines règles à la suite d'un congrès
international qui a fixé les feux que devaient porter les
bâtiments entre le coucher et le lever du soleil, règles
applicables depuis le 1er sept. 1884. — En voici les prin-
cipaux articles :
Art. 3. Tout navire à vapeur, de mer, quand il est en
marche, doit porter : A. Sur le mât de misaine ou en
avant du mât de misaine, à une hauteur d'au moins 6 m.
au-dessus du plat-bord, et si la largeur du navire est de
plus de 6 m., à une hauteur au-dessus du plat-bord au
moins égale à la largeur du navire, un feu blanc brillant,
construit de manière à fournir une lumière uniforme et
sans interruption sur tout le parcours d'un arc horizon-
tal de vingt quarts, ou rumbs de vent. Il devra être fixé
de telle sorte que la lumière se projette de chaque côté
du navire depuis l'avant jusqu'à deux quarts sur l'ar-
rière de travers. La portée de ce feu devra être assez
grande pour qu'il soit visible à 5 milles de distance et
par une nuit sombre, mais atmosphère sans brume, pluie,
brouillard ou neige. — - B. A tribord, un feu vert établi
de manière à projeter une lumière uniforme et sans inter-
ruption sur tout le parcours d'un arc horizontal de dix
quarts de compas, compris entre l'avant du navire et deux
quarts de l'arrière de travers à tribord. Il doit avoir une
portée telle qu'il soit visible à au moins 2 milles de
distance, par une nuit sombre, mais atmosphère sans
brume, pluie, brouillard ou neige. — C. A bâbord, un feu
rouge établi de manière à projeter une lumière uniforme
et sans interruption sur tout le parcours d'un arc hori-
zontal de dix quarts de compas, compris entre l'avant du
navire et deux quarts de l'arrière de travers à bâbord ; il
doit avoir une portée telle qu'il soit visible à au moins
2 milles de distance par une nuit sombre, mais atmosphère
sans brunie, pluie, brouillard ou neige. — D. Ces feux de
côté, vert et rouge, doivent être pourvus, du côté du na-
vire par rapport à eux, d'écrans se projetant en avant
d'au moins 0m91 , de telle sorte que leur lumière ne puisse
pas être aperçue de tribord devant pour le feu rouge et de
bâbord devant pour le feu vert.
Art. 4. Tout navire à vapeur qui remorque un autre
bâtiment doit porter, outre ses feux de côté, deux feux
blancs brillants placés verticalement à 0m91 de distance au
moins l'un au-dessus de l'autre, afin de le distinguer des
autres bâtiments à vapeur. Chacun de ses feux doit être
du même genre et installé de la même manière que le feu
blanc brillant porté au mat de misaine par les autres
navires à vapeur.
Art. 5. A. Tout navire à voile ou à vapeur qui, pour une
cause accidentelle, n'est pas libre de ses mouvements, doit :
si c'est pendant la nuit, mettre à la place assignée au feu
blanc brillant, que les bâtiments à vapeur sont tenus
d'avoir en avant du mât de misaine, trois feux rouges
placés dans des lanternes sphèriques d'au moins 0m25 de
diamètre et disposés verticalement à une distance l'une
de l'autre d'au moins 0m91. Ils doivent avoir une telle
portée qu'ils soient visibles à au moins 2 milles de
distance par une nuit noire, mais atmosphère pure. —
B. Tout navire à voiles ou à vapeur employé soit à poser
ou à relever un câble télégraphique, doit : si c'est pendant
la nuit, mettre à la place assignée au feu blanc brillant
que les bâtiments à vapeur sont tenus d'avoir en haut du
mât de misaine, trois feux placés dans des lanternes sphè-
riques d'au moins 0m25 de diamètre et disposées verticale-
ment à une distance l'une de l'autre d'au moins lm82. Le
feu supérieur et le feu inférieur devront être rouges; celui
du milieu devra être blanc, et les feux rouges devront
avoir la même portée que le feu blanc. — C. Les navires
cités dans cet article ne doivent pas avoir les feux de côté
allumés lorsqu'ils n'ont aucun sillage ; ils doivent, au con-
traire, les tenir allumés lorsqu'ils sont en marche, soit à
la voile, soit à la vapeur.
Art. 6. Tout navire à voile qui fait route ou est remorqué
doit porter les feux indiqués par l'art. 3 pour un bâtiment
à vapeur en marche, à l'exception du feu blanc qu'il ne
doit avoir en aucun cas.
Art. 8. Tout navire, soit à voile, soit à vapeur, doit,
lorsqu'il est au mouillage, avoir un feu blanc dans une
lanterne sphérique d'au moins 0m<20 de diamètre, placé
le plus en vue possible à une hauteur au-dessus du plat-
bord qui n'excède pas 6 m.; ce feu doit montrer une lu-
mière claire, uniforme, sans interruption, et visible tout
autour de l'horizon à une distance d'au moins 1 mille.
Art. 9. Les bateaux-pilotes, quand ils sont sur leur sta-
tion de pilotage pour leur service, ne doivent pas porter
les mêmes feux que les autres navires : ils doivent avoir à
la tête du mât un feu blanc visible tout autour de l'ho-
rizon ; ils doivent également montrer, à de courts inter-
valles ne dépassant pas quinze minutes, un ou plusieurs
feux à éclats.
Art. 10. Les embarcations non pontées et les bateaux
de pêche de moins de 20 tonneaux (jauge nette) étant en
marche sans avoir leurs filets, chaluts, dragues, ou lignes
à l'eau, ne seront pas obligés déporter les feux de couleur
de côté : mais, dans ce cas, chaque embarcation ou chaque
bateau devra, en leur lieu et place, avoir prêt sous la main
un fanal muni sur l'un des côtés d'un verre vert, et sur
l'autre d'un verre rouge, et s'il s'approche d'un navire ou
en voit approcher un, il devra montrer ce fanal assez à
temps pour prévenir un abordage, et de manière que le feu
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 369 — FEU
vert ne soit pas vu de bâbord, ni le feu rouge sur le côté
de tribord.
Art. 11. Un navire qui est rattrapé par un autre bâti-
ment doit montrer au-dessus de sa poupe un feu blanc à
éclats destiné à avertir le navire qui approche.
XI. Pêche. — La pêche au feu est formellement inter-
dite en rivière ; elle est également prohibée en eau salée
dans les premier, second et troisième arrondissements
maritimes ; dans le quatrième arrondissement elle est per-
mise pendant toute l'année avec une foène à sept dents
écartées de 27 millim. et avec des filets à mailles de 40 mil-
Uni. de côté ; dans le sixième arrondissement (Méditerra-
née), la pêche au feu est permise avec une foene dont les
dents ont 23 millim. d'écartement.
XIÎ. Mœurs et coutumes. —Feux de joie. —- Depuis
les temps les plus anciens, les feux de joie ont été pour le
peuple un signe de réjouissance. Les plus connus qui se
sont perpétués jusqu'à nos jours, dans les campagnes, sont
les feux de la Saint-Jean (24 juin) que les paysans allu-
maient, dit-on, pour fêter l'entrée du soleil dans le solstice
d'été (V. Fête). D'une manière générale, on peut y recon-
naître un vestige du culte du soleil. Dans l'antiquité, les
Grecs allumaient des feux de joie et des torches aux fêtes
de Prométhée, de Bacchus, de Cérès, etc. A Rome, Servius
Tullius, au moment des semailles, prescrivit un jour de repos
pendant lequel on allumait de grands feux de paille : c'étaient
les sementina. Le peuple sautait par-dessus les feux. Ces
usages ont passé du monde païen au monde chrétien et se
sont perpétués. Sauvai, dans les Antiquités de Paris, décrit
le feu qu'on allumait sur la place de Grève la nuit de la
Saint-Jean. Après l'invention de la poudre, on y joignit des
feux d'artifice et parfois on brûlait des animaux tels que
des chats. Dans les campagnes, les paysans allumaient des
bures ou brandons à l'époque du carême. Ils parcouraient
les campagnes avec des torches. De nos jours, les feux de
la Saint- Jean sont restés très populaires. En Bretagne, les
habitants allument cette nuit-là des bûchers sur toutes les
collines et dansent autour : un tison du feu se suspend au
chevet du lit entre la branche de buis bénit et le gâteau
des rois ; il porte bonheur. Dans le Poitou, on allume avec
un cierge bénit un bourrelet de paille fixé le long de la roue
d'une charrette que l'on promène dans la campagne : les
champs éclairés par la lueur passent pour être fertilisés.
Dans beaucoup de pays, en Italie par exemple, les feux
de la Saint-Jean sont restés traditionnels ; à leur occasion
on célèbre des fêtes pittoresques. Ph. B.
XIII. Liturgie. — Feu nouveau (V. Cierge).
XIV. Médecine. — Feu sacré (V. Ardents [Mal des]).
Feu d'herbe (V. Ebullition).
XV. Théâtre. — Ce qu'on appelle feu, au théâtre, est
une sorte de gratification qui est attribuée à un comédien,
en dehors de ses appointements fixes, chaque fois qu'il
joue. Le feu est d'ailleurs expressément stipulé dans l'en-
gagement, et il est parfois de tant pour un acte, tant pour
deux actes, tant pour trois actes, comme parfois il est fixe
quel que soit le nombre d'actes dans lequel paraisse l'artiste.
Son importance varie, naturellement, selon l'importance
et la notoriété de celui-ci, et le feu de tel comédien sera
de 5 ou de 10 fr. par soirée, tandis que celui de tel autre
atteindra le chiffre de 50 ou de 100 fr. Pour certains, le
total des feux d'une année dépasse, et de beaucoup, le
chiffre des appointements réels. On croit que cette coutume
vient de ce que, autrefois, une légère indemnité était ac-
cordée à l'acteur, chaque fois qu'il jouait, parce qu'il devait
fournir lui-même la chandelle, c.-à-d. le feu qui éclairait
sa loge. Plus tard, les administrations théâtrales fournis-
sant elles-mêmes cette lumière, ce feu, certains comédiens
transformèrent cette indemnité en une gratification qu'ils
continuèrent d'exiger chaque fois qu'ils devaient paraître
devant le public. A. Pougin.
Bibl. : Ethnographie. — Tylor, Primitiv Culture ; Lon-
dres, 1891, 2 vol. in-8,' 3e édition (la traduction française
a été faite sur la 2e édition, en 1876, par Mme Brunet). —
u
FEU — 370
W. Hough, The Methods of Fire-Making, Report of the
U. S. National Muséum for 1890; Washington, 1892, p. 395.
FEU (Terre de). Situation, Limites, Côtes, Iles, Canaux,
Etendue, Aspect. — Terre ou mieux archipel de l'Amé-
rique du Sud, au S. du détroit de Magellan, faisant
partie des terres magellaniques et comprenant lui-même,
au S. du canal du Beagle, l'archipel de Horn. Cet amas
d'îles est situé entre les lat. S., 52° 27' 40" (cap d'Orange)
et 55° 58' 40" (cap Horn) et les long. 0. 67° 26' (cap San
Diego) et 77° 6/ (cap Pillar). Ses bornes sont, au N., le
détroit de Magellan, en forme de V très ouvert, dont la
branche N.-E., ayant son entrée sur l'Atlantique, entre
la pointe Sainte-Catherine et le cap des Vierges, la sépare
du # continent américain, depuis ce cap jusqu'au cap Fro-
ward, et dont la branche N.-O. la sépare de ce même
continent jusqu'à son ouverture sur le Grand Océan, entre
les caps Victory et Pillar. Les deux océans l'environnent
dans les autres directions. Si l'on y comprend la Terre des
Etats, dont le détroit de Lemaire l'en sépare au S.-E.,
la long. 0. est reportée à 66° 20'. Cette extrémité de l'Amé-
rique, voire même la côte occidentale jusqu'à l'île Chiloé,
est corrodée et formée d'une multitude d'îles que séparent
des canaux tortueux aux eaux profondes : le cap Horn n'est
que l'extrémité d'un îlot le plus méridional ; les canaux
sont des vallées sous-marines, des fjords souvent à double
entrée. Les principales îles sont celles de la Désolation, de
Santa-Inès, séparée par la baie Otway et par des chenaux
de la précédente, avec laquelle on l'avait confondue en une
seule terre (V. Désolation), de Clarence, de Dawson et de
la Terre de Feu proprement dite. Celle-ci, avec ses trois
angles, cap Espiritu-Santo au N., pointe de la presqu'île
de Brecknock à l'O., cap San-Diego à l'E., a son côté occi-
dental fort inégal. Entre l'île Dawson et la Terre de Feu,
un large canal se continue dans les terres sous le nom de
Admiralty-Sound ; en remontant, sur cette même côte,
vers le N., on rencontre la baie Inutile, les baies Gente-
Grande, Felipe, Lomas, les deux dernières ouvertes au N. ;
son côté oriental est uniforme, sauf la portion où est
creusée la grande baie de Saint-Sébastien ; son côté méri-
dional, assez uniforme aussi, est séparé par le canal du
Beagle de l'archipel particulier de Horn. Ici, on distingue
les îles Stewart, Londonderry, Gordon, Hoste, dont la
presqu'île Hardy se termine par le faux cap Horn, Navarin,
THermite, Wollaston, enfin l'île Horn. Au large, du côté
du Grand Océan, est le petit archipel, non compris dans le
précédent, de Diego-Ramirez, 56° 30' lat. S. — Pourtour
méridional, du cap Pillar au cap San-Diego, 850 kil. ;
côte orientale, de ce cap à celui de Espiritu-Santo, 345 kil. ;
pourtour septentrional, entre ce dernier cap et le cap
Pillar, 585 kil. La côte occidentale de la Terre de Feu
proprement dite, du cap Espiritu-Santo à la pointe de la
presqu'île de Brecknock, a 450 kil. ; sa côte méridionale,
465 kil. ; la ligne N.-S. (71° long. 0.) du cap Espiritu-
Santo au milieu du canal du Beagle compte 255 kil. :
c'est cette ligne qui divise conventionnellement l'île en
deux moitiés à peu près égales, la portion orientale attri-
buée à la République argentine ainsi que la Terre des
Etats, la portion occidentale appartenant au Chili avec
toutes les autres îles.
Relief. — L'archipel magellanique ressemble à un pays
de montagnes qui aurait été en partie submergé. Presque
toutes les îles sont formées de rochers noirs, arides et sau-
vages. Les monts, dont l'ait, atteint 4,000 et 2,000 m.,
sont couverts, à partir d'une certaine hauteur (1,050 m.),
de neiges éternelles ; leurs cimes sont aiguës, dentelées et
offrent des champs désolés de blocs détachés ; sur leurs
flancs, tantôt des forêts au feuillage sombre, tantôt des
glaciers, descendent jusqu'à la mer, parfois les falaises
noirâtres sont nues et verticales. Un petit nombre d'îles
et certaines parties des plus grandes terres, notamment
les rivages au N. de la Terre de Feu, sont constituées par
des terrains bas et tourbeux ; la partie septentrionale de
cette dernière île offre de grandes plaines, qui sont comme
la continuation des pampas de la Patagonie ; dans la partie
centrale, les plaines se resserrent entre d'onduleuses sierras
boisées, formant comme un vaste parc, traversé par des rios
impétueux ; la partie méridionale est très accidentée ; au
S.-E., c'est la forêt vierge antarctique, avec de nombreuses
fondrières. Ces caractères généraux concourent avec le cli-
mat brumeux à donner un aspect triste à cette région extrême
de l'Amérique australe. Telle est surtout l'impression qu'en
ont ressentie les premiers navigateurs. Les chaînes de mon-
tagnes suivent la direction principale des îles, d'ordinaire de
O.-N.-O. à E.-S.-E. Dans la Terre de Feu, on observe plu-
sieurs chaînes, telles que : une chaîne côtière au N. ; une
autre transversale, qui, du cap Boqueron, où elle s'élève
brusquement à 500 m., s'abaisse jusqu'au niveau de la
mer, au cap Espiritu-Santo, envoyant dans son parcours
des chaînons avec des ait. de 400 m.; une chaîne occi-
dentale N.-O. -S.-E. vient converger avec celle orientale ou
Cordiliera de los Nodales, au cap San-Diego, près duquel
sont les Trois-Frères, hauts de 500 m. ; là, vient con-
verger aussi la chaîne méridionale qui suit, de l'O. à l'E.,
la côte du canal du Beagle, et où l'on remarque le pic
Français, de 2,450 m. ; le pic Anglais, des monts Darwin,
termine en ce point une autre chaîne de montagnes plus
élevées (2,200 m.), avec de nombreux glaciers, qui vient
de FO.-N.-O., près du Magdalena-Sound, où l'on voit le
mont Sarmiento, de 2,070 m. En dehors de la Terre de
Feu, les plus hautes montagnes de l'archipel s'observent :
dans les îles Clarence, Gordon (900 m.) ; sur les bords des
fjords du New-Year-Sound, où leurs pics aigus, couverts
déneige, atteignent 800 et 4,000 m.; dans l'île Hoste,
presqu'île Hardy, les Sentry-Boxes ou Guérites, du N.-N.-O.
au S.-S.-E. (600 m.); dans l'île l'Hermite (546 m.), etc.
Géologie. — L'archipel est constitué par des roches
éruptives, diabases, diorites, andésites, amphibolites, labra-
dorites ; on n'y rencontre pas de serpentines ; en quelques
points, il est des trachytes et des basaltes, nulle part on ne
voit de roches volcaniques récentes. Les roches feuilletées
sont des gneiss, des micaschistes peu communs. Le cal-
caire ne se rencontre qu'accidentellement et en petites
masses (Oushouaïa, Punta-Arenas), les quartzites sont assez
communs ; à l'Ile des Etats, les arkoses schisteuses sont
abondantes. Les sables sont fréquemment feldspathiques.
L'âge géologique des roches éruptives de l'archipel n'a pu
être déterminé. Quant aux schistes argileux de la grande
Terre de Feu, dans la région septentrionale et dans une
partie de la région orientale, Ch. Darwin les rapportait à
la période crétacée; la partie N.-E. se compose d'alluvions
tertiaires ; dans les terrains d'alluvions anciennes de ces
contrées, on trouve çà et là de l'or et des pierres fines.
On a signalé aussi du cuivre, du soufre, du cobalt, du
charbon, du fer. Il n'y a point de volcans, soit actifs ou
éteints. Il y a affaissement des côtes dans la partie occi-
dentale de l'archipel ; il y aurait, par contre, soulèvement
à l'E., selon M. Lovisato. Les terrains d'alluvions récentes
sont mêlés de cailloux schisteux ; les tourbières, comme
dans le S.-E. de la Terre de Feu, sont marécageuses et
parsemées de lagons.
Régime des eaux. — La perméabilité du sol est la cause
du dessèchement rapide des mares et même, en été, de
cours d'eau assez importants. Les rivières, souvent alimen-
tées par les glaciers, sont à courant rapide. Leurs eaux
et celles des ruisseaux et des sources se font remarquer,
quoique potables, par leur composition anormale, étant
pauvres de calcaire et riches en chlorure magnésien et
renfermant une forte proportion de matières organiques
(île Hoste). A la Terre de Feu proprement dite, il est de
grandes lagunes donnant naissance à des rivières qui, après
avoir coulé dans les immenses plaines de la partie septen-
trionale, se déversent dans les baies plus ou moins voi-
sines ; parmi ces cours d'eau nombreux, énumérons, avec
MM. Rousson et Willems, ceux qui ne se dessèchent
jamais : sept se jettent dans la baie Inutile, une autre dans
la baie Porvenir : ils l'appellent rio de l'Avenir, y voyant
— 371 —
FEU
remplacement futur de la capitale de la Terre de Feu ;
quatre dans celle dite Jente-Grande ; le plus intéressant,
le Rio del Oro, se rend à la baie Felipe ; un autre s'écoule
par plusieurs branches dans celle de Loinas ; sur le ver-
sant de l'Atlantique, il en est trois dont l'embouchure est
changeante en raison des sables mouvants à leur entrée
dans la mer. Plus au S., entre les caps Sunday et Penas,
débouche le Rio-Grande, le plus important de la Terre de
Feu. L'eau de ces rivières est fort limpide. Les marées de la
côte E. de la Grande-Terre ont une hauteur considérable.
Climat. — Les observations climatologiques à la fois
précises et continuées durant un laps de temps convenable
(une année) se rapportent à la côte E. de l'île Hoste et
sont dues à la mission française du cap Horn. La tempéra-
ture moyenne annuelle a été de 5°4, celle maxima de 24°5
(en février), celle minima de — 7°3 (en août). Les
moyennes de l'été, + 7°17, et de l'hiver, -f- 3°56, diffèrent
peu : le climat est marin. Les végétaux qui redoutent les
extrêmes froids prospèrent, notamment les fuchsias. Dans
le S.-O. de la Terre de Feu, les hêtres des escarpements
boisés sont entremêlés de myrtes et de magnolias. Les
pluies sont très fréquentes, on y a compté 278 jours plu-
vieux et 70 de neige. La quantité d'eau tombée a été dans
l'année de lm333. Il tombe de la grêle, mais les orages
sont rares. Le ciel est presque toujours couvert. Le vent,
à peu près continuel, est dominant de FO. et souffle avec
violence. Le temps est très changeant. — A la grande île
de Feu, au N.-E., établissement de Paramo, M. Popper
donne pour moyenne annuelle de température 6°, pour
maximum 28°, et pour minimum — 15°, ces extrêmes n'ayant
été, d'ailleurs, observés qu'une fois. Pression 752 millim.,
vents régnants du S.-O. Contrairement au littoral Pacifique,
celui-ci est sec, il est salubre. — Deux courants marins
influent sur la climatologie de l'archipel : le premier,
antarctique et froid (+4°), se partage en deux branches,
l'une occidentale, qui remonte en devenant le courant péru-
vien, l'autre orientale, dite courant du cap Horn; le second
courant, chaud (+ 10°), vient des mers du Brésil.
Flore, Faune, Ethnographie, Anthropologie. — En ce
qui concerne la flore et la faune de l'archipel, ainsi que
son ethnographie et son anthropologie, V. l'art. Amé-
rique du Sud. On se bornera ici à indiquer les régions
habitées par les peuplades de Fuégiens. Les Onas, race de
Patagons, habitent la grande île, principalement au N. et à
FE. ; les Alakoulofs vivent dans les îles de l'O. ; les Yahgans
(trop dépréciés jusqu'à la mission de la Romanche) dans
celles du S., depuis le canal du Beagle. Ces peuplades
sont peu nombreuses ; les Yahgans sont sur le point de
disparaître.
Historique. — Lorsque Magellan traversa le détroit,
qui devait garder son nom, du 24 oct. au 28 nov. 4520, il
fut frappé de la grande quantité de feux allumés sur la
côte par les naturels et donna à ces pays le nom de Terre
des Feux, dénomination qui, légèrement altérée par la
suite, se trouva détournée de sa véritable signification.
L'histoire de ces contrées est comprise dans celle de V Amé-
rique du Sud (V. ce mot) et dans les biographies des
marins qui les ont visitées et décrites (V. Bougainville,
Cook, Drake, etc.). Les premiers navigateurs eurent
beaucoup à souffrir dans ces parages dangereux, aujour-
d'hui bien connus : la vapeur permet de traverser en
33 heures le détroit de Magellan. Nous donnerons ici la
simple énumération des principales expéditions à la Terre
de Feu après celle de Magellan : Drake, Winter (1578) ;
Sarmiento (4579) ; Cavendish (4587) ; Hawkins (4594) ;
Simon de Cordes, Sébald de Wert, Olivier de Noort (4594) ;
Lemaire et Schouten (4615) ; Nodal (4648-49) ; L'Her-
mite (4623-24) ; Narborough (4 670) ; deGennes(4696);
Beauchesne-Gouin (4699) ; Woodes Roggers (4708) ; Fré-
zier (1742); d'Arquistade (4745); Roggewin (4724);
Anson (4744) ; Byron, Yallis et Carteret (1766) ; Bou-
gainville (4767) ; Cook (4769-4774) ; Weddell, Cordova
(4822) ; James Ross (4825) ; Macdonald (4826-27) ; King,
Stokes, Fitz-Roy, Darwin (4827-34) ; Dumont-d'Urville
et Jacquinot (4838) ; Wilkes (4839) ; Parker Snow (4855) ;
de Rochas (4856-59) ; Giglioli (4867) ; Cunningham
(1866-69) ; Perthuiset (1873-74) ; Mme Brassey (1876) ;
Voyage de la Magicienne (4877) ; Bove et Lovisato
(1881-82) ; mission de la Romanche, commandant Mar-
tial (1882-83) ; Ramon Lista et Popper ; Rousson et
Willems (1890-91). Une foule de renseignements sur le
pays et ses habitants sont fournis par la Société anglaise
des missions depuis 1854. — C'est en vertu du traité de
Buenos-Aires, du 23 juii. 1881, que les limites politiques
de l'archipel ont été tracées. Ce traité donne au Chili
les deux rives du détroit de Magellan, mais en même temps
il en stipule la neutralité (V. Argentine [République]
et Chili) .
Villes principales. — La ville principale de la région
est Punta-Arenas, capitale de la province chilienne Terri-
torio-Magellanes, comprenant, outre la portion de l'archipel
fuégien qui est attribuée au Chili, l'extrémité du continent
délimitée d'après le traité ci-dessus, plus la côte occiden-
tale avec ses îles jusqu'au golfe de Saint-Est evan. Punta-
Arenas est située dans le détroit sur la côte E. de l'isthme
de la presqu'île Brunswick, par 53° 9' lat. S. Fondée en
1843, elle était au début un pénitencier ; sa population
a augmenté de 250 âmes en 1867, elle a passé à 2,000
aujourd'hui ; il s'y trouve un port et une rade ; dans le
voisinage coule une petite rivière dont les sables con-
tiennent de l'or. C'est la résidence du gouverneur. Ous-
houaia, au centre du canal du Beagle, est devenue la
capitale de la Terre de Feu argentine ; il y existe un gou-
verneur avec quelques soldats et la mission évangélique
anglaise qui a fondé l'établissement ; lieu de dépôt et d'ap-
provisionnement pour les pêcheurs de phoques. La sous-
préfecture maritime argentine de Bon-Succès serait mieux
placée au Rio-Grande.
Industrie et Commerce. — Les indigènes ne pèchent les
phoques et ne chassent les guanaques qu'en vue de leurs
besoins d'alimentation ou pour en tirer leurs vêtements,
non comme industrie commerciale. La guerre acharnée que
les pêcheurs de profession ont faite aux phoques à four-
rure et autres amphibies les ont à peu près fait disparaître
de ces rivages. — L'industrie des mines d'or est assez
avantageuse à la Terre de Feu(Rios del Oro, de la baie del
Porvenir, du Pâramo, etc.). On estime à 600 kilog. la
quantité d'or extraite, jusqu'à l'année 1890 des plages
fuégiennes. On ne tire pas parti encore du fer magnétique
qui existe dans l'île, partout en grande quantité, non plus
que de l'argile à poteries. L'archipel, et la Terre de Feu en
particulier, malgré la stérilité du sol et la nature du climat,
entrent dans une voie de prospérité par l'élevage, dans
leurs plaines, des troupeaux de moutons et de bœufs. De
nombreuses fermes se sont établies, surtout dans la partie
nord, dans l'île Dawson, et en d'autres lieux, et donnent
des profits considérables . Les Anglais s'y sont portés les
premiers. Des sociétés françaises y sont en création.
D'après le sentiment de M. Popper, les résultats ne sau-
raient approcher de ceux obtenus aux Malouines que par
l'initiative privée se substituant d'une façon absolue à la
colonisation officielle, chilienne ou argentine.
Les transactions commerciales se font à Punta-Arenas,
où les exportations consistent dans l'or provenant en
grande partie des lavages de la Terre de Feu, en peaux* de
phoques, de bœufs, de guanacos, d'autruches, plumes d'au-
truches, bois, laine, etc., pour une valeur de 750,000 fr.
en 1882. De nombreux navires traversent aujourd'hui le
détroit, tels que les paquebots de la ligne subventionnée par le
gouvernement chilien, ceux des deux compagnies, anglaise
et allemande, et d'une maison française. C. Delàvaud .
Bibl. : V. les relations des voyages généraux cités dans
la partie historique de cet article, dont le premier est celui
de Magellan. — Relation par le chevalier Pigafetta,
Premier Voyage autour du monde, édit. fr. d'Amoretti ;
Paris, 1801. — J. Weddell, A Voyage towards the south
Pôle and to Tierra del Fuego ; Londres, 1825. — Ch. Dar-
FEU — FEUCHÈRES
— 372 —
win, Journal d'un naturaliste durant le voyage du Beagle,
tracl. fr. ; Paris, 1875. — W. Parker-Snow, À Tvjo Years
cruise of Tierra del Fuego ; Londres, 1857. — G. Marguin,
la Terre de Feu, dans Bull. soc. géogr. de Paris, nov.
1875. — La Terre de Feu et ses habitants, dans Journal
des missions évangéliques, août 1876. — G. Bove, la Spe-
dizione antarctica Italo-Argentina ; Rome, 1883.— Mission
scientifique du cap Horn en 1882-1883, 1885-1891, 7 vol.
in-4. Le tome VII et dernier contient une liste complète de
95 articles bibliographiques. Des relations particulières de
ce voyage se trouvent dans la Renie marit. et colon.,
année 1888 ; dans le Tour du Monde (1885), par le doct.
Hyades. — Alfred Bertrand, Passage de l'E. a V(J. du
détr. de Magellan (en 1878) ; Genève, 1888. — J. Popper,
dans Bull, de l'Inslit. géog. argentin, extrait dans Nou-
velles géogr. n° 5 (Tour du Monde, 7 mai 1892) avec carte.
— Julio Diaz, Terra del Fuego, dans Revista de laSociedad
geogr. argentina, 1890. — Willems et Rousson, Mission
a la Terre de Feu en 1890 et en 1891, dans Comptes
rendus de la Soc. de géogr., 4 déc. 1891; Bullet. soc. géo.
commerc. de Paris, 1890-91, t. XIII, p. 280.
FEUARDENT (François), pamphlétaire français, né à
Coutances le 1er déc. d 539, mort à Paris le 4erjanv. 4610.
D'un tempérament à la fois poltron et batailleur, il sut à
merveille choisir la carrière qui lui convenait, en se dé-
vouant, sous l'habit de cordelier, à la controverse politique
et religieuse. Il déploya en chaire et par la plume, d'abord
contre le calvinisme doctrinal, puis en faveur de la Ligue,
cette manifestation de ses adversaires sur le terrain pra-
tique, une extrême activité oratoire, qui n'eut d'égale qu'une
totale absence de goût, et une parfaite inconscience de
l'opportunité et de la probité littéraire dans le choix des
moyens employés. Ses principales œuvres sont : Confes-
sions, prières et sacrements des calvinistes (Paris,
•1601, in-8, 2e éd.); les Entremangeries et guerres
ministrales (Paris, 4604, in-8, 3e édit.) ; Theomachia
caluinista (Cologne, 4621, in-4, 2e éd.).
Bibl.: Charles Labitte, De la Démocratie chez les pré-
dicateurs de la Ligue, chap. I, § 6 et chap. v, § 1.
FEUCHÈRE (Léon), architecte et décorateur français,
né à Paris le 4 août 4804, mort à Nîmes le 7 janv. 4857.
Neveu du peintre Blondel, de l'Institut, et cousin germain
du statuaire Jean Feuchère, Léon Feuchère fut successive-
ment élève de P.-J. Delespine, de Blouet et de l'Ecole des
beaux-arts pour l'architecture et de Cicéri pour la décora-
tion et, pendant dix années, de 4834 à 4844, soit avec
Cicéri, soit en collaboration avec Séchan, Despléchin et
Diéterle, soit seul, il se fit un nom dans la décoration :
décors des théâtres de l'Opéra, de la Comédie Française
et de FOdéon ; intérieur des salles du théâtre des Nou-
veautés, à Paris et du théâtre de Dresde (Saxe). Il
donna aussi quelques compositions pour la manufacture de
Sèvres et, chargé par le gouvernement d'une mission à Flo-
rence, y composa son ouvrage, V Art industriel, recueil
de dispositions et de décorations intérieures, comprenant
des modèles pour toutes les industries d'ameublement et de
luxe (Paris, in— fol., 73 pi.). De retour en France, Feu-
chère s'associa avec l'architecte Charles-Théodore Charpen-
tier pour la construction des théâtres d'Avignon et de Tou-
lon, ainsi que pour de grands projets de quartier neuf et
d'édifices publics à Marseille et la décoration des fêtes pu-
bliques de Paris en 4848. Nommé en 4849 architecte du
dép. du Gard, Feuchère y fit construire l'église des Saintes
Perpétue et Félicité et l'hôtel de préfecture du Gard, ce
dernier édifice élevé sur l'avenue Feuchère que ce dernier
avait fait ouvrir. — M. Lucien Feuchère, fils du précédent,
est l'auteur, en collaboration de M. Randon de Grolier, ar-
chitecte à Nîmes, du nouveau lycée de cette ville. Ch. L.
FEUCHERE (Jean -Jacques), sculpteur français, né à
Paris le 40 mars 4807, mort le 25 juil. 4852. Après son
début (Nymphe à la coquille), il se fit remarquer par
un Satan; il exécuta un bas-relief de l'Arc de triomphe
de l'Etoile, le Passage du Pont oVArcole; le groupe du
pont d'Iéna ; Sainte-Thérèse, pour le péristyle de la Ma-
deleine; un groupe en argent, la Terre soulevée par les
Titans (4851), etc.
FEUCHÈRES (Sophie Dawes, baronne de), née à Saint-
Helen (île de Wight) en 4795, morte à Londres en déc.
4840. Fille d'un pêcheur misérable et ivrogne, elle tra-
vailla deux ans comme servante de ferme et, lasse de la
besogne dure et rebutante, vint à Londres où elle fut
bientôt séduite et où elle vécut pendant quelque temps dans
la plus abjecte misère. Un officier la tira des bas-fonds où
elle végétait pour en faire sa maîtresse. Sophie, fort am-
bitieuse, fréquenta une école à Chelsea (4809). Deux ans
après, abandonnée par son amant, elle était servante dans
une maison de Piccadilly, qui avait la clientèle des riches
débauchés de Londres. Au cours d'une partie fine, le duc de
Bourbon-Condé remarqua l'éclatante beauté de Sophie. Il
la pourvut aussitôt d'un petit hôtel (4844), lui procura les
moyens de poursuivre son éducation et l'emmena avec lui
à Paris après la Restauration. Comme il fallait sauver les
apparences, la maîtresse du prince de Condé fut mariée à
Adrien-Victor de Feuchères, chef de bataillon au 6e régi-
ment d'infanterie delà garde royale. La cérémonie eut lieu
à Londres le 6 août 4818. Sophie reçut 72,000 francs de
dot, Feuchères fut pourvu de la fonction d'aide de camp du
prince de Condé et créé baron (34 août 4849). La baronne
de Feuchères, jolie et intelligente, devint un personnage à
la cour de France. Mais en 4822, le baron, qui avait cru
épouser une fille naturelle de Condé, découvrit la vérité de
la bouche même de sa femme à la suite d'une querelle de
ménage. Il s'ensuivit une scandaleuse séparation judiciaire
(1827), et Sophie fut chassée de la cour par Louis XVIII,
mais elle n'était pas femme à céder à la mauvaise fortune.
Elle noua mille intrigues avec la duchesse de Berry, avec
le duc d'Orléans (Louis-Philippe), relatives à l'immense
héritage du vieux Condé. Elle le dominait tout à fait et en
4829 (30 août) elle lui fit signer un testament qui lui
accordait à elle un legs de 2 millions de francs et environ
8 millions de propriétés, et au duc d'Aumale toute la fortune
restante (plus de QQ millions). De tels services furent aussitôt
reconnus. Charles X admit la baronne de Feuchères à la
cour (4830),Talleyrand la visita ; Mathilde Dawes, sa nièce,
épousa le marquis de Chabannes, et James Dawes, son neveu,
entra dans la maison de Bourbon et reçut le titre de baron
de Flassans. Survint la Révolution. Le prince de Condé était
fort embarrassé. Le gouvernement de Juillet lui faisait des
avances qui ne lui plaisaient qu'à demi et il était très dési-
reux d'échapper à la tyrannie de sa maîtresse. Il médita de
passer subrepticement en Angleterre. Le 27 août, on le trouva
pendu à l'espagnolette de la fenêtre de sa chambre au châ-
teau de Saint-Leu (V. Condé). La baronne de Feuchères fut
accusée de l'avoir assassiné dans la crainte qu'il ne révo-
quât son testament. Une enquête judiciaire fut ouverte le
15 nov. 4830 à Pontoise et le 25 févr. 4834 à Paris. Elle
fut dirigée par M. de La Huproye, conseiller à la cour
royale, dont le rapport conclut, paraît-il (Crétineau-Joly) ,
à la mise en accusation de Mmede Feuchères. La démission
du magistrat fut exigée dans les vingt-quatre heures par
le procureur général Persil. Le nouveau rapporteur décida
« qu'il n'était pas établi que la mort du prince fût le résultat
d'un crime ». Les poursuites furent donc abandonnées
(24 juin 4834). LesRohan attaquèrent alors le testament;
ils furent déboutés le 22 févr. 4832. La vie de la baronne
de Feuchères devint intenable à Paris : légitimistes et
républicains la vilipendaient à qui mieux mieux. Elle avait
d'abord été reçue à bras ouverts par Louis-Philippe, mais
même à la cour on ne tarda pas à la trouver gênante;
d'autant plus qu'elle s'avisa d'intenter aux d'Orléans un
procès pour l'exécution d'un article du testament du prince
de Condé qui avait disposé de 400,000 fr. annuels pour
la fondation d'un collège à Ecouen en faveur des enfants des
soldats de l'armée de Condé et de la Vendée militaire. Le
roi refusa l'autorisation légale à un tel établissement dont
l'idée première lui semblait injurieuse pour sa monarchie.
La baronne perdit son procès. Elle finit par s'établir en
Angleterre. Sa mort donna lieu à de nouveaux procès :
elle avait laissé toute sa fortune à une nièce. Les hôpitaux
de Paris, auxquels le baron de Feuchères avait cédé ses
droits, protestèrent. Un frère et une sœur réclamèrent éga-
373 —
FEUCHÈRES — FEUERBACH
lement. Finalement, une transaction fut acceptée : les
hôpitaux obtinrent 325,000 fr., le frère et la sœur
4,750,000 fr. chacun. La nièce eut le reste. R. S.
Bibl. : Billault de Gerainville, Histoire de Louis-
Philippe. — Louis Blanc, Histoire de Dix ans. — Th. Anne
et Rousseau, la Baronne et le Prince; Paris, 1832, 4 vol.
in-12. — Lafont d'Aussonne, Appel à l'opinion publique
sur la mort de L.-H. de Bourbon, prince de Condé ; Paris,
1831, in-8. — Pellier de La Croix, l'Assassinat du dernier
des Condé démontré contre labaronne de Feuchères; Pa-
ris, 1832, in-8. — Histoire complète du procès relatif1 à la
mort et au testament du duc de Bourbon ; Paris, 1832, in-8.
— Hennequin, Examen de la procédure criminelle ins-
truite sur les causes et circonstances de la mort du duc de
Bourbon, 1832, in-8. — A. de Calvimont, le Dernier des
Condé, 1832, in-8. — Les Secrets de S. Leu..., avec une
biographie complète sur la ba7"onne de Feuchères ; Paris,
1834, in-8. — Crétine au-Joly, Histoire des trois derniers
princes de la maison de Condé; Paris, 1867, 2 vol. in-8. —
Thureau-Dangin, Histoire du gouvernement de Juillet.
FEUCHEROLLES. Corn, du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Versailles, cant. de Marly-le-Roi ; 754 hab.
FEUCHTERSLEBEN (Ernst, baron von), médecin et
écrivain allemand, né à Vienne le 29 avr. 1806, mort le
3 sept. 4849. Il fit ses études au Theresianum de
Vienne. Son premier penchant l'attira vers la poésie et la
philosophie ; ce fut, dit-il, le besoin de donner à ses mé-
ditations une direction précise qui le tourna vers la méde-
cine. Il fut reçu docteur en 4833, et il devint plus tard
doyen de la Faculté (1845) et vice-directeur des études
chirurgicales (1847). Après le mouvement révolutionnaire
de 1848, il fut nommé sous-secrétaire d'Etat au ministère
de l'instruction publique, mais il donna sa démission, après
avoir vu échouer tous ses plans de réforme. L'originalité
de Feuchtersleben et son mérite durable dans la littérature
consistent surtout dans l'analyse nouvelle et pénétrante à
laquelle il soumit les rapports du physique et du moral
dans l'homme. Il aimait surtout à montrer l'influence de
l'âme sur le corps ; il croyait qu'une activité bien réglée et
une volonté énergique pouvaient sinon guérir, du moins pré-
venir bien des maladies. C'est à ce point de vue qu'il fit,
en 4844, à l'université de Vienne, une série de conférences
qui furent très suivies et dont le résultat fut son ouvrage
intitulé Lehrbuch der œrztlichen Seelenkunde (Vienne,
1845). Il avait publié auparavant son traité sur l'hy-
giène de l'âme, qui a eu plus de cinquante éditons : Zur
Diœtetik der Seele (Vienne, 1838). Dans ses poésies, d'une
forme simple et concise (Stuttgart, 1836), il se rattache
à Gœthe et se montre l'adversaire des nouveautés roman-
tiques. Ses œuvres complètes (à l'exception des œuvres
purement médicales) ont été publiées par Hebbel, à Vienne
(185<J-1853, 7 vol.). A. B.
FEU C H Y. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. et. cant.
(S.) d'Arras; 577 hab.
FEU DATAI RE. On nommait ainsi, dans l'ancienne féoda-
lité française, tout possesseur de fief (feodum, feudum) ;
le mot était synonyme de vassal et s'opposait à suzerain.
Par analogie, on emploie le mot feudataire pour désigner,
dans toute société féodale, quiconque détient une terre, une
fonction ou un autre bien susceptible d'inféodation, sous
des charges et conditions identiques à celles qui caracté-
risaient les fiefs (V. Féodalité et Fief).
FEUDISTES. Nos codes ne sont pas le produit d'une
improvisation législative. Loin de s'être formée de toutes
pièces, comme par une sorte de génération spontanée, la
législation qui nous régit aujourd'hui a ses racines dans
notre vieux droit français, tel que le constituaient les cou-
tumes et les ordonnances. On sait que la plus grande con-
fusion régnait dans l'une et l'autre de ces deux maîtresses
branches de notre ancien droit. Sans parler des divergences
qu'elles offraient entre elles, les coutumes étaient, sur
nombre de points, en conflit avec les ordonnances royales.
De là le mouvement qui, de bonne heure, se manifesta dans
le sens d'une refonte et d'une codification de ces dispositions
disparates. C'est aux docteurs du droit coutumier, à ces
feudistes dont les pesants in-folio dorment oubliés dans la
poussière des bibliothèques, que revient l'honneur d'avoir
frayé la route à cette réforme d'ensemble. A leurs patients
efforts la coutume doit de s'être insensiblement dégagée du
chaos féodal, pour s'orienter vers le droit naturel. On peut
dire que, pas à pas, glose par glose, ces jurisconsultes ont
élaboré toute la matière juridique de notre Code civil. Parmi
les plus illustres de ces précurseurs du droit moderne, il
suffira de nommer Jehan Boutillier, l'auteur de la Somme
rurale; Charles du Moulin dont le Livre des Fiefs, publié
en 1539, est resté classique, et qui, dans tous ses écrits n'a
cessé de battre en brèche la féodalité ; d'Argentré, le rival
de du Moulin, dont le docte commentaire sur la coutume
de Bretagne est une vigoureuse apologie du système féodal;
Guy Coquille, jurisconsulte érudit du xvie siècle, qui, par
son Institution au droit français, a pris place au pre-
mier rang des généralisateurs de notre droit ; Antoine Loi-
sel, l'auteur des Institutes coutumières, chef-d'œuvre de
science juridique, où les règles du droit se trouvent conden-
sées dans la formule incisive du proverbe et de l'axiome;
René Choppin, Basnage, de Laurière, et François Rourjon
dont l'ouvrage intitulé Droit commun de la France et
de la coutume de Paris réduite en principes (1747)
contient une pressante revendication en faveur d'un code
général pour tout le royaume. Nous ne devons pas passer
sous silence les nombreux écrits de Pothier sur le droit
coutumier de l'Orléanais et sur les fiefs. C'est à Pothier
que revient le mérite d'avoir dégagé et « clarifié », pour
ainsi dire, les principes juridiques qui devaient survivre
à la Révolution et concourir à la formation du Code civil
actuel. Emmanuel Besson.
Bibl. : Paul Viollet, Précis de l'histoire du droit fran-
çais; Paris, 1886, in-8.
FEUDRIX, antiquaire français (V. Brequigny).
FEUERBACH (Paul-Johann-Anselm von), jurisconsulte
et criminaliste allemand, né aux environs d'Iéna le 14 nov.
1775, mort à Francfort-sur-le-Main le 29 mai 1833. Il
fut reçu docteur en philosophie (1795) et en droit (1799),
devint professeur de droit à Iéna, en 1801, et plus tard à
Kiel, et, en 1804, fut conseiller aulique et professeur de
droit civil et criminel à Landshut. Maximilien-Joseph, roi
de Bavière, qui, l'année précédente, lui avait demandé de
préparer un projet de code pénal pour son royaume, le
nomma membre extraordinaire du département ministériel
secret de justice et de police, et le fit venir à Munich.
L'année suivante, ' Feuerbach devint membre ordinaire au
même département, puis, en 1808, conseiller secret. On
lui dut l'abolition de la torture ; le code pénal et le code
de procédure criminelle qu'il avait préparés furent sanc-
tionnés le 16 mai 1813 sous le titre de Code pénal bava-
rois. Un projet de code civil qu'il avait été chargé de
rédiger n'aboutit pas. En 1814, il fut nommé président de
la cour d'appel de Bamberg et, en 1817, premier prési-
dent de celle d'Anspach. Comme criminaliste, Feuerbach
se rattache à l'école rigoriste, fondant le droit de punir
sur l'intimidation. On doit citer de lui : Kritik des natilr-
lichen Rechts (Altona, 1796) ; Ueber die Grenzen der
hochsten Gewalt (Erfurt, 1798); Verbrechen des Hoch-
verraths (Erfurt, 1798, in-8) ; De Causis mitigandi
ex capite impeditœ libertatis (1799) ; Revision der
Grundsàtze und Grundbegriffe des positiven peinli-
chen Rechts (1799, 1800-1808, 2 vol. in-8); Veber
die Strafe, als Sicherungsmittel (1800); Lehrbuch des
gemeinen in Deutschland geltenden peinlichen Piechts
(1801; 3e éd., par Mittermaier, Giessen, 1840, in-8);
Zivilistischen Versuchen (Giessen, 1803); Entwurf des
. Strafgesetzbuchs fur Bayern (1807, 1810) ; Merkwûr-
dige Criminalrechtsfdlle (Giessen, 1808-1811, 2 vol.
in-8) ; Themis, oder Beitrdge zur Gesetzgebung (Land-
shut, 1812, in-8) ; Betrachtungen ûber die Oeffentlich-
keit und Mûndlichkeit der Gerechtigkeitspflege (Giessen,
1821, 1825); Aktenmœssige Darstellung merkwùrdiger
Verbrechen (Giessen, 1828-92, 2 vol. in-8). G. R.
FEUERBACH (Anselm), archéologue et littérateur alle-
mand, né à Iéna le 9 sept. 1798, mort à Fribourg le
FEUERBACH
374 —
8 sept. 1854. Fils aîné du précédent et professeur de phi-
losophie à l'université de Fribourg. ïl se fit un nom comme
archéologue par son Der vatikanische Apollo (Nurem-
berg, 1833 ; Stuttgart, 4855). Ses œuvres posthumes
(Nachgelassene Schriften; Brunswick, 1853, 4 vol.)
comprennent des poésies, des lettres, une histoire de la
plastique grecque et des mélanges d'histoire d'art. G. P-i.
FEUERBACH (Karl-Wihelm) , mathématicien allemand ,
né le 30 mai 1800, mort le 42 mars 4834, frère du pré-
cédent. Professeur de mathématiques au collège d'Erlangen,
il est l'auteur de Eigenschaften einiger merkwilrdiger
Punkte des geradlinigen Dreiecks (Nuremberg, 4822)
et Grundriss zu analyiischen Untersuchungen der
Dreieckigen Pyramide (Nuremberg, 1827).
Théorème de Feuerbach. — C'est la condition pour que
quatre points soient sur un cercle. En appelant x^y^
»y*i
x3, y3 ; x4, î/4 les coordonnées de ces points, on a :
x\ + y\, x2, 2/s, 4
2/1, «3, 2/3, 4
x\-
%î + yi, #4, 2/4, 4
= 0.
Si l'on appelle A^ le point dont les coordonnées sont x{ y^
cette équation exprime que 0 désignant un point quelconque
du plan
^TOA^XaireAjAfcA/mO.
il existe un théorème analogue relatif à cinq points situés
sur une sphère. H. L.
FEUERBACH (Ludwig-Andreas) , philosophe allemand,
né à Landshut le 28 juiL 4804, mort à Rechenberg, près
de Nuremberg, le 43 sept. 4872, frère des précédents.
Les premières études qu'il fit au gymnase d'Anspach
semblèrent le destiner à la vie religieuse ; il vint même
en 1823 à Heidelberg pour y entendre les leçons du
théologien Karl Daub. Mais son esprit critique se lassa
vite de ce genre d'études ; au bout d'une année, il gagna
Berlin où il entendit Hegel, Schleiermacher et Neander
et se décida à abandonner la théologie pour se consacrer
entièrement aux sciences exactes et à la philosophie. Une
thèse latine, De Ratione una, universali, inftnita,
lui valut une chaire de privat-docent à. l'Université d'Er-
langen (4828). Dans ses premières leçons, il se montra
fidèle disciple de Hegel et obtint un très vif succès;
mais peu à peu il se détacha du panthéisme idéaliste pour
évoluer vers une sorte de naturalisme individualiste et
aboutir enfin au matérialisme le plus franc. Ces tendances
le rendirent suspect ; en vain Feuerbach sollicita une
chaire de professeur extraordinaire à Erlangen et à Berne,
elle lui fut toujours refusée. En 4836, il se maria avec
une femme dont la modeste fortune lui permit de vivre
indépendant dans le petit village de Br(ickberg, situé entre
Anspach et Nuremberg. C'est là qu'il composa les plus
importants de ses ouvrages. En 4848, au moment où se
réunit le Parlement germanique de Francfort, Feuerbach
quitta sa retraite et vint observer les événements de plus
près. A la prière des étudiants de Heidelberg, il vint faire,
du 1er déc. 1848 au 2 mars 1849, dans une salle de
l'hôtel de ville que la municipalité mit à sa disposition,
une série de conférences publiques. Il y exposa, avec
succès, les idées les plus hardies sur la religion. Mais la
réaction ne tarda pas à triompher de la révolution ; Feuer-
bach rentra dans sa solitude. Sa vieillesse fut peu heu-
reuse. La fortune de sa femme fut engloutie dans un
désastre industriel ; il dut se retirer à Rechenberg, fau-
bourg de Nuremberg, où il vécut dans un état de gène
voisin de la misère.
Un mot célèbre de Feuerbach résume l'évolution de sa
pensée de la théologie à la philosophie hégélienne et de
l'hégélianisme au naturalisme et à l'athéisme : « Dieu fut
ma première pensée, la raison ma seconde, l'homme ma
troisième et dernière pensée. » Dans cette dernière pé-
riode, la seule où il ait été original, Feuerbach a poussé le
matérialisme à ses plus extrêmes conséquences. Suivant
lui, la théologie, qui fait de la croyance une fin et de la
science un moyen, emprisonne l'esprit, car un dogme n'est
autre chose qu'une défense de penser. La philosophie n'a
pas à corriger des dogmes, mais à en montrer la fausseté
absolue ; religion et philosophie, foi et science sont deux
contraires entre lesquels il n'y a pas de conciliation ni de
compromis possibles. La religion est une invention de
l'égoïsme humain : l'homme enfle sa propre essence et la
porte à l'infini ; il pose en face de lui et adore ce fantôme
dont il espère des garanties de bonheur que la réalité lui
refuse. De même la vie future n'est qu'une idéalisation de
la vie présente : en un mot, la théologie n'est qu'une trans-
position de l'anthropologie. Quant à la philosophie, elle est
toute d'expérience ; elle a pour tâche de discerner le réel,
et le réel c'est le sensible ; seul le sensible échappe au doute,
et la sensation est pour nous la source des plus sûres et des
plus hautes vérités. L'homme, pour le philosophe moderne,
n'est plus un être pensant ; il est simplement un vivant ;
notre moi, notre essence c'est proprement notre corps, et
la philosophie aura le droit de se définir une science de
l'homme à condition de devenir une anthropologie et une
physiologie. Et Feuerbach en arrive à cette formule extrême
du naturalisme : « L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il
mange. » L'égoïsme est enfin la seule règle de la conduite
humaine. Feuerbach exerça, dans les cinquante premières
années de sa vie, une grande influence en Allemagne ;
mais cette influence décrut à mesure qu'il s'éloigna de la
philosophie et qu'il s'affranchit, dans ses ouvrages, de toute
idée systématique et de toute méthode.
Parmi les ouvrages de Feuerbach, il faut citer : Gedan-
ken ûb. Tod u. Unsterblichkeit (anonyme) (Nuremberg,
1830 ; 3e éd., Leipzig, 1876); Gesch. der neu. Philos,
von Bacon von Verul. bis B. Spinoza (Ansbach, 1833;
2e éd., 1844), ouvrage suivi de deux monographies
spéciales sur Leibniz et Bayle, publiées ensuite à part
sous le titre de Darstellung, Entwickelung u. Krit.
d. leibnizschen Philos, (id., 1837) et Pierre Bayle (id.,
1838, 2e éd., 1844); Abâlard u. Heloise, eine Reihe
humoristichphilosophischer Aphorismen (4834 ; 4e éd.,
Leipzig, 1888); Ueb. Philos, u. Christenth. in Bezieh.
auf den der hegelsch. Philos, gemachten Vorwurf der
Unchristlichk. "(1839); Das Wesen des Christenth.
(Leipzig, 1844 ; souvent réédité, trad. en anglais par Marian
Evans; 2e éd., Londres, 4882; en français par Jos. Roy ;
Paris, 4864, in-8); Vorlâuflge Jhesen zur Reform d.
Philosophie (4842); Grundsàtze der Philos. derZukunft
(Zurich, 4843); Das Wesen der Religion (Leipzig, 4845;
2e éd., 4849); Das Wesen des Glaubens im Sinne
Luthers (id.; 4844); Vorlesungen iib. d. Wesen d. Re-
ligion, imprimées dans le t. VIII des œuvres complètes ;
Théogonie nach den Quellen des classisch., hebraïsch.
christl. Alterthums (id., 4857; 2e éd., 1866); Gottheit
Freiheit u. Unsterblichk. vom Standpunkt der An~
thropol. (1866); Œuvres complètes (Leipzig, 1846-66,
10 vol,). Th. Ruyssen.
Bibl. : C. Beyer, Leben u. Geist L. Feuerbaehs, discours;
Leipzig, 1873.— Karl Grùn, L. Feuerbach in sein.Briefw.
u. Nachlass sowie in sein, philos. Charakterentwickg.;
Leipzig, 1874, 2 vol. — Wilh. Bolin, Ueb. L. Feuerbaehs
Briefw. u. Nachlass, sans date ni lieu d'impression. —
A. Rau, L. Feuerbaehs Philos., die Naturforschung u. d.
philos. Krit. der Gegenw.; Leipzig, 1882. — L.-W. Peter-
sen, L. Feuerbach og Kristen dommen, en religions fllo-
sofisk Afhandling ; Forsvares, 1883. — C.-N. Starcke,
L. Feuerbach ; Stuttgart, 1885. — W. Bolin, L. Feuerbach;
Stuttgart, 1891.
FEU ERBACH (Anselm von), peintre d'histoire allemand,
né à Spire le 1 2 sept. 1 829, mort à Venise le 4 janv. 1 880.
Fils de l'archéologue de ce nom. Successivement élève de
Schadow à Dusseldorf, de Rahl à Munich et de Couture à
Paris, il fit un long séjour à Rome depuis 1853. Son im-
portante toile : Dante au milieu des dames nobles à Ra-
venne (1857) souleva des discussions passionnées. Il pei-
— 37 —
FEUERBACH - FEUILLANTS
gnit ensuite pour la galerie du baron de Schack à Munich
nombre de tableaux, parmi lesquels : Francesca da Ri-
mini, Arioste dans le parc de Ferrare, et surtout la
Pietà (1862, gravée par Raab), le firent classer au nombre
des plus éminents peintres allemands de nos jours. Plus
tard, il traita de préférence des sujets mythologiques :
Iphigénie en Aulide, Orphée et Eurydice, Jugement
de Paris, Lesbie, P allas, etc. Son Banquet de Platon
(1869) témoigne de son peu d'aptitude pour les grandes
compositions. Dans toutes ses œuvres apparaît une forte
influence de la manière d'Ingres, inconsciemment sans
doute, car Feuerbach a une originalité propre. Il ne cherche
à séduire ni par l'expression des figures, qui est indécise, ni
parle charme de la couleur, généralement froide, mais bien
par la perfection des formes et par l'effet de l'ensemble.
Bibl. : Eug. Mùntz3 dans la Gazette des Beaux-Arts,
1869, t. II, pp. 316-318. — Même revue, 1879 et 1880.
FEUGAROLLES. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr.
de Nérac, cant. de Lavardac; 1,215 hab.
FEU GÈRE (Léon- Jacques), littérateur français, né à
Villeneuve-sur- Yonne le 2 févr. 1810, mort à Paris le
13 janv. 1858. Maître d'études, puis professeur de rhéto-
rique au collège Henri IV (1828), à Louis-le-Grand (1831),
censeur au lycée Bonaparte (1854), il s'était acquis une
solide réputation littéraire par son Éloge de Monthyon
(1834), qui remporta le prix d'éloquence à l'académie
française et attira sur lui l'attention, et par ses Caractères
et portraits littéraires du xvie siècle (Paris, 1859, 2 vol.
in-8). Citons encore de lui : Essai sur la vie et les ou-
vrages d'Etienne Pasquier (1848, m-j8) ; Etienne de
La Boëtie (1845, in-8) ; Essai sur la vie et les ouvrages
de Henri Estienne (1853, in- 12) ; Etude sur Sçevole de
Sainte-Marthe (1853, in-12) ; Etude sur les œuvres
d Agrippa d'Aubigné (1855, in-8) ; les Femmes poètes
au xvie siècle (1860, in-8) ; Fragments d'études sur les
auteurs classiques français (1858, in-18) ; Etude sur
la vie et les ouvrages de Du Congé (1852, in-8) ; Frag-
ments de critique littéraire (Paris, s. d., in-8), et des
Recueils fort estimés de morceaux choisis des classiques
français. — Son fils, Gaston Feugère, né en 1836, mort
en 1890, professeur de rhétorique au lycée Saint-Louis,
a écrit : Erasme, étude sur sa vie et ses ouvrages
(Paris, 1874, in-8) ; la Persécution religieuse sous la
Commune (1871, in-8); la Révolution française et la
critique contemporaine (1889, in-12), etc., et des
recueils de morceaux choisis des auteurs français. —
Son neveu, Anatole Feugère, né à Poitiers en 1843, mort
en 1877, professeur de rhétorique au collège Stanislas,
est l'auteur d'une étude sur Bourdaloue, sa prédication
et son temps (Paris, 1874, in-8).
FEU G ÈRES. Com. du dép. de la Manche, arr. de Gou-
tances, cant. de Périers ; 687 hab.
FEUGEROLLES (Castrum Felgiro larum, Fogerolia-
rum, Fougieroles), Château et baronnie du Forez s'étendant
sur les territoires du Chambon, Saint-Romain-les-Atheux,
Jonzieu et partie de Saint-Genis-Malifaux et Saint-Etienne.
La baronnie appartint à plusieurs familles ; d'abord à la
famille de Jarez, puis en 1240 elle fut vendue à la maison
de Lavieu, Charles de Lavieu la vendit en 1465 à Guillaume
de Lévis-Cousan, son neveu ; Claude et Charles de Lévis
la cédèrent en 1580 à Alexandre Capponi, fils d'un ban-
quier de Lyon, dont la fille Catherine-Angélique épousa
en 1476 Pierre-Hector Charpin qui prit le titre de baron
de Feugerolles que ses descendants possèdent encore. Le
château de Feugerolles qu'on voit près du Chambon (ch.-l.
de cant. , arr. de Saint-Etienne) fut le théâtre de l'aven-
ture racontée par Lamartine dans ses Confidences comme
étant arrivée à l'abbé Dumont, modèle de Jocelyn; l'hé-
roïne en fut Diane de Charpin, plus tard Mme du Roseil.
FEU G ES. Com. du dép. de l'Aube, arr. et cant. d'Arcis ;
108 hab. Eglise du xne siècle.
FEUGUER0LLES. Com. du dép. de l'Eure, arr.de
Louviers, cant. du Neubourg; 199 hab.
FEUGUEROLLES-sur-Orne. Com. du dép. du Calvados,
arr. de Caen, cant. d'Evrecy ; 401 hab.
FEUGUEROLLES-sur-Seulles. Com. du dép. du Cal-
vados, arr. de Bayeux, cant. de Caumont; 191 hab.
FEUILLA. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Narbonne,
cant, de Sigean ; 269 hab.
FEUILLADE. Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de Montbron, sur le Bandiat qui s'y perd
dans des gouffres ; 657 hab. Haut fourneau et forge. Eglise
du xiie siècle. Ancien château de la Motte, remanié au
xvie siècle. Château de Belleville, construction du xve siècle.
FEUILLADE (La). Hameau de la com. de Faux-la-Mon-
tagne (Creuse), au centre d'une des plus grandes forêts du
département. Ancienne seigneurie, démembrée de la baron-
nie de La Borne, et échue à une branche de la maison
d'Aubusson qui l'a rendue célèbre. Ant. T.
FEUILLADE (La). Com. du dép. de la Dordogne, arr,
de Sarlat, cant. de Terrasson ; 292 hab.
FEUILLADE (G. d'Aubusson de La) (V. Aubusson).
FEUILLADE (François, vicomte d'AuBussoN, duc de La)
(V. La Feuillade).
FEUILLADE (Louis d' Aubusson, comte de La) (V. La
(Feuillade).
FEUILLAGE (Sculpt.). Reproduction des feuilles des
arbres et des plantes ; c'est une des parties les plus
essentielles de la décoration. Aux époques anciennes,
alors que les voyages étaient peu fréquents, chaque pays
empruntait ses éléments décoratifs aux plantes qui crois-
saient sur son sol. Ainsi les monuments égyptiens portaient
les feuillages du lotus, du papyrus, du palmier ; ceux de
la Grèce et de Rome, l'acanthe, le laurier et l'olivier. A
l'époque gothique les feuillages sont étudiés avec une pré-
cision encore un peu raide au début, mais pleine de variété
et d'élégance dans la période précédant immédiatement la
Renaissance, surtout en Italie. On trouve des spécimens de
presque tous les feuillages dans l'ornementation des cathé-
drales ; le lierre, la vigne, le fraisier, le marronnier, le
figuier, la chicorée, le céleri, le chardon, sont les plus fré-
quemment employés. A la Renaissance, les guirlandes de
fleurs et de fruits viennent s'ajouter au feuillage. La feuille
d'acanthe, employée dans les chapiteaux grecs et romains
est remise en honneur. Aux xvne et xvme siècles, les cou-
ronnes et les guirlandes de chêne ou de laurier deviennent
un des éléments les plus importants de la décoration. A
notre époque, si savante, si pourvue de documents de toute
espèce, il est bien difficile d'introduire de nouvelles formes
de feuillages dans l'art décoratif ; c'est par une étude nou-
velle de la nature, par le retour au principe même de ce
genre d'ornementation, que les spécialistes cherchent à se
distinguer. Ad. T.
FEUILLANTINES {Moniales Fulienses)^ Religieuses
qui suivaient la même réforme que les feuillants. Elles
avaient les mêmes observances, portaient un habit semblable
et étaient placées sous leur juridiction. Elles furent insti-
tuées en 1590, à Toulouse, dans le couvent de Montes-
quiou. En 1662, Anne d'Autriche fonda pour elles une
maison à Paris, faubourg Saint- Jacques.
FEU I LLANTS. I. Histoire religieuse. — Fulienses,
Folietani. Religieux réformés de l'ordre de Citeaux. L'ori-
gine de cette réforme est indiquée au mot Barrière (Jean de
la). Clément VIII accorda aux feuillants un supérieur parti-
culier ; depuis lors, leur congrégation est devenue chef d'ordre
en France, avec un général électif et triennal, appelé abbé des
feuillants. Dès 1595, leur chapitre général avait adopté des
statuts qui modéraient beaucoup la rigueur des observances
primitives, permettant de manger des œufs, du poisson, de
l'huile, du beurre, de boire du vin et de porter des sandales
de bois. Habit : robe blanche sans scapulaire, avec un
grand capuchon de même couleur, terminé en rond par
devant jusqu'à la ceinture, en pointe par derrière jusqu'au
gras des jambes. En 1630, Urbain VIII sépara les maisons
d'Italie de celles de France, et il ordonna que chaque con-
FEUILLANTS
376 —
grégation fût gouvernée par un général. Cependant les
Français conservèrent le couvent de Florence ; ils en pos-
sédaient un autre à Pignerol, et à Rome un hospice pour
leur procureur général ; en France, vingt-quatre monas-
tères d'hommes et deux de filles, répartis en trois pro-
vinces : France, Guyenne, Bourgogne. Leur congrégation
portait deux titres : Notre-Dame des Feuillants et Saint-
Bernard de la Pénitence. Les feuillants d'Italie étaient
appelés Réformés de Saint-Bernard ; en 4670, ils ob-
tinrent la permission de se chausser. E.-fl. Vollet.
II. Histoire. — Club des Feuillants. — Société poli-
tique fondée, le 16 juil. 1791, par un grand nombre de
membres de la «Société des amis de la Constitution, séante
aux Jacobins», tous Constituants, qui ne voulurent pas
s'associer à la pétition de Laclos et de Brissot, demandant
la déchéance de Louis XVI. Cette scission fut immédiatement
rendue publique par une plaquette sans titre : « Les
membres de l'Assemblée nationale, fondateurs et membres
de la Société des Amis de la Constitution, séante aux Jaco-
bins, à Paris, ont arrêté de transporter leurs séances dans
un autre lieu, et de les continuer dans la maison des
Feuillants, rue Saint-Honoré. A Paris, le 16 juil. 1791. »
Suivent les signatures de Bouche, président ; de François-
Paul-Nicolas Anthoine et de Salles, secrétaires; puis de
303 députés, entre autres Barère. et Sieyès (qu'on ne
retrouve pas dans la dernière liste connue, celle du mois
d'août 1792). — Le 18 juil. 1791 il y eut une soixantaine
d'autres adhésions, notamment celles de Dupont de Ne-
mours et de Dandré. La sanglante répression des pétition-
naires du Champ-de-Mars, le 17 juil. (V. Bailly [Jean-
Sylvain]), contribua donc à augmenter le nombre des
Feuillants. Tel fut le nom que le public leur donna parce
qu'ils s'étaient transportés dans l'ancien couvent de ce
nom, situé rue Saint-Honoré, en face de la place Vendôme :
vaste et magnifique local qui contrastait avec la sombre et
triste salle des Jacobins. Toutefois, les membres du nouveau
club maintinrent avec raison leur nom d'Amis de la Cons-
titution, telle que l'Assemblée constituante l'avait jusque-
là élaborée, telle qu'elle serait complétée, telle enfin que
le roi, simplement suspendu de ses fonctions, consentirait à
la jurer pour être rétabli. On appela, par suite, feuillan-
tisme (en général avec une nuance de mépris), l'opinion
qui considérait comme définitive la constitution monar-
chique de 1791.
La nation était encore tellement peu préparée à la solu-
tion républicaine, que les Feuillants donnent entre autres
raisons de leur schisme la suivante : « Quand il serait
vrai que la constitution tolérât la destitution du roi, quelle
longue période d'anarchie ne nécessiterait pas le choix d'un
régent dans une famille où nul des hommes que la Cons-
titution appelle au pouvoir provisoire ne jouit de la con-
fiance d'aucun ami de la liberté ! » [Déclaration adressée
par des amis de la Constitution, etc., p. 6). Après que
le roi eut été rétabli dans ses fonctions moyennant le ser-
ment solennel qu'il prêta à la constitution, la Constituante
fit place à la Législative entièrement composée d'hommes
nouveaux : sur 745, il n'y en eut que 162, presque tous
obscurs, qui inscrivirent leurs noms sur la liste où conti-
nuaient à figurer avec éclat les ex-constituants Barnave,
Dandré, Lanjuinais, Duport, les Lameth.; c'est le 4 oct.
1791, dans l'église des Feuillants, qu'eut lieu la principale
adhésion des législateurs, et il ne paraît pas qu'il y ait eu
ensuite beaucoup d'inscriptions individuelles. Les Girondins
n'étaient pas sans doute les ennemis de parti pris de la
constitution monarchique, mais ils voulaient que le roi
l'observât dans sa lettre et dans son esprit. D'autre part,
les Feuillants étaient détestés des monarchistes purs et
considérés comme des traîtres, comme des vendus, par les
patriotes révolutionnaires. Aussi demeurèrent-ils à l'état de
cpterie et ne rayonnèrent-ils pas en province ; la plupart
des clubs des Amis de la Constitution, dans les départe-
ments, restèrent affiliés aux Jacobins.
Les statuts des Feuillants comprennent 31 articles,
généraux ou réglementaires. En voici les principales dispo-
sitions : « Aucun membre ne sera admis sans avoir déclaré
son attachement à la constitution du royaume, décrétée
par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. » (art. 1).
Une déclaration subséquente (du 6 janv. 1792), précisa la
portée de cet article fondamental en l'expliquant ainsi : « la
Constitution, toute la Constitution, rien que la Consti-
tution, » et en ajoutant ce commentaire : « la Société
tient pour ses ennemis tous les ennemis de la Constitution
sous quelque bannière qu'ils se rangent, sous quelque
forme qu'ils se cachent : et les parricides armés contre leur
patrie dont ils ont méconnu la voix », c.-à-d. les émigrés,
« et ceux qui la déchirent avec les armes qu'elle leur a
confiées pour la défendre », c.-à-d. les Jacobins. Les
Feuillants s'interdisent de délibérer sur autre chose que
sur l'existence ou l'administration du club, et se disent
simple « assemblée de conversation »; ils excluent l'action
au dehors, les manifestations. L'art. 3 interdit les jeux de
hasard dans le club ; Part. 4 admet sans ballottage tout
député présenté par six députés membres du club. L'âge
minimum sera vingt et un ans (art. 5). Les articles sui-
vants concernent la nomination des commissaires à l'entre-
tien du club, les assemblées générales (au moins tous les
trois mois à jour fixe), la tenue d'un registre nominatif
des membres . — La contribution était fixée à 4 louis d'or
pour l'entretien du club et 6 livres de gratification aux
domestiques. Les députés à l'Assemblée législative ou aux
assemblées futures, non domiciliés habituellement à Paris,
ne devaient qu'une cotisation de 2 louis. Parmi les pièces
du club, une devait être réservée pour les entretiens par-
ticuliers que des membres pouvaient désirer d'avoir entre
eux. « Parmi celles du restaurateur, une sera généralement
pour les membres du club et pour eux seuls ; une autre
sera laissée aux membres députés qui peuvent quelquefois
être bien aises de dîner entre eux » (art. dernier). —
Ainsi les Feuillants s'écartaient du type de la société popu-
laire que les Jacobins avaient réalisé, et se restreignaient
d'eux-mêmes aux proportions d'un cercle confortable, dis-
tingué, et surtout inabordable pour ceux qui ne pourraient
pas payer une cotisation qui aujourd'hui représenterait
200 à 250 fr. Cependant cette précaution ne parut pas
suffisante, et, « pour se garantir à elle-même la pureté de
sa composition », la société, au bout de trois mois d'exis-
tence, « adopta le moyen le plus efficace : un scrutin épu-
ratoire, lui permettant d'écarter les membres dont les
principes ne s'accorderaient pas avec ceux qu'elle professe
uniquement, ou dont la réputation pourrait nuire à la
considération publique, seule force dont la société veuille
s'environner » (Déclaration... du 6 janv. 1792, p. 3).
Malgré ce rigorisme, les Feuillants avaient la prétention
de « ne pas former un parti », sous prétexte qu'ils se con-
fondaient « avec le seul qui dût exister, celui de la Cons-
titution ». Mais tel n'était l'avis ni des ultra-royalistes, ni
des révolutionnaires demeurés aux Jacobins. Les trahisons
multipliées du roi et les progrès de l'invasion prussienne
eurent pour conséquence les journées du 20 Juin et du
10 Août, et la Commune révolutionnaire, chargée de la
police de sûreté, crut devoir procéder à la dispersion des
constitutionnels obstinés qui, d'ailleurs, s'étaient de plus
en plus rapprochés des purs royalistes. Le 18 août 1792,
« l'an IV de la liberté, le premier de l'égalité », les admi-
nistrateurs du comité de police et de surveillance de la
Commune firent saisir, rue de Caumartin, n° 20, chez
M. L'Evêque, trois registres et une liasse de papiers,
« qu'il nous a déclaré, dit le procès- verbal, être chez lui
les seuls papiers appartenant à la société des feillans »
(sic). C'est alors que fut publiée, dans un intérêt de sûreté
publique contre les partisans de la royauté déchue, la
« liste des membres composant le club des Feuillants, dont
Dandré était président. » Ce document est certifié con-
forme à l'original par les administrateurs séant à la mairie,
Lenfant, Duffort, Panis, Sergent, Jourdeuil, Deforgues,
Pierre-Jacques Duplain. Il comprend 841 noms ; les prénoms
377 —
FEUILLANTS - FEUILLE
sont parfois indiqués, et, presque toujours les adresses :
mais l'ordre alphabétique n'est pas rigoureusement suivi.
Suit, extraite de cette liste générale, celle des législateurs,
par départements. Mentionnons, à titre de curiosité bio-
graphique, les noms de Coffinhal, de Prudhomme, de Pache,
de Reubell, hommes politiques ; de Lacépède, de Ginguené,
des poètes Roucher et André Chénier. H. Monin .
Bibl.: Histoire. — ([Acte de séparation de la Société des
Amis de la Constitution, séante aux Feuillants, d'avec celle
des Jacobins, daté du 16 juil. 1791 et commençant par ces
mots] : Les membres de l'Assemblée nationale...; Paris, s.
d., in-8, pièce. — Déclaration adressée par des amis de la
Constitution à une portion de leurs ci-devant frères, encore
réunis aux Jacobins; Paris, 1791, in-8, pièce.— Déclaration
des amis de la Constitution ci-devant réunis aux Feuil-
lants (6 janv . 1792), s. 1. n. d., in-8. — Liste des membres
composant le club des Feuillants dont Dandré était pré-
sident (18 août 1792), s. 1. n. d., in-8. — Réimpression du Mo-
niteur, t. X,p.737; XVI, p. 550.— Adresse de la Société des
amis de la Constitution aux sociétés qui lui sont affiliées ;
Paris, in-8. — Statuts du Club; Paris, s. d.^in-8.
FEUiLLARD (Métall.). Lame de fer large et plate des-
tinée à la fabrication des lames de scies ou autres ouvrages
analogues ainsi qu'à la construction. Les fers feuillards se
divisent dans le commerce en trois catégories dans laquelle
la largeur des fers varie entre 48 et 400 millim. et l'épais-
seur entre 4 et 3 millim. Les tonneliers se servent de
feuillards pour cercler les tonneaux et les emballeurs em-
ploient parfois les mêmes fers pour cercler des ballots de
marchandises pressées, destinées à faire un long parcours.
Pour la fabrication des feuillards, il faut que les charges
des fours à réchauffer ne soient pas trop fortes, à moins
d'exposer les barres à se gercer et à se criquer sous les
cylindres. Or, les feuillards doux et nerveux doivent être
exempts de criques et de gerçures ; on exige généralement
qu'ils présentent une belle couleur bleuâtre sans taches
d'oxyde, ce qui ne s'obtient qu'en laissant refroidir la
barre au rouge sombre avant de l'engager dans les cylindres
espatards. Ceux-ci, à leur tour, pour donner un beau poli
aux feuillards, doivent être unis, très durs, constamment
refroidis par l'arrosage et munis d'un racloir qui débar-
rasse les barres de la couche d'oxyde adhérente. La plupart
des feuillards s'affranchissent à chaud et sont livrés en
bottes. Le bottelage se fait sur un banc qui porte trois
formes ou supports en fer, demi-circulaires et évidés, dans
lesquels on dispose les barres symétriquement par rapport
à une des extrémités. On serre ensuite la botte au moyen
d'étriers et on la relie aux extrémités et au milieu avec du
petit fer préalablement chauffé. L. K.
FEUILLE. I. Botanique. — On donne le nom de
feuilles, chez les végétaux phanérogames, à des organes
membraneux, de couleur généralement verte, qui sont
insérés sur la tige et ses divisions, branches et rameaux ;
c'est là un caractère constant, d'où leur dénomination
d'organes appendiculaires, qu'elles méritent dans toutes
leurs métamorphoses en sépales, pétales, étamines, car-
pelles ou feuilles carpellaires ; ces feuilles modifiées sont
étudiées dans des articles spéciaux (V. Calice, Corolle,
Etamine, Carpelle) ; il en est de même des premières
feuilles qui apparaissent au moment de la germination et
qu'on appelle feuilles cotyiédonaires (V. Cotylédon), et
des organes connus sous le nom de bractée, spathe, etc.
La feuille proprement dite se compose de trois parties
lorsqu'elle est complète : le limbe, le pétiole et la gaine.
La gaine est la partie basilaire du pétiole ; elle s'attache
à la tige en l'entourant dans une certaine mesure (Aroï-
dées, Ombellifères, etc.). La feuille complète est dite pé-
tiolée engainante. Mais souvent une ou même deux de ces
parties manquent. Lorsque la gaine existe seule, elle cons-
titue une écaille ; les écailles existent fréquemment sur les
parties souterraines des tiges, ce sont des feuilles souter-
raines : écailles des bulbes des Liliacées, de l'Anémone,
des bourgeons, des tubercules (Pomme de terre, Orchi-
dée, etc.); les écailles sont plus rares sur les parties
aériennes de la tige (Monotropa hypopitys), abstraction
faite de celles qui revêtent les bourgeons. Lorsque le pé-
tiole seul manque, la feuille est dite engainante. Lorsque
la feuille se réduit au limbe, elle est sessile ; dans ce cas
il peut arriver qu'elle entoure complètement la tige qui
semble la traverser ; c'est la feuille perfoliée (Bupleurum
rotimdifolium); ou les limbes de deux feuilles opposées se
réunissent, c'est la feuille connée (Chèvrefeuille). Enfin,
lorsque le pétiole et le limbe existent seuls, la feuille est
dite pétiolée ; c'est le cas de la plupart des arbres de nos
forêts.
Le pétiole a généralement la forme d'une tige, cylin-
drique, demi-cylindrique, etc.; quelquefois il s'élargit et
prend une apparence foliacée, en même temps que le
limbe se réduit à de faibles dimensions ou disparaît (Aca-
cia heterophylla) ; il prend alors le nom de phyllode
(V. ce mot). Le pétiole peut encore se ramifier à la base de
manière à former une paire d'organes foliacés, les sti-
pules (V. ce mot) ; la feuille est alors stipulée.
Le limbe est la partie verte, aplatie de la feuille; on y
distingue une base qui est le point où elle s'insère sur le
pétiole et une pointe qui est l'extrémité opposée. Généra-
lement horizontal, le limbe offre une face supérieure qui
regarde le ciel et une face inférieure qui regarde le sol ;
la feuille peut, sous l'influence de la force verticale, s'in-
cliner sur la tige,
de telle sorte que
le sommet du limbe
soit plus élevé que
la base et que la
face supérieure re-
garde la tige ou le
rameau. La face su-
périeure est plus
ordinairement que
l'inférieure lisse et
luisante et moins
perméable à l'hu-
midité. Lorsque le
limbe est vertical
(Graminées, Eu-
calyptus, Syl-
phium), les deux
faces de la feuille
ont à peu près la
même apparence. Il
existe plus rare-
ment des feuilles
pendantes (Pin) dont les deux faces sont semblables. Ordi-
nairement membraneux, le limbe s'épaissit dans les plantes
grasses (Joubarbe, Ficoïdes, etc.) et parfois même offre
une section cylindrique ou triangulaire ; il est gorgé de
liquide en pareil cas (V. Carnosité).
Le limbe est en général sillonné de nervures qui font
ordinairement saillie à la face inférieure ; celle qui le par-
court de la base au sommet et qui n'est que la continua-
tion du pétiole constitue la nervure médiane ou princi-
pale ; si cette nervure existe seule, la feuille est uninerve;
s'il naît d'autres nervures (secondaires) de la base du
limbe et si elles sont parallèles les unes aux autres jus-
qu'à la pointe, la feuille est à nervation parallèle ou rec-
tinerve (Monocotylédones). Ailleurs le pétiole s'épanouit
à la base du limbe en nervures divergentes comme les
doigts de la main ; c'est la nervation digitée ou palmée
(Mauve, Ricin), la feuille est dite digitinerye ou palmati-
nerve ; la nervation pédalée en est une variété (Hellébore,
Dentaria, quelques Aroïdées). Dans certaines plantes, les
nervures secondaires naissent par paires de la nervure
principale et sont obliques et parallèles entre elles ; c'est
la nervation pennée correspondant à la feuille penninerve
(cerisier, châtaignier). Le plus souvent les nervures secon-
daires se détachent irrégulièrementde la principale et se ra-
mifient elles-mêmes en nervures tertiaires, quaternaires, etc.,
d'où résulte un réseau à mailles plus ou moins régulières
remplies d'un parenchyme vert, ordinairement moins con-
Feuille polymorphe d'Acacia
heterophylla.
FEUILLE
- 378 -
sistant que le tissu des nervures. Le parenchyme peut
manquer plus ou moins complètement, et le limbe prendre
un aspect fenêtre (certaines Aroïdées, YOuvirandra de
Madagascar).
Formes des feuilles. Ces formes, extrêmement varia-
bles, dépendent le plus souvent du contour du limbe, qu'il
soit continu ou le siège de découpures plus ou moins pro-
Feuille digitée ou palmée de Ricin.
fondes et régulières ; le limbe est entier lorsque le paren-
chyme sous-tend les nervures de la base au sommet. La
forme du limbe entier, quelle qu'elle soit, peut être rame-
née au cercle, à l'ellipse ou à l'ovale ; voici quelques-unes
des formes principales : circulaire (Capucine), elliptique
(Hêtre), ovale (Chèvrefeuille), et correspondant à cette
série trois variétés réniformes (Lierre terrestre, Caltha,
Nénuphar blanc) et trois variétés cordiformes (Pulmo-
naire, Nénuphar jaune, Scrofu-
laire), puis par l'adjonction d'une
ou de plusieurs pointes des va-
riétés telles que : acuto-ovales
( Epiaire ) , acuto - elliptiques
(Sauge), acutocordiformes (Li-
las), lancéolées (Lin, Laurier-
Cerise), ovales-lancéolées (Bu-
glosse), sagittées (Arum, Sagit-
taire), hastées (Oseille), cor-
diformes-sagittées (Liseron),
etc. Ajoutons quelques formes
telles qu'oblongue (limbe trois
ou quatre fois plus long que
large), obovale (grosse extré-
mité de l'ovale tournée en haut),
obcordée (cœur à échancrure
tournée en haut) peltée (en
bouclier), etc.
Suivant la forme des décou-
pures des bords du limbe, une
feuille est dentée (dents plus ou
moins aiguës, séparées par des
sinus aigus, parfois épineuses :
Aloès, Houx, Scolymus) ; ser-
rée, c.-à-d. dentée en scie (den-
telures à sommet aigu dirigé
vers le sommet du limbe, séparées par des sinus aigus);
sinuée (saillies surbaissées, obtuses, séparées par des
sinus peu profonds); lobée (sinus s' étendant jusque vers
le milieu de chaque moitié du limbe); fendue (fide)
divisions aiguës atteignant le milieu de chaque moitié du
limbe); partite (divisions atteignant presque la nervure
médiane), etc., etc.; ces formes se combinent souvent
entre elles. En même temps la nervation offre des variétés
qui font alors donner aux feuilles des noms tels que : pin-
natidentée, pinnatifide, digitipartite, palmatilobée, pédati-
partite, etc. Tant que les divisions n'atteignent pas la ner-
vure principale, les feuilles sont dites simples. Mais
lorsque de la nervure principale, appelée alors rachis^ se
Feuille penninerve de
Châtaignier.
Feuille dentée épineuse de
ffî Cardousse {Scolymus his-
f panicus h.).
détachent des nervures secondaires ou pétiolules portant
un des lobes du limbe , et que les nervures secondaires se
ramifient une ou deux fois de plus avant de porter un lobe
ou un foliole, la feuille est dite composée simplement,
doublement, triplement, etc.; dans ce cas on dit encore
que la feuille est décomposée. Suivant l'insertion des ner-
vures sur le rachis, les feuilles sont composées-palmées,
composées-digitées, composées-pennées, etc. Si dans cette
dernière variété le foliole terminal est impair, la feuille
est composée-imparipennée, etc. Suivant l'insertion des
folioles eux-mêmes on a des
feuilles oppositipennées ou
alternipennées.
Reste à mentionner quel-
ques formes de feuilles spé-
ciales ; ce sont les feuilles
linéaires (Graminées) , en-
si formes (Iris, Acore, Gla~
diolus), aciculaires (Co-
nifères, Myrtacées), etc.,
puis les feuilles polymor-
phes (différences entre les
formes des feuilles radicales
et des feuilles caulinaires,
entre les feuilles submer-
gées souvent réduites à leurs
nervures et les feuilles
aériennes : Ranunculus
aquatilis, etc.) (V. Dimor-
phisme). Enfin, les feuilles
subissent des métamor-
phoses variées suivant le
rôle qu'elles doivent jouer ;
nous ne reviendrons pas
sur les parties de la fleur,
sur les bractées, les spa-
thes, etc.; signalons seulement la transformation de cer-
taines feuilles en vrilles (V. ce mot), la formation d'un
renflement ou vésicule aérienne aux dépens du pétiole et
qui est destiné à maintenir les plantes à la surface de l'eau
(Pontederia crassipes, Trapanatans); l'existence d'une
articulation du limbe sur le pétiole (Oxalis acetosella), ou
des pétiolules sur le rachis (Mimosa pudica), articulation
qui permet aux folioles et aux pétiolules de se replier sur
le rachis, après une irritation subie ou dans un but de
repos ou de sommeil (V. Mouvement et Sensibilité); en-
fin, la formation de dé-
pressions de la face su-
périeure du limbe
(généralement au ni-
veau de l'insertion pé-
tiolaire) , dépressions
qui peuvent s'exagérer
au point de former de
véritables urnes, cor-
nets, outres, etc. (Ne-
lumbo , Sarracena ,
Nepenthes, Cephalo-
tus, etc.); ces appen-
dices sont décrits aux
art. Ascidie et Carni-
vorité.
Les feuilles se dis-
posent sur les tiges
d'une manière très variée ; elles sont généralement soit op-
posées, soit alternes, soit verticillées, etc. Cette disposition
obéit à certaines lois qui feront l'objet de l'art. Phyllotaxie.
Quant au développement des feuilles sur la tige, il* est
étudié en partie à l'art. Bourgeon ; ajoutons qu'en même
temps que les feuilles grandissent et s'épanouissent, elles
s'éloignent de l'axe ; les entre-nœuds s'allongent et l'épa-
nouissement se complète par l'allongement plus grand de la
face supérieure des pétioles.
Feuille composée de Marronnier
- 379
FEUILLE
Structure des feuilles. Le pétiole offre un épiderme
analogue à celui des tiges et recouvrant un parenchyme
lacuneux ; plus profondément ce sont des faisceaux libéro-
ligneux, plus ou moins disposés en arc, le bois tourné
vers la face supérieure du pétiole, le liber vers la face infé-
rieure. Les éléments du pétiole sont disposés symétrique-
ment par rapport au plan défini par l'axe du pétiole et
celui de la tige où il s'insère. La structure des nervures
est semblable; quant au parenchyme, compris entre les
deux couches épidermiques du limbe, il renferme généra-
lement de h chlorophylle (V. ce mot); souvent une couche
supérieure de cellules plus longues que larges constitue le
parenchyme en palissade ; au-dessous se trouve un paren-
chyme lacuneux en rapport avec les stomates (V. ce mot)
de l'épiderme inférieur ; ces lacunes constituent les cham-
bres dites aériennes , par opposition avec Y antichambre
dont l'existence n'est pas constante, mais qui renferme
exclusivement les stomates dans certaines plantes et com-
munique librement avec l'air extérieur par un orifice de
l'épiderme. Souvent le parenchyme a la conformation lacu-
naire dans toute l'épaisseur de la feuille ; alors ses deux
faces sont munies de stomates. Lorsque les feuilles sont
dressées (Graminées) ou pendantes, le parenchyme lacu-
naire forme une couche moyenne comprise entre deux cou-
ches de parenchyme en palissade et des canaux condui-
sent à travers ce dernier aux stomates à peu près égale-
ment abondants sur les deux faces. Enfin la chlorophylle
peut se rencontrer dans tout le parenchyme ou seulement
dans les portions voisines de l'épiderme ; la région inter-
médiaire est alors occupée par des cellules incolores ren-
fermant un suc aqueux ou mucilagineux (Aloès, Agave).
Dans ces dernières plantes l'épaisseur du parenchyme est
considérable; elle est très faible (une seule assise de cel-
lules) chez le Zostera et les Potamogeton; enfin dans
VElodea, le limbe se réduit aux deux épidermes et aux
nervures.
Fonctions de la feuille. La feuille est le siège principal
des échanges de gaz qui caractérisent la fonction chloro-
phyllienne (fixation d'acide carbonique et exhalation d'oxy-
gène, formation, aux dépens de la sève, de composés peu
oxygénés) et la fonction respiratoire (absorption d'oxygène
et dégagement d'acide carbonique); ces deux fonctions se-
ront étudiées aux mots Nutrition et Respiration. De plus,
la feuille exhale de la vapeur d'eau ou transpire et favorise
ainsi le courant de liquide ascendaut qu'on observe dans les
vaisseaux du bois; cette transpiration se fait à travers
l'épiderme tant que celui-ci n'a pas acquis une trop grande
épaisseur ; plus tard elle se localise au niveau des lacunes
qui communiquent avec les stomates (V. Stomate).
D1' L. Hahn.
II. Beaux- Arts. — Motif d'ornementation imité
plus ou moins servilement et avec plus ou moins d'art
de la feuille des arbres ou des plantes et entrant dans la
composition des feuillages (V. ce mot) qui ont servi à
décorer, de tous temps et dans presque tous les pays, cer-
tains membres d'architecture, bases, fûts et chapiteaux de
colonnes, frises et gorges, ou certaines moulures, cavets,
tores et doucines. Les décorations, composées de feuilles,
sont sculptées, intaillées ou moulées avec plus ou moins de
relief ou de creux et rehaussées de couleur et d'or, ou seu-
lement peintes à un ou plusieurs tons, ou encore repous-
sées, ciselées ou battues quand il s'agit d'un travail de mé-
tal. Dans certaines colonnes figurées sur des bas-reliefs
datant des premières dynasties égyptiennes ou dans des
colonnes d'édifices élevés sous le nouvel empire, dans la
Thèbes des Ramessides, l'imitation réelle de la nature ne
laisse aucun doute sur l'intention de l'artiste qui a voulu
réproduire tel végétal ou telle partie de végétal empruntée
à la flore locale, plus encore qu'il n'a voulu, s'en inspirer
pour une création personnelle ; tandis que, dans les monu-
ments appartenant à l'art grec ou à des styles d'architec-
ture plus rapprochés de nous et sauf dans certains monu-
ments de l'ère romano-ogivale dont les emprunts à la flore
locale sont considérables et empreints de tendances natu-
ralistes, on sent une influence indéniable de Fart, influence
qui faisait dire tout récemment à M. G. Aitchison (The
Principles of Ornement; Londres, 1892, p. 17, in-8,
fig.) que « si la flore de ce monde ne se résume pas dans
le lotus, le chèvrefeuille et l'acanthe, et si le hasard fit
adopter ces plantes à l'origine, ce furent les travaux infinis
dont elles furent l'objet qui amenèrent la persistance de
leur emploi dans le domaine de l'art ».
En dehors des noms des végétaux auxquels sont emprun-
tées certaines feuilles sculptées sur des parties d'architec-
ture, comme les feuilles d'acanthe, de laurier, d'olivier,
de persil, etc., dans l'architecture grecque et romaine,
ou comme les feuilles de chêne, de chicorée, de chou,
de lierre, de marronnier, etc., dans l'architecture du
moyen âge , on donne encore , à certaines feuilles modi-
fiées par la fantaisie de l'artiste, les désignations suivantes
qui rappellent leur disposition ou leur mode d'emploi.
— Feuille d'angle. Feuille recouvrant l'angle formé
par la rencontre de deux moulures d'un cadre, d'un cais-
son de plafond ou d'un chambranle de baie, la nervure mé-
diane de la feuille s'appliquant sur l'angle et des parties de
feuille exactement symétriques s'épanouissant au départ de
chaque moulure. — Feuille dentelée. Feuille dont le
rebord présente une suite d'échancrures en forme de dents.
— Feuilles entablées. Feuilles disposées à la suite l'une
de l'autre entre deux moulures et formant ainsi une rangée
ininterrompue, les extrémités des feuilles se recourbant
sous la saillie de la moulure supérieure et pour épouser la
forme de la moulure inférieure. — Feuille galbée. Feuille
ébauchée, dont les masses seules sont modelées et qui, la
plupart du temps, ne sont laissées ainsi inachevées que
par suite de la position éloignée d'où elles doivent être
vues. — Feuille de refend ou refendue. Feuille dont le
rebord est coupé, déchiqueté, refendu de façons diverses.
— Feuilles tournoyantes. Feuilles appliquées sur une
partie circulaire, socle, fût, corbeille de chapiteau de co-
lonne, qu'elles ornent et recouvrent sans interruption au-
cune. Charles Lucas.
Feuille a crosse (V. Crochet).
III, Administration militaire. — - Feuille de
route. — Sorte de passeport délivré aux militaires voya-
geant soit isolément, soit en détachement ou en corps. La
feuille de route est établie en vertu d'un ordre émanant du
ministre ou de l'autorité militaire supérieure déléguée par
lui; c'est une pièce administrative. Elle sert à établir
les droits des militaires en route aux diverses perceptions,
soit en deniers, soit en nature. On distingue les feuilles
de route collectives et les feuilles de route individuelles.
Les premières, comme leur dénomination l'indique, sont
délivrées aux corps ou détachements faisant mouvement ;
elles comprennent dans leur énoncé la désignation du corps
ou détachement qu'elles concernent, l'effectif, ainsi que le
nom et la qualité du commandant. Les secondes contiennent
les renseignements suivants : l'arme, le corps, le bataillon
et l'unité administrative auxquels appartient le titulaire,
ainsi que son nom, son grade, sa mutation, son point de
départ, sa destination, son itinéraire détaillé et l'indication
des sommes qui lui sont allouées pour sa route. Sont con-
sidérées comme feuilles de route : l'ordre d'appel indivi-
duel; le livret individuel (feuille spéciale aux appels et
ordre de route pour le cas de mobilisation) ; le récépissé
du livret délivré par la gendarmerie ou le maire ; l'ordre
de mouvement rapide ; la lettre de service des officiers de
réserve ou de l'armée territoriale en cas de mobilisation ;
l'ordre de convocation devant la commission spéciale de
réforme.
La feuille de route confère à son titulaire le droit de
transport à prix réduit sur les chemins de fer, sans
s'écarter de l'itinéraire ; le transport gratuit de 30 kilogr.
de bagages, le supplément taxé au prix réduit du cahier
des charges ; le droit au logement chez l'habitant dans les
gîtes d'étape compris sur l'itinéraire. Les feuilles de route
FEUILLE — FEUILLET
- 380 -
sont détachées d'un registre à souche; elles sont délivrées
dans les corps de troupe ou les établissements par le chef
de corps ou le chef de l'établissement. Le sous-intendant
militaire seul les délivre aux officiers sans troupe sur le
\u d'un titre appelé invitation de feuille de route. — Les
chevaux voyageant isolément ont également des feuilles de
route délivrées par le sous-intendant. — Les militaires
isolés ne peuvent obtenir de feuilles de route que sur la
présentation des titres ci-après : lettre de service émanant
du ministre ; ordre émanant d'une autorité compétente ;
commission; congé; billet d'hôpital. — Les maires ne
peuvent délivrer de feuilles de route, mais seulement des
sauf-conduits pour aller jusqu'à la résidence du sous-
intendant militaire ou de son suppléant militaire le plus
rapproché.
IV. Pêche. — On nomme feuilles les jeunes poissons,
principalement les carpes, qui servent au repeuplement
des étangs.
V. Procédure civile. — Feuille d'audience. —
Cahier de papier timbré sur lequel le greffier d'un tribunal
ou d'une cour inscrit les arrêts et jugements dans l'ordre
où ils sont prononcés et à la suite les uns des autres. Régu-
lièrement cette inscription devrait se faire à l'audience et
au moment même où les décisions sont rendues, mais on
n'obtiendrait ainsi qu'une feuille d'audience informe et
illisible ; aussi la pratique s'est-elle introduite parmi les
greffiers de ne prendre à l'audience que des notes sur les
principaux motifs et les dispositions du jugement, sur un
cahier de papier libre qui sert de brouillon, et qu'on appelle
plumitif; ce brouillon est ensuite corrigé, complété par le
président et recopié par le greffier sur la feuille d'audience
proprement dite. Celle-ci doit comprendre tous les juge-
ments ou arrêts qui ont été prononcés le même jour, à peine
de poursuites disciplinaires contre le greffier. La feuille
d'audience porte en tête les date, jour, mois et an, et cette
mention sert pour tous les jugements ou arrêts qu'elle con-
tient, mais la minute de chacun de ces jugements ou arrêts
doit être signée du président et du greffier. La feuille d'au-
dience est un acte authentique qui fait foi de son contenu
jusqu'à inscription de faux. F. Girodon.
VI. Droit canon. — ■ Feuille des bénéfices. — Etat
des bénéfices ecclésiastiques qui étaient à la disposition du
roi. Sous Louis XIV, le confesseur du roi en avait l'admi-
nistration ; ensuite, ce fut un prélat, quelquefois le grand
aumônier de France. Aux mots Abbaye (t. I, p. 36, col. 2) ;
Election (t. XV, pp. 752-753) on trouvera des renseigne-
ments indiquant l'importance de ce ministère de la Feuille.
VII. Imprimerie. — Feuille de décharge (V. Dé-
charge).
VIII. Art héraldique. — Feuille de scie. — Bande,
fasce ou barre dentelée d'un seul côté ; on doit spécifier si
la dentelure est en chef ou en pointe, e.-à-d. si la pointe
des dents est tournée vers le haut ou vers le bas de l'écu.
Les Cossé-Brissac portent de sable à trois feuilles de scie
d'or en fasce, les dents vers la pointe.
Bibl. : Code de procéd. civile, art. 138. — Décret du
30 mars 1808, art. 36, 37, 38 et 39, 73 et 74.
FEUILLE (Daniel de La), écrivain héraldique français,
vivant au xvn° siècle et dont les ouvrages parurent à
Amsterdam. Il est l'auteur de : Méthode nouvelle pour
apprendre Vart du blason (Amsterdam, 1695, in-4 ;
autre édition sous le titre l'Art du blason ou science
des nobles par dialogues, 1695, in-4); devises et
emblèmes anciennes et modernes tirées des plus
célèbres auteurs (Amsterdam, 1693, in-4); Supports et
cimiers pour les ornements des armes (Amsterdam,
4 695, in-4).
FEUILLEA (V. Fevillea).
FEUILLÉE (La). Corn, du dép. du Finistère, arr. deChâ-
teaulin, cant. de Huelgoat ; 1,937 hab., au pied du mont
Saint-Michel d'Arrée. Eglise gothique, clocher élégant,
svelte, chaire sculptée. Manoir de Kerbérou, ancienne com-
manderie de Malte.
FEUILLÉE (Le P. Louis), voyageur et savant français,
né à Mane (Basses- Alpes) en 1660, mort à Marseille le
18 avr. 1732. D'une famille pauvre, il entra en 1680 dans
l'ordre des minimes, acquit rapidement de profondes con-
naissances en astronomie, en physique, en histoire natu-
relle, et fut chargé d'accompagner dans le Levant Jacques
Cassini en qualité d'aide-hydrographe (1699). Trois ans
après, il reçut lui-même une mission scientifique pour les
Antilles, s'embarqua à Marseille le 5 févr. 1703, explora
principalement la Martinique et la côte de Caracas, et
rentra à Brest le 20 juin 1706. Reparti le 14 déc. 1707,
cette fois pour la côte orientale de l'Amérique, il fut re-
tardé par des vents contraires, fit escale à Ténériffe, doubla
le cap Horn en janv. 1709, releva avec soin les côtes du
Chili, visita le Pérou, et ne fut de retour en France qu'au
mois d'août 1711. Son dernier voyage fut aux îles Cana-
ries, où l'Académie l'envoya en 1724 pour déterminer la
position précise de l'île de Fer. Louis XIV lui avait fait
construire à Marseille un observatoire particulier. Ses
notes de voyages furent l'objet de trois publications dis-
tinctes, qui eurent un certain succès : Journal des obser-
vations physiques, mathématiques et botaniques, faites
sur les côtes orientales de l'Amérique méridionale et
dans les Indes occidentales (Paris, 1714, 2 vol. in-4);
Suite du Journal des observations faites sur les côtes
orientales de V Amérique méridionale et dans un
autre voyage fait à la nouvelle Espagne et aux îles
de i Amérique (Paris, 1725, in-4) ; Histoire des plantes
médicinales qui sont le plus en usage aux royaumes
du Pérou et du Chili (Paris, 1714-25, 3 vol. in-4,
avec pi. ; trad. ail. par Huth, Nuremberg, 1756-57, 2 vol.
in-4). Quant à ses nombreuses et importantes observations
astronomiques, elles ont paru, de 1699 à 1710, dans les
Mémoires de l'Académie des sciences de Paris, dont il
était correspondant. Léon Sàgnet.
FEUILLÈRES. Corn, du dép. de la Somme, arr. et
cant. de Péronne; 262 hab.
FEUILLET. I. Anatomie. — Ainsi nommé en raison
de ce qu'il renferme un grand nombre de lames analogues
aux feuillets d'un livre, le feuillet est un compartiment
stomacal des ruminants, intermédiaire entre le réseau
et la caillette. Les lames de feuillet sont blanchâtres et
parsemées de mamelons papillaires ; elles ont un bord adhé-
rent attaché à la grande courbure de l'organe, qui, plein,
a la forme d'un ovoïde. Les lames sont de dimensions
inégales ; il y en a de larges, et, entre celles-ci, il y en a
d'autres beaucoup plus petites. Toutes sont destinées à
tamiser les aliments avant leur entrée dans la caillette,
véritable estomac des ruminants dont la muqueuse présente
tous les caractères qui distinguent celle de la muqueuse des
carnivores. L. Garnier.
II. Mathématiques (V. Surface de Riemann).
III. Physique. — Feuillet magnétique. — On appelle
ainsi une couche mince d'un corps aimanté transversale-
ment et d'une épaisseur telle en chaque point que le produit
de cette épaisseur par l'intensité de son aimantation en ce
point soit constant. Cette constance se nomme la puissance
du feuillet. Le potentiel d'un feuillet ainsi défini relatif à son
action sur un point est égal au produit de la puissance du
feuillet par l'angle solide sous lequel du point considéré on
voit le feuillet. Cet angle doit être pris avec le signe + si le
point est du côté de la face australe du feuillet, et avec le
signe — s'il est du côté de la face boréale. Si le feuillet est
fermé sur lui-même, le potentiel sera nul ou égal au pro-
duit de la puissance du feuillet par 4tc suivant que le point
considéré sera extérieur ou intérieur au feuillet. Dans un
cas comme dans l'autre le potentiel étant constant sa déri-
vée sera nulle et par conséquent nulle aussi l'attraction ou
la répulsion du feuillet sur un point quelconque intérieur
ou extérieur. Quand un aimant peut être divisé en pareils
feuillets, on dit alors que l'aimantation est lamellaire ; les
seuls feuillets qui ont une action sont ceux qui ne sont pas
fermés ; leur contour limitatif se trouve sur la surface de
— 384 —
FEUILLET - FEUILLETAGE
l'aimant. Le potentiel d'un aimant lamellaire s'obtient par
la méthode générale et en remarquant que dans le cas de
feuillets magnétiques les composantes suivant les axes ox,
oy, oz de l'intensité magnétique sont les trois dérivées
partielles par rapport à x, à y et à % de la somme des
puissances magnétiques des feuillets traversés par un mobile
qui va du point considéré au point (x, y, z). En appelant
r la distance d'un élément du feuillet au point considéré,
<p la puissance de ce feuillet, dS la surface de l'élément,
ô l'angle que fait la droite qui va du point considéré à
l'élément de feuillet avec la normale au feuillet en ce point,
le potentiel V a pour expression
v=jJ?t?cos9ds
pour tout point situé à l'extérieur de l'aimant.
FEUILLET (Octave), littérateur français, né à Saint-Lô
(Manche) le 11 août 1821, mort à Paris le 29 déc. 1890.
Fils du secrétaire général de la préfecture de la Manche, il
remporta, comme élève du lycée Louis-le-Grand, de nom-
breuses récompenses au concours général. Tout en com-
mençant des études de droit, il fournit quelques esquisses
au Diable à Paris (4 846) et raconta au public enfantin
d'alors Polichinelle, sa vie et ses nombreuses aventures
(1846, in- 16 illustré). En même temps, il s'essayait au
théâtre, avec la collaboration de Paul Bocage, par Un
Bourgeois de Paris, comédie en un acte et en prose
(Odéon, 1845), suivie de Echec et mat, drame en cinq
actes (Odéon, 1846) ; Palma ou la Nuit du Vendredi-
Saint, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, avr.
4847); la Vieillesse de Richelieu, comédie en cinq actes
(Théâtre-Français, nov. 1848); York, comédie-vaudeville
en un acte (Palais-Royal, 4852); mais ses véritables débuts
dans la double carrière où il ne devait guère connaître que
le succès datent du roman de Bellah (1852, in-48), épisode
des guerres civiles de l'Ouest, où les réminiscences des
Chouans de Balzac sont encore sensibles, et, au théâtre,
de la Crise, comédie en quatre actes (Gymnase, 1854).
Roman et comédie avaient auparavant paru dans la Revue
des Deux-Mondes, dont Octave Feuillet resta jusqu'à la
fin le collaborateur fidèle, sinon fréquent. C'est là que pa-
rurent successivement les Scènes et Proverbes (1851,
in-18), et les Scènes et Comédies (4854, in-48). Quel-
ques-unes de ces saynètes, le Pour et le Contre (1854),
le Village (4856), le Cheveu blanc (4856), Dalila
(4857) avaient obtenu au Gymnase, à la Comédie-Française
et au Vaudeville un accueil non moins favorable qu'à la
lecture. Octave Feuillet s'attachant exclusivement à peindre
les mœurs du grand monde ou de la haute bourgeoisie de
cette époque, donna dans les dix années suivantes : le Pio-
man d'un jeune homme pauvre (1858), d'où il tira un
drame on cinq actes sous le même titre (Vaudeville, 4858),
Histoire de Sibylle (4862, in-48); Monsieur de Camors
(4867, in-48) qui tous trois furent lus, discutés et tra-
duits dans toute l'Europe lettrée. L'Académie française
avait appelé Feuillet au fauteuil de Scribe (3 avr. 4862),
et l'impératrice Eugénie, qui témoignait hautement ses sym-
pathies pour l'écrivain, lui avait fait attribuer les fonctions
de bibliothécaire du palais de Fontainebleau qu'il résigna
au lendemain du 4 sept., malgré les instances du gouver-
nement de la Défense nationale. Durant cette période, le
théâtre ne lui avait guère été moins favorable : Rédemp-
tion (Vaudeville, 4860); Monijoye, comédie en cinq actes
(Gymnase, 4863) ; la Belle au bois dormant, drame en
cinq actes (Vaudeville-Féeries, 4865); le Cas de con-
science, comédie en un acte en prose (Théâtre-Français,
4867); Julie, drame en trois actes (ibid., mai 4869),
eurent des fortunes diverses, mais la plupart se maintin-
rent longtemps sur l'affiche.
Dans la seconde période de sa vie, Octave Feuillet écrivit
encore de délicats récits, dont quelques-uns lui furent ins-
pirés soit par nos défaites, soit par les mœurs nouvelles,
tels que Julia de Trécœur (4872, in-48); Un Mariage
dans le Monde (4875, in-48) ; les Amours de Philippe
(4877, in-48) ; le Journal d'une femme (4877, in-48);
Histoire d'une Parisienne (4882, in-48); la Veuve, le
Voyageur (4884, in-48); la Morte (4886, in-48); le
Divorce de Juliette, Charybde et Scylla, le Curé de
Bourron (4884, in-48); Honneur d'Artiste (4890,
in-48). Le public féminin lui était d'ailleurs resté fidèle et
sa vogue n'eut pas à souffrir de l'invasion bruyante du -
naturalisme. Toutefois, on ne peut guère citer que pour en
rappeler l'éphémère durée ses dernières tentatives théâ-
trales : V Acrobate, comédie en un acte (1873); le Sphinx,
drame en quatre actes (Théâtre-Français, 4874), où il
trouva dans Mlle Croizette une interprète hors ligne ; les
Portraits de la marquise, comédie en trois actes (ibid.,
4882), écrite vingt ans auparavant pour le théâtre du
château de Compiègne; Un Roman parisien, pièce en
cinq actes (4883); Chamillac, comédie en cinq actes
(1886). 11 avait également adapté pour la scène, avec le
concours de M. Louis Gallet, une pièce de sa jeunesse, la
Clef d'or, dont M. Eugène Gautier avait écrit la musique
(cinq actes, 4878). — Octave Feuillet, dont les dernières
années avaient été cruellement attristées par la perte d'un
fils,_ eut pour successeur à l'Académie française M. Pierre
Loti. Il existe de lui un portrait peint par François Bonvin
(4859). La librairie C. Lévy a récemment entrepris une
édition collective de son Théâtre complet (4892, t. I);
Maurice Tourneux.
Bibl.: Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. V. — F.Bru-
netière, Revue des Deux-Mondes, 1er févr. 1891.
FEUILLET de Conches (Félix-Sébastien), littérateur et
publiciste français, né à Paris le 45 frimaire an VII (5 déc.
4798), mort à Paris le 5 févr. 4887. Entré au ministère
des affaires étrangères le 25 janv. 4844, comme employé
au bureau des passeports et des légalisations, il y devint
chef du protocole (4832), sous-directeur (1844), directeur
(4868), ministre plénipotentiaire, maître des cérémonies et
introducteur des ambassadeurs. De très bonne heure, il
avait eu le goût des recherches historiques et recueilli une
collection d'autographes bientôt célèbre, d'où il tira les
éléments de la plupart de ses publications. La possession
de quelques-uns de ces documents lui fut judiciairement
contestée et la Bibliothèque nationale obtint ainsi la
restitution d'une lettre autographe de Montaigne (4859).
A la fin de sa vie, Feuillet de Conches se défit, soit
à l'amiable, soit par des ventes anonymes, des diverses
richesses de son cabinet. Il avait successivement publié :
Léopold Robert, sa vie, ses œuvres et sa correspon-
dance (1849, in-42); Réponse a une incroyable
attaque de la Bibliothèque nationale (4854, gr. in-8),
réunion de trois factums relatifs à la réintégration récla-
mée par M. Naudet, administrateur général de la Biblio-
thèque ; Causeries d'un curieux, variétés d'histoire et
d'art (4861-4867, 4 vol. in-8); Contes d'un vieil en-
fant (4860, in-8, illustrations par Edmond Morin) ; les
Femmes blondes selon les peintres de l'Ecole de Venise
(4865, in-8), avec Armand Baschet, sous le pseudonyme
collectif de « Deux Vénitiens » ; Souvenirs de première
jeunesse d'un curieux septuagénaire (4877, in-8, non
mis dans le commerce) ; les Salons de conversation au
xvme siècle (4883, in-46); Histoire de l'école anglaise
de peinture (4883, gr, in-8). Les documents historiques
ou littéraires mis au jour par lui sont les suivants : Médi-
tations métaphysiques et Correspondance de N. Mole-
branche avec Dortous de Mairan (4844, in-8) ; Lettres
inédites de Michel de Montaigne et de quelques autres
personnages (4863, in-8), extraites du tome III des Cau-
series d'un curieux; Louis XVI, Marie- Antoinette et
Madame Elisabeth, lettres et documents inédits (4864-
4873, 6 vol. in-8) dont l'authenticité fut, au moins pour
la majeure partie, attaquée en France par MM. Geoffroy et
Schérer, à l'étranger par MM. d'Arneth et de Sybel ; Cor-
respondance de Mme Elisabeth de France (4867, in-8).
FEUILLETAGE (Pâtiss.). Le feuilletage est l'artde pré-
FEUILLETAGE — FEUQUIÈRES
— 382
parer une pâte de telle sorte qu'à la cuisson elle se lève par
feuilles minces. On l'emploie pour les pâtisseries légères,
les tourtes de fruits, les vol-au-vent, etc. Pour préparer
une pâte feuilletée on dispose en couronne sur une table
un demi-kilogr. de farine et on place dans le creux du
milieu deux jaunes d'œufs, un peu de sel et un verre d'eau.
On mélange doucement en ajoutant un peu d'eau si cela est
nécessaire pour former du tout une pâte que Ton travaille
jusqu'à ce qu'elle soit ferme, lisse et douce au toucher. Puis
on abaisse (V. ce mot) cette pâte, on en enveloppe d'une
épaisseur égale 500 gr. de beurre parfaitement épongé
dans un linge fariné, et on laisse reposer un moment. Avec
le rouleau on allonge alors le feuilletage jusqu'à ce qu'il
n'ait plus qu'un centim. et demi d'épaisseur., on le replie
en trois, puis on le tourne sur la partie large et on l'al-
longe comme au premier tour. On laisse reposer deux mi-
nutes et on donne encore trois tours. Il faut avoir soin, à
chaque tour, de saupoudrer le dessus et le dessous de la
pâte afin qu'elle ne devienne pas prise par la cuisson. Aus-
sitôt le dernier tour donné, on met au four après avoir
doré légèrement avec des jaunes d'œufs au moyen d'un
petit pinceau de plumes. — En été, il est nécessaire d'opérer
dans un endroit très frais et de plonger le beurre avant de
l'employer dans un vase contenant de la glace.
FEUILLETON. On appelle ainsi un article de critique ou
de littérature placé au bas de la feuille d'un journal. Le feuille-
ton dramatique fut le premier inventé ; à l'origine, il prenait
place dans le corps du journal. L'abbé Geoffroy fut le pre-
mier qui lui donna sa forme actuelle. Choisi après le 48 bru-
maire pour traiter dans le Journal des Débats de la litté-
rature théâtrale, il donna beaucoup de vogue et d'extension
à ce genre : on lui a reproché parfois sa haine de Voltaire
et de Talma et son adulation continue de [Napoléon. Quoi
qu'il en soit, il eut un très grand succès, et la critique
théâtrale n'a pas depuis perdu son prestige. Le feuilleton
musical s'est détaché un peu plus tard, et A. Adam en fut
un des premiers rédacteurs.
On peut citer aussi le feuilleton scientifique dont le
docteur Donné fut un des premiers metteurs en œuvre. Le
feuilleton littéraire, le plus populaire actuellement, est
aussi le moins ancien : il date d'nne cinquantaine d'années
environ. L'art de découper les romans d'aventures en frag-
ments également attachants, de suspendre l'intérêt à la fin
de chaque feuilleton, etc., n'a bientôt plus eu de secrets
pour les romanciers. Les Trois Mousquetaires, le Comte
de Monte-Cristo, d'Alexandre Dumas, les Mystères de
Paris, d'Eugène Sue, pour ne citer que ceux-là, ont eu un
immense succès. Dans son Histoire du Journal en France,
M. Hatin a donné des chiffres caractéristiques sur le prix
de ces divers romans payés parle Siècle, ^Constitution-
nel, le Journal des Débats qui y faisaient fortune. La
vogue des feuilletons, si grande pendant les dernières an-
nées de Louis-Philippe, n'a guère été moindre sous le
second Empire avec les œuvres de Ponson du Terrail, Ga-
boriau, etc. De nos jours encore, bien que le public com-
mence à se lasser du roman-feuilleton, le Petit Journal
est acheté par des milliers de lecteurs qui suivent assidû-
ment les maîtres actuels du genre, Xavier de Montépin,
Jules Mary, etc.
FEUILLETTE (Mesure). Tonneau contenant, suivant le
pays, de 114 à 140 litres. C'est en Bourgogne le nom
d'une demi-pièce (228 litres pour une pièce) (V. Fût).
FEUILLEUSE. Corn, du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Dreux, cant. de Senonches; 96 hab. Minerai de fer. Châ-
teau de la Barberie (xvne siècle). Sur le territoire de cette
commune et sur une étendue de près de 8 kil., on a retrouvé
à plusieurs reprises des vestiges, substructions et débris,
que les archéologues ne sont d'accord ni pour dater ni pour
identifier. Aux Chastelets, restes d'un ancien camp et d'une
forteresse féodale.
FEUILLIE (La). Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Coutances, cant. de Lessay; 511 hab.
FEUILLIE (La). Corn, du dép. delà Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. d'Argueil; 1,340 hab.
FEUILLURE (Archit.). En maçonnerie, la feuillure est
l'entaille à angle droit faite dans la pierre, la brique ou le
plâtre, entre le tableau extérieur et l'embrasure intérieure
d'une baie afin de recevoir la menuiserie, porte ou croisée,
qui ferme cette baie, tandis que, en menuiserie, on appelle
feuillure une entaille à mi-bois pratiquée le long d'un
châssis dormant pour recevoir un châssis ouvrant ou en-
core une entaille ou rainure pratiquée de diverses manières,
sur le côté d'une pièce de bois, afin de recevoir la saillie
ménagée sur une autre pièce en vue de former un assem-
blage garantissant de tout passage de l'air. La jonction des
menuiseries ainsi assemblées est souvent recouverte de ba-
guettes ou de couvre-joints entrant dans la décoration gé-
nérale des lambris ou bâtis qui les reçoivent. Les feuillures
sont poussées dans le bois par des outils spéciaux, sortes
de rabots ou de bouvets, appelés feuillerets. Ch. Lucas.
FEUILLUS (Sylvie). Par ce nom on désigne les es-
sences ou végétaux forestiers à feuilles plus ou moins lar-
gement étalées et dont le bois, ordinairement dépourvu de
résine, présente des vaisseaux. Le hêtre, le bouleau, les
chênes à feuilles caduques, le chêne vert, etc., sont des
feuillus. Dans la classification des essences forestières,
les feuillus sont opposés aux résineux.
FEULE, Corn, du dép. du Doubs, arr. de Montbéliard,
cant. de Pont-de-Roide ; 136 hab.
FEUQUIÈRES (Felcheriœ). Corn, du dép. de l'Oise,
arr. de Beauvais, cant. de Granvilliers ; 1,236 hab. La sei-
gneurie est très ancienne ; elle entra vers 1320, par ma-
riage, dans la maison de Pas, originaire d'Artois, et y
resta jusqu'au xvme siècle. Lors de l'extinction de cette
famille au xvme siècle, Feuquières fut compris dans le
marquisat de Sarcus. L'église est en partie du xme et en
partie du xvie siècle. Il y a, en outre, dans la paroisse,
cinq petites chapelles, dont l'une était le but d'un pèleri-
nage très fréquenté. C. St-A.
FEUQUIÈRES. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Ab-
beville, cant. de Moyenneville ; 1,860 hab.
FEUQUIERES (Manassès de Pas, marquis de), général
et diplomate français, né à Saumur le 1er juin 1590, mort à
Thionville le 13 mars 1640. Il était originaire d'une ancienne
famille de l'Artois. La plupart de ses ancêtres avaient été tués
dans les guerres civiles ; Jean de Pas au siège de la Cha-
rité, Daniel devant Paris, Gédéon devant Doullens, Fran-
çois, son père, chambellan de Henri IV, à Ivry. Lui-même
entra au service à treize ans comme volontaire. En 1626,
il ramena les troupes françaises de la Valteline et servit au
siège de La Rochelle (1628-1629) où il fut fait prisonnier.
Maréchal de camp en 1629, il combattit les Espagnols en
Italie et Rohan en Languedoc. Gouverneur de Toul, Vie et
Moyenvic, lieutenant général à Metz et Toul en 1631, il
fut envoyé comme ambassadeur en Allemagne en 1633 et
1634. Sa mission eut un plein succès et contribua à resserrer
notre alliance avec les Suédois et les princes protestants
d'Allemagne. Il commanda ensuite le corps d'armée qui
rejoignit le duc de Weimar (1636) et fut fait lieutenant
général le 14 juil. 1637. Après avoir servi sur le Rhin en
1638 et 1639, il se fit battre et blesser à mort devant
Thionville. On a de lui des Lettres et négociations
(Amsterdam et Paris, 1753, 3 vol. in-12). — Son fils,
Isaac, né le 10 mai 1618, mort à Madrid le 6 mars 1688,
bien qu'il soit arrivé comme son père au grade de lieute-*
nant général des armées du roi (28 août 1653), est surtout
connu comme diplomate. Il fut vice-roi en Amérique (1660),
ambassadeur en Allemagne (1672), en Suède, puis en
Espagne (1685). Des sept fils qu'il eut de son mariage
avec Anne-Louise de Grammont, l'aîné, Antoine, mort en
1711, fut aussi lieutenant général des armées. Il a laissé
des Mémoires contenant ses maximes sur la guerre
(Paris, 1770, 4 vol. in-4 et in-12, 4e éd., la seule com-
plète. — François fut abbé de Relecq et grand doyen de
Verdun. Il mourut en 1691. — Jules, mort en 1741,
épousa la fille du peintre Mignard. — Henry , Charles et
383 —
FEUQUIÈRES — FEUTRE
Simon furent tués à l'ennemi. Avec leur neveu kntoine II,
colonel du régiment de Bourgogne, s'éteignit la famille
des Feuquières. Louis Farges.
Bibl. : Table généalogique des seigneurs et comtes de
Pas, marquis de Feuquières, s. 1. n. d., in-fol. — E. Gal-
lois, Lettres inédites des Feuquières ; Paris, 1845, 5 vol.
in-8.
FEURS (Forus, Forum, Fuer). Ch.-l. de cant. du dép.
de la Loire, arr. de Montbrison, sur la rive droite de la
Loire ; 3,492 hab. C'est une des villes les plus anciennes
de la région. Mentionnée par les géographes grecs et
romains sous le nom de Forum Segusiavoimm, capitale
des Ségusiaves (Y. ce mot), municipe libre, elle était le
centre de trois grandes routes militaires. Après les inva-
sions, Feurs fit partie du royaume de Bourgogne, puis
devint la capitale du comté de Forez bien avant Montbri-
son. Rasée par les Anglais et Robert Knolles en 1357, elle
fut choisie en 4452 pour la conclusion du double mariage
du dauphin Louis et de la princesse Charlotte de Savoie et
d'Yolande de France avec Amédée de Savoie. Dans le pre-
mier tiers du xvie siècle, assiégée par les protestants,
Feurs fut saccagée ; elle vint ensuite au pouvoir de la
Ligue et avec Anne d'Urfé passa à Henri IY. Au xvme siècle,
Feurs fut le siège d'un essai de culture du riz, essai tenté
par Abraham de Thélis. Pendant la Révolution, Feurs fit
partie du dép. de Rhône-et-Loire ; c'est là que pendant la
Terreur régnaient Javognes, sa commission de justice popu-
laire et son tribunal révolutionnaire. En 1814, occupée
par les Autrichiens, elle fut dotée en 1826 d'une chapelle
expiatoire, élevée en mémoire des victimes de la Révolu-
tion. Feurs est la patrie de Duverney, fondateur du Jardin
des Plantes et du colonel Michel Combes, organisateur de
la légion étrangère, tué à Constantine en 1837 ; une statue
-due à Foyatier lui fut érigée en 1839. Armes de Feurs :
dor à un pot de sable vomissant des flammes de
gueules. Maurice Dumoulin.
Bibl. : Abbé Roux, Recherches sur le Forum Segusia-
vorum; Lyon, 1851, gr. in-8, pi. — A. Bernard, Descript.
du pays des Ségusiaves; Paris et Lyon, 1858, in-8, pi. —
A. Broutin, Hist. de la ville de Feurs; Saint-Etienne, 1867,
in-8.— F. Duguet, Mém. sur Feurs, publ. par V. Durand,
ap. Mém. de la Diana, t. VI. —Fayard, Hist. des tribunaux
révolutionnaires de Lyon et de Feurs; Lyon, 1887, in-8.
FEUSINES. Corn, du dép. de l'Indre, arr. de La Châtre,
cant. de Saint-Sever; 540 hab.
^ FEUTRAGE (Industr.). Nom généralement donné à l'ha-
billement des organes de machines susceptibles d'émettre
la chaleur par rayonnement. Les chaudières, le tuyautage
de vapeur, les boîtes à détente et à tiroirs, les cylindres
et certaines parties des condenseurs sont revêtus d'une
couche protectrice pour s'opposer, autant que possible, à
cette émission de chaleur. Si l'on omet cette précaution,
on perd inutilement une portion de la chaleur de la vapeur
et, de plus, on élève considérablement la température des
chambres de chauffe ou de machine et on les rend difficile-
ment habitables. La matière la plus généralement employée
est un feutre grossier en grandes feuilles, préalablement
trempées dans une solution d'alun, pour les rendre inin-
flammables ; ces feuilles sont cousues sur place autour de
l'organe à revêtir. L'enveloppe et la façade arrière des
chaudières sont habituellement recouvertes de deux feuilles
de feutre par-dessus lesquelles on coud en double de forte
toile à voile qui reçoit ensuite une couche de peinture. Cet
ensemble est maintenu contre les chaudières à l'aide de
lattes de feuillard mince en quantité suffisante. On agit de
la même manière pour le tuyautage, sauf l'emploi de lattes.
On fait également usage dans ce même but de bourre de
soie, de bourre de vache, de déchets d'amiante, de plas-
tiques de compositions diverses, de coton de laitier. —
En chapellerie, le feutrage est l'opération que subit l'étoffe
au moyen du bastissage et qui a pour but de lui donner
plus de force et d'épaisseur (V. Chapeau, t. X, p. 545).—
Dans l'impression sur étoffe, les planches qui servent à
l'impression à la main se font de diverses façons suivant
qu'elles doivent reproduire les contours, les rentrures ou
les fonds. Quand il s'agit des fonds, comme le bois prend
inégalement la couleur, facilite l'évasement et donne des
bavures, on évide les grandes surfaces et on les remplit
soit de tontisse fixée avec une colle particulière ou de la
gomme laque, soit de drap de laine, soit de feutre, d'où le
nom de feutrage. Les planches ainsi garnies sont dites feu-
trées ou chapeaudées. L. K.
FEUTRE (Industr.). Lorsqu'on soumet les poils de cer-
tains animaux à une légère agitation et à une pression dans
des sens divers, ils se mêlent d'une façon inextricable,
s'agrègent, s'entrelacent et forment un tissu d'une grande
résistance auquel on a donné le nom de feutre. Certains
poils, la laine par exemple, ont-la propriété de feutrer faci-
lement. Pour communiquer cette propriété aux poils sus-
ceptibles d'être employés, on est obligé de leur faire subir
un traitement spécial. Les poils généralement employés dans
la fabrication du feutre sont ceux de castor, de rat gron-
din, de rat musqué, de loutre marine, de vigogne, de ca-
chemire, de chèvre, de lièvre, de lapin et de chameau. Le
castor, la loutre et le rat musqué viennent du Canada par
l'intermédiaire de l'Angleterre qui nous fournit aussi les
peaux de lapin appelées dans le commerce garennes d'An-
gleterre. Le poil de cachemire fourni par les chèvres du
Tibet nous arrive par la Russie. Le Pérou et Buenos Aires
nous envoient le poil de vigogne. La Russie et la Saxe
fournissent les meilleurs poils de lièvre. L'Egypte, la Sy-
rie, l'Arabie nous fournissent par Marseille les poils de
chameau et de dromadaire. C'est la France qui tient le
premier rang pour la qualité et la quantité des poils livrés
à la chapellerie ; ceux de lapins de clapier surtout sont
recherchés. En moyenne on peut admettre que 400 peaux
de lièvre donnent 3ks500 de poil; 100 peaux de lapin
français, 2k&750. Notre pays livre à l'industrie chape-
lière environ 80 millions de peaux dont 1/40 seulement
proviennent d'animaux sauvages. En Belgique, sur 4 5 mil-
lions de peaux, la proportion est à peu près la même; tandis
qu'en Angleterre, qui livre environ de 25 à 30 millions de
peaux, les 9/40 sont des peaux sauvages. L'Allemagne
met en vente de 8 à 10 millions de peaux de lièvre ; la
Suède et la Norvège un nombre très variable de lièvres
blancs. Quant à la Russie, la quantité de peaux de lièvre
et de lapin qu'elle exporte chaque année est, considérable
et de bonne qualité. Enfin, sous les noms de peaux d'An-
drinople et de Smyrne, on comprend les lapins et lièvres
des Turquies d'Europe et d'Asie.
Les feutres les plus fins, les plus beaux sont ceux dans
la fabrication desquels il entre le plus de castor, de rat
musqué ou de rat grondin. Mais le prix élevé de ces poils
ne permet leur emploi que dans les articles de luxe. Ils
sont le plus souvent mélangés avec d'autres variétés de
poils. Pour les feutres de qualité ordinaire on emploie sur-
tout les poils de lièvre et de lapin.
Dans le poil, on distingue le jarre et le duvet; les poils
jarreux, raides et clairsemés, sont le plus souvent rejetés;
dans quelques campagnes de l'Est on en fait cependant
des matelas et des coussins ; le duvet seul est employé dans
l'industrie du feutre. Les dénominations spéciales indiquent
sur les marchés l'état sous lequel se trouvent les poils; on
les dit ventes lorsqu'ils sont à l'état naturel, sécrétés forts,
sécrétés pâles, soufflés suivant qu'ils ont subi une prépa-
ration plus ou moins complète. La qualité de ces poils est
loin d'être la même aux différents points d'une même peau;
ainsi dans le lièvre le poil du dos est de première qualité,
puis vient le poiï du cou et enfin le poil du ventre. Des dé-
nominations particulières sont appliquées à chacune de ces
qualités. La fabrication du feutre comprend une série
d'opérations délicates, généralement exécutées par deux
classes distinctes d'industriels, les coupeurs de poils, qui
procèdent à Yéjarrage, au secr étage et au coupage; les
chapeliers qui reçoivent les poils tout préparés et les sou-
mettent au soufflage, au bastissage, au foulage, au dres-
sage, au ponçage, à la mise en tournure et au garnissage*
Les peaux couvertes de leurs poils sont d'abord soumises
FEUTRE — FÉVAL
384 —
à la carde ou dégalées, puis battues et fendues. On enlève
les longs poils ou jarres avec des ciseaux, puis les poils
courts encore adhérents à la peau sont soumis au secré-
tage. C'est l'opération la plus importante que l'on fait subir
aux poils, puisqu'elle a pour but de modifier leur structure
et de rendre le feutrage possible. On effectue le secrétage
en employant l'une ou l'autre des deux solutions suivantes
qui présentent la composition ci-dessous :
Secret jaune Secret blanc
. 25 kilogr. 25 kilogr.
. 5 _ 7ks5Ô0
Acide nitrique à 38° B.
Mercure
Ces solutions sont ensuite étendues de 7 à 8 parties
d'eau pour le secret jaune et de 10 à 12 pour le secret
blanc. Dans certains ateliers on ajoute quelques centièmes
de sublimé corrosif et d'acide arsénieux. On applique ces
solutions sur les peaux à l'aide d'une brosse faite de poils
de sanglier, puis on fait sécher à l'étuve. Lorsque la des-
siccation est complète, on enlève les poils, soit à la main,
soit à l'aide de la tondeuse Caumont, qui, tout en les ra-
sant, coupe la peau en lanières minces appelées dans le
commerce vermicelles et qui sont employées dans la fabri-
cation de la colle de peau. Les ouvriers sécréteurs, les
coupeurs de poils, et même les chapeliers, sont malheu-
reusement exposés à l'intoxication mercurielle. Plusieurs
recherches ont été faites dans le but d'éliminer le mercure ;
M. Hillairet, après avoir reconnu que l'agent indispen-
sable du secrétage était uniquement l'acide hypoazotique
développé à l'état naissant par le contact du nitrate de
mercure sur la matière organique, eut l'idée de le rem-
placer par une substance inoffensive telle que la mélasse.
Le procédé de secrétage Hillairet s'effectue en deux temps
à l'aide des deux solutions suivantes :
lr0 solution Secret jaune Secret blanc
Mélasse 8 kilogr. 8k§500
Eau .• 40 — 14 kilogr.
2e solution
Acide nitrique à 38° 16k§400 12 kilogr.
Eau 14 kilogr. 12 —
Les peaux sont d'abord brossées avec la première solu-
tion, et, aussitôt après, avec la solution d'acide nitrique ;
le séchage s'effectue très lentement dans une étuve chauffée
à petit feu et munie d'un seul tuyau pour le dégagement de
la vapeur d'eau. Les peaux sont ensuite lavées à grande
eau pour décoller les poils et enlever l'excès de mélasse
non altérée ; on les brosse et on les fait sécher lentement
à l'étuve. Malheureusement les différents procédés de se-
crétage proposés n'ont pas encore donné des résultats
assez satisfaisants pour permettre la suppression du mer-
cure. La question est toujours à l'étude et suivie de près par
les intéressés qui seraient heureux d'adopter un procédé
présentant les mêmes avantages que le nitrate de mercure
sans en avoir les inconvénients.
Les poils sécrétés et coupés sont ensuite soumis au souf-
flage, opération mécanique qui a pour but de séparer, par
ordre de densité, les différentes qualités de poils; toutes
ces variétés sont enfin triées et classées par finesse, lon-
gueur et couleur ; le nombre de ces variétés peut s'élever à
80 et même 100 espèces différentes, et servent au chape-
lier à faire les mélanges de tel ou tel poil suivant la qua-
lité et la nuance du feutre qu'il voudra obtenir. Le mélange
opéré, les poils vont passer à la bastisseuse ou à Y arçon-
rieuse (V. Chapeau, t. X, p. 545). Actuellement, les prin-
cipaux centres de la fabrication du feutre en France ne sont
pas toujours dans les grandes villes ou la main-d'œuvre est
d'un prix trop élevé. Cette fabrication domine surtout dans
quelques communes du bassin du Rhône : Chazelles, Vil-
leurbanne, Givors, Grigny, etc., dans la Drôme, à Bourg-
de-Péage, puis à Nîmes, Albi, Montélimar, Aix en Pro-
vence, etc.
Feutre de laine. Le feutre de laine se prépare de la même
façon que le feutre de poils, en ayant soin de procéder au
préalable aux différentes opérations que nécessitent le net-
toyage et le dégraissage de la laine. Ch. Girard.
FEUTRIER (Jean-François-Hyacinthe), évêque de Beau-
vais, né à Paris en 1785, mort en 1830. Sous l'Empire, il
était secrétaire général de la grande aumônerie de France ;
au concile de Paris, il fit une vive opposition aux projets
de l'empereur. A la Restauration, il devint successivement
vicaire général du diocèse de Paris, curé de la Madeleine
(1823) et évêque de Beauvais (1826). Appelé au ministère
des affaires ecclésiastiques, alors séparé de celui de l'ins-
truction publique (mars 1828), il fit rendre et exécuter les
ordonnances du 16 juin 1828, dont l'une, dirigée contre
les jésuites et contresignée parPortalis, interdisait la direc-
tion des écoles secondaires à toute personne appartenant à
une congrégation non autorisée, et dont l'autre, contresi-
gnée par lui, soumettait les petits séminaires à l'autorité
universitaire et y limitait le nombre des élèves. Ces me-
sures excitèrent contre lui l'irritation du parti prêtre. On
l'accusa d'être un^ apostat, trahissant la cause des chrétiens
par ses actes ministériels. Quand le ministère Martignàc
fut remplacé par le ministère Polignac (8 août 1829) il se
retira à Beauvais. Quelques mois avant la chute du minis-
tère dont il faisait partie, on lui avait conféré les titres de
comte et de pair de France avec une pension de 12,000
francs. Œuvres : Oraison funèbre du duc de Berri (Paris,
1820, in-8) ; Oraison funèbre de la duchesse douairière
d'Orléans (Paris, 1821, in 8) ; Panégyrique de saint
Louis prononcé en 1822 devant l'Académie française.
FEUTRIER (Alexandre- Jean, baron), homme politique
français, frère du précédent, né à Paris le 3 juil. 1787,
mort à Paris le 24 juin 1861. Auditeur au conseil d'Etat
en 1818, intendant militaire à l'armée d'Espagne, maître
des requêtes, préfet de Saône-et-Loire et de Lot-et-Garonne
pendant les Cent- Jours, il fut destitué par le cabinet Poli-
gnac. Le gouvernement de Juillet lui confia la préfecture
de l'Oise et le créa pair de France le 11 sept. 1835.
FEUX. Corn, du dép. du Cher, arr. et cant. de Sancerre ;
941 hab.
FÉVAL (Paul-Henri-Corentin), littérateur français, né
à Rennes le 27 sept. 1817, mort à Paris le 8 mars 1887.
Destiné au barreau par tradition de famille, il fut reçu
avocat dès l'âge de dix-neuf ans, mais, après une première
plaidoirie, quitta sa ville natale et entra comme commis
dans une maison de banque parisienne. Remercié au bout
de quelques mois, parce que son goût pour la lecture lui
faisait oublier ses devoirs professionnels, il subit de cruelles
privations jusqu'au jour où la Revue de Paris (1841)
inséra sa première nouvelle, le Club des Phoques, qui
fut remarquée et bientôt suivie de romans de plus longue
haleine: Fontaine aux perles (1844), les Mystères de
Londres (1844), tous deux signés du pseudonyme de sir
Francis Trolopp; la Forêt de Rennes (1845); les Fan-
farons du Roi (1845); les Amours de Paris (1845); la
Quittance de minuit (1846); le Fils du Diable (1846);
le Mendiant noir (1847); le Jeu de la mort (1850); le
Château de velours (18d&); le Capitaine Simon (1853);
le Tueur de Tigres (4854); le Paradis des femmes
(1854); Blanche-Fleur (1854); les Couteaux d'or (1856);
Madame Gil Blas (1856); les Compagnons du Silence
(1857); le Bossu (1858); la Fabrique de mariages
(1858); le Brame de la Jeunesse (1861); la Garde
noire, le Chevalier Ténèbre (1861); Bouche de fer
(1863); Jean Diable (1868); le Poisson d'or (1863); les
Habits noirs (1863); Roger Bontemps (1864); les
Drames de la mort (1864); le Mari embaumé (1866);
la Province de Paris (1869); le Quai de la Ferraille
(1869); les Compagnons du Trésor (1872); le Cheva-
lier Keraniou (1874); la Bande Cadet (1875), etc.
A cette liste déjà fort longue et cependant très abrégée
d'une partie des romans qui, pour la plupart, ont reparu
sous des titres différents en divers formats, il faut ajouter
encore des Contes de la Bretagne (1844, in-12); les
Contes de nos pères (1845, in-8); les Romans enfan-
— 385
FÉVAL — FÈVE
tins (1862, in-8, ill. par Flameng); une Histoire des
tribunaux secrets (1851, 8 vol. in-8). Le théâtre lui
avait été moins favorable que le roman; néanmoins le
Bossu (1863), dont M. Victorien Sardou avait fourni le
scénario, eut un succès prolongé et réitéré, suivi, trois ans
plus tard, d'une polémique fort aigre entre les deux écri-
vains (Figaro, 1866), et qui révéla cette collaboration
jusqu'alors ignorée. Deux autres drames tirés du Fils du
Diable et des Mystères de Londres avaient aussi long-
temps tenu l'affiche, le premier à l'Ambigu (1847), et le
second à la Porte-Saint-Martin (1848).
Dans les dernières années de sa vie, Paul Féval, atteint
par de cruels revers de fortune, affirma bruyamment son
retour aux idées ultramontaines et, non content de donner
une édition soigneusement revisée et amendée de ses œu-
vres antérieures (1877-1883), écrivit un certain nombre
de livres inspirés par le même esprit : Château pauvre
(1877, in-18); les Etapes d'une conversion (1877-
1882, 4 vol. in- 12); les Merveilles du Mont-Saint-
Michel (1879, in-8, ill.), ainsi que des brochures de pro-
pagande : Montmartre et le Sacré-Cœur, V Outrage au
Sacré-Cœur, Vieux Mensonges, la France s'éveille,
Cri d'appel, etc. (1879-1880, in-24). — Son fils, M. Paul
Féval, né à Paris en 1860, a également écrit quelques
romans : le Dernier Laird (1890, in-12) ; la Trombe
de fer (1890, in-12) ; Nouvelles (1890, in-12). M. Tx.
Bibl. : Ch. Buet, Médaillons et Camées, 1885, in-12.
FÈV E. I. Botanique. — (Faba Tourn.). Genre de Légumi-
neuses-Papilionacées, que la plupart des auteurs, à l'exemple
de Linné, réunissent au genre Vicia (V. Vesce). L'unique
espèce, Vicia Faba L. (Faba vulgaris Mœnch.), est bien
connue sous le nom de Fève de marais. C'est une plante her-
bacée, annuelle, dont la tige dressée, simple et glabre, porte
des feuilles pinnées, à rachis terminé en pointe sétacée et
garni sur les côtés de une à trois paires de folioles ellip-
tiques, oblongues, obtuses, de consistance épaisse. Les
fleurs, de couleur blanche ou rosée, avec les ailes large-
ment tachées de noir vers leur sommet, sont disposées en
grappes axillaires uniflores, très brièvement pédonculées et
plus courtes que les feuilles. Le fruit est une grande
gousse renflée, pubérulente, d'abord verte, puis d'un brun
foncé à la maturité. Les grosses graines qu'elle renferme
sont oblongues-tronquées, comprimées sur les deux faces
avec une cicatrice ombilicale linéaire très développée. — La
Fève de marais paraît originaire de la Perse et des régions
avoisinant la mer Caspienne. Elle est cultivée en Europe
depuis les temps les plus reculés et présente plusieurs
variétés, dont la plus répandue (Faba vulgaris equina
Mœnch) est appelée vulgairement Féverole, Gourgane,
Fève des champs, Fève de cheval, etc. C'est elle surtout que
l'on cultive en grand dans les jardins et en plein champ.
Le nom de Fève est donné, dans le langage vulgaire, à
plusieurs autres végétaux. Ainsi on appelle : Fève à co-
chon ou F. de porc, VHyoscyamus niger L. (V. Jus-
quiame); F. à visage ou F. peinte, une variété du Haricot
commun ; F. de Bengale, le fruit du Terminalia citrina
Roxb. (V. Badamier); F. d'Amérique, les graines de
YAdenanthera pavonina L. (V. Adénanthère); F. de
Calabar, la graine du Physostigma venenosum Balf., de
la famille des Légumineuses-Papilionacées (V. Physos-
tigma); F. de Carthagène, la graine de YHippocratea
grandiflora Lamk., arbre des côtes de l'Amérique méri-
dionale, appartenant à la famille des Célastracées (V. Payer,
Organogr. comp., p. 164); F. d'Egypte, le Nelumbo
nucifera Gaertn., de la famille des Nymphéacées ; F. de
Loup, YHelleborus fœtidus L. et YAconitum Na-
pellus L., de la famille des Renonculacées ; F. de Malac,
la graine du Semecarpus anacardium L. f., de la famille
des Térébinthacées-Anacardiées (V. Semecarpus); F. de
Pythagore, le fruit du Ceratonia siliqua L. (V. Caroubier);
F. de terre, Y Arachide (V. ce mot); F. de Saint-Ignace
ou F. de l'Inde, la graine du Strychnos Ignatii Berg., de
la famille des Loganiacées (V. Strychnos); F. du Diable, le
grande encyclopédie. — XVII.
fruit du Capparis cynophallophora L. , de la famille des
Capparidacées (V. Capparis) ; F. épaisse ou F. grasse, le
Sedum telephium L., de la famille des Crassulacées ;
F. lovine, la graine du Lupinus albus L. (V. Lupin);
F. lupine, la graine du Securigera coronilla DC. (Légu-
mineuses-Papilionacées); F. marine, le Cotylédon Umbi-
licus L. (V. Cotylet); F. Pichurim, l'embryon du Nec-
tandra Puchury major Nées et du N. Puchury minor
Nées (V. Nectandre); F. pontique, la graine du Nymphœa
Lotus L. (V. Nénuphar); F. tonka, la graine du Couma-
rouna odorata Aubl. (V. Coumarouna). Ed. Lef.
IL Horticulture. — La fève, désignée aussi sous le nom
de gourgane, est répandue dans les potagers et la petite
culture. On consomme ses graines en vert ou à l'état sec.
Après la récolte des fruits, les tiges servent de litière au
bétail ; coupées en fleur on les utilise quelquefois comme
fourrage ou comme engrais vert. Cette plante se plaît dans
un sol un peu argileux, frais et fertile. On la sème depuis
octobre jusqu'en janvier dans le Midi, et à partir de février
jusqu'en mai dans le Nord. Les semis se font en rayons
ou en poquets espacés de 0m40 environ. Pendant la végé-
tation, on bine ordinairement deux fois, en buttant légè-
rement au moment du second binage donné au début de
la floraison. On pince les extrémités fleuries pour favori-
ser le développement des gousses. La fève est aussi un
légume de primeur, semé sous châssis en janvier, repiqué
en février sur cotière au midi et protégé contre les gelées
par un paillis. La fève naine hâtive et ses formes sont em-
ployées à cette culture. Diverses autres variétés, comme :
la fève de marais, la fève de Windsor, la fève julienne,
la fève à longue cosse, se font remarquer par la forme,
le volume, le nombre, la couleur des graines. Les fèves
sont attaquées par le puceron noir et par un champignon,
YUromyces Fabœ de Bary. Ce dernier forme sur les feuilles
et les tiges des pustules brunes et cause parfois de grands
dégâts. On ne possède pas de remède bien efficace pour le
combattre. G. Boyer.
III. Agriculture. — Le Faba vulgaris fournit à la
grande culture deux variétés très importantes : 1° la fève
commune, qui est alimentaire pour l'homme, après avoir
été écossée ; 2° la féverole (Faba vulgaris equina),
plante fourragère dont on utilise surtout les graines,
mais que l'on donne quelquefois aussi en vert. On
cultive deux sous-variétés de féveroles : Ie la féverole
d'hiver, qui est semée en automne; 2° la féverole^de
printemps, de beaucoup la plus répandue. Cette dernière
demande des terres plutôt fortes, argilo-calcaires, fraîches
et profondes; c'est une plante sarclée qu'on sèrne sur
fumure. La féverole se contente d'une terre préparée par
un seul labour. On sème en mars ou avril, en lignes
espacées de 50 à 60 centim., à raison de 180 à 200 litres
de graines par hectare, celles-ci doivent être enfouies à 5
ou 6 centim. de profondeur. Après le semis, on donne un
léger roulage. Dès la levée, on peut donner aux féveroles
un hersage énergique qui donne de la vigueur aux plantes.
Puis on donnera des sarclages chaque fois qu'on le jugera
utile. Pendant la végétation, la féverole est souvent atteinte
par les pucerons ; il n'existe pas de moyens pratiques pour
les détruire. Lorsque les cosses situées au bas des tiges
sont presque mûres, c.-à-d. qu'elles ont pris une teinte
noirâtre, on procède à la récolte, soit en arrachant, soit
en fauchant les tiges qu'on dépose en javelles sur le sol,
après quoi on les lie en bottes avec des liens de paille et
on les dépose en chaînes ou en faisceaux ; les graines
achèvent ainsi de mûrir ; quand elles sont sèches on les
rentre. On récolte de 18 à 25 hectol. de graines par hec-
tare; un hectol. pèse de 78 à 82 kilogr. ; en outre, on
obtient de 2,200 à 2,600 kilogr. de paille oufannes qu'on
peut utiliser comme sous-trait de meules ou comme litières.
Les graines de féverolles concassées ou trempées dans
l'eau constituent un excellent aliment pour le bétail, sur-
tout pour les bœufs à l'engrais et les moutons. — Les
féveroles fauchées en vert avant la maturité des graines
25
FÈVE — FÈVRE
386 —
constituent un bon fourrage, surtout utilisé en Angle-
terre. A. Larbalétrier.
IV. Art culinaire. — Les fèves- sont très nutritives et
d'une digestion assez facile sous quelque forme qu'elles
soient préparées ; mais on ne les sert guère que dans leur
primeur sur les tables de la bourgeoisie, Quand elles sont
jeunes, on les mange entières ; quand elles approchent de
leur croissance, il faut en enlever la peau ou les dérober.
La meilleure manière de les préparer est à la crème :
après les avoir fait cuire d'abord dans de l'eau salée comme
les haricots verts, on les passe au beurre, en les assaison-
nant de sel, poivre, persil haché fin et un peu de sarriette ;
on ajoute un peu de farine et on mouille avec du bouillon.
Au moment de servir, on lie avec deux jaunes d'œufs dé-
layés dans de la crème bien fraîche et on retire du feu
avant l'ébullition.
La culture des fèves remonte à une haute antiquité. Les
anciens avaient à leur sujet des idées superstitieuses fort
étranges. Ils les regardaient comme impures et offrant
l'image de la mort à cause sans doute des taches noires que
présentent les fleurs. Les Egyptiens se gardaient d'en man-
ger. Pythagore défendait à ses disciples de s'en servir
comme aliments . Ce philosophe, dit Jaucourt, enseignait
que la fève était née en même temps que l'homme et for-
mée de la même corruption ; or, comme il trouvait dans la
fève je ne sais quelle ressemblance avec les corps animés,
il ne doutait pas qu'elle n'eût aussi une âme sujette, comme
les autres, aux vicissitudes de la transmigration, par consé-
quent que quelques-uns de ses parents fussent devenus
fèves; de là le respect qu'il avait pour ce légume. Les Ro-
mains les cultivaient pour s'en nourrir et elles tenaient le
premier rang parmi leurs légumes. Ils les offraient quel-
quefois en sacrifice aux dieux, et ceux qui voulaient gagner
les faveurs du peuple lui faisaient distribuer des légumes
parmi lesquels se trouvaient des fèves.
V. Coutumes. — Roi de la Fève (V. Rois [Fête des]).
FÉYEROLE (V. Fève).
FÉVIER (Bot.). Nom vulgaire des Gleditschia (V. ce
mot).— Le gros Févier est le Gymnocladus dioica H. Bn.,
ou Chicot de Canada (V. Gymnocladus).
FEV1LLEA ou FEUILLEA (Fevillea L.; Feuillea
Pers.) (Bot.). Genre de Gucurbitacées qui a donné son nom au
Fevillea trilobata.
groupe des Févillées ou Nhandirobées. Ce sont des plantes
frutescentes dont les tiges grimpantes portent des feuilles
alternes , ovales , cordées , anguleuses ou digitilobées,
accompagnées de vrilles axillaires-latérales, bifurquées au
sommet. Les fleurs, disposées en grappes axillaires plus
ou moins ramifiées ou composées, sont pentamères et dioï-
ques : les mâles, avec cinq étamines alternipétales, à filets
libres terminés chacun par une anthère uniloculaire ; les
femelles, avec un ovaire triloculaire qui devient à Immatu-
rité une baie cortiquée renfermant un petit nombre de
grosses graines ovales, comprimées, dépourvues d'albu-
men. — Les Fevillea sont propres aux régions tropicales
de l'Amérique. On en connaît seulement cinq ou six espèces,
dont plus les importantes sont le F. trilobata L. du Brésil
et le F. cordifolia L. (F, hederœfolia Poir.) des Antilles.
La première est le Nhandiroba de Marcgraff ; ses graines,
riches en huile, sont vantées comme antirhumatismales.
La seconde est le Nhandiroba des Antilles ou Avila des
Caraïbes. Son fruit, appelé vulgairement Noix de serpent,
renferme de grosses graines lenticulaires, dont on extrait
une huile amère, fortement purgative et célèbre comme
antidote de la morsure des Reptiles et comme contrepoison
des végétaux toxiques, surtout du Mancenilier. Ed. Lef.
FEV I N (Robert) , musicien français de la fin du xve siècle.
Il fut maître de chapelle du duc de Savoie. Il n'est connu
que par une messe à quatre voix sur la chanson française
le Vilain jaloux, imprimée dans le livre des messes d'An-
toine de Fevin, dont il n'était pas parent (Missœ Antonii
de Feuin, 1515).
FEVIN (Antoine de) , compositeur français du xvie siècle ,
Sa biographie est mal connue. Glaréan, son contemporain,
le dit originaire d'Orléans, et le manuscrit de deux de ses
messes, à la bibliothèque Ambrosienne de Milan, place son
décès avant 1516. On croit qu'il mourut jeune, et quelques
auteurs ont cru pouvoir fixer sa naissance à 1481 . Il était
hautement estimé comme compositeur. On connaît de lui
six messes ; trois d'entre elles, intitulées Sa?icta Trinitas,
Mente toia et Ave Maria, ont été imprimées par Petrucci
en 1516 ; A. de Antiquis a réimprimé en 1516 dans son
Liber quindecim missarum les messes Mente Ma et
Ave Maria, avec une autre intitulée De Ferie. Le manus-
crit de la bibliothèque de Milan contient de Fevin les messes
0 quam glorifïca et de Requiem. Plusieurs recueils impri-
més du xvie siècle et quelques manuscrits des bibliothèques de
Vienne, de Munich et de la chapelle pontificale, contiennent
des motets, lamentations et Magnificat, de Fevin, ainsi
que des copies de ses messes imprimées. On ne connaît sous
son nom qu'une seule chanson française, insérée en 1545
dans le t. I du recueil Bicinia gallica. Son motet Des-
cende in hortum meum a été publié en partition dans
le t. V de Y Histoire de la musique d'Ambros. M. Br.
FÈVRE (Pierre Le) (V. Fabri).
FÈVRE (Louis Chantereàu Le) (V Chantereau).
FEVRE. Famille de tapissiers français dn xvne siècle
(V. Lefèvre).
FÈVRE (Robert Le), peintre français, né à Bayeux le
18 avr. 1756, mort à Paris le 3 oct. 1830. Elève de
Regnault. On cite surtout de lui : Phocion, dans la galerie
de Compiègne; les portraits de Carie Vernet, de Grétry,
de Guérin , de Bertin, de Vigée, de Napoléon, de José-
phine, de Pauline Borghèse, du Duc de Berry; ceux
do Louis XVIII, de Lœtitia Bonaparte, du Duc de Cas-
tiglione, de Charles X, du Duc d'Angouléme, etc.
FÈVRE (Jean-Baptiste-Simon), ingénieur français, né à
Versailles le 30 juin 1775, mort à Paris le 13 mars 1850.
Elève de l'ancienne Ecole des ponts et chaussées, il en
sortit pour entrer à l'Ecole polytechnique à sa fondation,
puis revint à la première école. Peu après sa sortie comme
ingénieur, il fit partie de l'expédition d'Egypte. Sa carrière
active a été principalement consacrée aux travaux de navi-
gation, jusqu'à sa nomination au grade d'inspecteur. —
Grand travailleur, Fèvre a écrit sur presque toutes les
parties de l'art de l'ingénieur ; on a de lui, dans les An-
nales des ponts et chaussées: Pentes des routes (1831);
Etanchement des canaux (1832); Chemins de fer
(1836); Ondes (1839); Courbes des chemins de fer
(1840); Notice sur M. Bèrigny (1843).
FÈVRE (Justin-Louis-Pierre), écrivain ecclésiastique
387 —
FÈVRE - FÉVRIER
français, né à Riaucourt en 1829. Ordonné prêtre en 1853,
il fut nommé en 1854 curé de Louze et devint dans la suite
protonotaire apostolique. Collaborateur très actif d'un grand
nombre de journaux et de revues religieuses, l'abbé Fèvre
a publié en outre : le Budget du presbytère (Paris, 1 858,
iii-8); Du Mystère de la souffrance (Langres, 1 860, in-1 2) ;
Histoire de Louze (Paris, 1860, in-1 2) ; Education des
enfants à la maison paternelle (1861, in-1 2) ; Du Gou-
vernement temporel de la 'Providence (Nancy, 1857,
2 vol. in-1 2) ; la Mission de la bourgeoisie (Paris, 1863,
in-1 2); le Tabac (1863, in-1 2) ; la Légitimité de la
IVe dynastie (1863, in-8) ; Du Réalisme dans la litté-
rature (1865, in-8) ; De la Restauration de la musique
religieuse (1864, in-8); Vie intime et travaux litté-
raires de Mgr Darboy (1863, in-8) ; V Eglise catholique
et les journaux impies (1865, in-8) ; Vignettes ro-
maines (Nancy, 1866, in-8) ; le Clergé de France et la
Philosophie (1867, in-8) ; Jésus-Christ (1868, in-8) ;
Souvenirs et monuments oVEurvïlle (Paris, 1880, in-8);
Histoire du cardinal Gousset (1882, in-8) ; Histoire de
Raucourt (1882, 2 vol. in-8) ; Histoire apologétique de
la Papauté depuis saint Pierre jusqu'à Pie IX (1878-
1882, 7 voL in-8); Vie de saint Camille de Lellis
(1884, in-8) ; Doctrine et conduite de saint Sulpice
(1886, in-8). 11 est surtout connu par l'édition qu'il adon-
née en 1874 de Y Histoire universelle de V Eglise catho-
lique de Rohrbacher (15 vol. gr. in-8) en la continuant
jusqu'en 1872. Ultramontain renforcé, M»r Fèvre s'est livré
à des excès de polémique qui ne sont pas du goût le plus pur . .
FÈVRE (Raoul Le) (V. Le Fèvre).
FÈVRE de Càumàrtin (Le) (V. Caumàrtin).
FÈVRE de La Boderie (Le). Famille noble de la Nor-
mandie, dont deux membres se distinguèrent comme orien-
talistes : 1° Guy, né au château de la Boderie (près Fa-
laise), le 9 août 1541, mort en 1584 (ou 1598), fut
secrétaire et interprète du duc d'Alençon ; il composa
nombre de poésies françaises, entre autres un poème en
cinq chants, la Galliade ou la Révolution des arts et des
sciences (Paris, 1578, in-4), où l'on trouve de précieux
renseignements ; mais collabora surtout à la Bible poly-
glotte d'Anvers (1569-1573, 8 vol. in-fol.) ; il y édita
le texte syriaque (1571, t. Y), auquel il ajouta une
transcription hébraïque et une version latine qui furent
réimprimées séparément (Anvers, 1574, in-8 ; 1575,
in-1 6 ; Paris, 1584, in-4 ; la traduction seule fut très sou-
vent réimprimée jusqu'en 1645). Il y ajouta en outre des
éléments de grammaire chaldaïque (1 572, t. VI) . — 2° Nico-
las, né en 1550, mort en 1615, remplit des missions diplo-
matiques en Italie. Il ne collabora guère qu'à la publication
du texte hébreu de la Polyglotte d'Anvers. F.-H. K.
Bibl. : La Ferrière-Percy, les La Boderie, etc. ; Paris,
1857. — Nève, Guy Le Fèvre de La Boderie' Bruxelles,
1862.
FÈVRE du Grand-Vaux, publiciste français de la fin
du xvme siècle. On ne sait rien de précis sur sa biographie.
Au début de la Révolution, il publia deux brochures :
Lettre d\m jeune homme au père de ses anciens
élèves sur la nature des différents êtres (27 juin 1789);
Lettre à Madame la comtesse de *** sur l'éducation des
jeunes demoiselles (Paris, 1789). Un peu plus tard, il
présenta à la Constituante, le 20 avr. 1791, un plan
d'éducation qu'il offrit de nouveau, en fructidor III, à la
Convention sous le titre de VEmile réalisé ou Plan
d'éducation générale ; il y joignit bientôt une brochure
intitulée Nouvelle Organisation des sociétés , pour
faire suite à l'Emile réalisé. Partisan de l'éducation
commune, Fèvre proposait la création dans chaque dépar-
tement d'un vaste établissement appelé « berceau de la
nation », où seraient internés tous les enfants du départe-
ment. Au sortir de cette nourricerie nationale, les élèves
des deux sexes seraient admis dans les ateliers et dans
les collèges construits à leur intention par l'Etat. En
1797, nous trouvons Fèvre à Corfou où il faisait partie
du corps d'occupation. Il y consacra ses loisirs à la rédac-
tion d'un Plan de constitution pour Corfou, Rentré en
France comme officier, il paraît avoir cru sincèrement que
le gouvernement consulaire lui avait emprunté, pour les
appliquer, ses théories politiques et éducatives. Il réim-
prima ses œuvres et les réunit en un seul volume sous le
titre de Mélanges, par le citoyen Fèvre {du Grand-
Vaux) (Paris, 26 nivôse an X). Th. Ruyssen.
FEVRET (Charles), jurisconsulte français, né à Semur
(Côte-d'Or) le 16 déc. 1583, mort à Dijon le 12 août
1661. Il était fils de Jacques Fevret, conseiller au parle-
ment de Bourgogne ; après avoir étudié le droit dans plu-
sieurs universités de France et en dernier lieu à Stras-
bourg, sous Denis Godefroy, il devint avocat à Dijon.
Henri II, prince de Condé, en sa qualité de gouverneur de
Bourgogne, le nomma conseiller et intendant ordinaire de
ses affaires. En 1630, Fevret, ayant harangué au nom des
autorités de la ville le roi Louis XIII, venu à Dijon pour
réprimer une sédition, obtint la grâce des coupables, et
le roi fut tellement touché de son éloquence qu'il voulut
lui donner une charge de conseiller au parlement ; Fevret
préféra rester avocat et secrétaire de la cour. Le plus
célèbre ouvrage de Fevret est le Traité de PAbus et du
vrai sujet des appellations qualifiées de ce nom d'Abus
(Dijon, 1653, in-fol.). Dans cet ouvrage, il a attaqué avec
beaucoup de savoir et d'indépendance les empiétements de
la juridiction ecclésiastique. Les éditions postérieures sont :
Lyon, 1667, in-fol;, 1677, 1681, 1689, 1736, avec notes
de Brunet et de Gibert, et l'éloge de l'auteur par Papillon,
2 vol. in-fol. ; Lausanne, 1778, 2 vol. in-fol. Fevret
a écrit aussi : De Claris fort Burgundici oratoribus
(Dijon, 1654, in-8) ; De Officiis vitœ humance (Lyon,
1667, in-12) ; enfin, un poème de plus de 300 vers intitulé
Carmen de Vita sua. — Son fils, Pierre (1625-1706),
conseiller-clerc au parlement de Bourgogne, fonda et dota la
bibliothèque publique de Dijon. Ô. Regelsperger.
Bibl. : Von Scpiulte, Die Geschichte der Quellen und
Litteratur des canonisehen Rechts ; Stuttgart, 1875-1880,
vol. III, lre part., p. 589.
FEVRET de Fontette (Charles-Marie), sieur de S. Mes-
min, Godan, Bonidan, La Bourlière, etc., magistrat et éru-
dit français, né à Dijon le 14 avr. 1710, mort à Dijon le
16 févr. 1772, arrière-petit-fils du précédent. Conseiller
au parlement de Bourgogne en 1736, membre et chance-
lier de l'Académie de Dijon, il fut nommé associé libre de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1771. Il est
surtout connu par la publication de la seconde édition de
la Bibliothèque historique du P. Le Long qu'il entreprit
avec l'appui du gouvernement. Il put à peine achever le
second volume. Les trois derniers furent publiés par Bar-
beau de La Bruyère (1768-1778). Fevret de Fontette avait
réuni une belle collection d'estampes qui appartient main-
tenant à la Bibliothèque nationale.
FEVRET de Saint-Mesmin (Charles-Balthazar- Julien),
dessinateur et antiquaire, né à Dijon en 1770, mort en
1852. Il occupa, à partir de 1817, la place de conserva-
teur au musée de sa ville natale, et en publia une notice
qui reste un modèle. Il se fit connaître par d'ingénieuses
applications de la mécanique aux arts : c'est ainsi qu'il in-
venta des pantographes, des mannequins perfectionnés, etc.
Mais ce qui restera son meilleur titre à la reconnaissance
des érudits et des artistes, c'est la restauration et la mise
en lumière des admirables œuvres de sculpture laissées
dans sa ville natale par les « ymaigiers » au service des
ducs de Bourgogne : tout avait été mutilé et dispersé dans
les émeutes de 1793. Il reconstitua, patiemment et savam-
ment : le Puits de Moïse, les tombeaux de Philippe le
Hardi et de Jean sans Peur, ces monuments d'une im-
portance capitale pour l'histoire de la Renaissance du Nord.
FEVRIER (Astron.). Nom du second mois de l'année
actuelle; il compte vingt-huit jours pendant les années
communes et vingt-neuf pendant les années bissextiles.
FÉVRIER 1 848 (Journées de) . Nous avons montré^ dans
FEVRIER
— 388 —
l'article Banquets réformistes (t. V, p. 296), comment la
Révolution de 4848 avait été préparée, et dans notre article
Chambre des Députés (t. X, p. 346), comment tomba
la monarchie de Juillet. Il nous reste à relater ici les mou-
vements populaires qui ont accompagné et sanctionné les
actes des politiciens. C'est une histoire mal connue que celle
des journées de Février. Les causes n'en ont jamais été
clairement élucidées. Malgré les recherches les plus conscien-
cieuses des historiens, la genèse de l'insurrection demeure
mystérieuse et ses résultats paraissent avoir de beaucoup
dépassé les prévisions ou les combinaisons des partis poli-
tiques qui l'ont appuyée ou combattue.
Comme on l'a vu (V. Banquet), un grand banquet, dit
du XIIe arrondissement, devait clôturer la période de l'agi-
tation légale. Tour à tour interdite et autorisée par le gou-
vernement, cette manifestation platonique avait passionné
l'opinion publique. Une de ces idées qui germent on ne
sait comment et croissent avec une effrayante rapidité,
celle d'une vaste procession populaire, où figureraient la
bourgeoisie, le prolétariat et la garde nationale, se répan-
dit quelques jours avant le 22 févr. Ce cortège imposant
devait accompagner les députés depuis laMadeleine jusqu'au
lieu du banquet, les Champs-Elysées. Effrayé, le gouver-
nement se décide à prendre d'énergiques mesures de
répression. L'opposition , croyant marcher à un échec
certain, recule aussitôt. Les plus ardents croient que le
peuple sera attiré dans un sanglant guet-apens. Louis
Blanc s'écrie : « Si vous décidez l'insurrection, je ren-
trerai chez moi pour me couvrir d'un crêpe et pleurer sur
la ruine de la démocratie. » Et Ledru-Rollin : « Donner le
signal de l'insurrection ce serait conduire le peuple à la
boucherie. Je m'y refuse absolument. » On renonce donc
au banquet. Le roi est enthousiasmé de sa prompte victoire :
« Eh bien ! Salvandy, vous nous disiez hier que nous
étions sur un volcan ; il est beau votre volcan ! Je vous
avais bien dit que tout cela s'évanouirait en fumée. » Tout
le monde se trompait. Le 22 févr., une foule compacte
occupait la place de la Madeleine et celle de la Concorde,
criant : Vive la réforme ! à bas Guizot ! Des étudiants et des
ouvriers arrivent du Panthéon, en chantant la Marseillaise.
Ils dirigent la foule sur le Palais-Bourbon, envahissent la
Chambre alors vide. Refoulés par les dragons de la caserne
du quai d'Orsay, les manifestants parcourent la ville par
bandes, pillent quelques boutiques d'armuriers, élèvent des
barricades dans plusieurs rues, incendient quelques postes.
A neuf heures du soir l'armée est mise en mouvement et
l'émeute s'évanouit comme par enchantement. Le lende-
main, mercredi 23 févr., les troupes reprennent leurs
positions de la veille. Il pleut beaucoup. Vers neuf heures,
l'insurrection renaît dans les quartiers compris entre les
boulevards, la rue Montmartre, la rue du Temple et les
quais. Partout elle est réprimée sans trop de peine. Mais
la garde nationale est convoquée. Aussitôt elle se prononce
presque tout entière contre le gouvernement, crie : Vive la
Réforme ! et réclame l'internement de Guizot. A la nou-
velle inattendue que le « rempart de la monarchie » se
dérobe, Louis-Philippe perd tout d'un coup sa superbe
assurance. Il abandonne Guizot et consent à un ministère
réformiste. Dès cette concession la Révolution a cause
gagnée. Les manifestants le comprennent si bien qu'ils
pénètrent bon gré mal gré dans les casernes et délivrent
les prisonniers faits dans la journée. L'armée immobilisée
par la retraite du cabinet laisse faire. L'émeute grandit,
une collision sanglante se produit boulevard des Capucines
entre elle et le 14e de ligne. Une cinquantaine de morts
et de blessés restent sur la chaussée. On charge les ca-
davres sur un fourgon qui parcourt les boulevards, les
quartiers Saint-Denis, Poissonnière, Montmartre, les
Halles, le quartier Saint-Martin pour aboutir à la mairie
du IVe arrondissement. Des porteurs de torches accompa-
gnent le lugubre convoi qui fait halte devant les bureaux
du National et de la Piéforme où sont prononcées des
harangues enflammées. Partout retentissent les cris de :
Vengeance ! aux armes î on égorge le peuple ! Le centre
se hérisse de barricades. Le ministère réformiste ne par-
vient pas à se constituer. Mais la situation est si grave que
Louis-Philippe se résigne à confier, malgré ses répugnances,
la défense de Paris au maréchal Bugeaud. Bugeaud est fort
résolu : « Il est un peu tard, dit-il, mais je n'ai jamais
été battu et je ne commencerai pas aujourd'hui. Qu'on
me laisse faire et tirer le canon ; il y aura du sang répandu,
mais ce soir la force sera du côté de la loi, et les factieux
auront, reçu leur compte. » Il commande aussitôt la for-
mation de quatre fortes colonnes de troupes. L'une, com-
mandée par Sébastiani, marchera sur l'Hôtel de Ville en
passant par la Banque. La seconde, commandée par Be-
deau, marchera sur la Bastille en passant par la Bourse et
les boulevards ; la troisième aura mission de manœuvrer der-
rière les deux premières, de façon à empêcher que les barri-
cades soient relevées; la quatrième marchera sur le Panthéon.
La colonne Sébastiani, partie des Tuileries à cinq heures et
demie du matin, atteint l'Hôtel de Ville à sept heures ; elle en-
lève et détruit sans difficulté plusieurs barricades. La qua-
trième colonne atteint elle aussi le Panthéon sans encombre.
La colonne Bedeau est arrêtée par une grosse barricade
au commencement de la rue Saint-Denis. La garde natio-
nale intervient. Le général parlemente. Bugeaud averti
envoie l'ordre de se replier sur les Tuileries en cessant
les hostilités. Pendant ce temps, la Révolution gagnait du
terrain, s'emparait des casernes, formait de nouvelles bar-
ricades ; les barrières de l'octroi sont détruites, les bu-
reaux de péage des ponts sont brûlés ; les ponts de Da-
miette et Louis-Philippe incendiés. Vers onze heures, un
capitaine de la garde nationale s'empare de l'Hôtel de Ville
qu'abandonnent le préfet et le général Sébastiani dont les
troupes fraternisent aussitôt avec le peuple. A onze heures
et demie, une bande de 5 à 600 hommes essaye d'enlever
les Tuileries oùM. Thiers, chef du cabinet réformiste enfin
constitué et déjà impopulaire, ne cessait de répéter : « Le
flot monte ! le flot monte ! » L'affolement est général. Sur
les conseils de Crémieux, Thiers est remplacé au pouvoir
par Odilon Barrot et le général Bugeaud par le maré-
chal Gérard. A mesure que la royauté cède, la foule exige
davantage. Maintenant elle somme le roi d'abdiquer.
Louis-Philippe abdique presque sans résistance. Cependant
le poste du Château-d'Eau, sur la place du Palais-Royal, était
aux prises avec la Révolution, La Moricière, en essayant
d'arrêter le feu, est blessé d'un coup de baïonnette et fait
prisonnier. Le maréchal Gérard, qui tente la pacification en
annonçant dans les rues l'abdication rovale, échoue dans
sa mission. L'envahissement des Tuileries est imminent.
Louis-Philippe n'a que le temps de s'enfuir à Saint-Cloud.
Le mouvement se précipite. La foule avait pénétré dans les
Tuileries très peu de temps après le départ du roi. Elle
avait parcouru les appartements assez tranquillement et
sans causer de dégâts. Lorsque le corps de garde du Châ-
teau-d'Eau incendié avait été obligé de capituler, les com-
battants, ayant triomphé de toute résistance, se divisèrent
en deux bandes, dont l'une saccagea le Palais-Royal, tandis
que l'autre entrait à son tour aux Tuileries où elle se
livra à une orgie en règle et commit d'assez considé-
rables dégâts. D'autres bandes envahissaient le Palais-
Bourbon et proclamaient le gouvernement provisoire. Aus-
sitôt les généraux Bedeau et Ruhlières qui occupaient avec
quelques milliers d'hommes la place de la Concorde, le
pont et les abords de la Chambre, ordonnèrent aux divers
corps de retourner à leurs quartiers. Ainsi firent les
troupes qui stationnaient sur divers points de Paris ; le
général Renault au Panthéon, le général Saint- Arnauld à
la Préfecture de police. Le peuple envahit les casernes et
s'empara de toutes les armes. Il ne restait plus à l'ancien
gouvernement que les troupes consignées à l'Ecole mili-
taire. Là se trouvaient la duchesse d'Orléans et le duc de
Nemours. Odilon Barrot, après avoir vainement tenté avec
La Moricière de gagner la garde nationale à la régence,
vint annoncer vers six heures du soir que tout était irré-
— 389 —
FEVRIER — FEYDEAU
médiablement perdu. La monarchie de Juillet avait disparu
si soudainement que « les départements apprirent l'avène-
ment de la République avec une sorte de stupeur ». Elle
s'était comme effondrée. Les journées de Février n'avaient
coûté la vie qu'à 72 soldats et 289 révolutionnaires.
Mais l'émeute ne s'apaisa pas tout de suite. Le 25 févr. ,
les barricades s'étaient encore multipliées ; la place de
l'Hôtel-de- Ville était occupée par de l'artillerie. Il faut
que le gouvernement provisoire négocie pour faire dispa-
raître les barricades. L'Hôtel de Ville est comme enlisé
dans une foule qui ne sait ce qu'elle attend là ni ce qu'elle
veut, mais qui est traversée de temps à autre par de
grands remous qui menacent de tout détruire. Le matin,
c'est une procession, accompagnée des hurlements des
stationnaires, qui vient sommer le gouvernement de rendre
à bref délai un décret sur l'organisation du travail. A
quatre heures du soir, ce sont des bandes agitant des
drapeaux et des bannières et réclamant l'adoption du dra-
peau rouge comme emblème de la nouvelle République.
C'est alors que Lamartine, qui, avec une énergie indomp-
table, avait fait face aux envahisseurs, prononça, à une
fenêtre du salon de la préfecture, les paroles célèbres qui
domptèrent la foule : « Vous pouvez faire violence au
gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le
drapeau de la nation et le nom de la France, mais si
vous êtes assez obstinés pour lui imposer une république
de parti, le gouvernement, je le sais, est aussi décidé que
moi-même à ne pas céder. Quant à moi, jamais ma main
ne signera ce décret ! Je repousserai jusqu'à la mort ce
drapeau de sang, et vous devriez le répudier plus que moi!
Car le drapeau rouge que vous nous apportez n'a jamais
fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang
du peuple en 91 et 93, et le drapeau tricolore a fait le
tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la
patrie ! » Le soir même, dans la salle du Prado, le docteur
Crousse proposait aux socialistes révolutionnaires de se
rendre à l'Hôtel de Ville et d'arracher le pouvoir aux mains
du gouvernement provisoire. Mais Blanqui les en dissuada
en disant avec infiniment de raison : « Si nous nous em-
parons du pouvoir par un audacieux coup de main, comme
des voleurs au milieu des ténèbres de la nuit, qui nous
répondra de la durée de notre puissance ? Au-dessous de
nous n'y aura-t-il pas des hommes énergiques et ambi-
tieux qui brûleront de nous remplacer par de semblables
moyens ? Ce qu'il nous faut, à nous, c'est le peuple im-
mense, les faubourgs insurgés, un nouveau Dix Août. Nous
aurons du moins le prestige de la force révolutionnaire. »
L'histoire des journées de Février peut se terminer là. Il y
eut encore quelques mouvements populaires avant la fin
de ce mois ; ils incitèrent le gouvernement à créer les ate-
liers nationaux pour se débarrasser des foules besogneuses
toujours prêtes à un coup de force ; il y en eut de plus graves
pendant toute la durée de la seconde République, mais ils
appartiennent à l'histoire du Gouvernement provisoire, et
c'est sous cette rubrique qu'on en trouvera la relation comme
aussi dans nos articles sur les Assemblées constituante et
législative et les journées de Juin (V. ces mots). R. S.
Bibl.: Mémoires de Guizot, Dupin, Odilon Barrot. —
Louis Blanc, Histoire delà Révolution de 18k8 ; Paris,
1870, 2 vol. in-12. — Elias Regnault, Histoire du gouver-
nement provisoire ; Paris, 1850, in-8. — Daniel Stern,
Histoire de la Révolution de 4848; Paris, 1851-1853, 3 vol.
in-8. — Lamartine, Histoire de la Rév. de 18k8 ; Paris,
1849, 2 vol. in-8. — Lord Normanby, Une Année de révo-
lution; Paris, 1858, 2 vol. in-8. — Pelletan, Histoire
des Trois Journées de Février 18k8; Paris, 1848, in-8. —
Garnier-Pagès, Hist. de la Rév. de 4848 ; Paris, 1861-72,
10 vol. in-8. — Gradis, Hist. de la Rév. de 4848; Paris,
1872, 2 vol. in-8. — V. Pierre, Histoire de la République
de 4848; Paris, 1878, 2 vol. in-8.— Maxime Du Camp, Sou-
venirs de l'année 4848; Paris, 1876, in-12. — Le Peuple de
Paris en fëv. 4848 ; Paris, 1848, in-8. — Leynadier, His-
toire des mémorables journées de Février 4848 ; Paris,
1848, in-8.— Darimon, A travers une révolution; Paris,
1884, in-12. — Thureau-Dangin, Hist. de la monarchie de
Juillet; Paris, 1892, t. VII, in-8.
FÉVRIER (Victor-Louis-François), général français, né
à Grenoble le 21 oct. 4823. Sorti de Saint-Cyr en 1843,
il fut nommé lieutenant en 4848, capitaine en 1851. Blessé
au genou en Crimée, il passa, à la suite de cette cam-
pagne, chef de bataillon et fit en cette qualité la campagne
d'Italie (1859). Colonel en 1870, il assista aux grandes
batailles de Metz. A Gravelotte, il fut blessé dangereuse-
ment ; une balle, entrée sous l'oreille, lui cassait la mâchoire
et perçait la joue. Fait prisonnier à la reddition de Metz,
les Allemands ne le considérèrent pas comme tel, devant sa
terrible blessure, et le laissèrent en liberté sans conditions.
Promu général de brigade le 2 janv. 1871, il organisa à
Lyon les mobilisés du Rhône, tout en ayant le commande-
ment de Lyon qu'il conserva du reste jusqu'à la signature
du traité de paix. Général de division en 1878, il fut
appelé pour commander le 15e corps d'armée le 18 févr.
1882, puis le 27 févr. de l'année suivante il remplaça le
général Chanzy dans le commandement du 6e corps. Nommé
membre du conseil supérieur de la guerre en 1883, il fut
élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur
le 29 déc. 1887 et décoré de la médaille militaire en 1888.
Placé à cette époque dans le cadre de réserve, il fut
nommé, sur le rapport du garde des sceaux, ministre de k
justice, le 10 oct. 1889, grand chancelier de l'ordre natio-
nal de la Légion d'honneur, en remplacement du général de
division Faidherbe, décédé.
FEY-en-Haye. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Toul, cant. de Thiaucourt; 154 hab.
FEYDEAU (Théâtre) (V. Opéra-Comique).
FEYDEAU (Mathieu), théologien français, né à Paris en
1616, mort à Annonay le 24 juil. 1694. Docteur en théo-
logie, il fut expulsé de la Sorbonne à cause de ses opinions
jansénistes qui l'exposèrent toute sa vie à une multitude
de persécutions. Ami d'Arnauld, il refusa de souscrire à sa
condamnation. Il a laissé un certain nombre d'ouvrages
parmi lesquels nous citerons : Méditations sur les prin-
cipales obligations du chrétien (Paris, 1649, in-12) ;
Catéchisme de la grâce (1650, in-12) ; Méditation sur
Vhistoire et la concorde des Evangiles (Bruxelles, 1673,
2 vol. in-12). — Son frère Claude (1580-1650), supé-
rieur des religieuses de la Visitation, a laissé une Oraison
funèbre de Cl. Dur et (1608).— Un de ses parents, Henri
Feydeau de Brou (1655-1706), fut évêque d'Amiens
(1687).
FEYDEAU (Ernest-Aimé), littérateur français, né à Paris
le 16 mars 1821, mort à Paris le 29 oct. 1873. Après
avoir débuté par un volume de poésies, les Nationales
(1844, in-8), il s'occupa simultanément d'affaires finan-
cières et de recherches archéologiques. Il avait entrepris
une publication considérable restée inachevée : Histoire
générale des usages funèbres et des sépultures des peu-
ples anciens (1857-1861, 22 livr. gr. in-4,pl.), lorsqu'il
écrivit une curieuse analyse psychologique : Fanny (1858,
in-12) qui eut plus de trente éditions en quelques années,
et que suivit toute une série de romans dont aucun n'obtint
la même vogue : Daniel (1859, 2 vol. in-18); Catherine
oVOvermeire (1860, 2 vol. in-12); Sylvie (1861, in-12);
Un Début à V Opéra, première partie d'une trilogie dont
Monsieur de Saint-Bertrand et le Mari de la Danseuse
formaient le complément (1863, 3 vol. in-18); le Secret
du bonheur (1864, 2 vol. in-12); la Comtesse deChalis
ou les Mœurs du jour (1867, in-12); le Roman d'une
jeune mariée (1867, in-12); les Aventures du baron
de Féresle(i869, in-12); les Amours tragiques (1870,
in-12); le Lion devenu vieux (1872, in-12); Mémoires
d'un coulissier (1873, in-18). Citons à part: les Quatre
Saisons, étude d'après nature (1858, in-8), sorte de poème
en prose; Alger, étude (1862, in-18); Du Luxe, des
Femmes, des Mœurs, de la Littérature et de la Vertu
(1866, in-12); Consolation (4872, in-12, portrait);
r Allemagne en 1871 (1872, in-42); Théophile Gau-
tier, souvenirs intimes (1873, in-12, portrait). Ernest
Feydeau avait fait représenter avec succès en 1869 au
Vaudeville Monsieur de Saint-Bertrand, comédie en
FEYDEAU — FEYJOÔ
- 390 —
quatre actes, et publié Un Coup de Bourse, comédie en
cinq actes (1868, in-18). En 1865, il fut un moment
rédacteur en chef deY Epoque, journal politique quotidien,
et fonda en 1869 la Revue internationale de Vart et de
la curiosité. M. Tx.
Bibl. : Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XIV.
FEYDEAU (Georges), fils du précédent, né à Paris
en 1862. Auteur d'un certain nombre de monologues en
vers et en prose, il a donné, soit seul, soit avec M. Maurice
Desvallières ou M. Raoul Toché, quelques vaudevilles dont
plusieurs ont obtenu un succès prolongé : Tailleur
pour dames, comédie en trois actes (1888) ; Monsieur
chasse! (Palais-Royal, 1892); le Système Ribadier
(ibid., 1892).
FEYDEL, membre de la Constituante (V. Faydel).
FEYEN (Jacques-Eugène), peintre français, né à Bey-
sur-Seille (Meurthe-et-Moselle) le 13 nov. 1815. Après
avoir étudié la peinture dans l'atelier de Paul Delaroche,
il alla se fixer à Nancy, d'où il envoya de temps à autre
aux Salons annuels de Paris de petits tableaux de genre ou
des scènes historiques, tels que : Episode de V invasion
de 1815 (Salon de 1845), représentant une famille de
paysans lorrains qui retrouve sa maison dévastée par l'en-
nemi ; le Petit Chaperon rouge Qtime Jardinière (1846);
Repas de la Sainte Famille (1847); Portraits de jeunes
filles (1848); la Fable et la Vérité (1861) ; Psyché
évanouie et Au Bord de l'eau (1863); Léda (1864);
le Baiser enfantin (1864) ; la Promenade dans le Parc
(1866), etc. Après la guerre de 1870, M. Eugène Feyen,
quittant Nancy, se mit à peindre, presque exclusivement,
des scènes maritimes et des épisodes de la vie des pê-
cheurs, suivant en cela l'exemple de son frère, Feyen-
Perrin, qui avait conquis dans ce genre une certaine po-
pularité ; mais il donna à ses figures des proportions
microscopiques, s'amusant à faire tenir jusqu'à sept ou
huit cents personnages dans certains tableaux, comme les
Régates de Cancale (1873). Avec une application opi-
niâtre, il est parvenu à donner parfois du charme et de la
légèreté à sa peinture d'abord trop crayeuse et d'un rendu
par trop photographique. Il faut citer parmi ses œuvres de
cette dernière manière : les Glaneuses de la mer (1872),
acquis par l'Etat et qui figure au musée du Luxem-
bourg, la Caravane de Cancale (1874), la Toilette des
Cancalaises après la pêche (1877), le Retour en bateau
des pêcheuses cancalaises et Berceuse endormie (1880),
le Départ pour la pêche (1881), la Baie de Cancale un
jour de grande marée (1885), la Fiancée du marin
(1890), un Retour de pêche et la Grande Sœur
(1891), etc. ^ Victor Champier.
F EY E N -Perrin (François-Auguste) , peintre français, frère
du précédent, né à Bey-sur-Seille (Meurthe-et-Moselle) en
1829, mort à Paris le 14 oct. 1888. Son enfance fut mar-
quée par une invincible vocation. Employé tout d'abord dans
les bureaux de son père, percepteur des contributions di-
rectes, il se reposait des chiffres en crayonnant des bons-
hommes, et ses dispositions parurent si manifestes que son
frère aîné, élève de Paul Delaroche, le prit avec lui, à Nancy,
pour faire son éducation de peintre. Il avait près de vingt ans
quand il vint à Paris. Il entra à l'Ecole des beaux-arts, où
il remporta rapidement de brillants succès, et il était même
entré en loge pour concourir au prix de Rome, quand une
commande inattendue vint le détourner de la voie où il
comptait conquérir de classiques lauriers. Feyen -Perrin
parut pour la première fois au Salon en 1855, avec un
Retour à la chaumière; dès 1857, il exposait une com-
position qui fut remarquée, la Barque de Car on, qui est
actuellement au musée de Nancy. Puis il donna, entre au-
tres œuvres dignes d'être notées : la Leçon aVanatomie
du docteur Velpeau (1854), Charles le Téméraire
(1855), les Femmes de Vile de Batz, qui commencèrent
au Salon de 1866 la série de ses études bretonnes qui popu-
larisèrent son nom en montrant le côté original de son
talent : amour profond de la nature, se conciliant avec un
rare sentiment de distinction. A la fois naturaliste et poète,
il représenta des pêcheuses cancalaises avec la haute allure
des nymphes antiques, tout en demeurant dans les données
les plus strictes de l'observation. Dans cet ordre d'idées, il
faut citer comme des pages absolument remarquables : la
Vaneuse, qui obtint un très grand succès en 1867, Mé-
lancolie (1870), le Printemps (1872), la Cancalaise a
la Source (même année) qui mit le sceau à sa réputation ;
le Retour de la pêche aux huîtres (1874) qui fut acquis
par l'Etat pour le musée du Luxembourg ; la Mort d'Orphée
(1878), toile d'un grand caractère qui mit le sceau à la
renommée de l'artiste. Mentionnons encore : Tricoteuses
au bord de la mer (1879), Retour de la pêche a marée
basse (1880), Astarté (1881), le Chemin de la Cor-
niche (1882), Printemps et une Danse du Crépuscule,
d'une magnifique exécution (1883), le Bain (1884), une
Faneuse et l'Etroit sentier (1888), sans parler de nom-
breuses compositions décoratives pour des hôtels, de por-
traits tels que celui de M. Alphonse Daudet ou de M. Le-
père, etc. Feyen-Perrin excella aussi bien dans l'histoire
et le portrait que dans le paysage de la mer. Nul, parmi
les peintres contemporains, n'a su mieux exprimer les
lumières argentées des horizons marins et l'atmosphère
imprégnée des senteurs salines des plages. Après sa mort,
une exposition de son œuvre fut organisée à l'Ecole des
beaux-arts, dont le produit fut affecté à un monument en son
honneur, au cimetière de Montmartre. Victor Champier.
FEYERABEND (Sigmund), célèbre éditeur et graveur
sur bois allemand, né à Heidelberg en 1528, mort à Franc-
fort le 22 avr. 1590. Fils du peintre Aegidius Feyerabend,
il cultiva le même art, mais s'appliqua surtout à la gravure
sur bois. Il s'établit en 1560 à Francfort-sur-le-Main en
société d'abord avec les imprimeurs D. Zôppel et J. Rasch,
puis avec G. Rab et S. Hùter, enfin avec son cousin Johann
Feyerabend. Ils éditèrent nombre de beaux livres, illustrés
notamment par Virgile Solis et Jost Amman, dont S. Feye-
rabend a gravé en partie les dessins. — Son fils aîné, Hie-
ronymus (mort en 1581 à l'âge de dix-huit ans), mit son
nom sur plusieurs publications. — • Son second fils, Karl-
Sigmund (mort à Boll^dans le Wurttemberg, le 15 juin
1609), continua la librairie paternelle. G. P-i.
Bibl. : Pallmann, S. Feyerabend, sein Leben und
seine geschaftlichen Verbindungen ; Francfort, 1881.
FEYJOÔ ou FEIJOÔ y Monténégro (Benito-Gerônimo),
savant espagnol, né à Casdemiro (Galice) en 1676, mort
au couvent d'Oviedo en 1764. Destiné par sa famille à l'état
ecclésiastique, il s'adonna avec ardeur à l'étude, et dans sa
curiosité d'esprit s'occupa en même temps que de littéra-
ture, de médecine, de sciences mathématiques, de physique,
de philosophie, etc. Entré dans l'ordre des bénédictins, il
consacra sa vie entière à la recherche de la vérité et à
lutter contre l'ignorance et les préjugés de ses compatriotes.
Sa piété, qui n'était pas contestable, donna à cette sorte
d'apostolat scientifique un caractère moins suspect que s'il
avait été simplement un disciple des écrivains de France et
d'Angleterre et, s'il trouva des adversaires violents et fut
même déféré au tribunal de l'Inquisition, il n'en obtint pas
moins un très grand succès. En 1726, il fit paraître en un
volume intitulé Teatro critico des dissertations assez sem-
blables à celles du Spectator d'Addison, mais plus longues
et d'un genre plus grave ; elles portaient contre la dialec-
tique et la métaphysique qu'on enseignait alors en Espagne,
sur la légitimité de la méthode d'induction dans les sciences
physiques, sur les règles de la critique historique, sur les
superstitions relatives aux comètes, aux éclipses, à la sor-
cellerie, sur le rôle de la femme dans la société, sur la
nécessité pour les Espagnols de chercher la vérité et le
progrès social, etc. L'accueil qui fut fait à ce livre fut
des plus favorables et de 1727 à 1739 l'auteur publia
sept autres volumes du Teatro critico, où il attaque l'igno-
rance des moines et du clergé, les privilèges de caste, les
préjugés populaires, les auteurs précieux, etc. On ne sait
pour quel motif Feyjoô cessa cette publication en 1739,
— 391 —
FEYJOO - FEZ
mais en 1742 il la reprit sous le titre : Cartas eruditas
y curiosas en que por la mayor parte se continua
et designio de el 'leatro critico universal, impugnando
ô reduciendo ci dudosas varias opiniones comunes,
et en publia encore 5 vol. La polémique très vive que
quelques écrivains obscurs engagèrent contre Feyjoô ne
fit qu'augmenter le succès et l'influence de ses ouvrages ;
bien qu'ils soient volumineux et sur des sujets arides
assez souvent, les 15 tomes (en y comprenant la polé-
mique) eurent 45 éd. dans le cours du xvur3 siècle. Une
édition des dissertations les plus intéressantes a paru
aussi en 1863 dans la Biblioteca Ribadeneyra : Obras
escogidas. On y trouve une intéressante notice sur Feyjoô
par Vicente de La Fuente. Clemencin, en jugeant l'œuvre
du bénédictin d'Oviedo, dit que c'est à sa piété éclairée
que l'on doit d'avoir vu se dissiper en Espagne bien des
préjugés, que l'on doit presque tout le progrès accompli
en ce sens au siècle dernier. Ticknor déclare aussi que
Feyjoô à lui seul a fait plus pour le développement intel-
lectuel de son pays que tous ses prédécesseurs pendant un
siècle entier. E. Gat.
F EY L D E (Thomas) , poète anglais du xvie siècle, sur lequel
les renseignements biographiques font défaut. On a de lui
deux poèmes imprimés par Wynkyn de Worde, et dont les
exemplaires sont très rares : A Lytel Treatyse called thc
Gôtraversc bytwene a Louer and aJayeeX The Coplaynte
of a Louers Lyfe. B.-H. G.
FEYS ouTROMELlN (lie). Une des îles Carolines, décou-
verte en 4828 par Legoarant de Tromelin. Elle est formée
de roches d'une hauteur de 9 m. environ; sa circonférence
est d'environ 40 kil. ; 300 hab. environ. Position :
9°46'lat. N. ; 138° 15/ long. E.
FEYT. Corn, du dép. de la Gorrèze, arr. d'Ussel, cant.
d'Eygurande; 380 hab.
FEYTH ou FEiTH (Rhynvis), littérateur hollandais, né
à Zwolle le 7 févr. 1753, mort à Italie le 8 févr. 1824. II
lit ses premières études à Harderwijk et prit ensuite le grade
de docteur en droit à Leyde; rentré dans sa ville natale, il
se voua entièrement aux lettres et composa de nombreuses
poésies légères et des pièces de théâtre à tendances patrio-
tiques et religieuses qui obtinrent le plus vif succès en Hol-
lande. Voici le titre de ses œuvres principales : le Deuxième
Centenaire de V Union d'Utrecht, poème lyrique (Leyde,
1779); Thirsa, tragédie (Amsterdam, 4 784) ; les Pa-
triotes, comédie (Amsterdam, 1785) ; Jeanne Cray, tra-
gédie (La Haye, 1791) ; Inès de Castro, tragédie (Amster-
dam, 1793) ; Odes et Poèmes (Amsterdam, 1796, 5 vol.
in-8) ; la Vieillesse, poème en six chants (Amsterdam,
1802). Ses œuvres complètes ont été réunies en 11 volumes
in-8, publiées à Rotterdam en 1825. E. H.
Bibl. : Van Kampen, Histoire des lettres et des sciences
en Hollande (en hollandais) ; Amsterdam, 1832, 10 vol.
in-8. — Oostcamp, Hommage à la mémoire de Rhynvis
Feilh (en hollandais); Leeuvaarden, 1824, in-8.
FEYÏ1ÂT, Corn, du dép. de la Haute-Vienne, arr. et
cant. de Limoges ; 1,302 hab.
FEYZ1N. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne, cant.
de Saint-Symphorien-d'Ozon, sur une colline dominant le
Rhône; 4,259 hab. Vestiges d'anciens bains romains.
Eglise gothique.
FEZ (Coiff.). Sorte de calotte, ordinairement teinte en
rouge ou en bleu, faite en feutre ou en tricot feutré. On
appelle encore cette coiffure bonnet turc ou grec parce
qu'elle est particulière à l'Orient, surtout à la Turquie. Le
nom de fez vient de la ville de Fez (Maroc), qui commença
la première à fabriquer ce genre de calottes : on teignait
alors celles-ci en rouge au moyen du kermès recueilli aux
environs. Plus tard, quand l'usage s'en répandit, on en fit
en Turquie, en France et en Italie, d'où on en exporta par
quantité dans les pays orientaux. Aujourd'hui, il n'y a plus
que quelques fabriques de calottes à Constantinople, et la
majeure partie des fez est fabriquée en Autriche par les
villes de Vienne et surtout de Strakonitz, qui est devenue
le principal fournisseur des Turquies d'Europe et d'Asie, de
la Grèce, de l'Egypte, de la Tunisie et du Maroc. L. K.
FEZ. La plus importante des villes du Maroc, une des
trois résidences impériales, compte environ 70,000 hab.,
tant Arabes que descendants des Maures expulsés d'Anda-
lousie, puis un certain nombre d'Algériens et environ
40,000 juifs. L'Angleterre possède un consulat de car-
rière à Fez et la France un agent consulaire arabe (4893).
Presque tous les peuples européens écrivent Fez, quoique
la véritable orthographe transcrite de l'arabe doive être
Fès ou Fâs ; mais on n'en connaît point l'étymologie. Les
Arabes, vrais romanciers en cette matière, l'expliquent de
plusieurs façons; quelques-uns, avec Ibn Batouta, croient
que Fès ou Fàs (qui, en arabe, signifie pioche) indiquerait
que l'on aurait trouvé un instrument de cette nature dans
les fondations de la ville; selon d'autres, Fès viendrait de
Fedd'a, argent. La position astronomique moyenne de Fez
est par 34° 6' 30" lat. N. et 7° 8' 30" long. 0. du méri-
dien de Paris ; elle est à environ 320 kil. 0. de la fron-
tière algérienne, à 480 kil. E. de Rabat, à 495 kil. S. de
Tanger et à 440 kil. S. du littoral de la Méditerranée au
point dit du Peilon de Vêlez de la Gomera, petit préside
espagnol, toutes ces distances étant mesurées à vol d'oi-
seau. L'altitude moyenne de Fez est de 300 m., mais une
grande différence de niveau existe entre Fez Djedid ou la
Neuve et Fez el Bâli ou l'Ancienne, qui est au fond de
l'étroit vallon où coule l'ouad Fez. La ville jouit d'un cli-
mat humide ; il y pleut beaucoup durant le printemps et
les chaleurs y sont très fortes pendant l'été où le thermo-
mètre se maintient entre 35° et 40° à l'ombre ; en hiver,
il est rare qu'il s'abaisse au delà de -|-30. L'ouad Fez,
appelé jadis ouad Djouhaïr, ou la rivière des Perles, prend
naissance à Ras el Ma à peu de distance au S.-O. ; il forme
à l'intérieur de la ville mille ruisseaux qui portent leurs
eaux dans les lavoirs, les maisons et les bains et arrosent
les rues, les places, les jardins, les parterres, et font tour
ner de nombreux moulins. L'eau de cette rivière est très
insalubre et chargée de matières organiques ; elle donne
fréquemment la dysenterie ou la fièvre typhoïde. Aussi
contribue-t-elle à rendre le climat de la ville très mal-
sain. L'humidité y est excessive en été ; c'est dans une
buée chaude que l'on vit ; mais c'est à cela que Fez doit
la beauté vraiment éclatante de ses jardins qui produisent
les plus savoureuses grenades au grain jaune du Maghreb,
les meilleures qualités de figues, de raisins, de pêches,
d'abricots, de citrons, etc. Cette richesse des jardins et
des pâturages de Fez explique l'admiration qu'elle a
inspirée aux poètes arabes émerveillés de ce vallon où
s'étendent de si jolis jardins d'où montent le parfum des
fleurs et le chant de mille oiseaux.
Située à peu près vers le centre de la dépression qui
sépare le système rifain du système de l'Atlas, Fez se trouve
sur la route naturelle qui longe la base occidentale de l'At-
las à l'extrémité de vastes plaines qui s'étendent jusqu'au
littoral atlantique, et elle est en même temps près de l'en-
trée de la vallée de l'ouad Innaouen, communication toute
tracée entre l'Algérie et le cœur du Maroc. Les grandes
voies historiques se croisent donc dans le bassin de Fez,
qui acquiert ainsi une grande importance stratégique et
commerciale ; aussi, quand l'empire chérifien subira le dé-
veloppement des idées modernes, sera-ce encore sur les
rives de l'ouad Fez que s'établira la ville maîtresse de ces
régions.
Fez el Bâli ou l'Ancienne a été fondée en 793 de J.-G.
ou 177 de l'hégire par Idris ben Idris ou Idris Serir, fils
du grand Idris, l'apôtre delà religion musulmane au Maroc,
qui était mort à Oulili, l'antique Volubilis, qu'il se pro-
posait de réédifier et d'agrandir; son fils préféra fonder
à Guerouaoua ou Guedoura, dans l'étroit vallon de l'ouad
Djouhaïr, la ville actuelle. Toutefois l'emplacement choisi
paraît avoir succédé à un établissement antique, car
Roudh el Kartas (V. ce nom) nous assure que l'on y
trouva une statue, et lbn Ehaldoun (V. ce nom) nous
FEZ
m —
apprend que le sol sur lequel s'élève la ville apparte-
nait alors aux Béni Borghos et aux Béni el Khaïr, tribus
zouaghiennes, parmi lesquelles se trouvaient des mages,
des juifs et des chrétiens. Les mages avaient même un
temple du feu à Chebouba, endroit qui, de nos jours,
fait partie de la ville, et a donné son nom à un petit
quartier. Idris ben Idris , vénéré au Maroc sous le nom
de Moulai' Idris, ne bâtit qu'une cité sur le bord droit
de la rivière, mais son petit-fils en bâtit une autre sur
la rive gauche ; on désigna alors la première du nom de
Blida ou la Villette , et la seconde du nom d'El Hâlou,
corruption pour Aïn el Hâloua, la Fontaine douce. Pen-
dant le règne de Yahia, ce fut aux soins éclairés de ce
prince idrisside, vers 840 de J.-C, que Fez dut la construc-
tion de ses bains, de ses faubourgs et de ses caravansé-
rails ; aussi était-elle devenue une ville très florissante,
dans laquelle affluaient jusqu'aux habitants des contrées
éloignées. En effet, tant que la puissance des Maures s'est
maintenue dans tout son éclat, Fez en a été en quelque
sorte le foyer. Dans la suite, une terrible rivalité et des
guerres sans fin devaient s'établir dans sa population jus-
qu'au siège que, en 1069 de J.-C, Youçof ben Tachefin, à
la tête des Berbers Lemtouna (V. ce mot), fit de la ville et
où plus de trois mille Maghraouéens, Ifrénides, Mikna-
ciens et Zènatiens (V. ces mots) trouvèrent la mort. Le
vainqueur fit alors abattre le mur qui séparait le quartier
des Cairouanides ou Adoua el Carouïyn de celui des Anda-
lous ou Adoua el Andalous, et, ayant formé de Fez une
seule cité, il l'entoura d'un rempart. Vers 1220 ou 1230,
Yakoub ben Abdallah, le second des Béni Merin, fit bâtir
sur la rivière, à 1,000 ou 1,500 m. à l'O.-S.-O. de l'an-
cienne ville, un autre centre de population tout à fait sé-
paré qu'il nomma Medinet el Beïda ou la Ville blanche.
Mais on ne lui a conservé que le nom de Fez Djedid ou le
nouveau Fez, l'ancienne ville prenant, par opposition, le
nom de Fez el Bâli. Près du nouveau Fez, Moulai Abdallah
fit bâtir, vers 1750, le palais de Bou Djeloud, demeure
des sultans sans cesse augmentée et modifiée ; mais quant
à Fez, depuis le moyen âge, elle ne supporta plus de
grands changements dans son périmètre ; son histoire a
Zala£h. Alt. 850^
Plan général de Fez (Fâs) à l'échelle de 1/125000°.
été trop intimement mêlée à celle du Maroc par l'influence
que ses révolutions ont exercé sur les destinées des dynas-
ties du Maghreb pour que nous ne la traitions point avec
quelque développement (V. Maroc [Histoire]), car Fez est
la première capitale du pays, et, de tout temps, son pre-
mier centre politique, puisque, en vertu d'une tradition con-
stante, l'investiture, l'option de ses ulémas a été néces-
saire pour valider l'élection des sultans. — Les deux villes
de Fez s'étendent sur un espace de terrain d'une longueur
assez considérable, mais très resserré dans sa largeur, au
fond de la vallée qui forme le petit bassin de l'ouad Fez.
Fez Djedid est à la tête des eaux et offre plutôt l'aspect
d'une sorte de citadelle que d'une ville, car elle ne ren-
ferme guère, outre le Mellah ou quartier des juifs, que
des demeures de fonctionnaires. Fez el Bâli est bâti sur
le versant de plusieurs coteaux, derniers ressauts du dje-
bel Zalagh, dont le sommet atteint 850 m. et auquel la
ville est comme adossée. La ville descend jusque dans la
vallée où coule la rivière, et des flancs du Zalagh on
saisit l'entassement des maisons dont l'amoncellement est
si épais qu'on ne peut distinguer trace d'aucune rue.
De ce fouillis confus s'élèvent de nombreux minarets
qui dressent dans l'espace leurs flèches surmontées de
trois boules d'or auxquelles s'ajoute un oriflamme aux
heures de prière. Les toitures vertes et lumineuses des
mosquées se détachent de la blancheur des terrasses, et
une ceinture de jardins semble suivre la vieille muraille
pour enserrer la ville de tous côtés. Au loin, le Sebou
(V. Sebou [Ouad]) promène ses eaux que le soleil fait
briller comme un serpent d'argent ; Fez, en effet, n'est
qu'à 4 kil. de ce fleuve que l'on franchit sur un pont qui
fut construit en 1669 sous le règne du sultan Errechid.
L'horizon est, dans le S., borné par les hautes montagnes
des Béni Ouaraïne (V. ce mot) dont la neige blanchit en
hiver les sommets et jusqu'à la fin du printemps, par le
massif des Ait Youssi (V. ce mot) et enfin par la chaîne
des Béni Megnild (V. ce mot), au pied de laquelle vient
expirer la grande plaine dite de Fez, large d'une vingtaine
de kilomètres.
L'enceinte de Fez se compose d'un grand mur en pisé,
— 393 —
FEZ
en mauvais état, flanqué de distance en distance de tours
carrées également crénelées, ces créneaux se terminant
par une petite pyramide tronquée. La ville est dominée par
deux petits forts isolés sans portes apparentes et qui n'ont
aucune valeur; ce sont de simples blockhaus, mais la
principale force défensive de Fez consiste dans la nature
des voies de communication intérieure, les rues formant un
labyrinthe inextricable où il serait très difficile à des as-
saillants de s'aventurer, même en nombre, si la population
poursuivait la lutte après la prise des remparts. Ceux-ci
constituent aussi un obstacle assez sérieux, moins par leur
hauteur de 8 à 10 m. et par leur épaisseur de 2 à 3 m. à
la base, que par la nature de leurs constructions. Ils sont
tout entiers en pisé ; les projectiles ordinaires de cam-
pagne en auraient difficilement raison, et une armée assié-
geante ne pourrait les détruire qu'à la mine ou à la sape.
Mais la ville est commandée à très faible distance par les
hauteurs voisines et ne pourrait, en raison du groupement
même de ses maisons, tenir contre un bombardement de
quelques heures. Il est d'ailleurs hors de doute, étant don-
nées les habitudes commerciales de la population, qu'elle ne
résisterait pas à une démonstration faite par des forces de
quelque importance. Cette enceinte à demi ruinée donne
à la ville l'aspect d'une cité du temps des croisades ; elle
est percée de portes monumentales dont les principales
sont au nombre de six pour Fez el Bâli et deux pour Fez
Djedid. Ce sont : Bab el Hadid qui mène à Sefrou (V. ce
mot) et dans le S., Bab Djedid qui mène dans les jardins;
Bab Sidi bou Jida et Bab Fteur qui, toutes deux, condui-
sent au pont du Sebou, c.-à-d. à la route d'Ouchda; Bab el
Guiza pour la région des Cherarda ; Bab Mahrouk vers Mek-
nas et Moulai' Yakoub. À Fez Djedid, ce sont : Bab Sidi bou
Nafa ou Bab Jiaf vers Sefrou et le Sud, puis enfin Bab
Segma où passe le chemin de Meknas et Tanger.
L'ancienne division en quartier des Andalous et en quar-
tier des Cairouanides n'existe plus ; on divise actuellement
la ville en sept parties qui rappellent le souvenir historique
des grandes familles telles que les Bennis, lesBerrada, les
Bennani, El Quebadj, ElHa'ilou, puis ceux qui proviennent
de familles de chorfa, tels les Belretïyen, Idrissïyen et
enfin Squelïyen. Ces grandes divisions se subdivisent elles-
mêmes en treize quartiers auxquels il convient d'ajouter
El Queceba (le village des fleurs) où demeurent les Filala
ou indigènes du Tafilalet. La police locale est assurée par
les chefs de quartiers, moqaddemin el Houma, qui en sont, à
proprement parler, les caïds, et indépendamment de ceux-ci
par les môlinn Dàr, agents de police secrète qui dépendent
d'un chef spécial relevant lui-même du Makhzen. Les
moqaddemin el Houma sont chargés de tous les détails de
l'administration courante de leurs quartiers, de la distribu-
tion des eaux, de la sécurité, etc. Le nettoyage public est
expéditif et simple : lorsque dans les rues, les boues, les
charognes et les tas d'ordures se sont accumulés, on lâche
la rivière à travers la ville où elle descend en bondissant,
en formant mille cascades sur les pentes abruptes, et em-
porte avec elle les amas d'immondices. La surveillance des
marchés, la perception des droits de vente sont confiées
aux Mehtasseb et aux Molinn Nkass (pour les détails de
l'administration, V. à l'art. Maroc [Gouvernement inté-
rieur des villes]). Chacun des quartiers de Fez el Bâli pos-
sède un drapeau particulier, et, chaque soir, on ferme les
portes qui font communiquer les quartiers ensemble, sauf
durant la période du Ramadan. A Merstan, dans l'inté-
rieur du vieux Fez, à côté du marabout de Sidi Feredj, se
trouve un bâtiment où l'on enferme les fous et qui sert en
même temps de prison pour les femmes. Fez Djedid, à part
le Mellah ou juiverie dont les juifs ne peuvent sortir que
pieds nus, possède cinq quartiers, et c'est là qu'habitent
une partie des grands personnages de la cour, tels que le
chambellan et le ministre de la guerre. Entre le nouveau
et l'ancien Fez se trouve Bou Djeloud ou l'endroit des
tanneries avec le palais du sultan et le cimetière de Sidi
bou Beker el Arabi, du nom du tombeau de ce saint. A
Bou Djeloud campent, en général, des troupes de cavalerie
durant le séjour du sultan, et on y remarque aussi l'an-
cienne qasba El Lebtata, vaste caserne. Outre quelques
thabor (bataillons) d'askars recrutés dans la ville même,
Fez compte comme garnison permanente, indépendamment
des troupes qui accompagnent le sultan, deux mia (compa-
gnies d'artillerie chargées du service des pièces de la qasba
des Cherarda et de la qasba de Fez Djedid. On doit y ajou-
ter aussi les contingents des tribus Makhzen du voisinage,
et l'on estime assez généralement que Fez pourrait mettre
en ligne de 12 à 15,000 fusils. Il y a deux pachas, un à
Fez Djedid et un à Fez el Bâli, cette dernière charge étant
considérée avec juste raison comme une des plus impor-
tantes de l'administration de l'empire chérifien. La garde
de Fez Djedid, ou plus exactement du palais du gouverne-
ment ou Dar Makhzen, est confiée à un troisième fonction-
naire qui a aussi rang de pacha 'et qui a sous ses ordres
certaines troupes en général recrutées parmi les contin-
gents du Sous, du Tafilalet et des Cherarda ; cette force
armée ne quitte jamais la ville, car c'est à Fez Djedid que
se trouve une grande partie du trésor du sultan, celui de
Meknas ayant été pillé au temps de Moulai* Abderrahman
par les Abids Boukhari (V. Maroc).
Les rues de Fez sont, en général, très en pente, quel-
ques-unes pavées et si étroites qu'on ne peut guère y cir-
culer plus de deux ou trois de front. Les maisons sont,
pour la plupart, très hautes, et les façades qui donnent
sur les rues sont de simples murs droits sans aucun orne-
ment extérieur et presque sans ouvertures. Des voûtes
étroites et obscures, sous lesquelles on rejoint d'autres
quartiers, complètent cette sombre impression. L'intérieur
des maisons est souvent fort beau et remarquable autant
par la richesse que par la variété et par le goût de l'orne-
mentation architecturale (V. Maroc [Architecture]). Quant
aux marchés, bazars et qaiserïya ou marchés à la criée, ils
sont fort nombreux et fort animés, Fez étant, ainsi que
nous le verrons plus loin, un centre de commerce considé-
rable. — Sous la domination des Zenata (V. ce mot), Fez
fut très agrandie, mais c'est à l'époque des Almohades
qu'elle atteignit toute la splendeur de la richesse, du luxe
et de l'abondance. On y comptait alors 985 mosquées ou
chapelles, 122 lieux aux ablutions, 93 bains publics,
472 moulins, non compris ceux du dehors, et sous le
règne de Nacer, 89,236 maisons, 19,041 mezriza ou cham-
brettes indépendantes pour célibataires, 467 fondouks ou
caravansérails. Quoique bien déchue de cette époque, Fez
compte encore un grand nombre de mosquées dont quel-
ques-unes ont une importance spéciale. Au premier rang,
nous citerons celle de Moulai* Idris ou des chorfa qui est
la plus vénérée. C'est un vaste sanctuaire élevé sur le tom-
beau de ce fondateur de la ville, et il est impossible à un
infidèle de pénétrer même dans le quartier avoisinant qui
sert de lieu d'asile. Les chorfa Oulad Idris de Fez con-
servent la direction de la zaouiya et bénéficient de ses reve-
nus, sauf un mois chaque année, où ils sont remplacés
par les chorfa Oulad Moulai Abdesselam du Rif. La mos-
quée du quartier des Cairouanides ou Djama el Carouïyn,
fondée en 859 av. J.-C. par une femme de Cairouan, est
peut-être la plus belle de la ville ; on remarque ensuite la
mosquée du quartier des Andalous. Ces deux mosquées
possèdent des medarsa ou écoles religieuses dont les tholba
ou étudiants, surtout ceux de la mosquée des Cairouanides,
jouissent d'une réelle autorité dans le monde musulman.
La porte superbe de la mosquée des Andalous domine
presque toute la ville comme une sorte d'arc de triomphe.
Citons encore la medarsa des Soffarin, qui fut jadis la plus
fréquentée ; elle est située près du marché aux cuivres, et
sa porte d'entrée est célèbre dans l'histoire locale de la
ville, puis la medarsa des Cherrâthin, construite par le sul-
tan Errechid ; la mosquée de Si Ahmed Chaoui, bâtie sur
l'emplacement de la maison du saint et qui, autrefois très
vénérée, est un peu délaissée de nos jours ;, puis celle
d'Abd el Qader el Fâsi, avec celles d'El Fasiyn,'qui est très
FEZ
394
importante comme centre d'enseignement, et finalement la
zaouiya ou couvent de Sidi Hamza des Ahl Seri de l'ïdra-
ren, où se forment une grande partie des tholba, mission-
naires de la région de l'Atlas : à ce titre, elle est très
fréquentée. Nous ajouterons la mosquée de Bab el Guisa
qui est une des plus grandes, et, comme medarsa, celle de
Mechâtin du sultan Errechid, de Bab Souk et de Moulai
bou Anan, à Talla, qui, jadis, était la plus vaste.
Dans le nouveau Fez, on remarque la grande mosquée
où le sultan assiste à la prière du vendredi ; en son ab-
sence, son khalifa le remplace, puis la Djama de Moulai"
Abdallah à Bou Djeloud où chaque sultan doit recevoir
l'investiture, et enfin la mosquée d'En Nacer. Les mosquées
de Fez n'ont pas de coupoles, mais de simples toits en
pente, parfois formés de tuiles vertes qui brillent alors au
soleil comme du verre incandescent.
Presque tous les ordres1 religieux du Maroc sont repré-
sentés à Fez par des zaouiya ou couvents de ces confré-
ries, car Fez est le centre des études théologiques du
Maghreb ; les étudiants y arrivent en foule et y forment
un véritable parti indépendant. On ne trouve plus rien,
cependant, dans ces bibliothèques si fameuses au moyen
âge ; elles ont été dévastées par une théocratie étroite qui
condamne comme impure jusqu'aux études d'histoire.
Parmi les principales zaouiya, je citerai les suivantes :
Ordre des Derkaoua : zaouiya de Sidi Ahmed el Bedâoui et
zaouiya de Sidi Mohammed el Harraq qui sont les zaouiya
mères des deux branches les plus répandues dans le gharb.
Ordre des Tidjaniya : zaouiya, mère des Tidjaniya du Ma-
roc, connue sous le nom de zaouiya Sidi Ahmed Tedjini ;
on trouve aussi une petite zaouiya à Fez Djedid. Ordre
des Taïbiyn : zaouiya dépendant de Dâr Ouezzan et cen-
tralisant toutes les relations de cet ordre au Touat.
On trouve encore une importante zaouiya de Sidi el
Ghazi, puis une autre d'El Qacemïyn de Sidi Qacem des
Cherarda, et un couvent d'Aissaoua, avec des établisse-
ments pour leurs sous-sectes des Sefianïyn, des Harnacha
et des Dghoghïyn (V. Zerhoun [Djebel] [Influences reli-
gieuses]), et enfin les Qadriya ont à Ras Tiallin une
zaouiya qui a pour chef un chérif Qadri du nom de Si
Mohammed el Qadri, saint homme très vénéré et respecté.
Bien que capitale du Maroc septentrional et parfois séjour
préféré des sultans, Fez a une existence politique auto-
nome, et quoi qu'elle soit la principale résidence des
agents du gouvernement, candidats, titulaires en fonctions
ou anciens employés de tout rang, cette ville a toujours
été un centre d'opposition très difficile à manier, prompte
à s'insurger, portée à la guerre civile et où la plupart des
sultans n'ont pu se faire admettre que les armes à la main.
Ses habitants, en effet, n'ont cessé de jouer un rôle très
actif dans les élections impériales, et, ce qui leur donne un
caractère aussi frondeur, c'est la présence des nombreux
chorfa qui y résident auprès des tombeaux des saints. La
masse de la population demeure cependant étrangère aux
fluctuations de. la politique impériale, à l'exclusion des
uléma qui ont une influence marquée sur le sultan et dont
les conseils et les requêtes sont toujours animés d'un
esprit très étroit, très théocratique et très hostile aux
Européens.
Comme familles religieuses, nous citerons les chorfa
Idrissïyn et les Alaonïyn, puis les Sekallïyn, les Taharïyn
(Andalous), les Yamanïyn venus du Yemeîu, les Ketanïyn,
les Iraquïyn venus de l'Irak. Les Alaouïyn représentent
surtout le parti du gouvernement ; ce sont pour la plupart
des membres de la famille du sultan, frères, oncles et
cousins. Les Idrissïyn, descendants de Moulaï Idris Serir,
patron de la ville, forment la véritable noblesse religieuse
de Fez. Outre les chorfa de la zaouiya qui représentent la
lignée la plus directe du fondateur, ils comptent quelques
membres des branches collatérales, tels que Si Driss el
Abedin el Ouazzâni(V. Ghiatsa). Très nombreux, mais,
en général, assez pauvres, les Idrissïyn jouissent d'une
réelle considération et forment un parti très remuant.
Après eux, les seuls qui méritent une mention spéciale
sont les Iraquïyn qui ont acquis une récente illustration
due à la situation de l'un d'eux, Si Mohammed el Iraqui,
qui fut moqaddem d'une zaouiya de Guernis à Fez. Pour
terminer nous mentionnerons les chorfo El Fesïyn, frac-
tion de tholba, qui fournissent le Khetib ou chapelain du
sultan (pour le mode d'administration et de commande-
ment des chorfa et des uléma qui, en somme, forment des
castes distinctes de la population, V. Maroc [Administra-
tion politique et religieuse intérieure]). Les principales
familles de Fez sont les Oulad ben Djeloul, descendants
des Maures expulsés d'Espagne ; ce sont, en général, des
marchands, mais considérés comme d'extraction noble.
Les Oulad ben Niss, famille que l'on dit d'origine juive ;
ce sont aussi des marchands très riches : ils ont fourni un
des derniers ambassadeurs en France; puis les Ghicïyn,
fraction arabe originaire de l'Hedjaz ; les Sofarïyn, origi-
naires du Khorassan et qui subissent l'influence des Oulad
el Moulleb, et enfin les Berâda, peut-être la plus grande
de toutes ces familles. Nous achèverons en citant les Oulad
ben Souda, originaires d'Andalousie, tous tholba ; ils
fournissent beaucoup de cadis, et, finalement, les Oulad
el Halou, petite famille qui est très considérée.
Seule parmi les villes musulmanes, Fez est encore
vierge de toute insulte ; les Européens peuvent y séjourner
en y étant à peine tolérés, mais aucun ne s'y est fixé ;
aucun surtout n'a mis un pied téméraire dans ses mosquées
vénérées (V. Maroc). Nos mœurs, notre religion n'y sont pas
moins inconnues que méprisées, car rien n'y distrait de la
vie maure qui s'y déroule dans toute sa pureté. Fez est
pourtant une ville aussi industrieuse que commerçante,
car, sauf les chorfa et les uléma, il n'est personne qui
ne soit négociant ou artisan, et certains fonctionnaires du
Makhzen sont dans les affaires. Cette ville est le point
d'arrivée de toutes les marchandises du Tafilalet, et elle
reçoit tous les produits depuis ceux du Gourara jusqu'à
ceux du haut Ouad Draa, les cuirs si renommés'de l'Ouad
Ziz, les huiles, les olives, les bois de cèdre et d'arar des
contreforts des Ait Youssi, etc. ; elle envoie, en échange,
tous les objets de ses manufactures et principalement les pro-
duits de l'industrie européenne, les quincailleries allemandes
et anglaises, les draps anglais, français, suisses et quelques-
uns d'Allemagne, les sucres français, les bougies anglaises
et belges et le thé vert de provenance britannique et dont
il se fait une si prodigieuse consommation dans tout le
Maroc. On manufacture la soie à Fez ; on la teint et on y
fabrique de belles étoffes brodées, puis des haïks et aussi
des vêtements de laine d'une extrême finesse. Depuis
quelque temps, on y importe certaines étoffes de soie tis-
sées à Lyon au goût du pays ; mais c'est de Fez que pro-
viennent toutes les brides de soie de l'empire marocain,
tandis que les cuirs brodés viennent surtout de Merrâkech.
Fez fait un commerce de transit important avec Tanger et
Larache, et il existe un certain mouvement avec Ouchda et
Tlemcen, trafic qui serait bien plus considérable sans l'hos-
tilité des tribus de cette route dont le sultan entretient soi-
gneusement le renom de férocité par défiance et par crainte
devoir se développer le mouvement algérien. On fabrique à
Fez des poteries renommées et des carreaux de faïence qui
jouent un grand rôle dans les mosaïques qui décorent l'in-
térieur des maisons et dans lesquelles les ouvriers maro-
cains déploient un talent merveilleux de couleur et de des-
sin. Dans l'absence de tout document statistique, il est
impossible d'estimer le chiffre du commerce de Fez ; quant
aux juifs, ils font un trafic très important qui explique
leur nombre et la prospérité relative de beaucoup d'entre
eux. Les affaires sont arrêtées durant la saison des pluies
à la fin de l'hiver, quand les chemins de la Tingitane sont
défoncés par les boues et que les communications sont in-
terrompues par le débordement des rivières. Aux envi-
rons de Fez se rencontre la qasba ruinée d'El Khemis,
célèbre dans l'histoire du Maroc et qui avait été édifiée en
1670 par le sultan Errechid pour y mettre une garnison
— 395 —
FEZ — FEZZAN
à'Oudaïa (Y. ce mot) assurant la route entre Fez et Mek-
nas, infestée de pillards qui parcouraient le Sais (V. ce
mot). Un palais d'été existe non loin de la ville, à Dar
Debibagh, et, plus au S., on remarque les jardins de Moulai
ïsmael, frère du sultan Moula'i el Hassan : on les nomme
Djenaïn Moulaï ben Nacer. Le versant méridional du Dje-
bel Zalagh qui domine la ville est tapissé de grottes qui
servent d'habitations aux malheureux et que l'on nomme
Sebâ Kifân ; elles sont voisines de Bab Mahrouk, en face
du marabout de Sidi Ahmed el Filali.
H.-M.-P. de La Martinière.
Bibl. : Nous laissons de côté les très nombreux ou-
vrages faits de seconde main pour ne retenir que ceux
émanant de voyageurs sérieux, de savants ou de compi-
lateurs consciencieux. Pour plus de détails, V. la biblio-
graphie du Maroc. — Ibn Khaldoun, Histoire des Ber-
bers, tracl. de de Slâne. — Roudh el Kartas, Annales de
la ville de Fez, trad. de Beaumier. — Léon L'Africain,
trad. de Temporal. — Ali Bey, Voyage en Afrique et en
Asie, t. I. — Emilien Renou, Description géographique de
l'empire du Maroc (compilation qui peut être citée comme
un exemple de perfection en ce genre et pour l'époque
[1846]). — Oscar Lenz, De Tanger a Timbuctou. — Erk-
man, le Maroc moderne. — Gabriel Charmes, Une Am-
bassade au Maroc. — Henri Duveyrier, le Chemin des
ambassades de Tanger à Fâs et à Meknas. — H. de La
Martinière, Journeys in the Kingdom of Fez. — Trot-
ter, Our Mission to the court of Morocco. — Dauphin,
l'Université de Fez; Paris, 1890.
FÉZENSAC. Comté de Gascogne, aujourd'hui dép. du
Gers. Ce comté, démembrement de la vaste cité d'Auch,
qui au ix° siècle s'était accrue du territoire de l'ancienne
métropole de la Novempopulanie, Eauze, Elusa, apparaît à
la fin du vme siècle ; pour contenir les Gascons à demi
indépendants, Charlemagne ou son fils, Louis le Pieux, roi
d'Aquitaine, l'avait créé sous le nom de Fidentiacus co-
mitatus. Le nom de Fidentiacus dérivait probablement
de celui d'un premier titulaire, nommé Fidentius. Au
xe siècle, ce comté appartient aux ducs de Gascogne, dont
l'un, Sanche le Courbé, le partage entre ses fils, détachant
ainsi du comté de Fézensac celui d'Astarac. Un peu plus
tard, le fils de Sanche le Courbé, Guillaume Garsias, sépare
pour un temps les comtés d'Armagnac et de Fézensac ; ils
sont de nouveau réunis vers le milieu du xne siècle, mais
le Fézensac restera toujours distinct de l'Armagnac. — Les
deux comtés formèrent le noyau des possessions de la cé-
lèbre famille d'Armagnac, dont les domaines furent défi-
nitivement réunis à la couronne au xvie siècle. Les comtés
d'Armagnac et de Fézensac, après avoir été à plusieurs
reprises dans la mouvance des comtes de Toulouse, puis
des rois de France, avaient été définitivement rattachés à
l'Aquitaine anglaise par le traité de Brétigny.
Le Fézensac se divisait en deux parties, dites Fézensac
proprement dit et Eauzan (ch.-l. Eauze); le chef-lieu du
comté était Yic-Fézensac ; le comté comprenait la majeure
partie des cantons actuels d'Auch, Jégun, Vic-Fézensac,
Valence, Condom, Eauze et quelques communes des cant.
de Gimont, Montesquiou, Aignan, Nogaro, Montréal et
Fleurance (on trouvera une liste des communautés dans
Monlézun, Histoire de Gascogne, t. II, app.). Inutile de
donner la liste des anciens comtes de Fézensac, la suite de
ces princes étant trop peu certaine. Pour leurs noms à
dater du milieu du xne siècle, V. Armagnac. A. Molinier.
Bibl. : Art de vérifier les dates. — Monlézun, Hist. de
Gascogne, passim. — Longnon, Atlas historique de la
France, livraison 2. — D. Vaissete, Histoire de Langue-
doc, nouv. éd., passim.
FÉZENSAC (Famille de) (V. Montesquiou).
FÉZENSAGUET. Vicomte détachée de l'Armagnac au
début du xne siècle, et donnée par le comte Bernard IV à
son fils puîné, Roger; le fils de celui-ci, Géraud, devient
comte d'Armagnac en 4256, mais la vicomte est par lui
léguée à son second fils, Gaston, auquel succèdent Gé-
raud II (1320), puis Jean (4339) et Géraud III (4390).
A la vicomte avait été joint le comté de Pardiac. Gé-
raud III, s'étant aliéné la faveur royale, est dépossédé en
1403 par le célèbre connétable Bernard d'Armagnac ; il
meurt en prison et ses deux fils, Jean et Arnaud-Guil-
laume, périssent tragiquement. La vicomte est alors réunie
à l'Armagnac. Le Fézensaguet comptait quarante-cinq com-
munautés groupées autour de Mauvézin (Gers, arr. de Lec-
toure); quelques-unes à l'E. de la Gimone, faisaient partie
de ce qu'on appelait la Gascogne toulousaine.
Bibl. : Art de vérifier les dates. — Monlézun, Hist. de
Gascogne, passim et princ. II. — P. Durrieu, Documents
relatifs a la chute de la maison d'Armagnac-F ézensaguet ;
Paris, 1883, in-8.
FEZZAN. Région de l'Afrique, auN. de l'Equateur, for-
mant une kaimakamlik qui relève politiquement du gouver-
neur de la Tripolitaine. On ne saurait fixer avec précision
ses limites politiques, les régions qui le bordent se prêtant
mal par leurs caractères physiques et leur défaut d'impor-
tance à une délimitation rigoureuse. Il occupe un vaste
espace de 4,200 kil. environ duN. au S., sur 600 del'O.
à l'E., confinant au N. à la zone montagneuse qui ferme
le Sahel tripolitain et le littoral de la Grande-Syrie ; à l'O.
aux pays des Touareg Azdjer; au S., un espace désert
sépare le Fezzan du Kaouâr ; à l'E., le 45° 30' de long. E.
forme à peu près sa limite. Dans son ensemble, le Fezzan
est constitué par un vaste plateau dont l'ait, varie de
200 à 750 m., dans le sens du N. au S.; la Hamada el
Homra, qui est au N. la première terrasse du plateau fezza-
nien, étend ses plaines désolées, sans eaux et sans végéta-
tion, à 450 m. environ d'alt. Elle s'abaisse sur l'ouadi El
Gharbi pour se relever jusqu'à une hauteur de 500 à 560 m.
C'est la région du Fezzan central et des villes principales
antiques ou modernes, Djerma, Mourzouk, Zouïla. Vers l'E.,
le plateau se relève dans le massif basaltique du djebel Es
Soda, auquel succède le système basaltique du Haroûdj el
Asouad (noir), au N. et calcaire du Haroûdj el Abiodh (blanc)
au S. Le système fluvial n'est représenté au Fezzan que
par ces rivières sans eau, ouadis, dépressions profondes,
qui sont, dans la région saharienne, à la fois les voies com-
merciales et les centres de population. On doit citer au pre-
mier rang le grand ouadi, orienté du S.-O. au N.-E., qui
porte, des deux côtés de l'antique Djerma, les noms d'ouadi
El Gharbi (0.) et ouadi Ech Gherghî (E.); l'ouadi Ech Chiâti,
à quatre journées de marche vers le N. ; l'ouadi Hérân, au
pied méridien de la Hamada el Homra. Le Fezzan n'a pas
d'eaux courantes ; les puits seuls servent aux usages de la
vie et à l'irrigation ; les pluies sont très rares et l'humi-
dité accidentelle qu'elles communiquent aux ouadis se réfugie
sous le sol. Le climat est très chaud en été ; on observe à
Mourzouk plus de 44° en juillet. Les trois mois d'hiver
sont les seuls pendant lesquels la race blanche puisse impu-
nément habiter au Fezzan. Partout où l'on trouve de l'eau,
les cultures du sorgho, du millet, fie l'orge réussissent à
merveille. Les dattes constituent la principale récolte et
forment un objet de trafic. Les animaux domestiques sont
la chèvre et le mouton à grosse queue ; on y trouve, mais
à un prix élevé, le chameau, l'âne et le cheval. La faune
sauvage compte plus de représentants : la gazelle, l'au-
truche, le renard, le chacal, la hyène.
M. Duveyrier divise le Fezzan en deux groupes : les oasis
et les terres de parcours (steppes et ouadis de moindre
importance). Cette division peut servir de base à la géo-
graphie politique. Les oasis forment trois groupes (le Fezzan
proprement dit, la Jofra et le groupe du Sud) renfermant
la population sédentaire et les terres de parcours, la popu-
lation nomade. Ces derniers sont principalement Arabes. La
population sédentaire fut certainement à l'origine une popu-
lation noire, dont la parenté avec les Kanoûri et les Tibbou
est aujourd'hui admise comme incontestable. Les Arabes
désignent sous le nom de Berâoura cette population noire
primitive, mêlée plus tard, dès le vne siècle de notre ère,
d'éléments arabes et berbères.
On parle au Fezzan à la fois l'arabe, le kanouri, idiome
du Bornou, le haoussa et le touareg. On ne saurait évaluer
avec précision le chiffre de la population du Fezzan ; cepen-
dant on croit se rapprocher de la vérité en admettant le
chiffre total de 50,000 hab. pour- la population sédentaire
et la population nomade réunies. On donne le nom de villes
FEZZAN — FIANÇAILLES
— 396 —
à huit centres principaux: Mourzouk, Zouïla, Sebha,
Sôkna, Trâghen, Zella, Tessâoua, Tekertiba. C'est dans le
voisinage de cette dernière ville que se trouve Djerma, sur
l'emplacement de la ville romaine de Garama. Les Romains
pénétrèrent dans le Fezzan (Phazaniaàe Pline) en 49 av.
notre ère, et ouvrirent à travers la Hamada jusqu'à Ga-
rama une route militaire (Iter pr aster caput saxi). Après
avoir été gouverné par des sultans Beraoûra, qui avaient
leur capitale à Trâghen, le Fezzan obéit à des chefs de
tribus arabes, du vu6 au xme siècle. Alors la dynastie
d'origine marocaine des Oulàd Mohammed s'établit dans le
pays jusqu'au début de ce siècle. En 4811, les beys de
Tripoli s'en emparèrent, et en 1841, le Fezzan est passé,
avec la Tripolitaine, sous la dépendance politique de la Porte.
L'exploration scientifique du Fezzan a commencé en
1798-99 par l'expédition de Hornemann. Elle a été con-
tinuée et portée au plus haut degré d'exactitude, surtout
depuis quarante ans, par Barth (1850), Vogel (1854), Henri
Duveyrier(l860), Nachtigal (1869) et Gerhard Rohlfs(de
1866 à 1879, à deux reprises différentes). J. deCrozals.
FHARNA. Plateau ondulé de l'E. marocain, désert la
plus grande partie de l'année, cultivé en quelques points
par les Houara (V. ce mot) et parcouru par leurs trou-
peaux. 11 a pour bornes : au N., les montagnes du Rif
(massif de Gezennaïa et de Metalsa) ; à l'E., la plaine du
Jell; àl'O., le confluent del'ouadBou elDjerfet de l'ouad
El Arba dont la réunion forme l'ouad Innaouen (V. ce
mot) ; au S., les monts du Ghiasa (V. ce mot).
F1AC. Corn, du dép. du Tarn, arr. de Lavaur, cant. de
Saint-Paul-de-Cap-de-Joux ; 1,238 hab.
FIACCHI (Lodovico), poète et critique italien, né à
Mugello (Toscane) le 4 juin 1754, mort à Florence le 26 mai
1825. On a de lui un volume de Fables, imitées d'Esope
(1807), et un recueil de Sonetti pastorali (Milan, 1808).
Il était membre de l'Académie de la Crusca et fort estimé
pour son érudition. On lui doit à cet égard : Dichiara-
%ione di molti proverbi, detti e parole (Florence, 1820)
et Osservazioni sul Decameron di Boccaccio (1821).
Bibl. : Nuovo Giornale clei letterati; Pise, 1825, in-8.
FIAGRE (ïïist.). Surnom donné aux voitures publiques,
à quatre roues et à quatre places, établies à Paris
en 1640 (V. Carrosserie, t. IX, p. 554). Le bureau
central se trouvait rue Saint-Martin, vis-à-vis de celle de
Montmorency, à l'enseigne de Saint-Fiacre : la popula-
rité du saint remontait elle-même à celle d'un frère Fiacre,
carme déchaussé, aux prières duquel la reine mère Anne
d'Autriche avait attribué la cessation de sa stérilité ; les
cochers collaient des images du saint (ou du frère) sur les
portières de leurs carrosses de place, comme préservatif
contre les accidents. L'entreprise débuta par une vingtaine
de voitures à cinq sous de l'heure et par place ; il y en eut
jusqu'à 1,500 à 1,600 au xvme siècle. C'étaient, en fait,
des omnibus bourgeois, car il était défendu « à tous sol-
dats, pages, laquais et gens de bras d'y entrer » (ordonn.
de mai 1662). En 1668 furent établies les stations ; en
4703, les fiacres furent numérotés. Ils étaient devenus
pour le gouvernement une affaire extraordinaire, c.-à-d.
une branche de privilèges vendus aux particuliers ou affer-
més : aussi le prix de la place atteignit 30 sous la première
heure, 25 sous la seconde, etc. Le monopole eût fini par
être réalisé au profit du gouvernement et des sieurs Per-
reau, sans le rachat qu'en fit la Constituante, le 24 nov.
1790. — Le mot fiacre semble avoir désigné d'abord non
la voiture, mais le cocher lui-même. H. Monin.
Bibl.: Isambert, Anciennes Lois françaises, t. XV, p. 88;
XVII, 202, 353 : XVIII, 16 : XX, 428 ; XXII, 17 -, XXV, 486 ;
XXVI. 29, 72, 106, 370, 384. - Maxime Du Camp, Paris et
ses organes ; Paris, 1872, t. I, pp. 164 et suiv., in-8.— V.Car-
rosserie, Voitures publiques. — Doléances, souhaits et
propositions des loueurs des carrosses de place et des
loueurs de carrosses de remises, avec prière au public de
les insérer dans les cahiers de la ville de Paris ; s. 1. n. d.
(1789), pièce in-8.
FIACRE (Saint), solitaire, mort vers 670. Fête le
30 août. Les Ecossais et les Irlandais réclament pour leur
pays l'honneur de lui avoir donné naissance. Suivant les
premiers, il serait fils d'Eugène IY, roi d'Ecosse, et il aurait
abandonné la cour de son père pour se vouer à la vie ascé-
tique. Suivant les seconds et fort vraisemblablement, il serait
un de ces nombreux Irlandais que le zèle missionnaire me-
nait sur le continent, au vie et au vne siècle. Le Bréviaire
de Paris, qui lui attribue deux noms, Fiacrius et Fefrus,
rapporte qu'il était né de famille noble, inHibernia quam
veteres Scotiam appellabant. Il vint, avec quelques com-
pagnons, à Meaux, où l'évêque, saint Faron, l'autorisa à
s'établir dans la forêt de Breuil en Brie. Après avoir défri-
ché une partie du terrain, le saint y construisit une cellule
et un oratoire en l'honneur de la sainte Vierge, et il forma
un petit jardin, qu'il cultivait de ses propres mains ; ce qui
l'a t'ait choisir pour patron des jardiniers. La renommée
de sa sainteté et de ses miracles ayant attiré auprès de lui
beaucoup d'affligés, il fit bâtir à quelque distance de sa
cellule une espèce d'hôpital, où il servait lui-même les
pauvres et où il guérissait par simple attouchement les ma-
lades. Mais les femmes étaient sévèrement écartées, en con-
séquence d'un miracle, suivant la légende, ou plutôt con-
formément à la discipline de saint Golomban. — Une vieille
litanie énumère les nombreuses guérisons accomplies par
son intercession . Il s'y trouve des maux de toute espèce ;
mais il semble que ce saint est particulièrement puissant
contre une tumeur appelée pour cette raison le fie de saint
Fiacre. Les femmes continuèrent à être exclues, non seu-
lement du lieu qu'il avait habité, mais même de la chapelle
où reposaient ses reliques. Lorsque en 1641 Anne d'Au-
triche y vint pour faire ses dévotions, elle dut elle-même
se soumettre à la commune prohibition et rester à cano-
nique distance, en dehors de la grille. E.-H. Vollet.
Bibl.: Bollandistes, Acla sanctorum, 30 août.— An-
sart, Histoire de saint Fiacre ; Paris, 1783.
FIALETTI (Odoardo), peintre et graveur italien, né à
Bologne en 1573, mort à Venise en 1638. Elève de J.-B.
Cremonini et du Tintoret. Il y a des tableaux de lui à
Saint-Marc et San Andréa de Murano. On connaît de lui
deux cent quarante-trois planches , de facture très iné-
gale; les Noces de Cana et* Saint Sébastien d'après
Tintoret) ; les Jeux de l'amour (15 pi., 1617) ; Préceptes
de V escrime (43 pi., 1828); Costumes des ordres reli-
gieux (1626 et 1658), etc.
F1ÂLHO Ferreira (Antonio), voyageur portugais du
xvne siècle, né àMacao, mort après 1643. Chef d'escadre
en 1633, il fut chargé par le gouverneur des Indes por-
tugaises, en 1639, d'une mission en Europe, et s'y rendit
par la voie de terre, à travers l'Arménie, la Grèce, les
pays slaves, etc. Les péripéties de ce voyage, alors périlleux,
sont consignées dans un volume rarissime qui comprend
également le récit du retour à Macao : Belaçào da via-
gem... deste reino a cidade de Macao na China (Lis-
bonne, 1643, in-4). G. P-i.
FIAMINGO (Giachetto) (V. Buus [Jacques de]).
FIANÇAILLES. I. Sociologie (V. Famille).
IL Droit romain. — Les fiançailles , convention de
mariage futur , se faisaient anciennement sous la forme
d'un contrat verbal (sponsalia) par lequel la femme était
promise au futur mari ou à son père, et qui, en cas d'inexé-
cution, faisait naître une action en dommages-intérêts,
selon le vieux droit latin et probablement selon l'ancien
droit romain. En droit classique, elles se concluent sans
formes entre les futurs époux et leurs parents, et ne font
naître qu'une espérance morale : leur violation n'est pas
réprimée, alors même qu'on aurait convenu par contrat
verbal d'un certain dédit pour le cas de rupture. Cepen-
dant, on ne pouvait en contracter de nouvelles avant d'avoir
rompu régulièrement les précédentes, sans encourir les
déchéances rassemblées par la doctrine sous le nom collectif
d'infamie, et celui qui rompait ses fiançailles sans motif
perdait les arr ce sponsaliciœ, cadeaux de fiançailles qu'il
était d'usage de donner à l'autre conjoint au moment de
leur conclusion. Au cas où le mariage est empêché par la
mort de l'un des conjoints, une disposition, notamment
exprimée dans une constitution de Constantin adressée au
ficaire d'Espagne (C. 5, 3, 46), et où pour d'autres rai-
sons encore on a cru voir une trace du droit local espa-
gnol, mais dont l'existence est également attestée en Orient
par le livre syro-romain et qui paraît se rattacher à l'usage
chrétien du baiser de fiançailles, décide, en droit récent,
que les arrhes seront restituées pour le tout ou seule-
ment pour moitié , selon que les fiancés n'auront pas
encore ou auront déjà échangé un baiser. P.-F. Girard.
III. Droit canonique. — Les théologiens et les
canonistes distinguaient deux espèces de fiançailles. Les
sponsalia de prœsenti, les fiançailles par paroles de
présent constituaient aux yeux de l'Eglise avant le concile
de Trente le mariage sacramentel indissoluble qui n'exigeait
pas pour sa validité la présence d'un prêtre. C'était une
convention par laquelle un homme et une femme se décla-
raient réciproquement qu'ils se prenaient dès à présent pour
époux. Dans les sponsalia de futur o (les fiançailles par
paroles de futur) , un homme et une femme se promet-
taient seulement qu'ils contracteraient plus tard mariage
ensemble. Voici quels étaient les effets juridiques impor-
tants des sponsalia de futuro, du xme au xvie siècle, selon
la théorie de la plupart des canonistes . Les fiancés étaient
obligés de contracter le mariage qu'ils s'étaient promis.
C'était une obligation sanctionnée par une véritable action
en justice. De plus, les fiançailles créaient un empêchement
prohibitif au mariage que l'un des fiancés aurait voulu con-
tracter avec une tierce personne. La règle du droit romain,
qui proscrivait dé garantir par une stipulation de peine les
promesses de mariages, en vertu de ce principe philoso-
phique excellent : spiritualia non recipiant œstima-
tionem, fut consacrée par les canonistes. Le seul fait de
la copula carnalis, intervenant entre les fiancés, trans-
formait leurs fiançailles en un mariage véritable sans qu'il
fût besoin de manifester aucun consentement au mariage,
et même ce résultat n'aurait pas pu être évité par une
volonté contraire. Enfin, les sponsalia de futuro créaient
un empêchement dirimant au mariage que l'un des fiancés
aurait voulu contracter avec l'un des parents de l'autre
fiancé. Cette prohibition était désignée par ces mots du
droit romain : publica honestas ou justitia publicœ
honestatis. Aucune condition de forme n'était exigée pour
la validité des fiançailles. Seulement, l'Eglise recomman-
dait de les conclure en présence d'un prêtre ; mais elles
n'en étaient pas moins valables pourvu qu'elles eussent été
librement consenties par des personnes capables de les con-
tracter, malgré l'absence du prêtre. En cette matière, les
vices du consentement produisaient les mêmes effets que
dans le contrat de mariage. Il est à la fois curieux et im-
portant d'examiner la capacité requise pour contracter vala-
blement les fiançailles. D'abord et avant tout, l'homme et
la femme devaient être capables de contracter mariage
ensemble. Les sponsalia de futuro n'auraient créé aucune
obligation, elles auraient seulement donné lieu à h publica
honestas s'il eût existé quelque empêchement à leur ma-
riage. Il fallait en outre que les fiancés eussent atteint un
certain âge. Yves de Chartres d'abord, puis les Décrétâtes
à la fin du xne siècle posèrent à ce sujet le principe des lois
romaines que Pothier devait reproduire plus tard : A pri-
mordio œtatis sponsalia effici possunt, si modo id fieri
ab utraque persona intelligatur, id est, si non sunt
minores quam septem annis (L. XIV, ff. de spons).
Du reste, les effets des fiançailles des enfants de sept ans
révolus étaient beaucoup moins absolus que lorsque l'on
était en présence de pubères. Au moment de la puberté,
en effet, le fiancé avait le droit de rompre les fiançailles
si bon lui semblait. L'enfant de sept ans pouvait vala-
blement se fiancer sans l'autorisation de ses parents. Une
fois contractées, les sponsalia de futuro constituaient
un simple contrat et non point un sacrement ; c'est pour-
quoi leur indissolubilité n'est point absolue. Au point de
vue juridique, les parties étaient liées; elles ne pouvaient
397 — FIANÇAILLES
pas sans motif et arbitrairement se soustraire à la fo
jurée. Mais, puisqu'il s'agit d'un simple contrat (le mu-
tuus dissensus), la volonté conforme des deux parties
pouvait le dissoudre. Et même un certain nombre de causes
déterminées par les docteurs pouvaient aussi entraîner
la résolution unilatérale des sponsalia de futuro, contraire-
ment à la volonté de l'un des fiancés. Enfin, le mariage que
l'un des fiancés contractait avec une tierce personne entraî-
nait fatalement la dissolution des sponsalia de futuro,
puisque, pour un semblable mariage, les fiançailles produi-
saient seulement un empêchement prohibitif. L'Eglise s'était
toujours montrée très favorable aux fiançailles. Saint Au-
gustin disait avec beaucoup de délicatesse que les fiançailles
avaient pour but de stimuler la tendresse future des époux
en retardant leur union : Constitutum est, ut jam pactœ
sponsce non statim tradantur, ne vilem habeat maritus
datant , quam non sus pir averti, sponsus dilatam. Can.
constitutum, caus. 27, quest. Victor Saverot.
IV. Ancien droit. — Dans notre ancienne France, on
avait coutume de faire précéder le mariage par les fiançailles ;
mais cela n'était pas cependant absolument nécessaire. Les
sponsalia de prœsenti avaient été prescrites par l'art. 44
de l'ordonnance de Blois ; désormais, elles ne pouvaient plus
avoir d'effets juridiques ; on interdisait aux notaires de les
recevoir sous peine de punition corporelle, et les ecclésias-
tiques étaient également condamnés par les tribunaux lors-
qu'ils ne tenaient pas compte de cette prohibition. Au
moyen âge, le mariage avait surtout pour but l'union de
deux familles. C'était un moyen d'apaiser les guerres intes-
tines et de pacifier les rapports des seigneurs féodaux entre
eux. Mais, pour arriver promptement à cette paix si dési-
rable et à cette réconciliation de voisins belliqueux, il fallait
de toute nécessité recourir aux fiançailles lorsque les enfants
des deux seigneurs rivaux encore en bas âge n'auraient pas
pu contracter une union avant longtemps. Cet usage s'en-
racina dans les mœurs et subsista pendant toute la durée
de l'ancien régime. Pothier, lorsqu'il s'agit de préciser
quelles personnes peuvent contracter ensemble des fian-
çailles, pose le principe suivant : Il faut que ces personnes
soient capables de contracter mariage ensemble, ou du
moins qu'elles puissent décemment espérer de le devenir.
Par exemple, des impubères peuvent, avec l'autorité de leurs
parents ou tuteurs, contracter valablement des fiançailles ;
sans doute, ils ne sont pas encore capables de contracter
mariage, mais, nous dit Pothier, ils peuvent décemment
espérer de le devenir. Le seul consentement suffisait à
former les fiançailles, puisqu'il s'agissait d'un simple con-
trat consensuel. Mais les jurisconsultes exigeaient des con-
tractants une pleine et entière liberté d'esprit ; aussi ils
déclaraient l'engagement nul lorsque l'une des parties sem-
blaient avoir exercé un grand ascendant sur l'esprit de
l'autre. Fevret , dans son Traité de VAbus ( liv. V,
ch. i, n° 4), cite un arrêt de 1607 qui annule pour ce
motif des promesses de mariage faites entre un médecin et
sa malade, pendant sa maladie, avec le consentement du
père de la jeune fille. Un consentement simplement tacite
est suffisant et Pothier, en s'appuyant sur un principe du
droit romain, dit qu'il faut également, pour la validité des
fiançailles, l'assentiment des personnes dont le consente-
ment est requis pour la validité du mariage des fiancés.
Assez souvent les fiancés se donnaient réciproquement des
arrhes. Lorsque, sans aucun motif sérieux, l'une des parties
voulait se soustraire à son engagement, elle devait rendre
à l'autre les arrhes qu'elle avait reçues et perdre celle
qu'elle avait données. « Mais, dit Pothier, lorsque les arrhes
sont considérables et qu'elles excèdent de beaucoup la
somme à laquelle pourraient être réglés les dommages-
intérêts résultant de l'exécution des promesses de mariage,
la partie qui les a do'nnées et qui refuse, sans aucun juste
sujet d'accomplir son engagement, ne laisse pas d'en avoir
la répétition sous la déduction seulement de la somme à
laquelle le juge doit régler les dommages-intérêts dus à la
partie qui les a reçues pour l'inexécution de promesses de
FIANÇAILLES — 398
mariage. » Très souvent aussi les fiançailles étaient accom-
pagnées de présents que le fiancé faisait à la fiancée, ou
qu'ils se faisaient réciproquement l'un à l'autre. Alors,
selon notre ancien droit français, la condition si nuptiœ
sequantur est toujours sous-entendue pour la validité défi-
nitive de ces présents de mariage. Les fiançailles étant un
contrat synallagmatique avaient pour principal effet d'en-
gendrer pour chacune des parties un engagement réciproque
de remplir sa promesse. Une action en justice était donnée
contre la partie qui refusait de s'exécuter lorsqu'elle en
était requise par l'autre. Les fiançailles constituent en
outre, pour les deux contractants, un engagement prohi-
bitif qui ne leur permet pas de pouvoir épouser licitement
une autre personne lorsque lesdites fiançailles continuent
à subsister. Mais quels juges étaient compétents pour con-
naître de la validité des fiançailles ? Le juge séculier était
le juge naturel puisqu'il s'agissait d'un contrat appartenant,
suivant l'expression de Pothier, à l'ordre politique comme
tous les autres contrats. Cependant, les rois avaient admis
que les juges d'Eglise pouvaient également connaître de la
validité et de l'invalidité des fiançailles, mais non des dom-
mages et intérêts qui pouvaient résulter de leur inexécu-
tion. Les rois avaient été décidés par cette idée que les fian-
çailles ont pour objet le mariage que les parties se sont
réciproquement obligées de contracter, et que le mariage
est avant tout un acte religieux. La partie qui, sans motif,
se refusait au mariage après des fiançailles valablement
contractées, ne pouvait être contrainte à accomplir son enga-
gement. En France, F officiai devait se contenter d'exhorter
le récalcitrant à accomplir le mariage promis, et, en cas
de persistance dans son refus, lui imposer une légère péni-
tence. Mais le juge d'Eglise ne pouvait pas, sans s'exposer
à l'appel comme d'abus, statuer sur les dommages-intérêts
résultant de l'inexécution des fiançailles. La validité des
fiançailles était de nouveau discutée devant le juge séculier,
puisque le jugement de l'official ne pouvait former un pré-
jugé devant le tribunal séculier qui en était indépendant.
Si l'engagement lui paraissait valable, le juge séculier con-
damnait la partie qui se refusait à l'accomplir à des dom-
mages-intérêts. Mais il existait des motifs légitimes qui
pouvaient valablement délier les fiancés de leur engage-
ment. Le consentement mutuel entraînait la dissolution du
contrat, et, lorsqu'il s'agissait de mineurs, il fallait en
outre le consentement des parents ou tuteurs, suivant
l'adage du droit romain : Quœque eodem modo dissol-
vuntur, quo colligata sunt. Il y avait en outre certains
motifs qui dégageaient l'une des parties de son obligation
sans le consentement de l'autre, par exemple lorsque l'une
des parties a, suivant l'expression de Pothier, manqué à la
foi qu'elle avait donnée. De même, une partie est déliée
des fiançailles lorsqu'il est survenu à l'autre partie quelque
chose qui eût certainement empêché la première de les con-
tracter. Des jurisconsultes citaient comme exemple cer-
taines maladies : la lèpre, la paralysie, l'épilepsie. Les
jurisconsultes agitaient même gravement la question de sa-
voir si, des fiançailles ayant été contractées entre deux
personnes de fortune égale, le fiancé pouvait se soustraire
à son engagement pour ce motif qu'il lui était survenu
depuis une énorme fortune qui l'eût empêché de se lier vis-
à-vis de sa fiancée plus pauvre que lui. Pothier, se retran-
chant derrière l'opinion du jésuite Sanchez, se prononçait
avec énergie pour la négative. « Si j'ai cru, disait-il, lors
des fiançailles, avoir avec le bien de ma fiancée, et celui que
j'avais alors, de quoi supporter les charges du mariage que
nous nous sommes promis de contracter, à plus forte raison
j'ai de quoi les supporter depuis que ma fortune a aug-
menté. » Yictor Saverot.
V. Droit actuel. — Le législateur de 1804 a pris
un soin jaloux d'assurer complètement la liberté de ceux
qui vont s'engager dans les liens si solennels et si graves
du mariage. Jusqu'au moment où les futurs époux com-
paraissent devant l'officier de l'état civil pour déclarer
qu'ils se prennent pour mari et pour femme, ils ne peuvent
par aucun contrat, aucun engagement, si formel, si rigou-
reux soit-il, aliéner leur liberté. Si les Romains, le droit
canonique et l'ancien droit français ont reconnu les fian-
çailles comme un acte juridique, il n'en est plus de même
aujourd'hui. La promesse réciproque de s'épouser ne crée
plus qu'une obligation morale dépourvue de toute sanction
juridique. Est-ce à dire que les promesses de mariage ne
produisent aucun effet ? Il ne peut être question des em-
pêchements au mariage qu'elles créaient jadis entre l'un
des fiancés et certains parents de l'autre ; mais le fiancé
qui se refuse à la conclusion du mariage auquel il avait
promis de consentir n'encourt-il aucune responsabilité ?
S'il a rompu le mariage sans intention de nuire et sans
causer de préjudice à l'autre fiancé, il n'a fait qu'user de
son droit et il est inattaquable. Tout au plus perdrait-il les
arrhes qu'il a pu donner en gage de sa promesse, pourvu
que ces arrhes ne soient pas exagérées. Il ne peut être
condamné à se marier malgré lui, ni obligé de payer des
dommages-intérêts pour n'avoir fait qu'user d'une liberté
qu'il n'avait pu aliéner. Les parties ont pu prévoir d'avance
la rupture du mariage, et convenir d'une somme qui serait
payée à titre d'indemnité par celle d'entre elles qui se
soustrairait à l'exécution de cette promesse. La doctrine et
la jurisprudence sont unanimes à refuser effet à cette sti-
pulation d'une clause pénale. « Le mariage, disait le Pre-
mier Consul, est l'union des âmes. » Il serait profondément
immoral d'en faire une question d'argent. La passion
égarée peut tout promettre ; valider la clause pénale serait
favoriser de honteuses spéculations. A cette considération
tirée de la morale se joint une raison juridique. La con-
vention principale, c.-à-d. la promesse de mariage étant
nulle, la convention accessoire, c.-à-d. la clause pénale, doit
être, elle aussi, dénuée de tout effet civil.
Toutefois, un mariage ne saurait se décider et se conclure
incontinent. Il y a tant de choses à envisager : convenances
personnelles, situation, fortune des futurs époux. La loi
elle-même impose certains délais. On peut donc dire qu'en
fait, sinon en droit, il y a avant la célébration même du
mariage promesse de mariage. Ces promesses sont annon-
cées, publiées même légalement. Puis le mariage est brus-
quement rompu par l'un des futurs époux. Le fiancé aban-
donné ne peut, en s'appuyant sur l'inexécution de la
promesse de mariage, demander des dommages-intérêts.
Mais s'il prouve que, par suite de la rupture, il a éprouvé
un préjudice matériel, les cours et tribunaux pourront lui
accorder une indemnité. On lui accordera une réparation
pour les dépenses, les acquisitions déjà faites et devenues
inutiles, les frais de contrat, les publications, les présents
donnés, la corbeille achetée. L'inexécution blessante et
injuste d'une promesse de mariage a pu causer aussi un
préjudice moral, un affront, suivant l'expression de Pothier,
rendant impossible tout autre mariage pour la victime. A
la faveur d'une promesse de mariage, une jeune fille s'est
laissé séduire et est devenue enceinte. Les tribunaux
admettent la victime de ce préjudice moral à demander
réparation : c'est aux magistrats qu'il appartient de statuer
humainement, avec modération et intelligence.
Les solutions admises par la doctrine et par la jurispru-
dence ne sont que des applications du principe édicté par
l'art. 1382 duC. civ. Là devraient s'arrêter les dommages-
intérêts. Le futur délaissé ne saurait être autorisé à récla-
mer une indemnité parce qu'il a manqué un brillant ma-
riage ou perdu le bénéfice de donations à lui faites par un
contrat de mariage devenu caduc par le refus de l'autre
partie. L'auteur de l'abandon échapperait à toute condam-
nation s'il donnait un motif légitime de son refus, comme,
par exemple, condamnation subie par celui à qui il avait
promis mariage, perte de la fortune, grossesse de la future.
Là encore il appartient aux tribunaux de statuer avec
prudence et sagesse : c'est essentiellement une question de
fait. C'est à celui qui intente l'action en dommages-intérêts
à faire la preuve du dommage qu'il a subi. Il établira par
tous moyens : preuve testimoniale, présomptions, délation
399 —
FIANÇAILLES - FIBIGER
de serment, le préjudice souffert, les dépenses et pertes
dont il demande réparation. On a soutenu qu'il pouvait
établir de la même manière la promesse de mariage, ori-
gine du préjudice. « C'est, dit M. Demolombe, un quasi-
délit ou un délit qu'on peut prouver par témoins en vertu
de l'art. 4348, 1°. » C'est là, croyons-nous avec la
grande majorité des auteurs et des arrêts, une grave
erreur. Cet article ne vise que les cas où il a été impos-
sible de se procurer la preuve écrite : or rien de plus fa-
cile que de se procurer la preuve littérale de la promesse
de mariage. On rentre alors dans l'application des principes
généraux en matière de preuve.
Tout ce que nous venons de dire des promesses de ma-
riage entre futurs époux s'applique à fortiori à la con-
vention même avec clause pénale par laquelle deux pères
de famille s'engagent à marier ensemble leur fils et leur
fille, lorsqu'ils auront atteint l'âge de puberté. Tout est
nul et sans effet juridique. H. Déglin.
Bibl. : Droit romain. — A. Rivier, Précis du droit de
famille romain, 1891, pp. 135-141.— Puchta, Institutionen,
1881, II, §§ 258-289, 99 éd. — Accarias-, Précis de droit
romain, 1888, p. 193, note 4, 4e éd. — Karlowa, Rômische
Rechtsgeschichte, 1892, II, 1, pp. 176-179.— Dirksen, Hin-
terlass'ene Schriften, 1871, 1, 313 et suiv.
Droit canonique et ancien droit. — A. Esmein, le
Mariage en droit canonique ; Paris, 1891. — Pothier, édi-
tion Bugnet, Traité du contrat de mariage, t. VI, Des
Fiançailles, ch. i, art. 1.
Droit actuel : Colin, Des Fiançailles et des pro-
messes de mariage (thèse de doctorat); Paris, 1887. —
Demolombe, Cours de Code civil, t. III, pp. 40 et suiv. —
Glasson, le Mariage civil et le Divorce. — Du môme, Du
Consentement des époux au mariage. — Laurent, Prin-
cipes de droit civil, t. II, pp. 404 et suiv. — Dalloz, Sup-
plément au Répertoire, v° Mariage, t. X, n03 46 à 53.
FIANGEY. Corn, du dép. de laDrôme, arr. et cant.
de Valence; 504 hab.
FIANONA (en croate Plomin). Bourg d'Istrie, sur le
golfe du Quarnero; 4,850 hab. (avec la corn.).
F1ASELLA (Dommko), dit le Sarzana, peintre de l'école
génoise, né à Sarzana en 1589, mort à Gênes en 4669. Il
ouvrit à Gênes une école dont le naturalisme fut le caractère
dominant. Ses œuvres, remarquables par la correction du
dessin, la grâce vivace des figures, l'éclat du coloris et l'ha-
bileté avec laquelle l'artiste s'y approprie, selon le sujet,
les manières des différents maîtres, sont très nombreuses
dans les églises de la Ligurie. Citons, entre autres, à Saint-
Sébastien de Gênes, Saint Antoine trouvant le corps de
saint Paul F Ermite; à San Siro, une représentation de
Saint André Avellini; à Santa Maria délia Consolazione,
un autre tableau, et aux Dominicains de Sarzana, la Mort
de V enfant innocent. Fiasella fut aussi un excellent por-
traitiste ; il laissa pour héritier son neveu et élève Gio-
vanni-Battisla Fiasella.
F1BER (Zool.)(V. Castor).
FIBICH (Zdenèk), musicien tchèque contemporain, né
à Seborice le 21 déc. 1851. Il fit ses études musicales à
Vienne et à Prague. Dès l'âge de quatorze ans il avait fait
exécuter une symphonie de sa composition. Il se perfec-
tionna à Leipzig, à Paris et à Mannheim. Après avoir été
professeur au conservatoire de Vilna, il s'est définitivement
établi à Prague où il a été second chef d'orchestre du
théâtre. Ses principales productions sont : Ouverture pour
le drame de Kollar, le Juif de Prague (1871) ; Scène nup-
tiale sur des motifs populaires tchèques (1872) ; Toman
et la Dame des Bois, poème symphonique (1875) ; Mélu-
sine (1876); Blanik, opéra (1877); l 'Eternité, mélo-
drame (1878) ; Otakar, poème symphonique (1879) ; Ro-
mances printanières (1880) et un certain nombre de
mélodrames (le Soir de Noël, l'Eternité, la Vengeance
des fleurs, etc.). — Sa femme, née Betty Hanus, remplit
avec succès l'emploi de contralto au théâtre tchèque de
Prague. L. L.
FIBIGER (Jacob-Seavenius), artilleur et ministre danois,
né à Snoghœj le 23 janv. 1793, mort le 11 oct. 1861.
Lieutenant d'artillerie (1811), il enseigna cette branche
de l'art militaire à partir de 1812 dans divers établisse-
ments et notamment à la haute école militaire (1832), et en
appliqua les principes comme constructeur (1842), directeur
du matériel (1852), chef de la brigade d'artillerie (1856),
membre de divers comités de défense et de fortifications.
Il réorganisa habilement l'artillerie danoise, et son système
aussi pratique que scientifique ayant fait ses preuves pendant
l'insurrection slesvig-holsteinoise, resta en honneur jus-
qu'à l'adoption des canons rayés. Fibiger contribua aux
victoires de Fredericia (1849) et d'Isted (1850). Il fut mi-
nistre de la guerre du 13 juil. au 18 oct. 1851 . Il publia :
Leçons d'artillerie (1832-34, 4 fasc. in-4 ; 2e édit., 1842,
t. I, Balistique) ; Tableaux balistiques , avec Kevper
(1834). B-s.
^ FIBIGER (Ilia-Marie), écrivain et philanthrope danoise,
nièce du précédent, née le 5 oct. 1817, morte le 10 juin
1867. Douée de talents variés, elle peignit, écrivit pour
le théâtre (les Contrastes, 1860) ou pour les amateurs
de pièces dialoguées (Trois Drames , 1857; Péché et
Repentir, 1862; Niels Ebbesen, 1865), et pour la jeu-
nesse (Contes, 1860 et 1866), enseigna, ouvrit une école,
fut gouvernante, hospitalière et finit par fonder pour les
orphelins un asile où elle s'astreignit aux plus rudes tra-
vaux. La consomption mit fin à cette vie de sacrifice qui est
retracée, en tête du recueil posthume de ses Poésies (1867),
dans une notice écrite par sa sœur Mathilde-Lucie, née
à Copenhague le 13 déc. 1830, morte le 17 juil 1872.
Celle-ci, avec plus de talent littéraire, dut mener une exis-
tence analogue. Après avoir enseigné, peint sur porcelaine,
fait des travaux de couture, elle fut la première femme
employée dans les télégraphes du Danemark (1866). Ses
Douze Lettres de Clara-Rafaël, publiées par J.-L. Heiberg
(Copenhague, 1850), donnèrent lieu à de vives polémiques
(V. Clara-Rafaël Fejden par Fr. Bajer, 1879). Elle con-
tinua d'écrire dans divers recueils en faveur de l'émanci-
pation de la femme et elle fut l'un des premiers membres de
l'Association des femmes (1871). On lui doit encore : Une
Visite (1851); Une Esquisse de la vie réelle (1853), et Mi-
nolta (1854). Une notice sur elle a été publiée par sa cou-
sine Margrethe Fibiger. B-s.
FIBIGER (Johannes-Henrik-Tauber), écrivain danois,
cousin des précédentes, né à Nykjœbing dans l'île de Fal-
ster le 27 janv. 1821. Fils du recteur de l'école de Kol-
ding, Peder-Grib Fibiger (1784-1833) connu par ses
traductions d'auteurs grecs et latins, il débuta par l'en-
seignement, comme précepteur (1846), puis maître à l'école
de Haderslev (1850). Il fut ensuite chapelain à Copenhague
(1859), pasteur de Vallensved, près de Nsestved (1874),
puis d'OEnslev (1881). Fort érudit, comme l'attestent ses
mémoires sur les croyances religieuses des Grecs, des
Scandinaves, des Finnois, des Slaves, des Perses et des
Hindous, il a bien rendu l'esprit des anciens temps dans ses
remarquables tragédies : la Fille de Jeplité (1849), Uré-
mie (1850), Saint Jean-Baptiste (1857), Croix et
amour (1858), qui pèchent malheureusement par la forme
et le style, et dont les sujets sont trop peu à la portée de
nos contemporains. Il a aussi publié un recueil de poésies ;
les Génies de r affliction (1884), des Prêches de
VAvent et du Temps pascal (1875), et sous le pseudo-
nyme de Diodoros: Quelques Traditions envers (1865),
la Lutte éternelle (1878); Mes Sœurs (1881) et le Moine
gris, en seize chants (1882). B-s.
FIBIGER, née Mijller (Elfride-Dorothea-Christine-
Michelle), nouvelliste et économiste danoise, née à Copen-
hague le 16 juil. 1832. Mariée en 1856 au docteur Chris-
tian-Emmanuel-Àugust Fibiger, frère du précédent et
médecin à Silkeborg, puis à Kolding (1868), auteur de
plusieurs ouvrages médicaux, elle a publié depuis son veu-
vage (1873) : Souvenirs d'un vieillard (1875) ; une
Histoire de Madeleine (1876) ; Secrets de la lande (1 877) ;
Deux Récits (1878); le Noir Stefan (1879) ; Cendrillon
(1880); Ellen (1885) ; Prêtre et laïque (\ 886). Dans son
Journal pour la femme (janv. 1882 à mars 1884) et dans
une foule de brochures, elle a exposé des théories ration-
FIBIGER — UFIBRE
400 —
nelles pour l'émancipation de son sexe. De plus, joignant
la pratique à la théorie, elle a dirigé de 4882 à 4889 une
école de cuisine pour les filles pauvres, et publié, avec la
collaboration de spécialistes, un bon Manuel pour les petits
ménages (4892). Depuis 4882 le Parlement lui accorde
une subvention annuelle. Beauvois.
F180NÂCCI (Léonard de Pise, dit), le plus grand mathé-
maticien du moyen âge (xiue siècle). Le nom de Fibonacci a
été forgé à une époque postérieure ; il s'appelle lui-même
dans ses écrits, composés en latin, Leonardus filius Bonacii
Pisanus. Bonaccio n'était qu'un sobriquet de son père, fac-
teur au comptoir pisan de Bougie. Léonard, dans le milieu de
commerçants où il vécut, gagna lui-même un surnom ana-
logue, Bigollo (lourdaud). Nous ne savons rien de sa vie
que par ses écrits ; le prince Boncompagni les a réunis en
deux gros volumes (Rome, 4857-4862). Ils comprennent :
4° le Liber Abaci, composé en 4202, mais dont nous
n'avons qu'une seconde édition, dédiée, vers 4228, à Mi-
chel d'Ecosse, astrologue de l'empereur Frédéric II ; 2° la
Practica geometriœ, dédiée, en 4220, à un autre astro-
logue, Dominions hispanus; 3° le Liber quadratorum,
de 4225, dédié à Frédéric II, et développant la méthode de
solution d'un problème posé à Léonard devant l'empereur,
par le philosophe de ce dernier, Jean de Païenne, qui lui
avait présenté le mathématicien lors d'un séjour à Pise
(vers 4224?) ; ce problème était : trouver un carré dont la
somme avec 5 soit un carré, aussi bien que son excès sur
5 ; 4° la Flos, où Léonard traite, pour le cardinal Raniero
Cappocci, de Viterbe, deux autres questions proposées dans
la même circonstance : la solution d'une équation complète
du troisième degré ; un problème d'analyse indéterminée
du premier degré; 5° une lettre à Maître Théodore, philo-
sophe de l'empereur, probablement copiée pour le cardinal
Capocci, et où se trouvent traités, dans un désordre qui
paraît amené par une confusion du copiste, un problème
d'analyse indéterminée du premier degré et des questions
de géométrie, résolues par l'algèbre. — Léonard, appelé
dans son enfance à Bougie par son père, y apprit le calcul,
prit goût à la science et perfectionna ses connaissances
dans des voyages entrepris pour un but commercial en
Egypte, en Syrie, en Grèce, en Sicile et en Provence,
cherchant partout à se mettre en relation avec les maîtres
dont il pouvait tirer quelque enseignement. La publication
de ses grands ouvrages d'arithmétique et de géométrie lui
attira une réputation dont on a vu des preuves. On n'a cepen-
dant aucune donnée sur ce qu'il put devenir après 4228.
Suite de Fibonacci. — La suite de Fibonacci, désignée
aussi parfois sous le nom de Suite de Lamé, à cause des
applications que ce dernier géomètre en a faites à la théorie
du plus grand codiviseur, est la suivante :
0, 4, 4, 2, 3, 5, 8, 43, 24, 34, ....
Chaque terme est égal à la somme des deux qui le pré-
cèdent ; la suite est donc récurrente, et l'échelle de rela-
tion est un+2 = ^n+i + un. Parmi tes nombreuses
propriétés que présente cette suite, nous nous contenterons
d'en signaler quelques-unes : 4° la somme des n-\-l
premiers termes u0, u^ un, augmentée de 4 , est égale à
un -f 2 ; 2° le carré d'un terme quelconque diffère d'une
unité du produit de ses deux voisins :
W2n — ^2n-l U2n + i ^ 5
U2n+1 — U2nU2n+2 ~^~ * '
3° le produit de deux termes consécutifs diffère d'une
unité du produit des termes voisins du groupe formé par
les deux termes considérés :
U2nU2n + 1 — U2n - lU2n + 2
-l;
U2n + iU2n + 2 — U2nU2n + 3 l ^ '
Ces propriétés seront aisément vérifiées sur les premiers
termes écrits plus haut. La suite de Fibonacci a une impor-
tance capitale en arithmétique supérieure.
Bibl. : Edouard Lucas, Recherches sur plusieurs ou-
vrages de Léonard de Pise et sur diverses questions
d'arithmétique supérieure; Rome, 1877: Théorie des nom-
bres; Paris, 1891, t. I.
FIBRAUREA (Fibraurea Lour.) (Bot.). Genre de Ménis-
permacées, voisin des Chasmanthera (V. ce mot), dont il
diffère par les étamines libres, renflées en massue au som-
met, et par les fruits qui sont des drupes comprimées, à
noyau, muni, en dedans, d'un sillon très prononcé. L'es-
pèce type, F. tinctoria Lour. (Cocculus Fibraurea DC),
croît en Cochinchine et dans les îles de l'Archipel indien.
Sa tige ligneuse est formée de couches concentriques de
couleur dorée. On en extrait une matière colorante jaune,
utilisée dans la teinture. Sa racine, douée de propriétés
diurétiques, est employée par les Malais contre les fièvres
intermittentes et les affections hépatiques. Ed. Lef.
FIBRE. I. Anatomie et Botanique (V. Fibreux).
IL Chimie industrielle. — On désigne dans le commerce,
sous le nom de fibres textiles, non seulement les filaments
déliés qui peuvent servir à la fabrication des tissus v mais
encore certains d'entre eux qui ne sont employés que dans
la corderie, la brosserie, la fabrication du papier, etc., et
ne seraient que difficilement utilisables dans la fabrication
d'une étoffe quelconque. Les fibres textiles, en général,
peuvent être divisées en trois grandes catégories : fibres
minérales, les moins importantes, fibres animales, fibres
végétales. Nous allons étudier spécialement chacune d'elles.
Fibres minérales. Le type de ce genre de fibres est
l'amiante, minéral produit de la décomposition d'une roche,
le plus souvent de la serpentine et qui, à l'état brut, se
présente sous l'aspect de filaments, tantôt longs et brillants
comme la soie, tantôt grisâtres et agglomérés, employés le
plus souvent pour calfats et presse-étoupes. Comme en rai-
son de sa constitution, l'amiante mise au contact d'une
flamme ne peut jamais être réduite en cendres, on a essayé
d'en faire des tuniques, gants, casques, etc., pour l'usage
des personnes dont la profession exige l'approche constante
du feu, mais l'usage en est fort restreint (V. Amiante).
Fibres animales. On peut diviser les fibres animales
en deux catégories : les poils des animaux, les diverses
espèces de soies filées par les insectes sous la forme de
cocons. Les poils des animaux comprennent deux classes
de fibres bien distinctes : la première renfermant les dé-
pouilles des animaux sauvages et non apprivoisés, tels que
les mammifères, carnivores et rongeurs ; la seconde, les
produits laineux des animaux domestiques de la race ovine
et de ses dérivés. Les premiers se distinguent des seconds,
comparés à l'état brut et avant qu'ils n'aient été l'objet
d'aucune épuration, par la quantité presque insignifiante
d'enduit gras de la surface, par une direction constamment
droite et rigide, par l'épaisseur de leurs parois, et par une
différence du pouvoir réfringent entre le milieu et les bords
du brin. Les seconds diffèrent des précédents par la quantité
considérable de corps étrangers dont la matière cornée des
brins est chargée, par la direction contournée et plus ou
moins prononcée de ces brins très flexibles, par la poro-
sité sensible et la finesse relative de leurs parois, par leur
pouvoir réfringent assez uniforme, enfin par l'absence ou
du moins la grande rareté des poils composés. Les poils des
rongeurs et des carnivores fournissent à l'industrie la plus
grande partie des substances recherchées pour faire des
feutres parfaitement clos dont l'art de la chapellerie fait
son profit. Quant aux produits laineux de la race ovine,
ils sont, comme on le sait, d'un emploi extrêmement ré-
pandu et constituent l'une des branches les plus importantes
de l'industrie textile. Ces produits, même sur une prove-
nance unique, renferment des filaments dont les caractères
sont très différents. C'est ainsi que l'on trouve dans les
laines les plus fines ce qu'on appelle la jarre, sorte de
brin gros et rigide, ressemblant à un poil commun ; comme
on y rencontre aussi le duvet, filament si fin et si flexible
qu'il se contourne sur lui-même et au contour de filaments
voisins. Les produits laineux doivent, pour être employés
dans l'industrie, être débarrassés des corps étrangers qui
les recouvrent et dont la proportion augmente avec la finesse
401
FIBRE
du brin. On peut enlever cet enduit soit en trempant la
toison dans Peau à la température ordinaire, soit en la la-
vant sur l'animal qui la porte, soit en employant Feau
chaude, soit enfin en faisant usage d'une eau alcaline et en
lavant ensuite à Feau pure. Ces quatre modes d'opérer étant
usités, le commerce des laines comprend ce textile sous cinq
états différents : sur sarge ou en suint, lavé à froid, lavé
à dos, lavé à chaud, lavé à fond. Le textile, que dans le
commerce on désigne sous le nom générique de soie, est
produit par diverses variétés de bombyx, et principalement
par le bombyx du mûrier. Quoique le textile ait naturelle-
ment la forme du fil, on ne peut l'utiliser qu'après un tra-
vail et des préparations toutes particulières, qui constituent
une véritable industrie (V. Soie). Il n'est pas de soie, en
dehors de celle sécrétée par le bombyx, qui soit utilisable
industriellement. Tous les essais faits pour tisser d'autres
fils, notamment ceux de l'araignée, n'ont jamais amené de
résultat pratique.
Fibres végétales. Le nombre de plantes qui peuvent
fournir des filaments utilisables est excessivement grand,
et c'est particulièrement la flore des tropiques qui recèle
sous ce rapport des richesses inépuisables ; jusqu'à présent,
cependant, ces dernières ont été peu exploitées, et on n'en
exporte qu'un nombre relativement petit. La cause en est,
d'une part, dans les moyens insuffisants de communication
et, d'autre part, dans l'inefficacité de la préparation à la-
quelle elles sont soumises dans leur pays de production,
ce qui déprécie le produit et fait que l'exportation n'est
pas assez rémunératrice. Toutes les parties constituant le
squelette végétal d'une plante ne fournissent pas des fibres
utilisables industriellement; dans quelques parties seule-
ment des tissus, les cellules se présentent avec des formes
qui les rendent aptes à cet usage. L'agrégation des cellules
allongées et fortement épaissies, désignées en botanique
par l'épithète de parenchymateuses, constituent l'élément
principal du tissu de Fécorce. Les écheveaux vaso-fibreux
et du corps du bois sont les seuls qui fournissent les fibres
à l'industrie. Les membranes et les vaisseaux des tissus
parenchymateux ne peuvent servir ; leur forme à elle seule
s'y oppose ; elles sont généralement si minces et si fragiles
qu'elles ne résistent pas aux opérations préparatoires. Dans
la corderie et dans la préparation des tissus grossiers, on met
souvent en œuvre directement le faisceau des fibres brutes ;
dans l'industrie textile proprement dite, une division plus
grande est nécessaire pour permettre de former des fils fins.
On a alors, dans ce cas, ou bien des cellules complètement
isolées, comme pour le coton et les fibres cotonneuses du
bœhmeria, ou bien des cellules qui adhèrent en partie les
unes aux autres, comme pour le lin, le chanvre, le jute, etc.
Dans la fabrication du papier, il est nécessaire, pour obte-
nir les meilleures qualités, de séparer autant que possible
ces cellules. Le tissu végétal brut, tel qu'il existe dans les
fibres végétales fines, contient toujours une quantité consi-
dérable d'éléments étrangers, et le procédé de préparation
auquel on le soumet a pour objet de les éliminer sans en-
dommager les fibres. A côté de ces substances, presque
toutes les fibres végétales brutes contiennent une quantité
plus ou moins grande d'éléments de tissus parenchyma-
teux à minces parois qui, bien que se composant de cellu-
lose, sont considérés, dans ce cas, comme éléments secon-
daires et sont éliminés, en même temps que les autres
substances insolubles, par l'emploi de procédés chimiques
et mécaniques.
D'une manière générale, les fibres végétales textiles
peuvent être classées de la manière suivante : fibres cor-
ticales de plantes dicotylédonées ; faisceaux vasculaires de
plantes monocotylédonées ; libers et écorces proprement
dits ; duvets végétaux. Presque toutes les fibres végétales
employées dans l'industrie proviennent de Fécorce de la
tige des plantes dicotylédonées. Pour les en retirer, il faut
leur faire subir une préparation qui permette de séparer
la couche corticale et d'enlever la substance intercellulaire ;
cette préparation, qui se fait presque toujours avant la ma-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
turité complète de la plante, est généralement le rouissage
(V. ce mot). Mais ce procédé agit très diversement sur des
matières différentes, suivant la nature de la substance
intercellulaire. Chez le lin, le chanvre et les fibres corti-
cales analogues, qui appartiennent à la catégorie dont nous
parlons ici, l'action ne s'étend pas jusqu'à l'isolement com-
plet des cellules, et celles-ci sont encore retenues faible-
ment par un reste de la substance intercellulaire ou par un
produit de transformation de cette substance; ce n'est que
lorsque la fibre est complètement blanchie que cette der-
nière partie des éléments étrangers est enlevée. Chez le
jute et le sum, les fins faisceaux de fibres corticales sont
séparés dans un état encore plus pur par la même opéra-
tion. Mais on ne peut pas, au contraire, employer le rouis-
sage sur les fibres de ramie et quelques fibres d'asclé-
piadées, telles que le Calotropis et la Marxdenia, qui toutes
se distinguent par leur solidité extraordinaire. Cela paraît
tenir à ce que la substance intercellulaire est enlevée trop
facilement et trop complètement, de sorte que le tissu cel-
lulaire se désagrège tout à fait et qu'il n'est pas possible de
le purifier ainsi des autres éléments secondaires plus résis-
tants. Certaines fibres de cette catégorie sont employées
industriellement sans rouissage : telles sont YHiribeus can-
nabinus, le Sida retura, le Malachaa capitata, et il en
est d'autres, au contraire, plus propres à la fabrication du
papier, telles que le Brousroneia du Japon, pour lesquelles
le rouissage est remplacé par des procédés plus expéditifs.
Pour l'extraction des fibres rentrant dans la catégorie des
faisceaux vasculaires de plantes monocotylédonées, le rouis-
sage est peu ou pas employé : on a plutôt recours aux
moyens mécaniques directs. Ces moyens mécaniques per-
mettent de débarrasser les fibres du tissu parenchyma-
teux qui les entoure et de les mettre à nu pour les
employer suivant leur finesse. Les libers et écorces ne se
distinguent des autres que parce qu'ils se composent des
couches du tissu libérien encore adhérentes les unes aux
autres. Certains de ces libers, pendant la préparation à la-
quelle ils sont soumis, sont divisés en fins faisceaux
fibreux ; d'autres, soumis à des traitements identiques,
donnent toujours des couches cohérentes. Cette variation
est produite par la différence de composition histologique.
Lorsque certains éléments qui environnent le faisceau
fibreux sont plus ou moins complètement enlevés par les
procédés de préparation, les faisceaux de fibres de liber
sont isolés ; lorsqu'au contraire, le traitement préparatoire
ne peut pas détruire la cohésion de ces faisceaux, ceux-ci
restent solidement réunis et rattachés les uns aux autres,
suivant la force du traitement ou la durée de l'opération ;
on peut, dans certains cas, obtenir à volonté des fibres ou
des couches douées de cohésion. La préparation dont nous
parlons consiste toujours à rouir à Feau froide, soit les
écorces, soit les tiges entières ou les troncs. Ce rouissage dé-
truit, en grande partie, l'enveloppe externe et les éléments
du tissu parenchymateux qui composent Fécorce externe et
Fécorce moyenne, les couches de cambium, ainsi que les
rayons médullaires. Les principaux libers utilisés de cette
façon sont, en Europe, celui du tilleul, et, dans les pays
exotiques, ceux du Thespesia populuca, Urena sinuata,
Lagetta lintearia, etc. Il nous reste à parler des duvets
végétaux ; ce qui différencie surtout ces fibres textiles des
précédentes, c'est que ces dernières sont formées par des
agrégations de cellules dont la décomposition en cellules iso-
lées n'est produite que par des procédés artificiels, tandis
que les duvets se composent de cellules isolées qui, reposant
telles quelles à la surface des noyaux, remplissent les cap-
sules des graines et, à partir de leur premier développe-
ment, apparaissent libres et isolées. Le type de ces fibres
est le coton.
Essai des fibres textiles. Pour reconnaître une fibre
textile, il faut d'abord rechercher si l'on a affaire à une fibre
végétale ou à une fibre animale ; la détermination ultérieure
de son espèce est ainsi beaucoup facilitée. Si la fibre sou-
mise à l'essai est sous forme de tissu ou de fil, il est indis-
26
FIBRE
— 402
pensable de commencer par lui enlever son apprêt. Dans
ce but, on fait bouillir un petit coupon du tissu pendant
dix minutes avec de l'eau contenant 2 °/0 de carbonate de
soude et un peu de savon ; on lave ensuite le tissu à l'eau
bouillante, puis on le place pendant cinq à dix minutes dans
de l'eau additionnée de 2 °/0 d'acide chlorhydrique ou sul-
furique; enfin on le lave avec soin. Le tissu desséché ainsi
que les fibres ou les fils bruts est alors soumis à l'action
dé réactifs chimiques et à un examen microscopique. La
distinction entre les fibres animales et les fibres végétales
peut être établie à l'aide des réactions suivantes. Les fibres
animales, chauffées avec un peu de chaux vive dans un tube
fermé à un bout, fournissent des vapeurs ammoniacales qui
bleuissent le papier de tournesol rouge. Les fibres végé-
tales, traitées de la même manière, dégagent des vapeurs
acides qui rougissent le papier de tournesol bleu ; les fibres
animales, introduites dans la flamme d'une bougie, brûlent
difficilement en donnant un charbon spongieux et brillant
et dégageant l'odeur de corne brûlée. La fibre végétale
brûle, au contraire, avec une flamme vive, en ne faisant
que peu de résidu et dégageant une odeur franche de linge
brûlé. On peut, à l'aide de ce moyen, déterminer combien
un tissu renferme de fils de l'une ou de l'autre origine ;
à cet effet, on coupe dans le tissu à essayer un morceau de
5 centim. q., puis on retire tous les fils en travers et tous
es fils en long, on brûle ensuite séparément chaque fil, et
'on compte, d'une part ceux qui présentent la réaction des
fibres végétales et d'autre part ceux qui se comportent
comme des fibres animales. On peut faire bouillir un petit
morceau de tissu dans une lessive de potasse ou de soude
à 8 °/0. La fibre animale se dissout, tandis que la fibre
végétale reste. Bouillie avec une dissolution d'acide picrique,
la fibre animale se teint en jaune ; la fibre végétale traitée
de la même manière ne se colore pas. On prépare une solu-
tion incolore de rosaniline en dissolvant de la fuchsine dans
l'eau bouillante et ajoutant goutte à goutte de l'ammoniaque
caustique jusqu'à décoloration. Dans cette solution filtrée
et chaude, on plonge pendant quelques secondes les fils ou
les tissus à essayer, puis on les lave à grande eau et on
les expose au contact de l'air ; si l'on a affaire à un tissu
formé de fibres animales (laine ou soie) et de fibres végé-
tales (coton ou lin), les premières prendront une teinte
rouge, tandis que les secondes resteront incolores, et l'on
pourra, en examinant le tissu à l'aide d'un compte-fils,
déterminer exactement le nombre des fils de nature animale
ou végétale. La même détermination peut être faite avec les
tissus traités par l'acide picrique.
Pour distinguer les fibres animales entre elles (laine et
soie), les réactions suivantes peuvent être employées : on
plonge pendant quinze ou vingt minutes un petit morceau
de tissu dans un mélange à volumes égaux d'acide sulfu-
rique ordinaire et d'acide azotique concentré, et on le lave
ensuite avec de l'eau. La soie ou le poil de chèvre se dissolvent ,
tandis que la laine est seulement colorée en jaune ou en brun.
Si l'on plonge le tissu dans une solution neutre d'acétate de
plomb mélangée avec autant de soude qu'il en faut pour que
le précipité blanc qui s'est d'abord formé se dissolve, la laine
et les poils animaux se colorent en brun, la soie reste intacte.
Une solution d'oxyde de cuivre dans l'ammoniaque (réactif
de Schweitzer) dissout la soie, mais non la laine. Dans une
solution de chlorure de zinc basique à 60° Baume, on fait
digérer pendant une heure à 30° un petit fragment de tissu
à essayer ; les fils de soie se dissolvent, tandis que les fils de
laine restent ; si le tissu renferme, outre la laine et la soie,
des fils végétaux, il est facile de les reconnaître en lavant
avec de l'eau le résidu du traitement précédent et le faisant
digérer dans une lessive de potasse à 4,2 de densité qui
dissout tous les fils de laine et laisse les fils végétaux.
Pour distinguer les fibres végétales entre elles, le lin du
coton, par exemple, dans un tissu, on peut procéder de la
manière suivante : on plonge dans de l'acide sulfurique con-
centré pendant une ou deux minutes un morceau de tissu,
puis on le la\e d'abord avec de l'eau, en le frottant un peu
avec les doigts, puis avec de l'ammoniaque étendue et encore
avec de l'eau. Les fils de lin ou de chanvre ne sont pas
attaqués, tandis que les fils de coton sont transformés en
une gelée, que le traitement par l'eau dissout et élimine. On
peut facilement s'assurer dans quelles proportions le mélange
des deux fils a été fait en comptant les fils avant et après
l'expérience. Pour reconnaître les fibres du phormium trouvés
dans les tissus du chanvre et du lin, on peut se servir des
réactions suivantes : si l'on plonge pendant une heure un
fragment du tissu à essayer dans de l'eau de chlore, puis
dans de l'ammoniaque liquide, les fibres de phormium se
colorent en violet rouge, que quelques gouttes d'acide azo-
tique font disparaître ; les fibres de chanvre prennent une
teinte légèrement rosée, et le lin conserve sa couleur pri-
mitive ; si l'on plonge le tissu dans une solution aqueuse
de bleu d'aniline à 0§T10 par litre et chauffée à 60°, les
fibres du phormium se colorent fortement, tandis que celles
du chanvre ou du lin ne changent pas. La marche à suivre
pour reconnaître les fibres textiles les plus employées, en
se basant sur des réactions chimiques, a été résumée par
Pinchon dans le tableau dichotomique suivant :
On traite les fils ou tissus par une solution de potasse et de soude et selon le résultat on continue comme suit :
I Chlorure de zinc ( )
Solution alcaline noircit par addition d'un sel de plomb [ Soie.
1° Tout
se dissout..
froid dissout •
tout I
Chlorure de zinc (
dissout partiel- }
lement ou ne
dissout rien. .. (
[ Chlorure de zinc
ne dissout rien.
Soluble partiellement ■
Insoluble
Eau de chlore, puis j
ammoniaque colo-
rant la fibre en '
rouge I
Partie soluble ne noircit pas par un sel de ) Q • , , •
plomb, partie insoluble noircit \ ^oie et lame
Noircit par un sel de plomb j Laine.
Fibre rougit par l'acide azotique ou le per- ) -nU
oxvde d'azote Phormium.
Fibre se colore par i
solution alcoolique |
de fuchsine à 5 °/0,
et la coloration ré-
Eau de chlore, puis j siste au lavage
ammoniaque ne co- < r> ,
lorant pas ) Potasse aqueuse co-
r i lore fibre en jaune.
2° Une partie
se dissout
et les fibres
s'attaquent.
Chlorure de zinc
dissout une
partie.
Chlorure de zinc
ne dissout rien.
Une partie noircit par
le sel de plomb
Iode et acide sulfu-
rique colorant en |
jaune
Iode et acide sulfu-
rique colorant en
bleu
Coloration par fuchsine ne résiste pas au
lavage; la potasse ne colore pas la fibre '
en jaune '
Potasse dissout partiellement les fibres in-
solubles dans chlorure de zinc ; celles qui |
résistent à ce second traitement se dis- |
solvent dans liqueur cupro-ammoniacale.
Chanvre.
Lin.
Coton.
Laine, coton
et soie.
f Sel de plomb ne noir- j Acide picrique colore partiellement en jaune, ) q, - .
\ cit pas ( l'autre partie restant blanche \ boie et coton.
< Acide azotique colore une partie, l'autre restant blanche..., I Coton et lin.
— 403 —
FTBRE — FIBRINE
L'examen au microscope est très utile ; il ne sert pas
seulement pour compléter ou contrôler les résultats de
Fessai chimique ; dans la plupart des cas, il fournit des
indications plus certaines que ce dernier, surtout lorsqu'on
emploie à la fois des réactions microchimiques. Pour pré-
parer une fibre à l'examen microscopique, on la dépose sur
le porte-objet ; on fait tomber sur elle une goutte d'eau dis-
tillée et on laisse le tout en contact pendant quelques ins-
tants ; appuyant ensuite le bout de l'index gauche sur une
des extrémités de la fibre, on passe plusieurs fois à travers
celle-ci la pointe d'une aiguille. La fibre est de cette façon
uniformément désagrégée ; il ne reste plus maintenant qu'à
procéder à son examen, après avoir posé le porte-objet par
dessus. Gomme réactifs microchimiques, on emploie sur-
tout : une solution d'iode (0,1 d'iode, 0,2 d'iodure de
potassium et 50 d'eau distillée) ; une solution de sucre
(1 de sucre candi et 2 d'eau distillée) ; de l'acide sulfurique
concentré ou étendu (3 d'acide et 1 d'eau) ; de l'ammo-
niure de cuivre ; une solution de potasse ou de soude caus-
tique ; une solution de fuchsine ; une solution étendue
d'acide chromique, etc. Pour faire agir un réactif sur la
fibre préparée comme il a été dit plus haut, on dépose, au
moyen d'une baguette de verre bien effilée, sur le bord du
couvre-objet, une goutte du liquide qui pénètre par capil-
larité au-dessous de la lame de verre. Nous ne parlerons
pas ici des caractères microscopiques et microchimiques des
fibres textiles les plus employées ; nous en donnons la des-
cription aux divers articles spéciaux (V. Chanvre, Coton,
Jute, Lin, Ràmie, Laine, Mohair, Soie). L. Knab.
FI B REUX. I. Anatomie. — Le tissu fibreux est un dérivé
du tissu conjonctif. Les faisceaux lamineux de ce dernier
en s'accumulant, en comprimant et refoulant F élément cellu-
laire et la fibre élastique, forment le tissu fibreux qui,
grâce à cette différenciation de texture, devient apte à
remplir un rôle exclusivement mécanique. Le tissu fibreux
affecte la forme de cordes, les tendons des muscles, les
ligaments des articulations, et celle de membranes, les
aponévroses, les disques intervertébraux, la cornée, le
périoste, etc. A l'état embryonnaire, le tendon est trans-
parent et, dans la substance homogène fondamentale qui le
constitue, on voit des rangées de cellules alignées en file.
Plus tard, entre les cellules apparaissent des fibres con-
jonctives qui se disposent en faisceaux parallèles aux ran-
gées de cellules. Celles-ci recouvrent incomplètement les
faisceaux à la façon des tuiles d'un toit. A la périphérie
des faisceaux, on voit par l'imprégnation argentine : 1° une
enveloppe constituée par un réseau de cellules étoilées
plongées dans une -substance amorphe ; 2° un revêtement
endothélial continu ; 3° une gaine conjonctive tapissée elle-
même d'un endothélium et à l'intérieur de laquelle le ten-
don glisse comme dans une petite séreuse. Telle est la
structure du tendon élémentaire qui ne renferme aucun
vaisseau sanguin.Pour former les tendons volumineux, les
tendons élémentaires se dépouillent de leur enveloppe sé-
reuse et s'unissent les uns aux autres à l'aide de tissu
conjonctif qui forme des travées interstitielles dans le ten-
don, et à sa périphérie une gaine séreuse, comme dans
chacun des tendons simples. Le tendon des muscles est
donc un tendon composé. Quand le tendon acquiert des
noyaux cartilagineux ou quand il s'ossifie comme chez les
oiseaux, ce sont les cellules tendineuses qui se trans-
forment en cellules cartilagineuses ou osseuses et élaborent
ici du cartilage, là de l'os. Dans les aponévroses, le tissu
fibreux conserve la forme qu'il a dans les tendons : c'est le
cas des aponévroses d'insertion ; ou bien ses fibres s'enche-
vêtrent de mille manières de façon à constituer des plans
multiples sur lesquels les éléments cellulaires affectent les
aspects les plus divers (V. Tendon, Ligament, Aponévrose,
Cornée).
Le tissu fibreux renferme peu de vaisseaux sanguins.
Dans les tendons, les vaisseaux ne dépassent pas les cloi-
sons conjonctives interfasciculaires. Quand le tendon tra-
verse une synoviale vaginale, les vaisseaux lui parviennent
par le mésotendon. Dans les tendons, il n'y a pas de
vaisseaux lymphatiques, mais on en a découvert dans les
aponévroses. Aussi le tendon mis à nu se nécrose et s'ex-
folie, tandis que dans les mêmes conditions l'aponévrose
peut résister à la destruction, mais elle donne lieu souvent
à de l'angioleucite. Le tissu fibreux contient des nerfs
amyéliniques contrairement à l'opinion ancienne. Ces nerfs
se terminent dans des appareils terminaux qui rappellent
les plaques motrices des muscles. On s'explique ainsi la
douleur vive de l'entorse. A l'état frais, le tissu fibreux est
blanc, opaque, avec des reflets brillants et nacrés. Il est
flexible, souple, inextensible et résistant, propriétés qui lui
permettent de remplir le rôle de corde de transmission dans
l'action mécanique des muscles et celui de moyens de con-
tention et d'arrêt dans le mouvement des articulations. La
nutrition de ce tissu est peu active. Il.s'enflamme cependant
quelquefois, et sa régénération s'effectue comme dans le
tissu conjonctif. Par la coction, il se dissout en formant de
la gélatine (V. Conjonctif [Tissu]). Ch. Debierre.
IL Botanique. — Le tissu fibreux, encore appelé pro-
senchyme, est formé de cellules allongées en fuseau et
plus ou moins effilées à leurs deux extrémités et qu'on
appelle fibres (V. Cellule , fig. 4, b). Les parois de ces
cellules s'épaississent et leur cavité finit par se réduire à
un canal très étroit ; comme les couches d'épaississement
laissent de petits espaces libres, il en résulte de petits
canaux perpendiculaires aux parois, terminés en cul-de-sac
par la membrane primitive de la fibre ; les extrémités de
ces petits canaux se présentent à l'œil sous forme de ponc-
tuations analogues à celles qui caractérisent les cellules et
les vaisseaux dits ponctués. Chez les conifères, ces ponc-
tuations sont situées au fond de petites dépressions qui
simulent une aréole. On rencontre le tissu fibreux dans le
liber cortical (V. Ecorce) , dans les nervures des feuilles,
dans le bois (V. Bois), où elles sont associées à des vais-
seaux, d'où le nom de tissu fibrovasculaire donné à
l'ensemble des faisceaux ainsi formés (faisceaux fibrovas-
culaires). Dr L. Hn.
FI BRILLA RI A (Vitic). On donne le nom vulgaire de
Fibrillaria à des formes mycéliennes qui vivent en sapro-
phyte sur les racines de la vigne et que l'on confond sou-
vent avec le pourridié (V. ce mot).
FIBRILLE (Bot.). Petit faisceau fibreux isolé. On appelle
fibrilles les petits filets cylindriques qui constituent le
chevelu de certaines racines.
FIBRINE (Chim.). La fibrine est une matière albumi-
noïde qui se sépare à l'état insoluble du sang frais et
abandonné à l'air. Fouette-t-on vivement le sang au sortir
de la veine, on obtient des filaments blancs, élastiques ;
abandonne-t-on le liquide à lui-même, il se prend peu à
peu en une masse, le caillot, nageant au milieu d'un
liquide clair, le sérum ; mais, si on sépare à temps les
globules sanguins, le plasma se coagule peu à peu, fournit
une masse gélatineuse, tremblotante, qui se contracte len-
tement et qui est formée d'un feutrage composé de fila-
ments élastiques. La fibrine, qui était à l'état dissous dans
le sang, devient donc insoluble dans les conditions ci-des-
sus, sans doute par suite d'une simple transformation iso-
mérique. Pour la purifier, on la lave successivement avec
l'eau distillée, l'alcool et l'éther ; malgré ces lavages, elle
retient toujours des traces notables de sels minéraux, no-
tamment de phosphates qu'on retrouve à l'incinération. La
fibrine est une matière blanche, amorphe, élastique à
l'état frais, devenant cornée à la dessiccation ; elle est in-
soluble dans l'eau, soluble dans l'acide acétique et les
solutions alcalines, ainsi que dans certains sels, comme le
nitre, le sel marin, le sulfate de soude ; ces dissolutions,
non coagulables à chaud, précipitent de la syntonine par les
acides. A une température de 50 à 60°, elle se dissout
dans l'acide chlorhydrique au millième, et le soluté préci-
pite encore de la syntonine par les acides. Elle décompose
l'eau oxygénée, caractère qui la distingue nettement des
autres principes protéiques ; elle perd cette propriété après
FIBRINE — FIBROLITE
404 —
avoir été chauffée à 60° ; elle ressemble alors à de l'albu-
mine coagulée par la chaleur. Il parait exister plusieurs
principes analogues à la fibrine du sang humain : la fibrine
du cheval se dissout presque complètement dans de l'eau
chauffée à 30° et additionnée d'un peu d'acide cyanhy-
drique, tandis que celle du bœuf est insoluble dans les
mêmes conditions. Dans les végétaux existe une fibrine
végétale ou caséine qui constitue la partie du gluten frais,
insoluble dans l'alcool. Ed. Bourgoin.
F1BROBLASTE (Anat. générale). Comme leur nom
l'indique, les fibroblastes, inoblastes ou cellules fibroplas-
tiques sont les cellules jeunes du tissu conjonctif desti-
nées à donner naissance aux fibres lamineuses. Au cours
du développement embryonnaire, ces éléments prennent
leur origine dans les formations mésenchymateuses du
feuillet moyen ; primitivement arrondis (éléments embryo-
plastiques de Ch. Robin) , ils s'allongent ensuite et de-
viennent fusiformes ou étoiles, à prolongements minces et
effilés dont il est bientôt difficile de déterminer la longueur
exacte à cause de leur extrême ténuité. Sur l'embryon de
mouton de 4 à 5 centim.,les fibroblastes à leur début ont
environ 25 (x de long sur 4 0 fjt. de large et présentent un
noyau ovoïde et granuleux à contour peu distinct. Exa-
minés chez le fœtus humain, vers le milieu de la grossesse,
ils offrent des dimensions beaucoup plus considérables;
leur noyau allongé a pris un aspect vésiculeux et se montre
entouré d'une membrane nucléaire très nette.
Le point le plus important et le plus litigieux de l'his-
toire des éléments fibroplastiques est celui qui concerne le
mode de formation des fibres conjonctives. Tandis que
Schwann (1839) admettait que le corps cellulaire se
transformait directement en un faisceau fibrillaire, Henle
professa le premier que c'était la substance amorphe inter-
posée aux cellules qui subissait une sorte de clivage et se
divisait ainsi en fibres distinctes. Depuis lors, et jusqu'à
l'heure actuelle, l'une et l'autre opinion ont compté des
partisans autorisés : Max Schulze, Beale, Obersteiner, Ch.
Robin, W. Krause, Flemming, etc., se sont prononcés
pour l'origine cellulaire directe; Virchow, Donders, Kœl-
liker et autres tiennent pour une modification delà subs-
tance fondamentale primitivement muqueuse qui se chan-
gerait progressivement en une masse fibrillaire collagène.
Enfin, d'après plusieurs auteurs récents, la portion péri-
phérique du protoplasme des fibroblastes serait employée
à la sécrétion de la matière amorphe prenant ultérieure-
ment la structure fibrillaire (Rollett , Ziegler). Toujours
est-il que l'on voit persister chez l'adulte, parmi les fibres
lamineuses, des cellules de tissu conjonctif qui repré-
sentent les restes de fibroblastes ayant subi une réduction
de volume très notable au cours des phénomènes histogé-
niques précités. Ces éléments affectent des formes assez va-
riables, suivant la variété de tissu envisagée ; en général,
ils ont un corps mince et lamelleux et s'anastomosent entre
eux par des prolongements ramifiés.
On observe les mêmes phases morphologiques lors de
la néoformation de tissu connectif si fréquente chez l'.adulte
(scléroses séniles et pathologiques, néoplasie inflammatoire,
cicatrices, tumeurs). Ici encore les agents essentiels de la
régénération ou de la néoplasie sont des fibroblastes très
analogues aux précédents et dont la provenance a fait
l'objet de bien des controverses en anatomie pathologique.
Bien qu'on tende aujourd'hui à restituer aux cellules du
tissu conjonctif et à leurs descendants le rôle histogénique
longtemps attribué aux leucocytes émigrés du torrent cir-
culatoire, il plane toujours une certaine obscurité sur
cette question. Il faut avouer que la motilité amiboïde
constatée chez les éléments jeunes issus de la segmentation
des cellules fixes ne permet guère de les distinguer avec une
netteté suffisante des cellules mobiles d'origine hématique.
Pour Ch. Robin il devait persister chez l'adulte un certain
nombre d'éléments embryoplastiques inemployés, capables
d'évoluer ultérieurement pour constituer les cicatrices, les
tumeurs, etc. Suivant une opinion récente, le tissu con-
jonctif (tendons, tissu adipeux) renfermerait en plus des
cellules ramifiées bien connues, un grand nombre d'élé-
ments fibroplastiques à corps cellulaire extrêmement ré-
duit, à noyau dépourvu de chromatine. Invisibles à l'état
normal (au moins avec les moyens d'investigation actuels),
ces cellules assoupies seraient susceptibles de se réveiller
sous l'influence d'une irritation morbide ou accidentelle ;
on les verrait alors réapparaître et se diviser pour fournir les
matériaux de la régénération ou de la prolifération patholo-
gique (Grawitz). G. Herrmann.
FIBROCARTILAGE.Le fibrocartilage est formé par des
cellules disposées comme dans le cartilage hyalin, mais il
se distingue de ce dernier en ce que sa substance fonda-
mentale intercellulaire est nettement fibreuse, parcourue
par une multitude de fibres lamineuses entre-croisées en
tous sens et disparaissant sous l'action des acides et des
bases. Les cellules cartilagineuses y sont fort peu nom-
breuses ; elles ont une paroi épaisse et sont disposées en
petits groupes ou en tramées à des distances assez notables
les unes des autres (V. Cartilage). Ce tissu constitue les
disques intervertébraux, les cartilages sésamoïdes les mé-
nisques interarticulaires, fibrocartilages semi -lunaires,
fibrocartilages semi-lunaires du genou, ménisque de l'ar-
ticulation temporo-maxillaire ; on le trouve aussi au niveau
de l'insertion des tendons sur les os. Il est recouvert de
périchondre , membrane fibroélastique , qui se continue
insensiblement avec la substance fondamentale du fibro-
cartilage. Ch. Debierre.
FIBROFERRITE (Miner.). Le nom de fibroferrite a
été donné à un sulfate de sesquioxyde de fer hydraté
(Fe2S209 -f- 10HO) formant des fibres délicates d'un jaune
très pâle. Ce minéral est translucide, possède un éclat
nacré et soyeux. Sa dureté est de 2 à 2,5. Sa densité
d'environ 1,85. La fibroferrite, chauffée dans le matras,
donne de l'eau, puis, à plus haute température, de l'acide
sulfurique; sur le charbon, au chalumeau, elle devient
magnétique. Soluble dans l'eau et décomposée par l'eau
bouillante. Elle a été trouvée dans les .mines de Paillières
(Gard) et dans celles de Copiapo (Chili). A. Lacroix.
FIBROÏNE (Chim.). Lorsqu'on traite successivement la
soie par l'eau, l'alcool, l'éther et l'acide acétique bouillant,
il reste un résidu qui a reçu le nom de fibroïne. Ce résidu,
qui représente environ la moitié de la matière première,
présente la même apparence que la soie, mais il est plus
tendre, plus souple et moins résistant. A chaud, il se
boursoufle, brûle avec une flamme bleuâtre, en répandant
une odeur de corne brûlée, et en laissant un charbon qui
renferme une notable quantité de sels, nptamment de phos-
phates. La fibroïne est insoluble dans l'eau, soluble, comme
le coton, dans le réactif de Schweizer ; la solution n'est
précipitée ni par le sucre, ni par les sels neutres, mais
seulement par les acides étendus. Avec l'acide sulfurique,
elle donne un liquide brun clair, visqueux, précipitable par
le tanin ; les solutions chlorhydrique et azotique sont pré-
cipitées par les alcalis ; à chaud, la dernière engendre de
l'acide oxalique. La fibroïne ne se dissout pas dans les
lessives alcalines étendues, mais seulement dans les alcalis
caustiques, en donnant des solutés précipitables par l'acide
sulfurique étendu ; elle est insoluble dans l'ammoniaque et
dans les carbonates alcalins ; la potasse en fusion donne sur-
tout de l'acide oxalique. Elle se rapproche par sa composi-
tion de la gélatine, mais sa formule est inconnue. Ed. B.
Bibl. : Pcersoz fils, Compt. rend., t. LV, 810. — Schloss-
berger, Ann. der Ch. und P/zarra., t. CVIII, 62. —
Schweizer, J. fur pmht. Ch., t. LXXVI, 544. — Vogel,
Buch news Repertorium, t. VIII, 1.
FIBROLITE (Miner.). La fibrolite, longtemps considérée
comme une espèce minérale spéciale, n'est qu'une variété
de sillimanite (V. ce mot), formée par des fibres entre-
lacées de ce minéral. Son gisement est la granulite et le
gneiss granulitique. Sa grande ténacité Fa fait employer
aux époques préhistoriques pour la confection des haches
que l'on trouve aujourd'hui en grande abondance dans le
plateau central de la France, en Bretagne, etc. A. Lacroix .
— 405 —
FIBROME — FICELLE
FIBROME (Anat. pathol.). Les fibromes sont des tu-
meurs essentiellement constituées par du tissu conjonctif
adulte. Au point de vue de leur composition histologique,
on peut en distinguer deux formes principales : 1° les
fibromes mous, de faible consistance, de coloration gri-
sâtre et demi-transparente sur la coupe, répondant au tissu
cellulaire lâche ; comme lui ils sont constitués par des
faisceaux lamineux de médiocre épaisseur limitant des
aréoles à contenu séreux ou mucilagineux ; 2° les fibromes
durs formés d'un tissu très ferme, analogue à celui des
organes fibreux, criant sous le scalpel et présentant sur la
surface de section un aspect nacré ; les fibres conjonctives
y sont intimement enchevêtrées et serrées les unes contre
les autres, avec interposition d'une petite quantité de subs-
tance amorphe très tenace. On trouve en outre, dans ces
tumeurs, des vaisseaux et des cellules de tissu conjonctif en
nombre variable, plus abondantes en général dans la variété
molle. Fréquemment on rencontre des fibromes qui offrent
une consistance moyenne et représentent des formes inter-
médiaires entre ces deux types extrêmes ; d'autres fois on
voit des portions dures alterner avec des parties plus
molles dans une même production morbide. Les fibromes
se développent aux dépens de fibroblastes provenant de la
multiplication des cellules fixes du tissu conjonctif. Aussi
est-il de règle d'y constater la présence d'amas cellulaires
à éléments fusiformes ou arrondis (cellules embryoplas-
tiques et fibroplastiques) qui marquent les points au niveau
desquels se fait l'accroissement du néoplasme. Le nombre
et l'étendue de ces centres de prolifération varie beaucoup
suivant les cas.
Ces tumeurs sont surtout fréquentes dans le derme, le
tissu cellulaire sous-cutané et intermusculaire, le périoste,
l'os, le tissu sous-muqueux et sous-péritonéal, le névri-
lème, l'utérus ; elles prennent également naissance dans
la charpente conjonctive des organes glandulaires : ovaire,
mamelle, testicule, glandes sali vaires. Leur forme est celle
de masses arrondies ou lobées, généralement bien circons-
crites et pouvant atteindre un volume considérable. Sur la
peau et les muqueuses, elles revêtent volontiers l'aspect de
végétations rameuses ou pédiculées (molluscum pendu-
lum); mais c'est à tort qu'on a rangé parmi les fibromes
les papillomes et adénomes dans la composition desquels
l'épithélium entre pour une part importante. Ce sont des
productions bénignes, s'accroissant lentement, mais d'une
façon continue, sans tendance à l'envahissement ni à la
métastase. Par contre, on trouve assez souvent des fibromes
multiples, notamment dans la peau où ils sont parfois pig-
mentés et où, suivant von Recklinghausen, ils prennent
naissance aux dépens des enveloppes connectives des
glandes, des follicules pileux, des vaisseaux et des nerfs ;
dans ce dernier cas, il s'agit tantôt de tumeurs purement
fibreuses, tantôt de neurofibromes. Les fibromes cutanés
s'étendent parfois d'une manière diffuse dans les téguments,
et Virchow a rapproché cette forme spéciale des lésions de
l'éléphantiasis. Lorsque ces tumeurs sont peu vasculaires
elles subissent diverses métamorphoses régressives telles
que la dégénérescence graisseuse ou crétacée et surtout le
ramollissement muqueux pouvant amener la formation de
cavités cystoïdes. D'autres fois on observe un réseau vas-
culaire très développé, auquel cas le tissu pathologique
peut prendre un aspect caverneux, principalement par dila-
tation des veines. — Le fibrome se combine assez souvent
avec le myxôme , le lipome , le myôme ; le fibromyôme
est surtout fréquent dans l'utérus (hystérome, Broca) où
il présente d'une façon typique les phénomènes dégénéra-
tifs signalés plus haut. Rindfleisch compare au tissu cor-
néen les épaississements circonscrits, à substance fonda-
mentale amorphe, qu'on voit si fréquemment sur les
membranes séreuses (V. Tumeur). G. Herrmann.
F1BROPLASTIQUE (Path.)(V. Fibroblaste).
,FIBROSARCOME (Path.) (V. Tumeur, Sarcome).
F1BULAR1A (Zool.). Genre d'Echinodermes de la classe
des Echinoïdes, ordre des Clypéastroïdes, type d'une sous-
famille (Fibularines) qui ne renferme que des formes de
petite taille, globuleuses, à ambulacres rudimentaires,
munies de cloisons radiaires internes et chez lesquelles les
mâchoires sont armées de longues dents. Cette famille
comprend deux genres principaux, Echinocyamus et
Fibularia. Ces deux genres apparaissent dans le crétacé
supérieur pour s'étendre jusqu'à nos jours. Les Echino-
cyamus ont le test déprimé et elliptique ; leurs ambulacres,
pétaloïdes, sont rudimentaires. Les Fibularia, au contraire,
sont globuleux, ovoïdes, et leurs ambulacres, pétaloïdes, sont
longs, ouverts ; chez ces derniers, l'anus est au voisinage
de la bouche, qui est centrale. Type : F. ovulum, Médi-
terranée. Ce genre, vulgairement désigné par le nom de
Oursins-boutons, comprend une quinzaine d'espèces ré-
parties dans les différentes mers. R. Moniez.
FIBULE (Fibula, 7tspdvr)) (Archéol.). Ce terme d'ar-
chéologie désigne les agrafes ou les broches en os, en
ivoire, en bronze ou en métaux précieux qui servaient à
attacher les différents vêtements des hommes ou des femmes
(V. Epingle). Il désigne encore les boucles qui fermaient
les ceintures, les ceinturons ou qui servaient à rattacher
le bandeau que les jeunes femmes portaient sur leur tète
pour tenir leur chevelure. S. D.
FICAIRE (Ficaria Dill.) (Bot.). Genre de Renonculacées
qui ne forme plus aujourd'hui qu'une section du genre Ra-
nunculus, caractérisée par le calice à trois sépales presque
herbacés et par la corolle à six ou neuf pétales. L'unique
espèce, F. ranunculoides Mœnch (Ranunculus Ficaria
L.), est bien connue sous les noms vulgaires de Ficaire,
Herbe aux hémorrhoïdes, Eclairette, Petite Chélidoine,
Petite Eclaire, etc. C'est une petite herbe vivace, glabre,
dont les tiges très courtes, couchées ou ascendantes, sou-
vent pourvues de bulbilles axillaires, portent des feuilles
épaisses, luisantes, cordiformes, parfois tachées de noir à
leur face supérieure, et à pétiole dilaté inférieurement en
une gaine membraneuse assez ample. Ses fleurs, d'un beau
jaune, s'épanouissent dès le premier printemps. — La
Ficaire est extrêmement commune aux environs de Paris
dans les lieux ombragés humides; ses feuilles sont réputées
antiscorbutiques et antiscrofuleuses ; dans plusieurs en-
droits on les mange cuites à la manière des épinards. Son
rhizome grumeux, à fibres radicales épaisses et charnues,
renferme de l'acide ficarique et de la ficarine (V. ce
mot) ; il a été employé avec succès, dit-on, en infusion
ou en décoction, contre les hémorrhoïdes. Ed. Lef.
FICAJA. Corn, du dép. de la Corse, arr. de Bastia,
cant. de La Porta; 521 hab.
FICARELLA.Rivière de Corse (V.Corse, t. XII, p. 1085).
FI CAR EL Ll, peintre italien (V. Ficherelli).
FICARINE (Chim.). Matière organique, analogue à la
saponine, qu'on obtient en reprenant par l'alcool l'extrait
aqueux de la ficaire {Ficaria ranunculoides). On la ren-
contre surtout dans la racine, où elle accompagne un prin-
cipe acre, volatil, Y acide ficarique. Sa composition est
inconnue (Saint-Martin, Répert. de ch. appliq., 1859,
425). ' Ed. B.
FICATELLI (Stefano), peintre de l'école bolonaise, né à
Cento vers 1630, mort dans les premières années du xvur3
siècle. Elève et imitateur du Guerchin, il travailla pour les
églises de Ferrare et ne fit preuve que d'une certaine ima-
gination.
Bibl.: Cittadella, Catalogo istorico de'pittori escultori
ferraresi. — Lanzi, Storia pittorica.
FICELLE. I. Technologie.— Les ficelles, dont l'usage
est si fréquent dans la vie courante, se font principalement
en chanvre, et quelquefois aussi en lin ou autres fibres ana-
logues, ainsi qu'en coton ; elles se composent toujours de plu-
sieurs fils de caret assemblés et tordus ensemble, puis étrillés,
polis ou lustrés, et reçoivent dans le commerce différents
noms suivant la grosseur des fils simples employés pour, les
fabriquer, le nombre de brins qui ont été réunis et le
degré de torsion qu'on leur a donné. Les principales de
ces dénominations, variables du reste suivant les localités,
FICELLE — FICHEL
- 406 -
sont les suivantes : ficelle à bourse, résultant du câblage
de trois torons formés chacun de deux ou trois fils de lin
nos 60 à 80, retordus entre eux; la capitonne, employée
par les tapissiers et établie de la même manière en fils plus
gros nos 25 à 30 ; le dreux, produit également par une
combinaison analogue d'environ neuf fils dont les numéros
peuvent varier de 20 à 60 ; ficelles de fantaisie, compre-
nant une très grande variété de produits composés en gé-
néral de six fils combinés de différentes manières; les
lignes, ficelles de fouets, les cordes d'arcades employées
dans les tissages, etc., les chapelières de grosseurs très
variables, formées par trois fils, câblés directement entre
eux, puis polies à l'eau, sont d'un emploi courant pour
l'emballage ; les fils à gorre établis d'une manière ana-
logue, mais câblés avec une très forte torsion qui en rend
le grain très apparent, etc.
La fabrication à la main des ficelles a été décrite d'une
manière complète à Fart. Câble ; les fils de caret forment
les premiers éléments du câble, comme dans les ficelles.
Dans la fabrication mécanique, les fils, fournis par les
procédés ordinaires de la filature, sont ren vidés sur des
bobines par des machines identiques à celles que l'on em-
ploie dans les tissages, sauf les dimensions qui sont pro-
portionnées à la grosseur des fils ; ces bobines alimentent
des métiers à retordre, munis de broches armées d'ailettes
où les fils simples se réunissant en nombre voulu, et se
tordent entre eux. Les ficelles ensuite reçoivent un apprêt
qui varie suivant les usages auxquels elles sont destinées.
Souvent elles sont parées, c.-à-d. imprégnées d'un enduit
composé ordinairement de colle de farine additionnée d'une
petite quantité de savon mou, quelquefois d'un mélange
d'huile de lin et de blancs d'œufs, d'autres fois d'un com-
posé savonneux destiné à les imperméabiliser, etc. Ces
enduits sont appliqués au moyen d'un chiffon de drap sur
un faisceau ou piquet de ficelles, tendu sur l'aire du cor-
dier, puis on procède à l'étrillage en frottant très énergi-
quement les ficelles au moyen d'une étrille composée de
cordes de crin serrées autour d'elles, et que l'on promène
d'une extrémité à l'autre du faisceau maintenu toujours
bien tendu, soit à la main, soit en le faisant tirer par un
cheval, soit au moyen de cordes commandées mécanique-
ment. On fait quelquefois usage aussi de machines dans
lesquelles les ficelles se déroulent de bobines alimentaires
pour aller s'enrouler sur d'autres bobines en passant dans
l'intervalle sur des rouleaux frotteurs qui les polissent à
sec, puis dans des bains où elles s'encollent, puis sur
d'autres rouleaux frotteurs et enfin sur des tambours
chauffés qui les sèchent, produisant ainsi un travail con-
tinu et agissant sur un nombre variable de ficelles à la
fois.. Pour la vente, les ficelles sont mises en pelottes au
moyen de petites machines composées d'une broche autour
de laquelle s'effectue l'enroulement et d'une ailette qui
dirige et enroule la ficelle. Les mouvements combinés de
ces deux pièces déterminent la forme des pelottes. P. G.
Lorsque les fils de caret, destinés à la fabrication de
cordes de petites dimensions sont étendus, puis retordus
ensemble, chaque cordon provenant de l'assemblage de
ces fils prend le nom de duite qu'il conserve tant qu'il
n'est soumis à aucune autre opération. Mais, dès le moment
où on vient à l'étriller, la polir ou la lustrer, cette duite
est alors désignée sous le nom générique de ficelle, et
reçoit, dans le commerce, diverses dénominations, suivant
la qualité première du fil, sa grosseur et les façons ulté-
rieures de pelotage et de paquetage qui lui sont données.
On trouve dans le commerce des produits depuis 75 cent,
le kilogr. pour les ficelles ordinaires, 1 fr. et 1 fr. 80 pour
les ficelles soignées, jusqu'à 9 fr. et plus pour les ficelles
fines, blanches et de couleur. L. K.
IL Beaux- Arts.— On qualifie déficelle le procédé mécanique
ou autre au moyen duquel un artiste exécute rapidement un
morceau ou un ensemble dans des conditions qui seraient im-
possibles ou extrêmement longues parles moyens ordinaires.
À notre époque, où l'habileté d'exécution tient une si large
place dans la valeur d'une œuvre, chaque artiste a ses
ficelles plus ou moins adroites, plus ou moins inédites. L'un
peint ses petits tableaux sur des toiles dorées ou argentées et
obtient ainsi une richesse de tons qu'il chercherait vaine-
ment par d'autres moyens ; un autre, photographe habile,
et dessinateur médiocre, charge la chambre noire de dessi-
ner pour lui les petits personnages de ses tableaux. Un
sculpteur moule sur le modèle même les pieds et les mains,
qu'il ajuste ensuite adroitement à ses figures ; pendant qu'un
autre, arrosant son marbre avec de l'eau acidulée, accen-
tue le relief des plis de ses draperies en colorant leurs
creux. Ces moyens sont souvent, il faut le dire, peu
durables d'effets, et ne remplacent qu'imparfaitement l'étude
et le talent. On peut citer comme exemple des inconvénients
qu'ils peuvent avoir la fameuse coupole peinte par Mignard
et connue sous le nom de la Gloire du Val-de-Grâce ;
l'artiste, au moment de découvrir son œuvre, la retoucha
secrètement à l'aide du pastel, et en rehaussa ainsi consi-
dérablement la fraîcheur et la puissance de coloris. Elle
excita ainsi l'admiration générale ; mais lorsque les accents
de pastel se pulvérisèrent et tombèrent, au bout de quel-
ques années, elle devint ce qu'elle est toujours restée
depuis, une peinture sèche, froide, et dépourvue de tout
charme dans la couleur. Ad. T.
FICHAGE (Archit.). Mode de liaisonnement des pierres
d'appareil posées à l'aide de cales. L'opération du fichage
consiste à introduire du mortier dans le lit de pose à l'aide
d'une fiche, outil spécial composé d'une lame triangulaire
ou rectangulaire en tôle dentelée, plat ou coudé et muni
d'un manche de bois. Pour les joints verticaux, on les fiche
de même, mais après en avoir bourré les bords extérieurs
avec de l'étoupe afin d'empêcher le mortier de s'échapper.
Le fichage que l'on est obligé d'employer dans la pose des
pierres faite par reprise ou par incrustement, ne vaut pas
la simple pose à bain de mortier fin qui évite l'emploi de
cales et permet une répartition ainsi qu'une compression
plus régulière du mortier. Charles Lucas.
FICHE. I. Technologie. — Ce mot est susceptible d'un
grand nombre d'acceptions en technologie. Les menuisiers
emploient les fiches pour leurs assemblages ; ce sont des
pièces de cuivre ou de bois formée de deux ailes unies par
une rivure.-— Les maçons se servent pour faire pénétrer le
mortier dans les joints de fiches en fer plat.-— Les facteurs
roulent les cordes des instruments de musique sur des
chevilles en fer nommées fiches.— En télégraphie, la fiche de
commutateur est une cheville en cuivre munie d'une tête
isolante en ébonite et que l'on enfonce dans un trou ménagé
entre deux blocs ou deux lames de cuivre isolés Fun de
l'autre, quand on veut les réunir métalliquement. Tantôt
la fiche est pleine, tantôt elle est creuse ; dans ce dernier
cas, elle est fendue dans une partie de sa longueur, afin de
faire ressort quand on l'enfonce dans le trou. — C'est
encore une tige de fer de 20 centim. environ que l'on
fiche en terre pour marquer les points du terrain où s'arrête
la chaîne d'arpenteur quand on mesure une distance au
moyen de cet appareil (V. Chaîne). L. K.
IL Architecture. — Fiche a vase. Variété de fiche à bou-
ton qui se rencontre fréquemment dans les charnières des
vantaux de portes, de croisées ou d'armoires du dernier
siècle. Dans ces fiches, le bouton, au lieu d'être sphérique
ou ovoïde, est remplacé par un véritable petit vase en forme
d'urne, parfois d'assez grande dimension.
FICHEL (Benjamin-Eugène), peintre français, né à
Paris le 30 août 1826. Il suivit les cours de l'atelier
Delaroche et débuta au Salon de 1849 par une Sainte Fa-
mille et le portrait de Abd-al-Ramid-Bey. Il exposa en-
suite Guillaume Harvey démontrant la circulation
du sang à Charles Ier, roi d'Angleterre (1850), et le
Peseur d'or (1852). Il se créa promptement une originalité
en exécutant dans de minuscules proportions des tableaux
où il fit revivre avec une précision pittoresque et amusante
les mœurs d'autrefois. Il s'appliqua surtout à étudier le
xvme siècle et à en traduire la vie élégante et les habitudes
407
F1CHEL — FICHTE
populaires. Ses œuvres, à la vérité, n'ont guère que l'in-
térêt de vignettes singulièrement. exactes dans les détails,
d'une archéologie scrupuleuse, mais dont la sécheresse est
relevée, toujours, par l'imprévu d'un esprit curieusement
aimable et vif. C'est, comme on l'a dit, de la peinture fla-
mande parisianisée. Parmi les œuvres de M» Fichel qui
sont très nombreuses, nous citerons : la Toilette, le Café,
le Lever (1853); Une Matinée intime (Exposition uni-
verselle de 4855), qui appartient à la princesse Mathilde ;
Une Matinée dramatique, la Partie d'échecs, le Bap-
tême de Wle Clairon, Amateurs dans un atelier de
peinture, Un Café de province au xvme siècle (1863) ;
V Arrivée a V Auberge (1863), qui figure au musée du
Luxembourg ; l'Audience du ministre (1864); V Empe-
reur Napoléon Ier combinant des manœuvres (1866),
qui appartient à la princesse Mathilde ; Diderot et le ne-
veu de Rameau au café de la Régence (1866); Ama-
teurs chez un peintre et Ouvrez au nom du roi!
(1866); Un Corps de garde et Joueurs d'échecs (1868);
la Nuit du 24 août J572 {Avant le massacre) (1869);
Un Quatuor (1870); Fondation de l'Académie fran-
çaise (1872) ; Bufjon, recevant dans son salon une foule
de visiteurs (1873) ; la Forge du roi Louis XVI (1874) ;
le Cabaret de llamponneau et A F hôtel Drouot (1877) ;
le Savetier et le Financier (1878); le Neveu du Curé,
la Dernière Acquisition du maître (1879); la Signa-
ture du Contrat (1880); la Carte à payer (1881) ; la
Fin du dîner, lé Dernier Coup de dé (1 882) ; Avant
et Après la recette (1884) ; Conseil de guerre et le Toast
(1890); le Baiser dans la glace (1891), etc. — Mme Fi-
chel, née Jeanne Samson, élève de son mari, expose
presque chaque année des tableaux de genre depuis 1878.
Victor Champier.
FICHERELLI ou FICARELLI (Felice), dit Biposo,
peintre de l'école florentine, né à San Gemignano vers
1605, mort en 1660. Il fut élève de l'Empoli, mais imita
Cristofano Allori. Son calme lui valut son surnom : il cau-
sait fort peu. Talent simple, naturel ; coloris moelleux et
délicat. Ses principales œuvres sont : la Vierge offrant
V enfant Jésus à V adoration de saint Antoine de Padoue,
qui est à Florence ; Dalila, à la galerie Riponi; Adam et
Eve au Paradis terrestre, à la galerie Rinuccini; et
Lucrèce et Tarquin, à Dresde.
FI G H ET (Guillaume), recteur de l'université de Paris
au xve siècle* Le surnom (VAlnetanus qu'il a pris quel-
quefois a pu faire supposer qu'il naquit à Aulnay ou à Anet9
mais on n'en a pas de preuves, et il est possible d'admettre
que cette appellation désigne un bénéfice situé dans l'une
des nombreuses localités appelées Aulnay, Aunay ou Anet.
Fichet fut élu recteur de l'université de Paris le 23 juin
1467. Dans Pexercice de cette haute dignité, il eut le mé-
rite, qui l'a rendu célèbre, d'installer à la Sorbonne le
premier atelier typographique qui exista en France ; les
trois ouvriers qu'il y employa ont, eux aussi, des noms
illustres dans l'histoire de l'imprimerie ; ce sont : Ulric Ge-
ring, Michel Crantz et Martin Friburger. Sur leurs presses
furent tirés deux livres de Fichet : Ficheti Guillelmi, ar-
tium et theologiœ doctoris, Bhetoricorum libri 111
(s. d., mais 1470, in-4); Ficheti Guillelmi Epistolœ
(s. d., mais 1471, in-4). C'est également à la Sorbonne
que fut imprimé, en 1472, le Traité de l'Orthographe,
de Jean de La Pierre, précédé d'une épître adressée par
Guillaume Fichet à Robert Gaguin. Les exemplaires pari-
siens de ce traité ne contenaient pas l'épître en question ;
le texte en a été retrouvé à la bibliothèque de Baie, et
M. L. Delisle en a publié pour la Société de l'Histoire de
Paris une reproduction héliographique (1889, in-8).
Fernand Bournon.
Bibl. : J. Philippe, Guillaume Fichet, sa vie et ses
œuvres. Introduction de l'imprimerie à Paris; Annecy,
1892, in-8.
FICHET (Alexandre) , hagiographe français, né au Pe-
tit-Bornand en 1588, mort à Chambéryle 30 mars 1659.
Entré dans la Société de Jésus en 1607, il enseigna au
collège de la Trinité de Lyon. Il a écrit : Favus mellis ex
variis sanctis Patribus collectus (Lyon, 1615, in-24) ;
Chorus poetarum classicorum (Lyon, 1616, in-4) ; Vie
de la mère de Chantai (1642, in-8) ; Arcana studiorum
omnium (1649, in-8).
FICHEUX. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant. de Beaumont-les-Loges ; 557 hab.
FICHOUS-RiuMAYOu.Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Orthez, cant. d'Arzacq; 281 hab.
F1GHTÂLA (Qasbade), appelée aussi Fichtâla de lâdla
(V. ce mot). Qasba du Maroc, construite par Moulaï Ismael
sur le modèle de la qasba de Tâdla de l'ouad Oumm er
Rebia. Fichtâla est le siège, de nos jours, d'une zaouiya
dont les chorfa sont souverains absolus du lieu ; elle est
située entre l'ouad Fichtâla et Pouad Foum el Ancer, sur
les premières pentes du moyen Atlas, le long du territoire
des Ait Saïd et des AïL Abd el Ouâli ; elle domine dans les
grandes et fertiles plaines du Tâdla dont elle assurait jadis
la sécurité contre les incursions des montagnards, avant
d'être en ruine. Elle n'a plus, de nos jours, de remar-
quables que des grands rochers où une foule de ruisseaux
bondissent en cascade au milieu de jardins merveilleux,
comparables à ceux de Taxa et de Sefrou.
FICHTÂLA ou FEGHTÂIA, Grande tribu du Maroc;
les Fichtâlas sont des montagnards sanhadjiens (Ibn Khal-
doun) ; ils sont soumis et habitent sur le chemin de Fez au
Rif, à une journée au N. de Fez ; ils ont un cheikh nommé
par le sultan et dépendant de l'autorité du pacha de Fez
Djedid. Le territoire des Fichtâla est assez bien cultivé et
sert de passage vers la célèbre montagne de Moulaï bou
Cheta, sanctuaire très vénéré qui supporte les ruines ro-
maines de la Prisciana de Mêla (V. ce mot) et au delà de
laquelle commence le territoire des Béni Zeroual, autre tribu
sanhadjienne qui fait déjà partie du Rif.
H.-M.-Po de Là Martinière.
FICHTE (Johann-Gottlieb), philosophe allemand, né à
Rammenau (iïaute-Lusace) le 19 mai 1762, mort à Berlin
le 28 janv. 1814.
Biographie. — Fils d'un rubanier, il se signala dès l'en-
fance par une mémoire exceptionnelle et un esprit éveillé,
passa par les écoles de Meissen, Schulpforta, entra en 1780
à l'université de léna comme étudiant en théologie ; il passa
de là à Leipzig. La lecture de Spinoza décida sa vocation
philosophique. Précepteur à Zurich (1788-90), il y connut
une nièce de Klopstock, Johanna Rahn, qu'il épousa plus
tard (1793). Précepteur à Varsovie, il s'enthousiasma pour
Kant, vint le voir à Kœnigsberg (1792) et écrivit en quatre
semaines, comme introduction auprès du maître : Versuch
einer Kritik aller Offenbarung (Kœnigsberg, 1792 ;
2° éd., 1793). Ce livre fut attribué à Kant lui-même, qui
lit la réputation de l'auteur en le nommant. Revenu à
Zurich, Fichte s'occupe de politique et défend la Révolu-
tion française (Beitrag %ur Berichtigung der Urteile
des Publikums ilber die franzœsische Bevolution ;
léna, 1793 ; Zuriickforderung der Denkfreiheit ; léna,
1794). En mai 1794, il s'établit à léna et y publie deux
manuels ( Ueber den Begriff der Wissenschaftslehre ;
Weimar, 1794 ; 2e éd., 1798 ; Grundlage und Grun-
driss der gesamten Wissenschaftslehre; léna, 1794,
2 part. ; 3e éd., 1802). Il y développe son système. Sou-
cieux d'agir sur le moral des étudiants, il prend pour sujet
de son cours du semestre d'hiver 1794-95, Die Moral
fur Gelehrte, Il excite la haine des étudiants par ses vel-
léités réformatrices et est obligé de quitter léna quelque
temps (1795). Il développe alors sa philosophie politique
(Grundlage des Naturrechts ; léna, 1796, 2 part. ;
System der Sittenlehre ; léna, 1798 ; Des Geschlossene
Handelsstaat ; Tubingue, 1800). En 1798, sa position
devint critique. Dans le Philosophischer Journal de Nie-
thammer, Froberg développant .cette idée que la religion se
réduit à la croyance en une ordonnance morale de l'uni-
vers, Fichte lui fit une préface où il exposait la même
FICHTE
— 408 —
théorie ; accusés d'athéisme, les deux écrits furent confis-
qués, le journal interdit par l'électeur de Saxe qui invita
la cour de Weiniar à sévir. Fichte en appela au public
(Eine Schrift, die man erst %u lesen bittet, ehe man sie
konfisziert, 4799); le duc de Weimar fit admonester
Fichte, lequel démissionna. Il fut appelé à Berlin par le
ministre Dohm, puis nommé professeur à l'université (alors
prussienne) d'Erlangen (1805). Il fut chargé, en 4807, de
tracer un plan de l'université de Berlin, que G. de Hum-
boldt et Schleiermacher firent rejeter. Ses conférences
(Reden an die deutsche Nation; Berlin, 4807-4808) eu-
rent un vif succès, de même que son cours professé à
partir de 1809 à la nouvelle université. Il s'intéressa vive-
ment à la guerre de 4843, congédiant ses élèves par une
leçon : Ueber den Begriff des wahrhaften Kriegs ; il
reprit son cours à la fin de Tannée ; mais sa femme, qui
avait passé cinq mois à soigner les blessés et les malades,
avait contracté dans les ambulances une fièvre typhoïde ;
elle guérit, mais la communiqua à son mari qui en mourut.
Philosophie. — On distingue dans la vie de Fichte : une
période de formation (1762-94), où il subit l'influence de
Spinoza et de Kant ; une période de production philoso-
phique (1794-99); une période de propagande et d'action
(1799-1814).-
Dans l'histoire de la philosophie allemande, Kant ouvre
une ère nouvelle. Fichte a développé la pensée de Kant.
Le système de Kant est un idéalisme critique, une
conception des choses considérées comme des détermina-
tions imposées à la réalité absolue par notre pensée finie,
c.-à-d. comme des phénomènes : de la sorte les objets ne
sont que nos idées. Quant à la réalité absolue, Kant en
faisait un objet de foi morale. Le système de Fichte est
encore à certains égards un idéalisme critique qui pose
l'objet comme relatif au sujet, à la fois comme produit par
le sujet et le limitant, en sorte que le sujet en prenant
conscience de soi poursuit la réduction de l'objet au sujet
sans l'achever jamais. Mais cet idéalisme critique s'ap-
puie sur une conception de la réalité absolue comme sujet
pur ou liberté absolue ; et par suite le système est un
effort pour déduire de cette conception et les fonctions de
la raison théorique et les conditions de la vie morale. Mais
par là même Fichte retrouve encore ce principe de Kant
désigné sous le nom de primat de la raison pratique et
qui revient à donner à la foi morale une portée supérieure
au savoir, en faisant de la raison théorique un organe de
la vie morale, c.-à-d. de la science elle-même une réalisa-
tion, incomplète il est vrai, de la liberté. En somme Fichte
construit à priori le même monde dont Kant avait tracé
le plan dans son analyse de la raison humaine; mais, par
cela même que ce monde est un monde moral, et que la
pensée de Fichte le construit, le système n'est plus seule-
ment une conception, une spéculation pure ; il devient vi-
vant et pratique : la vie de Fichte en est pour ainsi dire
l'expression.
Ainsi, dans ce système, le premier principe se développe,
le sujet pur se réalise en se remplissant de son contenu.
La doctrine de la science dans sa partie théorique et
dans sa partie pratique, les doctrines du droit, de la mo-
rale et de la religion, nous font assister à ce développe-
ment et en décrivent les phases successives.
Doctrine de là science. — 4° La méthode. Le sujet
pur se pose et par là pose le fondement commun de toute
pensée et de tout être, c'est l'acte premier. Cependant par
cela même qu'il est un, il reste encore étranger à lui-
même. Pour se penser il doit réfléchir sur soi et s'opposer
l'Être à titre d'objet. Cette négation de soi est le second
acte du sujet. De là une contradiction qu'il doit résoudre
en posant l'être et la pensée comme relatifs l'un à l'autre
et réciproquement déterminés l'un par l'autre. Cette rela-
tion qui est le lieu de la conscience constitue le troisième
acte du sujet. Ces trois actes donnent en même temps la
forme du système ; le premier fournit le principe d'iden-
tité ; le second, le principe de. contradiction ; le troisième
le principe de raison. Par le premier est fondée l 'unité
absolue des choses ; par le second et le troisième les oppo-
sés s'unissent pour tendre à réaliser cette unité. Ainsi les
lois logiques, les catégories sont des actes de la liberté.
Le troisième acte donne au sujet son contenu positif,
c.-à-d. la possibilité de sa réalisation successive. Il enferme
donc toute la série des actes ultérieurs de l'esprit.
2° Partie théorique, a. Point de vue du réalisme. Quand
le sujet se pose comme limité par l'objet, il attribue par une
première réflexion la réalité absolue à l'objet et le con-
çoit comme cause de ses déterminations. C'est encore le
point de vue de la causalité. — b. Point de vue de Y idéa-
lisme. Mais, par une réflexion plus profonde, il s'aperçoit
qu'il ne peut attribuer la réalité absolue à un objet qui
existe en dehors de lui, à un noumène, puisqu'une telle
attribution est encore un acte de la conscience. Il faut donc
que sa passivité soit un degré de son activité essentielle et que
ses déterminations soient les modes par lesquels il réalise sa
substance. C'est là encore le point de vue de la substance
(entendons par là le sujet). — c. Cependant le sujet en se
réalisant ainsi se représente nécessairement un objet qui le
limite. Cet objet n'est pas réel en soi, c'est le sujet qui le
pose, qui lui attribue la réalité, qui la lui « transmet ».
Et cette représentation de l'objet est l'œuvre inconsciente
de l'imagination : l'esprit ne pouvant être à la fois agis-
sant et réfléchissant, son activité est nécessairement brisée
en une série de productions et de réflexions. Dans ce flot-
tement entre l'infinité de l'activité productrice et la déter-
mination de la réflexion, ce que l'esprit a produit sans
conscience lui apparaît comme réalité étrangère qui condi-
tionne sa conscience. Ainsi « la réalité n'est qu'un produit
de l'idéalité », mais l'idéalité n'est possible que par la repré-
sentation de ce qu'elle a produit. Tel est le point de vue
de Yidéalisme critique. Il fournit la solution du problème,
autrement inexplicable, de l'accord de la pensée et de l'être,
et il explique l'apparente division de l'être en réel et en idéal,
laquelle tient au développement même de l'esprit; de sorte
que sous l'action réciproque du sujet et de l'objet se cache
au fond une action réciproque du sujet avec lui-même.
3° Partie pratique. Cependant cette action du sujet sur
lui-même qui est la .condition de la possibilité de la cons-
cience n'est pas entièrement comprise. Pour que le sujet,
infini dans son essence, se limite dans ses déterminations,
il faut qu'il soit quelque chose de plus qu'esprit, pensée,
intelligence. La seule conception possible d'une synthèse
du fini et de l'infini se trouve dans la tendance à être. La
tendance est à la fois infinie dans sa forme, finie dans sa
matière ; elle implique une limite qui s'oppose à l'actuali-
sation de son infinité et qui peut être reculée à l'infini.
£ette tendance est pratique, et en même temps elle ne peut
dépasser sa limite qu'en la comprenant, c.-à-d. par l'in-
termédiaire de la conscience. Par là se manifeste l'unité
absolue du sujet pur, qui est à la fois liberté et raison. Le
premier terme fait l'infinité de l'être, le second sa détermi-
nation et sa limite ; et cependant l'infinité de l'être se réa-
lise dans la pensée.
Doctrine do droit. — La doctrine de la science a posé
la tendance du sujet à se réaliser. La doctrine du droit
et la morale déterminent les conditions de cette réali-
sation. La doctrine du droit a pour objet de démon-
trer que cette réalisation s'accomplit dans une pluralité
d'individus agissant chacun au sein d'une « sphère exclu-
sive » qui est son corps. Elle prétend donc déduire de la
nature du sujet : 1° l'existence d'une pluralité de moi ;
2° l'existence d'un corps propre du sujet. Cette double déduc-
tion, d'ailleurs obscure, peut s'entendre ainsi : 1° La dis-
tinction du sujet et de l'objet reste tout idéale au point de
vue de la pensée. Il en est autrement au point de vue de
l'activité pratique. Dès qu'on pose la tendance pratique
du sujet à se réaliser, il faut que, au delà de la représen-
tation de l'objet, il y ait quelque chose de réel qui agisse
sur le sujet conscient. Et comme l'activité du sujet cons-
cient est liberté, il faut encore que cette activité limitative
- 409 —
FICHTE
de la sienne soit pareillement liberté : ainsi l'existence de
la liberté implique une pluralité d'êtres libres se limitant
mutuellement. Ce rapport est le principe du droit. 2° Et
pour cela même il faut encore que chacun de ces moi finis
ait une sphère propre d'action, c.-à-d. qu'il soit individua-
lisé dans un corps organique. Le rapport de droit repose
sur un rapport de forces physiques se déployant dans un
monde sensible commun. 3° Pratiquement le droit réside
dans cette limitation que chacun doit imposer à sa propre
liberté. par l'idée de la liberté d'autrui. Et cette limitation
pouvant être librement méconnue, il faut qu'elle soit impo-
sée au besoin parla contrainte. De là la nécessité de l'Etat.
L'Etat est ainsi la sphère du droit.
Morale. — Maintenant l'activité individuelle ainsi limitée
à l'extérieur dans la sphère du droit est animée inté-
rieurement par un principe de liberté qui est l'objet de la
morale. La morale doit : 1° déduire l'idée du devoir ;
2° définir la condition de son application au monde réel ;
3° en déterminer le contenu. 1° La vie morale est la réa-
lisation du principe abstrait fondement du savoir. Elle con-
siste en ce que le sujet conscient se détermine à agir par
l'idée de son essence. Cette détermination, qui est liberté
dans le sujet pur, devient en nous obligation. La liberté
est pour le moi fini un devoir-être. Le devoir exprime
donc notre nature. Il est la synthèse des deux termes oppo-
sés qui la constituent, l'infinité de l'essence et la détermi-
nation de la réflexion, le lien de l'activité et de la pensée,
du sujet et de l'objet.* Il est la seule image possible pour
nous de l'absolu, la projection en nous de la liberté pure.
2° A quelle condition est-il possible? Il faut que le monde
où nous vivons ne nous soit pas un monde étranger, une
terre d'exil, mais que nous y trouvions le champ ouvert à
notre activité morale. Il en est ainsi si le monde est pro-
duit par la liberté même, s'il est non une nature (idée que
Fichte a écartée), mais un monde moral que nous ayons
seulement la charge de maintenir et d'achever. 3° En effet,
le contenu du devoir est fourni par l'existence des autres ;
l'individu lié parle devoir à l'esprit infini, et ne s'y unissant
que dans la conscience de soi-même, n'existe cependant pas
par lui-même. Il a son principe dans les autres et il ne trouve
que dans les autres l'objet de son devoir. L'homme n'est
homme que parmi les hommes. Il n'est libre que dans lame-
sure où l'humanité devient libre. La forme du devoir s'énonce
dans cette maxime : il faut gue la liberté soit. Le contenu
du devoir donne cette détermination nouvelle : que, par cha-
cun de vous, tous deviennent libres. Dans le dévouement de
l'individu à l'humanité consiste la perfection de la vie morale
et par là se prépare l'avènement de l'esprit. A ce point de
vue nous comprenons la société plus profondément qu'au
point de vue du droit. Au-dessus de l'Etat est la société
morale : celle-ci suppose une communauté de convictions
qui permette l'action réciproque, sorte de corps de la
société, et pour animer ce corps, des savants ou éducateurs,
dont la mission soit à la fois de créer des vérités toujours
plus hautes et de les vulgariser dans la foule. Cette idée
du savant, Fichte en fut la vivante incarnation. On com-
prend dès lors le sens et la portée de cette série de prédica-
tions qui étaient les actes du penseur, et dont quelques-
unes eurent un retentissement si considérable, comme les
Discours à la . nation allemande. Il se proposait de
régénérer l'Allemagne par une éducation nouvelle fondée
sur l'autonomie de la conscience et cherchant sa fin dans
la pureté de la volonté assurée par la clarté de l'entende-
ment. Le peuple allemand était seul capable d'une telle
régénération parce que seul il était d'une race pure (Ur-
volk), mais par cela même il devait être parmi les peuples
ce que doit être le savant dans la société afin de répandre
dans le monde l'esprit nouveau qu'il aurait produit. Le
devoir de l'Allemagne était par là, dans la pensée de Fichte,
le devoir humain lui-même.
Religion. — Quel est le caractère du système que nous
venons de résumer bien imparfaitement ? On sait qu'il a
été taxé d'athéisme. Nulle appréciation plus injuste, puis-
qu'il est tout rempli de l'idée de Dieu. Cependant Dieu lui-
même, le sujet pur, est plutôt, semble-t-il, le terme de
l'évolution du monde qu'il n'en est le principe. Le divin
est subjectivité, moralité, par conséquent en train de se
faire ; Dieu ne serait que le caractère moral de l'ordre des
choses. Cependant, en avançant, Fichte a incliné à donner
à sa pensée un caractère plus religieux ; il semble qu'il ait
fait effort pour attribuer à Dieu une existence plus réelle.
Il ne faut pas voir dans ces derniers écrits ce qu'on a
appelé une seconde philosophie, mais une tendance nou-
velle et peut-être même une idée qui ne tient pas absolu-
ment à ses principes, l'idée d'un monde intelligible où ces-
serait la contradiction de l'infini et du fini, du sujet et de
l'objet, où la liberté éternellement possible serait aussi
éternellement réelle. Ce monde serait au fond celui que
postule le devoir, celui où l'esprit est ce qu'il doit être, où
il se réalise dans toute sa pureté ; sa liberté poserait son
être même, et, dans un acte où le sujet et. l'objet seraient
absolument un et identique, réaliserait l'infini. Maintenant
cet acte ne serait point pour nous objet de science puisque
l'unité du sujet pur ne peut être l'objet de la conscience
qui n'existe que dans l'opposition du sujet et de l'objet.
Réel en soi, il ne serait pour nous qu'une idée, un objet
de croyance. Ainsi, dans ses dernières méditations, notre
philosophe revient à ces premières pensées de Kant où il
avait puisé, son inspiration.
Les œuvres complètes de Fichte ont été publiées par son
fils à Berlin, en 4845-46 (8 vol.). En voici le contenu :
I. Philosophie théorique. T. 1 : 1792, Critique de l'Ené-
sidème de Reinhold ; — 4794, Du Concept de la doctrine de
la Science. Fondements de la doctrine générale de la Science.
Précis de la doctrine générale de la Science avec appendice
sur la dignité de l'homme; — 4797, Deux Introductions à
la doctrine de la Science. Essai d'une nouvelle exposition
de la doctrine de la Science. — • T. II : 4804, Exposition
delà doctrine de la Science; — 4800, De la Destination de
l'homme; — 4801, Rapport clair comme le jour sur la
nouvelle philosophie. Réponses à Reinhold ; — 4810, les
Données de la conscience. Précis général de la doctrine de
la Science.
IL Philosophie morale et politique. T. III : 1796-99,
Fondements du droit naturel d'après les principes de la
doctrine de la Science; — 4800, l'Etat commercial fermé.
— ■ T. IV : 4798, le Système de la morale d'après les prin-
cipes de la doctrine de la Science; — 4843, la Politique
ou du rapport de l'Etat primitif au règne de la Raison.
III. Philosophie religieuse. 4 792, Essai d'une critique de
toute révélation ; — 4798, Du Fondement de notre foi en
un gouvernement divin du Monde ; — 4799, Appel au pu-
blic contre l'accusation d'athéisme. Défense judiciaire contre
l'accusation d'athéisme; — 4806, Instruction pour la vie
bienheureuse.
IV. Philosophie populaire. T. VI : 4793, Demande en
restitution de la liberté de pensée, adressée aux princes de
l'Europe. Observations pour servir à rectifier le jugement
du public sur la Révolution française; — 4794, Quelques
Leçons sur la destination du savant; — 4805, De l'Es-
sence du savant. — T. VII : 4804, les Traits caractéris-
tiques du siècle présent ; — 4808, Discours à la nation alle-
mande; — 4807-4843, Fragments politiques. —T. VIII:
1793-4844, Mélanges et écrits divers.
Les écrits traduits en français sont : Destination de
VEomme, trad. Barchou de Penhôen (Paris, 4832, in-8);
Destination du Savant et de P Homme de lettres, trad.
Nicolas (Paris, 4838, in-8) ; Méthode pour arriver à la
vie bienheureuse, trad. Bouillier (Paris, 4845, in-8) ;
Doctrine de la Science, trad. Grimblot (Paris, 4846,
in-8) ; le Système de la Morale, trad. X. Léon (en pré-
paration). Xavier Léon.
Bibl. : Jmm.-Hermann Fichte, Joh. Gottl. Fichtes Le-
ben und litterarischer Briefwechsel ; Sulzbach, 1830-31,
2 vol. in-8; 2° éd., Leipzig, 1861. — Busse, Fichte und
seine Beziehung zut Gegenwart; Halle, 1848-49, 2 vol. —
Lôwe, Die Philosophie Èichtes ; Stuttgart, 1862. — Noack,
FICHTE — FICK
— 410 ~
Fichte nach seinen Leben, Lehren und Wirken\ Leipzig,
1862. — Zimmer, Fichtes Religionsphilosophie ; Berlin,
1878, et bon nombre d'études de moindre haleine dont on
trouvera l'indication dans Ueberweg. — En français, des
chapitres sont consacrés à Fichte dans Wilm, Hïst. de la
phil. allemande de Kant à Hegel, 4847. — Mme de Staël,
l'Allemagne.— Lévy-Brùhl, l'Allemagne depuis Leibniz,
Paris, 1890, in-12.
FICHTE (Immanuel-Hermanii von) , philosophe allemand ,
fils du précédent, né à Iéna le 48 juil. 4796, mort à
Stuttgart le 8* août 4879. Il fut professeur aux universités
de Bonn (4840), de Tubingue (1842-67) et fut anobli.
Un des principaux représentants de la réaction contre la
philosophie d'Hegel, qu'il essaye de moraliser en s'inspi-
rant surtout des derniers écrits de son père et par un
retour à l'idée de personnalité. Il exposa très clairement
le système de son père dans Charakteristik der neuern
Philosophie (Sulzbach, 1841, 2e éd.). Parmi ses ouvrages,
qui sont très nombreux, nons citerons : System der
Ethik (1850-53, 2 vol.) ; Anthropologie (1856); Die
theistische Weltansicht und ihre Berechtigung (1873) ;
Der neuere Spiritualismus (1878). — Son fils, Eduard
(né le 24 mars 1826), médecin inspecteur général du
royaume de Wurttemberg, auteur de nombreux travaux, a
publié sur son illustre aïeul : J.-G. Fichte. Lichtstrahlen
ans seinen Werken und Briefen (1863).
F1CHTELGEB1RGE. Massif montagneux de l'Allemagne
centrale, important surtout par sa situation, comme nœud
du système hercynien et comme centre de dispersion des
eaux. ,11 est compris entre le Jura allemand ou franconien
au S. -0., le Bœhmerwald au S.-E.,l'Erzgebirge auN.-E., le
Thuringenwald et le Frankenwald au N.-O. De sa montagne
centrale, le Schneeberg, découlent, à l'O., le Main qui,
par le Rhin, va vers la mer du Nord ; au S., la Nab rqui,
par le Danube, se perd dans la mer Noire ; à l'E., l'Eger,
affluent de l'Elbe ; un peu au N. naît un autre affluent
de l'Elbe, la Saale thuringienne. La structure orographique
du Fichtelgebirge est donc complexe ; ses principaux ali-
gnements sont orientés, comme ceux de l'Erzgebirge, du
S.-O. au N.-E. ; mais son rebord méridional l'est, comme
les sédiments plus récents, du S.-E. au N-.O., parallèle-
ment au Bœhmerwald et au Thuringenwald. Le massif doit
son nom à ses épaisses forêts de sapins. Ses limites sont
incertaines, mais le groupe principal a la forme d'un qua-
drilatère compris entre Eger à l'E., Rehau au N., Berneck
à l'O., relié parle plateau du Frankenwald au Thuringen-
wald, par l'Elstergebirge à l'Erzgebirge, se reliant, auN.,
au Vogtland. Il mesure une quarantaine de kilomètres dans
les deux sens, du N.-E. au S.-O. et du N.-O. au S.-E. ;
sa superficie est d'un millier de kil. q. ; au S.-O., il se
termine par des pentes abruptes au-dessus de belles prai-
ries. Il est séparé du Bœhmerwald par les vallées de la Nab
et de la Wondreb (affluent de TEger) ; auN., par celle de
FOElsnitz du plateau de gneiss de Munchberg, par lequel
commence le Frankenwald. Les formations géologiques do-
minantes dans le Fichtelgebirge sont le granit et les schistes
argileux. On y trouve des minerais de fer, de zinc (dans le
granit), d'antimoine, un peu d'or. — Les plus hauts som-
mets sont le Schneeberg (1,055 m.) et YOchsenkopf
(1,016 m.); ils sont reliés par un plateau marécageux
(779 m. d' ait.) où naissent le Main et la Nab ; l'Eger a sa
source au N. du Schneeberg, au S. du Waldstein (890 m.);
à l'angle méridional du massif, culmine le Steinwald
(969 m.-). — Malgré son rude climat (la neige fond en mai,
retombe en octobre) et les bois qui la recouvrent en grande
partie, la région du Fichtelgebirge est très peuplée : 80 hab.
par kil. q. ; elle est assez industrieuse, à l'exemple de celle
de l'Erzgebirge.
FIC H U. On désigne sous ce nom les mouchoirs lorsqu'ils
sont destinés à couvrir le cou et les épaules. La soie, la
fantaisie, la bourre de soie, le lin et le coton, sont les
matières qui s'emploient pour leur fabrication. Ils se tissent
toujours en taffetas; ils sont unis ou quadrillés; la réduc-
tion de chaîne et de trame est carrée.
FIC1N (Marsiie), théologien italien et philosophe plato-
nicien, né à Florence le 19 oct. 1433, mort à Careggi,
près de Florence, le 1er oct. 1499. Fils du premier médecin
de Côme de Médicis, il reçut sa première instruction dans
sa ville natale et fit ses études à Bologne. Il s'y consacra
spécialement à la lecture de Platon, auquel il voua, pour
le reste de sa vie, un véritable culte. De retour à Florence,
il sut faire partager son enthousiasme pour le grand philo-
sophe de l'antiquité, à son protecteur Côme de Médicis. Les
circonstances étaient, du reste, favorables à une restaura-
tion des lettres. A la suite du concile de 1439, convoqué à
Florence par le pape Eugène IV, pour rapprocher les Eglises
d'Orient et d'Occident, plusieurs savants grecs, venus pour
cette solennité, se fixèrent en Toscane. Telle fut l'origine de
la célèbre Académie platonicienne de Florence, fondée sous
l'inspiration de Gémiste Pléthon, et qui compta parmi ses
membres Jean Argyropoulos, les hellénistes Ange Politien,
Cristoforo Landino, etc. Côme voulut qu'il y eût un interprète
autorisé des doctrines du maître et il confia cette fonction à
Marsiie Ficin en le nommant président de son Académie. —
Ficin se voua concurremment à l'étude de la théologie et de la
philosophie dont l'objet, d'après lui, est le même, Dieu. Si
les enseignements de l'Evangile contiennent une révélation
parfaite de l'amour de Dieu pour ses créatures, ceux de la
philosophie spiritualiste font connaître Dieu comme sagesse
et vérité. Ils servent à étayer les dogmes sur le raisonne-
ment et fournissent aux esprits spéculatifs un élément indis-
pensable pour toute discussion sérieuse. Ficin ne voyait
qu'accord et harmonie entre le platonisme et le christia-
nisme. Aussi considérait-il le grand philosophe grec comme
un précurseur de Jésus-Christ. Il professa avec éclat les
doctrines platoniciennes, et il eut pour élève le futur sou-
verain Laurent le Magnifique. — A l'âge de quarante-deux
ans, Ficin entra dans les ordres et fut nommé chanoine de
Saint-Laurent. Ces fonctions nouvelles n'entravèrent pas son
activité philosophique. Loin de là. Il mena à bonne fin sa
traduction latine de Platon (1483-1484), l'œuvre capitale
de sa vie. Quelques années plus tard, il fit paraître divers
autres ouvrages, notamment Theologia platonica, sive
de animarum immortalitate (Florence, 1482); De Viia
(1489), bientôt suivis de traductions de Plotin (1492);
Jamblique et autres (1497) ; Denys l'Aréopagite (1496).
Citons encore la traduction italienne du De Monarchia,
de Dante (1476), et ses Epistolœ familiares (Venise,
1476). Ses œuvres ont été publiées à Baie (1561, 1567,
1576) et à Paris (1641, 2 vol. in-fol.).
Bibl. : Roscoe, Life of Lorenzo de' Medici, 1796. — Von
Reumont, Lorenzo de' Medici, 1874.
FICK (Franz-Ludwig), physiologiste allemand, né à
Erlangen le 18 mars 1813, mort à Marbourg le 31 déc.
4 858. Professeur extraordinaire de physiologie à Marbourg
(1839), puis chef de travaux anatomiques, il obtint en 1843
la chaire d'anatomie. Il fut l'un des créateurs du musée
d'anatomie de Marbourg. Principaux ouvrages : Physiol.
Anatomie des Menschen (Leipzig, 1842-45, gr. m-8) ;
Phantom des Menschenhirns (Marbourg, 1857, in-12,
3e éd.) ; Ueber die Ursachen der Knochenformen (Got-
tingue, 1857, in-4) ; Neue Unters. ilber die Knochen-
formen (Marbourg, 1859, in-4). — Son frère, Adolf, né à
Cassel le 3 sept. 1824, professeur de physiologie à l'uni-
versité de Wurtzbourg, est un des physiologistes les plus
distingués de l'Allemagne ; ses travaux sont extrêmement
nombreux. Dr L. Hn.
FICK (August), philologue allemand contemporain, né à
Petershagen (Westphalie) le 5 mai 1833. Il étudia la phi-
losophie à l'université de Gœttingue et y devint, en 1876,
professeur de philologie comparée. Il s'était déjà fait remar-
quer par un travail original et profond sur l'unité primi-
tive des langues indo- germaniques : Die ehemalige
Spracheinheit der Indogermanen Europas (Gœttingue,
1873). Son ouvrage- capital est le Vergleichendes Wôr-
terbuch der indogermanischen Sprachen (1874-76,
4 vol., 3e éd.). Il ne rendit pas moins de services à la phi-
lologie grecque par ses deux publications : Die griechische
411 —
FICK — FIDANZA
Personennamen (1814), et Die homerische Ilias nach
ihrer Entstehung betrachtet und in der ursprûng-
lichen Sprachform wiederhergestellt (1885). G. P-i.
FICOÏDE. I. Botanique. — (Mesembryanthemum L.).
Genre de plantes qui a donné son nom à la famille des Mésem-
bryanthémacëes (V. ce mot) . Les Ficoïdes sont des plantes
sous-ligneuses, plus rarement herbacées, à tiges et à feuilles
charnues, celles-ci cylindriques ou trigones, presque tou-
jours opposées ; leurs fleurs, hermaphrodites, de couleur
jaune, pourpre, rose, violette ou blanche, ont un calice
supère, une corolle à pétales nombreux, linéaires, des éta-
mines en nombre indéfini et un ovaire pluriloculaire qui de-
vient, à la maturité, une capsule d'abord charnue, puis
ligneuse et sèche, s'ouvranten plusieurs valves pour laisser
échapper de nombreuses graines à albumen farineux. — Le
genre renferme environ 300 espèces, répandues pour la
plupart dans l'Afrique australe, principalement au cap de
Bonne-Espérance ; quelques-unes cependant sont dissémi-*
nées dans l'Afrique tropicale, la région méditerranéenne,
l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Beaucoup sont cultivées
en Europe pour la beauté de leurs fleurs. Tels sont notam-
ment les M. tricolor Willd., M. edule L. et M. cristal-
linum L. Cette dernière espèce se rencontre à la fois au
Cap, aux Canaries et dans les sables maritimes de la ré-
gion méditerranéenne. Toutes ses parties, sauf les fleurs,
sont couvertes de nombreuses vésicules transparentes, rem-
plies d'une matière gommeuse incolore, insoluble dans l'eau,
et qui brillent au soleil comme des fragments de glace ;
d'où ses noms vulgaires de Glaciale, Herbe à la glace (Dia-
mond plant, Ice plant des Anglais) ; on l'a recommandée
récemment comme plante potagère. Aux Canaries, où elle
est appelée Barilla Moradera, ses graines servent à pré-
parer une sorte de farine alimentaire et on tire de ses
cendres une soude de bonne qualité. — Le M. edule L.
est une espèce vivace qui s'est naturalisée en Provence,
où on l'emploie pour orner les rochers. Elle est très esti-
mée au Cap comme plante potagère ; ses fruits comestibles,
appelés vulgairement Figues marines, Figues de mer,
constituent un aliment très recherché des indigènes. —
Le M. copticum L., espèce annuelle d'Egypte, fournissait
jadis la soude d'Alexandrie, dont les Vénitiens se servaient
pour la-fabrication des glaces dites de Venise. Enfin, les fleurs
du M. tripolium L., connues dans le commerce sous les
noms de Kali, Fleurs de Turquie, Fleurs de Candie, ser-
vent en Orient à la fabrication du carmin. Ed. Lef.
II. Horticulture. — Les Ficoïdes se cultivent en pots et
comme plantes de parterre, à une exposition chaude, dans
un sol siliceux, enrichi de terreau et bien drainé. Le plus
souvent cependant on les place sur les rocailles, en plein
soleil. Les espèces annuelles, comme la Ficoïde tricolore,
la Ficoïde cristalline ou glaciale, se multiplient de graines
semées sur couche en mars ou en automne. Lorsque les
jeunes plants montrent quelques feuilles, on les repique en
place ou en serre tempérée. Les semis d'automne fleu-
rissent de bonne heure au printemps. On peut aussi semer
directement en place. Le bouturage est le mode de multi-
plication ordinairement suivi. On bouture sur couche, en
été, ou en pleine terre à mi-ombre. La reprise est facile.
Pendant la végétation des Ficoïdes et tant que la lumière
est vive et la chaleur élevée, le sol doit être maintenu frais
par les arrosages. Dès les premiers jours de l'automne, on
rentre en serre les Ficoïdes plantées en pots et on n'ar-
rose plus que pour empêcher la terre de se dessécher com-
plètement. G. Boyer.
FICQUELMONT (Charles-Louis, comte de), militaire et
homme d'Etat autrichien, né à Dieuze (Lorraine) le 23 mars
1777, mort à Venise le 7 avr. 1 857. Son père mourut major
au service de l'Autriche. Entré fort jeune au service, Ficquel-
mont prit part à toutes les campagnes contre la France. En
1813, il parvint au grade de major général. La même année,
il fut nommé conseiller secret et fut envoyé comme ambas-
sadeur extraordinaire à Stockholm, puis à Florence, à Naples
et enfin à Pétersbourg.En 1830, il fut nommé lieutenant-
feld- maréchal. En 1839, en l'absence de Metternich,
il fut chargé du ministère des affaires étrangères; en
1840, il fit partie du ministère dit de la Conférence en
qualité de ministre d'Etat ; il dirigea en même temps
la section de la guerre au ministère des affaires étrangères.
En 1843, il fut nommé général de cavalerie et fut chargé
de diverses missions diplomatiques, notamment, en 1846,
à Berlin, à propos des affaires de Pologne. Après la
révolution de mars 1848, il devint ministre des affaires
étrangères. La déclaration de guerre à la Sardaigne fut
l'événement le plus important de son court ministère. Il
se retira le 4 mai et vécut désormais dans la retraite. Il a
publié un certain nombre d'écrits politiques : Ueber das
Gesetzt der Souverânetât (Vienne, 1849) ; Aufkldrungen
ilber die Zeit von $0 Mârz bis 4 Mai i848 (Leipzig,
1850); Deutschland, OEsterreich und Preussen (Vienne,
1851) ; Lord Palmersion, England and der Kontinent
(Vienne, 1852, 2 vol.) ; le Côté religieux de la Question
d'Orient (Paris, 1854) ; la Politique de la Russie et les
Principautés danubiennes (Paris, 1854); Examen de
conscience à V occasion de la guerre d? Orient (Bruxelles,
1856, in-8, ces trois livres traduits de l'allemand); Zum
kilnftigen Frieden (Vienne, 1856). L. L.
FICQUET (Etienne), dessinateur et graveur à Peau-forte
et au burin, né à Paris le 13 sept. 1719, mort à Paris le
11 déc. 1794. Elève de Schmidt et de Le Bas. Ce fut ex-
clusivement un graveur de portraits et il en exécuta envi-
ron deux cents, principalement pour la Vie des peintres
flamands par Descamps et pour la collection d'Odieuvre.
Il se rendit surtout célèbre par de tout petits portraits
d'une finesse de burin vraiment merveilleuse, parmi les-
quels se distinguent ceux de Boileau, de La Fontaine, de
Molière et de Mme de Maintenons Un Catalogue rai-
sonné de son œuvre a été dressé par Faucheux (Paris,
1864, in-8). G. P-i.
FICTIF (Point) (Géom.). Les points fictifs ont été
indiqués par G. Bellavitis, dans sa théorie des équipollences.
On sait qu'une courbe est représentée par une équipollence
OM = cp (t), £ étant un paramètre réel qu'on fait varier
de — co à -f- cx> ; si l'on vient à donner à t une valeur
imaginaire a -f- pi , il en résulte pour M une certaine posi-
tion, et le point M peut être considéré comme un point
fictif de la courbe. Si Ton donne à t les deux valeurs
conjuguées a + (&, a — (ft, on obtient un couple de points
fictifs associés M, W. On a ainsi, notamment, par un
couple de points associés, la représentation en coordonnées
à deux dimensions, d'un point dont les coordonnées sont
imaginaires. Cette notion des points fictifs mérite d'être
rapprochée des intéressants travaux de M. G. Tarry sur
la géométrie générale, publiés dans les comptes rendus de
plusieurs congrès de Y Association française pour l'avan-
cement des sciences (1887 à 1891). Bellavitis n'a fait
qu'effleurer ce sujet ; mais il y a là le germe d'une théorie
féconde et extrêmement intéressante au point de vue didac-
tique ; elle jette une grande clarté sur la notion des sécantes
idéales, et sur plusieurs questions- aujourd'hui introduites
dans l'enseignement d'une manière courante. Il est à pré-
voir qu'on arrivera ainsi à donner un caractère d'évidence
géométrique à des expressions analytiques qui conservent
encore une certaine apparence obscure et mystérieuse. A. L.
Bibl. : G. Bellavitis, Exposition de la méthode des
Equipollences (trad. C.-A. Laisant); Paris, 1874, p. 178.
FI DAN I (Orazio), peintre italien, né à Florence vers 1610,
mort après 1642. Elève de Giovanni Biliverti, il s'efforça
d'imiter son maître. Ses peintures, en grand nombre à
Florence, valent plus par la pureté du dessin caie par le
coloris trop sec. A l'église de la Chartreuse, huit tableaux
sont signés de cet artiste. La confrérie délia Scala possède
de lui un tableau représentant Tobie.
FIDANZA (Giovanni di) (V. Bonaventure).
FIDANZA (Francesco), peintre de l'école romaine, fils
de Filippi Fidanza (1720-90), imitateur du Guide, né à
Milan en 1749, mort à Milan en 1819. Elève de son père,
FIDANZA — FIDÉJUSSION
412 —
puis de Lacroix. Il fit surtout des marines et des paysages .r
C'est lui qui peignit pour le prince Eugène Le Lido, Ma-
lamocco, Chiozza, Rimini et Aucune (au musée Brera,
à Milan).
FIDANZA (Gregorio), peintre de l'école romaine, né
vers le milieu du xvme siècle, mort vers 1820, frère du
précédent. Il étudia Salvator Rosa et Claude Lorrain, et
peignit une Tempête pour le grand maître de Malte. Il fit
une copie admirable du Moulin, de Lorrain, pour le prince
Chigi. Quelquefois même il mit son talent au service des
falsifications de tableaux.
FIDÉICOMMIS.I. Droit romain. —A côté de l'institu-
tion d'héritier et du legs, on trouve dans le droit romain une
autre forme de disposition testamentaire qui remplit le même
office quoique d'une façon moins directe et moins sûre. C'est
le fidéicommis. Ce mode de disposition à cause de mort doit
son origine et son emploi fréquent aux restrictions de toute
sorte que la législation avait apportées tant à la faculté de
tester qu'à la capacité requise pour bénéficier des libéralités
testamentaires. Le citoyen qui voulait éviter la gêne des
formalités minutieuses imposées par les lois, ou gratifier
des personnes incapables, instituait un héritier capable et
le chargeait de remettre tout ou partie de son hérédité aux
personnes qui sans cela n'auraient pu recueillir les biens
qu'il leur destinait. Il y avait là une fraude, du moins un
détour contraire à la volonté du législateur. Aussi la per-
sonne gratifiée, fideicommissarius , n'avait-elle aucune
action contre l'héritier, fiduciarius, chargé d'exécuter la
volonté du disposant. Le testateur avait cru pouvoir s'en
remettre à la loyauté, à la fides de son héritier ; de là
l'expression : heredis fldei committere, fideicommissum.
Cicéron mentionne déjà le fidéicommis employé pour tourner
les lois de proscription de Sylla et pour faire fraude à la
loi Voconia. On s'en servait également pour gratifier les
pérégrins, les personœ incertœ, telles que les pos-
thumes et les personnes morales, plus tard pour faire par-
venir des libéralités à cause de mort aux personnes que les
lois caducaires privaient an jus capiendi ex testamento.
Mais, à partir d'Auguste, une transformation se produisit.
Le prince permit au fidéicommissaire de s'adresser aux
consuls pour obtenir l'exécution du fidéicommis contre le
fiduciaire récalcitrant. Dès lors, l'institution est reconnue
officiellement par le droit. Claude confirme cette inno-
vation en confiant à deux préteurs spéciaux la connais-
sance des questions que soulève à Rome l'exécution des
dispositions fidéicommissaires. Dans les provinces, ces pro-
cès sont, comme tous les autres, de la compétence du
gouverneur. Mais rendre obligatoires les fidéicommis,
c'était du même coup énerver tout l'effet des lois restric-
tives de la faculté de tester. Aussi, des sénatus-consultes
rendus sous Vespasien et Adrien déclarèrent nuls les
fidéicommis faits au profit de personnes privées du jus
capiendi, au profit des pérégrins et des personœ in-
certœ. Dans tout autre cas ils continuèrent à rester effi-
caces. Leur fréquent emploi s'explique d'ailleurs aisément.
En eux on trouvait un moyen commode d'éviter les formes
gênantes exigées pour les institutions et les legs. Contenu
dans un testament, le fidéicommis peut être incrit à n'im-
porte quelle place, en termes non impératifs, en langue
grecque. Il n'a pas même besoin de figurer dans un testa-
ment ; il peut être inséré dans un codicille non confirmé et
dans un codicille ab intestat.
Il y a à distinguer deux variétés du fidéicommis. 1° Le
fidéicommis d'hérédité porte sur la totalité ou sur une
partie aliquote de l'hérédité. Il remplit donc le même office
que l'institution d'héritier sur lequel il offre l'avantage
d'une forme plus libre. Deux sénatus-consultes, l'un sous
Néron, l'autre sous Vespasien, vinrent organiser cette
espèce de fidéicommis. Le premier, sénatus-consulte Tré-
bellien, prescrit la manière dont doit s'opérer la restitu-
tion imposée au fiduciaire et règle la question du transfert
des actions héréditaires de la tète du fiduciaire sur celle du
fidéicommissaire. Le second, sénatus-consulte Pégasien,
s'inspirant de la loi Falcidie, décide que l'héritier grevé
d'un fidéicommis aura droit à la quarte dite pégasienne,
comme s'il était en face d'un légataire. 2° Le fidéicommis
particulier a pour objet, non plus l'universalité des biens
ou une fraction de cette universalité, mais un ou plusieurs
biens déterminés. Quoique astreint à des formes moins ri-
goureusement sévères que le legs, il lui ressemble pour-
tant assez pour qu'on ait cherché à confondre ces deux
modes de disposer. C'est ainsi qu'on lui fit l'application de
la loi Falcidie. A l'époque de Justinien, la fusion est tout
à fait achevée. G. May.
IL Ancien droit et Droit actuel (V. Substitution).
FIDÉICOMMISSAIRE (V. Fidéicommis).
FI DÉISME (V. Foi).
FIDÉJUSSEUR (V. Fidéjussion) .
FIDÉJUSSION et FI D EPRO M ISSIO. La fidéjussion est
une forme de cautionnement qui a été précédée dans l'his-
toire du droit romain par la fidepromissio et aussi par la
sponsio. Ces deux variétés du cautionnement consistaient
dans un engagement verbal de la caution envers le créan-
cier. Celui-ci interrogeait la caution {sponsor ou fidepro-
missor) en ces termes : Idem spondesne, Idem fidepro-
mittisne. Mais cet engagement n'était reçu que lorsqu'il'
s'agissait de cautionner des obligations yerbis; il n'obligeait
pas les héritiers de la caution. De plus, une loi Furia de
l'époque républicaine, en vue d'améliorer la condition des
cautions, avait décidé que leur engagement cesserait au
bout de deux ans, et qu'entre plusieurs cautions, le far-
deau de la dette commune se partagerait en autant de parts
viriles qu'il y aurait de cautions obligées. Les créanciers
cherchèrent et la pratique leur fournit une nouvelle forme
qui sacrifiât moins leurs intérêts à ceux des cautions. Ce
fut la fidéjussion, où la caution, fidejussor, s'engage dans
la forme verbale : Idem fidejubeo, sur l'interrogation
qui lui a été adressée par le créancier. Ce qui caractérise
cet engagement et lui fait produire des effets plus pleins
que la sponsio et la fidepromissio, c'est l'ordre, jubeo,
que la caution donne au créancier. Par là, elle prend pour
ainsi dire l'initiative du crédit que le créancier va faire ou
continuer au débiteur. Elle est plus qu'un débiteur en
sous-ordre ; elle joue dans l'obligation un rôle principal ;
elle s'engage sous sa foi à payer comme le débiteur, la
même chose que le débiteur, en son lieu et place, s'il plaît
au créancier de s'adresser à elle. Ainsi s'explique pourquoi
son engagement diffère de celui du sponsor et du fidepro-
missor. Il ne s'éteint ni par la mort de la caution, ni par
l'expiration d'un certain laps de temps. Il peut avoir lieu
à l'occasion de toute dette, même de celle qui ne s'est pas
formée verbis. Enfin chaque fidéjusseur est tenu in soli-
dum, sans pouvoir invoquer la division de la dette établie
par la loi Furia. Ces avantages firent assez rapidement
disparaître de la pratique les deux formes anciennes de
cautionnement. La fidéjussion subsista seule. A l'époque
classique, sous Justinien, il n'est question que d'elle.
Les droits du créancier contre le fidéjusseur se déduisent
logiquement de la forme même de l'engagement. 4° Comme
le fidéjusseur s'est obligé, non pas en qualité de débiteur
subsidiaire, mais au même titre et sur le même pied que le
débiteur principal, il peut être poursuivi de préférence à ce
dernier. En pareil cas, il n'a pas le droit de renvoyer le
créancier à poursuivre au préalable le débiteur. Ce serait
là pourtant un avantage considérable, puisque ainsi il serait
dispensé de faire l'avance et moins exposé aux risques de
l'insolvabilité du débiteur. Cette faveur lui fut longtemps
refusée. Le fidéjusseur pouvait toutefois se protéger contre
les premières poursuites, en s'obli géant à ne payer que ce
que le créancier n'avait pu obtenir du débiteur. La fidé-
jussion est appelée alors par les interprètes : fidejussio
indemnitatis. Sous Justinien seulement, le fidéjusseur
obtint le droit de repousser les premières poursuites du
créancier sans avoir besoin de se le réserver expressément
dans son engagement. Ce fut là un bénéfice, c.-à-d. une
faveur à laquelle on donna le nom de bénéfice de discus-
413
FIDEJUSSION — FIDUCIE
sion. 2° Lorsque le créancier a actionné, soit le débiteur,
soit le fidéjusseur, et a poussé l'instance jusqu'à la litis
contestation il a consommé son droit à l'égard de celui des
deux débiteurs qu'il n'a pas poursuivi. Car, s'il y a plu-
ralité de débiteurs, il y a unité d'objet dû : la dette du
fidéjusseur a le même objet que celle du débiteur principal,
et cet objet ne peut être réclamé qu'une fois. Cette solution
d'une rigueur extrême était, en définitive, contraire au but
poursuivi par le créancier. S'il a demandé qu'on lui fournît
un fidéjusseur, c'est pour pouvoir demander à celui-ci ce
qu'il ne peut obtenir du débiteur principal. Ce fut également
sous Justinien qu'on se départit de cette inflexible appli-
cation des principes. Une constitution du code supprima
l'effet extinctif de la litis contestatio et permit de pour-
suivre successivement le débiteur principal et la caution
jusqu'à parfait payement. 3° Enfin, lorsque plusieurs fidé-
jusseurs cautionnaient la même dette, chacun d'eux ayant
promis le tout pouvait être poursuivi pour le tout. Un res-
crit d'Adrien, epistola Hadriani, introduisit ici en faveur
des cautions un bénéfice du genre de celui qu'avait établi
la loi Furia, le bénéfice de division. 4° Lorsque le fidé-
jusseur a payé tout ou partie de la dette qu'il a cautionnée,
il a un recours contre le débiteur, à moins qu'il n'ait agi
animo donandi. Ce recours s'exerce par voie d'action
mandati contraria ou negotiorum gestorum contraria.
Mais le fidéjusseur peut avoir d'autres actions à sa dispo-
sition, s'il a usé du bénéfice de cession d'actions (V. Béné-
fice de cession d'actions, t. VI, p. 143). G. May.
Bibl.: Gaius, III, 115-127. — Paul, Sent, I, 20. — Oig.,
De Fidejuss., XLVI, 1.— Cod. Justin., De Fidejuss., VIII, 41.
— Inst. de Justin., III, 20. — Accarias, Précis de droit ro-
main; Paris, 1886-1891, 4° éd., t. II, n° 559-573.- Ortolan,
Explication historique des Instituts, 11e éd., par Labbé,
t. II, nos 1384-1409. — Mainz , Cours de droit romain ;
Bruxelles, 1877, 4° éd., t. II, §§261, 262, 263. — Gaston May,
Eléments de droit romain; Paris, 1889-1890, l10 éd., t. Il,
nos 559-573. — Kuntze, Cursus des rômischen Rechts ;
Leipzig, 1879, in-8, 2° éd., §§ 662-665.
FI DELAI RE (Le). Corn, du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant. de Conches; 1,054 hab.
FIDÈLE (V. Catéchèse).
FIDÉLITÉ (Ordre delà). I. Gréé le 7 juin 1715, par
Charles-Guillaume, margrave de Bade-Dourlach. Il fut con-
firmé le 8 mars 1803 par Charles-Frédéric. Les membres
se divisaient en grands-croix et commandeurs, mais, à partir
du 17 juin 1840, l'ordre fut composé d'une seule classe de
chevaliers qui ne peuvent être que des souverains étrangers,
des membres des maisons régnantes, etc. Ruban jaune,
une raie blanche sur chaque bord.
II. Créé en Danemark le 7 août 1732, afin de perpétuer
le souvenir du mariage de son fondateur, Christian VI,
roi de Danemark, avec Sophie-Madeleine. Il fut parfois
désigné sous le nom d'ordre de V Union par faite. Il était
destiné à récompenser les personnes qui se distinguaient
par leurs vertus, leurs belles actions ou leur mérite. Il dis-
parut à la mort de la reine, survenue en 1770.
FI DÈN ES. Ville des Sabins (Italie ancienne), au confluent
du Tibre et d'Anio, à 8 kil. de Rome. Elle fut prise une
première fois par Romulus. En 653 av. J.-C, TullusHos-
tilius marcha contre les Fidénates révoltés et s'empara de
leur ville ; il se contenta de faire punir les chefs de la
révolte. Les Etrusques, dans leur lutte contre les Romains,
prennent Fidènes par trahison (594) ; mais, l'année sui-
vante, Tarquin l'Ancien reprit la ville ; les biens des habi-
tants furent partagés entre les Romains qu'il y laissa.
Après la chute de la royauté, Fidènes resta l'alliée des
Tarquins ; assiégée par trois fois, elle tomba enfin aux
mains du consul Latius (496 av. J.-C). Les habitants se
révoltèrent de nouveau avec les Véiens, en 435 av. J.-C,
et massacrèrent les ambassadeurs romains ; ils profitèrent
de la peste qui régnait à Rome pour s'avancer jusqu'aux
portes de la cité ; le dictateur Serviiius les repousssa et
reprit Fidènes. Cette ville reçut une colonie romaine en
425. En l'an 26 ap. J.-C, son amphithéâtre s'écroula et
tua vingt mille spectateurs. On trouve quelques ruines de
l'ancienne Fidènes auprès de Castel Giubileo (T.L.,1, IV ;
Dionys., liv. III, V). C Ganiayre.
FIDENZI (Giacomo-Antonio), poète italien, né à Flo-
rence vers 1596, mort en 1660. Il était comédien sous le
nom de Cintio, et remplissait avec grand succès les rôles
d'amoureux. Il a laissé, comme poète, un recueil de vers :
Capprici poetici (Plaisance, 1652, in-12) et un ouvrage
intitulé Efjfetto di divozione consagrato al merito indi-
cibile di due famosi in amicizia, Nicolo Barbarigo
e Marco Trevisano (Venise, 1628, in-4).
Bibl. : Nelli, Saggio di storia letleraria fiorentina del
secolo XVII ; Lucques, 1759, in-8.
FIDEPROMISS10 (V. Fidéjussion).
FIDER1S. Village de Suisse, cant. des Grisons, sur la
Landquart ; 395 hab. Dans une gorge pittoresque et sau-
vage se trouvent les bains très renommés du même nom ;
eaux ferrugineuses.
FI DES (Astron.). Nom du 37e astéroïde (V. ce mot).
FIDIUS (Dius). Divinité italique protectrice du serment;
on prêtait celui-ci à l'air libre (sub divo). Dius Fidius a
été identifié avec Semo Sancus.
FIDJI (Iles) (V. Vitï).
FIDONIE (Fidonia Tr.) (Entom.). Genre de Lépidop-
tères, qui a donné son nom à la famille des Fidonides, dans
la grande tribu des Phalénides. Ses représentants sont d'assez
jolis papillons, généralement de couleur jaune ou fauve, avec
des dessins ou des taches noires ou brunes. Les antennes
pectinées, souvent plumeuses chez les mâles, sont simple-
ment dentées chez les femelles. La spiritrompe est nulle ou
rudimentaire, et le thorax court, assez robuste, est tantôt
velu, tantôt couvert d'écaillés contiguës. Leurs chenilles
allongées, cylindriques, vivent sur les arbres ou les plantes
basses. L'espèce la plus importante. F. piniaria L., est
commune en France, dans les bois de pins où elle cause
parfois de grands dégâts. Une autre espèce, F.plumis-
tar la Yiil., abonde dans les garrigues, aux environs de
Montpellier. Sa chenille jaunâtre, maculée de brun, vit à
découvert sur le Dorycnium suffruticoswn L., de la fa-
mille des Légumineuses-Papilionacées. Ed. Lef.
FIDUCIE (Dr. rom.). Convention par laquelle un indi-
vidu qui reçoit la propriété d'une chose s'engage à la
retransférer à l'aliénateur dans certaines conditions, et à
l'aide de laquelle on pouvait réaliser des nantissements,
des dépôts et même des prêts à usage, soit avant, soit
depuis la reconnaissance des contrats de dépôt, de gage
et de commodat (V. ces mots). Cette institution a disparu
à l'époque de Justinien, et, par suite, la mention en a été
effacée dans les textes du Digeste et du Code. Mais des
informations assez abondantes nous sont fournies sur elle
par les auteurs littéraires, les Institut es de Gaius, les
Sentences de Paul, des inscriptions importantes, et enfin
par la restitution de l'édit du préteur où un procédé ingé-
nieux a permis de retrouver la place occupée dans l'édit
et les commentaires par l'action fiduciœ. — Quant à la
sphère d'application, l'aliénation fiduciaire, qui poursuit
au moyen d'une translation de propriété le même but que
le dépôt, le gage et le commodat, au moyen d'une cession
de la détention ou de la possession, ne peut évidemment
se réaliser que par des modes volontaires d'aliéner. Mais,
tandis que la convention de fiducie peut, selon des textes
formels, s'adjoindre à la mancipation et à Vin jure cessio,
c'est un point controversé de savoir si elle peut s'adjoindre
à la tradition. Il faut, croyons-nous, répondre négative-
ment. — Quant à l'effet de cette convention, une opinion
ancienne, qui a encore des partisans, prétend qu'elle aurait
fait naître une action personnelle en restitution dès l'époque
des XII Tables, en vertu de la règle in nexo mancipioque
uti lingua nuncupassit ita jus exto. Beaucoup d'inter-
prètes admettent tout au moins que l'action fiduciœ re-
monte au temps des Actions de la loi. A notre sens, cette
action, qui est de bonne foi et qui a probablement une
formule in faction à côté de sa formule in jus, ne peut
être antérieure à la première introduction de la procédure
FIDUCIE — FIEF
— 414 —
formulaire. Jusque-là, la fiducie trouva ses garanties dans
la confiance inspirée par l'acquéreur à l'aliénateur (d'où
son nom fiducia, cf. fides, fidei commissum), et aussi
dans une certaine facilité légale à recouvrer la propriété
par un an sans juste titre ni bonne foi, par cela seul que
la chose rentrerait dans la possession de l'aliénateur. S'il
voulait la garantie d'une action, il avait la ressource de
rendre le pacte obligatoire par un contrat verbal, de la
formule duquel viennent, croyons-nous avec M. Mommsen,
les mots qui sont rapportés par Cicéron (De Off., 3, 47,
70) et que d'autres rapportent à la legis actio fiduciœ.
Postérieurement, au plus tard dans la seconde moitié
du viie siècle, la fiducie est devenue un véritable contrat
réel nommé, générateur d'une action directe en exécu-
tion et d'une action contraire en indemnité des dépenses.
Ainsi sanctionnée par des actions, la convention de fidu-
cie a, malgré les inconvénients que l'aliénation fiduciaire
semblep résenter au point de vue de l'aliénateur, subsisté
durant toute la période classique où les jurisconsultes
commentent non seulement la fiducia cum creditore , à
titre onéreux, mais la fiducia cum amico, à titre gra-
tuit, et même dans lès temps postérieurs. Elle n'a sans
doute disparu que par contre-coup de la désuétude de la
mancipation et de Vin jure cessio. - P.-F. Girard.
Bibl. : La découverte par laquelle M. Otto Lenel a dé-
terminé la place de la fiducie dans Tédit et ses commen-
taires {Zeitschrift der Savigny-Stiftung, 1882, III, 104 et
suiv., 117 et suiv.; Edictum perpetuum, 1883, pp. 232 et
suiv.) a naturellement donné une impulsion ' nouvelle à
l'étude de cette matière en même temps que vieilli en
partie les travaux antérieurs. On trouvera une bibliogra-
phie complète dans les deux principales monographies
publiées depuis en France et en Allemagne, celles de
M. Jacquelin, la. Fiducie, 1891, et de M. Oertmann, Die
Fiducia im romischen Privatrecht, 1890. Ajoutez A. Per-
nice, Labeo, 1892, III, 1, pp. 120 et suiv., et Gôppert,
Zeitschrift der Savigny-Stiftung, 1892, XIII, pp. 317 et suiv.
FIED (Le). Gom. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. de Voiteur ; 361 hab.
FIEF. On nommait ainsi, dans l'ancien droit français,
du xie au xvme siècle, un mode spécial de tenure qui
s'appliquait non seulement à la terre, mais à toutes sortes
de biens, corporels ou incorporels, et qui fut l'institution
la plus caractéristique de la société féodale. Les juris-
consultes du xvme siècle définissaient le fief « une con-
cession faite à charge de fidélité et de service noble, avec
réserve d'un droit de seigneurie ». Il s'en faut de beau-
coup que cette définition, exacte pour les derniers siècles
de l'ancien régime, le soit aussi pour les premiers temps
de la féodalité. Comme les autres institutions de cette
époque, la tenure féodale a accompli une évolution pendant
laquelle son caractère primitif (et par conséquent le sens du
mot par lequel on la désignait) s'est plusieurs fois mo-
difié. Un seul caractère a constamment persisté : le fief
a toujours été une tenure par concession, grevée de ser-
vices, c.-à-d. le contraire de la propriété libre, de l'alleu.
Mais, si l'on veut préciser davantage, si l'on veut déter-
miner quels étaient les biens susceptibles d'inféodation, de
quelle nature étaient les services dus, quelles personnes
pouvaient tenir un fief, quels droits leur appartenaient, il
faut établir des distinctions suivant les époques; car, à
ces divers égards, les usages du xie siècle n'étaient pas
conformes aux coutumes du xme siècle, ni celles-ci au droit
du xvme. Dans l'étude de cette institution, on distinguera
donc trois états successifs, correspondant à trois grandes
périodes dont l'une embrasse le xie et le xne siècles,
la seconde le xme et le xrve siècles, la troisième les siècles
suivants jusqu'à la fin de l'ancien régime. Avant d'aborder
cette étude historique, il convient de faire deux remarques :
la première, c'est que, dans les développements qui vont
suivre, on n'envisagera que les caractères juridiques de
l'institution ; ses origines sociales et sa fonction politique
ont déjà été exposées à l'art. Féodalité. La seconde, c'est
que le fief n'était pas une institution spéciale à la France,
mais commune à toute l'Europe du moyen âge, qui a même
existé sous des noms divers à d'autres époques et chez
d'autres peuples et qui se retrouve encore dans quelques
régions de l'Afrique, et quelques îles de l'Océanie (V. Féo-
dalité, pp. 491, 495). L'étude comparative du fief dans
ces divers pays aurait de beaucoup dépassé le cadre de cet
article ; aussi a-t-on dû se borner à étudier avec quelque
détail le type français.
Première période : xie-xne siècles. — Le mot fief vient
du gothique faihu, par l'intermédiaire des formes latines
feus, fevus, fevodus, feodus, fendus, et des formes ro-
manes feu, fieu, fiet, fiez (d'où le verbe fever, fîéver,
fieffer, c.-à-d. gratifier d'un fief). Le mot faihu signifiait
primitivement bétail (cf. l'allemand moderne : Vîeh); puis,
par une association d'idées analogue à celle qui fit dériver
en latin pecunia de pecus, il prit le sens plus général
d'objet échangeable et appréciable en argent, de bien mo-
bilier, enfin d'immeuble : feus et feodus signifient souvent,
dans les chartes du ixe siècle, revenu payé en nature, cens
ou redevance fixe représentant un bien-fonds, et par suite
ce bien-fonds lui-même. Au xe et au xie siècle, ces mots
étaient synonymes de terra censalis, censuale, et dési-
gnaient vulgairement toute terre et tout office concédés à
charge de cens ou de prestation corporelle ; puis, vers la
fin du xie siècle, par un emprunt au parler vulgaire, ils
furent également appliqués aux concessions de terres et de
droits lucratifs que le senior faisait à ses compagnons
d'armes ou à ses vassi, et que l'on désignait jusqu'alors
sous le nom de bénéficia ou ^honores (acte de 4087 :
beneficium, quod vulgo dicitur feodum). Dès lors, sous
ses diverses formes latines ou françaises, le mot fief devint,
de préférence à tout autre, le terme habituel et général
par lequel on désigna toute concession faite à charge de
service, quel que fût l'objet concédé et quelle que fût
la nature du service. On étendit le même nom à la chose
qui était l'objet de la concession, et l'on appela fievé, fieffé
ou feudataire (fevatus, feodatarius) quiconque recevait
une de ces concessions. Ainsi on donnait en fief non seu-
lement des terres ou des maisons, mais des serfs, des reve-
nus fonciers (cens* ou prestation en nature), des profits de
justice, des péages, des dîmes ecclésiastiques, des pensions
en argent (feoda nummorum, de caméra), des offices de
toutes sortes, depuis les fonctions d'ordre administratif ou
judiciaire (feoda servientis, majoratus, advocacie),
jusqu'aux métiers manuels de charpentier, de boulanger,
de meunier, de cuisinier (feoda carpentarii, pistoris,
molendinarii, de coquina). Les services stipulés en retour
de la concession variaient aussi à l'infini ; tantôt ils étaient
de l'ordre le plus élevé et consistaient en une assistance
personnelle due au concédant pour la défense de sa per-
sonne et de ses biens ou pour l'exercice de ses droits sou-
verains (service militaire, service judiciaire, aides loyaux);
tantôt ils consistaient uniquement à remplir au profit du
concédant une fonction ou un office déterminé, à être son
intendant, son prévôt, son sergent, son chapelain, son
charpentier ou son cuisinier; tantôt enfin ils se réduisaient
à des redevances périodiques en argent ou en nature (cen-
sus) ou à des services corporels (corporis operœ). De
même que tout service pouvait être la charge d'un fief, de
même toute personne, quel que fût son rang dans la so-
ciété, pouvait recevoir une de ces concessions : on voit, au
xe et au xie siècle, des fiefs tenus non seulement par des
nobles, soldats, propriétaires ou gens d'Eglise, mais par
des paysans libres, par des artisans de tout métier et même
par des serfs. En somme, à cette époque, le fief n'avait
point, comme il l'eut plus tard, un caractère essentiellement
noble ; il y avait beaucoup de fiefs roturiers et même ser-
viles. Au point de vue de la propriété foncière, on donnait
d'une manière générale le nom de fief à toutes les tenures
par concession, non seulement à celles qui avaient pour
contre-partie les obligations de la vassalité, mais aussi à
celles qui n'avaient pour objet que la mise en valeur des
terres, c.-à-d. que l'on désignait précédemment sous
le nom de précaires et que l'on nommera plus tard
vilenages, rotures, censives, etc. Les seules terres aux-
— 415
FIEF
quelles ne convenait pas cette dénomination étaient les
terres libres de toute charge (alodium, alleu) et les terres
que le maître s'était réservées en propre dans son domaine
(dominicum).
Si tout fief était un bien concédé à charge de services,
on aurait tort d'en conclure que dans toute constitution
de fief le concédant fît réellement abandon d'une de ses
terres ou d'un de ses droits. Souvent la concession était
fictive, et la terre qu'un homme recevait en fief n'était
autre que celle dont il avait été jusqu'alors le libre pro-
priétaire, mais dont il avait dû, sous la pression de la
violence ou par besoin de protection, abandonner la pleine
propriété à un homme plus puissant que lui. Toutefois,
dans un cas comme dans l'autre, qu'il y eût don véritable
ou simple changement du titre auquel le bien était possédé,
l'acte juridique d'où procédait le fief était le même ; c'était
toujours un accord de volontés, un contrat, tantôt libre,
tantôt imposé, entre deux personnes dont l'une faisait la
concession et dont l'autre promettait les services stipulés.
— Les caractères essentiels de ce contrat étaient emprun-
tés aux concessions foncières qui portaient, à l'époque
franque, le nom de bénéfices et de précaires. On sait com-
ment, au ixe siècle, le bénéfice s'était transformé, par sa
combinaison avec le lien de vassalité, en un véritable con-
trat synallagmatique, comment le don fait par le senior
d'une terre ou de droits pécuniaires était devenu la contre-
partie habituelle de l'engagement par lequel le vassus pro-
mettait sa fidélité et ses services (V. Bénéfice). De même
dans la plupart des précaires et des autres contrats d'exploi-
tation agricole qui datent de la même époque, le précariste
n'entrait en jouissance de la terre concédée qu'après s'être
lié par un engagement personnel plus ou moins étroit
(oblatio, commendatio) envers l'Eglise ou le propriétaire
laïque à qui cette terre appartenait.. Or, ce double élément,
— concession réelle, engagement personnel, — qui inter-
venait habituellement à la fin de l'époque carolingienne
dans toute constitution de bénéfice ou de précaire, fut
l'essence même du contrat de fief. Ce contrat, tel qu'il
apparaît dans les documents privés et dans les textes juri-
diques qui se rapportent au xe et au xie siècle, se réalisait
au moyen de deux actes distincts. 4° V engagement per-
sonnel que l'un des contractants prenait envers l'autre de
se fier à lui et de se mettre en sa dépendance, de le re-
connaître pour son seigneur ou son suzerain (senior, su-
peranus) et d'être son homme ou son vassal (homo, vas-
sallus). Cet engagement portait alors indifféremment le
nom de foi (fides, fidelitas) ou celui d'hommage (homi-
nium), car la distinction précise que l'on fit, au xme siècle,
entre ces deux termes, n'existait pas dans les premiers
temps de la féodalité. Il se contractait sous une forme solen-
nelle, qui rappelait l'acte par lequel le vassus carolingien
se recommandait à son senior, et qui était l'application
de la forme juridique la plus généralement employée pour
créer des obligations (fides fada, fidei datio). Le vassal
mettait ses mains entre celles de son seigneur et s'enga-
geait par ces mots ou par une formule équivalente : « Sire,
je deviens vostre home de tel fié, et vous promets féauté
et loiauté de ce jour en avant... » Le seigneur l'embrassait
en signe de paix et déclarait le recevoir pour son homme.
On devait faire hommage en cette forme solennelle avant
toute concession de fief, même lorsque, par suite d'enga-
gements antérieurs, on était déjà le vassal du seigneur qui
faisait la concession. On le devait, même quand" les fiefs
étaient des terres cultivables ou des offices inférieurs con-
cédés sous l'obligation de payer un cens ou d'acquitter des
services domestiques, car on voit souvent, dans les textes
du xie siècle, des tenanciers et des agents subalternes en-
gager leur foi au seigneur dont ils tenaient leur fief et
recevoir le nom de fidèles. — 2° L 'investiture ou tradi-
tion du fief, que le seigneur faisait ordinairement sous
forme symbolique, conformément aux traditions germaines,
en remettant au vassal un objet mobilier qui représentait
l'immeuble, le droit ou l'office inféodé (par exemple, une
motte de gazon, une branche d'arbre, un gond de porte,
une épée, un bâton, un anneau, un gant, etc.). Aussitôt
après, quand il s'agissait d'une terre inféodée, pour cons-
tater d'une manière indubitable l'étendue et la contenance
du fief, le vassal devait se rendre sur les lieux avec le sei-
gneur ou son sergent et là faire « monstrée d'héritage »
(ostensio terrœ), c.-à-d. en dresser un état descriptif qui
faisait foi pour ou contre lui.
Ces deux actes étaient également essentiels à la forma-
tion du contrat de fief, puisque la foi était la condition né-
cessaire et préalable de l'investiture ; mais, pris en eux-
mêmes, ils étaient de nature très diverse et avaient, dans
le contrat, chacun une fonction différente. L'engagement
personnel, la foi prêtée par le vassal et acceptée par le
seigneur, n'était que l'application particulière d'un fait gé-
néral, plus lar^e que l'inféodation, auquel se ramenaient
toutes les manifestations delà vie sociale : l'association pri-
vée, la relation d'homme à homme qui, dans l'effondrement
delà monarchie carolingienne, s'était partout substituée aux
relations publiques des particuliers avec l'Etat (V. Féoda-
lité, p. 203). C'est par la foi jurée que s'établissent tous
les liens de protection et de subordination réciproque qui
unissent alors le chef de clan, propriétaire et guerrier,
aux parents, compagnons et serviteurs qui composent sa
« maisnie », aux étrangers qui ont associé leur fortune à la
sienne, aux vassaux, tenanciers, artisans et serfs qui dépen-
dent de lui à un titre quelconque. Sans doute, à cette époque
de violence et d'anarchie où la foi jurée était souvent violée
quand elle n'avait pas l'appui de la force, celui qui s'en-
gageait demandait une garantie matérielle, et la concession
d'un fief était le plus souvent la condition mise a l'enga-
gement vassalique. Mais on pouvait aussi être l'homme, le
fidèle d'un seigneur sans être son feudataire, sans avoir
reçu de lui une terre, un office ou un bien quelconque ;
c'était le cas de beaucoup de gens nés dans sa maison ou
sur ses terres, d'étrangers soumis à son autorité par un
assujettissement volontaire ou par une contrainte impo-
sée. Or quand elle était prêtée dans le contrat de fief, la
foi produisait le même effet que lorsqu'elle était prêtée
en dehors de toute concession féodale ; elle liait l'homme à
l'homme, et c'est d'elle que dérivaient pour le vassal les
devoirs de fidélité et d'assistance, pour le seigneur les de-
voirs de loyauté et de protection qui constituaient, comme
on le verra, les obligations primordiales du contrat de fief.
Cette fidélité jurée entre deux personnes était si bien l'élé-
ment juridique sur lequel reposait tout le contrat, que,
lorsqu'elle prenait fin par la mort de l'une d'elles, le con-
trat était rompu de plein droit ; et pour que la concession
féodale subsistât, il fallait qu'un nouvel hommage rétablît
le lien de fidélité entre les nouveaux contractants. — Quant
à l'investiture du fief, ce n'était pas, comme la tradition
dans le contrat de vente, la simple exécution d'une con-
vention antérieure ; elle introduisait dans le contrat un
élément nouveau qui le distinguait profondément du vasse-
lage personnel (commendatio). Si elle ne créait pas les
devoirs du vassal, elle leur donnait un caractère plus pré-
cis et plus étroit; car la nature et l'importance du fief con-
cédé, les clauses et stipulations qui accompagnaient l'in-
vestiture déterminaient la qualité et l'étendue des services
que le seigneur pouvait requérir. D'autre part, le fief con-
cédé était la garantie matérielle qui assurait au vassal la
protection que le seigneur lui avait promise, au seigneur
l'exécution des engagements que le vassal avait pris envers
lui. — En somme, l'inféodation était un contrat d'un genre
particulier, à certains égards consensuel, à d'autres réel ;
les parties étaient attachées Fune à l'autre par un double
lien, l'un qui venait de la fidélité jurée, l'autre qui venait
de la chose inféodée ; et ce double lien se traduisait dans le
langage par les deux qualifications que l'on donnait à qui-
conque avait reçu un fief : celle de vassal exprimant la
relation personnelle, celle de feudataire exprimant la re-
lation réelle qui l'unissait à son seigneur.
Le contrat de fief avait pour effet de conférer des droits
FIEF
— 416 —
et d'imposer des obligations à chacune des parties contrac-
tantes. Les droits que le vassal acquérait étaient: 1° le
droit de recourir en toute circonstance, pour lui-même,
pour sa famille, ses gens et ses biens, à la protection de
son seigneur, soit en faisant appel à sa cour de justice,
soit en réclamant son intervention armée ; 2° des droits
lucratifs sur le fief concédé, c.-à-d. quand il s'agissait d'un
office, le droit exclusif de l'exercer et d'en percevoir les
profits ; quand il s'agissait d'une terre, le droit de l'occuper,
de jouir de tous les revenus, à l'exception de ceux que le
seigneur s'était expressément réservés. Le pouvoir qu'il
acquérait ainsi sur le bien inféodé n'était pas un droit de
pleine propriété, car il n'avait pas la libre disposition de
ce bien sur lequel le seigneur gardait, comme on le verra,
un droit supérieur. Ce n'était pas non plus un droit de
possession au sens romain du mot (car il manquait Yani-
mus domini) ; c'était un droit mixte, que les textes appe-
laient vestitura, qui se rapprochait en droit de la détention
précaire du fermier ou de l'usufruitier, mais qui souvent
comportait en fait des avantages beaucoup plus étendus.
— Les obligations du vassal étaient : 1° des devoirs de fidé-
lité , dont la formule la plus complète a été donnée dans
une lettre célèbre adressée, en 1020, au duc d'Aquitaine
par Fulbert, évêque de Chartres : ne porter aucune atteinte
ni à sa personne, ni à sa demeure, ni à ses domaines, ni à
ses prérogatives seigneuriales, ni à sa liberté d'action ;
l'assister à toute réquisition par conseil ou par acte (con-
silium et auxilium) ; 2° des services plus précis, dont
la nature et l'étendue variaient suivant les conditions par-
ticulières de chaque concession : dans les fiefs territoriaux
les plus importants, c'étaient le service militaire (servitium
in campo) qui consistait dans l'ost et la chevauchée, le
service de fiance ou de cour (servitium in curte, placi-
tum, justitia, fiducie) qui consistait à se rendre à la cour
du seigneur, soit pour lui donner conseil dans tous les cas
importants, soit pour juger, soit pour répondre à une accu-
sation judiciaire, les aides loyaux ou chevels (auxilia
legalia, capitalia) qui consistaient en prestations pécu-
niaires exigibles dans les cas déterminés par la coutume ;
dans les autres fiefs, c'était tantôt l'exercice d'une fonction
administrative ou d'un métier manuel, tantôt le payement
d'un cens en argent ou en nature ; 3° l'obligation de main-
tenir le fief dans l'état oh il était au moment de l'investi-
ture, de façon à pouvoir le restituer, le cas échéant, dans
son intégralité : de là découlait l'interdiction de l'aliéner,
de le démembrer par des sous-inféodations, de l'abréger en
aucune manière. Toutefois, des conventions particulières
venaient souvent déroger à cette règle et le vassal obtenait
aisément, moyennant une indemnité, l'autorisation d'aliéner
le fief en tout ou en partie. — Les droits qui apparte-
naient au seigneur en vertu du contrat de fief étaient cor-
rélatifs aux obligations du vassal et consistaient à requérir
les services promis dans la mesure et aux époques fixées
par la convention ou par l'usage. Si le vassal négligeait ou
refusait de s'acquitter de ses diverses obligations, le sei-
gneur avait pour le contraindre une énergique sanction :
c'était la saisie temporaire du fief, qu'il occupait et dont il
s'attribuait les revenus jusqu'à ce cju'il eût obtenu satis-
faction. Les devoirs du seigneur étaient d'assister le vassal
par acte et conseil en toute circonstance importante (non
seulement en cas d'attaque ou de danger, mais quand il
voulait céder ses biens, en acquérir d'autres, se marier,
entreprendre un voyage, etc.), de ne nuire en aucune façon
à sa personne ni à ses biens, de lui garantir, tant que les
devoirs féodaux étaient remplis, la jouissance paisible et
complète du fief qu'il lui avait concédé, et de se charger
après sa mort de la garde et de l'éducation de ses enfants.
Le contrat de fief prenait fin dans deux circonstances :
1° par défi (defedaiio), c.-à-d. par rupture de la foi jurée ;
quand le vassal commettait un acte de félonie envers son
seigneur (comme de l'abandonner en temps de guerre, de
prendre les armes contre lui, de le frapper ou d'attenter à
son honneur) ou réciproquement quand le seigneur se ren-
dait coupable d'une pareille félonie envers son vassal, le
lien qui les unissait était brisé par une déclaration formelle ,
par une sorte d'abjuration accompagnée d'actes symbo-
liques (exfestucatio, rupture du fétu); la conséquence
était, d'une part, que le vassal se trouvait libéré de tout
devoir et de tout service, d'autre part, que le seigneur fai-
sait prononcer par sa cour une sentence en vertu de la-
quelle il reprenait le fief concédé et confisquait même, à
titre de peine, l'alleu que pouvait posséder son ancien vas-
sal ; 2° par la mort de l'un des contractants. Le lien féodal,
ayant un caractère essentiellement personnel, était par là
même viager, et prenait fin non seulement à la mort du
vassal, mais aussi à la mort du seigneur. Toutefois, il arri-
vait souvent, comme déjà pour les bénéfices de l'époque
carolingienne, que ce principe rigoureux était corrigé par
des conventions privées ou par des coutumes locales, et
que le fief subsistait, après la mort du seigneur, pendant
toute la vie du vassal, ou même, qu'après la mort de ce
dernier, il devenait transmissible à sa femme, à ses enfants
et à ses petits-enfants. Mais, comme c'était là une tolérance
contraire aux principes et parfois nuisible aux intérêts sei-
gneuriaux, le vassal qui conservait le fief à la mort de son
seigneur et l'héritier du vassal qui lui succédait dans son
fief durent, au moins dans la forme, renouer le contrat par
un nouvel hommage suivi d'une nouvelle investiture ; ils
durent également payer à cette occasion une indemnité
fiscale (relevium, relief; reacaptum, rachat), dont le
taux, réglé à l'amiable, variait pour chaque fief. Dès la fin
du xie siècle, la majorité des fiefs étaient devenus, en fait,
héréditaires par une possession prolongée, par une sorte de
prescription ; toutefois le caractère viager persistait encore
dans un assez grand nombre.
Deuxième période : xme-xive siècles. — Au commen-
cement du xme siècle, le fiel subit deux principales
transformations. 1° Une distinction s'établit parmi les
tenures par concession, qui jusque-là étaient toutes
comprises sous la dénomination générale du fief : celles
qui n'étaient grevées que de services roturiers ou de rede-
vances pécuniaires prirent, dans quelques régions dès le
xne siècle, et généralement à partir du xme, le nom de
rotures, vilenages ou censives; celles qui étaient gre-
vées de services nobles, c.-à-d. du service militaire, du
service de cour, de fonctions réputées honorables, gardè-
rent seules le nom de fiefs. A part quelques règles qui res-
tèrent communes à ces deux catégories de tenures, la cou-
tume établit entre les unes et les autres de profondes
différences, dont la principale était que la tenure roturière
ne comportait ni foi ni hommage, tandis que la prestation
d'hommage devint le signe distmctif du fief. Les causes qui
amenèrent cette première transformation sont assez obs-
cures. On peut cependant remarquer que, dans les fiefs
concédés à des paysans, à des artisans, à des agents infé-
rieurs, « la foi engagée ne venait qu'en sous-ordre ». La
raison principale qui avait déterminé le seigneur à faire la
concession n'était pas de s'assurer la fidélité personnelle
du tenancier, mais de mettre en valeur ses terres, de se
procurer les revenus ou les services dont il avait besoin
pour l'entretien de sa maison et l'exploitation de ses do-
maines. « Le tenancier, de son côté, recherchait avant tout
la terre qui le nourrissait, le toit qui abritait sa famille, la
part de revenu que le seigneur lui abandonnait et qui l'ai-
dait à vivre. De part et d'autre, des avantages matériels dé-
finis étaient la base fondamentale de la relation nouée entre
le tenancier et le seigneur et reléguaient au second plan le
lien personnel. » D'ailleurs, à mesure que la société féodale
s'organisait, la seigneurie prenait un caractère nettement
territorial (V. Féodalité, pp. 206, 214), et pour avoir
autorité sur les roturiers qui habitaient leurs terres, les sei-
gneurs fonciers n'avaient plus besoin d'invoquer la foi jurée,
l'hommage personnel ; il suffisait que ces hommes fussent
« levants et couchants » sur- leurs terres pour se trouver,
jusqu'à preuve contraire, soumis à leur pouvoir. On en
vint ainsi à supprimer dans ces concessions roturières tout
ce qui impliquait un lien personnel, notamment l'hommage,
à réduire le contrat à des prestations réelles et à des sti-
pulations pécuniaires qui lui donnaient un caractère assez
différent de son caractère primitif pour justifier une déno-
mination nouvelle. — Toutefois, il importe de remarquer que
les fiefs roturiers ne disparurent pas entièrement. Dans
quelques régions de la France, notamment en Languedoc, en
Bretagne et en Normandie, le mot fief conserva son ancienne
acception, et la censive resta inconnue. Même dans leParisis
et la région environnante, on donnait encore à la fin du
xme siècle le nom de fie f s vilains à des concessions roturières
(V. les Constitutions démenées el Châtelet de Paris,
§ 65). Aussi pour éviter tout équivoque, quand on voulait
parler d'une concession noble, ajoutait-on souvent au mot
fief une épithète qui indiquait cette qualité (franc- fief,
fief noble).
2° Tout en gardant d'une manière à peu près exclusive
le nom de fiefs, les concessions faites à charge d'hommage
et de service noble perdirent aussi quelque chose de leur
caractère primitif. Sans disparaître entièrement comme dans
les concessions roturières, le lien personnel s'atténua sen-
siblement, et le lien réel prit une importance qui en fil l'élé-
ment principal du contrat de fief. Trois circonstances pa-
raissent avoir, plus que toute autre cause, influé sur cette
transformation. La première est la coutume universelle-
ment établie au xne siècle, en vertu de laquelle tout fief fut
considéré comme héréditaire. Sans doute le renouvellement
de l'hommage, le payement du droit de relief, rappelaient
le lien personnel qu'il fallait renouer ; mais on s'habitua
à y voir surtout une forme traditionnelle et une exigence
fiscale; au fond, c'était le fief lui-même qui, dans la famille
du vassal originaire, perpétuait vraiment le contrat et assu-
rait au suzerain la foi et les services du nouveau vassal.
La seconde cause fut l'influence considérable exercée par
l'Eglise comme propriétaire foncier. Les monastères, les
évêchés et les chapitres avaient des vassaux et se trouvaient
eux-mêmes soumis, comme détenteurs de fiefs, aux obliga-
tons de la vassalité (V. Féodalité, p. 213). Or, entre ces
communautés et leurs vassaux ou leurs suzerains, le lien
personnel ne pouvait être vivace; les rapports féodaux
n'étaient point fondés sur cette fidélité d'homme à homme
qui impliquait un dévouement absolu et des services spon-
tanés, mais sur des stipulations écrites et précises emprun-
tées aux anciennes conventions de précaire. Dans les con-
trats de fief où un établissement ecclésiastique intervenait
comme suzerain ou comme vassal, l'acte essentiel n'était
pas la prestation de foi, mais la promesse formelle d'un
service déterminé, garantie par des clauses résolutoires. Il
faut, en troisième lieu, tenir compte delà multiplication et
de la complication des liens féodaux, qui se produisit pen-
dant le cours du xne siècle, principalement dans les grands
fiefs où le suzerain cherchait, pour mieux asseoir son au-
torité, à établir un lien direct entre lui et ses arrière- vas-
saux (V. Féodalité, p. 221). Il arrivait souvent qu'un
vassal avait plusieurs seigneurs ; la foi due à chacun d'eux
était, par là même, moins sûre et moins complète. D'autre
part, les guerres régionales, les expéditions lointaines exi-
geaient une plus forte levée de combattants et de deniers.
L'essentiel pour le haut baron n'était donc plus de s'assu-
rer le dévouement personnel du vassal, mais d'avoir un
nombre de soldats et un chiffre de revenus proportionnés
à l'importance du fief concédé. De ces causes diverses il
résulta que dès le commencement du xme siècle, dans le
plus grand nombre des contrats de fief, au service person-
nel illimité qui procédait de la foi, se substituèrent d'une
manière exclusive les charges réelles et les obligations fixes
qui correspondaient au bien concédé. L'engagement d'homme
à homme n'eut plus qu'un caractère abstrait et une valeur
de pure forme. Les droits et les devoirs réciproques du
vassal et du seigneur furent rattachés à la concession
réelle. Le service militaire du vassal, son service de cour,
les aides dont il était tenu, l'office dont il était investi, ré-
glementés par des clauses expresses ou par la coutume lo-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 417 — FIEF
cale, toujours proportionnés à l'importance du fief, appa-
rurent comme des charges foncières, au même titre que
les droits d'investiture, de relief, de gîte et de procura-
tion. Désormais, en droit comme en fait, ce fut le fief
lui-même qui devint la base du contrat féodal et le lien
véritable entre le vassal et son suzerain (V. Féodalité,
pp. 192,193).
Ces observations générales expliquent la plupart des
modifications qui s'introduisirent du xne au xme siècle
dans le droit des fiefs. On sait que par cette dernière
expression il faut entendre, non pas un corps de droit
précis et complet (comme les Libri feudorum qui for-
maient alors la coutume écrite de l'Italie du Nord), mais
un ensemble d'usages généraux que la jurisprudence des
cours féodales , quelques règlements royaux ou sei-
gneuriaux, les compilations et les traités de plusieurs
légistes (Conseil de Pierre de Fontaine, Etablissements
dits de saint Louis, Coutumes de Beauvoisis, par Ph. de
Beaumanoir, etc.), avaient fait prévaloir dans la pratique
et dont l'application doit être présumée toutes les fois
qu'on n'a pas la preuve d'un usage ou d'une stipulation
contraire.
La distinction fondamentale qui excluait de la catégorie
des fiefs toute concession à charge de services roturiers eut
pour effet de restreindre le nombre des personnes capables
de posséder une tenure féodale. Les fiefs impliquant dé-
sormais un service noble ne pouvaient plus, en principe,
être tenus que par des gentilshommes ou par des digni-
taires ecclésiastiques et des seigneuries municipales jouis-
sant des mêmes privilèges que la noblesse. Conformément
à ce principe, une ordonnance royale du xme siècle, dont
parle Beaumanoir, mais dont on ne connaît ni la date ni le
texte, défendit expressément aux roturiers de tenir fiel
dans le domaine de la couronne. Toutefois la royauté, inté-
ressée à favoriser le mouvement qui relevait de plus en
plus depuis le xne siècle la condition sociale de la bour-
geoisie, effaça presque entièrement cette prohibition par les
ordonnances de 1273 et 1275, plusieurs fois renouvelées
au xive siècle. Les non-nobles furent autorisés à détenir les
fiefs qui leur advenaient soit par succession, soit par ma-
riage, ou qu'ils avaient achetés depuis plus de vingt ans;
quant à ceux qui ne rentraient pas dans l'une de ces trois
catégories, ils ne purent les conserver qu'à la condition
de les desservir convenablement (ad servitium compe-
tens) ou de payer à leur suzerain une indemnité qu'on
appela plus tard droit de franc-fief. — Les églises et
les abbayes restèrent en principe capables de tenir des
fiefs, à la condition de fournir au suzerain un vicaire
(avoué ou vidame), c.-à-d. un chevalier qui acquittait
en leur lieu et place les obligations vassaliques, et de
payer en outre un droit iï amortissement (V. ce mot)
pour indemniser le suzerain de la perte des droits de muta-
tion dont il se privait en acceptant un vassal qui n'aliénait
ni ne mourait (cf. ordon. de 1275).
La persistance de l'élément personnel dans le contrat de
fief était marquée par le maintien de Vhommage, qui se
prêtait dans la même forme que précédemment, «.de
bouche et de mains (osculo et dextra) ». Mais comme si
cet engagement personnel n'avait plus par lui-même une
force suffisante, on y ajouta dans le courant du xne siècle
(sans doute par imitation des contrats formés en cour
d'Eglise) un serment de fidélité que le vassal prononçait, '
après l'hommage, en posant la main sur l'évangile ou sur
des reliques : c'est ce qu'on appelait la foi. Les anciens
feudistes distinguaient soigneusement ces deux actes. L'hom-
mage était exclusivement propre au contrat féodal ; c'était,
par excellence, l'acte de vassalité, celui qui exprimait
solennellement la dépendance de l'homme et la subordina-
tion de sa terre à l'égard de la personne et de la terre du
suzerain. La foi avait un caractère moins spécial ; ce n'était
plus, comme l'ancienne fiance (fides, fiducia), l'engage-
ment individuel, l'association privée et presque familiale de
deux hommes dont l'un se mettait sous la protection de
27
FIEF
-418 -
l'autre : c'était, d'une manière générale, l'acte solennel
par lequel on promettait, sous la garantie religieuse du
serment, d'observer les devoirs auxquels on était soumis.
Mais ces devoirs pouvaient être tantôt les devoirs étroits
du vassal, tantôt les devoirs plus larges du sujet. Dans le
contrat de fief, la foi s'appliquait aux obligations féodales
résultant de l'hommage ; mais, en dehors de ce contrat,
elle s'appliquait aussi aux obligations générales dont tout
sujet, avant les temps féodaux, était tenu envers le pou-
voir central, et que chaque seigneur dans ses domaines,
les rois capétiens dans toute l'étendue du royaume, s'effor-
çaient d'imposer à ceux qui n'étaient point leurs vassaux :
dignitaires ecclésiastiques, propriétaires d'alleux, bourgeois
et vilains (V. Féodalité, pp. 207, 249, et 224). En
outre, l'hommage était caractéristique de la personne noble
comme de sa terre noble : c'est pourquoi les roturiers qui
possédaient des fiefs n'étaient pas admis, bien que vassaux,
à prêter l'hommage et se bornaient à jurer fidélité à leur
suzerain. — L'hommage et foi était dû par le vassal en
personne (sauf le mineur et la femme mariée qui étaient
représentés l'un par son baillistre, l'autre par son mari) ;
il était exigible, non seulement quand le fief était concédé,
mais toutes les fois qu'il y avait un changement (par
suite d'aliénation ou de transmission héréditaire) dans la
personne du seigneur ou dans celle du vassal. On trou-
vera au mot Hommage des détails complémentaires sur les
conditions particulières, les délais et les formes diverses
de cet acte.
Ce qui se manifeste surtout dans les règles nouvelles
auxquelles se trouva soumis le contrat de fief dans l'usage
général du xme et du xive siècle, c'est la prédominance
de l'élément réel. Les formalités de la concession, le droit
appartenant au vassal sur le bien concédé, le soin avec
lequel sont déterminés les services de guerre et de justice
ainsi que les prestations pécuniaires, les voies de procédure
qui ont pour objet d'en assurer l'exécution, tout concourt à
montrer que, pour le seigneur comme pour le vassal, ce
qui a désormais le plus d'importance ce n'est pas le bien
personnel, ce sont les droits utiles que le fief confère à
l'un, les services et les profits qu'il garantit à l'autre. —
4° Tradition du fief. L'investiture continua à se faire en
forme symbolique jusqu'à la fin du xnie siècle, époque où
la remise des symboles matériels fut habituellement rem-
placée par la perception de droits pécuniaires (droit de
gants, esporle, roncin de service). Mais en outre l'inves-
titure était constatée par écrit (lettres de fief), et lamons-
trée d'héritage, qui devait avoir lieu dans les quarante jours
suivants, était habituellement remplacée, depuis le xme
siècle, par Yaveu et dénombrement, déclaration écrite,
relatant la consistance du fief, son étendue et ses charges.
On rendait ainsi plus facile et plus sûre, en cas de contes-
tation, la preuve des biens concédés, des droits retenus,
des services stipulés. — 2° Droit du vassal sur le fief.
On a vu comment ce droit, qui ne comportait à l'origine
qu'une jouissance personnelle et viagère, s'était, depuis le
xie siècle surtout, progressivement étendu et consolidé ; au
xme siècle il était devenu, en fait, héréditaire et aliéna nie,
par conséquent patrimonial. Le vassal pouvait transmettre
à ses héritiers légitimes le bien inféodé ; il pouvait le
donner ou le léguer, le vendre, le bailler à cens, même le
sous-inféoder. Sans doute ces pouvoirs étaient subordonnés
à certaines conditions dans lesquelles on retrouvait la trace
du caractère personnel et viager des concessions primitives
(V. Abrègement, Amortissement, Inféodation, Lods et
Ventes, Relief, Retrait féodal et Féodalité, p. 240).
Mais, malgré ces restrictions, le droit du vassal n'avait
plus le caractère précaire de l'ancienne vestitura; il s'était
en fait tellement rapproché de la pleine propriété que les
jurisconsultes du xme siècle l'y assimilèrent en théorie.
Construisant avec une terminologie pseudo- romaine un
système juridique approprié aux nécessités de leur temps,
ils admirent que, dans la concession féodale, la propriété
du sol se dédoublait en deux domaines, l'un direct qui
restait au seigneur, l'autre utile qui passait au vassal ; ce
dernier domaine était sans doute inférieur et subordonné
au premier que l'on qualifiait déminent; mais, ce qui était
important, c'est qu'on voyait déjà en lui une forme du
droit de propriété : de cette idée devait sortir plus tard la
transformation juridique du fief en propriété libre. —
3° Services dus par le vassal. Les devoirs généraux de fi-
délité et d'assistance étaient toujours, en théorie et dans les
formules solennelles du contrat, les obligations essentielles
du vassal; dans quelques fiefs, appelés fiefs d'honneur ou
d'hommage, elles étaient même les seules dues par lui.
Mais ces devoirs n'avaient guère qu'un caractère moral et
abstrait; en pratique, dans la plupart des fiefs, les obligations
principales, celles en vue desquelles la concession avait été
faite, étaient des services positifs et matériels : le service
militaire, le service de justice ou de cour, le service de
conseil, enfin diverses contributions pécuniaires, sous forme
d'aides ou de droits de mutation. On a vu au mot Féoda-
lité (pp. 215, 246) en quoi consistaient ces divers services,
et comment, pour en assurer l'acquittement intégral et ré-
gulier au cas où le vassal mourait en laissant plusieurs
héritiers ou un héritier mineur, on avait, à la fin du xnG
siècle, introduit dans le régime successoral des fiefs la règle
du droit d'aînesse et substitué le bail à la garde seigneu-
riale. Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est qu'au xme et
au xive siècle les services féodaux étaient mieux définis et
plus soigneusement réglementés qu'auparavant. En ce
qui concernait le service militaire, les formes de l'hommage
(lige ou plane) et les stipulations des lettres de fief déter-
minaient quelles seraient sa durée, sa nature, l'étendue des
charges qu'il comportait, s'il serait dû personnellement,
s'il pourrait être rempli par un représentant (comme cela
avait lieu pour les femmes, les clercs, les fonctionnaires
publics) ou s'il serait remplacé par une indemnité (comme
dans le fief-office ou les fiefs tenus par des roturiers). En
ce qui concernait les services pécuniaires, les aides furent
généralement limités aux quatre cas traditionnels ; le relief
(peu à peu restreint aux successions collatérales) fut fixé
dans la plupart des coutumes au revenu du fief pendant
une année, le droit d'amortissement à deux ou trois années
du revenu (cf.ordon.de 4275), le droit de vente à un cin-
quième du prix (quint) ; les droits de gite et de procura-
tion furent partout convertis en argent. — 4° Sanctions.
Pendant la première période féodale, si le vassal manquait
à sa foi et aux devoirs qui en découlaient, la sanction était
la rupture de la foi, qui entraînait comme conséquence pé-
nale la saisie et la confiscation de ses biens, sans distin-
guer ses fiefs de ses alleux. Mais lorsque le contrat féodal
consista principalement en une concession de fief à charge
de services définis, la sanction des devoirs vassaliques fut
limitée à la reprise du fief concédé. En cas de simple né-
gligence (retard dans la prestation de foi et d'hommage ou
dans l'aveu et dénombrement, manquement au service de
guerre et de cour), le seigneur se bornait à saisir le fief et
à en percevoir les revenus, jusqu'à ce que la négligence
fût réparée. En cas de faute grave (désaveu par refus
d'hommage ou par aveu d'un autre seigneur, crime de fé-
lonie), le seigneur faisait prononcer par la cour féodale la
confiscation du fief qu'il réunissait à ses domaines. Cette
confiscation n'avait pas un caractère pénal, mais n'était que
l'application d'une clause résolutoire, qui était réputée
sous-entendue dans le contrat de fief comme dans tout
contrat synallagmatique ; aussi, par analogie avec la lex
commissoria du droit romain, les légistes lui avaient-ils
donné le nom significatif de commise (V. ce mot). Ce qui
achève de montrer la corrélation étroite qui s'était établie
entre la concession réelle et les devoirs féodaux, c'est que
le vassal qui trouvait trop onéreuses les charges dont il
était tenu, n'avait pour être quitte de tout service qu'à re-
mettre son fief au seigneur ; il cessait par là même d'être
son vassal.
Après avoir déterminé quel était d'une manière générale
le caractère du fief pendant la seconde période féodale, il
— 419 —
FIEF
reste à indiquer brièvement les principales espèces de fiefs
dont il est fait mention dans Jes actes privés et les coutumes
de cette période. On laissera de côté les nombreuses dis-
tinctions et sous-distinctions, plus théoriques que pratiques,
qu'y ont mêlé les feudistes des xive et xvie siècles et sur les-
quelles on peut consulter les glossaires de Ducange, de
Ragueau et de Laurier e.
La division capitale à établir est celle des fiefs avec
seigneurie et des fiefs sans seigneurie, les premiers
étant beaucoup moins nombreux que les seconds (V. sur
les origines diverses de la seigneurie le mot Féodalité,
pp. 205, 206). Le vassal à qui était conféré un fief avec
seigneurie acquérait, indépendamment des droits réels sur
la terre concédée, qui dérivaient du contrat de fief, des
pouvoirs administratifs, judiciaires et financiers plus ou
moins étendus sur les habitants de cette terre ; outre ses
droits fonciers, il avait des droits seigneuriaux, dont les
principaux et les plus lucratifs étaient les droits de justice
et les droits fiscaux en argent ou en nature (V. Féodalité,
pp. 217, 218). Au contraire, le tenancier noble, qui n'était
pas seigneur, n'avait dans son fief aucun pouvoir admi-
nistratif, judiciaire ou financier ; ces pouvoirs restaient aux
mains de son suzerain. C'est en ce sens qu'il faut entendre
la célèbre maxime de Loisel : « Fief, ressort et justice n'ont
rien de commun ensemble » ; la justice n'était pas impli-
quée par le fief, bien qu'elle y fût souvent réunie. Toute-
fois, cela n'était vrai que de la justice seigneuriale ; il y
avait, au moyen âge, une autre forme de la justice, que
les feudistes ont appelée justice féodale ou justice fon-
cière, et qui pouvait appartenir au feudataire, même quand
son fief ne comportait aucune seigneurie. Car c'était une
règle du droit féodal, dont on a déjà vu l'application dans
le service de cour, que tout propriétaire foncier par qui
était concédée une tenure immobilière, fief ou censive, re-
tenait par devers lui avec le domaine éminent le droit
exclusif de connaître de tous les litiges relatifs à cette
tenure ; le feudataire, qui sous-inféodait ou baillait à cens
une partie de son fief, acquérait donc sur son vassal ou
son censitaire une juridiction qui faisait partie de ses
droits de suzerain ou de seigneur censier. Les fiefs-sei-
gneuries se subdivisaient en deux grandes catégories, les
fiefs simples qui ne comportaient aucune qualification ho-
norifique, et les fiefs de dignité auxquels était attaché un
titre nobiliaire, duchés, comtés, vicomtes, baronnies, châ-
teilenies, fiefs de chevalier ou de haubert, fiefs de vavas-
seur, d'écuyer, de sergent, etc. — Les autres distinctions
les plus importantes concernaient : 1° l'origine du fief; on
appelait fief vrai celui qui provenait de la concession gra-
tuite du seigneur, fief de reprise celui qui consistait dans
la soumission d'un alleu à la mouvance d'un seigneur ;
2° la mouvance : le fief plain, proche, nûment tenu,
qui impliquait seulement la mouvance directe du suzerain
sur le vassal, s'opposait à V arrière- fief, qui impliquait
deux mouvances superposées (sur les rapports du suzerain
avec l'arrière- vassal, V. Féodalité, p. 221); on appelait
fief en l'air celui qui ne consistait qu'en un domaine émi-
nent, ne se rattachant à aucune possession territoriale,
comme le fief d'un vassal qui avait sous-inféodé la totalité
de sa terre, sans retenir d'autre droit que l'hommage et
les services féodaux ; 3° la nature du bien concédé : c'est
ainsi qu'aux fiefs en terre et aux fiefs en titre d'office, on
opposait les fiefs de revenue consistant en rentes ou pen-
sions assignées sur le trésor d'un seigneur ; 4° l'utilité que
le seigneur retirait du fief : on distinguait le fief d'hon-
neur qui devait seulement foi et hommage, sans aucun
service, et le fief de profit, dans lequel le seigneur avait
retenu des droits utiles sous forme de services personnels
ou pécuniaires ; 5° l'étendue des obligations du vassal :
sous ce rapport, le fief plain ou ordinaire s'opposait au
fief lige ou fief de corps, dans lequel le vassal devait un
service militaire personnel et illimité (V. Hommage) ; au
fief jurable et rendable, dont le vassal devait, en cas de
guerre, mettre ses châteaux et places fortes à la disposition
du seigneur ; au fief de danger, dont le vassal était exposé
non seulement à la saisie, mais à la commise, s'il en pre-
nait possession avant d'avoir prêté foi et hommage ; au
fief abonné dans lequel les droits de mutation étaient con-
vertis en rentes ou redevances annuelles, etc.
Troisième période : xve-xvme siècles. — Au xve siècle,
la féodalité ayant perdu tout pouvoir politique était tombée
en pleine décadence : il ne subsistait plus, sous ce nom,
qu'une classe privilégiée et un état particulier de la pro-
priété foncière. Comme le régime dont il était l'institution
la plus caractéristique, le fief subit pendant cette troisième
période une dernière transformation qui lui enleva ses
traits les plus saillants et rapprocha sensiblement cette te-
nure des autres formes de la propriété. La cause principale
des concessions féodales avait été pendant les siècles pré-
cédents de procurer aux seigneurs, au prix d'une terre ou
d'une rente en argent, les services de guerre et de justice
qui étaient les éléments de leur puissance militaire et admi-
nistrative. Or l'abolition des guerres privées, l'insuffisance
de l'ost pour les expéditions lointaines et de longue durée,
la substitution graduelle dans l'armée royale des soldats
mercenaires aux chevaliers, avaient peu à peu rendu inu-
tile le service militaire du vassal, partout transformé en
redevance pécuniaire. En même temps, le développement
des justices royales et les prescriptions formelles de la
royauté avaient amené les seigneurs à remplacer dans leurs
justices féodales les hommes d'épée par des hommes de
loi, plus aptes à comprendre et à appliquer le droit qui se
compliquait de jour en jour ; d'où la suppression et la con-
version en argent du service de justice. Les obligations vas-
saliques qui avaient le caractère de services publics, ayant
ainsi perdu toute raison d'être, il ne resta plus que les
obligations d'ordre privé : fidélité personnelle et services
pécuniaires. Dès lors, les concessions féodales, qui se dis-
tinguaient principalement des tenures roturières par la
noblesse des services stipulés, leur ressemblèrent singu-
lièrement, quand les unes comme les autres n'eurent pour
effet que de créer des obligations pécuniaires ; la seule
différence importante qui subsista fut la foi et hommage,
toujours caractéristique de la tenure noble.
Pendant cette dernière période, les fiefs de création
nouvelle furent donc extrêmement rares ; et les anciens
fiefs qui subsistèrent « par la force des traditions, par
l'attachement aux profits pécuniaires qu'on en retirait,
par la vanité qu'on éprouvait à se dire le vassal d'un
seigneur », furent profondément transformés dans leur
nature juridique, comme ils l'étaient déjà dans leur impor-
tance sociale. Ce résultat fut l'œuvre d'un long travail
doctrinal qui modifia peu à peu la jurisprudence des parle-
ments en matière de fiefs. Les juristes du xvie siècle (Alciat,
Cujas, Dumoulin), appliquant au contrat de fief la légis-
lation du Bas-Empire romain, cherchèrent par des raison-
nements subtils et des théories plus ingénieuses que fondées,
à l'assimiler tantôt aux constitutions de servitudes prédiales
(fonds dominant, fonds servant), tantôt à l'emphytéose
(domaine direct, domaine utile). D'autres allèrent plus
loin et assimilant le fief au bail à rente foncière (V. ce
mot) firent prédominer le droit du vassal sur celui du
seigneur. On a vu précédemment que, dès le xme siècle,
on reconnaissait à l'un comme à l'autre un droit de pro-
priété sui generis sur le fief concédé, mais que le droit
direct du seigneur l'emportait sur le droit utile du vassal ;
le premier était la véritable propriété, le domaine éminent,
le second n'en était qu'un démembrement. Peu à peu, à
mesure que le temps consolidait en fait la position du
vassal, la doctrine inverse tendit à prévaloir, malgré les
résistances des feudistes, tels que d'Argentré, qui repré-
sentaient le vieil esprit féodal. Dumoulin soutint que le
domaine direct du seigneur n'était pas essentiel au contrat
de fief et que l'on pouvait y renoncer, à la condition de
réserver la fidélité. Puis on s'avisa que dans le bail à rente
le preneur acquérait la propriété exclusive du fonds sous
la réserve du droit réel de rente que se réservait l'aliéna-
FIEF — FIELD
— 420
teur, et qu'il en pouvait ainsi dans le fief. Enfin, dès la
seconde moitié du xvne siècle et surtout an xvme, l'opi-
nion commune, vulgarisée par Pothier, fut que le domaine
utile du vassal constituait la propriété véritable, et que le
domaine direct du seigneur, la directe, comme on disait
alors, n'était, en dernière analyse, qu'un droit de servitude
réelle. Il se produisit donc peu à peu, dans la doctrine,
« comme une expropriation lente du seigneur au profit du
vassal ». On sait que la même évolution juridique s'opérait
en même temps pour les autres tenures foncières, la cen-
sive, l'emphytéose, le droit de superficie. La doctrine des
jurisconsultes préparait ainsi lentement, mais à coup sûr,
l'œuvre de la Révolution.
Dans ce dernier état du droit féodal, on définissait le
fief « une concession gratuite, libre et perpétuelle d'une
chose immobilière ou réputée telle, avec translation du do-
maine utile, et réserve de la propriété directe, à charge de
fidélité et de prestation de services ». (Pothier, Des
Fiefs, n° 7). L'obligation de fidélité était la marque qui
distinguait le fief des autres concessions foncières dans
lesquelles il y avait aussi réserve de la directe et presta-
tion de services. La forme de l'inféodation était restée
solennelle; le vassal se présentait nu-tête, sans épée, tantôt
agenouillé, tantôt debout, suivant les coutumes ; l'hom-
mage et foi se confondait avec l'investiture dans une
« reconnaissance de la tenure en fief ».
Outre le droit à la fidélité de son vassal, auquel cor-
respondait le devoir « d'amitié et de protection », le
seigneur avait, comme attributs de la directe qu'il s'était
réservée : 1° le droit de percevoir les profits du fief,
c.-à-d. le relief, évalué à une année de revenu et dû à
chaque mutation de vassal, mais seulement par les héri-
tiers, légataires ou donataires en ligne collatérale, et le
quint (I/o) du prix perçu en cas de vente, échange, bail à
rente foncière ; 2° le' droit éventuel de reprendre le do-
maine utile par le retrait féodal, la saisie ou la com-
mise. Le retrait pouvait être exercé en cas de vente du fief,
à charge d'en rembourser le prix à l'acquéreur ; il se fai-
sait par voie d'action directe, par voie d'exception opposée
à l'acquéreur quand il voulait prêter hommage, ou par voie
de saisie féodale. La saisie avait lieu « faute d'homme »,
quand l'hommage n'était pas prêté dans les délais , ou
« faute de dénombrement » dans les quarante jours après
l'hommage ; dans le premier cas, le seigneur redevenait
temporairement propriétaire du fief et en percevait les
revenus ; dans le second, il n'avait que la détention et
devait compte des fruits. Le non- payement des profits
ne donnait pas lieu à la saisie, mais seulement à une
action civile personnelle. La commise ne s'exerçait que
dans les cas où le vassal manquait à sa foi par désaveu
ou félonie ; elle devait être demandée en justice, et la
jurisprudence lui appliquait les règles romaines à l'action
d'injures (V. Commise). En cas de déloyauté, le seigneur
était lui-même soumis à une action semblable et perdait
tous les droits attachés à sa directe féodale, qui passaient
à son propre suzerain.
Sous l'obligation de payer les profits et de remplir ses
devoirs de fidélité, le possesseur du fief jouissait sur sa
tenure de droits fort étendus. Il pouvait l'aliéner, l'hypo-
théquer, la sous-inféoder, la bailler à cens. Mais il ne pou-
vait transformer son fief en alleu,, ni le démembrer au pré-
judice et sans le consentement de son seigneur, à moins de
retenir par devers lui ou de transférer à l'acquéreur partiel
toute la foi et hommage indivisément, de façon à ne pas
altérer le rapport féodal (V. Jeu de fief). Le possesseur
d'un fief, ayant la plupart des droits qui composent la pleine
propriété, se considérait en fait comme le propriétaire vé-
ritable et légitime de sa tenure. Les restrictions que lui im-
posait la directe seigneuriale n'apparaissaient plus que
comme une servitude gênante et surannée dont sa terre devait
être affranchie. Cette libération du sol fut l'œuvre de la
Révolution.
Les tenures féodales furent supprimées en France par
les lois abolitives de la féodalité que votèrent successive-
ment l'Assemblée constituante, l'Assemblée législative et la
Convention. Le décret du 15 mars 1790 abolit, à la fois
dans le fief et dans la censive, l'aveu et dénombrement, la
saisie, la commise, le retrait et le droit de retenue seigneu-
riale. Il ne resta plus de la directe féodale que les droits
utiles, les profits. Encore ces droits étaient-ils modifiés
dans leur caractère : assimilés aux simples rentes et charges
foncières, ils ne pouvaient plus être réclamés que par les
actions civiles du droit commun et se trouvaient soumis à
la même prescription que les immeubles ; enfin ils étaient
déclarés rachetables moyennant une indemnité (décret du
3 mai 1790). L'Assemblée législative alla plus loin et sup-
prima sans indemnité les droits de mutation qui étaient les
seuls profits pécuniaires de l'ancien contrat de fief (décret
du 18 juin-16 juil. 1792). Enfin la Convention s'efforça,
mais vainement, par le décret du 17 juil. 1793, qui ne reçut
qu'une exécution incomplète, de faire disparaître jusqu'à
la trace juridique des anciens fiefs, en ordonnant le brûle-
ment des titres et contrats féodaux (V. Féodalité, p. 228).
Ch. Mortet.
Bibl. : V. la bibl. du mot Féodalité, et notamment les
ouvrages cités de Brussel (1725), Guyot (1751, 1784), B.
Guérard (1836-56), Championnière (1846), E. Garsonnet
(1879), E. Ci-iénon (1881), P. Viollet (1881-1886), J. Flach
(1886-93), E. Glasson (1892), A. Luchaire (189*i). — Ajou-
ter : Dumoulin, Traité des fiefs, 1773, éd. Henrionde Pan-
sey. — Pothier, Traité des fiefs, 1768. — Hervé, Théorie
des matières féodales, 1785. — Henrion de Pansey, Dis-
sertations féodales, 1789.
FIEF-Sauvin (Le). Corn, du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Cholet, cant. de Montrevault; 1,792 hab.
FIEFFES. Com. du dép. de la Somme, arr. de Doui-
lens, cant. de Domart; 272 hab,
FIEFS. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Saint-
Pol-sur-Ternoise, cant. deHeuchin; 701 hab.
FIEL de boeuf (Chim. indust.). Le fiel de bœuf, connu
aussi sous le nom de bile ou amer, est un liquide jaune
verdâtre, légèrement visqueux, d'une odeur particulière et
à réaction alcaline, sécrété par le foie de cet animal. Sa
densité varie de 1,020 à 1,027. Constitué principalement
par les sels sodiques des acides glycocholique, glaucocho-
lique, etc., il renferme en outre de la cholestérine, de la
choline, des graisses et des pigments, des palmitates et
oléates, des sels minéraux, tels que des chlorures et phos-
phates de soude, de potasse et de chaux. Les 10 à 13 °f0
de matières solides contenues dans le fiel de bœuf donnent
à la calcination 12,5 °/0 de matières minérales ; ses ma-
tières minérales renferment, d'après Weidensbuch :
Sel marin 27,70
Phosphate de soude 16,00
Phosphate de potasse 7,50
Phosphate de chaux 3,02
Phosphate de magnésie 1 ,52
Oxyde de fer 1 ,52
Silice , 0,36
Dans le commerce, on conserve ou plutôt on retarde la
putréfaction de l'amer de bœuf en l'additionnant d'un peu
d'éther acétique (d'après Gagnage). Le fiel de bœuf est très
employé dans la petite industrie des teinturiers dégrais-
seurs et dans l'économie domestique pour dégraisser les
étoffes de laine de nuances fugaces ; il agit comme un véri-
table savon ; le tissu est passé à froid dans une solution
de fiel à raison d'une vésicule ou poche biliaire pour 12
à 15 m. d'étoffe, soit environ 2k8'5 de laine ; on rince
plusieurs fois à l'eau pure et on apprête. Ch. Girard.
FIEL de Terre (Bot.). Nom vulgaire du Fumaria offl-
cinalis L. (V. Fumeterre) .
FIELD (Nathaniel), acteur et auteur dramatique anglais,
né à Londres en 1587, mort à Londres en févr. 1633. Dès
1600 il appartenait au théâtre et jouait dans Cynthia's
Revels de Ben Jonson. Il continua à jouer avec grand suc-
cès plusieurs pièces du même auteur et celles de Beaumont
421
FIELD — FIELDING
et Fletcher. Il fit partie des comédiens du roi. Field
a composé quelques comédies : A Woman is a weather-
cock (1612, in-4) ; Amenas for Ladies (1618, in-4),
entre autres, qui inclinent à la satire et ont une réelle
valeur.
FIELD (John), pianiste et compositeur anglais, né à
Dublin le 16 juil. 1782, mort à Moscou le 11 janv. 1837.
Il fut à Londres l'élève de Clementi, avec lequel il fit en
1802 un voyage à Paris, à Vienne et en Russie. 11 se
fixa à Moscou (1820) et, après un voyage à Londres et en
Italie marqué de vifs succès, il y revint (1836). Les qualités
du jeu de Field étaient l'élégance, le charme, la belle qua-
lité du son. Il a composé pour le piano sept concertos avec
orchestre, un quintette, deux divertissements avec instru-
ments à cordes, quatre sonates, des variations, rondos et
fantaisies, surtout des nocturnes, forme dont il fut l'in-
venteur et dans laquelle il servit de modèle à Chopin. Sur
les vingt nocturnes de Field qui ont été publiés, douze seu-
lement avaient reçu ce titre de leur auteur.. M. Brenet.
Bibl. : F. Liszt, Uber J. Field's Nocturne; Hambourg,
1859, in-8.
FIELD (Barron), écrivain anglais, né à Londres le 23 oct.
1786, mort le M avr. 1846. Avocat à Londres, il s'était
trouvé de bonne heure en relation avec Charles Lamb qui
le protégea et le fit entrer dans le cercle littéraire des
Coleridge, Wordsworth, Hazlitt, Hunt, etc. Il collabora au
Reflector de Hunt, devint critique dramatique du Times,
écrivit dans la Quarterly Revieiu, puis, trouvant peu
de profits dans la littérature, obtint le poste de juge à la
cour suprême de Nouvelle-Galles du Sud en 1816. Revenu
en Angleterre en 1824, après avoir fort mal réussi dans
la magistrature, il donna au London Magazine (1822-25)
un journal de ses voyages. Il reprit sa place au barreau,
et en 1830 il était juge de paix à Gibraltar où il eut
des démêlés retentissants avec Benjamin Disraeli. On
a de Field: Analysis of Blackstone's commentât 'les
(1811, nombreuses éditions) ; Hints to witnesses in
courts of Justice (1815), satire qu'il publia sous le pseu-
donyme de A Barrister; First Fruits of Australian poe-
try (1819), poésies; Geographical Memoirs on New
South Wales (-[89$); A Vindication of the practice
of not allowing the council for Prisoners accused of
felony to make speeches for them (1828), etc. Il publia
pour la Shakspeare Society plusieurs ouvrages de Thomas
Heywood. R. S.
FIELD (Edwin-Wilkins), jurisconsulte et artiste anglais,
né en 1804, mort en 1871. Membre delà maison Taylor,
Sharpe et Field, solicitors (avoués) à Londres, il s'em-
ploya activement à différentes réformes dans la législation
des compagnies par actions et à celle des frais de justice.
Il obtint, pour les unitariens, à la secte desquels il appar-
tenait, la légalisation de leurs titres de propriété antérieurs
à 1813, époque où la tolérance légale avait été accordée à
la secte ; il contribua puissamment aussi à la loi de 1862
sur la propriété artistique. Field qui, dès sa jeunesse, avait
pris le goût des arts dans la société de Robert Roscoe, oc-
cupait ses loisirs à dessiner et à enseigner le dessin aux
ouvriers. Il aida Henry Crabb Robinson à former la
« Flaxman Gallery », de « University Collège », et fut
un des fondateurs de la « Slade School of Art ». Field
a laissé un assez grand nombre d'écrits , parmi lesquels
on peut citer : Observations of a Solicitor on De-
fects in the System of the Equity Courts (1840) ; Ob-
servations of a Solicitor on Liability Paternships
(1854), et une Correspondance entre lui et C. -G. Loring
sur les Relations présentes entre la Grande-Bretagne
et les Etats-Unis (Boston, 1862). B.-H. G.
FIELD (David- Du dley), jurisconsulte américain, né à
Haddam (Connecticut) le 13 févr. 1805. Field est entré
au barreau de New York en 1828. Son nom se trouve lié
surtout aux diverses réformes législatives qui ont été faites
aux Etats-Unis vers le milieu de ce siècle. En 1847, il fit
partie de la commission qui prépara le nouveau code de
procédure, et les modifications qu'il proposa furent adop-
tées dans l'Etat de New York et dans plusieurs autres, et
eurent de l'influence sur les réformes introduites dans la
procédure de la Grande-Bretagne et de ses colonies. En
1857, il a présidé la commission chargée de préparer un
code civil, un code pénal et un code politique. En 1866,
il a présenté à l'Association britannique des sciences sociales
un projet de revision du droit international, et provoqué la
nomination d'une commission de jurisconsultes pour s'oc-
cuper de la question. Il a publié un projet de code inter-
national : Outlinesof an international code (1873) et
plusieurs pamphlets politiques. G. R.
FIELD (Cyrus-West), industriel américain, né à Stock-
bridge (Massachusetts) le 30 nov. 1819, mort à Adsly
Park, près de New York, en juil. 1892. Enrichi en douze
années par la fabrication et le commerce du papier, il se
retira des affaires en 1853 et se consacra dès lors tout en-
tier à l'établissement du premier câble sous-marin entre
l'Amérique et l'ancien continent. Il fut l'âme de l'œuvre,
obtenant les autorisations, réunissant les capitaux, organi-
sant les expéditions, qu'il suivit toutes depuis la première,
en 1857, jusqu'à la dernière, en juil. 1866 (V. Câble,
t. VIII, pp. 632 et 633). Il s'est ultérieurement occupé de
la pose d'uu câble semblable sous l'océan Pacifique, entre
San Francisco et les îles Sandwich. L. S.
FIELD (Henry-Martin), publiciste américain, né à Stock-
bridge (Massachusetts) le 3 avr. 1822, frère du précé-
dent. Pasteur à Saint-Louis (Missouri) en 1842, à West-
Springfield (Massachusetts) en 1851. En 1854, il s'établit
à New York où il acquit la propriété du journal The Evan-
gelist. M. Field a beaucoup voyagé. En 1847, il a passé
plus d'un an en Europe, de même en 1858, puis en 1867
où il fut délégué à l'Eglise libre d'Ecosse et à l'Eglise pres-
bytérienne d'Irlande ; en 1875-1876 il a fait le tour du
monde, et il est allé en Orient en 1881-1882. Chacun de
ces voyages a été l'occasion d'ouvrages intéressants, qui
ont obtenu en Amérique un succès considérable. Citons de
lui : The Good and the Bad in the Roman catholic
Church (1848); The Iris h Confédérales; a history of the
rébellion ofJ798 (1851); Summer Pictures from Co-
penhagen to Venice (1859); History ofthe atlantic Je-
legraph (1866); From the lakes of Killarney to the
Golden Horn (1877); From Egypt to Japan (1880)
(ces deux ouvrages ont eu un grand nombre d'éditions) ; On
the Désert, a visit to mount Sinaï (1882); Among the
Holy Hills (1883); The Greek Islands and Turkey af-
ter the war (1884); Old Spain and new Spain;
Gibraltar ; The Southern States of America, etc.
FIELDEN (John), homme politique anglais, né à Tod-
mordenle 17 janv. 1784, mort à Skegness le 29 mai 1849.
Fils d'un petit filateur, il fit son apprentissage dans l'usine
paternelle qu'il dirigea après 1811 avec ses frères. Cette
maison devint une des plus importantes d'Angleterre. Fiel-
den, disciple convaincu de Cobbett, appuya activement le
mouvement en faveur de la réduction des heures de tra-
vail et de la réforme parlementaire. Elu en 1 832 membre
du Parlement par le bourg d'Oldham, réélu en 1835, 1837
et 1841, il soutint ardemment la loi des dix heures de tra-
vail qui ne fut rejetée en 1846 que par une majorité de dix
voix et il la fit adopter l'année suivante. Une statue en
bronze lui a été élevée aux frais des ouvriers anglais dans
l'hôtel de ville de Todmorden. On a de lui : The Mischief
and iniquities ofpaper money (1832) ; National Régé-
nération (1834) ; A Sélection of facts and arguments
in favour ofthe ten hours M// (1845) ; Speech on the
Sugar duties (1841). R . S .
Bibl. : Fishwick, Genealogical Mémorial of the family
Fielden of Todmorden, 1844. - Alfred, History of the
factory movement, 1857.
FIELDING, comtes de Denbigh(Y. ce nom).
FIELDING (Henry), littérateur anglais, né à Sharpham
Park (Somerset) le 22 avr. 1707, mort à Lisbonne le
8 oct. 1754, membre de la famille des comtes de Denbigh.
FIELDING — FIENNES
— 422 —
Après avoir terminé son éducation à Eton, il fut envoyé à
Leyde pour y étudier le droit. Grand, actif, avide de plai-
sirs et manquant de fortune pour satisfaire à tous ses ap-
pétits, il eut bientôt abandonné la jurisprudence. De retour
à Londres, il fit du théâtre, ce qui était alors un moyen
assez rapide de gagner de l'argent. Il débuta à DruryLane
en 4728 avec une comédie, Love in several masques, et
composa successivement dix-huit pièces dont les plus re-
marquables sont : Tom Thumb (1730), TheMock Doctor
(1732), The Intriguing Chamber-Maid (1734) et The
Wedding Bay (1743). Les poches pleines, Fielding reprit
ses études juridiques, se fit inscrire au barreau (1740) et
plaida quelque temps, mais sans succès. Il revint alors à
la littérature, écrivit des pamphlets politiques, des articles
de journaux, des romans qui lui valurent la célébrité qu'il
n'avait pu conquérir ni au théâtre ni à la barre. En 4748,
il avait été nommé juge de paix de "Westminster, emploi
qu'il remplit avec la plus grande conscience. Sa santé étant
devenue fort précaire, il s'embarqua le 26 juin 1754 pour
le Portugal où il mourut après un court séjour. — Fiel-
ding, un des créateurs du roman anglais, était spirituel,
généreux jusqu'à la prodigalité, indulgent et moqueur. Le
succès exagéré d'un roman de Richardson, Pamela, lui
avait donné l'idée d'écrire Joseph Andrews (Londres,
1742, 2 vol.) où il protestait à sa manière contre l'aus-
térité, la rigidité, la puritanisme de Richardson qui sem-
blait toujours prêcher. Joseph Andrews, plein de naturel,
de gaieté, de vie, obtint un succès sans précédent. Persis-
tant dans cette voie, Fielding eut bientôt produit son chef-
d'œuvre : Tom Jones, or the history of a foundling
(1749) où il se donna la satisfaction d'arracher force
masques hypocrites et de s'amuser des ridicules des puri-
tains, tout en traçant d'admirables études de caractères.
Il faut citer encore : Amelia (1751), bonne étude de
mœurs domestiques ; The Life of Jonathan Wild the
great (1743), amusante satire ; ses Miscellanies (1743,
3 vol.) et son Journal of a voyage to Lisbon (1755) où
l'on retrouve toute la verve de sa jeunesse étrangement
alliée à la mélancolie de sa fin prochaine. La première édi-
tion de ses Œuvres complètes a été donnée en 1762 par
A. Murphy (Londres, 4 vol. in-4). Parmi les rééditions on
peut mentionner celles de Londres, 1784, 10 vol. in-8,
1808, 14 vol. in-8, 1871, 10 vol. in-8. R. S.
Bibl. : Murphy, Essay on life and genius of Fielding,
1762. — F. Lawrence, Life ofH. Fielding; Londres, 1855.
— Les biographies de Watson (1807), de Walter Scott
(1821)', de Roscoe (1840), de Dobson (1883), de Leslie
Stephen (1889), etc.
FIELDING (Sarah), sœur du précédent, née à East
Stour (Dorset) le 8 nov. 1710, morte à Bath en 1768.
Elle a composé des poésies et quelques romans. Nous
citerons : The Aduentures of David Simple in search
of a faithful Friend (1744); Jhe Cry (1754), en
collaboration avec miss Collier; The Governess (1749);
History of the countess of-Dellwyn (1759) ; Lives of
Cleopatra and Octavia (1757) ; History of Ophelia
(1785) et une traduction de Xénophon, Memoirs of So-
crates (1762). R. S.
FIELDING (Sir John), magistrat anglais, mort à
Londres le 4 sept. 1780, frère des précédents. Suppléant de
son frère à la justice de paix de Westminster, il lui succéda
dans ce poste. Il est l'auteur de : Plan for preventing
robberies (1755) dont l'idée première appartient à son
frère ; An Account of the origin and effects of a police
set on foot in 1753 (1758); Extracts from such of
the pénal laws as particularly relate to the peace
and good order of the metropolis (1768); A Treatise
on the office of constable (1768). John Fielding était
aveugle de naissance. Il est célèbre par la guerre impi-
toyable qu'il fit aux voleurs de Londres.
FIELDING (Anthony- Vandyke-Copley) , aquarelliste an-
glais, né à Londres en 1787, mort àBrighton le 3 mars 1855.
Elève de John Varley, il fut un des premiers exposants
de la Société des aquarellistes. Elu membre de la Royal
Àcademy, il en devint successivement trésorier, secré-
taire et président (1831), charge qu'il occupa jusqu'à sa
mort. Ses œuvres, d'une exécution impeccable, manquent
un peu de sincérité. Quelques-unes ont atteint des prix
très élevés ; ses marines surtout sont fort prisées : il excelle
à rendre les effets de tempête. Somme toute, il s'impose
plutôt par la grande quantité que par la qualité de ses pro-
ductions. F. T.
F1ELDS (James), poète américain, né à Portsmouth
(New Hampshire) en 1820. Associé de la maison d'édition
Ticknor et Fields, à Boston, il a donné une édition en
20 vol. des Œuvres de Thomas de Quincey (1858), et a
publié trois recueils de poésies originales (1849, 1854 et
1858) où il déploie un ingénieux talent d'amateur.
FIENNES. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Rou-
logne, cant. de Guines ; 979 hab. Fiennes fut au moyen
âge le chef-lieu de l'une des quatre châtellenies du Bou-
lonnais. On en connaît les châtelains depuis le xie siècle.
Le plus célèbre fut Robert de Fiennes, dit Moreau, connétable
de France au xive siècle, qui lutta vaillamment contre les
Anglais et mourut vers 1384. Après sa mort, la seigneurie
de Fiennes échut à sa nièce Mahaut de Ghatillon qui la porta
dans la maison de Luxembourg ; elle passa ensuite succes-
sivement aux comtes d'Egmont (1532), à la famille de Vicq
(1606), à la maison d'Etampes de Valençay, en faveur de
laquelle Louis XIII l'érigea en marquisat (1643), aux Fon-
tanieu, aux Belzunce et enfin aux Doublet de Rlandeville
qui la possédaient au moment de la Révolution. Vestiges
de l'ancien château romain détruit au xvie siècle.
FIENNES. Famille anglaise (V. Dacre of the South).
FI EN N ES (James), lord Saye and Sele, décapité à Londres
le 4 juil. 1450. Il prit part très jeune aux guerres contre
la France et obtint, en 1418, en récompense de ses ser-
vices, la seigneurie de La Cour le Comte dans le bail-
liage de Caux ; en 1430, il assistait au couronnement
de Henri VI à Paris. Il fut créé sheriff du Kent en 1437 et
sheriff de Surrey et Sussex en 1439. Connétable de Dou-
vres en 1447 et garde des Cinq Ports, il siégea au Parle-
ment de 1446-47 et fut créé baron Saye and Sele. Cham-
bellan du roi et membre du conseil, constable de la Tour,
il devint fort impopulaire lorsqu'il eut pris le parti du duc
deSuffolk.Des accusations, sans doute fondées, d'extorsion
et de malversation commencèrent à circuler sur son
compte. Il fut même accusé d'avoir trempé dans le meurtre
du duc Humphrey. Cependant le roi le nomma, en 1449,
lord trésorier. Bientôt une rumeur plus grave s'éleva.
Lord Saye était convaincu d'avoir rendu par trahison à la
France les provinces de l'Anjou et du Maine. Cependant,
protégé par Henri VI, il fut seulement privé de son office
de trésorier. Après la rébellion de Cade, il fut emprisonné
à la Tour. Livré par lord Scales aux gens de Cade, il fut
décapité ; son corps fut écartelé et sa tète fut promenée par
les rues. R. S.
FIENNES (Guislain de), marin , et diplomate belge du
xvie siècle. Il signa le compromis des nobles et lutta toute
sa vie contre la tyrannie espagnole. De 1570 à 1572, il
commanda la flotte des Gueux de mer ; puis Guillaume
d'Orange l'envoya négocier un traité d'alliance avec
Charles IX. Le roi de France s'engageait à fournir d'impor-
tants subsides au Taciturne qui, d'autre part, autorisait
le roi à conquérir une partie des Pays-Bas. Daas cette négo-
ciation et dans plusieurs autres dont il fut chargé, de
Fiennes fit preuve de beaucoup de zèle et d'habileté. Il
mourut à Paris et fut enterré dans l'église cathédrale de
Notre-Dame. — Son frère, Eustache, signataire comme lui
du compromis des nobles, porta la parole devant Margue-
rite de Parme, au nom des confédérés au mois d'avr. 1566.
Exilé par le duc d'Albe, il lutta vaillamment contre les
troupes espagnoles dans l'armée de Louis de Nassau. On
ignore l'histoire des dernières années de sa vie à partir
de 1573. E. H.
Bibl. : Te Water, Histoire du compromis des nobles
(en holl.) ; Leyde, 1841, 2 vol. in-8. — Groen van Prins-
— 423
FIENNES - FIENVILLERS
terer, Archives de la maison d'Orange; Leyde, 1847-62,
8 vol. in-8. — Arend, Histoire nationale (en noll.).
FIENNES (William), vicomte Saye and Sele, homme
d'Etat anglais, né le 28 mai 1582, mort, le 14 avril 4662.
Entré à la Chambre des lords dès 1613, assez pauvre, am-
bitieux, réservé, obstiné, il se fit remarquer, pendant les
dernières années du règne de Jacques Ier, parmi les mem-
bres les plus énergiques de l'opposition parlementaire. Dans
l'intervalle des sessions de la Chambre des lords, il s'occu-
pait d'affaires coloniales, d'accord avec d'autres notables
puritains, lord Brooke, John Pym, etc.; il forma même le
projet de s'établir dans la Nouvelle- Angleterre, mais à cer-
taines conditions que les colons, peu soucieux d'établir chez
eux une aristocratie, déclinèrent. Fiennes déblatéra dès
lors contre la Nouvelle-Angleterre, et apporta tous ses
soins à d'autres établissements situés dans le New Hamp-
shire actuel. — «Il était, dit Clarendon, l'oracle des pires
puritains. » Il prit donc naturellement une position pré-
pondérante à la Chambre des lords dès l'ouverture du Long
Parlement. Celui-ci le nomma lord-lieutenant des comtés
d'Oxford, de Gloucester et de Chester. Excepté de l'amnistie
générale par la proclamation royale du 3 nov. 1642, il
leva un régiment et prit part à la plupart des péripéties de
la guerre civile. Mais, regardé pendant six ans comme la
colonne des Indépendants dans la Chambre haute, il com-
mença à évoluer dans le sens d'un accommodement avec le
roi vers 1648. « Saye, dit Clarendon, n'avait pas la moindre
intention d'abolir la monarchie et encore moins d'effacer
les distinctions hiérarchiques entre les hommes. Il était
aussi fier de sa qualité et de son titre qu'on peut l'être,
et il prévoyait bien ce qu'il adviendrait de sa pairie si le
gouvernement tombait aux mains 'des soldats. » Après la
mort de Charles Ier, le lord puritain (qui s'était fait d'ail-
leurs grassement indemniser de la valeur de ses charges)
cessa de prendre part aux affaires publiques. Il séjourna à
Broughton pendant le Protectorat, et employa ses loisirs à
polémiser contre les quakers. La Restauration le fit membre
du conseil privé et membre du conseil des colonies (1660).
— On l'avait surnommé Old Subtlety, surnom qui rappelle
et caractérise son habileté comme tacticien parlementaire
et dans la conduite de sa vie. Plusieurs portraits gravés
de ce personnage sont conservés à la bibliothèque Bod-
léienne d'Oxford, dans la collection Sutherland. Ch.-V. L.
FIENNES (Nathaniel), homme politique anglais, né à
Broughton (Oxfordshire) vers 1608, mort à Newton Tony
(Wiltshire) le 16 déc. 1669. Fellow au New Collège
d'Oxford, il voyagea en Suisse après avoir terminé ses
études. En 1639, il était en Ecosse, s'occupant à établir
des intelligences entre les mécontents anglais et les cove-
nantaires. Il siégea pour Banbury au Parlement de 1640
et au Long Parlement. Il prit une part importante aux dé-
bats, se fit une spécialité des affaires ecclésiastiques et
acquit sur l'assemblée une influence considérable. Aussi
fut-il nommé membre de la commission chargée d'accom-
pagner le roi en Ecosse (1641), membre du comité de
sûreté (1642), reçut le commandement d'une troupe de
cavalerie dans l'armée du comte d'Essex. Il secourut Co-
ventry (23 août 1642), se distingua au combat de Worces-
ter (23 sept.), à Edgehill. En févr. 1643, il fut chargé
d'arrêter le colonel Essex, rétablit l'ordre à Bristol, déjoua
un complot qui avait pour but d'ouvrir la ville au prince
Rupert, et fut nommé alors gouverneur de Bristol (1er mai).
Assiégé par le prince Rupert en juillet, il fut forcé de
capituler. Accusé de trahison par plusieurs parlementaires,
il réclama la formation d'un conseil de guerre pour juger
sa conduite. Le procès eut lieu à Saint-Albans du 14 au
23 déc. 1643, et se termina par la condamnation à mort
de Fiennes. Gracié, il fut désormais privé d'emploi mili-
taire. En 1648, il fit de nouveau partie du comité de
sûreté ; mais il fut bientôt exclu de la Chambre avec les
membres qui avaient manifesté l'intention de signer la
paix avec le roi après le traité de Newport. Le 23 avr. 1654
Cromwell le fit entrer au conseil d'Etat; en 1655, il de-
vint gardien du grand sceau. Il représenta Oxford au Par-
lement en 1654 et 1655 et fut appelé à la Chambre des
lords en 1658. Il fut, à diverses reprises, l'organe du
Protectorat, notamment à l'ouverture du parlement de
Richard Cromwell. Il disparut ensuite tout à fait de la
scène politique et ne fut nullement inquiété par la Res-
tauration. On a de lui : True and exact Relation of the
battlesnear Keynton, and at Worcester (1642, in-4);
A Narrative ofthelate battle before Worcester (16 42,
in-4); A Relation concerning the surrender of the
city and castle of Bristol (1643, in-4) ; Unparalleled
Reasons for abolishing episcopacy (1642, in-4)., etc.
On lui attribue Monarchy asserted (1660). R. S.
FIENNES (Du Bois de) (V. Bois de Fiennes).
FI EN N ES (Maximilien-François, comte de), général fran-
çais, baptisé le 10 juin 1669, mort à Paris le 26 avr. 1716.
Il fut d'abord mestre de camp d'un régiment de cavalerie,
puis créé brigadier le 29 janv. 1702 et maréchal de camp
le 26 oct. 1703. Blessé en Allemagne, en 1703, à la
bataille de Spire , il est aux sièges de Gibraltar, Bada-
joz et Carthagène (1706). Lieutenant général le 28 oct.
1706, il est à Almanza (1707) aux sièges de Lérida et de
Tortose (1708). Commandant de l'armée de Roussillon en
l'absence du duc de Noailles de 1711 à 1714, il remporte
quelques avantages sur l'ennemi pendant les campagnes de
ces quatre années.
' FIENNES (Jean-Baptiste de), orientaliste et diplomate
français, né à Saint-Germain-en-Laye le 9 oct. 1669, mort
à Paris en 1744. Ayant embrassé fort jeune la carrière du
drogmanat, il partit en 1687 pour le Levant, avec F. Petis
de La Croix. Il occupa successivement les postes de premier
drogman de consulat à Alexandrie (1692) et au Caire
(1695). Revenu en France pour affaires personnelles en
1706, il y fut accueilli avec faveur et nommé en 1714, en
remplacement de La Croix, à la chaire d'arabe au Collège
de France, puis, en 1716, au poste de secrétaire-interprète
du roi. En 1718, il alla en mission avec Dussaux,dans les
régences barbaresques, et enfin, en 1729, il termina sa
carrière active en retournant seul à Tripoli où il fit un
traité de paix avantageux pour les intérêts français.
FI EN N ES (Jean-Baptiste-Hélin de), fils du précédent, né
à Saint-Germain-en-Laye le 25 mars 1710, mort en 1767.
Il embrassa, un peu malgré lui, la même carrière que son
père. Il partit pour Constantinople en 1729, avec une
pension de 1,200 livres, pour y étudier les langues orien-
tales, et notamment l'arabe, le turc et le persan. Après dix
ans de stage, il revint en France et fut chargé, en 1740,
conjointement avec Petis de La Croix, de la direction des
Jeunes de langues du collège Louis-le-Grand. En 1742, il
fut envoyé à Tunis pour y conclure la paix et en ramena
deux ambassadeurs du bey, chargés de faire des excuses
au roi pour une insulte au pavillon français. De Fiennes
fut successivement nommé secrétaire-interprète du roi en
1744 et professeur d'arabe au Collège de France en 1748.
Il fut néanmoins envoyé en mission diplomatique à Tri-
poli en 1751 pour obtenir satisfaction de la conduite des
corsaires de cette régence envers les Français, et il
réussit dans sa mission. Nous ne connaissons aucun
ouvrage imprimé des deux de Fiennes, sauf une Re-
lation de Doury Effendi, ambassadeur de la Porte en
Perse, traduite du latin du P. Krusinski, par de Fiennes
le jeune, et publiée en 1810 dans le Magasin Encyclopé-
dique, puis tirée à part. La Bibliothèque nationale possède
parmi ses manuscrits quelques traductions du père et du
fils et notamment de ce dernier, celle du Tarikh al-Rindïl
Gharbi (Histoire des Indes occidentales) , histoire inté-
ressante de la découverte de l'Amérique. C. St-A.
Bibl. : Abbé Goujet, Mêm. hist. et litt. sur le Coll. de
France, p. 111. — Zenker, Bibl. orient., n° 1030.
FIENNES de Clinton (V. Clinton).
FIENNES (John) (V. Crampton [Sir]).
FIENVILLERS. Corn, du dép. de la Somme, arr. de
Boulogne-sur-Mer, cant. de Guines; 928 hab.
FIER - FIESCHI
— 424 —
FIER (Torrent) (V. Savoie [Haute-]).
FIERASFER (Ichtyol.). Genre de poissons osseux (Té-
léostéens) de l'ordre des Anacanthini et de la famille des
Ophiidse, section des Fierasferina, à corps allongé ou com-
primé, couvert de très petites écailles de couleur pâle et
souvent transparentes. Les Fierasfer habitent la Méditer-
ranée, l'océan Atlantique et l'océan Pacifique. Ce sont des
animaux parasites et que l'on rencontre logés dans le tube
digestif des Holothuries. — Le Fierasfer dubius vit le
plus souvent entre les valves de la Meleagrina marga-
ritifera; on vient souvent offrir des valves dé cette co-
quille contenant le corps d'un de ces petits poissons recou-
vert d'un dépôt de nacre.
Bibl. : Gunther, Study of Fishes. — Sauvage, dans
Brehm, éd. française, Poissons. — Cuenot, dans le Natu-
raliste, 14e année, 2e série, n° 120.
FIERENS (Caroline), cantatrice dramatique belge, née
à Bruxelles en 1866. Elle fit ses études musicales au con-
servatoire de Bruxelles. Engagée presque aussitôt au Grand-
Théâtre de Lille -pour y tenir l'emploi de première chanteuse
de grand opéra, elle y créa le rôle de Zaïre dans Zaïre, opéra
inédit de M. Charles Lefebvre. Ses succès à Lille la firent
appeler à Marseille, où elle ne fut pas moins bien accueillie,
grâce à sa beauté sculpturale, à retendue, à l'étoffe et à la
belle qualité de sa voix, à son habileté de cantatrice, enfin à
un sentiment dramatique que l'expérience ne pouvait qu'ac-
croître encore. A la fin de 1894 elle était engagée à
l'Opéra, où elle débuta dans le rôle d'Ortrude, de Lohen-
grin. Mlle Fierens a épousé, presque au sortir du conser-
vatoire de Bruxelles, un de ses camarades de classe dans
cet établissement, M. Peeters, avec qui elle avait été
engagée à Lille.
FIERROS (Dionisio), peintre espagnol contemporain, né
à Vallota (Asturies). Elève de l'Académie de San Fernando
et de Federico de Madrazo, tour à tour peintre d'histoire, de
genre et de portraits, son talent s'est également bien prêté à
ces diverses manifestations. De 1860 à 1866, on a vu de lui
aux expositions faites à Madrid, à Londres, à Paris : Une
Fête aux environs de Santiago (galerie de l'infant D. Sé-
bastien) ; La Ruada et La Muneira (1858, galerie Monpen-
sier à Séville) ; Une Famille galicienne; Un Mendiant et
la Sortie de la messe dans un village de Galice (acquis
par l'Etat et appartenant au musée du Fomento) ; Atelier
d'artiste, un Episode du règne de Henri III, el Doliente
(appartenant à l'Etat), ainsi que de nombreux portraits de
personnages contemporains, notamment celui de la prin-
cesse Antonia de Portugal, un portrait de Moratin,
qui est à l'Académie de San Fernando et une représen-
tation du roi Alphonse F pour le salon des Rois, au musée
du Prado. P. L.
Bibl. : Ossorio y Bernard, Galeria biogràfica de ar-
tistas espanoles del siglo XIX; Madrid, 1868.
FIERTON (Numism.). Poids équivalent à un quart du
marc. On a cité à tort comme le plus ancien exemple de ce
mot un passage d'un diplôme de Louis le Pieux pour le
monastère d'Ebersheim (Novientum), car c'est un docu-
ment faux. Le mot fierton vient du saxon feorthung qui
signifie quart. Dans les chartes du xie au xive siècle,
rédigées en Artois, en Flandre et en Allemagne, on trouve
des mentions assez fréquentes de redevances exprimées en
marcs et fiertons d'argent. Le fierton était un poids très
employé au xme siècle dans les hôtels monétaires de la
France pour la vérification des espèces. Dans la plupart
des baux de monnaies conclus au nom d'Alphonse de Poi-
tiers, il est stipulé que les monnaies devront avoir le poids
moyen et qu'on ne tolérera que « trois forts et trois faibles
au fierton », c.-à-d. trois deniers forts et trois deniers fai-
bles par quart de marc. Certains numismatistes modernes
commettent une erreur quand ils appliquent le nom de
fiertons aux déneraux (V. Déneral). Il est possible que
le mot fierton ait aussi désigné une petite monnaie valant le
quart d'un denier, analogue au farthing anglais. M. Prou.
Bibl. : Du Gange, Glossarium, au mot Ferto.]
F1ERVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Valognes, cant. de Barneville; 486 hab.
FIERVILLE-lâ-Càmpagne. Com. du dép. du Calvados,
arr. de Falaise, cant. de Bretteville, sur la Muance ; 286 hab .
Eglise intéressante du xme siècle, dont le carré du tran-
sept est surmonté d'un clocher et d'une flèche en pierre.
FIERVILLE-les-Parcs. Com. du dép. du Calvados, arr.
de Pont-1'Evêque, cant. de Blangy ; 170 hab.
FI ESC H I (Giuseppe) , conspirateur, né à Murato (Corse)
le 13 déc. 1790, mort à Paris le 19févr. 1836. Né d'une
famille de vagabonds, berger en Corse dans son enfance,
il alla, dès l'âge de seize ans, s'engager dans l'armée na-
politaine, devint sergent deux ans' plus tard, entra dans
la garde royale de Murât et gagna la croix des Deux-
Siciles par sa bravoure dans les campagnes de 1812, 1813
et 1814. Absolument dénué de sens moral, il avait déjà
fait le métier d'espion pour le compte des Autrichiens.
Les renseignements (ju'il leur fournit en 1815 les aidèrent
à remporter la victoire de Tolentino sur Murât, qui fut
détrôné et qu'il alla pourtant rejoindre en Corse pour le
tromper encore. Abusé par son apparent dévouement, le
beau-frère de Napoléon l'emmena dans cette folle équipée
de Pizzo (28 sept. 1815) où, trahi de nouveau par cet
aventurier, il ne tarda pas à trouver la mort. Fieschi passa
quelque temps après à Marseille, puis regagna son île
natale, s'y fit condamner à dix ans de réclusion pour vol
(28 août 1819), subit sa peine à Embrun, puis, se dérobant
à la surveillance de la haute police, travailla comme ou-
vrier dans diverses villes du Midi sous le nom de Gérard.
Après la révolution de Juillet, il se rendit à Paris, où,
grâce à de faux papiers, il obtint des secours à titre de
condamné politique, se mit, comme agent secret, au service
de la préfecture de police et fut nommé gardien du moulin
de Croulebarbe. Il vivait en concubinage avec une femme
nommée Laurence Petit, qu'il avait connue à la prison
d'Embrun, et dont la fille, Nina Lassave, séduite par lui
à l'âge de quinze ans, devint aussi sa maîtresse. Les rap-
ports défavorables dont il fut l'objet lui firent perdre son
emploi et motivèrent un mandat d'amener qui fut lancé
contre lui le 24 oct. 1834. Réduit à se cacher, il demeura
quelque temps chez le bourrelier Morey, chez l'épicier
Pépin, dont les incitations lui donnèrent sans doute la
première idée de l'attentat politique qui devait rendre son
nom célèbre, puis s'installa boulevard du Temple, n° 30, dans
un logement du troisième étage. Là, d'accord avec Pépin et
Morey, il établit une machine infernale composée de vingt-
quatre canons de fusil chargés à mitraille, en vue de tuer
d'un seul coup Louis-Philippe et ceux des membres de sa
famille qui, le 28 juil. 1835, devaient se rendre avec lui,
en grand appareil, par le boulevard du Temple, à la place
de la Bastille, pour célébrer l'anniversaire de la révolution
de Juillet. L'explosion eut effectivement lieu au moment
précis où le roi et son cortège passaient devant sa maison.
Dix-neuf personnes (parmi lesquelles le maréchal Mor-
tier) furent tuées ou blessées mortellement; vingt-trois
furent simplement blessées. Fieschi , grièvement atteint
lui-même par un des canons de fusil qui avait éclaté, fut
arrêté quelques instants après. Son identité une fois
reconnue, ses complices ne tardèrent pas à être arrêtés,
grâce à ses révélations et à celles de Nina Lassave, qui,
pendant quelque temps, étala effrontément sa célébrité
dans un café de Paris. Morey, Pépin, le lampiste Boireau
et le relieur Bescher comparurent avec lui, après une
longue instruction (30 janv. 1836), devant la cour des
Pairs, ou il eut l'attitude et le langage d'un fanfaron de
crime, Sa forfanterie et sa jactance ne l'abandonnèrent pas
après sa condamnation. Conduit à l'échafaud avec Morey
et Pépin, il fut exécuté après eux, non sans avoir voulu
haranguer la foule qui assistait à son supplice. Ses deux
compagnons étaient personnellement républicains. Mais il fut
impossible de démontrer qu'aucun parti eût concouru direc-
tement ou indirectement à leur attentat. A. Debidour.
Bibl. : Belle, Notice sur Fieschi; Paris, 1835, in-8. —
— 425 -
FIESCHI — FIESÛLE
Louis Blanc, Histoire de dix ans. — Bouveiron, Hisîori-
cal and biographical Sketch ofFieschi; Londres, 1835, in-8.
— Cour des Pairs, attentat du 28 juil. 1835; Paris, 1835-
1836, 6 vol. in-4. —'Fieschi, précédé de sa vie privée ; Pa-
ris, 1836, 2 vol. in-18. — Fieschi und seine Mitangeklaglen;
Leipzig, 1836, in-8. — Lesur, Annuaire historique, 1835-
1836. — Levensbijzonderheden von Fieschi ; Utrecht, 1836,
in-8. — Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de
Juillet, etc.
FIESCO (pluriel Fieschi). Célèbre famille italienne, l'une
des quatre principales de Gênes. Ils étaient comtes de
Lavagna, et leur origine, fort ancienne, remontait au moins
au xe siècle, époque à laquelle les mentionne un diplôme
de l'abbaye de San Fruttuoso ; il y a beaucoup de légendes
sur cette période de l'histoire des Fiesque. D'abord rivaux
de Gênes, ils obtinrent en 11501e droit d'élever un palais
dans la ville et, en 1198, ils abandonnèrent à la répu-
blique leur comté de Lavagna ; depuis cette date, leur his-
toire est celle de Gênes. Les Fiesque ont fourni deux papes,
Innocent IV et Adrien V (V. ces noms), trente cardinaux,
plus de trois cents prélats, des généraux, des amiraux, un
nombre infini de personnages remarquables. La branche
aînée des Fiesque, celle qui fut bannie de Gênes après la
conspiration, s'éteignit en 1708. • R. G.
Les principaux personnages de la famille sont, outre les
deux papes : Guglielmo, mort à Rome en 1256, cardinal
(1244), protecteur des augustins. •— Luca, mort en
1336, cardinal (1298), délivra Boniface III .à Anagni. —
Giovanni, mort en 1384, évêque de Verceil, cardinal
(1378), agent préféré d'Urbain VI. — Luigi, mort à
Rome en 1423, cardinal en 1385, électeur de Boniface IX,
puis légat en Romagne, légat de Martin Y en Sicile. —
Giorgio, mort à Rome en 1461, archevêque de Gènes et
cardinal. — Cattarina, morte en 1510, fondatrice à
Gènes de deux communautés religieuses charitables (hommes
et femmes). — Bartolomeo, qui provoqua en 1505 l'in-
surrection à la suite de laquelle le roi de France Louis XII
occupa Gênes. — Nicola, évêque de Fréjus et Toulon, car-
dinal (1503), archevêque d'Embrun, de Ravenne, conseiller
d'Alexandre VI, de Jules II et d'Adrien VI. — Giovanni-
Luigi, né en 1523, noyé à Gênes le 2 janv. 1547, auteur
de la fameuse conjuration (V. ci-dessous).
Conjuration de Fiesque. — Le comte Giovanni-Luigi
Fiesco, chef de la puissante famille génoise de ce nom,
conçut, aux environs de l'année 1545, la résolution de
changer la forme du gouvernement de son pays. Il y fut
déterminé moins par le dépit de voir sa maison supplantée
par celle des Doria que par l'intention hautement avouée
du vieil André Doria d'assurer l'hérédité de ses charges,
jadis électives, à son neveu Giannettino. Il fut indigné de
voir, par surcroît, une ville autrefois indépendante, in-
féodée, dans ce but d'ambition égoïste, à la politique espa-
gnole et perdant ainsi du même coup l'indépendance et la
liberté. Quoi qu'il en soit, du reste, de ses motifs, dès
1544 Fiesco tentait de surprendre Gênes avec un corps
français ; mais celui-ci fut défait par les Autrichiens. A
partir du commencement de 1546, Fiesco est sans cesse
sur les routes, sollicitant l'appui, tantôt du souverain
pontife, tantôt du roi François Ier, tantôt du duc de Parme,
tantôt de la république de Florence, afin d'assurer des
alliés à Gênes, dans le cas assez probable où Charles-Quint
chercherait à venger son allié à lui et surtout à recouvrer
l'influence perdue. Sous prétexte d'équiper des galères
contre les Turcs, il rassembla à Gênes plusieurs centaines
de mercenaires. Il trompait André Doria par un projet de
mariage entre la sœur de Giannettino et le frère de sa
femme, le marquis de Massa, Giulio Cybo ; les Doria devaient
être assassinés au banquet de noces. Ce projet ne put se réa-
liser. Tout étant bien combiné, à l'intérieur comme à l'ex-
térieur, Fiesco fixa au 2 janv. 1547 son audacieuse tenta-
tive. Elle n'échoua que par suite d'un accident singulier.
Tandis que ses affidés gagnaient en hâte les postes qu'il
leur avait assignés et se trouvaient maîtres de Gênes en
un clin d'œil, qu'André Doria fuyait à toute bride vers le
château fort de Masone, que Giannettino tombait percé de
coups à la porte de la Darsène, il courait au port de
guerre, dont il s'était réservé l'attacnie, comme la plus
difficile et la plus périlleuse tentative de l'entreprise ;
contre toute attente, les galères de Doria se rendirent sans
coup férir ; mais, comme il traversait la passerelle reliant
l'une d'elles à la rive, il glissa, tomba dans l'eau et, pa-
ralysé par le poids de ses armes, coula à fond sans que,
dans le tumulte, nul des siens ne s'aperçût même de sa dis-
parition. La conspiration triomphante mourut avec celui qui
en était l'âme. Les vainqueurs ne surent plus que faire de
leur victoire, dès lors que le bruit vague se répandit
parmi eux que leur vaillant chef était tombé en quelque
coin ignoré du champ de bataille. Vainement, le frère du
comte, Girolamo Fiesco, s'efforça-t-il de leur rendre le
courage, de poursuivre l'exécution du plan élaboré par
Giovanni-Luigi. Il ne fut pas écouté. Des pourparlers s'ou-
vrirent aussitôt avec Doria et, le 4 janv.,1 le fugitif de
l'avant-veille rentrait à Gênes en grande pompe. Malgré
la solennelle promesse d'une amnistie générale, sa re-
vanche fut éclatante. Ceux des Fieschi que ne put atteindre
la hache de ses bourreaux ou le poignard de ses sbires
furent bannis à perpétuité du territoire de Gênes, et,
lorsque l'on retrouva, à demi enfoui dans la vase, le ca-
davre de celui devant qui il avait dû fuir, Doria se donna
le lâche plaisir de le faire exposer durant deux mois dans
le misérable état où l'avait laissé la mort, puis ordonna
de le jeter à la mer : « — Puisqu'il s'est choisi cette sépul-
ture, dit-il, qu'il la garde. »
De ses deux frères, Girolamo s'enferma dans son château
de Montobio, se rendit au bout de quarante-deux jours de
siège et fut pendu avec ses principaux complices. Ottobuono
se réfugia à Marseille et servit dans l'armée française ;
huit ans après les Espagnols le prirent et le livrèrent aux
Génois qui le noyèrent. Eléonore Cybo (1523-1594),
veuve du principal conspirateur, épousa le général Chiap-
pino Vitelli. — La renommée posthume de Giovanni-Luigi
Fiesco est due au cardinal de Retz et après lui à Jean-
Jacques Rousseau. Il s'éprit de ce personnage qui lui parut
un des plus merveilleux de l'histoire. Schiller en fit le
sujet d'une tragédie, imitée par Ancelot (1824).
Bibl. : Acinelli, Compendio délia storia di Genova;
Gênes, 1750? 2 vol. in-8. — Sismondi, Histoire des répu-
bliques italiennes,
Conjuration de Fiesque. — La première bonne his-
toire est celle d'Aug. Mascardi (Anvers, 1629, pet. in-4),
dont s'inspira le cardinal de Retz. Parmi les ouvrages
récents nous citerons : Brea, Sulla Congiura del conte
G.-Luigi Fiesco; Gênes, 1863. — Celesca, La Congiura
del conte G.-L. Fiesco; Gênes, 1864. — Canale, Storia
délia repubblica di Genova dalVanno 1528 al 1550, ossia le
congiure di Fieschi et Giulio Cibô; Gênes, 1874. — Anto-
nio, Nuovi Documenti sulla congiura del conte Fieschi
nel 15kl ; Gênes, 1886. — Ed. Petit, André Doria (V. surtout
les chap. xi et xn) ; Paris, 1887, in-8.
FIESOLE. I. Géographie. — Ville d'Italie, située au N.
de Florence, sur une colline escarpée qui domine la vallée
de l'Arno, à 335 m. d'alt. Population totale, 13,888 hab. ;
agglomérée, 2,032 (en 1881). Evêché et séminaire. Cette
petite et intéressante localité est pleine de grands souve-
nirs. C'est là, à la villa Palmieri, que Boccace fait séjourner
les personnages de son Decameron durant la peste de
1348. C'est là, au couvent de San Domenico (fondé en
1406), que vécut longtemps le doux moine et illustre
peintre Fra Giovanni Angelico, dont un tableau de sain-
teté orne encore le chœur de l'église; c'est près de là,
dans un autre couvent, la Badia di Fiesole, reconstruit
en 1462 par Brunelleschi, que l'Académie platonicienne de
Laurent de Médicis tenait ordinairement ses séances. On y
voit encore une cathédrale (bâtie eh 1028, restaurée en
1256) qui est un spécimen des plus anciens du style tos-
can, l'église San Alessandro avec 15 colonnes antiques,
un couvent de franciscains (de 1350) au sommet de la
colline; un palais du xme siècle, une partie des murs
énormes de l'enceinte étrusque, et les ruines d'un théâtre
antique. Le paysage de Fiesole est très pittoresque et les
villas de plaisance des Florentins y sont nombreuses.
FIESOLE
— 426 —
IL Histoire. — Fœsulœ semble avoir été une impor-
tante cité étrusque, bien qu'il n'en soit pas fait mention
avant l'époque romaine ; en 225, les Gaulois y vainquirent
l'armée romaine ; Annibal campa dans le voisinage, après
le passage des Apennins. Ravagée et brûlée durant la
guerre sociale, Fsesulœ reçut une des colonies militaires
de Sulla ; c'est probablement le dictateur qui lui porta un
coup mortel en fondant au pied la cité de Florence, qui
devait la supplanter. C'est à Fœsulae que Catilina établit
son quartier général, qu'il forma ses deux légions d'anciens
vétérans sullaniens ; la légende locale conserva son sou-
venir comme celui d'un héros national. Sons l'Empire,
Florence éclipse la vieille cité de la montagne. Celle-ci
reparaît au ve siècle; c'est dans ces rochers que Stilicon
bloqua, affama et détruisit la grande armée de Radagaise
(400). Plus tard, Bélisaire eut grand' peine à s'emparer
de la forte place. Au moyen âge, Florence acheva d'écraser
sa rivale ; Fiesole fut prise en 1010 et à peu près détruite
par les Florentins. Elle demeura sous leur dépendance.
Bibl. : Dennis, Etrurie, t. II.
FIESOLE (Fra Benedetto da), peintre italien, né à Vic-
chio, près de Florence, vers 1389, mort en 1448. Vasari,
parlant de Fra Giovanni da Fiesole, surnommé Beato Ange-
lico, assure qu'il fut aidé dans ses innombrables travaux
par un suo maggior fratello che era similmente mi~
niatore ecl assai esercitato nella pittura. Ce frère de
Giovanni, c'est Benedetto. Mais en ce qui concerne son
âge, l'assertion de Vasari a été discutée, notamment par
le P. Marchese dans son livre sur les artistes dominicains,
et il est très douteux que Benedetto fût l'aîné des deux
frères. Il semble au contraire être né après Giovanni. Dans
tous les cas, ils se suivirent à très peu de distance et leur
biographie resta toujours étroitement liée. Benedetto prit
l'habit dominicain en 1407 et fit profession l'année sui-
vante. Cet événement s'accomplit vraisemblablement à Fie-
sole. Plus tard, en 1436, les deux frères et toute la commu-
nauté vinrent s'établir à Florence, au couvent de San Marco,
que Cosme de Médicis le Vieux avait fait reconstruire à ses
frais par Michelozzo Michelozzi. C'est là que Fra Bene-
detto fit les grands travaux qui ont fourni aux Florentins
les éléments d'un musée. Il était essentiellement miniatu-
riste. De bonne heure, il fat connu comme tel et, dès 1433,
Cosme de Médicis le chargea d'enluminer les livres de
l'église et de la sacristie. Ce travail l'occupa cinq ans : il ne
l'avait pas encore achevé, lorsque les religieux de San Do-
menico de Fiesole l'élurent prieur de leur couvent. La peste
l'enleva en 1448 : Moribus et vitœ integerrimus fuit.
Piequiescat in pace. Ainsi s'exprime la chronique manus-
crite du couvent de San Marco en constatant la mort de
Fra Benedetto.
Plusieurs des livres de chœur enluminés par le labo-
rieux dominicain ont été conservés, et on peut les voir à
Florence à l'ancien couvent de Saint-Marc, devenu un musée
en exécution de la loi du 7 juil. 1866. Ils ont été examinés
avec soin par le P. Marchese et plus récemment par Fer-
dinando Rondoni, qui a dressé le catalogue des œuvres d'art
que contient l'ancien monastère. Ce travail réclame une
certaine critique, <car tous les missels illustrés, tous les
psautiers, tous les antiphonaires conservés dans les vitrines
du nouveau musée ne sont pas de Fra Benedetto, et il serait
imprudent d'admirer au hasard. De plus, dans le même
volume, on trouve les œuvres de mains différentes. Cer-
taines miniatures ont, d'ailleurs, été retouchées. Le style
de Benedetto est, avec moins de force, celui de son frère
Giovanni : il s'est toujours inspiré de ses exemples et il
reproduit les mêmes types doucement mystiques. Les mi-
niatures dont Fra Benedetto a orné les livres du couvent
de San Marco comportent des initiales, des marges enlu-
minées, des vignettes, parfois d'importantes compositions
empruntées à Y Evangile et à la Vie des Saints. Ces diverses
scènes se complètent souvent par des paysages minutieuse-
ment détaillés et presque toujours d'une grande fraîcheur
de ton. Ces beaux manuscrits montrent aussi à bien des
pages les armoiries de Cosme de Médicis qui les avait com-
mandés. Fra Benedetto n'a pas fait seulement de la miniature.
Comme l'a dit Vasari, il était assai esercitato nella pit-
tura et il fut, pour son frère Giovanni, un collaborateur
zélé. Parmi les fresques dont les cellules de l'ancien couvent
de San Marco sont encore décorées, il en est plusieurs qui
peuvent être attribuées à Benedetto, mais il n'est pas toujours
facile de reconnaître la part qui appartient à chacun des
frères dans l'exécution de l'œuvre commune. P. Mantz.
Bibl. : Vasari, Vite de' pittori. — Le P. Marchese, Me-
morie dei pittori domenicani, 1854. — E. Cartier, Vie de
Fra Angelico de Fiesole, 1857. — F. Rondoni, Guida del
museo ai S. Marco, 1872.
FIESOLE (Giovanni da), peintre florentin (V. Angelico
[Fra]).
FIESOLE (Mino di Giovanni, dit Mino da), sculpteur
italien, né, non à Fiesole, mais à Poppi, petite ville du
Casentin, en 1431, mort en 1484. 11 travailla d'abord en
Toscane, puis à Rome. Ses premières œuvres connues sont
des bustes copiés avec une exactitude minutieuse et presque
brutale : bustes de Niccolà Strozzi (1454), au musée de
Berlin; de Pierre de Médicis, le Goutteux (vers 1455) ;
de Giuliano de Médicis (mort en 1463) ; du Comte Bi-
naldo délia Luna (1461), au musée national de Florence.
Après ces œuvres lourdes et vulgaires, il se fit dans la
manière de Mino une transformation complète, qu'il faut
attribuer à l'influence de Desiderio da Settignano. Ce
maître si élégant et si fin n'eut pas Mino comme élève,
ainsi que le prétend Vasari, car il n'était son aîné que de
trois ans, mais il l'eut comme ami, et dès 1455, il avait
produit son œuvre capitale, le tombeau de C. Marsuppini,
à Santa Croce. A ce moment décisif de sa carrière, Mino
exécute deux bustes qui comptent parmi les plus belles
œuvres du xve siècle : celui de l'évêque de Fiesole, Leo-
nardo Salutati (avant 1466, cathédrale de Fiesole), et
celui du fameux homme d'Etat florentin, Diotisalvi di
Nerone, daté de 1464 (coll. Dreyfus). La facture est large
et souple; l'indication des caractères est donnée avec
esprit, sinon avec profondeur : on sent vivre cet évêque
au large sourire débonnaire que dément l'œil perçant et
presque dur, et ce conspirateur au regard sombre, à la
iDouche amère et sarcastique. Ces deux hommes, dont Mino
nous a conservé les traits, ont beaucoup fait l'un et l'autre
pour l'expansion de son talent. Salutati lui avait com-
mandé pour la cathédrale de Fiesole son tombeau au-dessous
duquel est placé le buste : c'est un sarcophage en marbre,
de forme très pure, appuyé au mur, et reposant sur d'élé-
gantes consoles à volutes. La composition et l'exécution ont
une originalité que Mino ne retrouvera plus. Dans la même
chapelle', en face, Mino a exécuté, toujours sur la com-
mande de Salutati, un important autel, où l'on voit au
centre la Vierge à genoux et les mains jointes contemplant
l'enfant Jésus qui parle à un petit saint Jean gracieusement
agenouillé ; à droite, saint Léonard, à gauche, saint Re-
migio soignant un estropié. Au-dessus un buste de Christ
d'expression dure et archaïque. Cette décoration de Fiesole
marque l'apogée du talent de Mino. Aussitôt qu'elle fut
terminée, Diotisalvi di Nerone le chargea de décorer la
Badia de Florence. L'autel de droite n'est guère qu'une
réplique de celui de Fiesole. Dans le transept se trouvent
les deux tombeaux du gonfalonier Bernardo Giugni (mort
en 1466) et du Comte Hugo oVAndeburg, qui fut sous
Othon II, au xie siècle, vice-roi de Toscane. Tous deux
sont imités assez gauchement des mausolées fameux de
Marsuppini par Desiderio et de L. Bruni par Bernardo
Rossellini : les anges et les vertus ont un mouvement forcé
et guindé. Un élégant devant d'autel, représentant la
Vierge et l'Enfant, entre saint Laurent et saint Léo-
nard, a passé de la Badia au Musée national. <
Dans cette première partie de sa vie, Mi/no fit deux
voyages à Rome, en 1454 et en 1463. Lors de ce dernier,
le pape Paul II, encore cardinal, lui commanda un Christ
en croix entre saint Jean et la Vierge, maintenant à
Sainte-Balbine ; à la même époque Mino signa l'un des
— 427
FIESOLE — FIÈVRE
enfants qui portent la targe armoriée au-dessus de la porte
de San Giacomo degli Spagnuoli. A partir de 1470 environ,
Mino se fixa à Rome et ne retourna en Toscane que par
intervalles, pour l'exécution de petits monuments décora-
tifs tels que les tabernacles de San Pietro dePérouse (1473),
de San Ambrogio à Florence (1481), les reliefs très faibles
de la chaire de Prato (1473), dont il dessina également
l'architecture assez pauvre. Après la mort de Paul II (1471) ,
son neveu, le cardinal Marco Bembo, commanda à Mino le
tombeau de ce pape. Il y travailla en collaboration avec
Giovanni Dalmata. Ce monument considérable et très
chargé, placé d'abord dans l'église Saint-Pierre, en fut
enlevé lors de la construction de la nouvelle basilique ; les
fragments en sont dispersés dans la crypte de l'église. De
la même époque est le grand tabernacle très riche de Santa
Maria in Trastevere, que Mino reproduisit sans beaucoup
de modifications dans les tabernacles de San Marco à Rome
et de Santa Croce à Florence. Enfin Mino a encore exécuté
à Rome, en collaboration avec des artistes locaux, les
tombeaux du Cardinal Forteguerra à Santa Cecilia, de
Pietro Riario (1474) aux Santi Apostoii, de Cristoforo
délia Rovere (mort en 1479), à Santa Maria del Popolo,
de Ferrici, dans la cour de la Minerva, du jeune Cecco
Tornabuoni (mort en 1480) à la Minerva. Tous ces mo-
numents sont plus ou moins inspirés de celui de Marsup-
pini, et ont à leur tour exercé une influence durable sur la
sculpture funéraire à Rome. On peut voir encore, soit en
Italie, soit à l'étranger, un assez grand nombre d'œuvres
de Mino, telles que la Jeune Florentine du Musée natio-
nal de Florence, à laquelle, suivant l'inscription, Mino a
donné la lumière ; une Madone avec F enfant et un petit
Saint Jean au Louvre ; deux figures en haut-relief de la
Foi et de la Charité, dans la collection Dreyfus, etc.
Telle est l'œuvre de cet artiste, l'un des plus féconds
du xve siècle. La direction suivant laquelle s'est développé
son talent est aisée à préciser. Après s'être essayé dans
des portraits de contemporains assez lourds et grossiers, il
produit, sous l'influence de Desiderio, ces deux bustes ad-
mirables où le modèle est si fortement compris, si ferme-
ment simplifié, et si ingénieusement traduit. Enfin, après
avoir interprété la nature en artiste, Mino finit par la
regarder à peine. Il se fait un type féminin et enfantin
qu'il reproduit avec une facilité prodigue, dans ces Ma-
dones et ces Vertus de quinze ans, au visage arrondi, au
front haut et pur, aux traits trop fins, à qui l'absence même
d'expression semble donner une sérénité céleste. Les mains
sont effilées et diaphanes ; les proportions très élancées.
Les corsages collants et les draperies aux plis rares, cassés
et pinces, sont transparents sans cesser d'être chastes. Enfin
toutes les figures sont si soigneusement polies, si blanches
et si brillantes qu'elles semblent lumineuses. Cette jeunesse
et cette pureté sont ravissantes. Mais il faut bien dire
qu'en s'éloignant de la nature, Mino ne rencontra pas tou-
jours la beauté. Ses enfants sont lourds, ses figures de
saints vides et presque idiotes. Enfin il arrive à une telle
négligence qu'il signe un certain nombre d'œuvres d'une
nullité pénible, comme ces reliefs de Prato, où, sans par-
ler des autres défauts, la perspective et les proportions
sont violées de telle sorte que les personnages du second
plan sont du double plus grands que ceux du premier.
Mino était un artiste charmant qui ne pouvait pas s'élever
très haut, et qui a laissé perdre une partie de ce qu'il
promettait en s'abandonnant à sa facilité. E. Bertaux.
Bibl. : E. Muntz , Histoire de Vart pendant la Re-
naissance, t. 1. — Burckhardt, Le Cicérone. — Coura-
jod, Un Bas-Relief de Mino de Fiesole au musée du
Louvre.
FIESOLE (Silvio Cosini da) , sculpteur italien (V.Cosini).
FI EU (Le). Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Coutras; 626 hab.
FI EU LAINE. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Saint-Quentin; 670 hab.
FIEUX. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. deNérac,
cant. de Francescas; 520 hab.
FI EUZAL (Jean-Marie-Théodore), médecin français, né
à Paris le 20 sept. 1836, mort à Paris le 28 juii. 1888.
Il a fait ses études médicales à Paris. Reçu docteur en mé-
decine en 1863, il se livra bientôt à l'étude de l'ophtal-
mologie et fut nommé médecin en chef de l'hospice des
Quinze-Vingts. Doué d'une grande activité, il réorganisa
le service médical de l'établissement, tant au point de vue
du service intérieur que des consultations externes, y créa
un laboratoire complet et a fondé le Rulletin de la cli-
nique nationale ophtalmologique (1883) dans lequel
étaient insérées les statistiques des opérations avec obser-
vations à l'appui. Outre ses Fragments d'ophtalmologie
(1879), la plupart des mémoires qu'il a publiés se trou-
vent dans son Rulletin de la clinique. Dr A. Dureau.
FIÉVÉE (Joseph), homme politique et littérateur fran-
çais, né à Paris le 9 av. 1767, mort à Paris le 7 mai 1839.
Fils d'un restaurateur parisien, dont la femme restée veuve
avec seize enfants épousa en secondes noces un maître de
poste de Soissons, Fiévée fut élevé dans cette dernière
ville et y demeura jusqu'à l'âge de seize ans. Il vint ensuite
à Paris où il travailla d'abord comme compagnon typo-
graphe avant de devenir, sous Condor cet, un des rédac-
teurs attitrés de la Chronique de Paris. Il avait fait jouer,
en 1792, un petit opéra-comique intitulé les Fugueurs du
cloître; en 1795, il publia sa première brochure poli-
tique Sur la Nécessité d'une religion, où s'affirmaient avec
netteté ses sentiments conservateurs. On le trouve quel-
ques années plus tard au Mercure et à la Gazette de
France. Il donne en 1798 la Bot de Suzette, « un de ces
petits romans, dit Sainte-Beuve, qui font en France la ré-
putation d'un homme grave plus vite que ne feraient vingt
brochures sérieuses », et l'année suivante un recueil de nou-
velles intitulé Frédéric. Présenté au premier consul, celui-
ci le charge d'une mission de confiance en Angleterre; de
retour en France, il continue à tenir Bonaparte au courant
de l'opinion, est nommé après le couronnement directeur
du Journal des Débats, se fait relever de ses fonctions
et devient successivement maître des requêtes, conseiller
d'Etat et préfet de la Nièvre. La Restauration trouve en
Fiévée un partisan tout naturel ; mais son rôle politique est
fini. Il revient au journalisme, se tient un moment à l'écart
après les journées de Juillet, fait une dernière campagne
au National de 1831 et 1832 et ne sort plus jusqu'à sa
mort d'une réserve que l'âge et les fatigues lui imposaient.
Esprit souple, qui se pliait aux hommes et aux événements,
tout en gardant un fonds de « conservatisme » très pro-
noncé, Fiévée fut en même temps un littérateur facile et
spirituel. Outre les brochures et opuscules dont les titres
ont été publiés plus haut, on a de lui : le i8 Rrumaire
opposé au régime de la Terreur (1802), des Lettres sur
l'Angleterre (1802) ; la Correspondance politique et
administrative (1814-1815-1819); Des Opinions et des
intérêts pendant la Révolution (1815); Histoire de la
session de i8J5 (1816) ; Correspondance et relations
avec Ronaparte (1837, 4 vol.), etc. Ch. Le Goffic.
FIEVRE. La fièvre est caractérisée essentiellement par
la rupture de l'équilibre entre la production et les pertes
de chaleur. A l'état normal, il y a une compensation
exacte des pertes de chaleur par l'augmentation de sa pro-
duction, et réciproquement une compensation delà chaleur
produite en excès par une augmentation des pertes ; on
exprime ce fait en disant qu'il se produit dans l'organisme
une régulation de la température. Dans le processus fé-
brile, la quantité de chaleur produite l'emporte sur la quan-
tité de chaleur perdue, et la température s'élève de un ou
plusieurs degrés. Jusqu'à 38°,5 la fièvre est légère ; de
38°, 5 à 39°, 5 elle est moyenne ; de 39°, 5 à 40, prononcée ;
de 40° à 41°, intense; très intense au-dessus.
Caractères de la fièvre. — Température. On distingue
dans les maladies fébriles plusieurs périodes ou stades.
1 ° Stade pyrogénétique ou période ascendante, de durée
variable. Si elle est courte, il se produit presque toujours
un frisson (fièvre palustre, pneumonie, variole, scarlatine,
FIÈVRE
428 —
septicémie, etc.) avec sensation de froid, traits pâles, con-
tractés, extrémités cyanosées, tremblement. Ce frisson,
attribué à la contraction des artérioles cutanées et à l'écart
qui en résulte entre la température de la peau et la tem-
pérature centrale, dure de quelques minutes à une ou deux
heures, et la chaleur du corps augmente. Dans les mala-
dies à élévation lente et progressive de la température
(fièvre typhoïde, rougeole, etc.), ce frisson est nul ou peu
prononcé, mais il y a le soir exacerbation de température.
2° Stade dit fastigium, pendant lequel l'élévation ther-
mique atteint son maximum ; il dure de quelques heures
(fièvre palustre) à plusieurs semaines (fièvre typhoïde) ; le
maximum peut rester le même pendant toute la période ou
être graduellement ascendant ou descendant. — Le troi-
sième stade varie ; si le malade guérit, la température rede-
vient normale, soit brusquement (pneumonie, rougeole),
soit lentement, par lysis (fièvre typhoïde), par séries d'os-
cillations descendantes. Si la mort doit terminer la maladie,
il y a un stade proagonique et un stade agonique; la
température s'élève tantôt graduellement, tantôt brusque-
ment ; quelquefois elle s'abaisse pour se relever au mo-
ment de la mort. Souvent la température s'élève après la
mort, pendant quelques heures ; c'est que l'arrêt de la cir-
culation cutanée diminue les pertes par la peau en même
temps que la cessation des mouvements respiratoires annihile
Févaporation pulmonaire et la déperdition qui lui est liée.
Suivant que l'ascension thermique est continue (rémission
matinale faible), subcontinue (rémission plus prononcée),
rémittente (atteignant 4°), intermittente (arrivant à la
normale), on note divers types de fièvre. La période de
température normale se nomme apyrexie.
Pouls. Presque constamment accéléré ; il semble cepen-
dant qu'à l'état de maladie, comme à l'état de santé, la fré-
quence du pouls varie en raison inverse de la pression
intravasculaire. Or, dans la fièvre, la pression se modifie
de manières très différentes. Quand le pneumogastrique se
trouve anormalement excité sur son trajet ou à son origine,
directement ou par voie réflexe (méningite), le pouls reste
lent malgré une élévation thermique considérable.
Respiration. L'accélération de la respiration varie en
raison directe de l'augmentation de la chaleur ; elle pré-
sente l'accroissement vespéral.
Digestion. La langue est sèche ; la soif devient vive ; le
suc gastrique est sécrété en faible quantité ; il y a de l'ano-
rexie, de la constipation.
Sécrétion urinaire. L'état de la nutrition chez les
-fébricitants n'a pas de données meilleures que l'analyse
des urines. H y a accroissement de la matière colorante
aux dépens de l'hémoglobine d'un assez grand nombre de
globules rouges détruits. Leur densité est accrue. Il y a
augmentation des sels de potasse et diminution des chlo-
rures. On constate également des variations dans le taux
des urates et de l'urée. Si l'activité des combustions, étant
accrue en raison de la fièvre, peut augmenter l'urée par
destruction des tissus, le taux de l'urée est diminué à cause
de la diète. On n'a pas remarqué de rapport constant entre
l'augmentation de Furée excrétée et le degré de l'hyper-
thermie. Les troubles de la nutrition dans la fièvre ne sont
pas seulement affaire d'augmentation ou de diminution
dans la quantité des matières albuminoïdes détruites; l'éla-
boration de la matière est pervertie.
Perte de poids. La perte de poids varie suivant l'inten-
sité et la persistance de la fièvre et aussi suivant l'alimen-
tation des fébricitants.
Innervation. Dès l'invasion de la fièvre, on ressent un
malaise général, de la céphalalgie, des bourdonnements
d'oreilles, de l'insomnie avec agitation, abattement ou
prostration.
Sang. Sous l'influence de la fièvre, l'alcalinité du sang
diminue et sa richesse en acide carbonique également (Klem-
perer). Il a une bien moindre capacité d'absorption pour
l'oxygène ; l'hémoglobine est réduit. Le nombre des héma-
toblastes va en s'abaissant pendant la période d'état ; au
moment de la défervescence, ils présentent une augmenta-
tion rapide et progressive.
Altération des tissus. Quand la fièvre est de longue
durée, la plupart des tissus s'altèrent, mais les altérations
chimiques que l'on remarque à l'autopsie de certains tissus
ne sont pas seulement sous la dépendance de la fièvre, car
la fièvre est une des conséquences de l'infection. Les alté-
rations cellulaires peuvent dépendre des troubles de la nu-
trition, des perversions dans les échanges entre les cellules
et les plasmas, des modifications que subit la vie des cel-
lules au sein d'humeurs adultérées par l'encombrement
des déchets cellulaires incomplètement oxydés, mais cer-
tainement aussi par les poisons que sécrètent les microbes.
La fièvre peut tuer par consomption lorsqu'elle se pro-
longe, par paralysie cardiaque et par hyperpyrexie. Quand
la température atteint 42°, le pronostic est fatal à bref
délai.
Traube estime que la fièvre est due à la diminution
des pertes de chaleur ; Senator pense qu'elle résulte en
partie d'une rétention de la chaleur que produit la con-
traction fréquemment renouvelée des artérioles cutanées .
Pour expliquer sa genèse, les uns admettent la pénétra-
tion dans le sang de substances dites pyrétogènes, très pro-
bablement de microbes qui agissent soit directement, soit
en produisant une matière septique (Bergmann, Otto We-
ber, Verneuil). Charrin a, du reste, expérimentalement
observé que les effets réactionnels, l'élévation thermique en
particulier, qui suivent l'injection de la lymphe de Koch,
se produisent aussi chez l'homme, quand on introduit
d'autres substances bactériennes. Dès qu'on s'élève au-
dessus de 3 centim. c. de toxines pyocyaniques, la tempé-
rature monte; avec 6 centim. c. elle atteint 41°; la
dyspnée, des sueurs, un malaise général se joignent à
l'hyperthermie. Il y a là une véritable fièvre qui rappelle
celle que l'on observe chez les tuberculeux et parfois chez
ceux qui ne le sont pas, non seulement avec la lymphe de
Koch, mais encore avec des toxines du bacille pyocya-
nique. Ces matières pyrétogènes augmentent-elles l'acti-
vité des combustions directement, en troublant l'activité
musculaire? Dans ce cas, comment expliquer la fièvre
traumatique qui, dans la fracture du fémur, par exemple,
se produit sans qu'il y ait effraction des téguments ? Peut-
être se fait-il au niveau du foyer un trouble de nutrition qui
aurait pour résultat la genèse de matières pyrétogènes.
D'après une seconde théorie, le surcroît d'activité que pré-
sentent dans les fièvres les combustions organiques serait dû
à un trouble dans l'innervation vaso-motrice et calorifique
(Cl. Bernard,. Chauffard). La fièvre qu'occasionne la peur,
celle des épileptiques en état dô mal, celle des aliénés agités
peuvent être sûrement rapportées à un trouble de l'inner-
vation.
Cl. Bernard a expliqué les phénomènes fébriles par une
excitation des vaso-dilatateurs. Dastre a trouvé, en effet,
qu'ils animent toutes les ramifications de l'arbre artériel.
Schiff et Marey rapportent à leur excitation les hyperé-
mies actives qui se produisent chez les fébricitants. La
suractivité de ces vaso-dilatateurs, entraînant une cessa-
tion d'action des vaso-constricteurs, donnerait lieu à une
dénutrition exagérée et par suite à la production de cha-
leur. Les recherches de Bouchard ont montré que, dans les
bouilloas, les germes élaboraient des éléments, les uns res-
serrant, les autres dilatant les vaisseaux. Les premiers,
d'après Gley et Charrin, paralysent les dilatateurs. En ré-
sumé, la fièvre serait due à une exagération des réactions
organiques portant sur les substances albuminoïdes aussi
bien que sur les hydrocarbonées. Cet excès de réaction
dépend peut-être dans tous les cas d'un trouble de l'inner-
vation ; ce trouble est dû souvent à la pénétration et à la
formation dans le sang de matières pyrétogènes. Ajoutons
enfin que le rôle du surmenage dans la production de cer-
taines maladies fébriles, même d'origine microbienne, se
comprendrait en admettant, que, de familiers et inoffensifs,
ou virulents mais latents, ces microbes ne cherchent que
— 429 —
FIÈVRE — FIGARO
l'occasion d'entrer en scène, deviennent agressifs sous l'in-
fluence de la dépression organique où nous place le sur-
menage. On sait que, toute question de race et d'assuétude
mise à part, les Arabes sont peu sujets à la fièvre trauma-
tique, qu'ils peuvent ingérer sans danger des eaux infec-
tées alors que nos soldats fatigués, qu'ils accompagnent
dans leurs expéditions comme muletiers et chameliers,
doivent à ces mêmes eaux la diarrhée, la dysenterie, la
fièvre typhoïde.
Concluons : les vieilles classifications symptomatiques ou
étiologiques des anciens groupes de fièvres sont à abandon-
ner comme insuffisantes ou arbitraires. La dénomination
causale, grâce aux progrès de la bactériologie, s'impose, et
on ne distinguera plus dans l'avenir que des maladies fé-
briles, septiques, d'origine microbienne et infectieuse, con-
firmée ou soupçonnée, et en maladies fébriles dues à un
trouble de l'innervation (traumatique, des aliénés). Mais
le nombre de ces dernières ira diminuant avec la décou-
verte de nouveaux éléments figurés. — Une véritable révo-
lution se prépare donc dans la terminologie des fièvres.
Dr Coustan.
Traitement. — Il ne saurait être question d'un traite-
ment de la fièvre en général, celui-ci variant selon l'espèce
de fièvre. Le but à atteindre est toujours d'abaisser la
température, et, selon les cas, on y arrive par des antipy-
rétiques tels que les sels de quinine, la digitaline, la kai-
rine, la thalline, l'antipyrine, l'arsenic, les bains tièdes,
les lotions froides, etc.
Classification. — Avec les progrès de la pathologie, la
nomenclature des fièvres se réduit de plus en plus ; cepen-
dant les dénominations sont encore nombreuses ; nous nous
bornerons à mentionner les principales : F. bilieuse
(V. Bilieuse), F. cérébrale (V. Méningite), F. éphémère
(V. Ephémère), F. de foin (V. Asthme), F. hectique
(V. Hectique), F. intermittente (V. Intermittente),
F. jaune (V. Jaune), F. miliaire (V. Miliaire), F. mu-
queuse (V. Typhoïde), F, nerveuse (V. Méningite,
Typhoïde, etc.), F. paludéenne (V. Intermittente),
F. pétéchiale (Y. Typhus), F. pourprée (V. Miliaire),
F \ purulente (V. Pyémie), F. quarte (V. Intermittente),
F. récurrente (V. Rechute et Récurrente), F. rémit-
tente (Y. Rémittente) , F. tierce (V. Intermittente) ,
F. typhoïde (V. Typhoïde et Typhus). D'une manière
générale, le nom de la maladie étant indiqué par l'adjectif,
c'est à ce mot qu'elle est étudiée.
Bibl. : H. Hallopeau, Traité élémentaire de pathologie
générale; Paris, 1890, 3° éd. — Legendre, Charcot et
Bouchard, Traité de médecine; Paris, 1892.
FIFE (Comté de). Comté d'Ecosse, dans une presqu'île
de la mer du Nord, comprise entre le golfe du Forth et
celui du Tay. Du côté de la terre, c.-à-d. à l'O., il confine
aux comtés de Perth, Kinross, Clackmannan et Kincardine.
Il a 4,274 kil. q. et 180,000 hab. Sa plus grande longueur
du N.-E. au S.-O. est de 71 kil. ; sa plus grande largeur
de 29 kil. ; son développement côtier de 436 kil. Sur la
côte on rencontre, à partir du N. : Balmerino, Ferryport,
la baie de l'Eden ou de Shandrews, le cap Ness, entouré
de redoutables écueils (les Carrs, avec phare), Kilrenny,
Earlsferry, l'anse de Largo, Dysart, Kirkcaldy, Kinghorn,
Burntisland, Inverkeithing, etc. Le comté de Fife est un
pays de petites collines et de plaines ; ses collines se ratta-
chent à celles d'Ochiil ; au centre culminent le Lomond
occidental (528 m.) et oriental (449 m.). Les principaux
cours d'eau sont : FEden (32 kil.) et le Leven (20 kil.), grossi
de l'Owr; le second sort du lac Leven. Le sol du comté de
Fife est formé de vieux grès rouge au N., de terrains car-
bonifères au S. ; le trapp paraît dans les deux. Sa surface
est formée de marnes et d'argiles. Les gisements de fer et
de houille sont nombreux. Le climat est doux, surtout au S.
Les anciens lacs ont été desséchés ; les landes et les tour-
bières se rencontrent parmi les collines ; les arbres ne sont
plus guère groupés en bois. De la superficie totale il n'y a
que 6 °/0 de bois contre 16 °/0 de pâturages et 61 °/0 de
terres labourées. On comptait, en 1883, 44,000 tètes bo-
vines, 88,000 ovines et 7,000 porcines. Les habitants des
côtes vivent de la pêche : le varech leur fournit du com-
bustible, du fumier. Le comté de Fife est le plus prospère
de l'Ecosse au point de vue de l'agriculture ; nulle part on
ne rencontre autant de villages, de manoirs, un tel nombre
de propriétaires. On extrait du charbon, du fer, du marbre.
On file et tisse le lin, la laine ; on fabrique de la poterie,
des machines. Le chef-lieu est Cupar; les villes principales
sont Saint-Andrews, Kirkcaldy, East-Anstruther, West-
Anstruther, Burntisland, Crail et Dysart. Le comté, jadis
royaume de Fife, eut dans l'ancienne Ecosse une grande
importance historique; c'était la région la plus prospère et
la plus belliqueuse. On y trouve encore, à côté des ruines
romaines et celtiques, bien des souvenirs de l'époque féo-
dale à Saint-Andrews, Dunfermline, Falkland, Lin-
dores, etc. (V. Ecosse [Histoire]).
FIFE (Comtes de), branche anglaise (V. Duff).
FIFE (Alexander- William -George Duff, marquis de
Macduff, duc de), né le 40 nov. 4849. Il fit ses études à
Eton et entra dans les affaires comme associé de la banque
Samuel Scott et C°. Membre du Parlement pour Elgin et
Nann, de 4874 à 4879, il remplit, en 4882, une mission
spéciale auprès du roi de Saxe5. Le 27 juil. 4889, il épousa
la princesse Louise- Victoria- Alexandra Dagmar, fille du
prince de Galles, et fut créé à cette occasion duc de Fife.
Lord-lieutenant du comté d'Elgin, le duc de Fife est un
des plus riches propriétaires fonciers de la Grande-Bretagne.
FIFRE. Instrument de musique quelque peu analogue à
la petite flûte, mais qui n'est plus guère employé que dans
certaines musiques militaires, à l'étranger, en association
surtout avec le tambour. Le tube du fifre est parfaitement
cylindrique, tant au point de vue du diamètre intérieur que
du diamètre extérieur, et il est percé de six trous sans
clefs. On a ainsi l'échelle diatonique de deux octaves, habi-
tuellement dans le ton de ré (ré2 à ré4). Quant aux demi-
tons, on n'obtient et n'utilise guère que ceux fournis par
Y ut dièse, le sol dièse et le ré dièse. Thoinot-Arbeau men-
tionne le fifre dans son Orchésographie. A. E.
FIGALO (Cap). Promontoire de la côte occidentale d'Al-
gérie, situé par 35° 34' 4 8" de lat. N. et 3° 3 1 ' 40" de long.
O. Il se dresse à 195 m. d'alt. et est un des plus avancés
et des plusx reconnaissantes de ce littoral.
FIGAN1ÈRES. Corn, du dép. du Var, arr. de Dragui-
gnan, cant. de Callas, sur un affluent de FEndre ; 845 hab.
Sur le coteau Saint-Clément, ruines d'un ancien village.
Tombeaux et vestiges antiques.
FIGARI. Corn, du dép. de la Corse, arr. de Sartène,
cant. de Le vie; 1,173 hab.
FIGARO. De par Beaumarchais, son père et son parrain,
Figaro est devenu un des types immortels de la scène
française. On sait le parti que ce prodigieux écrivain dra-
matique en a tiré dans les trois ouvrages qui forment sa
fameuse trilogie : le barbier de Séville, le Mariage de
Figaro, la Mère coupable, surtout les deux premiers.
Figaro, prototype des valets rusés, fourbes, intrigants, à
l'intelligence souple et avisée, féconds en ressources, plus
riches d'expédients que de scrupules et pour qui tous les
moyens sont bons pour arriver à leurs fins et mettre la for-
tune de leur côté, Figaro appartient à l'histoire théâtrale
au même titre que les Crispin, les Pasquin, les Sganarelle,
les Mascarille, les Frontin et autres héros de notre comé-
die. Nous n'avons pas à nous étendre autrement ici sur le
personnage. Nous ferons seulement remarquer que, à la
suite de Beaumarchais et même de son vivant, il a été mis
à la scène par plusieurs auteurs. Le premier est Richaud-
Martelly, comédien fort distingué qui, à la suite d'une ga-
geure, dit-on, écrivit sous ce titre : les Deux Figaros, une
comédie en cinq actes et en prose qu'il fit représenter avec
beaucoup de succès, en 1790, au théâtre des Variétés-
Amusantes qu'on appelait aussi le théâtre du Palais-
Royal. On donna ensuite, le 25 oct. 1802, au théâtre des
Jeunes -Artistes, Figaro tout seul ou la Folle Soirée,
FIGARO — FIGUE
— 430 —
comédie en un acte de J. Marty, qui n'était qu'un long
monologue, lequel était joué à ravir par Monrose. Dans
le même temps, Dorvo faisait jouer au théâtre des
Jeunes-Elèves un vaudeville intitulé le Petit Figaro, dont
le rôle principal était tenu par un enfant nommé Tou-
rain. Beaucoup plus tard, le 9 juil. 1833, Rosier donnait
à la Comédie -Française la Mort de Figaro, comédie
en cinq actes, puis Burat de Gurgy faisait jouer à
l'Ambigu, en 1835, un vaudeville intitulé le Fils de Fi-
garo, et enfin, vers 1860, M. Victorien Sardou préludait à
ses succès futurs en faisant représenter au théâtre Déjazet
les Premières Armes de Figaro, comédie dans laquelle le
rôle de Figaro était tenu par l'inimitable Virginie Déjazet.
On sait, d'autre part, que le Barbier de Séville a été mis
deux fois en opéra, par Paisiello et par Rossini, et que le
Mariage de Figaro a inspiré à Mozart un chef-d'œuvre
immortel. Arthur Pougin.
FIGAROL. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de Salies-du-Salat; 505 hab.
FIGEAC. Ch.-l. d'arr. du dép. du Lot, sur la rive droite
du Celé ; 6,680 hab. Stat. du ch. de fer d'Orléans, au
croisement des lignes de Brive à Toulouse et de Cahors à
Arvant. Collège communal, bibliothèque publique. Prison
départementale. Hospice. Fabrique de toiles, teintureries,
tanneries. La ville de Figeac doit son origine à l'abbaye
bénédictine de Saint-Sauveur fondée par Pépin II, roi
d'Aquitaine, en 839; elle accepta la réforme de Cluny au
xie siècle et fut sécularisée au xvie siècle par le pape Paul III.
Le bourg qui s'était formé autour de l'abbaye fut entouré
de murailles à la fin duxie siècle. La commune et le régime
consulaire y furent organisés d'un commun accord entre
l'abbaye et les habitants au cours du xne siècle ; mais, de-
puis le milieu du xme, d'incessants conflits qui souvent dé-
génèrent en émeutes eurent lieu entre la commune et l'ab-
baye jusqu'à l'époque où Philippe le Bel acquit de celle-ci
ses droits de suzeraineté. Nogaret, qui avait négocié cette
acquisition, demeura chargé de régler la conditionne la com-
mune ; il prépara à cet effet une charte de coutume que
diverses circonstances empêchèrent de promulguer. En
1318 seulement Philippe le Long concéda des lettres pa-
tentes qui restèrent jusqu'au xvne siècle la base de l'orga-
nisation municipale de Figeac. Le traité de Brétigny fit
tomber la ville sous la domination anglaise, mais l'effort
que firent les habitants pour s'en affranchir leur valut de
la part de Charles V la confirmation de leur charte et de
nouveaux privilèges. Deux chefs de bandes au service de
l'Angleterre, Perdicas d'Albret et Bernard de La Salle s'em-
parèrent de Figeac en 1372, mais ils consentirent bientôt
à évacuer la ville moyennant le payement d'une forte somme
d'argent. Au xvie siècle, elle eut à souffrir des guerres de
religion et fut notamment pillée par les protestants en
1576. Sully qui avait acquis la seigneurie de Figeac la re-
mit au roi Louis XIII en 1622 lors de la guerre de
Guyenne. Quelques années plus tard, en 1630, les Figea-
cois se portèrent vaillamment au-devant d'une armée de
bandits qui ravageait le pays et la taillèrent en pièces.
Figeac a conservé l'aspect d'une ville du moyen âge ;
beaucoup de ses maisons datent des xme et xivc siècles ;
l'une d'elles (rue du Griffoul) est dominée par une tour cré-
nelée quadrangulaire. Parmi ses monuments, il faut signa-
ler l'église de Saint-Sauveur (mon. hist.), ancienne abba-
tiale, dont les parties basses remontent au xie siècle. C'est
un édifice à trois nefs avec transept et déambulatoire.
D'une inscription ancienne gravée sur l'un des piliers de
la grande nef il résulte qu'il fut consacré par l'évêque de
Cahors, Gérard II. Les parties hautes et les chapelles de la
nef sont des xme et xive siècles. Les chapelles et les deux
roses du transept sont de l'époque de transition, mais la
tour-lanterne qui s'élève sur la croisée a été reconstruite
au xvne siècle. Les grandes voûtes ont été refaites au xvc.
La façade moderne est surmontée d'un clocher barlong.
Dans l'une des chapelles de la nef on a recueilli de très
anciens chapiteaux qui appartenaient à un édifice plus an-
cien et peut-être à l'église du ixe siècle. L'église Notre-
Dame du Puy (mon. hist.), du xne siècle, domine la ville
haute ; elle se compose d'une large nef s'ouvrant sur des
bas côtés par des arcades de largeur inégale. La façade de
l'O. est du xive siècle et surmontée d'une belle rose.
L'hôtel de ville est l'ancienne demeure de la famille de
Baleyne acquise par le Consulat; c'est un manoir du
xive siècle dont l'aménagement intérieur a été en grande
partie moderne. Les halles situées sur la place basse sont
une vieille construction percée d'arcades en plein cintre et
surmontée d'une toiture aiguë du xvie siècle. Trois ponts
anciens font communiquer la ville avec la rive gauche du
Celé ; l'un d'eux, près de l'église Saint-Sauveur, remonte
au xne siècle. Sur la place entourée de beaux ormes, située
entre cette église et la rivière, s'élève une pyramide ornée
de plaques de bronze couvertes d'hiéroglyphes, élevée à
la mémoire de Champollion, né à Figeac. Sur des hauteurs
voisines de la ville s'élevaient quatre pyramides de pierre
dont deux subsistent encore ; elles sont communément nom-
mées les aiguilles (mon. hist.); elles paraissent remonter
au xne siècle. On a prétendu qu'elles devaient être surmon-
tées de fanaux destinés à guider les voyageurs ; ce sont
plus vraisemblablement les bornes destinées à indiquer les
limites de la juridiction ou de la « sauveté » de l'abbaye.
Bibl. : J.-F. Debons, Annales, ecclésiastiques de Fi-
geac, 1838, in-8. — N. Valois, Établissement et organi-
sation du régime municipal à Figeac, dans la Bibl. de
l'Ecole des Chartes, t. XL, 1879.
FI 6 ÈRE (La). Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Lar-
gentière, cant. des Vans; 210 hab.
FIG1NO (Ambrogio), peintre de l'école milanaise, né
à Milan vers 1550, mort après 1595. Elève de Gian-Paolo
Lomazzo, il excella surtout dans le portrait, mais se distin-
gua également dans la grande peinture à fresque et à l'huile.
Parmi ses tableaux les plus estimés, pour la perfection des
figures et le caractère élevé de l'ensemble, nous citerons, à
Milan : une Conception et une Nativité de la Vierge, à
Sant' Antonio Abbate : Saint Benoît et ses disciples, saint
Maur et saint Placide, à San Vittore al Corpo ; Saint
Mathieu et saint Paul, à San Rafaele ; la Vierge entre
saint Jean Evangéliste et saint Michel, au musée Brera.
C'est aussi dans ce dernier palais que se trouve son por-
trait le plus remarquable, celui du Mestre de camp Foppa.
Le musée de Berlin a de lui une Vierge avec saints. Ses
dessins, où il imite avec une rare perfection Michel-Ange,
sont très recherchés.
FIGLIUCCI (Vincent) (V. Filliucius).
F1GNEVELLE. Com. du dép. des Vosges, arr. de Mire-
court, cant. de Monthureux-sur-Saône ; 152 hab.
FI GN 1ER ES. Com. du dép. de la Somme, arr. et cant.
deMontdidier; 189 hab.
FIGUE. I. Botanique. — Fruit du Ficus carica L. et
de ses nombreuses variétés (V. Figuier). — F. d'Adam,
F. banane (V. Bananier). — F. de Barbarie, F. d'Es-
pagne, F. d'Inde, fruits de diverses Cactacées du genre
Opuntia (V. ce mot). — F. caque (V. Diospyros). — F.
d'Enfer (V. Curcas). — F. infernale (V. Argémone). —
F. Marine ou F. de mer (V. Ficoïde). — F. de Surinam
(V. Cécropie). — F. Poison. Fruit du Ficus Padana
Burm. (V. Figuier).
IL Economie domestique. — La figue est un fruit qui jouit
d'une très vieille réputation. Les anciens estimaient telle-
ment sa saveur que l'expression vivre de figues était passée
en proverbe pour désigner l'homme vivant dans la mollesse
et se nourrissant de mets délicats. Sans exagérer, il faut
cependant reconnaître que cette façon de parler s'explique
par le goût agréable d'un fruit qui nourrit des peuplades
entières en Afrique et offre une précieuse ressource
pour l'alimentation des classes populaires dans le midi
de l'Europe. — Les figues se mangent fraîches et sont alors
servies sur nos tables comme hors-d'œuvre ; mais un grand
nombre de personnes les préfèrent sèches : elles figurent
alors au dessert, soit seules, soit mêlées avec des raisins
431 —
FIGUE — FIGUEROA
secs, des amandes et des noisettes (V. Mendiants [Quatre]),
et constituent un aliment très nutritif se digérant assez
facilement.
Les figues destinées à être mangées fraîches sont cueillies
un peu avant leur maturité complète. Celles qu'on veut
sécher sont cueillies tout à fait mûres et même un peu
flétries, ce qui accélère leur dessiccation. Dans tous les cas,
il faut attendre pour les cueillir que le soleil ait vaporisé
la rosée qui les couvre. On reconnaît que les figues sont
mûres lorsque le suc laiteux qu'elles renferment est devenu
sucré et qu'elles sont devenues molles et charnues. Les
figues que l'on veut faire sécher sont placées, isolées les
unes des autres, sur des claies et exposées au soleil dans
un endroit le plus chaud possible. On les retourne fré-
quemment pour les faire sécher sur tous les points, et, un
peu avant qu'elles aient atteint le degré voulu de demi-
dessiccation, on les aplatit soit sur le côté, soit sur la queue.
On les laisse encore quelque temps au soleil pour activer
leur dessiccation. Elles sont alors séparées en qualités diffé-
rentes et placées aussi proprement que possible dans des
corbeilles ou dans des caisses garnies de papier pour être
livrées au commerce ou conservées dans un lieu très sec et
bien aéré. Ordinairement, pour les préserver des dégâts
produits parles vers, on a soin, en les arrangeant dans les
caisses ou les corbeilles, de les entremêler avec des feuilles
fraîches de laurier. Dans les automnes pluvieux, les culti-
vateurs du Midi sont obligés de faire sécher les figues au
four ; mais il s'en faut de beaucoup qu'elles soient d'aussi
bonne qualité que celles qui ont été desséchées au soleil.
III. Commerce. — Les figues sèches sont les seules dont
le transport donne lieu à un commerce assez considérable,
Ce commerce adonné pendant l'année 1894, en France,
les chiffres suivants : importations, 4,905,258 fr. (com-
merce général) ; 4,784,774 fr. (commerce spécial); expor-
tations, 216,114 fr. (commerce général); 144,680 fr.
(commerce spécial).
FIGUEIRAdaFoz. Ville de Portugal, prov. deBeira, dis-
trict de Coïmbre, à l'embouchure (Foz) duMondego, avec
un port d'une entrée difficile par suite de la barre et
qui ne peut recevoir que des navires d'un tirant d'eau de
3m50 ; 4,461 hab. Les habitants, presque tous pêcheurs,
exportent aussi du sel recueilli sur les plages voisines, de
l'huile, des vins connus au Brésil sous le nom de Figueira,
quoiqu'ils viennent d'ailleurs. Pendant la belle saison, il y
a quelques familles de baigneurs. E. Cat.
FI G U El RAS (Guillem), célèbre troubadour provençal,
né à Toulouse vers 1190, mort à une date inconnue. D'un
esprit indépendant, et animé plutôt de sentiments démo-
cratiques, il se réfugia en Lombardie pour être plus libre
de dire sa pensée, et de là il lança contre la cour de Rome
un sirvente virulent, à l'occasion de la croisade contre
les Albigeois, pièce de vers qui est un des chefs-d'œuvre
de la littérature provençale. On lui doit encore des chan-
sons d'amour dont Pétrarque s'inspira parfois, une char-
mante pastourelle, et d'autres compositions gracieuses,
insérées dans les recueils des poésies des troubadours
(V. Provençale [Littérature]).
F1GUEIREDO (Celso deAssiz) (V. Celso).
FIGUERAS, que nous appelons FIGUIÈRES. Ville d'Es-
pagne, prov. de Girone (Catalogne), au centre d'une des
grandes plaines marécageuses de l'Ampourdan, le Pld de
las Aguas, assez importante et bien bâtie, chef-lieu d'un
district de 63 communes; 11,739 hab. Stat. du chem.
de fer de Girone à la frontière française. C'est surtout
une place forte gardant la frontière des Pyrénées, et elle a
été souvent prise par les Français, notamment en 1285 et
en 1675. Au siècle dernier, Ferdinand VI améliora et
agrandit considérablement son système de défenses, fit
élever sur les hauteurs qui dominent la place une immense
citadelle, le castillo de San Fernando, avec des case-
mates et des fossés pratiqués dans le roc, des souterrains
très vastes et de quoi abriter 20,000 hommes et 500 che-
vaux. Malgré cela, Figueras a encore été prise par nos
troupes en 1794 et en 1811. La ville a quelques tanneries
et corroiries et des fabriques de papier. E. Cat.
FIGUERAS ou FIGUEIRAS. Bourg maritime d'Espagne,
prov. d'Oviedo (Asturies), sur la ria ou estuaire de l'Eo,
important par ses établissements de pêche et ses parcs à
huîtres; 1,500 hab.
FIGUERAS (Estanislao), homme d'Etat espagnol, né à
Barcelone le 13 nov. 1819, mort à Madrid le 11 nov. 1882.
Il fit son droit à Madrid et, dès 1840, il joua un rôle actif
dans les rangs du parti républicain. Après l'arrivée des
modérés au pouvoir, il se retira à ïarragone, où il exerça
les fonctions d'avocat. Elu député de Barcelone en 1851, il
devint un des chefs de son parti. La participation à un
complot contre Narvaez lui valut plusieurs mois d'exil en
1867. Son rôle grandit encore après la chute de la reine
Isabelle. Il fut un des plus fermes et des plus habiles ora-
teurs de la démocratie et dirigeait alors le journal La Dis-
cusion. Après l'abdication du roi Amédée, il fut nommé
président du conseil des ministres (12 févr. 1873), mais
il démissionna le 8 juin suivant et fut le promoteur de la
proclamation de la république fédérale. Depuis la restaura-
tion de la [monarchie, il vécut à l'écart de la politique
militante. - G. P-i.
FIGUERAS y Vila (Juan), sculpteur espagnol contempo-
rain, né à Gerona et élève de José Piquer. Envoyé à la suite
d'un concours comme pensionnaire à Rome, il commença
par exposer à Madrid, en 1856, la Chaste Suzanne. En
1868, il produisait sa Femme Israélite piquée par un
serpent, et, en 1862, Marina, interprète deFernand
Cortès, Attila (bas -relief), un buste et une Indienne
embrassant le christianisme qui a paru à Paris à l'Expo-
sition universelle de 1867. En 1864, l'artiste exposait une
figure allégorique intitulée l'Indépendance (1808), achetée
par l'Etat, et en 1866 une statue de Sainte Barbe et une
Victoire, figure allégorique. Un de ses meilleurs ouvrages,
la statue de VEyménêe, appartient au musée national de
Madrid. P. L.
FIGUEROA (GomezSuAREz de), homme d'Etat espagnol,
né dans les premières années du xvie siècle, mort en 1571.
Il fut en grande faveur auprès de l'infant Philippe, plus
tard Philippe II, et chargé par lui de diverses missions
diplomatiques. Après l'avènement de celui-ci au trône,
il fut appelé aux conseils d'Etat et de la guerre et nommé
capitaine de la garde; c'est en cette qualité qu'il sur-
veilla dans sa prison don Carlos et, en récompense de
ses services, fut créé duc de Feria ; il est l'ancêtre d'une
famille illustre dans l'histoire d'Espagne. — Lorenzo
Suarez de Figueroa, second duc de Feria, né à Maîines le
8 sept. 1559, mort à Naplesen févr. 1607. Ayant hérité de
la faveur dont jouissait son père auprès de Philippe II, il fut
représentant de ce roi en France de 1593 à 1598 et joua
le principal rôle dans les négociations entre la Ligue et la
cour d'Espagne. Il ne réussit pas à faire accepter pour roi
de France ni Philippe II, ni un prince ou une princesse
espagnole et dut quitter Paris, puis la France. Il devint
capitaine général de Catalogne et ensuite vice-roi deNaples.
— Cristobal Suarez de Figueroa, auteur castillan, né
à Valladolid dans la seconde moitié du xvie siècle. Il fit ses
études de droit et obtint le titre de docteur, puis s'engagea
dans l'armée et passa la plus grande partie de sa vie en
Italie. Très versé dans la langue et dans la littérature ita-
lienne, il traduisit en vers castillans le Pastor fido de
Guarini (Valence, 1609). Cette traduction, très fidèle, a
mérité l'honneur d'être comparée à celle de YAminta de
Tasse, par le peintre-poète Jaûregui, le chef-d'œuvre du
genre en Espagne. Mais le plus célèbre ouvrage de Figue-
roa est la Constante Amarilis, en quatre discours (Va-
lence, 1609), pastorale mêlée de prose et de vers, suivant
la mode du temps. Elle est peu intéressante, quoique le
style en soit élégant et très pur. Il écrivit ensuite El
Pasagero (Madrid, 1617), composé de dix dialogues en
prose sur des sujets variés; ces conversations ont lieu sur
la route de Madrid à Barcelone, entre une troupe de
FIGUEROA — FIGUEROLA
— 432 —
voyageurs se rendant dans cette dernière ville. L'acrimo-
nie de l'auteur s'y donne libre carrière ; il attaque avec
animosité les plus illustres d'entre ses contemporains,
Cervantes, Lope de Vega, Espinosa. On peut signaler
parmi les autres productions de Figueroa : Espana defen-
dida (Madrid, 4612), médiocre poème épique; un ouvrage
historique à la gloire de la fameuse maison de Mendozu :
Hechos de D. Garcia Hurtado de Mendoza (Madrid,
1613) et quelques bonnes traductions de l'italien. —
Gomez Suarez de Figueroa, diplomate espagnol, de la
famille des ducs de Feria, né à Guadalajara en 1587,
mort à Munich le 14 janv. 1634. Il occupa divers postes
importants dès son jeune âge, fut ambassadeur à Rome,
puis vice-roi et capitaine général de Valence et, en 1610,
chargé d'une mission auprès de la reine Marie de Médicis.
Il amena l'alliance des cours d'Espagne et de France et
prépara les mariages espagnols. En 1618, il alla occuper
le poste de vice-roi du Milanais et soutint la Valteline ca-
tholique contre le canton des Grisons. Sur les instances du
pape et de la France, Philippe III promit l'évacuation par
les Espagnols de la Valteline, mais Figueroa n'en tint
compte, occupa des positions et engagea des relations diplo-
matiques avec les Grisons et la république de Gènes. Il ne
réussit pas dans ces menées, mais put gagner quelques
cantons suisses, lever des troupes avec lesquelles Spinola
se maintint longtemps dans la Valteline et enfin passer en
Allemagne avec 12,000 hommes et secourir Brisach (1633).
Il mourut peu après (V. Valteline).
FIGUEROA (Lope de), capitaine espagnol, né à Vallado-
lid en 1520, mort à Valladolid en 1595. Il commandait le
tercio (régiment) de Naples, prit une part active à la
guerre contre les Morisques révoltés, seconda don Juan
d'Autriche au siège deGalera (1570) emportée d'assaut par
les Espagnols après une résistance acharnée des musulmans ,
combattit bravementà Lépante(1571), s'élança à l'abordage
de la galère de l'amiral turc Ali et contribua ainsi à la vic-
toire des chrétiens ; il figura à la prise de Maastricht, dans
les Flandres, et marcha contre le Portugal dont Philippe II
s'empara sur Antonio, prieur de Crato, après la mort du
roi don Sébastien en Afrique (1581) . Figueroa qui souffrait
cruellement de la goutte, était d'un caractère brusque et
fantasque, très dur sur la discipline, mais loyal et bon,
l'accès de colère passé. Calderon Fa mis en scène dans
deux drames, El Alcalde de Zalamea et Amar despues
de lamuerte; c'est un des personnages les plus réussis et
les plus vivants de son théâtre ; il représente admirable-
ment le chef de bandes du xvie siècle. L. Dollfus.
FIGUEROA (Francisco de), poète espagnol, né à Alcalâ
de Henâres en 1540, mort à Alcalâ en 1620. Il fit ses
études à l'université de cette ville, entra ensuite dans l'ar-
mée et guerroya longtemps en Italie, puis en Flandre.
Très épris de la poésie italienne, il composa, dans le goût
de celle-ci, et aussi bien en italien qu'en castillan, de
charmantes pièces de vers lyriques, qui lui valurent à
Rome la couronne poétique. Il fut le premier des poètes
espagnols qui ont employé avec talent, dans sa célèbre
églogue Tirso, le vers blanc, d'importation italienne. Cer-
vantes l'exalte dans sa Galatea, et ses contemporains le
surnomèrent le « Pindare espagnol » et le « Divin ». Les
poésies de Figueroa ne furent imprimées qu'après sa mort,
par les soins du chroniqueur Luis Tribaldos de Toledo :
Obras (Lisbonne, 1625, pet. in-8) ; elles furent rééditées
par Ramon Fernandez en 1785, puis en 1804, et les meil-
leures pièces figurent dans la Biblioteca de Rivadeneyra.
t.XLII. G. P-i.
FIGUEROA (Francisco), chroniqueur guatémaltec, mort
octogénaire en 1632. Il prit l'habit de saint François au
couvent de Guatemala et il était gardien de celui de Za-
mayac, lorsqu'il fut chargé par François de Gonzague,
général de son ordre, d'écrire l'histoire de sa province.
Elle fut publiée en latin dans les Chroniques de ce dernier.
— 11 ne faut pas le confondre avec un autre franciscain,
Francisco- Antonio de la Rosa Figueroa, à qui l'on doit
un utile catalogue (Bezerro gênerai; Mexico, 1755-64,
in-fol., t. I seul paru) de tous les religieux franciscains
du Mexique jusqu'à la fin du xvne siècle; ni avec Francisco
Figueroa, né à Toluca (Mexique), gardien et régent des
études au couvent franciscain de Tlatelulco, deux fois
provincial de la province du Saint-Evangile et visiteur des
autres de l'Amérique septentrionale. Ce dernier écrivit
divers ouvrages de théologie et, dans l'espace de trois
ans, il fit copier pour l'historiographe Murioz trente-deux
volumes de chroniques, relations et autres matériaux sur
l'histoire de l'ancien Mexique, sur les découvertes et mis-
sions dans ce pays et les autres provinces espagnoles de
l'Amérique du Nord. Il a ainsi préservé de la destruction
nombre de précieux documents dont beaucoup ont enfin été
publiés de nos jours. Beauvois.
FIGUEROA (D. Garcias de Silvà y), voyageur et diplo-
mate espagnol, né à Badajoz vers 1574, mort entre 1624
et 1628. Issu par bâtardise de la maison des ducs de Feria,
il fut d'abord page à la cour de Philippe II, puis il entra
dans l'armée et parvint au grade de capitaine. Chargé d'une
mission auprès du chah de Perse, il séjourna dans ce pays
depuis oct. 1617 jusqu'en sept. 1619, et rentra en Espagne
en août 1624. Il adressa à ce sujet, au célèbre diplomate
marquis de Bedmar (V. ce nom), une lettre : De Rébus
Persarum epistola, qui fut publiée à Anvers, en 1620,
puis il y consacra un mémoire détaillé : Totius Legationis
suce et Indicarum rerum Persidisque commentarii,
qui resta manuscrit, et à l'aide duquel un attaché de son
ambassade rédigea une relation en espagnol, qui fut tra-
duite en français par de Wicquefort : V Ambassade... en
Perse, contenant la politique de cet empire, les mœurs
du roi Schah Abbas, et une relation de tous les lieux
de Perse et des Indes où cet ambassadeur a été l'es-
pace de huit ans (Paris, 1667, in-4). On y trouve de
précieux renseignements. Figueroa est encore l'auteur
d'un Breuiarium Historiœ hispanicœ (Lisbonne, 1628,
in-8). G. P-i.
FIGUEROA (Gerônimo) , missionnaire et linguiste hispano-
mexicain, né à Mexico en 1 604, mort le 25 mars 1683. Entré
au noviciat des jésuites à Tepotzotlan en 1622, il enseigna le
latin à Oaxaca, puis il passa quarante ans en mission chez
les Tepehuanes et les Tarahumares (1639) dont il baptisa un
grand nombre qu'il accoutuma à la vie sédentaire et agri-
cole dans des stations formées autour des églises. Ses
infirmités le forcèrent de retourner à Mexico où il devint
recteur du grand collège et prévôt de la maison professe.
Il écrivit une Grammaire et un copieux Vocabulaire des
langues Tepehuane et Tarahumare, un Catéchisme et
un Confessionnaire dans ces deux langues. Sa Vida ad-
mirable a été publiée par le P. F. Florencia (Mexico, 1689,
in-4). Beauvois.
FIGUEROA (Francisco de), peintre espagnol et religieux
de l'ordre des dominicains. Ses ouvrages, aujourd'hui dis-
parus, furent exécutés pour son couvent, à Grenade. Cean
Bermudez, qui les put voir encore, loue l'habileté et l'in-
telligence dont l'artiste y avait fait preuve. Il florissait vers
la fin du xvne siècle. — Un autre artiste portant le même
nom et le même prénom vivait à Madrid au xvme siècle, et
peignait agréablement de petits sujets religieux et des
paysages. P. L.
FIGUEROA (F. Acuna de) (V. Acuna).
FIGUEROLA (Laureano), homme d'Etat et économiste
espagnol, né à Calât, près de Barcelone, le 14 juil. 1816.
Directeur de l'Ecole normale primaire de Barcelone de
1841 à 1847, il professa ensuite l'économie politique à
l'université de cette ville, et publia alors un ouvrage esti-
mable, Estadistica de Barcelona en 1849 (Barcelone,
1849-54, 2 vol. in-8). Libre-échangiste décidé, il fonda
une société pour la propagation de cette doctrine. Député
en 1854, il fut transféré en 1855 dans la chaire de droit
commercial à l'université de Madrid et soutint avec ardeur
le principe de la liberté du commerce au congrès de
Bruxelles (sept. 1856). Membre du gouvernement provi-
— 433 —
FIGUEROLA — FIGUIER
soire après la chute de la reine Isabelle, il eut le porte-
feuille des finances (8 oct. 1868), et introduisit de nom-
breuses réformes; entre autres il fit supprimer les
congrégations religieuses fondées après 1837 et confisquer
leurs biens, et il abolit les octrois. Sur cette dernière
réforme, il publia plus tard un remarquable mémoire : La
Reforma arancelaria de 1869 (Madrid, 1879, gr. in-4).
Il garda son portefeuille jusqu'à l'avènement du roi Amé-
dée, et abandonna ensuite la politique. G. P-i.
FIGUIER. I. Rotanique. — (Ficus Tourn.). Genre de
plantes de la famille des Ulmacées et du groupe des Arto-
carpées. Les Figuiers sont de grands arbres ou des arbris-
seaux, quelquefois grimpants, remarquables par leur mode
d'inflorescence tout à fait spécial, que Mirbel a désigné sous
le nom de sycône. Toutes leurs parties sont remplies d'un
suc laiteux, acre et caustique ; leurs feuilles alternes, très
variables de formes dans une même espèce, sont accompa-
gnées de stipules très développées qui recouvrent entière-
ment les bourgeons terminaux. Leurs fleurs, très petites,
unisexuées, sont insérées en grand nombre sur la face in-
terne d'un réceptacle commun, creux, piriforme ou globu-
leux, dont le pied porte supérieurement quelques bractées
et dont l'ouverture apicale ou œil est garnie de bractées
imbriquées. Les fleurs mâles et femelles coexistent quelque-
fois dans un même réceptacle, et, dans ce cas, les mâles en
occupent la partie supérieure ; mais, le plus ordinairement,
les sexes sont placés dans des réceptacles séparés ; ces ré-
ceptacles naissent isolés, soit à l'aisselle des feuilles, soit
directement sur le tronc et les grosses branches ; ils de-
viennent charnus après la fécondation et constituent alors
les fruits agrégés désignés vulgairement sous le nom de
Figues. Leurs fleurs mâles ont un, périanthe simple formé
de deux à six folioles et un androcée de 2-6 étamines à
anthères introrses, s'ouvrant par deux fentes longitudi-
nales. Dans les fleurs femelles, l'ovaire sessile ou stipité,
ordinairement uniloculaire et uniovulé, devient à la matu-
rité une petite drupe dont le mésocarpe est très mince, et
dont le noyau crustacé ou fragile renferme une seule
graine à albumen charnu et à embryon recourbé en crochet.
Le genre Ficus est extrêmement riche en formes diverses.
On en compte actuellement plus de 600 espèces disséminées
dans toutes les régions chaudes du globe, mais répandues
surtout dans l'Asie tropicale orientale, la Malaisie et les
îles de l'océan Pacifique. L'une d'elles, F. carica L. ou
Figuier commun, Arbre à cariques, originaire de la Syrie
et de l'Asie Mineure, s'est propagé dans toute la région
méditerranéenne et est cultivé dans les jardins d'une grande
partie de l'Europe. Ses réceptacles fructifères ou Figues,
dont on connaît de nombreuses variétés, entrent pour une
part assez notable dans l'alimentation et sont employés en
médecine comme adoucissants et pectoraux. Parmi les
espèces exotiques, il convient de mentionner surtout : le
Sycomore ou Figuier de Pharaon (Ficus Sycomorus L.),
grand arbre de l'Egypte et du Levant, dont le bois, très
léger et presque incorruptible, servait, dit-on, aux anciens
Egyptiens, à fabriquer leurs boîtes à momies; puis, le Fi-
guier des pagodes (F. religiosa L.) et le F. des Ranians
(F. inclica L.), dont le latex, riche en caoutchouc, est
exploité dans l'Inde. Ces deux espèces présentent, en outre,
un mode de végétation très remarquable. De la partie infé-
rieure de leurs branches se détachent des racines adven-
tives qui atteignent le sol, s'y implantent et forment des
arcades qui se "propagent de tous côtés à de grandes dis-
tances du tronc; c'est ainsi qu'on a pu dire qu'un seul
arbre peut produire une forêt. Enfin, sur leurs rameaux,
se rencontre fréquemment l'Insecte à la laque (V. Carte-
ria). Plusieurs Figuiers fournissent également du caout-
chouc; tels sont notamment les Ficustaccifera Roxb. et
F. elastica Roxb., en Asie, les F. macrophylla Desf. et
F. rubiginosa Desf., en Australie. Dans d'autres espèces,
comme le F. toxicaria L., le F. venenala L., le F. sep-
lica Rumph. et le F. atrox Mart., le latex, très véné-
neux, sert aux naturels à empoisonner leurs flèches. Le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
F. Padana Rurm. a des fruits toxiques connus sous le
nom de Figues Poison. Enfin, le F. cerifera RI. fournit
une substance cireuse appelée Getah-Lahoe ou cire végé-
tale de Sumatra (V. Getah-Lahoe).
Dans le langage vulgaire, on donne le nom de Figuier
à différentes plantes qui n'appartiennent pas au genre
Ficus. Ainsi, le Figuier d'Adam ou F. des Indes est le
Musa paradisiaca L. (V. Rananier) ; le F. de Rarbarie
ou F. d'Inde, Y Opuntia ficus indica L. (V. Opuntia) ; le
F. d'Egypte, le Ceratonia siliqua L. (V. Caroubier); le
Figuier d'Enfer, le Curcas pargans Adans. (V. Curcas) ;
le F. de Surinam, le Cecropia peltata L. (V. Cécropie) ;
le F. des Hottentots, le Mesembryanthemum edule L.
(V. Ficoïde); F. des îles, F. des nègres, le Carica
papaya L. (V. Papayer); le F. infernal, YArgemone
mexicana L. (V. Argémone) ; le F. maudit, le Clusia
rosea L. (V. Clusia) ; le F. .vénéneux, YEippomane
Mancenilla L. (V. Mancenillier). Ed. Lef.
II. Horticulture. — Le Figuier est commun dans la
région méditerranéenne ; on le rencontre aussi dans le Sud-
Ouest et l'Ouest et dans la vallée du Rhône où il est ré-
pandu jusqu'à Lyon. Sous le climat du Centre et du Nord,
sa culture exige des soins particuliers. On le cultive par-
fois, comme arbre paysager, sur les rochers qu'il orne de
son abondant feuillage, mais sa destination principale est
de produire des fruits qui sont l'objet d'un commerce im-
portant. Le Figuier a une croissance rapide et il s'élève à
6 ou 8 m. ; mais, pour rendre la cueillette des fruits plus
facile, il vaut mieux ne pas lui laisser atteindre cette taille.
Il n'est pas difficile sur le choix du terrain et vient dans
tous les sols, tout en préférant ceux qui sont frais, pro-
fonds et substantiels. On en cultive un grand nombre de
variétés, à fruits blancs ou colorés, parmi lesquelles beau-
coup donnent deux récoltes annuelles. La première récolte
comprend les figues fleurs, nées sur le bois de l'année
précédente et mûrissant en juin et juillet ; la seconde, les
figues d'automne ou d'été ou secondes figues, mûrissant en
août, septembre ou octobre. Les secondes figues sont plus
sucrées que les figues fleurs et sont préférées pour le sé-
chage. Dans le Nord, le Figuier ne donne habituellement
que des figues fleurs, les secondes figues, nées sur les
pousses de l'année, n'ayant pas le temps de mûrir avant
les gelées. Les variétés à fruits blancs : Rourjassote
blanche, Rlanquette,Coucourelle, Col des Dames, Doucette,
Marseillaise, etc., les variétés à fruits colorés: Rourjas-
sote noire, Rellone, Mahonnaise, Mouissone, Roussane,
Servantine, etc., sont répandues dans le Midi. Hors de la
région de l'Olivier, on trouve : la Rlanquette, la Violette
ronde, la Dauphine, etc. La multiplication du Figuier se
fait quelquefois par graines extraites des figues d'été qu'on
écrase dans l'eau. Ses graines lavées et séchées sont se-
mées aussitôt sur une terre bien ameublie et substantielle.
Le semis est légèrement recouvert et arrosé. On abrite les
jeunes plantes contre le soleil à l'aide de branchages et on
les met en place à l'automne de la seconde année. On mul-
tiplie encore le Figuier en détachant et transplantant les
rejetons enracinés qui naissent naturellement au pied des
arbres, ou bien on recèpe les Figuiers au ras du sol ; ils
produisent alors des drageons nombreux qu'on met en
place la seconde année. Le marcottage et le bouturage
sont des procédés de multiplication très usités. Les mar-
cottes s'obtiennent avec des branches de deux ans dont on
supprime les pousses latérales. En mars et avril, on
couche ces branches dans des fosses de 0m20 de profon-
deur ; on les recouvre de terre, en relevant l'extrémité
hors du sol. On les sépare du pied mère en automne et
on les plante à demeure au printemps suivant. Le boutu-
rage se fait en automne ou au printemps, de préférence au
printemps dans le centre et le' Nord, avec des fragments de
rameaux bien aoûtés, longs de 0ra20 environ, qu'on
plante verticalement et butte de manière à recouvrir l'œil
terminal de 2 ou 3 centim. de terre. Les boutures plan-
tées en terrain bien préparé, maintenu frais par quelques
û28
FIGUIER — FIGUIG
434 —
arrosages, ne tardent pas à se développer et peuvent être
mises en place Tannée suivante. La culture du Figuier est
très simple dans le Midi. On ne le taille pas. On se borne
à supprimer le bois mort, à arrêter les branches gour-
mandes et à labourer le pied des arbres au printemps et
en automne. Souvent même, il ne reçoit aucun soin, et sa
vigueur est telle qu'on le voit pousser et fructifier abon-
damment dans les murs et sur les rochers. Aux environs
de Paris, où le climat lui est défavorable, il est l'objet de
soins particuliers. On le plante à l'exposition du midi, un
peu obliquement, et on le maintient à l'état de buisson
comprenant cinq ou six tiges. Du 1er au 45 nov., on réu-
nit les branches en faisceau ; on couche les Figuiers dans
des rigoles suffisamment larges pour les contenir et on les
recouvre de 0m20 à 0m30 de terre. On déterre les Figuiers
lorsque la température le permet, vers le mois d'avril.
Pour favoriser le développement des fruits, on pince l'ex-
trémité de chaque branche en supprimant le bourgeon ter-
minal et, le long des branches, les yeux qui accompagnent
les fruits, sauf ceux qui sont destinés à prolonger les
branches, à fournir les rameaux de remplacement et à
donner des feuilles pour ombrager les fruits. Après la ré-
colte des figues, on taille les branches en les coupant au-
dessus des rameaux de remplacement. Le Figuier dra-
geonne beaucoup. On doit supprimer les drageons lorsqu'ils
ne sont pas utilisés pour la multiplication ou le rajeunis-
sement de l'arbre, parce qu'ils le fatiguent sans profit. La
cueillette des fruits se fait le matin de bonne heure, aus-
sitôt après la rosée. La figue est mûre lorsque, par la
pression, on la sent fléchir près de l'œil. En déposant une
gouttelette d'huile sur l'œil des figues, à l'aide d'une
plume ou d'un mince bâton, on peut hâter leur maturité
de plusieurs jours ; les figues doivent avoir dépassé les
deux tiers de leur grosseur. Appliqué trop tôt, ce procédé
ne donnerait pas de bons résultats. Du reste la pratique
est ici le meilleur guide pour choisir le moment favorable à
l'opération. G. Boyer.
III. Thérapeutique. — Le suc acre et laiteux, contenant
du caoutchouc et un principe résineux, extrait des rameaux
et de feuilles de diverses espèces de figuier, servait jadis
comme purgatif ; mélangé à du jaune d'œuf ou à de l'huile,
il était employé comme abstergent des plaies et des ulcères,
pour faire disparaître les verrues, etc. — La figue (Ficus
carica) fait partie des quatre fruits pectoraux et on en fait
des infusions adoucissantes. Coupée en lanières et introduite
dans la bouche, elle est utile contre la fluxion dentaire.
FIGUIER (Guillaume-Louis), chimiste et écrivain fran-
çais, né à Montpellier le 45 févr. 4849. Son père était
pharmacien et son oncle, Pierre Figuier, à qui l'on doit
la découverte des propriétés décolorantes du charbon ani-
mal, professait la chimie à l'Ecole de pharmacie de Mont-
pellier. Lui-même, aussitôt son doctorat en médecine ter-
miné (4841), vint travailler la chimie à Paris, au laboratoire
de Balard, et fut nommé en 4846 professeur agrégé de
chimie à l'Ecole de pharmacie de Montpellier. En 4850, il
fut reçu docteur es sciences physiques à Toulouse; en
4853, il obtint au concours la place de professeur agrégé
de chimie à l'Ecole de pharmacie de Paris. Pendant cette
première période de sa vie, il s'occupa surtout de chimie
médicale et se fit connaître par un certain nombre de tra-
vaux originaux publiés dans des thèses, des mémoires et
des articles de revues. En 4856, il engagea avec Claude
Bernard, au sujet de la sécrétion du sucre par le foie, une
polémique qui fit alors grand bruit et qui se termina
par le triomphe des doctrines du célèbre physiologiste.
L'année suivante, il quitta pour toujours l'enseignement.
II s'est depuis consacré exclusivement à son œuvre de vul-
garisation scientifique, qui lui a acquis une très grande
notoriété et qui est remarquable autant par les qualités
d'écrivain que par la prodigieuse fécondité de l'auteur. Elle
ne comprend pas moins de 80 vol., dont la plupart ont eu
un tirage considérable et auxquels il faut encore ajouter
de nombreux articles de journaux et de revues. Nous donne-
rons seulement les titres de ses ouvrages, tous édités à Paris :
Exposition et histoire des principales découvertes
scientifiques modernes (1851-53, 4 vol. in-42; 6e éd.,
4 862); V Alchimie et les Alchimistes (4854, in-42 ; 3° éd.,
1860) ;' histoire du merveilleux dans les temps mo-
dernes (4859-60, 4 vol. in-18) ; la Photographie au
Salon de i859 (1859, in-42) ; les Eaux de Paris (im,
in-18) ; le Savant du foyer (4861, in-8) ; le Tableau
de la Nature (4862-74, in-8), série de 40 vol. distincts
intitulés la Terre avant le Déluge, la Terre et les Mers,
Histoire des plantes, les Zoophytes et les Mollusques, etc. ;
Vies des savants illustres (4865, 5 vol. in-8; 2e éd.,
4872-75); les Merveilles de la science (4866-69, 4 vol.
in-4; supplém., 4889-90, 2 vol. in-4), qui sont une
réimpression très développée de son premier ouvrage ; le
Lendemain de la mort ou la Vie future selon la science
(4872, in-4 8 ; huit éd.), curieuse et très intéressante fan-
taisie sur la transmigration des âmes, qui lui a valu les
foudres de la sacrée congrégation de l'Index ; les Merveilles
de l'industrie (4873-76, 4 vol. in-4) ; Connais-toi toi-
même (4878, in-8) ; les Nouvelles Conquêtes de la
science (4883-85, 4 vol. in-8), dont le premier volume a
été couronné par l'Académie française ; les Mystères de la
science (4887, 2 vol. in-4) ; les Bonheurs d'outre-tombe
(1892, in-8). Il a écrit en outre dans la Presse, de 1855
à 4878, un feuilleton scientifique hebdomadaire continué
ensuite dans la France, et il publie chaque année, depuis
4856, un recueil très utile et très lu, V Année scientifique
et industrielle (4856-92, 35 vol. in-4 8), dont une table des
20 premiers volumes a été donnée en 4878. Il a enfin tenté,
le premier, de vulgariser la science par le théâtre ; mais
le public n'a fait jusqu'ici qu'un assez froid accueil à ses
pièces, parmi lesquelles nous citerons : Gutenberg (4867),
drame historique en cinq actes qui devait être joué à l'Odéon,
mais qui y fut remplacé par le Gutenberg d'Ed. Fournier,
retiré de la Comédie-Française ; les Six Parties du monde
(4878), Denis Papin (4882), Kepler (4889), et qu'il a
réunies sous le titre : la Science au Théâtre, comédies
et drames (4889, 2 vol. in -48). Léon Sagnet.
FIGUIER (Juliette Bouscaren, dame), femme de lettres
française, née à Montpellier le 4 févr. 4829, morte à Pa-
ris le 6 déc. 4879. Petite-fille du conventionnel Cambon,
Mlle Bouscaren, grâce au pasteur Grawitz qui dirigea ses
études, eut une instruction extrêmement développée. Elle
épousa, en 4849, M. Louis Figuier (V. ci-dessus), et,
venue avec lui à Paris, eut un des salons les plus agréables
du temps. Elle débuta en 4858 dans la Revue des Deux-
Mondes par une nouvelle, Mos de Lavenne, publiée sous
le pseudonyme de Claire Sénart. Elle continua à collaborer
à ce recueil, donna des feuilletons à la Presse et à la
France. Ses romans ont obtenu du succès. Elle a fait
représenter avec un égal bonheur de nombreuses pièces de
théâtre. Elle peignait aussi avec goût. Nous citerons d'elle :
4° romans et voyages: Nouvelles languedociennes (Paris,
4860, in-42); les Sœurs de lait (4864, in-42); le
Gardien de la Camargue (4862, in-42) ; Scènes et
Souvenirs du Bas-Languedoc (4864, in-42) ; l'Italie
d'après nature (4868, in-42) ; 2° pièces de théâtre : la
Vie brûlée (4872, in-42), comédie en deux actes, repré-
sentée aux Folies-Marigny ; le Presbytère (1872, in-42),
drame en trois actes, représenté au théâtre Cîuny; les
Pelotons de Clairette (4872, in-42), comédie en un acte,
représentée au Vaudeville; la Parisienne (1 87 '3, in-42),
comédie en un acte, représentée à la Renaissance ; V En-
fant (4874, in-42), drame en quatre actes; la Fraise
(4874, in-42), comédie en un acte; le Pied a terre
(4874, in-42), comédie en un acte; les Pilules de
M. Brancolar (4874, in-42), comédie en un acte ; la
Dame aux Lilas blancs (4876, in-42), comédie en deux
actes; Barbe d'or (1876, in-42), drame historique en
cinq actes; les Deux Carnets (4877, in-42), comédie en
trois actes, jouée à Cluny.
FIGUIG. Le plus grand et le plus riche des groupes
- 438 -
FIGUIG - FIGUUNË
d'oasis de la région entre Laghouat et le Tafilalet, laissé
au Maroc par * le défectueux traité de délimitation de
1844. C'est une grande forêt de palmiers entourée de vil-
lages qui paraissent se toucher ; une ravissante verdure
forme comme le fleuron du paysage d'où se détachent d'élé-
gantes mosquées et de blancs minarets. Figuig était déjà
renommée, aux temps anciens d'Ibn Khaldoun , ^ qui la
place à six journées au midi de Tlemcen ; elle était alors
considérée comme une des principales villes du désert et,
grâce à son éloignement, elle jouissait d'une entière indé-
pendance. De nos jours, Figuig est à 45 kil. S.-O. du poste
français de Djenien-bou-Rezg, terminus actuel (les tra-
vaux d'études de la voie d'Aïn-Sefra à Djenien ont com-
mencé en!892) de la ligne stratégique franco-algérienne
d'Arzew à Aïn-Sefra. On y compte 13 ksour et environ
15,700 hab. (Léon Perrot). L'oasis est administrée par
une djemaa ou assemblée de notables qui se réunissent
quatre fois par an en temps ordinaire et plus souvent dans
les périodes de crise pour discuter, les intérêts de la ré-
publique, les dissensions étant fréquentes dans le règle-
ment des questions d'arrosage. L'empereur du Maroc y est
reconnu comme chef; il y nomme un caïd et on lui paye un
léger impôt plus ou moins régulièrement, en raison de la
crainte de la domination algérienne ; le pays de Figuig ser-
vant de refuge aux mécontents et aux insoumis, c'est là qu'ils
vont se ravitailler et prêcher la guerre sainte. Les habitants
de Figuig sont presque tous serviteurs religieux des mara-
bouts de Kerzaz et des Khenatsa et aussi des chorfa de Ouaz-
zan. L'ensemble des ksour, dont l'ait, dépasse 200 m., est
entouré de montagnes qui se dressent en désordre sur le
plateau à des hauteurs diverses de 200 à 400 m. au-dessus
des palmeraies de la plaine. Tous les ksour sont bâtis sur
des sources, sauf celui des Zenaga et celui des Senhadja.
Une des richesses de Figuig est la grande quantité de
palmiers (570,000 d'après le recensement du capitaine
Graulle), mais on en rencontre aussi dans les environs où
ils forment des oasis distinctes ; les dattes que l'on y
récolte sont d'une qualité supérieure : elles sont précoces
et mûrissent en mai, avant celles de la grande oasis. Les
indigènes de Figuig, outre leurs palmiers, cultivent les
figuiers et les légumes des oasis du Sahara : navets, oignons,
piments. Les labours sont faits sur une très petite échelle
et toujours à la pioche. Le grain est apporté à Figuig
chaque année par de .nombreuses caravanes et principale-
ment par les Haouara, les Sidjâa et les Doui Meniâ. Les
Mehaïa, les Oulad Djerir et les Béni Guil (V. ces noms)
commercent aussi avec Figuig, mais dans une proportion
moindre. Deux ou trois caravanes du Gourara et du Tafi-
lalet arrivent avec des charges de dattes, des haïks et des
cuirs ; depuis l'ouverture de la gare d'Aïn-Sefra, le mou-
vement des marchandises expédiées de ou pour Figuig s'ac-
croît d'année en année. En 1891, le tonnage d'exportation
a été de 89,477, et d'importation de 86,709. Les gens
de Figuig sont, en effet, industrieux ; ils sont armuriers,
selliers, orfèvres ; les juifs y sont particulièrement quin-
cailliers et bijoutiers. Figuig est un lieu de transit sur la
route du centre du groupe touâtien à Fez (Sabatier). Le
commerce de Figuig avec le Touât est un commerce con-
stant ; il s'opère sous la protection des marabouts de Ker-
zaz ; la ligne de Figuig au Touât est bien véritablement et
uniquement touâtienne. C'est par Figuig que vont au Touât
comme marchandises de retour la quincaillerie, le savon, les
verroteries, les faïences et porcelaines, le sucre, le papier
et le thé : ce dernier, importé uniquement par Melilla ou
Fez, est d'origine anglaise ; en même temps que ses dattes, le
Touât envoie à Figuig son henné, sa garance et son piment
renommé. Il est évident que le jour où le chemin de fer
débordera sensiblement Figuig au S. et atteindra, par
exemple, ïgueli ou Igli, l'oasis marocaine perdra les deux
tiers de son importance commerciale, car, dans son mou-
vement, entre pour beaucoup le montant des relations qui
existent entre le Tafilalet haut et bas et l'Algérie, et même
entre l'ouad Draa et noire colonie.
La véritable défense de Figuig est dans ses jardins, ses
palmiers et ses clôtures enchevêtrées bien plus que dans
sa longue muraille de pisé. Quant aux tours de Figuig,
célèbres dans tout l'extrême Sud, elles ne sont ni plus ni
moins terribles que celles de nos ksour algériens ; ce sont
de simples abris dans lesquels s'embusquent les indigènes
pour surveiller leurs jardins, lors de la maturité des fruits.
Les routes accédant à Figuig sont au nombre de onze, mais
les plus importantes au point de vue stratégique sont celles
d'Aïn-Sefra par Djenien-bou-Rezg et celle vers Igli par la
vallée de l'ouad Zousfana. En 1866,1a colonne de Colomb
et celle de Colonieu en 1868 établirent leur camp en
face de Figuig, mais respectèrent les approches des oasis
où nos troupes ne pénétrèrent point. De nos jours, l'entrée
nous en est encore interdite, tandis que les gens de Figuig
viennent librement vaquer à leurs affaires chez nous. Les
Ahmours sont la véritable et l'unique tribu de l'oasis de
Figuig aux environs de laquelle ils campent exclusivement ;
mais en soumettant le ksour du djebel Ahmour, le gouver-
nement de l'Algérie a préparé sûrement l'investissement de
la grande oasis de l'Ouest. H.-M.-P. de La Martinière.
Bibl. : Itinéraire de Géry ville à Figuig et retour (co-
lonne du colonel Colonieu en 1868), carte au l/600,000e,dans
Bullet. Soc. géogr. ; Paris, oct. 1881. — Plan des environs
de Figuig, dans Bullet. Soc. géogr. ; Paris, janv. 1872. —
Note sur Figuig avec carte des environs au 1/200,000°,
dans Bullet. Soc. géog.; Paris, 1882, 2e trim. — Camille
Sabatier, Touât, Sahara, Soudan, 1891. — V. aussi les
cartes au l/200,000e et au l/400,000e du Sud oranais, dres-
sées au Dépôt de la guerre à Paris.
FI GU Ll N E. Ce mot n'est plus guère employé aujourd'hui
que comme adjectif et seulement dans le langage de la tech-
nologie céramique pour qualifier une argile liante, moins
tenace que l'argile plastique, et qui sert à la confection
des faïences communes, des terres cuites, des briques, et,
en général, de toutes les poteries qui n'ont pas besoin d'être
soumises, pour leur cuisson, à une haute température. Elle
ne diffère de l'argile plastique qui est la base des grès-
cérames, des creusets réfractaires, des faïences fines, dites
terre de pipe, etc., que par la présence de 5 à 6 % au
plus de chaux, en partie à l'état de carbonate, et aussi,
peut-être, de silicate (cf. Brongniart, Traité des arts céra-
miques). L'interprétation donnée par Littré, « vase en terre
cuite », n'est plus usitée aujourd'hui, si ce n'est pour dési-
gner exclusivement les œuvres sorties des mains de Ber-
nard Palissy ou de ses successeurs et imitateurs directs, et
il semble que ce soit Palissy qui ait, sinon inventé, puisque,
dans des actes officiels datant du xve siècle, le plus modeste
potier de terre est appelé figulus, au moins appliqué ce mot,
le premier, dans son langage, parfois un peu prétentieux,
aux produits de l'art du potier. Lui-même, dans une quit-
tance datée du 1er févr. 1565, se donne le titre d' « archi-
tecteur et ynventeur des grotes figulines de Mgr le Cones-
table », et plus tard, celui d' « ynventeur des rustiques
figulines des rois de France » .
Nous étudierons dans tous ses détails, en donnant la
biographie de Bernard Palissy, l'ensemble des œuvres du
célèbre potier, mais nous croyons utile, dès à présent, de
rappeler en quoi consistaient ces « grotes figulines » gar-
nies à l'intérieur de jets d'eau, de fontaines, de dressoirs,
de buffets, de sièges et de tables rustiques destinées à four-
nir contre les chaleurs de l'été un abri frais et luxueux où
l'on pouvait « banqueter » à l'aise. Palissy a. pris soin de
nous apprendre que les siennes étaient « de terre cuite
insculptée et esmaillée en façon d'un rocher tortu, bossu et
de diverses couleurs estranges » sur lequel se montraient
à profusion « des plantes, des coquillages et des animaux
aquatiques », auxquels, si l'on en juge par les fragments
retrouvés aux Tuileries sur l'emplacement même où il
avait établi ses fours, il devait ajouter parfois de grandes
figures. Les plats, les bassins et les aiguières qu'il ornait
également de reptiles, de coquillages et de plantes recou-
verts de ses merveilleux émaux si purs et d'une coloration
si intense et si profonde, doivent évidemment être compris
parmi ses « rustiques figulines » ; mais, à côté de ces pièces
FIGULINE — FIGURE
— 436 —
Fragment de moule ayant servi à
la confection des rustiques figu-
lines de Bernard Palissy (musée
Carnavalet).
où vit tout ce monde de « bestioles », il est une autre partie
de ses œuvres, et non la moins importante, qui ne sont
autre chose que des surmoulages de pièces d'orfèvrerie ou
de bas-reliefs et qui
ne nous semblent pas
pouvoir être rangés
dans cette catégorie.
Il en est de même des
œuvres de ses succes-
seurs, au moins de
celles qui ne repro-
duisent pas cette caté-
gorie spéciale de ses
travaux rustiques ;
nous ne croyons pas,
du reste, que le mot
de figuline ait été
employé après sa
mort; il a dû être
confondu avec figu-
rine. En effet , Hé-
roard, médecin de
Louis XIII enfant, ra-
conte que le 30 juil.
1608, le jeune prince
jouait avec des «figu-
rines en faïence dont
une, entre autres, re-
présentait un singe »,
et, à diverses reprises,
il le montre très épris de « ses petits marmouzets de po-
terie » qui provenaient de la fabrique d'Avon, près de Fon-
tainebleau, où, selon toute apparence, travaillaient les con-
tinuateurs de Palissy. Ed. Garnier.
FIGULUS (Mus.) (V. Topfer).
FIGURANT, FIGURANTE (Théâtre). En principe, le
figurant n'est autre chose qu'un comparse, destiné à pa-
raître avec ses pareils, à marcher, à s'agiter avec eux sur la
scène, à figurer simplement, en un mot, sans jamais avoir
une parole à prononcer, si ce n'est, lorsqu'il fait partie
d'une foule, à pousser des cris inarticulés. Toutefois, dans
les théâtres peu importants et où le personnel est restreint,
on donne souvent le nom de figurants aux choristes, qui
composent toute la figuration, soit qu'ils aient ou n'aient
pointa chanter les chœurs dont ils sont chargés à l'ordi-
naire.
FIGURATION (Théâtre). Dans les grands théâtres, soit
lyriques, commel'Opéra, soit littéraires, comme la Comédie-
Française ou FOdéon, ce qu'on appelle figuration comprend
l'ensemble des figurants, comparses, marcheuses, qui pren-
nent une part muette à l'action scénique, représentant la
foule, formant les cortèges, etc. Dans les autres théâtres,
la figuration comprend aussi les choristes et, dans ceux où
le personnel est peu nombreux, elle ne se compose même
que de ces derniers.
FI G U R E. I. Beaux-Arts. — Représentation du corps hu-
main dans son ensemble ; cette désignation est parfois étendue
aux représentations d'animaux. Cette acception est spéciale
au langage artistique ; dans le langage vulgaire, on l'applique
le plus souvent au visage seulement. Les mensurations
prises sur un grand nombre de figures ont permis d'éta-
blir une moyenne dans les proportions du corps humain et
de déterminer d'une façon théorique les rapports de hau-
teur et de largeur de toutes les parties de la figure humaine
(V. Canon). La représentation d'une figure est dite demi-
nature lorsque ses proportions sont moitié de la stature
humaine ; une demi-figure est celle qui ne montre que la
moitié du corps humain, et se trouve coupée à la ceinture
ou aux genoux. Ad. T.
Figure criophore (V. Tanagra [Céram.]).
IL Cératoplastie. — Figure de cire. — C'est aux en-
virons de 1780 qu'un Allemand nommé Curtius vint s'établir
en France, où il se fit naturaliser et ouvrit pour la première
fois un musée de figures de cire qu'on appela le « cabinet du
sieur Curtius ». Ce musée était situé au n° 7 du Palais-Royal,
et comme son succès fut très grand, Curtius en établit bientôt
un autre au boulevard Saint-Martin, d'où il le transféra en-
suite au boulevard du Temple. Le musée de Curtius offrait
au public non seulement des bustes, mais des figures ou
statues en cire, costumées, représentant de grands person-
nages et même des groupes intéressants. Tous les ans, cha-
cun des deux cabinets était entièrement renouvelé, et tous
les mois on y changeait quelque chose pour réveiller la
curiosité. En 1785, on voyait ainsi au Palais-Royal, au
dire d'un annaliste, « les trois princes, fils de monseigneur
le duc d'Orléans, sçavoir : monseigneur le duc de Chartres,
monseigneur le duc de Montpensier et monseigneur le comte
de Beaujolais ; M. Séguier, avocat général ; Mme de *A* à
sa toilette ; le Père de famille; plus de vingt ans de diffé-
rens âges ; plusieurs jeunes princes et princesses étran-
gers ; les portraits de MM. Pinetti, Blanchard et Pilâtre
de Rosier ». Un autre nous apprend l'année suivante, que
« M. Curtius offre la représentation de Louis XVI et de la
reine sur le trône, accompagnés de la famille royale, de
Henri IV, de Sulli, des enfans de S. A. S. monseigneur le
duc d'Orléans, du roi et de la reine d'Angleterre et de
Suède, etc. ». Et il ajoute : « C'est dans un autre salon,
boulevard Saint-Martin, qu'on voit les grands voleurs. »
Quelques années plus tard, en 1791, les héros sont changés,
comme on pense, et voici comment un troisième chroni-
queur nous décrit le salon de Curtius du boulevard du
Temple : « Les figures qui ont eu le plus de vogue cette année
sont celles du roi, de MM. Bailly, La Fayette et de plu-
sieurs illustres députés de l'Assemblée nationale ; celles du
fameux sieur Hulin, du sieur Elie et des autres principaux
vainqueurs de la Bastille ; celles des plus illustres prison-
niers de cette forteresse et le plan de la forteresse même,
gravé sur une pierre par un prisonnier pendant sa détention ;
il a aussi une Bastille entière en carton et une autre Bas-
tille à demi démolie ; ces deux pièces sont extrêmement
précieuses. Mais ce qui l'est encore davantage, c'est la che-
mise que portait Henri IV, le modèle des rois, quand il
reçut le coup mortel qui plongea la France dans un deuil
universel. Cette chemise, où l'on voit l'ouverture qu'a faite
le poignard du scélérat Ravaillac, avec les taches du sang
dont les alentours sont imbibés, est accompagnée de tous
les certificats authentiques et historiques, qui ne laissent
aucun doute sur la vérité de cette* possession. Le sieur
Curtius conserve, entre autres choses, une momie d'Egypte ;
c'est le corps d'une princesse deMemphis, morte il y a plus
de trois cents ans. Il a soin encore d'offrir à l'avide curio-
sité du public tous les objets nouveaux qui font en France
quelque sensation. » On voit que la réclame n'a pas attendu le
xixe siècle pour se produire. Quoiqu'il en soit, Curtius, dont
le succès éclatant se prolongea jusque dans les premières
années de ce siècle, devait être bien dépassé par la suite.
On sait la vogue qu'obtient depuis plus d'un demi-siècle,
à Londres, le fameux musée de figures de cire de Mme Tus-
saud, lequel prit une route nouvelle dans laquelle il a été
suivi chez nous, depuis quelques années, par le musée Gré-
vin. On ne se contente plus aujourd'hui de bustes et de
statues, ou du moins ce n'est là que l'accessoire en quelque
sorte, et si l'on exhibe tour à tour les figures de tous les
personnages qui, pour une raison quelconque, parviennent
à la célébrité : souverains, prétendants, hommes politiques,
artistes, écrivains, grands criminels, on s'attache surtout
à reproduire, d'une façon véritablement saisissante, des
groupes spéciaux et des scènes entières représentant des évé-
nements actuels, et cela de manière à produire une illusion
complète par l'effet de la mise en scène et à tromper l'œil
le plus exercé. Un fait divers émouvant, un acte criminel,
la confrontation d'un assassin avec sa victime, un événe-
ment politique ou militaire, la mort d'un grand person-
nage, tout cela est présenté au public avec tous les acces-
soires nécessaires, avec un sentiment de la réalité qui fait
naître dans l'esprit du spectateur l'impression véritable
437 —
FIGURE
du fait mis sous ses yeux. C'est ainsi qu'on a pu voir, par
exemple, au musée Grévin, le Crime de Pranzini, la Flotte
française à Cronstadt, les Petites Javanaises de l'Exposi-
tion universelle, l'Apothéose de Victor Hugo, la Catas-
trophe d'Ischia, la mort du commandant Rivière au Tonkin,
les Coulisses de l'Opéra, l'Arrestation de Ravachol, l'Amiral
Courbet à Formose, etc. A. Pougin.
III. Physique. — Figures acoustiques. — Ces figures,
imaginées par Lissajous, sont fondées sur la persistance des
sensations visuelles ; elles permettent de comparer les vibra-
tions de deux corps et par suite les sons fournis par deux
instruments à l'aide de procédés purement optiques ; par
cette méthode un sourd peut accorder deux instruments
d'une façon plus précise qu'on ne peut le faire avec l'oreille
la plus juste. Ce procédé permet aussi d'étudier les mou-
vements vibratoires et même de les rendre visibles à un
nombreux auditoire. En voici le principe : considérons un
pinceau lumineux tombant sur un miroir ; ce dernier le
renvoie sur un écran, le rayon réfléchi faisant avec la nor-
male au plan du miroir un angle égal à l'angle d'incidence ;
on aperçoit sur l'écran une petite tache lumineuse, section
du pinceau lumineux considéré par l'écran. Si l'on fait
tourner le miroir autour d'une droite de son plan, on cons-
tate que la tache lumineuse de l'écran se déplace suivant
une droite qui est la trace sur son plan d'un plan mené
par le point d'incidence perpendiculairement à l'axe de
rotation du miroir. Si le miroir est assez loin de l'écran et
si le déplacement angulaire du miroir est faible, on peut
considérer le déplacement de la tache lumineuse et la ro-
tation du miroir comme sensiblement proportionnels. Si
la vitesse de rotation est assez grande, l'image se déplace
assez vite pour que l'œil, au lieu d'apercevoir une tache
lumineuse en mouvement, ait la sensation d'une droite lumi-
neuse immobile. Si donc le miroir oscille entre deux posi-
tions extrêmes, l'observateur verra sur l'écran un fragment
de droite d'une longueur proportionnelle à l'angle d'écart
des positions extrêmes, il aura donc une mesure de l'am-
plitude de la vibration du miroir. Si on reçoit le pinceau
lumineux réfléchi par un miroir sur un second miroir, il
ne se produit rien de particulier tant que ce dernier est
^ immobile, mais si on le fait tourner autour d'une droite
perpendiculaire à l'angle de rotation du premier, la por-
tion de droite se trouve remplacée par une ligne sinueuse
dont la forme permettra de connaître les déplacements des
deux miroirs. En effet, supposons que l'axe de rotation du
premier soit horizontal ; seul, il donnera naissance à une
petite droite lumineuse verticale. Supposons l'axe de rota-
tion du second miroir vertical ; si ce dernier tourne seul,
l 'image sera une petite droite lumineuse horizontale. Si les
deux miroirs oscillent en même temps autour de leurs axes
respectifs, horizontal pour le premier, vertical pour le
second, de part et d'autre de leur position primitive, les
écarts de la tache lumineuse par rapport à sa position
primitive pourront être considérés comme la résultante de
deux écarts, l'un vertical, dû uniquement au premier mi-
roir (d'axe horizontal), l'autre horizontal, dû uniquement
au second (d'axe vertical). L'œil aperçoit, grâce à la per-
sistance des sensations rétiniennes , une courbe lumineuse
qui est le lieu géométrique des positions occupées succes-
sivement par la tache lumineuse. La forme et la grandeur
de cette courbe permettent de mesurer, dans le cas de mou-
vements oscillatoires ou vibratoires des miroirs : d° l'am-
plitude- des mouvements de chaque miroir ; 2° le rapport
du nombre de vibrations de ces deux mouvements ; 3° la
différence de phase correspondante. En effet 1° l'amplitude
des mouvements vibratoires du premier miroir est propor-
tionnelle au déplacement maximum de la tache lumineuse
clans le sens vertical, c.-à-d. à la distance des plans hori-
zontaux passant par le point le plus haut et le point le
plus bas de la courbe. De même, l'amplitude du mouve-
ment vibratoire du deuxième miroir est proportionnelle à
la distance de deux plans verticaux perpendiculaires à
l'écran et passant respectivement par le point le plus à
droite et le plus à gauche de la courbe. De plus, la distance
des miroirs à l'écran permettra de calculer la valeur même
de ces amplitudes. — 2° La courbe permet aussi d'avoir
le rapport du nombre des vibrations : en effet, soit 0 la
position de la tache lumineuse sur l'écran quand les deux
miroirs sont immobiles dans leur position moyenne. Si on
fait osciller successivement de part et d'autre de cette po-
sition les deux miroirs autour de leurs axes respectifs, on
obtient deux droites rectangulaires se coupant en 0. Aux
extrémités de ces droites, menons des perpendiculaires,
formons un rectangle à l'intérieur duquel sera renfermée
la courbe lumineuse que Ton obtiendra quand les deux
miroirs vibreront en même temps. Considérons une position
A quelconque du point lumineux ; partons de ce point et
décrivons la courbe lumineuse ; nous reviendrons en sui-
vant cette courbe qui est fermée à notre point de départ ;
pendant cette marche, nous aurons touché un certain
nombre de fois, n par exemple, les côtés verticaux du
rectangle et un certain nombre de fois n' (différent de n en
général) les côtés horizontaux du même rectangle. Chaque
fois que le point lumineux aura été d'un côté vertical au
côté opposé, le miroir, d'axe horizontal, aura été d'une de
ses positions extrêmes à l'autre, et chaque fois que le point
lumineux aura été d'un côté horizontal au côté opposé,
l'autre miroir aura aussi exécuté une vibration simple.
Quand le point lumineux sera revenu à son point de départ
après avoir parcouru la courbe, ce qui aura exigé un
temps £, le premier miroir aura exécuté n et le second nf
vibrations simples ; le rapport des nombres de vibrations des
71
deux miroirs sera donc —, . L'inspection de la courbe per-
mettra donc, même à un sourd, de reconnaître si les vibra-
tions des miroirs qui peuvent être fixés à des instruments
ffipH
11
15
Eig. 1. — Figures acoustiques.
de musique, à des diapasons par exemple, correspondent à
des notes de hauteurs égales ou de déterminer le rapport
de ces vibrations et par suite l'intervalle qui correspond à
ces notes. — 3° Enfin, ces courbes permettront de déter-
miner la différence de phase des deux vibrations, c.-à-d.
le rapport de l'intervalle de temps qui sépare les passages
consécutifs des deux miroirs à leur position d'équilibre, à
la durée d'une vibration double. En effet, si la courbe passe
par le centre du rectangle, c'est qu'à un moment donné
FIGURE
— 438 —
Unisson
Différences de phase.
Odave
Dlfin
les deux miroirs ont occupé leur position respective d'équi-
libre en même temps ; si en ce moment les deux miroirs
oscillaient dans le même sens, la phase est nulle, sinon elle
est d'une demi-vibration double. Si la courbe, au lieu de
passer par le centre, coupe la droite horizontale, passant
par le centre à une distance cl, la longueur de cl permet
de déterminer la phase, connaissant la nature du mouve-
ment du miroir ; si c'est un mouvement vibratoire, assi-
milable à un mouvement pendulaire, on démontre que la
phase est exprimée par 2 n arc sin -, ; dans cette formule,
a! est la demi-amplitude du mouvement horizontal de la
tache lumineuse sur l'écran.
Il est facile de construire géométriquement les courbes
dans le cas où les miroirs ont des mouvements vibratoires
assimilables à des mouvements pendulaires. Pour cela, on
divise les côtés du rec-
tangle que nous venons
de considérer en un
même nombre de par-
ties inégales, corres-
pondant à des déplace-
ments horizontaux et
verticaux de la tache
lumineuse ayant duré
des temps égaux. Ces
divisions s'obtiennent
facilement, comme le
montre la fig. 4 , en di-
visant en parties égales,
46 par exemple, les
deux circonférences
ayant pour centres le
centre du rectangle et
pour diamètre, respecti-
vement, les deux côtés
du rectangle. En pro-
jetant ensuite les divi-
sions correspondantes
sur ces côtés, on obtient
le partage de ces côtés
en portions d'égale durée
de parcours ; car on dé-
montre dans la théorie
des mouvements pendu-
laires que la position
d'un mobile soumis à
un pareil mouvement et
qui parcourt une droite
de A à B se trouve tou-
jours sous la projection
d'un mobile animé d'un
mouvement uniforme
qui se déplace 7sur un
cercle de diamètre AB.
Par les points de division
ainsi obtenus on mène des parallèles aux côtés du'rectangle et
sur le quadrillé irrégulier ainsi obtenu, on trace la courbe
de la façon suivante : Supposons que les vibrations des
deux miroirs soient à la quinte, c.-à-d. que l'un fasse trois
vibrations pendant que l'autre en fait deux ; partons d'un
point de croisement quelconque du quadrillage, du point
marqué 4 , par exemple ; le point lumineux après un temps
T
éffal à 2 77î, T étant la durée d'une vibration double du
& 46
miroir qui oscille le plus lentement, se trouvera avancé
latéralement de deux divisions et verticalement il en aura
franchi trois, par conséquent, après avoir touché le bord
supérieur du rectangle, il sera redescendu d'une division ;
T
il sera donc en 2 ; après une nouvelle période de 2 j^, il
Quinte
de l'Octave.
Quarto,
Tëre/ices de phase -0
Quinte.
tèrû/ices dspâa.se~ 0 ou
Fig. 2,
aura marché latéralement de 1 et verticalement de 3, il
sera donc au point 3 ; on obtient de même les points sui-
vants, 4, 5, ... 46 et 47 qui coïncide avec le point de
départ. On construirait de même les figures relatives à
tout autre intervalle ou à tout autre phase : la fig. 2 montre
un certain nombre des résultats obtenus par Lissajous.
Le dispositif le plus commode à employer pour répéter
ces expériences est celui de Lissajous. Chaque miroir est
fixé à l'une des branches d'un diapason dont les vibrations
sont entretenues par une série de courants électriques
intermittents qui traversent les électro-aimants ; ceux-ci
attirent un grand nombre de fois par seconde les branches
du diapason ; l'intermittence des courants est produite par
le diapason lui-même qui ferme le courant électrique autant
de fois par seconde qu'il fait de vibrations simples. De
cette façon on peut faire durer l'expérience autant de temps
qu'on le désire sans toucher aux diapasons. L'un des dia-
pasons est placé dans un
plan vertical , l'autre
dans un plan horizontal.
La source lumineuse est
une lampe dont on
n'utilise qu'un faisceau
de lumière étroit que
laisse passer un petit
diaphragme. Après sa
double réflexion sur les
deux miroirs, le faisceau
lumineux est reçu dans
une lunette, réglée de
façon à voir nettement
l'ouverture du dia-
phragme, ou bien il tra-
verse une lentille qui
donne sur un écran une
image réelle de cette
même ouverture.
L'inspection de la
fig. 2 montre qu'à me-
sure que le rapport des
nombres de vibrations
des deux diapasons de-
vient moins simple, la
courbe se complique;
pour qu'elle puisse être
vue tout entière par
l'œil, il faut qu'elle soit
parcourue entièrement
par le point lumineux
en un temps au plus
égal à la durée de la
persistance de l'image
sur la rétine. Cette con-
dition n'est pas toujours
réalisée. Supposons, en
effet, que l'on ait deux
diapasons faisant l'un
mille, l'autre deux mille et une vibrations simples par
seconde. La courbe décrite sera une courbe fermée tou-
chant mille fois les bords horizontaux du rectangle et deux
mille et une fois les bords verticaux ou inversement. Mais
ce n'est qu'en une seconde que la courbe entière sera par-
courue par le point lumineux ; or, si la persistance de
l'image rétinienne n'est que d'un dixième de seconde, l'œil
ne verra à la fois qu'un dixième de cette courbe. Supposons
au début que la différence de phase des deux diapasons est
nulle; comme ils sont presque à l'octave, on apercevra
une courbe en forme de 8 (fig. 2, octave, différence de
phase, 0). Le point lumineux décrira une série de 8 très
voisins les uns des autres, empiétant un peu les uns sur les
autres. Quand le premier diapason aura fait 250 vibrations
simples, soit 425 doubles, c.-à-d. après un quart de seconde,
l'autre^en aura fait 500 plus 4/4, soit 250 plus 4/8 de
Figures acoustiques.
439
FIGURE
doubles; la différence sera donc de 1/8 de vibration double;
les diapasons étant toujours presque à l'octave et la diffé-
rence de phase étant 4/8, la courbe aperçue aura la forme
d'un 8 déformé (fig. %■ octave, différence de phase, 4/8)
et pendant le temps qui s'est écoulé entre le début de
l'expérience et le premier quart de seconde, on a vu une
série de courbes de formes intermédiaires entre les deux
précédentes ; l'œil n'a pas conscience de ses diverses courbes
de formes très voisines qu'il aperçoit en même temps et
qui empiètent Tune sur l'autre : il croit voir une courbe
unique un peu épaissie, se déformant et prenant successi-
vement les divers aspects des courbes de l'octave. Dans
l'exemple que nous avons choisi, ces variations dureront
deux secondes ; après ce temps le second diapason aura effec-
tué une vibration double de plus que le premier ; la phase
sera de nouveau nulle et l'on verra se reproduire de nou-
veau dans le même ordre les mêmes images. Cette expérience,
une des plus brillantes de l'optique, permet donc de voir
si deux diapasons possèdent l'intervalle que l'on désire, et,
dans le cas où l'accord n'est pas parfait, on sait que, pen-
dant la durée d'une révolution complète des phases, l'un
des diapasons a fait une vibration double de plus que
l'autre. Cette méthode est extraordinairement sensible.
Figures de Lichtenberg. — On désigne sous ce nom une
ancienne expérience, célèbre autrefois, surtout parce qu'on
avait cru y voir, par suite d'une mauvaise interprétation,
un exemple de la diversité des actions des électricités posi-
tive et négative, et, par suite, une infirmation de la
théorie d'un seul fluide électrique. Pour reproduire ces
figures on prend un gâteau de résine tel que ceux qui ser-
vent pour les électrophores ; on trace alors sur ce gâteau
des dessins avec un corps électrisé positivement, puis
d'autres dessins avec un corps électrisé négativement;
une bouteille de Leyde chargée que l'on tient alternative-
ment par la panse ou par l'armature interne permet de
faire facilement cette double opération. Les dessins ainsi
tracés n'apparaissent pas ; on projette alors à la surface
du gâteau un mélange de poudres de minium et de soufre,
à l'aide d'un petit soufflet. Le frottement que ces pous-
sières éprouvent dans la base du petit soufflet électrisent
positivement le minium et négativement le soufre : celui-ci
se porte donc sur les lignes tracées avec le corps positif et
les fait apparaître en jaune tandis que les autres appa-
raissent en rouge; elles sont peu fines ; on remarque que
les lignes jaunes présentent des ramifications divergentes
nombreuses ; les contours des lignes rouges sont, au con-
traire, unis. En modifiant cette expérience de la façon
suivante, M. Douliot a obtenu des images d'une finesse
remarquable. Sur du verre ou de l'ébonite bien sec, mais
à l'état neutre, on trace des lignes avec un corps quel-
conque, conducteur ou non; le verre s'électrise en ces
points ; en projetant ensuite sur le verre les deux poudres,
on voit apparaître les traits en jaune sur fond rouge ; c'est
l'inverse avec l'ébonite. A. Joannis.
Figure magnétique (V. Fantôme magnétique).
IV. Astronomie.— Figure des corps célestes (Astron.).
Tous les corps célestes affectent une forme sphéroïdale plus
ou moins régulière tenant à leur mouvement de rotation pen-
dant leur fluidité. V aplatissement (V. ce mot) est généra-
lement très faible pour le soleil, les planètes et leurs satellites.
Certaines nébuleuses ont une forme spiraloïde. Les comètes
éloignées du Soleil ont une forme sphéroïdale ; dans le
voisinage de cet astre, leur matière fuse par les deux
bouts de Taxe qui est dirigé vers le Soleil, et surtout par
l'extrémité opposée, de manière à former la queue. L. B.
V. Grammaire et rhétorique. -— Le terme latin
figura répond au mot grec a^%a. Il avait chez les anciens
rhéteurs deux significations. Il désignait, d'une part, l'aspect
que revêtait la pensée ; en ce sens, on ne peut écrire ou
parler sans figure, comme le corps humain a toujours un
aspect général et une attitude quelconque, une figure. Avec
une signification plus particulière, on entend par figure les
façons de parler spéciales qui ajoutent de la force, de la
grâce, ou quelque autre qualité à la manière ordinaire,
purement correcte et grammaticale. Les anciens rhéteurs
et les philosophes discutaient longuement sur ces défini-
tions, à ce que nous apprend Quintilien. Certaines figures
servent à suppléer au terme propre qui manque, ou bien
que l'on ne pouvait employer par décence ou pour toute
autre raison; mais la plupart n'ont pour objet que de
donner au discours plus d'énergie, de grâce ou de variété.
Les rhéteurs n'étaient pas d'accord non plus sur la classi-
fication des figures. Quintilien reconnaît deux classes, les
figures de pensée et les figures de mots ; mais il laisse en
dehors les tropes. Les tropes, selon lui, substituent tels
mots à tels autres ; il n'y a rien de pareil dans les figures
qui consistent dans l'usage que l'on fait des mots et l'as-
pect que l'on donne aux phrases ; il reconnaît d'ailleurs
que les figures et les tropes sont des procédés qui con-
tribuent au même résultat. Il faut reconnaître que cette
distinction est subtile. Il vaut mieux s'en tenir à la classi-
fication adoptée par la plupart des rhétoriques modernes :
il y a deux grandes divisions, les figures de pensées et
les figures de mots. Celles-ci se subdivisent en tropes, ou
substitution d'un autre terme au mot propre, et en figures
de grammaire. Dans la première catégorie se placent les
figures qui servent à donner plus d'énergie à la démons-
tration, à savoir V interrogation, la prolepse, la dubita-
Mon, la communication, la sustentation. D'autres sont
plus propres à exprimer la passion : c'est V exclamation,
la prosopopée, Y apostrophe, Yhypotypose, Yironie,
Yaposiopèse, etc. Quintilien y ajoute ce qu'il appelle sim-
plement avec les Grecs schéma, qui est une sorte d'euphé-
misme. Les tropes sont aussi de deux sortes : les uns ser-
vent à l'expression de la pensée, tels que la métaphore,
la synecdoche, la métonymie, Y antonomase, Yonoma-
topée, la catachrèse; les autres servent uniquement à
l'embellir, tels que Vépithète, Y allégorie, Yénigme, la
périphrase, Yhyperbole, etc. Enfin les figures de gram-
maire sont celles que l'on appelle encore figures de cons-
truction; les principales sont Y ellipse, le pléonasme,
la syllepse, Yhyperbate. Leur caractère commun est de
ressembler à des incorrections grammaticales. Il faut y
rattacher un nombre considérable de procédés qui donnent
à la pensée plus de reliefs ou de force ; telles sont les
différentes sortes de répétition (gémination, anaphore,
épistrophe, épanodos, polyptoton, anadiplosis, etc.),
Yasyndeton et le polysundeton, la gradation; enfin les
différentes sortes d'opposition, dont la principale est V an-
tithèse. Nous renvoyons à tous ces termes pour l'expli-
cation des principales figures.
Il nous suffira ici de rappeler les conclusions de Quin-
tilien sur l'emploi des figures en général. Placées à propos,
elles fortifient la pensée ; autrement elles sont puériles. Il
est des gens, dit-il, qui négligeant l'idée et le fond, se
livrent à un vain travail sur les mots et se croient de
grands artistes. Mais, même les figures saines ne doivent
pas être trop répandues , de même que le visage et le corps
ne doivent pas changer constamment de physionomie et
d'attitude. Il faut considérer avant tout ce qu'exigent le
sujet, le moment, la personne, et se souvenir que, partout
où l'art se montre, la vérité semble disparaître. Que d'écri-
vains de nos jours pourraient tirer leur profit de ces ré-
flexions ! Quintilien pourtant va trop loin lorsqu'il consi-
dère les figures comme des façons de parler qui s'éloignent
de la manière ordinaire et naturelle. Rien n'est si naturel,
si ordinaire, que des figures dans le langage de tous les
hommes. Dumarsais a observé, après d'autres, qu'il se fait
dans un jour à la halle plus de figures qu'en plusieurs
jours d'assemblées académiques. Les discours les plus
ordinaires en sont remplis, et en particulier ceux des per-
sonnes qui parlent avec le moins d'apprêt, et qui suivent
le plus simplement les impressions de la nature. C'est ce
que Marmontel démontre d'une manière ingénieuse dans
un monologue qu'il prête à un homme du peuple en dispute
avec sa femme : « Si je dis oui, elle dit non ; soir et
FIGURE — FIL
440
matin, nuit et jour, elle gronde (antithèse). Jamais, jamais
de repos avec elle (répétition). C'est une furie, un démon
(hyperbole). Mais, malheureuse, dis-moi donc (apostrophe) !
Que t'ai— je fait (interrogation) ? 0 ciel ! quelle fut ma folie
en t'épousant (exclamation) ! Que ne me suis-je plutôt noyé
(cooptation) ! Je ne te reproche ni ce que tu me coûtes, ni
les peines que je me donne pour y suffire (prétention) ;
mais je t'en prie, je t'en conjure, laisse-moi travailler en
paix (obsécration), ou que je meure si..., tremble de me
pousser à bout (imprécation et réticence). Elle pleure, oh !
la bonne âme ! vous allez voir que c'est moi qui ai tort
(ironie). Eh bien, je suppose que cela soit. Oui, je suis
trop vif, trop sensible (concession). J'ai souhaité cent fois
que tu fusses laide. J'ai maudit, détesté ces yeux perfides,
cette mine trompeuse qui m'avait affolé (astéisme, ou
louange en reproche). Mais, dis-moi si par la douceur il ne
vaudrait pas mieux me ramener (communication)? Nos
enfants, nos amis, nos voisins, tout le monde nous voit
faire mauvais ménage (énumération). Ils entendent tes cris,
tes plaintes, les injures dont tu m'accables (accumulation).
Ils t'ont vue, les yeux égarés, le visage en feu, la tête
échevelée, me poursuivre, me menacer (description). Ils en
parlent avec frayeur : la voisine arrive, on le lui raconte,
le passant écoute et va le répéter (hypotypose). Ils croiront
que je suis un méchant, un brutal, que je te laisse man-
quer de tout, que je te bats, que je t'assomme (gradation).
Mais non, ils savent bien que je t'aime, que j'ai bon cœur,
que je désire te voir tranquille et contente (correction). Va,
le monde n'est pas injuste, le tort reste à celui qui l'a (sen-
tence). Hélas ! ta pauvre mère m'avait tant promis que tu
lui ressemblerais. Que dirait-elle? que dit-elle? car elle
voit ce qui se passe. Oui, j'espère qu'elle m'écoute, et je
l'entends qui te reproche de me rendre si malheureux.
« Ah ! mon pauvre gendre, dit-elle, tu mérites un meilleur
« sort (prosopopée). »
D'ailleurs, les figures sont plus ou moins fréquentes sui-
vant les habitudes, les tempéraments des individus et des
peuples, le génie de la langue que l'on emploie, le plus ou
moins de richesse du vocabulaire, car plus les mots sont
rares, plus il est nécessaire de varier leurs acceptions et
leurs effets par la place qu'on leur donne, le tour de
phrase et les mouvements du style . Enfin les différents
genres littéraires ne sont pas également propres aux orne-
ments de l'expression. Abondants là où il s'agit de plaire
par des descriptions délicates et variées, là où il faut en-
traîner par les mouvements passionnés , il faut les éviter
lorsqu'on traite d'objets qui demandent une expression
rigoureusement vraie, comme dans les ouvrages pure-
ment didactiques. Inutile d'ajouter qu'il faut choisir les
figures appropriées à l'occasion, mais on fait observer juste-
ment qu'il faut préparer les figures, les amener avec art,
arriver par degré aux plus hardies. Ainsi après avoir dit :
Je n'appelle plus Rome un enclos de murailles
Que ses proscriptions comblent de funérailles;
Ces murs, dont le destin fut autrefois si beau,
N'en sont que la prison ou plutôt le tombeau.
Mais pour revivre ailleurs dans sa première f(
Avec les faux Romains elle a fait plein divorce.
; pour revivre ailleurs dans sa pn
3 les faux Romains elle a fait plei
Et comme autour de moi j'ai tous ses vrais appuis,
Sertorius peut ajouter naturellement :
Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis.
Un mot encore au point de vue pédagogique. Les figures
étudiées chez les anciens avec une minutie et une subtilité '
dont se plaint déjà Quintilien, ont été longtemps ensei-
gnées dans nos classes d'humanités avec un soin exagéré.
Les hommes mûrs se souviennent encore d'avoir, pendant
des mois entiers, fait la chasse aux catachrèses et aux
antonomases. Peut-être aujourd'hui cette technique est-elle
trop négligée. Rollin, dans son Traité des études (liv.IV,
ch. 11, 8), nous semble être dans la juste mesure; ses
observations sont sobres, exemptes de raffinement, appuyées
sur des exemples bien choisis, suivant la règle qu'il donna
lui-même : « Il est bien important de faire remarquer aux
jeunes gens, dans la lecture des auteurs, l'usage que la
bonne éloquence sait faire des figures, le secours qu'elle en
tire, non seulement pour plaire, mais aussi pour persuader
et pour toucher. » A. Waltz.
VI. Logique. —Figures du .syllogisme (V. Syllogisme).
VII. Théologie (V. Type).
Bibl. : Acoustique. — Lissajous, Ann. Chim. Phys.
(3), LI, p. 147.
FIGURÉ (Blas.). Toute pièce héraldique ou non sur la-
quelle se trouve représenté un visage humain est dite
figurée. Soleil représenté avec des yeux, un nez et une
bouche, ce qui est le contraire d'une ombre de soleil.
FIGURÉS (Nombres) (V. Nombre).
FIGURINES funéraires (Archéol. égypt.). On classe
sous cette dénomination la série, extrêmement nombreuse,
des petites statuettes affectant la forme de la momie et
moulées en terre cuite que recouvre un émail bleu ou vert.
De leurs mains croisées sur la poitrine elles tiennent des
instruments d'agriculture, hoyaux et sarcloirs, et un sac
destiné à contenir des grains. Elles étaient chargées de
suppléer le défunt dans l'accomplissement des travaux
agricoles qui devaient lui incomber dans l'autre monde ;
prêtes, à cet effet, à répondre à son premier appel, elles
étaient nommées Oushebtiou, « répondantes ». Elles portent
le nom et la généalogie du mort qu'elles représentent, et
ont rendu de réels services à la science par le grand nombre
de noms historiques, de titres et de fonctions qu'elles ont
permis d'enregistrer. Elles étaient semées à profusion dans
le sarcophage ou contre le sarcophage, ou enfermées dans
un coffret spécial, ou simplement répandues sur le sable
de la chambre funéraire. Paul Pierret.
F1KA. Tribu nègre du Soudan central (Bornou), dans
le bassin du Gongola, affluent du Bénué.
FI L I. Filature. — Les fils sont produits par les filatures
pour servir de matière première aux tissages ou pour être em-
ployés pour la couture ou différents autres usages. Ils doi-
vent présenter dans tous les points de leur longueur une
grosseur et une résistance bien uniformes. Les fils de soie
obtenus par la simple réunion d'un certain nombre de fils
de cocon prennent le nom de fils grèges ; plusieurs de ces
fils, rassemblés avec une torsion plus ou moins forte, cons-
tituent les organsins, les poils, les trames, etc. Le dé-
vidage et le moulinage qui fournissent ces fils produisent
une certaine quantité de déchets qui de même que les co-
cons défectueux et non dévidables sont déchirés et réduits
en fibres courtes. Pour ces déchets, de même que pour les
autres matières textiles, laine, coton, lin, chanvre, etc.,
les fils sont formés par les fibres très fines et plus ou
moins longues que forment ces matières, groupées régu-
lièrement les unes à côté des autres, et les unes à la suite
des autres, et reliées entre elles par une torsion convenable
donnée au faisceau qu'elles forment ainsi. Les fils formés
de cette manière prennent le nom de fils simples. On dis-
tingue parmi eux ceux qui sont destinés à former la chaîne
du tissu, que l'on fait avec des matières de plus belle
qualité et que l'on tord plus fortement, et les fils de trame
qui sont moins tordus, ou, suivant l'expression souvent em-
ployée, plus floches. Une torsion intermédiaire entre celle
qui convient à la chaîne et celle de la trame fournit de la
demi-chaîne dont on fait usage notamment dans la bonne-
terie.
Deux fils simples réunis et tordus ensemble constituent
un fil retors, ou, si la seconde torsion est faible, un fil
mouliné. Deux ou plusieurs fils retors réunis et retordus
produisent un fil câblé. Dans ces retordages successifs,
chaque torsion doit être donnée en sens contraire de la
précédente. La grosseur des fils s'indique au moyen d'un
titre ou numéro, qui pour la soie dévidée ou moulinée re-
présente le poids d'une longueur invariable de fil; dans les
usages admis cette longueur est une échevette de 500 m.
et le titre exprime le poids de cette échevette évalué en
grains de 0§r0533. Il y aurait lieu de modifier ce
poids et de le ramener à 5 centigr. pour arriver à faire
usage d'unités conformes à notre système de poids et me-
— 441 —
FIL
sures; le titre indiquerait ainsi le poids exprimé en
grammes d'une longueur de 10,000 m. de fil. Dans cette
méthode de titrage, les titres sont d'autant plus élevés que
les fils sont plus gros. Pour tous les autres fils, laine,
coton, lin, déchets de soie, le numérotage se fait au con-
traire en indiquant la longueur de fil qui correspond à un
poids invariable adopté pour base, de sorte qne les numé-
ros s'élèvent lorsque le fil devient plus fin. Cette manière
de faire est justifiée par les procédés de la filature qui
forme d'abord un ruban qu'il faut ensuite amincir jusqu'à
la finesse voulue ; le numéro indique le degré d'amincisse-
ment qui doit être réalisé. Les unités adoptées comme
base pour la mesure des longueurs et des poids varient
suivant les localités et les matières textiles. En France, on
applique d'une manière assez générale le numérotage mé-
trique, ayant pour base de longueur! ,000 m. et pour base
de poids le kilogramme, aux fils de laine peignés et cardés
et aux schappes formées avec les déchets de la soie ; pour
le coton les poids sont évalués en demi-kilogrammes, et
pour le lin, dans le N. de la France, on conserve un nu-
mérotage anglais ayant pour bases une échevette de 300
yards et la livre avoir du poids anglaise. Les numéros se
vérifient en dévidant une échevette ayant la longueur base
et en la pesant soit au moyen d'une balance, soit en se ser-
vant d'une romaine, c.-à-d. d'un peson dont le cadran est
gradué de manière à indiquer par une simple lecture le
numéro du fil.
Les fils à coudre se font en lin ou en coton ; ces der-
niers sont souvent désignés dans le commerce sous les
noms de fils d'Ecosse ou fils d'Alsace. Ils sont formés de
plusieurs brins simples, à forte torsion, retordus en-
semble, ou dans les meilleures qualités de deux ou plu-
sieurs brins retors, câblés entre eux. On les teint en
toutes couleurs, puis on leur fait subir un apprêt, qui pour
les fils mats consiste en deux opérations : Vétriquage, par
lequel on bat les échevettes tendues pour bien assouplir
les fils, puis le chevillage dans lequel ces échevettes, sus-
pendues à une forte cheville fixe, sont tordues fortement
et battues au moyen d'un bâton. Les fils glacés sont en
outre imprégnés d'un apprêt contenant de l'amidon et de
la cire, puis fortement brossés et lustrés. Cet apprêt peut
être appliqué aux échevettes, que l'on y plonge d'abord,
puis que l'on fait tourner lentement, fortement tendues,
entre deux cylindres, tandis qu'une brosse cylindrique ani-
mée d'une grande vitesse répartit bien régulièrement l'ap-
prêt à leur surface. En France, le glaçage se fait plus
généralement fil à fil. Les fils sont enroulés chacun sur une
bobine dont on dispose une certaine quantité, de 100 à
120, sur un râtelier derrière la machine ; les fils qui se
déroulent tous parallèlement entre eux vont plonger dans
un bac rempli d'apprêt, puis ils passent.entre une paire de
cylindres qui les entraînent en exprimant l'excès d'apprêt,
et au contact de cinq ou six brosses cylindriques tour-
nant à grande vitesse, pour aller enfin s'enrouler chacun
sur une bobine en avant de la machine. Ainsi préparés les
fils sont livrés à la vente quelquefois en échevettes, mais
plus souvent en bobines ou en pelottes ou dévidés sur des
cartes de formes variées, qui se forment sur des machines
très ingénieuses, mises en mouvement soit à la main,
soit mécaniquement; des étiquettes y sont collées, puis les
pelotes ou les bobines sont rangées dans des boîtes plus ou
moins élégantes. P. Goguel.
Fil de lin (V. Bonneterie, t. VII, p. 339).
Fil peigné. — La fabrication des fils pour la laine,
comme pour les autres textiles, s'est d'abord faite à la
main, avec des fibres peignées préalablement et redressées
manuellement. Au dire des auteurs anciens, cette fabrica-
tion au xve siècle, était considérable en France et en Pi-
cardie ; les fils qui en provenaient servaient à confectionner
des tissus ras, dont les Flamands avaient introduit la fabri-
cation et, dès le xvie siècle, l'exportation de ces étoffes avait
pris une certaine importance. En 1755, Brisson fait l'essai
d'une mécanique destinée à filer la laine, mais cette ten-
tative n'eut aucun succès ; les fils de laine continuèrent à
se faire à la main ; ils étaient connus sous le nom de fils
de sagettes. Des essais de filage mécanique avaient été
aussi entrepris en Angleterre par Delphin Holme en 1734
et n'avaient pas amené de résultat. La fabrication des tis-
sus ras devenant de plus en plus importante en France, on
importa chez nous une certaine quantité de fils de laine
peignée provenant de la Hollande et de la Saxe. Ces fils
étaient fins et forts ; on les vendait par paquets composés
d'éche veaux d'égale longueur et du poids de 6 à 7 onces.
On crut, vers 1780, que les fils à la main allaient dispa-
raître en présence des fils fabriqués à la mécanique. Price,
apprêteur anglais établi à Rouen, avait en effet inventé une
machine destinée à filer indistinctement le lin, le coton et la
laine ; mais cette machine ne semble pas avoir fait fortune ;
on continua à se servir, pour la fabrication des étoffes
rases et mélangées, de fils de laine obtenus par les procé-
dés manuels, ce qui présentait de sérieuses difficultés pour
les opérations subséquentes de la teinture. Le salaire des
fileurs à la main, jusqu'en 1846, était de 60 à 75 cent,
par jour; ils travaillaient de 12 à 15 heures et ne pro-
duisaient pas plus de 62 à 65 gr. de fil. Jusqu'en 1822,
ces fils se vendaient par petits paquets du poids de 500 gr.
Le numéro du fil était déterminé par le nombre d'échées
qui se trouvaient dans ce paquet ; l'échée était de 700m222,
dévidés sur une circonférence de lm485. Les nos 35 à 50
se payaient de 20 à 40 fr. le demi-kilogr. ; quelques chaînes
fines écrues, du poids de 245 gr., coûtaient jusque 80 à
84 fr. le kilogr.
En 1812, on recommença les essais de filage mécanique
de la laine peignée. Un mécanicien de Reims, nommé
Dobo, monta dans la manufacture de MM. Ternaux et Jobert-
Lucas à Bazancourt les premières machines préparatoires
destinées à l'étirage de la laine peignée, et ce fut avec ses
fils que l'on fabriqua les premières étoffes rases connues
sous le nom de tissus Ternaux. C'est dans la période de
1820 à 1826 que les fils de laine peignée commencèrent à
entrer largement dans la consommation. La filajure de laine
au rouet se maintint à Amiens jusqu'en 1823, époque où
les manufacturiers de cette ville firent les premiers essais
de filature à la mécanique, et, dans l'espace de trois ans, le
nombre des broches s'accrut dans une proportion considé-
rable. Mais ce fut surtout à Roubaix et à Tourcoing que le
progrès marcha d'un pas de géant, car, en 1843, le dép.
du Nord possédait déjà 250,000 broches pour la filature
de laine peignée et, en 1854, 900,000; aujourd'hui ce
chiffre est bien dépassé (V. Laine). L. K.
IL Métallurgie. — Fil d'archal. — On donne quel-
quefois, mais très improprement, le nom de fil de fer au
fil d'archal. Celui-ci, en effet, n'est qu'un fil de laiton
dont le nom vulgaire proviendrait de l'inventeur de sa fa-
brication, Richard Archal.
Fil de fer. — Dans une foule de circonstances, les mé-
taux ont besoin d'être employés à l'état de fils. On les réduit
à cet état en utilisant les propriétés qu'ils possèdent tous,
mais à des degrés fort différents, de se laisser étirer sans
se rompre dans le sens de la longueur, propriété qui a reçu
le nom de ductibilité. Pendant des siècles, c'est avec le
marteau et sur l'enclume que l'on étirait les métaux, mais
les marteleurs les plus capables étaient impuissants à obte-
nir des tiges bien cylindriques au-dessous d'un diamètre
relativement assez gros. Plus tard, l'invention des laminoirs
cannelés fit faire un grand pas à cette industrie. Néanmoins
les fils les plus fins qu'on en puisse tirer ont au moins
4 millim. de diamètre ; aussi emploie-t-on aujourd'hui le
tréfilage qui consiste à étirer les métaux à froid pour les
faire passer de force dans des trous qui leur donnent la
forme et la grosseur voulue, en même temps qu'un grand
allongement. Indépendamment des fours à réverbères et
autres, de laminoirs cannelés ou non, les tréfileries com-
prennent un certain nombre de bancs à tirer, lesquels se
composent d'une filière et d'une bobine (V. Bobine, t. VI,
p. 1199). La filière a généralement de 0m30 à 0m60 de
FIL
— 442
longueur, 0m30 de largeur etl à 3 centim. d'épaisseur; les
trous dont elle est percée sont placés en échiquier et leurs
diamètres vont en décroissant; en outre, ils ont une forme
conique et présentent leur plus grande ouverture du côté
où arrive le fil. Pour que l'ouverture de sortie conserve
sa rondeur, de laquelle dépend la régularité du fil, il faut
que l'acier employé soit très dur. Les fils de fer forment
une catégorie importante ; le métal qui convient à leur fabri-
cation doit être facile à travailler à chaud, afin de pouvoir
être facilement aminci parle laminoir ; fort et doux à froid,
afin de pouvoir aisément subir à froid l'action de la filière ;
enfin, plutôt dur que mou à cause de la texture nerveuse
que le travail lui fait prendre. On ne se sert que de fers
provenant de bonnes fontes au bois, et les meilleures qua-
lités de fil s'obtiennent toujours avec les fontes affinées au
charbon de bois ; néanmoins, dans ces dernières années, les
améliorations introduites dans le puddlage ont permis de
substituer, dans une certaine mesure, les fers au coke aux
fers au bois de qualité supérieure.
Suivant leur grosseur, les fils de fer se divisent en gros
fils et en fils fins. Pour déterminer la grosseur du fil de
fer, on se sert d'instruments appelés jauges, qui varient
suivant les pays. Les principales sont au nombre de deux :
la jauge française ou jauge de Paris et la jauge anglaise
ou jauge de Londres ; ce sont des disques d'acier sur le
pourtour desquels on a pratiqué des entailles rectangulaires
désignées par des numéros particuliers ; un fil appartient
à un numéro quand il peut entrer dans l'entaille qui lui
correspond. Les numéros marqués partent du n° P, qui in-
dique 5 dixièmes de millim. Vient ensuite le n° 4 qui repré-
sente 6 dixièmes de millim. et ainsi de suite jusqu'au n° 34
qui est égal à 400 dixièmes de millim. Les fils plus fins que
le n° 4 sont mesurés avec une autre jauge, appelée jauge-
carcasse dont les numéros partent de ce n° 4 pour abou-
tir au n° 36 ; mais ici, le n° 4 est le plus gros et le 36 le
plus fin, en sorte que, dans cette seconde jauge, le n° 40
correspond au n° 4 de la précédente. Une grande partie du
fil qu'on faisait autrefois avec le fer se fait actuellement
avec l'acier. Nous nous étendrons un peu longuement sur
la fabrication de ce fil qui présente un grand intérêt. La
matière première du fil d'acier obtenu par le passage à froid
dans une filière est la machine ou verge d'acier. Peu d'em-
plois de l'acier ont réalisé depuis quelques années autant
de progrès que la fabrication des verges ; pour s'en con-
vaincre, il suffit de comparer les quantités produites en fer
et les quantités produites en acier, principalement en Alle-
magne, où se trouve le principal centre de cette industrie.
En 1880, on produisait 252,322 tonnes de verges de fer et
40, 800 tonnes de verges d'acier; en 4894, au contraire, on
a produit 4 4 0,000 tonnes de verges de fer et 345, 000 tonnes
de verges d'acier. Les trains modernes à verges d'acier et
les trains à verges de fer de tréfilerie ne travaillent pas
dans les mêmes conditions. Pour les uns comme pour les
autres, la rapidité du laminage est recherchée. Le plus
ancien des trains à verges, le train anglais, se compose de
cinq cages alignées, savoir : d'une cage trio de 0m49 à 0m24
à dégrossir et de quatre cages duos de 0m47 à 0m49 à
serpenter. Dans ce système, la vitesse des cylindres est
limitée suivant l'habileté des ouvriers; en effet, chacune
des cinq cages faisant la même courbe de révolution, les
cylindres de la première cage, qui sont les plus gros, pos-
sèdent la plus grande vitesse circonférentielle ; les lami-
neurs saisissent difficilement les billettes qui en sortent, et
cette circonstance impose une borne à la vitesse des cages
serpenteuses. On a jusqu'à 400 tours en Angleterre et en
Allemagne, et jusqu'à 500 tours en France, où la main-
d'œuvre est la plus agile et la plus adroite. Bien que ces
trains soient capables de transformer par jour 20 tonnes
de billettes de fer de 0m05, ils ne satisfont plus les exi-
gences nouvelles. Dans le système belge, le dégrossisseur
forme un train séparé d'une vitesse inférieure à 200 révo-
lutions, lequel comprend une cage à trois cylindres de
0m300 et une cage à pignons placée à l'extrémité exté-
rieure, pour moins gêner le travail du train finisseur. Ce
dernier train, placé parallèlement à une dizaine de mètres de
distance, se compose d'une cage à pignons de 5 à 7 cages
duos auxquelles on peut imprimer une grande vitesse.
Pour le laminage de l'acier, le diamètre est porté à 0m25.
L'idée rationnelle de vitesses progressives à communiquer
aux cages a été réalisée aux Etats-Unis, d'une manière
complète, dans le système Henry Corner (4880). En voici
la disposition caractéristique : le train se compose de paires
successives de rouleaux placés horizontalement et bout à
bout ; elles sont mises en mouvement par des engrenages
qui donnent à certaines paires une vitesse circonférentielle
plus grande qu'à la précédente, sans augmentation de dia-
mètre des rubans. Certains rouleaux ont un diamètre plus
grand que les autres, de sorte que l'accroissement de vi-
tesse, par rapport à la paire précédente, y est obtenue
sans variation d'engrenages. Les paires successives sont
réunies par des guides qui font subir au fil une torsion d'un
certain angle, et qui le conduisent d'une paire de rouleaux
à la paire suivante, située à un niveau différent. Un autre
train américain a été installé, en 4882, à Cleveland et
depuis dans plusieurs autres usines. Il est disposé pour
laminer des blooms d'acier de 0m60 de longueur et d'une
section carrée de 0m40 de côté, qu'on transforme direc-
tement en rouleaux de verges de plusieurs centaines de
pieds. La verge enroulée sur des tambours est au rouge ;
on la fait refroidir dans des étouffoirs à l'abri de l'air. La
verge a pour emploi principal la fabrication du fil de fer
dont nous allons parler.
Les anciennes pratiques des tréfileries n'ont guère subi
de transformation depuis que l'on remplace en partie le fer
par l'acier doux, car le progrès en cette matière réside
moins dans les appareils mécaniques employés que dans
l'organisation du travail. On cherche naturellement à ré-
duire le diamètre des fils le plus rapidement possible, pour
diminuer les frais de la main-d'œuvre et les frais indirects.
Le rapport de la progression décroissante du diamètre est
réglé d'après des données pratiques : il est variable et dimi-
nue à mesure que le fil devient plus fin, car la résistance
est proportionnelle au carré du diamètre, tandis que l'ef-
fort est proportionnel à la surface sur laquelle agit la filière,
c.-à-d. au diamètre lui-même. La résistance décroît donc
plus rapidement que l'effort du fil, la malléabilité étant
diminuée par l'étirage ; les pressions doivent être d'autant
moindres que les passages suivent de plus loin les recuits.
Les fils ne sont généralement plus recuits au delà du n° 48,
la surface offerte à l'oxydation devenant trop grande. D'ail-
leurs, pour ces fils de faible diamètre, réchauffement dû au
frottement de l'étirage pénètre jusqu'au centre de la, sec-
tion et produit ainsi un léger recuit. Les gros fils, immé-
diatement après le décapage et le lavage, sont revêtus d'une
colle pour le tréfilage à sec. Les matières employées à cet
effet sont : le sel commun en solution, l'eau de colle pré-
parée à la chaux parfaitement lavée, la bouillie de farine
et le mélange de ces substances. Après décapage et lavage,
le fil, qui n'a plus à recevoir que peu de passages à la
filière, est plongé dans l'eau de chaux, laquelle lui laisse
un enduit blanc après séchage. Les bobines usitées sont
ordinairement à axe vertical ; grâce à un congé ménagé à
leur base et aussi à leur conicité, les spires du fil sont
continuellement poussées vers la partie supérieure et l'en-
roulement est régulier. Le recuit de fils s'opère autant que
possible en vase clos. Les marmites qui servent à cet usage
sont des cylindres en fonte chauffés par la flamme directe
du charbon brûlé sur de petites grilles disposéesde manière
à mettre, autant que possible, le métal à l'abri des coups
de feu, ou plus rarement sur des gazogènes. Dans les nou-
velles installations, les marmites sont rangées sur un axe
de cercle dont le centre est occupé par une grue pivotante.
La plupart des tréfileries possèdent des fours spéciaux où
le fil est recuit par contact direct de la flamme rouge brun,
qui peut donner à ces molécules une mobilité suffisante
pour qu'elles reprennent leur position première. Ce sont de
longs réverbères, dans lesquels les rouleaux sont posés
sur des rails ; ils y restent jusqu'à ce qu'ils soient refroi-
dis. Le recuit obtenu de cette façon dépend entièrement de
la conduite du feu ; il est moins uniforme et moins efficace
que le recuit en vase clés. Le décapage suit le recuit. Les
décapages se font à sec ou par la voie humide ; la série des
cuves à acide, à eau et à bain de chaux, est disposée sur
une circonférence dont le centre est occupé par une grue ;
au sortir de l'acide, les rouleaux de fils sont battus, soit à
la main, soit mécaniquement et lavés à grande eau.
Les produits de la tréfilerie sont très variés ; ils compren-
nent les fils pour télégraphes et téléphones, recuits, bouil-
lis dans l'huile ou galvanisés (V. Galvanisation) ; les fils
quincaillers clairs, recuits, cuivrés, étamés ou galvanisés;
les fils fins et extra-fins, les fils recuits pour clôtures et vi-
gnobles en pièces de grande longueur; les fils pour cordes,
ponts, chevilles, vis, rivets, boucles et chaînes; les cercles
deseaux en fer; les fils pour objets d'habillement ; les fils
étamés et recuits pour cordons de sonnettes et fermeture
de bouteilles ; les fils pour tissage ; les fils pour balles de
fourrage, pour ligature de moissons ; les fils clairs cuivrés
ou bronzés pour ressorts de meubles ou de machines ; les
fils carrés, plats, demi-ronds, hexagonaux ; les fils pour
pointes de Paris ; enfin des produits très variés dont nous
parlerons plus loin.
A l'industrie des fils se rattache celle des fils barbus
pour clôtures ou ronces artificielles, dont la production
tend à augmenter chaque année. Les fils à barbe de toutes
les variétés sont entièrement fabriqués à la machine ; ordi-
nairement, ce sont deux fils d'acier doux, tordus ensemble
et réunis à des intervalles rapprochés par deux petits rou-
leaux d'acier dur formant quatre pointes par leurs extrémi-
tés ; ces rouleaux entourent les fils et empêchent le dérou-
lement en cas de rupture de l'un d'eux. Ces fils sont peints
à l'huile de lin ou galvanisés. Quelquefois, la clôture con-
siste en un seul fil, portant des barbes placées de façon à
ne pouvoir glisser. Les fermiers préfèrent ces clôtures mé-
talliques aux clôtures en bois ou en pierre, parce qu'elles
sont plus économiques, plus durables et plus résistantes.
Le bétail ne fait jamais une seconde tentative pour les ren-
verser; elles ne sont endommagées ni par la neige ni
par le feu; enfin leur pose est facile et peu coûteuse.
La préparation des fils de qualité extra-supérieure en
acier fondu au creuset constitue une industrie toute nou-
velle en France ; nous étions restés longtemps tributaires
de l'Angleterre et de l'Allemagne, pour la préparation de
ces fils employés surtout comme cordes à pianos ; mais,
actuellement, les produits tréfilés de notre industrie peuvent
supporter avec avantage la comparaison des produits étran-
gers les plus estimés, et les facteurs de pianos arrivent à
les employer successivement. Avec les fils d'acier au creu-
set on prépare les câbles de mines. Il nous reste, pour ter-
miner l'examen des produits de la tréfilerie, à nous occu-
per d'un certain nombre d'industries qui obtiennent, par
l'étirage à la filière, des produits très variés que leur
mode de fabrication rattache à la tréfilerie. On sait que la
fabrication des aiguilles est centralisée presque entièrement
àRedditch, en Angleterre ; pourtant, en France, les indus-
triels s'efforcent d'appliquer, autant qu'il est possible, le
travail mécanique à la fabrication des aiguilles, et ils luttent
de la manière la plus honorable contre la concurrence an-
glaise. On arrive à tréfiler des fils carcasse tellement fins,
qu'on peut arriver à un fil de 27 millièmes de millim. Un
point intéressant de notre fabrication est l'emploi depuis
quelques années de filières en rubis ordinairement usitées
pour le tréfilage des fils très fins. L'acier se tréfile en vue
de la fabrication des pièces d'horlogerie de tous genres ;
on produit des fils cannelés pour pignons d'horlogerie et
autres. Les procédés mécaniques, inaugurés dans la fabri-
cation des pignons de montre, en ont fait baisser le prix
de moitié. Une autre branche fort intéressante de la tréfi-
lerie de précision est celle qui a pour but la fabrication des
montures de narapluies, de fils uour brosses et pour cordes.
443 - FIL
La description des nombreux appareils employés dans les
tréfileries; l'examen des précautions à prendre dans les
diverses passes entre les mâchoires de la filière et dans
les recuits qui les accompagnent ; l'étude des machines à vis,
par exemple, si ingénieusement combinées, qui, dans un
mouvement à peine saisissable, coupent le fil, font la pointe,
le filet, la tête et sa rainure, tout cela nous entraînerait
trop loin. L. Knab.
III. Physique. -— Fil a plomb. — On désigne ainsi
un fil flexible auquel se strouve suspendue une masse
lourde, d'une forme cylindroconique ; par définition on
appelle verticale d'un lieu la direction du fil à plomb en
ce lieu, et plan horizontal un plan quelconque perpen-
diculaire à cette direction. En chaque lieu, la direction
du fil à plomb n'est autre que la direction de la pesan-
teur; elle est toujours perpendiculaire à la surface des
liquides tranquilles ; on montre en particulier que l'image
d'un fil à plomb dans un bain de mercure est une droite
située sur le prolongement du fil lui-même, ce qui montre
d'après les lois de la réflexion que le fil est perpendi-
culaire à la surface du mercure. Il est facile de cons-
tater que les directions de deux fils à plomb situés en des
lieux différents ne sont pas parallèles. Il suffit de mesurer
en chacun de ces lieux l'angle que fait la verticale avec la
ligne qui vise une étoile déterminée, en chacune de ces
stations, au même moment. La différence des angles
permet de calculer l'angle des deux verticales ; cet angle
est, en général, proportionnel à la longueur de l'arc de
grand cercle qui est compris entre les deux stations. Quel-
quefois la présence d'une haute montagne cause des per-
turbations, et les fils à plomb observés de chaque côté de
la montagne font des angles sensiblement plus grands que
celui qui correspond normalement à leur distance. On s'est
servi de ce phénomène pour calculer la densité moyenne de
la terre, en utilisant l'attraction du mont Scheaïlien, en
Ecosse, sur les fils à plomb. A. Joannis.
Fils télégraphiques et téléphoniques. — Conducteurs
reliant entre eux les bureaux télégraphiques ou les postes
téléphoniques , ces fils sont en fer , en fer galvanisé ,
en acier, en cuivre, en bronze phosphoreux, siliceux, chro-
meux ou autres alliages de même nature, ou même en
acier recouvert de cuivre (fils Compound). Généralement,
pour les lignes aériennes, ils sont en fer galvanisé ou en
bronze ; pour les lignes souterraines ou sous-marines, en
cuivre (V. Câble). Le diamètre et la nature des fils varient
suivant les besoins : pour les communications à courte dis-
tance, on emploie généralement des fils de fer galvanisé
dont le diamètre ne dépasse pas 3 millim. ; pour les
grandes communications internationales, ces mêmes fils
atteignent jusqu'à 6 millim. de diamètre. Depuis quelque
temps on emploie fréquemment les fils de bronze, notam-
ment pour les communications téléphoniques urbaines et
interurbaines. Ces fils, dont la conductibilité est de beau-
coup supérieure à celle du fer et se rapproche de celle du
cuivre, peuvent alors être beaucoup moins gros que ceux
de fer galvanisé ; ils ne dépassent pas de 2 à 3 millim. de
diamètre pour les plus longues lignes et descendent même
à 4 millim. 4/4 pour les réseaux téléphoniques urbains.
Lorsque, pour ces derniers, on' emploie des fils d'acier,
ce sont ordinairement des fils de 2 millim. de diamètre.
Au commencement de 4 894 , le développement total des fils
télégraphiques du régime européen était de 2,008,770 kil.
Dans ce total ne sont pas compris, pour un grand nombre
d'Etats, notamment la France et l'Algérie, la Grande-
Bretagne, le Portugal, etc., les fils télégraphiques appar-
tenant aux Compagnies de chemins de fer. Pour les pays
extra-européens, en y comprenant l'Amérique du Nord et
les républiques de l'Amérique du Sud ainsi que les colonies
australiennes qui n'appartiennent pas à l'Union télégra-
phique, le développement des fils télégraphiques était de
4,735,300 kil. En y ajoutant les câbles sous-marins apparte-
nant aux compagnies privées qui représentent 237,445 kil.
de fils, on arrive à un total général de 3,984,245 kil. de
FIL — FILAGE
— 444 —
fils télégraphiques mis à la disposition du public sur toute
la surface du globe, soit plus de 4 millions de kilomètres
en y comprenant les fils des chemins de fer. Une statis-
tique analogue n'a pas encore été établie pour les fils télé-
phoniques. E. ESCHBÀECHER.
IV. Entomologie.— Fil de la Vierge.— Les longs fila-
ments blancs que Ton voit flotter dans l'air en automne et que
l'on appelle fils de la Vierge sont formés par les fils que les
jeunes araignées émettent au moment de leur dispersion à
la sortie du cocon. Ces fils, transportés par le vent, après
avoir été roulés et agglomérés en écheveaux plus ou moins
longs, redescendent souvent bien loin de leur point de départ.
Ils entraînent avec eux les jeunes araignées, et ces transports
sont assez fréquents pour être comptés parmi les causes
efficaces de la dispersion des espèces. En effet, arrivés à
une certaine hauteur dans l'atmosphère, ces filaments, pous-
sés par un coup de vent, peuvent traverser des obstacles
infranchissables par tout autre moyen, par exemple un
grand fleuve, une chaîne de montagnes, même un bras de
mer, comme le prouve une observation de Darwin. Cet au-
teur vit en effet un grand nombre de fils de la Vierge
s'abattre sur le vaisseau le Beagle qui se trouvait alors à
60 milles de la côte ; ces fils, qui étaient portés par une
brise très légère, étaient couverts de petites araignées toutes
de même espèce. Emerton ajoute que sur les côtes des Etats-
Unis les marins tirent des pronostics pour le temps de la
présence des fils de la Vierge dans les agrès des navires.
Les fils de la Vierge ne s'observent que durant les journées
de beau soleil et par un ciel pur, et c'est seulement le soir
qu'on les voit descendre sur la terre. Blackwall en a tiré
la conclusion que le mouvement ascensionnel des fils s'opé-
rait par l'effet de la raréfaction de l'air contigu au sol et
échauffé par le soleil, et que leur descente était due au
refroidissement de cet air, leur permettant de retomber par
leur propre poids. Eug. Simon.
FI LA B R ES (Sierra de los). Chaîne de montagnes de l'Es-
pagne (Andalousie, prov. d'Almeria), qui fait partie du
système de la sierra Nevada. Jadis couverte de forêts
d'yeuses et de pins, elle est maintenant en grande partie
déboisée, ce qui a fait disparaître la plupart des sources.
On y trouve du marbre blanc, du fer, du plomb, du mer-
cure, etc. Son point culminant est la Tetica ou Cerro Nivar
(2,080 m.). C'est une des deux stations géodésiques sur
lesquelles s'établirent les savants qui ont opéré en 1 879
la mémorable jonction de l'Espagne avec l'Algérie (V. Fil-
haoucen). E. Cat.
FILAGE. I. Filature. — Le filage est la dernière des opé-
rations de la filature, par laquelle les rubans ou les mèches
formés dans la préparation sont transformés en fils en subis-
sant un dernier amincissement par étirage, et, en recevant
immédiatement après une torsion par suite de laquelle les
fibres s'enroulant les unes autour des autres, se lient in-
variablement entre elles. Pendant toute l'antiquité et le
moyen âge le filage s'est fait simplement au moyen d'un
fuseau servant d'abord à tordre le fil que la fileuse for-
mait entre ses doigts, puis à le ren vider chaque fois qu'une
certaine longueur avait été produite. Vers le milieu du
xvie siècle, on inventa le rouet, premier métier à filer,
muni d'une seule broche que l'ouvrière mettait en mouve-
ment avec son pied, et à laquelle était fixée une ailette
qui en tournant produisait la torsion du fil,* toujours
formé par les doigts de la fileuse, en même temps qu'elle
enroulait ce fil, à mesure de sa production, sur une bobine
placée librement sur la broche et entraînée par lui.
C'est dans la seconde moitié du siècle dernier, et tout
d'abord en vue du travail du coton que, par suite des
inventions des Kay, Hargraves, Arkwright et autres l'on
arriva à établir de véritables machines, munies chacune
de quelques broches d'abord, puis de plusieurs centaines
de ces broches, et produisant automatiquement des fils
dont la finesse et la régularité put bientôt atteindre puis
dépasser celle que fournissait le travail à la main. Ce ré-
sultat fut obtenu en combinant avec les métiers à filer eux-
mêmes les machines de préparation, cardes, étirages,
bancs à broches, puis plus tard les peigneuses et leurs
accessoires, qui toutes se développèrent et se perfection-
nèrent parallèlement, pour atteindre peu à peu la perfec-
tion avec laquelle elles produisent aujourd'hui leurs actions
dans nos manufactures. Le principe le plus fécond qui
agit dans presque toutes ces machines et qui permet d'ob-
tenir automatiquement le groupement, le redressement, le
parallélisme et la bonne répartition des fibres si délicates
et si fines dans certaines matières textiles, réside dans
l'application et l'emploi judicieux des cylindres produisant
les étirages, lesquels combinés avec les doublages per-
mettent d'atteindre les résultats vraiment merveilleux
quoiqu'ils nous semblent tout naturels aujourd'hui.
Dès les premières inventions, les métiers à filer se rat-
tachèrent à deux types bien distincts qui se sont dévelop-
pés parallèlement : les métiers continus et les métiers ren-
videurs. Les métiers continus sont employés exclusivement
pour la filature des lins, chanvres, jutes et matières ana-
logues, généralement pour celle des schappes et autres
déchets de soie ; quelquefois dans le travail des laines
longues, ainsi que pour le retordage des laines et du coton.
Ils dérivent du rouet, et se composent d'un banc d'étirage
approprié à la matière dont on fait usage, en avant duquel
sont disposées des broches munies d'ailettes qui en tour-
nant produisent la torsion des fils, en même temps qu'elles
les renvident sur des bobines montées librement sur les
broches. Dans l'industrie du lin et des matières analogues
le filage se fait au sec, c.-à-d. en opérant sur les fibres
telles qu'elles ont été fournies par les machines de prépa-
ration, ou bien, si l'on veut dépasser certaines finesses,
au mouillé, en imbibant, avant de les étirer, ces fibres
d'eau chaude pour y produire une décomposition nouvelle
en fibres plus fines. La production des métiers dépend de
la vitesse de rotation que l'on peut donner aux broches, et
cette vitesse, en raison du poids des ailettes qui chargent
les broches, ne peut guère dépasser 3,500 à 4,000 tours
par minute. On a cherché à supprimer les ailettes, et l'on
arriva à créer le type des métiers continus à bagues ou à
anneaux (ring-throstle) dont un spécimen figurait déjà à
l'Exposition de 1855, mais qui ne se répandit que plus
tard après avoir été perfectionné en Amérique. Les bo-
bines, autour desquelles s'enroulent les fils, sont entraînées
par les broches et entraînent à leur tour un petit curseur
dont le poids est proportionné à la force du fil, et qui
glisse le long d'un anneau formant une sorte de rail autour
de la bobine ; le fil traversant ce curseur reçoit par lui sa
torsion et s'enroule autour de la bobine à mesure de sa
formation. Ces métiers peuvent être employés au filage des
fils assez gros et fortement tordus de coton ou de laine,
mais conviennent surtout au retordage de ces matières ;
ils n'ont pas pu être appliqués jusqu'à présent au travail
du lin, dont les fils trop raides et rugueux ne glissent pas
dans les curseurs.
Pour les fils fins ou les trames peu tordues de laine
et de coton, le filage se fait toujours au moyen de
métiers renvideurs qui dérivent directement du fuseau.
Ils se composent d'un banc d'étirage, monté sur des
bâtis fixes, appelés porte-cylindres ou porte-système
et en avant duquel se trouve un chariot monté sur roues
et capable de s'en éloigner et de s'en rapprocher alterna-
tivement ; le long de ce chariot se trouvent réparties, en
une seule rangée, les broches, dont le nombre varie ordi-
nairement de 500 à 4,000 et même 1,200. Pendant la
sortie du chariot, dont la course varie de lm50 à lm60,
il se forme, à chaque broche, une égale longueur de fil,
qui prend le nom d'aiguillée, et pendant sa rentrée ces
aiguillées se renvident en bobines, qui se forment directe-
ment sur les broches, nues ou garnies d'un tube de papier
comme aie. Les mouvements sont donnés aux organes du
métier par des mécanismes renfermés entre des bâtis,
constituant la têtière, et disposés, perpendiculairement à
la direction des cylindres cannelés qui forment le banc
445 —
FILAGE — FILALI
d'étirage et du chariot, vers le milieu de la longueur de la
machine. Ces mécanismes varient de formes et de disposi-
tion suivant les constructeurs, mais déterminent toujours
l'évolution du métier qui se compose des trois périodes
suivantes :
La première période correspondant à la formation des
fils se décompose elle-même, dans les métiers les plus com-
plets, en trois parties, savoir : 1° sortie du chariot, pen-
dant laquelle les cylindres cannelés tournent pour livrer
les fils, les broches tournent pour leur donner la torsion,
et le chariot sort pour les maintenir régulièrement tendus.
Les mouvements sont réglés de manière à ce que, lorsque
le chariot arrive à quelques centimètres de l'extrémité de
sa course, les fils n'aient reçu qu'une partie de leur torsion
de telle façon que les fibres qui les composent puissent
encore glisser les unes contre les autres ; il se produit
alors: 2° Y étirage supplémentaire pour lequel les cy-
lindres cannelés s'arrêtent tandis que le chariot achève sa
course et que les broches continuent à tourner. Il en ré-
sulte un léger allongement des fils dans les parties les
plus grosses qui ont davantage résisté à la torsion, et par
suite une régularisation de ces fils ainsi qu'une meilleure
liaison des fibres qui les composent. Arrivé au bout de sa
course, le chariot s'arrête et il se produit alors : 3° la
torsion complémentaire, pour laquelle les broches seules
continuent à tourner, jusqu'à ce que les fils aient bien
reçu par décimètre le nombre de tours de torsion prévu.
Comme les fils sont alors à peu près formés, ils sont ca-
pables de résister à des vibrations plus grandes, et, pour
obtenir le degré de torsion nécessaire plus rapidement, on
peut alors accélérer la vitesse des broches, qui atteint
ordinairement par minute environ 5,000 tours pendant les
deux premières parties et 7,000 pendant la troisième.
Les métiers présentant ce dispositif sont dits à double vi-
tesse. Pour que les broches, en tournant, produisent la
torsion des fils, il faut qu'elles soient disposées de manière
à ce que leurs axes fassent des angles obtus avec les
directions que suivent les fils en se rendant des cylindres
cannelés à leurs pointes. Au moment où la sortie du cha-
riot commence à se produire, ces fils aboutissent au point
de la broche où s'est achevé le renvidage de l'aiguillée
précédente, et commencent tout d'abord par s'enrouler sur
la partie supérieure des broches, depuis ce point jusqu'à
leur pointe. Avant d'opérer le renvidage de l'aiguillée, on
est obligé de commencer par dérouler ces tours et d'effec-
tuer : la deuxième période, dépointage ou détour, pour
laquelle, le chariot étant arrêté au bout de sa course, les
broches se mettent à tourner en sens inverse, tandis qu'un
nouvel organe, la baguette, qui servira à guider les fils
pendant le renvidage, entre en action en se maintenant
toujours en face du point de la broche d'où les fils se dé-
roulent. Cette baguette est formée simplement par un fil
de fer tendu horizontalement au-dessus de tous les fils.
En même temps, un autre fil de fer semblable, constituant
la contre-baguette, et passant au-dessous de ces fils, se
relève sous l'action de contrepoids, maintient les fils tendus
et emmagasine entre elle et la baguette les longueurs qui
se déroulent. Aussitôt que le dépointage est achevé, com-
mence la troisième période, rentrée du charioiou renvi-
dage. Le chariot rentre vers les porte-cylindres d'un
mouvement qui s'accélère pendant la première moitié de la
course pour se ralentir ensuite de manière à ce que l'arrêt
se fasse sans chocs près des porte-cylindres. Ce mouve-
ment du chariot détermine par le barillet et le secteur
la rotation des broches qui tournent de manière à en-
rouler à chaque instant les longueurs de fil rendues libres
par la marche du chariot en même temps que la baguette,
sous l'action de la règle, se déplace pour répartir dans les
conditions voulues les tours qui s'enroulent. Dès que le
chariot arrive au bout de sa course de rentrée, une nou-
velle évolution semblable commence à se produire. Dans
les premiers métiers à filer, qui furent longtemps désignés
sous le nom de mull-jenny, la sortie du chariot se faisait
seule ^ mécaniquement, l'ouvrier devant intervenir pour
produire, à la main, le dépointage et la rentrée. A la suite
de transformations successives, on rendit mécanique aussi,
dans les demi-renvideurs, la marche du chariot pendant
la rentrée, l'ouvrier produisant encore à la main le dé-
pointage et le mouvement de la baguette. C'est vers 4850
que les premiers métiers complètement automatiques
furent établis sous les noms de métiers ren videurs, auto-
mates ou self-actings, et depuis lors ils n'ont cessé de se
perfectionner en vue de la régularité et de la douceur de
leurs actions. p. Goguel.
II. Marine. — Filage de l'huile à la mer (V. Huile).
FI LAI N. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons,
cant. de Vailly; 203 hab.
FILAIN. Corn, du dép, de la Haute-Saône, arr. de
Vesoul, cant. de Montbozon; 403 hab.
FI LAI RE (Zool.). Le genre Filaria O. F. Mûller est le
type de la famille des Filarides (V. Nématodes). Il comprend
un nombre considérable de Vers assez disparates. En raison
des grandes variations que présentent les Filaires, il est
difficile de donner une diagnose précise du genre Filaria ;
on peut néanmoins le caractériser ainsi : Nématodes ayant
le corps allongé, filiforme, la bouche petite, l'œsophage
étroit. Le mâle a la queue recourbée ou spiralée, parfois
munie d'ailes membraneuses latérales ; il a presque tou-
jours quatre papilles préanales et un nombre variable de
papilles postanales. Chez la femelle, la vulve s'ouvre à peu
de distance de la bouche. Ces animaux vivent dans les
séreuses, dans Je tissu conjonctif, sous la peau. Le déve-
loppement n'est connu que pour un très petit nombre
d'espèces ; les migrations et le passage par un hôte inter-
médiaire semblent être la règle.
Nous avons étudié ailleurs la Filaria medinensis
(V. Dracontiase) et la F. sanguinis hominis (V. Fila-
riose) qui sont au nombre des plus dangereux parasites
de l'homme. Beaucoup d'autres espèces encore sont impor-
tantes au point de vue médical ou vétérinaire ; nous ne
pouvons que passer rapidement en revue les principales.
— D'abord chez l'homme: F. inermis Grassi a été vu
trois fois ; dans l'œil, sous la conjonctive et dans un no-
dule péritonéal ; F. oculi humani von Nordmann (F. len-
tis Dies.) se trouve parfois dans le cristallin et dans le
corps vitré ; F. loa Guyot s'observe chez les habitants du
Gabon et du Congo, sous la conjonctive ou sous la peau des
mains ; F. restiformis Leidy, F. hominis oris Leidy,
F. labialis Pane, F. lymphatica (Treutler) et F. roma-
norum orientalis Sarcani sont des espèces moins connues.
— Chez les animaux domestiques : F. medinensis a été
vu souvent chez le Bœuf, le Cheval et le Chien. Ce dernier
animal a un Hématozoaire très analogue à la F. sanguinis
hommis, la F. immitis Leidy, qui abonde en Chine, au
Japon, au Brésil, mais existe aussi en Europe ; les Vers
adultes remplissent les cavités du cœur ou des gros vais-
seaux, et les embryons circulent dans' tout le sang ; on
admet encore que leur propagation se fait par les Mous-
tiques. — F. equina Abildgaard (F. papillosaRuà.) habite
la cavité péritonéale du Cheval, parfois aussi la plèvre et
l'arachnoïde ; ses embryons peuvent passer dans tout le
corps et arriver dans les cavités de l'œil. — F. cervina
Dujardin (F. terebra Dies.) se comporte de la même
manière, mais est parasite du Cerf et du Bœuf. — F. hœ-
morrhagica Railliet produit des boutons hémorragiques
sur le dos et les flancs des Chevaux de Hongrie.— F. Osleri
Cobbold détermine chez le Chien une bronchite vermineuse
très grave, souvent épizootique.
Bibl.: R. Blanchard, Traité de zoologie médicale ; Paris,
1885-90, 2 vol. in-8. — G. Neumann, Traité des maladies
parasitaires non microbiennes des animaux domestiques;
Paris, 1892, in-8, 2° éd. — A. Railliet, Eléments de zoolo-
gie médicale et agricole ; Paris, 1886, in-8.
FILALI (Brod.). Cuir dont se servent les Arabes pour
exécuter des broderies avec fils d'or et d'argent. C'est
surtout en Algérie et en Tunisie que se fabriquent les objets
en filali exportés sur le continent.
FILANGIEBI — FILARIOSE
446
FILANGIERI (Gaetano), né à Naples le 18 août 1752,
mort le 21 juil. 1788, l'un des publicistes les plus dis-
tingués de l'Italie au xvme siècle, contemporain du comte
Ferri, de Galiani, de Genovesi, de Beccaria, représentant
original et fidèle de la grande école des physioerates.
On lui doit La Scienza délia legislazione (Naples,
1780-85, 7 vol. in-8), ouvrage qui a exercé une grande
influence sur le développement économique et juridique
de l'Italie. La première partie de ce traité contenant les
règles générales de la législation et les lois politiques et
économiques, est la meilleure et la plus connue. Filangieri
l'écrivit à vingt-huit ans. Aussi s'est-il borné à faire con-
naître et à propager sous une forme élégante les principales
idées des grands économistes français. Il accepte la théorie
du produit net et l'impôt unique sur les terres. Il combat
les impôts indirects. Il repousse les droits sur l'importa-
tion des blés. Il réfute Galiani. A ses yeux, l'agriculture
est la principale source de la production, surtout en Italie.
Il attribue la décadence de l'Espagne à l'excès des impôts
indirects. En un mot, il verse dans l'ornière où les physio-
erates se sont embourbés. Aussi Benjamin Constant l'a-t-il
honoré d'une réputation assez médiocre. L'ouvrage de Filan-
gieri a été plusieurs fois traduit en français. Onle lit encore
avec fruit. Cet ouvrage valut à Filangieri une grande
renommée dont il ne jouit que pendant peu d'années.
E. FOURNIER DE FlAIX.
FILANGIERI (Carlo), prince de Satriano, général et
ministre napolitain, né à La Cava le 10 mai 1784, mort
à Portici le 14 oct. 1867. Agé de quatre ans à la mort de
son père Gaetano (V. ci-dessus), Carlo fut élevé par sa
mère, femme très distinguée. Forcé de s'expatrier en 1799,
il vint en France, fut placé par le premier consul au Prytanée,
en sortit sous-lieutenant, et conquit le grade de capitaine
à Austerlitz (1805). Il prit du service dans son pays sous
les rois français, fut envoyé par Murât en Espagne, et s'y
rendit célèbre par ses duels autant que par ses actions d'éclat.
En 1815, colonel d'état-major, il prit une part brillante à
la campagne de Murât contre l'Autriche, se comporta hé-
roïquement au pont du Panaro, où il fut très grièvement
blessé, et fut nommé général. Il resta dans l'armée après
la restauration des Bourbons. En 1820, jaloux du général
Pepe, il louvoya entre la cour et le parti constitutionnel.
Il n'en tomba pas moins en disgrâce comme suspect de
libéralisme. Ferdinand II, à son avènement, le rappela et
lui confia la direction du génie et de l'artillerie. En 1848,
il reçut le commandement de l'expédition contre les Sici-
liens. C'est lui qui bombarda Messine (sept.) et qui fit
rentrer l'île entière sous la domination napolitaine (mai
1849). Lieutenant du roi en Sicile jusqu'en 1855, il ren-
tra alors dans la vie privée. En 1859, après Magenta,
François II, effrayé, le prit pour premier ministre. Mais,
plus préoccupé de lui-même que de la chose publique,
Filangieri ne fit que louvoyer encore et ne tarda pas à
être remplacé. F. H.
FILAO (Bot.) (V. Càsuarina).
F1LAOUSEN (V. Filhaoucen).
FI LA R ETE (Antonio di Pietro Averulino, dit aussi
Antonio di Firenzc, et surnommé), architecte et sculpteur
italien, né à Florence vers 1400, mort à Rome vers 1469.
Il travailla d'abord comme tant d'autres aux portes du
Baptistère, sous la direction de Ghiberti. On ne sait rien
d'autre sur ses débuts comme sculpteur, et on le trouve
tout à coup chargé par le pape Eugène IV d'une com-
mande magnifique dont il devait se montrer fort indigne :
les grandes portes de bronze destinées à Saint-Pierre.
Il les commença vers 1439, avec des collaborateurs peu
connus, et les portes furent mises en place en 1445.
Elles comprennent quatre grands tableaux et quatre plus
petits : les quatre grands représentent le Sauveur et la
Vierge sur des trônes, saint Paul avec le glaive et saint
Pierre remettant les clefs au pape; sur les petits se
[ déroulent des scènes à nombreux personnages : le mar-
tyre des deux saints, le couronnement de l'empereur
Sigismond, et deux scènes du concile de Florence. Dans
une des bandes qui séparent les compartiments, Filarete
s'est représenté lui-même partant pour une partie de cam-
pagne avec ses aides. Il a même eu le mauvais goût d'in-
troduire dans les volutes, d'ailleurs très lourdes, de la
bordure, les sujets les plus païens, tels que des bustes d'em-
pereurs, des fables d'Esope, Hercule, et même Léda avec
le cygne. On reconnaît bien là cet admirateur passionné de
l'antiquité qui avait emprunté à la Grèce son surnom d'ami
de la vertu («ÏHXaps-cYfc). L'œuvre entière est une faible
imitation de Ghiberti, sous les ordres duquel Filarete avait
travaillé d'abord. Les reliefs sont surchargés et pourtant
froids. C'est une de ces œuvres mortes qu'a produites l'imi-
tation servile des antiques, quand les artistes n'ont pas
consulté, en même temps que les modèles d'autrefois, la
nature et les sentiments de leur temps. On connaît encore
de Filarete une réduction en bronze de la statue équestre
de Marc-Aurèle du Capitole (à TAntiquarium de Dresde),
qu'il offrit en 1465 à Pierre de Médicis, et une médaille
de facture très sèche où il s'est représenté lui-même. Son
mausolée du Cardinal de Portugal (mort en 1447) a dis-
paru au xviie siècle.
D'ailleurs Filarete est plus célèbre comme architecte que
comme sculpteur. Accusé en 1449 d'un vol de reliques, il
dut quitter Borne et alla se mettre au service des Sforza, à
Milan. Après s'être heurté à l'animosité des artistes lom-
bards, qui l'empêchèrent de travailler au Dôme et au palais
ducal, il donna enfin les plans du grand hôpital. Cet édifice
considérable fut commencé d'après le principe classique,
avec murs massifs, pilastres et pleins cintres ; mais Fila-
rete n'en put exécuter qu'une des ailes, et Guiniforte Solari,
qui lui succéda, revint pour le reste de la construction aux
briques et à l'ogive; enfin l'édifice ne fut complètement
terminé qu'au xvne siècle par Bicchini. Filarete a encore
donné des plans pour le Dôme de Bergame.
Mais son œuvre la plus curieuse, sinon la plus connue,
est ce Traité d'architecture, en vingt-cinq livres, qu'il
écrivit avant 1465. Deux manuscrits, destinés l'un à
F. Sforza, l'autre à Pierre de Médicis, se trouvent à la bi-
bliothèque de Florence; la bibliothèque de l'Ecole des
beaux-arts en possède une copie. C'est une sorte de roman
touffu et précieux, dont l'événement central est la cons-
truction d'une cité idéale appelée Sforzinda, en l'honneur
des Sforza. On y trouve le même mélange de christianisme
et de paganisme que dans les portes de Saint-Pierre. Les
souvenirs de la République de Platon s'y confondent avec
les allégories compliquées du moyen âge et avec les rêves
de l'auteur lui-même. Il y montre surtout une préoccupa-
tion, curieuse pour l'époque, de rendre l'art didactique et
moral. Son architecte doit avoir toutes les vertus, et son
architecture veut les inspirer. E. Bertaux.
Bibl. : Perkins, les Sculpteurs italiens, I, vi. — Rio,
De l'Art chrétien, III, xix.— J. Burckhardt, Le Cicérone.
— E. Mùntz, Histoire de Vart pendant la Renaissance, I,
passim.
FILARETE (V. Philarète).
F1LARÈTES. Société polonaise (V. Philarètes).
FI LARGO (Pietro) (V. Alexandre V, pape).
FILARIOSE (Méd.) . Maladie causée par hFilaria san-
guinis hominis Lewis, 1872. Ce parasite a été découvert
à Paris, en 1863, par Demarquay. Le Ver adulte habite les
vaisseaux sanguins et lymphatiques de l'homme, ainsi que
les cavités du cœur. Il est d'aspect capillaire, blanc opa-
lin ; le mâle mesure 83 millim., la femelle 90 à 150millim.
Celle-ci pond des œufs sans coque, entourés d'un simple
chorion, longs de 18 à 25 (x, larges de 12 à 15 ku, déjà
plus ou moins développés au moment de la ponte. Le cours
de la lymphe les entraîne, et leur développement se pour-
suit chemin faisant. Les embryons se répandent dans tout
le sang; ce sont des animalcules longs de 125 à 300 fx,
larges de 7 à 11 [x, sans tube digestif ni appareil repro-
ducteur. Chose curieuse ! on ne les trouve point dans la
circulation périphérique pendant le jour, ou plutôt pendant
l'état de veille ; ils ne l'envahissent que pendant la nuit,
447 —
FILARIOSE — FILATURE
ou plutôt pendant le sommeil : chaque gouttelette de sang,
extraite d'un point quelconque du corps, en renferme alors
un plus ou moins grand nombre. Que deviennent donc les
embryons pendant l'état de veille ? La Filaria immitis
Leidy , du Chien, a des mœurs analogues : pendant le jour,
s^s embryons s'accumulent dans les gros vaisseaux du
thorax et de l'abdomen; il en est vraisemblablement de
même pour la Filaire du sang humain. Du sang, les em-
bryons passent ordinairement dans l'urine et diverses
autres sécrétions telles que les larmes ; mais ils sont alors
voués à une mort certaine et n'auront aucune occasion
d'arriver à l'état larvaire. En effet, Manson a démontré par
d'ingénieuses expériences que l'embryon ne peut pour-
suivre son évolution et arriver à l'état adulte, s'il n'est
puisé dans les vaisseaux sanguins par un animal chez lequel
il puisse passer sa période larvaire, et que cet hôte inter-
médiaire n'était autre que le Moustique.
Les pays où sévit la filariose sont infestés de légions de
Moustiques. Dans certaines espèces, dont la détermination
zoologique est encore insuffisante, la femelle possède une
armature buccale assez puissante pour percer la peau hu-
maine : qu'elle vienne piquer pendant son sommeil un indi-
vidu dont le sang renferme en nombre immense les
embryons de la Filaire, ceux-ci passeront dans le tube
^igestif de l'Insecte en même temps que le sang aspiré et,
protégés par leur cuticule chitineuse, ils continueront d'y
vivre et de s'y développer. Qu'on ne croie pas qu'il s'agisse
là d'une migration insignifiante, intéressant tout au plus
quelques embryons : l'estomac d'un Moustique qui vient de
se gorger de sang contient jusqu'à cent embryons, parfois
même davantage ! Leur nombre est si considérable que tous
ne poursuivent point leur évolution et que la plupart meu-
rent et sont évacués. Mais que deviennent ceux qui per-
sistent? Une fois qu'elle est repue, la femelle du Moustique
se retire en quelque endroit abrité pour y digérer à l'aise :
les matières digérées servent à l'élaboration des œufs . Au
bout de quelques jours, quand ceux-ci sont prêts à être
pondus, l'Insecte gagne le voisinage d'une mare ou d'un
ruisseau; il y effectue sa ponte, puis, celle-ci achevée,
tombe dans l'eau et meurt. Cependant, les embryons de la
Filaire ont grandi ; ils ont subi plusieurs mues successives
et sont ainsi arrivés à l'état larvaire. Cet état est para-
chevé au moment même où le Moustique se noie dans le
ruisseau auquel il vient de confier sa ponte : les larves
abandonnent alors le cadavre de leur hôte et s'échappent
en nageant au sein des eaux. Elles sont capables de mener
cette existence libre et indépendante pendant assez long-
temps et ont, par conséquent, l'occasion d'arriver un jour
ou l'autre dans le tube digestif de l'homme avec l'eau de
boisson. De l'intestin, elles passent dans les vaisseaux lym-
phatiques et sanguins où elles s'arrêtent définitivement et
accomplissent leur dernière métamorphose, qui les conduit
à l'état adulte.
Telles sont les curieuses migrations de la Filaria san-
guinis hominis. Nous devons rechercher maintenant en
quoi consiste la maladie causée par ce parasite. La filariose
se présente sous deux aspects très divers, considérés long-
temps comme deux maladies n'ayant entre elles aucun rap-
port, et qu'il convient d'étudier à part : l'hématurie inter-
tropicale et l'éléphantiasis des Arabes. L'urine reste rarement
normale, mais présente un aspect laiteux ou chyleux carac-
téristique, qui a valu à la maladie les noms de chylurie,
à'hématochylurie endémique des pays chauds, d'hé-
maturie intertropicale, etc. Dans la chylurie, l'urine
renferme, en outre de ses principes constitutifs habituels,
une émulsion graisseuse que l'éther permet d'en séparer ;
dans l'hématochylurie, une quantité variable de sang vient
encore s'ajouter à l'émulsion des matières grasses. Une
semblable urine renferme des embryons : elle contient en
outre assez de fibrine pour se prendre en gelée après son
exposition à l'air, ou du moins pour déposer au fond du
vase des caillots dans lesquels on aura chance de trouver
e parasite. Celui-ci peut se rencontrer encore dans d'autres
humeurs de l'organisme : dans l'hydrocèle chyleuse, dans
l'ascite chyleuse, etc. Les Vers adultes et les embryons qui
circulent dans les vaisseaux lymphatiques peuvent s'accu-
muler à eux-mêmes et s'agglutiner avec les leucocytes, de
manière à former une masse qui obstrue le vaisseau en un
certain point de son parcours, par exemple au niveau d'un
ganglion. Le cours de la lymphe se trouve ainsi suspendu
dans tous les vaisseaux afférents ; ceux-ci se distendent,
puis finissent par se rompre. Si le fait se produit pour les
chylifères, l'ascite chyleuse en est la conséquence. L'obs-
truction du canal thoracique ou de quelqu'un de ses gros
troncs d'origine est tout aussi possible. Il en résulte une
stase lymphatique dans tout le territoire situé en amont, -
d'où reflux du chyle vers divers organes, autant que le
permettent les valvules, et ruptures vasculaires dans le
rein, dans la vessie, dans le péritoine ou dans les tuniques
du testicule, suivant le point qui présente la moindre ré-
sistance. Les parasites venant à poursuivre leur migration,
la lymphe reprend son cours et tout rentre dans l'ordre,
jusqu'à ce que la même cause amène les mêmes accidents.
On peut donc comprendre de la sorte l'intermittence de la
chylurie. Quant à l'hématurie, elle peut tenir à l'arrêt des
embryons dans les capillaires du rein ou de la vessie.
D'après ce qui vient d'être dit, le diagnostic de l'hématurie
intertropicaie sera très simple : il suffit d'examiner au
microscope, soit les urines, soit le sang du malade (pendant
le sommeil); la présence des embryons dans ces liquides
distingue nettement cette affection des autres hématuries,
non parasitaires ou parasitaires, comme la bilharziose
(V. Bilharzie).
L'éléphantiasis des Arabes, qu'il ne faut pas confondre
avec l'éléphantiasis des Grecs, diffère notablement de l'hé-
matochylurie. L'hypertrophie tégumentaire , qui en est la
caractéristique essentielle, atteint souvent des dimensions
colossales : on connaît des cas sans nombre d'individus
dont les membres inférieurs avaient acquis littéralement le
volume d'un pied d'éléphant, ou dont le scrotum, mons-
trueusement hypertrophié, traînait jusqu'à terre et oppo-
sait à la marche un sérieux obstacle. Ces lésions organiques
singulières résultent d'une dilatation énorme du réseau
lymphatique sous-cutané, déterminée elle-même par des
Filaires qui ont obstrué les vaisseaux lymphatiques. Il en
résulte donc des varices lymphatiques qui crèvent, soit
dans la profondeur, soit à la surface de la peau : la lymphe
qui s'en échappe renferme habituellement des embryons,
parfois même des Filaires adultes ; c'est précisément dans
un abcès lymphatique du bras, puis dans un hydrocèle du
cordon spermatique, que Bancroft découvrit en Australie,
en 1876, les premiers Vers adultes. Cette théorie parasi-
taire de l'éléphantiasis des Arabes, que nous ne faisons
qu'esquisser, a été défendue par Manson, mais rencontre
encore à l'heure présente bien des contradicteurs. Disons
toutefois que la coexistence de l'hématurie et de l'éléphan-
tiasis chez un même malade n'est pas rare ; que ces deux
états morbides ont identiquement la même distribution géo-
graphique et que, dans l'un comme dans l'autre, on peut
constater la présence de la Filaire ■.
La filariose est répandue dans toute la zone intertropi-
cale, en Asie, en Afrique, en Amérique et en Océanie. Elle
dépasse même cette zone pour se répandre au N. jusque
dans le delta du Nil et dans le S. du Japon; au S., jus-
qu'à Buenos Aires. — La chirurgie intervient avec succès
contre l'éléphantiasis, mais jusqu'à présent la médecine est
à peu près impuissante contre l'hématurie : le temps et
l'éloignement des pays infestés sont les deux principaux
facteurs sur lesquels il est permis de compter.
FILASSE (Filât.). On désigne souvent sous le nom de
filasse les fibres brutes du lin ou du chanvre ou des
autres textiles analogues, telles qu'on les obtient à la
suite des opérations du rouissage et du teillage.
FILASSIER (V. Fillassier).
FILASTRE(V. Fillastre).
FILATURE. Les matières textiles au moyen desquelles
FILATURE
448 -
on produit, dans les filatures, les fils qui entrent dans la
composition des tissus, ou qui sont employés pour la cou-
ture ou pour différents autres usages, sont connues de tout
le monde. Elles sont : 4° la soie produite par la chenille
du bombyx du mûrier et quelques autres insectes du même
genre; 2° la laine provenant de la toison du mouton,
ainsi que les poils de quelques autres animaux, chameau,
alpaga, vigogne, certaines chèvres, etc. ; 3° le coton,
formé par un duvet qui à maturité enveloppe la graine du
cotonnier ; 4° le lin, le chanvre, le jute, la ramie, extraites
des tiges des plantes portant le même nom, et quelques
autres fibres analogues ; 5° l'amiante ou asbeste, d'origine
. minérale et d'un emploi très restreint au point de vue du
tissage. En outre, il entre quelquefois dans la composition
de certains tissus du caoutchouc ou des fils métalliques
qui sont formés par les procédés spéciaux de la tréfilerie.
Le terme de filature ne s'applique qu'à la fabrication des
fils obtenus au moyen des matières que nous avons énu-
mérées ci-dessus, et sur lesquels on trouvera tous les ren-
seignements aux articles correspondants. La soie seule se
trouve, dans les cocons du ver à soie, à l'état d'un véritable
fil, que l'on peut retirer d'une manière continue, après
avoir amolli le grès, c.-à-d. la matière gommeuse qui l'en-
duit, en plongeant le cocon dans de l'eau chaude. Les fils
grèges s'obtiennent par un simple dévidage, en réunissant
ensemble plusieurs brins qui se collent entre eux. Les fils
industriels sont formés de plusieurs fils grèges, moulinés,
c.-à-d. tordus sur eux-mêmes puis retordus entre eux, et
suivant le degré de torsion qu'on leur a donné ils prennent
dans l'industrie les noms d'organsin, trame, poil, etc.
Dans la partie extérieure des cocons, le fil se trouve
disposé irrégulièrement et ne peut pas être dévidé comme
il vient d'être dit; il en est de même d'un certain nombre
de cocons défectueux, dans lesquels deux chenilles se sont
trouvées réunies, ou dont les chenilles sont mortes, etc.
Les fils qui composent ces parties sont déchirés et réduits
en fibres courtes qui prennent le nom de frisons. Ces fri-
sons, de même que les autres matières textiles, laine, co-
ton, lin, etc., se présentent donc à l'état de fibres fines et
courtes, au moyen desquelles doivent être confectionnés
les fils. Le travail' du filage à la main n'est plus qu'une
exception, et se fait au moyen du rouet, ou quelquefois
même encore en se servant simplement d'un fuseau (V. ces
mots). En général, il se fait mécaniquement, dans les fila-
tures, dont tout le matériel est mis en mouvement par des
machines à vapeur ou des moteurs hydrauliques.
On trouvera des détails statistiques sur l'importance des
filatures aux art. Soie, Laine, Coton, Lin, etc. Nous ne
voulons donner ici qu'un aperçu de l'ensemble des opéra-
tions qui sont nécessaires pour arriver à la formation des
fils, qui, grâce à la perfection des machines dont on fait
usage, atteignent une régularité parfaite, et souvent une
très grande finesse. Ces opérations, après la récolte
des matières premières, ont pour but successivement :
4° d'épurer les fibres et de les débarrasser des matières
étrangères ; 2° de démêler ces fibres et de les isoler les
unes des autres ; 3° de les grouper en rubans et de bien
régulariser ces rubans, au point de vue de leur grosseur
et de la disposition des fibres; 4° d'amincir graduelle-
ment ces rubans ; 5° enfin de les transformer en fils en
les amincissant encore et en les tordant. Les procédés
par lesquels on arrive à épurer les fibres et à les débar-
rasser de toutes les matières étrangères qui peuvent s'y
trouver mélangées varient suivant les matières textiles et
la nature des impuretés qu'elles contiennent. Pour des
déchets de soie, la laine et les autres poils d'animaux,
cette première préparation consiste dans des actions chi-
miques et des lavages ayant pour but d'enlever le grès
ou le suint qui enduisent les fibres, en même temps que
les autres matières de toutes natures qui ont pu se mêler
à la laine pendant sa croissance. Quant au coton, les fibres
sont d'abord détachées des graines sur les lieux de pro-
duction par l'égrenage, puis, au moment de sa mise en
œuvre dans les filatures, il subit des battages qui tout en
rendant aux fibres leur élasticité, en dégagent les pous-
sières et les débris de graines et de feuilles qui s'y trouvent
encore mélangés. Le lin, ainsi que les matières analogues,
chanvre, jute, ramie, etc., est, après enlèvement des graines
sur les lieux de production, soumis au rouissage et au
teillage par lesquels la filasse est détachée des tiges,
puis, dans les filatures, il est peigné au moyen de ma-
chines munies d'aiguilles qui divisent les lanières d'écorce
qui constituaient cette filasse, en les refendant dans le
sens de leur longueur, pour leur faire acquérir une finesse
convenable ; en même temps les débris de bois, les pelli-
cules de l'épiderme et les matières étrangères de toutes
sortes sont éliminées aussi complètement que possible.
Pendant ce travail, une quantité assez notable de fibres
sont brisées et arrachées en désordre, et constituent les
étoupes qui servent à fabriquer des fils de qualités infé-
rieures ou qui sont employées pour différents usages. Pour
la laine, les cotons moyens et fins, et quelquefois mais ra-
rement pour les étoupes de lin, ce premier travail d'épu-
ration est complété, après cardage, par le peignage qui
achève d'enlever toutes les matières étrangères et qui en
outre élimine les duvets et les fibres trop courtes. Pendant
ces opérations préparatoires, les fibres des lins et des ma-
tières analogues seules ont pu être conservées dans un
ordre régulier et bien rangées les unes à côté des autres ;
pour toutes les autres matières, y compris les étoupes,
leurs fibres se sont mêlées en désordre et enchevêtrées les
unes avec les autres. Avant de pouvoir les grouper comme
elles doivent l'être dans les fils, il faut les démêler et les
séparer complètement les unes des autres. Ce résultat est
fourni par le cardage qui en même temps achève le net-
toyage. La matière cardée est rendue par les cardes sous
forme de nappes très minces qui se condensent en rubans,
sortes de boudins, ayant environ la grosseur d'un doigt,
et dans lesquels les fibres sont réunies plus ou moins en
désordre, mais bien séparées et n'ayant d'autre liaison
que l'adhérence qu'elles possèdent naturellement les unes
pour les autres. Il faut redresser et paralléliser ces fibres,
et les étendre toutes suivant la longueur des rubans. Les
étirages répétés un nombre convenable de fois produisent
cette action, mais en conservant aux rubans, par suite
des doublages, très sensiblement leur grosseur initiale.
Pour amincir les rubans, et leur faire atteindre la finesse
que doit présenter le fil, on continue à les étirer, sans les
doubler ou avec de faibles doublages, mais en ayant soin de
les consolider, dans la filature de la laine peignée, en les
roulant sur eux-mêmes au moyen de frottoirs adaptés aux
bancs d'étirage, souvent aussi nommés bobinoirs, et pour
les autres matières, et quelquefois aussi pour les laines
longues, en leur donnant une légère torsion au moyen de
bancs a broches. Dans ces machines il se trouve, en
avant du banc d'étirage, des broches, munies d'ailettes
donnant aux rubans, qui prennent alors le nom de mèches,
leur torsion, et guidant ces mèches sur des bobines ani-
mées d'un mouvement propre de rotation autour des
broches qui leur servent d'axes, pour les y emmagasiner
en les enroulant au tour d'elles. Suivant les cas, les mèches
subissent un seul ou plusieurs passages à travers des ma-
chines semblables pour s'amincir dans une certaine mesure
à chacun d'eux et acquérir ainsi une finesse suffisante.
Vient enfin le filage qui s'effectue, pour le lin, toujours
au moyen de métiers à filer continus, tantôt au sec, tan-
tôt au mouillé, et pour les autres matières quelquefois
aussi par métiers continus, mais plus souvent, surtout
pour le coton, à l'aide de métiers renvideurs, qui sont
seuls capables de produire les fils fins, peu tordus et peu
résistants dont a souvent besoin le tissage. Dans la fila-
ture des fils de laine cardée, destinés à la fabrication des
draps et autres tissus foulés, il faut éviter toutes les ac-
tions qui pourraient faire perdre aux fibres la propriété
qu'elles ont de se feutrer, et spécialement celle des cy-
lindres produisant des étirages. Le travail est restreint,
— 449
FILATURE — FILET
après les lavages, à des cardages répétés, à la suite des-
quels la nappe mince sortant de la dernière carde est divi-
sée en un grand nombre de petites mèches fines, au moyen
desquelles on alimente le métier à filer, toujours du type
mull-jenny ou renvideur, qui produit un dernier amincis-
sement de ces mèches en exerçant une traction dans le sens
de leur longueur. Dans l'état actuel de l'industrie, les fila-
tures constituent des usines atteignant souvent une impor-
tance considérable ; on trouvera aux art. Coton, Laine,
Lin, etc., des données sur les nombres de broches et le
développement de ces établissements pour chacun de ces
textiles, et aux différents mots auxquels nous avons ren-
voyé des détails plus complets sur les mécanismes et les
machines dont on y fait usage. P. Goguel.
FILBERT (Saint), Filbertus ou Philibertus, né en
Gascogne, mort vers 684. En 650, il était abbé de Saint-
Rebais en Brie, succédant à saint Agile ou Aile. Vers 654,
il fonda l'abbaye de Jumièges. Ebroïn, maire du palais,
irrité de ses remontrances, l'accusa calomnieusement au-
près de saint Ouen, qui le fit emprisonner. Dès qu'il eut
recouvré la liberté, Filbert se retira dans le diocèse de Poi-
tiers, où il fonda les monastères de Noirmoutier et de
Quinçay.
FILDES (Lucas), peintre anglais, né à Londres en oct.
1844. Après avoir fait ses premières études à l'école du
South Kensington, il se mit à illustrer plusieurs journaux,
notamment le London Graphie et le Cornhill Maga-
zine. Il fit aussi de nombreuses illustrations pour les der-
nières publications de Dickens. Membre de la Royal Aca-
demy de Londres depuis 1879, il ne cesse de produire des
œuvres d'une valeur inégale, mais dont plusieurs ont été
remarquées dans les expositions internationales. Fildes
excelle surtout dans la peinture de genre ; ses compo-
sitions dénotent un talent d'observation peu ordinaire et
sont parfois d'une vérité saisissante. A citer dans. son
œuvre : Pauvres dema?idant un asile pour la nuit à
la police (1874), le Veuf(i816), les Compagnons de
jeu (1877), etc. ' F. T.
FILE (Art milit.). Une file est formée de deux ou de
plusieurs soldats placés l'un derrière l'autre. La juxtapo-
sition des files constitue les rangs d'une troupe. Les files
n'ont cessé de s'appauvrir depuis l'antiquité jusqu'à nos
jours. Dans la phalange grecque, la file ou lochos com-
prenait jusqu'à seize hommes. Dans la légion romaine,
plus mobile, le nombre d'hommes dans la file ne dépasse
pas dix. Chez nous l'infanterie placée encore sur six rangs
au xvne siècle n'en compte plus que deux aujourd'hui,
après avoir vu progressivement diminuer la profondeur
de ses formations . L'homme du premier rang est un chef
de file, et on appelle serre-file les officiers et sous-offi-
ciers placés en arrière des rangs.
FILELFO (V. Philelphe).
F1LENIUS (Petrus), évêque et érudit suédois, né à
Rœdinge (Skanie) le 26 avr. 1704, mort à Linkœping le
2 juin 1780. Adjoint (1731), secrétaire (1732) et pro-
fesseur (1735) à l'université d'Âbo, il dut se réfugier en
Suède pendant l'invasion russe (1742) et devint professeur
de langues orientales à Lund. Comme il avait été ordonné
prêtre et promu docteur en théologie (1740), il fut nommé
prévôt de la cathédrale de Linkœping (1744), puis évêque
(1761) de ce diocèse, au gymnase duquel il légua sa belle
bibliothèque (1776). Membre de la Diète, de 1746 à 1771,
il fut trois fois président de son ordre (1761, 1765, 1769).
Parmi ses thèses et programmes il faut citer : Sacra pon-
tificiorum gentilitia (Âbo, 1740) ; Vindiciœ lingua-
rumorientalium (ib. , 1740). Dans sa Mythologia arctoa,
inédite, il fut le premier à comparer l'odinisme au drui-
disme. Beauvois.
FILÉS (Sons) (V. Chant).
FILET. I. Technologie. — Les filets se fabriquent soit
à la main, soit a la mécanique. Ceux dont la fabrication diffère
le plus sont le filet de pèche et le filet de carnassière. Les
instruments nécessaires pour faire le filet de pêche à la main
grande encyclopédie. — XVII.
sont au nombre de deux : une navette sur toute la longueur
de laquelle on en vide le fil en le maintenant par une languette
(V. Navette) et un bâton, soit cylindrique, soit parallélépi-
pédique, qui sert de moule. Lorsque la navette est couverte
de fil, on peut faire le nœud de la maille de deux façons :
sur le pouce et sous le petit doigt. Pour faire le nœud sur
le pouce, on fixe une boucle à un clou à crochet, on passe
l'extrémité du fil de la navette dans cette boucle, on place
le moule sous les deux branches dudit fil et on les main-
tient sur le moule avec le pouce. On fait ensuite passer le .
fil au-dessus de la main et finalement on serre le nœud
formé et on le maintient avec le pouce ; on a ainsi la pre-
mière maille. On recommence ensuite de façon à former un
rang de demi-mailles, ce qu'on appelle des pigeons : l'en-
semble de ces pigeons forme la levure du filet. Pour le
filet à nœud sous le petit doigt on forme d'abord les pi-
geons; on les place devant soi, en laissant le dernier à la
gauche du moule, puis on ramène le fil sur le moule, où
on le retient avec le pouce. C'est le premier temps de l'opé-
ration. On conduit alors le fil sous le quatrième doigt et
on le remonte par derrière le moule jusque sous le pouce
qui le tient ferme : c'est le second temps. Alors, on rejette
le fil par-dessus la main, en haut, pour arriver à former
la boucle qui doit envelopper le petit doigt : voilà le troi-
sième temps. On fait passer la navette entre les deux fils
qui entourent le quatrième doigt, ce qui constitue le qua- •
trième temps. Finalement, on tire le fil par-dessus le moule,
ce qui serre le nœud ; on lâche le fil du quatrième doigt et
de dessous le pouce, et on a bien soin, ce faisant, de rete-
nir le fil sur le petit doigt, qui doit se replier pour l'accom-
pagner derrière le moule et ne le quitter qu'à l'instant où
l'on serre le nœud : on arrive ainsi au cinquième et dernier
temps. Il faut toujours avoir soin de tenir le filet bien tendu.
Le filet de carnassière diffère complètement du filet de
pêche et comme aspect et comme fabrication. Le filet de
pêche se fait d'un seul fil, noué à lui-même, d'un nœud
toujours le même ; le filet de carnassière se confectionne au
moyen d'un grand nombre de fils noués entre eux suivant
des règles fixes, mais variant avec les dessins divers que
l'on veut exécuter. En un mot, le filet de carnassière n'est
pas un filet dans la véritable acception du mot; c'est plu-
tôt une dentelle de corde faite par un procédé analogue
aux produits des tambours des dentelliers. L'art du noueur
de fil consiste d'abord à faire des demi-nœuds pareils ,
mais symétriques l'un par rapport à l'autre, qui composent
le nœud total, complet, et, par leur répétition ou leur al-
ternance, constituent tous les dessins que l'on veut former.
Le nombre des outils dont se sert le noueur de filets est
très restreint, ou plutôt il n'en existe qu'un spécial, c'est
la ceinture, que nombre de noueurs ne prennent même pas
la peine de confectionner, se contentant de tourner les deux
ficelles autour d'un bouton de leur vêtement.
L'importance de la fabrication des filets de pêche est
considérable et tend à s'accroître de plus en plus avec le
développement des grandes pêches maritimes. Pendant long-
temps la fabrication des filets de pêche s'est faite à la main;
aujourd'hui encore cette fabrication manuelle, confiée gé-
néralement aux femmes et aux enfants des marins, a con-
servé une certaine importance. Elle donne des produits de
très bonne qualité en même temps qu'elle vient en aide aux
populations laborieuses et pauvres de nos côtes. Cependant,
avec le développement des grandes pêches, on a cherché à
fabriquer mécaniquement ces filets. De nombreux brevets
ont été pris à cet effet et si, jusqu'à nos jours, ce mode
d'exécution ne s'est pas répandu, c'est que les premières
machines étaient imparfaites et ne donnaient qu'un pro-
duit de qualité inférieure à celui que l'on obtient par le
travail manuel, filet très solide et ne se déformant pas. De
plus, la nécessité de lutter contre un travail très peu rétri-
bué imposait au métier mécanique l'obligation de produire
à très bon marché. Le premier inventeur de la machine à
fabriquer les filets fut Jacquard qui prit un brevet en 1805.
Depuis cette époque jusqu'à nos jours, on compte plus de
29
FILET
— 450 —
cent brevets sur la matière. Les métiers à fabriquer les
filets peuvent se diviser en deux classes distinctes : les mé-
tiers fonctionnant avec deux fils et ceux fonctionnant avec
un seul fil ; les premiers d'invention française, les seconds
d'invention anglaise. Les métiers à deux fils ont été inven-
tés, en 4 806, par un pauvre paysan de Bourgtheroulde (Eure)
appelé Buron. Sa machine, qu'il présenta à l'exposition
qui eut lieu à cette époque, fait partie des collections du
Conservatoire des arts et métiers. Elle est toute en bois et
bien imparfaite, mais on y voit distinctement l'idée du la-
çage des filets au moyen de deux séries de fils, dont les
uns, ceux de la série horizontale ou trame, vont se nouer
alternativement à droite et à gauche avec leurs voisins de
la série verticale ou chaîne. L'habile ingénieur Perqueur,
qui en avait saisi les mérites et les défauts, modifia cer-
taines parties et améliora considérablement l'exécution de
l'ensemble. Ce métier a été perfectionné par divers inven-
teurs, notamment par M. Jouannin, de Paris. Dans les condi-
tions actuelles, les crochets de la machine prennent les pre-
miers des fils, en font une boucle, et une navette portant le
second fil traverse cette boucle. Le laçage est fait en tra-
vers de l'alèze, et son travail équivaut à celui de 60 ou-
vriers à la main. La multiplicité des organes a permis
d'atteindre au fur et à mesure des perfectionnements aux
chiffres suivants par journée de dix heures ; en 1858,
22,000 nœuds; en 4866, 400,000 nœuds; en 4884,
4,000,000 de nœuds.
Le métier à un fil a été inventé en Angleterre par James
Patterson, dont la première patente remonte à 4835. Le
caractère distinctif de ce métier est qu'il fonctionnait avec
un seul fil au moyen de pédales et autres engins que l'ou-
vrier faisait mouvoir avec les pieds et les mains, en déve-
loppant une grande force musculaire. Ce système a subi
depuis de nombreux perfectionnements, notamment de la
part de MM. Stuart et Lockart, en Ecosse, et, en France,
de la part de MM. Broquant, de Dunkerque ; Tailbouis,
Revenez, Toussy et Bonamy, de Saint- Just-en-Chaussée.
Dans les deux systèmes, le nœud est identique, mais sa
position relativement à la longueur du filet n'est pas la
même. Avec le réseau fabriqué sur le métier français, les
bords ou lisières sont constitués par des mailles fermées,
tandis que les extrémités des fils de chaîne présentent des
entrelacements ouverts. Le même filet déplacé à angle droit
figure exactement le produit du métier anglais; dans ce cas,
les mailles sont fermées dans le sens longitudinal et ou-
vertes latéralement. Or, les mailles tendent à former un
losange de plus en plus allongé, si elles sont tirées per-
pendiculairement à la direction des fils qui les constituent;
elles s'ouvrent, au contraire, et le losange devient un carré,
si la traction se fait parallèlement aux fils. Il en résulte
que, pour la pêche, l'un des bords du filet étant garni de
plomb et l'autre de liège, de façon à développer la nappe
dans sa longueur et parallèlement à la surface de l'eau, la
maille faite en trame semble répondre plus complètement
aux exigences de la pratique. Un grand nombre d'indus-
tries en France font usage de filets ; la principale est la
pêche, soit de mer, soit d'eau douce. Mais on emploie en-
core une grande quantité de filets dans les industries de la
colle forte, de la mégisserie, de la sériciculture, de l'ar-
boriculture et de l'aérostation.
Le métier de MM. Galland et Channier paraît résoudre
d'une façon intéressante le problème de la fabrication mé-
canique. Ce métier, qui permet de travailler tous les textiles
industriels, peut marcher, suivant la matière employée et
quelle que soit la largeur, avec une vitesse moyenne de 8
à 42 rangées de nœuds à la minute. Les filets qu'il donne
sont absolument semblables à ceux qui sont fabriqués à la
main, c.-à-d. dans le même sens de la tombée lors de sa
mise à l'eau, ce qui est une condition de résistance des
filets ; ils présentent également, de chaque côté, une lisière
naturelle pour l'attache des flotteurs et des plombs. Ces ap-
pareils peuvent être établis sur de très grandes largeurs, soit
500 à 600 mailles, et ils peuvent produire, sur la largeur
totale du métier, ou une seule nappe de filet, ou plusieurs
bandes, toutes pourvues de lisières. Le métier à filets qui
rappelle par ses grandes lignes l'aspect général des métiers
à tulle, se compose de deux bâtis verticaux reliés par des
poutres horizontales en fonte et des entretoises en fer, dont
la longueur varie suivant la largeur du filet. La transmis-
sion du mouvement par poulies fixe et folle, placée à la partie
supérieure, commande par plusieurs cames doubles les
principaux organes de la machine et, par des engrenages
coniques, deux arbres verticaux placés de chaque côté du
métier et qui doivent transmettre un mouvement de trans-
lation à certains organes. La production d'un semblable
métier varie avec la largeur et la nature des fils employés.
Si l'on prend une largeur correspondante à 500 mailles et
une vitesse de 40 rangées de nœuds à la minute, la produc-
tion théorique en dix heures de travail serait de 3 millions
de mailles. L. Knab.
IL Pêche. — On peut diviser les filets servant à la
pêche en filets de main, filets dormants, filets fixes et
filets flottants. Les filets de main sont ceux qui ont besoin
de l'action continue du pêcheur ; tels sont l'épervier, le
carrelet, le haveneau, la truble, le globe, le calen, le ven-
turon. Le tramail, la nasse, le verveux, la louve, le gui-
deau, les parcs, la madrague sont des filets dormants,
filets qui sont, à proprement parler, des pièges; ils com-
prennent les filets fixes, c.-à-d., d'après le décret du
40 mai 4862, ceux qui, « tenus au fond au moyen de
piquets ou de poids, ne changent pas de position une fois
calés; ces filets auront des mailles d'au moins 0m025 en
carré, en dedans de 3 milles des côtes, c.-à-d. du relai
de basse mer ». Les principaux filets de cette catégorie
sont, par arrondissement maritime : 4er arrondissement,
Cherbourg : tramail sédentaire, louve, verveux, nasses. —
2e arrondissement, Brest : tramail sédentaire, gord, ravoir,
verveux, louve, casiers. — 3e arrondissement, Lorient :
tramail sédentaire, verveux, louves, casiers. — 4e arron-
dissement, Rochefort : sadoure et tramaux sédentaires
divers, sardinal de fond, claies, nasses. — 5e arrondisse-
ment, Toulon : battude, rissole, hautée, tis, amairade,
segetière, escombrière, paradière, romatière, entremail-
lade, pantenne. Les filets flottants sont ceux crû dérivent
sous l'action du vent, de la marée ; ils sont principalement
employés pour la pêche des poissons de passage, tels que
le hareng, le maquereau, la sardine, le thon. On peut
rapprocher de ces filets les engins qui vont à la remorque
d'un bateau, sans jamais s'arrêter au fond, tel que le cha-
lut. Les matières employées sont le coton, le chanvre, le
lin, très exceptionnellement la soie. Les filets employés à
la mer seraient rapidement mis hors d'usage s'ils n'étaient
tannés : on emploie le sulfate de cuivre et le plus habi-
tuellement le cachou. E. Sauvage.
III. Marine.-- Filet Bullivant.™ On appelle filet Bul-
livant, du nom de l'inventeur, un gigantesque filet à mailles
de fer ou même d'acier, qui entoure complètement de bout en
bout un navire de guerre, depuis 4 m. au-dessus de la flot-
taison jusqu'à 4 m. au-dessous, et aune distance horizontale
de 6 à 7 m. Le but de ce filet est de protéger le bâtiment
contre les attaques des torpilles automobiles ou autres, qui
viennent heurter le filet avant la coque du navire, et font
alors explosion au large de la coque, sans grand danger
pour cette dernière, qui ne se trouve plus dans le cône
d'action de la torpille. Voici en quelques mots comment est
disposé ce filet, que les matelots, dans leur langage pitto-
resque et imagé, nomment une crinoline. Tout le long des
flancs du navire et à 3m50 à 4 m. au-dessus de l'eau, se
trouve une série de petits espars en bois, pivotant autour
de charnières fixées à la muraille, qui leur permettent,
suivant les besoins, ou d'être collés sur les flancs du na-
vire, ou, au contraire, d'être perpendiculaires à ce dernier.
Tous ces espars ont un gréement particulier, bras, balan-
cines, cargues, etc., qu'il est inutile de développer ici et
qui facilitent leur manœuvre. Supposons, pour plus de
clarté, tous ces espars à leur position de combat, c.-à-d.
i
— 4SI
FILET - FILETAGE
perpendiculaires à la muraille du naviie. Joignons tous les
arcs-boutants de tribord par une filière de fils en fer, les
rendant tous solidaires les uns des autres ; faisons de même
pour tous ceux de bâbord (à l'avant et à l'arrière il y a
des dispositions spéciales pour la mise en place de la partie
du filet qui devra rejoindre celui de tribord et celui de
bâbord) ; il n'y aura plus qu'à tendre, par la pensée, sur
tous ces arcs-boutants, le filet qui enserrera alors le na-
vire d'une façon continue, et qui, tombant par son propre
poids, sera immergé d'une quantité égale à sa hauteur.
Pour manœuvrer tous ces arcs-boutants, c.-à-d. pour les
dresser perpendiculairement et les rabattre sur les flancs,
il y a au-dessus d'eux de plus grands espars, qui, très so-
lides, car le poids à manier est considérable, ont une grande
saillie au dehors, et au bout desquels se trouve tout un
système de chapes, de caliornes, avec poulies de retour
en dedans du navire et qui permettent alors de mettre le
système dans la position voulue.
Le navire se trouve alors enfermé comme dans une cri-
noline d'acier. On avait fondé de grandes espérances sur
ces filets, et, d'après les rapports anglais (dont il faut sou-
vent se défier en marine comme en autre chose), les bâti-
ments pouvaient évoluer et marcher même 6 à 7 nœuds
les filets en place. Il a fallu en rabattre et de beaucoup.
On évolue horriblement mal d'abord, et, dès qu'on veut
marcher un peu, il se produit des avaries ; les arcs-bou-
tants cassent, les filets restent à la traîne et peuvent
engager l'hélice ou le gouvernail, et mettre le bâtiment
dans une position plus que critique en temps de guerre.
Reste alors la protection au mouillage. Hélas, là encore, il
y a de gros inconvénients. D'abord, mise en place très
lente, par conséquent, aussi beaucoup de temps pour s'en
débarrasser ; d'où par suite immobilisation sans défense
pendant un temps considérable (1 h. 45 en moyenne) d'un
navire qui peut être forcé d'appareiller brusquement en
filant ses chaînes par le bout, pour éviter une attaque à
l'éperon, par exemple. Sans compter qu'on a inventé des
torpilles portant à leur avant une sorte de ciseau coupant
les mailles, et laissant par suite le champ libre à une
deuxième torpille lancée presque en même temps. Qu'en
plus, les filets étant immergés de 4 m., rien n'est plus
facile que de régler à 6, 7 et 8 m. l'immersion des tor-
pilles. Et comme on ne peut augmenter la hauteur du filet
qui ne serait plus maniable du tout, vu son énorme poids,
le dernier mot reste à l'attaque. Aussi, pour tous ces mo-
tifs et à la suite d'essais répétés, le regretté amiral Dupetit-
Thouars les avait-il fait enlever aux bâtiments de son escadre
en 1889. On les gardait à bord, mais pas en place, où ils
sont une cause de gène, de malpropreté et en définitive ne
servent pas à grand' chose.
IV. Botanique. — La partie de l'étamine qui soutient
l'anthère (V. Etàmine). On donne parfois encore ce nom aux
coulants ou stolons (V. Coulant). Enfin, Vaillant a désigné
ainsi le réceptacle filamenteux de certains champignons
(V. ce mot). Dr L. Hn.
V. Anatomie. — Filet de la langue (V. Langue).
VI. Sellerie (V. Bride).
VII. Typographie. — On désigne sous le nom de filets
de petites lames métalliques, simples, doubles, triples ou
ornées qui servent, soit à la séparation des colonnes ou à la
confection des tableaux, soit à l'ornementation ou à l'en-
cadrement des pages, à la division de certaines matières,
soit comme simple ornement à la fin d'un livre, d'un cha-
pitre, etc. Ils sont en cuivre ou en zinc, mais plus généra-
lement de même métal que les caractères et de diverses
dimensions graduées par points. On les coupe suivant les
besoins. On distingue le filet maigre, le filet gras et demi-gras
employés pour les encadrements ; le filet triple composé
d'un filet gras entre deux maigres, etc. Les filets destinés
à servir de séparation dans les titres ou le texte d'un ou-
vrage et qui marquent les fins de chapitres, de parties, de
sections, etc., sont ordinairement fondus d'une seule pièce
et suivant une échelle progressive : tels les filets anglais, les
filets ornés, les filets ombrés et les filets azurés employés
pour l'impression des actions, des billets à ordre, des obli-
gations, des lettres de change, des mandats, des quittances,
et pour toutes les impressions où il y a des sommes à ins-
crire.
VIII. Architecture. — Petite moulure carrée, appelée
aussi listel, qui sépare dans un socle, une corniche, un fron-
ton ou un chambranle, deux moulures concaves ou convexes
et en fait ainsi valoir le galbe et l'importance. En peinture,
des filets de couleur sur des tons unis ou des décors ser-
vent à indiquer des assises de pierre ou des divisions de
tables et de lambris et entrent dans la composition de
décorations diverses. La façon de tracer et d'exécuter ces
filets s'appelle filetage. — En charpente de fer, on appelle
filet une poutrelle de petite dimension, formée de solives à
double T, réunies par des brides et maintenues par des
croisillons, laquelle poutrelle sert de linteau entre deux
montants de porte ou deux piles de maçonnerie et reçoit le
solivage du plancher. — En maçonnerie et en couverture,
on appelle aussi filet ou solin une traînée de plâtre servant
à sceller le dernier rang de tuiles ou d'ardoises d'un comble
et à empêcher l'eau pluviale de s'introduire entre la ma-
çonnerie et la couverture : au moyen âge ces filets étaient
généralement formés de dalles de pierres portant une pente
et pourtournant les contreforts et les arcs-boutants ou les
souches de cheminées. — Dans la législation des bâtiments,
les filets de pierre qui ont été placés d'un seul côté dans un
mur séparatif et lors de la construction même de ce mur
sont, d'après l'art. 654 du C. civ., une marque de non-
mitoyenneté et le mur est censé exclusivement appartenir
au propriétaire du côté duquel sont ces filets. Ch. Lucas.
IX. Art héraldique. — Pièces honorables, bandes,
barres, pals, etc., réduites à leur plus simple largeur. Le
filet est ordinairement du tiers de la cotice, mais alors on
dit filet en croix, en bande, en barre, etc. Le filet en bor-
dure prend le nom de filière.
X. Art culinaire. — Filet de boeuf. — C'est le morceau
le plus tendre de l'animal ; il vaut à Paris de 4 à 4 fr. 50 le
kilogr. Il est placé dans l'intérieur de l'aloyau, le long de
l'échiné, et se prolonge dans toute sa longueur en diminuant
d'épaisseur à partir de la culotte jusqu'au train de côtes ;
c'est le muscle psoas. On fait rôtir à la broche le filet paré
et piqué de gros lardons après l'avoir mis mariner pendant
douze heures environ dans de bonne huile avec poivre, sel,
persil, laurier, tranches d'oignons, etc. Il doit être mangé
encore un peu saignant ; on le sert sur son jus ou avec une
sauce faite avec ce jus, un filet de vinaigre, sel, poivre,
échalottes, ou bien encore en entrée sur sauce tomate. — On
prépare aux champignons le filet de bœuf coupé par tranches
auxquelles on fait prendre couleur des deux côtés dans
une casserole placée sur un feu ardent ; la cuisson s'achève
dans une sauce faite avec un peu de farine et du bouillon,
à laquelle on ajoute des champignons. — Le faux filet ou
contre-filet est le morceau correspondant au filet, mais placé
à l'extérieur, le long de l'échiné ; sa délicatesse est presque
égale à celle du vrai filet, mais il ne saurait le remplacer
comme rôti. On en fait surtout des biftecks (V. ce mot).
— Outre le filet de bœuf on emploie en cuisine les filets de
porc, de mouton, de veau, de lièvre, de chevreuil, etc.
On désigne aussi sous ce nom les muscles des ailes et de
la poitrine des volailles, et les portions de chair sans arête
qu'on enlève sur quelques poissons, tels que les merlans,
les soles, etc. — Le filet est encore le morceau le plus
estimé du cheval, du mulet et de l'âne.
Filet mignon (V. Charcuterie, t. X, p. 610).
Bibl. : Typographie. — Théotiste Lefèvre, Guide pra-
tique du compositeur et de l'imprimeur-typographe; Pa-
ris, 1883.
Architecture. — Société centrale des architectes, Ma-
nuel des lois du bâtiment; Paris, 1879, t. I, in-8, fig.
FILETAGE (Mécan.). Le filetage est l'opération qui
consiste à former les filets d'une vis sur un cylindre ou
dans un écrou, en métal ou en bois, sans se servir d'un
taraud ou d'une filière. Lorsque l'objet à fileter est de
FILETAGE — FILIATION
— 452
petite dimension, ou lorsqu'il est, en métal mou, on opère le
filetage à la volée sur un tour ordinaire. A cet effet, on
fait usage d'un peigne en acier trempé, à dents tranchantes,
dont l'écartement des dents est égal au pas de la vis à for-
mer. L'ouvrier tourneur appuie le peigne sur le support du
tour, après avoir recouvert ce support d'une feuille de mé-
tal, afin que l'outil puisse facilement glisser ; il presse assez
fortement le peigne contre l'objet à fileter, de manière à
bien marquer les trois premiers filets, et il achève lavis par
des passes successives. Pour le filetage à la volée d'unécrou,
on agit de la même façon, après avoir saisi l'écrou, soit dans
un mandrin en bois, soit entre les mors d'un plateau, avec
un peigne par côté, c.-à-d. un peigne dont les dents, au lieu
d'être perpendiculaires au manche, sont parallèles à laligne
médiane du manche. Lorsque l'objet à fileter est de dimen-
sion plus considérable, on se sert du tour à fileter; dit aussi
tour à charioter. Ce tour se compose d'un banc, formé de
deux jumelles parfaitement dressées, supporté par quatre
pieds en fonte rigidement reliés au sol ; entre les deux ju-
melles, ou en dehors, se trouve une longue vis, d'un pas
connu, sur laquelle est monté un chariot porte-outil, dont
l'avancement est naturellement égal à celui communiqué
par la rotation de la vis dans l'écrou directeur du chariot.
La vis reçoit son mouvement par l'intermédiaire d'une série
d'engrenages que l'on monte, à volonté, sur des chevalets
mobiles dont est munie la poupée fixe du tour, du côté
extérieur. La pièce à fileter est prise entre les pointes des
poupées fixe et mobile et est entraînée par un toc fixé contre
le plateau du tour et qui se visse sur le bout d'arbre de
la poupée fixe. Un tambour permet d'imprimer une vitesse
plus ou moins grande à l'objet à fileter. Le pas de la vis
ou de l'écrou à confectionner est fonction inverse des
vitesses relatives de la pièce placée sur le tour et de la vis
directrice du chariot. Si les deux vitesses sont égales, les
deux pas seront les mêmes ; si l'objet sur le tour donne
un nombre de tours deux, trois, dix fois plus grand que
celui de la vis directrice, le pas sera la moitié, le tiers, le
dixième de celui de la vis directrice et inversement. Une
manivelle sert à fixer la position du porte-outil. L'outil est
rond, carré ou triangulaire, suivant la forme que l'on a
choisie pour les filets de la vis à former. Si le pas doit être
à droite ou à gauche, on interpose ou on supprime un pi-
gnon entre les roues conductrices et celles conduites. Une
série d'engrenages permet de combiner un très grand
nombre de pas. Pour la confection des grosses vis à bois en
fer, on fait chauffer une broche, choisie d'abord à la di-
mension voulue et on l'introduit entre deux moitiés de
coussinets, qui reçoivent des coups répétés au moyen d'un
arbre à cames ; l'ouvrier tourne incessamment la broche
pendant ce temps ; sous l'influence des coups multipliés, les
filets des coussinets s'imprègnent dans la broche et celle-ci
est transformée en une vis à bois. L. Knab.
F1LFILA. Massif rocheux d'Algérie, dép. de Constan-
tine, sur le bord de la mer, à l'E. de Philippeville ; ses
points culminants atteignent 700 m. d'alt. Il est constitué
principalement par un bloc de calcaire, d'où on a extrait
des marbres statuaires du plus haut prix. L'exploitation
en est assez active. Un éperon qui s'avance dans les flots,
le cap Filfila, est appelé par les corailleurs le cap Vert.
FILHAOUCEN, FILAOUSEN ou FILLAOUSSÈNE (Dje-
bel) (1,136 m.). Massif montagneux d'Algérie, dép. d'Oran,
qui se dresse non loin de la mer, entre la frontière maro-
caine et l'embouchure de la Tafna, dominant la ville de
Nedroma. Par un temps très clair, on peut apercevoir les
monts qui bordent la côte d'Espagne ; aussi est-ce au
Filhaoucen que le colonel Périer (depuis général) installa un
des deux observatoires chargés de correspondre avec ceux
du général Ibanez sur le Mulhacen et la Tetica au moyen de
la lumière électrique, dans le but de relier la triangulation
de l'Algérie avec celle de l'Espagne, en 4879. C'est le
commandant Bassot qui dirigeait les opérations géodésiques
de cette station. Le massif du Filhaoucen, assez bien boisé,
est riche en mines de zinc et de plomb.
FI LH 0 L (Antoine-Michel) , graveur français, né à Paris en
1759, mort à Paris le 5 mai 1812. Elève de Née. Son œuvre
capitale est la publication du Cours élémentaire de pein-
ture, ou Galerie complète du musée Napoléon (Paris,
1804-1815, 10 vol.gr. in-8). L'ouvrage comprend 120 li-
vraisons ; le texte des neuf premières est de Caraffa, le
reste de Joseph Lavallée.Les planches sont au nombre de
720. Mme Filhol, après la mort de son mari, a publié une
suite, avec texte de Jal, sous le titre de Musée royal de
France ou Collection gravée des chefs-d'œuvre de pein-
ture et de sculpture dont il s'est enrichi depuis la Res-
tauration (1827, gr. in-8). On trouve encore des planches
de Filhol dans le Voyage de l'Istrie et de la Dalmatie,
les Vues d'Italie de Percier et Fontaine, les Voyages de
Suisse, de France et d'Espagne, édités par Benjamin
de Laborde, les œuvres de l'architecte Ledoux, etc.
FILIATION. Généralités. — Le lien de parenté qui
existe entre le père ou la mère et l'enfant se nomme filia-
tion, si on le considère dans la personne de l'enfant; pa-
ternité ou maternité, quand on l'envisage dans la personne
du père ou dans celle de la mère. La filiation est légitime
lorsque le père et la mère sont mariés l'un à l'autre au
moment de la conception ; les enfants nés hors mariage sont
naturels, adultérins ou incestueux. Celui qui se prétend
enfant légitime peut directement prouver la maternité et
le mariage de sa mère ; mais la preuve de la paternité du
mari et celle du moment de la conception sont, en fait, à
peu près impossibles. Aussi le législateur, dans tous les
pays et à toutes les époques, a établi une présomption
de paternité du mari, présomption tirée du mariage ; mais
il n'a été créé de présomption relative à la durée des ges-
tations que dans les législations les plus récentes.
La filiation naturelle est celle qui se forme autrement
que par le mariage. Il y a trois sortes d'enfants naturels.
L'enfant naturel simple est celui qui naît de personnes non
mariées, ni parentes ou alliées au degré prohibé, de sorte
que ses parents auraient pu contracter mariage l'un avec
l'autre. Si les parents ne pouvaient se marier entre eux,
alors l'enfant serait adultérin ou incestueux, suivant que
l'obstacle au mariage résulterait de l'existence d'une autre
union ou d'une parenté ou alliance au degré prohibé. La
filiation des enfants naturels diffère surtout sous deux rap-
ports de celle des enfants légitimes ; elle ne se prouve pas
de la même manière ; elle ne produit pas les mêmes effets.
Nous n'avons pas à nous occuper ici des effets de la filia-
tion (Y. Autorité, Puissance paternelle, Enfant natu-
rel, Succession). Rappelons seulement que les enfants
naturels simples peuvent perdre cette qualité et être assi-
milés aux enfants légitimes par le bienfait de la légitima-
tion (V. Légitimation).
Droit romain. — Chez les Romains les enfants légi-
times étaient ceux qui naissaient des justes noces. C'est du
droit romain qu'est venue la présomption de paternité du
mari, considérée comme conséquence du mariage : Is pa-
ter est quem nuptiœ demonstrant. Mais pour que cette
présomption soit admise, il faut que l'enfant ait été conçu
pendant le mariage; delà une seconde présomption d'après
laquelle l'enfant est présumé conçu pendant le mariage
s'il naît au plus tôt au commencement du septième mois
après la conclusion des justes noces ou avant la fin du
dixième mois depuis la dissolution du mariage. Au reste,
ces présomptions admettent toujours la preuve contraire et
le mari peut, par tout moyen de preuve, établir qu'il n'est
pas le père de l'enfant. D'après le sénatus-consulte Plan-
cien la femme divorcée qui se croit enceinte doit en
avertir son ancien mari dans les trente jours qui suivent le
divorce. Cet ancien mari a le droit d'envoyer des gardiens
pour surveiller la femme et empêcher la suppression ou
supposition de part. Il peut aussi soutenir qu'il n'est pas
le père de l'enfant ; s'il garde le silence, il y a de sa part
une reconnaissance de paternité, mais qui produit des effets
très limités et l'oblige seulement à fournir des aliments,
sans lui retirer le droit de contester plus tard la qualité de
— 453
FILIATION
l'enfant. Un sénatus-consulte du temps d'Adrien étendit
cette disposition au cas où la naissance de l'enfant aurait eu
lieu après la mort du mari ; seulement la femme devait alors
faire sa déclaration au pater familias sous la puissance
duquel devait tomber l'enfant à naitre. L'édit du préteur
protégeait aussi cet enfant à naître contre ceux qui se pré-
tendaient les héritiers du mari, en accordant à la veuve, au
profit de cet enfant, un envoi en possession provisoire des
biens du défunt. — Les enfants nés du concubinat, union lé-
gitime inférieure, s'appelaient liberinaturales. Ces enfants
avaient une mère connue, comme d'ailleurs aussi les autres
enfants illégitimes et ils se rattachaient à leur mère par
les liens de la cognation ; mais ils n'avaient pas de père
connu, car la loi romaine ne faisait découler la paternité
que des justes noces. Le concubinat se maintint même sous
les empereurs chrétiens et on finit aussi par admettre cer-
tains effets entre le père et les enfants nés du concubinat.
On permit même au père d'acquérir la puissance paternelle
sur eux par divers moyens, notamment par le mariage
subséquent, par l'oblation à la curie, et. sous Justinien par
le rescrit du prince. Les spurii vulgo concepti se ratta-
chaient aussi à leur mère par la cognatio et ne différaient
pas à son égard des liberi naturelles. Mais bien entendu
ils n'avaient pas de père connu.
Ancien droit. — Notre ancien droit avait emprunté à
la loi romaine la maxime Is pater est quem nuptiœ de-
monstrant (L. 5, D., De in jus vocando) ; mais l'absence
de règle fixe sur la durée plus ou moins longue des gros-
sesses avait été la source de difficultés fort graves et même
de décisions judiciaires déraisonnables. La filiation légitime
se prouvait par l'acte de naissance ou plus exactement par
l'acte de baptême et par la possession d'état. C'est le clergé
qui, le premier, a constaté d'une manière régulière et
générale les naissances par les actes de baptême. L'ordon-
nance de Villers-Cotterets d'août 1539 réglementa la tenue
du registre des baptêmes (art. 51), mais d'une manière
insuffisante. En mai 1579, l'ordonnance de Blois (art. 181)
compléta celle de Villers-Cotterets. Mais ce furent surtout
l'ordonnance d'avr. 1667 (tit. XX) et la déclaration du
9 avr. 1736 qui s'occupèrent de cette importante matière.
A partir de la révocation de l'édit de Nantes, l'état civil
des protestants fut fort précaire jusqu'à l'édit de Louis XVI
(18 nov. 1787) qui confia à certains officiers de justice
la tenue des actes de l'état civil des protestants. Depuis la
loi du 20 sept. 1792, les actes de l'état civil sont dressés
par des fonctionnaires laïques dits officiers de l'état civil
(V. Actes de l'état civil).
Le droit canonique autorisa au moyen âge, dans certains
cas, la recherche de la paternité, par exemple lorsque
l'homme avait séduit la femme. Les lois germaniques admi-
rent toujours de la manière la plus large la recherche
de la paternité, mais sans reconnaître à la filiation natu-
relle des effets importants (Schwabenspiegel , I, ccciv).
Dans notre ancien droit français, la preuve de la filiation
naturelle était très facile. Non seulement elle pouvait ré-
sulter de l'aveu du père et de la mère, mais notre ancienne
jurisprudence autorisait la recherche judiciaire de la pa-
ternité comme celle de la maternité. Il y a plus : toute
fille enceinte avait le droit de déclarer à l'autorité compé-
tente quel était le père de l'enfant, et elle était crue sur
son affirmation (virgini creditur asserenti se prœgnan-
temesse), mais seulement d'une manière provisoire. Celui
que la fille indiquait comme père de son enfant devait des
aliments à l'enfant et des secours à la femme accouchée ;
la question de savoir s'il était l'auteur de la grossesse
n'était toutefois pas jugée, et la preuve de la paternité res-
tait entière à la charge de la mère, après que cette pro-
vision avait été adjugée ; seulement la décision provisoire
sur les aliments était un précédent fâcheux dont on abu-
sait souvent (cf. Fournel, Traité de la séduction). Les
lois de la Révolution soumirent à des garanties plus sévères
les preuves de la filiation naturelle et supprimèrent même
la recherche de la paternité ; elles effacèrent en outre toute
différence entre les enfants légitimes et les enfants natu-
rels et accordèrent à tous les mêmes droits (loi du 12 bru-
maire an II; cf. loi du 14 floréal an X).
Droit actuel (V. Enfant).
Législation comparée. — Il est nécessaire de compléter
cette étude par un aperçu jeté sur les législations les plus
intéressantes de l'Europe. La présomption de paternité ré-
sultant du mariage est admise dans toutes les législations
et, en général, l'action en désaveu est soumise à des con-
ditions rigoureuses. Il existe aussi le plus souvent une pré-
somption pour la durée des grossesses, mais les délais
maximum et minimum ne sont pas partout identiques à
ceux du code civil français. C'est ordinairement aussi par
l'acte de naissance ou la possession d'état que se prouve
la filiation légitime à l'étranger. Mais pour la preuve de la
filiation naturelle, les divergences entre les principales légis-
lations de l'Europe sont souvent fort remarquables. Sans
doute, on admet partout la recherche de la filiation natu-
relle vis-à-vis de la mère, mais on est loin de s'entendre
sur les effets produits par cette filiation. Sur la question de
savoir si on doit autoriser la recherche de la paternité
naturelle, les législations peuvent se ramener à trois
groupes : les unes la repoussent en principe, sauf à admettre
quelques exceptions ; d'autres l'autorisent avec une extrême
facilité ; d'autres enfin, tout en permettant la recherche de
la paternité naturelle, la soumettent à de sérieuses condi-
tions. On sait en effet combien est délicat ce problème. Les
partisans de la recherche de la paternité naturelle esti-
ment qu'il est profondément injuste de faire rejaillir les
conséquences d'une union illégitime uniquement sur la
mère et sur l'enfant. Les adversaires de cette recherche
prétendent qu'elle aurait pour résultat de favoriser la dé-
bauche des femmes et le chantage. Ils ajoutent que la
preuve de la paternité naturelle est souvent difficile, car
elle ne peut jamais se faire directement et ne résulte que
de présomptions plus ou moins précises et concordantes.
Ce qui est certain et digne de remarque, c'est que les lé-
gislateurs qui ont autorisé la recherche de la paternité
naturelle ont eux-mêmes reconnu combien est fragile la
preuve résultant de cette recherche, car ils ne font produire
à la filiation naturelle ainsi prouvée entre le père et l'en-
fant, que des effets très limités et peu importants. Au con-
traire, les législateurs qui repoussent la recherche de la
paternité naturelle et ne font résulter la preuve de cette
paternité que de la reconnaissance volontaire, attachent en
retour des effets fort graves et très nombreux à cette filiation.
Les dispositions de notre code civil relatives à la filia-
tion légitime n'ont pas été modifiées en Belgique. Il faut
en dire autant de celles qui concernent la filiation natu-
relle, la filiation adultérine, la filiation incestueuse.
Le code hollandais (art. 305 et suiv.) se rapproche très
sensiblement de notre code civil pour tout ce qui con-
cerne la filiation légitime. Cependant il existe quelques
différences entre les deux législations : 1° le code hol-
landais prévoit l'hypothèse d'une séparation de corps
et permet au mari de désavouer l'enfant né 300 jours
après celui où le jugement qui prononce la séparation de
corps a acquis force de chose jugée, sauf à la femme à
prouver par tous les moyens que, malgré ces circonstances,
le mari est le père de l'enfant ; 2° l'enfant né 300 jours
après la dissolution du mariage est illégitime de plein
droit (art. 310) ; 3° le code hollandais règle le cas où les
héritiers du mari ayant le droit d'intenter l'action en dé-
saveu se trouvent hors du royaume ou hors d'Europe et
il leur accorde six mois s'ils sont en Europe, un an s'ils
résident hors d'Europe au lieu du délai ordinaire. Si parmi
les héritiers les uns étaient en Hollande et les autres à
l'étranger, tous jouiraient du délai le plus long (art. 314).
— Les dispositions du code civil hollandais de 1838, sur la
preuve de la filiation des enfants naturels, ont à peu près
reproduit celles de notre code civil. Toutefois, le code hol-
landais contient deux règles importantes qui ne se trou-
vent pas dans la loi française: 1° la reconnaissance est
FILIATION
— 454 —
nulle lorsqu'elle est faite par un garçon qui n'a pas encore
accompli sa dix-neuvième année ; mais une fille peut tou-
jours reconnaître son enfant à tout âge ; 2° pour qu'une
reconnaissance faite par le père du vivant de la mère soit
valable, il faut qu'elle ait été faite avec le consentement de
celle-ci ; si la mère est morte, la reconnaissance émanée
du père seul est valable, mais elle ne produit effet qu'à son
égard (art. 337 et 339). La recherche de la paternité est
interdite; celle de la maternité est admise (art. 343). Il
n'y a pas de différences à signaler entre le code civil hol-
landais et le code civil français au point de vue de la filia-
tion adultérine ou incestueuse.
Le code civil italien, dans les art. 159 et suivants, re-
produit les dispositions de notre code civil sur la filiation
légitime, ainsi que celles de la loi du 6 déc. 1850 rela-
tives au cas de séparation de corps. Il ne s'écarte de notre
loi que sur les points suivants : 1° l'impuissance naturelle
est admise comme cause de désaveu, pourvu qu'elle soit
manifeste (art. 164) ; 2° en cas d'adultère, s'il y a eu
recel de l'enfant, le mari peut désavouer sans être tenu de
prouver en outre l'impossibilité morale de cohabitation
(art. 165) ; en France, la question est controversée de
savoir s'il doit faire cette dernière preuve ; 3° le délai
donné au mari pour intenter l'action en désaveu est un
peu plus long qu'en France : deux mois si le mari se trou-
vait sur les lieux aumoment delà naissance de l'enfant; s'il
était absent, trois mois à partir de son retour au domicile
conjugal ou au lieu de la naissance de l'enfant; en cas de
recel, trois mois à partir de la découverte de la fraude
(art. 166).
Le code civil italien réglemente la reconnaissance des en-
fants naturels comme le nôtre ; il ajoute seulement que la
reconnaissance peut être faite même par un acte antérieur
à la naissance (art. 179 et suiv.). Comme en France, la
recherche de la paternité est par exception permise en cas
d'enlèvement, et le code civil italien ajoute le cas de viol
(art. 189) pour éviter les controverses qui sont nées en
France du silence de notre code civil sur ce point. Pour
la recherche de la maternité, la preuve par témoins est
autorisée non seulement s'il existe un commencement de
preuve par écrit, mais encore « quand les présomptions et
les indices résultant de faits déjà certains sont assez
graves pour en déterminer l'admission » (art. 190). La
filiation naturelle légalement constatée produit des effets
plus importants qu'en France, et ces effets sont admis
même à l'égard du conjoint de l'auteur de la reconnais-
sance, bien que la reconnaissance ait eu lieu depuis le
mariage, ainsi qu'à l'égard des enfants nés de ce mariage.
La disposition de notre art. 337 n'a pas passé dans le
code italien; toutefois, aux termes de l'art. 183 de ce der-
nier code « l'enfant naturel de l'un des époux, né avant
le mariage et reconnu pendant le mariage, ne peut être
introduit dans la maison commune sans le consentement
de l'autre époux, à moins que ce dernier n'eût déjà donné
son adhésion à la reconnaissance ».
Le code civil italien considère comme incestueux l'en-
fant né de personnes entre lesquelles il ne pourrait y avoir
mariage pour cause de parenté ou d'alliance en ligne
directe à l'infini et en ligne collatérale jusqu'au second
degré (art. 186). La reconnaissance des enfants adulté-
rins ou incestueux n'est pas admise, et la recherche de ces
filiations est interdite (art. 193). Les enfants adultérins
ou incestueux que la loi italienne appelle toujours « en-
fants naturels dont Ta reconnaissance est interdite », n'ont
droit qu'à des aliments et dans les cas suivants : si la pa-
ternité ou la maternité résulte directement d'un jugement
civil ou criminel ; si elle résulte d'un mariage déclaré nul ;
si elle résulte d'une déclaration expresse contenue dans un
écrit émané du père ou de la mère (art. 193). Cette dernière
disposition est en contradiction manifeste avec celle du même
code qui défend la reconnaissance de la filiation adultérine
ou incestueuse : en réalité, cette reconnaissance est permise ;
seulement elle ne produit que des effets fort restreints.
Le code civil roumain reproduit dans les art. 286 à
309 les dispositions du code civil français sur la filiation
naturelle, moins les art. 334 à 342 de notre code qui sont
supprimés. La loi roumaine, comme la nôtre, permet la
recherche de la maternité et défend celle de la paternité ;
mais elle n'admet pas la reconnaissance des enfants natu-
turels. Ceux-ci n'ont ainsi jamais de père connu à moins
qu'ils ne soient légitimés par mariage subséquent ; mais
alors la légitimation s'applique même à ceux qui, dans
notre droit, seraient adultérins ou incestueux, la loi rou-
maine ne distinguant pas ces derniers des autres enfants
naturels. Il semble, au premier abord, que la mère ne
puisse pas non plus reconnaître so^ enfant naturel, pas
plus que le père. Toutefois, elle peut consentir à ce que
son nom figure dans l'acte de naissance de l'enfant, et alors
la maternité est prouvée. Si le nom de la mère n'est pas
indiqué, l'enfant a le droit de rechercher sa mère, et la
preuve par témoins est admise à la condition qu'il y ait un
commencement de preuve par écrit. D'ailleurs, la filiation
naturelle légalement constatée produit à l'égard de la mère
les mêmes efîets que la filiation légitime. Sous ce dernier
rapport, la législation roumaine s'écarte d'une façon re-
marquable du droit français et s'inspire directement du
droit romain. Le code civil roumain ne distingue pas les
adultérins et incestueux des enfants naturels simples : tous
ont les mêmes droits vis-à-vis de la mère et sont sans droits
à l'égard du père.
Le nouveau code civil espagnol de 1889 (art. 108 à
142) admet, comme le nôtre, la présomption de paternité
du mari et fixe aussi la durée des grossesses entre 180 et
300 jours. L'enfant né et conçu pendant le mariage est
toujours présumé légitime, même, dit Fart. 109, si sa mère
a protesté contre sa légitimité ou a été condamnée pour
adultère. Il ne peut être désavoué que dans un cas : celui
d'impossibilité matérielle de cohabitation. L'enfant né moins
de 180 jours avant la célébration du mariage n'est présumé
légitime que dans les trois cas suivants : 1° si le mari a
connu, avant le mariage, la grossesse de sa femme ; 2° si,
présent à la rédaction de l'acte de naissance, il a consenti
à l'apposition de son nom sur cet acte ; 3° si, d'une manière
expresse ou tacite, il a reconnu l'enfant comme sien. Quant
à l'enfant né plus de 300 jours après la dissolution du ma-
riage ou la séparation de corps, on commence par présumer
qu'il est légitime, mais cette présomption peut tomber par
l'effet de l'action en désaveu, à moins que la mère et l'en-
fant, défendeurs à cette action, ne puissent établir la pater-
nité du mari. En principe, l'action en désaveu n'est accordée
qu'au mari. Par exception, les héritiers du mari peuvent
intenter cette action ; si le mari est décédé avant l'expira-
tion du délai fixé pour l'introduction de cette action en
justice ; si le mari est mort après avoir introduit cette
action et avant que l'affaire ait été jugée ; si Fenfant est
né après la mort du mari. L'action en désaveu doit être
intentée dans le délai de deux mois à partir de l'inscrip-
tion de la naissance sur le registre de l'état civil, si le
demandeur demeure dans le lieu où cette inscription a été
faite ; réside-t-il dans une autre localité de l'Espagne, le
délai est porté à trois mois ; réside-t-il hors d'Espagne, le
délai s'élève alors à six mois.
Le code civil espagnol admet comme preuve de la filia-
tion de l'enfant légitime l'acte de naissance dressé sur le
registre de l'état civil, le titre authentique et le jugement
qui a repoussé l'action en désaveu. A défaut de titre écrit
la possession d'état constante suffit. A défaut de titre écrit
et de possession d'état, la filiation légitime peut se prouver
par tout moyen, pourvu qu'il existe un commencement de
preuve par écrit émané des deux parents. L'action en ré-
clamation de légitimité appartient à l'enfant pendant toute
sa vie. Elle passe à ses héritiers s'il meurt en état de
minorité ou de démence, à charge pour ses héritiers de
l'intenter dans les cinq ans, ou si l'enfant est mort au cours
de l'instance et avant le jugement.
La filiation naturelle ne se prouve que par la reconnais-
455 —
FILIATION
sance faite dans l'acte de naissance, dans un testament ou
dans un acte public quelconque ; le code civil espagnol ne
parle pas de la possession d'Etat. Toutefois, quand la re-
connaissance n'est faite ni dans l'acte de naissance ni dans
un testament, elle doit être confirmée par un jugement que
le tribunal rend après avoir entendu le ministère public.
Le code civil espagnol considère avec raison la reconnais-
sance comme un acte essentiellement personnel à celui qui
l'a fait. Aussi, lorsque le père ou la mère reconnaît l'en-
fant, il lui est interdit de révéler le nom de la personne
avec laquelle il l'a eue ni d'indiquer aucune circonstance
qui permettrait de la reconnaître, et le fonctionnaire public,
qui recevrait une indication de cette nature sur l'acte qu'il
dresse, encourrait une amende. On sait qu'en France il
existe une pratique en sens contraire pour la mère ; on
accepte, dans les actes de naissance ou de reconnaissance,
tous les renseignements propres à faire connaître la mère
et on va même jusqu'à indiquer son nom. D'ailleurs, d'après
le code civil espagnol, dans le cas où la reconnaissance n'a
été faite que par un des ^parents, on présume que l'enfant
est naturel simple, qu'il n'a été commis aucun adultère ni
inceste, par cela seul que celui qui a fait la reconnaissance
avait, à l'époque de la conception, la capacité nécessaire
pour contracter mariage. D'un autre côté, l'enfant majeur
ne peut pas être reconnu sans son consentement et celui
qui l'a été pendant sa minorité a le droit d'attaquer la
reconnaissance, pourvu qu'il intente l'action dans les quatre
ans de sa majorité. Enfin le code civil espagnol consacre
la reconnaissance forcée ou, en d'autres termes, permet la
recherche de la paternité ou de la maternité : 1° quand il
existe un écrit émané certainement du père ou de la mère
et contenant aveu exprès de la paternité ou de la maternité;
2° quand l'enfant se trouve en possession continue d'état
naturel du père ou de la mère qu'il réclame et qu'il la jus-
tifie par des actes émanés de ce père ou de cette mère ou
de la famille. En outre, la recherche de la maternité est
permise dans un troisième cas : si l'on prouve péremp-
toirement l'accouchement de la femme et l'identité de
l'enfant. Dans les cas de viol, d'attentat et de rapt, la re-
cherche de la filiation, paternité ou maternité, est égale-
ment permise sous des conditions déterminées par le code
pénal. En principe, l'enfant ne peut intenter l'action en
recherche de paternité ou de maternité que du vivant de la
personne à laquelle il prétend se rattacher par la filiation.
Ce principe comporte toutefois deux exceptions : si le père
et la mère sont décédés pendant la minorité de l'enfant,
celui-ci a le droit d'intenter son action pendant les quatre
années qui suivent sa majorité ; d'autre part, une action
en recherche de la filiation naturelle peut être intentée,
même par l'enfant majeur, après le décès de son père ou
de sa mère, si on vient à découvrir un acte de ce père ou
de cette mère, contenant aveu de la filiation. — Toutes les
fois que la filiation naturelle est ainsi prouvée, elle donne
à l'enfant, vis-à-vis de l'auteur de la reconnaissance, le
droit de porter son nom, de lui demander des aliments et
de venir à sa succession. En outre, les enfants naturels
simples, c.-à-d. ceux qui sont nés de personnes qui auraient
pu se marier avec ou sans dispense, peuvent être légitimés
par des lettres du roi ou par le mariage subséquent de
leurs parents. Peu importe dans ce dernier cas que la re-
connaissance ait eu lieu avant ou après la célébration du
mariage, tandis que la loi civile française exige toujours,
comme condition de la légitimation, que la reconnaissance
ait précédé le mariage. Il y a mieux : d'après le code civil
espagnol, la légitimation produit toujours ses effets, depuis
le jour du mariage, même si la reconnaissance a eu lieu
postérieurement. On peut aussi légitimer un enfant décédé
avant la célébration du mariage pour en faire profiter ses
descendants. Quant à la légitimation par lettres royales,
elle n'est permise que sous quatre conditions : que la légi-
timation par mariage subséquent soit impossible, par
exemple par suite du décès de l'un des deux parents ;
qu'elle soit demandée par les père et mère ou par l'un
d'eux, mais elle ne peut pas l'être par l'enfant; que le
père ou la mère qui la demande n'ait pas d'enfants légi-
times ou légitimés par mariage, ni de descendants d'eux ;
que le demandeur, s'il est marié, obtienne le consentement
de son conjoint. Par exception, l'enfant naturel peut lui-
même demander sa légitimation par rescrit du prince dans
un cas : si ses père et mère sont prédécédés et ont mani-
festé dans leur testament ou dans tout autre acte public
leur volonté de le légitimer, pourvu que ces père et mère
prédécédés n'aient pas d'enfants légitimes ou légitimés par
mariage, ni de descendants d'eux. La légitimation par
lettres du roi confère à l'enfant le droit de porter le nom
de ses père et mère, celui de leur demander des aliments
et celui de venir à leur succession.
Les enfants adultérins ou incestueux ne peuvent pas être
légitimés et ils n'ont pas le droit de rechercher leur filia-
tion. Toutefois, leur filiation est légalement établie vis-à-vis
du père dans deux cas : si elle résulte d'un jugement civil
ou criminel, devenu irrévocable, ou d'un document certain
émané du père, dans lequel il avoue la filiation. Quant à la
mère, la filiation adultérine ou incestueuse est également
prouvée dans ces deux mêmes cas et, en outre, dans un
troisième : si l'on peut prouver péremptoirement le fait de
l'accouchement et l'identité de l'enfant. Dans ces cas excep-
tionnels, où la filiation adultérine et incestueuse est léga-
lement établie, elle fait naître entre les père et mère et
leurs enfants le droit et le devoir réciproque à des ali-
ments. Mais ces aliments se limitent aux secours nécessaires
pour assurer l'existence ; les parents sont, en outre, obligés
de procurer à leurs enfants l'instruction élémentaire et
l'enseignement d'une profession, d'un art ou d'un métier.
Les dispositions du droit commun allemand relatives à
la preuve de la filiation légitime sont peu nombreuses et
manquent de netteté. Sont légitimes les enfants conçus et
nés dans le mariage ; on reconnaît la même qualité aux
enfants nés d'un mariage putatif, et il suffit que l'un des
parents ait été de bonne foi.
Les jurisconsultes allemands sont d'accord pour fixer,
d'après l'autorité du droit romain (L. 42, De statu homi-
num, 4, 5), le minimum de la durée d'une grossesse régu-
lière à 482 jours, mais ils ne s'entendent pas sur la pré-
somption relative à la plus longue durée d'une grossesse.
En général, ils s'accordent pour décider qu'une grossesse
ne peut durer plus de 300 jours; seulement les uns com-
prennent dans ce délai le jour de la conception et celui de
la naissance, tandis que d'autres les en excluent. L'enfant
né moins de 482 jours depuis le mariage est illégitime
comme celui qui, après la dissolution du mariage, naît à un
moment où le délai légal de la plus longue grossesse est
expiré. Toute personne intéressée peut agir en réclama-
tion de légitimité ; mais le mari seul a le droit de désa-
vouer l'enfant couvert par la présomption de légitimité.
Le code prussien (Landrecht, 2e part., art. 4 et suiv.)
contient des dispositions très complètes sur la filiation des
enfants et en cette matière, comme en plusieurs autres, les
rédacteurs du code civil français se sont plus d'une fois
inspirés de ce droit. Le mari peut désavouer l'enfant né et
conçu pendant le mariage en prouvant qu'il n'a pas pu
cohabiter avec sa femme entre le 210e et le 302e jour
qui ont précédé sa naissance. S'il se fonde sur son impuis-
sance, il doit prouver que celle-ci a été absolue et conti-
nue; s'il invoque son absence, il doit établir que, pendant
ce temps, il n'a pas pu remplir le devoir conjugal. Mais la
preuve de l'adultère de la femme ne suffit pas pour faire
tomber la présomption de légitimité ; on ne tient non plus
aucun compte des déclarations de la mère, qu'elles soient
ou non favorables à la légitimité (art. 4 à 7). Le mari doit
intenter l'action en désaveu dans le délai d'une année à
partir de l'époque où il a connu la naissance. S'il forme
sa demande devant un tribunal autre que celui du lieu où
demeure la mère avec son enfant, il doit prévenir sans dé-
lai le tribunal de ce lieu. La juridiction compétente nomme
d'office un curateur chargé de prendre en main les intérêts
FILIATION
456 -
de l'enfant (art. 7, 8, 9). Tant que l'affaire n'est pas ter-
minée, le mari doit supporter les frais d'entretien de l'en-
fant (art. 40). [D'après les art. 42 et 13, si l'action en
désaveu est admise, le mari a le droit de répéter ces frais
vis-à-vis du père ou de les retenir sur la fortune de la
mère. Le droit de contester la légitimité de l'enfant né
pendant le mariage n'appartient qu'au mari. Toutefois,
s'il meurt avant la fin de l'instance ou dans le délai pour
agir, l'action peut être continuée ou intentée par ses pa-
rents à moins qu'il n'ait reconnu l'enfant comme sien
d'une manière ou expresse ou tacite (art. 44, 45, 46).
L'enfant né au plus tard le 302e jour après la dissolution
du mariage est présumé légitime (art. 49), et les héritiers
du mari ne peuvent faire tomber cette présomption que
sous les conditions et dans les délais établis pour l'action
en désaveu du mari (art. 20). Cependant, même la légiti-
mité de l'enfant né dans le temps légal peut être contestée
par les héritiers du mari lorsqu'ils établissent que la veuve
a eu des relations depuis la mort de son mari et que d'après
les lois de la physiologie la conception est postérieure à la
dissolution du mariage (art. 24). — Le code prussien s'est
longuement occupé des femmes enceintes au moment de la
dissolution du mariage, dans le but d'éviter les suppres-
sions et les suppositions de part. Si une femme se remarie
avant l'expiration du délai de viduité établi par la loi et
qu'ensuite elle soit reconnue enceinte, on attribuera l'en-
fant à celui qui était le mari au 270e jour avant la nais-
sance. Ainsi, si ce jour est compris dans le premier ma-
riage, l'enfant a pour père le premier mari ; il vient
à sa succession ; il n'a aucun droit sur celle du second
mari; mais comme celui-ci par son union prématurée a
été la cause de l'incertitude de l'état de l'enfant, il est
tenu envers lui de toutes les obligations que crée la pater-
nité (art. 22 à 26). Le code prussien organise la surveil-
lance des veuves enceintes avec la même sollicitude que le
législateur romain. A la mort du mari, les héritiers ont
toujours le droit de demander à la veuve si elle se croit
enceinte. En cas de réponse affirmative, ils peuvent exiger
qu'il lui soit donné à leurs frais une surveillante. Au bout
de cinq mois depuis la mort du mari, si la veuve continue
à se déclarer enceinte, les héritiers peuvent demander que
cet état soit vérifié par une sage-femme. Les choses se
passeraient de la même manière si la femme qui ne se
croyait pas enceinte au moment de la mort de son mari,
découvrait ensuite sa grossesse. Quand la sage-femme ne
constate aucun signe de grossesse, si cependant la veuve
persiste dans sa déclaration, elle continue à être placée
sous la surveillance de la garde et elle est soumise de
temps à autre à l'inspection de la sage-femme. Même dans
les cas où la grossesse n'est pas douteuse, les héritiers du
mari peuvent exiger que la garde reste auprès de la veuve
jusqu'à l'époque de l'accouchement. Ils ont aussi le droit de
demander qu'une matrone désignée par le tribunal assiste à
la délivrance. Cette matrone et la garde, a soin de dire la
loi, doivent être des personnes irréprochables, d'une hu-
meur facile, de manière à vivre en bonne intelligence avec
la veuve. On ne peut pas choisir pour cette mission des
femmes qui seraient incapables de déposer comme témoins
de l'une ou de l'autre partie. La matrone et la garde sont
en effet appelées précisément à déposer sur la grossesse et
l'accouchement en cas de contestation. La sage-femme et la
garde doivent avoir soin de veiller à ce que la matrone dési-
gnée par le tribunal assiste à la naissance ; le même devoir
incombe aux colocataires de la veuve. Si l'accouchement
avait lieu enl'absence de cette matrone, on présumerait l'exis-
tence d'une fraude; mais, à défaut de toute autre preuve,
ce fait ne suffirait pas à lui seul pour autoriser à contester
l'état de l'enfant. La veuve qui, au mépris des dispositions
précédentes, cacherait sa grossesse ou son accouchement,
serait condamnée à perdre le quart de ce qu'elle a recueilli
dans la succession de son mari au profit des parents de
celui-ci (art. 26 à 44). H peut arriver que le mariage
prenne fin autrement que par la mort de l'un des époux.
Dans ce cas, le mari n'a le droit de désavouer l'enfant qui naît
dans les 302 jours de la dissolution du mariage, qu'en se
conformant aux art. 2 et 48 (art. 40 à 44). Dans le même
cas, le mari a le droit, s'il croit la femme enceinte, de
réclamer les mesures que la loi établit au profit de ses
héritiers lorsque le mariage a pris fin par sa mort (art.
42). Quand une femme est séparée de son mari, dès qu'elle
se reconnaît enceinte, elle doit lui en faire une notifica-
tion; si elle l'omettait, cette circonstance, à elle seule, ne
suffirait pas pour enlever à l'enfant la présomption de
légitimité, mais la mère ne pourrait jamais, par l'intermé-
diaire de cet enfant, acquérir des droits sur la fortune de
son mari (art. 42 à 47). D'un autre côté, lorsque le mari,
séparé de sa femme, croit qu'elle est enceinte et qu'elle le
nie, il a le droit de la faire visiter par une sage-femme
assermentée. Si la sage-femme reconnaît l'existence d'une
grossesse, le mari peut exiger qu'on prenne toutes les pré-
cautions prescrites par les art. 27 et suiv. pour éviter
les dangers d'une suppression ou d'une supposition de part
(art. 47 et 48).
En Bavière, on suit généralement les principes du droit
commun allemand et ceux du Landrecht prussien, même
dans les parties de ce royaume où il y a ordinairement un
droit spécial.
Le nouveau code saxon .(art. 4774 à 4780) régle-
mente d'une manière précise la filiation légitime. Il fixe
la durée des grossesses de 482 jours à 302. Les enfants
nés plus de 482 jours depuis le mariage sont légi-
times. Le code saxon ne disant rien de ceux qui viennent
au monde plus de 302 jours depuis la dissolution du
mariage, il résulte de son silence que ces enfants naissent
de plein droit illégitimes (cf. art. 4774). Le mari ne
peut désavouer l'enfant conçu et né pendant le mariage,
qu'à la condition de prouver qu'il n'a pas cohabité avec sa
femme pendant le temps correspondant à la conception ;
la preuve d'un adultère de la femme ne suffit pas pour
priver l'enfant de la qualité d'enfant légitime. Quand
le mari reste 90 jours depuis l'époque où il a appris la
naissance sans intenter l'action en désaveu devant le tri-
bunal de son domicile, cette action est éteinte par pres-
cription et cette prescription repose sur une présomption
de reconnaissance de l'enfant comme sien, mais cette re-
connaissance tacite ne peut résulter d'aucun autre acte. Si
le mari meurt dans les 90 jours pour agir, et dans ce cas
seulement, ses héritiers peuvent intenter l'action en désa-
veu à sa place ; la loi leur donne un nouveau délai de
90 jours qui court à partir de l'époque où ils ont eu con-
naissance de la mort de leur auteur (art. 4772 à 4776).
Quand un enfant naît avant 4 82 jours depuis le mariage, il
est légitime si le mari reconnaît sa paternité d'une manière
expresse ou tacite. La reconnaissance tacite ne peut résul-
ter que des faits suivants : le mari a connu la grossesse de
sa femme avant de l'épouser et il n'a pas, au moment du
mariage, protesté contre la présomption de sa paternité ;
il a laissé écouler 90 jours à partir de l'époque où il a
connu la naissance sans agir (art. 4776 et 4777). Les
héritiers du mari ne peuvent contester la légitimité de cet
enfant né avant le terme légal qu'autant que le mari est
mort alors que le délai de 90 jours n'était pas expiré : ils
ont, dans ce cas, 90 jours à partir du moment où ils ont
connu la mort de leur auteur pour agir en contestation de
légitimité (art. 4777 et 4775 comb.).Le code saxon pré-
voit l'hypothèse .où une femme divorcée ou veuve, sans
observer le délai de viduité, se remarie presque immédia-
tement après la dissolution de son précédent mariage et
accouche peu de temps après son nouveau mariage ; il
donne la même solution que le code prussien et attribue
l'enfant au premier mari s'il naît dans les 270 jours de la
dissolution du mariage (art. 4779).
Arrivons à la filiation naturelle. D'après le droit com-
mun allemand, il n'y a pas de différences entre les enfants
légitimes et les enfants naturels vis-à-vis de leur mère ni
sous le rapport de la preuve, ni sous celui des effets de la
— 457 —
FILIATION
filiation. Au contraire, vis-à-vis de leur père, les enfants
n'ont aucun droit de succession ; il ne s'établit pas, à pro-
prement parler, de rapport de filiation entre l'enfant na-
turel et son père ; l'enfant et la mère ont seulement une
créance alimentaire contre l'auteur de la grossesse, et à cet
effet la recherche delà paternité est permise. S'il est établi
que pendant le temps correspondant à celui de la conception
la mère a cohabité avec plusieurs hommes, ceux- ci sont
tous solidairement tenus de la dette alimentaire. Cette dette
alimentaire se transmet aux héritiers du père comme toute
dette naissant d'un délit : mais les ascendants du père ne
sont d'ailleurs jamais comme tels tenus de cette obligation à
défaut du père ; il en est autrement de ceux de la mère.
En Prusse, la filiation naturelle produit des effets im-
portants ; il est nécessaire de les indiquer, pour faire com-
prendre le système de la loi prussienne sur la preuve de
cette filiation. L'enfant naturel n'entre ni dans la famille
de son père, ni dans celle de sa mère ; il porte le nom de
la mère et est de la même condition sociale sauf que, si
la mère est noble, l'enfant ne le devient pas (art. 639 et
640). Les enfants naturels ont, sur la succession de leur
mère, les mêmes droits que les enfants légitimes (art. 656).
Mais, dans la succession paternelle, ils sont exclus par les
enfants nés d'un mariage ou même d'une union morgana-
tique (art. 652) ; c'est seulement à défaut d'enfants légi-
times qu'ils prennent un sixième de la succession, à moins
qu'ils ne préfèrent s'en tenir ta leur créance alimentaire
(art. 652). Les enfants naturels ont en effet contre leur
père et ses héritiers une créance en payement des frais
d'éducation et d'instruction jusqu'à l'âge de quatorze ans
(art. 612 et 633).
La loi prussienne ne s'occupe pas de la preuve de la
maternité naturelle ; cette preuve se fait comme celle de
la maternité légitime. La recherche de la paternité est
permise. Dès que le tribunal des tutelles a connaissance
de l'existence d'un enfant naturel, il doit veillei à ce
que cet enfant reçoive un tuteur (art. 614). Celui-ci fait
valoir les droits de l'enfant contre son père : si l'homme
auquel on attribue la paternité nie le fait, le tuteur doit,
même contre le gré de la mère, faire ce qui est nécessaire
pour arriver à la découverte du véritable père (art. 617).
De son côté, la mère a le droit de faire constater la pater-
nité naturelle, et elle en retire de grands avantages. Sur
ce dernier point, le Landrecht a été complété ou même mo-
difié par une loi du 24 avr. 1854 qui s'est aussi occupée
des enfants naturels. L'auteur d'une grossesse doit tou-
jours supporter les frais d'accouchement et de baptême
(loi du 24 avr. 1854, art. 8). Il y a même des cas assez
nombreux où la fille acquiert des droits plus ou moins
étendus sur les biens du père de son enfant. Ainsi, quand
une fille devient grosse par suite d'un viol ou à son insu
ou parce qu'au moyen de manœuvres frauduleuses on lui
a fait croire qu'elle était mariée, elle a droit au quart des
biens de l'auteur de la grossesse, même dans le cas où il
y aurait empêchement de mariage entre elle et son séduc-
teur. De même si une fiancée se trouve enceinte et que son
fiancé lui refuse le mariage, elle a le droit d'invoquer le
bénéfice des art. 786 à 808 du Landrecht (2e part., tit. 1).
Mais si le refus du fiancé repose sur un fait qui, dans le
mariage, aurait autorisé le divorce ou si le refus provient
de la fiancée qui ne peut opposer à son fiancé aucun fait
semblable, les art. 786 à 808 ne s'appliquent plus. Il y a
aussi des cas où une fille ou veuve ne peut se faire payer
de ses frais de couche et de baptême : si pendant le temps
correspondant à celui de la grossesse elle a cohabité avec
plusieurs hommes; toutes les fois qu'elle est de mœurs
douteuses, comme si elle s'est donnée à prix d'argent ; si
elle a été déjà précédemment enceinte; si pendant son ma-
riage elle a commis un adultère ; si elle a cohabité avec un
homme moins âgé qu'elle et mineur de vingt ans. L'action
donnée à toute fille ou veuve contre l'auteur de la grossesse
se prescrit par deux ans à partir de l'accouchement. Si l'au-
teur de la grossesse a changé de domicile pendant ce temps,
le délai de la prescription reste suspendu tant que la fille
n'a pas découvert le nouveau domicile, et celle-ci n'en con-
tinue pas moins à avoir le droit d'agir devant le tribunal du
premier domicile (loi du 24 avr. 1854, art. 10 et 11). La
loi présume que celui-là est l'auteur de la grossesse qui a
cohabité avec la mère entre les 210e et 285e jours qui ont
précédé la naissance. On pourrait toutefois admettre que
celui-là est le père qui a cohabité avec la mère à une époque
plus rapprochée de la naissance si les gens de l'art reconnais-
saient que la grossesse a duré moins longtemps qu'à l'or-
dinaire et que le commencement de cette grossesse corres-
pond à l'époque de la cohabitation. Chaque partie, la mère
et le prétendu père, peut prêter serment sur le fait de la
cohabitation et sur son époque, soit spontanément, soit sur
la demande de l'autre, soit sur la délation faite par le juge,
sauf au tribunal à se décider suivant sa conviction ; mais
la prestation de serment ne fait pas nécessairement preuve,
d'autant plus qu'il peut exister deux serments contradic-
toires. Le refus de prestation de serment est un élément
de preuve encore plus fort que le serment prêté. Les
preuves dont on vient de parler sont admises aussi bien
dans le cas où l'action est intentée au nom de l'enfant que
quand elle l'est par la femme, mais l'enfant naturel ne
peut invoquer des droits sur la succession de son père
qu'autant qu'il présente un acte de reconnaissance authen-
tique ou un jugement rendu du vivant du défunt et consta-
tant sa paternité. La preuve de la filiation naturelle est
ainsi plus difficile au point de vue des droits de succession
qu'en ce qui concerne la dette alimentaire. L'action en
reconnaissance de paternité naturelle, éteinte par la mort
du père, d'après le Landrecht, peut aujourd'hui être inten-
tée contre ses héritiers par la mère ou par l'enfant, mais
sans produire alors aucun droit de succession.
En Bavière, les différentes législations en vigueur sur
la filiation des enfants naturels peuvent se ramener à trois
groupes : 4 ° dans le ressort de l'ancien évêché de Bam-
berg et à Rothenbourg, on applique un code spécial de
1792 ; 2° dans les ressorts où le droit prussien est en
vigueur, on l'observe, à moins qu'il n'y soit dérogé par des
statuts locaux ; 3° dans les autres parties de la Bavière,
on se soumet au droit commun allemand, à moins de statuts
locaux contraires. L'ensemble des dispositions observées
en Bavière peut se résumer ainsi : la maternité naturelle
s'établit comme la maternité légitime; elle donne naissance
à une dette alimentaire et aussi à des droits de succession,
mais ceux-ci sont moins avantageux qu'en Prusse et, en
général, les enfants naturels sont exclus par les enfants
légitimes. L'action en recherche de la paternité appartient
à la mère et à l'enfant. Il faut prouver la cohabitation
pendant le temps qui correspond à celui de la grossesse et
on applique à cet égard la présomption légale sur la
durée de la grossesse, tantôt celle du droit commun alle-
mand, tantôt celle du code prussien, selon les contrées,
dans le ressort de l'ancien évêché de Bamberg celle éta-
blie par le code de 1792 (182 à 330 jours). On peut
prouver par tous moyens que le prétendu père a cohabité
pendant ce temps avec la mère ; la reconnaissance faite
par lui avant le procès vaut comme aveu extrajudiciaire,
mais on ne tient aucun compte des déclarations qui ont pu
être faites par la mère. Il suffit d'établir d'une manière
générale la cohabitation pendant ce temps; mais il en
serait autrement si l'on prétendait qu'il y a eu seulement
des relations intimes. La seule preuve de la cohabitation pen-
dant le temps correspondant à la grossesse fait présumer
la paternité, à moins que des faits certains ne viennent
établir l'impossibilité de cette paternité; mais on ne consi-
dère comme telles ni la constitution physique de l'enfant
qui paraît né avant ou après le terme normal, ni la croyance
de la mère qu'elle était déjà enceinte avant la cohabitation
avec le défendeur, ni la reconnaissance de paternité faite
par un tiers. On a autrefois beaucoup controversé sur le
point de savoir s'il est possible d'agir en recherche de
paternité lorsque la mère de l'enfant est une femme ma-
FILIATION
458
riée ; mais il parait aujourd'hui admis sans difficulté que
cette action ne peut être autorisée que dans les cas où
Ton a constaté l'impossibilité de la paternité du mari.
Le principes du droit saxon, écrits dans un code récent,
sont plus précis. D'après Fart. 4860 de ce code, celui qui
a cohabité avec une femme mariée pendant le temps qui
correspond à l'époque de la conception, n'est considéré
comme père de l'enfant qu'autant que pendant le même
temps le mari n'a pas cohabité avec sa femme. Le code
saxon ne parle pas de la preuve de la maternité naturelle;
celle-ci s'établit comme la maternité légitime. Il permet la
recherche de la paternité naturelle, non seulement à l'en-
fant, mais même à la fille pour obliger l'auteur de la gros-
sesse à payer les frais de naissance et de baptême et pour
le faire contribuer aux dépenses d'éducation de l'enfant.
La loi établit même une présomption de paternité contre
celui qui a cohabité avec la fille ou la femme entre le
482e et le 302e jour antérieurs à l'accouchement. Si pen-
dant ce temps la fille ou la femme avait cohabité avec plu-
sieurs hommes, tous seraient codébiteurs solidaires des
dettes que la loi met à la charge de l'auteur d'une gros-
sesse (art. 4858, 4859, 4872). Toutefois, quand la mère
veut agir pour contraindre le prétendu père à contribuer
à l'entretien de l'enfant, elle ne peut le faire qu'avec l'au-
torisation du tribunal des tutelles ; mais alors ce qui est
jugé pour ou contre elle, a aussi, en principe, autorité de
chose jugée vis-à-vis de la mère. Le code saxon s'occupe
longuement de la part contributoire du père aux dépenses
de l'enfant naturel. Nous nous bornons pour ces détails
à renvoyer au texte même de la loi (V. art. 4864 et suiv.)
En nous occupant de la filiation naturelle, nous avons
par cela même constaté que la filiation adultérine peut être
assez souvent prouvée dans ce pays et qu'on y permet
même, dans certains cas, la recherche de cette filiation.
En Prusse, les enfants nés de mariages prohibés pour
cause de parenté, d'alliance, d'existence d'une précédente
union, ou contractés entre personnes qui ne peuvent se
marier l'une à l'autre parce qu'elles ont été cause d'un
divorce, n'en ont pas moins, vis-à-vis de leur père et
mère et entre eux, la même situation que les enfants légi-
times et, dès lors, leur filiation s'établit comme celle des
autres enfants ; mais ces enfants n'entrent pas dans la
famille de leur père ni dans celle de leur mère, et les parents
qui leur ont donné le jour n'ont aucun droit sur eux, si ce
n'est ceux qu'on considère comme une conséquence du devoir
d'éducation (Landrecht, 2e part., tit. 2, art. 50 à 56).
Le code civil autrichien traite comme légitimes les en-
fants nés depuis le commencement du septième mois du
mariage ou au plus tard dans le dixième mois qui a suivi
la dissolution du mariage (art. 438). Le mari peut toute-
fois toujours désavouer l'enfant né dans ces conditions; la
loi ne limite pas les cas de désaveu. Il suffit que le mari
prouve d'une manière quelconque l'impossibilité de sa pa-
ternité ; ainsi l'action en désaveu pourrait être fondée
sur l'impuissance naturelle. Mais l'adultère de la iemme et
l'aveu de la mère que l'enfant est illégitime ne suffisent
pas pour enlever à l'enfant sa qualité d'enfant légitime
(art. 458). L'action en désaveu dirigée contre l'enfant né
et conçu pendant le mariage n'appartient qu'au mari : il doit
l'intenter contre un curateur ad hoc et dans les trois mois
à partir du jour où il a connu la naissance (art. 458). Si le
mari meurt dans ce. délai de trois mois, ses héritiers, dont
les droits sont menacés, peuvent intenter Faction, et la loi
leur donne trois mois du jour de la mort du mari (art. 459).
L'enfant né avant le septième mois de mariage peut être
désavoué par le mari, à moins qu'il n'ait connu la gros-
sesse avant le mariage; l'action doit être intentée dans les
trois mois du jour où le mari a connu la naissance (art. 4 56).
L'enfant né après le dixième mois depuis la dissolution du
mariage est illégitime (art. 438). Toutefois, quand la légi-
timité d'un enfant est contestée à cause de sa naissance
prématurée ou tardive," on peut toujours établir la légiti-
mité de l'enfant par l'expertise des gens de Fart qui, après
un mûr examen de l'état de la mère et de celui de l'enfant,
expliqueraient la cause de cette grossesse extraordinaire
(art. 457).
Quant à la preuve de la filiation naturelle, le code autri-
chien est tout particulièrement facile. La recherche de la
paternité naturelle est permise sans aucune restriction.
Tout aveu, même extrajudiciaire, en une forme quelconque,
de paternité naturelle fait preuve. Toutefois, l'inscription
du père sur le registre des naissances ou sur celui des bap-
têmes ne constitue une preuve qu'autant qu'elle est faite
avec le consentement du père et que ce consentement est
constaté par le double témoignage du curé et du parrain
avec l'attestation que lé père leur est personnellement
connu. Il y a même un cas où la paternité naturelle est
présumée : c'est celui d'un homme qui vit maritalement
avec une fille ou une veuve, si l'enfant naît au plus tôt
dans le septième mois et au plus tard dans le dixième
mois de cette cohabitation (art. 463 et 464). Le code civil
autrichien ne parle pas de la preuve de la maternité natu-
relle; c'est qu'il n'existe, sous ce rapport, aucune diffé-
rence avec la maternité légitime.
En Angleterre, la preuve de la filiation légitime n'est,
à proprement parler, soumise à aucune règle précise ; elle
résulte le plus souvent de l'acte de naissance et de la pos-
session d'état ; mais les autres moyens de preuve ne sont
pas exclus et il est toujours permis de combattre l'acte de
naissance par toute espèce de moyens. La loi s'en rap-
porte avant tout à la sagesse de la justice. Ainsi des décla-
rations faites en famille, des expressions insérées dans un
testament, des écrits quelconques, des inscriptions gra-
vées sur des objets qui sont des souvenirs de famille, sur
un tombeau, sur une Bible, un tableau généalogique con-
servé dans un manoir, la simple tradition, peuvent servir à
établir une filiation légitime, et réciproquement il est tou-
jours permis de répudier la filiation en possession de la-
quelle on se trouve pour en réclamer une autre. L'action
en réclamation d'état est imprescriptible, tant en faveur
d'un enfant qu'à l'égard de ses héritiers ; seulement, après
l'expiration des délais fixés par les statuts, l'enfant ne
peut plus réclamer les biens qu'un tiers a possédés pen-
dant le temps déterminé par la loi pour l'acquisition de la
propriété. Pour qu'un enfant soit légitime, il n'est pas
nécessaire, en Angleterre, qu'il soit à la fois conçu et né
pendant le mariage ; une seule de ces deux conditions suf-
fit. Ainsi l'enfant conçu avant le mariage n'en naîtra pas
moins légitime si ses parents se marient avant sa naissance.
Mais le droit anglais n'a jamais accepté la légitimation par
mariage subséquent de l'enfant conçu et né avant le
mariage, en partie en haine du droit romain, en partie pour
décider ceux qui ont eu des relations illégitimes à les ré-
gulariser au plus vite. La loi anglaise admet d'ailleurs
une présomption de légitimité au profit de tous les enfants
nés pendant le mariage ; mais, comme en droit romain,
c'est là une simple présomption de fait, qui peut être com-
battue par toute espèce de moyens de preuve et par toute
personne intéressée, tandis qu'en France, on s'en sou-
vient, Faction en désaveu est soumise à de nombreuses
restrictions. Le plus souvent Faction sera intentée par le
mari qui invoquera l'impossibilité physique de cohabitation,
par exemple son absence hors du royaume, ou bien encore
son impuissance, la séparation de corps, l'adultère public
de sa femme ; mais d'ailleurs les jurisconsultes anglais ne
citent ces faits qu'à titre d'exemple et en réalité Faction en
désaveu est permise à toute personne, en tout temps et
pour toutes sortes de causes. On ne redoute pas les abus
parce que les tribunaux jouissent d'une grande liberté qui
leur permettra d'écarter les demandes manifestement mal
fondées ou inutilement scandaleuses. La loi ne fixe pas non
plus de présomption, pour la durée des grossesses. Au sur-
plus, on s'en souvient, l'enfant né trop tôt pour avoir été
conçu pendant le mariage n'en naît pas moins légitime, et
l'enfant né après la dissolution du mariage est également
présumé légitime, à moins que sa naissance n'ait eu lieu à
- 459 -
FILIATION
une époque si éloignée de la dissolution du mariage, que la
conception pendant le mariage soit manifestement impos-
sible. Mais, en l'absence de présomptions légales, on aban-
donne à la sagesse des juges la question de savoir si la
conception a pu ou non avoir lieu pendant le mariage. Con-
formément à un ancien usage assez semblable à celui des
Romains, lorsqu'une veuve est soupçonnée de simuler une
grossesse pour introduire dans la succession un étranger,
l'héritier présomptif peut obtenir de la justice un ordre de
ventre inspiciendo. La femme est examinée ; si elle est
reconnue enceinte, il peut être statué sur sa surveillance
jusqu'à l'époque de sa délivrance». Dans le cas contraire,
l'héritier est envoyé en possession, sauf à restituer la suc-
cession si l'on s'était trompé et si un enfant venait à naître
dans les quarante semaines de la mort du mari. Quand une
veuve se remarie moins de neuf mois depuis la dissolution
de son précédent mariage et qu'elle met au monde un enfant
dans les premiers mois de sa nouvelle union, comme il
n'est pas possible de savoir quel est celui des deux maris
auquel il faut attribuer l'enfant, celui-ci a le droit de choisir,
à sa majorité, entre l'ancien et le nouveau mari.
Le droit anglais en est resté, pour la preuve et les effets
de la filiation naturelle, à des principes semblables à ceux
de notre ancien droit français, notamment de la coutume
de Normandie (pour l'ancienne coutume de Normandie,
V. Terrien, liv. II, chap. m, et pour la nouvelle cou-
tume, les art. 275 et 276 de cette coutume). D'après
l'art. 7 de l'acte du 7 août 4 874 sur les actes de l'état
civil, nul n'est tenu de faire la déclaration d'une nais-
sance illégitime en qualité de père de l'enfant, et le regis-
trar ne doit inscrire le nom du père qu'autant que celui-ci
et la mère le requièrent formellement ; ils doivent alors
aussi tous deux signer l'acte. Sauf cette exception, l'acte
ne renferme que l'indication de la mère. La preuve de
la maternité naturelle résulte donc presque toujours de
l'acte de naissance, mais elle peut encore être faite de
toute autre manière. Quant au père, sa reconnaissance
établit vis-à-vis de lui la filiation naturelle et autorise l'en-
fant à porter son nom. Lorsque le père ne se fait pas volon-
tairement connaître, il peut être recherché par la mère,
mais sous certaines conditions. La filiation naturelle ainsi
établie ne produit d'ailleurs pour les parents que des effets
très limités, comme nous aurons occasion de le constater
bientôt. Quant à la filiation adultérine ou incestueuse, la
loi anglaise refuse de la reconnaître et, dès lors, elle ne
produit aucun effet. La mère naturelle est chargée de la
garde de l'enfant, de préférence au père putatif ; c'est elle
qui doit l'élever et le soutenir tant qu'elle ne se marie pas
et jusqu'à ce que l'enfant ait atteint seize ans ou se soit
établi, ou, s'il s'agit d'une fille, jusqu'à ce qu'elle se soit
mariée. Avant 1835, la mère pouvait toujours mettre à la
charge du père tout ou partie des dépenses d'entretien ; il
lui suffisait, pour prouver la paternité, d'en faire l'affirma-
tion sous serment. Ce système, analogue à celui de notre
ancien droit, produisait les désordres dont on s'était plaint
aussi dans notre ancienne France. Cette coutume, écrit Léon
Faucher dans ses études sur l'Angleterre, avait donné lieu
à des abus inimaginables ; les jeunes filles spéculaient sur la
protection dont la loi couvrait leurs désordres, se livraient
au premier venu dans l'espoir d'obtenir, à défaut de ma-
riage, une pension alimentaire ; les plus éhontées trafi-
quaient même de ce pouvoir de dénonciation et levaient des
contributions sur les jeunes gens en les menaçant, pour le
cas où ils ne se rachèteraient pas du péril, de les désigner
aux magistrats. En 4835, le Parlement mit un terme à ces
abus en décidant que la simple allégation de la mère sous
serment ne suffirait plus, qu'il faudrait encore d'autres
preuves sérieuses, enfin, et c'est là l'innovation la plus
grave, que la recherche ne serait plus autorisée qu'en cas
d'indigence de la mère et que l'action serait alors intentée,
non plus par la mère, mais par la paroisse sur son indica-
tion. En effet, lorsqu'une mère ne se trouve pas en état
d'élever son enfant, celui-ci tombe à la charge de la pa-
roisse, laquelle a dés lors grand intérêt à rechercher la
paternité. Cette loi a plutôt déplacé le mal qu'elle ne l'a
supprimé : les spéculations éhontées dont on se plaignait
ont persisté, mais seulement de la part des filles pauvres
qui, pour se procurer de l'argent, menaçaient de faire des
indications à la paroisse ; mais, d'un autre côté, les hommes
n'ont plus éprouvé aucune crainte toutes les fois que les
filles étaient en état d'élever leurs enfants et, dans ces
mêmes cas, ils n'ont plus été retenus par les dangers d'une
recherche de paternité. Aussi cette législation a-t-elle été
à son tour modifiée par un acte de 4872 qu'a complété un
acte de 4873.
Depuis cette loi, comme auparavant, la charge de l'en-
fant naturel pèse exclusivement sur la mère tant qu'elle reste
célibataire ou veuve, si sa fortune lui permet de pourvoir
à l'entretien et à la subsistance de son enfant et jusqu'à
ce que celui-ci ait atteint l'âge de seize ans ou soit capable
de gagner sa vie ; mais, si la mère se marie, son époux par-
tage cette charge tant que dure le mariage. Si la mère ne
soutient pas son enfant alors qu'elle peut le faire et si l'en-
fant tombe en conséquence à la charge de la paroisse, elle
peut être punie conformément à l'acte sur le vagabondage.
La mère, fille ou veuve, est-elle hors d'état d'entretenir
son enfant naturel, la loi de. 4872 lui rend .le droit d'agir
contre le père pour le contraindre à l'entretien de l'en-
fant. Mais son action doit être intentée avant la naissance
ou dans les douze mois qui la suivent. Si le père conteste,
la preuve de la paternité peut être faite ; mais la loi nou-
velle se montre, sous ce rapport, moins facile qu'on ne l'était
autrefois. La femme est tenue de faire sa déclaration sous
serment, devant un commissaire délégué, et elle est menacée
de peines sévères pour le cas où cette déclaration serait
plus tard reconnue fausse. En outre, le serment de la femme
ne suffit pas à lui seul pour faire preuve ; il faut encore
d'autres témoignages ou un commencement de preuve par
écrit. De son côté, l'homme mis en cause peut, par tous
moyens, prouver qu'il n'est pas le père, notamment en éta-
blissant que la femme avait des relations avec d'autres. Si
le juge estime que le défendeur est bien le père de l'enfant,
il le condamne à payer une pension hebdomadaire pour,
subvenir à ses dépenses jusqu'à ce que l'enfantait atteint
l'âge de treize ans. Le juge peut même porter la limite d'âge
à seize ans, suivant les circonstances. La loi fixe elle-même
le montant de l'allocation due par le père, 5 schillings par
semaine, 325 fr. par an. C'est un prix fixe. L'ordre du
juge est garanti par les moyens de contrainte suivants :
dénonciation, à défaut de payement, à un juge de paix qui
renvoie, s'il le faut, à deux juges pour obtenir un warrant
de saisie et de vente des biens, meubles et chattels ; en cas
d'insuffisance et à défaut de garantie, warrant de con-
trainte par corps et dépôt dans une maison de correction .
Si la mère indigente néglige de poursuivre le père pour
une cause ou pour une autre, par insouciance, par dignité
ou pour tout autre motif, l'enfant est alors adopté par la
paroisse, mais celle-ci peut contraindre la mère à réclamer
au profit de la paroisse l'indemnité légale. Telle qu'elle est,
cette loi anglaise présente de curieuses particularités. Elle
ne supprime pas le chantage des femmes intrigantes ou
autres, mais elle le rend certainement plus difficile. Que
penser toutefois de cette allocation fixe de 325 fr. par an, de
ce prix fixe attaché à la paternité naturelle ? Cette disposi-
tion tient à ce que l'on craint que la paternité ne soit pas
solidement établie. C'est là le côté faible de la loi. Si la
paternité n'est pas bien prouvée, il ne faut lui attribuer
aucun effet ; si elle est certaine, ses effets ne doivent pas
se limiter à 325 fr. par an. D'ailleurs, une fois l'entre-
tien de l'enfant assuré au moyen d'une somme invariable,
la même pour tous, quelle que soit la condition sociale
des parents, la [loi anglaise ne se préoccupe plus de l'en-
fant naturel que pour l'exclure de la famille et le frapper
d'une série d'incapacités : il ne peut porter ni le nom de
son père, ni celui de sa mère ; étranger à toute famille, il
n'hérite de personne et ne peut avoir d'autres héritiers
FILIATION
460
ab intestat que ses enfants légitimes ; il n'est même pas
appelé à la succession de ses père et mère, et ceux-ci n'ont
aucun droit sur ses biens ; s'il acquiert un fief, cette terre,
tant qu'elle se trouve entre ses mains, perd ce caractère
au point de vue successoral et précisément parce qu'il ne
peut pas transmettre à d'autres, par succession ab intes-
tat, qu'à ses descendants légitimes ; s'il meurt sans des-
cendants légitimes et sans avoir disposé du fief par testa-
ment, ce bien retourne au suzerain, le plus souvent à la
couronne. D'ailleurs, comme il est étranger à ses parents,
il n'a pas besoin de leur consentement pour se marier et,
d'une manière générale, il échappe à leur autorité. La
parenté naturelle ne produit effet que comme empêchement
de mariage entre parents à un degré rapproché. Les père
et mère naturels ne pourraient même pas, s'ils le voulaient,
faire sortir leur enfant de cette triste situation, ni lui con-
férer la qualité d'enfant légitime au moyen de la légitima-
tion par mariage subséquent, car le droit anglais, on le
sait, n'admet pas cette institution. Le principe de la liberté
testamentaire seul leur permet de disposer librement au
profit de leur entant naturel, tandis qu'en France l'en-
fant naturel ne peut pas recevoir, par donation ou testa-
ment de ses père et mère, plus que la loi ne leur attribue
dans la succession ab intestat^ (C. civ., art. 908).
Il n'est pas sans intérêt de rapprocher de la législation
anglaise celle du code civil du Bas-Canada (art. 21 8 à 237).
La présomption de paternité dfu. mari et celle qui concerne
la durée de la grossesse sont consacrées par le code cana-
dien dans les mêmes termes que par notre loi. L'enfant né
et conçu pendant le mariage peut être désavoué en cas
d'adultère de la femme s'il y a eu en même temps recel de
l'enfant. Le mari peut encore désavouer l'enfant : pour
cause d'impuissance, naturelle ou accidentelle, pourvu
qu'elle soit postérieure au mariage ; en cas d'éloignement
ou de tout autre fait rendant la cohabitation impossible. Il
n'y a, dans le code canadien, aucune disposition semblable
à celle qui a été introduite chez nous par la loi du 6 déc.
4850. L'enfant né moins de 180 jours depuis le mariage
peut être désavoué par le mari, mais cette action en désaveu
est soumise aux mêmes fins de non-recevoir que chez nous.
Quant à l'enfant né depuis plus de 300 jours depuis la disso-
lution du mariage, il est nécessairement illégitime : la loi du
Canada n'a pas reculé, comme la nôtre, devant la conséquence
logique de la présomption d'après laquelle une grossesse
ne peut pas durer plus de 300 jours. Quant à la durée de
l'action en désaveu et aux personnes qui peuvent l'intenter,
le code du Canada a reproduit les dispositions de notre code,
sauf que l'action dure toujours deux mois, même lorsque le
mari est sur les lieux au moment de la naissance. Les art. 228
à 237 du code canadien, relatifs à la preuve de la filia-
tion légitime par l'acte de naissance et par la possession
d'état, sont la reproduction pour ainsi dire textuelle de nos
art. 349 à 326, 328 à 331. Ces simples indications rela-
tives à la législation du Bas-Canada suffisent pour montrer
combien le droit civil de ce pays s'éloigne de celui de l'An-
gleterre et se rapproche du nôtre, tant il est vrai de dire
que l'influence française persiste et se perpétue d'âge en
âge dans ce pays, même depuis qu'il a été séparé de son
ancienne mère patrie.
Toutefois le système du droit anglais, plus conforme d'ail-
leurs à notre ancien droit que celui du code civil français,
l'a emporté dans le code canadien de 4866 (art. 240 et 241)
pour ce qui concerne la filiation naturelle. Ce code admet
la reconnaissance d'enfant naturel et la possession d'état ;
il autorise la recherche de la paternité et de la maternité,
mais la preuve par témoins n'est permise qu'autant qu'il
existe un commencement de preuve par écrit ou que les
présomptions ou indices résultant de faits constants sont
assez graves pour en déterminer l'admission.
La loi russe attribue la qualité d'enfant légitime : à ceux
qui sont nés et conçus pendant le mariage ; à ceux qui
naissent avant le 480e jour depuis la célébration du mariage,
pourvu que le mari ne les désavoue pas ; à ceux qui sont
nés depuis la dissolution du mariage, pourvu qu'il ne se soit
pas écoulé, depuis cette dernière époque jusqu'à celle de
leur naissance, plus de 306 jours. Le code des provinces
baltiques modifie un peu ces règles ; il répute conçu pendant
le mariage, et comme tel légitime jusqu'à preuve contraire,
l'enfant né après le 182e jour depuis la célébration du ma-
riage, ou avant l'expiration du dixième mois qui suit la
dissolution. La loi polonaise de 4825 reproduit les prin-
cipes de notre code civil; elle ajoute seulement que le mari
ne peut pas désavouer en alléguant son impuissance. La loi
russe permet aussi le désaveu, mais au profit du mari
seul. Il peut contester la légitimité d'un enfant né pen-
dant le mariage, à charge par lui de prouver que pendant
tout le temps auquel peut se rapporter la conception,
c.-à-d. pendant 306 jours avant la naissance, il lui a été
impossible, pour cause d'absence, de cohabiter avec sa
femme. Si le mari avait signé l'inscription sur le registre
matricule constatant que l'enfant est né légitime, il ne
pourrait plus le désavouer. De son côté, la mère de l'enfant
né pendant le mariage ne peut pas déclarer qu'il est illé-
gitime, à moins que, dans le cours d'une poursuite déjà
commencée, cette déclaration ne lui soit demandée par la
justice pour corroborer, par l'aveu de sa faute, les épreuves
déjà fournies. Quant à l'enfant né avant le 480e jour
du mariage, il peut toujours être désavoué, mais l'action
serait écartée si l'on prouvait contre le mari qu'il a
reconnu l'enfant comme sien d'une manière expresse ou
tacite. L'action en désaveu dirigée contre l'enfant né pen-
dant le mariage, doit être intentée dans le délai d'un
an ou dans celui de deux ans, suivant que le mari se trou-
vait dans l'empire ou hors des frontières au moment de la
naissance. Si cette naissance lui avait été cachée, le délai
ne commencerait à courir qu'à partir du jour où le mari
aurait été informé d'une manière authentique de la nais-
sance de l'enfant. Lorsque le mari meurt avant cette nais-
sance ou dans les délais pour agir en désaveu, le droit de
contester la légitimité de l'enfant passe à ses héritiers, à
moins qu'avant sa mort il n'ait renoncé à son action. Les
héritiers sont obligés, à peine de déchéance, de commencer
les poursuites dans les trois mois du jour du décès du mari
ou du jour de la naissance si l'enfant est né après le décès
du mari ; en outre, ils doivent prouver que le mari n'avait
pas pu intenter l'action en désaveu parce qu'il avait ignoré
l'existence de cet enfant ou qu'il l'avait connue peu de jours
seulement avant sa mort. Quant à l'enfant né plus de
306 jours depuis la dissolution du mariage, sa légiti-
mité peut être attaquée dans les six mois de sa naissance
par tous ceux qui ont intérêt à la contester. La preuve
ordinaire de la légitimité résulte de certificats délivrés aux
particuliers par les autorités ecclésiastiques d'après les re-
gistres matricules. S'il est impossible de se procurer ces
certificats parce que les registres ont été détruits ou pour
toute autre cause, ou si certaines circonstances font naître
des doutes sur leur exactitude, on peut admettre comme
preuves de la légitimité de la naissance les lettres de con-
fession, les registres généalogiques, ceux de bourgeoisie,
les états de service des parents, les états de recensement.
Ces preuves peuvent être complétées par les témoignages :
il faut toutefois au moins deux témoins de bonne vie et
mœurs. Parmi les témoins, on devra comprendre autant
que possible le curé de la paroisse ou l'ecclésiastique qui a
baptisé, les desservants qui assistaient au baptême, le
parrain. Au reste, les déclarations de ces témoins ne sont
reçues comme preuve de la légitimité qu'autant qu'elles
concordent avec les autres renseignements fournis par l'ins-
truction.—L'enfant légitime qui n'est pas en possession de
cette qualité peut la réclamer en tout temps ; son action est
imprescriptible. S'il décède avant sa majorité ou avant la
fin du procès, ses héritiers peuvent commencer ou conti-
nuer les poursuites, mais à leur égard l'action est sou-
mise aux règles ordinaires de la prescription, laquelle s'ac-
complit par dix ans ; dans les autres cas, l'action est
refusée aux héritiers. Le code des provinces baltiques, plus
complet que le svod, s'occupe longuement des enfants nés
après la dissolution du mariage par le divorce ou par la
mort du mari, des enfants nés de mariages putatifs ou de
fiançailles régulières. Lorsque la femme, après le divorce,
déclare à son ancien mari, dans les 30 jours du jugement,
qu'elle est enceinte, cet ancien mari a le droit de la faire
examiner et surveiller à ses frais par l'autorité civile com-
pétente ; s'il garde le silence, il est censé se reconnaître
l'auteur de la grossesse, à la condition que l'enfant naisse
dans les délais légaux ; mais l'ancien mari peut faire tomber
cette présomption de légitimité. La femme omet-elle de
notifier sa grossesse, ou refuse-t-elle de se laisser exami-
ner, l'enfant ne naît pas légitime ; mais il est admis à
intenter l'action en réclamation de légitimité. Les solutions
sont les mêmes pour le cas où le mariage a pris fin par la
mort du mari, sauf que celui-ci est remplacé par ses plus
proches parents, auxquels la veuve qui se sait enceinte
doit faire les déclarations dont on vient de parler. Il pour-
rait arriver, en sens inverse, qu'après le divorce, l'ancien
mari soutînt que celle qui était sa femme est enceinte et
que celle-ci le niât ; le juge a le droit, dans ce cas, d'or-
donner l'examen de la femme et, si de cet examen résulte
l'absence de toute grossesse, la femme peut actionner son
ancien mari pour injure grave, à moins qu'elle n'ait été
cause de son erreur. — Le code des provinces baltiques et
la loi polonaise considèrent comme légitimes les enfants nés
de mariages putatifs, pourvu que l'un des deux époux au
moins ait été de bonne foi ; la loi russe préfère dans ces
circonstances abandonner la question à l'appréciation sou-
veraine de l'empereur , qui peut accorder aux enfants ,
suivant les cas, tout ou partie des avantages de la légiti-
mité. — Tandis que, d'après la loi polonaise et la loi
russe, les enfants nés de fiançailles sont considérés comme
enfants naturels, le code des provinces baltiques, conforme
sous ce rapport aux anciennes coutumes germaniques,
considère ces enfants comme légitimes si leurs parents con-
tractent ensuite mariage ou si la fiancée déshonorée est
assimilée par une sentence judiciaire à l'épouse divorcée de
son séducteur (art. 448). Le code baltique confère aussi le
bénéfice de la légitimité à l'enfant d'une jeune fille qui s'est
laissée séduire par une promesse de mariage. Tous ses enfants
suivent la condition du père dont ils portent le nom. La loi
polonaise veut que l'enfant de la fiancée soit illégitime et, si
le fiancé refuse d'épouser sa fiancée pour légitimer l'enfant,
il encourt la peine de l'emprisonnement et est tenu de fournir
une pension alimentaire à l'enfant et même à la fille si elle
n'est pas en état de subvenir à ses dépenses. — Le svod con-
sidère comme enfants illégitimes : 1° ceux qui sont nés hors
mariage, lors même que leur père et leur mère se seraient
ensuite mariés ensemble; en d'autres termes, la loi russe
ne connaît pas la légitimation par mariage subséquent,
mais elle admet la légitimation par décision impériale ;
2° ceux qui sont nés d'un commerce adultérin ; 3° ceux
qui sont nés après la mort du mari ou après la dissolution
du mariage par le divorce, lorsque, depuis le jour du décès
ou de la dissolution du mariage jusqu'à la naissance de l'en-
fant, il s'est écoulé plus de 306 jours ; 4° ceux qui sont
nés d'un mariage qui, par une sentence formelle d'un tri-
bunal ecclésiastique, est déclaré nul et illégal. Mais, dans
ce dernier cas, lorsque l'un des époux a été entraîné au
mariage par ruse ou par violence, le tribunal peut sou-
mettre le sort des enfants à l'attention particulière de
l'autorité souveraine et l'empereur a le droit, comme nous
l'avons déjà dit à propos des mariages putatifs, de conférer
à ces enfants tout ou partie des avantages de la légitimité.
— A proprement parler, la loi russe ne s'occupe pas de la
condition de l'enfant naturel. Il n'a en réalité ni père ni
mère connus si ses parents appartiennent à la noblesse, et
il est même interdit à ses parents de le reconnaître. Pour
les autres classes de la société, on admet la reconnais-
sance de la mère, mais non celle du père ; celui-ci peut,
toutefois, adopter son enfant naturel. — Le code des pro-
vinces baltiques déclare naturels : les enfants nés de
— 461 — FILIATION
parents qui ne sont pas mariés ; ceux qui sont nés d'un
mariage contracté de mauvaise foi par les deux époux ;
ceux qui sont nés avant le 182e jour du mariage et que
le mari a désavoués ; ceux qui sont nés plus de 10 mois
après la dissolution du mariage. D'ailleurs, la reconnais-
sance des enfants naturels est admise . La preuve de la
paternité naturelle peut, en outre, résulter d'un jugement
constatant que le père a cohabité avec la mère entre le
10e mois et le 182e jour avant la naissance. Mais cette
présomption de paternité peut être combattue. D'ailleurs,
l'enfant naturel ne porte jamais le nom de son père ; il
peut prendre celui de sa mère ou tel autre qui lui con-
vient, pourvu que ce ne soit pas celui d'une famille noble.
Le père est seulement tenu d'élever son enfant naturel
en concours avec la mère. A défaut du père, la charge
retombe tout entière sur la mère et ses ascendants. Mais
le code des provinces baltiques se montre très sévère contre
le séducteur, même s'il ne s'est produit aucune grossesse :
il l'oblige à épouser sa victime ou à la doter selon sa con-
dition, à moins que la fille n'ait eu des relations avec
d'autres hommes avant ou depuis la séduction, ou qu'elle
n'ait reçu une rémunération ou enfin qu'elle ne refuse le
mariage qui lui est offert. De même, lorsqu'une cohabitation
a eu lieu entre fiancés, la femme a une action pour con-
traindre l'homme à contracter mariage et, si le fiancé refuse
le mariage, au bout de trois mois, le tribunal peut attribuer
à la fiancée la qualité d'épouse divorcée avec les avantages
attachés à ce titre. — La loi polonaise du 23 juin 1825
reproduit en général le système de notre code civil. Ainsi, elle
prohibe la recherche de la paternité naturelle, sauf dans le
cas d'enlèvement. Toutefois, l'enfant naturel, né de fian-
çailles régulières qui n'ont pas été suivies de mariage, peut,
d'après une loi polonaise de 4836, réclamer une pension
alimentaire à son père. Toutes les fois que la filiation na-
turelle est établie, elle oblige les parents à élever et à doter
leurs enfants.
Cette étude de législation comparée conduit aux résultats
suivants : toutes les législations étrangères admettent la
reconnaissance des enfants naturels, mais cette reconnais-
sance produit des effets plus ou moins étendus. Partout
aussi la recherche de la maternité est permise ; mais, dans
certains pays, elle est soumise à l'existence d'un commen-
cement de preuve par écrit (France, Belgique, Roumanie,
Bade) ; ailleurs, des indices graves suffisent (Italie, Po-
logne) ; enfin, un grand nombre de législations autorisent
la recherche de la maternité sans aucune condition (Angle-
terre, Autriche, Bavière, Prusse, Serbie, la plupart des
cantons de la Suisse). Pour la recherche de la paternité,
les législations sont divisées en deux classes opposées : les
unes admettent la recherche de la paternité (Angleterre,
Bavière, Prusse, Autriche, Norvège, la plupart des cantons
de la Suisse) ; les autres la prohibent et telle est la ten-
dance des législations étrangères les plus récentes (France,
Belgique, Genève, Pologne, Hollande, Italie, Serbie). Les
législations étrangères qui admettent comme notre ancien
droit la preuve de la filiation naturelle avec une grande
facilité ne lui font produire que des effets fort restreints et
placent les enfants naturels dans une situation presque tou-
jours très dure; celles qui se montrent très sévères, comme
notre code civil, pour la preuve de la filiation naturelle,
reconnaissent d'un autre côté, une fois la preuve faite, d'im-
portants effets à la filiation naturelle, et traitent les enfants
naturels avec un grand esprit d'équité. E. Glasson.
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— 469 —
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3 vol. in-8. — Guyard, Des Preuves de la filiation légitime;
Paris, 1871, in-8. — Acollas, le Droit de l'enfant né hors ma-
riage ; Paris, 1869, in-8. — De Castelnau, Des Enfants
naturels devant la famille et devant la société; Paris, 1865,
in-8. — Morelot, De la Reconnaissance des enfants illé-
gitimes ; Dijon, 1869, in-8. — Pitti Ferrandi, Recherches
sur la preuve de la filiation des enfants nés hors ma-
riage; Paris, 1869, in-8. — Jacquier, Des Preuves et de
la recherche de la paternité naturelle ; Grenoble, 1874,
in-8. — Allart, Des Enfants naturels ; Paris, 1878, in-8.
— Morillot, De la Condition des enfants nés hors ma-
riage ; Paris, 1865, in-8. — Seresia, De l'Acte de nais-
sance de l'enfant naturel ; Paris, 1868, in-8. — Ajoutez tous
les commentaires ou traités généraux sur le code civil,
notamment ceux de Toullier et Duvergier, Duranton,
Marcadé et Pont, Aubry et Rau, Laurent, Hue, etc.
Législations étrangères. Hue, le Code civil italien,
p. 85. — Pierantoni, DelV Azione di disconoscimento délia
proie; studio comparato di dirito civile; Bologne, 1872.
— Gett, Die Rechtswerhxltnisse der ausserehelichen
Geschlechts gemeinschaft sowie der unehelichen Kinder;
Berlin, 1854. — Glasson, Histoire du droit et des institu-
tions de l'Angleterre, t. VI, pp. 281 et 289. — Lehr, Elé-
ments de droit civil anglais, pp. 112 et 120. — Du même,
Eléments de droit civil russe, p. 70.
F1LICAJA (Lodovico di), poète et capucin italien du
xvie siècle, né à Florence. On lui doit trois ouvrages assez
singuliers, trois poèmes dont deux ne sont que la versifi-
cation de l'Evangile et des Actes des Apôtres : La Vita del
nostro Salvatore Gesu-Cristo (Venise, 4548, in-4); Gli
Atti degli Apostoli secondo San Luca (Venise, 4549,
in-fol.) ; le troisième est consacré à saint François d'As-
sise '.'Leggenda, etc. (Venise, 4549).
Bibl. : Negri, Istoria degli scrittori Rorentini ; Ferrare,
1722, in-fol.
FIL1CÂJA (Vincenzio da), poète italien, né à Florence
le 30 déc. 1642, mort le Ti sept. 1707. Sa vie se passa
presque tout entière dans sa ville natale, et la soudaine
renommée que lui valurent ses canzoni sur le siège de
Vienne par les Turcs en furent le seul incident. La répu-
tation de Filicaja dépassa dès lors et dépasse encore son
réel mérite. Néanmoins, en un siècle pas encore infertile,
il fut l'un des meilleurs poètes et l'on a conservé, non pas
son seul nom, comme il arrive, mais aussi telle de ses
oeuvres, ce fameux sonnet AU3 Italia, d'une très belle et
très noble mélancolie :
Italia, Italia, o tu, cui die la sorte
Dono infelice di bellezza...
Les quatorze vers de cette pièce firent croire à Macaulay que
l'auteur était le plus grand poète lyrique de l'Italie ; certes,
le patriotisme n'en a pas souvent inspiré de pareils, mais un
sonnet n'est jamais qu'un sonnet. Les œuvres de Filicaja
ont été publiées successivement : Poésie toscane (Florence,
1607, in-fol.); les mêmes, avec le Prose latine (Venise,
1747, 3 vol. in-12) ; Poésie e lettere (Florence, 1864,
in-32) ; Lettere inédite di V, Filicaja al conte Lorenzo
Magalotti, Premio e noie di Ferruccio Ferrari (Pise,
1885).
Bibl. : Nelli, Saggio di storia lelteraria fiorentina del
secolo XVII ; Lucques, 1759, in-4. — L. Etienne, Histoire
de la littérature italienne; Paris, 1875, in-16.
FILICINÉES (Bot.). Classe importante de Cryptogames
vasculaires, comprenant toute la série des Fougères, les
familles des Ophioglossées et des Marattiacées, parfois
réunis dans un même ordre , celui des Marattioïdées ;
enfin, les familles des Salviniacées et des Marsiliacées
qu'on peut réunir dans l'ordre des Hydroptéridées ou des
Rhizocarpées. Chez les Fougères et les Marattioïdées (Filici-
nées isosporées),les spores sont d'une seule sorte, donnant
naissance à autant de prothalles monoïques indépendants ;
mais, tandis que chez les Fougères et les Marattiacées, les
sporanges, généralement réunis en sores, naissent en grand
nombre sur des feuilles ordinaires ou différenciées, chez les
Ophioglossées ils sont enfermés dans le tissu de la feuille. Dans
les Salviniacées et les Marsiliacées (Filicinées hétérosporées),
les spores sont de deux sortes et produisent des prothalles
inclus, les grandes spores ou macrospores des prothalles
femelles, les petites ou microspores des prothalles mâles ;
ces prothalles rudimentaires ne s'échappent pas de la spore.
FILICIQUE (Acide) (Chim.).Fo™. j gj; g™"
^ Principe qui se dépose sous forme d'une poudre jau-
nâtre dans l'extrait éthéré de fougère mâle (Aspidium jidx
mas) ; on le lave à l'eau, puis à l'alcool éthéré, et on Je
fait cristalliser dans l'alcool. C'est une poudre cristalline,
d'un jaune clair, insoluble dans l'eau, peu soluble dans
l'alcool, davantage dans l'éther, facilement dans les huiles,
l'essence de térébenthine et le sulfure de carbone. Il fond
à 161° et se solidifie par le refroidissement sous forme
d'une masse amorphe. Fondu avec la potasse caustique, il
donne du butyrate de potassium et de la phloroglucine,
Ci2H606, ce qui l'a fait considérer par Grabowski comme
de la dibutyryle-phloroglucine. L'acide filicique donne avec
les bases^ des sels amorphes qui s'altèrent lentement à
l'air, rapidement sous l'influence de divers réactifs, comme
le chlore et l'acide sulfurique. Ed. Bourgotn.
• Bibl. : Grabowski, Soc. ch.3 1. IX, 390. — Luck, Jahresb.
der Ch.s 1851, 558.
FILIERE. I. Industrie. — Outil percé de trous de gros-
seur successivement décroissante au moyen duquel on étire
les fils métalliques (V. Fil de fer) . — On nomme aussi filière
l'outil destiné à former un filet de vis sur une tige métal-
lique. La filière n'est employée que pour les pièces de petites
dimensions, car lorsque la quantité de métal à enlever de-
vient plus importante, on obtient les filets au tour avec des
machines-outils (V. Filetage). Les filières sont en acier
très résistant ; leur tracé doit être particulièrement soigné.
On distingue deux sortes de filières : les filières simples et
les filières doubles. Les premières ne sont employées que
pour les vis de très faible diamètre; elles sont formées d'un
écrou pratiqué dans une planche d'acier au moyen d'un
taraud et qui a pris par la trempe une dureté suffisante
pour tarauder une tige en cuivre, en fer et même en acier
non trempé. On prend une planche d'acier d'épaisseur
variable et on y trace un grand nombre de trous de dia-
mètres différents ; on ne met généralement pas plus de deux
à trois filets dans les filières, car autrement cet outil serait
trop dur à conduire ; mais on ne doit pas non plus descendre
au-dessous de ce nombre qui est indispensable pour que la
filière soit bien guidée et ne s'use pas trop vite. Les trous
sont percés cylindriques ; seulement on enlève l'extrémité
du premier filet pour faciliter l'entrée de la pièce. Les filières
doubles se composent de deux coussinets taraudés fixés
solidement au centre d'un double levier qui prend le nom
de fût. Ces coussinets sont placés dans une rainure dans
laquelle on peut les écarter ou les rapprocher, ce qui per-
met de tracer des filets de vis de diamètres différant légère-
ment ; ces coussinets peuvent être affûtés, ce qui est un
avantage précieux. On a toujours soin d'ailleurs de ménager
une rainure avant la trempe dans chacun des deux coussi-
nets pour assurer le dégagement des copeaux et rendre la
filière bien coupante. Les fûts des filières doubles présentent
des formes assez différentes; on en rencontre dont l'un des
bras est creusé d'une rainure allongée qui prend le nom de
cadre et dans laquelle on vient placer les coussinets de la
filière, maintenus serrés par la vis de l'autre bras ; plus
fréquemment, on emploie des filières à plaques, dont les
deux coussinets peuvent glisser dans une rainure transver-
sale à la direction du fût, et ceux-ci sont maintenus cha-
cun à l'aide d'une vis. On rencontre, d'autre part, des
filières à trois coussinets, notamment celle de Witworth,
d'un usage général en Angleterre. L. Knab.
II. Zoologie. — Les filières des araignées sont situées à
— 463 —
FILIÈRE — FILIGRANE
l'extrémité de l'abdomen et disposées en groupe compact
immédiatement au-dessous du tubercule anal ; ce sont de
petits appendices cylindriques ou coniques, généralement
formés de deux ou trois articles et obtusément tronqués
à l'extrémité. Les filières sont normalement au nombre de
six, mais beaucoup d'espèces n'en offrent que quatre et
même que deux. Le liquide soyeux sécrété par des glandes
de plusieurs sortes n'est pas émis directement par les
filières comme le croyaient les anciens anatomistes ; les
filières ne sont que les supports de tubes beaucoup plus petits
et très nombreux appelés fasules qui donnent passage à ce
liquide. Les fils d'araignées sont ainsi formés d'un très
grand nombre de brins. E. Simon.
III. Art héraldique. — Bordure très étroite occu-
pant seulement un tiers d'une des sept parties de la lar-
geur de l'écu. Elle touche le bord de l'écu, ce qui la dis-
tingue de l'orle qui en est séparée par un vide égal à sa
largeur.
FILIGRANE. I. Industrie. — Les verres à décoration
filigranique, ou verres filigranes, sont des produits de luxe
de .l'art des verriers, dans la masse desquels des filets de
verres transparents ou opaques blancs ou colorés s'enlacent
et se combinent de manière à produire les arrangements
et les effets les plus variés. Imaginée par les verriers de
l'antiquité, délaissée en Occident, à la chute de l'empire
romain, mais conservée en Orient, où les Vénitiens en re-
trouvèrent plus tard les procédés, la fabrication fut exploitée
par ces derniers, pendant le xive, le xve et le xvie siècle,
avec le succès le plus merveilleux ; elle disparut encore de
nouveau au commencement du siècle dernier, lorsque la
mode, dans l'un de ses caprices, se porta vers la verrerie
de Bohême. Elle a été remise en honneur à notre époque
par quelques verriers de mérite, au premier rang desquels
il faut citer feu Bontemps, ancien directeur de la verrerie
de Ghoisy-le-Roi, et Bussalino, habile verrier de Murano.
Aucun des anciens auteurs vénitiens qui ont écrit sur l'in-
dustrie de leur pays n'a songé à initier leurs contempo-
rains aux procédés de fabrication des verres filigranes, à
cause des lois sévères qui auraient puni cette indiscrétion.
Si nous la connaissons aujourd'hui, du moins en partie,
c'est aux efforts des artistes que nous venons de nommer
que nous le devons ; ceux-ci sont parvenus à la retrouver
après de nombreuses études théoriques unies à des essais
pratiques très coûteux, répétés avec une persévérance iné-
branlable. Nous allons donner une idée de cette industrie
fort intéressante. Les verres filigranes proviennent de la
réunion d'un certain nombre de petites baguettes cylin-
driques de 3 à 6 millim. de diamètre, opaques ou transpa-
rentes, iucolores ou diversement colorées, les unes simples,
les autres elles-mêmes filigranées, c.-à-d. composées de plu-
sieurs baguettes simples, assemblées entre elles, réunies à
l'aide de la chaleur et du soufflage, puis façonnées dans leur
ensemble, comme toute autre pièce de verre. Les baguettes
se préparent toujours à part et d'avance ; celles de verre
blanc, et l'on entend particulièrement par là celles qui
sont transparentes et incolores, sont faites avec du verre
ordinaire, cueilli au bout d'un pontil, marbré de manière
à former une colonne cylindrique, puis chauffé, suspontillé
et tiré par deux ouvriers qui s'éloignent l'un de l'autre,
comme s'il s'agissait de fabriquer un tube, jusqu'à ce que
la colonne soit réduite à un diamètre voulu ; on coupe
ensuite à la lime cette longue colonne, en tronçons de même
longueur, soit, par exemple, delOàl^centim. Quant aux
baguettes colorées, et l'on comprend parmi elles celles qui
sont blanches et opaques, elles se préparent avec du verre
doublé ; on commence par cueillir le verre de couleur,
blanc, opaque ou bleu ou de toute autre teinte, et on le
marbre cylindriquement ; on le recouvre ensuite par le
cueillage d'une couche de verre incolore ; on marbre de nou-
veau, on chauffe, on met au pontil et on étire comme ci-
dessus en une longue colonne que l'on divise ensuite en
tronçons. Eu procédant de cette façon, on se procure une
provision de baguettes de toute espèce, lesquelles sont la
base des baguettes filigranées, et celles-ci, à leur tour,
deviennent les éléments de vases filigranes.
Pour préparer les baguettes filigranées, on garnit l'inté-
rieur d'un petit moule cylindrique en terre cuite d'un cer-
tain nombre de baguettes en verre coloré alternées avec des
baguettes en verre transparent ; on les fixe au fond du
moule avec un peu de terre molle, puis on les fait chauffer
près du four et lorsqu'on les juge assez chaudes pour qu'il
soit possible de les toucher avec du verre rouge sans qu'elles
se rompent, on cueille du verre transparent et on le tra-
vaille de manière à former un cylindre massif qui puisse
entrer aisément dans l'intervalle laissé par les baguettes.
La masse cylindrique ainsi obtenue est alors chauffée for-
tement, puis introduite dans le moule et refoulée avec assez
de force pour presser les baguettes et ne faire qu'un avec
elles. En enlevant sa canne pendant qu'un aide retient le
moule, l'ouvrier peut ainsi enlever du même coup l'ensemble
des baguettes et le cylindre transparent qui les enveloppe ;
il les chauffe de nouveau pour augmenter leur adhérence,
après quoi, se plaçant sur son banc de travail, il couche sa
canne sur les bras ou bardelles d'une espèce de siège, et
pendant que, de la main droite, il étire avec une pincette
l'extrémité libre de la masse vitreuse, de la main gauche
il fait tourner rapidement la canne, de sorte que, en même
temps que le verre s'allonge, les filets formés par les ba-
guettes s'enroulent en spirale. Quand la baguette se trouve
étirée à une longueur de 0m10 à 0m12 et au diamètre de
3 à 6 millim., et que de plus les filets sont suffisamment
enroulés, l'ouvrier tranche la partie terminée pour la déta-
cher, puis chauffe la partie qui suit pour faire de la même
manière une nouvelle baguette, et il continue ainsi jusqu'à
épuisement de la masse de verre. Quand l'ouvrier a une
quantité suffisante de baguettes de toute espèce, il peut
procéder à la confection de ses pièces, verres à boire,
coupes, flacons, huiliers, salières, etc. ; à cet effet, il range
circulairement autour de la paroi intérieure d'un moule,
semblable à celui dont il a été question plus haut, autant
de baguettes qu'il lui en faut pour garnir complètement
cette paroi ; il peut les choisir de plusieurs couleurs et de
plusieurs modèles présentant autant de compositions fili-
graniques différentes ; il peut aussi les alterner ou les espa-
cer par des baguettes de verre blanc transparent et inco-
lore. Les baguettes étant ainsi disposées sont chauffées
près du four, comme s'il s'agissait de préparer des baguettes
filigranées. Quand elles sont assez chaudes, le verrier prend
avec sa canne un peu de verre transparent pour en souffler
une petite paraison, c.-à-d. une masse de verre à l'état
pâteux, qui est adhérente à la canne et déjà soufflée ; il
l'introduit dans l'espace formé par le cercle des baguettes,
souffle de nouveau pour presser cette paraison contre les
baguettes et les y fait adhérer, puis retire le tout du moule.
Aussitôt un aide applique, à l'extrémité des baguettes qui
sont venues former l'extérieur de la paraison, un cordon de
verre chaud qui les fixe davantage sur cette paraison ; cela
fait, l'ouvrier porte la masse à l'ouvreau pour la ramollir,
puis la travaille sur le marbre pour achever l'union des
baguettes, et enfin tranche avec ses fers près du bout de
la paraison. A partir de ce moment, le travail des verres
filigranes est le même que celui des verres ordinaires. Les
ornements que présentent ces verres proviennent unique-
ment de la présence, du choix et du nombre des baguettes
qui servent à les former, ainsi que des mouvements de tor-
sion et autres que l'ouvrier a imprimés à ses baguettes.
Dans la fabrication du papier, ce mot est employé dans
deux sens: pour désigner des lettres, des figures, des des-
sins de toute espèce formés par des fils de cuivre ou de lai-
ton entrelacés et ensuite fixés sur le tissu des formes ou
des toiles métalliques destinées à recevoir la pâte à la fabri-
cation ; mais il désigne aussi les empreintes que ces lettres,
ces figures ou ces dessins laissent sur le papier fabriqué et
qui se voient par transparence.
On a prétendu que les empreintes filigraniques du papier
étaient des marques imaginées par les anciens imprimeurs
FILIGRANE — FILLANS
— 464
pour faire reconnaître les ouvrages sortis de leurs presses,
mais il a été démontré qu'elles avaient été inventées par les
papetiers pour distinguer les différents formats de leurs
papiers. C'est même de cet usage que sont venus la plupart
des noms employés encore de nos jours dans le commerce
de l'imprimerie, pour désigner les papiers de certaines
dimensions. Depuis nombre d'années on a étendu l'usage
des filigranes pour mettre, autant que possible, à l'abri de
la falsification, le papier timbré et les divers papiers de
banque. Les empreintes filigraniques se font donc dans les
deux modes de fabrication du papier, par la fabrication à
la main et par la fabrication à la machine. Dans le premier
cas, oii le papier se fait feuille à feuille, on se sert, pour
transformer la pâte en papier, de châssis de bois de forme
rectangulaire sur lesquels sont tendus des fils de laiton paral-
lèles et très rapprochés appelés vergeures, que des tringles
horizontales, de bois ou de métal (pontuseaux) , soutiennent
au-dessous. Les filigranes sont confectionnés à part avec
d'autres fils de cuivre, puis ajustés sur cette espèce de
treillis au-dessous duquel ils présentent une très légère
saillie. Ces châssis, chargés de pâte à papier, laissent passer
les parties liquides entre les intervalles des vergeures;
il reste, sur celles-ci et les filigranes^ les parties solides,
c.-à-d. les filaments des filons, lesquels, réunis en une sorte
de feutre, constituent la feuille. Or, on conçoit que la por-
tion de pâte qui correspond aux fils des dessins en saillie
a nécessairement une épaisseur moindre que dans les autres
endroits et doit, par conséquent, s'y trouver plus translu-
cide. Dans la fabrication mécanique, où la feuille a une lar-
geur limitée, tandis que sa longueur n'a pas de fin, on
peut obtenir des filigranes, soit en disposant sur la toile de
la machine un rouleau garni de fils de laiton en saillie, qui
produisent les empreintes à mesure que le papier se forme,
soit après la confection et le coupage du papier, en impri-
mant sur celui-ci, à l'aide d'une forte pression, des planches
gravées profondément, dont les inégalités de profondeur
produisent le même fait que les fils en saillie de la fabri-
cation manuelle. L. Knab.
II. Bijouterie. — Bijoux en filigrane (V. Bijouterie).
FI LIMON (N.-M.), écrivain roumain, né à Bucarest en
4819, mort en 1863. Chantre d'abord, puis choriste, il
commença sa carrière littéraire en 1857 comme feuilleto-
niste au National, dirigé par B, Boerescu. Il y fit la chro-
nique musicale jusqu'en 1860. Un voyage en Occident lui
fit connaître, en 1858, les pays allemands et l'Italie : il en
rapporta son premier livre {Trois Mois à V étranger), des
nouvelles exotiques (la Ville de Bergame, Mateo Ci-
priani). Après une courte période d'activité, où il est
dominé exclusivement par le romantisme allemand, Filimon
trouve sa voie en commençant une série de romans d'ob-
servation, dont le premier, les Slujnicari, parut en
1861 ; le second, les Ciocoï, nouveaux et vieux, en
1863. Ce fut la dernière œuvre de son talent ironique
et" mordant. N. Jorga.
Bibl. : Nouvelle Revue (roumaine), III, n08 9 et 10.
FILIOQUE (V. Esprit [Saint], t. XVI, p. 374, col. 2).
FI Ll PENDU LE (Bot.). (V. Spirée).
F1LIPEPI (Alessandro) (V.Botticelli).
F1LIPESTI. Dép. de Roumanie, district de Pralova,
20 communes ; 23,275 hab. — Ville dans ce départe-
ment, formant commune avec trois villages ; 1,225 hab.
F1LIP0VIC ou PHILIPPOVICH (Joseph), baron de
Philippsberg, général autrichien, né à Gospic (frontière
militaire) le 28 avr. 1819, mort à Prague le 5 août 4 889.
Il fit ses études à l'école du génie, servit en 1848-49
sous les ordres de Jelacich. En 1859, il prit part comme
général-major à la guerre d'Italie ; l'empereur lui conféra
le titre de baron; en 1866, il servit en Bohême; en 1874,
il devint feld-zeugmeister ; en 1878, il commanda l'armée
chargée d'occuper la Bosnie et l'Herzégovine. Il fut ensuite
nommé commandant supérieur de la Bohême. L'empereur
François-Joseph lui confia l'éducation militaire du prince
héritier.
FILIPPI (Camillo), peintre italien, né à Ferrare vers
1500, mort à Ferrare en 1573. Cet artiste, dont on
ignore les débuts, travailla souvent pour la cour des
princes d'Esté : il peignit pour elle, entre autres, en
collaboration avec le Garofalo, les cartons des tapisseries
de V Histoire de saint Georges et de saint Maurelius ,
aujourd'hui conservés à la cathédrale. En 1543, il prit
part, avec Bat. Dossi, aux préparatifs des fêtes données
en l'honneur du pape Paul III. — Un de ses fils, Cesare,
se distingua dans la peinture d'ornements; un autre,
Sebastiano, surnommé Bastianino, né à Ferrare en 1532,
mort à Ferrare en 1602, fit ses premières études sous la
direction de son père et les poursuivit à Rome sous celle
de Michel-Ange. De retour dans sa patrie, il y exécuta une
longue série d'ouvrages, parmi lesquels un Jugement der-
nier, dans lequel il introduisit les portraits de ses ennemis.
On a parfois confondu cet artiste avec son contemporain
Sebastiano Gradella. E. M.
Bibl. : Cittadella, Notizie relative a F err ara; Ferrare,
1864. —Du môme, Documenti ed illustrazioni risguardanti
la storia artistica ferrarese; Ferrare, 1868.
FILIPPI (Filippo de'), naturaliste et explorateur italien,
né à Milan le 20 avr. 1814, mort à Hongkong, le 9 févr.
1867. Professeur de zoologie aux universités de Pavie,
puis de Turin (1848), il voyagea en Perse (1862) et
dirigea le voyage scientifique du Magenta. Il a publié Délie
Funzioni riproduttive negli animali (Milan, 1850);
Note di un viaggo in Persia (1865), etc.
FILIPPI NI (Antonio-Pietro), historien corse, né à Ves-
covato di Casinca, près de Bastia, vers 1529, mort après
1594. Il était prêtre et parvint à la dignité d'archidiacre.
On lui doit une Istoria di Corsica (Tournon, 1594, in-4,
fig. ; nouv. édit., augm. par G.-C. Gregori, publ. aux
frais du comte Pozzo di Borgo, Pise, 1827-1831 [ou
1832], 5 vol. gr. in-8), qui, malgré ses défauts, est l'ou-
vrage fondamental sur la Corse. G. P-i.
FILIPSTAD. Ville de Suède, lsen de Wermland, au N.
du lac Daglôsen; 3,000 hab.
FILLAN (Saints). Deux saints de ce nom figurent sur les
calendriers de l'Ecosse et de l'Irlande.
Saint Fillan ou Faolan, surnommé le Lépreux. Fête
le 20 juin. En Ecosse, la principale des églises dédiées à ce
saint est située à l'extrémité orientale du Loch Erne, dans
le comté de Perth. On a pendant longtemps attribué à un
puits de saint Fillan une vertu miraculeuse pour la gué-
rison des malades. Dans le roc du Dunfillan, on montre
deux cavités creusées par les genoux du saint en prière.
En Irlande, église dans la baronnie de Kullenagh.
Saint Fillan, abbé. Fête le 7 ou le 9 janv. Principale
église en Ecosse, à Strathfiillan. Sa légende est remplie de
miracles, mais aussi d'anachronismes qui permettent point
de déterminer avec certitude l'époque de sa vie. Les con-
jectures sur ce point varient du vne siècle au commence-
ment du ixe. Kentigerna, mère de ce saint, était fille d'un
roi du Leinster. Il entra tout jeune dans le monastère de
saint Mund ; après la mort de ce dernier, il lui succéda
comme abbé. Saint Fillan a pris place dans l'histoire de
l'Ecosse, parce que Robert Bruce attribua la victoire de
Bannockburn à une de ses reliques (un os du bras) appor-
tée dans le camp, la veille de la bataille. Une autre relique
est déposée depuis 1877 dans le muséum de la Société des
antiquaires d'Ecosse : c'est le coygerach ou quigrich, partie
supérieure d'une crosse ou bâton pastoral. Dans les temps
de foi, elle assurait la fortune d'une famille Dewar, cons-
tituée sa gardienne héréditaire : elle guérissait alors les
malades et elle faisait découvrir lés voleurs, spécialement
les voleurs de bétail. E.-H. V.
Bibl.: Bollandistes, Acta Sanctorum, 9 janv. — Inné,
Shetches ofEarly Scottish History. — Forbes, Kalendar
of Scottish Saints.
FILLANS (James)9 sculpteur anglais, né dans le La-
markshire en 1808, mort à Glasgow en 1852. Tout
d'abord simple apprenti d'un tailleur de pierre, il se mit
à modeler des petits groupes qui attirèrent sur lui l'atten-
— 465 ■—
FILLANS — FILLE
tion publique. A son retour de Paris où il était allé pour
travailler au Louvre, il commença à exposer des bustes de
grande valeur à la Royal Academy. Ses essais de grande
statuaire ne furent pas très heureux : il a laissé la répu-
tation d'un excellent portraitiste.
F1LLASSIER (Jacques- Joseph), agronome et homme po-
litique français, né à Wervicq-Sud (Nord) en 4745, mort
à Clamart (Seine) le 22 juillet 4799. Sa passion pour
l'agronomie le fit venir s'installer à Clamart, où il dirigea
la pépinière. Grand admirateur de Jean-Jacques Rousseau,
il publia en 4773 un traité d'éducation : Eraste ou l'Ami
de la jeunesse. Il adopta les idées nouvelles et devint
procureur général syndic de Bourg-la-Reine. Membre de
l'assemblée électorale de Paris en 4794, élu député de
cette ville à l'Assemblée législative le 45 sept. 4794, il y
soutint les doctrines de Rousseau et se retira à Clamart
après la session. Il continua à s'occuper de politique et, à
la tête d'une députation de sa commune, vint prononcer au
sein de la Convention, le 46 nov. 4 793, un discours éner-
gique contre les prêtres. Fillassier exerça les fonctions de
juge de paix à Bourg-la-Reine, devenu Bourg-l'Egalité ;
destitué par le représentant Crassous, il adressa une ré-
clamation à la Convention (27 nov. 4794). Outre Eraste,
il a laissé les ouvrages suivants : Dictionnaire historique
de F éducation (4774, 2 vol. in-42) ; Eloge du dauphin
père de Louis XVI (4777, in-8) ; Culture de la grosse
asperge dite de Hollande (4783, in-42) ; Dictionnaire
du jardinier français (4790, 2 vol. in-8).E. Charàvày.
FILLASTRE ou FILLÂTRE (Guillaume), cardinal et
érudit français, né à La Suze (arr. du Mans) en 4348, mort
à Rome le 6 nov. 4428. Il fit ses études à l'université d'An-
gers et devint « un bien notable légiste et canoniste » et un
des membres les plus éminents du clergé de France. Doyen
de la collégiale de Saint-Symphorien, puis de l'église métro-
politaine de Reims (mars 1392), conseiller de L. d'Orléans,
il travailla, dès lors, à mettre fin au schisme et fit, dans ce
but, de fréquents voyages à Paris et à Avignon. En 4403
(nov.-déc), il accompagna Je duc d'Orléans à Tarascon,
auprès de l'antipape Benoît XIII, que ce prince soutenait.
Dans l'assemblée du clergé qui se tint à Paris, de nov.
1406 à janv. 4407, G. Fillâtre plaida la cause de Be-
noît XIII. Après le concile de Pise (4409), il fut nommé
cardinal (6 juin 4444) par le pape Jean XXIII, qui lui fit
encore donner le prieuré de Saint- Ayoul, à Provins. En
4447, il, prit une part remarquable au concile de Constance.
Après avoir conseillé l'abdication de Jean XXIII et la dé-
position de Benoît XIII, il contribua (nov. 4447) à l'élec-
tion de Martin V, qui l'envoya en France comme légat a
latere. Il attaqua, devant le roi, les doctrines gallicanes
avec tant d'âpreté qu'il se fit ainsi beaucoup d'ennemis.
Martin V lui donna l'administration de l'archevêché d'Aix
(nov. 4420), puis celle de l'évêché de Saint-Pons-de-
Tomières (juin 4422), mais G. Fillâtre revint bientôt à
Rome, où il se fit bâtir un palais près de l'église de Saint-
Chrysogone, dont il était administrateur. En 4425, Mar-
tin V le chargea encore d'une mission dans le Palatinat. Il
fut enterré dans l'église de Saint-Chrysogone. G. Fillâtre
cultivait les langues anciennes, la cosmographie et la géo-
graphie, comme son ami, l'illustre P. d'Ailly. Outre une
traduction de quelques livres de Platon, il a laissé'divers
opuscules, des notes sur Pomponius Mêla, un commentaire
sur Ptolémée et un texte explicatif au dos d'une des cartes
dressées par Claudius Cymbricus en 4427, la carte de
l'Europe. La bibliothèque de G. Fillâtre, léguée par lui au >
chapitre de Reims, a passé ensuite dans celle de la ville.
Les armes de G. Fillâtre étaient de gueules au cerf d'or,
avec la devise Renient. On les voyait partout dans la maison
du cloître de Reims qu'il avait fait bâtir. E. Cosneau.
Bibl. : Gallia Christ, 1, 326; VI, 244. — Gams, Séries
episcoporum, pp. 482,^622. — H. Fisquet, la France épis-
copale (Métrop. d'Aix), I, 113. — Archives de Reims, Arch.
admin., I, 59, 270, "723; III, 731, 733, 760-62, 766-67, 772.
Arch. Ugisl, 2« partie. Statuts, I, 4, 11, 32, 108, 341. —
Grandes Chroniques, êdit. P. Paris, VI, 244. — A. Tuetey,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Journal de Nie. de Baye, 1, 181. — ^Juvénal des Ursins,
dans la coll. Michaud et Poujoulat, II, 440. — D. Féli-
bien, Hist. de Paris, II, 738.— Du Boulai, Hist. de l'Univ.
de Paris, V, 133. — E. Jarry, Louis Ier d'Orléans, 1889,
in-8, pp. 220, 296, 445. — C. Port, Dict. hist. de Maine-et-
Loire, IV, 151. — L. Pastor, Hist. des papes, trad. Furcy-
Raynaud, I, 195, 240. —Bull, de la Soc. de géogr., 1842,
t. XVII, p. 140. — Mém. de la Soc. arch. de Nancy, 1835,
p. lui.— Vle de Santarem, Essai sur Vhist. de la cosmoqr.,
I, 152, 246, 252, 410 ; III, 341. - U. Chevalier, Bibl. du
moyen âge, p. 738. — Pièces orig., t. 1154, dossier 26,247,
à la Bibl. nat.
FILLASTRE ou FILASTRE (Guillaume), prélat et his-
torien français, né vers 4400, mort à Gand le 21 août
1473. Neveu du précédent et fils d'Etienne Fillastre, gou-
verneur du Maine. Il se fit bénédictin à Saint-Pierre de
Châlons-sur-Marne, et devint prieur de Sermaise, puis abbé
de Saint-Thierry en Champagne. Le duc de Bourgogne
Philippe le Bon le nomma chancelier de l'ordre de la Toi-
son d'or. Après avoir rempli avec succès plusieurs missions
politiques, Fillastre fut élevé au siège épiscopal de Verdun
(1er nov. 1437). A l'occasion des réformes qu'il voulait
introduire, il fut en conflit permanent avec le clergé, la
magistrature et la bourgeoisie de la ville, ce qui l'amena à
échanger cet évêché contre celui de Toul (1449), où il eut
également à lutter, sans succès, contre les privilèges mu-
nicipaux. Transféré dans l'évêché de Tournai (1460), il
devint ainsi abbé de Saint-Bertin, où il fut inhumé. Il
protégea efficacement les arts et forma une bibliothèque
précieuse. On lui doit un ouvrage intéressant qui, malgré
son titre, n'est pas, comme on le croit, un livre héraldique,
mais bien une compilation des faits historiques ramenés,
selon le goût du temps, à la pratique de certaines vertus :
la Thoison d'Or... auquel soubz les vertus de magnani-
mité et justice... sont contenus les haulx faits des
très chrestiennes maisons de France, Bourgongne et
Flandres, etc. (Paris, 1516, 2 part, in-fol.; ibid., 4517,
et Troyes, 1530). Une troisième partie, traitant de la
vertu de Prudence, existe en manuscrit à la bibliothèque
de Copenhague. G. P-i.
FILLE. I. Pédagogie. — Education des filles. —
L'éducation des filles a naturellement suivi dans ses va-
riations et dans ses progrès l'évolution de la condition
sociale de la femme : négligée et presque nulle, tant que
la femme, humiliée ou avilie, n'a été considérée que
comme la servante, comme l'esclave de l'homme ; de plus
en plus soignée et développée, à mesure que la religion
ou la philosophie plus éclairée a introduit, ou bien dans
la théorie l'idée de l'égalité absolue des sexes, ou bien
dans la pratique et dans les mœurs le respect sans cesse
grandissant des droits de la femme. Dans la Grèce antique,
telle que nous la dépeint Xénophon dans son Economique,
la femme avant de se marier ne sait rien : on lui a appris
seulement à filer la laine, à être sobre, à ne pas faire de
questions. A Rome, où, dans la famille, l'autorité de la
femme égale parfois celle de l'homme (ubi tu Gaius, ibi
ego Gala), le rôle de la matrone s'agrandit; la mère
participe davantage à l'éducation de ses enfants, mais il ne
semble pourtant pas qu'on songe à faire de grands efforts
encore pour l'instruire et pour l'élever elle-même. Le chris-
tianisme naissant apportait dans lé monde l'idée de l'égalité
.des âmes devant Dieu pour la vie future et la destinée éter-
nelle ; mais il n'était pas question d'élever la femme pour
le monde et pour la vie réelle. Aussi, l'idéal de l'éducation
féminine, tel que le conçoit saint Jérôme dans ses Lettres
célèbres sur l'éducation des filles, était confiné dans l'acqui-
sition des vertus monacales et dans la vie cloîtrée. On peut
dire de saint Jérôme éducateur ce que Nicole écrivait à une
religieuse de son temps : « Vous nourrissez vos élèves de
pain et d'eau ! » La Bible est la seule lecture permise ; les
arts sont rigoureusement proscrits : « Que la jeune fille
n'entende jamais d'instrument de musique ; qu'elle ignore
même à quels usages servent la flûte et la harpe. » Pendant
toute la durée du moyen âge, on n'a guère dépassé cette
conception mystique de la vie de la femme, et il faut arriver
au xvie et au xvne siècle pour constater quelques progrès.
30
FILLE
— 466 -
Mais que de préjugés encore obscurcissaient la question,
même dans l'esprit des penseurs les plus libres de ce
temps-là ! Il suffit de se rappeler ce que Montaigne a écrit
sur ce sujet: « Et nous, et la théologie, disait-il, ne requé-
rons pas beaucoup de science aux femmes. » Par une sorte
de fausse galanterie, il prétend maintenir les femmes dans
l'ignorance, sous prétexte que l'instruction nuirait à leurs
charmes naturels ; il leur défend l'étude de la rhétorique,
parce que ce serait « couvrir leurs beautés sous des beautés
étrangères ». Il ne leur permet que la poésie, qui est « un
amusement propre à leur besoin ; un art folâtre et subtil,
tout en plaisir, tout en montre comme elles ». Pour com-
prendre dans quel dédain a été trop longtemps tenue l'édu-
cation des filles, il faut se rappeler que l'Eglise catholique,
dont un concile avait au moyen âge discuté la question de
savoir si les femmes ont une âme, et qui, avec Bossuet,
leur démontrait durement que leur première mère avait été
formée avec une « côte supplémentaire d'Adam », venait en
aide par ses préjugés théologiques aux tendances naturelle-
ment un peu oppressives et despotiques du sexe fort. Il
faut bien avouer que, si l'ignorance du peuple a été un des
instruments de règne des pouvoirs monarchiques dans la
société, l'ignorance des femmes a été aussi dans la famille
un instrument de domination conjugale au profit du mari .
Molière traduisait la pensée intime d'un grand nombre de
bourgeois de son temps, quand il mettait dans la bouche
de Chrysale les vers fameux :
Il n'est pas bien honnête et pour beaucoup de causes
Qu'une femme étudie et sache tant de choses...
Une de ces causes, c'était assurément l'instinct secret qui,
de tout temps, a poussé les hommes à tenir les femmes dans
leur dépendance. Le xvne siècle n'en a pas moins vu de
beaux efforts en faveur de l'éducation des femmes : un
traité, qui est un chef-d'œuvre, l'Education des filles, de
Fénelon ; un établissement, qui, malgré ses défauts, marque
une date mémorable, l'institution de Saint-Cyr, inspirée et
dirigée par Mme de Maintenon. Sans doute, ni Mme de Main-
tenon ni Fénelon n'ont encore la conscience exacte de ce
qui est dû à la femme en matière d'instruction. Fénelon,
par exemple, dira : « Retenez les jeunes filles dans les
bornes communes et apprenez-leur qu'il doit y avoir pour
leur sexe une pudeur sur la science presque aussi délicate
que celle qu'inspire l'horreur du vice » ; et Mme de Main-
tenon de son côté : « Apprenez à une jeune fille à être en-
tièrement sobre sur la lecture et à lui préférer toujours le
travail des mains » ; elle interdira l'histoire, tout au moins
l'histoire ancienne, parce que cette étude risquerait d' « élever
l'esprit de la femme ». Il n'en est pas moins vrai que Féne-
lon et Mme de Maintenon ont travaillé l'un et l'autre à discré-
diter les couvents et l'éducation monacale qui y était donnée.
« Saint-Cyr, a dit Saint-Marc Girardin, n'est pas un cou-
vent : c'est un grand établissement consacré à l'éducation
laïque des demoiselles nobles ; c'est une sécularisation hardie
et intelligente de l'éducation des femmes. » Fénelon prenait
parti lui aussi pour une éducation libérale et humaine, lors-
qu'il écrivait à Mme de Beauvilliers, la destinataire de son
traité : « Je conclus que Mlle votre fille est mieux auprès
de vous que dans le meilleur couvent que vous pourriez
choisir. »
Il n'en est pas moins vrai qu'il faut attendre la Révo-
lution française pour trouver les droits de la femme nette-
ment affirmés en matière d'éducation. C'est Condorcet qui,
le premier, les a revendiqués avec force dans un passage
souvent cité et que nous allons résumer : « Il faut que les
femmes soient instruites : l°pour qu'elles puissent élever
leurs enfants, dont elles sont les institutrices naturelles ;
2° pour qu'elles soient les dignes compagnes, les égales
de leurs maris, pour qu'elles puissent s'intéresser à leurs
travaux, prendre part à leurs préoccupations, vivre enfin
de leur vie ; 3° pour qu'elles n'éteignent pas, par leur
ignorance, la flamme de cœur et d'esprit que des études
antérieures ont développée chez leurs maris, pour qu'elles
l'entretiennent, au contraire, par la communauté des con-
versations et des lectures ; 4° il le faut enfin parce que
cela est juste, parce que les deux sexes ont un droit égal
à l'instruction. »
Fondée sur une psychologie équitable et sur l'idée de
l'égalité des deux sexes, cette dernière raison suffit et rend
presque inutile l'exposé de toutes les autres. Mais on dirait
que Condorcet s'est piqué de répondre au pour beau-
coup de causes du bonhomme Chrysale. La théorie de
l'éducation des femmes était désormais établie : il restait à
la développer, surtout à l'appliquer ; et c'est à cela que
s'est employé le xixe siècle, soit dans des essais pratiques
et des institutions privées, comme celles de Mme Campan,
soit dans de beaux livres, comme ceux de Mme de Rémusat,
de Mme Guizot, de Mme Necker de Saussure, pour ne citei
que ceux-là, soit enfin dans l'entreprise toute récente
— puisqu'elle date de 1880 —- par laquelle l'Etat français
a essayé d'organiser l'enseignement secondaire public des
jeunes filles. L'Eglise, qui a toujours été fort jalouse de sa
puissance éducatrice, qui a de tout temps protesté contre
l'intervention de l'Etat laïque en ce qui concerne l'instruc-
tion de la jeunesse, s'est montrée particulièrement inté-
ressée à défendre ses prérogatives dans le domaine de
l'éducation des femmes. Les couvents, quoique Fénelon
leur témoignât déjà, il y a trois siècles, quelque défaveur,
étaient demeurés, pour la presque totalité des jeunes filles,
les maisons d'éducation privilégiées, où le souci de la piété
et des vertus religieuses faisait tort au développement de
l'instruction. Il faut donc se féliciter que sous l'inspira-
tion de M. Camille Sée, le promoteur de la loi de 4880,
l'éducation des filles soit devenue en France une affaire
d'Etat (V. Enseignement secondaire des jeunes filles). Le
travail de laïcisation, depuis longtemps avancé pour l'ensei-
gnement des garçons, était, au contraire, fort en retard
pour l'enseignement des filles; et il n'est pas douteux
que les institutions privées n'auraient pas suffi à hâter
le mouvement, si l'Etat ne s'était pas décidé à le diriger
lui-même. La loi du 21 déc. 1880 a établi toute une orga-
nisation dont voici les principaux éléments. Des lycées et
des collèges de filles sont créés sous la direction de l'Etat
avec le concours des municipalités. En principe, le régime
de ces établissements doit être l'externat; mais la loi pré-
voit aussi la création d'internats. La durée des cours est
de cinq ans, partagés en deux sections. Aux programmes
figurent l'enseignement moral, la langue française, au
moins une langue vivante, la littérature ancienne et mo-
derne, la géographie et la cosmographie, l'histoire natio-
nale et un aperçu de l'histoire générale, l'arithmétique, les
éléments de la géométrie, de la physique, de la chimie et
de l'histoire naturelle, l'hygiène, l'économie domestique,
les travaux à l'aiguille, des notions de droit usuel, le des-
sin, la musique, la gymnastique. Il serait intéressant de
mettre en regard de ces programmes si larges et si com-
plets le plan d'études si modeste que Fénelon traçait au
xviie siècle ! Ce qui ne l'est pas moins, c'est de constater
les résultats déjà obtenus. Nous en emprunterons les détails
au rapport de M. Charles Dupuy sur le budget de 1893.
En nov. 1891, l'enseignement secondaire des jeunes filles
était donné dans 29 lycées, 26 collèges et 61 cours se-
condaires : le nombre des élèves atteignait le chiffre de
11,645 ; le crédit inscrit au budget de l'Etat est de
1,611,675 fr. Il y a tout lieu d'espérer que le succès du
nouvel enseignement ira sans cesse en grandissant et qu'il
finira par triompher des préjugés de ceux qui persistent à
croire que la jeune fille serait défigurée et pervertie par
les mêmes enseignements qui depuis longtemps assurent,
de l'aveu de tous, la dignité des jeunes hommes. Les con-
ditions nouvelles de la vie sociale, qui semblent devoir
multiplier de plus en plus le nombre des emplois acces-
sibles au sexe faible, ne peuvent que favoriser l'extension
des études féminines. Aussi voit-on déjà un assez grand
nombre de jeunes filles ne pas se contenter des brevets et
des diplômes spéciaux que leur ont réservés les règlements
de l'enseignement primaire et secondaire des femmes, et
— m —
FILLE — FILLEAU
se présenter avec succès aux examens du baccalauréat, de
la licence et même du doctorat. Il est à craindre peut-être
qu'une ambition excessive ne détourne de leur vraie desti-
nation un certain nombre de jeunes filles; que l'exemple
des bachelières, des doctoresses, ne fasse parmi elles trop
d'émulés, et qu'après avoir tout ignoré la femme ne pré-
tende avec trop d'impatience tout savoir. Mais ces exa-
gérations exceptionnelles ne sont que la conséquence iné-
vitable d'un mouvement en avant qui, en lui-même, est
juste et nécessaire. Dans toute armée en marche, il y a
toujours des irréguliers qui vont de l'avant et qui rompent
les lignes : la grande majorité des femmes demeurera à
son rang; elles se contenteront des études appropriées
à leur sexe ; et tandis qu'on élargira la part de l'instruc-
tion dans leur vie, on n'oubliera pas que rééducation de
la famille est encore celle qui leur convient le mieux, et
qui les prépare le plus efficacement à leur rôle d'épouse et
de «mère. G. Compayré.
IL Histoire. —Filles d'honneur. — Filles de naissance
noble, attachées à la personne des reines ou princesses du
sang, pour leur tenir compagnie et leur faire honneur, sans
fonctions domestiques bien déterminées. Cet usage paraît
remonter à l'époque féodale : aux pages, écuyers, damoi-
seaux dont s'entourait le châtelain, correspondent les da-
moiselles que la châtelaine prenait pour compagnes et pour
protégées. À la cour de France, l'on peut citer dès le com-
mencement du xive siècle une anecdote où figure le poète
Jean de Meung, poursuivi parles « filles de la reine » pour
insulte notoire au beau sexe. Mais la première mention vrai-
ment historique d'un établissement régulier se trouve dans les
Comptes de V argenterie de la reine Marguerite d'Autriche
(1484-1485 et 1488-1489), toute jeune enfant alors des-
tinée comme épouse à Charles VIII. A la suite des dames
mariées qui composent la partie essentielle de sa maison
est dressée une liste de neuf filles d'honneur dans le pre-
mier Compte, de sept dans le second : Anne et Catherine
de Brezé, Antoinette et Gabrielle de Bussières, etc. Mar-
guerite d'Autriche fut renvoyée «avec honneur» en 1493,
et Charles VIII épousa l'héritière de Bretagne : c'est à la
« bonne duchesse», devenue la reine Anne, que, jusqu'à la
note critique du Dictionnaire de Jal, la plupart des his-
toriens ont rapporté l'institution des filles d'honneur. Il
est certain qu'elle prit un intérêt tout particulier à élever,
entretenir, doter des jeunes filles de condition qui vivaient
avec elle jusqu'au moment de leur mariage. Ce caractère
familial et parfois charitable de l'institution disparut avec
François Ier. Aux mœurs et aux amours grossières de la
cour succédèrent les raffinements de la galanterie, et rien
n'encourageait les filles d'honneur à résister à la corruption
générale. On assure même que Catherine de Médicis en
poussa plus d'une à entretenir des relations dont son astu-
cieuse politique savait tirer parti : Mlle de Limeuil lui aurait
servi, entre autres, à observer et à gagner le prince de Condé.
L'Escadron volant de la reine (V. ce mot) devint un
foyer d'intrigues de toutes sortes. Le nom même de filles
d'honneur prêtait à de trop faciles plaisanteries, qu'il ne
faut sans doute point prendre au pied de la lettre. Le
Journal de l'Estoile (à l'année 1587, où est reproduit le
Manifeste des dames de la cour), les écrits de Brantôme,
de Tallemant des Réaux, le Chansonnier -Maurepas
abondent en anecdotes ou pièces satiriques dont l'histoire
ne peut retenir qu'une impression générale, et encore avec
cette juste restriction : que les honnêtes filles ne font point
parler d'elles, pas plus à la cour qu'à la ville. Sous Louis XIII,
si l'honneur de M110 de La Fayette n'eut pas à souffrir des
attentions du roi, Mlle d'Entraygues eut un enfant de son
séducteur le maréchal de Bassompierre, qui refusa ensuite
de l'épouser. En 1660, MUe de Guerchy, enceinte des
œuvres du duc de Vitry, mourut à la suite de manœuvres
abortives auxquelles son amant avait lui-même présidé : il
n'eut que le temps d'amener à la mourante un confesseur.
La femme Constantin, qui avait opéré, fut pendue. Le duc
s'enfuit en Allemagne et fut plus tard gracié. Cette triste
aventure ne mériterait pas d'être rappelée si elle n'avait
donné lieu au célèbre sonnet irrégulier de J. Hesnault,
V Avorton. Fouquet (V. ce nom) avait fondé sur la
fragilité ou la cupidité d'une fille d'honneur une partie
de ses ambitieuses combinaisons. En effet, au début du
règne personnel de Louis XIV, les «chambres des filles»
rappellent un peu le harem musulman, à cette différence
près que les grandes maîtresses chargées de la surveil-
lance (Mme du Puys, Mme de Navailles, etc.) sont loin
d'avoir l'autorité absolue des eunuques. Avant d'appar-
tenir au roi, Mlle de La Vallière et Mme de Montespan
furent filles d'honneur de la duchesse d'Orléans. En 1673,
Louis XIV ayant pris quelque goût pour une des filles de
la reine, Mlle de Lude, la maîtresse en titre, Mme de Mon-
tespan, eut l'adresse d'obtenir la suppression des filles
d'honneur. C'est ainsi qu'elle étouffa d'un seul coup «cette
hydre à têtes renaissantes qu'il lui fallait sans cesse com-
battre », et qu'elle n'était jamais assurée de vaincre, car
«les armes sont journalières » (Mmede Se vigne). Voltaire,
il est vrai, nous donne une idée plus honnête de cette ré-
forme : « Les dangers attachés à l'état de fille dans une
cour galante et voluptueuse déterminèrent à substituer
aux douze filles d'honneur, qui embellissaient la cour de
la reine, douze dames du palais. Cet établissement rendait
la cour plus nombreuse et plus magnifique en y fixant les
maris et les parents de ces dames.» ( Siècle de Louis XIV,
ch. xxvi.) Ajoutons que la chronique scandaleuse n'y perdit
rien. — - Sur les filles d'honneur à la cour des Stuarts (très
dissolue), et à celle d'Espagne (beaucoup plus retenue en
dépit du climat), les Mémoires du comte de Grammont et
de Mme d'Aulnoy donnent des détails qui n'ont qu'un
intérêt anecdo tique. H. Monin.
III. Droit canon. — Au mot Eglise (t. XV, p. 614,
col. 2), nous avons indiqué une application de l'idée de
filiation. On a aussi appliqué cette idée aux monastères
(V. Cîteaux, t. XI, p. 493, col. 1) pour désigner pareille-
ment un rapport d'origine et de dépendance. Une église ou
une abbaye fille d'une autre église ou d'une autre abbaye
est en quelque sorte une colonie émanée d'une église ou
d'une abbaye plus ancienne, de laquelle elle dépend par
droit de fondation ou de patronage. On appelait parfois
père-abbé l'abbé d'une maison qui en avait enfanté une
autre. Cette descendance servit de prétexte aux supérieurs
des grandes maisons pour réclamer l'exemption des monas-
tères de leur filiation et pour exercer sur eux une juridic-
tion excluant celle des évêques. E.-R. V.
IV. Histoire religieuse. — Plusieurs communautés
de femmes mettent le mot Filles devant le vocable qui dé-
signe la dévotion à laquelle elles se consacrent : Filles de
la Croix, de la Charité, de la Compassion, etc. Il y a une
différence entre les noms fille, sœur, religieuse; mais nous
ne connaissons aucune définition officielle de cette différence.
Filles bleues (V. Célestes).
Filles de la Charité (V. Charité, t. X, p. 653).
Filles de la Croix (V. Croix, t. XIII, p. 467).
Filles de la Passion (V. Capucines).
Filles de Saint- Vincent-de-Paul (V. Charité, t. X,
p. 653).
Filles-Dieu. — On appelait autrefois Enfants-Dieu et
Filles-Dieu ceux et celles qui demeuraient dans les hôpi-
taux nommés Hôtels-Dieu. — Le nom de Filles-Dieu était
aussi donné à des hospitalières. Les religieuses de Fonte-
vrault, établies à Paris, le portaient parce qu'elles succé-
daient à des hospitalières ainsi nommées.
FIL LÉ. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. du Mans, cant.
de La Suze; 569 hab.
FILLEAU (Jean) , sieur de La Bouchetterie, jurisconsulte,
né à Poitiers en 1600, mort en 1682. Professeur à l'école
de droit de Poitiers et avocat du roi au présidial de cette
ville, il se fit un renom par l'ardeur de son zèle contre les
hérétiques, parmi lesquels il comptait les jansénistes comme
les protestants. Ce zèle lui valut des lettres de noblesse. —
OEuvres : Relation juridique de ce qui s'est passé à
FILLEAU — FILLMORE
— 468 —
Poitiers touchant la nouvelle doctrine des jansénistes
(Poitiers, 4654, in-8). Cette dénonciation est relatée au
mot Duvergier de Hauranne (t. XV, p. 147, col. 1); Arrêts
notables du parlement de Paris (Paris, 4634, 2 vol.
in-tbl.) ; Preuve historique des litanies de la grande
reyne de France, sainte Radegonde (Poitiers, 4643,
in-fol.); De l'Université de la ville de Poitiers, du temps
de son érection, etc. (Poitiers, 4643, in-fol.) ; Décisions
catholiques ou Recueil général des arrêts rendus en
toutes les cours souveraines de France en exécution '
ou interprétation des édits concernant la religion
prétendue réformée (Poitiers, 4668, in-fol.), dédié à
Le Tellier, ministre, secrétaire d'Etat. E.-H. V.
Bidl. : Ch. Menardier, Essai sur les jurisconsultes poi-
tevins antérieurs au code civil.
FI LLEAU de La Chaise (Jean), né à Poitiers vers 4630,
mort en 4693. OEuvres : Histoire de saint Louis divisée
en quinze livres (Paris, 4688, 2 vol. in-4). Cet ouvrage,
qui eut un très grand succès à l'époque de son apparition,
avait été composé avec les matériaux préparés par Lemaistre
de Sacy et par Le Nain de Tillemont. La Société de l'His-
toire de France les a publiés dans leur forme primitive.
Discours sur les pensées de Pascal (Paris, 4672, in-4 2) ;
Discours sur les preuves des miracles de Moïse (Paris,
4672, in-42).
F l LL E AU de La Touche (Henri) , magistrat et généalogiste
français, né à Poitiers le 6 juin 4758, mort à Poitiers le
34 mai 4832. D'abord procureur du roi au présidial de
Poitiers, puis député suppléant de la noblesse en 4789, il
émigra en 4794 et fit partie de l'armée de Condé. Revenu
en France en 4801, il devint conseiller à la cour d'appel
de Poitiers et prit sa retraite en 4834. Outre plusieurs
mémoires juridiques, on lui doit un Dictionnaire histo-
rique, biographique et généalogique des familles de
V ancien Poitou. Ce livre ne fut publié qu'après la mort
de l'aiileur, par son petit-fils, H. Beauchet-Filleau, et Ch.
de Chergé (Poitiers, 4844-4854, 2 vol. gr. in-8, 40 pi.
d'armoiries). Une nouvelle édition est en cours de publi-
cation depuis 4890.
FILLEUL (Dr. canon) (V. Commère).
FILLEUL (Nicolas), poète dramatique français, né à
Rouen vers 4530, mort vers 1575. On connaît de lui :
les Théâtres de Gaillon (en vers) à la Royne (Rouen,
4566). On trouve, dans ce petit in-4 de 54 feuillets,
quatre églogues : les Naïades ou Naissance du roy ;
Chariot, Téthys et Francine, représentées en l'Isle
heureuse, devant le roi et la reine ; une tragédie, la Lu-
crèce (cinq actes) et une comédie, les Ombres (cinq
actes), représentées devant Charles IX au château de
Gaillon les 26 et 29 sept. 4566. On a encore de Filleul :
un recueil de sonnets moraux, le Discours de N. Filleul
(4560) ; Achille, tragédie française (jouée au théâtre
d'Harcourt le 24 déc. 4563) ; la Couronne de Henry le
Victorieux, roi de Pologne (4573).
Bibl. : Bibliothèque du Théâtre-Français, t. ï. —
Ed. Frère, Manuel du Bibliog7*aphe normand.
FILL1AS (Achille-Etienne), littérateur français, né à
Aubusson le 25 mars 4824, mort en 4881. Elève de Saint-
Cyr, il entra dans le service des mines en 4841. Il explora
l'Algérie au point de vue minier et, de retour à Paris en
4848, prit part au mouvement révolutionnaire. Il colla-
bora à la Semaine, à la Réforme, fonda la Révolution
et fut expulsé après le coup d'Etat du Deux-Décembre. Il
continua à collaborer, soit sous son nom, soit sous le pseu-
donymede Ch. Besson, à la Science, kï Estafette, à F Eu-
rope artiste, etc. Il fut plus tard employé dans les bureaux
du gouvernement civil de l'Algérie. Il a publié : Etudes
sur r Algérie (Paris, 4849, in-8) ; Histoire de la con-
quête et de la colonisation de l'Algérie (4860, in-8) ;
V Algérie ancienne et nouvelle (4860, in-32) ; VEs-
pagne et le Maroc en i860 (1860, in-8) ; Etat actuel
demV Algérie (Alger, 4862, in-4 2) ; Nouveau Guide gé-
néral du voyageur en Algérie (Paris, 4865, in-4 2) ;
l'Expédition de VOued Cuir (Alger, 1880, in-8) ; Cam-
pagne du Maroc, Tanger, Isly, Mogador (Alger, 4882,
in-8). Filfias avait été quelque temps secrétaire d'Eugène
Sue et il a écrit, en collaboration avec lui, l'Amiral Leva-
cher (4853, 2 vol.).
FI LL! ÈRES. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Briey, cant. de Longwy ; 644 hab.
F1LLIÈVRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. du Parcq; 730 hab.
FILLINGES. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr.de
Saint-Julien, cant. de Régnier; 4,552 hab.
F1LLIUCCIUS (Vincent Figliucci), jésuite, professeur
au collège Romain, pénitencier du saint-siège, né à Sienne,
mort à Rome en 1622. OEuvres principales : Moralium
quœstionum de christianis officiis et casibus cons-
cientiœ tomi II (Lyon, 4626) ; Synopsis universœ theo-
logiœ moralis de christianis officiis et casibus conscien-
tiœ (Lyon, 4628) ; De Statu clericorum; De Bénéficias;
De Pensionibus ; De Spoliis; De Clericorum Vitaet de
simonia; De Alienatione rerum spiritualium. Dans ses
Lettres à un provincial, Pascal a tiré des ouvrages de ce
çasuiste, qu'il nomme Filiutius, de nombreuses et fort
immorales applications de la doctrine des jésuites sur la
probabilité et sur la direction des intentions. D'autres
auteurs le mentionnent sous le nom de Filuci. E.-H. V.
FILLMORE (Millard), treizième président des Etats-
Unis, né à Summer Hill, Etat de New York, le 7 janv.
4800, mort à Buffalo le 8 mars 4874. Rien dans les ori-
gines de Millard Fillmore ne semblait le prédestiner à
exercer un jour dans son pays la plus haute fonction pu-
blique. Fils d'un petit cultivateur, il reçut une instruction
tout à fait élémentaire, fut apprenti cordonnier, puis entra
à quinze ans dans une fabrique de draps. Une bibliothèque
publique lui fournit toutefois le moyen de développer son
instruction. Un juge de sa petite ville natale s'intéressa à
lui et le décida à se rendre à Buffalo où il étudia le droit,
en donnant des leçons pour subvenir à son eni retien.
A vingt-trois ans il était avocat et devint attorney près de
la cour suprême de l'Etat de New York. Il s'adonna de
bonne heure à la politique et fut élu membre de la légis-
lature en 4828. Cinq ans plus tard, il représentait le New
York au Congrès. Il joua pendant quelques années, dans
cette assemblée, un rôle plus utile que brillant, inclinant
plutôt du côté des whigs que du côté des démocrates, mais
disposé à de grandes concessions à ce dernier parti dans
l'intérêt du maintien de l'Union compromis par la question
de l'esclavage. Il rentra en 4843 dans la vie privée,
s'adonna tout à sa profession légale et y acquit réputation
et fortune. Le parti whig le choisit en 4843 comme candi-
dat à la vice-présidence avec le général Taylor pour la pré-
sidence. Les whigs l'emportèrent sur les démocrates par
467 voix contre 423, et Fillmore inaugurale 4 mars 4849
ses doubles fonctions de vice-président de l'Union et de
président du Sénat. Seize mois plus tard, le 9 juil. 4850,
la mort de Zachary Taylor portait de droit Millard Fill-
more à la présidence des Etats-Unis. Le Congrès discu-
tait alors avec passion les lois dont l'ensemble constitue le
compromis de 4850 (V. Etats-Unis [Histoire]) destiné à
régler la question de l'esclavage dans les territoires. Mil-
lard Fillmore, moitié whig, moitié démocrate, persuadé que
le vote de ces lois assurerait la concorde entre les Etats
du Nord et du Sud, mit au service du compromis toute
l'influence de l'administration. Aucun des deux partis ne
lui en sut gré. Lorsque la question présidentielle se posa,
en 4852, il voulait être réélu ; mais les démocrates ne pou-
vaient l'adopter et les whigs du Nord, estimant qu'il s'était
trop identifié avec la politique du compromis, lui préfé-
rèrent le général Winfield Scott. Fillmore n'eut pour lui
que les sympathies des whigs du Sud. Il resta hors de la
lutte. Quatre ans plus tard (4856), il reparut sur la scène
politique comme candidat du parti Know Nothing pour la
présidence, mais n'obtint que 8 voix électorales sur 296,
bien que le scrutin populaire lui donnât 874,000 suffrages
— 469
FILLMORE — FILON
sur 4? millions. Ses tendances sudistes se manifestèrent au
début de la guerre civile par quelques tentatives timides et
inutiles de conciliation. Il vécut ensuite très retiré, étran-
ger à la politique, à Buffalo. Aug. M.
F1LLOLS. Corn, du dép. des Pyrénées -Orientales, arr.
et cant. de Prades ; 394 hab.
F1LLON (Artus), théologien et prélat français, né vers
1460, mort le 27 août 1526. Il fut d'abord curé de Saint-
Maclou de Rouen; c'était un théologien érudit qui possédait
une bibliothèque remarquable. Elu évêque de Senlis en 1 522,
il y rétablit le collège en 1523. Récrivit plusieurs ouvrages
estimés de son temps, parmi lesquels nous citerons seule-
ment son Tractatus de sacramento pœnitentiœ, son
Spéculum curatorum (Troyes, s. d.) qui est peut-être le
même que le Eirudictorium atque directorium curato-
rum (Lyon, 1515) et des Sermons des commandements
de dieu, que pourront faire les curés et vicaires, a
leurs paroissiens, par chascun dimanche (Rouen, s. d.).
FILLON (Benjamin), archéologue et écrivain d'art fran-
çais, né à Grues (Vendée) le 15 mars 1819, mort à Saint-
Cyr-en-Talmondais (Vendée) le 23 mai 1881. Il fit son
droit à Paris, devint juge suppléant à Fontenay-le-Comte,
démissionna après le coup d'Etat et refusa après la chute
de l'Empire le poste de préfet de la Vendée, de même que
les candidatures législatives qui lui furent offertes à plu-
sieurs reprises. Passionné pour les recherches historiques
et archéologiques, il publia un nombre considérable de tra-
vaux, parmi lesquels se distinguent ceux relatifs à la numis-
matique et à l'histoire de l'art national. Nous citerons :
Recherches historiques et archéologiques sur Fontenay
(Fontenay, 1847, in-8); Considérations historiques et
archéologiques sur les monnaies de France (1850,
in-8, pi.) ; Etudes niimismatiques (1856, in-8, pi.) ;
Collection J. Ptousseau : monnaies féodales françaises
(Paris, 1862, in-8) ; Poitou et Vendée, études histo-
riques et artistiques (Fontenay, 1862-65, 9 livr. in-4;
avec la collaboration d'O. de Rochebrune) ; VArt de terre
chez les Poitevins (Niort, d 864, in-4, pi.), ouvrage où
il révéla l'origine des célèbres faïences dites de Henri II, et
fit connaître de nouveaux documents sur Bernard Palissy ;
enfin deux opuscules sur certains points concernant Mo-
lière. Après sa mort, on a publié de lui un Recueil de
notes sur les origines de V Eglise réformée de Fontenay-
le-Comte et sur ses pasteurs (Niort, 1888, in-4). L'im-
portante collection d'objets d'art et d'autographes qu'il
avait formée a été vendue aux enchères. G. P-i.
Bibl. : M. Tourneux, Notice biographique dans la re-
vue VArt, 1881.
FILMER (Sir Robert), écrivain politique anglais, mort
en 1653. Fait chevalier par Charles Ier, il resta toujours
royaliste ardent et fut emprisonné pendant la guerre civile.
Sa maison de East Sutton, dans le comté de Kent, fut,
dit-on, mise dix fois au pillage. Il publia de son vivant
un grand nombre de traités sur des questions politiques et
économiques, notamment sur l'usure, qu'il préconise; mais
son ouvrage capital, Patriarcha, ne fut imprimé qu'après
sa mort, en 1680. Il y soutient, sans grande force de
logique, d'ailleurs, la théorie du gouvernement patriarcal.
Locke et James Tyrrell ont pris la peine de le réfuter.
FILOCALUS (Furius Dionysius) calligraphe de Da-
mase, célèbre pour avoir exécuté en caractères d'une rare
beauté les inscriptions que ce pape fit mettre dans les cata-
combes. Il fut aussi le copiste du calendrier communément
désigné sous le nom de Chronographe de 354, et dont
la première page, contenant un titre ornementé, porte
cette mention : Furius Dionysius Filocalus titulavit
(V. Calendrier, t. VIII, p. 908, col. 1).
FILON. L'expression de filon s'applique à toute masse
minérale qui, venue de la profondeur, forme le remplissage
d'une fente bien caractérisée de l'écorce terrestre. Cette
condition pouvant être remplie soit par des roches érup-
tives, soit par des substances minérales susceptibles de
fournir des métaux usuels, il y a lieu de distinguer deux
grandes catégories de filons : celle des roches flloniennes
ou iïépanchement, injectées dans les crevasses de l'écorce
à la manière des laves de nos volcans et celle des gîtes
minéraux et métallifères dont les analogues doivent être
cherchés aujourd'hui parmi les produits des fumerolles ou
des sources thermales.
Roches flloniennes. Ces roches qui ont pour office,
après leur consolidation, de ressouder les fractures qui leur
ont livré passage, apparaissent disposées sous forme de
plaques recoupant, sous des angles divers, les formations
stratifiées de divers âges aussi bien que celles plus mas-
sives fournies par les granités. L'expression de dyke
s'applique alors à toutes celles qui, dressées verticalement
ou faiblement inclinées, se détachent souvent en saillie
comme un mur ébréché, au-dessus du terrain encaissant
quand ce der-
nier, de nature
ébouleuse ou
friable, se laisse
facilement dé-
grader par les
agents atmo-
sphér iqu es
(fig. 1). Tout
le monde sait
combien les
roches volcani-
ques du type
basaltique of-
frent de nom-
breux exemples
de cette dispo-
sition, notam-
ment aux Hé-
brides, aux
Féroë, dans l'île
de Clyde où ces
dykes de basalte
se sont rendus
célèbres par
leur remarquable division prismatique. Dans la série anv
cienne, les filons de porphyre doivent à leur compacité de
se présenter souvent sous cet aspect. Parfois c'est l'inverse
qui a lieu : quand la roche éruptive devient plus attaquable
que les parois qui rencaissent, livrée sans défense aux
actions érosives, son affleurement se traduit par une tran-
chée abrupte que les eaux superficielles approfondissent
graduellement (fig. 2) . Telles sont les conditions fréquem-
ment offertes par les diorites et les diabases. Il convient
Fig. 1 et 2.— Effets d'érosion sur les filons,
a, dyke en saillie; b, filon affouillé.
Fig. 3. — Terminaison des dykes de profondeur.
ensuite d'ajouter qu'une roche éruptive peut épuiser toute
son énergie avant d'arriver au jour ; dans ce cas, le filon,
arrêté en profondeur, se termine en coin dans le terrain
encaissant ou sous une forme ramifiée (fig. 3). Enfin, il
arrive fréquemment que, dans la traversée des terrains
stratifiés, des roches d'épanchement, très fluides, puissent,
en profitant de cassures qui empruntent le plan de sépa-
FILON
- 470 —
ration des strates, s'étendre latéralement à de grandes
distances du point d'émission ; il en résulte des filons-
couches, nettement interstratifiés, au milieu des assises
sédimentaires, et qui sembleraient, à première vue, con-
temporains de leur dépôt, mais qui ne sont autres que des
nappes d'intrusion souvent bien postérieures. Telles sont, par
exemple, dans le Vicentin (fig. 4), les innombrables nappes
Fig. 4.— Filons-couches.
horizontales de basalte qui, régulièrement intercalées dans
les terrains nummulitiques éocènes, se raccordent avec de
grands filons transversaux se poursuivant jusque dans les
assises miocènes.
Mais les roches d'épanchement ne sont pas seules à se
présenter sous la forme filonienne ; celles massives de pro-
fondeur, telles que les granités, qui se sont consolidées,
sans avoir vu le jour, sous une épaisse couverture de sédi-
ments, envoient souvent au dehors, dans les roches encais-
santes, des injections de leur propre substance, sous forme
de filons tout à fait minces ou de veinules capricieusement
ramifiées. Très différents d'allure des précédents et ne
représentant plus comme eux des bouches de sortie, ces
accidents, toujours limités à une zone peu étendue, pren-
nent tous les caractères d'apophyses disposées en auréoles
autour des massifs granitiques. En même temps, ils offrent
comme caractère distinct de présenter, malgré une dimi-
nution notable de grain qui leur donne une apparence
compacte, un état de cristallisation très avancé. Tels sont
les filons minces et souvent très prolongés de granulites,
Fig. 5. — Veines aplitiques dérivant d'une granulite mas-
sive et pénétrant au loin dans les schistes encaissants.
spécialement désignés sous le nom à'aplites, dont la struc-
ture, essentiellement granulitique, devient souvent pegma-
toïde sous la forme d'une'pegmatite graphique (fig. 5), et,
de même, ceux qui, divergeant d'un massif de syénite
néphélinique, prennent, avec l'aspect, tous les caractères
des phonolithes.
Gîtes minéraux et métallifères. Un grand nombre de
substances minérales diverses existent à l'état de diffusion
extrême dans les masses rocheuses, disséminées en propor-
tions minimes et comme perdues au milieu de leurs élé-
ments constitutifs. Tel est le fer répandu partout et dont
la présence, quelque infime que soit sa proportion, se
révèle par les teintes valïées qu'il imprime à la pierre.
Tout le monde sait que c'est lui qui, suivant son état plus
ou moins grand d'hydratation et d'oxygénation, donne aux
grès, aux calcaires, aux argiles, aussi bien qu'aux masses
éruptives, ces teintes jaunes, brunes ou rouges que l'on
connaît. Là même où il ne révèle pas sa présence par ces
colorations étrangères à la nature de la roche, il existe
encore, et l'analyse chimique en décèle des proportions infi-
nitésimales. Mais le fer n'est pas seul ainsi diffusé dans la
nature; un grand nombre de métaux, notamment les plus
usuels, tels que le cuivre, le zinc, etc. se rencontrent à cet
état de dissémination complète dans les roches et les océans.
Réunis, tous ces atomes épars formeraient assurément des
masses énormes, de beaucoup supérieures à celles que
renferment tous les gîtes métallifères connus, mais ces
richesses idéales ne sont d'aucun profit pour l'industrie
humaine, puisqu'on ne peut les atteindre sous cette forme
diffusée. Pour qu'elles deviennent saisissables, il faut que
des causes spéciales aient rassemblé, dans des points par-
ticuliers, ces divers éléments en venant les concentrer dans
quelque fissure de roche en quantité suffisante pour fournir
une exploitation fructueuse.
L'emplacement qu'ils occupent prend alors le nom de
gîte, et ces gîtes sont dits métallifères quand les subs-
tances qu'ils renferment peuvent fournir des métaux usuels,
métaux qui se présentent disséminés au milieu d'une cer-
taine quantité de matières pierreuses nommées gangues,
soit à l'état natif, soit et surtout combinés, sous la forme
de minerai, avec certaines substances justement rangées
sous le nom de minéralisateurs et dont les principales
sont avec l'oxygène, le soufre, le sélénium, le tellure,
l'arsenic, l'antimoine. A côté de ces gîtes métallifères
viennent se placer les gîtes minéraux (V. ce mot), qui
renferment encore des substances utiles (gîtes de phospho-
rite, aVémeri, etc.), mais jamais de minerais. Au lieu d'un
remplissage métallique, ces derniers se trouvent unique-
ment constitués par des sels pierreux oxygénés (alumi-
nates, phosphates, sulfates, carbonates, etc.) ou haloïdes
(chlorures, fluorures, etc., des métaux légers).
Classification des gîtes métallifères. Parmi les gîtes
métallifères, les seuls dont nous ayons à nous occuper ici,
on peut distinguer deux principales variétés de formes ré-
pondant chacune à un mode de production particulier : les
gîtes stratifiés et les gîtes de fractures. Les premiers
sont ceux dont la masse affecte une disposition en couches
concordantes, régulièrement interstratifiées dans les ter-
rains sédimentaires ; ils forment alors partie intégrante de
la formation et ne représentent qu'un épisode dans l'en-
semble des dépôts qui la composent. Leur histoire ne
pouvant être séparée de celle du terrain encaissant, il
convient donc de rattacher leur description à celle des for-
mations dont ils font partie. Tout autres sont les gîtes de
fractures qui, nettement indépendants des roches traver-
sées, représentent toujours une fente remplie, après coup,
sous l'influence d'émanations et d'actions chimiques spé-
ciales, fente qui peut être régulière en affectant une allure
filonienne bien caractérisée ou présenter, par places, des
élargissements communiquant au gîte une forme lenticu-
laire. De là la distinction de ces gîtes de fracture en deux
groupes, les gîtes réguliers ou filons proprement dits, dont
le parcours est toujours bien défini, et les gîtes irréguliers
ou amas, disposés en massifs lenticulaires Deux choses,
par suite, sont à considérer dans ces gîtes métallifères : la
fente, qui les contient, et le remplissage qui, dépendant
directement de l'activité interne, peut être souvent séparé
du phénomène de fracture par un long intervalle.
Allure, orientation, croisement des filons. La fente
des gîtes réguliers toujours bien définie comme parcours
et s'étant propagée jusqu'à la surface, Y affleurement du
filon est bien dessiné par son" intersection avec la surface
du sol, et parfois se traduit par.des dykes à la manière des
filons de roche, quand la matière de remplissage plus dure
que les parois encaissantes se dresse sous la forme d'une crête
saillante au-dessus du sol nivelé par les érosions. Tels sont,
dans le Morvan, les grands filons quartzeux métallifères,
dont les crêtes, aux formes âpres, dentelées, découpées par
— 474 —
FILON
places en pyramides hautes de 10 à 12 m., se dressent, de
toutes parts, au-dessus des gneiss et granités réduits en
arène à leur pied. D'autres fois, ce sont seules des teintes
caractéristiques, couleurs rouges ou rouiliées des oxydes
de fer, couleurs vertes des oxydes de cuivre, qui, impré-
gnant les roches au contact, deviennent les seuls indices
de l'existence du filon en profondeur. Une fois sa présence
reconnue, deux questions importantes viennent se poser :
la détermination, d'une part, de sa direction ;de l'autre,
du pendage, c.-à-d. de son inclinaison. Cette dernière, le
plus souvent très forte, n'est autre que l'angle fait avec
l'horizontale par la ligne de plus grande pente du filon et
se mesure par degrés, comme la pente d'un versant, à
partir de l'horizontale. La direction, qui devient l'orienta-
tion de l'horizontale avec chacun des points du filon, se
détermine ensuite avec la boussole et s'exprime au moyen
de ces divisions géographiques de l'horizon que les marins
désignent sous le nom à' aires de vent. Cette orientation
comporte alors des variations de détail assez sensibles pour
qu'on doive, dans la pratique, évaluer cette direction en
heures (hora) delà boussole, depuis 0 jusqu'à 12.
Entre un filon métallifère et un filon de roches éruptive
que les mineurs appellent stérile, la différence ne portant
que sur la nature des matériaux de remplissage, tout ce
qui a été dit précédemment au sujet de l'allure des frac-
tures qui leur ont livré passage trouve ici son application
(V. Faille). C'est ainsi que, dans les deux parois spéciale-
ment désignées sous le nom à' épontes, on distingue sous
le nom de toit celle qui, par suite du défaut de verticalité
du filon, s'appuie sur lui, tandis que celle inférieure, qui
semble le supporter, devient le mur. C'est aussi sur les
épontes de ces filons qu'il faut venir chercher les meilleurs
exemples de ces surfaces polies et striées dites miroirs de
filons, qui résultent du frottement mutuel des parois quand la
fente, prenant le caractère défaille, le toit a glissé sur le mur.
Pas plus qu'une fracture ordinaire, les filons ne sont
jamais d'une rectitude absolue, aussi bien en épaisseur
qu'en direction. Dans le cas d'une fracture simple, les
épontes se suivent parallèlement dans leurs ondulations, et
la plaque de matière minérale interposée offre partout une
épaisseur à peu près égale, mais le plus souvent il y a eu
faille; dans ce cas, les ondulations, par suite du glisse-
ment d'une des parois dans le sens de la fente, ne se cor-
respondant plus, il en résulte que le filon présente une
série de renflements et d'étranglements successifs, c.-à-d.
une allure en
chapelet qui
rend l'exploita-
tion difficile, et
cela d'autant
plus qu'une pa-
reille fracture
peut se fermer
en certains en-
droits et devenir
stérile (fig. 6).
Cette circons-
tance se réalise
de préférence
quand elle tra-
verse un terrain
composé de
couches de du-
reté très iné-
gale. Toute
fente qui se
produit, en ef-
fet, dans une série alternante de couches dures, telles que
des grès quartzeux, et de schistes tendres, doit néces-
sairement se composer d'éléments d'inégale inclinaison.
Dans les schistes, où la résistance est faible, la cas-
sure se propage dans le sens de l'effort ; mais, dans les
grès, elle dévie pour venir prendre la ligne de moindre
Fig. 6. — Filon en chapelet.
résistance qui se fait perpendiculairement aux strates. Dès
lors, elle prend une disposition enéchelon, et quand il y a
faille, le glissement fera naître dans ces couches de grès
des espaces vides, bien propres à la circulation des vapeurs
ou des eaux minéralisées, et par suite à l'accumulation des
Fig. 7. — Disposition en gradins d'un filon traversant un
système de grès durs et de schistes tendres. r, parties
riches de ce filon à gradin.
gangues etminerais, tandis que, dans les parties schisteuses,
le toit ne cessant de rester appliqué sur le mur, la fente
sera très peu ouverte. Ainsi s'explique la disposition fré-
quente des filons en gradins (fig. 7) et ce fait que les
parties riches, loin d'être orientées au hasard, se présen-
tent, d'un côté ou de l'autre de la direction du filon, cons-
titués par une série d'éléments parallèles entre eux et dont
la direction commune devient la bonne orientation, en
d'autres termes, toujours groupés suivant un alignement
Fig. 8. — Orientation des parties riches r dans un filon FF'.
défini, distinct de la direction moyenne, alignement qui
n'est autre que celui affecté par la fente dans la traversée
des roches favorables (fig. 8).
Dimension et groupement des filons. Champs de
fractures. Rien n'est plus variable cjue la dimension des
filons. Leur puissance, c.-à-d. l'épaisseur mesurée d'une
éponte à l'autre, peut varier depuis l'épaisseur d'une feuille
de papier, circonstance réalisée par des fentes imprégnées
de tellure natif de Transylvanie, jusqu'à celle de 50 à
60 m. , observée dans les grands filons du Hartz ; impossible
de fixer une moyenne, et tout ce qu'on peut dire, c'est
qu'à partir de 3 ou 4 m., les filons deviennent déjà puis-
sants et que les épaisseurs dépassant 10 m. sont excep-
tionnelles. Dans le sens de la longueur, ces différences ne
sont pas moindres ; les longueurs de 5 à 6 kil. ne sont
pas rares, celles de 500 à '2,000 m. sont les plus fré-
quentes ; il en est qu'on a pu suivre en direction sur des
distances de 15 à 20 kil. Rarement on les rencontre
isolés ; étant donné leur point de départ, qui est toujours
une fente, et ce fait que les fractures dans l'écorce forment
toujours des systèmes conjugués, il est bien clair que les
filons doivent partager le même sort ; aussi se montrent-
ils réunis par groupes épousant la même direction et se
suivant parallèlement. De plus, loin d'être distribués au
hasard, on les remarque concentrés en assez grand nombre
dans les régions disloquées, riches en roches éruptives, où
ils viennent constituer plusieurs systèmes enchevêtrés de
cassures, composés chacun d'une série de filons dirigés
dans le même sens, contenant les mêmes minerais et, par
suite, contemporains. Les districts miniers traversés par
de pareils réseaux de fentes sont appelés champs de frac-
tures. Dans de pareilles régions, la rencontre de filons
appartenant à des systèmes différents a pour résultat de
dévier brusquement leur direction. Le filon croisé, recoupé
FILON
— 472 —
par la nouvelle fente, subit en effet un rejet plus ou moins
considérable et vient butter contre le croiseur (fig. 9).
Une galerie horizontale, menée dans le premier de ces
filons, doit donc cheminer pendant quelque temps dans le
croiseur pour aller retrouver au delà le gîte exploité. Toute
la question, pour savoir si on doit la diriger en avant ou
en arrière, réside dans la détermination du sens du rejet.
Un ingénieur allemand, Schmitz, a donné à ce sujet une
règle pratique qui porte son nom et consiste à venir cher-
cher le rejet dans l'angle obtus.
Ces champs de fractures si bien caractérisés dans l'Erze-
gebirge à Freiberg, dans le Hartz autour de Clausthal, en
Cornouailles, en Bohème à Prizbram, en Hongrie à Schem-
nitz, en France près de Pontgibaud (Puy-de-Dôme) et de
Vialas (Lozère), avec leurs directions multiples, mais le plus
souvent conjuguées et régulièrement parallèles, témoignent
Fig. 9.
Rencontre des filons, aa, filon croisé; b, filon
croiseur.
que ces réseaux de fentes résultent d'efforts de tension et
surtout de torsion subies, lors des phénomènes orogéniques,
par certaines parties résistantes de Técorce terrestre quand
ces dislocations ont été déviées par une cause profonde.
L'expérience, du reste, est venue le prouver. M. Daubrée,
en soumettant à un mouvement de torsion, par un bout, une
plaque de verre épais solidement encastrée à l'autre extré-
mité, a pu obtenir une série de fêlures conjuguées qui repro-
duisent exactement l'aspect d'un plan de mines dans un
district métallifère (fig. 40).
#\^^/\
Fig. 10. — Reproduction expérimentale des champs de
fractures de filons. Effets de la torsion sur une plaque
de y erre épais (d'après M. Daubrée).
Remplissage des filons. Une fois la fente produite dans
des roches assez solides pour qu'elle demeure ouverte, son
remplissage a pu se faire dans des conditions très diverses,
mais qui, toutes, dérivent de l'activité interne. Tantôt, par
exemple, c'est l'étain qui, à l'état d'oxyde (cassitérite),
est venu tapisser tout un système de fentes étroites, enche-
vêtrées dans tous les sens au travers d'un massif de gra-
nité à mica blanc (Stockwerk des mineurs saxons) et sur-
tout à la périphérie dans les roches schisteuses ou gneis-
siques encaissantes ( Strockscheider ) , sous l'influence
d'émanations volatiles intimement liées à l'éruption d'une
pareille roche. Dans ce cas, à la manière de ces fumerolles
qui se dégagent des laves incandescentes dans nos volcans
actuels, ce sont des vapeurs chaudes chargées de substances
chimiques de ces dissolvants ou minéralisateurs (fluor,
aides phosphorique, borique, etc.) que ces roches amènent
toujours avec elles, qui ont provoqué le remplissage de ces
gîtes stannifères et titanifères. D'autres fois, ce sont des
roches basiques, spécialement des diabases, des diorites et
des métaphyres qui sont devenus le véhicule du cuivre et
de ses congénères. Or, comme dans ces gîtes cuprifères,
disposés toujours en amas plus ou moins lenticulaires, près
du contact de la roche éruptive avec le terrain encaissant,
les minerais sont toujours à l'état de sulfures (cuivre pyri-
teux, cuivre panaché), parfois d'arséniures et d'antimo-
niures (cuivre gris), il est bien certain qu'ils ont pris nais-
sance cette fois dans un milieu, non plus oxydant comme les
précédents, mais réducteur, et qu'on doit les attribuer à
des phénomènes solfatariens du même ordre que ceux qui
suivent de près les éruptions volcaniques proprement dites.
Dans de pareils gîtes, chaque fois que se présentent des
oxydes métalliques, on peut toujours reconnaître qu'ils
sont étroitement localisés dans les parties supérieures
du gisement et tout entiers dus à des phénomènes posté-
rieurs franchement superficiels. C'est, en effet, l'action oxy-
dante des eaux d'infiltration jointe parfois à certaines
influences électriques analogues à celles qu'on utilise pour
la galvanoplastie, qui détermine au sommet de ces filons
l'isolement du métal à l'état natif, et surtout la production
de la limonite, c.-à-d. de ce peroxyde de fer hydraté dans
ce qu'on appelle le chapeau de fer des filons (EisenerHut).
Dans cette catégorie bien spéciale de gîtes de départ
viennent se placer les gîtes aurifères, riches en métaux
précieux, où l'or paraît, aussi être venu au jour à l'état de
sulfure, accompagné de pyrite de fer : pyrites sulfureuses
qui, en s'oxydant à l'air comme dans le cas précédent, ont
abandonné le fer à l'état d'oxyde et l'or sous forme de
grains (pépites) disséminés au milieu du quartz qui forme
toujours la gangue de pareils filons. Tels sont en France
les gîtes aurifères du Gard ou du Limousin, autrefois si
largement exploités dans les localités qui portent encore le
nom bien significatif à'aurières ; enfin et surtout, pour
ne citer que le principal, le célèbre filon dit Comstock Iode
dans le Nevada, en Amérique, où le quartz si riche en or
n'est autre qu'un gîte de contact en relation avec des roches
franchement basiques, dioritiques et diabasiques.
Enfin, il est une condition cette fois très souvent réali-
sée où les filons métallifères, au lieu d'avoir l'allure irré-
gulière des précédents, occupent des fentes bien définies,
très régulières et dont le remplissage devient constitué par
une série de couches alternatives de gangues et de mine-
rais systématiquement disposées par rapport aux parois. Il
en résulte une structure rubanée tout à fait caractéristique
de ce groupe bien particulier de filons dits concrétionnés
ou iï incrustation, par suite de ce fait que toutes les subs-
tances minérales zonées s'y présentent à l'état concré-
tionné et ne prennent de formes cristallines distinctes que
dans l'injérieur des espaces vides (druses ou géodes) qui
Fig. 11. — Coupe d'un filon concrétionné en exploitation ;
1 1 AnAntao Ali -fil/^n /r*r\ /->V> /-» nnnnînnnriln^ . O O t-> r» -m s\ i c
galène
subsistent parfois au centre du filon. La figure 41, emprun-
tée à un filon plombifère, c.-à-d. au type le plus franc
de ces filons concrétionnés, montre clairement que leur
structure est tout entière due à une circulation lente dans
une fracture servant iïévent, d'eaux minérales et de vapeurs
— 473 —
FILON — FILOUTERIE
déposant successivement contre les parois les substances
dont elles étaient chargées jusqu'à ce que l'intervalle fût
entièrement comblé, dépôt qui, formé surtout par une
simple condensation, a pu être activé par des phénomènes
électro-chimiques. Ces filons, avec du quartz, de la cal-
cite, du carbonate de fer, de la barytine et parfois de
la fluorine comme gangue, ne renferment que des mine-
rais sulfurés : blende (zinc sulfuré), galène (sulfure de
plomb) souvent argentifère, cuivre pyriteux (sulfure de
fer et de cuivre), puis plus rarement de V argent rouge,
c.-à-d. une combinaison de l'argent avec le soufre, l'anti-
moine et l'arsenic.
Richesse des filons. Tout le monde sait combien la
richesse d'un filon peut varier à mesure qu'on avance soit
en direction, soit en profondeur. Même dans les plus régu-
liers de ceux que nous avons désignés sous le nom de con-
crétionnés, une simple intermittence dans la cause qui a
produit le remplissage peut introduire de grandes inéga-
lités dans la composition ; de nouveaux apports, qui se tra-
duisent par la formation d'un nouveau système de veines
récentes, disloquant les veines anciennes, compliquent en-
suite singulièrement l'exploitation. La recherche des lois
qui président à la distribution si capricieuse des parties
riches des filons est naturellement une des questions qui,
depuis longtemps, ait le plus attiré l'attention dans les
régions où l'exploitation des mines est très active. Dans ce
sens, c'est de beaucoup M. Moissenet (Parties riches des
filons ; Paris, 1874, 1 vol. avec atlas) qui a fourni les
notions les plus précises. Etant données les relations bien
connues qui s'établissent d'une façon étroite entre la richesse
d'un filon et la nature des terrains encaissants, c.-à-d. des
parois ou épontes, il a montré que leurs parties riches se
présentent toujours dans les points où la fente est encaissée
dans des couches de dureté moyenne. Du. degré de résis-
tance plus ou moins grand des roches dépend, en effet, non
seulement le mode de formation des fentes, mais leur bonne
conservation si nécessaire à la circulation des vapeurs et
eaux minérales ascendantes provenant de la profondeur.
D'autre part, le phénomène chimique du remplissage est
encore singulièrement influencé par la composition miné-
ralogique et l'état physique des roches traversées. Le
meilleur exemple qu'on puisse citer sont ces filons renflés,
singulièrement élargis par places auxquels on réserve le
le nom de gîtes calaminaires. Déjà, dans un grand nombre
de gîtes de fer, la puissance des amas de minerais s'accroît
notablement dans la traversée des massifs calcaires et sur-
tout à la jonction de pareilles roches avec des couches im-
perméables comme des schistes argileux ; dans ce cas, en
effet, les émanations métallifères ne pouvant pénétrer dans
ces zones argileuses, leur action se concentre sur le cal-
caire qui, corrodé et dissous de proche en proche, s'élargit
en donnant naissance à des cavités bien profitables pour
l'accumulation du minerai. Mais, nulle part, cette corrosion
des calcaires à la jonction des couches argileuses ne se ma-
nifeste avec une plus grande intensité que dans la traversée
des filons de zinc. Dans ce cas, l'élargissement du gîte de-
vient à ce point considérable qu'un filon de blende stérile
et réduit à une simple fissure dans des schistes et des
grauwackes peut subitement, au milieu du calcaire, comme
dans les célèbres mines de zinc du Laurium et de la Vieille-
Montagne auMoresnet, avoir une largeur de plus de 400 m.
En même temps, alors que dans les roches argileuses le rem-
plissage métallique n'est fait que par des sulfures, dans les
calcaires ce sont des minéraux oxydés, surtout carbonates
qui se présentent, tandis que la blende est remplacée par
des amas irréguliers, très dilatés, de calamine, c.-à-d. de
silicate et de carbonate de zinc. D'où le nom de calami-
naire appliqué à ces gîtes si remarquablement élargis et
caractérisés par ce fait qu'en s'épanouissant ainsi au tra-
vers des calcaires fissurés, par suite perméables, ils ont
pris naissance dans un milieu réducteur. Ch. Vélàin.
Exploitation des filons (V. Mine).
Bibl. : Elie de Beaumont, Emanations volatiles et mé-
tallifères, dans Bull, de la Soc. géol. de France, 1853,
2e série, t. IV. — Fournet, Sur les Allures et les formes
des filons, dans Bull, de la Soc. géol. de France, 1857,
2e série, t. XV. — Moissenet, Parties riches des filons ;
Paris, 1874, in-8, avec atlas.
FILON (Charles-Àuguste-Désiré), historien français, né
à Paris le 7 juin 1800, mort à Paris le 4er déc. 1875.
Professeur d'histoire à Louis-le-Grand, à Bourbon, à Char-
lemagne, Henri IV, Saint-Louis, il devint en 4840 maître
de conférences à l'Ecole normale supérieure. En 4833, il
fut nommé professeur d'histoire et doyen de la faculté des
lettres de Douai et termina sa carrière universitaire comme
inspecteur d'académie à Paris. Il a publié : Eléments de
rhétorique française (Paris, 4826, in-42); Nouvelles
Narrations françaises avec les arguments (4828, in-42) ;
Histoire comparée de France et d'Angleterre (4832,
in-8) ; Histoire de V Europe au xvr3 siècle (4838, 2 vol.
in-8) ; De la Diplomatie française sous Louis XV (4843,
in-8) ; Du Pouvoir spirituel dans ses rapports avec
VEtat (4844, in-8) ; De la Méthode historique (4840,
in-8), qui fut sa thèse de doctorat avec pour thèse latine An
stoica M. A. Antonini philosophia aliquid christianiœ
doctrinœ debuerit (4840, in-8) ; Histoire de V Italie mé-
ridionale (4849, in-48) ; Histoire du Sénat romain
(4850, in-48) ; Histoire de la démocratie athénienne
(4854, in-8) ; V Alliance anglaise au xvme siècle (i 860,
in-8) ; l'Ambassade de Choiseul à Vienne, en 1757 et
1758 (4872, in-8).
FILON (Pierre-Marie-Augustin), littérateur français, né
à Paris le 28 nov. 4844, fils du précédent. Elève de l'Ecole
normale (promotion de 4864), professeur de rhétorique au
lycée de Grenoble, il fut choisi en 4867 pour précepteur
du prince impérial qu'il accompagna en Angleterre après
les événements de i 870. Chroniqueur apprécié de la Revue
bleue, très au courant des choses et de la littérature an-
glaise, M. Filon a écrit des ouvrages de critique littéraire,
des études historiques, des nouvelles et des romans fort
distingués. Nous citerons : Gui Patin, sa vie, sa corres-
pondance (Paris, 4862, in-42) ; Etude sur les lettres
portugaises (4863, in-42) ; les Mariages de Londres
(4875, in-42), signé du pseudonyme de Pierre Sandrié;
Histoire de la littérature anglaise (4883, in-42);
Amours anglais (4888, in-42); Nos Grands-Pères (4887,
in-42) ; Contes du centenaire (4889, in-42) ; Violette
Mérian (4891, in-42) ; Profils anglais (1893, in-42), etc.
FILOSELLE (Filât.). Fils de soie obtenus en filant les
bourres extérieures des cocons par des procédés analogues
à ceux que l'on applique au travail de la laine, et qui se
teignent en toutes couleurs; la filoselle, soit pure, soit
mélangée de coton, s'emploie principalement pour la fabri-
cation de bas, gants, etc.
FILOUTERIE. L'art. 404 du C. pénal assimile au vol
et punit des mêmes peines les filouteries et larcins,
mais nulle part le code ne donne de définition de ces deux
mots. Cette distinction entre le vol et la filouterie provient
de notre ancien droit qui donnait le nom de vol à toute
soustraction frauduleuse commise avec force ou violence et
celui de filouterie aux soustractions commises par adresse
ou par ruse. Malgré les termes de l'art. 404, cette distinc-
tion n'a pas persisté dans notre droit : quelle que soit la
façon dont est commise la soustraction frauduleuse, elle
constitue le vol. Le mot filouterie n'a donc plus qu'un inté-
rêt rétrospectif. On s'en sert pourtant en pratique pour
qualifier un délit spécial, que l'on désigne quelquefois sous
le nom de grivèlerie, mais beaucoup plus couramment
sous celui de filouterie d'aliments, et qui a été prévu
par une loi récente du 26 juiL 4873. Cette loi a été ins-
crite au code à la suite et comme complément de l'art. 404.
Elle a pour but d'atteindre l'individu qui, se sachant insol-
vable, entre dans une auberge ou tout autre établissement
de ce genre, se fait servir des boissons ou aliments, et
qui, lorsqu'il a consommé et que le moment de payer sa
dépense est venu, se trouve dans l'impossibilité de le faire.
Ce genre de délit est un des plus fréquents et des plus
FILOUTERIE - FILS
— 474 —
faciles à commettre, les restaurateurs ayant coutume de
remettre les aliments à ceux qui les commandent, sans
demander de garantie. Jusqu'à la loi de 1873, il restait
pourtant impuni, ce fait ne pouvant être assimilé à aucun
délit prévu par le code ; il tient à la fois du vol et de l'es-
croquerie et diffère de tous deux : la remise volontaire
des aliments au consommateur empêchait de le considérer
comme un vol ; pour le considérer comme une escroquerie,
il y manquait la manœuvre frauduleuse exigée par Fart. 405.
Une loi spéciale pouvait seule en permettre la poursuite.
FILS. I. Sociologie (Y. Famille).
II. Droit romain. — Le nom de fils de famille
(filius familias) désigne, en droit romain, non pas exac-
tement celui qui est le fils d'un autre, mais celui qui
est sous la puissance paternelle d'un autre ; car, la famille
romaine étant fondée sur la puissance, l'enfant né en ma-
riage lui-même n'est pas le fils de famille de son père s'il
est sorti de puissance, ' par exemple par émancipation
(V. le mot Emancipation), et un homme a pour fils de
famille tous les individus qu'il a sous sa puissance pater-
nelle, non seulement ceux qu'il a procréés en mariage,
mais les enfants nés d'autrui qu'il a adoptés, et, en droit
récent, les enfants issus de son concubinat qu'il a légi-
timés (V. les mots Adoption, Légitimation). — La con-
dition du fils de famille, qui se prolonge quel que soit son
âge jusqu'à la disparition de la puissance, c.-à-d. le plus
ordinairement jusqu'à la mort du père, n'a, en droit pu-
blic, aucune influence restrictive sur ses droits politiques.
En droit privé, elle n'en a non plus aucune, au regard des
tiers, sur sa capacité civile qui est, en principe, aussi com-
plète que celle d'un chef de famille ; mais, au regard du
père, sa personnalité disparaît devant l'autorité absolue
résultant de la puissance paternelle. La première idée
explique que, sauf quelques réserves, la personne en puis-
sance paternelle puisse, en la supposant de sexe et d'âge
convenables, valablement figurer activement et passivement
dans tous les actes juridiques. Mais elle est, surtout an-
ciennement, presque entièrement masquée par les consé-
quences que la seconde entraîne, soit quant à la personne, soit
quant aux biens. Quant à la personne, le père peut infliger
au fils de famille, aussi bien qu'à un esclave, tous les
châtiments, même la mort ; il peut en faire comme d'un
esclave une mancipation qui le mettra, sinon en esclavage,
au moins dans une condition servîle et dont, comme l'es-
clave, il ne pourra sortir que par un affranchissement ; et
cet affranchissement lui-même, qui rendrait l'esclave libre,
fera simplement retomber le fils sous la puissance pater-
nelle, dont il ne sera dégagé qu'après trois mancipations.
Quant aux biens, la capacité du fils ne s'exerce qu'au profit
du père à qui toutes les choses matérielles, toutes les
créances acquises par lui passent mécaniquement : en sorte
qu'il ne peut être ni propriétaire ni créancier, et que, par
suite, il lui est impossible de figurer en son nom, comme
demandeur, dans un procès, ni de figurer dans Vin jure
cessio, qui est le simulacre d'un procès relatif à un droit
réel ; en sorte que le père qui lui laisse des biens entre les
mains reste propriétaire de ce pécule (V. ce mot) comme
de celui de l'esclave. La différence qui le sépare de l'es-
clave ne se manifeste donc pratiquement qu'à son préju-
dice : il peut devenir débiteur, non seulement comme
lui par ses délits, mais aussi, sauf quelques réserves
(V. notamment le mot Sénatus-Consulte macédonien), par
ses contrats, dont il reste tenu, tandis que le bénéfice en
va au père. Encore n'est-il pas sûr que cette différence ait
toujours existé, car l'ancien droit n'aurait sans doute pas
compris une obligation non susceptible d'exécution, et
l'exécution sur la personne du fils suppose si bien un conflit
avec la puissance paternelle que les actions noxales ont
été inventées pour le trancher en matière de délits. Seu-
lement, dès l'époque la plus ancienne, le fils différait de
l'esclave en ce que, à la mort du père, tandis que l'esclave
ne faisait que changer de maître, le fils devenait un chef
de famille et, à moins d'avoir été exhérédé (V. Exhé-
rédation), succédait au patrimoine paternel, grossi par
ses acquisitions. En outre, l'évolution du droit romain
a été marquée par l'affaiblissement de la puissance pater-
nelle, par la reconnaissance croissante de la personnalité
du fils, à qui la théorie des pécules castrens, quasi cas-
trens et des biens adventices a progressivement permis
d'avoir un patrimoine propre; contre qui le droit de vie
et de mort s'est peu à peu réduit à un droit de correction
légère ; en face duquel la dernière application pratique du
droit de mancipation, l'abandon noxal, a été abolie par
Justinien.
Les règles précitées sur la capacité de s'obliger s'appli-
quent en supposant la personne en puissance capable au
point de vue de l'âge et du sexe. Lorsqu'il s'agit d'un
filius familias impubère, il est incapable de s'obliger,
comme le sui juris du même âge, et ne peut, contrairement
à lui, y être habilité par Yauctoritas de personne. Quant
à la fi lia familias, elle était nécessairement frappée à
l'origine, à raison du sexe, d'une incapacité symétrique à
celle qui atteignait le fils impubère à raison de l'âge, et on
admet généralement aujourd'hui qu'il en était encore ainsi
à l'époque de Gaius (Inst., 3, 404). Il en est encore de
même à l'époque de Paul et d'Ulpien, en vertu de textes
formels contredits seulement en apparence par un texte
d'Ulpien (D.,14, 6 fr. 9, 2) qui donne l'exception du sé-
natus-consulte macédonien non pas à la fille contre l'action
directe de son contrat, mais au père contre l'action de
peculio. Il y a même un texte récemment signalé qui, en
restreignant cette même action de peculio pour les enga-
gements non pas de la fille, mais de la femme esclave, à
la mesure où elle serait restreinte pour ceux de l'impubère,
semble encore impliquer l'assimilation du sexe à l'âge chez
les personnes en puissance, au temps de Dioclétien (G. 4,
26, Const. 11). A l'époque de Justinien, il n'est plus
question de cette incapacité. P. -F. Girard.
III. Ancien droit. — Fils de famille. — Le fils de fa-
mille était l'enfant, majeur ou mineur, vivant sous l'autorité
de son père. Chez les Gaulois , où la puissance paternelle
était absolue et comprenait le droit de vie et de mort, le
fils de famille était vis-à-vis de son père dans une étroite
dépendance. lia dû en être de même à l'origine chez les
Germains. Chez eux, les fils cessaient d'être sous le mun*
dium du père par le mariage, à la différence des fils de
famille romains qui restaient sous la puissance de leur père
malgré leur mariage. La puissance paternelle, telle qu'elle
était connue dans le droit romain, n'a pas dû être admise
chez les Francs ; les enfants parvenus à Yœtas légitima,
ou majorité, n'étaient plus sous la puissance paternelle, et,
même pendant la durée du mundium, ils acquéraient pour
eux, sauf un droit d'usufruit paternel. Dans l'ancienne
France, la capacité et les droits du fils de famille n'étaient
pas les mêmes partout et dépendaient de la façon dont la
puissance paternelle était organisée (V. Puissance pater-
nelle). Il suffit de rappeler ici qu'il existait une différence
générale entre les pays coutumiers et les pays de droit
écrit. Dans les premiers, notamment dans les coutumes
de Paris, de Normandie, de Vermandois, d'Orléans, de
Chartres, de Châteauneuf, la puissance paternelle n'était
pas perpétuelle et cessait à la majorité. Aussi l'enfant
était-il dès ce moment réputé pleinement capable ; il le
devenait aussi par l'émancipation. Dans les pays de droit
écrit, la puissance paternelle était une sorte de tutelle qui ne
' devait cesser que par un acte volontaire du père de famille.
Elle avait été modifiée par les mœurs en ce sens que la
puissance sur la personne ne durait pas au delà de la ma-
jorité, mais elle subsistait quant aux biens. Il en résultait
que le fils de famille, même majeur, était incapable de
contracter ou d'ester en justice, en matière civile, sans auto-
risation. Quel que soit son âge, il ne pouvait s'occuper utile-
ment de ses affaires, à moins d'être émancipé;le mariage même
n'emportait pas par lui-même émancipation. D'assez nom-
breuses coutumes, celles du Berry, du Bourbonnais, de Bre-
tagne, d'Angoumois, de La Rochelle, du Poitou, de Bassigny,
- 415 -
FILS - FILTRAGE
de Troyes, de Lille, de Douai, de Valenciennes, du duché
de Bourgogne, de Metz, de Bordeaux, avaient admis des
règles qui les rapprochaient plus ou moins des pays de
droit écrit, mais, dans aucune, sauf en Poitou pour le fils
non marié, la puissance paternelle ne se prolongeait au
delà de la majorité. L'intervention du père, dans les pays
de droit écrit, avait un double effet : d'une part, elle rele-
vait le fils de son incapacité, comme toute autorisation
donnée à un incapable ; d'autre part, elle entraînait l'obli-
gation solidaire du père avec le fils. Quant à la ratifica-
tion postérieure donnée au fils par le père de famille, elle
obligeait bien celui-ci, mais ne validait pas l'obligation du
fils à laquelle l'autorisation avait manqué. En matière cri-
minelle, aucune autorisation n'était nécessaire au fils pour
ester en justice, soit comme demandeur, soit comme défen-
deur . Il n'en avait pas besoin non plus pour accepter une
donation, cet acte ayant pour effet de rendre sa condition
meilleure. Le sénatus-consulte macédonien défendant de
prêter de l'argent aux fils de famille même majeurs con-
servait son application 'dans les pays de droit écrit et dans
les coutumes qui se complétaient par le droit romain. Le
père de famille pouvait demander la nullité de l'obligation
du fils emprunteur. En Bourgogne même, un arrêt de règle-
ment du 28 juil. 1628 avait prononcé une amende contre
le prêteur, et un autre du 22 août 1676, une amende de
1 ,000 livres contre le notaire qui recevrait le contrat. G. R.
IV. Droit actuel (V. Enfant et Parenté).
Bibl. : Droit romain. — Rivier, Précis du droit de fa-
mille romain, 1891, pp. 77-99. — Karlowa, Rômische
Rechtsgeschichte, 1892, II, pp. 72 et suiv. — Accarias,
Précis de droit romain, 1886, nos 75-77. — Baron, Institu-
tionen, 1884, §§ 38-39.— Cuq, Institutions des Romains, 1891,
pp. 161 et suiv. — Sur la Capacité de s'obliger du fils, a
l'époque ancienne, V. Mandry, Gemeine Familiengùter-
recht, 1876, II, pp. 340 et suiv.— Cuq, op. cit., 191 et suiv. ;
cf. A. Pernice, Sitzungsberichte de Berlin, 1886, pp. 1171-
1173.— Sur la capacité de la fiilia familias, V. Mandry,
op. cit., 1871, 1, pp. 347 et suiv. — Girard, Nouv.Rev. hist.
de droit, 1885, IX, pp. 379 et suiv.— Petit, Traité de droit
romain, 1892, p. 268, note 4; cf. Accarias, Précis, 1891, II,
p. 57, note 2, 49 éd.
Ancien droit. — Pardessus, Loi salique; Paris, 1843. —
Kœnigswarter, Histoire de l'organisation de la famille
en France; Paris, 1851, in-8. — Henri Beaune, Droit
coutumier français, la condition des personnes; Lyon
et Paris, 1882, in-8. — Paul Viollet, Précis de l'his-
toire du droit français; Paris, 1886, in-8.
Fi LTRA6E (Chim. indust). Tous les procédés proposés
pour la purification des eaux destinées à l'alimentation ou
à l'industrie, y compris la filtration, sont basés sur des
réactions chimiques, soit double décomposition, soit sépa-
ration des matières en suspension et oxydation des prin-
cipes organiques tenus en dissolution : tel est le cas de la
filtration qui n'est pas, comme beaucoup de chimistes le
supposent, une simple opération physique. L'eau des fleuves
et des rivières contient généralement une grande quantité
de matières en suspension, dont il est indispensable de se
débarrasser lorsque l'eau doit servir à l'alimentation. Le
repos plus ou moins prolongé de l'eau dans des réservoirs
n'est pas pratique lorsque l'on opère sur de grands volumes,
car non seulement la clarification demande dix à quinze
jours, mais aussi au bout de ce temps l'eau ne tarde pas à
entrer en putréfaction par suite de la décomposition des
matières organiques, et de nombreux animalcules infé-
rieurs y naissent et y périssent en lui communiquant une
odeur infecte de putréfaction. Il convient donc de procéder
au filtrage, la plupart des moyens d'épuration chimique
proposés jusqu'à ce jour n'ayant donné que des résultats
médiocres. La filtration de l'eau se fait au moyen de
corps poreux, pierres calcaires, graviers, sable, charbon,
éponge, etc. Nous distinguerons deux modes de filtration :
1° la filtration naturelle par le sol; 2° la filtration
artificielle.
Dans la filtration naturelle, on utilise généralement la
perméabilité du sol au voisinage des cours d'eaux. C'est
ainsi que l'eau de la Garonne à Toulouse, du Rhône à
Lyon, de la Loire, près d'Angers, est filtrée avant d'être
livrée à la consommation. La filtration s'opère simplement
à travers une couche sableuse composant le lit du fleuve.
Il s'ensuit que ce mode de filtrage ne peut être utilisé que
lorsque l'on a affaire à un cours d'eau d'un fort courant
entraînant les matières qui auraient pu se déposer et, par
suite, maintenant toujours la surface filtrante très propre.
Le filtrage naturel est employé aussi sur une grande
échelle en Angleterre, notamment à Nottingham , en Ecosse,
à Perth, etc. Dans le filtrage, il est à observer que non
seulement il se passe une action physique, mais aussi une
action chimique, l'oxygène de l'air intervenant et brûlant
une partie des matières organiques. Comme on le verra
plus loin, la filtration artificielle n'est qu'une copie de la
filtration naturelle ; l'eau est envoyée dans des réservoirs
contenant une couche de gravier surmontée d'une couche
de sable fin ; lorsque l'on applique la filtration artificielle
à la distribution d'une grande ville, il convient de disposer
de plusieurs bassins dont le service alterne, afin d'en per-
mettre le nettoyage ; c'est ainsi que sont filtrées les eaux
de Battersea, Chelsea, Hall en Angleterre, Marseille en
France, Berlin en Prusse. Nous citerons aussi le filtre
Robert aîné, qui fonctionnait à l'Exposition universelle
de 4889 (esplanade des Invalides) ; il est simplement basé
sur l'action oxydante de l'air et reproduit les phénomènes
qui se passent dans la nature ; ce filtre, d'une très grande
simplicité, se compose d'un réservoir en tôle de 4 m. envi-
ron de hauteur, rempli de lits alternatifs de sable et de
gravier. L'eau arrivant en pluie à la partie supérieure
divisée par le gravier est soumise à l'action oxydante d'un
fort courant d'air insufflé à la base à l'aide d'une machine ;
l'eau est recueillie à la partie inférieure du réservoir.
Ce filtre donne d'excellents résultats ; ainsi il s'ensuit,
Filtre Fonvielle. — aaaa, cuve en bois ; i, i, i, faux fonds
troués ; n, n, n, plateaux comprimant les faux fonds ;
A, B, C, compartiments ; DE, tuyau d'arrivée d'eau
sale; FG, tuyau de décharge des eaux clarifiées.
d'après les analyses exécutées en 4889 au Laboratoire mu-
nicipal de Paris, que l'eau puisée en Seine au pont des
Invalides et ainsi traitée ne donnait plus que 475 milligr.
de résidu sec, 9 milligr. de matières organiques et ne
marquait plus que 4 4°, 5 à l'hydrotimètre ; l'eau était donc
environ deux fois plus pure que d'ordinaire. On se sert
aussi assez couramment d'un filtre très simple, le filtre
Fonvielle, que nous allons décrire succinctement. Il se
compose d'un grand bac divisé en trois compartiments
séparés par des doubles fonds percés de trous : le premier
contient des éponges, le second du sable et le troisième
du charbon de bois ; l'eau traverse ces couches pour se
FILTRAGE — FILTRATION
476 —
rendre à la partie inférieure du bac. Généralement, la
filtration artificielle est peu employée, et Peau des fleuves
et des rivières est livrée aux populations telle qu'elle est
puisée ; cependant, il est bon de noter que les municipa-
lités s'efforcent d'imposer la consommation des eaux de
rivières non filtrées aux services de voirie. Ch. Girard.
FILTRATION. I. Pharmacie. — La filtration est une opé-
ration qui a pour but de séparer un liquide des matières étran-
gères qu'il tient en suspension au moyen d'appareils appe-
lés filtres. Les filtres sont très variés et appropriés à la
nature des liquides sur lesquels on opère : matières miné-
rales (sable, grès, glaswolle, amiante, verre pilé, pierres
poreuses) ; tissus de fil, de feutre, de laine, de coton ;
papiers en feuilles, plies, en pâte, etc. Dans l'économie
domestique, on filtre les eaux en les faisant passer à tra-
vers des pierres poreuses, du charbon, des tissus variés,
des couches alternatives de sable et de charbon, des éponges
superposées, etc, Le sable, le grès, le verre pilé sont uti-
lisés dans les laboratoires pour filtrer les liquides corro-
sifs, les acides minéraux, par exemple ; on dispose dans
la douille d'un entonnoir des morceaux de verre grossiers,
puis du verre plus divisé et on recouvre le tout d'une
couche pulvérulente. Le verre doit être préalablement lavé,
d'abord à l'acide chlorhydrique, puis à grande eau ; même
précaution pour le grès et le sable. Sous le nom de coton
de verre ou glaswolle, on a préconisé l'emploi de verre
étiré, ayant la souplesse de la soie ; pour s'en servir, on
le roule en boule et on l'introduit dans un entonnoir ordi-
naire ou muni d'un petit renflement à la partie supérieure
de la douille. On se sert du glaswolle pour les solutions
acides ou alcalines, le collodion, la liqueur de Fehling,
plusieurs solutions salines, etc. Il est même préférable à
l'amiante qui se^ met plus difficilement en boule et qui
présente l'inconvénient de se diviser par fragments dans le
liquide filtré. Avec les étoffes de fil, de laine, de molleton,
on effectue des filtrations qui prennent le nom de colla-
tures ; l'opération s'exécute au moyen d'étamines ou de
Manchets qu'on fixe sur le bord des vases ou sur un
châssis ; la chausse d'Hippocrate n'est autre chose qu'un
cône en laine ou en feutre ; afin d'activer l'opération et
de renouveler les surfaces filtrantes, le fond du cône peut
être relevé suivant l'axe, à l'aide d'une ficelle. Si les pre-
mières portions qui passent sont encore troubles, et ceci
s'applique à toutes les filtrations, il faut les remettre sur
le filtre. En raison de la hauteur assez considérable de la
colonne liquide, la chausse d'Hippocrate, ainsi que les
appareils analogues, permet d'opérer des filtrations rapides;
on s'en sert surtout pour les sirops, les liqueurs fines, et,
en général, les liquides neutres qui doivent avoir une
transparence parfaite. Le coton ne sert que pour les liquides
précieux, non corrosifs, comme les huiles essentielles ; en
mettant un peu de coton cardé dans la douille d'un petit
entonnoir, l'essence s'écoule goutte à goutte dans le réci-
pient, presque sans perte.
De toutes les substances employées pour la filtration,
les papiers de diverses natures sont les plus usuels ; on se
sert de papier blanc, de papier gris, de papier Berzelius,
de papier dit rapide, etc. Les filtres lisses se préparent
simplement en pliant en quatre, suivant deux diamètres
qui se coupent à angle droit, une feuille de papier coupée
circulairement ; leur disposition dans l'entonnoir doit être
telle qu'ils s'appliquent exactement contre le verre ; cette
condition étant remplie, ils fonctionnent avec régularité.
Ils sont ^ fort commodes pour recueillir les précipités et
pour opérer leur lavage à l'aide de bouteilles à laver,
comme celle de Berzelius qui laisse écouler l'eau par une
ouverture capillaire. Ce précipité est-il lourd et se dépose-
t-il facilement, on le lave simplement par décantation.
Parfois, on se contente d'étendre une feuille de papier sur
une étamine, mais alors l'opération est lente. Il est préfé-
rable de recourir à la pâte à papier, d'après le procédé de
Desmarets; en jetant le tout sur un filtre quelconque, la
pâte uniformément répandue dans le liquide se dépose en
couche mince à la surface du filtre et le liquide passe par-
faitement limpide.
Les filtres à plis sont d'un usage courant, bien que les
plis se déforment rapidement sous l'influence de la pression
du liquide ; aussi a-t-on proposé l'emploi d'entonnoirs can-
nelés, spirales, l'usage de brins de paille, de fils métalliques
et de tout autre corps capable d'isoler le papier des? parois du
verre. Il est préférable de disposer avec soin le filtre dans
l'entonnoir; si on l'enfonce trop, il se forme inférieurement
un bourrelet qui s'oppose à l'écoulement ; si on ne l'en-
fonce pas assez, la partie inférieure du filtre se déforme,
s'arrondit et se déchire facilement. Dans la pratique, il
ne faut pas oublier de placer entre l'entonnoir et le col
du récipient un peu de papier plié en plusieurs doubles,
afin d'établir la communication avec l'air extérieur, une
pression intérieure, supérieure à celle de l'atmosphère,
s'opposant à l'écoulement. Le choix du papier a une im-
portance capitale. Le papier gris, ordinairement très im-
pur, ne doit être employé que pour les produits qui n'ont
aucune valeur; il est bon, même dans ce cas, de le
laver, au préalable, à l'eau bouillante. Le papier blanc, de
bonne qualité, ne donnant pas plus de 0,20 de cendres à
l'incinération, est le plus souvent utilisé; le papier sué-
dois, dit Berzelius, qui ne laisse presque rien à l'incinéra-
tion, est surtout ré-
servé, dans les labo-
ratoires , pour les
analyses qui compor-
tent un dosage rigou-
reux.
Certaines filtra-
tions ne peuvent être
faites qu'à chaud ; tel
est le cas des corps
gras liquides, des so-
lutions visqueuses.
On se sert alors d'un
entonnoir métallique
à double enveloppe,
chauffé avec une
lampe à alcool ou avec
un courant de vapeur
d'eau ; à défaut d'un
appareil de ce genre,
on opère la filtration
à l'étuve. Enfin, on
évite la déperdition
des liquides volatils
ou l'altération de ceux
qui s'altèrent au con
Fig. 1.— Appareil Donavan.
tact de l'air, au moyen de l'appareil de Donavan, modifié
par Riouffe (fig. 1). Il se compose d'un entonnoir fermé A,
dans lequel oncplace un filtre en rapport avec la nature du
liquide, du papier, du coton, du glaswolle, du verre, etc.
Le couvercle est percé de trois ouvertures : la première t
est en rapport avec un tube en S, qui sert à l'introduc-
tion du liquide ; la seconde c établit la communication de
l'entonnoir avec le récipient, au moyen d'un tube de com-
munication D, ce qui évite tout excès de pression ; la troi-
sième est une ouverture d, qui peut être fermée par un
bouchon à l'émeri et qui donne issue à l'air situé au-
dessus du liquide de l'entonnoir; on la maintient ouverte
pendant l'introduction du liquide par le tube en S.
Ed. Bourgojn.
H. Industrie et Economie domestique. — Dans l'art.
Filtrage, nous avons traité de" la filtration en grand des
eaux destinées à l'alimentation des villes, nous nous
proposons de parler ici des filtres couramment employés
dans l'économie domestique. La filtration, nous l'avonsvu,
consiste à purifier et débarrasser l'eau des matières qu'elle
tient en suspension. Les différentes substances employées à
cet effet sont : 1° les matières minérales poreuses, telles
que grès tendre, ponce, terre cuite, gravier, sable, charbon
— 477
FILTRATION — FILTRE
de bois, coke, amiante, laine de scories, etc. ; 2° des ma-
tières organiques : laine, crin, éponge, etc. La filtration
domestique n'a raison d'être qu'autant que les subs-
tances filtrantes seront maintenues toujours très
propres, car elles ne tarderaient pas à devenir des
foyers d'infection et de véritables milieux de culture
de microorganismes.
m Fontaine ménagère de Paris. Les grès tendres et les
pierres poreuses ont été de tout temps employés pour la
filtration de l'eau. On rencontre encore à Paris, quoique
l'alimentation de la capitale se fasse en eau de source, la
vieille fontaine carrée composée de quatre pierres de liais
de Ti millim. d'épaisseur, dressées de champ, et formant
réservoir. Un filtre construit en pierre poreuse garnit le
fond ; il consiste en une sorte de petite chambre contenant
o ou 6 litres ; deux robinets en étain permettent de donner
soit l'eau naturelle, soit l'eau filtrée.
Filtre Chamberland, système Pasteur. Le filtre Cham:
berland se compose d'un cylindre creux en biscuit tendre
de Choisy-le-Roi ayant la forme d'une bougie et terminé
par un ajutage ; il est enfermé dans un étui métallique
communiquant avec la canalisation ou le réservoir d'ali-
mentation. L'eau y arrive sous pression, traverse la bougie
et se débarrasse des matières qu'elle tenait en suspension
et des bactéries ; le débit de ces filtres est très faible; aussi
dans les établissements : lycées, hôpitaux, etc., où la con-
sommation est assez élevée, on dispose les bougies en
batteries (fig. 2). Les filtres lancés ces dernières années
dans le commerce sous le nom de filtres Mallié, Viville, etc.,
sont construits sur le même principe que le filtre Cham-
berland ; ils se composent, aussi d'une bougie en biscuit
très tendre. La seule modification apportée est que la fil-
tration, au lieu de s'opérer de l'extérieur à l'intérieur de la
bougie, va de l'intérieur à l'extérieur. Il va sans dire
qu'avant d'être mises en usage, ces bougies doivent être
stérilisées en les chauffant une heure à 450o-200°.
Filtre W. Varrall-Brisse. Le filtre W. Varrall-Brisse
est un des meilleurs filtres domestiques présentés jusqu'à
ce jour. Il se compose tout simplement d'un réservoir en
fonte, en forme de disque, pouvant s'appliquer facilement
sur toute canalisation et étant par suite d'un emploi facile ;
l'eau traverse une plaque discoïde de céramique et ensuite
de charbon ; un système de robinet permet en changeant
l'arrivée de l'eau de procéder très facilement au nettoyage
de l'appareil. Il a été constaté d'après les analyses faites
au Laboratoire municipal de Paris, sur un filtre stérilisé
préalablement, qu'il ne se produit aucun développement
bactérien dans la gélatine nutritive au bout de huit
jours. Le modèle industriel à grand débit est cons-
truit sur les mêmes principes; il n'est qu'une sorte d'ac-
couplement de filtres petit modèle. Donc, d'après ce que
nous venons de voir, l'assertion de de Chaumont (P radi-
cal Hygiène, 1878), prétendant que le charbon favorisait
le développement des vibrions, mériterait d'être contrôlée.
Filtre Maignen. Le filtre Maignen consiste en un réci-
pient en faïence contenant un cône de même nature, percé
de trous, recouvert d'une toile d'amiante à mailles très
serrées sur laquelle sont disposées des couches de carbo-
calcis en grains (charbon animal contenant un peu de chaux
dans ses pores) de grosseurs différentes. Ce filtre est d'un
nettoyage facile : il suffit de démonter les pièces, les laver
à grande eau et le recharger de matière filtrante (carbo-
calcis) ; il paraît donner de bons résultats.
Filtre Burgoise. Nous ne pouvons passer sous silence
le filtre Burgoise, très employé dans l'économie domestique
et dans l'industrie. Il est formé d'un récipient en tôle cylin-
drique divisé en trois compartiments par des grilles métal-
liques ; le compartiment du milieu est rempli de débris
d'épongés fortement tassés, contenant çà et là des petits
fragments de charbon de bois ; l'eau arrive par la partie
inférieure du filtre, traverse la couche filtrante et s'écoule
à la partie supérieure au moyen d'un robinet à trois voies.
On peut renverser le courant de l'eau et assurer ainsi son
nettoyage. Un second robinet placé à la partie inférieure
permet l'écoulement de l'eau ainsi souillée (fig. 3). La
laine, les fibres végétales ont aussi été utilisées à cons-
truire différents filtres, mais au point de vue pratique
ils ne peuvent être employés. Ces matières ne tardent pas
à se décomposer et entrer en putréfaction. Ch. Girard.
FILTRE-presse (Techn.). On donne ce nom aux appa-
reils employés dans l'industrie, pour séparer d'un liquide
des corps solides qui s'y trouvent en suspension. L'inven-
FILTRE — FINALE
— 478 —
tion des filtres-presses est due à l'Anglais Needham qui, en
1828, prit une patente pour un appareil destiné à effectuer
rapidement la séparation de l'eau contenue dans la pâte de
kaolin employée pour la fabrication de la porcelaine. L'appa-
reil de Needham a figuré, avec quelques modifications, à
l'Exposition internationale de Londres, en 4862, et c'est
sous cette forme nouvelle qu'il fut introduit dans les sucre-
ries. Une fois l'attention attirée sur ces appareils, un grand
nombre de constructeurs se sont occupés de les perfection-
ner : Daneck, le premier, substitua le fer au bois pour la
construction des filtres-presses ; son exemple fut suivi par
Trinks. Actuellement, les modifications sont tellement nom-
breuses qu'il existe presque autant de dispositifs différents
que de constructeurs. L'action des filtres-presses repose sur
le principe suivant : toute filtration, c.-à-d. la séparation
d'un liquide d'avec les substances solides qu'il tient en sus-
pension, est d'autant plus rapide que la surface filtrante
est plus grande, et l'opération est encore accélérée si l'on
exerce une forte pression sur la masse à filtrer. On obtient
un pareil résultat en introduisant celle-ci dans des boîtes
ou capacités verticales très étroites, mais relativement très
hautes, dont les parois latérales sont formées d'une plaque
de tôle perforée, sur laquelle est appliqué un filtre en toile.
La masse à filtrer est refoulée dans les boîtes à l'aide d'une
pompe ou d'un monte-jus ; sous l'influence de la pression
produite par la vapeur du monte-jus ou par la pompe, le
liquide enfermé dans la masse est expulsé ; il passe à tra-
vers les surfaces filtrantes, et les particules solides restent
dans les boîtes. Plusieurs boîtes de ce genre sont réunies
sur un support commun, de façon à pouvoir être alimentées
par un seul et même tuyau. Afin de rendre plus facile l'en-
lèvement du résidu, une fois l'opération terminée, les boîtes
sont formées par la juxtaposition de cadres à rebords sail-
lants, sur lesquels sont appliquées les plaques perforées,
recouvertes elles-mêmes par les toiles filtrantes. Lorsque
les cadres sont serrés les uns contre les autres, il reste
entre eux un espace vide qui constitue la boîte proprement
dite et, quand on les écarte, le résidu, sous forme d'un
tourteau solide, tombe de lui-même et peut alors être
enlevé facilement. Les filtres-presses sont surtout employés
dans les sucreries pour séparer du jus les écumes et les
dépôts de carbonatation, et aussi quelquefois pour l'extrac-
tion du jus des betteraves râpées ; on s'en sert également
dans les brasseries, les fabriques de bougies stéariques, les
distilleries, les fabriques d'engrais, les fabriques de por-
celaine et de faïence, etc. L. K.
FILUCCI ou FILUCI (V. Filliuccius).
FIMARCON. Ancien pays et seigneurie de Gascogne,
dont le ch.-l. était Castelnau (Gers). Possédée d'abord par
la maison de Lomagne, la seigneurie de Fimarcon passa
successivement à la famille de Narbonne-Lara, puisa celle
de Cassagnet. Elle fut érigée en marquisat au xvie siècle.
FIMBRIA (Paléont.) (V. Lucina).
FI MB RI A, l'un des plus redoutables lieutenants de
Marius. A la mort de celui-ci, il chercha à faire périr le
grand pontife, Q. Scœvola, dans la pompe même du convoi
de son chef (Cic, Pro Sex. Rose; Val. Max., 9, 11).
Scœvola n'ayant été blessé que légèrement, Fimbria l'ac-
cusa devant le peuple, et il le fit bientôt assassiner. Dans
la guerre contre Mithridate, en 86 av. J.-C, Yalerius
Flaccus l'eut auprès de lui comme lieutenant. Fimbria était
un soldat habile, entreprenant, et méprisait son général
incapable et cupide ; il souleva les troupes contre Flaccus
et le fit égorger à Nicomédie (Chalcédoine) . Ayant pris le
commandement de l'armée, il battit en Bithynie un fils de
Mithridate, força celui-ci à quitter Pergame et l'assiégea
encore à Pitane. Mais Lucullus, lieutenant de Sylla, ayant
refusé de joindre ses troupes aux siennes, il ne put empêcher
le roi de Pont de gagner Mitylène. Il ravagea la Troade,
pilla Nicomédie, Gyzique ; les habitants, opprimés, appelèrent
à leur secours Sylla, son ennemi personnel, qui ne put
l'empêcher de raser les murs d'ilion, mais il parvint à
corrompre ses soldats. Fimbria, se voyant abandonné,
s'enferma dans le temple d'Esculape, à Pergame, et se
perça de son épée (84 av. J.-C). G. Ganiayre.
FI M EN IL Com. du dép. des Vosges, ar-r. 'd'Epinal,
cant. de Bruyères; 338 hab.
FIN (Industr.). — Fin Bois (V. Eau-de-vie). '
FIN. L Philosophie (V. Cause finale).
II. Bourse. — Fin courant. — Expression qui'signifie
qu'un payement, une livraison, une opération quelconque
doivent être effectués à la fin d'un mois déterminé. Une lettre
de change ou plus généralement un effet de commerce stipulé
payable fin courant vient à échéance le dernier jour du mois
de sa création ; une livraison à effectuer fin courant doit être
faite à la fin du mois où la vente a été conclue, etc. Pour
les affaires de bourse, les opérations à fin courant sont
celles qui se liquident à la fin du mois ; sur certaines va-
leurs, les opérations à terme ne peuvent se traiter que de
cette manière, tandis que, pour d'autres, on peut opérer
au 15 ou fin courant. G. F.
III. Procédure civile.— Fin de non- recevoir (V. Ex-
ception et Défense).
FIN (De La) ou LAFFIN (V. Laffin).
_FIN (Jean de La) (V. Beauvoir la Nocle).
FI NAGE (du latin fines, bas latin finaticum, limites).
On appelait ainsi, dans plusieurs provinces de l'ancienne
France^ notamment en Lorraine, Champagne, Bourgogne,
Orléanais et Touraine, le territoire sur lequel s'exerçait la
juridiction d'une seigneurie. C'était donc ce qu'ailleurs on
appelait le ban, c.-à-d. la circonscription dans laquelle un
seigneur ou une ville érigée en seigneurie avait le droit de
promulguer des règlements et d'imposer des amendes
(V. Ban). Le plus souvent on se servait du mot finage dans
des locutions comme celle-ci : « la ville est finage de...»,
pour désigner, outre la ville même, les terres cultivées ou
occupées par ses habitants en dehors des murs, c.-à-d. la
banlieue (V. ce mot) ; ou dans l'expression « la paroisse
et finage de... », pour indiquer le territoire entier de l'une
des paroisses dont se composaient la ville et la banlieue.
Les bornes de chaque finage étaient fixées par la coutume
ou par des conventions privées. Cette délimitation était
d'une extrême importance au point de vue de l'exercice des
droits seigneuriaux, des droits de bourgeoisie, dés droits
sur les aubains, etc.; elle était consignée et conservée avec
soin dans les terriers domaniaux. Ch. M.
FINAGE (V. Finerie).
FINAL (Math.). Vecteur final.— Dans le calcul des
quaternions, une biradiale (V. ce mot) est l'expression du
rapport géométrique de deux vecteurs OA, OB. On larepré-
OR
sente souvent par ^ ou par AOB ; le vecteur OB est appelé
vecteur final, et OA vecteur initial de la biradiale.
FINALE (Mus.). Ce terme désigne, en musique : 1° un
morceau d'ensemble qui termine un acte d'opéra ; 2° le
dernier mouvement d'une symphonie, d'un concerto, d'une
sonate, d'un quatuor, etc. Le finale dramatique a son ori-
gine dans les opéra buffa italiens du xvnr6 siècle. Léo,
Pergolèse, Hasse, Logroscino mirent en honneur cette
forme nouvelle. Piccini s'en empara et l'employa avec succès
dans l'opéra sérieux. On ne trouve pas le finale italien
dans les œuvres de Grétry, ni dans celles de Gliick. Mais,
à partir du xixe siècle, les compositeurs français adoptent
l'ensemble des Italiens, comme le prouvent les opéras de
Cherubini, Mehul et Boieldieu. Les œuvres de Mozart offrent
d'admirables exemples de cette forme classique, particu-
lièrement les Noces de Figaro et Don Juan. Le finale
de Fidelio de Beethoven est une page profondément
émouvante. Comme les airs, les duos, les ensembles, le
finale proprement dit devait disparaître du drame musical,
tel que l'a transformé Bichard Wagner. On ne peut donner
le mot de finale, au sens italien du mot, aux grandes con-
clusions chorales, aux ensembles qui terminent les actes des
Maîtres chanteurs (V. Opéra). Dans les œuvres instru-
mentales d'Haydn, créateur de la forme symphonique, le
— 479 —
FINALE — FINANCES
Çnale était une pièce peu développée, d'un caractère vif et
gai, le plus, souvent un rondo ou un thème avec variations.
Mozart, dans les symphonies en sol mineur, en mi bémol,
agrandit le dernier mouvement et y emploie toutes les
ressources du contrepoint. Son développement s'achève
dans le chef-d'œuvre de' Beethoven, la Neuvième Sym-
phonie, par l'introduction du chœur (V. Symphonie,
Sonate). Ch. Bordes.
FINALE. Ancien marquisat italien de la Ligurie, à 50 kil.
S.-O. de Gênes, près d'Albenga. Il fut vendu par la famille
Canetto à l'Espagne (4o90), puis par l'empereur Charles VI
à Gênes (1743). Le chef-lieu était la ville de Finale (latin
Finarium) ; elle comprend trois parties : Finale-Marina,
Finale-Borgo et Finale-Pia ; ces trois bourgs forment des
communes distinctes ; la principale est la première: 3,200
hab. ; petit port de cabotage, fonderies de cuivre, etc.
FIN ALI (Angelo), sculpteur italien, né à Vérone en
4709, mort en 4782. Nous citerons parmi ses œuvres, à
Reggio, les onze statues de marbre des Docteurs de V Eglise
et des Saints Protecteurs de la ville de Reggio, qui se
voient dans l'église Saint-Prosper ; le Saint Jean Népomu-
cène, qui orne un pont près de la Mirandole.
FINALE-MARINA (V. Finale).
FINALITÉ (V. Cause finale).
FINANCES (Polit.). Ce n'est que fort lentement que
les finances des Etats ont été régulièrement constituées, au
moyen de nombreuses transformations, soit dans les insti-
tutions politiques, soit dans les conditions économiques et
sociales des populations, soit dans les ressources et les
dépenses des gouvernements. Deux faits s'accusent nette-
ment dans les documents historiques divers qui peuvent
servir à jeter quelques lumières sur les plus anciens gou-
vernements : 4° une certaine régularité, concordant avec le
renouvellement périodique annuel des récoltes, dans les
recettes ; 2° la constitution de réserves de métaux précieux
dites le Trésor, ou d'objets divers tels qu'approvisionne-
ments, armes, vêtements, etc. Ces deux faits ont un carac-
tère universel ; on les constate aussi bien dans les grandes
monarchies d'Orient que dans les petites monarchies d'Occi-
dent, aussi bien dans les républiques que dans les monar-
chies. Il en est résulté que, durant de longs siècles, les
finances des Etats ont consisté à procurer aux gouverne-
ments les ressources nécessaires aux dépenses ordinaires et
à alimenter des réserves de métaux précieux et d'objets
divers. On trouve la preuve de cette situation dans Y Eco-
nomie politique des Athéniens par Bœck, le meilleur de
tous les livres encore publiés sur les finances des anciens
peuples.
Même à Athènes, avec un gouvernement absolument
démocratique, quoique esclavagiste, les finances, dont tous
les citoyens s'occupaient d'autant plus que la plupart en
vivaient, ont affecté ce double caractère. lien a été de même
en Egypte, l'Etat le plus riche et le mieux organisé, au
point de vue financier, de toute l'antiquité. Il suffit d'ou-
vrir Hérodote pour reconnaître quelle importance avaient
les trésors dans la grande monarchie et que la principale
préoccupation de ces monarchies était de remplir leur trésor
au moyen des tributs. Aussi jusqu'aux belles époques de la
République romaine, lamatière financière se confond-elle avec
les impôts, les tributs. Il faut y ajouter les propriétés de
l'Etat et les confiscations. Les unes alimentaient les autres.
A cet égard, point d'illusion, les historiens anciens n'en
laissent aucune. Aussi bien sous les républiques que sous les
monarchies, il y avait grand péril à être riche. Bœck repré-
sente les Athéniens comme sans cesse occupés à rechercher
les gens dont on confisquerait les biens. Chaque année la
confiscation devait produire une proportion quelconque
des recettes présumées de l'Etat. Il est clair que les rois
d'Egypte, de Perse, d'Assyrie, de Babylone et les petits tyran-
neaux helléniques s'accommodaient encore mieux du bien
de leurs sujets que les citoyens d'Athènes. A cet égard,
Hérodote fourmille d'exemples mémorables. En Orient, la
tradition de trancher la tète aux riches et de mettre la
main sur leurs biens est immémoriale. Elle est loin d'avoir
disparu. A ces premiers linéaments des finances des Etats,
il faut ajouter les emprunts. Cette partie des finances est
très ancienne. Les gouvernements ont eu, depuis fort long-
temps, recours à l'emprunt comme à la banqueroute ;
Athènes, Carthage, Rome avaient des dettes publiques.
Au contraire, l'Egypte, toujours riche, prêtait volontiers.
Les grands temples, dépositaires des trésors publics et pri-
vés, et les banquiers procuraient également ou avançaient
des capitaux aux divers gouvernements. Aux impôts, aux
tributs, aux domaines publics, aux emprunts, aux confisca-
tions venaient se joindre le produit des guerres et le profit
de certaines entreprises industrielles ou commerciales, la
plupart du temps confiée à des esclaves, quelquefois des
spéculations sur les esclaves mêmes. Xénophon nous a laissé
un mémoire où il se complaît à admettre que la fortune
d'Athènes pourrait être relevée au moyen d'une immense
cohue d'esclaves. Aux esclaves, Athènes ne dédaigna pas de
réunir les guerres et même la piraterie. Mais l'Etat modèle
pour vivre de la guerre et sur la guerre n'est ni Athènes
ni Sparte, c'est Rome. De grands empires orientaux lui
avaient donné l'exemple. La guerre a été leur principale
ressource. Rome alla même plus loin qu'eux. Elle soumit
les Etats qu'elle conquit à un pillage qui ne cessa qu'avec
l'Empire. Ses triomphes n'étaient que des expositions de
pillages.
Avec l'Empire, le pillage s'amoindrit, puis cessa, et une
vaste organisation financière s'étendit des îles Britanniques
jusqu'à l'Euphrate. Mais cette organisation comme celle de
tous les Etats, avant et après l'Empire, fut minée par un vice
radical ; elle n'existait que pour les recettes, elle ne s'appli-
quait pas à la dépense. La concordance entre les recettes
et les dépenses est un fait tout à fait récent pour les finances
des Etats. Elle n'a apparu qu'avec le contrôle qui est venu
très tard. Inutile de dire que ce contrôle et cette concor-
dance ont fait entièrement défaut aux anciennes monarchies
orientales. Mais il en a été de même pour les grandes
républiques grecques. A Rome, le Sénat était le maître
absolu des finances. Pendant la belle période, les censeurs
lui présentaient une sorte de budget par lustre (cinq ans),
mais la guerre dérangeait toujours ce budget. Dans les pre-
miers temps de l'Empire, le Sénat, chargé de Fadminjstra-
tion de diverses provinces, y maintint un certain ordre
financier, mais les guerres civiles, les révolutions dans le
pouvoir modifièrent bientôt les arrangements pris par
Auguste et plus ou moins acceptés par Tibère. La forme
impériale remplaça de plus en plus la forme républicaine.
Les finances de l'Empire tendirent à se confondre avec
Yœrarium de l'empereur. Toute concordance, tout contrôle
disparurent. Les finances de l'Empire devinrent celles de
l'empereur. Impôts, tributs, produits des domaines, confis-
cations, guerres, tout se transforma en une sorte de propriété
de l'empereur qui en disposait à son gré, à Rome comme
autrefois à Babylone. La révolution chrétienne favorisa ce
mouvement en vertu du fameux principe chrétien oriental :
Redde cœsari quod est ccesari. Cet état de choses alla
se dégradant avec la chute de l'empire romain qui périt
en grande partie faute de ressources financières ; les guerres
cessèrent de donner des profits, les confiscations entraî-
nèrent des révoltes ; les tributs ne furent plus payés et
enfin un moment vint où les propriétaires refusèrent l'impôt.
Ce mouvement s'accentua principalement dans la partie
de l'empire romain dite empire d'Occident. Dans l'empire
d'Orient, il s'arrêta sous l'influence des Arabes et des
musulmans. La vieille organisation fiscale survécut à la
chute de l'empire romain avec le concours des financiers
égyptiens, grecs, juifs. Les khalifes de Bagdad, d'Egypte,
d'Espagne eurent des finances bien autrement organisées
que celles des rois de l'Europe occidentale. Dans l'Europe
occidentale les finances finirent par disparaître avec les im-
pôts eux-mêmes, qui, au milieu de la société féodale, éprou-
vèrent une transformation complète. Pendant bien des
siècles, les impôts ne furent plus qu'un accessoire, un acci-
FINANCES
— 480 —
dent dans les ressources des rois féodaux. Ils durent vivre
des revenus de leurs domaines et des confiscations, car la
confiscation a persisté à être un aliment financier jusqu'au
xixe siècle. Dans les républiques du moyen âge, l'impôt reprit
sa place, sans que la confiscation perdît la sienne ; mais la
concordance entre la recette et la dépense, le contrôle, ne
ne furent pas mieux établis. Les finances conservèrent le
caractère de mystère, de secret d'Etat qu'elles avaient par
tradition, caractère qui s'était accentué sous l'empire romain.
A la fin du xvie siècle, Fromenteau publiait son curieux
inventaire financier de la France sous le titre de Secret
des Finances de France. Peu à peu ce secret dut cepen-
dant être connu. D'abord les gouvernements durent aug-
menter les impôts ; puis les institutions libres s'installèrent
en Angleterre, dans les Pays-Bas, en Pologne, dans quel-
ques Etats de l'Allemagne. La lutte entre les monarchies
absolues et ces institutions ont essentiellement pour objet
les finances, et dans les finances non seulement l'impôt,
mais le contrôle de leur emploi, la concordance entre la
recette et la dépense, la limite des confiscations, la limite
des emprunts. En Angleterre et dans les Pays-Bas, la liberté
prévalut; elle succomba dans tous les autres Etats de
l'Europe , notamment en France. De là, la grande supério-
rité financière de l'Angleterre et de la Hollande aux xvne et
xvme siècles. Non seulement le roi ne put plus ni lever
des impôts, ni décréter des confiscations, ni contracter des
emprunts selon ses caprices, mais il dut présenter des
comptes réguliers et annuels. C'était une grande révolution.
Elle a coûté la vie à Charles Ier, mais le budget annuel
voté et contrôlé fut institué.
L'Europe a mis cent cinquante ans à marcher sur les
traces de l'Angleterre. En Russie, le budget dépend encore
des empereurs ; le contrôle tout administratif n'est organisé
que depuis quelques années. En Turquie, il ne dépend que
du sultan : aucun contrôle. En Prusse, le véritable budget
remonte à 4 848 et encore M. de Bismarck n'a jamais consenti
à s'y renfermer. En Espagne et en Portugal, il n'a été
sérieusement constitué qu'après 1830 et en Italie qu'après
•1859. En France, Colbert essaya vainement d'habituer
Louis XIV à des budgets réguliers. Nul souverain n'a plus
abusé des emprunts, des confiscations, des fraudes moné-
taires qui ont, malgré l'impôt, conduit la monarchie à
1789. La République française a vécu des assignats, de con-
fiscations et de contributions extraordinaires. Elle n'a pas
eu de budgets ni de finances, bien qu'elle ait préparé par
des lois fondamentales la puissante organisation actuelle
de la France au point de vue financier. Sous le premier
Empire, l'ordre est rentré dans les finances, mais les spé-
culations de la guerre sont devenues un élément financier
perturbateur. En réalité, la France ne possède des finances
réelles et un budget que depuis 1814. Ces observations
générales s'appliquent soit aux peuples qui ont échappé à
l'influence romaine, soit à ceux qui se sont formés sous
Faction de l'émigration anglo-saxonne et espagnole.
Les petits Etats de l'Inde n'ont jamais eu de finances
régulières. Nulle part le trésor n'a été mieux fourni, par
tous les moyens possibles, que dans l'Inde. Les choses sont
séculairement tout autres en Chine ; l'impôt y est assis
sur des bases immuables et justes, mais jamais l'idée de
rendre compte de son emploi n'est entré dans la cervelle
d'un Chinois. Quant aux Etats nouveaux anglo-saxons, mal-
gré leur immense supériorité, ils ont traversé également
une période, période assez courte, d'impuissance finan-
cière, période qui se prolonge encore pour tous les Etats
d'origine espagnole. Toutefois, on peut conclure de ces
observations générales que les finances des Etats marchent
définitivement vers une période nouvelle, celle du contrôle
et de la concordance.
Elles se partagent en deux parties tout à fait distinctes
à tous les points de vue : 1° les ressources ou les recettes ;
2° les emplois ou les dépenses.
Ressources. — Elles se composent actuellement : 1° des
impôts ; 2° du produit des services publics ; 3° des béné-
fices des monopoles ; 4° du rendement des domaines ; la
confiscation n'est plus pratiquée par les Etats qui se res-
pectent, sauf comme répression de délits fiscaux ; 5° des
emprunts. Les impôts ont un caractère plus général et
moins odieux qu'avant 1789. Les services publics attestent
un changement dans la direction de gouvernement et même
dans la conception de l'Etat. A cet égard, le progrès est
énorme. Au lieu d'être un pirate, un voleur, un chef d'es-
claves, l'Etat porte les lettres, exploite des chemins de fer,
dirige télégraphes, téléphones, phonographes. De tout temps,
l'Etat a vécu de l'entretien des monopoles. La tendance ac-
tuelle est à les augmenter, pour amoindrir les impôts. De
tout temps encore les Etats ont eu des domaines. Enfin de
tout temps ils ont emprunté, mais à aucune époque les
emprunts n'ont été aussi redoutables et n'ont donné lieu à
plus d'abus. De là la constitution de ces dettes accablantes,
origine de la banqueroute pour tant d'Etats, cause fâcheuse
de l'accroissement de la classe des rentiers qui prélèvent sur
les ressources annuelles des Etats des sommes colossales.
Emplois. — Le changement depuis 1789 est tout autre-
ment important que pour les ressources. D'abord l'emploi
est discuté et contrôlé publiquement. La feuille aux bons
au comptant a été déchirée. Le roi ne dote plus personne et
ne paye les dettes de personne. C'est bien quelque chose.
Les ressources sont affectées non plus seulement à la défense
de l'Etat, à l'entretien du souverain et de l'ensemble du méca-
nisme politique, mais à l'éducation de la nation, au renou-
vellement de ses forces productives, au soulagement des
infortunes sociales. La tendance moderne est de favoriser
ces derniers emplois en vue d'une meilleure répartition des
biens et des jouissances. Aucun fait ne manifeste plus
clairement l'immense amélioration qui a eu lieu dans la
condition de l'humanité. E. Fournier de Flaix.
Conseil des finances (V. Conseil, t. XII, p. 475).
Ministère des finances. — Notions historiques. —
Il faut remonter jusqu'à Philippe le Bel pour trouver, en
France, quelque trace d'une organisation financière dont
le chef dépend du gouvernement central. Elle est née des
délibérations des Etats généraux de 1302. Avant cette
époque, le roi percevait bien des taxes, mais il le faisait
au même titre que les possesseurs de fiefs et suivant des
règles aussi diverses que fantaisistes. Ses revenus s'étant
accrus avec ses domaines, il dut préposer à leur percep-
tion des officiers spéciaux. Ainsi se forma un corps de
trésoriers surveillés par un surintendant (V. ce mot).
Sous François Ier, on comptait déjà seize receveurs géné-
raux des finances rendant compte à un trésorier de l'épar-
gne, placé lui-même sous la direction d'un intendant des
finances. Cette institution fut complétée par la formation
des bureaux des finances (V. ce mot). La surintendance
fut supprimée après la disgrâce de Fouquet (1661). Ses
attributions furent réparties entre le conseil du roi et le
contrôleur général des finances (1666) (V. Contrôle géné-
ral). L'Assemblée nationale constituante supprima toutes
les divisions établies entre les services financiers (aides,
domaines, fermes générales, etc.) et les confia à un pouvoir
unique en créant le ministère des finances. Le Consulat
et l'Empire améliorèrent sensiblement cette organisation
financière, grâce aux efforts de Gaudin et de Mollien.
La Restauration, suivant les inspirations du baron Louis,
de Villèle, et d'Audiffret, paracheva l'œuvre des régimes
précédents. Ainsi, le chef de l'administration des finances,
Y argentier (V. ce mot) des rois de France, chargé sim-
plement de recouvrer les revenus du prince et d'en tenir
comptabilité, est devenu successivement, en même temps
que ses attributions croissaient : trésorier de l'épargne
(1523-1563), surintendant des finances, contrôleur général
des finances, ministre des contributions et revenus publics,
enfin ministre des finances. Sous l'Empire, il y eut con-
curremment un ministre des finances chargé de surveiller
l'impôt, mais sans pouvoir l'appliquer aux dépenses, et un
ministre du Trésor responsable des payements. Aujourd'hui
le ministre des finances dirige les opérations relatives au
481 —
FINANCES
crédit public, administrant à la fois les ressources et les
revenus de l'Etat, les charges et les dépenses publiques.
Organisation actuelle. — Le ministère des finances se
compose de deux parties absolument distinctes : 4° le
ministère des finances proprement dit ou administration
centrale ; 2° les régies ou administrations financières qui
portent aussi le nom de directions générales.
I. Administration centrale. Elle est régie par divers
décrets dont les plus récents (actuellement en vigueur,
1893) sont ceux du 19 nov. 1886, du 1er déc. 1890, du
30 avr. 1891, des 15 févr. et 5 août 1892. Elle com-
prend : 1° Le cabinet du ministre, qui s'occupe de l'ou-
verture des dépêches, des affaires réservées, de la corres-
pondance particulière, de la réception et de la transmission
des dépêches télégraphiques, des relations avec le Journal
officiel, des demandes d'audience, de la préparation du
portefeuille du ministre, etc. Trois bureaux lui sont an-
nexés : a, celui des travaux législatif s, statistique et législa-
tion comparée, qui centralise les renseignements fournis
par les divers services financiers pour la formation des
dossiers du ministre en matière législative, correspond avec
les présidents des Chambres et les membres des bureaux
des commissions parlementaires, veille à la promulgation
des lois, conserve les archives législatives, publie le Bulle-
tin de statistique et de législation comparée, traduit les
travaux de statistique étrangère et dresse un résumé ana-
lytique de la presse étrangère ; b, celui des débits de tabac
et des recettes buralistes, qui prépare la correspondance
volumineuse du ministre relative aux débits de tabac, exa-
mine et enregistre les demandes de concession, de survi-
vance et de maintien en possession, s'occupe des mesures
disciplinaires concernant les débitants de tabac de lre et
2e classe, de l'éviction des gérants, de la revision des bu-
reaux concédés ; c, enfin celui du contrôle du personnel des
administrations financières contrôle au point de vue poli-
tique les mouvements, promotions, retraites, mesures dis-
ciplinaires concernant ce personnel, les propositions pour
admissions et promotions dans l'ordre de la Légion d'hon-
neur et prépare la correspondance relative à ce service.
2° La direction du personnel et du matériel composée de
cinq bureaux. Les deux premiers ont dans leurs attribu-
tions le personnel de l'inspection générale des finances, des
bureaux du ministère, le personnel supérieur des adminis-
trations financières, les trésoriers-payeurs généraux, les
receveurs particuliers, les agents des régies financières, la
nomination des membres de la cour des comptes, le per-
sonnel de la trésorerie d'Afrique et d'Indo-Chine, les tré-
soriers coloniaux, les percepteurs et receveurs municipaux,
les receveurs-percepteurs de la Seine, les secours aux
veuves et orphelins d'employés de l'administration centrale
et de percepteurs. Le troisième s'occupe du matériel et du
service intérieur, des impressions à l'usage de l'administra-
tion centrale et des administrations financières, de la fourni-
ture du papier filigrane pour les cartes à jouer, des vignettes
de bougie, du contrôle des opérations du magasin central
des impressions, de la direction des ateliers de lithographie
et de reliure, enfin du service des bâtiments. Le quatrième
a pour attributions : la garde des archives du ministère et
de celles de l'ancienne liquidation générale de la dette pu-
blique, la conservation des bibliothèques du ministère, la
distribution du Bulletin des lois, des circulaires, instruc-
tions, etc. ; le dépôt des décrets, arrêtés et décisions,
l'expédition et transmission des ampliations, les insertions
au Journal officiel et au Bulletin des lois, la légalisa-
tion de pièces et de signatures. 3° La direction du contrôle
'des administrations financières, de l'inspection générale des
finances et de l'ordonnancement se compose de trois bureaux
et du corps des inspecteurs des finances. Les deux pre-
miers bureaux centralisent et examinent toutes les affaires
déférées au ministre par les administrations financières,
préparent les décisions du ministre, les projets de lois,
décrets et arrêtés concernant ces différents services, exa-
minent leurs budgets et les autorisations de dépenses, cor-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
respondent avec les fonctionnaires publics, s'occupent de
l'introduction ou de la défense des pourvois au conseil
d'Etat, des affaires relatives à la liquidation des anciennes
listes civiles, des traités de commerce et de navigation.
L'inspection générale des finances contrôle tous les services
dépendant du ministère des finances. Elle examine les ques-
tions d'organisation du personnel, d'application des lois et
règlements, la situation des caisses et la comptabilité. Elle
contrôle également le service des postes et télégraphes, les
caisses des invalides de la marine, des receveurs spéciaux
des villes, communes, hospices, asiles d'aliénés, bureaux
de bienfaisance, caisses d'épargne, monts-de-piété, maisons
de détention, haras, écoles, etc. ; elle vérifie les comptes
et écritures des compagnies de chemins de fer, des entre-
prises agricoles. Elle peut être consultée sur des projets
de réformes et améliorations et être chargée de missions
spéciales en France et à l'étranger. Le corps des inspec-
teurs généraux est recruté par voie de concours ; il com-
prend des inspecteurs généraux, des inspecteurs des finances
de lre classe, 2e classe, 3e classe et 4e classe, des adjoints à
l'inspection générale (V. Inspection générale des finances).
Le troisième bureau est chargé de la centralisation et de
l'examen des documents concernant le budget des dépenses
du ministère des finances, de la composition de ce budget
et des tableaux qu'il comporte, de la préparation des ré-
ponses aux observations de la cour des comptes ou des
commissions du budget des Chambres, de la préparation
des décrets et projets de loi relatifs à des demandes de
crédits supplémentaires et extraordinaires, du contrôle de
l'emploi des crédits, de la délivrance des ordonnances de
payement et de délégation, de la comptabilité spéciale du
ministre des finances, de la publication des comptes défi-
nitifs d'exercices, des situations provisoires et autres docu-
ments annuels qui se rattachent au budget du ministère.
4° La direction du mouvement générai des fonds a des
attributions fort importantes : la situation des ressources
et des besoins du Trésor, l'application des recettes aux
dépenses publiques sur tout le territoire, l'exécution des
ordres du ministre pour la création et l'émission des va-
leurs, leur négociation, les emprunts, les bons du Trésor,
les virements, les envois d'espèces et de valeurs à Paris et
dans chaque département ; la création de succursales de la
Banque de France, les relations avec les chambres syndi-
cales d'agents de change et la nomination des agents de
change, les relations avec les établissements de crédit,
l'exécution des dispositions relatives à l'amortissement de
la dette publique, etc. Cette direction se compose d'un bu-
reau central chargé plus spécialement des affaires concer-
nant les conventions avec les chemins de fer, la fabrication
des monnaies, les opérations de Bourse, la vente et l'achat
de rentes pour le compte d'habitants dves départements, les
opérations de trésorerie, la distribution mensuelle des fonds
aux départements ministériels, l'enregistrement des ordon-
nances délivrées par les ministres et la mise en payement
de ces ordonnances dans la limite des crédits disponibles ;
d'un bureau du service extérieur, qui s'occupe des ordres
à donner aux trésoriers généraux pour les mouvements de
fonds, des instructions à ces fonctionnaires, aux trésoriers-
payeurs aux armées, en Algérie, aux colonies, pour les
mouvements de fonds, de la suite à donner aux rapports de
l'inspection des finances, de la circulation monétaire, etc. ;
d'un bureau des écritures qui a dans ses attributions : la
comptabilité et les comptes courants, la situation de la dette
flottante, les résumés périodiques des écritures, les situa-
tions des comptes des trésoriers-payeurs généraux et de
leur contrôle. 5° La direction générale de la comptabilité
publique exerce son action et son contrôle sur toutes les
comptabilités qui intéressent l'administration des deniers
publics (V. Budget et Comptabilité, t. XII, p. 249). Elle
comprend le bureau du budget, le bureau des écritures
centrales, le bureau de la comptabilité des trésoriers-payeurs
généraux, le bureau de la perception des contributions
directes et des amendes et condamnations pécuniaires avec
31
FINANCES
482 —
le service des receveurs des communes et établissements
publics ; le bureau de la comptabilité des colonies et des
chemins de fer de l'Etat ; le bureau de la comptabilité des
contributions indirectes, des douanes, de l'enregistrement
et des postes. 6° La direction de la dette inscrite est com-
posée de cinq bureaux : a, le bureau central, du double du
grand-livre et des cautionnements, surveille l'application
des lois spéciales concernant les rentes inscrites, les oppo-
sitions et empêchements administratifs, contrôle les em-
prunts et leur consolidation ; il s'occupe aussi du renou-
vellement et remplacement des extraits d'inscription, du
rétablissement des rentes non viagères portées aux portions
non réclamées et frappées de la prescription quinquennale,
des recherches relatives aux origines des rentes, des ma-
jorats ; il contrôle les opérations sur les inscriptions dépar-
tementales, les emprunts spéciaux, les annuités aux com-
pagnies de chemins de fer, les comptes annuels de la dette
inscrite ; il expédie, classe et garde copie des inscriptions
composant le double du grand-livre, transcrit les comptes
débités ; il surveille l'application des lois spéciales concer-
nant les cautionnements en numéraire, immatricule les
cautionnements nouveaux, délivre les certificats d'inscrip-
tion au nom des titulaires, prépare les états annuels de
payement des intérêts et les états de remboursement des ca-
pitaux ; b, le bureau du grand-livre inscrit les rentes créées
en vertu des lois, expédie les extraits d'inscription pour les
rentes nominatives, mixtes et au porteur, tient les comptes
ouverts aux trésoriers généraux, aux établissements publics
et autres, délivre les certificats de procuration et quittances
visées pour payement d'arrérages et tient le compte des
accroissements et réductions à rendre à la cour des comptes ;
c, le bureau des transferts et mutations examine les de-
mandes de transfert, rédige les certificats à transmettre au
bureau du grand-livre pour servir de titre aux nouvelles
immatricules, examine les certificats de propriété et autres
pièces ayant pour objet les mutations, réunions, divisions,
changements de qualité, etc. ; d, le bureau des reconversions
et renouvellements des titres de rentes au porteur rédige
les certificats à transmettre au bureau du grand-livre pour
les nouvelles immatricules résultant de ces opérations,
remet aux ayants droit les extraits des nouvelles inscrip-
tions, etc. ; e, le bureau des pensions. 7° L'agence judiciaire
du Trésor et contentieux est composée de deux bureaux.
Elle étudie les difficultés contentieuses et leur donne une
solution ; elle poursuit et recouvre les créances du Trésor ;
elle contrôle le personnel des avocats et officiers ministériels
exerçant dans les instances suivies à la requête du Trésor;
elle reçoit et annule les cautionnements en rentes et en
immeubles; elle conserve les oppositions et privilèges de
second ordre (V. Agent judiciaire du Trésor, 1. 1, p. 835).
8° La caisse centrale du Trésor public effectue les recettes
et les dépenses. On trouvera au mot Caisse (t. VIII, p. 799)
l'historique et le fonctionnement de cet important organe.
9° Le service du payeur central de la dette publique est
chargé du payement des arrérages des rentes 4 1/2 °/0,
des rentes 3 °/0 amortissables, des suppléments de pen-
sions militaires, des arrérages des rentes 3 °/0 perpétuelles,
des pensions ^traitements de la Légion d'honneur, médaille
militaire du dép. de la Seine, des coupons de rentes mixtes
et au porteur et des coupons de valeurs remboursables par
amortissement (bons du Trésor, obligations du Trésor). Ce
service comprend deux bureaux : a, le bureau central et de
comptabilité, subdivisé en quatre sections : section centrale,
portefeuille, écritures générales ; comptabilité des rentes
mixtes et au porteur ; comptabilité des quittances de rentes
nominatives ; comptabilité des quittances de pensions et
des coupons de valeurs ; b, le bureau des payements. 40° Le
contrôle central du Trésor. Ce service, créé par la loi du
24 avr. 4833, doit constater contradictoirement, après en
avoir reconnu la régularité, toutes les opérations de la caisse
centrale qui engagent le Trésor public, soit en recette, soit
en dépense, s'assurer que les payements faits reposent sur
un titre régulier, etc. ; enfin, constater chaque soir con-
tradictoirement les soldes matériels à renfermer dans la
caisse du Trésor dont une clef reste entre les mains du
contrôleur central (V. pour les détails Trésor). Un bureau
spécial contrôle les opérations effectuées par le caissier-
payeur central, le payeur central de la dette publique et
les différents comptables de la dette inscrite, rédige un
résumé des opérations qui est remis chaque soir au mi-
nistre, contrôle les emprunts contractés par l'Etat.
Enfin, auprès de l'administration centrale fonctionnent :
la commission chargée d'établir les listes des candidatures
des débits de tabac de 4re classe (V. Tabac) et le comité
chargé de l'examen des remises et transactions. Ce dernier
service, créé par un arrêté ministériel du 26 janv. 4887,
est composé du ministre des finances, du directeur général
des douanes, du directeur général de l'enregistrement, des
domaines et du timbre, du directeur général des manufac-
tures de l'Etat, du directeur général des contributions
indirectes, du directeur général de la comptabilité publique,
du directeur du personnel et du matériel des finances, d'un
inspecteur des finances, du directeur du contrôle des admi-
nistrations financières, .du directeur de la dette inscrite,
de l'agent judiciaire du Trésor.
^ De 4873 à 4886 (sauf quelques interruptions), le mi-
nistre des finances a été assisté d'un sous-secrétaire d'Etat,
qui avait dans ses attributions : le contrôle des affaires
présentées par les administrations financières ou qui leur
avaient été préalablement communiquées, et la nomination
des agents de ces administrations qui étaient soumis aupa-
ravant à la nomination des contrôleurs généraux.
IL Régies ou administrations financières. Les six
grandes administrations financières qui dépendent du mi-
nistère des finances, mais dont chacune forme un départe-
ment autonome administré par un directeur général sont :
4° la direction générale des contributions directes (V. ce
mot) ; 2° la direction générale de l'enregistrement, des
domaines et du timbre (V. ce mot) ; 3° la direction gé-
nérale des douanes (V. ce mot) ; 4° la direction générale
des contributions indirectes (V. ce mot) ; 5° la direction
générale des manufactures de VEtat (V. ce mot) ;
6° l'administration des monnaies et médailles (V. ce
mot). Deux autres régies faisaient jadis partie du minis-
tère des finances : celle des forêts (V. ce mot), qui a été
rattachée le 45 déc. 4877 au ministère de l'agriculture et
du commerce ; celle des postes, plus tard des postes et
télégraphes, qui a formé un ministère spécial le 5 févr.
4879 et qui a été ensuite rattachée, en 4887, au ministère
du commerce et de l'industrie (V. Postes et Télégraphes).
Liste chronologique des ministres des finances. —
Necker (29 juil. 4789) avec le titre de premier ministre
des finances ; — de Valdec de Lessart (27 avr. (4 794), Tarbé
(29 mai 4794), Clavière (24 mars 4792), Beaulieu
(48 juin 4792), Le Roulx Delaville (30 juil. 4792), Cla-
vière (40 août 4792), Deschamps-Destournelles (43 juin
4793), avec le titre de ministres des contributions et re-
venus publics. — Du 4er avr. 4794 au 5 nov. 4795, le
ministère fut administré par la commission dite des finances,
puis des revenus nationaux. — Ministres des finances :
Gaudin (5 nov. 4795),Faypoult(8 nov. 4795), Ramel de
Nogaret (44 févr. 4796), Lindet (20 juil. 4799), Gaudin
(10 nov. 4799); — baron Louis (3 avr. 4844), avec le titre
de commissaire provisoire pour les finances, le Trésor, les
manufactures et le commerce. — Ministres des finances :
Gaudin, duc de Gaëte (20 mars 4845), baron Louis
(9 juil. 4815), Corvetto (26 sept. 1815), Roy (7 déc.
1818), baron Louis (29 déc. 1818), Roy (19 nov. 1819), .
comte de Villèle (14 déc. 1824), Roy (4 janv. 1828),
Chabrol de Crousol (8 août 1829), de Montbel (19 mai
1830), Casimir Perier (29 juil. 1830) ; — baron Louis, avec
le titre de commissaire provisoire (1er août 1830) ; baron
Louis, avec le titre de ministre des finances (11 août 1830).
— Ministres des finances : Laffitte (2 nov. 1830), baron
Louis (13 mars 1831), Humann (18 nov. 1834), Du
Chatel, ministre du commerce, intérim (18 nov. 1834) ;
— 483 -
FINANCES — FINCH
comte d'Argout (18 janv. 1836), H. Passy, ministre du
commerce, intérim (2 août 1836) ; comte Duchâtel (6 sept.
1836), Lacave-Laplagne (15 avr. 1837), Martin du Nord,
ministre des travaux publics, intérim (16 juil. 1838) ; Gau-
tier (31 mars 1839), H. Passy (2 mai 1839), Pelet de ta
Lozère (1er mars 1840), Humann (29 oct. 1840), Lacave-
Laplagne (25 avr. 1842), Dumon (9 mai 1847), Goud-
chaux, ministre provisoire (24 févr. 1848) ; Garnier-Pagès
(5 mars 1848), Duclerc(ll mai 1848), Goudchaux (28 juin
1848), Trouvé-Chauvel (25 oct. 1848), H. Passy (20 déc.
1848), Fould (31 oct. 1849), comte de Germiny (24 janv.
1851), Fould (10 avr. 1851), Blondel (26 oct. 1851),
Turgot, ministre des afîaires étrangères, intérim (26 oct.
1851); de Casabianca (23 nov. 1851), Fould (3 déc.
1851), Bineau (22 janv. 1852), Magne (3 févr. 1855),
Forcade de La Roquette (26 nov. 1860), Fould (14 nov.
1861); — Rouher (20 janv. 1867), avec le titre de ministre
d'Etat et des finances. — Ministres des finances : Magne
(13 nov. 1867), Buffet (2 janv. 1870), Segris (14 avr.
1870), Magne (9 août 1870), E. Picard (4 sept. 1870),
Pouyer-Quertier (25 févr. 1871), de Goulard (5 mars
1872) , ministre de l'agriculture, intérim ; de Goulard
(23 avr. 1872), Teisserenc de Bort, ministre de l'agricul-
ture, intérim (17 août 1872) ; Léon Say (7 déc. 1872),
Magne (25 mai 1873), Mathieu Bodet (20 juil. 1874),
Léon Say (10 mars 1875) , Caillaux (17 mai 1877),
Collard-Dutilleul (23 nov. 1877), Léon Say (14 déc. 1877),
Magnin (29 déc. 1879), Allain-Targé (14 nov. 1881),
Léon Say (30 janv. 1882),Tirard (7 août 1882), Clama-
geran (6 avr. 1885), Sadi Carnot (16 avr. 1885), Dauphin
(11 déc. 1886), Rouvier (30 mai 1887), Tirard (12 déc.
1887), Peytral (3 avr. 1888), Rouvier (22 févr. 1889),
Tirard (13 déc. 1892).
Sous-secrétaires d'Etat de 1873 à 1886: Lefébure
(27 nov. 1873), Passy (15 mars 1875 au 17 mai 1877),
Cochery (20 déc. 1877 au 5 févr. 1879), Wilson (29 déc.
1879), Lelièvre (14 nov. 1881 au 30 janv. 1882), Labuze
(10 août 1882), Hérault (21 avr. 1885), Peytral (15 janv.
4886 au 3 déc. 1886).
Bibl. : Josat, le Ministère des finances ; Paris, 1882,
in-8. — Annuaire général des finances, 1892-93 ; Paris,
1892, gr. in-8.
FINANCIÈRE (Garniture) (Art cul.). C'est un mélange
bien cuit de crêtes et de rognons de coq, de foies de vo-
lailles, de quenelles, de tranches de truffes et de fonds
d'artichauts coupés par morceaux (V. Vol-au-vent).
FINANCIERS (Théâtre). Les financiers forment un em-
ploi de comédie qui dans l'origine tira son nom, comme
les roiSi les princesses, les soubrettes, les valets, de la
qualité du personnage représenté ; cet emploi comprend une
certaine classe de rôles marqués, qui tiennent le milieu
entre les pères nobles et les grimes. Les financiers, bien
qu'ils soient obligés à une certaine tenue, n'exigent pas
pourtant la dignité de ceux-là, et ils ne sauraient jamais
tomber, comme ceux-ci, dans le bas comique et la carica-
ture. Dans le répertoire classique, dans le « grand trot-
toir », comme on disait jadis, on faisait entrer dans
l'emploi des financiers un certain nombre de « rôles à
manteau » ; d'autres prenaient la qualification assez origi-
nale de ventres dorés, parce que, presque toujours, le fond
de la veste brodée de leur riche costume était de drap d'or :
parmi ceux-ci venaient en première ligne Turcaret de Tur-
caret (Le Sage) et Lysimon du Glorieux (Destouches).
Etaient classés parmi les financiers : M. de Sottenville dans
George Dandin, Diafoirus père du Malade imaginaire,
Géronte du Médecin malgré lui, Blandineau dans les
Bourgeoises de qualité, M. Guillaume dans V Avocat Pa-
telin, Démophon dans les Ménechmes (Regmrà), M.Ma-
thieu dans r Ecole des #0wr#ms(d'Allainval),Orgondans
les Jeux de V amour et du hasard et Rémy dans les
Fausses Confidences (Marivaux), le baron dans la Fausse
Agnès (Destouches), Argan dans le Préjugé a la mode
(La Chaussée), Francalèu dans la Métromanie (Piron),
Géronte dans le Méchant (Gresset) , Lysimon dans la
Feinte par amour (Dorât), etc. Les financiers rentrent
dans la classe des rôles comiques. Deux acteurs en ce siècle
se sont rendus célèbres à la Comédie-Française dans cet
emploi : Provost et Samson. Avant eux, Grandménii s'y
était fait une grande réputation. A. P.
FINCH (Sir Henry), magistrat anglais, mort à Boxley
(Kent) le 11 oct. 1625. Inscrit au barreau de Londres en
1585, il fut élu membre du Parlement par Canterbury en
févr. 1583 et en 1597. En 1616, il devint sergent de loi.
Il travailla avec Bacon à un projet de codification des lois
anglaises qui n'aboutit pas. Il fut arrêté en 1621 pour avoir
écrit un ouvrage intitulé The World's great restaura-
tion (Londres, 1621), dans lequel il prédisait aux juifs
la domination du monde. Laud se déchaîna contre ce livre
qui fut détruit. Finch obtint sa liberté en désavouant les
passages qui semblaient porter atteinte aux prérogatives du
roi. On a encore de lui : No^oxe^via (Londres, 1613,
in-fol.), important traité de jurisprudence, écrit en fran-
çais. Une traduction anglaise en a été donnée (Londres,
1627, in-8, plus, fois réimp.). Un abrégé parut à Londres
(1673, in-8) sous le titre de A Summary ofthe common
law of England. R. S.
FINCH (Comtes de Nottingham). Cette maison remonte à
sir Heneage Finch, speaker de la Chambre des communes,
mort en 1631, dont le fils aîné, qui fut le premier comte
de Nottingham, naquit le 23 déc. 1621. Il entra en 1635
à l'Inner Temple, et s'y attacha surtout à l'étude du droit
municipal. Il ne prit aucune part aux troubles de la guerre
civile, et se contenta d'être un avocat très occupé durant
le Protectorat. Membre du premier Parlement de la Res-
tauration, il fut nommé solicitor gênerai le 6 juin 1660.
Il prit aussitôt le rôle de représentant attitré de la couronne
et de l'Eglise établie dans la Chambre des communes. S'il
fut quelquefois en désaccord avec le roi, ce fut parce qu'il
était j)lus passionné que lui pour le maintien intégrai des
droits de l'Eglise, et encore plus hostile que lui aux non-con-
formistes. Attorney général en mai 1670, garde des sceaux
le 9 nov. 1673, il fut élevé à la pairie le 10 janv. 1674
sous le nom de baron Finch of Daventry. Mais, dès le
19 déc, il quitta les sceaux pour recevoir le titre plus con-
sidérable de chancelier ; il présida en qualité de chance-
lier aux célèbres affaires de Fagg, de Danby et de lord
Stafford, toujours soucieux de .plaire et de ne point offen-
ser les puissants. Le 12 mai 1681, il fut créé comte de
Nottingham ; il mourut le 18 déc. 1682. Peu d'hommes ont
été meilleurs courtisan-s et plus utiles à leur maîtres.
C'était en effet un légiste très expert et un debater très
éloquent, quoique affecté. Il laissa une nombreuse famille;
son second fils fut solicitor général et devint comte d'i?/-
lesford (V. ce nom). — L'aîné, Daniel, fut le second
comte de Nottingham. Né en 1647, inscrit à l'Inner Temple
en 1668, il entra au Parlement en 1673, et devint lord
de l'amirauté dès mai 1679. Il suivit la tradition politique
de sa famille, essentiellement tory. Mais la politique reli-
gieuse de Jacques II aliéna à ce prince une grande partie des
tories anglicans et amena la formation d'un torisme indépen-
dant, réservé à l'égard des jacobites et des « cavaliers » de
l'ancien type. De ces tories que, sous la reine Anne, on
appelait « hanovriens », Nottingham fut le chef. Ils met-
taient la fidélité à l'Eglise établie au-dessus du respect du
droit héréditaire ; or, Nottingham était le leader laïque du
clergé anglican sur lequel son influence n'avait pas de
limites. C'était un homme maigre, sombre, sévère, d'appa-
rence si solennelle qu'on l'avait surnommé « don Diego ».
Swift, qui le cribla toujours d'épigrammes, l'accuse quelque
part d'avoir entretenu une intrigue avec une chanteuse ita-
lienne, mais c'est pure calomnie. Ses mœurs étaient aussi
graves que son visage. En 1688, il refusa de se joindre à
ceux qui appelèrent Guillaume d'Orange, mais la révolu-
tion ayant triomphé, il l'accepta, non sans distinguer le roi
de jure et le roi de facto, distinction commode qui lui
permit de concilier l'obéissance à Guillaume III avec un
FINCH — FINCK — 484 —
loyalisme théorique envers les Stuarts dépossédés. Il fut
secrétaire d'Etat de la guerre de déc. 1688 à déc. 4693.
J^a reine Marie avait en lui plus de confiance qu'en tout
autre homme d'Etat, mais ses ennemis étaient nombreux
dans le Parlement ; les hommes des partis extrêmes haïs-
saient ce parfait politique du juste milieu, ce churchman
typique, et ses amis même, tout en le respectant, ne l'ai-
maient guère. La défaite de la baie de Lagos (juin 1693),
que le public attribua à ses ordres et à l'impéritie des
amiraux qu'il avait choisis, le força à se retirer (1693),
et il rentra dans la vie privée jusqu'à l'avènement de la
reine Anne. Celle-ci le rétablit dans la charge de secré-
taire d'Etat (8 mars 1702); il ne la garda du reste que
deux ans, par suite de l'impossibilité où il se trouva de se
mettre d'accord avec ses collègues whigs du cabinet. Ayant
prié la reine de choisir entre lui et les whigs, il eut la
mortification de voir la reine préférer ses adversaires. Son
zèle dynastique fut étonnamment refroidi par cet incident ;
il se joignit désormais aux tories qui demandaient que l'élec-
trice Sophie fût invitée à résider en Angleterre. Anne ne lui
pardonna jamais cette impertinence, et Nottingham, pour
la première fois de sa vie, fut jeté dans l'opposition, une
opposition cauteleuse et perfide. Le gouvernement mani-
festa, en 1711, des tendances à conclure la paix : dans la
Chambre des communes, les partisans de la guerre étaient
en majorité, mais ils étaient en minorité aux Lords. D'autre
part, un bill qui tenait très fort à cœur à Nottingham, YOc-
casional conformity Bill, destiné à disqualifier les non-
conformistes qui, pour éluder les lois en vigueur, se confor-
maient quelque temps aux rites de l'Eglise anglicane, en
vue de se rendre capables d'être élevés à des fonctions pu-
bliques, quitte à retourner ensuite aux chapelles des dis-
senters, ce bill, présenté plusieurs fois aux Lords par Not-
tingham, y avait constamment échoué ; il était sûr au con-
traire d'une majorité aux Communes. Un marché intervint
entre Nottingham et les leaders whigs. Nottingham fit
voter le 9 déc. 1711, par une majorité de douze voix à la
Chambre des lords, un amendement à l'adresse pour inviter
le gouvernement à la continuation de la guerre. En re-
vanche, YOccasîonal conformity Bill fut voté et passa en
force de loi le 22 déc. Nottingham espérait sans doute avoir
renversé le cabinet par le vote du 9 déc. : Harley et Saint-
John se contentèrent de créer douze nouveaux pairs. Mais
le règne d'Anne touchait à. sa fin. George Ier débarqua à
Greenwich le 18 sept. 1714, et, dans le premier ministère
hanovrien, Nottingham fut président du conseil. Une ma-
ladresse le rejeta définitivement dans l'ombre : ayant appuyé
en févr. 1716 une requête en faveur des lords jacobites
coupables de la rébellion de 1715, il fut destitué. Il vécut
dès lors dans son domaine de Burley-on-the-Hill, près
d'Oakham (Rutlandshire), qui appartient encore aujourd'hui
à la famille Finch. Il hérita le 9 sept. 1729 du titre de
comte de Winchelsea par la mort du cinquième comte, et
mourut lui-même le 1er janv. 1730. De son mariage avec
Anne, fille de Christophe, vicomte Hatton, il avait eu cinq
fils et sept filles. Ch.-V. L.
FINCH (Heneage), comte de Winchelsea, diplomate et
écrivain anglais, mort en 1689. Après avoir défendu de
son mieux la cause royaliste pendant la guerre civile, et
consacré sa fortune aux besoins de Charles II dans l'exil,
il reçut, à la Restauration, le titre de baron de Fitzherbert
d'Eastwell et fut nommé gouverneur du château de Douvres
et lord-lieutenant du comté de Kent. En 1661, le roi l'en-
voya comme ambassadeur à Constantinople, où il resta
huit ans. Lorsque Jacques II abandonna son royaume, il
se rallia à Guillaume d'Orange. Finch se maria quatre fois
et eut vingt-sept enfants. On a de lui une relation de son
voyage à Constantinople (1661) et une description de
l'éruption de l'Etna en 1669. B.-H. G.
FINCH (Anne), comtesse de Winchelsea, femme poète
anglaise, morte en 1720. Elle était fille de sir William
Kingsmill et femme de Heneage Finch, second fils du
précédent. Elle fut liée avec Pope , Rowe et d'autres
littérateurs de l'époque. Elle a laissé une grande quan-
tité de poésies manuscrites, dont quelques-unes ont été
imprimées par Birch dans le General Dictionary. Une
ode pindarique, The Spleen (1709), et un volume de
Miscellany Poems, written by a Lady (1713), avaient
été publiés de son vivant.
FINCH (Heneage), 4e et 5e comtes à'Aylesford (V. ce
nom).
FINCH (Francis-Oliver), peintre anglais, né à Londres
en 1802, mort à Londres en 1862. Orphelin à douze ans,
il fut placé sous la direction du peintre J. Varley, et passa
cinq ans dans son atelier. Il obtint ensuite le patronage de
lord Northwick, amateur éclairé, et fut employé par celui-ci
à peindre des vues de ses domaines. Il voyagea ensuite en
Ecosse ; à son retour, il entra comme élève à l'Académie
royale et étudia la figure sous la direction de Sass. Malgré
le succès relatif de quelques portraits qu'il produisit, il se
consacra enfin au paysage, et spécialement à l'aquarelle.
On cite parmi ses meilleurs ouvrages : le Tombeau de Gar-
mallon, peinture à l'huile (1820); Vue du Loch Lomond,
aquarelle (1822); Vue de la rivière Tay, id. (1827) ; le
Château de Windsor, id. (1829) ; le Collège d'Aberdeen,
id. (1832) ; scène du Cornus, de Milton, id. (1835) ;
Rocky Glen, matin, id. (1855) ; Retraite pastorale, id.
(1861). Le dessin de Finch est serré et précis, mais sa
couleur est trop souvent terne et sans vigueur. Le portrait
de cet artiste a été gravé par A. Roffe. Ad. T.
FINCK (Heinrich), compositeur allemand des xve et
xvie siècles. Il figure en 1482 comme étudiant sur les
registres de l'université de Leipzig, comme originaire de
Bamberg, où il dut naître par conséquent vers 1462. Il
fut attaché, de 1492 à 1506, à la cour des rois de Pologne,
puis fut, de 1510 à 1519, maître de chapelle à Stuttgart,
où il mourut probablement en cette année. Il est connu
par un recueil de chants allemands, publiés en 1506 à
Nuremberg sous le titre de Schône auserlesene Lieder
des hochberûhmten Heinrich Fincken, et par des com-
positions insérées dans des recueils de 1542 et 1545. Un
choix de morceaux de Henri Finck, mis en partition par
M. Eitner, forme le t. VIII des publications de la société
intitulée Gesellschaft fur Musikforschung, M. Otto Kade
a publié l'unique messe découverte de Henri Finck dans le
t. V de Y Histoire de la musique, d'Ambros. M. Br.
FINCK (Hermann), compositeur et théologien allemand,
né à Pirna (Saxe) le 21 mars 1527, mort à Wittenberg le
28 déc. 1558, petit-neveu du précédent. Organiste à
Wittenberg, il y publia en 1555 deux épithalames à cinq
voix, et en 1556 un important ouvrage théorique, Practica
musica, qui le place à un rang élevé dans la littérature
musicale. Il y traite de la notation, des proportions, des
tons, des canons, du chant, avec des exemples notés de sa
composition. Un exemplaire de cet ouvrage rare existe à
la bibliothèque Mazarine. Th. Nisard en a publié une des-
cription détaillée dans l'appendice de son édition de la
Science et la pratique du plain-chant, de D. Jumilhac.
Le recueil d'œuvres de Henri Finck publié par la Gesell-
schaft fur Musikforschung contient six compositions
d'Hermann Finck. M. Brenet.
FINCK (Friedrich-August), général prussien, né à Stre-
litz le 25 nov. 1718, mort à Copenhague le 22 févr. 1766.
Il servit dans les armées autrichienne (1735), russe, prus-
sienne (1743); en 1759, il était lieutenant général ; Fré-
déric II lui enjoignit, malgré ses observations, de se poster
à Maxen pour couper la retraite à Daun ; comme l'avait
prévu Finck, il fut enveloppé et dut capituler après une
héroïque défense. Le roi le fit casser et condamner à un
an de prison par un conseil de guerre après la paix ; mais
le roi de Danemark l'appela et le nomma général d'in-
fanterie.
FINCK (P.-J.-E.), mathématicien français. Ancien élève
de l'Ecole polytechnique et docteur es sciences, il enseigna,
de 1829 à 1848, les mathématiques spéciales au collège
de Strasbourg, puis occupa, jusqu'en 1867, la chaire de
- 485 -
FINGK — FINELLI
mathématiques appliquées de la faculté des sciences de cette
ville. Il a donné au Journal de mathématiques de Liou-
ville (4838 à 4845) et aux Nouvelles Annales de mathé-
matiques de Terquem (4842 à 4862) une vingtaine de
mémoires originaux ; il a, en outre, publié quelques ou-
vrages classiques d'une certaine valeur : Traité d'analyse
infinitésimale (Paris, 4834, in-8); Géométrie élémen-
taire (Strasbourg, 4838, in-8 ; 4e éd., 4844) ; Traité élé-
mentaire d'arithmétique (Strasbourg, 4844, in-8);
Mécanique rationnelle (Strasbourg, 4864-4865, 2 vol.
in-8), etc. Dans ses écrits comme dans son enseignement,
il s'est tout particulièrement attaché à la théorie des infi-
niment petits. L. S.
Bibl. : Liste des mémoires dus à Finck dans le Cata-
logue of scientific papers de la Société royale : Londres,
1868, t. II, in-4.
FINCKE (Thomas), polymathe danois, né à Flensborg
le 6 janv. 4564, mort le 24 avr. 4656. Après avoir étu-
dié treize ans aux universités étrangères (4577-4590),
notamment à Strasbourg, à Bâle où il publia sa Geometria
rotundi (4583), à Montpellier, à Padoue où il fonda la
bibliothèque de la nation germanique, il devint à son
retour médecin du duc Philippe de Holstein-Gottorp et,
après la mort de celui-ci, professeur à l'université de
Copenhague, d'abord en mathématiques (1594), puis en
éloquence latine (4602), fialement en médecine (4603),
tout en continuant à enseigner la géométrie et en dirigeant
le pensionnat des étudiants ou Communauté. Il fut qua-
rante-deux ans doyen de l'université à partir de 4644, et
cinq fois recteur. Il est vrai que dans sa grande vieillesse
il dut se faire suppléer par son petit:fils Thomas Bartholin
et son gendre Oluf Worm. De son vivant il compta non
moins de 79 descendants et sa postérité occupa des chaires
à l'université pendant cent soixante-dix-huit ans. Il publia,
en partie à l'étranger, de nombreux ouvrages et mémoires
d'astronomie, d'astrologie, de mathématiques, de philoso-
phie, de médecine, presque tous en latin, un seul en danois.
Il s'attira l'animadversion de Tycho Brahe pour avoir dépré-
cié les instruments de l'observatoire^de flven. B-s.
FINDEN (William et Edward-Francis), graveurs an-
glais, le premier, né en 4787, mort le 20 sept. 4852; le
second,rné en 4792, mort le 9 févr. 4857. Elèves de James
Mitau, ils montèrent un atelier de gravure à Londres et
entreprirent une série d'importants ouvrages illustrés, entre •
autres : les OEuvres de Byron (4834-4834, 420 pi. gr.
in-8); les Landscape Illustrations of the Bible (4834) ;
The Gallery of British Art, The Beauties of Thomas
Moore, etc. L'aîné des frères exécuta personnellement plu-
sieurs belles estampes d'après Landseer, Wilkie, Lawrence,
Turner, etc. G. P-i.
FINDLAY. Ville des Etats-Unis, Etat d'Ohio, comté de
Hancock ; 4,879 hab. en 4885, 44,000 en 4887 et 48,550
en 4890. Ce rapide développement est dû au gaz naturel;
le premier puits a été creusé en déc. 4885 ; il y en avait,
quatre ans plus tard, 43 en fonctionnement, donnant 6 mil-
lions de m. c. de gaz par jour. De nombreuses manufac-
tures se sont élevées, représentant un capital de 44 millions
de dollars et occupant 6,700 ouvriers en 4889 ; verreries,
briqueteries, fonderies, etc. Centre important de voies fer-
rées. Findlay est située près des sources de la rivière
Maumee. Aug. M.
FINDLAY (Alexander-George), géographe anglais, né à
Londres le 6 janv. 4842, mort à Douvres le 3 mai 4 875.
Fils d'Alexandre Findlay (4790-4870), géographe connu
par un bel atlas des environs de Londres (4 829) et un des
premiers membres de la Royal Geographical Society,
Alexander-George se livra tout entier à des travaux de géo-
graphie et d'hydrographie. Son Ancientand comparative
Geography eut un succès considérable dans le monde en-
tier. On peut encore citer de lui : Coasts and Islands of
the Pacific Océan (4854, 2 vol.), plusieurs Instructions
nautiques qui ont rendu les plus grands services aux ma-
rines de tous les Etats, les travaux relatifs aux explora-
tions de Livingstone qui était son ami, la carte routière
qu'il dressa d'après les explorations de Burton et de Speke ;
On the Currents of the Atlantic and Pacific Océans
(Liverpool, 4853) ; On the Gulf Stream and Us sup-
posed influence upon the climate of Europe (Exeter,
4869), etc. En 4858, il avait pris la direction de l'impor-
tante maison d'édition géographique de Laurie. Membre de
la Royal Geographical Society depuis 4844, il fut élu en
4870 membre étranger de la Società geografica italiana.
FINE Champagne (V. Eau-de-vie).
FINE Métal (Métal!.). On appelle fine métal le produit
de l'opération du finage ou du mazéage (V. Finerie). Le
fine métal est de la fonte dont on a éliminé la majeure par-
tie du silicium, tout en conservant presque tout le carbone
qu'elle renfermait. Son aspect est celui d'une fonte blanche
lamelleuse : l'élimination du silicium a permis au carbone
que renfermait la fonte grise, qui lui a donné naissance,
et dont une partie était à l'état de graphite, de se dissoudre
complètement. C'est ce qui explique que la transformation
du fine métal en fer puisse se faire rapidement ; dès que
l'oxygène provenant de l'air ou des scories riches en oxyde
de fer, qui accompagnent le puddlage, est en présence du
fine métal, celui-ci agit énergiquement sur le carbone et
le transforme en oxyde de carbone, sans qu'il soit néces-
saire que la masse soit liquide. Le puddlage du fine métal
est donc, essentiellement, un puddlage sec ou produit à
une température qui n'a pas besoin d'être très élevée, tandis
que le puddlage de la fonte non finie donne surtout lieu à
un puddlage gras ou en bouillons. Le puddlage du fine métal
n'a plus lieu qu'en Angleterre ; il a à peu près disparu du
continent où l'on puddle les fontes blanches pour fers com-
muns et des fontes grises pour fers supérieurs et pour aciers
puddlés. L. K.
FINE (Oronce), mathématicien français, né à Briançon
en 4494, mort à Paris le 8 oct. 4555. On dit d'ordinaire,
mais à tort, Fine. Son père, François Fine, avait écrit
sur l'astronomie. Oronce porta en son temps le glorieux
titre de rénovateur des études mathématiques en France.
Une chaire fut créée pour lui en 4532 au Collège de France
et ses cours eurent un succès extraordinaire. Il venait de
publier sa Protomathesis, ouvrage considérable, compre-
nant quatre livres sur l'arithmétique, deux sur la géométrie,
cinq sur la cosmographie, quatre sur la gnomonique. Des
différentes parties de cette vaste compilation, savante pour
l'époque, mais sans originalité, il fit plus tard diverses réédi-
tions séparées sous des titres différents, ainsi que des tra-
ductions qu'il offrit à tous les grands personnages dont il
pouvait espérer des largesses. Ces volumes sont surtout
remarquables par l'exactitude des figures. La réputation
d'Oronce ne survécut guère à la publication posthume de
l'ouvrage : De Rébus mathemalicis hactenus desideratis
(4556), confiée aux soins de son, ami Antoine Migauld. Il
avait prétendu y résoudre par la règle et le compas et
comme application de la divina proportio (section en
moyenne et extrême raison) : l'invention de deux moyennes
proportionnelles, la quadrature du cercle, l'inscription des
polygones réguliers de 7, 44, 43 côtés, la division de la
sphère en deux segments de rapport donné. Oronce s'était
d'abord fait connaître en éditant en France des ouvrages
étrangers. Sous ce rapport, il a rendu à la science des
services incontestables. T.
Bibl. : Niceron, Mémoires. — A. Rochas, Biographie
du Dauphiné.
FINE de Brianville (Claude-Oronce) (V. Brianville).
FINELLI (Giuliano), sculpteur italien, né à Carrare en
4604, mort à Rome en 1657. Il étudia à Naples, puis de
bonne heure à Rome sous le Bernin, qu'il assista dans
l'exécution de la Sainte Bibiane (église du même nom) et
du fameux groupe à' Apollon et Daphné (casino Borghèse).
Il a sculpté pour l'église de la Madonne de Lorette, à la place
Trajane,une Sainte Cécile. La fameuse chapelle du Trésor,
de la cathédrale de Naples, fait voir, de sa main, plusieurs
statues de bronze. La même église renferme encore un Saint
FINELLI — FINGER
— 486 —
Pierre, un Saint Paul et un Saint Janvier qui lui font
beaucoup d'honneur. D'autres ouvrages de cet artiste se
trouvent dans la même ville. * L. Dimier.
Bibl. : Campori, Memorie biografîche degli scultori...
nativi di Carrara.
FINELLI (Carlo), sculpteur italien, né à Carrare en
1782, mort à Rome en 1853. Il étudia à Florence, à Milan,
puis à Rome sous Canova dont il devint l'émule. Ses ou-
vrages les plus célèbres sont : l'Amour au papillon
(coll. du duc de Devonshire), V Amour en colère, Mars
(aux Beaux- Arts de Florence), le groupe des Trois Heures
(au Palais apostolique de Rome) et un Saint Michel
archange (Armeria de Turin). Il était de la famille du
sculpteur Giuliano Finelli.
F1NERIE (Métall.). Four dans lequel on fait l'opération
du finage ou du mazéage. Le finage est l'opération préli-
minaire du puddlage de la fonte. Lorsqu'en Angleterre, au
commencement de ce siècle, Panz et Cort inventèrent le
puddlage, c.-à-d. l'affinage au four à réverbère, on recon-
nut vite que ce travail était très fatigant pour l'ouvrier.
On chercha alors à l'avancer par une préparation mécanique
préalable, dont on emprunta le principe à l'affinage au bas
foyer. Le finage est l'insufflation d'une certaine quantité
d'air dans la fonte liquide ; cette opération se fait dans un
four spécial, appelé four de finerie. Lorsqu'on n'appliquait
pas l'analyse chimique à la métallurgie, on disait que le
finage avait pour but de décarboner la fonte avant de la
soumettre au puddlage. Le produit obtenu, le fine métal
(V. ce mot) a été considéré jusqu'à ces dernières années
comme de la fonte à un degré de carburation moindre. Les
analyses faites depuis ont démontré que le finage a au con-
traire pour effet d'enlever le silicium de la fonte, bien plus
que le carbone. Dans le finage il y a une certaine déphos-
phoration. Grimer, dans ses remarquables études sur l'acier
franc en 1867, faisait ressortir cette déphosphoration par-
tielle au finage et l'attribuait à la possibilité d'avoir une
scorie basique en présence de parois de fonte refroidie ; dès
que les scories renferment 40 °/0 de silice, les bases ne
retiennent plus' l'acide phosphorique. Or, en général, les
scories du. finage renferment moins de 30 °/0 de silice, et
c'est ce qui permet une certaine déphosphoration. Dans
leur communication en 1878 sur la déphosphoration,
MM. Thomas et Gilchrist ont reconnu que les études de
Griiner sur la possibilité d'éliminer du phosphore dans
l'opération du finage, en présence de scories riches en
oxyde de fer, ont été la base de leurs recherches. Le
four de finerie se compose d'une sorte de cubilot, dont
les parois inférieures sont en fonte et où l'on charge
un mélange de coke et de gisements de fonte ; celle-ci
en fondant se rassemble dans un bain où elle reçoit l'ac-
tion oxydante de six tuyères ployantes qui amènent de
l'air à la pression de 15 centim. de mercure par centim.q.
L'air insufflé à la surface du bain y pénètre de quelques
centimètres, puis sort en traversant le mélange de coke et
de fonte qui remplit la partie supérieure du four, brûle le
coke et s'échappe en produisant un mélange d'oxyde de
carbone et d'acide carbonique. Le produit de l'opération est
le fine métal. L. K.
F1NÉSTRÈS yMonsalvo (José), jurisconsulte et épigra-
phiste catalan, né à Barcelone le 11 avr. 1688, mort à
Montfalca de Mosenmeca le 17 nov. 1770. Docteur de l'uni-
versité de Cervera, il y professa le droit et fut un des plus
grands jurisconsultes de son pays. Chargé de la haute di-
rection des établissements d'instruction publique en Cata-
logne, il contribua puissamment à leur développement. On
lui doit d'importants ouvrages, tous imprimés à Cervera :
Exercitationes academicce (1745, in-4); Prœlectiones
Cervarienses, sur les Pandectes (1750-52, 2 vol.) ; De
Jure dotium (1753) ; In Hermogeniani jurisc. juris
Epitomarum libros VI commentarius (1757, 2 vol.),
précieux en ce qu'il contient un abrégé historique des meil-
leurs jurisconsultes catalans; Sylloge inscriptionum ro-
manarum quœ in principatuCatalauniœ vel exstant,
vel aliquando exstiterunt, notis et observationibus
illustratarum (1762), publication d'un intérêt capital,
complétée par Dou et de Bassols (1769). G. P-i.
FI N ESTRET. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Prades, cant. de Vinça ; 434 hab.
FINETT (Sir John), diplomate et écrivain anglais, né
en 1571, mort en 1641. D'une famille de courtisans d'ori-
gine italienne, Finett amusa de bonne heure le roi Jac-
ques Ier par des couplets licencieux ; mais il alla trop
loin, paraît-il, et encourut un instant la disgrâce de son
maître. Après avoir rempli quelques missions diploma-
tiques en Espagne et en France, il succéda à sir Lewis
Lewknor dans sa charge de maître des cérémonies. On a
de lui une traduction du traité de René de Lusinge, sieur
des Alymes : De la Naissance, durée et chute des Es-
tats (Londres, \ 606), et Finetti Philoxenis : some choice
Observations ofSrJohn Finett.,. touching the Réception
and Precedence, the Treatment and Audience, the
Puntillios and Contests of Forren Ambassadors in
England (Londres, 1656). B.-H. G.
FINETTE. I. Tissage. — Nom donné à des étoffes de
coton croisées employées comme doublures, ou à des fla-
nelles légères.
IL Pêche. — Dans l'arr. de Rochefort, on désigne sous
ce nom un filet dérivant, tramaillé, qui, du commence-
ment de novembre à fin mars, sert à la pêche de la raie ;
les dimensions réglementaires sont : flue, 0m54 ; aunée,
0*244.
FINGAL (Grotte de). Caverne principale de l'île de
Staffa (V. ce mot), dans l'archipel des Hébrides (Ecosse).
Elle a 69 m. de long, 7 à 13 m. de large et 20 m. de
hauteur. Les fûts basaltiques, qui supportent sa voûte,
garnie de stalagmites, semblent taillés de main d'homme.
La mer produit, suivant les temps, en pénétrant dans les
profondeurs de la caverne, un bruit terrible ou très doux .
C'est sir Joseph Banks qui a mis la grotte de Fingal à la
mode parmi les touristes, en 1762.
FINGAL, héros calédonien légendaire, père à'Ossian
(V. ce nom). Macpherson l'a pris pour le personnage cen-
tral des épisodes qu'il publia de 1760 à 1763 comme étant
la traduction en prose anglaise de vieilles poésies celtiques
retrouvées ou recueillies par lui (V. Macpherson [James]).
Quoi qu'il en soit de l'authenticité des poésies d'Ossian,
on ne peut douter qu'elles ne soient inspirées quant au
fond et, en grande partie, quant aux formes mêmes du
style, par les vieilles épopées lyriques et les vieux récits
héroïques de l'Irlande, tels que certains manuscrits en
contiennent encore, et tels, surtout, qu'il s'en conser-
vait dans la mémoire des anciens au temps de Mac-
pherson. Voici, en quelques mots, le fonds historique
probable que la légende a recouvert de ses frondaisons et
de ses fleurs. Find était le Rig ou roi des Fians ou Fe-
nians de Leinster à l'époque où dominait le monarque
Cormac, fils d'Art. Il résidait dans un dunn ou château
fort, à Almhain, dans le comté de Kildare, en Irlande. La
fille de Cormac, Grainné, lui était fiancée ; mais elle se
laissa enlever par un célèbre guerrier fenian, nommé
Diarmait. Ce rapt et la poursuite de Find forment le sujet
d'un des cycles les plus importants des légendes irlan-
daises. Find se consola, d'ailleurs, de la trahison de l'infi-
dèle en courtisant Ailbhé, autre héroïne des vieux chants
celtiques. Il fut tué, dit-on, l'an 283 av. J.-C, par un
pêcheur, en un lieu appelé Ath Brea, sur la Boyne. Ses
fils, Fergus et Oisin (Ossian), furent poètes, et il existe
encore des chants qu'on leur attribue. Macpherson a changé
Find en Fingal, et transporté la scène dans le royaume
fictif de Morven, district qui formait, au moyen âge, un
doyenné du diocèse d'Argyll. B.-H. Gausseron.
FINGER (Gottfried), compositeur et instrumentiste alle-
mand, né à Olmiitzen 1660. En 1685, il entra parmi les
musiciens au service de Jacques II à Londres. En 1701, il
revint en Allemagne à la suite d'un concours ouvert entre
les musiciens de bonne volonté, concours de composition
487 —
FINGER — FINISTÈRE
dramatique dont le sujet était le Jugement de Paris de
Congreve et dans lequel il fut classé quatrième, bien qu'il
dépassât certainement, au point de vue tout au moins des
connaissances musicales, les trois concurrents plus favo-
risés que lui. En 1702, il fut attaché à la musique de la
chambre de la reinede Prusse, Sophie-Charlotte. En 4717,
on le trouve maître de chapelle à Gotha. Ses compositions
principales sont les suivantes : Sonatœ XII, pro diversis
instrumentis... Opus primum, anno 1688 (une autre
édition moins rare, faite par Etienne Roger d'Amsterdam,
a pour titre Douze Sonates de Finger, etc.) ; VI Sona-
tas or Solos, three for a violin and tarée for a flûte,
with athorough-bass for the harpsychord (1690), dont
il existe aussi une édition à titre français, due à Roger ;
Ayres, Chacones, Divisions, and Sonatas, for violins
and flûtes (1691) ; A Set of Sonatas in five parts for
flûtes and hautbois (éditée aussi avec titre français, So-
nates à cinq parties, etc., par Roger ; cet ouvrage est dû
à la collaboration de Finger et de Keller) ; Dix Sonates à
une flûte et basse continue; XII Sonates à deux flûtes
et basse; Sonate a tre, due violini e basso continuo;
musique de l'ode pour la fête- de Sainte-Cécile de l'année
1693 ; The Wives Excuse, Love for Love, The Loves of
Mars and Venus, The Anatomist, Ihe Humours of Age,
Love at a loss, Love makes a Man, Sir Harry Wild-
hair, opéras représentés à Londres en 1692, 1695, 1696,
1697 et 1701 (les quatre derniers) ; de plus, Sieg der
Schônheit ilber die Helden et Roxane, joués à Berlin (le
premier à la cour) en l'année 1706. A. E.
FIN GO S. Peuple de la Cafrerie, rejeté, au début du
siècle, vers le S.-O., par la conquête zouloue sur le pays
des Cafres Galekas, où il fut réduit en esclavage. Les Fin-
gos firent alors appel aux autorités britanniques du Cap,
qui les établirent sd'abord entre le Great Fish River et le
Keïskamma ; puis s'en servirent avec succès pour conte-
nir ou refouler les Galekas. Le pays des Fingos, annexé à
la colonie du Cap en 1876, forme un des districts d'au delà
de la Keï. Leur nombre est d'environ 90,000. Ils sont en
voie de progrès et se laissent convertir au christianisme.
Richesses agricoles et pastorales.
FIN H AN. Corn, du dép- de Tarn-et-Garonne, arr. de
Castelsarrazin, cant. de Montech ; 1,424 hab.
FINI (Math.) (V. Infini).
Différences finies (V. Différences).
FINIGUERRA (Maso ou Tommaso di Antonio), célèbre
orfèvre-nielleur italien et prétendu inventeur de la gravure
sur métal, né à Florence en mars 1426, inhumé à l'église
des Ognissanti le 24 août 1464. On le dit élève de Lorenzo
Ghiberti, qu'il aurait aidé dans l'exécution des portes de
bronze du Baptistère. Sa grande renommée comme nielleur
est attestée par Benvenuto Cellini et par Vasari. Le pre-
mier lui attribue une paix représentant le Christ en croix
entre les deux larrons, exécutée d'après un dessin d'An-
tonio Pollajuolo, paix que M. Milanesi identifie, non sans
raison, avec l'une de celles du musée de Florence. Vasari
ne mentionne de cet artiste que des paix représentant « en
très petit » des scènes de la Passion, objets qui se trou-
vaient alors à l'église de Saint- Jean, mais qui n'existent
plus. Le même écrivain attribue à Finiguerra « l'invention
de graver les estampes », vers l'an 1460. L'archéologue
Gori (1759), se basant sur la mention d'un registre de la
corporation des marchands, qui constate qu'en 1452 Fini-
guerra reçut le payement pour « une paix » destinée à l'église
de Saint- Jean, a proclamé que cette paix n'est autre que le
Couronnement de la Vierge (aujourd'hui au musée du
Bargello à Florence) et dont une épreuve a été découverte,
en 1797, par l'abbé Zani au Cabinet des estampes de Paris.
Bien que cette paix soit d'une beauté remarquable et digne
de la grande renommée de Finiguerra, l'attribution à cet
artiste n'en est jusqu'à présent appuyée que par des argu-
ments de pure esthétique. Quant à l'invention de l'art de
la gravure au burin, il suffit de rappeler qu'on a trouvé
des estampes allemandes, gravées sur métal et datées de
1446, 1457 et 1458, pour conclure que Finiguerra fut tout
au plus le premier Italien qui ait tiré des épreuves de ses
planches (V. au mot Gravure). On peut lui attribuer la
paternité de plusieurs nielles encore existants, entre autres
de la superbe pièce représentant la Vierge avec V enfant
Jésus entourée d'anges et de saintes, qui est de la même
main que le Couronnement de la Vierge, et dont l'unique
épreuve sur papier est dans la collection Albertine à Vienne.
Mais tout cela n'est qu'hypothèse. G. Pawlowski.
Bibl.: E. Dutuit et G. Pawlowski, Manuel de l'ama-
teur d'estampes : Nielles ; Paris, 1888. (On y trouvera un
exposé complet et la bibliographie de la Question Fini-
guerra.)
FINISSAGE (Métall.). En métallurgie on appelle finis-
sage la série d'opérations nécessaires pour convertir les
barres d'ébauché et de corroyé en fers d'échantillons livra-
bles au commerce. Dans l'ébauchage, on commence l'étirage
au moyen d'une compression qui facilite l'élimination des
scories qui accompagnent le fer ; dans le finissage on achève
l'étirage. Cette opération se fait au laminoir, en se préoc-
cupant surtout d'arriver vite et exactement à la forme
demandée. On appelle aussi finissage l'opération qui a pour
but de terminer les rails, les éclisses et autre matériel de
chemins de fer, en sortant du laminoir et avant de passer
sous l'inspection des contrôleurs. Pour les rails, notamment,
le finissage comporte le dressage, la mise à longueur par
fraisage, le perçage des trous d'éclissage et du patin. L. K.
FINISSEUSE (Métall.). On nomme ainsi la dernière
cannelure d'un laminoir; c'est celle qui doit donner la
forme finie ou le profil demandé. La barre qui sort de la
cannelure finisseuse n'a pas exactement la forme finale de
l'échantillon lorsqu'il sera froid ; il y a lieu de tenir compte
entre le profil à chaud et le profil à froid, par suite du
retrait ou contraction que subit la barre dans toutes ses
dimensions en se refroidissant. La dernière passe au buri-
nage ; celle qui se fait dans la cannelure finisseuse a lieu
à une température relativement basse ; par suite du refroi-
dissement progressif de la barre laminée, l'usure y est plus
grande que dans les autres cannelures. Comme, d'ailleurs,
la barre finie doit présenter, aussi exactement (jue possible,
la forme demandée, il est assez d'usage d'avoir deux can-
nelures finisseuses pour un profil donné, ce qui prolonge
F existence des cylindres avant de les envoyer au tournage.
FINISTÈRE (Dép. du). — Situation, limites, super-
ficie. — Le dép. du Finistère (qu'on devrait écrire Finis-
terre, conformément à Fétymologie) est situé à l'extrémité
occidentale, ou fin des terres, du territoire français. C'est
le département dont le développement des côtes est le plus
considérable après la Corse. 11 est compris entre les lat.
N. 47° 42' (îles Glénans), ou 47° 45' 40" (la Laïta), et
48o 43' 40" (Roscoff), ou 48° 45' 20" (île de Batz), et
entre les long. 0. 5° 43' 30" (Guilligomarc'h) et 7° T
(pointe de Corsen), ou 7° 28' 40" (île d'Ouessant). Son
chef-lieu, Quimper, est presque sous le 48e parallèle, lat.
N. 47° 59' 47"; il est distant de Paris de 587 kii. par
chemin de fer et de 480 kil. O.-S.-O. à vol d'oiseau.
Il est borné au N. par la Manche, à l'O. et au S. par
l'Atlantique, à l'E. par les dép. des Côtes-du-Nord et du
Morbihan. Son pourtour, sans compter les îles et en négli-
geant les sinuosités moindres d'un kilomètre, est d'environ
745 kil., dont 540 pour les côtes, soit les trois quarts,
formant limite naturelle; les limites continentales sont arti-
ficielles, sauf pour le Douron (13 kil.), l'Aune (40 kil.),
le Scorff (43kil5), la Laïta (10kil5). Sa superficie est de
672,467 hect., en y comprenant les îles de Batz (307
hect.), d'Ouessant (1,558 hect.), de Molène (575 hect.),
de Sein (60 hect.), de Tudy (38 hect.), etc. Vingt-six dé-
partements sont plus étendus. Du N. au S. il a de 90 à
400 kil., 422 de l'île de Batz aux Glénans ; de l'O. à l'E.
80 à 90 kil.; 424 kil. entre la pointe occidentale de l'île
d'Ouessant et le hameau de Hend-Meur (3,500 m. de
Guerlesquin); et seulement 42 kil. de la baie de Douar-
nenez aux frontières du Morbihan.
Relief du sol. — Le Finistère est un pays montueux
FINISTÈRE
d'une altitude moyenne d'environ 100 m.; ses collines les
plus élevées n'atteignent pas 400 m.; si on donne le nom
de montagnes aux deux chaînes qui le traversent de l'E.
à l'O., c'est plutôt en raison de leur apparence que de leur
élévation ; celle-ci est brusque, rapide ; les faîtes sont
dentelés, âpres ; les pentes sont monotones et sauvages,
nues ou parsemées de bruyères. L'allure orographique est
ici la traduction de la structure géologique. Le massif ar-
moricain, constitué par des roches anciennes, forme deux
plateaux dirigés à peu près E.-O., et séparés l'un de l'autre
par un sillon que l'on suit de Châteaulin jusqu'à Laval.
De là l'existence de deux chaînes, bordant les deux pla-
teaux, et séparées par la dépression centrale. Comme de
grands plissements ont affecté la contrée, vers l'époque
carbonifère, depuis laquelle les terrains n'ont plus été
bouleversés, il en est résulté des vallées de même sens, per-
pendiculaires aux chaînes, et servant de lit aux rivières,
état de choses qui existe encore aujourd'hui. Les deux
chaînes, qui courent presque parallèlement del'E.-l/4 N.-O.
à l'O. -1/4 S.-O. dans le Finistère, celle du Nord constituant
les montagnes tfArrée, et celle du Midi les montagnes
Noires, partagent donc le département en trois bassins ou
régions, correspondant aux plateaux N. et S. et à la vallée
intermédiaire. Le premier plateau est incliné vers la
Manche et traversé par un grand nombre de vallées paral-
lèles aboutissant à la mer. Le second plateau ne s'étend pas
jusqu'à l'Océan et finit en pente douce, à quelques lieues
de la côte, en une plaine unie et basse. La vallée intermé-
diaire, ici bassin de l'Aune, est assez large et très irré-
gulière, et se termine à la rade de Brest, en face de
Landévennec. Du côté de FO., la côte forme de hautes
falaises (cap de la Chèvre, pointe duRaz).
Les montagnes d'Arrée continuent, à partir des sources
du Blavet, au S. de Guingamp, le massif du Menez, qui
lui-même est né au S.-E. de Saint-Brieuc. Après avoir
fourni dans le dép. des Côtes-du-Nord des cimes de 300 à
330 m., elle en offre dans le Finistère un plus grand
nombre et d'une plus grande altitude : 371 m. à l'E. de
Commana ; 368 m*- (rocs Tréludon et Ar-Feunteun), 354 m.
(roc Trévezel). Au dessus des marais de Saint-Michel, se
dresse le mont de Saint-Michel ou de Brasparts, à 391 m.,
point culminant de toute la Bretagne : la chaîne porte
d'ailleurs aussi le nom breton de Rein Breiz (dos de la
Bretagne). La chaîne se termine au-dessus de l'isthme de
la presqu'île de Crozon, et se confondrait avec la chaîne
des montagnes Noires, si elle n'en était séparée par la
vallée de l'Aune ou rivière de Châteaulin.
La chaîne méridionale, ou des montagnes Noires, plus
boisées et moins sauvages que les précédentes, com-
mence à l'O. du Blavet, entre Rostrenen (Côtes-du-Nord)
et Plouray (Morbihan). Elle est séparée là de la chaîne
d'Arrée par la précédente rivière, se contournant au N.,
et par un affluent canalisé. C'est ainsi que la dépression
médiane de la Bretagne n'étant pas suffisamment carac-
térisée pour qu'une rivière ait pu s'y creuser un large lit,
il a fallu suppléer à ce manque de communications natu-
relles par un canal artificiel réunissant bout à bout les
vallées secondaires et reliant le Blavet à l'Aune, en même
temps qu'il dessine la démarcation entre les deux chaînes.
En se dirigeant de l'E. à l'O., les altitudes les plus remar-
quables sont : pour le Morbihan, 297 m. (point culminant),
mont Saint-Joseph, au hameau de Botquelvez ; pour les
Côtes-du-Nord, 304 m. (le mont Noir, point culminant),
entre Plévin et Tréogan, à l'intersection des trois dépar-
tements. On entre dans le Finistère. A la limite E., on
trouve le roc de Toulaëron (326 m.), 290 au Combout,
305 à la lisière S.-O. d'une forêt entre Saint-Goazec
et le Laz. Les ramifications méridionales offrent des alti-
tudes supérieures à 200 m. : 259 à l'E. de Coray (signal
de Brécoray). A l'O. du Laz, on remarque : 231 m.
à Notre-Dame d'Illizour, 289 m. à la cime de la forêt du
Duc, près Locronan (signal de la Motte); et la chaîne vient
mourir près de Douarnenez. Elle a envoyé au N.-O. un
contrefort plus puissant qu'elle-même vers Châteaulin et
la presqu'île de Crozon, où il s'affaisse : ces deux rameaux
prolongés embrassent la baie de Douarnenez, en formant les
presqu'îles avancées du cap Sizun et de Crozon ..Ce. dernier
a montré aussi de hauts sommets : 281 m. à Kerderrien
(Menez Cos), S.-E. deGouèzec; 252m., le Ménez-Kerque ;
237 m., le Ménez-Braz, et le point culminant (330 m.) du
Ménez-Hom, au triple sommet, d'où l'on domine la baie de
Douarnenez et la rade de Brest.
Les chaînes septentrionale et méridionale du Finistère
et celles qui y font suite, d'une part jusqu'aux collines de
Normandie, de l'autre jusqu'aux hauteurs delà Gâtine, for-
ment les rebords intérieurs des deux plateaux granitiques
N. et S., laissant entre eux un espace triangulaire empli par
des assises de roches anciennes, soulevées dans ces mon-
tagnes : dans la Basse-Bretagne, le plateau septentrional
constituait le pays de Léon, le plateau méridional formait
la Comouaille, qui s'étendait même jusqu'aux monts
d'Arrée.
Géologie (V. Armorique, t. III, p. 1043, et Côtes-du-
Nord, t. XIII, p. 2). — Le plateau méridional forme un pli
anticlinal, dont l'axe est constitué par des roches primitives,
plus ou moins injectées de granité. Le plateau septentrional
est également un pli anticlinal à injections granitiques ; mais
il est formé par des couches cambriennes. La dépression
centrale correspond à une série de plis anticlinaux et syn-
clinaux à peu près parallèles, où le granité ne forme que
des dykes isolés. Ce ridement général du sol, après la
période cambrienne et à l'époque carbonifère, se traduit,
dans la partie la plus resserrée, à FO. (Finistère), par
les plus grands bouleversements, tels que les couches sont
parfois renversées. On distingue, dans ce département, des
terrains cristallins ou primitifs ; primaires ; le pliocène des
terrains tertiaires ; des alluvions quaternaires anciennes et
modernes ; des roches éruptives anciennes. Il n'y a nul
représentant des terrains secondaires.
Terrains cristallins. — Une bande de gneiss, dit gneiss
de Brest, s'étend sur une longueur de 40 kil. Le gneiss de
Bretagne, qui peut être divisé en deux étages, appartient
ici à l'étage inférieur ; il est d'ordinaire granitoïde et mo-
difié par des éruptions granitiques (près de Douarnenez).
Une bande étroite de micaschiste existe au Conquet près
du rivage. Le micaschiste est, par excellence, la roche du
terrain primitif en Bretagne. Dans le plateau méridional,
entre l'île de Sein et Hennebont, on distingue cinq bandes
principales, formées de schistes cristallins en feuillets plus
ou moins verticaux : les deux premières font partie du
Finistère; l'une est la bande de Ploaré, formée de mica-
schiste passant au gneiss avec amphibolites ; l'autre est la
bande de la Forêt, de la baie d'Audierne à Quimperlé,
offrant un beau développement d'amphiboiiies et de ser-
pentines primitives.
Terrains sédimentaires. — La base du cambrien est
ici constituée par les phyllades verts de Douarnenez (S.
des montagnes Noires, Morlaix). Cette assise est surmontée
par celle des poudingues et schistes rouges, d'une
épaisseur de plus de 100 m. (cap de la Chèvre, S. du
Ménez-Hom).
A la base du silurien, dans le Finistère, h grès armo-
ricain se présente sous la forme du grès blanc des mon-
tagnes Noires, à Tigillites (scolithus) linearis. On y
distingue, de bas en haut, un grès dur, dit du Grand-
Gouin ; puis 40 m. de schistes sans fossiles (anse de
Portnay); enfin 80 m., de grès blanc, dit du Toulinguet, à
Tigillites. — Les schistes à Calymenes s'observent sous
une assez grande épaisseur, à Morgat, Dinan, Camaret,
Dinéault. — Le silurien supérieur est rudimentaire. On
l'observe dans la presqu'île de Crozon, sous la forme d'un
calcaire, dit de Rosan. Ailleurs, les schistes à calymenes
supportent directement les schistes et quartzites de Plou-
gastel, base du système dévonien. Celte assise atteint une
puissance de 1,000 m. dans le bassin de Brest et de Châ-
teaulin. Ces dépôts forment la plus grande partie de la
(k-andeEncyclopé die -Tome XVTI
FINISTERE
G/'ccoé et Thyo.parJSrhar'cL' 2^^1892
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So "Kilomètres
H LAMIRAULT et C^Edîteups
489 —
FINISTÈRE
presqu'île de Crozon, on les suit dans les montagnes Noires
et d'Arrée et jusqu'au S. du bassin de Morlaix. Au-dessus
se trouve le grès blanc de Landévennec à Grammysia Ha-
miltonensis, etc. (autour de la rade), séparé des schistes
précédents par une couche d'argile schisteuse avec lits ferru-
gineux d'une épaisseur de 10 m. L'étage au-dessus est celui
de la grauwacke du Faou à Ckonetes sarcinulata, sus-
ceptible d'être subdivisé : 4° grauwacke à Leptœna mur-
chisoni (Le Faou, Lanveoc, le Fret); $° calcaire de la
rade de Brest à Athyris et Rhynchonella livonica, etc.
Il est exploité, de même que celui de Rosan, dans une
foule de points autour de la rade (Roscanvel, Lanvéoc,
Lauberlac'h, île Ronde, etc.) et dans les terres (Le Faou,
Quimerc'h, environs de Châteaulin); 3° schistes à Phacops
latifrons et Leptœna rhomboidalis, recouvrant la pré-
cédente assise en feuillets vert sombre ; ardoises de Châ-
teaulin. L'étage surmontant la grauwacke du Faou a reçu
le nom de schistes de Porsguen, et comporte deux subdi-
visions : d° schistes bitumineux à céphalopodes de Porsguen
et de Rostiviec ; 2° schistes du Fret à Pleur odictyum
problernaticum. Les terrains dévoniens du Finistère
appartiennent à l'étage inférieur du système ; le dévonien
moyen et le dévonien supérieur n'y sont pas représentés.
Un grand massif de calcaire carbonifère occupe le
milieu du département, de Port-Launay à Carhaix, Poul-
laouen, Huelgoat, et se poursuit dans les Côtes-du-Nord.
Quant aux trois bassins de Plogoff, Kergogne et Quimper,
qui se trouvent dans une dépression des phyllades cam-
briens du plateau méridional de la Bretagne, ils se rangent
dans l'étage houiller supérieur.
Ce sont des dépôts du pliocène qui se montrent ensuite,
laissant une grande lacune dans la série des terrains. Ils
sont peu nombreux et de petite étendue. On peut citer
ceux des environs de Quimper, et ceux au N. de Coray et
de Scaër. Des alluvions anciennes, généralement minces
(argiles de Toulven, etc.) et des alluvions modernes
occupent le fond des vallées. A ces dernières se rattachent
les dunes (de Santec, Pont-FAbbé, la baie delà Forêt, etc.),
les sables coquilliers des rivages, le maërl, la tourbe des
marais, en place ou en paquets roulés. — On connaît des
plages de galets soulevées en divers points du Finistère,
entre autres dans les baies de Douarnenez et d'Audierne. Par
contre une oscillation en sens contraire a été constatée dans
les temps historiques ; on peut y rapporter l'engloutisse-
ment de la ville d'Is, et l'on a rencontré sur les plages des
débris de forêts sous-marines (Morlaix, anse de Sainte-
Anne, près de Brest, etc.).
Terrains éruptifs. — Les roches éruptives les plus an-
ciennes sont ici le granit gris dePontaven, le granité por-
phyroïde rose de l'Aber-Ildut, antérieur aux dépôts stratifiés,
ainsi que la syênite de Lanmeur. Les granités pinitifères
de Huelgoat, plus récents, ont traversées assises primaires.
Plus tard, la granulite, dont les principaux massifs sont
aux environs de Quimper et de Morlaix, ont rempli les fis-
sures des roches paléozoïques et du granité. Des diorites
à oligoclase coupent les granités éruptifs dans le plateau
méridional (Concarneau, Trémeven, Créac'h-Maria) ; des
diorites à labrador s'observent à Kermorvan et à Kervou-
guer, au N. de Quimper. Les diorites quartzifères de Bre-
tagne seraient des roches du terrain primitif et non érup-
tives, selon M. Barrois. Les diabases se suivent sur le
versant N. du Ménez-Hom, durant 50 kil., et ont joué un
rôle considérable avec les dépôts siluriens. — Les porphyres
quartzifères des environs de Brest (île Longue, etc.) pas-
sent facilement au pétrosilex. Le ker santon de la rade de
Brest est postérieur au dévonien inférieur, probablement
même au culm, et contemporain des porphyres quartzifères,
qui eux-mêmes existent en galets dans les poudingues an-
thracifères de Quimper. On le trouve traversant les schistes
de Châteaulin (près de Poullaouen et de Carhaix). Les por-
phyrites, avec leurs formations de tufs, appelés roche
verte par les mineurs de Huelgoat, se rencontrent dans le
bassin de Châteaulin et entre Locmaria et Bolazec. — Les
gîtes de plomb argentifère de Poullaouen et de Huelgoat
consistent principalement en un filon uniforme sur une
grande étendue (1,500 m.), avec gangue de grauwacke
schisteuse, et postérieur à l'époque anthracifère.
Régime des eaux. — On y comprendra les côtes et
les îles, afin d'éviter des répétitions et en raison de l'im-
portance particulière ici de l'Océan relativement au régime
fluvial, le rôle de l'estuaire dominant celui du cours d'eau,
dont il fait en grande partie un bras de mer, une sorte de
fiord. La pointe déchiquetée de la Bretagne se partage à
son extrémité, dans le Finistère, en deux prolongements,
l'un méridional qui se termine par la chaussée et l'île de
Sein, que sépare du continent la passe ou Raz-de-Sein,
l'autre septentrional, se terminant au large par l'archipel
d'Ouessant, que sépare le chenal du Four. Entre ces deux
prolongements, il en est un moins avancé, qui est comme
la langue entre ces mâchoires ouvertes ; c'est la presqu'île
de Crozon : elle forme avec le premier, au S. la baie de
Douarnenez, et avec le second, au N., la rade de Brest ; à
l'O., du côté de la mer, elle limite, avec les portions
proéminentes des deux promontoires et les chaussées de
leurs deux archipels, la [passe de l'Iroise. Nous énumé-
rerons, en premier lieu, les tributaires de la Manche. Le
Douron, qui sépare près de la mer les Côtes-du-Nord et
le Finistère, a ses sources à Lannéanou, passe au Pon-
thou, sous un viaduc du chemin de fer, et débouche dans la
baie de Locquirec. Après la pointe de Primel, un golfe,
limité à l'O. par le cap de Roscoff, est partagé par une
petite presqu'île (de Carantec) et l'îlot de Callot. La por-
tion E. reçoit le Dossen, et l'autre, la Penzé. — Le Dossen
ou rivière de Morlaix se forme dans cette ville de la réu-
nion de deux ruisseaux descendus des montagnes d'Arrée,
le Jarlot et le Queffleut. Le Dossen passe sous le magnifique
viaduc de Morlaix. Il devient navigable et s'élargit en un
estuaire ayant jusqu'à 3,500 m. de largeur. Son embou-
chure esta 15 kil. de Morlaix. En face de Locquénolé, il a
reçu à droite le Dourdu ou Dourduff. L'entrée de la rade de
Morlaix est défendue par le château du Taureau. — La Penzé,
dite aussi rivière de Saint-Pol à son embouchure, a près
de 50 kil. ; elle prend sa source dans le massif de Com-
mana, au roc Tréludon (371 m.), baigne un viaduc du che-
min de fer de 32 m. de hauteur, s'élargit et devient navi-
gable, semblable à un fleuve. L'anse de Penpoul qui succède
à son embouchure est le port de Saint-Pol. — En face de
la pointe et de la côte fertile de Roscoff se trouve l'île de
Batz. Viennent ensuite les dunes, aujourd'hui fixées, de
Santec, les embouchures de l'Horne et de la rivière de
Quillec ; la grève de Goulven, où tombent le ruisseau de
Plouescat et la Flèche; le port et la pointe de Pontus-
val ; l'embouchure du Quillimadec'h, baignant Guissény ;
la côte jadis redoutée des naufragés qu'on appelait le
pays des Païens ; l'estuaire de l'Aber-Vrac'h, remarquable
par sa profondeur, excellent port de relâche , très fré-
quenté ; l'Aber-Benoît possède aussi un large estuaire.
L'Aber-Ildut, qui vient ensuite, est tributaire de
l'Atlantique ; il débouche sur le même parallèle qu'Oues-
sant , à 0° 5/ de l'anse de Porsal, où commence la
grande mer, et se termine par un estuaire, le havre de
Lanildut. — L'île d'Ouessant est à 22 kil. du littoral ,
séparée du continent par le chenal du Four ainsi que
les îles , îlots et rochers de son archipel, dont elle est
séparée elle-même par le passage du Fromveur. Ce sont
les terres les plus occidentales de France, et des parages
dangereux pour les marins. Après l'Aber-Ildut, on ren-
contre la pointe de Corsen, le point le plus occidental du
continent, près de Porsmoguer et de son anse, puis la pointe
de Kermorvan, qui abrite au S. l'anse des Blancs-Sablons
et au N. le port du Conquet. Elle est distante de 4 kil. de
l'île de Béniguet, la première terre de l'archipel d'Ouessant,
dont les suivantes sont principalement les îles Quéménès
et Molène. — On rencontre ensuite la pointe de Saint-Ma-
thieu, avec son phare et les ruines de son abbaye ; son nom
breton Pen-ar-Bed signifie le « bout du monde », finis
FINISTÈRE
— 490 -
terrœ; Flroise ; la portion septentrionale de ce golfe, ré-
trécie en entonnoir entre cette pointe et l'extrémité de la
presqu'île de Camaret et où se trouve l'anse de Bertheaume :
sorte de vestibule du Goulet, par lequel on entre dans la
rade de Brest (V. Brest, t. VII, p. 4138). — Cette rade
reçoit : la Penfeld, les rivières de Landerneau, deDaoulas,
de l'Hôpital, du Faou, de Châteaulin. La Penfeld n'est
qu'un ruisseau, mais qui devient brusquement large et pro-
fond et forme le port de Brest. L'Elorn (65 kil.) naît dans
les points les plus élevés des monts d'Arrée, au S. de
Commana, près de la colline de Toussâmes, coule au N.,
tourne à l'O. près de Landivisiau et prête successivement
sa rive gauche et sa rive droite à la ligne de Paris à Brest.
De Landerneau jusqu'à la rade, pendant 14 kil., il devient
navigable; sa largeur atteint jusqu'à 4,000 m. — Les
rivières de Daoulas et de l'Hôpital, ruisseaux descendus des
monts d'Arrée, ont des estuaires navigables. L'estuaire
delà rivière du Faou se confond, en face de Landévennec,
avec celui de la rivière de Châteaulin. Celle-ci porte de
préférence, dans l'ensemble de son cours, le nom d'Aune,
en breton Ar Stéir Aoûn (la rivière profonde). Elle prend
naissance dans le dép. des Côtes-du-Nord, dans les collines
de Lohuec, forme presque aussitôt, durant une dizaine de
kilomètres, limite avec le Finistère, en se dirigeant au S.,
se détourne au bois de Fréau vers l'O. pour entrer dans le
département, puis, avec de nombreuses sinuosités, se rend
vers le S.-S.-O. à Châteauneuf : elle a reçu le Squiriou,
et, près de Locmaria, le ruisseau d'Huelgoat, sorti d'un
étang par une cascade de 20 m. ; puis l'Ellez, née au pied
du mont Saint-Michel et qui, après avoir drainé le marais
de ce nom, forme la cascade de Saint-Herbot, de 70 m. ;
enfin, au-dessous de Carhaix, l'Hyère (ou Aven, qu'il ne
faut pas confondre avec le fleuve côtier méridional). C'est
l'affluent principal ; il a près de 60 kil. L'Hyère, née à
l'E.-S.-E. de Callac, au sein de hautes collines, passe
au pied de Carhaix et, à 4 kil. au S.-S.-O., s'abouche
avec le canal de Nantes, auquel elle prête son lit durant
10 kil. jusqu'à son confluent avec l'Aune, en aval et au
S. de Landeleau, à Pinity : c'est désormais cette dernière
qui se confondra avec le canal jusqu'à Châteaulin. A partir
de Châteauneuf, l'Aune coule vers l'O., reçoit le Ster-
Goanez à Saint-Thois, puis passe à Châteaulin, à Port-Lau-
nay, où commence la navigation maritime pour 28 kil.; il
passe sous un viaduc très hardi (50 m.) du chemin de fer
de Nantes à Brest, et reçoit ensuite la Doufine, née vers
Brasparts et qui, après avoir coulé sous un viaduc de 40 m.
d'élévation, met en mouvement les roues de la poudrerie
de Pont-de-Buis ; enfin, l'Aune vient tomber dans l'ar-
rière rade au-dessous des ruines de Landévennec. L'Aune
a environ 150 kil., 160 si l'on considère l'Hyère comme
la branche mère. — Après avoir parcouru la côte septen-
trionale de la presqu'île de Crozon, pour sortir du Goulet,
puis son extrémité occidentale, où se remarquent l'anse
de Camaret, la pointe du Toulinguet, l'anse de Dinant, on
pénètre par le cap de la Chèvre, môle gigantesque de plus
de 100 m. d'élévation, dans la baie de Douarnenez. — Cette
baie est une des plus belles de l'Europe ; sa forme est
presque circulaire avec 54 kil. de circuit, 21 kil. de pro-
fondeur et 15 kil. de largeur maximum, entre l'anse de
Morgat et la pointe de Millier ; son entrée, entre le cap de la
Chèvre et la pointe de Luguéné, aune largeur de 8 kil. 1/2.
Le brassiage à basse mer est de 20 à 30 m. Ouverte
à PO., elle est exposée aux vents violents, surtout sur la
côte S. Elle ne reçoit que des ruisseaux et il n'y a sur ses
rives d'autre ville que Douarnenez, à l'embouchure du Poul-
david ou Porrhu (port rouge), descendu des montagnes
Noires, estuaire de 2 kil., à l'angle S.-E. delà baie, vis-à-
vis l'île de Tristan, surmontée d'un phare de 5e ordre à feu
fixe blanc (V. Douarnenez, t. XIV, p. 997). — Le promon-
toire où se termine à FO . le pays de Cornouaille sépare
la baie de Douarnenez de celle d'Audierne. Les deux pointes
du Van et du Baz ou cap Sizun limitent une petite baie
trop fameuse sous le nom sinistre de baie des Trépassés,
mais curieuse aussi par les reliques romaines des nie et
ive siècles qui abondent dans le voisinage et par la légende
de la ville d'Is. L'île de Sein, à 8 kil de la côte, est une
roche aride dont les 700 habitants sont marins. — Après
avoir contourné la pointe du Baz et longé les roches
de l'Enfer de Plogoff, on entre dans la baie d'Audierne, qui
consiste en une légère courbure du rivage sur une grande
longueur. On y trouve le Goayen, ruisseau devenant navi-
gable en s'élargissant à Pont-Croix, puis à Audierne. A
l'extrémité S. de la baie se trouve la pointe de Penmarc'h.
Sur la côte S., on rencontre : la plage de Penmarc'h; les
ports de Guilvinec et de Lesconil ; l'anse de Bénodet, où
tombent la rivière de Pont-1'Abbé et l'Odet. — L'Odet ou
rivière de Quimper naît dans les montagnes Noires, près
du Morbihan, reçoit, à 2 kil. en amont de Quimper, le Jet,
puis, à Quimper, le Stéir, né au S.-S.-O. de Châteaulin. Il
devient à Quimper un large fleuve, s'élargissant comme un
lac sur son parcours à 2 kil. en aval et navigable durant
47 kil. Sa longueur est de 60 kil. — La baie de la Forêt
renferme le port de Concarneau (V. ce mot) et elle est
limitée par la pointe de Beg-Meil à l'O. et celle de Cabel-
lou à l'E. ; au large est l'archipel des Glénans, qui dépend
administrativement de la commune de Fouesnant (V. ce
mot). On trouve ensuite la pointe de Trévignon ; les em-
bouchures de l'Aven et du Belon ; l'anse du Pouldu, qui
appartient en partie au Morbihan et qui reçoit la Laïta. —
L'Aven naît au-dessus de Coray, traverse le vaste étang
de Rosporden que franchit un pont du chemin de fer de
Nantes à Brest et reçoit le Stéir-Goz, devient à Pont-Aven
un estuaire de 6 kil. 4/2 ; son cours est de 40 kil. L'em-
bouchure du Belon se confond presque avec la sienne. La
Laïta ou rivière de Quimperlé se forme en cette ville de la
réunion de l'Ellé et de l'Isole. L'Ellé (50 kil.) né dans
les Côtes-du-Nord, près des étangs de Glomel, entre dans
le Morbihan, coule au pied de la colline du Faouët, reçoit
à gauche la rivière du Pont-Rouge, à droite l'Inam ou Steir-
Laër, venu de Gourin. L'Isole oulsôl(45 kil.) naît dans le
Morbihan au-dessous de Roudouallec, à la frontière du dépar-
tement, baigne la colline de Scaër et reçoit la fontaine de
Scaër, fort abondante. La Laïta, navigable dès Quimperlé
pendant 15 kil., longe la forêt de Clohars-Carnoët, puis
devient un estuaire. Le cours de cette rivière et de celles
dont elle est le confluent est pittoresque et agréable. —
La section du canal de Nantes à Brest traverse l'arr. de
Châteaulin, en suivant successivement: le ruisseau deKer-
goat, mis en communication par la tranchée de Glomel,
établie au faîte séparatif, avec la rivière du Doré, affluent
du Blavet ; l'Hyère et l'Aune. Son développement est de
81,309 m., de la limite des Côtes-du-Nord (pont de Goa-
niva) à l'écluse n° 236 à Châteaulin. La pente est rachetée
dans le département par quarante-cinq écluses. Le tirant
d'eau est de lm62. —Les étangs du département occupent
une superficie d'environ 3,000 hect. En outre de l'étang de
Rosporden, déjà mentionné et qui est le plus grand, et de
celui de Huelgoat, il y en a plusieurs aux environs de Car-
haix et ailleurs. — Les eaux potables, de bonne qualité,
ont un degré hydrotimétrique peu élevé. Les côtes du Finis-
tère sont éclairées par cinquante-deux phares et fanaux.
Climat. — La Basse-Bretagne, dont la position est
péninsulaire, et particulièrement le Finistère, est le type
du climat breton ou armoricain. Sauf le vent d'E.,
tous les autres y sont marins. Le climat est modérément
froid en hiver, très modérément chaud en été, nuageux et
pluvieux, fréquemment soumis à des bourrasques, peu
orageux. Il favorise la précocité des récoltes, mais seule-
ment pour le printemps ; celles de l'été, au contraire, sont
tardives. La constance de la température s'explique par les
vents dominants, 0. et S.-O., plus fréquents que le N., le
N.-E. et l'E. ; les premiers sont modérateurs et amènent
des vapeurs qui servent de manteau en hiver, d'écran en
été. On a observé, pour le Finistère, les températures
moyennes suivantes, pour l'hiver, le printemps, l'été et l'au-
tomne et l'année : Brest, 5°,6, 8°,9, 15°,5, 12°,2,10°,5;
— 494 -
FINISTÈRE
et pour l'hiver, l'été et Tannée : Quimper, 6°, 4 6°,2, 4 4°,4 ;
Morlaix, 5°,8, 45°,6, 40°,7; Châteaulin, 5°,4, 15°,2, 10°,3;
Quimperlé, 5°,7, 46°,2, 40°,9. Tandis que les étés de Brest
ne sont pas plus chauds que ceux de Dunkerque, ses hivers
ont la même température que ceux de Toulon. Quant aux
températures extrêmes, elles atteignent des chiffres nota-
blement moins élevés que dans l'intérieur. Les altitudes,
dans le Finistère, n'abaissent guère, pour la plus haute
colline, la température hivernale que de 2°. La pression
varie de 764,5 sur la côte N. de la Bretagne à 762,5 sur
sa côte S. Les vents dominants sont O.-N.-O. et S.-O. Les
tempêtes sont nombreuses (30 environ), la péninsule et
surtout les îles étant plus exposées que le reste de la
France. Les pluies sont amenées par les vents du S.-O.
(suroît), puis de l'O. et du S. Celles du S.-E. sont fines
et de longue durée ; le N. et le N.-O. produisent des
averses. Les pluies sont plus fréquentes en automne, puis
en hiver. Il tombe plus d'eau dans le dép. du Finistère
que dans les autres dép. de la Bretagne, surtout à Brest
(986 millim.) ; dans cette ville, le nombre des jours de
pluie est aussi le plus grand (470 à 230). La neige est
rare ainsi que la grêle, qui tombe ici, non en été, mais
pendant des bourrasques d'hiver. Les orages d'été sont
rares. Il y a, en moyenne, quatorze orages par an. Les
brouillards sont fréquents ; des brouillards de mer persis-
tent des journées entières. L'humidité atmosphérique l'em-
porte de 6 à 7 centièmes sur celle de Saint-Maur (Obser-
vatoire), 86 sur le littoral, 90 environ pour Ouessant. —
La douceur de l'hiver permet ici l'acclimatation et la culture
en pleine terre de plantes méridionales frileuses, aux envi-
rons de Brest, notamment, et dans son jardin botanique
(Camélia, Araucaria, Chamœrops, Fuchsia coccinea,
Erica arborea, Yucca, figuiers, myrtes, etc.). Par contre,
le défaut de chaleur de l'été ne permet pas la maturation
ou le développement du sucre des fruits, par exemple, des
figues, abricots, pêches, cerises, raisins, voire des fraises,
abondantes, mais peu parfumées. La fréquence des pluies
est un bienfait pour ce sol peu perméable, qui, sans cela,
se dessécherait trop vite. Si la constance de la température
a paru une condition favorable dans les affections de la
poitrine, l'humidité l'emporte et entretient, au contraire,
ces maladies, de même que celles des voies urinaires et
celles lymphatiques.
Flore et faune naturelles. — De même que pour le
sol et le climat, il existe une très grande ressemblance
dans la végétation des divers départements de la Bretagne,
qui forment encore, sous ce point de vue, une seule région
naturelle (la Loire est prise pour limite méridionale),
d'autant plus qu'aucun d'eux n'est privé d'une certaine
étendue de côtes ; or, c'est justement ici la flore maritime
qui est la plus riche et la plus variée. Deux causes domi-
nantes agissent sur la flore de la contrée : le sol grani-
tique, qui la rend pauvre et peu variée (on n'y compte que
4,300 espèces phanérogames environ, soit 4,134 dans le
Finistère, dont 308 monocotylédones et 823 dicotylédones);
la douceur des hivers, qui permet la présence d'espèces
méridionales (il s'agit ici de celles spontanées ou natura-
lisées), et ce caractère est accentué dans le Finistère
(Astragalus Bayonensis, Lithospermum prostratum,
Urtica membranacea, Narcissus reflexus). L'humidité
de la Bretagne est aussi la cause de la prédominance des
fougères (Hymenophyllum Wilsoni et surtout #. tun-
bridgeuse). C'est dans le Finistère (et aussi dans le Mor-
bihan) que les landes bretonnes occupent les espaces les
plus étendus, toutes jaunes d'ajoncs ou de genêts ou toutes
roses de bruyères. Les forêts, moins variées en essences
que les bois calcaires, sont composées par le hêtre, les
chênes (Quercus pedunculata et sessiliflora), le bou-
leau. Dans le sous-bois figurent le tremble, le noisetier,
le houx, la bourdaine, Pyrus aucuparia, Vaccinium
myrtillus; l'aune, avec Salix aurita, cinerea, habitent
les parties humides. Ce sont surtout les prés, et plus en-
core les moissons, qui sont pauvres en espèces et offrent
une verdure uniforme, que ne compensent pas les digitales,
dans les champs en friche et sur les coteaux. Le bleuet est
rare ; le coquelicot se réfugie dans la région maritime cal-
caire. Les couleurs vives des plantes devront ici être recher-
chées sur les plages découvertes, dans les algues purpurines
dites Floridées. — La région botanique à laquelle appartient
le Finistère est la région du chêne, zone septentrionale, qu'on
pourrait nommer zone du pommier, par opposition à la
zone méridionale que caractérise la vigne, non que la
rigueur de l'hiver tue celle-ci, mais parce que les étés,
insuffisamment chauds, ne mûrissent pas le raisin. Si les
phanérogames sont peu nombreuses, les cryptogames le
sont plus dans ce département que dans la plupart des
autres : 3,057 espèces.
Parmi les mammifères sauvages, on peut citer le loup,
le renard, la belette, l'hermine, la loutre, le blaireau,
le sanglier, l'écureuil, très commun dans les sapins ; le
lièvre, le lapin, très communs, celui-ci surtout à l'île
Béniguet ; le chevreuil ; le cerf est rare (bois de Huel-
goat) ; le souffleur (genre dauphin), le marsouin ; d'autres
cétacés sont accidentels (la baleine, par exemple, qui
s'est échouée dans les parages de Brest, en 4894); le
cachalot (une trentaine de ces animaux se sont échoués à
Primelin, près d'Audierne, en 4784).— Les oiseaux sont
nombreux en espèces. Le faucon hobereau et l'épervier
nichent, l'aigle royal et le milan royal sont accidentels,
poussés et amenés par des tempêtes. On a compté 44 es-
pèces de rapaces diurnes et 5 espèces de nocturnes. L'ordre
des passereaux comporte 82 espèces ; citons le grand cor-
beau noir, la bergeronnette grise, le bouvreuil ; le cincle
plongeur se rencontre à la cascade de Saint-Herbot, le
bruant des roseaux dans les marais de Bodonou. Il est
6 espèces de grimpeurs ; dans les gallinacés (6 espèces) ,
la perdrix rouge se fait remarquer par sa grosseur, à
Carhaix, Scaër, etc. L'ordre des échassiers a 36 espèces ;
les cigognes sont de passage, l'ibis falcinelle également.
Les palmipèdes comptent 48 espèces, entre autres les goé-
lands, mouettes, pétrels, cormorans, guillemots, pingouins,
en un mot, la foule des oiseaux de mer. Le cygne est de
passage accidentel. Le labbe ou stercoraire, dit vulgaire-
ment sergent, arrive avec les sardines, dont il suit les
bancs ; il en est de même du fou dont les individus vieux
restent dans le pays. Le pingouin macroptère niche à
près de 30 m. au-dessus de la mer (aux Tas-de-Foin). —
Parmi les reptiles, le lézard gris, l'orvet, la vipère. — On
comprend que la faune ichthyologique doive être ici fort
nombreuse. L'énorme môle lune apparaît accidentellement
sur ces côtes. On pêche le saumon qui remonte la rivière
de Châteaulin. Il faut en dire autant des crustacés et des
mollusques ou des coquillages, des coléoptères, extrême-
ment nombreux, des lépidoptères ou papillons, les uns
diurnes (54 espèces), les autres crépusculaires (49) ou, en
troisième lieu, nocturnes (248 espèces). Dans Tordre des
névroptères, si l'on n'a pas à redouter ici, comme dans la
Charente-Inférieure, les ravages des termites, il n'en est
pas de même, dans la classe des mollusques, de ceux qu'exer-
cent les tarets ; et les bois de marine, par suite, sont con-
servés à Kerhuon et dans la Penfeld, en des fosses où se
mélangent l'eau douce et l'eau salée. Les mollusques (troi-
sième embranchement) comptent ici 438 espèces. Citons :
Ostrea edulis et Leonica, et une espèce à'helix terrestre
(Quimperiana), plus commune à Brest que partout ailleurs.
Histoire depuis 1789. — Le dép. du Finistère fut
formé en 4790 (mars) d'une partie de la Basse-Bretagne,
savoir : de l'ancien évêché de Léon, d'une portion du pays
de Tréguier et de quelques paroisses du pays de Vannes,
enfin de la Basse-Cornouaille , toutes contrées dont les
quatre idiomes diffèrent. En même temps, il constitua le
diocèse de Quimper, cette ville devenant le ch.-l. du dép.
et le siège de l'évêché. D'abord partagé en neuf districts,
il reçut la division en arrondissements le 28 pluviôse an VIII
(48 janv. 4800). — La Révolution de 4789 y fut ac-
cueillie, notamment à Brest, avec enthousiasme par le
FINISTÈRE
— 492 —
tiers état. Si le nouvel ordre de choses convint générale-
ment aux citadins ; les habitants des campagnes restèrent
fidèles aux traditions monarchiques. Cette opposition se
manifesta aussi par l'indiscipline qui ne tarda pas à se
mettre dans les troupes et les équipages vis-à-vis des offi-
ciers, nobles pour la plupart, accusés à tort d'être de con-
nivence avec l'Angleterre. Ceux-ci émigrent en 1791.
Lorsque le parti de la Montagne devint tout-puissant , les
administrateurs du Finistère voulurent s'opposer à sa tyran-
nie et envoyèrent des bataillons de fédérés à Paris pour
assurer l'inviolabilité de la représentation nationale. Plus
tard, ils devaient payer de leur tête cette courageuse résis-
tance. Vers la fin .de l'été de 1793, un certain nombre de
Girondins, entre autres Barbaroux et Petion, proscrits et
traqués, après avoir fui le Calvados, où ils avaient échoué
dans leur lutte, traversèrent le Finistère et ils purent se
cacher quelque temps, aux environs de Douarnenez. En
1794, le contre-amiral Villaret et Je représentant Jean Bon
Saint-André affrontèrent près de Brest une flotte anglaise,
dans le combat glorieux du 13 prairial an II ou 1er juin
1795-, fameux par l'épisode du Vengeur. Mais ce fut cette
même année que le tribunal révolutionnaire, à Brest, sévit
avec le plus de violence. Pendant les guerres de l'Empire,
Brest eut à souffrir du blocus continental. En 1800 avait
été décrétée l'institution des préfets maritimes, dont le
premier fut Caffarelli qui sut se distinguer par son admi-
nistration. C'est la ville de Brest qui, dans le département,
est le plus en vue par les services qu'elle rend au pays
dans sa défense, et c'est elle presque seule qui a grandi
(V. Brest, t. VII, p. 1140).
Divisions administratives actuelles. -— Arron-
dissements. — Le dép. du Finistère se compose des cinq
arr. de : Quimper (ch.-l.), 139,984 hect. ; Brest,
141,443 hect.; Châteaulin, 183,186 hect.; Morlaix,
132,482 hect. ; Quimperlé, 75,072 hect.
Cantons. — Les cinq arrondissements sont divisés en
43 cantons : Arr. de Brest (12 cant.) : Brest (3 cant.),
Daoulas, Landerneau, Lanniiis, Lesneven, Ouessant, Pla-
bennec, Ploudalmézeau, Ploudiry, Saint-Renan. — Arr.
de Châteaulin (7 cant.) : Carhaix, Châteaulin, Château-
neuf. Crozon, Faou (le), Huelgoat, Pleyben. — Arr. de
Morlaix (10 cant.) : Landivisiau, Lanmeur, Morlaix,
Plouescat, Plouigneau, Plouzévédé, Saint-Pol-de-Léon,
Saint-Thégonnec, Sizun, Taulé. — Arr. de Quimper
(9 cant.) : Briec, Concarneau, Douarnenez, Fouesnant,
Plougastel-Saint-Germain, Pont-Croix, Pont-1'Abbé, Quim-
per, Rosporden. — Arr, de Quimperlé (5 cant.) : Ar-
zano, Bannalec, Pont-Aven, Quimperlé, Scaër.
Justice. Police. — Le" dép. du Finistère ressortit à la
cour d'appel de Rennes. Quimper est le siège de la cour d'as-
sises. Il y a 5 tribunaux de première instance, 1 par arrondis-
sement et 3 tribunaux de commerce (Quimper, Brest, Mor-
laix). Le nombre des justices de paix est de 43, une à chaque
chef-lieu de canton. Le nombre d'agents chargés de constater
les crimes et les délits était, en 1888, de : gendarmes,
265 (en 53 brigades, dont 25 à cheval) ; commissaires de
police, 16 ; agents de police, 102 ; maires, 292 ; gardes
champêtres, 76; gardes particuliers assermentés, 189;
gardes forestiers, 19 ; agents des ponts et chaussées (police
de la pêche), 79 ; douaniers, 546. Le département appar-
tient à la 14e circonscription pénitenciaire : maison centrale
pour hommes à Landerneau (population moyenne, 506),
1 directeur ; 6 prisons civiles.
Finances. — Pour les contributions indirectes, il y
a 1 directeur (à Quimper) ; 2 sous-directeurs (à Brest et
à Morlaix ; 3 inspecteurs ; 2 receveurs principaux entre-
poseurs ; 1 receveur principal ; 2 receveurs entreposeurs ;
1 entreposeur. — Le service des contributions directes
comporte 1 directeur (à Quimper), 1 inspecteur, 2 contrô-
leurs principaux, 10 contrôleurs (1892). — Le Trésor
public a 1 trésorier-payeur général (à Brest) ; 4 rece-
veurs particuliers et 53 percepteurs. — V enregistrement,
les domaines et le timbre ont 1 directeur, 1 inspecteur,
5 sous-inspecteurs, 5 conservateurs des hypothèques,
35 receveurs. — Les douanes ont 1 directeur à Brest,
5 inspecteurs, 1 sous-inspecteur, 3 receveurs principaux,
1 contrôleur principal, 5 contrôleurs et 12 receveurs
(1891).
Instruction publique. — Le département relève de l'aca-
démie de Rennes. Il y a 1 inspecteur d'académie à Quim-
per, 6 inspecteurs d'instruction primaire. Enseignement
secondaire : 2 lycées, à Brest et à Quimper ; 3 collèges
communaux, à Lesneven, Morlaix, Saint-Pol-de-Léon ; pour
les jeunes filles : un lycée à Brest (1891) et un établisse-
ment de cours secondaires à Morlaix ; des établissements
libres à Brest et à Quimper. Enseignement primaire : école
normale d'instituteurs et d'institutrices, à Quimper. Ecoles
primaires supérieures de garçons à Concarneau, Douarne-
nez, Quimperlé ; de filles à Quimperlé. Pensionnats pri-
maires, 12(1891).
Culte. — Le culte catholique a 1 évêché à Quimper,
suffragant de la métropole de Rennes. Le diocèse possède
2 vicaires généraux, 7 chanoines rétribués, 1 chanoine
non rétribué, 48 curés, 263 desservants des succursales,
281 vicaires. Le clergé protestant ne compte qu'un pas-
teur réformé. Presque tous les habitants sont catholiques ;
il n'y a guère que 800 protestants et une soixantaine d'is-
raélites (situation au 1er juil. 1890). Le Finistère appar-
tient à la 4e circonscription synodale, à la circonscription
consistoriale de Brest, à la première paroisse (de Brest) :
1 temple dans cette ville ; 2 églises indépendantes ont
1 temple à Quimper et 1 à Morlaix.
Armée. — 44e brigade (quartier général à Quimper,
général commandant les subdivisions de région de Quim-
per et de Brest) de la 22e division (Vannes) du 11e corps
d'armée (Nantes). 118e régiment d'infanterie à Quimper,
dont 1 bataillon à Morlaix ;*19e à Brest. Direction d'artil-
lerie de Brest, 1 colonel. Poudreries au Pont-de-Buis et au
Moulin-Blanc. Direction du génie de Brest ; directeur,
1 lieutenant-colonel; chefferies : Brest, Morlaix, Quélern,
Quimper, Le Conquet. Bureaux de recrutement : Quimper,
Brest. Gendarmerie, 11e lég. (Nantes), compagnies du
Finistère. Régiments territoriaux d'infanterie (11e région),
le 86e à Quimper, le 87e à Brest (1890). — Comme ser-
vitudes défensives, le département renferme : lre série,
Brest (ville et château) ; fort de Crozon. 2e série, place :
Concarneau ; postes : château du Taureau ; fort central de
l'île d'Ouessant ; forts du goulet et de la rade de Brest ;
plusieurs autres ouvrages (forts, batteries, réduits, ou-
vrages de Toulbroch, etc.).
Marine. — Ce département possède le chef-lieu, Brest,
du 2e arrondissement maritime, qui s'étend sur le littoral
depuis l'embouchure de la rivière d'Ay (Manche) jusqu'à
la rive droite de la rivière de Belon. De cette rivière à la
limite du Morbihan, ce qui est du Finistère, anse du
Pouldu, 14 kil. 1/2 de côtes, la Laïta, Moëlan, Quim-
perlé, etc., relève du 3e arr. (ch.-l. Lorient) (V. Arron-
dissement, t. III, p. 1121). Ecole navale, sur le Borda, à
Brest, où se trouvent aussi une école d'hydrographie, une
école du service de santé transformée en simple annexe
(22 juil. 1890) (V. Ecole, t. XV, pp. 439-42), des écoles ,
de maistrance et des mousses et l'établissement des Pu-
pilles de la marine.
Divers. — Le Finistère appartient à la 2e région agri-
cole (O.) pour les concours régionaux, et à la lre (N.-O.)
pour les régions établies par l'administration d'après le
climat, le sol et la culture ; à la 15e conservation fores-
tière (Alençon), avec 1 garde général (à Landerneau); à la
13° inspection des ponts et chaussées, avecl ingénieur en
chef à Quimper, 4 ingénieurs ordinaires ; à l'arr. miné-
ralogique du Mans (division du N.-O.), sous-arr. de Nantes,
subdivision de Brest, avec 1 contrôleur (1892) ; au 3e arr.
des Haras, avec 25 stations départementales. — Direction à
Brest de la circonscription sanitaire du Finistère.
Démographie. — Mouvement de la population. —
Le dernier et tout récent recensement de 1891 a constaté
— 493
FINISTÈRE
dans le dép. du Finistère une population totale de
727,012 hab., soit une augmentation de 49,192 (près de
3 centièmes) sur le recensement de 1886. Comme accrois-
sement absolu, 7 départements l'emportent sur le Finistère ;
comme accroissement proportionnel, il vient le dixième.
Voici, depuis le commencement du siècle, les chiffres donnés
par les recensements :
1801..
.. 430.046
1856..
. 606.552
1806..
. . 452.895
1861..
. 627.304
1821..
.. 483.095
1866..
. 662.485
1826..
.. 502.851
1872..
. 642.963
1831..
. 524.396
1876..
. 666.106
1836..
. 546.955
1881..
. 681.564
1841..
. 576.068
1886..
.. 707.820
1846..
. 612.151
1891..
. . 727.012
1851 . .
.. 617.710
La population de 1891 est supérieure à celle de 1801
de 296,966 hab. ; l'accroissement dans le cours presque
entier du siècle a été de 0,69 du chiffre primitif, soit des
deux tiers. La densité 64 (hab. par kii. g.) est devenue
108. La courbe, à partir de 1821, fait voir une progres-
sion rapide jusqu'en 1851, puis un état stationnaire du-
rant la décade qui suit, une marche ascendante rapide
jusqu'en 1866, une marche descendante de 1866 à 1872,
enfin, depuis lors, une ascension continue et régulière.
Les excédents des naissances sur les décès ont été : en
1886, 3,345; en 1887, 2,953; en 1888, 3,346; en
1889, 6,902 ; en 1890, 2,747 ; en 1891, 4,946. En ce
qui concerne le déplacement départemental, on constate
que, pour le Finistère, l'émigration départementale l'em-
porte, et cela de 10,952 (Vict. Turquan). Voici les chiffres
de la population par arrondissements, d'après les six der-
niers dénombrements :
ARRONDISSEMENTS
1866
1872
1876
1881
1886
1891
Brest
Châteaulin.
Morlaix...,
Quimper . . .
Quimperlé..
230.316
108.877
143.102
130.673
49.517
213.598
106.812
141.369
133.756
47.428
217.885
110.379
143.306
143.493
51.043
221.236
112.202
142.119
152.434
53.573
227.454
115.508
142.771
165.912
56.175
236.060
118.046
141.841
171.684
59.381
La population (population totale delà commune) compa-
rée des villes et le mouvement de leur population se trou-
vent dans le tableau suivant :
VILLES
Brest
Morlaix
Quimper
Lambézellec
Douarnenez
Crozon
Saint -Pol-de-Léon . .
Landerneau
Guipavas
Saint-Pierre-Quilbi-
gnon
Plougastel-Daoulas.
Quimperlé
1872
66.272
14.359
13.159
11.635
7.180
8.929
6.741
7.717
6.641
6.425
6.315
6.253
1876
66.828
15.183
13.879
12.379
8.637
7.763
7.005
8.195
6.802
6.301
6.506
6.538
1881
69.110
15.346
15.228
12.502
9.É
8.223
7.295
9.078
7.077
7.002
6.857
6.821
70.778
16.013
17.171
15.641
10.985
8.585
7.480
8.927
7.247
7.665
7.009
7.156
1891
75.854
16.300
17.406
16.084
10.021
8.276
7.430
8.497
8.339
8.755
7.162
8.049
Brest occupe, dans la liste des principales villes de France,
le 17e rang. Les grands centres se sont le plus accrus,
de même que les bourgs voisins, qui en forment plus ou
moins la banlieue, par exemple Lambézellec, Saint-Pierre-
Quilbignon et Guipavas, voisines de Brest. — Le mouve-
ment relatif urbain et rural, dans le département, a été,
pour le dénombrement de 1876 : population urbaine, pro-
portion pour 100 hab., 19,7 ; population rurale, propor-
tion pour 100 hab., 80,3 ; les chiffres respectifs ont été,
pour le dénombrement de 1881 : ville, 22,9 ; campagne,
77,1 ; pour 1886: ville, 23,9; campagne, 76,1 ; pour
1891 : ville, 25,9 ; campagne, 74,1. C'est le mouvement
général d'attraction des centres.
Le dép. du Finistère, comparé aux autres départements,
tient le 7e rang pour sa population totale (1891). Pour
la population spécifique, 105, il avait le 10e rang en 1886.
— La répartition des communes, d'après l'importance de
la population, a donné, en 1891, pour les 291 communes
du département, la ville de Brest formant 1 commune ap-
partenant à 3 cantons: 2 communes de 101 à 200 hab. ;4
de 201 à 300 hab. ; 3 de 301 à 400 ; 1 de 401 à 500 ; 55
de 501 à 1,000 ; 58 de 1,001 à 1,500 ; 53 de 1,501 à
2.000 ; 28 de 2,001 à 2,500 ; 23 de 2,501 à 3,000 ;
23 de 3,001 à 3,500; 10 de 3,501 à 4,000 ; 11 de
4.001 à 5,000 ; 16 de 5,001 à 10,000 ; 3 de 10,001 à
20,000; 1 de 20,001 et au-dessus. Voici, par arrondisse-
ments et par cantons, la liste des communes dont la popu-
lation totale, en 1891, dépassait 1,000 hab. :
Arrondissement de Brest. — 1er cant. de Brest :
Brest (1er cant.), 27,335 hab. 2e cant. de Brest : Brest
(2e cant.), 26,709 ; Gouesnou, 1,462 ; Guilers, 1,910;
Lambézellec, 16,084; Saint-Marc, 2,941. 3e cant. de
Brest: Brest (3e cant.), 21,810; Saint-Pierre-Quilbi-
gnon, 8,755. — Cant. de Daoulas : Hanvec, 3,090 ; Hôpi-
tal-Camfront, 1,092; Irvillac, 2,409; Logonna-Daoulas,
2,033; Loperhet, 1,398; Plougastel-Daoulas, 7,162. —
— Cant. de Landerneau : Dirinon, 1,518 ; Guipavas,
8,339 ; Landerneau, 8,497 ; Plouédern, 1,601. — Cant. de
Lannilis : Guissény, 2,603 ; Landéda, 2,028 ; Lannilis,
3,323 ;Plouguernau, 5,724.— -Cant. de Lesneven : Fol-
goet (Le), 1,079 ; Kerlouan, 2,772; Lesneven, 3,284 ;
Ploudaniel, 3,084; Plouider, 2,743 ; Plounéour-Trez,
2,866. — Cant. d'Ouessant.'Ouessant $,4:90. -—Cant. de
Plabennec : Bourg-Blanc, 1,708; Milizac, 1,791 ; Pla-
bennec, 3,658 ; Plouvien, 2,371 . — Cant. de Ploudalmé-
zeau : Landunvez, 1,633 ; Lanildut, 1,156; Ploudalmé-
zeau, 3,286 ; Plouguin, 1 ,783 ; Plourin, 1 ,290 ; Porspoder,
1,862 ; Saint-Pabu, 1,204. — Cant. de Ploudiry.-mou-
diry, 1,514 ; Tréhou (Le), 1,167. — Cant. de Saint-
Benan: Conquet (Le), 1,420 ;Loc-Maria-Plouzané, 1,294;
Plouarzel, 2,510; Plougonvelin, 1,548; Ploumoguer,
1,918; Plouzané, 2,299; Saint-Renan, 1,806.
Arrondissement de Châteaulin. — Cant. de Carhaix :
Carhaix, 3,064 hab.; Cléden-Poher, 1,716; Kergloff,
1,267 ; Motreff, 1,157 ; Plouguer, 1,022; Plounévézel,
1,254; Poullaouen, 3,220; Saint-Hernin, 1,576; Spé-
zet, 3,166. — Cant. de Châteaulin: Cast, 2,112; Châ-
teaulin, 3,677; Dinéault, 2,060; Plomodiern, 2,949;
Plonévez-Porzav, 3,119; Port-Launay, 1,062 ; Quéméné-
ven, 1 ,670; Saint-Nic, 1 , 168 ; Saint-Ségal, 1 ,654.— Cant.
de Châteauneuf : Châteauneuf, 3,566 ; Collorec, 1,534 ;
Coray, 2,572; Landeleau, 1,510 ; Laz, 1,203; Leuhan,
1,682 ; Plonévez-du-Faou, 4,485; Saint-Goazec, 1,480;
Saint-Thois, 1, 231 ;Trégourez, 1,255. — Cant. de Crozon:
Argol, 1,435; Camaret, 2,003 ; Crozon, 8,276 ; Landé-
vennec, 1,057 ; Lanvéoc, 1,240 ; Roscanvel, 1,170 ; Tel-
grue, 2,158. — Cant. du Faou: Fzou (Le), 1,369 ;Lopé-
rec, 1,892 ; Quimerc'h, 2,107 ; Rosnoën, 1,670.— Cant.
de Huelgoat : Berrien, 2,235; Feuillée (La), 1,937 ;
Huelgoat, 1,324; Plouyé, 2,031; Scrignac, 3,140. — Cant.
de Pleyben : Brasparts, 3,137; Cloître (Le), 1,356;
Edern, 2,197 ; Gouézec, 2,278; Lennon, 1,759 ; Lo-
queftret, 1,129 ; Pleyben, 5,683.
Arrondissement de Morlaix. — Cant. de Landivisiau :
Bodilis, 1,738 hab. ; Guimiliau, 1,584; Lampaul-Guimi-
liau, 2,510 ; Landivisiau, 4,079 ; Plougourvest, 1,179;
Plounéventer, 1,942. — Cant. de Lanmeur : Garlan,
1,005; Guimaëc, 1,590; Lanmeur, 2,508; Plouégat-Gué-
rand, 1,569; Plouézoc'h, 1,756; Plougasnou, 3,805; Saint-
Jean-du-Doigt, 1,278. — Cant. de Morlaix : Morlaix,
16,300 ; Ploujean, 3,088 ; Plourin, 2,900 ; Saint-Martin-
des-Champs, 1,786. — Cant.de Plouescat: Lanhouarneau
1,204; Plouescat, 2,983; Plougar, 1,086; Plounévez-
Lochrist, 4,040 ; Tréflez, 1 ,310. — Cant. de Plouigneau :
Botsorhel, 1,441 ; Guerlesquin, 1,721 ; Plouégat-Moysan,
1,029 ; Plougonven,- 4,097 ; Plouigneau, 4,424. — Cant.
FINISTÈRE
— 494 —
de Plouzévêdê : Cléder, 4,690 ; Plouvorn, 3,130 ; Plou-
zévédé, 1,878; Saint- Vougay, 1,144. — Gant, de Saint-
Pol-de-Léon : Batz (île de), 1,184; Mespaul, 1,027;
Plouénan, 2,813; Plougoulm, 2,213; Roscoff, 4,600;
Saint-Pol-de-Léon, 7,430; Sibiril, 1,442. — Gant, de
Saint-Thégonnec : Cloître (Le), 1,236; Pleyber-Christ,
3,351; Plounéour-Ménez, 3,067; Saint-Thégonnec, 3,317.
— Gant, de Sizun : Commana, 2,625 ; Locmélar, 1,054;
Saint-Sauveur, 1,536; Sizun, 3,702. — Cant.de Taulé :
Carantec, 1,756; Guiclan, 3,382 ; Henvic, 1,512; Taulé,
2,967.
Arrondissement de Quimper. — Gant, de Briec : Briec,
6,413 hab. ;Langolen, 1,154. — Gant, de Concarneau :
Beuzec-Conq, 3,660; Concarneau, 5,991 ; Lanriec, 2,103;
Trégunc, 4,165. — Gant, de Douarnenez : Douarnenez,
10,021; Guengat, 1,470; Ploaré, 3,330 ; Plogonnec,
3,135; Pouldergat, 2,809 ; Poullan, 1,704; Tréboul,
3,706. — Cant.de Fouesnant: Forêt (La), 1,858 ;Foues-
nant, 2,776 ; Gouesnach, 1,048 ; Saint-Evarzec, 1,507. —
Gant, de Plogastel-Saint-Germain : Landudec, 1,380 ;
Peumérit, 1,620; Plogastel-Saint-Germain, 2,114; Plo-
néis, 1,702; Plonéourn-Lanvern, 3,780 ; Plovan, 1,649;
Plozévet, 4,058; Pouldreuzic, 2,048.— Gant, de Pont-
Croix : Audierne, 3,401 ; Beuzec-Cap-Sizun, 2,247 ;
Cléden-Cap-Sizun, 2,611 ; Esquibien, 2,247 ; Goulien,
1,135; Mahalon, 1,501 ;Meilars, 1,174 ; Plogoff, 2,081;
Plouhinec, 4,921 ; Pont-Croix, 2,496 ;Primelin, 1,500. —
Gant, de Pont-VAbbé: Combrit, 2,421 ; Guilvinec, 2,939;
Loctudy, 2,154; Penmarc'h, 3,600 ; Plobannalec, 2,289;
Plomeur, 2,353 ; Pont-l'Abbé, 5,536 ; Saint-Jean-Troli-
mon, 1,083 ;Treffiagat, 1,358; Ile Tudy, 1,060. — Gant,
de Qmm^r.'Ergué-Armel, 3,201 ; Ergué-Gabéric, 2,637;
Kerfeunteun, 3,087 ; Penhars, 4,679 ; Plomelin, 1,934;
Pluguffan, 1,952; Quimper, 17,406. — Gant, de Rospor-
den : Elliant, 3,950 ; Rosporden, 1 ,847 ; Saint-Ivy, 1,531 ;
Tourch, 1,034.
Arrondissement de Quimperlé. — Gant. d'Arzano :
Arzano, 1,943 hab. ; Guilligomarc'h, 1,206; Locunolé,
1,224; Rédené, 1,558. — Cant.de Bannalec:Bmm\ec,
5,890 ; Kernével, 2,476 ; Melgven, 2,950; Trévoux (Le),
1,507. —Gant, de Pont- Aven :Moèlan, 5,48d ;Névez,
2,605; Nizon, 1,512 ; Pont-Aven, 1,589; Riec, 4,205.
— Gant, de Quimperlé : Clohars-Carnoèt, 3,717 ; Mellac,
1,421; Quimperlé, 8,049; Tréméven, 1,072. — Gant, de
Scaër : Querrien, 3,153 ; Saint-Thurien, 1,512 ; Scaër,
5,686.
La population des cinq chefs-lieux d'arrondissement se
décompose ainsi (1891) :
POPULATION
02
çp
75.854
12.911
62.943
•S
o
3
o
a
'3
a
8
'B
Totale
Comptée à part
Eparse . .
3.677
311
1.218
2.148
16.300
1.596
1.445
13.259
17.406
2.505
14.901
8.049
553
2.632
4.864
Agglomérée
Le Finistère est au nombre des départements dont la
population municipale agglomérée, comptée nominative-
ment (242,222 hab.), est inférieure à la population éparse
(459,622 hab.). Le département compte parmi ceux très
nombreux où la population rurale (538,769) l'emporte sur
celle urbaine (188,243) ; elle forme près des trois quarts
de la population totale.— La vie moyenne en France étant
actuellement de plus de 40 ans, elle n'est que 28 ans et
11 mois pour le dép. du Finistère. La Corse seule présente
une moyenne moins élevée (28 ans 1 mois).
Etat des personnes. — Sur la population de fait (bulle-
tins individuels), en 1891 (719,745), on compte :
1° D'après le lieu de naissance: 502,881 hab., nés
dans la commune qu'ils habitent; 174,136 nés dans une
autre commune que celle du département qu'ils habitent ;
41,845 nés dans un autre département ; 224 nés dans
une colonie ; 659 nés à l'étranger. — Sur ce total, il
a 52 naturalisés français et 360 étrangers, dont 135
Anglais et 15 Allemands.
2° D'après le sexe : 360,873 individus du sexe mas-
culin et 358,872 individus du sexe féminin. — On a
compté : 450,695 célibataires des deux sexes; 219,133
personnes mariées ; 49,834 veufs ou veuves ; 83 divorcés
des deux sexes.
3° D'après la profession (population professionnelle) :
agriculture, 417,177; industrie, 111,186; transports,
29,080; commerce, 55,842; force publique, 27,169;
administration publique, 19,014; professions libérales,
11,308 ; personnes vivant de leurs revenus, 32,786 ; sans
profession ou profession inconnue, 16,201.
Etat économique du département. — Propriété.
— La cote foncière relevait, en 1885 : 119,707 proprié-
tés imposables dans le dép. du Finistère, savoir : 95,109
appartenant à la petite propriété ; 23,018 appartenant à
la moyenne et 1,580 appartenant à la grande. La conte-
nance imposable est de 641,179 hect., dont 101,542 hect.
pour la petite propriété; 383,133 hect. pour la moyenne
propriété ; 156,804 hect. pour la grande propriété. Ainsi,
la propriété moyenne l'emporte, la petite est en minorité,
contrairement à beaucoup de départements ; les grands
propriétaires fonciers ne sont pas rares. L'enquête 1887-
89 sur la propriété bâtie a constaté, pour le Finistère,
\ 09,741 maisons, 2,403 usines, 1,083 bâtiments publics
non passibles de la contribution ; la valeur locative réelle
étant : maisons, 17,266,769 fr.; usines, -1,166,948 fr.;
bâtiments publics, 300,457 fr.
Agriculture. — Sur une superficie totale de 672,1 67 hect.
on comptait, à la dernière enquête agricole décennale de
1882 : en surface agricole, 639,094 hect., et en surface
non agricole, 33,073 hect., celle-ci comprenant les empla-
cements bâtis,les étangs, cours d'eau, routes, cimetières, etc. ,
la première se décomposant en portion non cultivée, savoir :
landes, pâtis, bruyères, 171,080 hect. ; terrains rocheux
et de montagnes incultes, 44,503 hect. ; terrains maréca-
geux, 11,777 hect. ; tourbières, 2,510 hect. ; total,
229,870 hect. ; et en portion cultivée, comprenant : terres
labourables, 316,393 hect. ; prés naturels, 44,891 hect.;
herbages permanents, 7,643 hect.; bois et forêts,
34,221 hect. ; vergers, 5,655 hect. ; jardins de plaisance
et parcs, 421 hect. ; total, 409,224 hect.
Le tableau suivant montre la superficie occupée par les
diverses cultures, avec leurs rendements, pour l'année
1889 :
CULTURES
SUPERFICIE
RENDEMENT
Froment
Hectares
50.125
8.437
32.225
22.232
33.981
60.440
119
23.469
9.617
1.680
1.637
»
»
2.517
347
59.492
Hectolitres
815.327
139.415
463.195
471.210
583.319
1.415.164
1.125
Quintaux
1.971.012
1.763.315
graine : 6.715
filasse: 9.930
graine : 9.817
filasse: 14.081
1.120
56
76
247.517
Hectolitres
cidre: 87.479
Quintaux
158.571
12.090
3.969.870
Méteil
Seigle
Orge
Millet
Pommes de terre
Betteraves fourragères.
Chanvre
Lin
Châtaignes
Noix
Pommes à cidres
Prairies artificielles..
Luzerne
Prés naturels
— 495
FINISTÈRE
Ni maïs, ni betteraves a sucre, ni tabac, ni houblon, ni
vignes, ni colza, ni sainfoin ; beaucoup de céréales, autres
que le froment, et de blé noir (sarrasin), ainsi que de
plantes textiles ; peu de prairies artificielles, consistant en
trèfle, non en sainfoin, que l'on ne rencontre guère que
dans l'arr. de Châteaulin ; enfin, abondance de prés natu-
rels. Quant aux pommiers et poiriers à cidre, ils sont
répandus dans les campagnes en quantités innombrables.
— Les genêts remplacent souvent la paille pour les litières.
Les goémons ou varechs du littoral servent d'engrais, et
les sables calcaires coquilliers constituent un amendement:
ces sables se recueillent principalement dans la baie bor-
née par les dunes de Santec, près de Saint-Pol-de-Léon ;
c'est aussi la base du commerce de Pont- Aven. L'île Molène
exporte de la terre végétale, sous le nom de cendre de
Molène. Si les terrains non cultivés sont en proportion si
grande, c'est que leurs frais de culture seraient trop con-
sidérables pour les mettre en rapport ; cependant on draine
les marais ; on a ensemencé de pins maritimes les dunes
de Santec et de Lannévez, et une grande quantité de ter-
rains arides rocailleux ont pu être boisés, notamment dans
les montagnes Noires et dans les monts d'Arrée. D'autre
part, il est, dans le Finistère, des localités d'une extrême
fertilité, par exemple, près de Pont-Croix et à Roscoff, et
sur presque toute la côte du pays de Léon. Le climat ai-
dant, il en résulte des primeurs de légumes au printemps,
qui sont expédiées à Paris, en Hollande, en Angleterre.
Le territoire de Plougastel, dans la rade de Brest, est bien
connu par ses champs de fraisiers, sans compter d'autres
producteurs de fruits, dont 30,000 kilogr. sont fournis
journellement, durant la saison, à la consommation de
Paris.
Le Finistère est (avec la Seine, la Vendée et la Manche)
au nombre des déparlements qui possèdent, relativement à
leur superficie, la moindre étendue de bois : 32,920 hect.,
dont 3,558 à l'Etat. Ses principales forêts sont celles de
Carnoët (750 hect.), au S. de Quimperlé, sur la rive droite
de laLaïta; de Landerneau (655 hect.), sur la rive droite
de l'Elorn ; de Cranou, sur la rive droite de la rivière du
Faou, et à l'E. de Rumengol, sombre et formée de chênes
et de hêtres séculaires. Nommons encore : la forêt de Bré-
zal, près de l'Elorn, les bois dits de Rolzach, de Rosca-
nou, duFolgoat, deux petites forêts domaniales près Scaër,
de Coatloch, sur les bords de l'Aven, et de Cascadec, sur
ceux de l'Isolle, les futaies sombres de Toulaëron, la forêt
de Laz, les bois dits de la Lande et de Hellas, enfin les
forêts du Duc et deNévet, près de Locronan.
On comptait, dans le département, au 31 déc. 4889,
comme têtes d'animaux : espèce chevaline, 105,847 ;;mu-
lassière, néant; asine, 67; bovine, 420,954; ovine,
70,560; porcine, 99,475; caprine, 2,007. Les produits
des animaux ont consisté en : lait, 1,915,239 hectol. ; laine,
1,739 quint.; nombre de ruches d'abeilles,, 63,472;
miel, 182,319 kilogr.; cire, 51,215 kilogr. Le Finistère
est un des trois départements possédant le plus de che-
vaux ; la plus grande partie est de la race de Léon. Les
« doubles bidets », notamment de Briec, sont renommés.
Les bêtes bovines appartiennent à la race bretonne ou pie-
noire, et à la race léonaise. Une grande proportion des
moutons se trouve dans l'île d'Ouessant. — Le Finistère
n'est pas seulement un département maritime, il est encore
essentiellement agricole. — Ecole pratique d'agriculture et
d'irrigation du Lézardeau (près Quimperlé) ; école de lai-
terie de Kerliver (corn, de Hanvec) ; chaire d'agriculture à
Quimper ; stations agronomiques, au Lézardeau et à Mor-
laix ; cours d'agriculture et de zootechnie à Quimperlé.
Industrie. — Elle joue ici un rôle secondaire par rap-
port à l'agriculture. En 1888, il y avait, dans le dép. du
Finistère, 185 établissements industriels faisant usage d'ap-
pareils à vapeur. Ces appareils, au nombre de 260 (non
compris ceux des chemins de fer et des bateaux), d'une
force totale de 3,867 chevaux-vapeur, se divisent ainsi
qu'il suit.
96 machines fixes d'une force de 2,186 chevaux-vapeur.
75 — mi-fixes — 767 —
88 — locomobiles — 894 —
1 — locomotive — 20 —
Cette force se répartissait de la manière suivante entre
les principaux groupes industriels :
Mines et carrières 316 chevaux-vapeur.
Usines métallurgiques 116 —
Agriculture 88 —
Industries alimentaires 254 —
Industries chimiques et tanneries. 81 —
Tissus et vêtements 351 —
Papiers, objets mobiliers, instru-
ments 159 —
Bâtiments et travaux 334 —
Services publics de l'Etat 2,168 —
La quantité de combustibles minéraux consommés a été
de 76,200 tonnes, d'une valeur moyenne, sur les lieux de
consommation , de 25 fr. 83 , représentant une somme
de 1,968,246 fr. La production de la houille ou de l'an-
thracite est nulle ; la tourbe est utilisée comme combustible
en certaines localités (Saint-Michel, Spézet,Fouesnant, etc.).
Les mines de plomb argentifère de Huelgoat et de Poul-
laouen, quoiqu'elles soient les plus riches de France, sont
inexploitées depuis un certain nombre d'années. On trouve,
en un grand nombre de points du département, des car-
rières de granit, employé pour la bâtisse et le pavage (gra-
nité porphyroïde gris, de Concarneau à Pont- Aven), le gra-
nit rose de Lanildut et de Lampaul-Plouarzel est employé
principalement pour la construction (hôpital de Brest) et
à l'édification de piédestaux (de l'obélisque de Louqsor,
de la statue de Laënnec, à Quimper), de colonnes, de
tombes, etc. Le polissage en fait une pierre ornementale.
On emploie le kersanton pour les mêmes usages ; c'est la
pierre tumulaire par excellence, et celle cpii entrait, au
moyen âge, dans la construction des églises et des cal-
vaires. Carrières et exploitation de gros blocs, du Faou à
Landerneau, dans les anses et estuaires, à Logonna, à
l'Hôpital-Camfrout et jusqu'à Rumengol, etc. Le gneiss
sert pour la bâtisse commune. Le micaschiste du Conquet
est employé pour dalles. Le porphyre quartzifère de Pile-
Longue, dans la rade de Brest, sert pour le pavage de la
ville. On exploite à Lauberlach un pétrosilex jaune et
tendre, peu usité aujourd'hui en raison de sa facile décom-
position ; il a servi principalement dans les constructions
de Brest des xme et xive siècles, telles que certaines tours
du château. Il existe du kaolin à Tromeur, Plouvorn, l'île
de Siec, Saint-Urbain, Treflévénez, dont la carrière ali-
mente la fabrique de Daoulas ; de L'argile à poterie à Toul-
ven, près de Quimper, à Lannilis ; des argiles à briques,
à Landévennec, Roscanvel, etc. Les phyllades de Douar-
nenez fournissent des ardoises grossières. Les ardoi-
sières des arr. de Châteaulin et de Morlaix emploient
environ 1,000 ouvriers et fournissent annuellement près do
30,000 milliers d'ardoises, pour une valeur de 500,000 fr.
C'est le premier de ces arrondissements qui est de beau-
coup le plus productif. Le calcaire (Ile-Ronde, etc.) est
exploité pour fabriquer de la chaux grasse et de la chaux
hydraulique, étant unie avec la grauwacke du voisinage.
On utilise les sources sulfurées sodiques de Kerlouan.
L'industrie métallurgique est surtout représentée, pour
le compte de l'Etat, dans le port militaire de Brest, par
des appareils considérables, fours pour fonderie, grosse
chaudronnerie, forges, etc. On peut citer, en outre, les
forges de Lanmeur, les fonderies de fer de Landerneau,
Quimper, Morlaix, Lambézellec; les fonderies de cuivre de
plusieurs de ces localités ; les clouteries de Crozon, Mor-
laix, etc. ; les londeries de cloches de Quimper ; les fa-
briques de machines agricoles de Landerneau, etc.
En outre des grands ateliers de construction maritime
au port militaire, il est, sur une échelle plus modeste,
des chantiers de construction de bateaux à Concarneau,
FINISTÈRE
- 496 —
Douarnenez, Port-Launay, Roscoff, Landerneau, etc. —
Il existe des fabriques de produits chimiques, tirés des va-
rechs du littoral, notamment la fabrique d'iode et de pro-
duits accessoires du Conquet, celles de Ploudalmézeau,
Pont-1'Abbé, l'Aber-Vrac'h, Guipavas, Audierne, etc. ; des
fabriques d'huile de lin, d'acide stéarique et de bougies, à
Landerneau (produit 2 millions par an), à Quimper (65 ou-
vriers) ; deux fabriques de savon (45 ouvriers) ; une fa-
brique de soude de varech, à Lampaul-Plouazel et une
raffinerie de soude à Landerneau, où se trouvent aussi
d'importantes tanneries, de même qu'en plusieurs autres
localités; fabriques d'engrais (Brasparts). La poudrerie du
Pont-de-Buis fabrique annuellement 200,000 kilogr. de
poudre ordinaire et pyroxylée; celle du Moulin-Blanc fa-
brique du coton-poudre. La manufacture de tabac de Morlaix
emploie 1,750 ouvriers et ouvrières, et fournit annuellement
2,400,000 kilogr. de tabac. Les usines à gaz, en 1886,
étaient au nombre de 7 ; éclairage électrique à Châteaulin. La
minoterie a plusieurs établissements, surtout à Pont- Aven,
dite la ville des Meuniers. Dans le port militaire de Brest,
on fabrique du biscuit de mer. Le Finistère fabrique de
grandes quantités de beurre. On y trouve des brasseries,
des fabriques de chocolat,- des féculeries, des fabriques de
conserves alimentaires (Douarnenez, Audierne, Concar-
neau, etc.) et des fabriques annexes de la pêche de la sar-
dine en vue de sa conservation, par le sel, en barils, ou
dans l'huile en des boîtes de fer-blanc.
Les industries textiles sont importantes dans le dépar-
tement. La société linière du Finistère possède à Lander-
neau un magnifique établissement, dont les ateliers de pré-
paration de Morlaix et la filature de Landivisiau (976 ou-
vriers) ne sont que des annexes. Cette manufacture emploie
2,400 ouvriers; elle fournit par an 1,400,000 kilogr. de fil
de lin et d'étoupes et 1 ,800,000 m. de toiles. On en fabrique
en d'autres lieux; Morlaix et Le Stanc (près de Saint-Pol-
de-Léon) ont des tissages mécaniques de lin, et Guimiliau,
une blanchisserie de fil. Les corderiesde l'arsenal maritime
sont remarquables. La céramique comptait dans le Finis-
tère, en 1886, 4 établissements, 220 ouvriers, une force
de 25 chevaux- vapeur, et ses produits étaient représentés
par 50,000 fr. de porcelaine ordinaire et 650,000 fr. de
faïence. La faïence artistique décorée de Quimper est re-
marquable ; Daoulas consomme sa porcelaine dans la ré-
gion. Lannilis se fait remarquer par ses fabriques de
poteries. Des papeteries se trouvent en plusieurs lieux
(Quimper, Scaër, Morlaix, Pleyber-Christ, Quimperlé). —
L'architecture et la sculpture ont conservé dans le Finis-
tère les anciennes traditions et mettent en œuvre les
mêmes pierres dans la construction des églises modernes
et dans leur ornementation, ainsi que pour les tombes ar-
tistiques. — Le Finistère est au nombre des départements
qui n'ont pas eu dégrèves en 1888 (36 dép. sont dans le
cas contraire). — Il y avait, en 1890, 12 syndicats pro-
fessionnels, dont 8 agricoles et 4 patronaux, sans syndicats
ouvriers ni syndicats mixtes; 11 départements seulement
se trouvent dans ce dernier cas.
Pêche maritime. — La grande pèche maritime de la
morue, qui commence à Dunkerque, s'arrête dans le dép.
des Côtes-du-Nord, à Tréguier. Les quartiers de pêche,
depuis Morlaix jusqu'à Concarneau, terminent le 2e arr.
maritime et appartiennent au Finistère. La statistique a
fourni, pour 1888, les chiffres que donne le tableau au haut
de la colonne suivante.
Pour l'ensemble de ces quartiers, on obtient les totaux :
maquereaux, anchois, poissons divers, 5,498,770 kilogr. ;
moules et autres coquillages, 17,955 hectol. ; homards et
langoustes, 557,314; crevettes, crabes et araignées de
mer, 32,322 kilogr.; amendements marins (maerl),
556,387 m. c. — Les huîtres sont comptées pour 169,000
comme le fruit de la pêche. D'autres sont nées ou élevées
dans les parcs. C'est la pêche maritime, et particulière-
ment celle de la sardine, qui constitue l'industrie la plus
considérable du département. Pour celle-ci, les principaux
QUARTIERS
DE PÊCHE
Morlaix
Roscoff
L'Aber-Vrac'h
Le Conquet...
Brest
Camaret
Douarnenez. . .
Audierne
Quimper
Concarneau. . .
03 O
§ o
637
900
1.101
1.407
1.217
1.443
4.165
1.970
1.710
3.399
218
319
73
469
268
365
771
378
379
672
705
146
938
1.313
1.731
4.626
1.500
1.713
3.323
« d C
238.536
456.335
409.554
817.158
653.168
319.510
1.119.372
817.348
1.293.931
1.638.483
5.000.000
42.198.000
92.386.500
64.190.000
114.910.000
227.644.000
ports qui arment sont ceux de Douarnenez et de Concar-
neau. Ce dernier possède un aquarium, d'où l'on expédie
une grande quantité de homards et de langoustes, en
même temps qu'il est utilisé pour des études scientifiques.
Des huîtrières ont été établies comme annexes dans la baie
de la Forêt, et il en existe aussi à Riec. Un vivier-labo-
ratoire a été également créé à Roscoff; c'est une annexe de
la Sorbonne. Un vivier industriel de homards et de lan-
goustes en est indépendant. — L'état de l'ostréiculture,
dans le Finistère, était, pour 1886 :
CENTRES
OSTRÉICOLES
Brest
Douarnenez.
Audierne . . .
Quimper
Concarneau,
ENTREES
dans les parcs
442
2
1.660
324
4.060
13.218
610
4.700
6.680
12.240
3
150
283
1.170
942
19
1.460
687
5.102
W © « ft
> s+»
72.488
592
15.830
54.085
341.495
Il n'y a que des huîtres indigènes, non des huîtres por-
tugaises. — La pisciculture est importante. C'est par di-
zaine de milliers qu'il faut compter les alevins de saumons
immergés dans divers cours d'eau.
Commerce et circulation. — Les articles exportés par
le dép. du Finistère (à Paris, dans le Nord, à Bor-
deaux, en Angleterre, etc.) consistent dans les matériaux
mêmes de son sol : kersanton, granité, porphyres; dans
les produits de l'agriculture : grains, légumes (de Roscoff),
fruits (de Plougastel), farine, cidre, beurre; ou dans ceux
de l'élevage : chevaux, bœufs, vaches bretonnes, porc salé,
miel et cire ; ou de la pêche : poissons, crustacés, sardines
à l'huile ; et de l'industrie de ses matières premières : cuirs,
fils et toile de lin, produits chimiques des goémons; ou
de l'industrie de matières importées : tabacs préparés. —
Ce département, très peuplé et situé dans un climat spé-
cial, ne saurait, comme ceux du littoral S.-O. plus échauf-
fés par le soleil, suffire à tous les besoins variés de l'ali-
mentation. Il importe des vins et eaux-de-vie, du sel, des
huiles, du sucre, en outre des denrées coloniales ; il im-
porte aussi de la verrerie, des articles de nouveauté ; des
fournitures pour la marine, du goudron, de la houille
(environ 530,000 quint, met.) provenant du bassin de la
Loire et d'Angleterre, des feuilles de tabac (plus de 2 mil-
lions et demi de kilogr.).
Les ports maritimes du Finistère, sur le littoral, dans
les îles, en rade de Brest, dans les rivières, sont au
nombre de près de soixante-dix. Plusieurs ne sont que des
ports de refuge ; le commerce des autres ne consiste guère
que dans le cabotage, non dans le long cours. Le mouve-
ment commercial des 46 ports principaux avait été, en
1885, de 776 navires à l'entrée et de 4,058 à la sortie.
Les marchandises importées avaient un poids de 404,460
tonnes, et celles exportées un poids de 426,450 tonnes.
La statistique fournit, en 1889, pour le port de commerce
de Brest : commerce général, importations et exportations
réunies, poids des cargaisons : 65,123 ton. ; cabotage,
entrées et sorties : 108,509 ton.
Le mouvement commercial intérieur consiste, dans les
500 foires, comme objets de transactions, en : beurre,
grains, bestiaux, chevaux, toiles, cire et miel.
Le département est traversé par 7 chemins de fer
(357 kil.) : 1° Le chemin de fer de Paris à Brest (Compa-
gnie de T Ouest) entre dans le Finistère à 1 kil. au delà
de la station de Plounérin (Côtes-du-Nord). ! Il a pour sta-
tions Plouignau, Morlaix, où il passe sur un viaduc fa-
meux, à 58 m. au-dessus de la ville, Pleyber-Christ, Saint-
Thégonnec, Landivisiau, La Roche, Landerneau, Kerhuon,
Le Rody et Brest. Parcours, 82 kil. — 2° Le chemin de fer
de Morlaix à Roscoff (28 kil.) par Taulé-Henvic, Ploué-
nan et Saint-Pol-de-Léon. — 3° Le chemin de fer de Nantes
à Landerneau (Compagnie d'Orléans) pénètre dans le Fi-
nistère à 4 kil. au delà de la gare de Gestel (Morbihan).
Il dessert Quimperlé, Bannalec, Rosporden, Quimper,
Quéménéven, Châteaulin, Le Drénit, Quimerc'h, Hanvec,
Daoulas, Dirinon, et se raccorde à Landerneau avec la ligne
de Paris à Brest, 136 kil. — Il a les trois embranchements :
4° de Rosporden à Concarneau (16 kil.), avec une seule
station intermédiaire, La Boissière ; 5° de Quimper à Pont-
FAbbé (22 kil.), dessert Pluguffan et Combrit-Tréméoc.
6° de Quimper à Douarnenez (24 kil.) ; stations : Guengat
et Le Juch. — 7° Une ligne à voie étroite a été ouverte récem-
ment (1892) de Morlaix à Carhaix (49 kil.); stations :
Plougonven-Plourin, Le Cloître-Lanneanou, Scrignac-Ber-
rien, Huelgoat-Locmaria, Poullaouen. Mentionnons, pour
terminer la liste des chemins de fer d'intérêt général,
réseau breton : une ligne en construction de Carhaix à
Rosporden et une autre à commencer en 1893 de Carhaix
à Châteaulin. Enfin, une ligne d'intérêt local en construc-
tion, de Brest à Ploudalmézeau.
Il y avait, en 1888, 418 kil. de routes nationales sur
lesquelles la circulation moyenne était de 168 colliers ;
517 kil. 1/2 de routes départementales et 6,231 kil. 1/2
de chemins vicinaux, en 1889. Total des voies de com-
munication par terre, 7,475 kil. Les voies navigables
comprennent 121kil5 de rivières, 81kil5 pour le canal,
soit en tout 203 kil., et en y ajoutant les 7,475 kil. pré-
cédents, on obtient le chiffre de 7,678 kil. pour les voies
intérieures. Le Finistère comptait, en 1888, 18 bureaux
de poste, 28 bureaux télégraphiques et 46 bureaux
mixtes. Le mouvement postal a donné un produit net versé
au Trésor de 710,866 fr. 32, et le mouvement télégra-
phique, de 182,798 fr. 35. Il y a actuellement (1892)
790 kil. de lignes télégraphiques, 77 bureaux télégraphiques
et 49 mixtes, 22 sémaphores, desservis par des agents de
la marine, 9 câbles atterris aux côtes du département.
Finances. — Le dégrèvement de la propriété non bâtie,
accordé en 1891, a été pour le Finistère, sur un revenu
net imposable de 27,213,117 fr., le principal de la con-
tribution foncière enl890 étant de 1, 095,453 fr.: 69,518;
reste 1,025,935 pour le principal en 1891 ; la taxe de
l'impôt avant le dégrèvement était 4,03 °/0; elle est deve-
nue 3,77 après le dégrèvement. Le département a fourni
(exercice 1888) au Trésor un total de 32,615,239 fr. 05,
dont 3,247,361 fr. 79 au deuxième budget sur res-
sources spéciales, et 29,367,877 fr. 26 au budget ordi-
naire,où l'on remarque : douanes, 1,831,842 fr. 28. Le
nombre des communes à octroi étant 181, le produit des
octrois (1889) a été de 1,746,321 fr. (taxes ordinaires)
plus 173,866 fr. (taxes extraordinaires et surtaxes).
Etat intellectuel du département. — La statis-
tique de l'instruction, si l'on se fonde sur le nombre
d'époux et d'épouses qui n'ont pu signer que d'une
croix leur acte de mariage, donne au dép. du Finis-
tère, dans la période 1867-1876 (sur 87 départements),
le 84e rang; après, viennent la Corrèze (85e), la Haute-
Vienne (86e) et le Morbihan (87e), et immédiatement
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
7 — FINISTÈRE
avant, les Côtes-du-Nord (83e). Dans la période suivante
(1871-1886), le Finistère est au dernier rang, précédé par
le Morbihan (86e), la Corrèze (85e), la Haute-Vienne (84e)
et les Côtes-du-Nord (83e). D'une période à l'autre, il y
avait eu progrès, il est vrai ; le nombre des illettrés avait
diminué d'un dixième dans le Finistère; seulement ce pro-
grès a été plus marqué dans les départements ici comparés
entre eux. Si Ton prend pour critérium le degré d'instruc-
tion des, conscrits, on trouve, dans la classe 1888, la pro-
portion de 27,9 illettrés par 100 examinés : c'est le 86e
rang ; le Morbihan vient après (87e), et avant, ce sont les
Landes (85e), puis la Haute-Vienne (84e), la Corse (83e),
les Côtes-du-Nord (82e) et la Corrèze (81e). Il y a lieu de
remarquer, pour les départements de la Basse-Bretagne,
que la langue bretonne y est très répandue, usitée dans la
plus grande partie du Finistère, parlée et écrite, et que
beaucoup d'habitants s'en servent habituellement, tout en
comprenant le français, qu'ils se font, d'ailleurs, honneur
de connaître. L'enseignement primaire (année scolaire)
(1888-1889) comportait, dans le département : 1° 42 écoles
maternelles, laïques et congréganistes, publiques ou pri-
vées, avec 8,619 enfants; 2° les écoles primaires, laïques
et congréganistes, publiques ou privées, au nombre de 835,
avec 100,920 élèves; l'enseignement primaire supérieur
(1886-1887) a eu 62 élèves, les cours d'adultes, 112 jeunes
gens, les écoles normales, 22 élèves-instituteurs- et 21 élèves
institutrices (V. art. Enseignement).— Pour 1891-1892, on
a compté : lycée de Brest, 800 élèves ; lycée de Quimper,
265; collège de Saint-Pol-de-Léon, 3Ï3; de Lesneven,
400 ; de Morlaix, 315; lycée de filles, de Brest, 94.
Le département possède des musées : archéologique, de
beaux-arts, ethnographique (1884), à Quimper; de beaux-
arts et d'histoire naturelle (1877), à Brest; d'histoire
naturelle et divers, à Morlaix (1873). Les sociétés savantes
sont : la Société archéologique du Finistère, à Quimper;
la Société d'émulation de Brest (1832); académique de
Brest (1858); d'études scientifiques du Finistère à Mor-
laix (1878).
Etat moral du département. — En 1888, il est
passé en cour d'assises 72 accusés dont 24 ont été con-
damnés à des peines afflictives et infamantes. Les tribu-
naux correctionnels ont connu de 3,050 affaires. On
remarque le nombre élevé des prévenus jugés pour délit*
d'ivresse, savoir 821 , le nombre qui vient ensuite est 435
(Seine-Inférieure), puis on tombe à 144 (Loire-Inférieure),
tous départements où il y a de grandes villes maritimes et
non situés au midi. Le nombre des contraventions de
simple police a été de 11,439. Il y eut 90 suicides,
13 divorces, 21 séparations de corps. — Les bureaux
de bienfaisance, au nombre de 43, ont secouru 15,680
individus; 23 établissements hospitaliers, possédant
1,951 lits, ont reçu 808,694 fr. et dépensé 727,322 fr.;
on y a soigné 2,384 hommes, 1,302 femmes, 264 enfants.
Le mouvement des infirmes, vieillards et incurables s'ex-
prime par 196,402 journées de présence. Le service des
enfants assistés a secouru à l'hospice ou à la campagne
260 garçons et 195 filles, et à domicile 173 garçons et
177 filles ; à Y asile d'aliénés départemental Saint-Atha-
nase, à Quimper, il y avait à la fin de l'année un existant
de 494. — Le mont-de-piété de Brest a reçu 31,855
articles engagés sur lesquels 303,072 fr. ont été prêtés.
Le nombre des versements à la caisse des retraites a été
(1889) de 6,410, pour un total de 85,267 fr. Les huit
caisses d'épargne ont ouvert, pendant l'année 1888,
7,417 livrets nouveaux ; il en restait au 31 déc. 61,400,
d'une valeur moyenne de 613 fr. Pour la caisse d'épargne
postale, l'excédent des versements sur les remboursements
(en 1889) a été de 297,999 fr. 39 et le nombre de livrets
existant au 31 déc. était de 9,333. Les libéralités aux éta-
blissements publics ont été de 110,553 fr. (en 1888). Les
39 sociétés de secours mutuels ont compté 26, 303 jour-
nées de maladie et possédaient un avoir disponible, au
31 déc, de 107,713 fr. pour les 32 sociétés approuvées, de
32
FINISTÈRE — FINLANDE
- 498 —
37,919 fr. pour les 7 autorisées. — La Société centrale
de sauvetage des naufragés a des canots, pour le Finis-
tère, à Roscoff, Pontusval, l'Aber-Vrac'h, Porsal, Lam-
paùl, la baie de Stiff (île d'Ouessant), l'île Molène, au
Conquet, à Camaret, Douarnenez, l'île de Sein, Àudierne,
Penmarc'h, à la pointe de l'Esconil, aux Glénans. La Société
des hospitaliers-sauveteurs bretons a, dans le départe-
ment, des stations à Morlaix, au port de commerce de
Brest, à Port-Launay, Quimper, Bénodet, Concarneau,
Pontaven, Quimperlé. Ch. Delavaud.
Bibl.: E. Reclus, Géogr. univ., t. II, la France, 1877,
p. 593. — Carte de France de l'état-major, au 80,000e, feuil.
40, 41, 56, 57, 58, 72, 73, 87, 88. — Carte de la France, du
ministère de l'intérieur, au 100,000e, feuil. 11-14. 11-15, 11-16,
111-14, 111-15, 111-16, 111-17, IV-14 à 17, V-14 à 17. — Cam-
bry, Voyage dans le Finistère (en 1794), revu et augmenté
par Em. Souvestre; Brest, 1835. — Em. Souvestre, le
Finistère en 1836 ; Brest, 1838, in-4. — Petite Géographie
du Finistère, 1873 (collect. Levasseur). — Joanne, Géo-
graphie du Finistère, 1887. — Du même, Itinéraire de la
France ; Bretagne, 1880. — Annuaire du dép. du Finistère ;
Quimper, 1892. — Ports maritimes de France, t. III,
1878; t. IV, 1879. — Pol de Courcy, De Rennes à Brest,
1864. — Du même, De Nantes a Brest, 1865. — Carte géo-
logique de France, au 5,600,000e, d'après celle de Du-
fresnoy et Elie de Ëeaumont, et la carte lithologique ma-
rine de Delesse, dans Reclus, t. II, p. 16. — Carte géolo-
gique de la France, ministère des travaux publics,
d'ensemble en 4 feuil. — La même, détaillée, feuil. 72
(Quimper), 73 (Châteaulin), 87 (Pont-1'Abbê), 88 (Lorientet
Quimperlé). — De Lapparent, Traité de géologie, 1885. —
E. de Fourcy, Carte géologique du Finistère, et texte ;
Paris, 1844. — Ch. Barrois, Mémoires divers sur les ter-
rains de Bretagne, dans Bull, de la Soc. géol. du Nord,
t. IV, VI, VII, VIII, X, XI, XII. — Du même, les Erup-
tions du Ménez-Hom, 1891. — Ch. Delavaud, Sur une
Forêt sous-marine dans l'anse de Sainte-Anne, dans Bull.
Soc. académ.de Brest, 1858. — Quénault, les Mouvements
de la mer ; Coutances, 1869. — Libert et Miciol, Cata-
logue minéralogique et pétrologique du Finistère, extrait
du Bull, de la Soc. d'étud. scientif. du Finistère; Morlaix,
1885. — Borius, le Climat de Brest, 1877. — E. Bouvet,
le Climat de la Bretagne, dans Ann. de la Soc. météorolog.
de Fr., 1880, t. XXVIII, p. 164. — Lloyd et Foucaud, Flore
de l'Ouest de la France; Nantes, Paris, Rochefort, 1886.
— Crouan frères, Florule du Finistère ; Brest, 1867. —
H. de Lauzanne, Catalog. des animaux vertébrés de Varr.
de Morlaix et du Nord-Finistère ; Morlaix, 1883.— F. Da-
niel, Faunemalacologique des env. de Brest, dans Journ.
de conchyliologie, 1883. — Hervé, Catalog. des coléoptères
du Finistère, extrait du Bull, de la Soc. d'étud. scientif.
du Finistère, 1885 et 1886, 5e et 6e an. — Levot, Histoire
de la ville et du port de Brest, 1864-1875, 5 vol. — Album
de statistique graphique, ministère du commerce, de l'in-
dustrie et des colonies, 1889. — Même ministère, Annuaire
statistique de la France, 14e année, 1891. — Ministère de
l'intérieur, Dénombrement de la population de la France
et de l'Algérie (1891); Paris, 1892. — Annuaires des Fi-
nances (1891); des Contributions directes (1892) ; des Doua-
nes (1891); des Travaux publics (1892); de l'Instruction
publique (1891); de l'Armée française (1891). — Almanach
national, 1891. — E. Levasseur, la Population française;
Paris, 1892, 3 vol. (rubriques Départements et Finistère).
FINISTERRE. Promontoire de la côte N.-O. d'Espagne,
par 42° 52' 45" de lat. N. et 41° 35' 43" de long. 0. Il ter-
mine une haute colline nommée la Nava de Finisterre,
dominant de haut l'Océan, et porte avec un phare de pre-
mier ordre un sémaphore, le premier qui ait été installé en
Espagne. 11 n'est pas, comme on le dit souvent, le point
le plus occidental de l'Espagne ; il est dépassé vers l'O. par
le cap de Torinana, un peu au N. E. Cat.
FINK (Gottfried-Wilhelm) , musicien allemand, né à
Suiza sur l'Ilm le 7 mars 1783, mort à Halle le 27 août
1846. Très jeune, il fut sopranisteau collège de Naumburg
et bientôt se livra à des essais de musique religieuse. En
1804, il étudia la théologie, mais continua de faire de la
musique et publia même des petits recueils de chansons
dont il avait également écrit les vers. En 1812, il fonda
une maison d'éducation à Leipzig ; en 1842, il fut nommé
professeur de musique à l'université de Leipzig, mais le
désir du repos lui fit bientôt quitter cette position. Comme
écrivain musical, Fink a collaboré à VUniversal Lexicon
der Tonkunst de Schilling, à YEncyclopédie allemande
de Ersch et Gruber, à YAllgemeine Musikzeitung de
Leipzig (qu'il dirigea de 1827 à 1841), au Conversation' s
Lexicon publié par l'éditeur Brockhaus. C'est dans la Mu-
sikzeitung de Leipzig qu'a paru (1808-4809, nos 13, 14
et 15) une dissertation de Fink, assez superficielle, sur le
rythme et la mesure; le même recueil, concurremment avec
le Magasin des Prédicateurs chrétiens, a publié ses re-
cherches sur les anciens chants d'église. Il a fait aussi un
ouvrage intitulé Erste Wanderung der dltesten Ton-
kunst.., (Essen, 1831, in-8), d'une érudition imparfaite
et de vues générales un peu bornées. On lui doit encore un
volume de poésies (1813), un livre pieux intitulé les Dé-
votions (1814) et un recueil de serinons (1815). De'plus,
il a écrit plusieurs ouvrages d'enseignement ou de polé-
mique, Musikalische Grammatik oder Unterricht in der
Tonkunst (1836) ; Wesen und Geschichte der Oper
(1838) ; DerNeumusikalischeLehrjammer(iM^, exa-
men d'un ouvrage du critique Marx) ; System der mu-
sikalischen Harmonielehre (1842) ; Der Musikalische
Hauslehrer (1846) ; Musikalische Compositionslehre
(ouvrage posthume). Il a laissé en manuscrit un mauuel
d'histoire de la musique, Handbuchder allgemeinen Ge-
schichte der Tonkunst... Comme musicien, Fink a publié
des morceaux pour piano et violon, des mélodies sur des
paroles de Gœthe, des trios pour les voix, des chants re-
ligieux, chants populaires, etc., et surtout deux recueils qui
ont eu un grand succès, Die deutsche Liedertafel et Mu-
sikalischer Hausschatz der Deutschen. Le premier de
ces recueils (1846) contient cent chants à quatre parties
pour voix d'hommes ; le second (1843) contient mille lie-
der, chansons et mélodies empruntés aux compositeurs les
plus connus et les plus populaires de l'Allemagne. A. E.
FINLANDAIS (V. Finlande, Finn et Finnois).
FINLANDE (Le titre officiel est Storfurstendœme dont
la traduction exacte est : grande-principauté de) {Fin-
landia, Suomi ou Suomen-Maa). Géographie phy-
sique. ._ Contrée comprise entre les 60e et 67edegré de lat.
N. et le 19e et le 31e degré de long. E. Elle est limitée au N.
par la Laponie norvégienne; à l'E. par les gouvernements
d'Arkhangelsk et d'Olonetz ; au S.-E. par le lac de Ladoga et
le gouvernement de Saint-Pétersbourg ; au S. par le golfe de
Finlande et à l'O. par le golfe de Botnie et la Suède. Sup. :
373,603 kil. q. qui se décomposent ainsi, suivant la nature
du pays : 60 °/0 de forêts et de contrées rocheuses, 20 °/0
de marées et de prairies, 12 °/0 de lacs et 8 % seulement
de terrain propre à l'agriculture. La plus grande longueur
du N. au S. dépasse 1,100 kil. ; la plus grande largeur,
sous le 62e parallèle, atteint 580 kil. Tandis que la partie
septentrionale de la Finlande est formée par une succession
de chaînons assez élevés ou de collines ondulatoires, le pays
situé au S. du cercle polaire s'abaisse graduellement pour
aboutir à la grande plaine du centre de la Russie. Le sys-
tème orographique du Haldesjok atteint 1,250 m. d'alt.
dans la Laponie nord-occidentale, tandis que le Pallastun-
turi, deuxième montagne par ordre d'importance, n'atteint
que 85 m. La plus grande partie de l'intérieur de la Fin-
lande est occupée par un système très compliqué et étendu
de lacs que séparent, à une ait. moyenne de 150 m., des
terrasses granitiques ou de schistes métamorphiques. Ce
plateau granitique s'incline doucement vers l'océan et accuse
une perte beaucoup plus rapide vers le golfe de Finlande.
Le système hydrographique comprend la rivière-fron-
tière Torneâ, l'Uleâ, le Remijoki, le Ivalojoki, le Kyrœ, etc.,
dont la plupart forment un grand nombre de lacs et servent
de voies de transport et de communication. Le Torneâ et
l'Uleâ alimentent les centres commerciaux très importants
du même nom. L'Uleâ prend naissance à la frontière orien-
tale et traverse FOstrobotnie de l'E. à l'O., y formant
plusieurs lacs (jarvi), dont le plus important est l'Oulu-
jservi. Les rives du Kyro sont très fertiles. Le Ivaloki,
coulant de l'O. à l'E. sous la lat. d'environ 68°5 N., se
jette dans le lac Inari et roule de l'or que les orpailleurs
exploitent sans grand bénéfice. La Finlande centrale, dont,
grâce à la multitude de lacs, des rapides, des collines
recouvertes de forêts de conifères, la beauté et le pitto-
resque des paysages sont célèbres, est divisée naturellemen
499
FINLANDE
en trois bassins de drainage. A l'E., les eaux du Savolaks
et de la Karélie forment 420 lacs de grandes dimensions
et plus d'un millier de lacs de dimensions moindres. Le
plus important de ces lacs est le Saïmaa, d'une superficie de
4,760 kil. q., qui communique avec le Kallavesi et l'Ori-
vesi. Il se déverse dans le Vuoksi, qui débouche près de
Kexholm, dans le Ladoga. La Saïmaa reçoit les eaux des
fameuses cataractes de l'Imatra. Ces rapides du Vuoksi
ont un débit de 4,773 millions de litres d'eau par heure.
Dans le bassin central, qui comprend environ 650 lacs
de dimensions plus ou moins grandes, les rivières con-
vergent vers le lac Pseij senne et se déversent dans le golfe
de Finlande par le Rymenjoki. Le Satakunta et le Ta-
vastland sont drainés par la rivière Kumo. La plupart
de ces rivières sont très poisonneuses et le Kemi seul
fournit annuellement en moyenne 470 tonnes de poisson.
Le saumon, la truite et l'anguille sont particulièrement
abondantes.
Le climat de la Finlande est relativement doux eu égard
à la latitude. Tandis que, dans la partie septentrionale du
pays, la température moyenne annuelle est de 4- 2°C,
elle est de + 4°C. dans la partie méridionale. Au mois de
janvier, le thermomètre descend à Helsingfors jusqu'à 30°C.
au-dessous de zéro. Les lacs et les marais sont complète-
ment gelés de décembre à avril. Le mois de juillet, le plus
chaud, accuse des températures de + 30°G. même dans la
Laponie finlandaise. Le climat varie, du reste, dans d'assez
fortes proportions du N. au S. en raison de la différence
de latitude des points considérés. La moyenne des quan-
tités de pluies tombées annuellement est de 20 pouces. Les
forêts très étendues surtout des conifères sont remplies de
gibier. On y trouve en abondance : Fours, le loup, le renne,
l'élan, le renard, l'hermine, la martre, etc., dont les peaux
constituent un article de commerce important. Les lacs
abondent en poisson et en gibier d'eau. Chasse et pêche
sont lucratives.
Ethnographie. — Les Finlandais peuvent être divisés
en 5 groupes, parlant tous le finnois en plusieurs dia-
lectes (V. Finnois) : les Lapons au N., habitants primitifs
de la région, repoussés par les Finnois du centre ; les
Kvens, ou Kainulais, dans la Botnie orientale; les Tavastes
au centre et au S.-O. Les Tavastes, appelés Hœmœlœiset
ou « habitants des lacs », sont Finnois par excellence. Les
Karéliens ou Karjalaiset à l'E., remarquables par leur
haute taille; enfin, les Ingrikkot ou ljors qui occupent
le pays autour de la partie intérieure du golfe de Finlande.
Les Suédois constituent le deuxième facteur important de
la population, mais ils se sont métissés fortement avec les
Finnois. Ils paraissent avoir atteint un degré supérieur de
développement et semblent aspirer davantage à l'émanci-
pation que les Finnois qui, aussi longtemps qu'ils garde-
ront leurs privilèges, se plaisent sous la domination russe.
L'alphabet finnois n'a que 24 lettres, dont 8 voyelles et
43 consonnes. Riche en métaphores, allégorique et eupho-
nique, il se prête à la poésie et à la musique du vers et de
la parole. La vieille littérature finnoise possède entre autres
le recueil de chansons Kanteletar (de Kantele, instru-
ment de musique national) et l'épopée du Kalevala.
Géographie politique. — Population. Administra-
tion. — La population de la Finlande est évaluée en 4889
à 2,338,400 hab., ce qui fait environ 6 hab. par kil. q.
Tandis que, dans la Laponie, cette proportion atteint à peine
4 hab. par kil. q., dans le S., par contre, elle s'élève à 46
et jusqu'à 30. Le chiffre de la population se décompose en
4,900,000 Finnois, 330,000 Suédois, 4 à 5,000 Russes,
4,800 Allemands, un millier de Lapons et un petit nombre
de tsiganes et de juifs. On compte 2,264,741 luthériens,
44,896 orthodoxes et rasskolniki, 23,000 catholiques
romains. Les villes principales n'ont pas une population
très dense. Helsingfors a 58,402 hab.; Âbo, 27,996;
Tammerfors, 48,097 ; Viborg, 47,494 ; Uleâborg, 42,483 ;
Bjœrneborg, 9,632 ; Nikolaïstad (Vasa), 8,454 ; Kuopio,
8,444. En 4888, l'immigration a atteint le chiffre de
45,463 hab. et l'émigration celui de 44,944. L'université
de Helsingfors, comprenant 4 facultés (théologie, méde-
cine, droit, philosophie), est visitée par plus de 4,700 étu-
diants dont une douzaine d'étudiantes environ. L'enseigne-
ment supérieur comprend encore une école polytechnique
et l'enseignement moyen : 48 lycées, dont 44 à l'Etat et
44 progymnases. On compte 4,040 écoles primaires,
4 écoles normales, 7 écoles de marine, 6 écoles commer-
ciales. Sur 44.9,007 enfants de sept à seize ans, 42,044
seulement n'ont pas reçu d'instruction primaire. La condi-
tion politique et sociale de la femme finlandaise est supé-
rieure : la femme a droit de vote dans les élections muni-
cipales, et un grand nombre d'entre elles occupent des
postes dans les carrières administratives, dans les postes
et télégraphes, les banques, les comptoirs commerciaux et
les agences. L'empereur de Russie est grand-prince de
Finlande. L'état de choses actuel, au point ds vue admi-
nistratif et politique, date de 4809. Par le traité de Fred-
rikshman, du 47 sept. 4809 , après que, grâce à la
faiblesse du roi de Suède, Gustave Adolf IV, les Russes
eurent fait la conquête du pays en peu de mois, la Fin-
lande fut définitivement incorporée à l'empire du tsar. En
vertu d'une charte spéciale, renouvelée par son succes-
seur, le tsar Alexandre Ier, l'ancienne constitution (4772)
de la Finlande, réformée en 4789, fut en partie conservée.
Elle fut, depuis, légèrement modifiée en 4869 et en 4882.
D'après cette charte, le parlement national, composé de
quatre états : noblesse, clergé, bourgeoisie et paysans, est
convoqué en diète par le grand-prince. Le parlement discute
les projets de lois que soumet le grand-prince, empereur de
Russie, qui a droit de veto. La re vision de la constitution
et l'imposition de taxes nouvelles exige l'accord des repré-
sentants des quatre états. La diète a été régulièrement
convoquée, tous les quatre à cinq ans, depuis 4864. La
dernière assemblée a eu lieu en 4 888. Les projets de loi
sont élaborés par un comité pour les affaires de Finlande,
siégeant à Saint-Pétersbourg. Ce comité est composé du
secrétaire d'Etat et de quatre membres nommés par la
couronne, dont deux sont proposés par le Sénat. Le gou-
verneur général de Helsingfors est vice-président du Sénat et
nommé par la couronne. Ce pouvoir administratif suprême
comprend deux départements : la justice et les finances.
Le service militaire n'est, par privilège, que de trois ans .
Le code pénal, élaboré par le Sénat, devait être promulgué
le 4er janv. 4894 ; cependant la promulgation en a été
ajournée. L'administration des postes ressort du ministère
de l'intérieur russe.
La Finlande est divisée actuellement en dix gouverne-
nements. Néanmoins la division antérieure finnoise en
provinces est encore généralement acceptée. Ces provinces
sont : la Laponie finnoise, l'Ostrobotnie, la Karélie, Savo-
laks, le Tavastland, Satakunta, Nyland, la Finlande pro-
prement dite. Les trois dernières, formant la côte, ont fait
le plus de progrès. La Laponie finnoise est située presque
en entier au delà du cercle polaire. La Finlande centrale
comprend les quatre provinces de Satakunta, Tavastland,
Savolaks et Karélie. Nyland, avec la Finlande proprement
dite, ainsi que le groupe des Âland, forment la partie
méridionale du pays. 38 °/0 des terres cultivées et toutes
les forêts sont propriété de l'Etat. Les communes et les
églises possèdent environ 2 °/0 de la propriété immobilière
et le reste est réparti sur un petit nombre de propriétaires.
Environ 80 °/0 de la population sont adonnés à l'agriculture.
Commerce. Industrie. — Le chiffre de l'exportation s'est
élevé en 4888 à 90,484,250 fr. et celui de l'importation
à 442,248,750 fr. Les articles d'exportation comprennent
surtout : les fourrures, les produits du lainage, fromage et
beurre dont les qualités sont très appréciées en Russie et
en Angleterre. En certaines années, le chiffre de l'expor-
tation de ces derniers produits atteint 43 millions de fr.
Les bois de conifères sont un des principaux articles d'ex-
portation; on exporte les goudrons, l'huile de térébenthine,
les résines, etc. Les forêts étendues du N.-E. de la Fin-
FINLANDE
— 500 -
lande fournissent annuellement de 50 à 60,000 hectol. de
goudron transportés sur des bateaux spéciaux qui portent
chacun de 45 à 20 hommes et de 24 à 25 tonnes de gou-
dron. La pâte de bois pour la fabrication du papier alimente
une industrie indigène très prospère. Les fabriques de
papier se servent de l'eau comme force motrice. Les plus im-
portantes sont celles de Enso, Nokia, Tammerfors, Mœntta3,.
L'exportation de leurs produits atteint le chiffre annuel de
10 millions de fr. Les 8 fabriques de papier finlandaises
alimentent non seulement l'Europe, mais une partie de
l'Amérique et de l'Asie. Le coton d'Amérique est tissé dans
6 filatures indigènes ; il y a également, dans le pays, 2 fila-
tures de lin et quelques-unes de laine. On compte 505 tan-
neries de cuirs. Les raffineries de sucre d'Âbo et de Hel-
singfors sont des établissements considérables. Ajoutons
les manufactures de tabac, surtout de cigarettes, les bras-
series se développant de jour en jour, quelques fabriques
de produits chimiques et les distilleries d'alcool dont le
nombre, par suite des lois restrictives de 1887, a diminué
dans les dernières années. Une énorme quantité d'allu-
mettes, dites « de sécurité », sont livrées annuellement au
commerce d'exportation. Si la Finlande est obligée de
demander à l'étranger une grande partie des matières
premières mises en œuvre par ses établissements indus-
triels, elle en trouve une compensation dans le bas prix de
la force motrice que lui fournissent ses innombrables cours
d'eau. La marine marchande compte 2,100 bâtiments d'un
tonnage total de 268,000 tonnes. Les voiliers disparaissent
de plus en plus devant les bateaux à vapeur qui font le
service direct de la Finlande avec l'Angleterre, la France
et l'Amérique du Sud. Les chemins de fer finlandais
atteignent une longueur totale d'environ 1,650 kil. Deux
nouvelles lignes sont en construction : l'une allant de
Viborg par Saint- André et Sortavala à Joensuu, l'autre de
Tammerfors à Bjôrneborg. Les lignes télégraphiques ont
une extension de près de 4,500 kil. Capus.
Archéologie. — Le nom de Fenni, que Tacite donne
aux riverains du golfe de Finlande, doit avoir trait à la
nature aquatique de ce pays : fani, fanni, fen signifiant,
en effet, marécage en gothique, en haut allemand et en vieux
norrain, et les Finnois eux-mêmes appelant leur pays Suomi
ou Suomenmaa (de suo, marais, ou suomaa, terre maré-
cageuse). Ces noms ont donc trait à la contrée plutôt qu'à
sa population dont ils ne peuvent indiquer la nationalité. Il
est pourtant vraisemblable que les deux principales races
occupant le Pays des mille lacs y étaient établies dès le
commencement de notre ère. Les plus anciennes antiquités
de la Finlande, celles de la fin de l'âge de pierre, forment
en effet deux groupes bien distincts : au S.-O., elles se rat-
tachent à celles de la Scandinavie, tandis que, au S.-E. et
au N. , elles ont plus d'affinités avec celles du bassin de
l'Onega, d'où l'on peut conclure que la branche orientale
des Suédois, les Rosomons (en finnois Ruotsalais) , étaient
déjà établis, à l'O. des Suomalais ou Finnois propres,
sur les côtes de la grande-principauté. Ils paraissent s'y
être perpétués pendant l'âge de bronze qui, à en juger par
la rareté de ses restes (sépultures à incinérations, armes
et parures), n'a pas été de longue durée. Dans les derniers
siècles avant notre ère, ils échangaient leurs produits avec
ceux des Ouralo-Finnois de la Russie septentrionale, sans
que les habitants de l'intérieur de la Finlande se fussent
appropriés la nouvelle civilisation, d'ailleurs bientôt sup-
plantée par celle de l'âge de fer chez les Ruotsalais comme
chez les autres Scandinaves. Pendant cette seconde période,
les Suomalais avaient continué à se servir de haches de
pierre, parfois imitées des haches de bronze, alors en usage
chez les Ouralo-Finnois de la Russie et représentant des
phoques ou d'autres animaux. Les plus anciens Suomalais
ou Fenni de Tacite n'avaient encore ni armes de guerre,
ni chevaux, ni pénates au ier siècle de notre ère ; ils ne
cultivaient pas la terre et ne vivaient que de chasse et de
plantes croissant spontanément. Leurs congénères, établis
sur les deux rives du golfe de Botnie (Pohjola) devaient,
au contraire, être à demi scandinavisés, puisqu'ils avaient
adopté les mœurs des Suédois ; ils sont appelés Sitones
par Tacite, Hiides, Hittolais ou Jœttilœis par les Fin-
nois, et Jots ou Jœtns en islandais. Comme ils étaient
gouvernés par une femme (Hiiden emœntœ, Louhi, Poh-
jon akka), le N. de la Finlande fut considéré comme un
pays des Amazones et appelé, chez les Anglo-Saxons, Mœg-
daland ou pays des vierges, et chez les anciens Scandi-
naves Kvenland ou pays des femmes, d'où le nom de
Kvens encore donné aux Finnois de la Norvège.
L'âge de fer, qui remplit les douze premiers siècles de
notre ère, peut être divisé en deux périodes à peu près
égales. Au commencement de la première, l'influence Scan-
dinave dut être affaiblie en Botnie par l'émigration des
Jots qui, passés en Norvège sous la conduite de Nor et de
Gor, y fondèrent beaucoup de petits Etats. Elle continua
cependant de se faire sentir au S. de leur pays, mais seu-
lement sur les côtes, chez les Ruotsolais, tandis qu'à l'in-
térieur de la Finlande les Suomalais continuaient de se
servir d'armes et d'instruments de pierre, surtout en schiste,
rarement en silex. Ceux-ci paraissent n'avoir adopté l'usage
du fer que dans la seconde période de cet âge, après l'ar-
rivée de nouvelles tribus ouralo-finnoises venant du bassin
de la Volga supérieure, et qui s'établirent à l'E. des Hœ-
mœlœis, comme s'appelaient eux-mêmes, dans le dialecte
tavastlandais, les habitants du Hœme ou Hœmeenmaa
(pays humide, en esthonien hœmme) ; ce dernier nom
correspond au mot Suomi, employé dans le même sens
par les nouveaux venus, les Kafjalais, qui, à la diffé-
rence des Hsemselaeis, déjà adonnés à l'agriculture, étaient
chasseurs, pêcheurs, marchands et surtout pasteurs,
d'où leur nom d'hommes des pâturages (karja, bétail;
la, pays), en islandais Kyrjalés, en suédois Karelare.
Du S.-E. de la Finlande, les Karéliens s'étendirent non
seulement vers l'O. dans le Savolaks (en finnois Savo ou
Savonmaa, pays de fumée, c.-à-d. où l'on brûle les brous-
sailles pour fumer les terres avant de les ensemencer),
mais encore vers le N. dans le Kvenland, qu'ils appelèrent
Kainu ou Kainunmaa, soit en souvenir de l'ancien nom
Scandinave, soit à cause de la situation du pays (kainu,
bas).
Le chamanisme que professaient les Finnois et leur apti-
tude à observer les météores et les phénomènes physiques
ou moraux, leur avait dès lors mérité la réputation d'ha-
biles magiciens ; c'est comme telle que la Finnoise Drifa,
femme de Vanlandé, roi de Suède, figure dans YYnqlinga-
saga au ne siècle de notre ère. Les sagas ne mentionnent
d'ailleurs dans l'âge de fer que peu d'incursions des Sué-
dois en Finlande, où ils pouvaient s'appuyer sur leurs con-
génères, les Ruotsalais. Il est assez vraisemblable que
ceux-ci aidèrent les Varjags ou auxiliaires (en vieux norrain
Vœringés, fédérés, alliés) à la fondation de plusieurs prin-
cipautés Scandinaves chez les Slaves et les Tchoudes de
Novgorod, de Bielozero, d'Izborsk, de Polotsk, de Rostov,
de Mourom, de Kiev, au milieu du ixe siècle, car Nestor
affirme que tous les Rus (Ruotsalais) suivirent Rurik et
ses frères dans leur mémorable établissement au S. du
golfe de Finlande. L'élément Scandinave, à en juger par
les trouvailles d'antiquités, paraît avoir été fort affaibli,
dans la grande-principauté, pendant les premiers siècles
du second âge de fer. Il ne reprit le dessus que vers la fin
de cette période, lorsque les Suédois, — ne se bornant
plus à faire la course dans les eaux finlandaises comme ils
l'avaient faite sous Erik Edmundsson (fin du ixe siècle)
et Erik Segersaell (fin du xe siècle), — entreprirent d'évan-
géliser aussi bien les Finnois que leurs propres congénères,
les Ruotsalais et les descendants des colons Scandinaves.
Mais avant de passer à la conversion des Finnois, il con-
vient de donner, sinon un exposé de leurs anciennes
croyances, du moins une nomenclature de leurs dieux et
génies dont les principaux font le sujet d'articles spéciaux.
Mythologie. — Loin d'avoir été étudiées avant Févan-
gélisation des Finnois, leurs croyances religieuses étaient
- 501 -
FINLANDE
proscrites depuis trois siècles lorsque M. Agricola cita les
noms de vingt-cinq de leurs dieux ou héros dans une pièce
de 62 vers rimes en finnois (en tête de sa traduction du
Psautier, 4 551). L'influence des idées chrétiennes et ger-
maniques, qu'elles subissaient depuis longtemps et que l'on
reconnaît facilement dans plusieurs de leurs traits, conti-
nua de se faire sentir pendant les deux siècles suivants, de
sorte que la mythologie finnoise ne nous est parvenue ni
en entier, ni dans son état primitif, car il y a seulement
un siècle et demi que Ton a commencé d'en recueillir les
éléments disséminés dans les chants et les traditions popu-
laires, ainsi que dans les formules magiques. Ces débris,
plus ou moins altérés, ont été systématisés et l'on a classé
les divinités en quatre catégories : celles de l'air, de l'eau,
de la terre et des enfers, plus les génies et les héros.
Le nom de Jumala (ciel, être céleste), qui était appli-
qué à tous les dieux et même aux magiciens et qui conti-
nue d'être employé dans la dogmatique chrétienne, désignait
d'abord plus spécialement le dieu de l'air, Ukko (l'ancêtre,
le vieillard), Ylijumala (le dieu suprême), dont la femme
Akka (Rauni, selon Agricola) était déesse de la foudre. A
côté d'eux régnaient, chacun dans sa sphère : Pœivœ (jour),
dieu du soleil , son fils Pana, dieu du feu, et sa fille,
Pœivœtœr ; Kuu, Otava, Tœhti, ainsi que leurs filles,
Kuutar, Otavatar et Tœhetœr, divinités de la lune, de
l'étoile polaire et des astres. D'un ordre moins élevé étaient
les Luonnotaret (filles de la nature), parmi lesquelles on
cite : Ilmatar et Ilman Impy (vierges de l'air) ; Uutar
et Ter fienetœr (génies des brumes) ; Koi (génie de l'aurore) ;
enfin Tuulen Tytœr (fille du vent), Etelœtœr (fille du sud)
et Suvetar (fille de Yèté),Pakkanen (froid), fils de la bise.
Les divinités de l'eau, également fort nombreuses, étaient
appelées Ahon Lapsi (enfant d'Ahto) ou Ahtolais et Vel-
lamon Neito ou Vœki (fille ou gens de Vellamo), d'après
1-e couple vénérable Ahti ou Ahto et Vellamo ou Vellimo
qui les dirigeait. Quelques-unes sont désignées nominati-
vement : Pikkn Mies (petit homme), personnification des
vagues d'abord insignifiantes, mais qui peuvent atteindre
des proportions et une force prodigieuses ; Aallotar (fille
des flots), Kosken Tyttœ (fille de la cataracte) ou Kuohu-
Neiti (vierge de l'écume), Melatar, génie du gouvernail ;
Sotkotar, protectrice du canard ; Juoletar, que l'on invo-
quait pour la capture de la loutre ; sans oublier quelques
génies aquatiques exclusivement malfaisants : Vesi-Hiisi
(démon de l'eau), Syœjœtœr (goule), mère du serpent,
ou Vetehinen (aquatique), correspondant à Vodennoj des
Russes, comme Turso ou Tursas, au Thurs des Scandi-
naves.
Les phénomènes terrestres n'étant pas aussi frappants
en Finlande que les météores ou les tempêtes et les nau-
frages, les divinités épichthoniennes n'y jouaient pas un
aussi grand rôle que celles de l'air ou de l'eau. N'ayant
pas de chef commun, ce sont plutôt des génies dont chacun
ne règne que dans un domaine restreint : Maan Emo ou
Emœntœ (mère ou maîtresse de la terre), ou Mannan
Eukko (aïeule de la terre), ainsi que Pellon Peri-isœntœ
(maître primitif de la campagne) donnaient la fécondité et
la santé à la terre et aux humains ; Sampsa Pellervoinen
(Samson le champêtre) ou Pellon Pekka présidait aux
semailles, aux moissons et au brassage. Chez les Hsemse-
lseis, Liekkice (follet) favorisait la croissance des plantes ;
chez les Karjalais, Kœndœs protégeait les défrichés, Ron-
goteus le seigle, Virokannas l'avoine, Remunen le hou-
blon. Comme c'était naturel pour les plus anciens temps,
la sphère des divinités sylvicoles était plus étendue. A leur
tête étaient le vieux Tapio, aussi nommé Tapiolan Ukko,
Hippa et Hilli Ukko, et sa femme Mielikki, Mimerkki,
Miiritœr, Simanter, Hiilitœr ou Metsolan Vaimo
(femme de la forêt) qui, outre leur fils Nyyrikki (peut-
être le Nyrekes d' Agricola) ou Pinneys etKekri ou Kœyry
ou Kœitœs, le génie des animaux domestiques, avaient
pour auxiliaires une véritable armée de syivains (Tapion
Kansa ou Pojat) et surtout de dryades (Tapion Neieton
Piiat, Metsœn Immet, filles de la forêt) ; Viljan Eukkot
(aïeules du gibier), entre autres Tellervo ou Hillervo,
Tuulikki, et les nymphes du cerisier (Tuometar), du pin
(Hongatar), du genévrier (Katajatar), du sorbier (Pih-
lajatar), de Faune (Lemmes), du houblon (Remunen).
A ces divinités en étaient opposées de malfaisantes : Lempo
ou Hitto, Hiisi (en sanscrit hath, dommage ; en lapon Si-
eita), aussi appelé Paha (le Malin) et Juutas (Judas),
Piru (le Perun des Russes), Perkele (le Perkunas des
Lithuaniens et le Pehrkhors des Lettons), ainsi que les
Hittolais (Sitones de Tacite) ou Hiiden Emœntœ, Poika,
Impi, Vœki (dame, fils, filles, gens de Hiisi), Avatar (le
cauchemar), ïïorna qui doit être un des génies de la nature
inorganique, comme Kivi (pierre), fils de KimmoKammo,
et Karilainen (de kari, rocher).
Le royaume souterrain, habité par les Manalaiset
(spectres, du latin Mânes?), les Menninkœiset (trépas-
sés), Keijuiset (farfadets), les Peijot (fantômes), Kœœ-
pelit (kobolds ou gobelins), avait pour gardiens plutôt que
pourvoyeurs le dur et inflexible Mana et ses filles Manan
Neiet ou Manuttaret, Tuoni, la mort (en grec ©àvaioç,
en vieux norrain ddinn), sa femme Tuonen Akka et leurs
enfants : Tuonen Poika, luonetar et l'affreuse Lovia-
tar; Kiputyttœ (fille morbifique), bien différente de Kivu-
tar ou Vammatar, bon génie qui adoucissait les souffrances ;
Kahna (cadavre) et sa fille Kalman Impi.
Outre les génies groupés autour des principaux dieux qui,
on le voit par leurs noms allégoriques, étaient des person-
nifications des forces de la nature ou des passions, il y en
avait beaucoup d'autres, d'un ordre d'ailleurs inférieur, que
l'on ne peut rattacher aux catégories précédentes, sans
doute parce qu'ils sont d'origine postérieure, ayant été em-
pruntés soit aux idées chrétiennes comme le Haltia, soit
aux traditions Scandinaves comme Maahi, Tonttu, Paara,
Kave. Les Ealtiat (du vieux norrain halda, maintenir ; en
finnois hallita, garder) remplissaient le rôle de nos anges
gardiens, mais avec des attributions plus étendues, parce
qu'ils protégeaient non seulement les hommes, mais encore
tous les êtres et même les objets inanimés. Matka-Teppo
(Etienne du chemin, par allusion au saint Etienne apo-
cryphe des traditions germaniques qui allait à cheval) était
le patron des voyageurs. Maahi (diminutif Maahinen, petit
homme de terre) correspondait au nain souterrain (Under-
jordisk) des Norvégiens ; Kratti, génie des trésors, ou
Skratté des Islandais ; Tonttu, au Tomtegubbe (vieux du
lieu, lare) des Suédois; Nœkki, à leur Neck (ondin) ; Para,
à leur Bara, poupée magique qui rapportait à sa maîtresse
du lait ou du beurre volés. Quelques génies sont de pures
allégories, comme Sukkamieli (amour, jalousie), Uni
(sommeil, diminutif Unonen), Munnu (prunelle de l'œil),
Hurus (nymphe du sang), Suonetar (fille de la veine),
Sinetœr (fille de la couleur), Kankahatar (fille du tissu),
Aarni (trésor). On donnait la qualification de Kave (au
pluriel Kapeet, diminutif Kapo, Kaponen, en vieux nor-
rain Kappé, champion) à tous les êtres extraordinaires,
aussi bien aux dieux et aux déesses qu'aux simples héros
du Kalevala, comme Vœinœmœinen, Ilmarinen, Lem-
minkœinen et sa mère.
Le culte que l'on rendait à ces divinités n'est connu
que par quelques récits des sagas Scandinaves et surtout
par des allusions des chants mythiques et héroïques des
Finnois. Au xie siècle, chez les Bjarmes, proches parents
de ceux-ci, établis dans le bassin de la Dvina et sur le lit-
toral de la mer Blanche, l'idole de Jumala était assise dans
une enceinte, tout près d'un tertre dans les diverses cou-
ches duquel étaient mêlés l'or et l'argent offerts au dieu.
Les Finnois avaient également des divinités anthropomorphes
qui différaient entre elles par la physionomie, le costume,
les armes et autres attributs. Ils leur offraient des produits
de leur chasse en les suspendant à des arbres sacrés et
peut-être aussi à des hurikkais, poteaux de bois en forme
de Terme, comme en possédaient les Lapons. Des dévots
sacrifiaient aux dieux pour se les rendre propices du sang
FINLANDE
502 —
tiré de quelque partie de leur propre corps. Leurs princi-
pales fêtes, sans parler de celles qu'ils célébraient au retour
d'une chasse heureuse d'où ils rapportaient quelque gros
gibier comme l'ours, étaient : en automne, après le battage
et la cuisson du premier pain, Vuoden Alkajaiset (com-
mencement de l'année), aussi appelée Kekrin Juhla (so-
lennité de Kekri, protecteur du bétail) ; lors des semailles
du printemps, Ukkon Vakat (banquet d'Ukko) ; après la
moisson, Sœnkiceiset (les jeunes veaux) ou Villavuonan
Juhla (fête de l'agneau). Les ministres du culte étaient le
Tietœjœ (savant), YArpoja ou Arpamies (jeteur de sort,
sorcier), le Loitsija (magicien), espèces de chamans qui,
se modelant sur Yaeinaemœinenjlmarinen, Lemminkaeinen,
Antero Vipunen et d'autres héros, prétendaient dominer la
nature par la seule vertu du verbe et mettre les dieux et
les esprits à leur propre service ou changer le cours naturel
des choses, en en découvrant l'origine ou en recourant aux
incantations, aux charmes, aux sorts, aux prestiges, aux
fascinations, aux invocations, aux évocations, aux exor-
cismes, aux conjurations, aux objurgations, aux prières.
Ces armes spirituelles étaient, avec les traits enchantés,
les seules dont ils fissent cas à une époque où les prouesses
chevaleresques étaient en si grand honneur dans le reste
de l'Europe. Aussi les formules magiques dont ils possé-
daient tout un arsenal se distinguent-elles parfois par l'élé-
vation des idées et un véritable souffle poétique.
Histoire. — Elle commence avec l'évangélisation de la
Finlande, à la suite de la croisade conduite dans ce pays,
vers 1156, par le roi de Suède Erik Jedvardsson le Saint,
et l'Anglais saint Henri, évêque d'Upsala, qui s'établit en
Finlande, y fut martyrisé (1158) et en devint le patron au
temps du catholicisme. Son successeur Rudolf fut égale-
ment mis à mort (1178) et la colonie chrétienne eut à
lutter non seulement contre les païens qui, malgré leurs
divisions, étaient en état de porter la guerre juscpie dans
le Mselare où ils détruisirent Sigtuna (1187), mais encore
contre les Russes de Novgorod qui, avec le concours de
leurs néophytes les Karjalais, ravagèrent le Hsemeenmaa
ouTavastlanden!186, 1191, 1198, 1227, et anéantirent
des flottilles suédoises dans les eaux du Ladoga (1164 et
1228) et dans la Neva, déversoir de ce lac (1240). Aussi,
vers 1237, les catholiques du Hsemeenmaa, se voyant mal
protégés par la Suède, renièrent-ils l'Evangile et immo-
lèrent-ils des chrétiens dans les bocages qui avaient été les
sanctuaires de leurs ancêtres. Les chrétientés, à peine rele-
vées et accrues par l'énergique évêque d'Âbo, le domini-
cain Thomas (de 1220 à 1245 environ), furent de nou-
veau ruinées, tandis que les missionnaires de Novgorod
faisaient des progrès chez les Karjalais qui, dès 1227,
furent presque tous baptisés. La Finlande eût dès lors été
conquise, au moins en partie, par les Russes sans l'inva-
sion mongole qui les rendit tributaires du khanat de Kip-
tchak(4240).
Les Suédois mirent les circonstances à profit : leur chef,
Birger Jarl, fit une croisade en Finlande (1249-1250),
soumit de nouveau les Hsemselaeis, fonda la ville de Tavas-
tehus pour les contenir et sans doute aussi pour résister
aux Novgorodiens qui continuaient de repousser les incur-
sions des Suédois ou en faisaient eux-mêmes en Tavast-
land (1256, 1292) et aussi en 1278 chez les Karjalais deve-
nus leurs adversaires. Afin de consolider la domination sué-
doise au delà du Kymmene et jusque dans le bassin du
Ladoga, Tyrgils Knutsson, connétable du roi Birger Ma-
gnusson, fonda en 1293 les forteresses de Viborg et de
Ksekisalmi ou Kexholm ; en outre, pour commander les
voies d'eau qui conduisaient à Novgorod, Landskrona sur
l'emplacement actuel de Saint-Pétersbourg; mais les Russes
détruisirent la seconde en 1295, la troisième en 1301, et
brûlèrent Abo, ainsi que la forteresse épiscopale de Kuustœ
en 1348. Sous la médiation des Hanséates de Visby,
dont ces luttes perpétuelles gênaient le commerce, la paix
fut conclue le 12 août 1323 à Nœteborg (en finnois Pseh-
kinsesaari, en allemand Sehlûsselburg, en russe Orekho-
vets). Ce traité, qui établissait la liberté de navigation dans
la Neva, attribuait à la Suède trois bailliages de la Karélie
et laissait à Novgorod le reste de ce pays et une partie
du Savolaks ; la limite entre les deux Etats passait par le
Systerbseck, le Sai, le Vuoksi supérieur, le Saimaa, le Hau-
kivesi, d'où elle gagnait la mer de Kajana (golfe de Botnie?
mer Blanche?) UOEsterland (pays de l'Est ou situé à
l'E. de l'OEstersjœ ou Baltique) était ainsi constitué par
l'agrégation des Haernaelaeis, de la plupart des Savolais et
de la moitié des Karjalais aux descendants des anciens Ruot-
salais et aux colons suédois. On commençait à l'appeler
Finlande et à donner à celle-ci le titre de duché à partir
de 1284. Ce vaste territoire qui s'étendait vers le N. jus-
qu'à Torneâ, ne formait qu'un seul diocèse ; il fut donné
en fief le plus souvent à des princes de la famille royale,
et administré par les gouverneurs des châteaux ol'Âbo pour
la Finlande propre, le Satakunta et l'archipel d'Âland ; de
TavastehuspourleTavastlandetde Viborg pour le Nyland,
la Karélie et le Savolaks. Les habitants, bien que incorpo-
rés à la Suède et en cette qualité affranchis^ servage
par Magnus Eriksson (1335), avaient leurs lois spéciales :
le jus suecicum pour les établissements suédois, le jus
finnicum pour le Tavastland, le jus helsingonicum pour
le Nyland et le jus carelicum pour la Karélie. Les déserts
de la Botnie orientale, parcourus par les Lapons nomades,
étaient livrés à une compagnie de marchands nommés Bir-
karls, qui s'y maintinrent jusqu'à l'occupation du pays
par des colons suédois, hsemselseis et karjalais. En 1362,
Magnus Eriksson et son fils Hdkon octroyèrent au lag-
man (grand juge) de la Finlande le droit rarement exercé
de prendre part à l'élection du roi de Suède. Le système
féodal commença de se développer, vers la fin du xive siècle.
Le payement de la dîme en produits de l'agriculture, de la
chasse ou de la pêche, selon les contrées, fut réglé à partir
de 1329, et le régime ecclésiastique sagement organisé par
l'évêque Hemming (1338-1366), qui fut béatifié en 1499.
Les hostilités avec les sujets de Novgorod recommen-
cèrent en 1337-38, en 1348, en 1350-51, et finirent
sans résultats. Les Y italiens, qui avaient fait des récifs
de la Finlande des repaires de corsaires (1392), n'en furent
expulsés qu'en 1399 par les efforts combinés des Hanséates
et de Marguerite, la fondatrice de Y Union de Kalmar.
Pendant le premier siècle de cette union si souvent trou-
blée, les gouverneurs et autres potentats de la Finlande
firent cause commune tantôt avec les Danois, tantôt et le
plus souvent avec les Suédois, sans que le pays en éprou-
vât de grandes commotions. Sur les frontières de l'Est, les
guerres de partisans alternaient avec les trêves de cinq à
dix ans, mais le gouverneur de Viborg, Erik Axelsson e
Tott, ayant élevé la forteresse d'Olofsborg ou Nyslott (en
finnois Savonlinna) dans le Savolaks novgorodien (4475-
77), les incursions réciproques devinrent plus meurtrières,
notamment en 1478-80 ; en 1495, où Knut Posse tint six
semaines à Viborg contre 60,000 assiégeants et finit par
les repousser ; en 1496, où les croisés suédois, mal diri-
gés par le président de l'Etat, Sten Sture, ne purent em-
pêcher les Moscovites de ravager la Karélie, le Savolaks
et la moitié du Tavastland, en représailles de quoi ils sac-
cagèrent Ivangorod dans l'Ingermanland. Les Finlandais,
abandonnés par le président qui dut retourner en Suède
où il fut déposé et remplacé par le roi Jean d'Oldenborg,
mais qui obtînt en fief le duché de Finlande (7 mars 1497),
n'eurent plus qu'à traiter avec les Russes ; les envoyés de
l'évêque d'Âbo, Magnus Stiernkors, et de Knut Posse, conclu-
rent à Novgorod une trêve de six ans (3 mars 1497). Sten
Sture, après avoir été réélu président (12 nov. 1501), eut
à reconquérir la Finlande sur les feudataires du roi Jean.
Lors de la déposition de Christian II, fils de ce dernier,
le parti danois, sous l'habile direction de Séverin Norby,
sut résister pendant deux ans (4521-23) à Gustave Vasa,
dont les tentatives de réforme furent entravées par l'évêque
élu d'Âbo, Erik Svensson (4 524-27), et par son pieux,
mais faible successeur, M. Skytte (1528-1543).
— 503
FINLANDE
Les Finlandais ne demandaient pas de changement, pas
plus en religion qu'en politique, et comme le fondateur de
la dynastie des Yasa ne tenait qu'à s'approprier les biens
de l'Eglise, sans en affecter une bonne part à l'entretien des
écoles tombées en décadence depuis la laïcisation, le rituel
fut d'abord seul modifié ; l'esprit du peuple ne le fut que
peu à peu, moins par les prédications de Peder Sserkilax
(1525-29) que par les publications finnoises de M. Agri-
cola qui devint évêque d'Âbo (1554) lors du démembre-
ment de ce diocèse (Viborg ayant été attribué à P. Juus-
ten). Sous le règne de Gustave Vasa (1521-1560), la paix
ne fut plus troublée en Finlande que par les intrigues de
son beau-frère, le comte Jean de Hoja, gouverneur de
Viborg et Nyslott (1534), par une émeute de paysans à
Lappvesi, près de Villmanstrand(1550) et par une guerre
avec la Russie (1554-56), pendant laquelle les Moscovites
ne purent s'emparer de Viborg, ni les Suédois de Nœteborg.
En créant de grands feudataires, ce prince avait attribué
le duché de Finlande à son fils Jean qui travailla à en faire
une principauté indépendante et qui ayant épousé (1562)
Catherine Jagellon, sœur du roi de Pologne Sigismond-Au-
guste, laissa la dot entre les mains de celui-ci, mais se fit
donner en gage sept forteresses de la Livonie. Son frère
et suzerain, Erik XIV, regardant comme une félonie
cette alliance avec les Polonais, le fit condamnera mort par
la diète deo Stockholm (7 juin 1563) et, après la prise du
château d'Âbo, l'enferma à Gripsholm (1563-67) et réu-
nit à la couronne le duché de Finlande. Jean, l'ayant sup-
planté (1569) avec l'aide de la noblesse, augmenta les
privilèges de celle-ci et éleva son ancien fief au rang de
grande-principauté (1581), sans réussir à la préserver
des déprédations des Russes et même de ses propres sol-
dats. Son fils Sigismond, roi de Pologne, qui lui succéda
comme roi de Suède le 17 nov. 1592, conféra les pouvoirs
les plus étendus (29 mai 1593) au gouverneur général de
la Finlande, le connétable et amiral Clas Fleming, qui le
soutint énergiquement contre son oncle le duc Charles de
Sœdermanland, chef du parti protestant et prétendant à
la couronne. Tandis que celui-ci dominait en Suède, à titre
de président de l'Etat, Fleming maintenait en Finlande le
pouvoir royal, mais il eut à lutter contre les paysans de l'OEs-
terbotten, exaspérés par le cantonnement des militaires dans
les villages et insurgés à l'instigation du duc Charles et du
clergé protestant. Cette jacquerie, connue sous le nom de
guerre des Gourdins (Klubbekriget en suédois, Nuija-
sota en finnois), dura du 25 nov. 1596 au 24 févr. 1597
et coûta la vie à quelques milliers de pillards et d'incen-
diaires. Le successeur de Fleming, décédé le 13avr. 1597,
Arvid Stâlarm, après avoir fait deux descentes infruc-
tueuses en Suède (juil. et oct. 1598), dut se soumettre au
duc (sept. 1599) et fut condamné à mort, mais gracié
(1600), tandis que beaucoup de royalistes finlandais étaient
exécutés.
Le duc, qui fut plus tard le roi Charles IX (1607),
s'appliqua à panser les plaies que les invasions, les guerres
et sa propre ambition avaient faites à la grande-princi-
pauté. A la suite de la diète d'Âbo (1602), il rendit une
ordonnance sur l'administration, fonda les villes d'Uleâ-
borg (1605), de Vasa (1606) et la forteresse de Kajane-
borg (1607). Ses sages mesures pour la protection du
peuple lui valureut le surnom de hyvœ Kuningas (bon
roi). Pendant l'insurrection du faux Dmitrr, il fournit au
tsar Vasili Chouisky des troupes auxiliaires en partie com-
posées de Finnois, qui s'avancèrent jusqu'à Moscou et à
Smolensk (1610), et il recula jusqu'à Kexholm sur le La-
doga les limites de la Finlande, annexion que son fils et
successeur (1611), Gustave- Adolphe, fit confirmer parle
traité àeStolbova (fèvr. 161 7). Ce grand monarque ferma
aux Moscovites la porte de la Finlande en s'emparant de
Nœteborg sur la Neva et du reste del'Ingermanland (1612),
mais il indisposa les populations annexées de communion
grecque en les soumettant à l'évêché protestant de Viborg,
ce qui provoqua leur émigration en Russie. Malgré la créa-
tion de la cour d'Abo (1623), ses anciens sujets ne furent
pas non plus à l'abri des vexations des militaires et de la
noblesse, à qui il dut donner en gage ou en fief beaucoup
de domaines de la couronne, mais ils subirent toutes ses
réquisitions d'hommes et de denrées ou de numéraire, qui
n'étaient pas toujours proportionnées à la faible population
de la grande-principauté. Les Frappe à la tête (Hakkaa
pseselle), comme on appelait les contingents finlandais dans
la guerre de Trente ans, se distinguèrent spécialement à
Burgstall et à Werben (1631), à la bataille du Lech et à
Liitzen (1632), à Chemnitz (1639), à Neuburg (1641) et
à Leipzig (1642), quoiqu'ils fussent le plus souvent con-
fondus avec le reste des Suédois. Mais la gloire de ses
enfants ne faisait pas le bonheur de la Finlande où les abus
devinrent si grands qu'il fallut charger un membre du
conseil puis de la régence, le comte Per Brahe le
Jeune, d'y remédier comme gouverneur général (1637-
1640 et 1648-1654). Par ses soins fut fondée (1640)
l'université d'Âbo qui attira beaucoup d'étudiants suédois ;
il introduisit l'imprimerie en Finlande (1642), fit achever
la traduction de la Bible en finnois et rédiger la première
grammaire finnoise ; il fonda de hautes écoles à Âbo,
Bjœrneborg, Helsingfors, Nykarleby et Viborg, ainsi que
des écoles élémentaires dans la plupart des villes, sans
négliger l'instruction religieuse et primaire ; il régla les
appels de miliciens et de marins, établit des rejations pos-
tales entre les villes de Finlande et le chef-lieu Âbo (1638),
qui fut en outre relié avec Stockholm. Il ne réussit pas
aussi bien à empêcher les exactions des fonctionnaires, ni
à donner de l'essor au commerce des villes au détriment
de celui des campagnes. La grande baronnie de Kajana, qui
fut créée en sa faveur (1650), devint un modèle d'admi-
nistration civile, judiciaire et militaire, mais tel ne fut pas
le cas pour la plupart des grands fiefs dont la reine Chris-
tine, pendant ses dix ans de gouvernement (1644-1654),
décupla le nombre en aliénant les trois cinquièmes des do-
maines de la couronne en Finlande.
Sous Charles X Gustave (1654-1660), les troupes fin-
landaises prirent une part glorieuse aux guerres de Po-
logne et de Danemark, notamment à la bataille de Varsovie
(18-20 juil. 1655). Mais pendant qu'elles combattaient à
l'étranger laissant leur patrie sans défense, celle-ci était
envahie par les Russes (1656), qui trouvaient des alliés
dans leurs coreligionnaires des nouvelles ou anciennes fron-
tières de la Finlande; néanmoins, comme une grande partie
des orthodoxes grecs avaient émigré ou étaient remplacés
par des luthériens, les envahisseurs assiégèrent en vain
Nœteborg et Kexholm. D'autre part, les Finlandais ne purent
s'emparer du monastère russe de Solovetska sur la mer
Blanche (1657). Avant la conclusion de la trêve de Val-
lisaari^rhs deNarva (20 déc. 1658), le gouverneur général
d'Ingermanland et de Kexholm, G,-E. Horn, força par de
mauvais traitements plus de quatre mille familles ortho-
doxes à émigrer, de sorte que le la3n de Kexholm ne fut
plus guère peuplé que de protestants ; il continua pour-
tant de former avec l'Ingermanland un grand gouverne-
ment qui n'était pas représenté à la diète suédoise. Le
traité de Kardis en Livonie (21 juin 1661) laissa à la
Suède, du côté delà Russie, les limites que la paix de Stol-
bova lui avait attribuées.
Pendant la minorité (1660-1672) de Charles XI, le
conseil de régence encouragea la colonisation, fit ouvrir
des routes, régularisa le service des chevaux de poste et
des hôtelleries (1664), mais, trop faible pour s'opposer
aux usurpations de la noblesse, il ne put établir le bon
ordre dans les contributions et la milice. Dès 1673, au
contraire, le jeune roi, déclaré majeur depuis peu et s' ap-
puyant sur la diète, commença de faire rentrer dans le
domaine de la couronne la plupart des terres autrefois affec-
tées à l'entretien des troupes et la quatrième partie de
chaque fief aliéné par ses prédécesseurs. Ceux de l'OEster-
botten devaient être confisqués en totalité. Il fut dès lors
possible de distribuer des terres aux troupes cantonnées.
FINLANDE
504-
Les Etats provinciaux de la Finlande que le gouvernement
suédois réunit pour la dernière fois à Âbo en 1676 et,
l'année suivante, dans chaque gouvernement, imposèrent
de lourdes charges militaires à la grande-principauté, dont
le contingent formait la moitié de l'armée qui fit la cam-
pagne de Prusse et s'empara de Tilsit (1678). On imputait
au grand conseil et à la noblesse les dangers que la Suède
venait de courir dans la guerre de Danemark et que
Charles XI avait conjurés par son énergie; aussi, conformé-
ment aux vœux des trois ordres plébéiens, les diètes de
1680 et 1682-83 lui conférèrent-elles des pouvoirs dicta-
toriaux pour opérer le retrait des donations faites sous les
règnes précédents aux comtes, aux barons, à la petite no-
blesse et même au clergé et aux bourgeois. La mesure
n'était complètement juste que dans quelques cas où la
jouissance de l'usufruit pouvait être regardée comme une
rémunération suffisante des services rendus. Mais, si la
haute noblesse fut ruinée, les paysans furent affranchis du
servage, et la couronne trouva dans ces réductions des res-
sources pour entretenir des troupes indelta, c.-à-d. répar-
ties dans les cantonnements. En Finlande, les terres confis-
quées furent distribuées aux officiers et soldats de trois
régiments de cavalerie. D'autre part, les paysans, pour se
racheter du service militaire, s'associèrent, sauf dans
l'OEsterbotten, pour fournir logement, terre et costume de
travail à six mille soldats laboureurs, à raison d'un pour
deux, trois ou quatre domaines. Le lœn de Kexholm conti-
nuait d'être exempt de ces charges. Pendant la longue paix
qui régna depuis la conclusion des traités de Saint-Ger-
main et de Lund (1679), jusqu'à la fin du siècle, la Fin-
lande, mieux administrée, aurait prospéré sans les disettes
qui l'affligèrent en 1674-77, 1686-88, 1695-97 et lui
enlevèrent près du quart de sa population.
Sous Charles XII (1 697-1718), les troupes finlandaises
prirent part à la défense de Riga contre les Saxons d'Au-
guste II, au glorieux débloquement de Narva (1700), à la
victoire de Gemœuerthof près de Mitau (1 704) , mais, pendant
qu'elles occupaient les provinces baltiques, leur pays qui
avait dû tripler son contingent se trouvait presque dégarni ;
les Russes en profitèrent pour s'emparer de Nœteborg
(1702) et deNyen (1703), que Pierre le Grand rasa pour
fonder Saint-Pétersbourg tout près de là. Ils battirent les
Finlandais près du Systerbseck (1703); leur flotte pilla et
brûla Borgâ (1708). Après avoir vainement assiégé Vi-
borg en 1706, ils se rendirent maîtres de ce boulevard de
la Finlande (1710), ainsi que de Vilmanstrand et de Kex-
holm. Un nouveau gouverneur et commandant général, Cari
Nieroth, reçut alorsde pleins pouvoirs : outrel 0,000 hommes
de troupes régulières, il leva 30,000 miliciens et des francs-
tireurs, fit des incursions sur le territoire russe, mais ne
put reprendre Viborg (1711). A sa mort (1712) la Fin-
lande devint la proie des Russes qui en occupèrent les par-
ties centrale et méridionale (171 3) et s'avancèrent jusqu'en
OEsterbotten (Ostrobotnie). Après la victoire de M. Galitzin
sur C.-G. Armfelt à Napo, près de la rivière de Kyrœ (1 9 févr.
1714), ils incendièrent, pillèrent et emmenèrent en captivité
(1716-17) 20,000 habitants, dont une partie furent
vendus aux Persans. Cette* occupation russe, qui dura six
ans, fut une période de misère qui est appelée la grande
perturbation (en finnois ho viha, en suédois Stora Ofre-
den). Les débris de l'armée finlandaise sous Armfelt, qui
depuis 1714 étaient cantonnés dans le Norrland, firent une
pointe dans la Norvège moyenne jusque sous les murs de
Throndhjem (1718). Les souffrances de la Finlande qui
avaient été successivement adoucies grâce à l'humanité du
prince M. Galitzin, commandant général, ne prirent fin que
longtemps après la mort de Charles XII (174 8), lors de la
conclusion au traité de Nystad (30 août 1721) qui enleva
à la grande-principauté une partie des lsens de Viborg et
de Kexholm.
Vingt années de paix (jusqu'en 1741) et le régime par-
lementaire (Frihetstiden, période de liberté) inauguré lors
de l'élection de la plus jeune sœur de Charles XII, Ulrique-
Eléonore (23 juin 1719) et continué sous le règne de son
époux Frédéric de Hesse (24 mars 1720-21 mars 1751)
pansèrent un peu les plaies laissées par vin gt années de guerre
et le despotisme de Charles XII. Les commissions royales
envoyées en Finlande (1725-27 et 1729) réprimèrent les
concussions et travaillèrent à la péréquation des impôts ;
les fermiers de la couronne obtinrent le droit de préemp-
tion pour les terres cultivées par eux (1723) et la faculté
de les prendre à cens en payant trois années de fermage
(1741). La connaissance de la langue finnoise fut, sinon
imposée aux fonctionnaires, du moins regardée comme un
titre de recommandation (1739) ; le code suédois de 1734
fut traduit (1738) et publié en finnois (1759). Le Fin-
landais Arvid Horn dirigea habilement et prudemment
la politique étrangère de la monarchie, mais les Chapeaux
(Hattar) ayant pris le dessus sur les Bonnets (Mœssor), à
la diète de 1738-39, il fut remplacé par le comte G. Gyl-
lenborg qui, de concert avec le comité secret, s'allia avec
la France contre la Russie (1741) et complota avec la
prétendante Elisabeth Petrovna l'éviction du tsar Ivan VI.
Or, dès que le chef de l'armée finlandaise, C.-E. Lewen-
haupt, en marchant sur Saint-Pétersbourg (1 9 nov. 1741),
eut provoqué une révolution dans laquelle Elisabeth fut
proclamée tsarine (25 nov.), celle-ci se tourna contre la
Suède et, dans un manifeste du 18/28 mars 1742, elle
offrit à la Finlande de la reconnaître comme Etat indépen-
dant. Les Karéliens se défendirent vigoureusement contre
les envahisseurs, tandis que les 12,000 hommes de l'ar-
mée active se repliaient sans coup férir jusqu'à Helsingfors
où, cernés parterre et par mer, ils durent capituler le
24 août 1742. Les fonctionnaires, les ecclésiastiques et
beaucoup de bourgeois se réfugièrent en Suède, mais la
grande-principauté eut de nouveau à subir une occupation
qui, ayant été moins longue et moins pénible que la précé-
dente, fut appelée la petite pertubation (Lilla Ofreden) :
le maréchal P. de Lascy et le gouverneur russe J. Keith
ménagèrent les habitants qui avaient dû rendre hommage
à la tsarine. Quelques petits avantages que les Suédois rem-
portèrent en 1743 et surtout le choix du candidat russe,
Adolphe-Frédéric de Holstein, comme héritier présomp-
tif du roi Frédéric, hâtèrent la conclusion de la paix. Par
le traité d'Abo (7 août 1743), la Finlande perdit de nou-
veau une bande de terre située à l'E. du Kymmene et
d'une ligne traversant le Vuokijœrvi et le Saimaa et passant
au N. de Nyslott, mais la tsarine promit de respecter les
lois, les coutumes et la religion des habitants.
Les Chapeaux qui, malgré ces revers, conservèrent le
pouvoir jusqu'à la fin de 1764, s'efforcèrent d'atténuer le
mal causé par leur légèreté et aussi par celle des Ronnets
qui avaient trop négligé les mesures de défense. Le comité
secret et la commission militaire de 1746-47 résolurent
de remplacer les insignifiantes fortifications de 1721-44
par de sérieux travaux qui protégeraient à la fois Helsing-
fors devenu chef-lieu militaire et sa vaste rade, à l'entrée
de laquelle le colonel Augustin Ehrensvserd, assisté de
l'ingénieur Thunberg, créante forteresse de Sveaborg (1747-
50) ; la nouvelle ville de Lovisa (1745) fut également pro-
tégée parla forteresse de Svartholm ; une flottille côtière
fut créée pour opérer conjointement avec les troupes de
terre. D'autre part, la commission économique adopta le
principe d'un échange général entre tous les propriétaires
d'une même paroisse, afin de diminuer le nombre des par-
celles disséminées (1747). L'arpentage de la grande-prin-
cipauté commença en 1747 et la triangulation en 1750. Le
calendrier grégorien fut substitué en 1753 au calendrier
julien, par la suppression des onze derniers jours de février.
La tenue des registres de l'état civil et des tables statis-
tiques paroissiales fut imposée aux pasteurs en 1749. La po-
pulation delà Finlande s'élevait en 1751 à 429,912 âmes.
Les voies fluviales furent améliorées (1757-65) ; des
magasins de céréales établis (1753), en prévision des an-
nées de disette. Mais les fabriques fondées avec des sub-
ventions de l'Etat ne donnèrent que de mauvais produits
FINLANDE
- 506 —
Dœbeln à évacuer les îles cTÂland et le poursuivirent jus-
qu'à Grisslehamn, non loin d'Upsala. Une trêve fut con-
clue le 24 mars, à la suite de la déposition du roi Gus-
tave IV (43 mars 4809). Un autre corps russe, s'avançant
sur la glace à travers le Kvarken (47-21 mars), surprit
J.-A. Cronstedt et occupa Umeâ. La plus grande partie de
l'armée finlandaise, cantonnée à Torneâ et dans les envi-
rons, étant ainsi coupée, son chef H.-H. Gripenberg dut
capituler le 25 mars à Servis sur le territoire suédois.
Aussi, à la paix conclue à Fredrikshamn (17 sept. 4809),
Charles XIII qui avait remplacé son neveu Gustave IV,
dut-il céder au tsar Alexandre Ier toute la Finlande, plus
la rive gauche du fleuve Torneâ qui faisait partie du Ves-
terbotten (Botnie occidentale ou suédoise).
La Finlande était ainsi déliée de ses serments de fidélité
envers une nation qui l'avait traitée en sœur, sur le pied
d'une parfaite égalité, en lui apportant le christianisme et
la civilisation. Quoiqu'elle eût souffert autant et plus que
la Suède pour la défense des intérêts communs, elle lui res-
tait attachée par les liens de la religion, des institutions,
des mœurs et en partie de la langue et de la littérature,
aussi bien que par de glorieux souvenirs. Ce n'est pas sans
douleur qu'elle s'en sépara, mais le suprême efîort qu'elle
venait de s'imposer n'avait pas eu d'autre résultat que de
lui mériter l'estime du vainqueur. Ne pouvant faire plus,
elle se résigna ; aussi bien, la tâche lui fut facilitée par la
magnanimité de son nouveau souverain. Alexandre Ier
s'était annoncé comme un protecteur plutôt que comme un
conquérant et il tint parole. Dès le début, ses généraux
s'efforcèrent d'adoucir la condition des vaincus ; ils les
engagèrent à ne pas émigrer comme pendant les précédentes
occupations ; ils maintinrent les fonctionnaires en place, et
les quatre ordres furent invités à envoyer des délégués
auprès du tsar pour lui exposer les besoins et les vœux du
pays. La députation des trois lsens méridionaux, sous la
présidence du baron C.-E. Mannerheim, ancien ligueur d'An-
jala, s'étant rendue à Saint-Pétersbourg en nov. 4809,
déclara qu'elle ne pouvait remplacer la diétine dont elle
demanda la convocation, ce qui fut accordé. Pendant la
session qui eut lieu à Borgâ du 43 mars au 49 juil., le
tsar reçut l'hommage des Etats (29 mars), après avoir so-
lennellement confirmé les droits et privilèges de la grande-
principauté. La conscription fut abolie ; les charges impo-
sées aux propriétaires pour l'entretien de l'armée, converties
en contributions exclusivement affectées, ainsi que les autres
revenus, aux besoins du pays. Les espèces russes et sué-
doises devaient avoir cours jusqu'à ce que la Finlande eût
sa propre monnaie. Sur la demande des ordres des paysans
et du clergé, le suédois fut maintenu comme langue offi-
cielle. En un mot, la Finlande était « élevée pour l'avenir
au rang des nations », selon l'heureuse expression du tsar.
Pour couronner sa belle œuvre, Alexandre Ier restitua à la
grande-principauté les pays qui lui avaient été enlevés en
1 724 et 4 743 , sans en excepter le lsen de Kexholm qui n'avait
jamais envoyé de députés à la diète suédoise et qui, avec
l'Ingermanland, formait un gouvernement à part ; de sorte
que la Finlande dite ancienne (au point de vue russe) fut,
à partir de 4842, réunie à la partie récemment conquise
ou nouvelle Finlande. La ville de Helsingfors, transfor-
mée par J.-A. Ehrenstrœm et l'architecte G.-L. Engel et
désignée comme capitale dès 4842, le devint effectivement
en 4847 et en outre siège de l'université (4828), après
l'incendie de la ville d'Âbo (4827).
Les principes libéraux qui avaient d'abord animé
Alexandre Ier ayant fait place, dès 4842, à l'esprit de
réaction, la diète ne fut plus convoquée et la censure réta-
blie en 4829, de sorte que les Finlandais ne purent plus
s'occuper de politique dans les dernières années de ce règne
et pendant celui du tsar Nicolas (4825-4855), ce qui fut
loin de nuire aux progrès économique et littéraire. Dans
cette longue période de recueillement une nouvelle cour
d'appel fut créée à Viborg (4839) et un troisième évêché à
Kuopio (4850); quatre villes fondées (Jyvseskylae, 4837;
Saint-Michel, 4838 ; Heinola, 4839, et Joensuu, 4848);
le canal de Saimaa, creusé de 4845 à 4856; un institut
agronomique établi à Mustiala (4836); beaucoup d'écoles
techniques et élémentaires ouvertes ; la situation financière
s'améliora par suite de l'essor que prirent l'agriculture et
le commerce, mais qui fut momentanément ralenti pendant
la guerre de Crimée. Les flottes alliées détruisirent les
fortifications de Svartholm, bombardèrent Sveaborg (9-44
août 4855) et brûlèrent sans profit plusieurs villes et en-
trepôts ; le seul fait d'armes utile fut ole siège de la cita-
delle de Bomarsund dans les îles d'Àland (40-46 août
4854) par les marins de Baraguey d'Hilliers qui la fit
sauter (2 sept.) ; par le traité de Paris (30 mars 4856),
il est interdit de fortifier ce groupe d'îles.
Sous le règne du grand réformateur Alexandre II
(2 mars 4855-43 mars 4884), fut inaugurée (4862) la
première ligne de chemin de fer, celle de Helsingfors à
Tavastehus ; ensuite celles de Riimseki à Saint-Pétersbourg
(4870), d'Âbo-Tavastehus-Tammerfors(4876), de Hangœ-
Hyvinge (4873). Les relations commerciales de la Finlande
avec la Russie furent facilitées par l'ordonnance de 4859 ; la
liberté de l'industrie et du commerce accrue (4859, 4868);
des monnaies spéciales (en markka et penni correspondant
au franc et au centime) frappées pour la grande-principauté
(4860). Mais le couronnement de l'édifice fut la convoca-
tion d'un comité de douze élus de chaque ordre (1864),
bientôt suivie de celle des Etats (4863). C'est le 48 sept,
que la diétine (landtdag) se réunit pour la première fois
après l'assemblée de Borgâ (4809). Depuis, ses sessions ont
eu lieu régulièrement de cinq ans en cinq ans jusqu'en
4882, ensuite tous les trois ans. Parmi les résultats de ses
délibérations ou de ses vœux, on doit citer : l'abolition de
la censure (4865-4867), de la plupart des privilèges de la
noblesse (4864) et du privilège des bouilleurs de cru
(eau-de-vie de grain) ; l'institution de municipalités élues
dans les campagnes (4 865) et la loi municipale pour les
villes (4873) ; l'émancipation de la femme à vingt et vingt-
cinq ans (4864); l'égalité des sexes dans les partages
(4878) et l'exercice des métiers (4879); des facilités pour
la division et le morcellement des domaines (4864); la loi
ecclésiastique de 4869; la séparation de l'Eglise et de
l'école (4869, 4872); l'institution d'un bureau de statis-
tique (4870); la loi maritime (4873); la loi militaire
(4878) qui institua le service obligatoire de 21 à 40 ans
soit dans l'armée active (5,000 hommes en temps de paix),
soit dans la réserve ou la territoriale. Une ordonnance de
4863, tout en maintenant le suédois comme langue offi-
cielle, avait placé le finnois sur le même pied, pour ce qui
concernait la population parlant cette langue, et fixé un
délai de vingt ans pour son emploi dans les tribunaux et
les actes administratifs, ce qui fut réglé ultérieurement
parles lois de 4884 et 4883.
Sous Alexandre III qui règne depuis le 43 mars
4884, les réformes ont continué : les Etats, dont la
constitution remontait aux lois restrictives de Gustave III,
obtinrent en 4885 le droit d'initiative; une loi pénale
très étudiée fut adoptée en 4888 ; la liberté religieuse,
un peu élargie (4888) ; de nombreuses écoles de filles,
ouvertes ; le système métrique adopté (4886); la voie ferrée
de Vasa à Uleâborg achevée en 4886 ; celle de Saint-
Pétersbourg à Kuopio en 4889. Les Finlandais avancent
lentement, mais régulièrement, dans la voie du progrès.
Quoiqu'il leur reste beaucoup à faire pour se rapprocher
de l'idéal, jamais la condition de leur pays n'a été meil-
leure, et la satisfaction serait générale si le parti panslaviste
ne demandait leur assimilation avec le reste de l'empire
dont ils sont séparés par la nationalité, la religion, les
institutions, la langue. Heureusement ils ont pour sauve-
garde l'équité de leur grand-duc qui, à son avènement, a
promis de « maintenir la religion et les lois fondamentales
dont le pays a joui jusqu'alors conformément à sa consti-
tution ».
Littérature. — Quoique les lettres aient été introduites
505 —
FINLANDE
fort chers, et le papier-monnaie, émis avec exagération par
la banque nationale, fut soumis à un fort agio. Cette mau-
vaise situation financière causa la dissolution du parti des
Chapeaux. Les Bonnets, ayant repris le dessus à la diète
de 1765-66, affranchirent la presse et en partie le com-
merce et l'industrie ; mais une excessive économie fit
ajourner bien des améliorations : le numéraire manqua par
suite du retrait des billets excédant le chiffre de l'encaisse
métallique ; les fortifications et la flotte furent négligées,
tandis que l'or de l'étranger dictait les délibérations de la
diète et les résolutions des comités ; aussi l'opinion pu-
blique redevint-elle favorable aux Chapeaux qui eurent la
majorité à la diète de 4769-70. Ce parti, qui avait autre-
fois annulé le pouvoir royal, commença de se rapprocher
d'Adolphe-Frédéric (4751-71) dans les dernières années
de son règne.
Son fils et successeur, Gustave III (1771), put s'appuyer
sur les Chapeaux pour rétablir la prépondérance royale par
un coup d'Etat exécuté aux applaudissements de la popu-
lation (49 août 4772). Les fermiers de la noblesse profi-
tèrent de l'abaissement de cet ordre pour se soustraire
aux corvées et demander la propriété de leurs terres à
charge de cens ; il fallut user de rigueur pour mettre fin à
leurs excès (4779). A la suite d'un voyage en Finlande
(1775), Gustave III créa une seconde cour d'appel, celle
de Vasa (4779), fonda les villes de Heinola et de Tammer-
fors (4779), de Kuopio (4782), de Kaskœ (4785), fit
creuser des canaux, partagea les forêts communales entre
les usagers et le domaine public, donna une vigoureuse
impulsion à la réunion des terres éparpillées, renforça l'ar-
mée en réorganisant la réserve sur le modèle de Yindelta
(4784) et en assurant l'équipement, l'approvisionnement et
la mobilisation de celle-ci. Ces améliorations et ces réformes
n'avaient pas réconcilié l'aristocratie avec le roi qui l'avait
dépouillée de son pouvoir politique. L'un des promoteurs
du coup d'Etat de 4772, le colonel G. Sprengtporten ayant
formé avec des représentants de Catherine II le complot
de séparer la Finlande de la Suède pour la mettre sous le
protectorat de la Russie, Gustave III profita de ce que la
tsarine était en guerre avec la Turquie pour lui demander
(42 juil. 4788) la restitution des provinces enlevées à la
Finlande. Son armée de 32,000 hommes qu'il voulut com-
mander malgré son inexpérience, et sa flotte montée par
42,000 hommes, étaient bien supérieures en nombre aux
forces dont pouvait alors disposer l'ennemi. Néanmoins,
après la bataille de Hogland (47 juil. 4788), la flotte sué-
doise, au lieu d'aller à Saint-Pétersbourg, dut rentrer à
Sveaborg ; la marche par terre était longue et entravée par
l'opposition de beaucoup d'officiers finlandais qui regardaient
la guerre comme inconstitutionnelle, pour avoir été entre-
prise sans le consentement de la diète. Il fallut aban-
donner le siège de Fredrikshamn et rétrograder. Le géné-
ral C.-G. Armfelt et plusieurs colonels campés à Liikala
dépêchèrent à Saint-Pétersbourg (9 août) un de leurs
complices, le major J.-A. Jœgerhorn, pour demander la paix
avec la rétrocession des pays enlevés à la Finlande. Le
traître n'était pas encore de retour avec une réponse néga-
tive que déjà les conjurés réunis au camp à'Anjala, sur
la rive droite du Kymmene, s'étaient ligués (42 août) et
avaient adressé un manifeste au roi pour réclamer une
trêve et la convocation de la diète. Gustave III, pressé de
regagner la Suède pour parer à l'agression du Danemark,
laissa le commandement (27 août) à son frère le duc
Charles de Sœdermanland, avec ordre de garder le retran-
chement de Hœgfors sur le territoire russe à FE. du delta
du Kymmene. Cette position fut néanmoins évacuée (25 sept.)
et peu après le froid mit fin aux opérations militaires.
Cependant le roi qui, par son énergie, avait sauvé la
ville de Gœteborg et conclu une trêve avec le Danemark, fit
arrêter et punir (4789) les conjurés d'Anjalaque l'opinion
publique avait déjà condamnés aussi bien en Finlande qu'en
Suède. La diète de 4789 (26 janv.-28 avr.), où les trois
ordres plébéiens se coalisèrent contre la noblesse, approuva
la conduite du roi, vota les subsides qu'il demanda et lui
conféra des pouvoirs presque absolus, dont il usa pour
pousser vigoureusement les préparatifs d'une nouvelle cam-
pagne. Les Finlandais lui donnèrent un concours empressé ;
l'esprit de l'armée était devenu meilleur ; les troupes du
Savolaks sous Stedingk remportèrent à Porrassalmi (42 juin)
une victoire où fut blessé G. Sprengtporten, qui était au
service de la Russie depuis 4786, et une autre à Par-
kumseki (20 juil.) ; mais le roi, qui avait envahi le terri-
toire russe, fut battu à .Kaipiais (45 juil.) et, la flottille
côtière l'ayant été à Svenksund (24 août), il fallut rétro-
grader à Ô. du Kymmene. En 4790, la brigade du Savo-
laks eut l'avantage à Partakoski (45 et 30 avr.), à Pirtimseki
(45 mai) et Gustave III à Valkiala (29 avr.), à Anjala
(5 mai), mais s'étant imprudemment avancé avec ses flottes
jusque dans le golfe de Viborg, il perdit 5,000 hommes
avec beaucoup de navires, perte qui fut compensée par sa
brillante victoire navale (9 juil.) à Svensksund, où la flottille
côtière des Russes fut presque anéantie. L'honneur étant
sauf, la paix fut conclue à Vcerœlœ (44 août 4790) sur
la base du statu quo ante.
Pendant près de vingt ans de calme la Finlande continua
de se développer aux points de vue intellectuel et matériel.
Mais Gustave IF, qui avait succédé à son père le 29 mars
4792, ayant refusé d'accéder au blocus continental, fut
attaqué par le nouvel allié de Napoléon, Alexandre Ier, qui,
sans déclaration de guerre, fit envahir la Finlande (24 févr.
4 808) sous prétexte de la protéger. Quoique cette éven-
tualité eût été prévue depuis longtemps, le roi tout occupé
du vain projet de conquérir la Norvège, garda en Suède
ses 40,000 nommes de troupes régulières et n'envoya au-
cun renfort dans la grande-principauté. Il se borna à
donner aux généraux l'ordre de jeter de fortes garnisons
à Sveaborg et à Svartholm et de se replier sur l'OEster-
botten avec le reste de leurs forces. L'armée de Finlande,
composée de 49,000 hommes appuyés par 2,000 marins,
était sur un bon pied et animée d'un excellent esprit ; elle
ne recula que pied à pied devant les 24,000 hommes de
Fr.-V. von Buxhœvden ; mais le général en chef, V.-M.
_ Klingspor, avait ordre de battre en retraite. C'est seule-
ment le 48 avr. que le chef d'état-major général, £-/. Ad-
lercreutz, osa prendre l'offensive au passage du Siikajoki,
puis non loin de là à Revolaks (27 avr.). A la suite des
deux avantages qu'il remporta, il se mit à la poursuite des
Russes qui se retirèrent vers le S. à Gamla-Karleby ou
Kokkola. Du côté de l'E., Sandels, après avoir anéanti un
bataillon russe à Pulkkila (2 mai) et fait reprendre Kuo-
pio parC.-V. Malm (42 mai), avait reconquis presque tout
le Savolaks. Sa brigade ayant été renforcée par les paysans
soulevés sous la direction des militaires finlandais, que les
Russes avaient renvoyés dans leurs foyers après les hon-
teuses capitulations de C.-M. Gripenberg à Svartholm
(48 mars) et de l'amiral C.-O. Cronstedt à Sveaborg
(3 mai), il se maintint bravement tout l'été dans la posi-
tion de Toivala et termina honorablement le campagne par
leocombat de Virta (27 oct.). De même les insulaires
d'Âland, appuyés par trois embarcations suédoises,firent pri-
sonniersrtous les Russes qui occupaient l'archipel (mai 4808) .
Les victoires de Dœbeln à Lappo (14 juil.), àKauha-
joki (10 août), d'Adlercreutz et de J.-A. Cronstedt à Alavo
(17 août), avaient permis à Klingspor de s'avancer jusqu'à
Virdois dans la Finlande moyenne ; mais son armée, ne
recevant pas de renforts, dut se retirer vers le Nord pour-
suivie par des forces trois fois plus nombreuses, faillit être
coupée à Jutas où Dœbeln repoussa l'ennemi (13 sept.)
et fut vaincue le lendemain à Oravais près de Nykarleby.
Comme les insignifiantes tentatives de Gustave IV pour
secourir la Finlande avaient presque toutes échoué, Klings-
por dut conclure à Lohteâ (29 sept.) une trêve que son
successeur Klercker renouvelaà Olldjoki (19 nov.), en s'en-
gageant à évacuer toute la Finlande et à se retirer à l'O.
du fleuve Kemi. A la reprise des hostilités en mars 1809,
les Russes, traversant la Baltique sur la glace, forcèrent
— 507 —
FINLANDE
en Finlande lors de Févangélisation, rien n'a été écrit dans
le principal idiome du pays au temps du catholicisme : ce
sont cependant les chants populaires et les traditions anté-
rieures à cette période qui font la base de la littérature
nationale. Ces précieuses reliques, conservées pendant des
siècles par la seule tradition locale, ont été, pour la plupart,
transcrites de nos jours seulement, quoiqu'elles eussent été
déjà remarquées au xvme siècle, notamment par D. Juslenius,
dont la collection est malheureusement perdue. Les princi-
pales ont été groupées par le docteur Lœnnrot dans le Ka-
levala, de manière à former un vrai corps épique; dans la
Kanteletar (fille de la cithare), recueil de poésies détachées,
et dans les collections de Chants mythiques, de Pro-
verbes et d'Enigmes ; et par E. Salmelainen, dans des
recueils de Contes et de Fables. Pendant le catholicisme,
les runoja (poètes), les tietœjœ (voyants, magiciens),
les satuniekka (conteurs) remanièrent les runo du
Kalevala, les formules magiques, les contes, en y
introduisant des idées et des locutions chrétiennes, et
en composèrent dans la même forme non seulement sur
des sujets mythiques et héroïques, mais encore sur des
matières religieuses (comme la Vierge Marie, le Sau-
veur, Madeleine), historiques (comme VEtiêque Henri
et Lalli, KL Kurki et Elina), chevaleresques, idyl-
liques, etc., tandis qu'un moine du couvent de Nâdendal,
Jœns Budde, traduisait du latin en suédois quelques livres
de l'Ancien Testament, des légendes et des ouvrages de
piété, et que d'autreso ecclésiastiques écrivaient une chro-
nique des évêques d'Âbo, des Piœ cantiones, des cartu-
laires, des missels, et d'autres ouvrages qui n'ont rien de
littéraire.
Avec la Réformation commence une période caractérisée
par la prédominance des publications religieuses et que
l'on peut appeler théologique. Elle s'étend jusqu'à l'intro-
duction de l'imprimerie en Finlande (1642). M. Agricola,
plus tard évêque d'Abo, fut le premier qui publia (à Stock-
holm) des ouvrages finnois à partir de 4542. Il eut plu-
sieurs imitateurs : Jasobus Pétri Finno ou Suomalainen;
Paul Juusten, qui écrivit de plus en latin une explication
des Evangiles et une chronique des évêques de Finlande ;
Erik Eriksson Sorolainen, dont le remarquable sermonnaire
(4621, 4625) fut populaire pendant deux siècles; E. Pe-
trseus, M. Stodius, H. Hoffmann et G. Favorinus, dont la
traduction delà Bible (Âbo, 4642) fut réimprimée bien des
fois, notamment à Âbo en 4884. Le fondateur de la prose
finnoise, M. Agricola, fut aussi un novateur en poésie :
dans les pièces de vers qui accompagnent ses ouvrages, il
substitue la rime finale et le nombre des syllabes à l'alli-
tération et au rythme, qui continuaient d'être employés
dans des chansons historiques, comme Jacob-Pontus de la
Gardie, la Destruction de Viborg, le Duc Charles en
Finlande, la Guerre des Gourdins. J. Suomalainen pu-
blia à Stockholm, vers 4580, un Psautier dont il ne reste
pas un seul exemplaire, mais dont Hemming Henriksson
nous a conservé des pièces dans son recueil publié entre
4640 et 4644, auquel il ajoute des psaumes tout à fois
allitérés et rimes. Ce dernier traduisit aussi (4646) les
Piœ cantiones éditées à Greifswald en 4582 par Th.-P.
Rutha. Le finnois commença d'être assoupli au style de
chancellerie sous Gustave Vasa (lettres patentes de 4555,
traduction du code de Christophe de Bavière, par Martin,
pasteur des Finnois à Stockholm) et sous Charles IX (tra-
duction du même code, 4602, et de la loi urbaine, 4609,
par Ljunge Thomas qui, de plus, écrivit en suédois sur la
Guerre des Gourdins) . Cet idiome est placé au nombre clés
principales langues de l'Europe par Erik Schrœder dans
son Dictionnaire latin-suédois-allemand-finnois (Stock-
holm, 4632). D'autres Finlandais écrivirent en suédois ou
en latin, notamment le mémorialiste Kl. -H. Fleming de
Kaskis ; le théologien Marcus H. Helsingius, Johannes Sv.
Raumannus, Th. Florinus, M. -H. Stodius; le prédicateur
Isak B. Rothovius; l'astronome Sigfrid A. Forsius; et les
versificateurs Johannes Sigfridi et J.-C. Rachlitzius ; sans
parler du Suédois J. Messenius qui, pendant sa captivité à
Kajaneborg, composa la première Chronique rimée de la
Finlande jusqu'en 4628.
L'université d'Abo, fondée en 4640, donna une vive im-
pulsion aux études théologiques, scientifiques et littéraires.
Alors s'ouvre une période qui coïncide avec celle de la
prépondérance suédoise dans le Nord et qui finit avec elle au
commencement du xviii9 siècle. La monarchie suédo-baltique
qui, grâce aux victoires de ses armées, s'était élevée au rang
des grandes puissances, faisait également, au point de vue
intellectuel, assez bonne figure dans le concert européen,
et la Finlande y joua un rôle qui n'était pas trop effacé.
Son université rivalisait avec celle d'Upsala qu'elle sur-
passa même à ses débuts. Nous pouvons laisser de côté les
nombreux sermonneurs, moraliseurs et discoureurs, pour
qui tout était matière à dissertations en prose ou en vers,
mais il faut mentionner comme prédicateurs, outre Lau-
rentius Pétri, Th. RajaleniusetA. Hasselqvist, qui se ser-
vaient du finnois, E.-A. Petrseus, I.-B. Rothovius, J.-E.
Terserus, qui était également bon orateur politique et
chronologiste, O.-M. Arenius, S. Reuter, G. Vellenius,
J.-G. et J.-J. Gezélius ; comme exégètes, ces deux der-
niers, ainsi 'que E. Svenonius, P. Bâng, G. Alanus; comme
philosophes, A. Kempe, M. Vexionius, A. Thuronius,
P. Laurbecchius, A. Vanochius. Les sciences historiques
sont représentées par P. Bâng, M. Vexionius, D. Juslenius,
E. Brenner, J. Schmedeman, enfin M. Martiniuset L. Pé-
tri, qui publièrent des chroniques versifiées, l'un en latin,
l'autre en finnois ; la linguistique, par les fennisants E. Pe-
traeus qui publia la première grammaire finnoise (Âbo,
4649; remaniée par M. Martinius, 4689), par H. Flo-
rinus et B-.-G. Whael; par lesuédisant G. Vallenius; par
l'hébraïsant S. Paulinus; par les latinistes J.-G. Gezélius,
D. Achrélius et M. Miltopseus. Les sciences mathématiques
furent cultivées par S. Kexlerus, A. Thuronius, J. Flach-
senius, P. Laurbecchius et L. Tammelin; la physique, par
D. Achrélius ; la médecine et la botanique, par E. Tillandz.
Chronander, E. Kolmodin et P. Carstenius écrivirent des
pièces. de théâtre en suédois; D. Achrélius, T. Rudén,
0. Vexionius et J. Paulinus (Lillienstedt), des poésies dans
la même langue ; ce dernier, également des poésies grecques
et latines; J.-M. Raumannus, M. Salamnius, B. Whael,
E. et J. Cajanus, A. Aschelinus, Z. Lithovius, E. Justander
et G. Tuderus, des poésies finnoises.
Après l'affaiblissement du pouvoir royal (4748), la lit-
térature, en partie émancipée sous le régime parlementaire
(1724-4772), quitta les hautes régions de la théologie et
de la philosophie pour aborder les questions pratiques et
chercher les moyens d'améliorer la situation économique.
Au lieu de profonds traités on ne publia guère que des
ouvrages de piété, surtout en finnois, notamment le remar-
quable sermonnaire de J. Vegelius. Les mathématiques
furent cultivées par N.-G. Schultén et M.-J. Vallenius ;
l'astronomie par N. Hasselbom et A. Planman ; la phy-
sique par J. Gadolin; l'histoire naturelle par J. Broval-
lius, C.-Fr. Meunander, P. Kalm et El. Tillandz ; l'éco-
nomie politique par P. -A. Gad, A. et S. Chydenius,
J. Lèche et J. Kraftman ; la médecine par H.-D. Spce-
ring et J.-J. Haartman ; la philosophie par C. Mesterton.
Un grand nombre d'érudits, comme A. Scarin, J. Archen-
holtz, J. Bilmarck, H. ïïassel, P. Mathesius, laissant de
côté les hypothèses de leurs prédécesseurs, écrivirent d'après
les documents une foule de monographies et d'histoires de
localités. Parmi les linguistes on distingue les orientalistes
H. Brenner etC.-A. Clewberg; les fennisants D. Juslenius,
B.-G. Whael et C.-G. Veman ; le laponisant H. Ganander ;
l'helléniste H. -H. Fattenborg. Il parut beaucoup de chants
historiques et de poésies de circonstance (épithalames, con-
gratulations, thrênodies) ; on ne compte pas moins d'une
soixantaine de poètes finnois, entre autres : G. et G. -G. Ca-
lamnius, H. Lilius, S. et A. Achrenius, J. et A. Froste-
rus, I.-M. Lithovius. Un parent de celui-ci, le capitaine
G. Lithou, fut l'un des meilleurs poètes latins de son pays ;
FINLANDE
- 508
de même que Frese et G.-Ph. Creutz occupent une belle
place dans la littérature suédoise.
Durant la période d'absolutisme tempéré qui suivit les
coups d'Etat de 4772 et 4789 et la séparation d'avec la
Suède (4809), la Finlande se recueillit et, tout en conti-
nuant de s'intéresser plus particulièrement aux connais-
sances pratiques, elle s'étudia elle-même, non seulement
dans le présent, mais encore dans le passé, se préparant
ainsi, d'abord inconsciemment, à vivre de ses propres res-
sources. Dans cette période de transition elle s'occupa
plutôt de ramasser que de mettre en œuvre les matériaux
de tout genre. Outre les organes, d'ailleurs éphémères, de
ses sociétés littéraire (Aurora) et économique, elle eut,
au moins temporairement, des journaux et autres pério-
diques, en suédois à partir de 4774, en finnois à partir de
4776, et même en allemand, à Viborg, à partir de 4823.
La presse non périodique ne chôma pas non plus ; dans le
domaine religieux il faut citer : A. Bjœfkqvist, Jac. et
Joh. Bonsdorff, J. Kraftman, A. Chydenius, E. Frosterus,
C.-H. Strandberg; en philosophie, G.-I. Hartman.et J.-H.
Avellan ; dans la jurisprudence, Calonius, Joh.-Gabr. Bons-
dorff et J.-J. Nordstrœm ; dans les sciences historiques,
les érudits Porthan, J. Bilmark, Jac. et Joh. -Jac. Tengs-
trœm, C.-H. Strandberg, G.-G. Haellstrœm, V.-G. Lagus,
G. Rein, M.-J. et P.-J. Alopaeus, G. Tidgren, A.-G. Hip-
ping, A.-I. Arvidsson; les mémorialistes J.-J. burman,
C.-E. Bladh, G.-J. Holm; le topographe C. -P. Haellstrœm;
les mythographes Ganander et Lencqvist; les démomathes
A. Poppius, Sjœgren, Z. Topelius, E. Lœnnrot; en lin-
guistique, les fennisants R. von Becker, Renvall, Idman,
J. Juteini, Keckman, 0. Kolmodin, Strahlmann, G. Palan-
der, Vikstrœm, Virenius, C.-A. Gottlund et Helenius ; les
slavistes E.-G. Ehrstrœm et G. Geitlin; les hellénistes
J.-J. Tengstrœm et Sjœstrœm ; les latinistes Linsén et J.-F.
Vallenius; les orientalistes G. Gadolin, L.-O. Lefrén,
P. Malmstrœm, I.-U. Vallenius, J.-H. Fattenborg et Sjœs-
tedt. Les sciences mathématiques furent cultivées par
Lexell, J.-H. Lindqvist, M.-J. Vallenius, Mether, Schul-
tén, Ahlstedt, Argelander et Valbeck ; les sciences natu-
relles par Forskâl, Nordmann, Mannerheim, Sahlberg,
Gabr. Bonsdorff, C.-N. Hellenius, Prytz, Bremer, P.-A.
Gadet N.-G. Nordenskiœld ; la physique par G.-G. Hsells-
trœm ; la chimie par J. Gadolin et P.-A. von Bonsdorff ; la
médecine par N.-A. Ursin ; l'économie rurale par C.-G.
Bœcker et P.-J. Bladh. La poésie suédoise est représentée
par Franzén, Chorœus, Sjœstrœm, Ciewberg, Arvidsson
et J.-L. Runeberg à ses débuts ; la prose par Fredrika-L.
Lindqvist. En fait de prose finnoise, il ne parut guère que
des ouvrages de piété ; les principaux poètes dans la même
langue sont : J. J. Juteini , Th. Ragvaldinpoika, Paavo
Korhonen, C.-A. Gottlund, qui fut îe premier à donner des
anthologies (Pieniœ runoja, 4848, 4824, et Vœinœmœi-
set, 4828), A. Poppius, J.-A. Frosterus, Ganander, C.-G.
Weman, H. Achrenius, E. Tuoriniemi, P. Kettunen, P. et
E. Ticklén et CL— J. Kemell, et parmi les chansonniers
J. Zidén, Franzén, H. Vsesenaenen.
Après la fondation de la société de littérature finnoise
(4834) et la publication du premier chef-d'œuvre de Ru-
neberg (Elgskyttarne, 4832), ainsi que des grandes col-
lections des chants lyriques et épiques, formées par Z. To-
pelius (4822-4835) et E. Lœnnrot (Kantele, 4829-34,
Kalevala, 4835, Kanteletar, 4840), commence une
période d'épanouissement pour la plupart des sciences et
des branches de la littérature. La découverte des beaux
chants populaires en dialecte karjalais permit d'enrichir
le vocabulaire et de substituer des formes pleines aux
désinences apocopées de l'idiome hœmselœis qui servait de
fondement à la langue littéraire. D'autre part, la population
suédoise, quoique séparée de ses frères de l'Ouest, conti-
nuait de rivaliser avec eux pour enrichir le domaine intel-
lectuel commun, et les égalait, quand elle ne les surpassait
pas, soit en leur fournissant des savants (N.-A.-E. Nor-
denskiœld et Nordstrœm), des poètes (Franzén, E. von
Qvanten) et l'une de leurs meilleures romancières (Frede-
rika Bremer), soit en conservant dans son sein des écri-
vains comme Runeberg, C.-R. Malmstrœm, Z. Topelius
fils, Stenbaeck, des linguistes comme N.-M. Castrén,
Lœnnrot, Ahlqvist. De son côté, l'élément finnois dont
la langue, grâce aux efforts des fennomanes (Snellman,
Yrjœ Koskinen, Meurman), a été mise sur le pied d'éga-
lité avec le suédois dans l'administration et les tribunaux
(4883) et en partie dans l'enseignement, s'est montré le
digne émule de ceux qui l'avaient initié à la civilisation.
Son idiome a été approprié à tous les styles et ceux qui
s'en servent ne se confinent plus dans quelques spécia-
lités. Désormais tous les genres sont représentés dans la
littérature bilingue de la grande principauté.
Nous avons à citer, parmi les théologiens, J.-Fr. Bergh,
V. Carlsson, O.-J. Colliander, G. Dahlberg, A--Fr. Gran-
felt, Fr.-G. Hedberg, A.-V. Ingman, H.-E. Murén, H. Râ-
bergh, H. Rennqvist, F.-L. Schauman, C.-R. Sederholm et
O.-V. Segersvœrd ; parmi les philosophes, A.-W. Bolin,
Z.-J. Cleve, J.-J.-F. Perander, C. G.-Th. Rein et J.-V.
Snellmann; parmi les esthéticiens, Fr. Cygnseus et C.-G.
Estlander ; parmi les juristes, C.-G. Ehrstrœm, C.-E. Eke~
lund, J.-O. Forsman, A. Grotenfelt, R.-A. Montgomery,
J.-J. Nordstrœm, 3. -F. Palmén, J.-V. Rosenberg, J.-C.
Svanljung et R.-A. Wrede ; parmi les publicistes, E. Bergh,
V.-M. von Born, A.-L. Gripenberg, C.-A.-E. Linder,
L.-H.-S. Mechelin, A. Meurman, Fr. Polén, J.-A. Schau-
man et P. Tikkanen. Dans la pédagogie relevons les noms
de C.-H. Alopœus, U. Cygnseus, J.-G. Geitlin, O.-H.
Gripenberg, Lucina Hagman, A.-G.-J. Hallstén; dans
l'économie rurale et domestique, G. von Alfthan, L. Ar-
nell, H. Deutsch, A.-V. Liljenstrand, Fr. von Radloff,
P.-E. OEstring ; dans la technologie, A. -F. Soldan; G.-R.
Ehrnroth et C. Sjœros ont écrit sur l'art militaire . Les
sciences historiques ont été cultivées par C.-A. Alcenius,
M. Akiander, Hj. Appelgren, E. Bergroth, C.-A. Bomans-
son, C. von Bonsdorff, C.-A. et R. Castrén, V. Carlsson,
C.-M. Creutz, J.-R. Danielsson, S. -G. Elmgren, F.-J.
Ekman, A.-J. Europgeus, J.-G. Frosterus, H. Gebhard,
G. Granfelt, J.-E.-A. Grœnblad, R.-Th. Hausen, G.-Fr.
Helsingius, A.-J. Hornborg, F. von Knorring, J.-M. Ka-
jaani, Yrjœ Koskinen, V.-G. et J.-J. Lagus, C.-J. Leinberg,
A. Lindman, G.-A. Montgomery, À. Neovius, E. Palmén,
J.-O.— I. Rancken, G. Rein, H. -A. Reinholm, R.-A. Ren-
vall, J.-M. Salenius, M.-G. Schybergsson, A.-H. Snell-
man, C.-C. Tigerstedt, J.-E. Vaaranen; la statistique, la
géographie et la cartographie par G. von Alfthan, C.-V.
Gyldén, A.-V. Eklund, O.-J. Hagelstam, C.-E.-F. Ignatius,
I.-J. Inberg, A. -A. Jgernefelt, Tilén, M. Weckstrœm et
H. -H. Waechter. N'oublions pas les voyageurs : iV.-E.
Ahlqvist, T.-G. Aminoff, M.-A. Castrén, Â.-V. Ervast,
P. Kurvinen, N.-A.-E. Nordenskiœld, D. Skogman et
Y.-A. Wallin; ni les mémorialistes: C.-A. Brakel, J.-E.
von Schantz, Sarah-E. Wacklin ; non plus que les bio-
graphes : F.-J. Rabbe, J.-F. Sacklén, G.-A. Spâre, C.-H.
Strandberg, sans parler des auteurs du recueil, malheureu-
sement inachevé, de Finlands minnesvœrde mcen (Hel-
singfors, 1853-4857, 2 vol. in-8) et d'une trentaine de
collaborateurs de l'excellent Biograflnen nimikirja(ià.,
I 879-4 889, in-8). Mentionnons aussi les bibliographes F.-V.
Pipping et V. Vasenius, ainsi que les généalogistes et hé-
raldistes, E.-R. Alcenius, T. Carpelan, G.-A. Cajanus,
E.-T. von Knorring, H. af Schultén, J.-F.-O. Vasastjerna
et J.-P. Winther.
La démomathie, représentée par C. Collan, A.-O. Freu-
denthal, A.-O. Heikel, J.-V. Murman, E.vRudbeck (Salme-
lainen), M. Varonen, touche de près à la linguistique qui
l'est par nombre de philologues, grammairiens et lexico-
graphes dans le domaine ougro-finnois : A.-E.Ahlqvist, F.-F.
Ahlman, M. Akiander, A.-Fr. Almberg, T.-G. Aminoff,
G.-A. Avellan, O.-A.-F. Blomstedt, A. Borenius, C.-G.
Borg, M.-A. Castrén, F. Collan, A.-G. Corander, 0. Don-
ner, E.-G. Eurén, D.-E.-D. Europseus, A. Genetz, B.-F.
— o09 —
FINLANDE
Godenhjelm, R. Hertzberg, A.-Y. Jahnsson, A. -H. Kallio,
A.-H.-A. Kellgren, Y. Koskinen, J.-L.-F. Krohn, J.-A.
Lindstrœm, E. Lœnnrot, A. Meurman, V. Porkka, F.-Y.
Rothsten, Y.-S. Schildt (Kilpinen), E.-N. Setolse; par le
suédisantA.-O.Freudenthal; par le romaniste et germaniste
W. Sœderhjelm ; par les latinistes E.-J.-Y. af Brimer et
C.-R. Forsman; par les hellénistes J.-Y. Calamnius, G. Can-
nelin et C. Forsman; par les orientalistes C.-Fr.Enebergj,
G. Geitlin, A.-H.-A. Kellgren, J.-J.-V. Lagus, L. Stem,
et Y.-A. Wallin; enfin par le missionnaireo P . Kurvinen
qui a écrit sur l'Ovambo. A Helsingfors, à Àbo, à Yiborg
et dans plusieurs autres villes, on joue non seulement des
traductions et des imitations, mais encore de nombreuses
pièces originales en suédois et en finnois écrites par C.-J.
Bergbom, qui fonda le premier théâtre finnois dans la capi-
tale en 4872, par Fr. Berndtson, Minna Canth, P. Hanni-
kainen, E.-F. Jahnsson. R. Kiljander, A. Kivi, M. Kurikka,
J.-F. Lagervall, Y.-G. Lagus, A.-Th. Lindh, C.-R. Malm-
strœm, E.-F. Nervander, Hedvig et G. -A. von Numers,
A.-O. Roos, Daniel Sten (Ina Lange), Z. Topelius, A. Va-
relius, C.-F. Wahlberg et J.-J. Wecksell. Les principaux
poètes en langue suédoise sont, avec l'illustre Runeberg,
R. Hertzberg, J.-G. Leisteinius, A.-Th. Lindh, C.-R.
Malmstrœm, J.-J. Nervander, Yilhelmina Nordstrœm,
E. von Qvanten, J. Reuter, J.-H. Roos, L.-J. Stenbseck,
C.-A. Tavaststjerna, G.-Y. Tœrnegren, enfin Z. Topelius
qui est également un prosateur distingué, autour duquel
on peut grouper divers romanciers, nouvellistes et con-
teurs : H. von Becker, Anna Dammert, Alexandra Gripen-
berg, A.-G. Ingelius, H. von Numers, N.-H. Pinello,
E.-O. Reuter et Frederika Runeberg. Parmi les poètes fin-
nois on distingue : A.-E. Ahlqvist (Oksanen), P,-E.
Cajander, J.-H. Erkko, J.-F. Granlund, E.-A. Ingman,
A. Jsennes, Sahan Kalle, S.-J. Kallio (Bergh), C.-M. Kil-
jander, A. Kivi (Stenvall), 0. Kymaelseinen, C. Kramsu,
P. et 0. Lyytinen, P. Makkonen, P. Mansikka, G. Pat-
turi, A.Poppius, A. Puhakka, A. Rahkonen, C.-A. Slœœr,
U. von Schrove, C.-G.-S: Suomalainen, Suonio (J.-L.-Fr.
Krohn), A. Tuokko (Tœrneroos), 0. Yuorinen, et jusqu'à
un ancien serf de l'Ingermanland, J. Rseikkonen. Les ro-
manciers et nouvellistes en finnois sont également nom-
breux: N. Aejmelaeus, J.Aho(Brokfeldt), J.-A. Bergman,
Minna Canth, Th. Friman, Tyko Hagman, Sofia-Th.
Hahnsson, E.-F. Jahnsson, Kauppis-Heikki, Minna Krohn,
T. Pakkala, P. Pseivserinta, J. Reijonen et Y. Soini.
Les sciences ne manquent pas d'adeptes ; pour les mathé-
matiques on peut citer : J.-E. Bergroth, A.-E. et E.-J.-V.
Bonsdorff, J.-H. Eklœf, L. Lindelœf, E. Neovius, N.-G.af
Schultén et C.-G. Tavaststjerna; pour l'astronomie, J.-A.-
H. Gyldén ; pour la météorologie, A. Moberget J.-J. Ner-
vander ; pour la physique, J.-C.-E. Chydenius et C.-S.
Lemstrœm ; pour la chimie, A.-E. Arppe et A. Moberg ;
pour la géologie et la minéralogie, H.-J. Holmberg, N.-Â.-
E, Nordenskiœld et F.-J. Wiik; pour la botanique, O.-A.
Alcenius, N. et J. Fellman, le mycologiste P.-A. Karsten,
S.-O. Lindberg, A.-J. Mêla, J.-P. Norrlin, Y. et Fr.Ny-
lander, O.-M. Reuter, A.-Th. Saeian et E.-A. Yainio ;
pour la sylviculture , A.-G. Blomqvist ; pour la zoo-
logie, E.-J. Bonsdorff, A. von Nordman, l'ichtyologue
A.-J. Malmgren, J.-A. Palmén, et l'ornithologue M. von
Wright ; pour la vénerie, J.-J. Maexmontan ; pour l'ento-
mologie, Fr. Y. Mseklin, J.-H. Sahlberg et J.-M.-J. af
Tengstrœm ; pour la physiologie, C.-G. Hsellsten et. R. Ti-
gerstedt ; pour la médecine, G. -A. Asp, l'oculiste Fr.-J.
von Becker, G.-S. Crusell, J.-A. Estlander, C.-V. Fon-
tell, C.-D. von Haartman, O.-E.-A. Hjelt, I.Ilmoni,C.-K.
Relander et G. Smirnoff, enfin les gynécologistes Pipping-
skœld, Fr. Saltzman et K.-S. Sirelius ; pour la pharmaco-
logie, J. Julin et E.-E. Sundvik. Quoique cette brève énu-
mération ait surtout pour but d'indiquer les noms sous les-
quels on trouvera de plus amples détails, elle donne aussi
une idée du développement que les sciences et les lettres
ont pris en Finlande dans le cours des siècles, mais surtout
pendant les deux dernières générations ; ces progrès si
rapides depuis un demi-siècle font bien augurer des des-
tinées d'une nation qui, à peine devenue autonome, a su
non seulement se suffire, mais encore fournir aux pays
voisins un notable contingent d'hommes distingués en
divers genres.
Beaux- Art s. — Importés en Finlande avec le catholi-
cisme, ils furent pendant toute sa durée au service de
l'Eglise ; celle-ci fut alors dotée d'un plus grand nombre
d'édifices en pierre que dans les périodes suivantes. Outre
la cathédrale d'Âbo élevée au xme siècle, on peut citer les
églises de Nousis, de Rsentœmseki, Hattula, Mynsemaeki ;
celles de Saltvik, Finstrœm et Hammarland dans le groupe
d'Aland; les moutiers de Nâdendal et de Raumo. Quoique
l'on ne connaisse le nom d'aucun de leurs architectes, on
peut conjecturer que quelques-uns étaient du pays, puisque
vers 1500 le moine finlandais Joseph bâtit plusieurs églises
en Suède dans le Medelpad. En fait de peintures de cette
période, on ne connaît guère que des restes de verrières,
sans doute exotiques, dans les églises de Nauvo, de Reso,
de Yehmo ; de belles peintures sur bois ornant les retables
d'Urdiala et de Nykyrko ; des détrempes, barbares à Nou-
sis, naïves à Tœfsala, plus artistiques à Nykyrko (où elles
sont dues àPetrus Henriksson en 4470), à Hattula, Raumo,
Lohja, Pargas ; en fait de sculptures sur bois, que les re-
tables de Kumlinge, Urdiala, Lemland, Vehmo, Nâdendal,
Houtsker, Yânâ. La vierge de Korpoest également en bois;
la châsse de Saint-Henri, à Nousis, est revêtue de plaques
de bronze, gravées et ornées de la figure du saint et de
scènes de sa vie, le tout probablement exécuté en Flandre,
comme le curieux calice d'argent de Sifridus, dans la cathé-
drale de Borgâ, dut l'être en Allemagne. En résumé, l'art
n'eut rien de national en Finlande pendant les trois der-
niers siècles du moyen âge.
Les trois autres siècles de la domination suédoise dans
la grande-principauté furent bien loin d'être favorables à
l'architecture : on ne bâtit que de rares églises, la plupart
en bois et sans style ; les forteresses construites par des ingé-
nieurs étrangers, et les châteaux des seigneurs, n'en avaient
pas non plus, et les seuls édifices remarquables sont : le palais
de justice à Vasa (1776), l'église de Tavastehus (1798) et
l'académie d'Âbo (1802-1817). Au xvme siècle, les encou-
ragements que la sculpture ne trouvait plus dans le zèle
religieux, lui vinrent de la vanité des familles : de magni-
fiques tombeaux ou cénotaphes, du style de la Renaissance,
en marbre ou en grès, remplaçant dans les églises les sta-
tues des saints, perpétuèrent la mémoire de grands per-
sonnages, surtout de héros de la guerre de Trente ans. On
remarque particulièrement ceux d'Âke Tott et de Sigrid
Bielke par F. Schultz, de la reine Catherine Mânsdotter,
d'Evert Horn et de Marguerite Fincke, de Torsten Stâl-
handske et de Catherine Horn dans la cathédrale d'Âbo ;
celui de Henri Fleming et de Hebba Bâât à Mynœmseki ; les
hauts-reliefs représentant Arvid Stâlarm et Elina Fleming
à Tenhola. Parmi les sculptures en bois, on cite la chaire à
prêcher de l'église de Brahe exécutée par M. Balt, venu de
France; celle de Yillnses, probablement aussi d'origine
française. Au xviii6 siècle, deux sculpteurs finlandais se
firent un nom : G. Serlachius (f 1738) et J.-J. von Bi-
lang (1739-1808). Beaucoup plus nombreux furent les
peintres, soit indigènes pour la plupart, soit étrangers mais
établis en Finlande ; au xvie siècle, Henrik etSigfrid, atta-
chés à la cour du duc Jean ; au xvir9 siècle, P. Langh,
H. Speitz, J. Lang, A. Myyra, J. Krœger, Isak et Elias.
Brenner qui se distingua comme miniaturiste et graveur à
Stockholm, les portraitistes allemands D. Mœller et A. Ulich ;
au xvme siècle, J.-Y. Geitel, C. Lang, J. Bergman, G. Lu-
cander, Marguerite Capsius, I). Pasch, J. Stâhlbom,L.Gal-
lenius, I. Wacklin, E. Westzynthius , N. Schillmarck,
E. Granberg, M. Toppelius. La plupart de leurs œuvres
sont soit des retables ou des peintures murales d'un carac-
tère religieux, soit des tableaux votifs où tous les membres
d'une famille, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre,
FINLANDE
— 510 -
sont agenouillés devant un crucifix. Il y a parfois dans ces
groupes des portraits d'une véritable valeur artistique ou
historique.
Dans la période contemporaine qui commence en 1809
avec l'autonomie de la Finlande, l'architecture prit un essor
inouï par suite des embellissements de Helsingfors. A la
vérité, c'est à un architecte berlinois, C.-L, Engel et à ses
élèves, A. -F. Granstedtet C-A. Engel, que l'on doit les
plus beaux édifices de la nouvelle capitale, et si plusieurs
Suédois, G.-T.-P. Chiewitz, C.-A. Setterberg etMelander,
marchèrent sur ses traces, il a aussi trouvé des émules
chez les Finlandais A.-H. Dalstrœm, F.-A. Sjœstrœm,
A.-Th. Decker, C.-Th. Hœijer et J.-J. Ahrenberg. En sculp-
ture, c'est un Finlandais, E. Cainberg, qui ouvre la période
en traitant des sujets nationaux. Il fut même le premier
qui en emprunta au Kalevala, mais un demi-siècle s'écoula
avant qu'il trouvât un imitateur dans le Suédois C.-E. Sjœs-
trand. Celui-ci s'établit à Helsingfors en 1863, comme
maître à l'école de l'Union artistique. Il eut le mérite de
former des élèves distingués comme W. M. Runeberg et
J. Takkanen, qui, d'ailleurs, complétèrent leurs études à
l'étranger, de même que J.-E. Steenberg, R. Stigell,
V. Wallgren et E.-E.Wikstrœm. Si, dansles deux branches
de l'art que l'on vient de passer en revue, la Finlande a
été tributaire de l'étranger, elle cessa de l'être pour la
peinture et pendant cette période elle fournit même à la
Suède plus d'artistes qu'elle n'en reçut. Aux Suédois J.-E.
Hedberg, E. Thelning, E.-V. Lemoine, C.-P. Mazér, C.-J.
Fahlcrantz, J.-Z. Blackstadius, M. Larsson, J.-E. Lindh,
qui travaillèrent, au moins quelque temps, dans la grande-
principauté, celle-ci peut opposer nombre de peintres, gra-
veurs et dessinateurs finlandais qui, attirés à Stockholm par
l'Académie des beaux-arts, s'établirent en Suède : A. Lau-
rseus, U. et Thora Thersner, V.-M. Carpelan, J.-P.Lefrén,
C.-G. Lundgren, J.-H. Strœmer, A. Hârd, Y. von Wright,
G.-V. Finnberg et Mathilde Rothkirch. Parmi les enfants
du pays qui y passèrent la plus grande partie de leur vie,
ou qui tout au moins y sont retournés, on peut citer :
A.-F. Ahlstedt, A. vonBecker, G.-F. Berndtson,MUeF.-M.
Churberg, R.-V. Ekman, S. Elmgren, S.-G. Falkman,
B.-A. Godenhjelm, S. -A. Keinsenen, O.-C. Kleineh, E.-.A
Liljelund, E.-J. Lœfgren, M. -H. Munsterhjelm, E. Muukka,
Mme Sâltin, née Frosterus, Mlle A.-E. Soldan, Mme von
Schantz, née Gyldén, T.-A. Vsenerberg, V.-A. Wester-
holm, F. Weurlander, les frères M. et F. von Wright.
Mais bientôt les artistes finlandais prirent l'habitude de se
fixer loin du Nord, sinon pour toujours, du moins pour
longtemps, dans des villes où ils trouvaient plus de res-
sources, les uns à Diisseldorf , d'autres à Dresde, à Munich,
à Florence ou à Rome, un grand nombre à Paris. Tels
sont : Mlles U.-V. Âberg et E. Blomqvist, Mme de Cock,
née J.-E. Stigzelius, E. Danielson, A.-G.-A. Edelfelt,
C.-E. Ekman, H. Frosterius, A.-V. Gallén, W.-G. Holm-
berg, E.-N. Jsernfelt, C.-E. et Mlle E.-G. Jansson, B.-A.
Lindholm, Mlles H.-A. Lundahl et V. Nordensvan, H.-S.
Schjerfbeck, V. Svertschkoff, A. Uotila et M.-K. Viik.
N'ayant pas encore d'académie ni même d'écoles complètes
des beaux-arts, ils ont presque tous étudié à l'étranger,
mais les récompenses obtenues par beaucoup d'entre eux
dans les expositions même universelles, indiquent que ces
disciples d'hier deviennent maîtres à leur tour.
Nous n'avons plus qu'à dire quelques mots de la musique.
Quoique la Finlande ait eu de temps immémorial des mélo-
dies populaires ; quoique le chant y ait été enseigné dans
les écoles dès le xvne siècle et que les principales églises
aient eu dès lors des organistes ; quoiqu'une société musi-
cale ait été fondée àÀbo en 1790, les compositeurs n'y
ont trouvé que tardivement un terrain favorable ; le pre-
mier enfant du pays qui se soit fait un nom, B. Crusell,
dut s'expatrier en 1801, et la place qu'il laissait vide ne
fut occupée que longtemps après (1835) par leHambour-
geois Fr. Pacius, qui fit jouer deux opéras à Helsingfors
(la Chasse du roi Charles, 1852, et la Princesse de
Chypre, 1860, paroles de Z. Topelius). Peu après, le
HolsteinoisC. Grève s'établit à Âbo (1 842) et mit en musique
des opéras de Pinello et de Berndtson ; enfin le Dantzigois,
R.-F. Faltin, après avoir enseigné à Viborg (1856), passa
à Helsingfors comme chef d'orchestre au théâtre suédois
(1869) et publia un recueil de chants religieux et des mor-
ceaux pour piano. A côté d'eux s'exerçaient des maîtres
indigènes (F.-A. Ehrstrœm, A.-E. Hagfors, R.-Th. Lagi,
A.-A. Nordlund) et bientôt il y eut toute une pépinière de
compositeurs finlandais (C. Collan, gendre de Pacius,
D. Hahl, A.-G. Ingelius, R. Kajanus, K.-J. Moring,F.-J.
von Schantz, F. -A. -T. Tavaststjerna et M. Wegelius), qui
transcrivirent et arrangèrent les anciennes mélodies ou
mirent en musique les psaumes, les librettos, les cantates,
les couplets des poètes contemporains ; de sorte que, sur
la scène musicale où ils ont débuté si récemment, les Fin-
landais ne sont pas de simples comparses ou tout au plus
des exécutants, mais ils figurent non sans originalité à
côté des maestros étrangers. Beauvois.
Bibl. : Archéologie.— Suomen muinaismuisto-yhtiœn
aikakauskirja; Helsingfors, 1874-1891, 1-XII, gr.in-8, avec
bibliogr. archéol. en append. aux t. Il, IV, VIII, IX. —
J.-R. Aspelin, Suomaiais-ugrilaisen muinaistutkinon
alkeita; ibicL, 1875, in-8.— Du même, Muinais-jsesennœksia
Suomen suvun asumusaloilta. Antiquités du nord finno-
ougrien; ibid., 1877-84, 5fasc. in-4, avec bibl. archéol. en
append. aux fasc. III, IV et V.— Du môme, Suomen asuk-
haat, pakanuuden aihana ; ibid., 1885, in-12. — Du même,
la Rosomonorum gens et le Ruotsi; ibid., 1884, in-8.— El.
Brenner, Gamble monumenter i Finnland, 1671-72, dans
Otava de C.-A. Gottlund ; Stockholm, 1828, t. I, in-8. —
H.-J. Holmberg, Finska fornlemningar (fig. d'objets des
âges de pierre et de bronze), dans Bidrag till Finlands
naturkœnnedom, fasc. IX; Helsingfors, 1863, in-8. — No-
tices de A. Heikel et de K. Killinen, dans le même re-
cueil, fasc. XXIX et XXXIII. -^ Le Suomi contient surtout
dans salr« série, Helsingfors, 1841-1860. 20 vol. in-8,etdans
la 2a, ibid., 1863-1887, 20 vol., des not. archéol. notamment
par J.-R. Aspelin, 2a sér., t. IX et XV ; par Bomansson,
lro sér., t. XVIII; par J.-W. Calamnius, 28 sér., t. VII;
par A. Hjelt, 2e sér., t. XV ; par K. H^ellsten, 2e sér.,
t. XV; par A.-L. Nyman, 2° sér., t. XV; par D. Skogman,
2« sér., t. II.
Mythologie.— Kalevala (Voy.) et Suomen hansan mui-
naiszatoitewnmoja, avecintrod.d'El.Lœnnrot; Helsingfors,
1880, pet. in-4. — M. Agricola, en tête de satrad. du Nouv.
Testament ; Abo, 1551. — G. Arctopolitanus, De Ori-
gine ac religione Fennorum ; Upsala, 1728, in-4. — G. Ma-
xenius, De Effectibus fascino-naturalibus ; Abo, 1733, in-4.
— H. -G. Porthan, De Poesi fennica ; Abo, 1766-78, et, dans
le t. III de ses Opéra selecta ; Helsingfors, 1867, in-8. —
Chr.-E. Lencqvist, DeSuperstitione veterum Fennorum;
Abo, 1782, et dans le t. IV des Op. selecta de Porthan,
1870. — Chr. Th. Ganander, Mythologia fennica ; Abo,
1789, in-4, et 1822 ; trad. en allemand par Chr.-F. Peters-
son ; Revel, 1821, in-8. — L. Fahlander, Mythicarum
apud gentem Fennicam traditionum momenta ; Upsala,
1829, in-4. — E. Lœnnrot, Om Finnarnes magiska medi-
cin ; Helsingfors, 1832 (édit. augm. dans Finska Lœkare-
smllskapets handlingar ; ibid., 1842, in-8). — G. Rein, De
Sacerdotibus ethnicis veterum Fennorum ; ibid., 1844. —
J.-H. -T. Fibiger, Omrids af den finske Hedentro (compa-
rée à la mythol. Scandinave), dans le Progr. de Vécole de
Haderslev, 1853. — M. A. Castrén, Fœrelsesningar i
finsh mythologi, formant le t. III de ses Nordiska resor
och forskningar ; ibid., 1853, in-8. — Beauvois, la Magie
chez les anciens Finnois, dans Revue de Vhist. des reli-
gions; Paris, 1881, t. III; 1882, t. V et VI. — Mém. par
G. Rein, E. Salmelainen et J.-V. Murman, dans Suomi,
1™ sér., t. IV, 1844 ; t. XII, 1852, et t. XIV, 1854. — Autres
ouvr. et mém., cités dans Suomen muinaismuisto-yhticen
aikakauskirja, 1882-83, t. V et VI.
Histoire. — H.-G. Porthan, Sylloge monumentorum
ad illustrandam historiam fennicam nerttnentium; Ah o,
1802-4, in-4. — A.-I. Arvidsson,, Handlingar till upplys-
ning af Finlands hœfder; jStockholm, 1846-58, 10 vol. in-8.
— J.-E.-A. Grœnblad, Nya kœllor tilt Finlands medeltids-
historia; Copenhague,1857, I (seul paru), in-8.— Du même,
Urkunder upply sande Finlands œden och tillstand i slutet
afXVI clc ochbœrjanaf XVII dc arhundradet; Helsingfors,
1843-56, 4 vol. in-8.— J.-E. Vaaranen, Samling af urkun-
der rœrande Finlands historia; ibid., 1863-78, 5 vol. in-8. —
R. Hausen, Bidrag till Finlands historia ; ibid., 1881-83,
t, I. — G.-Z. Forsman (Yrjœ Koskinen), Handlingar till
upplysning af Finlands œden under det stora nordiska
kriget; ibicU 1865, in-8.— Historiallinen arkisto ; ibid., 1866-
1891, t.I-XI, in-8. — H.-G. Porthan, Opéra selecta; ibid.,
1859-73,, 5 vol. in-8.— Y. Koskinen, Tiedot Suomen suvun
muinaisuudesta ; ibid., 1860, in-8.— M. Akiander, Utdrag
ur ryska annaler, dans Suomi, 1848, lre sér., t. VIII, —
J.-J. Tengstrœm, Nagra blad ur Finlands hœfder fœre
— 511 —
FINLANDE — FINLAY
K. Gustaf Is regerinstid, dans Suomi, 1853, t. XIII. —
J. Koskinen, Nuijasota; ibid., 1857-59, 2vol.in-8; 2e édit.
1877; trad. en suédois, 1864-65. — K.-R. Melander, Ku-
vaus Suomen oloista vuosina 1611463b, 1887, I, ibid. —
K.-O. Lindeqvist, Suomen oloista Ison vihan aikana ;
ibid., 1886. — M.-G. Schybergsson, Bidrag till Finlands
inre historia, 1721-1731, id. 1875. — J.-R. Danielsson, Die
nordische Frage, 4746-54; ibid., 1888.— Du même, Finlands
Vereinigung mit dem Russsichen Reiche ; ibid., 1892, in-8.
— R. Castrèn, Skildringar ur Finlands nyare historia;
ibid. 1881-82. — Fr. Rûhs, Finlandund seine Bewohner ;
Leipzig, 1809, in-8 ; trad. suédoise, par A. -A. Arvidsson ;
Stockholm, 1811-13, remaniée et augm., id. 1827. — J.-Fr.
Kajaani, Suomen historia, I (moyen âge) ; Helsingfors,
1846, in-8. — Y. Koskinen, Oppikirja Suomen hansan his~
toriassa, ibid., 1869-73; trad. en suédois, ibid., 1874; en alle-
mand ; Leipzig, 1874; 2° édit. finn., 1881-82.— G. Rein,
Fœreldesningar œfver Finlands historia ; Helsingfors,
1870-71, 2 vol. in-8. — J. Krohn, Kertomuksia Suomen his-
toriasta; Tavastehus et Tammerfors, 1869-1879, 4 vol. in-8
(jusqu'à l'abdication de Christine).— Du môme, Suomen his-
toria; Helsinfors, 1890, 1 (règne de Charles X).— M'.-G. Schy-
bergsson, Finlands historia; ibid., 1887-89, 2 vol. in-8.—
E. Bergh, V ara styrelse och vàra landtdagar; ibid., 1889,
2 vol. — Du même, Finlands statsrœltsliga ulveckling
efter 1808; ibid., 1889. — Mechelin, Droit public du
Gr. -Duché de Finlande; 1886, 2e éd. ibid. — A. Meurman,
la Finlande, 1890, ibid. — Jac. Tengstrœm, Handlingar
till upjplysning i Finlands kyrkohisloria ; Abo, 1821-32,
9 fasc, in-4. — Du même, Samling af Domcapitlets circular-
bref 156^-1100; Abo, 1836. — G.-G. H^llstrœm, Utdrag
ur domkapitlets i Abo circulœrbref ifran àr 1 100; Abo,
1824, in-4. — V.-G. Lagus, Handlingar till upplysning i
Finlands kyrkohistoria ; Helsingfors, 1836-39, 4 vol. in-8.
— Du même, Handlingar ochuppsatserrœrande Finlands
kyrkohistoria ;~H.q\s., 1845-50,5 vol. — J.-A.CEDERBERG,Ha7i-
dlingar till belysandô af finska kirkans œden ; Abo, 1890.
— Jac. Tengstrœm, Afhandling om presterliga ijensigœ-
ringen ochaflœningeni Abo erkestift; Abo, 1820-22, 3 vol.
in-4. — Du même, Herdaminne fran forna Wiborgs och
nuvarande Borga stift; Helsingfors, 1868-69, 3 vol.— C.-H.
Strandberg, Abo stif'ts herdaminne; Abo, 1832-34, 2 vol.
in-4. — M. Akiander, Historiska upplysningar om de
religiœsa rœrelserna i Finland ; ibid., 1857-63, 7 vol. in-8.—
G.-F. Helsingius, Fœrsœk till framstœllning of Finlands
kyrkohistoria (inachevé) ; Tavastehus, 1855. — E. Berg-
roth, Finska kyrkans historia; Helsingfors, 1891-92,
4 vol.; aussi en finnois. — J.-S. Pajula, Suomen kirkon
tilasta litu?*gisen riidan aikoina; Tavastehus, 1891. —
K. Henning, Om de religiœsa rœrelserna i Sverige och
Finland efter 1830 ; Stockholm, 1891. — K.-J. Leinberg,
De Finska Klostrens historia; Helsingfors, 1890. — Du
même, Handlingar rœrande finska skolvœsendets histo-
ria; Jyvœskylœ, 1883-89, 3 vol. — E. Lagus, Studier iden
Klassiska sp'ràkundervisningens historié i Finland ; Hel-
singfors, 1890, gr. in-8 (avecbibliogr. de Fhist. des écoles). —
I. Ilmoni, Bidrag till Nordens sjukdomshistoria ; ibid. ,1846-
53, 3 vol. in-8. — O.-E.-A. E.jei.t, Svenska och finska medi-
cinalverkels historia, 1663-1812; ibid., 1891, 1. 1.— Rancken,
DeLitteris historicis Fennorum; ibid., 1851.— Autres ouvr.
cités dans Bibl. hist. sveo-gothica de Warmholtz, dans
Suomi, 1841-43 (l'historiogr. en Finlande, par G. Rein) et
1844 (Extr.despartiesined.de la Bibl. suio-gothica deA.-A.
von Stiernman).
Littérature. — Pipping, Fœrteckning œfver i tryck
utgifna skrifler pâ finska ; Helsingfors, 1856-57, in-4. —
S. -G. Elmgren, Œfversigt af Finlands litteratur, 1542-
1863; ibid., 1861-63, 2 fasc. in-8.— V. Vasenius, Suomalai-
neaKirjallisuus, 1544-1885; ibid., 1878-1887, 3 vol. in-g. —
Svensha Litteratur sœllskapets i Finland fœr handlingar;
ibid., 1885-1890, t. I-V, in-8.— V.-G. Lagus, fils, Den Finsk-
svenska Lîtteraturens utveckling ; Borga et Abo, 1866-67,
2 fasc. in-8. — Du même, Finlands tillfsellighetspoesi
under Frihetstiden, 1867. —V. Vasenius, Lœrobok iSve-
rig es och Finlands literatur- historia; Helsingfors, 1886,
in-8. — B.-F. Godenhjelm, Oppikirja suomalaisen kirjal-
lïsuuden historiassa ; ibid., 1887, in-18. — Ph. Schweitzer,
Lyykaiinen silmœys Suomen Kirjallisuus ja taide-histo-
riaan; ibiû.,1889. — A.-E. Ahlqvist, Bidrag till finska
sprakforskningene historia fœrePorthan ; ibid., 1854, in-8.—
E. Rudbeck, Om Fiunarnes folkdikt i obunden berœt-
tande form; ibid., 1857, in-18.— J.-L.-Fr. Krohn, Suomen-
kielinen Runollisuus Ruotsinvallan aikana ;ibid., 1862, in-8.
— Du même, Suomalaisen Virsikirjan historia, 1880, ibid.
— E.-G. Palmén, l'Œuvre demi-séculaire de la Soc. de lit-
térature finnoise, 1831-1881, id. 1882, in-8. — A. Hjelt,
Nagra bidrag tillAurora-fœrbundets historia ; ibid., 1886. —
Kahdeksantoista Runoniekkaa ; ibid., 1889, in-18.
Beaux-Arts. — Suomen muinaismuisto-yhtiœn aika-
kauskirja (V. Archéol.), avec bibliogr. des forteresses et
châteaux en append. au 1. 111,1878.— R. Hausen, Antecknin-
gar under en antiqvarisk forskningsresa ; Helsingfors, 1872,
1873 et 1887. — C.-G. Estlander, De Bildande Konsternas
historia ; Stockholm, 1867, in-18. — El. Aspelin, Siipialt-
tarit; Helsingfors, 1878, in-4. — R. Hertzberg, Finska
Konstnserer; ibid., 1883, 1.— J.-R. Aspelin, Muistoonpanoja
taitelijoista Suomessa ennen aikaan, dans Historiallinen
arkisto, 1884, t. VIII, — E. Nervander, Kirkollisesta tai-
teesta Suomessa Keski-aikana ; Helsingfors, 1887-88, 2 fasc.
—El. Aspelin, Suomalaisen taiteen his tor ia; ibid., 1891, gr.
in-8. — B.-O. Schauman, Fotografier af finska malares
taflor; ibid., 1862-64-65, 3 fasc. — J. Ahrenberg, Fennia
illustrata, I, Finsk ornamentik; ibid., 1878-80.
FINLANDE (Golfe de). Golfe oriental de la mer Bal-
tique qui s'enfonce dans l'empire russe entre la Finlande
au N., l'Esthonie et le gouvernement de Saint-Pétersbourg
(Ingrie) au S. Long de 370 kil., large de 50 à 140, il a
sa plus grande largeur au centre ; profond de 95 à 140 m.
en moyenne, mais seulement de 20 ou même de 8 m. sur
plusieurs points. L'extrémité orientale forme la baie de
Cronstadt, laquelle a peu de fond. Le littoral septentrional
ou finlandais est découpé par une infinité de petites baies,
semé de rochers et d'îlots granitiques. Le littoral méridio-
nal a quelques baies plus vastes : celles de Koporia, Louga,
Narva, Kounda, Papan, Kolko, Revel. Les îles sont nom-
breuses, mais petites ; Jes principales sont celle de Kotlin
(Cronstadt), et au milieu du golfe le formidable roc de Hog-
land. La navigation est périlleuse à cause des rochers et
des bancs de sable ; en outre, au printemps, les icebergs
apportés par les fleuves sont redoutables. Le golfe de
Finlande est pris par les glaces chaque année depuis le
fond jusque vers Hogland, el la mer ne redevient tout à fait
libre qu'au mois de mai. Les principaux tributaires du
golfe sont le Kymmene Elf, le Borga, la Neva, la Louga,
la Narva. Les rivages forment la partie la plus riche de la
Russie avec d'excellents ports très commerçants et quelques
grandes villes : Port Baltique, Revel, Kounda, Narva,
Oranienbaum, Saint-Pétersbourg, Viborg, Frederikshamn,
Borga, Helsingfors, Ekeras. Les ports sont défendus par
des forts et des ouvrages bien conçus : outre la forteresse
de Cronstadt, citons les ports militaires de Revel, Ruot-
sinsalmi et Sveaborg, ces deux derniers, station ordinaire
de la flotte russe, if existe d'excellentes cartes marines du
golfe, lequel est éclairé par vingt-deux phares.
FINLAY (John), poète écossais, né en H82, mort en
1840. Il était encore étudiant à l'université de Glasgow
lorsqu'il publia Wallace, or the Vale of Ellerslie, and
other Poems (4802). Six ans après, ses Scottish Histo-
rical and Romantic Ballads mirent le sceau à sa répu-
tation en méritant les éloges de Walter Scott. On a encore
de lui une vie de Cervantes et des éditions de The Grave, par
Blair, et de The Wealth of Nations, par Adam Smith.
FIN LAY (Francis-Dalzell), publiciste anglais, né à New-
townards (Irlande) le 12 juil. 4793, mort le 40 sept.
4857. Il fit à Belfast son apprentissage de typographe et
devint maître imprimeur en 4820. En 4824, il fonda le
Northern Whig dont les opinions libérales lui attirèrent
force poursuites. Il y réclama l'émancipation des catho-
liques, inséra les célèbres réflexions de Crawford sur les
droits des tenanciers, soutint l'extension du suffrage, la sé-
paration de l'Eglise irlandaise, la réforme de la propriété.
Pourtant il refusa d'aller aussi loin dans la voie des reven-
dications que son ami O'Connell et combattit le parti de la
jeune Irlande et l'insurrection d'O'Brien. — Après sa mort,
le Northern Whig devint la propriété de son fils Francis
qui le dirigea jusqu'en 4874, date à laquelle ce journal
fut acquis par une société. R. S.
FINLAY (George), philhellène et historien anglais, d'ori-
gine écossaise, né à Faversham (comté de Kent) le 24 déc.
4799,mortà Athènesle26janv. 4 876. Il n'avait pas terminé
ses études de droit lorsqu'il se sentit invinciblement attiré
par la cause de l'indépendance grecque, qui agitait alors les
esprits. Il partit pour la Grèce en 4823, se rencontra avec
Byron, d'abord à Céphalonie, puis à Missolonghi, fit l'ex-
pédition de Morée avec Odysseus, et revint en Ecosse pour
se guérir de la malaria. Il ne tarda pas à retourner en
Grèce sur un steamer appartenant à un autre philhellène,
son ami, Frank Abney Hastings, et il y combattit jusqu'à
la fin de la guerre. Il acheta alors des terres dans l'At-
tique, et y dépensa presque toute sa fortune, sans autre
profit qu'une connaissance de plus en plus intime du carac-
FINLAY — FINNBERG — 512 —
tère grec et une compréhension raisonnée des vicissitudes de
l'histoire des Grecs à travers les âges. De 4844 à 1861,
il composa sa grande œuvre historique, qui lui assure une
place à côté de Gibbon : Greece under the Romans
(1844) ; Greece to Us Conquest by the Turks (1851) ;
Greece under Ottoman and Venetian Domination
(1856) ; Greek Révolution (1861), rééditée plus tard en
un seul corps d'ouvrage par le Rév. H. -F. Tozer, sous le
titre : A History of Greece from Us Conquest by the
Romans to the présent Urne (Oxford, 7 vol.). Le grand
mérite de Finlay, comme historien, c'est qu'il ne s'arrête pas
à la surface des événements ; il en pénètre les causes et en
découvre, dans les mœurs et les manières de penser, les
ressorts cachés, mais puissants. Il a donné beaucoup d'ar-
ticles à différentes revues, comme le Blackivootfs Maga-
zine, le Saturday Review et VAthenœum. De 1864 à
1870, il a envoyé au Times une série de lettres qui ont eu
un grand retentissement en Europe et une véritable in-
fluence sur la politique grecque. B.-H. Gausseron.
FINLAYSON ou FI NLEYSON (John), mystique et astro-
logue écossais^ né en 1770, mort en 1854. Elève de Ri-
chard Brothers, il enseignait, entre autres choses, que
les corps célestes sont en partie créés pour notre plaisir,
que la terre est une sphère parfaite et que les étoiles sont
des masses d'eau congelée. Il avait fait des études de droit
et eut pendant longtemps à Londres un cabinet d'affaires
bien achalandé. Il mourut pourtant dans la misère. Il a
laissé beaucoup d'écrits où il donne pour des révélations
ses hypothèses et ses rêveries, comme The Universe as
it is (1832) ; God's Création (1848) ; The Seven Seals
of the Révélations; The'Last Trumpet (1849), etc. Il
soutint une polémique assez vive contre un autre rêveur,
ennemi de Richard Brothers, nommé Bartholomew Pres-
cot, de Liverpool. B.-H. G.
FINLAYSON (George), voyageur anglais, né à Thurso
en 1790, mort à Calcutta en 1823. Assistant du Dr So-
merville, médecin en chef de l'armée en Ecosse, puis du
Dr Farrel, médecin en chef à Ceylan, il devint chirurgien
du 8e dragons au Bengale en 1819. Il fit partie de la mis-
sion de 1821-1822 dans le royaume de Siam et en Co-
chinchine. On a publié son Journal sous ce titre : The
Mission to Siam and Hué (Londres, 1826, in-8).
FI N LEY (John-P.), météorologiste américain. Il a été lieu-
tenant au Signal army Office et a publié divers travaux sur
les ouragans dans les Professional Papers de ce service :
Report ofthe Tornadoes oj ?May 29 and 30, 1819 (Was-
hington, 1881, in-4) ; Report on the character of six
hundred Tornadoes (Washington, 1884, in-4); Tornado
Studies for 1884 (ib., 1885, in-4). Il a en outre fait
paraître sur le même sujet : Tornadoes, what they are and
how observe them (New York, 1887, in-12). L. S.
F1NN (plur. Finner). Nom donné aux Lapons par les
Norvégiens qui réservent celui de Kvœn ou Finlending
pour les habitants de la grande-principauté, appelés F inné
(plur. Finnar)]>m les Suédois. Le mot Finlandais, ethnique
dans lequel entre un élément Scandinave (land, pays), nous
a paru bien convenir en français pour désigner les habi-
tants de la Finlande sans distinction de nationalité ; quand
il s'agit de ceux d'entre eux qui parlent le suomalais
(forme française de suomalainen, au génitif suomalai-
seri), nous employons de préférence soit ce terme, surtout
quand il s'agit de langue ou de littérature, soit celui de
finnois. B-s.
FINN (Henry), acteur et auteur américain, né à New
York en 1782, mort en 184Q, dans l'incendie du steamer
Lexington. Il abandonna le droit pour le théâtre, et dé-
buta à Haymarket, à Londres. De retour en Amérique, il
s'y fit une grande réputation dans les rôles comiques. Outre
de nombreux articles dans les périodiques américains, il a
publié un Comic Annual et un drame intitulé Montgo-
mery, or the F ails of MontmorencL B.-H. G.
FINN Jônsson (en latin Finnus Johannœus), historien
islandais, né à Hitardal (Myrasysla) le 16 janv. 1704,
mortàSkâlholtle 23 juil. 1789. Fils du pasteur Jon Halldérs-
son, qui, en qualité d'annaliste, avait formé d'importantes
collections historiques, il étudia à Skâlholt, puis à l'univer-
sité de Copenhague (1 725-1729) , devint pasteur de Reykholt
et prévôt du canton de Borgarfjœrd (1732), officiai du dio-
cèse (1743), finalement évêque de Skâlholt (1754). Tout
en remplissant ses fonctions avec grand zèle, il écrivit
divers ouvrages d'érudition, notamment une excellente His-
toria ecclesiastica lslandiœ jusqu'en 1740 (Copenhague,
1772-1778, 4 vol. in-4, dont ie dernier contient l'histoire
monastique et des pièces justificatives), qui a été continuée
jusqu'en 1840 par l'un de ses successeurs, Pjetur Pjetursson.
— Son fils, ïïans Finsen, qui lui succéda comme évêque,
fut la tige de la famille des Finsen. Beauvois.
FINN Magnùsson (en danois Magnusen, en latin Finnus
Magnœus), éminent érudit islandais, né à Skâlholt le 27 août
1781, mort à Copenhague le 24 déc. 1847. Après avoir
étudié sous son oncle l'évêque Hans Finsen, puis à l'uni-
versité de Copenhague (1798-1801), il devint avoué à
la cour de Reykjavik (1806). La vive opposition qu'il avait
faite à l'usurpateur Jœrgen Jûrgensen (1809) le fit bien
accueillir à Copenhague où il s'était rendu, en 1812, pour
continuer ses recherches dans les bibliothèques et les ar-
chives ; il obtint le titre de professeur (1815) et fut chargé
(1819) de cours universitaires sur la littérature [et la
mythologie septentrionales jusqu'en 1829, où il succéda à
Thorkelin comme archiviste de l'Etat ; de plus, à partir
de 1830, il eut à traduire en islandais les documents offi-
ciels et, depuis 1832, il représenta l'Islande à l'assemblée
des notables, puis à la diète provinciale des îles. Fonda-
teur, membre, secrétaire, président de beaucoup de
sociétés savantes, il exerça une grande influence scien-
tifique grâce à son érudition étendue, variée et cons-
ciencieuse, qui fit parfois fausse route comme dans l'expli-
cation des runes de Ruthwell et des prétendues inscrip-
tions du rocher de Runamo en Bleking. Parmi ses douze
ouvrages et ses quarante principaux mémoires, il faut citer :
Annales islandaises (Minnisverd tidindi, 1801-1804, et
Islenzk sagnablœd, 1805-1826, 10 fasc. in-4) ; le Ber-
ceau et les Migrations de la race caucasique (Copen-
hague, 1818 ; en allemand, par Mooyer) ; Archéologie
septentrionale (1820), qui fit l'objet d'une volumineuse
polémique avec G.-L. Baden ; /' Ancienne Edda traduite
et expliquée (1821 -1823, 4 vol. in-18) ; la Doctrine
eddaïque et son origine (1824-1826, 4 vol. in-18) ;
Edda Sœmundar hins Frôda, texte et traduction latine
(partie du t. II, 1818, in-4, et t. III, 1828, contenant
Priscœ veterum Borealium mythologiœ lexicon) ; Mo-
numents historiques du Grœnland, texte, traduction
danoise et savants commentaires, avec Rafn (1838-1846,
3 vol. in-8) ; sur Ossian, sur les Pietés, sur Snorré Stur-
luson (dans Skandinaviske Litteraturselkabs Skrifter,
1813, 1816, 1617, 1823) ; sur les Pierres runiques et
les tertres de Jellingei&zns Antiqvariske Annaler, 1820,
t. IV) ; sur le Commerce des Anglais et levoyage de Colomb
en Islande (dans Nordisk Tidsskrift for Oldkyndighed,
1833, t. II) ; sur V Obélisque de Ruthwell, sur les Viou
emplacements sacrés des anciens Scandinaves, sur
l'Astrologie dans le Nord (dans Annaler for Nordisk
Oldkyndighed, de 1836 à 1841) ; Runamo et les Runes;
sur la Division du jour chez les anciens Scandinaves
(dans Mémoires historico-philosophiques de la Société
des sciences de Copenhague, 1841, t. VI, et 1844, t. VII,
in-4) ; Explication des pièces de vers contenues dans Noregs
konunga sœgur (1826, t. VI, in-fol.) et dans les t. VI-X
(1831-1836, in-8) de la traduction danoise des Forn-
manna sœgur, dont il édita avec Rafn les t. VIII-X
(1834-1835) et XII (1837). Il publia aussi dans divers
recueils et même à part un grand nombre de poésies de
circonstance en islandais, en suédois, en allemand et en
anglais. Beauvois.
FINN/EUS (V. Finsen).
FINNBERG (Gustaf-Vilhelm), peintre finlandais, né à
— 543 —
FINNBEBG — FINNOIS
Pargas le 24 nov. 1784, mort à Stockholm le 28 juinl833.
Etant ouvrier peintre à Àbo (1801), il obtint une subven-
tion pour étudier à l'Académie des beaux-arts de Stockholm
jusqu'en 1817, mais il ne put jamais se procurer assez de
ressources pour aller jusqu'à Rome. Parmi ses tableaux,
on cite : Icare et Dédale (1811) ; V Incendie d'Abo en
1827, dans lequel périrent beaucoup de ses œuvres ; le
Christ et les Apôtres à Kimito ; la belle Cène, dans
l'église de Kakskerta ; les portraits de J. Tengstrœm et de
F. Wrede. B-s.
FINNERTY (Peter), publiciste anglais, né vers 1766,
mort à Westminster le 11 mai 1822. Imprimeur à Dublin,
il édita en 1797 The Press, organe nationaliste dont la
violence lui attira mille persécutions. Traduit le 22 déc.
1797 devant la cour du banc du roi d'Irlande à cause de
la teneur d'un article dont il refusa de nommer l'auteur,
il fut condamné à l'exposition sur le pilori, à deux ans de
prison et à diverses amendes. Les principaux leaders irlan-
dais l'accompagnèrent au pilori où la foule lui fit une ova-
tion. Remis en liberté en 1 799, il devint chroniqueur parle-
mentaire au Morning Chronicle. En i 809 il suivit, comme
correspondant du même journal, l'expédition de Walche-
ren. Ses articles déplurent à lord Castlereagh qui le fit rame-
ner en Angleterre. Finnerty publia alors un pamphlet pour
se venger du noble lord qui le traduisit devant la cour du
banc de la reine et le fit condamner à dix-huit mois de
geôle. Une souscription publique en sa faveur produisit
aussitôt 50,000 fr. On a de lui : Report of the speeches
of sir Fis Burdett at the late élection (1804, in-8) ; Case
of Peter Finnerty,.. voith an Essay upon the law of
libel (Londres, 1811, 4e éd., in-8).
FINNOIS. I. Anthropologie. — L'origine, le passé, les
caractères, les affinités et la distribution actuelle des peu-
plades finnoises constituent le problème ethnologique le
plus important pour tout le N.-E. de l'Europe. On com-
prend habituellement dans le rameau finnois, à part les
deux groupes des Hongrois et des Bulgares, en descendant
du N. vers le S., le S.-E. et l'E., les Lapons, les Fin-
landais, les Esthes, les Lives confondus avec les Lettes,
les Tchérémisses , les Tchouvaches, les Mordvines, les
Zyrianes, les Votiaks, les Vogouls, les Ostiaks. Cette clas-
sification a été établie d'après les rapports des dialectes
parlés. L'étude des caractères physiques l'a confirmée, sauf
en ce qui concerne les Lapons. Ceux-ci, qui occupaient
naguère la Finlande, sont aujourd'hui, en Laponie même,
serrés de près par les colonies de Finlandais qui tendent
à les absorber. Mais leurs caractères étaient encore, il y a
peu de temps, bien homogènes et bien distincts. Nous ne
nous en occuperons donc pas ici (V. Lapons). D'après les
auteurs qui s'étaient jusqu'alors plus particulièrement
occupés de la Finlande, les Finnois auraient, à l'origine,
habité le littoral de la mer Caspienne, l'Yaxarte, l'Oxus.
Puis, fuyant devant des invasions, ils se seraient répandus
dans la région occidentale de l'Oural, et plus tard jusqu'en
Finlande et en Laponie, bien qu'un certain nombre d'entre
eux soient demeurés ou revenus sur la Volga, la Dvina
et même jusqu'aux monts Altaï. Ce sont là de simples con-
jectures. Directement au N. de la Caspienne, dans le gou-
vernement d'Orenbourg, sur les pentes de l'Oural, vit
encore un peuple, les Bachkirs, qui, bien qu'entièrement
tatarisé aujourd'hui, sous le rapport des caractères phy-
siques, de la langue et de la religion, est d'origine finnoise.
Dans toute cette même région, la tradition et l'histoire ont
conservé le souvenir d'un peuple finnois, les Yougres ou
Tchoudes. Son nom a été étendu à tous les Finnois. Une
de ses tribus habitait le gouvernement de Saint-Péters-
bourg, où sa langue serait encore parlée dans quelques
villages. Les Lapons de la presqu'île de Kola ont conservé
d'incursions tchoudes un souvenir si vivace que ce nom les
terrifie encore. C'est ce peuple qui a construit les grands ter-
tres funéraires, les kourganes, d'Orenbourg à Ufa. Une très
grande partie de la Russie est, on le sait, couverte de kour-
ganes semblables. Pour le matériel archéologique, les kour-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
ganes des Tchoudes ne diffèrent pas, d'ailleurs, de ceux des
gouvernements de Viatka, de Perm et de Vologda, encore
habités par des Finnois. De nos jours même, nous avons
vu et voyons disparaître des peuples finnois par la coloni-
sation russe et la russification de la langue et des mœurs.
Tels sont les Permiens de Perm, dont on ne parle plus, ainsi
que les Votes des gouvernements de Novgorod et de Saint-
Pétersbourg. Tels sont les Vêpses du gouvernement d'Olo-
nets. A. Maury estimait le nombre des Vêpses à 16,000.
Il y a une quinzaine d'années, ils ne formaient plus que
quelques îlots dans le district de Ladenoïé-Polé. On ne les
mentionne plus dans rénumération des peuples finnois.
Cependant, dit M. de Ujfalvy, dès qu'on jette un regard
attentif sur une carte détaillée de cette région, on est frappé
par le grand nombre de noms topographiques qui accusent
une origine manifestement finnoise. La langue vêpse que
l'on possède renferme les formes les plus archaïques des
langues finnoises occidentales. Tous les peuples finnois
sont menacés du même sort que les Vêpses par l'effet accé-
léré d'une double action : la colonisation de leur territoire
par les Busses et leur propre russification. Ces faits de
disparition récente de nombreux groupes, de même que la
répartition des groupes subsistants qu'on trouve par îlots,
depuis la Finlande jusqu'à l'Obi, d'une part, et, d'autre
part, jusqu'à Astrakhan et en Tauride, montrent tout de
suite que les Finnois ont occupé la majeure partie de la
Russie et y ont constitué le fond même de la population
jusqu'à une époque toute récente. Leur type originaire a,
d'ailleurs, été, au cours de ces derniers siècles, partout
modifié par des mélanges.
Au Ier et au ne siècle de notre ère, des Finnois étaient
connus de Tacite et de Ptolémée. Ces Finnois auraient
habité à l'E. de la mer Suêvique et du sinus Venedicus,
au delà des JEstyi, des Peucins, des Vénèdes et des Gu-
thons. Le pays ainsi désigné, dans l'opinion de M. Lagneau
(Bull. Soc. anthrop., 1880, p. 393), ne serait pas autre
chose que « les vastes plaines de la Russie occidentale
actuelle ». Mais, il y a dix-huit cents ans, les anciens ne
connaissaient peut-être, sous le nom de Finnois, que les
Lapons décrits comme très doux et très misérables, bien
que, d'après Retzius, par exemple, les preuves de la pré-
sence des Lapons en Finlande, à une époque antérieure,
ne paraissent pas décisives.
Pour M. Asplin, le savant archéologue d'Helsingfors,
l'âge de la pierre, dans les provinces baltiques, en Lithua-
nie et dans la Finlande, se rattache nettement à l'âge de
la pierre du N. de l'Allemagne et de la Scandinavie. La
présence, dans ces pays, de différentes formes Scandinaves
et notamment de la hache de pierre en forme de bateau,
l'autoriserait à affirmer qu'ils étaient habités plus de mille
ans av. J.-C- Ils formaient, d'ailleurs, un groupe bien
distinct, notamment par sa pauvreté, des pays de l'Ouest et
du Sud. Et « l'âge de la pierre s'y serait prolongé sans
interruption jusqu'au commencement de notre ère et au
premier âge du fer germanique ». Pour Retzius, l'âge de
pierre de la région oriento-septentrionale de la Finlande
serait indigène et identique à celui de la Russie par l'im-
mense majorité des objets d'industrie. Nous avons cru
longtemps que cette industrie de. la pierre devait être attri-
buée, en Finlande, aux Lapons, considérés comme les pre-
miers habitants de ce pays. Et en effet, plusieurs ethno-
graphes reconnaissent dans une série de cavernes et de
trouvailles d'objets en pierre (schiste poli), à travers la
Finlande, depuis la Baltique jusqu'à la presqu'île de Kola,
des preuves de la présence des Lapons (Rabot). D'après un
auteur (Tarenetzky), il y avait des brachycéphales parmi
les crânes préhistoriques russes, et on aurait recueilli à
Ouvarov, entre Moscou et Nijni Novgorod, un crâne bra-
chycéphale de l'âge de pierre. D'autre part, cependant,
sur les bords du lac Ladoga, dans une station de l'âge de
pierre, on a recueilli dix crânes. Six de ces crânes sont
très allongés et leur indice céphalique moyen est de 73,6.
Cet allongement, extrême chez quelques-uns, est un carac-
33
FINNOIS
— 514 -
tère nettement en opposition avec celui des crânes lapons.
Il est rare chez les Finlandais actuels et peut être rapporté
au type finnois primitif. — En tout cas, dans les poèmes
nationaux qui, transmis d'âge en âge par leurs bardes,
ont pu être réunis au commencement de notre siècle, dans
le Kalevala (me siècle), les Finlandais ont conservé Je sou-
venir d'une époque où leurs ancêtres fabriquaient tous
leurs outils en pierre. M. de Ujfalvy a raconté (les Anti-
quités finno-ougriennes, 1880, p. 146) que le gouver-
neur de la Sibérie occidentale lui avait remis toute une
série d'objets en pierre, haches, gouges, marteaux, ciseaux,
provenant des environs de Samarov. Cette ville fut une
ville vogoule, gouvernée quelque temps par un khan tatar.
Le pays est encore aujourd'hui aux Vogouls et aux Ostiaks.
Or, les instruments de pierre recueillis là seraient « abso-
lument semblables à ceux que l'on a trouvés en Finlande ».
Avec eux, il y avait des fragments de poterie dont l'orne-
mentation rappelle les vases découverts dans des tombeaux
du N. de la Russie. Une fusaïole en pierre qui se trouvait
au milieu d'eux ressemble tout à fait à celle que les femmes
ostiakes emploient encore aujourd'hui pour filer du fil
d'ortie (Ujfalvy). Toutes les apparences sont pour que cette
industrie se soit propagée de la Finlande jusqu'en Sibérie,
puisque, aujourd'hui encore, de l'Obi à la Finlande, il y a
une traînée ininterrompue de peuples finnois, Vêpses,
Zirianes, Yogouls, Ostiaks.
Depuis les premiers siècles de notre ère, depuis l'intro-
duction des métaux en Russie, les Finnois se sont élevés,
dans la Russie centrale et méridionale, à une civilisation
assez remarquable. Les kourganes, qui couvrent en si grand
nombre ce pays, sont leur œuvre. Il faut bien l'admettre,
puisque, dans ce pays que nous trouvons occupé depuis
un temps immémorial par les Finnois, il n'y a, jusqu'aux
xne et xme siècles de notre ère, aucune trace nette d'un
autre peuple que celui bien caractérisé et assez homogène
des Kourganes (V. ce mot) qui mérite une étude à part.
L'empire brillant et éphémère des Khazars fut aussi, selon
toute probabilité, l'œuvre d'une nation de langue finnoise.
C'est, d'ailleurs, du sein de la famille finnoise que sont
sortis les Magyars, aujourd'hui un des peuples les plus
beaux de l'Europe, et les Bulgares. Le peuple des Kour-
ganes était en relations continuelles, relations quelquefois
bien involontaires, avec les régions avoisinantes et même
avec des régions du S.-E., du centre de l'Asie. Ainsi, on
aurait trouvé dans un kourgane de Tikhvine, gouverne-
ment de Novgorod, une monnaie de Tachkent, datée de
944. Il a subi du côté de FE. des invasions répétées de
Tatars et de Mongols qui, au cours même de ces derniers
siècles et sous les regards de l'histoire, en ont considéra-
blement modifié les caractères primitifs. Du côté de l'O.,
après plus d'une invasion des Scandinaves, il a été presque
submergé sous le flot d'éléments slaves qui pénètrent gra-
duellement et s'implantent d'une façon irrévocable par la
colonisation agricole. Les deux branches, anciennement
détachées, des Magyars et des Bulgares, ont ainsi conservé,
mieux que les Finnois de la Russie, les caractères primitifs
communs. Or, parmi les Bulgares de la Roumélie, il y
aurait encore 60 °/0 de dolichocéphales, et, parmi ceux
du Danube, 65 °/0 (Bogdanov). Les dolichocéphales sont
aussi encore en nombre parmi les Hongrois.
Les Finlandais sont aujourd'hui les mieux connus de tous
les Finnois dans leurs caractères. Ils sont loin de former une
race. Ils ne forment même plus un peuple homogène. On les a
de tout temps divisés en deux types différents : le Tavastlan-
dais et le Karélien. Le premier, de taille moins élevée, est
trapu, robuste, bien musclé. Ses cheveux sont cendrés, non
bouclés, couleur de lin ; sa barbe est rare, tirant sur le roux ;
sa peau blanc grisâtre, ses yeux étroits, d'un gris bleu, sa tête
grande, courte et large, son nez petit et obtus ou large, ses
pommettes saillantes. Il n'est pas vif, mais réfléchi et souvent
taciturne. Il est rebelle à tout changement, obstiné, méfiant,
volontiers vindicatif. Il est hospitalier, honnête, très pru-
dent dans son langage, peu expansif, mais bien agissant.
Le Karélien, dont la taille peut s'élever à lm71, est plu-
tôt élancé et partant moins robuste. Ses cheveux sont plus
foncés, même châtains et bruns; sa barbe est plus fournie;
sa peau est brune, ses yeux plus ouverts, d'un gris bleu
foncé, sa tète moins large; son nez est long, droit, pointu,
sa face plutôt longue que large et sans saillie des pom-
mettes. Son caractère est vif, gai même et entreprenant,
mais sans ténacité. Il a de l'aisance, de l'élégance même, est
plus expansif, mais moins pénétrant, moins réfléchi. Parent
plus direct des anciens Tchoudes, on le retrouve jusque dans
la province d'Arkhangelsk, au N., et sur les confins de celle
de Tver, au S. L'un et l'autre type, au demeurant, sont le
produit des mélanges. L'un et l'autre ont le crâne plus ou
moins arrondi. Mais Retzius a reconnu parmi eux deux
types à tête allongée ; l'un est Scandinave ; l'autre, qu'il
faut regarder, jusqu'à plus ample informé, comme le vrai
type originaire finnois, est sans doute celui des Kourganes.
J'ai comparé les mesures crâniennes des trois groupes
finlandais : les Ostrobotniens, au N.-N-O., gouverne-
mentdeVasa; les Tavastlandais, à l'O. et au S.-O, autour
d'Helsingfors, et les Karéliens, à la limite S.-E., gouver-
nement de Viborg. Eh bien ! les vrais dolichocéphales sont
nombreux parmi les premiers par l'effet de l'influence Scan-
dinave et par celui de la conservation plus pure du type
originaire dans la province la plus reculée. Parmi les der-
niers, au contraire, il n'y a pas de vrais dolichocéphales,
et la brachycéphalie est plus accentuée que dans les autres
provinces, avec des indices s'élevant à 89,53. A la suite
de quelle influence, sinon de celle des Slaves ? Les men-
surations du nez prouvent que parmi les Finlandais il y a
des individus à nez large et très large, comme les Lapons,
les Mongols, les hommes des kourganes. Mais si, pris en
bloc, ils ont le crâne généralement arrondi, ils sont aussi
à nez relativement étroit, quoique nullement indemnes de
sang lapon. Il n'y a que les Slaves, dans cette région,
pour présenter ces deux caractères réunis. On a, d'ailleurs,
découvert dans des sépultures du gouvernement de Nov-
gorod, pouvant remonter au xe siècle, des crânes slaves
brachycéphales. Retzius dit textuellement qu'à côté des
crânes finnois typiques, crânes massifs, à ossature puis-
sante, comme les crânes des Kourganes, il y a des crânes
de forme plus petite et plus faible, à brachycéphalie plus
accentuée, qui ressemblent aux crânes « carrés » des
peuples slaves. Les Finlandais portent, à peu de chose
près, le costume des Suédois. Ils abandonnent peu à
peu leurs tentes coniques, faites de perches assemblées par
leur extrémité, pour de véritables maisons de bois. Ils
chassent moins que leurs ancêtres et élèvent plus de bétail.
Mais la pêche est toujours leur grande occupation, et leurs
cultures sont restées bien restreintes et bien primitives,
car ils se bornent encore à incendier, de temps en temps,
des parties de forêts pour ensemencer sur la cendre. Ce
sont de gros mangeurs comme tous les peuples septentrio-
naux. Et comme eux tous aussi, ils souffrent souvent de la
famine et se nourrissent alors d'un pain fait d'écorce de
sapin et de racines sauvages broyées ensemble.
Les Lives, qui occupaient naguère la Livonie, la Cour-
lande, la Samogitie, ne sont plus mentionnés comme
groupe distinct. Ils étaient, depuis longtemps, dépossédés
de leur langue par les Lettes, avant de disparaître. Il en
subsisterait pourtant un ou deux milliers à l'état de pureté
en Courlande. Et ils ont laissé dans les caractères phy-
siques de la population de ces provinces plus d'une preuve
de leur présence. Les Esthoniens seraient encore plus d'un
demi-million, plus au N., sur les rives mêmes du golfe de
Finlande. Ils ne sont évidemment pas autre chose qu'un
rameau séparé de Finnois de la Finlande par la colonisa-
tion des Slaves, à Novgorod d'abord, puis à Pétersbourg
et à Pskov. Par leurs caractères, ils ressemblent surtout
aux Tavastlandais. Mais leur pays, plus fertile et moins
écarté des courants civilisateurs, leur a procuré des condi-
tions d'existence quelque peu supérieures à celles échues
aux Finlandais. Ils ne sont pas brachycéphales (ind. 77,4).
- 848
FINNOIS — FINOT
Les Tchérémisses, qui se donnent le nom de Nari
(hommes), occupaient un vaste territoire, car, d'après
M. Rabot, qui les a visités en 1890, on les rencontre en-
core par îlots, depuis laroslav jusqu'au delà de Simbirsk,
sur la rive gauche de la Volga moyenne et sur la Viatka et
la Kama inférieures. Par la taille, à peine moindre, par la
peau qui est blanche, par la chevelure tirant souvent sur
le roux, par la face, ils ne s'éloignent nullement des Fin-
landais. Mais ils ont conservé plus purement qu'eux le
type crânien primitif, car ils ne sont pas brachycéphales.
Leur indice céphalique moyen est de 76,79. Et les doli-
chocéphales purs sont nombreux parmi eux. « En même
temps que le crâne de ceux-ci s'allonge, dit M. Hamy, il
se relève; les arcades zygomatiques s'effacent; la capacité
crânienne augmente ; l'angle facial s'ouvre. » C'est là sûre-
ment le type du peuple des kourganes, altéré et effacé
pendant ces derniers siècles par des mélanges incessants
avec des éléments mongoliques et slaves. Les Tchérémisses
sont devenus très bons cultivateurs et grands éleveurs
d'abeilles. Bien que russifiés sous le rapport de la religion
et des mœurs, ils ont conservé, entre autres usages anciens,
celui du mariage par achat ou rapt. Une jeune fille se paye
de 150 à 400 fr. Le nombre des Tchérémisses est aujour-
d'hui peu élevé. Leurs voisins, les Tchouvajches, groupés
naguère au nombre de près d'un demi-million dans le gou-
vernement de Kazan, peuvent être considérés comme des
Tchérémisses transformés par leur mélange avec les Tatars.
Ce mélange est assez récent, car, dans les cimetières tchou-
vaches, les Finnois purs sont en majorité. On y trouve, en
effet, 54 °/0 de dolichocéphales contre seulement 2 °/0 de
brachycéphales vrais (Bogdanov) . Les Votiaks, groupés non
loin au N., dans le gouvernement de Viatka, seraient, au
contraire, des Finnois plus purs que les Tchérémisses eux-
mêmes, quoique l'on signale parmi eux des individus au
type mongolique, à cheveux noirs et raides. Leurs tra-
ditions orales les font venir du N.-O., et, par l'ensemble
de leurs caractères physiques et moraux, ils ne diffèrent
pas des Finlandais. Mais ils ont les cheveux et la barbe
généralement roux, et chez aucun autre peuple la couleur
rouge ardent n'est aussi fréquente que chez eux. Leur
barbe est rare. Ils sont laborieux, bons cultivateurs et
vivent dans l'aisance. Leur nombre est bien double de celui
des Tchérémisses.
Les Mordvines sont les Finnois de la Russie centrale et
méridionale. Il y a quelques années, ils s'étendaient encore
par îlots séparés, depuis le S.-E. de Moscou jusqu'au
gouvernement d'Astrakhan et jusqu'à la Tauride. On en
signale encore des groupes jusqu'à Kostroma sur la Volga.
Ils n'ont pas été bien étudiés et ne l'ont même pas été du
tout sur la plupart des points du territoire qu'ils ont occu-
pés. Mais on sait que, chez eux, depuis longtemps, le type
finnois a été plus ou moins complètement effacé par des
mélanges avec des éléments mongoliques et slaves. Ils ont
les cheveux bruns, mais passant souvent au roux, la face
large, et sont nettement brachycéphales avec un indice
moyen de 84,97. Leur nombre, estimé jadis à 480,000,
ne peut plus guère être apprécié aujourd'hui.
Les Zyrianes sont, comme les Esthoniens, une branche
des Finlandais détachée uniquement par la colonisation
slave. On les trouve encore, en effet, d'après M. Rabot,
dans le gouvernement de Vologda, et ils s'étendent, de
l'autre côté de la Dvina, jusqu'au territoire des Samoyè-
des et presque jusqu'à l'Oural. Nous n'avons que peu de
renseignements sur eux. Ils ont, d'ailleurs, en grande partie,
abandonné leur langue pour le russe. Mais nous savons
qu'aujourd'hui ils sont très mélangés d'éléments mongo-
liques. Ils ont évidemment subi surtout l'influence des
Samoyèdes qu'ils ont d'ailleurs supplantés sur de grandes
étendues. Ils auraient aussi absorbé une notable propor-
tion de Scandinaves. Leur nombre ne dépasse sans doute
pas 100,000. Ils ne peuvent vivre, en effet, que de la
chasse. Les Vogouls, d'après M. Rabot, ne se distinguent
absolument en rien des Ostiaks ou, pour mieux dire, il n'y
a pas de peuple vogoul. Pour les Ostiaks (V. ce mot),
ils ont eu une réelle importance ; ils ont été plus étudiés
que les autres, et nous ne pouvons pas les mettre sur le
même rang que les peuples que nous venons de passer en
revue d'une façon sommaire. Zàborowski.
II. Linguistique (V. Langue).
Bibl. : Retzius, Finska kranier ; Stockholm, 1878, in-8.
— De Ujfalvy, les Bachkirs, les Vêpses et les antiquités
finno-ougriennes ; Paris, 1880, gr. in-8. — Tarenetzky,
Beitrage zur Kraniologie der Grossrussischen Bevœlke-
rung, dans Biologisches Centralblat, 1885. — Zàborowski,
Sur quelques crânes finnois anciens, les peuples finnois
actuels et les origines finnoises, dans Archives slaves de
biologie ; Paris, 1886. — Abel Hovelacqque et G. Heryé,
Précis d'Anthropologie, 1887. — Rabot, Explorations de
la Laponie russe, dans Bulletin de la Société de géogra-
phie, 1889, 1890 et 1891. — Comptes rendus du congrès
d'Anthropologie de Moscou, 1892. — Bogdanov, Quelle
est la race la plus ancienne de la Russie centrale ? 1892.
FI NO (Alemanio), historien italien, né à Bergame, mort
à Crema vers 4586. Il fut magistrat dans cette dernière
ville et il rédigea les ouvrages suivants : La Historia di
Crema raccolta dagli annali di Pietro Terni (Venise,
1566, in-4), réimprimé avec une justification des cri-
tiques adressées à cette histoire par Francesco Zava et l'ad-
jonction d'un supplément intitulé Scelta di uomini
uscitida Crema (Crema, 1771, in-8) ; La Guerra d'At-
tila, flagello di Dio (Venise, 1569, in-12) ; la traduction
du latin en italien de la Description de l'île de Madère,
'de Giulio Landi (Plaisance, 1574, in-8),
Bibl : Donato Calvi, Scena letteraria degli Scrittori ber
gamaschi ; Bergame, 1660, in-4. — L. Barbieri, Saggio di
bibliografica Cremasca ovverro Crema letteraria; Crema,
1889, in-8.
F1NOGL1A (Paolo-Domenico), peintre italien, de l'école
napolitaine, né àOrta (royaume de Naples), mort en 1656,
élève du chevalier Massimo Stanzioni. Il fut employé avec
son maître, Luca Giordano, Ribera et autres peintres de
cette école, à la décoration de la fameuse Chartreuse de
Naples, où il a peint de fort beaux ouvrages. Les meilleurs
sont ceux que Ton voit dans la salle du chapitre, exécutés
dans une manière très vigoureuse.
Bibl. : Domenici, Vite de' Pittori napoletani.
FINOT (Etienne), homme politique français, né à Ave-
rolles (Yonne) le 6 déc. 1748, mort à Averolles le 7 déc.
1828. Administrateur du district de Saint-Florentin, il fut
élu député de l'Yonne à la Convention, siégea à la Mon-
tagne et vota la mort du roi. Après la session, il fut nommé
président de l'administration centrale de l'Yonne, puis com-
missaire du directoire exécutif. Expulsé de France en 181 6,
à la suite de la loi contre les régicides, il s'établit en Suisse.
~ Antoine-Bernard Finot, né à Dijon le 2 déc.l 750, mort
à Paris le 26 avr. 1818, trésorier-payeur général du pre-
mier Empire, référendaire à la cour des comptes, fut dési-
gné comme député de l'Yonne le 6 janv. 1813 parle Sénat
conservateur. Il vota la déchéance de Napoléon, fut élu
député du Mont-Blanc le 22 août 1815 et lit partie de la
minorité de la Chambre introuvable. — Auguste-François-
Jean, fils du précédent, né à Avallon le 9 févr. 1782, mort
à Avallon le 6 juil. 1846, médecin, fut élu député de
l'Yonne le 5 juil. 1831. Il démissionna un an après. Il a
traduit le Traité sur la nature de la goutte, de Scuda-
more (1819). — Antoine-Bernard, baron Finot, frère du
précédent, né à Dijon le 1er sept. 1780, mort à Paris le
1 0 janv. 1 844. Elève de l'Ecole polytechnique (an VI) , secré-
taire de l'administration des finances en Italie (an VIII),
secrétaire général adjoint de la Loterie (an VIII) , il fut nommé
auditeur au conseil d'Etat le 15 févr. 1809, puis chargé de
la direction générale des salines, du tabac et du timbre en
Autriche (1809), de l'intendance des biens de la couronne
en Hollande (1810) et devint préfet du Mont-Blanc le
30 nov. 1810. Sous la Restauration, il occupa les préfec-
tures de laCorrèze et de l'Isère. Le 4 nov. 1837, il fut élu
député de la Corrèze et soutint le cabinet Mole. Il fut battu
aux élections de 1839. Il avait été créé baron de l'Empire
le 2 août 1811.
FINS — FIOL
516 —
FINS (Les). Corn, du dép. du Doubs, arr. de Pontar-
lier, cant. de Morteau ; 916 hab.
FINS. Corn, du dép. de la Somme, arr. de Péronne,
cant. de Roisel ; 600 hab.
FIN S EN (Hans) (en islandais Hannes Finsson, en latin
Johannes Finnœus), évêque et érudit islandais, né à Reyk-
holt le 8 mai 4739, mort à Skâlholt le 4 août 1796.
Dans le cours de ses études à l'université de Copenhague
(1755-1763), il édita, avec traduction latine et commentaire,
Norvegice jus ecclesiasticum Vicensium (1759-1760,
2 vol. in-4) et, plus tard, Landndmabôk (1775, in-4).
On lui doit aussi: Dissertatio de Speculo Regali (1766,
reproduit dans l'édition de cet ouvrage, 1768, in-4) ; Notice
sur V éruption de Vttekla en 1766 (1767) ; Lettre sur
la possibilité de V agriculture en Islande (1778). Il prit
part à beaucoup d'autres publications, mais ayant été
nommé (1777) coadjuteur de son père, Finn Jônsson,~ auquel
il succéda comme évêque de l'Islande (1789), il dut renoncer
à ses grands travaux d'érudition ; il ne publia plus qu'un
livre de fables, de récits et de dialogues en islandais
(Kvœldvœkur ; Leirârgards, 1794-1796, 2 vol. in-8 ;
Reykjavik, 1848) et des mémoires estimés dans les Ecrits
de la Société de littérature islandaise (1784, 1790,
1796 ; t. IV, XI, XIV). Son éloquence et son humanité
l'avaient rendu très populaire (Saga de sa vie, 1797). B-s.
FIN S EN (Vilhjâlm-Ludvig Ôlafsson), savant juriste
islandais, né à Reykjavik le 1er avr.1823, mort en juin
1892. Petit-fils du précédent, il eut comme lui le goût de
l'érudition, mais plus heureux il put la mener de front avec
ses devoirs professionnels, comme attaché au ministère de
l'intérieur (1849), bailli de l'Islande (1852), assesseur à
la cour de Viborg (1860), puis à celle de Copenhague
(1868), enfin à la cour suprême (1871). Il donna sa dé-
mission en 1888 pour se livrer exclusivement à ses études.
On lui en doit d'excellentes et fort originales : De la Famille
dans le droit islandais d'après le Grâgds (fans Annoter
for nor disk Oldkyndighed, 1849, 1850) ; Des Lois islan-
daises au temps de V autonomie de Vile (dans Aarbœ-
ger for nordisk Oldkyndighed, 1873); De la Forme
primitive de quelques institutions islandaises (dans
Videnskabernes Selskabs Skrifter, section historico-phi-
losophique, 1888, 6e sér., 2e division) ; Du Jury (dans
Ny Fèlagsrit, 1851, t. XI). Il a donné des éditions esti-
mées de Grâgâs (d'après le Konungsbôk; Copenhague,
1852; avec traduction danoise, 1870; d'après le Stadar-
hôlsbôk, 1879; d'après le Skdlholtsbôk, 1883). B-s.
FINSEN (Sœren-Hilmar-Steindor), habile administrateur
et ministre danois, cousin du précédent, né à Kolding le
28 janv. 1824, mort le 15 janv. 4886. Dépossédé parles
Prussiens (1864) du poste de bourgmestre à Sœnderborg
(île d'Aïs) qu'il occupait depuis 1850, il devint grand bailli
de l'Islande (1865), préfet de Copenhague (1883), enfin
ministre de l'intérieur (27 août 1884), fonctions dont il
dut se démettre pour cause de santé (7 août 1885). Comme
commissaire royal auprès de l'Alting (assemblée générale
de l'Islande) à partir de 1867, il parvint à faire voter la
constitution libérale du 5 janv. 1874 qui rend à l'île une
autonomie presque complète. B-s.
FIN SON IUS (Louis), peintre flamand, né à Bruges vers
1580, mort à Arles en 1632. Malgré les recherches de
M. de Chennevières qui a eu l'honneur de remettre en cir-
culation le nom oublié de Finson ou de Finsonius, comme
l'artiste aimait à s'appeler, il reste bien des détails à décou-
vrir sur ce Flamand égaré dans le midi de la France. On ne
possède guère sur son compte que les renseignements peu
explicites que le peintre voyageur a bien voulu nous donner
en inscrivant sur ses tableaux des dates et des signatures
qui sont un commencement de biographie. On y voit que
l'artiste s'est beaucoup promené dans les pays du soleil.
D'un autre côté, les œuvres de Finsonius nous renseignent
sur son idéal. Élève d'un maître dont nous ne savons pas
le nom, il quitte la Flandre et arrive en Italie aux pre-
mières années du xvne siècle, au momeiat où Michel-Ange
de Caravage, entraînant la peinture dans une voie nou-
velle, prêche l'évangile des réalités brutales. On sait que
l'influence de Caravage fut énorme ; Rubens lui-même l'a
subie. Mais Finsonius était sans défense ; il devint violent
et noir, et il le demeura toute sa vie. A quel point il oublia
ses origines brugeoises, on le voit dans les tableaux dont
il emplit les églises de la France méridionale. C'est en reve-
nant d'Italie que Finsonius s'arrêta à Aix en Provence où
il fut bien accueilli par Peiresc et par les membres du par-
lement. Il y était en 1610 et il y revint à plusieurs reprises.
On sait, par la signature d'une de ses œuvres, qu'il retourna
à Naples en 1612 ; mais, peu après, il rentra en France et
nous le retrouvons bientôt à Arles, où il fit d'importants
travaux; en 1615, il séjourne à La Ciotat et reparaît à Aix
l'année suivante. Mais il continue à vagabonder dans les
environs. Il revint à Arles où il avait des amis et il y
mourut, noyé dans le Rhône, s'il en faut croire une légende
difficile à contrôler aujourd'hui.
Les églises de la Provence conservent quelques-uns des
meilleurs tableaux de Finsonius. Parmi ses œuvres les plus
caractéristiques, on cite la Résurrection de Jésus-Christ,
signée Ludovicus Finsonius Belga Brugensis fecit
anno 1610 (église Saint-Jean à Aix). A Saint-Sauveur,
de la même ville, est V Incrédulité de saint Thomas
(1613). Nous avons vu à Saint-Trophime d'Arles la Lapi-
dation de saint Etienne et Y Adoration des mages. Ces
deux robustes tableaux sont de 1614. Finsonius a fait aussi
beaucoup de portraits de magistrats, les membres du parle-
ment d'Aix ayant pris goût à sa manière violente. La sin-
cérité flamande se retrouve dans le portrait de la mère de
l'artiste que possède M. de Chennevières et qui est une page
intime, concentrée, expressive. Dans ses compositions reli-
gieuses, Finsonius manque tout à fait de goût, mais il n'est
pas sans puissance. Il suffit d'avoir vu un de ses tableaux
à base noirâtre pour le considérer comme une des plus
authentiques victimes de Michel-Ange de Caravage. P. M.
Bibl. : P. de Chennevières de Pointel, Peintres pro-
vinciaux de l'ancienne France, 1847, t. I.
FINSTERAARHORN. Sommité la plus élevée de la
grande chaîne des Alpes bernoises (4,275 m. au-dessus
de la mer), dépassant ainsi de 108 m. la cime de la Jung-
frau (V. ce mot). Sa pointe est très escarpée ; ses ver-
sants sont couverts de nombreux glaciers, dont les princi-
paux sont ceux de l'Oberaar, du Finsteraaretles Viescher
Hôrner. Le glacier de Grindelwald, bien connu des tou-
ristes, fait partie du massif du Finsteraarhorn. L'ascension
de cette montagne a été faite plusieurs fois, mais elle
n'est pas sans péril.
FINTA. Village de Roumanie, district de Dimbovitsa,
dép. de Ialomitsa, formant commune avec trois autres
villages ; 1,300 hab. Près de Finta, Matei Basarab, prince
de Yalachie, battit son voisin, Vasile Lupul, et les Cosaques
que commandait son gendre, Timus, fils de Fhetman Bog-
dan (1636).
FIOCCHI (Vicenzo), compositeur italien, né à Rome en
1767, mort à Paris en 1843. Elève de Fenaroli à Naples,
il débuta en Italie comme compositeur, vint à Paris en
1802, et y fit jouer sans succès te Valet des deux maîtres,
en 1802, et Sophocle, en 1811. Il se consacra à l'ensei-
gnement et publia avec Choron en 1807 les Principes
d'accompagnement des écoles d'Italie. Sur la fin de sa
vie, il tomba dans la misère. M. Br.
FIOL ou FIJOL (Swientopelk), imprimeur polonais du
xvi0 siècle, mort à Leutschau (Hongrie) en 1525. Il appar-
tenait à une famille allemande (Feyl ou Vegl) que l'on
trouve établie à Cracovie dès le xive siècle. Il apparaît
comme imprimeur dès 1491 ; jugé et emprisonné comme
hérétique, il fut remis en liberté en juin 1492 et quitta
bientôt Cracovie. Dans ses publications, il signe Schveipolt
Fieol. On lui doit les plus anciennes impressions connues
en langue slavonne. Il paraît avoir travaillé surtout pour
les Slaves orthodoxes. On connaît de lui un Eexameron
(Cracovie, 1491); un Livre d'heures (ib., 1491); un
— 517 —
FIOL - FJORAVANTI
Psautier (ib., 1494) ; un Triodion de carême (s. d.) ; un
autre Triodion (s. d.). Tous ces ouvrages constituent des
raretés bibliographiques. Ils ont été souvent décrits. L. L.
Bibl. : Estreicher, Gunter Zaïner et S. Fiol (en pol.) ;
Cracovie, 1867. — Oundolsky, Essai d'une bibliographie
slavonne-russe ; Moscou, 1871. — Golowatzky, Schvceipolt
Fiol; Vienne, 1876, et les travaux sur l'histoire de l'impri-
merie en Pologne.
FIOLE. Vase à boire, petite bouteille, mince, longue,
cylindrique ou piriforme, à goulot étroit ; c'est ce qui le dis-
tingue de Yampulla, qui au contraire est pansue, sphé-
rique ou lenticulaire : toutes les deux d'ailleurs se fermant
avec un estoupillon — bouchon formé d'étoupes — quel-
quefois aussi avec de la cire ou de l'argile sèche suivant leur
destination. Les fioles étaient comme les alabastra antiques,
de verre, de pierre, de terre émaillée, de métal, de cuir. Elles
servaient ainsi que les ampoules à conserver le sang des
martyrs, à'mettreles saintes huiles, à recueillir les parfums,
à adresser aux églises qui en faisaient la demande, l'huile
qui brûlait devant le tombeau des martyrs. Une des plus
curieuses collections de fioles est certainement celle de la
sacristie de l'église de Bari, où, depuis lexive siècle, on con-
serve le modèle de toutes les fioles dans lesquelles on mettait
l'huile qui découlait du tombeau de saint Nicolas. Les fioles
n'étaient pas toujours très petites. On nomme guttas une
fiole à long goulot étroit, tors, d'une contenance d'un litre
environ, dont le liquide ne peut s'échapper que goutte à
goutte. On les fabriquait à Venise, pour la traversée des
déserts : leur orifice s'appliquait hermétiquement sur les
lèvres et ne laissait pas perdre une goutte du liquide qui ne
s'échappait qu'insensiblement. — Les petites bouteilles de
médicaments vendues par les pharmaciens s'appellent des
fioles; c'est à peu près de nos jours le seul objet auquel
s'applique ce terme. F. de M.
FIONA (Malac). Genre de Mollusques-Gastéropodes, de
l'ordre des Opistobranches-Polybranches, établi par Aider
et Hancock en 1851 pour un animal à corps nu, dépourvu
de coquille interne, à corps limaciforme, allongé, assez
atténué en arrière; quatre tentacules, linéaires, situés
au-dessus de la tête ; yeux saillants ; branchies placées lon-
gitudinalement sur le dos, munies sur un de leurs côtés
d'une expansion membraneuse .; bords du pied larges et
membraneux ; orifices anal et génital distancés sur le côté
droit entre les tentacules. La bouche est armée de mâchoires
cornées. Ex. : Fiona npbilis Aider et Hancock. Animaux
vivant sur les fucus dans l'océan Pacifique.
FIONIE(IJe) (V. Danemark).
FIORAVANTE (Ridolfo di), célèbre architecte et ingé-
nieur italien du xve siècle, surnommé Aristote à cause de
l'universalité de ses connaissances. Cet artiste, né à Bologne
avant 1418, mort à Moscou, probablement vers 1486, appar-
tenait à une famille d'architectes dont la filiation vient d'être
fixée. Fieravante ou Fioravante Ier vivait au xi\e siècle ;
il eut pour fils Ridolfo, pour petit-fils Fieravante II, et
pour arrière-petit-fils notre Ridolfo (II). Celui-ci, après
avoir débuté au service du pape Nicolas V, pour lequel il
transporta des colonnes monolithes de la Minerve au Va-
tican (1451), acquit une réputation européenne en dépla-
çant à Bologne, sans la démolir, une tour de dimensions
gigantesques (1455). Il fut successivement employé par
les Sforza, ducs de Milan, par Mathias Corvin (1468), le
pape Paul II (1471), les rois deNaples (1472) et couronna
sa carrière à Moscou, où il fut appelé par le tsar Ivan III
qui le chargea de construire la cathédrale de l'Assomption,
dans le style byzantin, ainsi que la cathédrale de Saint-
Michel ou des Saints-Archanges (terminée seulement après
la mort de Fioravanti). Ces deux sanctuaires forment encore
aujourd'hui un des principaux ornements du Kremlin. Fio-
ravante, qui peut être considéré comme le protagoniste de
la Renaissance en Russie, frappa en outre des monnaies
et fondit des canons pour le souverain de la Moscovie. Il
semble être mort à son service, mais on ignore en quelle
année. E. Muntz.
Bibl.: Memorie risguardanti maestro Ridolfo delto Aris-
totele Fioravanti ; Modène, 1825. — Gualandi, Aristotele
Fioravanti; Bologne, 1870. — Malagûla, Délie Cose ope-
rate in Mosca da Aristotele Fioravanti; Moclène, 1877. —
E. Mûntz, les Arts à la cour des Papes, t. I, II. — Du
même, Histoire de l'Art pendant la Renaissance, t. II —
Du môme, Gazelle des Beaux-arts, janv. 1893. — Ricci, Ar-
chivio storico delï Arte, 1891, pp. 92 etsuiv.
FIORAVANTI (Leonardo), médecin et alchimiste ita-
lien, né à Bologne, mort à Rologne le 4 sept. 1588. Il
exerça dans les principales villes d'Italie et en Afrique,
s'acquit, grâce "à ses impostures, une réputation imméritée
d'habile chirurgien et se fit décerner par sa ville natale les
titres de docteur, de chevalier et de comte. Tout le monde
connaît le baume qui porte encore son nom (V. Baume,
t. V, p. 898) et auquel, en véritable charlatan, il attri-
buait toute sortes de propriétés miraculeuses. Quant à ses
ouvrages, malgré leurs éditions et leurs traductions nom-
breuses, ils n'ont aucune valeur scientifique ; citons : Lo
Specchio discienza universale libri ///(Venise, 1564,
in-8 ; 4e éd., 1679; trad. franc., Paris, 1584, in-8; allem.
Francfort, 1615, in-8; lat., id., 1624); Del Reggimento
délia peste (Venise, 1565, in-8 ; 4e éd., 1626 ; trad. ail.,
Francfort, 1632, in-8) ; // Compendio deisecreti razio-
nali intorno alla medicina, chirurgia ed alchimia
(Venise, 1571, in-8; 5e éd., 1680; trad. lat., Turin,
1580, in-8; ail., Darmstadt, 1624, in-8; angl., Londres,
1 652, in-4) ; La Fisica (Venise, 1 582, in-8 ; 3e éd., 1629 ;
trad. ail., Francfort, 1618); La Cirurgia (Venise, 1582,
in-8), etc. L. S.
Bibl. : Hœfer, Histoire de la chimie; Paris, 1842, in-8,
t. II, p. 132.
FIORAVANTI (Valentino), compositeur italien, né à Rome
en 1770, mort à Capoue le 16 juin 1837. Il fut élève, à
Naples, du Conservatoire délia Pietà de' Turchini, sous
la direction de Sala. En juin 1816, il devint maître de la
chapelle de Saint-Pierre du Vatican. Il a écrit des morceaux
d'église en style concertant, des motets pour un et deux
chœurs, des messes, un Ries irœk huit voix réelles et or-
chestre, un Te Deum à deux chœurs, un Miserere, un
Stabat, un Salve Regina, etc. Mais il fut apprécié sur-
tout comme musicien bouffe, bien que sa verve comique soit
gâtée souvent par la trivialité des idées et la faiblesse du
travail musical. Parmi ses opéras, très nombreux et très
applaudis, dont on trouvera la liste dans Fétis (Riographie
universelle des musiciens, 2e éd., t. III, p. 256), les plus
connus sont : Amor aguzza Vingegno, Con i matti il
savio la perde, L'Astuta, Il Furbo contra il Furbo, Gli
Amanti comici, UOrgoglio avvilito, La Cantatrice vil-
lane, La Capricciosa pentita, La Schiavadidue padron,
Li Giudizio di Paride, La Relia Carbonara, V Africano
generoso, I Virtuosi ambulanti (cet opéra, dont le livret
est tiré de l'ancien opéra-comique les Comédiens ambu-
lants, de Picard, fut écrit et représenté à -Paris en 1807),
La Sposa di due mariti, Camilla, Adelaide e Commin-
gio, Raoul de Crequijl Ciabottino. On lui doit encore un
oratorio, Nef te. Son opéra, La Cantatrice villane, a été
joué avec succès à Paris avant 1 Virtuosi ambulant^
en 1806. A. E.
FIORAVANTI (Vincenzo), musicien italien, fils du pré-
cédent, né à Rome le 5 avr. 1799, mort à Naples le 28 mars
1877. Il étudia la musique contre le gré de son père, qui
voulait faire de lui un médecin; mais son premier essai no-
table, un duo à intercaler dans un opéra connu, était si
médiocre, que le chef d'orchestre ne voulut pas le faire exé-
cuter. Il prit alors des leçons de Donizetti, puis écrivit un
opéra-bouffe, Pulcinella molinaro, où débuta Lablache
(Naples, 1819). Depuis ce moment, il composa de nom-
breux opéras, les uns sérieux, les autres bouif es ou « semi-
sérieux », que le supplément à la Riographie universelle
des musiciens de Fétis énumère, et parmi lesquels nous
citerons La Pastorella rapita, Robinson Crusoé, Amore
e Disinganno, Colombo alla scoperta délie Indie, La
Figlia del Fabro, CM Chenerà, Un Matrimonio in pri-
gione, Un Padre comprato ossia X, Y e Z, Gli Zingari,
Il Cieco del Dolo9 La Pirata, I Vecchi Rurlati, Il No-
FIORAVANTI — FIORENTINO
- 518
taio d'Ubeda (reproduit dans l'Italie entière, avec tin grand
succès, sous le titre de Don Procopio), La Lotteria di
Vienna, Annella, tavernara di porta Capuana* Il a
écrit également une messe funèbre et deux oratorios, Scilla
et II Sacriflzo di Jefte. A. E.
FIORAVANTI. Nom d'une famille de chanteurs italiens.
Ils étaient sans doute parents des deux compositeurs de ce
nom, et, comme eux, acquirent dans leur pays une véri-
table célébrité. Le père, Giuseppe, jouissait en 1822, à
Naples, d'une très grande renommée, grâce à sa belle voix
de baryton,. et aussi à son très grand talent de chanteur
bouffe. De 1822 à 1860, c.-à-d. pendant près de quarante
ans, il fit partie du personnel du théâtre Nuovo, deNapies,
où ses succès étaient éclatants. — Son fils, Luigi, né à
Naples le 20 déc. 1829, mort à Viterbe en déc. 1887,
fut aussi très renommé dans l'emploi de buffo caricato.
Bien que son père voulût le consacrer au commerce 4 il ne
put résister à sa passion pour le théâtre et débuta à dix-
huit ans* En 1838, il rejoignait son père au théâtre Nuovo, -
de Naples, où il restait jusqu'en 1855. — Valentino (qu'il
ne faut pas confondre avec Valentino Fioravanti, le com-
positeur) était, croyons-nous, le second fils de Giuseppe.
De 1848 à 1860, il appartint aussi au théâtre Nuovo, où
il se trouvait avec son père et son frère. Un fait assez curieux
est même à signaler, c'est qu'en 1849 tous trois jouèrent
dans un opéra d'un quatrième Fioravanti (Vincenzo) , intitulé
La Pirata. En 1861, Valentino quittait le théâtre Nuovo
pour entrer au Giardino dHnverno, de Naples. Ce sont là
tous les renseignements qu'il est possible de réunir sur cette
intéressante famille de chanteurs, dont les membres ont
été souvent confondus et pris les uns pour les autres. A. P.
FIORE (Jacobello del), peintre vénitien, qui travaillait
en 1400 et 1439. Il devint, après son père Francesco,
président de la gilde des artistes vénitiens de 1415 à
1436.. On a de lui : le Lion de saint Marc, daté de 1415,
au palais ducal; une Madone entre deux saints (1436),
et un Couronnement de la Vierge à l'Académie de Ve-
nise ; une Vierge allaitant l'Enfant, au musée Correr ;
des Scènes de la vie de saint Etienne et de saint Lau-
rent, à la chapelle de l'hôpital de Serravalle. Avec leurs
ornements d'or, la rigidité de leur dessin, la dureté de
leur couleur, ces peintures sont de vraies miniatures de
grandeur naturelle. Mais leurs faiblesses mêmes en font un
spécimen curieux des œuvres vénitiennes, entre la fin de
la tradition byzantine, qui s'éteint au début du xve siècle,
et la formation de l'Ecole dite de Murano.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la peinture
en Italie, t. IL
FIORE (Niccolô - A ntonio , dit Colantonio del) , peintre
italien de la fin du xive siècle, qui travailla à Naples, et dont
l'existence n'est connue que par une lettre de l'architecte
Summonzio, datée de 1424. On l'a identifié, sans grande
raison, avec Nicolaus Tomasi de Flore (Florentia?), qui a
signé en 1371 un Saint Antoine dans une gloire, au-
jourd'hui au musée municipal de Naples. La lunette au-
dessus du porche de San'Angelo a Nilo, également attribuée
à Colantonio, est complètement ruinée.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la, pein-
ture en Italie, I, ch. xi.
FIORE (Angelo ou Aniello del), sculpteur napolitain,
mort vers 1500. On cite de lui les statues funéraires du
Comte de Bucchianico (1447) et de Francesco Caraffa
(1470), à San Domenico Maggiore ; les statues de Saint
Jérôme, Saint Eustache, Saint Sébastien.et Saint Fran-
çois d'Assise, à Santa Maria Nuova, le tombeau des Pi-
gnatelli dans ^église de ce nom. Ses figures, par la jeu-
nesse et la pureté des formes, prouvent qu'il s'est inspiré
des maîtres florentins du milieu du xve siècle.
Bibl. : Perkins, les Sculpteurs italiens, II, ch. n.
FIORE (Pasquale), jurisconsulte italien contemporain,
né à Terlizzi (prov. de Bari) le 8 avr. 1837. Il a été suc-
sessivement professeur de philosophie au lycée de Crémone
(1 861) , professeur de droit constitutionnel et de droit inter-
national à l'université d'Urbin (1863), professeur de droit in-
ternational aux universités de Pise (1865), de Turin (1875)
et enfin de Naples. On peut citer parmi ses travaux : Ele-
menti di Diritto costituzionale (1862) ; Nouveau Droit
international public, suivant les besoins de la civilisa-
tion moderne (traduit par P. Pradier-Fodéré, 1869);
Diritto internazionale privato (traduit par P. Pradier-
Fodéré; Paris, 1875; 3e édit., 2 vol., 1888); Trattato
di Diritto internazionale publico (1879, trad. en fran-
çais et en espagnol); Trattato di Diritto internazionale
pénale (traduit en français; Paris, 1880, et en espagnol
par M. Garcia Moreno).
FIORELLI (Giuseppe), archéologue italien, né à Naples
le 8 juin 1823. Inspecteur des fouilles de Pompéi depuis
1845, révoqué pour causes politiques en 1849, nommé en
1860, lors de la fondation du royaume d'Italie, inspecteur
des antiquités dans l'Italie méridionale, et professeur d'ar-
chéologie à l'université de Naples, en janv. 1862 directeur
des fouilles dans les mêmes provinces et, de 1875 à 1890,
directeur général des musées et fouilles du royaume d'Italie
(direttore générale dei Musei e degli Scavi di anti-
chita), sénateur depuis 1865, correspondant (et depuis
1891, associé étranger) de l'Académie des beaux-arts de
Paris depuis 1866, M. Fiorelli a eu, par ses écrits et son
administration, une influence considérable sur le dévelop-
pement des études archéologiques en Italie. Ses principaux
ouvrages sont : Osservazioni sopra talune monete rare
di città greche (Naples, 1843, in-4); Monete inédite
deW Italia anlica (Naples, 1845, m-i); Annali di nu-
mismatica (Rome, 1846 et 1851, 2 vol. in-8); Notizia
dei vasi dipinti rinvenuti a Cuma dal conte di Sira-
cusa (Naples, 1853, in-fol.); Pompeianarum antigui-
tatum historia quam ex cod. mss. et a schedis diur-
nisque R. Alcubierre C. Weber.... nunc primum
coUigit... Fiorelli (Naples, 1860-1864, 3 vol. in-8);
Catalogo del museo nazionale di Napoli (Naples, 1866-
1871 , in-4, plusieurs fascicules); Relazione délie scoverte
archeologiche fatte in Italia dal 1846 al 1866 (Naples,
1867, in-4) ; Gli Scavi di Pompei dal 1861 al 1872
(Naples, 1873, in-fol.); Descrizione di Pompei (Naples,
1875, in-16); SuW Ordinamento del servizio archeolo-
gico (Rome, 1883 et 1885, in-4). Il est sénateur du
royaume depuis 1865. M. P.
FIORENTINO (Giovanni) (Jean de Florence), architecte
italien, du milieu du xme siècle. Appartenant à l'ordre de
Saint-Dominique, Fiorentino commença, en 1279, avec
Ristoro da Campi, religieux du même ordre que lui, l'église
du couvent de Santa Maria Novella, à Florence, dont la
première pierre avait été posée l'année précédente. Ces deux
architectes, également ingénieurs, avaient aussi dirigé,
après l'inondation de l'Arno, en 1246, la reconstruction de
deux ponts dits Alla Caraja et Santa Trinita dans la même
ville, ponts que reconstruisit, pour la dernière fois, l'Am-
manati en 1557 et 1559. Charles Lucas.
Bibl. : Marchese, Memorie dei più insigni Pittori,
Scultori ed Architetti Domenicani; Bologne, 1878, 4° éd.
FIORENTINO (G. Bugiardini, dit El) (V. Bugiardini).
FIORENTINO (Stefano), dit lo Scimmia (le Singe),
peintre de l'école de Giotto. Baldinucci fait de cet artiste
non seulement l'élève, mais le propre petit-fils de Giotto :
si l'hypothèse était prouvée, Stefano serait né en 1333.
Vasari le comble des éloges les plus extravagants et le
proclame égal à son maître pour le modelé, la draperie, la
perspective, etc. Malheureusement, on ne peut aujourd'hui
rien savoir de précis sur son œuvre. Le Commentaire de
Ghiberti lui attribue Y Annonciation du Campo Santo de
Pise, que Vasari met au nom de Simone Martini, et qui,
bien qu'entièrement repeinte, trahit certainement une main
siennoise. Il n'y a plus de trace du Martyre de saint
Marc que, d'après Ghiberti et Vasari, Stefano aurait peint
à Santa Croce, ni de la Gloire des Elus, dans le chœur de
l'église inférieure d'Assise, ni des œuvres qu'il avait exé-
cutées à Rome dans les églises de Saint-Pierre et d'Araceli.
Les fresques de la chapelle San Jacopo, dans la cathédrale
519 —
FIORENTINO — FIORILLI
de Pistoja, qui lui sont attribuées par Vasari, doivent être
rendues à Alesso d'Andréa et à Bonaccorso di Maestro
Cino ; elles sont, d'ailleurs, aujourd'hui recouvertes parle
badigeon. La seule œuvre existante, qui s'accorde avec les
indications de Ghiberti et de Vasari, est un Christ en
croix, entre un saint Thomas à peine visible et un autre
saint complètement effacé, dans le cloître de Santa Maria
Novella. Malgré l'état déplorable de cette fresque, on peut
la regarder avec certitude comme l'œuvre d'un giottesque,
mais elle n'a rien qui justifie l'enthousiasme de Vasari.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la pein-
ture en Italie.
FIORENTINO (Agostino), sculpteur italien, qui a tra-
vaillé de 4442 à 4461. L'éditeur de Vasari, M. Milanesi,
puis M. Yriarte, dans son Rimini, l'ont définitivement
identifié avec Agostino de Duccio (V. ce mot).
FIORENTINO (Tommaso), peintre italien, né vers 1500.
Séduit par le succès de Giovanni da Udine, il se consacra
uniquement à peindre des grotesques. Appelé en Espagne,
il y exécuta des décorations gracieuses au palais d'Alva,
vers 4520. On lui attribue divers portraits dans les musées
d'Espagne.
FIORENTINO (Luca), graveur italien du commence-
ment du xvie siècle. Ses œuvres, signées du monogramme
L. A. F., présentent une ressemblance frappante avec celles
de Robetta. Les meilleurs sujets sont : Hérodiade, avec la
tête de saint Jean, une Charité, la Vierge avec l'En-
fant, entre saint François et saint Antoine.
FIORENTINO (Pier-Angelo) , littérateur italio-français, né
à Naples en 4806, mort à Paris le 34 mai 4864. Elève des
jésuites, puis étudiant en droit, il fonde à Naples V Omni-
bus et le Vésuve, y débute par des nouvelles réunies plus
tard sous le titre Sere d'autuno, entame un poème épique,
Sergianni Caraccio, broche un roman historique, Coràd-
dino, fait représenter un drame, La Fornarina et part
pour Paris sans avoir réussi à forcer l'attention de ses con-
citoyens. A Paris, il gagne sa vie en donnant des leçons de
langues. Il revient à Naples avec une adaptation dramatique
d'un roman extraordinairement compliqué et bizarre de
Léon Gozlan, intitulé le Médecin du Pecq, et qu'il trans-
forme en II Medico di Parma, adaptation qui obtient un
prodigieux succès et lui procure, en Italie même, la con-
naissance d'Alexandre Dumas père, lequel le ramène à Pa-
ns où il se l'adjoint comme collaborateur. C'est ainsi que
Fiorentino aurait écrit sous l'anonymat une bonne part du
Corricolo, du Speronare, de Maître Adam le Calabrais
et de Jeanne de Naples. Du moins, sa signature figura-
t-elle dans Nisida, des Causes célèbres. Fiorentino acquit
à cet exercice une remarquable souplesse de style qu'il
utilisa bientôt pour son compte personnel, d'abord dans de
petits journaux, h Sylphide et le Corsaire (4846), puis
à la Presse où l'appela Girardin. De retour d'une cama-
pagne de propagande libérale en Italie (4848), il entre au
Constitutionnel qui lui confie son feuilleton musical. Trois
ans plus tard, en 1852, et sans qu'il ait quitté le Consti-
tutionnel, le Moniteur lui confie dans ses colonnesle même
feuilleton qu'il signe du pseudonyme de A. de Rouvray et
mène quinze ans durant parallèlement à son premier feuil-
leton, et en se bornant à modifier seulement d'un organe à
l'autre le tour de ses articles, là léger et caustique, ici grave
et solennel. On le vit également à la France, chargé de la
critique dramatique, et c'est qu'aussi bien il s'était acquis
dans cette partie une réputation extraordinaire. Malheu-
reusement pour lui cette réputation n'alla pas toujours sans
qu'on suspectât son impartialité. Attaqué par le Figaro,
alors à ses débuts, puis par la Société des gens de lettres, il
comparut devant une sorte de jury d'honneur où, pour
expliquer certaines attitudes équivoques, il déclara qu'il y
avait deux hommes en lui, tout à fait distincts, le critique
et le courtier d'engagement, lesquels n'avaient pas à se
préoccuper de ce qu'ils pouvaient faire séparément. Le jury
ne trouva pas ces explications de son goût. Fiorentino
provoqua immédiatement le premier membre de la Société
des gens de lettres que lui désigna Tordre alphabé-
tique, Amédée Achard, et lui traversa le poumon d'un
coup d'épée. L'opinion publique n'en était pas moins faite
sur son compte, et quand il mourut, laissant une fortune de
600,000 fr., on se rappela que de son propre aveu il avait
débarqué à Paris avec 450 fr. Edmond About, dans les
pages mordantes qu'il lui consacra, paraît avoir fort bien
résumé le caractère et le talent de cet Italien habile, souple,
des plus compétents, d'ailleurs, en matière de critique mu-
sicale. « Il écrivait fort bien, plaisantait finement et comp-
tait encore mieux. » Fiorentino est l'auteur d'une traduc-
tion de YEnfer du Dante qui fut illustrée par Gustave
Doré. Ch. Le Goffic.
FIORENZO di Lorenzo, peintre de l'école ombrienne,
qui travaillait dans la seconde moitié du xve siècle. Il eut
pour maître Bonfigli et subit certainement l'influence du
Pérugin ; on peut le considérer, avec Andréa Alongi, dit
Plngegno, comme le précurseur immédiat de Pitturichio.
La galerie de Pérouse possède de lui des fragments impor-
tants d'une grande Assomption peinte, en 4472, pour le
couvent des Servi, huit médaillons de saints provenant
d'une prédelle, un Saint Sébastien. Dans l'église San
Francesco de Diruta, on conserve un tableau signé Floren-
tius Laurentii et daté de 4487, qui représente Y Eternel
dans une gloire, entre saint Romain et saint Roch.
Le British Muséum et le musée de Berlin contiennent cha-
cun une Madone de Fiorenzo. Enfin, il est probable qu'il
faut rendre à cet artiste Y Adoration des Mages de l'église
Santa Maria Nuova à Pérouse, attribuée par Vasari au
Pérugin.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la pein-
ture en Italie, III, ch. vi.
FIORI (Cesare), peintre, architecte et graveur milanais,
né en 4636, mort en 4702. Il fut élève de Carlo Cane et
de Pietro-Paolo Caravaggio. Il semble s'être fait connaître
beaucoup moins comme peintre que comme décorateur et
organisateur de fêtes, processions, entrées de souverains.
Quelques-uns de ses projets se sont conservés dans des gra-
vures exécutées par lui-même.
FIORI da Urbino (V. Barocci [Federigo]).
FIORILLI (Tiberio), comédien italien, plus connu sous
le nom de Scoramouche, né à Naples le 9 nov. 4608, mort
à Paris le 7 déc. 4694. On croit que ce comédien fameux
était fils d'un capitaine de cavalerie, mais on ne sait presque
rien de sa vie avant l'époque où il vint en France, sinon
qu'il épousa à Palerme une jeune fille qui s'appelait Lau-
rence-Elisabeth (ou Isabelle) del Campo, et qui, une fois
mariée, prit aussi la carrière du théâtre, où elle adopta le
personnage de Marinette. Toutefois, l'énorme succès qu'il
obtint en Italie dans le rôle de Scaramouche, l'un des plus
importants de la commedia deW arte, n'est pas douteux.
Sa réputation était déjà grande lorsque, vers 4640, il
vint à Paris, où il faisait partie d'une groupe italienne
appelée par Mazarin. Il est certain toutefois qu'il y était
en 4644, car au mois d'août de cette année il y eut un
fils dont le parrain et la marraine ne furent rien moins
que le cardinal lui-même et la reine Anne d'Autriche.
L'année suivante , Fiorilli faisait partie de la fameuse
troupe italienne qui donna ses représentations au Petit-
Bourbon et qui joua sur ce théâtre La Finta Pazza.
Chassée deux ans après par les troubles de la Fronde,
cette troupe revint en 4653 et reparut au Petit-Bourbon
le 40 août, en présence du roi, de la reine mère et de
toute la cour. Elle y resta jusqu'en juil. 4659, où elle
retourna dans son pays.
De retour à Paris en 4662, toujours avec Fiorilli, les
Italiens, le théâtre du Petit-Bourbon ayant été démoli,
s'installent dans la salle du Palais-Royal , concurrem-
ment avec Molière qui l'occupait déjà. Ils y donnaient
quatre représentations par semaine et la troupe française
trois. C'est alors surtout que Fiorilli devint le favori de
Louis XIV qui l'avait pris en très grande affection et qu
le lui prouvait par des dons d'argent répétés. C'est alors
FIORILLI — FIRANDO
520 —
aussi que Molière, qui vivait avec les comédiens italiens
sur le pied d'une grande intimité, étudia assidûment, dit-on,
le jeu vraiment supérieur de Scaramouche.
Il est certain que le talent de Fiorilli était des plus
remarquables, sa pantomime d'une étonnante expression,
son comique absolument irrésistible, et qu'à tout cela il
joignait une légèreté et une souplesse de corps prodi-
gieuses, à ce point que, à l'âge de quatre-vingts ans passés,
il donnait encore, sur la scène, un soufflet avec le pied.
Tout en faisant de fréquents voyages en Italie, et cela
souvent, croit-on, par l'ordre du roij pour aller chercher
des sujets capables de renforcer la troupe, Fiorilli ne cessa
d'appartenir à celle-ci et d'y obtenir les plus grands succès
jusqu'à l'âge le plus avancé, car il ne quitta le théâtre que
cinq ans avant sa mort, alors qu'il était âgé de quatre-
vingt et un ans. Nous n'avons pas à nous étendre ici sur
les aventures ou les mésaventures amoureuses de Fiorilli
qui le rendirent aussi célèbre en son temps que ses talents
scéniques, surtout après son second mariage contracté à
quatre-vingts ans avec une femme de trente. — Àngelo
Costantini publia sa biographie sous ce titre : la Vie de
Scaramouche (Paris, 4695). Ce n'est guère qu'un tissu
d'anecdotes pour la plupart apocryphes.
F10R1LLO (Ignazio), musicien italien, né à Naples le
4 1 mai4745, mort à Fritzlar (Allemagne) enjuin 4787. Il fit
ses études musicales à Naples, dans les conservatoires, sous
la direction de Durante et de Léo. Vers 4754, il fut appelé
comme maître de chapelle à Brunswick, où il composa
de la musique sur les ballets de Nicolini. En 1762, il de-
vint maître de chapelle à Cassel, et y remplit ses fonctions
jusqu'en 4780, époqueà laquelle il se retira. Il a fait jouer
les opéras suivants : Mandane (Naples, 4736), Artimene
(Milan, 4738), II Vincitordi stesso (Venise, 1744), Diana
ed Endimione (Cassel, 1763), Artaserse (Cassel, 4765),
Nittetti (Cassel, 4770), Andromeda (Cassel 4771). On
lui doit également de nombreuses compositions pour l'église,
entre autres trois Te Deum, un Requiem, des messes,
motets, psaumes, deux Magnificat, deux Miserere, et l'ora-
torio Isacco, sur un texte de Métastase. On vante l'élégance
et la clarté de son style mélodique. A.E.
FIORILLO (Johannes Dominicus), écrivain d'art alle-
mand, né à Hambourg le 43 oct. 4748, mort à Gœtlmgue
le 40 sept. 4824. Il étudia d'abord la peinture, professa
cet art àGœttingue, y devint en 4784 conservateur de
la colleclion d'estampes, enfin professeur à la faculté de
philosophie. Peintre médiocre, il compte comme historien
d'art. Son premier ouvrage, Geschichte der zeichnenden
Kûnste von ihrer Wiederauflebung bis in die neuesten
Zeiten (Gœltingue, 4798-4808, 5 vol. in-8), ne roule
que sur la peinture, malgré son titre. Il se montre supé-
rieur dans ses Geschichte der zeichnenden Kûnste in
deutschland und den vereinigten Niederlanden (Ha-
novre, 4845-4820, 4 vol.), surtout par sa juste apprécia-
tion des monuments du moyen âge qu'il fut le premier à
faire connaître dans leur ensemble. On lui doit encore
Kleine Schriften artistischen Inhalts (Gœttinçue, \ 803-
4806, 2 vol.). G. P-i.
FIORILLO (Federigo), musicien d'origine italienne, fils
d'Ignazio , né à Brunswick en 4755, mort en Angle-
terre, à Londres sans doute, vers 4824 ou 4825. Très
jeune, il apprit à jouer de la mandoline, puis du violon,
sur lequel il devint extrêmement habile. En 4780, il fit un
voyage en Pologne; de 4783 à 4785, il fut directeur de
musique à Riga; ensuite, il alla à Paris, et, vers 4788,
se fixa en Angleterre, qu'il ne quitta que momentanément
en 4823, pour se faire soigner à Paris par le chirurgien
Dubois. De ses ouvrages, parmi lesquels on remarque des
trios pour deux violons et basse, des quatuors pour deux
violons, alto et basse, des duos pour deux violons, des
sonates pour piano et violon, des valses pour piano et
flûte, des quintettes pour deux violons, deux altos et
basse, des trios pour flûte, violon et alto, des sonates
à quatre mains pour piano avec accompagnement de flûte,
un quintette pour cor, flûte ou hautbois ou clarinette, vio-
lon, alto et basse, un air varié pour piano, des duos pour
violon et violoncelle, cinq symphonies concertantes (n° 4
pour deux flûtes, nos 2, 3 et 5 pour deux violons, n° 4 pour
deux hautbois), etc., le seul vraiment célèbre est le recueil
connu sous le nom iï Etudes de violon qui est classique au
point de vue de l'enseignement de cet instrument. A. E.
FIORIN (Bot.) (V. Agrostide).
FI 0 RI NI (Giovanni-Battista), peintre et architecte ita-
lien du xvi^ siècle. Il étudia les ouvrages du Bagnacavallo
et des Vénitiens, puis, fixé à Rome, donna dans la fadeur
des Zuccari. Uni à César Aretusi, il tira de cette collabo-
ration un succès qu'il n'eût pas trouvé seul. La Vocation
de saint Pierre, à la tribune de la cathédrale de Bologne,
la Naissance de la Vierge, à Saint-Jean-au-Mont, et
d'autres morceaux dans plusieurs villes de la Lombardie,
nous font connaître son talent de peintre. On ne connaît
rien qui témoigne de celui qu'il eut pour l'architecture.
FIORIN I (Gabriele), sculpteur italien, fils du précédent.
Il florissait dans la seconde moitié du xvie siècle, prit part
à tous les grands travaux de son temps, auxquels on l'em-
ploya surtout pour la partie des ornements. Les Saints
protecteurs de Bologne à Saint-François, un Saint
Sébastien à Sainte-Catherine de Saragosse, le tombeau du
Cardinal Agucchi à Saint-Jacques-Majeur, ainsi que la
décoration de plusieurs autels, soutiennent sa réputation.
FIORIN I (Pietro), architecte italien, fils du précé-
dent, mort en 4622. Il travaillait en 4584. Architecte
de la ville de Bologne, il reconstruisit, en 4583, l'église
de la Charité, puis celle de saint Mathieu et de Saint- Jean-
Baptiste. La Porte Pie fut élevée sur ses dessins. Son
chef-d'œuvre est le cloître de Saint-Michel in Bosco, que
décorèrent les Carrache et les peintres de leur école.
Bibl. : Malvasia, Pitture, Sculture ed Architetture di
Bologna
F10R1N1 (Matteo), mathématicien italien, né à Feliz-
zano (Piémont) en août 4827. Reçu docteur es sciences à
Turin en 4855, il a été attaché à l'administration du ca-
dastre de 4858 à 4859 et il est depuis 4860 professeur
de géodésie à l'université de Bologne. Il a écrit de nom-
breux ouvrages sur les alluvions et sur la cartographie :
Le Alluvioni (Bologne, 4878); Le Proiezioni délie carte
geografiche (Bologne, 4884,. avec atlas); Note ipsome*
triche sopra la regiona bolognese (Bologne, 4883); Mi-
sure offerte dalle carte geografiche (Florence, 4887);
Le Proiezioni cuneiformi (Rome, 4889), etc. L. S.
FIORITURE (Mus.). Les Italiens ont créé le mot
fioriture pour désigner les ornements, gammes, trilles,
arpèges, roulades, introduits par les virtuoses, chanteurs
ou instrumentistes dans le texte du compositeur. Autrefois,
les compositeurs italiens indiquaient sommairement les
passages di bravura, laissant toute liberté aux chanteurs,
qui ornaient les airs à leur guise. Mais Bellini, Rossini
écrivirent, réalisèrent ces traits, autrefois improvisés par
les interprètes. En France, les doubles, les diminutions
étaient des espèces de fioritures, de variations (V. ce
mot). Dans les doubles, le chanteur ou l'instrumentiste
doublait les valeurs des notes; dans les diminutions, il les
décomposait. On faisait entendre l'air, puis le double : le
thème et la variation. Ch. B.
FIPA. Pays de l'Afrique, au S. de l'Equateur, compris
entre la rive S.-E. du Tanganîka et le bord occidental du
Rikouâ ou lac Léopold. Les côtes du Tanganîka, dans le
Fipa, sont très élevées et dominées, par de hauts plateaux
boisés. Une chaîne de montagnes, haute de 4,200 m., tra-
verse le pays de l'O. àl'E. Le pays produit naturellement
le coton et le riz. Le centre commercial estKaléma, sur les
confins du Fipa et du Tongoué.
FIQUEFLEUR-Equainville. Corn, du dép. de l'Eure,
arr. de Pont-Audemer, cant. de Beuzeville ; 542 hab.
F 1 Q U ET (Etienne) (V. Ficquet) .
FIQUET du Boccage (Pierre-Joseph) (V. Boccage).
FIRANDO (Japon) (V. Hirado).
— 521 —
FIRAOUN - FIRENZUOLA
FIRAOÛN. Nom donné quelquefois au chott el-Djerid
(V. Djerid).
F1RBE1X. Com. du dép. de la Dordogue, air. de Non-
tron, cant. de Saint-Pardoux-la-Rivière ; 990 hab.
FIRCKS (Théodore, baron de), publiciste russe, plus
connu sous le nom de Schedo-Ferroti, né à Kalwen, en
Courlande, le 7 avr. 4812, mort à Dresde le 25 oct.1872.
Il fit ses études militaires à Saint-Pétersbourg et servit
au corps des ingénieurs. Il a publié en français une série
d'Etudes sur l'avenir de la Russie dont quelques-unes
ont été très remarquées : la Libération des paysans (Ber-
lin, 1857 ; 4e édit., 1859); les Principes du gouverne-
ment et leurs conséquences (ib., 1857) ; Malversations
et Remèdes (ib., 1859); la Noblesse (ib., 1859); le
Militaire (ib., 1860); les Serfs non encore libérés (ib.,
1861). Devenu agent consulaire de Russie à Bruxelles, il
collabora au journal le Nord. Une brochure en faveur de
la Pologne, Lettre d'un patriote polonais au gouver-
nement national de la Pologne (Berlin, 4863), le fit
tomber en disgrâce. Il se fixa dès lors à Dresde et reprit
la suite de ses « Etudes » : la Tolérance et le Schisme
religieux en Russie (ib., 1863); Que fera-t-on de la
Pologne? (ib., 1864) ; le Nihilisme en Russie (ib.,
4867) ; le Patrimoine du peuple (ib., 1868). On lui doit
en outre quelques brochures : Lettres sur les chemins
de fer en Russie (Berlin, 1858) ; la Question polonaise
(ib., 1863) ; Lettres sur l'Instruction populaire en Rus-
sie (Leipzig, 1869), et une brochure allemande, Die inter-
nationale Arbeiterbewegung (Berlin, 1872). L. L.
FIRDOÛSI. C'est sous ce surnom, dont l'origine est in-
certaine, que Ton désigne ordinairement l'un des plus grands
poètes persans, Abou'l-Qâsim Mansoûr ibn Ahmed ibn Fakhr
ed-Dîn. Né vers l'an 940 au bourg de Chadab, dans les
environs de Thoûs, Firdoûsi reçut une très brillante édu-
cation ; il étudia non seulement la langue persane, mais
encore la langue arabe qu'il possédait admirablement et la
langue pehlvie. On a peu de détails certains sur les pre-
mières années de sa jeunesse et même sur les débuts de
son âge d'homme fait ; on sait seulement qu'il faisait de
patientes recherches pour connaître l'histoire ancienne de sa
patrie et qu'il était avide des renseignements que pouvaient
lui fournir sur ce sujet les chroniques pehlvies et, en par-
ticulier, la collection de Danichver Dihkan. Sans doute il
méditait déjà le projet qu'il devait réaliser plus tard d'écrire
en vers l'histoire de la Perse, mais il avait été devancé
dans cette voie par Daqîqî. La mort tragique de ce dernier lui
ayant laissé le champ libre, il se mit aussitôt à l'œuvre,
non sans tirer parti des travaux de son précurseur, bien
qu'il ne les jugeât pas toujours très favorablement. Le
moment d'ailleurs était heureusement choisi de chanter les
exploits des héros de l'Iran. Etouffée pendant trois siècles
par la civilisation arabe, la nation persane allait bientôt
recouvrer son indépendance politique et littéraire. Les es-
prits s'enflammaient au récit des prouesses des anciens
Persans ; on était heureux de retrouver ces sortes de titres
de noblesse, et la fierté qu'on en ressentait avivait les forces
du patriotisme. Aussi les premiers vers de Firdoûsi vo-
lèrent-ils bientôt de bouche en bouche. Cet honneur ne suf-
fisait pas au poète dont les ressources étaient des plus pré-
caires; il avait besoin d'un Mécène. Il en trouva un d'abord
dans la personne d'Aboû Mansoûr, le gouverneur de la pro-
vince de Thoûs, mais son poème était loin d'être achevé
quand Aboû Mansoûr mourut. Firdoûsi, alors âgé de cin-
quante-huit ans, se décida à chercher un protecteur dans
la personne de Mahmoud le Ghaznévide qui venait de monter
sur le trône. Il se rendit donc à Ghazna où il eut beau-
coup de peine à attirer l'attention sur lui à cause de la
jalousie des poètes de la cour qui ne voyaient pas sans in-
quiétude pour leurs revenus l'arrivée d'un rival aussi redou-
table. Cependant il avait réussi à gagner la faveur du prince
et semblait devoir terminer paisiblement son œuvre entouré
d'honneur et comblé de richesses, quand des intrigues de
cour lui aliénèrent l'esprit de Mahmoud. Plein de dépit et
de colère, il quitta Ghazna après avoir décoché au sultan
une cruelle satire et erra de ville en ville pour se soustraire
aux poursuites dont il était l'objet. Même à Bagdad, le khalife
El-Qâdir-Billâh, en l'honneur duquel il composa le poème
de Yoûsoufet Zuleikha, n'osa point lui assurer sa protec-
tion contre la fureur de Mahmoud, et Firdoûsi, déjà très
avancé en âge, rentra à Thoûs où il ne tarda pas à mourir
en l'année 1020. On raconte qu'enfin le sultan Mahmoud,
ayant appris les intrigues dont le poète avait été la vic-
time, l'avait invité à revenir à la cour et lui avait envoyé
un présent de 100,000 pièces d'or. Au moment où le
convoi qui apportait le présent entrait par une des portes
de Thoûs, le corps de Firdoûsi sortait par une autre porte
pour être conduit à sa demeure dernière. La fille du poète
ayant refusé la somme envoyée à son père, cet argent fut
employé à construire un barrage que Firdoûsi, dans sa jeu-
nesse, avait toujours rêvé de faire bâtir à ses frais. L'ou-
vrage capital de Firdoûsi a pour titre le Châh-Nâmèh (le
livre des rois) ; c'est le récit, dans l'ordre chronologique,
des événements dont la Perse a été le théâtre durant une
période de trois mille six cents ans s'arrêtant à l'année 636
de notre ère, c.-à-d. à l'époque delà conquête musulmane.
La lutte de l'Iran (Perse) contre le Touran (Turkestan)
forme en quelque sorte le cadre de l'ouvrage et c'est le
plus souvent à l'histoire de cette lutte que se rattachent les
épisodes dont le livre est parsemé. Cependant, il en est
d'autres qui ne se lient en aucune façon à ce sujet, et cette
absence d'unité rend la lecture continue du poème fati-
gante ; pour en sentir tout le charme il faut prendre chaque
épisode séparément sans s'inquiéter du rapport qu'il peut
avoir avec le reste de l'ouvrage. La coupure en distiques
qui renferment chacun un sens complet imprime une allure
saccadée à ce long poème et n'a pas permis de donner à la
pensée le tour harmonieux qu'elle aurait pu revêtir dans
des périodes plus amples et savamment ordonnées. L'incon-
vénient de ce genre est tel qu'on peut souvent changer
l'ordre des distiques sans qu'au premier abord on s'aper-
çoive de la transposition dont le texte a été l'objet ; aussi
est-il rare de trouver deux manuscrits identiques au point
de vue de la disposition des distiques ou qui en donnent un
même nombre. Au lieu de 60,000 distiques dont le poème
complet doit, dit-on, se composer, les manuscrits en
fournissent-ils au plus 56,000 et le plus souvent 46,000
ou même 40,000. Le Châh-Nâmèh n'est point, à pro-
prement parler, un poème épique ; c'est un poème histo-
rique ; on ne saurait donc le rapprocher ni de l'Iliade ni
de ['Enéide, et, malgré des beautés de premier ordre, il
reste pour nous bien au-dessous de ces deux chefs-d'œuvre
comme valeur littéraire. Considéré au point de vue histo-
rique, il offre, au milieu de ses fables et de ses légendes, de
nombreux renseignements puisés, soit dans les traditions
orales, soit dans des ouvrages pehlvis, et spécialement pour
la partie relative aux Sassanides, on peut le consulter avec
fruit. A part le Châh-Nâmèh, il ne reste de Firdoûsi que
son poème de Yoûsoufet Zuleikha ; c'est le développement
des incidents rapportés par le Coran sur l'aventure de Jo-
seph avec la femme de Putiphar. De nombreux fragments
du Châh-Nâmèh ont été traduits dans diverses langues,
mais il n'existe qu'une seule traduction complète, celle
donnée en français par J. Mohl sous le titre le Livre
des rois et publiée à l'Imprimerie nationale ; la première
édition en 7 vol. in-fol. (1838-1878), la seconde en 7 vol.
in-12 (1876-1878). Le texte persan seul a été donné par
Turner Macan sous le titre The Schah-Namèh (Cal-
cutta, 1829, 4 vol. in-8). Cette excellente édition a été
reproduite par la lithographie, à Téhéran, en 1850, sous
la direction de Mohammed-Mehdi. O. Houdas.
Bibl. : Doulet-Schah, Tedzhiret, trad. par de Sacy,
dans les Notices et Extraits des manuscrits, t. IV, p. 230.
— J. Mohl, art. du Journal asiatique, 1841, t. II et préface
du Livre des Rois.
FIRENZUOLA (Agnolo Giovannini ou Nannini, sur-
nommé), poète et conteur italien, né à Florence le 28
sept. 1493, mort à Rome vers 4545. Moine bénédictin de
FIRENZUOLA — FIRMaN
— 522 —
la congrégation de Vallombreuse, il fut un assez médiocre
religieux, mais, en revanche, un très bon écrivain : aux
yeux de Clément VII, cette dernière qualité dispensait de
toutes les autres et l'on vit ce pape lire à haute voix,
devant des cardinaux et des beaux esprits, tel des légers
opuscules du bénédictin. Il en rédigea de galants, comme
son Discours sur l'amour platonique ; d'amusants, comme
son Expulsion des nouvelles lettres, pamphlet contre
Trissino ; d'un peu vifs, comme sa minutieuse description
de la Beauté des femmes où se révèle, avec une parfaite
impudeur, une science accomplie de l'amour ; de sages,
comme ses Discours des animaux. Il traduisit bravement
l'Ane d'or, d'Apulée (Venise, 1567), et c'est encore l'un
de ses livres les plus estimés pour la pureté de la langue.
Ses autres productions sont des vers, capitoli, des comé-
dies : I Lucidi (Florence, 4549); La Trinuzia (Florence,
1554). On trouve en deux volumes ses principales œuvres :
La Rime date in luce da Messer Lorenzo Scala (Flo-
rence, 4549, in-8); Le Prose, nelle quali si contengono %
Discorsi degli Animali, Ragionamenti diversi, no-
velle, etc. (Florence, 4552, in-8). La meilleure édition
de ses œuvres a été donnée par Bianchi (Florence, 4848,
2 vol.). Larivey a traduit son Discours des animaux
(1579) et J. Pallet son Discours de la beauté des dames
(4578). R. G.
Bibl. : Giambattista Passano, Novellieri italiani in
prosa ; Turin, 1878, 2 vol. in-8. — Du même, I Novellieri
italiani in verso ; Bologne, 1868, in-8.
FIRFOL. Corn, du dép. du Calvados, arr. et cant. (4er)
de Lisieux; 164 hab. De l'ancien prieuré subsiste l'église
du xnie siècle transformée en grange. Ancien manoir du
xvie siècle.
FI R KOV1TC H (Abraham), célèbre juif caraïte, né à Loutzk
(Russie) le 27 sept. 4786, mort à Tschufut-Kalé (Crimée) le
7 juin4874. D'une famille pauvre, il ne reçut dans son enfance
qu'une instruction élémentaire. Après bien des déboires, et
déjà marié, il écouta les conseils de MardochéeSultanansky,
rabbin des Caraïtes de sa ville natale, qui l'engageait à étu-
dier sous sa direction. Il put ainsi devenir instituteur, et,
enfin, après avoir mené une existence malheureuse, rabbin
à Kozlov (Eupatoria) vers 4834. En 4830, il s'était rendu
en Palestine, où il avait découvert quelques manuscrits
hébreux : il préludait ainsi à sa vocation. En 4838, le gou-
vernement russe demanda à la communauté caraïte de Kos-
lov les renseignements qu'elle possédait sur l'établissement
des juifs de leur secte en Russie, leur origine, leur his-
toire, etc. Les Caraïtes étaient trop ignorants pour répondre.
En 4839, nouvelle mise en demeure. Cette fois, ils se déci-
dèrent à envoyer quelqu'un dans les communautés caraïtes
de Crimée et des autres pays pour y réunir les matériaux
propres à répondre au questionnaire du gouvernement. Ils
firent choix pour cette mission de Firkovitch qui s'était déjà
signalé par ses découvertes et la publication d'œuvres an-
ciennes et de travaux personnels. Firkovitch parcourut
alors la Crimée, le Caucase, la Turquie, la Syrie, la Pales-
tine, l'Egypte, la Perse, recueillant inscriptions et manus-
crits, faisant partout où il passait de véritables rafles
d'ouvrages rares et inédits. Il rapporta de son expédition,
non seulement de nombreux textes émanant de Caraïtes,
mais des manuscrits arabes et hébreux des plus célèbres
exégètes, grammairiens et théologiens des xe et xie siècles,
œuvres qu'on croyait à jamais perdues, entre autres de
Saadia, d'Aboul-Valid ibn Djanah, de Samuel ben Hofni,
de Juda ibn Balam. Le gouvernement russe acheta cette,'
précieuse collection, riche de près de deux milliers de
volumes. En 1863, nouveau voyage qui ne fut pas moins
fructueux. Ces étonnantes découvertes entourèrent le savant
caraïte d'une grande popularité ; malheureusement il avait
rapporté de ses voyages des inscriptions et des manuscrits
caraïtes enrichis de notices historiques, notices qui tendaient
à prouver que les Caraïtes étaient établis en Russie depuis
les temps les plus reculés ; on reconnut que la plupart des
inscriptions étaient apocryphes et avaient pour but de
vieillir la secte. Les ouvrages de Firkovitch, à l'exception
de Abné Zicaron, ou recueil des inscriptions découvertes
par lui, ont peu d'intérêt. Il laisse un grand nombre de
travaux inédits. On en trouvera la liste, avec celle des
ouvrages qu'il a publiés, dans J. Fùrst, Geschichte des
Karaërthums, III, pp. 476 et suiv. Israël Lévi.
Bibl.: Ephraïm Deinard, Biographie de Firkovitch (en
hébreu) ; Varsovie, 1875, in-8 (faite dans un esprit malveil-
lant). — Neubauer, Ans cler Petersburger Bibliotheh;
Leipzig, 1866. — Jellinek, Abr. Firkowitsch ; Vienne,
1875. — Harkavy et H.-L. Strack, Catalog der hebr.
Bibelhandschriften der k. of. Bibliotheh in Saint-Pe-
tersburg', 1875. — Harkavy, A Itjudisc he Denkmàler aus
der Krim, 1877. — Chwolson, Corpus inscriptionum
hebraicarum ; Saint-Pétersbourg, 1882, in-fol. —Journal
asiatique, 6° série, t. V. — Revue des Etudes juives, t. VI,
pp. 147 et suiv.
FIRLEJ. Grande famille polonaise; elle paraît être ori-
ginaire de la Franconie ; ses principaux représentants ont
été : Nicolas Firlej, castellan de Cracovie, grand het-
man de la Couronne, né dans la seconde moitié du xve
siècle, mort en 4526. En 4484, il accompagna le roi Jean
Albert dans une expédition contre les Tatares; en 4489
et 4502, il fut chargé de missions auprès du sultan Bajazet.
En 4508, il fut mis à la tête d'une expédition contre les
Moscovites. En 4545 et 4549, il repoussa les Tatares qui
avaient envahi la Podolie et la province de Lublin. En
4520, il lutta contre les chevaliers teutoniques. — Jean
Firlej, fils du précédent, fut secrétaire du roi Sigismond
Auguste. Il fut chargé de missions en 4545 auprès de la
diète de Worms. Il devint, en 4554, palatin de Belz et,
en 4572, de Cracovie; il fut en outre grand maréchal de
la couronne. Il avait fait ses études à Leipzig et avait
embrassé la confession helvétique. Il défendit énergiquement
les droits des dissidents lors de l'élection de Henri de Va-
lois. Il mourut brusquement le 27 août 4574, et on
attribua sa mort au poison. — Son fils, Henri Firlej, né
en 4573, mort en 4626, appartint à la religion catholique.
Il fit ses études théologiques à Rome où' il devint prélat
de la maison du pape et notaire apostolique. Retourné en
Pologne, il s'éleva aux plus hautes dignités; en 4643, il
fut sous-chancelier de la couronne, et, en 4624, archevêque
de Gniezno. — Une bourgade de Galicie, Firlejow, rap-
pelle encore aujourd'hui le nom de la famille Firlej • L. L.
FIRMA Burgi (Dr. anglais). Important privilège, con-
cédé au moyen âge par les rois d'Angleterre à un grand
nombre de villes et de villages. La communauté des bour-
geois d'une ville achetait au roi la ferme de la ville (firma
burgi, en anglais fee-farm rent), c.-à-d, le droit de
percevoir elle-même toutes les taxes et redevances dues
au roi par ladite ville, en s'engageant à verser chaque
année au Trésor royal une somme fixe. Le Trésor ^ y
gagnait d'être assuré de rentrées régulières ; les bourgeois,
d'échapper aux exactions des sheriffs (sauf pour le toilage).
Il est question de la Firma burgi concédée aux gens
d'Huntingdon dans le Domesday Book. Les fermes de Nor-
thampton, Wallingford et Colchester sont mentionnées dans
le Pipe Roll de la trentième année de Henry Ier. Mais des
villes comme Winchester et Bristol semblent n'avoir pas
joui de ce privilège avant le règne d'Edouard III. V.
Madox, Firma burgi, or an historical essay concerning
ciliés, etc. (Londres, 4726, in-fol.). Ch.-V. L.
FIRMAMENT (Astron.). Nom donné autrefois au hui-
tième ciel ou au ciel des étoiles fixes. Ce ciel était supposé
le premier mobile, parce qu'on croyait qu'il entraînait tous
les autres mobiles ou cieux des planètes, appelés aussi cieux
inférieurs. Des auteurs mettaient le premier mobile au-dessus
du firmament. — Ce mot désignait aussi le ciel en général.
FIRMAN. Ce mot, dérivé du perse framâna (ordre),
sert à désigner en Turquie les ordres émanés du sultan,
mais seulement quand ils sont applicables aux provinces
de l'Empire et non pas à la ville de Constantinople seule-
ment ; ils sont alors revêtus du chiffre impérial et corres-
pondent à peu près exactement avec ce qu'on appelait en
France « ordonnances » avant 4789. En efîét, de même
— 523 -
FIRMAN - FIRMIN
que l'ordonnance royale de cette époque, le firman com-
prend, outre les décisions consacrées aux matières d'un
intérêt général, les édits, déclarations, lettres patentes, etc.
Ainsi c'est par un firman que les vaisseaux de guerre euro-
péens sont autorisés à franchir les Dardanelles. 0. H.
FJRMAS-Périès (Armand -Charles-Daniel, comte), gé-
néral français, né à Alais le 4 août 1770, mort en 1828.
Entré dans l'armée en 1785, il s'affilia en 1790 au parti
royaliste des Vrais Français, eut un commandement au
camp de Jalès et, arrêté le 19 mars 1791, fut enfermé
jusqu'au 22 avr. au fort d' Alais. Remis en liberté, il émi-
gra, servit avec zèle dans l'armée des princes, passa au
service de la Russie, puis du Wurttemberg, prenant part
à toutes les campagnes contre la France et recevant force
dignités étrangères (chambellan de Frédéric, grand maître
des cuisines, conseiller intime, etc.). Il avait épousé une
Allemande, la comtesse Joséphine de Waldebourg Wal-
dersee (1799). En 1815, il accourut à Gand auprès de
Louis XVIII, reçut le grade de maréchal de camp (30 mai)
et fut promu lieutenant général le 30 mars 1819. Mis à la
retraite le 21 juil. suivant, il fut ensuite chargé de mis-
sions peu importantes auprès des souverains des petits
Etats allemands où il avait des relations de famille. Il a
laissé un certain nombre d'ouvrages : Observations aux
députés de la noblesse aux Etats généraux sur les objets
militaires (Nîmes, 1789, in-8) ; Protestation énergique
contre les décrets de V Assemblée nationale (Colmar,
1791); le Jeu de stratégie ou les Echecs militaires
(Memmingen, 1808, in-8) ; Pasitelegraphie (Stuttgart,
1811, in-8), en collaboration avec Maimieux ; Notice
historique sur Louis- Antoine-Henri de Bourbon-Condé,
duc d'Enghien (Paris, 181 4, in-8) ; Réflexions politiques
sur le projet d'une constitution pour le royaume de
W urtemberg (Paris, 1815, in-8); Bigamie de Napoléon
Bonaparte (1815, in-8), etc.
FIRMEN1CH (Johannes-Mathias), poète et érudit alle-
mand, né à Cologne le 5 juil. 1808, mort àPotsdam le
10 mai 1889. Il composa des chansons populaires en pa-
tois, puis en langues étrangères (anglais, grec moderne).
Son principal titre est une collection de poésies et tradi-
tions populaires : Germaniens Vœlkerstimmen Samm-
lung der deutschen Mundarten in Dichtungen, Sagen,
Mœrchen, Volksliedern, etc. (Berlin, 1843-66, 3 vol. ;
suppl. 1868).
FIRM1. Corn, du dép. de l'Aveyron, arr. de Villefranche-
de-Rouergue, cant. d'Aubin ; 2,530 hab. Pays houiller.
FI R Ml AN (Joseph, comte de), homme d'Etat autrichien,
né à Deutschmetz (Tirol) le 6 août 1716, mort à Milan le
20 juil. 1782. Il acheva son éducation à l'université de
Leyde et voyagea en France et en Italie. En 1753, Marie-
Thérèse l'envoya comme ambassadeur à Naples. Il devint
ensuite ministre en Lombardie (1759). Il déploya dans
ces fonctions, qui étaient celles d'un véritable gouverneur,
des qualités d'un administrateur intelligent et libéral. Il
favorisa les sciences et les lettres, ouvrit des bibliothèques,
releva l'université de Pavie. Ami éclairé des arts, il fut lié
avec Winckelmann et Angelica Kaufmann. Il laissa à sa
mort une riche collection d'objets d'art et une bibliothèque
de 40,000 volumes. Le catalogue en a été publié à Milan
en 1783 sous le titre de Bibliotheca Firmiana.
FI RM I CU S (Julius-Firmicus-Maternus), écrivain latin
du ive siècle ap. J.-G. Il composa, entre autres ouvrages,
un traité considérable avec ce titre Matheseos libri VIII.
Ce livre est dédié à Mavortius Lollianus, qui fut consul
en 355. Commencé du temps de Constantin, c.-à-d. avant
337, il ne fut publié que vers 354. L'auteur, qui était
Sicilien, avait abandonnée barreau pour se consacrer uni-
quement à la science astrologique ; son but est de purifier
par ces études son âme corrompue par la fréquentation
d'hommes vicieux. Le premier livre renferme, comme intro-
duction, l'apologie de l'astrologie ; dans les autres, il s'occupe
principalement de l'influence des astres sur la vie et la destinée
des hommes. Son exposition est diffuse ; c'est un mélange
de phrases sèches et techniques et de déclamation mystique,
avec beaucoup de répétitions dans les mots et les tournures ;
son lexique renferme un grand nombre de néologismes
dans le goût de son siècle. Le livre de Firmicus a été im-
primé pour la première fois à Venise en 1497, mais n'a
pas été publié depuis le xvr3 siècle ; la dernière édition est
celle de l'astronome N. Pruckner (Baie, 4551); une lacune
a été comblée par Lessing (t. IX, pp. 409-430 de l'éd.
Lackmann). Firmicus, d'après son livre même, était païen.
— Aussi faut-il le distinguer de son homonyme et contem-
porain, auteur chrétien d'un écrit apologétique intitulé
De Errore profanarum religionum, composé de 343 à
350. Il est dédié aux empereurs Constance et Constantin.
L'auteur, dans sa polémique, fait preuve d'une connais-
sance solide des écrivains chrétiens et de l'Ancien Testa-
ment ; il conjure les empereurs d'employer la force pour
détruire les restes du paganisme. Il est à remarquer que
par la langue et le style, il ressemble fort à son homo-
nyme ; d'après quelques détails de son livre, il semble
aussi originaire de la Sicile : peut-être les deux Firmicus
étaient-ils condisciples, sinon proches parents. Quoi qu'il
en soit, l'auteur chrétien occupe un rang honorable parmi
les « petits apologétistes » ; un livre plusieurs fois publié
d'après un manuscrit du xe siècle (Vaticano-Palatinus,
163) se trouve dans la Patrologie latine, de Migne,
t. XII,p. 971 (V. A. Ebert, Littérature du moyen âge,
1. II, ch. iv). A. W.
FI RM 1 LIEN (Saint), évêque de Césarée en Cappadoce.
Appelé à ce siège en 232, mort en 272. Fête dans l'Eglise
grecque, 28 oct. Il avait reçu l'enseignement d'Origène,
lorsque celui-ci se retira en Asie. Sa science et le respect
inspiré par son caractère le placèrent dans l'estime des
contemporains au même rang que l'évêque d'Alexandrie,
qu'ils appelaient Denys le Grand. En 256, saint Cyprien,
discutant contre Etienne, évêque de Rome, la validité du
baptême administré par les hérétiques (V. Eglise, t. XV,
p. 619, col. 2) lui adressa une lettre qui ne nous est point
parvenue. La réponse de Firmilien a été conservée par
une tradition latine, insérée dans les œuvres de Cyprien.
Elle reproduit et approuve les arguments de l'évêque de
Carthage, et elle atteste que sa doctrine (contraire à celle
de l'évêque de Rome) est conforme à la vérité et à la tra-
dition des églises d'Asie. Firmilien fut appelé à la prési-
dence du premier concile (WQ) ou des deux premiers qui
furent tenus à Antioche pour statuer sur les accusations
portées contre Paul de Samosate. Il était en route pour
présider le dernier, lorsqu'il mourut à Tarse. Basile le
Grand cite de lui plusieurs discours qui sont perdus.
FIRMIN (Saint), martyr, premier évêque d'Amiens, né
à Pampelune, mort en 287. Fête, le 25 sept. Firmus, son
père, sénateur de Pampelune, et Eugénie, sa mère, avaient
été convertis par saint Honestus, prêtre de Toulouse et
disciple de saint Saturnin ; ils lui confièrent l'éducation de
leur fils, qui progressa si rapidement en pieuses vie et doc*
trine que, dès l'âge de dix-sept ans, il fut associé à la
prédication de son maître. Consacré évêque par saint Ho-
norât de Toulouse, Firmin prêcha l'Evangile à Albi, à
Agen, en Auvergne et à Angers ; il y fit de nombreuses
conversions, même de prêtres des idoles. Puis il s'en alla
auprès des chrétiens de Beauvais, cruellement persécutés.
On le mit en prison, mais le peuple le délivra. Il se rendit
alors à Amiens, où il convertit en quarante jours trois mille
païens, parmi lesquels le sénateur Faustinien et sa famille.
Le préfet Rictiovare (d'autres disent les tyrans Sébastien
et Longin) le fit décapiter. Son corps fut enfoui secrète-
ment, mais Faustinien réussit à le trouver et le déposa avec
beaucoup d'honneur en une sienne terre, à Saint-Acheul.
Néanmoins, le lieu de cette sépulture resta longtemps
inconnu, ce qui désolait fort saint Sauve, évêque d'Amiens.
Ce saint ordonna des processions, des prières et un jeûne
public de trois jours pour le découvrir. Le dimanche sui-
vant, comme il disait la messe à Saint-Acheul, un rayon
de lumière resplendit derrière le maître-autel. On creusa
FIRMIN — FIROUZ
524 -
la terre en cet endroit ; le corps de saint Firmin y reposait.
Il en sortit une suave odeur, qui ne remplit point seule-
ment l'église et les alentours, mais qui s'étendit fort au
loin, jusqu'à Beauvais, Noyon, Cambrai, Thérouanne et
même au Mans. Les évêques de ces villes la sentirent, et,
guidés par elle, cheminèrent à Amiens. Le corps fut porté
en la cathédrale, le 13 janv. En ce jour d'hiver, les arbres
portèrent des fleurs, qui guérirent beaucoup de malades,
et ils inclinaient leurs branches tandis que la châsse pas-
sait. En foi de ce miracle, les chanoines faisaient le 13 janv.
une procession avec leur habit d'été, et ils brûlaient en
l'église de la station quantité d'encens et matières aroma-
tiques. Le chef de saint Firmin fut plus tard porté à Saint-
Denis, avec quelques autres de ses reliques. — Les écri-
vains qui dissertent sur ces choses discutent la date de la
mort de ce saint ; quelques-uns la placent en l'âge aposto-
lique, d'autres en 303. E.-H. Vollet.
Bibl. : Bollandistes, Acta Sanctorum, 25 sept. — Le
Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire
ecclésiastique des six premiers siècles ; Paris, 1693-1712,
t* III, p. 303, 16 vol. in-4. — Corblet, Hagiographie du
diocèse d'Amiens, 1869-1876, 5 vol.
FIRMIN (Thomas), philanthrope anglais, né à Ipswich
en juin 4632, mort à Londres le 20 déc. 4697. Après son
apprentissage, il fonda une maison de mercerie à Londres,
réalisa une petite fortune et l'employa tout entière en
œuvres de bienfaisance. Il construisit des workhouses pour
procurer du travail aux ouvriers, sans bénéfices pour lui-
même ; il y employa plus de dix-sept cents personnes,
mais éprouva de telles pertes qu'il dut abandonner l'entre-
prise. Il s'occupa beaucoup de la réforme des prisons. Fir-
min fut directeur de l'hôpital du Christ et de l'hôpital
Saint-Thomas. Il avait un talent tout spécial pour provo-
quer la charité et il était devenu une sorte d'aumônier
général de Londres. Il a écrit un ouvrage : Some Propo-
sais for the imploying of the poor and for preventing
of begging (Londres, 1678, in-4). R. S.
Bibl. : The Charitable Samaritan or a short and impar-
tial accountof Ths. Firmin; Londres, 1698, in-4.— Life of
Mr. Thomas Firmin; Londres, 1698, in-8. — V 'indication
of the memory of Ths. Firmin ; Londres, 1698, in-4. —
Account ofMr. Firmin's Reliqua; Londres, 1698, in-8.
FIRMIN (Jean-François Becquerelle, dit), acteur fran-
çais, né à Paris le 6 avr. 4784, mort au Coudray, près de
Corbeil, le 30 juil. 4859. Il commença sa carrière, encore
enfant, sur une des petites scènes issues de la Révolution,
le gentil théâtre des Jeunes-Elèves, et s'y fit remarquer
par sa grâce et ses heureuses dispositions. Frappé de son
intelligence, Picard, alors directeur du théâtre de l'Impé-
ratrice, l'appela à lui et le fit débuter, le 30 mars 4806,
dans le Jeune Homme à V épreuve et V Amour et la
Raison. Son succès fut retentissant et ses progrès se ma-
nifestèrent de telle façon qu'au bout de cinq ans passés
par lui à ce théâtre, la Comédie-Française voulut se l'atta-
cher. Il s'y montra pour la première fois, le 3 juil. 4844,
dans Mahomet et les Fausses Infidélités. La tragédie
n'était pas son fait et il y forçait volontiers les effets. Mais
l'emploi des jeunes premiers de comédie lui convenait à
merveille. Reçu sociétaire en 4847 et devenu bientôt chef
d'emploi, on le vit briller également dans l'ancien et dans
le nouveau répertoire. Le drame moderne trouvait d'ail-
leurs en lui un interprète plein de chaleur et de passion,
au jeu entraînant et pathétique, et il le prouva, entre
autres, en jouant Saint-Mégrin, de Henri III et sa cour;
Hernani, dans Hernani, etc. Il donna sa représentation
d'adieu le 6 déc. 1845 et se retira dans une propriété qu'il
avait acquise au Coudray, où il mourut accidentellement et
mystérieusement, en tombant de sa fenêtre sur le sol.
FIRM1N-Didot(V. Didot).
FIRMIN Y (Firminiacus, Firmintacus). Ville indus-
trielle du dép. de la Loire, arr. de Saint-Etienne, cant. du
Chambon-Feugerolles ; 44,544 hab. Son origine remonte
à la Cella de Forminiaco, donation de Conrad le Pacifique
à l'abbaye de l'île Barbe en 974 . Firminy fut ensuite un
prieuré régularisé en 4560, puis réuni au séminaire de
Saint-Irénée en 4650. — Louis XIII lui donna le nom de
ville en y établissant des foires et des marchés. Au
xvne siècle Firminy fabriquait des clous; aujourd'hui,
grâce aux riches gisements de houille de son voisinage et
à ses usines métallurgiques, elle est devenue un des quar-
tiers de l'industrie française. M. D.
Aciéries et Forges. — Les aciéries de Firminy ont
été fondées en 4854 par M. Verdie; elles sont en Société
anonyme depuis 4867. Grâce aux perfectionnements suc-
cessifs apportés à la fabrication et au développement
incessant de leurs moyens de production, elles ont acquis
un des premiers rangs parmi les plus importants des
établissements industriels français. Les usines occupent
une superficie de 34 hectares avec les principaux ateliers
consistant en : 4 haut fourneau muni d'appareils Whiteveli
dont la production journalière atteint 420 tonnes en fonte
ordinaire, avec une capacité de 200 m. c. ; un cubilot Rollet
pour l'épuration des fontes ; 2 fonderies Siemens-Martin,
comprenant 8 fours à fondre avec gazogènes et fours à
réchauffer correspondants ; 4 grand atelier de moulerie
d'acier; 4 atelier de puddlage comprenant 20 fours à
puddler ; 2 halls de laminoir, comprenant 2 gros mills,
2 moyens mills, 4 train cadet, 2 petits mills; 4 hall pour
grosse forge avec marteaux-pilons de 4 à 30 tonnes ; 1 tré-
hlerie avec train de serpentage, etc. Les usines sont reliées
à la gare de Firminy, par un embranchement à voie normale,
desservi par des locomotives ; elles sont, en outre, sillonnées
par un réseau de petites voies ferrées de 8 kil. de dévelop-
pement, desservies par des locomotives qui pénètrent dans
tous les ateliers jusqu'au pied des fours. Les moteurs à
vapeur sont au nombre de 58 et les chaudières au nombre
de 62; cet ensemble représente une force de plus de
3,000 chevaux. La Société des forges et aciéries de Fir-
miny emploie dans ses ateliers 2,000 ouvriers environ.
Elle s'est en tout temps préoccupée de leur bien-être; en
effet, il est à remarquer que la première caisse de secours
des établissements métallurgiques de la Loire a été créée en
\ 855 à Firminy. Cette caisse est alimentée par les ouvriers
et par la Société. En outre, des secours annuels et renou-
velables sont accordés par la Société aux ouvriers que l'âge
ou les infirmités rendent incapables de continuer leur
travail. L. K.
FI RM US (Marcus), usurpateur combattu par Aul^lien
et mis en croix en 272 ap. J.-C. Natif de Séleucie et allié
de Zénobie, il était un des grands commerçants du temps,
notamment en Egypte. L'histoire Auguste rapporte, sur sa
vigueur athlétique, sur sa richesse et sa magnificence, de
curieux détails. Quand Aurélien fit la guerre à Zénobie,
Firmus tenta une diversion à Alexandrie où il prit la
pourpre. Ce soulèvement fut comprimé rapidement.
FIRMUS le More, né en Mauritanie, l'un des chefs les
plus considérables de cette contrée. Il se révolta contre
l'empereur Valentinien Ier, en 370, excita l'armée contre
lui, et prit Césarée ; Théodose réprima cette révolte. En
372, Firmus conspira de nouveau, mais ses compagnons
refusèrent de lui obéir; il se tua pour ne pas devenir pri-
sonnier des Romains.
FIROUZ, roi sassanide qui a régné de 457 à 482. Il
était fils de Iezdegerd II Kadi et succéda à Hormisdas II
Monnaie d'argent de Firouz. — A, « Kadi Firouz mazdaïasn »,
______ [R, l'autel du feu avec deux assistants. - t-
son frère, après l'avoir renversé avec le secours des Ephtha-
lites (V. ce mot) qui habitaient de l'autre côté de l'Oxus.
525
FIROUZ — FISC
Quelques années après, il fit la guerre à ces mêmes peuples
et il périt dans une bataille avec toute son armée sur le
territoire ennemi. On possède des monnaies d'argent de ce
prince avec la date à partir de l'an III de son règne et la
légende Radi-Piroudji « le juste victorieux ». La trans-
cription grecque Ilspo'Cr); des auteurs contemporains prouve
que le nom devait se prononcer Pirodj et non Firouz qui
est une transcription arabe postérieure. Ce mot est du reste
le même que Peroz, Perosis,Bérose,Parviz, Eberviz, etc.,
des différents auteurs. Le nom de Firouz a été porté par
différents souverains de l'époque musulmane, notamment
par les sultans Patans de l'Inde, Firouz- Chah Ier, 1351-1 388,
Firouz-Chah II, 1494-1496, et Firouz-Chah III en 1521-
1522. E. Dr.
Bibl. : L'expédition fort intéressante de Firouz chez les
Ephthalites est racontée avec détail dans Tabari, Chro-
nique arabe; Firdousi, le Livre des Rois, t. VI, et Lebeau-
Saint-Martin, Hist. du Bas-Empire, t. VII.
FÎROÛZABÂD. Ancienne ville forte de la province de
Fars (Perse méridionale), aujourd'hui groupe de villages
(2,000 hab.), sur un affluent du Prestaf, tributaire du
golfe Persique, à 100 kil. au S. de Chîrâz, dans la « ré-
gion des Passes » ou Tengsir. Cette place porta originai-
rement le nom de Gour, qui signifie tombeau en persan ;
le prince Boûyide Adhoud ed-Daula (949-982), qui y venait
souvent en villégiature, abolit ce nom et y substitua celui
de Firouz Abad ou séjour du bonheur. On y voit beau-
coup de constructions en ruine et remontant à l'époque
sassanide, entre autres un ancien temple du feu. La mon-
tagne environnante est aussi fort riche en sculptures sur
roc représentant des scènes de batailles. L'eau de rose de
Firoûzabad passait naguère encore pour la meilleure de
toute la Persev P. Ravaisse.
FÎROÛZABÂDI (c.-à-d. originaire de Fîroûzabâd, ville
de la province de Chîrâz). Nom de plusieurs auteurs arabes
dont le plus célèbre est Aboû Tâher Mohammed ibn Yaqoûb,
surnommé Madd ed-Dîn, né à Kârazîn près de Fîroûzabâd,
en 1328 ap. J.-C, mort à Zébîd (Yémen), en 1414. A
l'âge de sept ans il possédait déjà le Coran par cœur ;
l'année suivante, il se rendit à Chîrâz ; plus tard il alla
étudier à Ouâsit, puis à Bagdad et enfin au Caire, s'atta-
tachant partout aux maîtres les plus renommés. Il visita
également la Syrie, l'Anatolie, l'Egypte, l'Arabie et l'Inde ;
partout les princes les plus puissants, Bâyezid, Tamerlan,
le sultan d'Egypte, El Malek el-Achraf, sultan de Zébîd, etc. ,
le recevaient avec les plus grandes marques d'estime et le
comblaient de riches présents. El Malek el-Achraf, qui épousa
sa fille, parvint à le retenir à Zébîd et lui confia la charge
de Kâdî 1-Koudâ (juge suprême) du Yémen, qu'il occupa
plus de vingt ans jusqu'à sa mort. Dans cette dernière
période il visita Mèdine, Tâïf et plusieurs fois La Mecque
où il termina son célèbre dictionnaire El-Qcîmoûs el-Mouhit
(l'Océan environnant). Après avoir commencé un diction-
naire intitulé El-Lâmi (le brillant) qui devait compter
soixante volumes, mais qu'il n'acheva point, il résolut de
composer un ouvrage beaucoup plus court renfermant
toutes les richesses de la langue arabe ; il fit alors son
Qâmoûs. Moins difficile et souvent moins correct que
Djauhari qui n'a admis que les mots de l'arabe le plus pur,
faisant de larges emprunts à ses prédécesseurs, principale-
ment à Ibn Sîda, auteur du Mohkam, et à Saghâni, auteur
de YObâb, Fîroûzabâdi a beaucoup ajouté à leurs travaux;
et bien qu'œuvre datant d'une époque de décadence, son
dictionnaire est devenu le plus répandu partout où l'arabe
a été étudié. Mais la recherche de la concision a souvent
fait tomber l'auteur dans l'obscurité ; aussi de nombreux
commentaires ont-ils été écrits pour éclaircir le texte du
Qâmoûs. Un des plus complets : Tâdj el-Aroûs du Seyyid
Mortada ez-Zabîdi a été imprimé au Caire (1890, 10 vol.).
Le Qâmoûs a été imprimé à Calcutta (1817, édit. fautive),
lithographie en Perse (1860), traduit en turc par Asim
Efendi (Constantinople, 1835, 3 vol.). La meilleure édition
est celle du savant cheikh Nasr el-Hourini, entièrement
vocalisée avec notes marginales (Le Caire, 1864, 4 vol.,
plus, éditions). Fîroûzabâdi a en outre écrit de nombreux
ouvrages principalement lexicographiques ou juridiques :
Er-Raud el-Maslouf (le jardin hersé) sur les objets qui
ont de deux à plusieurs mille noms pour les désigner : un
Commentaire sur le Djâmi de Bokhâri. De ces derniers
ouvrages, le Sifr es-Saâda, sorte de biographie du Pro-
phète, a seul été imprimé (Le Caire, s. d.). L. Leriche.
Bibl. : Lane, Arabic-English Lexicon, vol. I, p. xvi. —
Cheikh Nasr al-Hourini, Préface de son édition du
Qâmoits.
FIROUZ-CHAH (Canal de). Canal de dérivation de la
partie supérieure de la Djemma (Inde sept.). Il traverse
le Sirhind jusqu'à Hissar et se perd ensuite dans les sa-
bles ; un embranchement S.-E. aboutit à la Djemma, à peu
de distance de Delhi. Il fut construit par Firouz-Toglak au
xivô siècle. Les Anglais l'ont restauré.
F1RÛUZPOUR. I. Ville. — Ville de l'Inde, prov. de
Lahore (Pendjab), chef-lieu de district, sur un bras du
Satledj ; 21,000 hab. environ. C'était autrefois une place
fort importante. A l'E. de la ville fut livrée, en 1845,
entre les Sïkhs et les Anglais la bataille qui dura deux
jours et qui livra le Pendjab à l'Angleterre.
II. District. — District de l'Inde qui faisait partie au-
trefois de l'ancien Sirhind; 7,094 kil. q.; 600,000 hab.
Il est situé entre le Satledj et son affluent la Bias.
FISC. ï. Droit romain. — Le fisc, fiscus, forme, à
dater d'Auguste, une caisse financière distincte de Yœrarium
Saturni ou trésor du peuple, et de Yœrarium militare, ou
caisse militaire. Sa création se rattache à la distinction
qu'établit Auguste entre les provinces du Sénat et celles du
prince. Les contributions dues par ces dernières entrèrent
désormais dans une caisse distincte de celle du trésor du
peuple ; elles eurent une affectation spéciale, donnèrent lieu à
une comptabilité à part réglée par des fonctionnaires spé-
ciaux. Ainsi s'établit une administration toute nouvelle, celle
an fiscus Cœsaris, qui devait, grandissant en importance avec
les progrès du pouvoir du prince, finir par absorber en elle
l'administration de Yœrarium. Au début, il y eut dans
chaque province un fisc à part, puis, dès Claude, tous les
services furent centralisés à Rome, sous le nom de fiscus.
Cette administration fut tout d'abord dirigée par un affranchi
impérial a rationibus; sous Adrien, elle fut confiée à un
chevalier avec le titre de procurator a rationibus, ou
fisci procurator. Au siècle suivant, il est appelé officiel-
lement rationalis rei summœ et, à partir de Dioclétien
et Constantin, cornes sacrarum largitionum. Sous sa
direction sont placés tous les employés subalternes, no-
tamment un procurator summarum rationum, qu'il ne
faut pas confondre avec le procurator en chef, et qu'on
ne retrouve plus au Bas-Empire. Les recettes du fisc com-
prennent : le produit des diverses contributions levées
dans les provinces impériales et une part des revenus du
trésor public dans les provinces du Sénat, à savoir les
bona damnatorum, vacantia, ereptoria, caduca (V. ces
mots). On ignore si une part des autres recettes (telles que
le stipendium et les douanes) étaient également attri-
buées au fisc. Quoi qu'il en soit, on conçoit fort bien com-
ment l'immixtion permanente du fisc dans la gestion finan-
cière des provinces sénatoriales favorisa la confusion qui
tendit à s'établir entre deux administrations jusqu'alors
séparées en fait et en droit. La distinction paraît encore
dans les écrits de Paul et d'Ulpien (Paul, Sent., V, 12 ;
Ulpien, Reg., XVII, 2, XXVIII, 7), mais elle n'a plus
guère qu'une valeur purement théorique. Toute différence
venant à disparaître entre les provinces sénatoriales et
impériales, Yœrarium et le fiscus se confondent. Des textes
insérés dans la compilation justinienne les prennent l'un
pour l'autre (8, § 6, Dig., Ad leg. JuL pec, XLVIII, 13).
Une seule administration financière subsiste, le fisc, qui a
absorbé en elle les deux autres. Tant que le fisc constitue
une caisse à part, les dépenses spéciales qui grevaient son
revenu étaient : les dépenses militaires, la poste, l'an-
none, les travaux publics à la charge de l'Etat. La distinc-
FISC — FISCALITÉ
526 —
tion entre ces dépenses et celles à la charge de Vœrarium
n'était pas non plus très nettement tracée. Il y a lieu de
supposer que ce fut là une nouvelle cause qui favorisa la
confusion entre les deux trésors. Le prince prenant à sa
charge certaines dépenses dont Vœrarium devait faire les
frais, il était tout naturel qu'il enlevât à Vœrarium une
partie de ses ressources.
A partir du moment où le fisc tendit à absorber en lui
les autres services publics financiers, on le considéra comme
une personne juridique, distincte de l'Etat. Les procès qui
le concernent sont soumis à la juridiction spéciale des^ro-
curatores fisci, et, à partir d'Adrien, un avocat impérial,
advocatus flsci, représente les intérêts du trésor dans
chaque ressort financier et plaide en son nom. Le fisc, en
tant que personne morale, a un patrimoine, des droits, des
obligations. Il jouit, d'ailleurs, de certains privilèges im-
portants, destinés à le soustraire à l'application du droit
commun. C'est ainsi qu'il peut exiger les intérêts de toute
créance contractuelle sans les avoir stipulés, que la pé-
remption d'instance ne s'applique pas aux matières fiscales,
que le fisc peut attaquer les actes par lesquels ses débi-
teurs ont négligé de s'enrichir, et qu'il est investi d'une
hypothèque tacite générale sur les biens de ses adminis-
trateurs et de ses débiteurs. Tous ces avantages étant des
exceptions au droit commun, ne doivent pas être généralisés
ou étendus. C'est cette règle d'interprétation que pose
Modestin dans un texte qu'on a détourné de son sens véri-
table pour s'en faire une arme contre les prétentions du
fisc : non puto delinquere enim qui in dubiis quœslio-
nibus contra fiscum facile responderet (40, Dig., De
Jure fisci, XLIX, 14). G. M.
II. Ancien droit. — On appelait fisc le domaine ou
trésor du souverain ou de l'Etat, et quelquefois celui d'un
seigneur. La distinction n'ayant pas été faite sous l'an-
cienne monarchie entre le domaine de l'Etat et le domaine
privé du roi, le revenu de l'Etat se confondait avec le re-
venu du roi ; on n'avait pas non plus séparé le domaine
public et le domaine privé de l'Etat. Tous ces biens, dis-
tingués depuis la Révolution, ne faisaient originairement
qu'un bloc soumis aux mêmes règles. A l'époque barbare,
le fisc était alimenté par le revenu des biens des rois et
par la partie des compositions pécuniaires appelée fredum,
qui lui était réservée ; il le fut aussi par les confiscations.
A l'époque féodale, le fisc ne comprenait guère au début
que le produit des droits seigneuriaux que le roi percevait
comme possesseur ou suzerain de fiefs, d'après les règles
du droit féodal. Il en résultait que le roi ne pouvait ac-
croître facilement les ressources du fisc, lorsque les besoins
de l'Etat l'exigeaient. Ce ne fut que plus tard qu'on put
alimenter le fisc par de véritables impôts, basés sur l'obli-
gation pour chaque citoyen de contribuer pour sa part aux
dépenses publiques ; l'impôt proprement dit paraît avoir
pris son origine dans le système de Y aide féodale succes-
sivement étendu. Philippe le Bel chercha le premier à fon-
der le pouvoir fiscal de la royauté, en s'efforçant, avec
l'appui des Etats généraux, de substituer l'idée d'impôt à
celle de subside ou don gratuit; le changement commença
à s'opérer dès la fin du xive siècle, mais ce ne fut que sous
Charles VII que la taille, de féodale et transitoire qu'elle
était, devint un impôt fixe. Le caractère des revenus de
l'Etat se trouvait par là transformé.
Le fisc jouissait, dans l'ancienne France, de divers avan-
tages ou privilèges. L'un des plus importants est que ses
droits étaient inaliénables et imprescriptibles. Le fisc était
toujours réputé solvable ; fiscus semper solvendo prœsu"
miiur. Aussi n'était-il jamais tenu de fournir caution. Il
n'était pas garant des défauts des choses qu'il vendait. Il
avait une hypothèque tacite sur les biens de ceux qui trai-
taient avec lui. Toutes les sûretés qu'il était d'usage de
prendre dans les actes entre particuliers étaient censées
prises au profit du fisc, lorsqu'il contractait. Il avait la
préférence sur tout particulier pour l'achat des métaux
nécessaires à la fabrication des monnaies, ou à l'artillerie,
de même que pour l'achat des tabacs apportés dans le
royaume, à cause du droit exclusif de vente qui lui appar-
tenait. Dans les causes où le fisc était intéressé, la péremp-
tion n'avait pas lieu contre lui, même si leur instruction
avait été interrompue pendant trois ans. Le fisc pouvait
en tout temps appeler d'une sentence ou d'un arrêt l'ayant
condamné, alors même qu'il n'aurait pas interjeté appel en
temps utile, si son droit se trouvait mieux établi par des
pièces retrouvées ou nouvellement découvertes. Le fisc
était exempt de toutes contributions.
Le fisc était appelé par droit de déshérence à la succes-
sion de tous ceux qui mouraient sans laisser d'héritier ;
fiscus post omnes. Le droit des barbares avait déjà admis
la même règle ; nous en trouvons trace dans la loi salique
(tit. LXIII) où il est dit que, si un homme ayant abdiqué
sa parenté vient à mourir, sa succession passait au fisc,
évidemment par droit de déshérence, puisqu'il était réputé
ne plus avoir de parents. Ce droit appartint ensuite, soit
au fisc du roi, soit au fisc du haut justicier. Dans quelques
provinces de la France coutumière, on préférait même le
fisc au conjoint survivant. A l'origine, on appliquait le
droit de déshérence de la façon la plus favorable au fisc,
et, à défaut de parents dans une ligne, on attribuait au
roi ou au seigneur les biens de cette ligne, plutôt que de
les laisser aux parents de l'autre ; mais la préférence du
fisc à cet égard n'avait persisté jusqu'à la Révolution que
dans quelques coutumes, Maine et Anjou notamment. Le
droit d'aubaine qui appartenait aussi au fisc peut être con-
sidéré comme une extension du droit de déshérence ; il a
dû frapper d'abord les gens de basse condition qui ne pou-
vaient se réclamer de personne sur le territoire où ils vi-
vaient, et plus tard tout étranger quelle que soit sa situa-
tion (V. Aubain). Il se produisit pour la succession des
bâtards ce qui avait eu lieu pour celle des aubains ; le fisc
du roi et celui des seigneurs hauts justiciers s'attribuèrent
leurs biens (V. Bâtardise). Relativement à ces divers
droits, le roi ne cessa de lutter contre les seigneurs pour
étendre les droits du fisc royal aux dépens de celui des
seigneurs.
Quelques auteurs ont avancé que le roi seul avait droit
de fisc; cette assertion n'est vraie que des lieux dont il
avait la seigneurie immédiate. Les seigneurs féodaux et
justiciers avaient en effet un droit de fisc, leur permettant
de s'appliquer, par droit de commise, la confiscation des
fiefs, de percevoir divers droits et de prononcer par leurs
juges certaines amendes applicables à leur fisc particulier.
Le seigneur féodal et non justicier n'avait que le droit de
commise. L'Eglise, considérée comme corps politique, n'avait
pas de fisc, comme les seigneurs, quoiqu'elle exerçât une
juridiction contentieuse ; aussi le juge d'église ne pouvait-il
condamner à une amende, à moins qu'elle dût être attri-
buée à des œuvres pieuses. G. Regelsperger.
Bibl. : Droit romain.— Paul, Sent., V, 12. — Fragon-
Véron, De Jure fisci. — Dig., De Jure fisci, XLIX, 14. —
Cod. Just., X, 1. — G. Mommsen etMARQUARDT, Manuel
des antiquités romaines. De l'Organisation financière che2
les Romains (trad. Vigie) ; Paris, 1888, pp. 384,388 et suiv.,
in-8. — Bouché-Leclercq, Manuel des Institutions ro-
maines; Paris, 1886, pp. 250, 252 et suiv., in-8. — Mainz,
Cours de droit romain; Bruxelles, 1877, t. I, § 24, pp. 4 5
et suiv., introduct., n° 162, 226.
Ancien droit. — Encyclopédie méthodique, Jurispru-
dence, 1784, t. IV, v° Fisc; Finances, 1785, t. II, v° Fisc. —
Ad. Vuitry, Etudes sur le régime financier de la France
avant la Révolution de 1189; nouvelle série; Paris, 1883,
2 vol. in-8. — Paul Viollet, Précis de l'histoire du droit
français, 1886, in-8.
FISCALITÉ. C'est l'ensemble des lois qui gouvernentla
perception de l'impôt (V. Contributions, Impôt). Mais,
dans le langage courant, on entend plutôt par fiscalité la
tendance, assez habituelle chez les préposés du fisc, à
exagérer leurs perceptions et à trancher les questions dou-
teuses dans un sens favorable au Trésor. Cette propension
des agents du fisc à traiter le contribuable en ennemi et à
pousser à l'extrême les conséquences de la loi de l'impôt
discrédite l'administration des finances et entrave les re-
couvrements plus qu'elle ne grossit les recettes du Trésor.
Il serait d'une bonne politique financière de renoncer à de
telles pratiques. Mais, pour y parvenir, il importe a\Tant
tout de refondre notre système fiscal et de substituer au
fatras de ses prescriptions obscures et à double sens une
loi claire et précise que les préposés aient à appliquer
strictement et non à interpréter. Em. Besson.
FI SC H (Jean-Georges), voyageur et publiciste suisse,
né à Aarau en 4758, mort le 48 mai 4799, Il s'occupa de
théologie et de philosophie, voyagea longtemps en France
et en Allemagne, devint professeur à Berne, puis pasteur
à Aarau et renonça en 4798 à la carrière ecclésiastique
pour se lancer dans la politique. Il mit fin volontairement
à ses jours. On lui doit surtout deux ouvrages en alle-
mand sur les provinces méridionales de la France dans les
années 4786 à 4788, remplis de notes curieuses au point
de vue de la situation en province à la veille de la Révo-
lution. E. Kuhne.
FISCHART (Johann), écrivain allemand, né vers 4550,
à Mayence selon les uns, à Strasbourg selon les autres,
mort en 4590 ou en 4594 ; lui-même s'appelait le Mayen-
çais (der Mentzer, Moguntinus). On sait peu de chose
de sa vie. Il paraît avoir reçu sa première instruction à
Worms. Plus tard, il s'établit à Strasbourg, où furent im-
primés la plupart de ses écrits, et qu'il considérait comme
sa vraie patrie. On croit qu'il voyagea en France, en An-
gleterre et dans les Pays-Bas. En 4584, on le trouve établi
comme avocat à Spire, où il épouse Anne-Elisabeth Herzog,
fille d'un bailli du comte de Hainan à Wœrth. C'est sans
doute par l'influence de son beau-père qu'il devint lui-
même, en 1583, bailli à Forbach. Fischart était l'un des
hommes les plus instruits de son temps ; il était juriscon-
sulte et théologien ; il connaissait l'antiquité grecque et
latine ; il savait le français, l'italien et le hollandais. C'est
sur le conseil de son maître Gaspard Scheid, de Worms,
qu'il entreprit son premier travail littéraire : c'était un re-
maniement de la légende populaire de Till Eulenspiegel. Cette
légende, originaire de la Basse- Allemagne, avait été rédigée
en haut allemand par Thomas Murner : Fischart la mit en
vers, sans grand succès, paraît-il. V Eulenspiegel en vers
fut bientôt oublié, tandis que le roman en prose est en-
core aujourd'hui entre les mains du peuple. C'est dans ses
ouvrages de polémique que se révèle le vrai génie de
Fischart, son habileté à saisir le trait saillant ou le côté
ridicule des choses, son imagination exubérante, son style
chargé d'images. Un esprit hardi comme le sien ne pouvait
que prendre fait et cause pour la Réforme. Ses poèmes
satiriques sont surtout dirigés contre les ordres prêcheurs.
Dans la Vie de saint Dominique et de saint François
(Von S. Dominici, des Predigermûnchs, und S. Fran-
cisai Barfilssers, artlichem Leben und grossen Gre-
weln, 4574), il se plaît à décrire les querelles intestines
des franciscains et des dominicains. La Légende du petit
chapeau à quatre cornes (Die Wunderlichst uner-
hôrtest Legend und Beschreibung des Abgefûhrten,
Quartirten, Gevierten und Viereckechten Vierhôrnigen
Hûtleins, etc, 4580) est une satire piquante de la Société
de Jésus. Un ouvrage moins passionné, mais d'une portée
plus haute, c'est la Sainte Ruche romaine, traduite de
Marnix de Sainte-Aldegonde et écrite en prose (Binen-
korb des Heyligen Rœmischen Imenschwarms, seiner
Hummelszellen, oder Himmelszellen, Hurrnaussnœs-
ter, Brœmengeschwûrm und Wœspengetœss, etc.,
4579). Toute la hiérarchie romaine, avec les moyens qu'elle
emploie pour combattre l'esprit du siècle, y est passée en
revue. La Sainte Ruche eut un immense succès, que cons-
tatent les nombreuses éditions faites du vivant de l'auteur
et même encore après sa mort. Un autre ouvrage de
Fischart, qui a gardé longtemps des lecteurs, c'est sa Nef
aventureuse (Das Gluckhafft Schiff von Zurich), d'une
inspiration toute différente. Ce que Fischart nous montre
ici, c'est la vie municipale, avec ses fêtes populaires, son
déploiement de bien-être, ses vertus pratiques que déparent
— 527 — FISCALITÉ — FISCHER
à peine quelques ridicules. Un tir avait été ordonné à
Strasbourg en 4576, et l'on y avait invité les habitants de
quelques villes amies. Zurich envoya une députa tion qui
arriva par eau, en suivant le Limmat, l'Aar et le Rhin,
dans l'espace d'un jour. Une telle rapidité, à cette époque,
tenait du prodige. Les Zurichois avaient déjà fait le même
chemin, et dans le même intervalle, un siècle auparavant,
et, pour prouver à leurs alliés que l'éloignement ne les em-
pêcherait pas de venir à leur secours, ils leur avaient
apporté, toute chaude encore, une bouillie de millet qui
avait été préparée au départ. Le poète confond, par des
rapprochements ingénieux, les deux voyages, et il anime
le sujet par des personnifications qui nous paraissent froides
aujourd'hui, mais gui plaisaient alors aux humanistes et
même aux bourgeois. Fischart était trop érudit, trop arti-
san de langue, trop amateur de jeux de mots pour ne pas
se sentir attiré vers son contemporain français Rabelais.
Sa traduction du premier livre de Gargantua est consi-
dérée par la critique allemande comme son chef-d'œuvre ;
c'est une amplification où une phrase du modèle devient
l'occasion d'un long et parfois insipide développement. Le
titre même du livre est instructif à ce point de vue :
Affetitearliche und U?igeheurliche Geschichtschrift
vom Leben, Rhaten und Thaten der for langen weilen
Vollenwolbeschraiten Helden und Herrn Grand-
gusier, Gargantoa, und Pantagruel, Kœnigen inn
Utopien und Nienenreich. Ce titre s'accrut, d'une
édition à l'autre, de quelques épithètes qui étaient autant
de jeux de mots ; on peut suivre ces accroissements dans
le tableau des différentes éditions que donne l'historien
Gœdete (Grundrisz zur Geschiche der Deutschen Dich-
tung, 2e éd. refondue, 2e vol., p. 495). Nous n'avons
cité que les principaux ouvrages de Fischart, car il fut très
fécond. A. Bossert.
Bibl. : L. Wackernagel, Johann Fischart von Strass-
burg und Basels antheil an ihm. ; Bâle, 1870. — E. Muntz,
le Chroniqueur Bernard Hertzog et son gendre le poète
Jean Fischart ; Mulhouse, 1873. — Freiherr von Meuse-
bach, Fischartstudien ; Halle, 1880. — G. Ganghofer,
J. Fischart und seine Verdeutschung des Rabelais ; Mu-
nich, 1881. — P. Besson, Etude sur Jean Fischart;
Paris, 1889.
FISCHBACH (Johann), peintre de paysage et de genre,
né à Grafenegg (Autriche) le 5 avr. 4797, mort à Munich
le 49 juin 4870. On cite de lui : Deux Petits Paysans se
disputant un oiseau, au Belvédère de Vienne, et un beau
Paysage des environs de Salzbourg, à la Pinacothèque
de Munich.
FISCHBACH (Friedrich), dessinateur-ornemaniste alle-
mand, né à Aix-la-Chapelle le 40 févr. 4839. Elève de
l'école d'arts appliqués de Berlin, il travailla pendant plu-
sieurs années à Vienne, devint en 4870 professeur de
dessin d'ornement à l'académie de Hanau, et en 4882 di-
recteur de l'Ecole des arts industriels à Saint-Gall. Il ren-
dit des services exceptionnels à l'industrie d'art en Alle-
magne , par la publication en lithographie d'une série
considérable de modèles. Parmi ses ouvrages d'un intérêt
plus général, nous signalerons : Sildslawische Ornamente
(4872); Ornamente der Gewebe (4874-84, 460 pi. en
coul., gr. in-fol.); Ornamente der Hausindustrie Un-
garns(i818);GeschichtederTextilkunst(i883). G.P-i.
FISCHER (Gaspar), architecte allemand du milieu du
xvie siècle. Il construisit, de 4555 à 4559, en colla-
boration avec Jacob Leyder, la partie du château de Hei-
delberg appelée Ott-Heinrichsbau, du nom de l'électeur
Otto-Heinrich alors régnant, partie qui, avec sa décoration
de pilastres, de cariatides et de niches, est un des plus
curieux spécimens de l'architecture de la Renaissance alle-
mande. Ch. Lucas.
FISCHER (Johann-George), peintre d'histoire allemand,
né à Augsbourg en 4580, mort à Munich en 4643. Il étu-
dia à Prague et en Italie, et s'inspira à la fois de l'école
académique italienne et d'Albert Diirer. Maximilien Ier lui
commanda pour la salle d'Hercule du château de Munich
onze tableaux de batailles, qui furent transportés en 4887 à
FISCHER
528 —
la galerie de Schleissheim. On a encore de lui les Douze
Apôtres , même galerie ; un Baiser de Judas, à la Pina-
cothèque de Munich ; un Ecce Homo, chapelle Moritz, à
Nuremberg.
FISCHER (Johann), musicien allemand, né en Souabe
vers 4650, mort à Stockholm en 1721. En 1681, il est
attaché comme musicien à l'église des Récollets d'Augs-
bourg, puis on le trouve à Anspach et ensuite en Courlande
(1685), au service du duc de Mecklembourg-Schwerin
(1701), à Copenhague, à Stralsund et enfin à Stockholm,
comme maître de chapelle de la cour. Dans sa première
jeunesse, il serait venu à Paris et aurait même été copiste
de Lulli. Moller, dans sa Cimbria Literata, parle d'un
autre Johann Fischer, né à Liïbeck, qui n'aurait point quitté
l'Allemagne. Gerber, lui, s'en tient au Fischer de Souabe et
donne quelques détails sur son humeur bizarre, fantasque,
et sur son habileté à jouer du violon et de la viole. Plu-
sieurs ouvrages sont attribués à Fischer, sans qu'il y ait
moyen de dire ceux qui pourraient être dus à son ho-
monyme. En voici les titres : Musicalische Mayenlust
(Augsbourg, 1681); Himmlische Seelen Lust,a voce sola
con stromenti... (Nuremberg, 1686) ; Musicalisches Di-
vertissement (Augsbourg, 1700); Tafel-Musik (Ham-
bourg, 1702) ; Musicalische Fur sten-Lust... (kugsbour g) ;
Feldund Eelden Musik, ùber die -1704 bey Hochstiïdt
geschehene Schlacht, worin die Violine den Marlbo-
rough und die Hoboe den Tallard vorstellen. A. E.
FISCHER (Jean-Chrétien) , célèbre partisan , mort le
lerjuil. 1762. D'origine allemande, mais lié au service
de la France depuis son plus jeune âge, il se distingua
dans la guerre de la succession d'Autriche, comme chef
àë partisans. Rempli d'intelligence et d'audace, il avait le
génie de la petite guerre ; aussi le maréchal de Belle-Isle
lui permit-il de lever, le 1er nov. 1743, une compagnie
franche qui prit le nom de chasseurs de Fischer et fut
l'origine des chasseurs dans notre armée. Pendant la
guerre de Sept ans, les services rendus par cette petite
troupe furent brillants et nombreux. Après la bataille de
Bergen, Fischer défit, le 13 avr. 1759, un corps consi-
dérable de Prussiens au passage de la rivière d'Arloff, fit
mettre bas les armes à trois escadrons de dragons de
Finkenstein et leur enleva deux étendards et leur trésor ;
aussi, pour cette action d'éclat, le roi le créa-t-il briga-
dier (brevet du 21 avr. 1759). Maintenu à la tête de sa
troupe, il se distingua de nouveau au. combat de Closter-
camp (15oct. 1760). Il se démit ensuite de son comman-
dement en faveur du marquis de Conflans (avr. 1761)
mais n'en demeura pas moins dans sa troupe où il servit
comme lieutenant-colonel.
FISCHER (Vincenz), peintre allemand, né à Schmidhain
(Bavière) en 1729, mort à Vienne en 1810. Son talent ne
se révéla qu'après un voyage en Italie qu'il entreprit en
1753, et où il étudia sous la direction de Tiepolo et de
Cignaroli. Après son retour en 1760,' il fut admis à l'Aca-
démie de Vienne : son morceau de réception fut un Moïse
foulant aux pieds la couronne de Pharaon, encore au-
jourd'hui à l'Académie de Vienne. Il devint, en 1764, pro-
fesseur à l'Académie. Il a laissé : la Veuve de Naïm, la Ré
surrection de Lazare (Académie de Vienne) ; deux Pro-
cessions (musée de Vienne) ; Agamemnontuant la chienne
de Diane (château de Luxembourg, près de Vienne) ; Apol-
lon et les Muses sur Vïïélicon (château de Presbourg) ;
des tableaux d'autel à Slatina et à Stuhl-Wissembourg.
FISCHER (Johann-Martin), sculpteur et professeur
d'anatomie allemand, né à Hopfen (Souabe) en 1740, mort
à Vienne le 27 avr. 1820. Dès son enfance, il sculptait des
figurines en bois avec une précision remarquable ; son père,
frappé de ces dispositions, lui fit apprendre la sculpture.
Malheureusement, ses deux premiers maîtres furent des
plus médiocres, et il ne développa véritablement ses facul-
tés que sous la direction d'un troisième, Schletterer. Désor-
mais, il s'appliqua tout entier à l'étude de l'anatomie. Il
exécuta à cette époque la grande statue en marbre de-
Mucius Scœvola dans le jardin de Schônbrunn et deux
autels pour la cathédrale de Funfkirchen ; mais il se fit
connaître surtout par un squelette en buis, copié d'après
nature avec une étonnante perfection de détail. L'empereur
Joseph II lui donna la chaire d'anatomie à l'Académie de
Vienne, où il se fit une grande réputation, tant par ses
leçons que par ses nombreuses figures anatomiques de gran-
deur naturelle. Son dernier ouvrage, le plus remarquable,
fut un écorché en plâtre, qu'il obtint en prenant un véritable
squelette et en y adaptant successivement tous les muscles.
FISCHER (Franz- Joseph-Ludwig), chanteur dramatique
allemand, né à Mayenceenl745, mort à Berlin le lOjuil.
1 825. L'électeur palatin l'ayant engagé à son service, il resta
onze ans à Mannheim et suivit ensuite la cour à Munich, où
il reçut un engagement pour le théâtre impérial de Vienne.
Il y demeura quatre ans, au bout desquels il voulut se faire
entendre à Paris. Il s'y produisit, en effet, avec beaucoup
de succès, au Concert spirituel, en 1783. De Paris il se
rendit en Italie, puis revint en Allemagne, demeura cinq
ans à la cour du prince de La Tour et Taxis, et, ayant fait
un voyage à Berlin, s'y fit entendre dans un opéra de Rei-
chardt, Brenno. Le roi de Prusse fut si satisfait de son
talent qu'il lui offrit un engagement pour le restant de sa
vie, aux appointements de 20,000 thalers. Fischer ac-
cepta. La voix de Fischer, pleine, sonore et égale dans
toutes ses parties, avait une étendue de plus de deux
octaves, du ré au fa. — De ses deux fils, le premier,
Joseph (1780-1862), devint un chanteur habile et épousa
la comtesse d'Ottweilar, fille naturelle du prince palatin des
Deux-Ponts; le second, Anton, composa une quinzaine
d'opéras, aujourd'hui oubliés, mais qui ne laissèrent pas
d'obtenir un assez vif succès à leur apparition.
FISCHER (Ernst-Gottfried), mathématicien et physicien
allemand, né à Hoheneiche, près de Saalfeld, le 17 juil.
1754, mort à Berlin le 27 janv. 1831. Il fut professeur h
l'université de Berlin et membre de l'Académie des sciences
de cette ville. On lui doit de nombreux ouvrages sur l'ana-
lyse algébrique, la mécanique, la physique, la chimie, l'as-
tronomie : Betrachtungen iiber die Cometen (Berlin,
1789, in-8); Théorie der Dimensionszeichen (Halle,
1792-1793, 2 vol. in-4); Ueber den Ursprung der
Dimensionszeichen (Halle, 1794, in-4); Lehrbuch der
mechanischen Naturlehre (Berlin, 1805, in-8; 4eédit.,
1837; trad. franc, par Mme Biot, 4e édit., Paris, 1829,
in-8); Darstellung und Kritik der Verdunstungslehre
(Berlin, 1810, in-8); Kepler und die unsichtbare Welt
(Berlin, 1819); Lehrbuch der Elementar-Mathematik
(Berlin, 1820-1824, 3 vol., in-8), etc. Il a en outre fait
paraître une trentaine de mémoires dans les Abhandlun-
gen de l'Académie de Berlin, dans le Journal de Scherer,
dans les Archiv d'Hindenburg , dans le Jahrbuch de
Bode, etc. Parmi ces mémoires, il y en a d'importants
relatifs à la musique. Il a enfin donné des traductions alle-
mandes, avec notes, des Recherches sur les lois de V affi-
nité et de V Essai de statique chimique de Berthollet. L. S.
FISCHER (Ferdinand von), architecte et professeur
d'architecture allemand, né à Stuttgart en 1784, mort à
Stuttgart le 20 sept. 1860. Fils du major Heinrich Fischer,
directeur des travaux de la cour électorale de Wurttemberg,
Ferdinand Fischer, après ses études faites à l'Académie
fondée par le duc Charles, les compléta, pour l'architec-
ture, d'abord à Vienne, puis à Paris, auprès de Durand et
Percier, et enfin à Florence, à Rome et à Naples. De retour
à Stuttgart en 4812, il fut nommé, en 1814, architecte
de la cour et eut à construire et à aménager de nombreux
édifices publics en vue de la tranformation de Stuttgart en
capitale du nouveau royaume de Wurttemberg et aussi des
églises et des écoles; il fut nommé, en 1834, professeur
d'architecture à l'Ecole polytechnique de Stuttgart où il fit
quelque remarquables élèves. Charles Lucas.
FISCHER (Emmanuel-Frédéric de), dernier avoyer pa-
tricien de Berne, né à Berne le 19 sept. 1786, mort le
13 janv. 1870. D'une ancienne famille, Fischer assista à
529
FISCHER
douze ans au pillage du trésor de Berne par les soldats de
Brune. Il étudia à Berne et à Genève, puis, après une car-
rière militaire assez brillante, entra en 1816 dans la poli-
tique active, où il se fit vite remarquer. En 1827, il arriva
au poste suprême de la République bernoise, celui d'avoyer
en charge. Le mouvement libéral de 4830 aboutit dans
le canton de Berne à la nomination d'une Constituante.
Le 20 oct. 1831, Fischer lançait une proclamation
pleine de dignité par laquelle les avoyers résignaient leurs
fonctions : c'était la fin de l'ancien régime. Compromis
dans une tentative réactionnaire en 1832, il alla s'établir
à Genève, mais dut quelques années plus tard faire deux
ans de prison à la suite de cette échauffourée. Plus tard,
il fit encore partie du grand conseil bernois et siégea à
l'extrême droite. A quatre-vingts ans, il publia une bio-
graphie de Watteville, puis un volume historique impor-
tant : Coup d'œil rétrospectif d'un ancien Bernois.
FISCHER (Johann-Karl), sculpteur et médailleur alle-
mand, né à Berlin le 14 juil. 1 802, mort à Berlin le 25 mars
1865. II étudia d'abord la ciselure et la gravure et travailla
quelque temps chez le médailleur Loos et chez le bijoutier de
la cour. Ce n'est qu'en 1830 qu'il produisit des œuvres ori-
ginales : elles lui valurent en 1855 le titre de professeur à
l'Académie de Berlin. Il a laissé quelques gravures sur
pierres fines, de très délicats reliefs d'ivoire (Phryxos et
Hellé, Ariane sur la Panthère), et surtout des médailles
d'un beau caractère et d'une composition élégante : le
Traité de Verdun, d'après Cornélius, les portraits de
Leibnitz, du Roi et du Prince royal de Prusse, de V Em-
pereur Nicolas, du directeur Schadow (revers : Persée
et Andromède), du professeur Schleiermacher (revers :
les Trois Vertus théologales). Il a exécuté en 1840, d'après
un dessin de Wachs, les reliefs d'un bouclier de bronze des-
tiné à perpétuer le souvenir de l'appel aux armes de 1813.
FISCHER (Ferdinand- August), sculpteur et médailleur
allemand, frère du précédent, né à Berlin le 17 févr. 1805,
mort à Berlin le 2 avr. 1866. Après avoir commencé comme
son frère par des travaux de ciselure, il étudia à l'Académie
de Berlin. Ses médailles les plus connues sont celles deHum-
boldt (grand module, 4848) et la médaille commémorative
du mariage du prince royal. A l'âge de trente ans, il entra
dans l'atelier de Rauch pour se former à la sculpture monu-
mentale. On cite parmi ses marbres : une Jeune Romaine
à la fontaine ; un Moïse, une Minerve et un Mercure au
château de Berlin ; quatre groupes de Guerriers pour la
place de Belle-Alliance (terminés en 1876 par Franz et
Walgër), des groupes pour l'Opéra, la Bourse. Il a donné
aussi des modèles de pièces d'orfèvrerie, de meubles, d'écus-
sons, pour différents souverains et princes. — Son fils,
Georg, cultiva également la sculpture.
FISCHER (Frederik), publiciste et patriote danois, né à
Aabenraa (Slesvig) le 7 févr. 1809, mort le 4 juin 1871.
Il était horloger et opticien dans sa ville natale lorsqu'il
obtint le privilège de publier Apenrader Wochenblatt
(1839), dont il fit bientôt un organe national en langue
danoise (1840). Il eut à subir en 1848 les persécutions des
insurgés slesvig-holsteinois, ce qui ne l'empêcha pas de
reprendre la publication de sa feuille sous le titre AeFreja
(1849-1859) et de défendre avec talent la cause danoise.
Il donna un recueil de Traditions populaires du Slesvig
(1857 ; 2e éd., 1861, in-8), et édita les Poésies de Hans
Michelsen (1861). B-s.
FISCHER (Alexander), poète allemand, né à Saint-
Pétersbourg le 23 août 1812, mort à Freiberg, en Saxe,
le 1er avr. 1843. Il fit ses études à Berlin et à Leipzig.
Son premier travail fut une traduction de Shakespeare,
qui resta inachevée (Stuttgart, 1837). Il publia ensuite,
avec Ernst Willkomm, une revue, Jahrbùcher fur Brama,
Dramaturgie und Theater (1837-1838). Alexander
Fischer était un esprit mal équilibré ; il avait plus de verve
que de patience et de goût. Son drame sur Masaniello
(Leipzig, 1839), mal conçu dans son ensemble, contient
de belles scènes populaires. Il était en proie à la manie de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
la persécution, et se donna la mort, après avoir brûlé son
drame inachevé, Napoléon. Sa tragédie de Nausicaa, qui
est peut-être son meilleur ouvrage, ne fut publiée qu'en
1854, avec une notice biographique, par Adolf Stern.
FISC H ER (Johann-Anton), peintre allemand, né à Obers-
dorf (Bavière) en 1844, mort à Munich en 1859. D'abord
simple berger, il étudia la peinture à Munich, puis fit un
voyage en Italie, où il subit fortement l'influence de Fra
Angelico. A son retour, il se consacra à la peinture reli-
gieuse et donna, en 1848, des cartons pour les vitraux du
Dôme de Cologne. On cite de lui une Fuite en Egypte, une
Adoration des Mages, une Mise au tombeau (Pinaco-
thèque de Munich) , une Assomption (collection Narischkine) .
FISCHER (Johann-Georg), poète allemand, né àGross-
Siissen, dans le Wurttemberg, le 25 oct. 4816. Il était fils
d'un charpentier, et fut d'abord aide-instituteur, après avoir
passé par l'école normale d'Esslingen. Son goût Pentraînait
alors vers l'histoire naturelle ; il reprit ses études à vingt-
cinq ans à l'université de Tubingue, et devint plus tard
professeur au gymnase et à l'école réale de cette ville. Son
premier volume (Gedichte, Stuttgart, 1854) lui fit aus-
sitôt la réputation d'un poète lyrique délicat et élevé, ayant
surtout un grand sentiment de la nature ; ses chansons
politiques sont animées d'un esprit libéral. En somme,
Fischer peut être considéré comme un bon disciple d'Uhland.
Ses autres recueils lyriques sont : Neue Gedichte (Stutt-
gart, 1865), Den Deutschen Frauen (id., 1869), Aus
frischer Luft (id., 1872). Il eut moins de succès avec ses
ouvrages dramatiques : Saul (1862) ; Friedrich II, von
Hohenstaufen (1863); Flovian Geyer (1866); Kaiser
Maximilian von Mexiko (1868). A. B.
FISCHER (Kuno), philosophe allemand contemporain,
né à Sandewalde (Silésie) le 23 juil. 1824. Il étudia la
philologie, la théologie et la philosophie à Leipzig et à
Halle, et prit ses grades à l'université d'Heidelberg où il
fut nommé priva t-docent en 1849. Son enseignement y
fut brillant, mais les idées avancées qu'il avait puisées dans
le commerce de Strauss et de Gervinus déplurent au gou-
vernement et son cours fut suspendu (1853). Appelé à
l'université d'Iéna, il y donna pendant vingt ans un ensei-
gnement qui ne cessa d'obtenir le succès le plus éclatant.
Le grand-duc de Saxe-Weimar le nomma son conseiller
intime et le pria d'accompagner le prince héritier dans un
voyage en Italie. En 1872, M. Kuno Fischer revint comme
professeur de philosophie à l'université d'Heidelberg où il
enseigne encore. Il a écrit quelques ouvrages de philosophie
dogmatique dans lesquels il se montre étroitement attaché,
en dépit de quelques divergences, aux idées de Hegel. Mais
M. Kuno Fischer est surtout un historien de la philosophie.
Sa Geschichte derneuern Philosophie (Mannheim, 1854)
se recommande par des qualités de premier ordre : abon-
dance de l'érudition, probité et clarté de l'interprétation,
largeur de la critique et agrément de la langue. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : Diotima, die Idée des Schônen
(Pforzheim, 1849 ); Logik u. Metaphysik, oder Wi§se?i-
schaftslehre (Heidelberg, 1852; 2e éd., 1865); Gesch. d.
neaern Philos. (Mannheim et Heidelberg, 1854 et suiv.;
2e éd., 1865 et suiv.; 3e éd., Munich, 1878-1884, 6 vol.
in-8). Plusieurs fragments de cet ouvrage capital, relatif
à Bacon, Spinoza et Kant, ont été publiés à part : Fr.
Bacon von Veralam,die Realphilos. und ihr Zeitalter
(Leipzig, 1856 ; 2e éd., 1875 ; traduit en anglais par John
Oxenford, Londres, 1857); Schiller als Philosoph (Franc-
fort-sur-le-Main, 1856); Kanfs Leben und die Grund-
lagen seiner Lehre (Mannheim, 1860) ; Shakespeare s
Charakter - Entwickelung Richards III ( Heidelberg ,
4868); Entwickelungsformen des Witzes (id., 4874);
Lessing's Nathan der Weise (Stuttgart, 4872, 2e éd.);
Ueb. das Problem der menschl. Freiheit, discours (Hei-
delberg, 4875); Vortràgeûb. Faust (i 871); Kritik der
kantischen Philos. (4883); Lessing als Reformator d.
deutsch. Literatur (4887, 2 vol.) Th. Ruyssen.
Bibl. : A.-L. Kym, Die Logih u. Metaph. oder Wissen-
34
FISCHER — FJSII
- 530 —
schaftsl. K. Fischer's, dans lesMetaph. Untersuch., pp. 160
et suiv.
FISCHER (Johann- Christian-Richard), paysagiste alle-
mand, né à Dantzig en 1826. Il étudia à l'Académie de
Dusseldorf et se forma surtout par des voyages dans les
parties les plus pittoresques de l'Allemagne. On cite de lui :
le Matin dans la vallée (Dantzig) ; le Soir dans la forêt,
Sous les chênes (Hambourg) ; Paysage hessois (Darm-
stadt) ; Sur les Rochers de V Eiffel (Berlin), etc.
FISCHER (Alexandre), littérateur hongrois, né à Buda-
pest en 1855. Sa vocation, comme journaliste, comme con-
férencier, comme traducteur est de faire connaître au
public magyar la littérature allemande et de rendre acces-
sible au lecteur allemand la littérature magyare. Ses deux
travaux considérables sont : la traduction de la Tragédie
humaine de Madâcs (1888) et une monographie étendue
sur le poète Petœfi (1887).
FI SC H ER von Erlach (Johann-Bernhardt), célèbre archi-
tecte autrichien, né à Prague le 1 5 mars 1656, mort à Vienne
le 5 avr. 1723. Après avoir complété ses études d'architec-
ture par plusieurs voyages en Italie, Fischer se fixa à Vienne,
fut nommé architecte en chef de la cour impériale et fit cons-
truire, tant à Vienne que dans plusieurs autres villes alle-
mandes, de nombreux édifices parmi lesquels il faut citer :
le château de Schœnbrunn, résidence d'été delà cour ; d'im-
portantes parties du château impérial à Vienne, telles que
la Chancellerie de l'Empire, l'Ecole d'équitation d'hiver, la
Bibliothèque de la cour et, vis-à-vis du château, le prin-
cipal corps de bâtiment des écuries impériales ; le palais
du prince de Sclrwarzenberg, le palais du prince Eugène
(aujourd'hui ministère des finances) et le palais du prince
Trautzon (aujourd'hui palais de la Garde hongroise) , et la
colonne de la Trinité, en collaboration avec l'Italien Bur-
naccini, à Vienne ; le palais Clam-Gallaz, à Prague, et le
château Klepheim, à Salzbourg. On doit aussi à Fischer
von Erlach plusieurs églises : à Vienne, l'église paroissiale
de Saint-Pierre, dans la Cité, et l'église de Saint-Charles-
Borromée, dans le faubourg de Wieden ; à Salzbourg,
l'église collégiale et l'église de la Sainte-Trinité ; à Breslau,
la chapelle électorale du Dôme, et à Haindorf, en Bohême,
une église conventuelle. Il ne put terminer les projets qui
forment la quatrième partie d'un ouvrage édité sous sa
direction à Vienne, en 1721, et intitulé Entwurf einer
historischen Architecture projet d'une architecture his-
torique consistant en la reproduction de différents monu-
ments célèbres, tant de l'antiquité que des temps modernes.
— Joseph-Emanuel, son fils, architecte autrichien, né
à Vienne en 1695, mort à Vienne le 29 juin 1742,
continua et termina en partie les édifices laissés inachevés
par son père, entre autres la Bibliothèque impériale et le
palais du prince de Sclrwarzenberg ; seul, il fit éjever le
palais du prince Auersperg, à Vienne. Joseph-Emmanuel
Fischer était de plus un remarquable ingénieur hydrauli-
cien et on lui doit, outre une machine élévatoire qu'il fit
construire dans le palais Schwarzenberg , des machines
d'épuisement pour les mines de Kremnitz et de Schemnitz.
Charles Lucas.
FISCHER von Waldheim (Gotthelf), médecin et natu-
raliste allemand, né à Waldheim (Hesse) le 15 oct. 1771,
mort à Moscou le 18 oct. 1853. Reçu docteur à Leipzig en
1798, il fit un voyage à Paris avec les frères de Hum-
boldt et s'y occupa beaucoup d'histoire naturelle. En 1799,
il fut nommé professeur d'histoire naturelle et bibliothé-
caire à l'Ecole centrale de Mayence, puis en 1803 passa à
Moscou avec le titre de professeur ordinaire et de direc-
teur du musée d'histoire naturelle ; après l'incendie de
1812, il reconstitua les collections. Il fonda, en 1808, la
Société des naturalistes de Moscou. Fischer a laissé un
grand nombre de travaux sur le galvanisme, la nutrition
des plantes, l'anatomie comparée, POs intermaxillaire
(Leipzig, 1800, in-8) ; VAnatomie du maki (Francfort,
1804, in-8) ; l'Oryctographie du gouvernement de
Moscou (1830-1837), sur la typographie (1800-1804,
1802), sur la bibliographie, etc., enfin des traductions.
FISCHETTI (Matteo-Luigi), pianiste et compositeur ita-
lien, né à Martina Franca le 28 févr. 1830. Il commença
l'étude du piano à six ans, puis, ayant appris l'harmonie,
il se livra à l'enseignement et à la composition. Il a publié
pour le piano plus de deux cents morceaux et s'est fait
connaître au théâtre par trois opéras : Aida di Scafati
(1873), La Sorrentina, Un' Altra Figlia di Madama
Angot.
FISCHHÂBER (Gottlob-Christian-Friedrich), philosophe
allemand, né à Gœppingen (Wurttemberg) en 1779, mort à
Stuttgart en 1829. Il commença ses études aux séminaires
de Blaubeuren et de Bebenhausen, et les acheva à l'uni-
versité de Tubingue (1797) où lui fut révélée la philo-
sophie de Kant et celle de Fichte. Sa thèse intitulée Ueber
das Prinzip und die Hauptprobleme des Fichte "schen
Systems, nebst einem Entwurf e zu einer neuen Auflo-
sung desselben (Karlsruhe, 1801, in-8) lui valut le grade
de maître es philosophie. Il devint, en 1806, répétiteur au
séminaire théologique de Tubingue, puis, en 1808, pro-
fesseur de philosophie et de littérature ancienne au gym-
nase de Stuttgart. Adversaire déclaré du système de Fichte,
il s'en tint au point de vue kantien qui domine dans son
ouvrage : Ueber die Epochen des Génies in der Geschichte
(Karlsruhe, 1807, in-8) et dans ses manuels classiques de
Logique (id., 1818), de Morale (1821), de Psychologie
(1824) et de Droit naturel (1826).
FISCHOF (Adolf), publiciste et homme politique autri-
chien, né à Altofen le 8 déc. 1816. Il étudia la méde-
cine à Vienne. En 1848, il commanda le corps des méde-
cins dans la légion académique, fut membre du comité
central, du comité de sûreté et de la diète constituante.
Le ministre Doblhof l'attacha au département de l'inté-
rieur. Après l'avènement de la réaction, Fischof fut accusé
de haute trahison et jeté en prison ; mis en liberté au bout
de neuf mois, il se consacra à la pratique médicale. Depuis
1861, il est rentré, du moins comme publiciste, dans la
vie politique. En 1861, il publia Zur Lœsung der unga-
rischen Frage; en 1866, Ein Blick auf OEsterreichs
Lage ; en 1882, il essaya, sans succès d'ailleurs, de for-
mer un parti populaire allemand disposé à transiger avec
les diverses nationalités. En 1885, il a publié: Die Spra-
chenrechte in den Staaten gemischter Nationalitœt...
FIS EN (Barthélémy), historien belge, né à Liège en
1591, mort à Lille le 26 juin 1649. Il entra dans l'ordre
des jésuites en 1610 et fut recteur des collèges d'Hesdin, de
Dinant et de Lille. Son principal ouvrage est intitulé Sancta
Legia, Romanœ ecclesiœ filia, sive historia ecclesiœ
Leodiensis (Liège, 1642, in-fol. ; rééd. en 1696, 2 vol.
in-fol.). Cette histoire commence six cents ans avant l'ère
chrétienne et se termine en 1612. L'auteur manque
de critique et fait preuve d'une crédulité excessive ;
son livre n'a d'importance que pour l'histoire des xve et
xvic siècles.
FI S EN (Englebert), peintre, né à Liège en 1655, mort
à Liège en 1733. Elève de Berthollet, il fit le voyage
d'Italie et exécuta dans la manière des peintres de ce pays
ses premiers tableaux qui sont les meilleurs. On cite de
ce peintre le Christ en croix avec la Vierge, saint Jean
et la Madeleine, dans l'église de la Madeleine, de Liège,
et la Descente de croix.
FI S H River (Great). Fleuve de l'Afrique australe (Co-
lonie du Cap). Il sort de l'Yserberg et se jette dans l'océan
Indien près du port de Newcastle. Sa vallée, non compris
les méandres, mesure environ 550 kil. de longueur. La
partie inférieure de son bassin se nomme Fish River Bush
et fut longtemps un admirable terrain de chasse pour les
éléphants et les rhinocéros. Affluents : droite, Little Fish
River ; gauche, Baviaans, Kat et Konap. La Great Fish
River est généralement à sec pendant la saison chaude.
Son embouchure est fermée par une barre.
FISH (Hamilton), homme d'Etat américain, né à New
York le 3 août 1808. Elève de Columbia Collège, avocat en
531 -
FISH — FISK
1830, membre de la législature de l'Etat en 1837, membre
du Congrès fédéral en 1842, sous-gouverneur (1847-
1849) puis gouverneur (1849-1851) de l'Etat de New
York, sénateur fédéral (1851-1857), il voyagea en Europe
et resta éloigné des affaires pendant la guerre civile. En
1869, Grant lui confia le poste de secrétaire d'Etat
(ministre des affaires étrangères), en remplacement de
M. E.-B. Washburne, nommé ministre en France, et il
garda ces fonctions pendant les huit années de présidence
du général. C'est sous son ministère qu'eut lieu le règle-
ment de l'affaire de YAlabama. Aug. M.
FISHER (John), cardinal anglais, décapité à Tower
Hill le 22 juin 1535. La date de sa naissance généralement
admise est 1459, mais certains historiens indiquent 1461
et même 1465. A Cambridge, où il fit ses études, il remplit
les fonctions de chancelier de l'université (1501) et pro-
fessa la théologie dans la chaire fondée l'année suivante
par la mère du roi Henri VII, lady Margaret, comtesse de
Richemont, dont il était le chapelain. En 1504, il fut
nommé évêque de Rochester. L'agitation religieuse pro-
duite en Angleterre par les doctrines de Luther décida de
sa destinée. Il prit parti contre le réformateur, ce qui le
rapprocha de Henri VIII, le « Défenseur de la foi » (1521).
Mais quelques années plus tard (1527), le divorce projeté
du roi avec Catherine d'Aragon l'éloigna de son puissant
protecteur et souverain. Il n'hésita pas à maintenir contre
Wolsey, à l'apogée de sa grandeur, la validité du mariage
royal. Il composa à cette occasion des écrits qui circulèrent
en Angleterre et sur le continent, dans lesquels sa pensée
était catégoriquement exprimée. Quand Henri VIII songea
à faire annuler par le Parlement l'autorité spirituelle du
pape en Angleterre pour prendre lui-même le titre de
« Chef suprême de l'Eglise anglicane », Fisher résista de
nouveau à la doctrine de la suprématie royale. Aussi fut-il
bientôt mis en accusation à la suite de ses relations avec
Elisabeth Barton, la « Sainte Fille de Kent », pour n'avoir
pas révélé certaines prédictions concernant la mort du roi.
Condamné de ce fait à la prison ou à l'amende, il fut gracié
moyennant payement de 300 livres. Ce n'était qu'un court
répit. Il fut, en effet, envoyé de nouveau à la Tour de
Londres (26 avr. 1534) pour avoir refusé de prêter ser-
ment sur la question de la succession que Henri VIII vou-
lait régler en faveur d'Elisabeth, sa fille par Anne Boleyn.
Le sort de Fisher ne laissait guère de doutes aux catho-
liques. Le pape Paul III, en lui envoyant le chapeau de
cardinal, ne fit que précipiter une crise prévue. Fisher fut
jugé par une commission spéciale, condamné à mort pour
crime de haute trahison et décapité. Partisans et adversaires
religieux sont généralement d'accord pour rendre hommage
à la conscience droite, au zèle et au savoir de Fisher. Il
est l'auteur de nombreux traités de controverse contre
Luther, OEcolampade et autres réformateurs. Ses œuvres
ont été publiées (Wiïrzbourg, 1595). G. Q.
Bibl. : Rév. J. Lewis, Life of Fisher, 1855— R> W. Wat-
son, History of the english church, 1877.
FISHER (John), théologien anglais, né à Holmside
(Durham) le 27 sept. 1569, mort à Londres le 3 déc. 1641 .
Il s'appelait en réalité Percy. En 1583, converti au catho-
licisme, il fit ses études au collège anglais de Reims et les
acheva au collège anglais de Rome. Ordonné prêtre en
1593, il entra dans la Société de Jésus. Il revint en Angle-
terre en 1596 pour rétablir sa santé, fut alors emprisonné
à Bridewell d'où il s'évada avec deux autres prêtres. Il
demeura attaché à la mission anglaise, devint chapelain de
sir Everard Digby, et fut de nouveau arrêté et emprisonné
en 1610, et, délivré au bout d'un an grâce aux démarches
de l'ambassade d'Espagne, fut banni d'Angleterre. Il résida
alors en Belgique, enseigna la Sainte Ecriture à Louvain ;
mais, étant retourné dans sa patrie, il fut encore jeté en
prison. Il dut sa liberté à l'ambassadeur de France. En
1634, il subit un nouvel emprisonnement d'un an. Fisher
était un dialecticien consommé. Il soutint contre les protes-
tants, notamment contre Laud, des controverses célèbres.
Parmi ses œuvres nous citerons: A Treatise offaith
(Londres, 1600, in-8) ; An Account of the conférences
held before the countess of Buckingham and James I
(1622) ; An Answer into the nine points of controversy
proposed by our late soveraign (1625, in-8), etc.
FISHER (Payne), poète et publiciste anglais, né en
1616, mort en 1693.11 servit d'abord dans les Pays-Bas,
puis dans l'armée royale, en Ecosse et en Irlande, jusqu'à
la bataille de Marston Moor, dont le résultat lui fit aban-
donner la cause royaliste, et qu'il célébra, en 1650, dans
un poème latin intitulé Marston Moor, Eboracense Car-
men. Il avait trouvé sa voie, et dès lors il fut le poète à
la mode auprès des puissants du jour, pour qui ses flatte-
ries étaient toujours prêtes. Cromwell le fit poète-lauréat,
et il reconnut les faveurs du Protecteur par quantité d'odes
de dithyrambes, d'élégies et d'épitaphes en son honneur
et en l'honneur de ses partisans : citons, entre autres,
lrenodia Gratulatoria, sive illus. amplissimique Oli-
veri Cromwelii... Epinicion (Londres, 1652), et Vent,
vidi, vici, the Triumphs of the most Excellent and
Illustrions Oliver Cromwell (Londres, 1652). Les Stuarts
restaurés, Fisher, Paganus Fisher ou Piscator, comme il
signait ses productions, transporta tout son enthousiasme
à la cause victorieuse, et publia cyniquement contre ses
anciens bienfaiteurs un haineux pamphlet : The Speeches
of Oliver Cromwell, Henry Irreton, and John Brad-
shaw, intented to hâve been spoken at their exécution
at Tyburne (1660). Mais ses palinodies ne lui attirèrent
que le mépris qu'elles méritaient et il tomba dans la misère.
Il passa même plusieurs années en prison. Ce fut là qu'il
rédigea deux ouvrages importants pour l'histoire topogra-
phique et architecturale de Londres, avant le grand incen-
die de 1666 : A Catalogue ofmost of the mémorable
Tombs (1668), et The Tombs, Monuments and Sepul-
chral Inscriptions lately visible in S. PauVs cathe-
dral (1684). Signalons encore, parmi ses nombreuses
publications, A BookofHercMry{\Wï). B.-H. G.
FISHER (Edward), pasteur calviniste du pays de Galles,
né en 1620, mort en 1660. Il publia sous le titre The
Marrow of Modem Divinity une brochure qui souleva
de très vives polémiques connues sous le nom de la
« Grande Controverse de la Moelle » à laquelle prirent
part les plus célèbres théologiens du temps.
FISHER (Thomas), antiquaire anglais, né vers 1781,
mort le 20 juil. 1836. Il publia- divers travaux dans le
Gentleman' s Magazine et Y Archœologia et quatre-vingt-
quinze planches d'après ses dessins représentant des monu-
ments, sous le titre : Collections historical, genealogi-
cal and topographical for Bedforshire (Londres, 1812-
1816, in-4). Une seconde partie comprenant 114 pi.
in-fol. parut quelques semaines seulement avant sa mort.
Fisher était membre de la Société des antiquaires de
Londres. J.-A. Bl.
FISK (William), peintre anglais, né à Thorpe le Soken
(Essex) en 1796, mort à Danbury en 1872. Issu d'une
ancienne famille de fermiers, il étudia le dessin contre la
volonté de son père, qui l'envoya à Londres à dix-neuf ans
et le fit entrer dans une maison de commerce. Cependant
le jeune artiste ne renonça pas à sa vocation, travailla pen-
dant ses loisirs et exposa en 1848 un excellent portrait à
l'Académie royale ; les succès qu'il obtint lui permirent,
quelques années plus tard, de se vouer entièrement à la
peinture. Cet artiste est surtout connu en Angleterre par
les grandes scènes historiques qu'il exécuta après 1834 ;
elles se recommandent par la scrupuleuse exactitude des
types et des costumes, pour lesquels Fiskne négligea aucune
recherche. On ne peut malheureusement pas les louer autant
au point de vue de la couleur, sèche, froide et sans har-
monie. Les principaux de ces tableaux, popularisés par la
gravure, sont: Jane Grey visitée par Feckenham, dans
sa prison de la Tour (1834) ; le Couronnement de
Bobert Bruce (1836); Assassinat de Laurent de
Médicis par les P^m (1839); le Jugement de lord
FISK — FISTULE
— 532 —
Strafford (1840, à Liverpool) ; Charles Ier traversant la
grande salle de White-Hall pour aller à Véchafaud
(1843). Ad. T.
FISMES. Ch.-l. de cant. du dép. de la Marne, arr. de
Reims, sur la Vesle et l'Ardre ; 3,303 hab. Stat. du chem.
de fer de l'Est, ligne de Soissons à Reims. Tissage ; fila-
tures de laine et de bourre de soie ; fabriques de sucre, de
porcelaine et de faïence ; tanneries. Ancienne station ro-
maine de Fines Suessionum, située à la limite des Rémi
et des Suessiones, et, à l'époque mérovingienne, de la
Neustrie et de l'Austrasie. Les rois de France y avaient
une résidence. Des anciens remparts transformés en pro-
menade, la ville a conservé quatre portes curieuses. L'église,
dont les parties les plus anciennes datent du xie siècle, a
été remaniée au xme et au xvie siècle. L'Hôtel-Dieu, fondé
au xve siècle, renferme un oratoire du xme siècle.
Concile de Fismes (Concilium apud SanctamMacram).
— Tenu en 881 , dans l'église de Sainte-Macre. Les évêques
de plusieurs provinces y furent assemblés ; ils firent sur la
discipline huit canons, dont deux caractérisent bien les
relations de l'Eglise et de la royauté à cette époque. Le
troisième exhorte le roi Louis à conserver l'honneur et le
bien de l'Eglise, et à maintenir l'autorité des évêques ; le
huitième lui recommande, à cause de sa jeunesse, de choi-
sir, des conseillers sages, aimant la justice et la religion.
FISQUET (Honoré- Jean -Pierre), littérateur français, né
à Montpellier le 16 juin 1818, mort à Paris le 27 juil.
1883. Professeur d'humanités au collège de Bernay, il
démissionna en 1840 pour se jeter dans le journalisme. Ce
fut un collaborateur zélé de la Gazette de France, de la
Nation, de Y Audience, de Y Encyclopédie du xixe siècle.
Citons de lui : Histoire de V Algérie (Paris, 1842, in-8);
Ode a la France sur le retour des cendres de Napoléon
(1841, in-12); Histoire archéologique et descriptive
de Notre-Dame de Paris (1855, in-8) ; Notice biogra-
phique sur Mgr de Bonncchose (1865, in-8) ; Id. sur le
cardinal Gousset (1865, in-8) ; Rome et PEpiscopat
catholique (1874, in-16); Dictionnaire des célébrités
de la France (1879, in-8); la France départementale
(1876,in-18); Grand Atlas départemental de la France,
de l'Algérie et des colonies (1878, 2 vol. in-fol.) ; la
France pontificale (1864-73, 24 vol. in-8), résumé de la
Gallia christiana qui devait former 50 vol.
FISSIDENS (Fissidens Eedro) (Bot.). Genre de Mousses
acrocarpes, de la tribu des Fissidentées-Fissidentacées de
Schimper (Skitophyllum Lap. ; Chistophyllum Brid.
Lindb), à tige simple ou peu rameuse sur laquelle on aper-
çoit des feuilles distiques et d'une organisation particu-
lière : il s'étend sur le dos de la nervure une longue lame
verticale qu'on regarde comme une aile normale d'une
feuille carénée- concave. Les fleurs sont monoïques ou
dioïques. Le pédicelle dressé et terminal supporte une cap-
sule lisse, parfois oblique. La coiffe est déjetée latéralement ;
l'opercule est convexe-conique, surmonté d'un. bec plus ou
moins long ; Panneau est étroit ; le péristome à dents
pourpres se divise jusqu'au milieu de leur hauteur en deux
branches subulées. On connaît neuf espèces de Fissidens,
mais il ne s'en trouve que trois assez communément aux
environs de Paris (Fissidens bryoides, F. taxifollus et
F. adiantoides). Ces Mousses préfèrent les lieux ombra-
gés, la terre argileuse, les prairies marécageuses et les
rives des cours d'eau. Vendrier.
Bibl. : Linné, Sp. pi.— Hedw, Musc, frond., III, pp. 61
et 67, t. XXVI et XXIX. - Spée, Musc, t. XXXIX , p. 155.
FISSURE (Géol.) (V. Faille).
FISTULE. On appelle fistule un trajet anormal, étroit,
sans tendance à la guérison, laissant écouler par un orifice
du pus, des produits de sécrétion ou des matières excré-
mentitielles circulant habituellement dans des conduits
naturels. Les fistules sont congénitales ou acquises et patho-
logiques. Un certain nombre de fistules observées à la nais-
sance tiennent à des maladies du fœtus, et rentrent dans
la deuxième catégorie, mais les fistules congénitales pro-
prement dites semblent reconnaître pour cause, dans tous
les cas, une malformation. Les fistules acquises ou patho-
logiques succèdent à des lésions très diverses et présentent
deux variétés: 1° celles qui ne communiquent avec aucune
cavité, avec aucun conduit et tiennent à des inflammations
du tissu cellulaire, du tissu osseux, à la présence d'un corps
étranger ; 2° celles qui communiquent avec une cavité nor-
male ou accidentelle, avec un réservoir naturel, avec un
organe glandulaire, avec un conduit sécréteur. Certaines
fistules sont entretenues par la disposition anatomique ou
la mobilité des parties, par la nature de l'altération des
tissus, par la présence des parties nécrosées ou de corps
étrangers. Les fistules provenant des lésions des glandes,
des réservoirs naturels, des conduits sont souvent entre-
tenues par le passage anormal de liquides de sécrétion ou
d'excrétion, ou mieux, comme l'a démontré Verneuil, par
la permanence de la lésion profonde grâce à la cicatrisation
anormale de la muqueuse avec la membrane externe. Il y a
à considérer dans une fistule l'orifice externe et le trajet
fistuleux (fistule borgne); dans les fistules communiquantes
il y a aussi un orifice interne. Ces parties, plus ou moins
indurées par suite de l'inflammation conjonctive du tissu
cellulaire, sont doublées d'une espèce de muqueuse revêtue
d'un épithélium pavimenteux. Ordinairement, un des orifices
est profond, l'autre superficiel et cutané ; on peut rencon-
trer des fistules à orifices muqueux (fistules bimuqueuses)
par exemple dans la fistule duodénale cholécystique. — Le
diagnostic est facile, le pronostic variable. Les indications
du traitement consistent à supprimer la cause qui entre-
tient la fistule, si possible, et à essayer de fermer le conduit
anormal, soit par des incisions appropriées, des injections
irritantes, des cautérisations, enfin par divers procédés
autoplastiques. S. Morer.
Fistule a l'anus (V. Anus).
Fistules congénitales. — Les fistules qui reconnais-
sent pour origine une perturbation du développement sont
de plusieurs ordres. Les unes résultent simplement de la
conservation anormale de certaines voies qui font commu-
niquer les muqueuses entre elles ou avec la peau, chez
l'embryon, et qui sont destinées à s'obturer plus tard
lorsque l'évolution suit son cours régulier. Les plus con-
nues sont les fistules congénitales du cou, dues à une
occlusion incomplète des fentes branchiales et qui viennent
généralement s'ouvrir à l'extérieur un peu au-dessus de
l'extrémité sternale de la clavicule. Le plus souvent elles
sont uniques; parfois il y en a deux, symétriquement
placées. Rarement elles sont complètes et représentent
alors un conduit étroit s'étendant obliquement du tégument
externe au pharynx, au larynx ou à l'œsophage. Habituel-
lement elles sont incomplètes, ne figurant qu'un prolon-
gement en cul-de-sac des muqueuses (fistule borgne interne)
ou du tégument cutané (fistule borgne externe). La cons-
titution histologique de la paroi est analogue à celle de la
peau ou de la muqueuse adjacente, et conserve souvent un
caractère embryonnaire plus ou moins prononcé. Les fis-
tules bimuqueuses se rencontrent principalement au
niveau de l'intestin postérieur et des voies génito-urinaires
où elles représentent le degré minimum des communica-
tions tératologiques pouvant exister entre le rectum, la
vessie, le vagin, etc. On trouve ensuite des fistules cuta-
nées qui ne sont autre chose que de simples dépressions
ectodermiques plus ou moins profondes, particulièrement
fréquentes dans les régions sacro-coccygienne et ano-péri-
néale. Au nombre de une à trois, elles sont échelonnées le
long de la portion terminale du rachis, parfois paires et
symétriquement disposées près de la ligne médiane. La pa-
thogénie de ces formations est assez obscure et se rattache
intimement à celle des kystes dermoïdes, comme le prou-
vent les cas où la fistule se termine profondément par une
dilatation ampullaire ayant la structure de la peau. Il
arrive aussi qu'un kyste primitivement clos et isolé s'ouvre
ultérieurement au dehors et donne ainsi naissance à une
fistule secondaire. La tératologie nous offre, enfin, des
— 533 —
FISTULE — FITTONIA
exemples variés de fistules siégeant dans diverses parties
du corps et qu'il est impossible d'embrasser dans une des-
cription générale. G. Herrmann.
Bibl. : Reclus, Manuel de pathol. ext. ; Paris, 1885, 1. 1.
— Follin et Duplay, Traité élément, de path. ext.; Paris,
1868-1888, t. I.
FISTULINE (Bot.). Genre de Champignons Hyméno-
mycètes, de la famille des Polyporées, à hyménium infère,
d'abord verruqueux papille, puis formé de tubes cylin-
driques séparés les uns des autres et non soudés entre
eux, comme dans les genres Polypore ou Bolet. Les basides
tétrasposées donnent naissance à des spores ovoïdes, jaunes
ou couleur saumon. Dans les réceptacles épais, mamelonnés,
on peut rencontrer, près de la surface supérieure et à l'in-
térieur du parenchyme, des cellules portant des bouquets
de conidies assez semblables aux spores, mais de formes et
de dimensions plus variées. — La F. Hepatica (syn.
Langue de bœuf, Foie de bœuf, Glu de chêne), spécialement
étudiée par M. de Seynes dans un important mémoire, pré-
sente quelquefois des réceptacles uniquement conidipares et
dépourvus de tubes. Elle est remarquable par son chapeau
rouge sang ou rouge brun, tantôt sessile, tantôt porté sur
un stipe latéral et court, oblongou semi-orbiculaire, gluant
sur sa face supérieure et couvert d'aspérités qui disparais-
sent. La chair est gorgée de suc contenu dans les latici-
fères (diamètre : 12 à 15 centim.). Tubes d'abord blancs,
puis d'un jaune pâle, à orifice frangé. Cette espèce est
comestible, surtout lorsqu'elle est jeune ; plus tard, la
chair est un peu acide. Champignon de l'été et de l'au-
tomne, lignicole, mais poussant de préférence sur les
Chênes, les Châtaigniers, les Hêtres, solitaire ou en touffe.
FISZ (Zénon-Léonard), écrivain polonais, né dans le
gouvernement de Mogilev en 1820, mort en 1870. Il est
connu dans la littérature polonaise sous le pseudonyme de
Padalica. Il a collaboré à un grand nombre de recueils
polonais et fondé, à Pétersbourg, en 1846, le recueil
Gwiazda (l'Etoile) qui réunit des collaborateurs distingués.
Il devint fou vers la fin de sa vie. On cite parmi ses pu-
blications : Récits et Paysages ("Vyilna, 1856, 2 vol.);
Lettres de voyage (Wilna, 1859, 3 vol.). Ses œuvres
sont particulièrement intéressantes pour l'étude de la vie
polonaise en Ukraine. L. L.
Bibl. : Estreicher, Bibliogr. polonaise du xix° siècle.
FITCH (Ralph), voyageur anglais, du xvie siècle. Parti
de Londres en 1583 avec plusieurs marchands, il atteignit
Tripoli, gagna Alep, puis Bagdad, Bassorah, Goa où il fut
jeté en prison, traversa le Dekkan, et arriva à la cour du
Grand Mogoi àAgra (1584). Après avoir épousé une femme
du pays, il mena" une flottille à Prage (Allahabad) ; de là
il rayonna dans toute l'Inde et fut le premier Anglais qui
pénétra en Birmanie. En 1587, il était dans les Etats de
Siam; en 1588, il arrivait deMalacca;enl589,iise trou-
vait à Cochin sur la côte de Malabar. En 1591, il était de
retour en Angleterre. Il fut un des auxiliaires les plus
précieux de la Compagnie des Indes à ses débuts. Le récit
de ses voyages a été publié par Hakiuyt, t. IL R. S.
FITCH (John), ingénieur américain, né à Windsor (Con-
necticut) en 1743, mort en 1798. Il fut un des premiers
à appliquer pratiquement la vapeur à la navigation, et
revendiqua, contre Rumsey, la priorité de l'invention du
bateau à vapeur dans une brochure intitulée The Origi-
nal Steamboat supported (Philadelphie, 1788). Il avait
fait sa première expérience le 1er mai de l'année précé-
dente sur le Delaware avec un bateau à vapeur appelé
The Persévérance. On a encore de lui : An Explanation
for Keeping a Ship's Traverse at Sea by the Colom-
bian Ready Reckoner (Londres, 1793). Thompson West-
cott a écrit la vie de John Fitch, l'inventeur du « Steam-
boat » (Philadelphie, 4 858). B.-H. G.
FITCH BURG. Ville des Etats-Unis, Etat de Massachu-
setts, comté de Worcester, centre industriel très prospère,
sur la rivière Nashua, tributaire du Merrimac. Manufac-
tures de papier, de cotonnades, de machines, d'outils en
fer, de pianos, etc.; 11,260 hab. en!870, 15,375 en 1885,
22,000 en 1890.
FITERO. Ville d'Espagne, prov. de Navarre, district de
Tudela, sur l'Alhama; 3,0i3 hab. A4 kil. S.-O., eaux
minérales chlorurées calciques d'une température de 47° C.
alimentant deux établissements civils et un établissement
militaire. A 11 kil. S., eaux minérales sulfureuses froides.
Eaux minérales. — Ces eaux, hyperthermaies, chlo-
rurées sodiques moyennes, ferrugineuses faibles, car-
boniques faibles , s'emploient intus et extra. Prises à
l'intérieur elles sont diurétiques, légèrement laxatives,
très sudorifiques ; les bains congestionnent la peau. L'usage
prolongé peut produire de la fièvre et surtout une soif
intense. Les eaux de Fitero s'emploient dans les affections
du tube digestif et de ses annexes, des voies urinaires
(gravelle, calculs), de l'utérus (catarrhe, troubles de la
menstruation), dans les flux hémorrhoïdaires excessifs,
dans la goutte, le lymphatisme, la scrofule, les maladies
chroniques de la peau, la syphilis constitutionnelle, enfin
dans les tumeurs blanches, les fausses ankyloses, les cica-
trices vicieuses, les suites de fractures et les luxations, les
caries et les nécroses osseuses, etc. Elles sont contre-
indiquées chez les personnes sujettes aux congestions et aux
hémorragies actives, chez les phtisiques au 2e et au 3e de-
gré, les scorbutiques, en général chez tous les cachec-
tiques. Dr L. Un.
FITGER (Arthur), poète et peintre d'histoire allemand,
né à Delmenhorst (duché d'Oldenbourg) en 1840. Il se
rangea d'abord à Munich parmi les disciples de Cornélius.
Mais, après un voyage à Anvers, où il fut violemment
frappé par les œuvres de Rubens, il devint un coloriste
hardi et violent. Il rechercha les sujets pathétiques et fan-
tastiques : la Légende du tombeau du Géant, la Fille
du roi des aulnes, la Course des sorcières, le Réveil
de Barber ousse, les Rêves, une frise décorative avec des
Enfants au milieu des produits de la terre et de la
mer. Comme poète, il a donné un recueil de légendes,
d'idylles, de petites œuvres dramatiques, sous ce titre :
tP% Pfl (\<\(1'Y)t^
FITIGNIEU. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Belley,
cant. de Champagne; 194 hab.
FITILIEU. Corn, du dép. de l'Isère, arr. de La Tour-
du-Pin, cant. de Pont-de-Beau voisin ; 1,260 hab.
FITOU, Com. du dép. de l'Aude, arr. de Narbonne,
cant. de Sigean ; 1,252 hab.
F1TTLER (James), graveur anglais, né à Londres en
1758, mort à Londres le 2 déc. 1835. Elève des écoles de
l'Académie royale, dont il devint associé en 1800. Il exé-
cuta nombre de paysages et de vues topographiques, et
quelques portraits, mais il se fit surtout connaître par ses
estampes historiques, représentant des combats navals
de la flotte anglaise en 1782, 1794, 1797 et 1803, d'après
Platon et Loutherbourg. Son burin, puissant et lumineux,
manque toutefois d'agrément. G. P-i.
FITTONIA (Paléont. vég.). Genre de Cycadacées fossiles,
créé par Carruthers (Trans. Linn. Soc, 1870, XXVI)
pour une espèce du wealdien de l'île de Wight, comprenant
tout un groupe de tiges douées d'un caractère remarquable,
l'accrescence, non seulement du coussinet sur lequel se
trouvait implanté le pétiole ou l'écaillé gemmaire, comme
dans les Cycadées qui nous sont connues, mais d'une partie
notable de la base même des pétioles et de Fécaille gem-
maire presque entière, de sorte que la tuméfaction plus ou
moins rapide,, sur une longueur de plusieurs centimètres de
la partie accrescente, provoquait la chute par voie de désar-
ticulation de la partie des frondes qui demeurait étran-
gère à ce développement. La moelle centrale est volumi-
neuse ; l'étui formé par la zone ligneuse, très mince. Les
Fittonia ont commencé à se montrer vers la base de
l'oxfordien, et leur existence s'est prolongée dans toute la
partie supérieure de l'oolithe jusque dans le wealdien.
j Espèces principales : F. (Clathraria) insignis Sap., des
carrières de calcaire blanc (oxfordien) de la Vienne ;
FITTONIA — FITZALAN
534 —
F. squamata Carruth. , de l'île de Wight ; F. Rigauxi
Sap., de la base du portlandien,près de Boulogne-sur-Mer;
F. (Clathî^aria, Zamia) Brongniartii Sap., de l'oxfor-
dien moyen du Calvados. Dr L. Hn.
FITTR 1. Pays du Soudan central, entre le Baghirmià l'O. ,
et le Ouadaï à l'E. Il tire son nom du lac qui en occupe la par-
tie centrale. Il est connu également sous le nom de Boulala,
qui rappelle le puissant empire florissant dans ces régions
au x\ie siècle et dont le Fittri actuel est un débris. Le
Fittri est en général marécageux et malsain. Deux races
l'occupent : les Boulâtes et les Koukas. Les habitants
sont répartis dans une centaine de villages dont le princi-
pal est Ya, ou Yaoua, à 25 kil. N.-E. du lac Fittri. Le roi
de Fittri est vassal du sultan du Ouadaï.
FITZALAN, comtes d'Arundel, grande famille anglaise.
— /o/m Ier Fitzalan, l'un des barons confédérés contre le
roi Jean, épousa Isabelle, sœur et l'une des quatre cohéri-
ritières d'Hugues d'Albini, comte d'Arundel. — Son fils,
John II, hérita, en 1240, de grands domaines dans le
Shropshire, où les Fitzalan possédaient Oswestry depuis le
temps de Henri Ier, et Clun depuis Henri II. En 4243, il y
ajouta le quart de l'héritage des Albini, y compris la ville
et le château d'Arundel. On le trouve en querelle avec
l'évêque poitevin d'Hereford et tantôt uni aux barons,
tantôt à la tête des troupes royales. Il s'attacha finalement
au prince de Galles et fut un de ceux qui demandèrent
l'arbitrage de Louis IX. En 4264, il était avec les roya-
listes et fut fait prisonnier à Lewes ; il mourut en nov.
4267. — A John III (4246-4272) succéda Richard Ier,
né le 3 févr. 4267, le premier des Fitzalan qui ait porté
fréquemment dans les actes le titre de comte d'Arundel.
Il fit plusieurs campagnes en Gascogne et en Ecosse, et
mourut le 9 mars 4302. De sa femme Alice, fille du
marquis de Saluées, en Italie, il eut deux fils dont l'aîné,
Edmond, lui succéda. — Edmond, né le 4er mai 4285,
épousa, en 4306, l'héritière des comtes Warenne. Battu
le 2 déc. 4307 au tournoi de Wallingford par Gaves-
ton, il devint l'ennemi mortel du favori ; aucun baron
ne se montra aussi acharné que lui contre Edouard II,
jusqu'à l'avènement des Despencer. Mais la fille d'Hugues
Le Despencer le Jeune ayant épousé l'héritier d'Arundel,
celui-ci changea d'attitude. Il fut l'un des juges de Thomas
de Lancastre à Pontefract et reçut du roi une partie des
dépouilles des Badlesmere et des Mortimer. Il fut fait
(4325) gardien des marches galloises. En 4326, il fut le
seul seigneur qui resta fidèle à Edouard au moment de l'in-
vasion d'Isabelle et de Mortimer. Il fut pris et exécuté sans
forme de procès pour assouvir la haine des Mortimer le
7 nov. 4326. — Son fils, Richard II, demeura privé de son
titre et de ses domaines jusqu'en 4330, date de la chute
de Mortimer. Dès 4338, il commanda en chef une expé-
dition contre l'Ecosse ; le Parlement de janv. 4340 le créa
amiral de la flotte qui combattit à Sluys. Il était de l'armée
menée en Bretagne par Edouard III en oct. 4342. Après
avoir répudié sa femme Isabelle (Le Despencer), il épousa
Eléonore, veuve de lord Beaumont, et fille de Henri de Lan-
castre. A Crécy (4346), il commandait une des trois divi-
sions de l'armée anglaise ; il était au siège de Calais. Il
négocia avec le pape d'Avignon pendant les années sui-
vantes, mais prit part cependant à la bataille navale de
Winchelsea (4350). Il fut l'un des régents désignés pen-
dant l'absence du roi en 4355, puis accepta de grandes
missions diplomatiques en Ecosse, en Luxembourg, en
France. Son dernier exploit militaire fut une expédition
au secours de Thouars en 4372. Richard II était fort
riche, ayant ajouté à l'héritage des d'Arundel celui des
Warenne ; Edouard lui devait plus de 20,000 livres en
4370. Il mourut le 24 janv. 4376. — L'aîné de ses trois
fils fut Richard III. Amiral dès 4377, il se montra d'abord
peu habile, mais il se joignit de bonne heure à la fraction
la plus intransigeante du parti des barons qui, sous la
direction de Gloucester, faisait opposition aux volontés du
roi Richard IL Le 24 mars 4387, il remporta, devant
Margate, une grande bataille navale sur une flotte fran-
çaise, flamande et espagnole, et captura cent vaisseaux
chargés de vin. Cette victoire sauva peut-être l'Angleterre
d'une invasion et valut à Arundel une immense popularité.
Cependant Je roi, ayant réussi à faire prononcer l'illégalité
de la commission de contrôle qui lui avait été imposée en
4386, essaya de faire traîtreusement arrêter le comte Ri-
chard à Reigate ; le coup ne réussit pas et le comte, uni
à Gloucester et à Warwick, puis à Derby et à Nottingham,
prit les armes ; il ne proposait déjà rien moins que l'im-
médiate déposition du roi. Après quelques années de trêve
à l'intérieur et à l'extérieur, l'inimitié d'Arundel et de Jean
de Gand mit le feu aux poudres (1393). Le roi se laissa
aller jusqu'à frapper Arundel jusqu'au sang dans West-
minster Abbey. L'orageux Parlement de févr. 4397 était
à peine dissous que Gloucester et Arundel quittèrent la
cour, accusant l'impéritie du roi de la perte de Brest et de
Cherbourg. Une vaste conspiration fut formée, mais dénoncée
par Nottingham. Le comte Richard fut saisi, jugé par les
lords, exécuté à Tower flill. Le peuple le considéra aus-
sitôt comme un saint et fit des pèlerinages sur son tom-
beau. C'avait été, d'ailleurs, un personnage pieux et libéral
envers les églises. De sa première femme, Elisabeth, fille
de William de Bohun, comte de Northampton, il avait eu
trois fils. Le second, Thomas, lui succéda. — Thomas était
né le 43 oct. 4381 ; il n'avait donc que seize ans quand
son père fut exécuté. Privé de ses titres et de ses domaines,
il fut remis aux mains brutales de John Holland, duc
d'Exeter, qui lui faisait cirer ses bottes. Il réussit enfin à
s'enfuir et se réfugia sur le continent. Il accompagnait Henri
de Derby (Henri IV) quand celui-ci débarqua à Ravenspur
en juil. 4399. L'avènement de Henri IV lui permit d'exercer
sa vengeance contre Richard II, déposé, et les membres de
la famille Holland, dont il fit exécuter le chef sur-le-champ
(4400). Pendant les quatre années suivantes, le comte
Thomas fut occupé à guerroyer le long de la frontière gal-
loise contre Owen Glendower (V. ce nom), sans grand suc-
cès. Mais il contribua à étouffer la révolte de 4405, dont il fit
même mourir les chefs, l'archevêque Scrope et Mowbray,
contre l'avis de l'archevêque de Canterbury, Arundel, son
oncle, le premier ministre de Henri IV. Le 26 nov. 4405,
il épousa en grande pompe Béatrix, fille bâtarde de Jean Ier
de Portugal. La faveur prépondérante de son oncle au-
près de Henri IV le maintint dans l'ombre pendant la plus
grande partie du règne de ce prince ; mais l'avènement
de Henri V, dont le premier acte fut de le nommer tréso-
rier, connétable de Douvres et gardien des Cinque Ports,
semblait lui offrir une revanche. Henri V l'emmena dans
sa grande expédition de France, mais il n'alla pas plus loin
que Honfleur. Frappé de dysenterie, il revint mourir en
Angleterre le 43 oct. 4445. Il ne laissait pas d'enfants ; ses
domaines furent partagés entre ses trois sœurs, tandis que
le château et la seigneurie d'Arundel passèrent à John
(4387-4421). — John, lord Maltravers, était le petit-
fils de John, maréchal d'Angleterre, mort en mer en 4379,
qui était lui-même frère de Richard III Fitzalan (V. ci-des-
sus). Ce John, lord Maltravers, hérita de la seigneurie
d'Arundel, dans la succession du comte Thomas, mais le
titre de comte d'Arundel lui fut disputé dès 4446 par le
duc de Norfolk, mari de la sœur aînée de Thomas. A sa
mort (4424) la question entre Norfork et lui n'était pas en-
core tranchée. — Ce ne fut qu'en 4433 que les droits de
John Fitzalan-Maltravers, fils du précédent, au titre de
comte d'Arundel, furent pleinement reconnus. Ce John fut
un des meilleurs soldats de Henri VI pendant la grande
guerre de France : il se distingua au siège de Compiègne
en 4430, prit Xaintrailles en 4434, et fut remarqué par les
dames, d'après Monstrelet, au tournoi qui suivit le couron-
nement de Henri VI à Paris. Capitaine du château de Rouen
en 4432, lieutenant du roi dans les marches de Normandie,
il se rendit particulièrement odieux aux Français par ses
cruautés et ses succès. Battu et blessé au siège de Ger-
beroy en mai 4435, il se laissa mourir volontairement
535 —
FITZALAN — FITZGERALD
(12 juin). Sa carrière avait été celle d'un chef cle partisans,
non celle d'un général. La maison Arundel, appauvrie, ne
comptait plus, depuis la mort du comte Thomas, parmi les
premières du royaume. — Les successeurs de John furent
obscurs : son fils ïlumphreij (-1429-4 438); son oncle
William (1417-1487); Thomas II,m.s du précédent (1450-
1524); un autre William, fils de Thomas (1483-1544).
— Henri, fils de William II et de lady Anne Percy,
douzième comte d'Arundel, naquit vers 1511. Filleul
de Henri VIII, qui lui donna son nom, attaché à sa
personne, il fut nommé, en 1540, gouverneur de Calais.
La prise de Boulogne (sept. 1544) lui valut le titre de
chambellan. Henri VIII le coucha pour 200 1. st. sur son
testament. Sous Edouard VI, Arundel se joignit au parti
hostile au protecteur Somerset ; mais Warwick ne tarda
pas à devenir jaloux de son influence sur le jeune roi, et,
sous de futiles prétextes, obtint sa destitution. L'ex-cham-
bellan favori de Henri VILI fut accusé, sans preuves, d'indé-
licatesses, confiné dans sa maison et condamné à restituer
au trésor 12,000 1. st. Ces procédés le poussèrent à re-
nouer avec son vieil ennemi Somerset, persécuté comme
lui par Warwick, mais il ne put que partager sa mauvaise
fortune. Le 8 nov. 1552, il fut mené à la Tour comme
complice de Somerset ; il y resta un an et n'en sortit que
moyennant le payement d'une forte somme et une confes-
sion écrite qu'il renia du reste plus tard. La mort
d'Edouard VI lui permit de se venger. Il feignit d'embrasser
la cause de lady Jane Grey, et trahit Northumberland pour
Marie Tudor, à laquelle il livra Londres. Il sut conserver
pendant tout le règne de Marie la faveur royale, non sans
ménager, en courtisan prévoyant, la princesse Elisabeth,
héritière possible. Elisabeth, reine depuis 1558, le main-
tint, en effet, dans toutes ses charges : Arundel exerça les
fonctions d'high constable, qu'il avait déjà exercées à l'avè-
nement d'Edouard VI et à celui de Marie, le jour du cou-
ronnement d'Elisabeth. La reine allait chez lui, en Surrey,
acceptait ses cadeaux ; comme il était veuf, on le comptait
au nombre des prétendants, et ce fut l'occasion d'une vive
algarade entre lui et Leicester, en 1561. Mais, en 1562,
pendant une grave maladie d'Elisabeth, il tint dans sa mai-
son une réunion pour envisager l'hypothèse d'une vacance de
la couronne ; la reine, rétablie, le lui reprocha ; il donna sa
démission de lord steward en 1564, et partit pour voyager
sur le continent. Il revint en 1567 et fut reçu à Canter-
bury et à Londres avec magnificence ; une légende, depuis
longtemps ruinée, veut qu'il ait rapporté à la reine de son
voyage le premier carrosse et la première paire de bas de
soie qu'on eût vues en Angleterre. Il était alors con-
sidéré comme l'un des chefs du parti aristocratique et
catholique ; il était opposé aux mauvais traitements infligés
à Marie Stuart ; il approuvait le plan de mariage entre
cette reine et Norfolk, qui aurait eu pour conséquence une
rébellion et la déposition d'Elisabeth. Ce projet, découvert
en 1569, entraîna l'arrestation de Norfolk et l'insurrection
des comtés du Nord, si vite comprimée. Arundel fut in-
terné dans un de ses châteaux. Il resta dès lors dans une
captivité plus ou moins stricte jusqu'à sa mort, arrivée le
24 févr. 1580. Il avait été marié deux fois ; de sa pre-
mière femme, la seule dont il ait eu des enfants, Catherine
Grey, fille de Thomas, marquis de Dorset, il n'eut qu'un
fils, Henry, lord Maltravers, qui mourut en 1556, et deux
filles : Jane, qui épousa, en mars 1552, John, lordLumley,
et mourut sans enfants, et Mary, qui, femme de Thomas
Howard, duc de Norfolk, de 1552 à 1554, fut mère de
Philip Howard, lequel hérita des domaines de Fitzaian, à
la mort du comte Henri. Le comte Henri fut ainsi le der-
nier des comtes d'Arundel. On a de lui un superbe portrait
par Hans Hoîbein, qui est conservé aujourd'hui dans la
collection du marquis de Bath. Ch.-V. L.
FITZCLÂRENCE (Lords). I. Lord Adolphus FUzda-
rence, né en 1806, mort le 17 mai 1856, était un bâtard
du duc de Clarence, plus tard roi d'Angleterre sous le nom
de Guillaume IV, et de Mrs. Jordan. Il entra dans la marine
en 1814 et fut nommé lieutenant en avr. 1821. De 1830 à
1 853, il commanda le yacht royal. Il est mort contre-amiral.
IL Lord George-Augusl-FredericFilzclarence, premier
comte de Munster, frère aîné du précédent, né en 1794,
mort le 20 mars 1842. Cornette do hussards à quatorze
ans, il fit en Espagne plusieurs campagnes de 1807 à 1814 ;
il fut blessé deux fois, à Fuentes d'Onoro et à Toulouse.
Transféré dans un régiment de dragons du service de
l'Inde, il fut attaché comme aide de camp du marquis de
Hastings, et fit les campagnes de 1816-17 contre lesMah-
rattes. C'est lui qui fut chargé d'apporter à Londres le
traité de paix conclu avec Scindiah ; il a raconté son voyage
(Journal of a route across îndia and through Egyptto
England in 18J7-18 ; Londres, 1819, in-4). Il était lieu-
tenant-colonel en disponibilité quand il fut élevé à la pairie
en mai 4830, sous le nom de comte de Munster. Quand il
se suicida, pour des raisons inconnues, il était major
général et président de la Royal Asiatic Society. Il s'était
beaucoup intéressé aux débuts de cette société, et, aidé
de son secrétaire, l'orientaliste allemand Aloys Sprenger,
il avait recueilli les matériaux d'une grande Histoire de
fart de la guerre chez les Orientaux. Ch.-V. L.
FITZGEFFREY (Charles), versificateur anglais, né vers
4575, mort le 24 févr. 1638. Il prit ses grades à Oxford,
et publia clans cette ville, en 1596, un poème panégyrique
sur la mort de sir Francis Drake, dédié à la reine Eli-
sabeth. Il publia, en 1603, un volume d'épigrammes et
d'épitaphes latines : Caroli Fitzgeofridi Affaniœ (in-8).
Son ami, sir Anthony Rous, le présenta au bénéfice de
Saint-Dominic (Eastwellshire), où il mourut. Il a laissé des
sermons et des poèmes dévots.
FITZGEFFREY (Henry), écrivain anglais de la fin du
xvie siècle. On ne sait rien sur sa vie. Il a laissé des sa-
tires et des épigrammes publiées dans Certain Elégies
with satyres and Epigrames (1617, in-8 ; 59 éd., 1848).
FITZGERALD (Lady Elizabeth), surnommée la Belle
Géraldine, née au château de Maynooth vers 1528, morte
en mars 1589. Fille du neuvième comte de Kildare et de
lady Grey, elle entra dans la maison de la princesse Marie
à Hunsdon en 1538, puis devint en 1540 demoiselle d'hon-
neur de Catherine Howard. A peine âgée de quinze ans,
elle épousa un vieillard de soixante ans, sir Anthony Browne,
qu'elle perdit en 1548 ; elle se remaria vers 1 552 à Edward
Fiennes de Clinton, comte de Lincoln. La belle Géraldine
est célèbre par l'amour qu'elle inspira au comte de Surrey
qui chanta sa peine et l'incomparable beauté de sa plato-
nique maîtresse dans une série de chants et de sonnets
agréables. Cette chevaleresque passion a inspiré la Lady
Géraldine to the earl of Surrey de Drayton (Heroical
Epislle, 1578) et un épisode du Lay of the last mins-
trel de Walter Scott. On a un remarquable portrait de lady
Fitzgerald par C. Ketel. R. S.
FITZGERALD (Gerald), hébraïsant et poète irlandais,
professseur de langue hébraïque à l'université de Dublin.
On a de lui : The Académie Sportsman, poème (Londres,
1773) ; Originality and Permanence of the Biblical
Hebreiu (Dublin, 1796) ; A Hehrew Grammar for the use
of the University of Dublin (4799), et un vol. de poésies.
FITZGERALD (Edward), littérateur anglais, né à
Bredfield (Suffolk) en 1809, mort en 1883. A sa sortie de
l'université de Cambridge où il eut pour condisciples James
Spedding, Thackeray et Tennyson, il se voua, grâce aux
loisirs que lui permettait sa fortune, à l'étude des clas-
siques espagnols, entre autres Calderon et Cervantes, dont
il donna d'excellentes traductions. Indifférent à la renom-
mée et ennemi de toute réclame, il n'écrivait que pour sa
propre satisfaction et celle d'un petit nombre d'amis. Six
Bramas of Calderon publiés en 1853 et retirés aussitôt
de la circulation, à la suite d'un article malveillant, furent
les seules de ses nombreuses et remarquables traductions de
l'espagnol, du grec et du persan, qui portent son nom. Aussi
serait-il absolument ignoré sans son fameux ouvrage, les
Quatrains d'Omar Rhayyam, qui, par la perfection de la
FITZGERALD — FITZHERBERT
536
forme et l'exactitude de l'interprétation, est mis au rang
des classiques anglais. Hector France.
FITZGERALD (George- Fraser), physicien anglais, né à
Dublin le 3 août -1851. Il est professeur à l'université de
Dublin et membre de la Société royale de Londres. On lui
doit différents travaux et plusieurs ouvrages sur l'électro-
magnétisme.
FITZGERALD (Percy-Hethrington), littérateur irlandais,
né à Fane Valley (comté de Louth) en 4834. Inscrit au
barreau irlandais, il fut nommé procureur de la couronne
pour le circuit N.-E. Il a écrit des romans agréables, d'abord
publiés dans AU the Year Round et dans Once a Week,
des biographies historiques et littéraires, et des pièces de
théâtre jouées sur les scènes de Londres. Nous citerons :
\° parmi les nouvelles : Never Forgotten, Bella Donna,
Bear Girl, Diana Gay, The Lady of Brantôme, The Night
Mail ; 2° parmi les biographies : Life of William IV
(2 vol.), Life of George IV (2 vol.), Life of Sterne
(2 vol.), Life of Garrick (2 vol.) ; Life and adventures
of Alex. Dumas (2 vol.) ; 3° parmi les études littéraires :
Principles of Comedy, The Romance of the English
Stage , The World hehind the scènes , A New History
of the English Stage (1882, 2 vol.). R. S.
F1TZGIBBON (John), comte de Clare (V. ce nom).
FITZG1BBON (Gerald) , écrivain anglais, né à Glin
(comté de Limerick) le 1er janv. 1793, mort en sept.
1882. Commis dans une maison de commerce de Dublin,
il profita de ses loisirs pour pousser très loin son instruc-
tion, se fit inscrire au barreau irlandais en 1830 et obtint
de grands succès en plaidant les affaires commerciales. En
1860, il fut nommé maître à la chancellerie. Il a écrit :
Ireland in 1S68 (1868, in-8), ouvrage remarquable
dans lequel il a traité avec beaucoup de talent les questions
- à l'ordre du jour à cette époque : éducation, religion, pro-
priété, etc. ; The Land difficulty of Ireland with an
effort te solve it (1869, in-8); Roman Catholic priests
and national schools (1871, in-8); ABanded Ministry
and the upas tree (1873, in-8), etc. R. S.
FITZG1BB0N (Edward), littérateur anglais, né à Lime-
rick en 1803, mort à Londres le 19 nov. 1857. Il fit
quelques études médicales, puis, humaniste distingué, fut
pendant trois ans précepteur. Venu en France vers 1824,
il s'établit à Marseille où il était fort répandu dans les
cercles littéraires et politiques. Compromis dans la révo-
lution de 1830, il revint en Angleterre. Collaborateur par-
lementaire du Morning Chronicle, il publia dans la Life
in London de Bell des articles de pêche, son sport favori,
remarquables par les agréments du style, écrivit dans
d'autres journaux, notamment The Observer, et rédigea une
fort, curieuse publication intitulée Lucid Intervais ofa lu-
natic. Il a écrit en outre : Handbook ofangling (1847),
A True Treatise of the art of fly-flshing (1838) en col-
laboration avecShipley, The Bookofthe Salmon (1850)
en collaboration avec Young. Il se servit généralement du
pseudonyme à'Ephemera. Esprit brillant, écrivain de ta-
lent, Fitzgibbon était malheureusement en proie à de véri-
tables crises d'alcoolisme qui finirent par l'enlever.
FITZHARDINGE (V. Berkeley).
FITZHARRIS (Edward), conspirateur anglais, né en
Irlande vers 1648, mort le 1er juil. 1681. D'un caractère
aventureux, il vint en 1668 à Prague pour s'engager au
service de l'empereur Léopold Ier dans la guerre contre la
Hongrie. Cette guerre n'ayant pas eu lieu, il revint en An-
gleterre en traversant les Flandres. Il se fit alors nommer
capitaine d'une des compagnies levées pour Louis XIV en
Irlande, mais il fut privé de son commandement peu après
son arrivée en France. En févr. 1673, il devint lieutenant
dans le régiment du duc d'Albemarle et perdit encore cet
emploi après l'adoption du Test Act. Il s'occupa alors fort
activement d'intrigues catholiques et fut un des agents les
plus remuants de la duchesse de Portsmouth. Il écrivit en
1681 un pamphlet: The TrueEnglishman speaking plain
english dans lequel il réclamait la déposition du roi et
l'expulsion du duc d'York. Il fut aussitôt emprisonné à
Newgate, puis à la Tour. Jugé par la cour du banc du roi
et condamné à mort, il fut exécuté. On lui avait fait écrire,
en lui promettant sa grâce, une confession dans laquelle il
compromettait plusieurs ennemis de la cour. En 1689; sir
John Hawles, solicitor gênerai de Guillaume III, a publié :
Some Remarks on Fitzharris's trial où il flétrit la con-
damnation de Fitzharris comme odieuse et illégale.
FITZHERBERT (Sir Anthony), jurisconsulte anglais, né
en 1470, mort le 27 mai 1538. Il fut nommé serjeant-
at-law le 18 nov. 1510 et juge de la cour des Plaids
communs en 1522. Le 1er juin 1533, il assista au couron-
nement d'Anne Boleyn et siégea, en 1535, parmi les juges
des chartreux poursuivis pour avoir mal parlé du second
mariage du roi. Il siégea aussi dans le tribunal qui con-
damna Fisher et More. Il fut enterré dans sa paroisse
patrimoniale de Norbury (Derbyshire), qui appartient en-
core à ses descendants et qui appartenait à ses ancêtres
depuis i 125. — Fitzherbert passe pour un profond légiste,
mais c'est surtout un compilateur. Son principal ouvrage,
The Graunde Ahridgement (1514), est un digeste des
anciens « Year Books », disposés par ordre alphabétique. Il
a été très souvent imité, réédité et continué. On attribue
encore à Fitzherbert un traité d'agriculture bien connu,
The Boke ofllusbandrye (Londres, 1523, lre éd., in-8),
manuel pratique à l'usage des cultivateurs, qui a joui d'une
immense popularité et qui a supplanté entièrement l'ou-
vrage analogue de Walter de Henley (xme siècle). — - Fitz-
herbert a laissé, en outre, divers traités ou formulaires de
procédure : The Novelle Natura Brevium (1534) ; The Office
and Auctoritie de Justices de Peace (1583) ; The Office
of Vicontsy Bailiffes, Escheators, Constables, Coroners
(1538), etc., qui tous ont passé par de nombreuses édi-
tions jusqu'au xvme siècle. Ch.-V. L.
FITZHERBERT (Thomas), jésuite anglais, né en 1552,
mort le 7 août 1640. Fils aîné de William Fitzherbert, de
Swynnerton (Staffordshire), et petit-fils de sir Anthony
Fitzherbert (V. ci-dessus), il fut élevé à Oxford et s'affirma
de bonne heure comme un zélé catholique. Il se réfugia
en France en 1582, puis en Espagne, où il entra au service
du duc de Feria, qui lui fit attribuer ime pension par le
roi. Il organisa, en 1598, un complot avec le P. Richard
Walpole, pour empoisonner Elisabeth. Veuf, il fut ordonné
prêtre à Rome le 24 mars 1602, et, durant douze ans,
demeura à Rome comme agent du clergé anglais. En 1613,
il entra dans l'ordre des jésuites, et, de 1616 à 1618,
dirigea la maison des jésuites anglais de Bruxelles. De
1618 à 1639, il exerça les fonctions de recteur du collège
anglais, à Rome. Il a laissé quelques pamphlets théolo-
giques et des écrits de circonstance. Ch.-V. L.
FITZHERBERT (Alleyne), baron de Sainte-Hélène, né
en 1753, mort à Londres le 19 févr. 1839. Elève d'Eton,
il acheva ses études à Cambridge où il obtint de grands
succès scolaires. Ministre à Bruxelles en 1777, il fut en-
voyé en 1782 comme plénipotentiaire à Paris pour négocier
la paix entre la France, l'Espagne et les Etats généraux des
Provinces-Unies d'Amérique. Ayant mené avec succès cette
négociation, il fut nommé en 1783 envoyé extraordinaire près
Catherine de Russie qu'il accompagna en Crimée en 1787.
Revenu en Angleterre, il occupa le poste de premier secré-
taire du vice-roi d'Irlande, marquis de Buckingham, et
entra au conseil privé . En 1789, il fut envoyé extraordi-
naire à La Haye, et, en 1791, ambassadeur extraordinaire
à Madrid. En 1793, il conclut un traité d'alliance entre la
Grande-Bretagne et l'Espagne, fut promu, le 25 mars 1794,
ambassadeur à La Haye. Il reçut, en 1801, la mission de
féliciter l'empereur Alexandre de Russie de son avènement
au trône, assista à son couronnement à Moscou et conclut
un traité entre l'Angleterre et la Russie, une convention
avec le Danemark, une autre avec la Suède en 1802. Fa-
vori de George III, il fut créé gentilhomme de la chambre
en 1804. Il avait été récompensé de ses services diploma-
tiques par le titre de baron de Sainte-Héiène (1791).
537
FITZHERBERT - FITZ-JAMES
FITZHERBERT (Maria-Anne), néele 26 juil.4756, morte
à Brightonle 29 mars 1837. Fille de Walter Smythe,esq.,
de Brambridge (Hampshire), elle épousa, en 4775, un gen-
tilhomme du Dorsetshire, qui la laissa veuve dans l'année.
Elle se remaria en 1 778 avec Thomas Fitzherbert of Swynner-
ton (Staffordshire) qui mourut en 4784. Mrs. Fitzherbert,
qui possédait un revenu de 50,000 fr. environ, s'établit à
Richmond. C'est là qu'elle vit pour la première fois le
prince de Galles, fils de George III, né en 4762. Il tomba
amoureux d'elle. Elle l'épousa le 23 déc. 4785 dans son
propre salon, devant un clergyman anglican et en pré-
sence de son frère et de son oncle. Mais ce mariage ne
pouvait être validé : en effet, tout mariage contracté avant
vingt-cinq ans par un membre de la famille royale sans le
consentement du roi était déclaré nul par YAct de 4772 ;
et par l'Act of Seulement, l'héritier du trône qui épou-
serait une catholique perdrait ses droits. Mrs. Fitzherbert
et le prince de Galles jouèrent-ils donc, le 24 déc. 4783,
une comédie qu'ils savaient eux-mêmes illusoire ? On l'a
dit. Quoi qu'il en soit, les deux amoureux vécurent tran-
quilles jusqu'à l'arrivée de la princesse Caroline de Bruns-
wick (V. ce nom). Après le mariage du prince avec Caro-
line de Brunswick (8 avr. 4795), Mrs. Fitzherbert cessa
quelque temps de vivre avec lui ; mais son confesseur (elle
était catholique) lui conseilla de reprendre la vie commune;
elle la reprit, et elle donna même un grand dîner pour célé-
brer cet événement. Elle ne se sépara de lui qu'en 4803
(alors qu'il fut bien avéré que le futur George IV était passé
à des objets nouveaux), à la suite d'un dîner à Carlton ïïouse,
où elle avait été placée à un rang qu'elle ne jugea pas conve-
nable. Elle se retira avec une rente annuelle de 450,000 fr.
Elle survécut sept ans à George IV. Il est remarquable que,
malgré sa situation équivoque, elle n'ait jamais cessé de
voir la meilleure société et d'en recevoir des respects. Les
membres de la famille royale eux-mêmes la traitèrent tou-
jours avec une parfaite courtoisie. — M. Ch. Langdale a
publié en 4856, à Londres, une Life ofMrs. Fitzherbert
apologétique, en réponse aux insinuations injurieuses lancées
en 4 854, par lord Holland, dans ses Memoirs ofthe Whig
Party. Ch.-V. L.
FITZ-JAMES. Corn, du dép. de l'Oise, arr. etcant. de
Clermont, sur la Brèche; 4,272 hab. Ce lieu, connu autre-
fois sous le nom de Warty, était une seigneurie ancienne
et considérable. Pierre de Warty, gouverneur et bailli du
comté de Clermont, fut en grand crédit auprès de Fran-
çois Ier qui le nomma grand maître des eaux et forêts de
France. Son fils aîné fut aussi gouverneur de Clermont ;
il avait épousé Madeleine de La Suze à laquelle le poète Jacques
Grévin dédia sa description du Beauvoisis. Leur fils, Phi-
lippe, fut gentilhomme de la chambre du roi. Tous ces
Warty furent des calvinistes ardents qui prirent une part
active aux guerres de religion. La terre fut acquise en
4704 par Jacques Fitz-James, duc de Berwick. Elle avait
alors le titre de comté et fut érigée en duché-pairie sous le
nom de Fitz-James en#mai 4740. Les ducs de Fitz-James
jouèrent un rôle considérable au xvine siècle. Le château
actuel, qui a remplacé l'ancien manoir seigneurial qui se
trouvait dans la vallée, est une grande et belle construction
du premier quart de ce siècle. Il y avait à Fitz-James un
prieuré. L'église est en grande partie romane, de la pé-
riode de transition. Elle possède quelques vitraux du
xvie siècle. Maison d'aliénés; blanchisserie ; scierie méca-
nique, etc. C. St-A.
FITZ-JAMES (Jacques) (V. Berwick [Duc de]).
FITZ-JAMES (François, duc de), prélat, théologien, né
à Saint-Germain-en-Laye le 9 janv. 4709, mort à Sois-
sons le 49 juil. 4764. Troisième fils du maréchal duc
de Berwick et de Fitz-James, il succéda à ce dernier
titre après la mort de son frère aîné, décédé sans en-
fants le 43 oct. 4724 ; il fut aussi gouverneur du Limou-
sin. Mais il embrassa l'état ecclésiastique en 4727 et
renonça à ses dignités, sauf au titre de duc. Ordonné
prêtre en 4733, il passa la même année son doctorat en
théologie et fut nommé grand vicaire à Lyon. Il eut en
4728 l'abbaye de Saint-Victor de Paris et en 4738 celle
de Bocherville. En 1736, il se démit du duché patrimonial
tout en conservant les honneurs de la pairie. Il fut enfin
nommé évêque de Soissons en 4739 et premier aumônier
du roi en 4742. C'est en cette dernière qualité qu'il dé-
cida, en 4744, Louis XV, malade à Metz, à renvoyer Mme de
Châteauroux, ce qui lui valut peu après d'être exilé dans
son diocèse où il mourut. Il laissa la réputation d'un
homme de bien et d'un excellent évêque. On a de lui :
Instruct. pastorale contre le livre du P. Berruyer ,
Rituel à T usage de Soissons (3 vol. in-42). On a publié
ses Œuvres posthumes en 4769 en 3 vol. in-42. En tête
du premier volume se trouve sa biographie. C. St-A.
FITZ-JAMES (Charles, duc de), pair et maréchal de
France, cinquième fils du maréchal de Berwick, né le 4 nov.
4742, mort à Paris le 22 mars 4787. Mousquetaire en 4730,
capitaine au régiment de cavalerie deMontrevel le 31 mars
4732, il fut nommé le 16 mars 4733 colonel-propriétaire
d'un régiment de cavalerie irlandaise formé sous son nom.
La même année il conduisit ce régiment au siège de Kehl, et
en 4734 au siège de Philipsbourg où son père fut tué sous
ses yeux. En 4735, il continua à prendre part aux opéra-
tions de l'armée du Rhin. Le roi le nomma brigadier le
4 er janv. 4740. Pendantla guerre de la succession d'Autriche
il servit en Allemagne sous Maillebois (1744-42), puis en
Alsace sous Noailles (4743) et devint maréchal de camp le
2 mai \ 7 A4. L'année suivante il passa en Flandre, où il
coopéra aux sièges de Tournai, Audenarde et Dendermonde.
En 4746, il assista à ceux de Mons, Saint-Guilain, Char-
leroi et Namur ainsi qu'à la bataille de Raucoux. En 4747,
il fit la campagne qui se termina par la victoire de Lawfeld
et en 4748 celle qui amena la chute de Maastricht et la
paix. Le 40 mai de la même année il reçut le brevet de
lieutenant général. La guerre de Sept ans le rappela à l'ar-
mée. On l'employa d'abord en Allemagne sous Richelieu,
Contades et Soubise pendant quatre années consécutives
(4757-60): il combattit à Hastembeck, Crefeld, Lutzel-
berg et Minden. Puis, en 4764, il fut chargé du comman-
dement du Languedoc qu'il conserva jusqu'au traité de
Paris. Là se termina sa carrière active. Sans avoir jamais
eu l'occasion de montrer des talents supérieurs, il s'était
acquis la réputation d'un officier vigoureux, très zélé et
fort entendu dans la partie des manœuvres. Louis XVI le
fit maréchal de France le 24 mars 4775. — Charles de
Fitz-James n'avait porté tout d'abord que le titre de comte.
Mais, en 4736, son frère aîné Henri, qui avait obtenu de
Philippe V un établissement considérable en Espagne,
renonça au duché-pairie de Fitz-James dont il était titu-
laire en France. Ce duché échut alors à Charles. Le nouveau
duc fut reçu pair de France en Parlement le 7 mars 4755.
Créé chevalier des ordres du roi le Ier janv. 1756, il ob-
tint quelques mois après le gouvernement du Béarn, de la
Navarre et de la Guyenne. Il était déjà pourvu depuis 4729
de celui du Limousin que son frère Henri lui avait cédé ;
en 4771, il y ajouta celui de la Bretagne. Il laissa deux
fils, Jacques-Charles et Edouard-Henri, qui devinrent
l'un et l'autre officiers généraux.
FITZ-JAMES (Edouard, comte de), général français,
sixième fils du maréchal de Berwick, né le 47 sept. 4745,
mort à Cologne le 5 mai 4758. Il fut nommé d'emblée, à
quatorze ans, colonel-propriétaire du régiment d'infanterie
irlandaise que son père avait créé en 4698 sous le nom de
Berwick (22 déc. 4729). Il fit ses premières armes pen-
dant la guerre de la succession de Pologne : en 4733, il assis-
tait avec son régiment au siège de Kehl et en 4734 à celui de
Philipsbourg. Promu brigadier d'infanterie le 4erjanv. 4740
en même temps que son frère Charles, il fut employé presque
sans interruption pendant toute la guerre de la succession
d'Autriche. Il servit en Flandre en 4742, sur le Main et en
Alsace sous Noailles en 4743, en Flandre pour la seconde
fois en 4744. Au cours de cette dernière année, après avoir
pris part au siège de Menin, il reçut le grade de maréchal
FITZ-JAMES — FITZROY
de camp (7 juin), commanda en cette qualité aux sièges
d'Ypres et de Furnes, fit campagne sous les ordres de
Maurice de Saxe, puis fut envoyé à Lille. Rappelé à
l'armée en avril 4745, il concourut aux sièges de Tournai,
d'Ostende et de Nieuport ; après la prise de cette dernière
ville il en fut nommé gouverneur. Etant tombé ensuite aux
mains des Anglais, il demeura prisonnier jusqu'en avril
4747, époque où il reprit du service à l'armée de Flandre.
Quelques semaines plus tard, il conduisait la principale
attaque à la bataille de Lawfeld et décidait du gain de la
journée. On l'envoya pendant l'hiver commander à Den-
dermonde. Puis au printemps de 1748 on le chargea de
diriger l'une des colonnes qui investirent Maastricht. Créé
lieutenant général le 10 mai, il retourna à Dendermonde
où il resta jusqu'en janv. 1749 après la paix d'Aix-la-
Chapelle. Dès le début de la guerre de Sept ans, on lui
confia une division de l'armée d'Allemagne : il fit la cam-
pagne de Hanovre en 1757, revint passer l'hiver en France,
rejoignit l'armée en avril 1758, mais étant tombé malade
à Cologne il y mourut.
FITZ-JAMES (Edouard, duc de), homme politique
français, né à Versailles le 10 janv. 1776, mort au château
de Quévillon, près de Rouen, le 15 nov. 1838, Fils du
duc Jacques-Charles et petit-fils du duc Charles ci-dessus, il
suivit sa famille dans l'émigration en 1789, servit plusieurs
années dans l'armée de Condé, rentra en France sous le
Consulat, ne remplit aucun emploi sous ce régime, ni
sous l'Empire, signala son zèle légitimiste, le 30 mars
1814, en exhortant ses camarades de la garde nationale
de Paris à ne pas combattre les alliés, et, le lendemain, en
prenant part dans les rues à la manifestation royaliste qui
détermina l'empereur de Russie à se prononcer pour
Louis XVIII, obtint en récompense les titres d'aide de
camp et premier gentilhomme de la chambre de Monsieur,
fut élevé à la pairie (4 juin) et, au retour de Napoléon,
suivit à Gand la famille royale (mars 1815). Après la
seconde Restauration, il fut au nombre des plus violents
parmi les ultra-royalistes, aggrava par une dénonciation
la situation de son beau-frère le général Bertrand, qui
était sous le coup de poursuites capitales (sept.), contribua
de toutes ses forces à la condamnation du maréchal Ney
et soutint de son éloquence âpre et mordante les lois d'ex-
ception sous la Terreur blanche (1815-1816), ce qui ne
l'empêcha pas de les attaquer avec violence un peu plus
tard, tant que le gouvernement resta aux mains des modé-
rés (1817-1821). Il fut, de 1821 à la fin de 1827, un
des plus fermes appuis du ministère Villèle. Après la révo-
lution de 1830, il fut un moment emprisonné comme
complice de la duchesse de Berry (1832), donna sa démis-
sion de la pairie, fut envoyé à la Chambre des députés
par les électeurs de Toulouse en 1834 et jusqu'à sa mort
tint une place considérable dans l'opposition légitimiste.
FI TZ MAURICE (Thomas), lordKerry et baron Lixnaw,
né en 1502, mort le 16 déc. 1590. Héritier des vastes pos-
sessions des Clanmaurice, il manifesta à diverses reprises
des velléités d'indépendance qui inquiétèrent le gouverne-
ment. Ses fils furent emprisonnés pour avoir adhéré ouver-
tement à la rébellion du comte de Desmond (1581). Fina-
lement, il se révolta lui-même (1582). Le comte d'Ormonde
obtint sa grâce. Il siégea au Parlement de 1556 et à ceux
de 1585-86. — - Son fils, Patrick, né vers 1551, mort
en août 1600, fut envoyé enfant en Angleterre pour ser-
vir de garant du loyalisme de son père. Revenu en Irlande
en 1571, il participa à la rébellion du comte de Desmond.
Enfermé au château de Limerick, il réussit à s'évader et
passa en Espagne. Repris en 1587, il fut emprisonné à
Dublin jusqu'en 1592. Il adhéra à la grande rébellion d'Ir-
lande de i 598 et mourut du chagrin que lui causa la perte
de son château de Lixnaw. — Thomas, fils du précédent,
né en 1574, mort à Drogheda le 3 juin 1630, prit part
comme son père à la rébellion de 1598. Il échappa à toutes
les tentatives du gouvernement anglais pour s'emparer de
sa personne et finit par se soumettre en 1603. Son fils avait
été confié comme otage au comte de Thomond qui le con-
vertit au protestantisme. Le père refusa de consentir à son
mariage et fut de ce fait emprisonné par ordre de la cou-
ronne. Relâché après avoir donné son consentement, Fitz-
maurice fut de nouveau emprisonné sous l'inculpation de
trahison. Mais il obtint sa liberté en fournissant caution sur
ses biens. R. S.
FI TZ MAURICE (Lord Edmund-George) , homme politique
anglais, né à Londres en 1846, fils du quatrième marquis de
Lansdowne et d'Emilie de Flahaut. Il fit ses études à Eton,
les acheva à l'université de Cambridge et entra en déc. 1868
à la Chambre des communes, où il représenta Calne jus-
qu'en 1885. Secrétaire particulier de R. Lowe, ministre de
l'intérieur (1872-73), il fut nommé en 1881 membre de
la commission de réorganisation des provinces de la Turquie
d'Europe. Il continua à cultiver la diplomatie, devint, en
1883, second plénipotentiaire à la conférence de Londres
pour la navigation du Danube. En déc. 1882, il avait suc-
cédé aux affaires étrangères à Charles Dilke. L'état de sa
santé le contraignit, en 1885, à renoncer à la vie publique.
On lui doit une Life of Lord Shelburne , et il collabore
activement à la presse politique de Londres. R. S.
FITZPATRICK (William-Jones), littérateur anglais, né à
Dublin le 31 août 1830. Magistrat et grand juror des comtés
de Longford et Dublin, professeur d'histoire à la Royal
Hibernian Academy, haut sheriff du comté de Longford.
On a de lui : The Life, Urnes and correspondence of
bishop Doyle (2 vol.) ; The Life, Urnes and contempora-
ries of lord Cloncurry ; The Friends Foes and adven-
tures oflady Morgan; Lady Morgan, her career, lite-
rary and personal; Anecdotal Memoirs of archbishop
Whately (2 vol.) ; Lord Edward Fitzgerald and his
betrayers ; The Sham Squire and the informers of
i798 ; Ireland before the union; Irish wits and Wor-
thies ; Charles Lever, etc. La plupart de ces études his-
toriques et littéraires ont eu de très grands succès et de
nombreuses éditions, surtout son chef-d'œuvre : The Cor-
respondence of Daniel O'Connell, with notices of his
life and Urnes (iSSS.) R. S.
FITZROY. Fleuve d'Australie, colonie de l'Australie
occidentale. Il descend des monts duRoi-Leopoldetsejette
dans le Kings Sound. Il a été découvert par Stokes(1838),
exploré surtout par Forrest (4 879) qui le remonta à peu
près jusqu'à sa source ; il aurait 560 kil. de long ; large
de 3 kil. à son embouchure, il l'est encore de 300* m. dans
son cours supérieur. La marée y remonte très haut ; les bords
sont fertiles. Ce serait une excellente voie de pénétration.
FITZROY. Fleuve d'Australie, colonie de Queensland.
Formé par la réunion du Mackenzie venu du N. et du Daw-
son venu du S., il coule vers l'E., se jette par plusieurs
bras dans la baie de Keppelà 72 kil. en aval deRockhampton.
FITZROY. Faubourg de Melbourne (V. ce mot).
FITZROY (Henri), duc de Richmond, fils naturel
de Henri VIII et d'Elisabeth Blount, dame de la suite de la
reine Catherine d'Aragon, né en 1549, mort le 22 juil.
1836. A six ans (7 juin 1525), il fut fait chevalier de la
Jarretière et, peu de jours après son installation, il fut
créé comte de Nottingham, duc de Richmond, avec préséance
sur tous les autres ducs du royaume. En même temps, il
fut nommé lieutenant général du roi au N. de la Trent et
gouverneur du château de Garlisle. En juillet, il reçut la
patente de lord « high admirai » d'Angleterre, Galles,
Irlande, Normandie et Gascogne, et la commission de gar-
dien des marches d'Ecosse, avec des domaines d'un revenu
annuel de 4,000 liv. st. Il devint en outre lord-lieutenant
d'Irlande en juin 1529 ; on crut même que Henri VIII
voulait lui constituer un royaume en Irlande. Son éducation
fut confiée à l'helléniste Richard Croke et au célèbre John
Palsgrave. Le 25 nov. 1533, il épousa Mary, fille de Thomas
Howard, troisième duc de Norfolk. Il assista en mai 1536
à l'exécution d'Anne Boleyn. Il mourut peu après, peut-être
empoisonné par lord Rochford, frère de la reine décapitée.
FITZROY, ducs de Southampton et Cleveland. Le fon-
— 539 —
FITZROY — FITZSTEPHEN
dateur de cette famille fut Charles, premier duc, fils na-
turel du roi d'Angleterre, Charles II, et de Barbara Villiers,
comtesse de Castlemaine et duchesse de Cleveland, qui naquit
en 1662. Il prit possession de son siège à la Chambre des
lords le 14 janv. 1710, après la mort de sa mère. Il fut
soupçonné, en 1691, d'intriguer en faveur d'une restau-
ration de Jacques II. Il mourut en 1730, sans avoir
joué aucun rôle politique ou militaire. De sa seconde
femme, Anne, fille de sir William Putteney de Misterton
(Leicestershire), il eut trois fils et trois filles. Deux de ses
fils moururent avant lui. Le troisième, William, deuxième
duc de Cleveland, mourut sans postérité en 1774. L'une
des filles du premier duc, Grâce, épousa Henri Vare, baron
Barnard , et leur petit-fils, William Harry Vare, créé duc
de Cleveland en 1833, a été le père des deuxième, troi-
sième et quatrième ducs de cette création. Ch.-V. L.
FITZROY, ducs de Grafton. Cette famille a pour souche
Henry, premier duc de Grafton (1663-1690), deuxième
fils du roi d'Angleterre Charles II et de Barbara Villiers,
comtesse de Castlemaine, puis duchesse de Cleveland. Il
épousa le 1er août 1672, en présence du roi et de la cour,
devant l'archevêque Sheldon, l'héritière, âgée de cinq ans,
des comtes d'Arlington. Le titre de duc de Grafton lui fut
conféré en sept. 1675. C'était un bel homme, hardi, décidé
et brutal. On en fit un marin (capitaine du Grafton, vais-
seau de 70 canons, en 1683). En 1684, il courut quel-
ques dangers au siège de Luxembourg, dans le camp de
Louis XIV, tua deux adversaires en duel (1686) et escorta
le nonce pontifical lors de son entrée à Londres, pour com-
plaire à Jacques IL Toutefois, de retour en Angleterre,
après une croisière heureuse sur les côtes barbaresques
(mars 1688), il ne s'obstina pas dans une fidélité inutile
à son oncle ; il prêta l'un des premiers serment à Guil-
laume III. N'ayant pas obtenu de celui-ci de grand comman-
dement, il alla servir sous Marlborough dans le S. de l'Ir-
lande. Il y fut tué le 9 oct. 1690 d'un coup de mousquet
sous les murs de Cork. — Son fils Charles lui succéda
(25 nov. 1683-6 mai 1757). — Le troisième duc de
Grafton fut Augustus-Henry, petit-fils de Charles, né le
1er oct. 1735, qui entra dans la vie politique comme allié de
lord Temple contre le gouvernement de lord Bute. Il fut
très vite remarqué, et, dès le mois d'août 1763, Pitt songea
à le faire entrer au ministère. En juil. 1765, Grafton fut
secrétaire d'Etat à la trésorerie dans le ministère Rockin-
gham. Il prit la trésorerie elle-même dans le ministère
Pitt de 1766. La maladie de lord Chatham accrut hientôt
sa responsabilité, et le ministère prit le nom de ministère
Grafton à partir de sept. 1767. Cependant, au moment où
son rôle grandissait, Grafton se laissait aller de plus en
plus au penchant héréditaire des Stuarts, à la débauche
élégante. Il avait des relations avec une aventurière, Nancy
Parsons, fille d'un tailleur de Bond Street, dont on a un
portrait par Gainsborough, et qui épousa Charles, vicomte
Maynard, en juin 1776. Junius l'accusait de malversations
et raillait sa passion pour- les courses de chevaux. Grafton,
dont les affaires d'Amérique et les incidents suscités par
Wilkes rendaient la place peu enviable, saisit très volon-
tiers une occasion pour donner sa démission, en janv. 1770.
Il accepta néanmoins l'office de Privy seal pendant le mi-
nistère de lord North (juin 1771), mais refusa un siège
dans le cabinet ; son intention était d'user de l'autorité de
lord Privy seal pour empêcher la querelle entre les colo-
nies américaines et la métropole de s'envenimer ; il semble
avoir toujours eu des penchants à écouter favorablement
les revendications des colons. Quand le temps de la con-
ciliation fut passé, il se retira (nov. 1775), et il demeura
à l'écart jusqu'à la formation du ministère Rockingham de
1782, lequel tomba en avr. 1783. Ce fut son dernier pas-
sage aux affaires. Il mourut le 14 mars 1811. Le troisième
duc avait épousé en premières noces, le 29 janv. 1756,
Anne, fille et héritière de Henry Liddell, baron Ravens-
worth, qui, après douze ans de mariage, s'enfuit avec le
comte d'Upper Ossory. Il en eut deux fils et une fille. De
sa seconde femme, Elisabeth, troisième fille du révérend sir
Richard Wrottesby, doyen de Windsor, il eut douze en-
fants. Dans sa jeunesse et son âge mûr, il avait été un
sportsman passionné, occupé de chiens et de chevaux, très
assidu à Newmarket ; dans sa vieillesse, il édifia par son
assiduité la congrégation de la chapelle unitaire d'Essex
Street, dans le Strand. — George-Henry, quatrième duc
de Grafton, fils du précédent, naquit le 24 janv. 1760 ; il
se lia à Trinity Collège (Cambridge) d'une étroite amitié
avec le jeune Pitt. Il entra dans la vie parlementaire en 1784
comme comte d'Euston, et son premier succès fut d'enle-
ver aux whigs la représentation de l'université de Cambridge,
qu'il garda jusqu'en 1811 , date de son élévation à la pairie.
Il reçut de Pitt de nombreuses sinécures, honorifiques et
lucratives ; cependant ses idées subirent peu à peu une
évolution, et lorsqu'il entra à la Chambre des lords, il était à
peu près converti à la doctrine libérale. Il mourut, entouré
d'une très nombreuse famille, le 28 sept. 1844. — Son
fils Henry lui succéda et épousa une fille de l'amiral sir
George Cranfield Berkeley. ^ Ch.-V. L.
FITZROY, barons Southampton. Le premier baron Sou-
thampton, Charles, était le fils de lord Augustus Fitzroy,
second fils du duc de Grafton (V. Fitzroy, ducs de Graf-
ton). Il naquit le 25 juin 1737. Il servit comme aide de camp
du prince Ferdinand de Brunswick à la bataille de Minden
(1er août 1759) . Colonel d'un régiment de dragons en 1772,
il fut élevé à la pairie sous le nom de baron Southampton
le 17 oct. 1780. Il mourut le 21 mars 1797. Il eut neuf fils
et sept filles. L'aîné, Georges-Ferdinand, lui succéda.
FITZROY (Robert), amiral et météorologiste anglais,
fils de lord Charles Fitzroy et petit-fils du troisième duc de
Grafton (V. ci-dessus), né à Ampton Hall(Suffolk) le 5 juil.
1805, mort à Norwood (Surrey) le 30 avr. 1865. Entré dans
la marine royale. en 1819, il fut promu lieutenant en 1824,
fit de 1828 à 1836, comme commandant du Beagle, de
longues croisières sur les côtes de Patagonie et dans le
détroit de Magellan, siégea quelque temps à la Chambre
des communes (1841-1843), eut de 1843 à 1845 le gou-
vernement de la Nouvelle-Zélande et quitta le service actif
en 1850 ; il parvint cependant aux grades de contre-amiral
(1857) et de vice-amiral (1863). D'intéressants travaux
hydrographiques l'avaient fait élire en 1851 membre de la
Société royale de Londres. Il obtint en 1854 la direction
du service météorologique du Board of trade et signala
ces fonctions par de savantes et très utiles observations.
Un baromètre de son invention a gardé son nom. Il était
correspondant de l'Académie des sciences de Paris depuis
1863. Outre de nombreux articles parus dans le Journal
of the Royal geographical Society et dans le Journal of
the Royal united service Institution, il a écrit : Nar-
rative of the surveying voyages of « Adventure » and
« Beagle » between 1826 and 1836, en collab. avec Ch.
Darwin (Londres, 1839, 3 vol. in-8); Captain Fitzroifs
Statement (Londres, 1841, in-8); Remarks on New
Zealand; Barometer und Weather guide (Londres,
1858); Passage Table and gênerai sailing directions
(Londres, 1859); Weather Book (1863), etc. L. S.
FITZSTEPHEN (William), moine anglais, mort vers
1190. Dictator in cancelleria de Thomas Becket, sous-diacre
de sa chapelle, chargé par lui de la lecture des lettres et
pétitions, il assista au grand concile de Northampton en
1164. Il ne partagea pas la disgrâce de l'archevêque.
Lorsque Becket fut réconcilié avec Henri II, Fitzstephen
reprit son service auprès de lui et fut un témoin oculaire
de son assassinat. Il a écrit une Vita sancti Thomœ, qui
est un document fort précieux. Cette biographie est précé-
dée d'une curieuse description de Londres au xne siècle. La
biographie de Thomas Becket a été imprimée d'abord dans
les Historiœ anglicanœ scriptores (1723). On en adonné
depuis de nombreuses éditions dont les meilleures sont celles
de Giles (1845) et de Robertson (1877). La description
de Londres figure dans Survey ofLondon de Stow et dans
l'édition de l'Itinéraire de Leland par Hearne.
FITZTHOMAS — FITZWILLIAM
540 —
FITZTHOMAS (John), premier comte de Kildare, mort
le 12 sept. 1316, appartenait à la grande famille anglo-
irlandaise des Fitzgerald. Il apparaît dès 1285 comme l'un
des chefs d'une expédition dirigée contre les rebelles d'Of-
faly et de Leix par le « justicier » d'Irlande. En 1294, il
eut une querelle violente avec le justicier Guillaume de
Vescy, qui l'aurait provoqué en duel devant la cour de
Westminster. En même temps, la rivalité des Fitzgerald
et des de Burgh faisait rage ; John Fitzthomas captura
Richard de Burgh, comte d'Ulster, en nov. 1294 , et la
paix ne fut rétablie entre ces deux personnages qu'en oct.
1298. Il servit Edouard Ier contre les Ecossais en 1296,
en 1301, en 1303. Mais le pays d'Offaly et de Kildare
n'était pas tranquille à cette époque. Les bandes irlandaises
prirent le château de Kildare en 1294, et brûlèrent la
ville de Ley, forteresse de Fitzthomas, en 1307. Les Ecos-
sais d'Edouard Bruce ravagèrent les terres de Fitzthomas
au commencement de l'an 1316 et furent victorieux à
Arscoll (26 janv.). C'est à cette époque (16 mai) que
Edouard II conféra au seigneur de Ley la dignité de comte
de Kildare. — La mémoire de John Fitzthomas, l'un des
barons les plus belliqueux de son temps, est resté long-
temps populaire en Irlande ; on le célébrait encore en 1 601 .
Il passa pour le fondateur du monastère augustin d'Adare.
FITZTHOMAS (Maurice), premier comte deDesmond, de
la famille de Fitzgerald, comme le précédent, épousa, le
5 août 1312, Catherine, fille de Richard de Burgh, comte
d'Ulster, mariage qui réconcilia les deux familles ennemies,
des de Burgh et des Fitzgerald. Il n'en guerroya pas moins
contre tous ses voisins, même contre les gens d'Ulster.
Comte de Desmond en 1329, il servit sous Edouard III,
en 1335, contre l'Ecosse, mais refusa d'assister au Parle-
ment d'oct. 1341, et se fit le chef de la résistance armée
de la noblesse anglo-normande, fixée depuis des siècles en
Irlande, contre les prétentions, appuyées par le roi, des
Anglais nés en Angleterre. Le « justicier » Ralph d'Ufford
lui fit une très rude guerre (1345-1346) qui le réduisit à
s'enfuir en Angleterre et à s'en remettre à la clémence
royale. Il ne reçut son pardon qu'en 1349. Peu après, sa
fidélité nouvelle fut, du reste, récompensée par de très
hautes fonctions: il fut vice-roi d'Irlande du 8 juil. 1355
au 25 janv. 1356. Il fut enterré chez les dominicains de
Tralee.
FITZWARIN (Foulques). Nom de plusieurs personnages
qui vécurent, au xne et au xnr9 siècle, dans le comté de
Shropshire (Angleterre), et dont la légende a attribué les
actions à un seul individu, le héros du roman de Foul-
ques Fitzwarin. Foulques Ier était chef de la famille dès
1156 et mourut en 1171. Il eut quatre fils, dont l'aîné,
Foulques II, mourut en 1197. — Foulques III, à l'occasion
d'un jugement rendu contre lui par la cour du roi Jean au
sujet de la possession du château de Whittington, se ré-
volta et fut mis hors la loi (outlawecl) jusqu'en nov. 1203.
Son nom se trouve parmi ceux des barons mécontents qui
se réunirent à Stamford en 1215. Le roi l'appelle mani-
festus inimicus noster dans un acte de 1217. Il mourut
vers 1257, aveugle durant les sept dernières années de sa
vie, s'il faut en croire la légende. — Son fils Foulques IV fat
noyé à la bataille de Lewes en 1264. Il y eut en tout onze
Foulques Fitzwarin, dout le dernier mourut en bas âge, en
1420. — Le roman néglige Foulques Ier et confond, sous
le nom de Fouke le Brun, ses deux successeurs immédiats.
C'est un outlaw, un aventurier du type de Robin Hood,
ennemi du roi, ami des pauvres, exilé et ballotté d'aven-
tures en aventures, des Orcades à la Barbarie. Le roman de
Fitzwarin a été plusieurs fois imprimé, par sir Thomas
Duffus Hardy, par M. Francisque Michel (Paris, 1840),
par M. Thomas Wright (Warton Club, 1855), par L. Mo-
land et C. d'Héricault (Nouvelles françoises en prose du
xive siècle; Paris, 1858, in-12), par J. Stevenson, en appen-
dice à son édition de Ralph de Coggeshall (Rolls séries,
1875). — Cf. Histoire littéraire de la France, 1877,
XXVII, pp. 164-186.
FITZWILLIAM (Sir William) , homme politique anglais,
né à Milton (comté de Northampton) en 1526, mort en
1599. Parent du comte de Bedford, il fut poussé par lui
à la cour. Edouard VI le fit entrer au Banc du roi et le
nomma gentilhomme de la chambre. En 1555, il reçut le
grand sceau d'Irlande, fut nommé, en 1559, trésorier des
guerres et fit à plusieurs reprises l'intérim du comte de Sus-
sex. Lord justice en 1567, il entreprit en 1568 une expédi-
tion malheureuse dans le Nord et tomba en disgrâce. Il revint
en faveur et fut nommé en 1571 lord député d'Irlande. Il
n'était pas riche, et la couronne lui marchanda les subsides :
son gouvernement ne fut donc pas aussi heureux qu'on eût
pu l'espérer, car il était bon administrateur. Il eut d'âpres
difficultés avec sir Edward Fitton, gouverneur du Connaught:
le comte de Desmond, profitant de leur mésintelligence,
s'échappa de Dublin et agita le Munster. Fitzwilliam, en
1574, après une rapide campagne, le força à se soumettre
à Cork. Il tomba ensuite grièvement nialade et fut relevé
de son poste par sir Sidney (1575). Il demeura dans la vie
privée pendant douze ans et fut de nouveau mis à la tête
du gouvernement d'Irlande en 1588. C'était l'époque où la
grande Armada avait si fort inquiété l'Angleterre. Des
bandes d'Espagnols échappés au désastre couraient le pays.
Ils pouvaient devenir dangereux. Fitzwilliam donna des
ordres sévères aux gouverneurs de province, et lui-même tint
campagne dans le Connaught et extermina les ennemis sans
avoir perdu un seul homme. Il eut ensuite des démêlés avec
les Mac-Mahon, fit arrêter et mettre en jugement l'un d'eux,
Hugh. Energique, bien que d'une santé fort précaire, il
tenta de mettre à la raison le gouverneur du Connaught,
sir Richard Bingham, dont l'administration de fer avait
soulevé à plusieurs reprises les habitants. En 1592, il apaisa
encore quelques troubles et réussit à faire signer un traité
entre Tyrone et Turlough Lunieaeh. Enfin il eut à répri-
mer en 1593 la rébellion de Maguire. De plus en plus ma-
lade, il demanda son rappel et fut remplacé le 11 juil.
1594, par sir W. Russell. Fitzwilliam fut un des meilleurs
vice-rois d'Irlande au temps d'Elisabeth ; mais il était peu
apprécié des contemporains qui se sont plu à caricaturer
ses infirmités et à le représenter sous les traits d'un avare
sordide et d'un monstre de cruauté. R. S.
FITZWILLIAM (Richard, vicomte), né en août 1745,
mort à Londres le 4 févr. 1816. Membre de la Royal So-
ciety, il est connu pour le legs qu'il fit à l'université de
Cambridge, où il avait étudié, de ses précieuses collections
de livres, de manuscrits, de peintures, de dessins et de
gravures, et d'un fonds de 100,000 £ pour la création
du Fitzvilliam Muséum. Il est l'auteur des Lettres d'At-
ticus, écrites en français, et relatives à l'influence du pro-
testantisme et du catholicisme sur la société. Publiées par
unités à diverses dates, elles ont été réunies et imprimées
à Londres en 1811 , à Paris en 1825. La traduction anglaise
parut à Londres en 1826. R. S.
FITZWILLIAM (William Wentworth, comte), homme
d'Etat anglais, né le 30 mai 1748, mort le 8 févr. 1833.
Elève d'Eton où il se lia avec Fox et Carliste, il termina ses
études à Cambridge et vint prendre séance à la Chambre
des lords en 1769. Membre du parti whig, il fut nommé
vice-roi d'Irlande par Pitt en 1794. Presque aussitôt, il
s'éleva entre lui et le gouvernement un très grave malen-
tendu. Fitzwilliam avait cru pouvoir favoriser les revendi-
cations des catholiques : il fut désavoué par Pitt, démis-
sionna et fut remplacé le 25 mars 1795 par lord Camden.
Il eut même un duel à ce sujet avec Beresford. Cependant
il ne tarda pas à faire sa paix avec le gouvernement et il
était de nouveau nommé lord-lieutenant en 1798. Il se ran-
gea dans l'opposition lors de l'avènement du cabinet Adding-
ton(1801) et fut nommé président du conseil dans le cabinet
Granville(1806).Il faillit devenir premier ministre en 1814 .
A la Chambre des lords, il ne cessa de protester en faveur
des catholiques. R. S.
FITZWILLIAM (Charles- William Wentworth, comte),
fils du précédent, né à Londres le 4 mai 1786, mort à
541 —
FITZWILLIAM — FIUMICINO
Wentworth House (Yorkshire) le 4 oct. 4857. Après avoir
terminé ses études à Cambridge, il représenta au Parlement
le comté d'York de 1807 à 1831. Il fut ensuite député du
comté de Northampton (1831-1833) jusqu'à son entrée à
la Chambre des lords où il succéda à son père. Il avait com-
mencé par s'opposer à la réforme parlementaire dont il
devint ensuite un des plus ardents promoteurs ; il réclama
aussi énergiquement le rappel des lois-céréales et il y avait
d'autant plus de mérite que toute sa fortune consistait en
biens fonds. En 4853, il devint député lieutenant du Nor-
thamptonshire. On a de lui : First, second, and third
Addr esses to the Landowners of England on the corn
laws (4839) et Letter to a Northamptonshire rector
(4847), relative aux affaires d'Irlande. Il a publié la Cor-
respondance d'E. Burke (4826-44, 20 vol.). R. S.
FITZWILLIAM (Edward-Francis) , compositeur anglais,
né à Deal (Kent) le 2 août 4824, mort à Londres le 49 janv.
4857. Elève de sir H. Bishop et de John Barnett, il com-
posa à vingt et un ans un Stabat Mater exécuté à Londres
le 45 mars 4845 avec un grand succès. Devenu en 4847
directeur musical du Lyceum, il passa en même qualité au
Haymarket en 4853 où il demeura jusqu'à sa mort. Citons
de lui une cantate, 0 Incompréhensible Creator (4854) ;
The Queen of a day (opéra-comique) ; A Summer night's
Love (opérette), tous deux représentés au Haymarket; l'ou-
verture des Green Bushes; la musique des ballets El
Gambusip et Los Cautivos de Perea Nena; Love's Alarm
(opéra), beaucoup de chants, de ballades, de romances, de
cavatines, de sérénades, de polkas, de menuets, de marches.
Il avait épousé en 4853 Ellen Chaplin, une actrice d'Adel-
phi. Après la mort de son mari, Mme Fitzwilliam demeura
une des meilleures cantatrices d'Haymarket. Elle passa, en
4877 en Australie où elle obtint des succès considérables.
Elle mourut en 4880. — Son père, Edward, né près de
Londres le 8 août 4788, mort à Londres le 30 mars 4852,
avait joué avec succès sur les scènes du West London
Théâtre, de FOlympic, du Cirque royal, du Surrey et de
Drury Lane. — Sa mère, Fanny-Elizabeth Copeland,
née en 4804, morte en 4854, fut également une actrice
d'un certain talent. R. S.
FlUMALTO. Rivière de la Corse (V. Corse, t. XII,
p. 4085).
FI U NI AN A (Francesco-Alberti), peirître de l'école bolo-
naise, qui vivait vers 4740. On conserve de ses œuvres
dans les églises San Giovanni in Monte et Santa Petrona,
à Bologne.
FI U M E (en allemand, Sanct Veit am Flaum; en croate,
Rieka). Ville de Hongrie, sur l'Adriatique, à l'embouchure
de la Fiumara, dans le golfe de Quarnero ; 30,000 hab. de
nationalités croate, italienne, allemande et hongroise. Elle
possède un port de commerce, des chantiers pour la cons-
truction des navires, une fabrique de torpilles et de tabac,
des moulins et de nombreuses usines, une académie de
marine, une école nautique, un gymnase supérieur. Le
mouvement de son port est considérable; il a été en 4889
de plus de 4 ,600,000 tonnes. Fiume exporte surtout des bois
de Slavonie ; elle se divise en vieille et nouvelle ville. Ses
principaux monuments sont l'église de l'Assomption et celle
de Saint-Vit, le casino et le palais du gouverneur. La
ville de Fiume est située dans le comitat (en croate,
joupa) du même nom ; mais, tandis que le comitat appar-
tient à la Croatie, la ville de Fiume, en vertu d'une con-
vention conclue en 4870, appartient à l'Etat hongrois ;
elle forme, avec son territoire, une enclave de 20 kil. q.
qui est administrée par un gouverneur dépendant du minis-
tère hongrois. Le comitat occupe 4,601 kil. q. avec une
population de 80,000 hab. Les villes principales sont les
ports de Bakar (Buccari) et Zenngg (Senj).
Au moyen âge, Fiume appartint à la Croatie, au patriar-
cat d'Aquilée et à l'empire d'Allemagne. Au xvme siècle,
elle devint un port important et fut érigée en ville libre
par Charles VI. Vivement disputée par les Croates et les
Hongrois qui tous deux invoquent certains droits histo-
riques, elle a été définitivement adjugée à la Hongrie après
avoir fait partie de la Croatie de 4840 à 4867. Elle envoie
un député au Parlement hongrois.
Bibl. : Backi, Fiume et la Croatie (en croate); Agram,
1867. — Litrow, Fiume und seine Umqebunqen; Fiume,
1884. y '
FIUMICINO. Port situé à l'embouchure du Tibre (Italie),
sur la branche septentrionale qui porte le même nom, à
25 kil. S.-O. en ligne droite et à 44 kil. par eau de Rome.
Le Tibre, comme tous les autres fleuves de la Méditerranée,
présente un delta où s'accumulent les alluvions et dont la
barre est infranchissable pour les gros navires. Dès lors,
Rome, au lieu de se servir de son fleuve pour les commu-
nications avec la mer, a recours à des ports plus éloignés.
C'étaient jadis Antium (aujourd'hui Anzio) au S. des marais
Pontins; c'est aujourd'hui Civita Vecchia au N. qui lui sert
de port. Sans doute, Ostie eut quelque importance sous la
République. Mais les courants maritimes emportaient vers
le S.,c.-à-d. sur la principale branche du delta du Tibre,
la majeure partie des alluvions. Si bien que les progrès du
delta sont actuellement de 3 m. par an à la bouche de
l'ancienne Ostie? tandis qu'ils n'atteignent que 4 m. à la
bouche septentrionale de Fiumicino. « Pour reconquérir un
débouché sur la mer, les empereurs romains firent creuser
au N. du bras d'Ostie un canal que les eaux du Tibre ont
peu à peu transformé par leurs érosions et leurs efforts en
un petit fleuve sinueux : c'est le Fiumicino. Claude fit
excaver de vastes bassins au bord d'une crique assez pro-
fonde située au N. du canal, et là s'éleva bientôt une nou-
velle Ostie. Trajan ouvrit un peu plus au S.-E. un autre
port qui fut pendant plusieurs siècles la véritable embou-
chure commerciale du Tibre ; mais, depuis environ mille ans,
ce port s'est comblé ; les alluvions gagnent incessamment
sur la mer et prolongent le triangle des terres qu'elles ont
formé au-devant de la courbe naturelle du rivage tracée
entre Civita Vecchia et Porto d'Anzio ; actuellement, les
anciens bassins sont laissés à près de 2 kil. dans les cam-
pagnes. » (Elisée Reclus.) Le château, construit par Clé-
ment XIV en 4773, au débouché du canal de Fiumicino
dans la mer, est actuellement à 326 m. de la côte.
Les Italiens, qui ont l'ambition de doter Rome d'un
grand port de commerce, accessible aux gros navires, ont
voulu reprendre ces travaux des Romains. Les travaux
actuels d'établissement du port de Fiumicino ont commencé
en 4825. Garibaldi, dans les dernières années de sa vie,
a fait une campagne active en vue de constituer l'entrepôt
de Rome à Fiumicino. Un projet, intimement lié aux lois
relatives au dessèchement de la Campagne romaine
(V. ce mot), a été adopté : 4° pour établir un canal
d'assainissement détaché du Tibre et destiné à porter
jusque dans la mer les eaux stagnantes de la campagne ;
2° pour creuser un lit plus large défendu par de solides
écluses contre les alluvions du Tibre et qui doit aboutir à
un port profond et en pleine mer. Deux grosses difficultés
rendent très problématique la réussite de ce projet : 4° c'est
seulement à 4,200 m. du rivage, en pleine mer, que la
sonde marque la profondeur de 40 m. indispensable pour
l'accès des plus gros navires ; 2° les crues du Tibre et les
inondations fréquentes dont il est la cause peuvent entraî-
ner de grands dégâts en raison de la violence des eaux et
de l'abondance du limon et des détritus déposés. Mais les
ingénieurs espèrent aussi que la rapidité du courant déga-
gera le chenal des vases et des sables apportés. Pour le
moment, Fiumicino est un village artificiel, construit sur
un plan officiel. Le commerce, très peu important, consiste
en denrées alimentaires, poissons, vins, huiles, destinées à
l'usage de Rome. Les petites embarcations qui, actuelle-
ment, doivent transporter à Rome leur cargaison, sont
forcées de s'alléger à Fiumicino et de faire en deux fois
le transport. En 4873, le mouvement d'entrée et de sortie
de Fiumicino a été de 4,473 embarcations jaugeant 63,000
tonnes ; en 4894, de 2,066 embarcations jaugeant 85,041
tonnes. Fiumicino avait, en 4884, 604 hab. de population
FIUMICINO - FIZEAU
- 542
totale, 363 agglomérée. Fiumicino est classé comme port
de deuxième catégorie (2e classe). H. Vast.
Bibl,. : Ern. Desjardins, Essai sur la topographie du
Latium ; Paris, 1854, in-4.
F1UN10RB0. Rivière de la Corse (V. Corse, t. XII,
p. 1085).
FIVES (V. Lille).
FIX-Saint-Geneys ou le-Haut. Com. du dép. de la
Haute-Loire, arr. du Puy, cant. d'Allègre; 489 hab.
F1X (Théodore), économiste français, né à Soleure
(Suisse) en 1800, mort à Paris le 31 juil. 1846. D'une
famille de protestants français réfugiés, il fit ses études en
France, fut arpenteur à Berne (1818), employé du ca-
dastre à Blois (1819), à Clermont-Fer.rand, à Versailles,
vint en 1829 à Paris, où il vécut quelques temps du pro-
duit de traductions allemandes, puis entra à la rédaction
du Bulletin universel des sciences (1830) et fonda en
1833 la Revue mensuelle d'économie politique (Paris,
1 833-1 836? 5 vol. in-8), qu'il dirigea durant ses trois
années d'existence et qui eut pour principal collaborateur
S. de Sismondi. Il écrivit ensuite des articles très lus au
Siècle, à la Quotidienne, au Journal des Economistes,
à la Revue nouvelle, au Constitutionnel. Un an avant
sa mort, il publia ses Observations sur Vètat des classes
ouvrières (Paris, 1846, in-8), ouvrage vivement attaqué
dans lequel il combattait le principe du droit au travail et
imputait la misère à l'imprévoyance et à l'ivrognerie.
F IX (Théobald), philologue suisse, frère du précédent,
né à Soleure en 1802, mort à Paris le 21 sept. 1874.
Il étudia à Berne, puis à Leipzig avec Godefroy Hermann
et vint s'établir à Paris. Après avoir collaboré à la nouvelle
édition du Thésaurus linguœ grœcœ, d'Henri Estienne,
il publia avec M. Sinner, en treize volumes, les œuvres de
saint Jean Chrysostome, fit paraître de nombreuses éditions
grecques fort estimées (Euripide, Pindare, etc.). M. Fix
a été professeur de philologie grecque à l'Ecole normale,
professeur d'allemand au collège Henri IV et, depuis 1855,
bibliothécaire du conseil d'Etat. Sa dernière œuvre est un
Dictionnaire français-allemand et allemand-français
(Paris, 1875). E. K.
FIXAGE (Tiss.) (V. Dégorgeage).
FIXATIF (Beaux- Arts). Liquide composé généralement
d'alcool et d'une solution de gomme laque blanche ou de
colle de poisson, au moyen duquel on rend indélébiles
les dessins au fusain, au crayon ou au pastel. Le lait
et la bière peuvent aussi servir de fixatif. Autrefois
ces liquides étaient étalés à l'aide d'un pinceau sur le
revers d'un dessin, et, pénétrant le papier, agglu-
tinaient les poussières noires dont le dessin à fixer était
composé. Aujourd'hui l'emploi du vaporisateur (V. ce
mot) permet la fixation directe, sur l'œuvre même, au
moins avec les fixatifs à base d'alcool. Tout récemment, il
a été composé un fixatif spécial pour le pastel ; mais ce
produit nouveau, dont la composition est restée secrète,
n'est pas exempt des inconvénients de ses devanciers. Il se
combine mal avec certaines tonalités claires et fraîches du
pastel ; il assombrit les unes et fausse les autres, comme
l'ont démontré les expériences faites par divers artistes.
FIXATION des métaux (Alch.). Ce terme est employé
comme synonyme de transmutation ; il signifie, à propre-
ment parler : 1° l'acte qui consiste à ôter au mercure sa
mobilité, soit en l'associant à d'autres métaux ou bien au
soufre, soit en l'éteignant à Faide de divers mélanges ;
2° l'opération par laquelle on ôte au mercure et plus gé-
néralement aux métaux très fusibles, tels que le plomb et
l'étain, leur fusibilité, de façon à les rapprocher de l'état
de l'argent ; 3° l'opération par laquelle on ôte au mercure
sa volatilité ; 4° les métaux étant ainsi fixés et réputés
purifiés de leur élément liquide, on leur communiquait une
teinture solide, fixe, qui les amenait à l'état d'argent ou
d'or. Arrivés au dernier état, ils étaient définitivement
fixés, c.-à-d. rendus incapables d'une altération ultérieure.
FIXÉ (Peint.). Tableau peint à l'huile, en très petites
dimensions et avec la plus grande finesse, sur un taffetas
très fin, et collé sous une feuille de verre qui le préserve
à la façon du vernis. Ce genre de décoration fut très employé
au moyen âge, pour l'ornementation des meubles, des
objets servant au culte, des pavages même. On l'employait
aussi par parties, pour décorer les vêtements des statues.
Bien démodé aujourd'hui, il ne se retrouve plus que sur
des tabatières ou des boîtes à ouvrage.
FIXIN.Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant. de Gevrey, au pied de la Côte d'Or ; 455 hab. Vins.
La terre de Fixin fut donnée par l'empereur Louis le
Pieux au chapitre de Langres, en 836. Les carrières, ou-
vertes dans l'oolithe, avaient déjà, au xvme siècle, une
grande réputation. Dans une propriété particulière, statue
en bronze, représentant Y Apothéose de Napoléon Ier, érigée
par Noisot, grenadier de l'île d'Elbe, œuvre de Rude. Le
modèle en plâtre a été déposé au musée du Louvre en
1892. M. P.
Bibl. : Courtépée, Description générale et particulière
du duché de Bourgogne ; éd. 1847, t. II, p. 191.
FIXITÉ (Astron.). Propriété attribuée par les anciens
aux étoiles de n'avoir aucun déplacement sensible. Nous
savons aujourd'hui que ces astres ont de fort petites varia-
tions dans leurs positions, et sont tous doués de mou-
vements propres (V. ce mot).
FIXLMILLNER (Placidus), astronome autrichien, né à
Achleuthen, près de Kremsmùnster (cercle de Traun), le
28 mai 1721, mort à Kremsmùnster le 27 août 1791.
Bénédictin très instruit, il avait quarante ans lorsqu'il
commença à s'occuper d'astronomie. L'abbaye de Krems-
mùnster, où il était professeur de droit canonique, mit son
observatoire à son entière disposition; il en détermina
avec précision la longitude et la latitude (1765) et y pour-
suivit d'intéressantes observations publiées dans deux ou-
vrages très estimés : Decennium astronomicum (Steyer,
1776, in-4) etActaastronomicacremifanensia (Steyer,
1791, in-4). Il a calculé, le second, l'orbite d'Uranus. Ses
travaux ont encore porté sur la parallaxe du Soleil, l'occul-
tation de Saturne de 1775, le passage de Mercure de 1782,
l'aberration des planètes, la nutation, etc. L. S.
FIZEAU (Hippolyte-Louis), physicien français, né à Paris
le 23 sept. 1819, fils d'un médecin distingué, professeur
à la Faculté de médecine de Paris. D'une position indé-
pendante et doué d'un goût vif pour les sciences, M. Fizeau
s'adonna à des recherches de physique, d'optique princi-
palement, qui le placent parmi les plus éminents physiciens
modernes. Il obtint le grand prix décerné par l'Institut en
1 856 et entra à l'Académie des sciences en 1860. Ce savant a
publié dans divers recueils, principalement dans les Annales
de chimie et de physique et dans les Comptes rendus de
l'Académie des sciences, un grand nombre de mémoires et
de notes dont nous ne pouvons donner ici qu'un résumé. On
doit d'abord à M. Fizeau un grand nombre de mémoires et de
notes publiés dans les Comptes rendus (dut. X au t. XXIII)
et relatives à la daguerréotypie. Dans l'une de ces notes, il
indique un procédé permettant de fixer les images obtenues.
De nombreuses recherches sur les interférences, faites seul
ou en collaboration avec Foucault (V. ce nom), conduisirent
à des perfectionnements importants des appareils qui les
produisaient et à des applications heureuses : sur le phé-
nomène des interférences entre deux rayons de lumière
dans le cas de grandes différences de marche (Comptes
rendus, XXI, 1155); sur les interférences des rayons
calorifiques (Comptes rendus, XXV, 447 et 485). On lui
doit aussi le réfractomètre différentiel (Comptes rendus,
XXXIIÏ, 349). Comme applications des interférences, on
peut citer les délicates expériences que fit M. Fizeau sur
la dilatation des cristaux ; le procédé qu'il a employé dans
cette belle étude a été souvent employé depuis, modifié dans
ses détails, chaque fois que l'on avait à mesurer avec pré-
cision de petites longueurs : « Un rayon de lumière, a dit
M. Fizeau, avec ses séries d'ondulations d'une ténuité
extrême, mais parfaitement régulières, peut être considéré
comme un micromètre naturel de la plus grande perfection,
particulièrement propre à déterminer les longueurs extrê-
mement petites. » La vitesse de la lumière a été aussi
l'objet de nombreuses recherches de ce savant (Comptes
rendus, XXIX, 90, 132 ; XXX, 582, 771 ; XXXIII, 349 ;
LIV, 1237, et Ann. de chim. et de phys. (3), LVII, LXVI).
L'appareil qu'il a fait construire pour déterminer la vitesse
de la lumière est moins précis que celui de Foucault ;
néanmoins, il a donné entre les mains de M. Cornu un
nombre peu différent de celui de Foucault. Les résultats
obtenus par M. Fizeau dans l'étude de la polarisation de
la lumière se trouvent consignés dans les Comptes rendus
(XXII, 442; XLIX, 717; LU, 267, 1221) et dans les
Ann. de chim. et de phys. (LVIII, LXIII). Signalons en-
core les recherches sur la vitesse de l'électricité (Comptes
rendus, XXX, 437 ; XXXII, 47). On doit aussi à ce sa-
vant l'introduction dans les bobines d'induction, telles que
celles de Ruhmkorff, d'un condensateur de très grande
surface, quoique peu volumineux, qui augmente dans des
proportions considérables la longueur des étincelles que
l'on peut obtenir avec cette sorte d'appareil. M. Fizeau a
en outre présenté un grand nombre de rapports à l'Aca-
démie des sciences sur les divers mémoires soumis aux
nombreuses commissions dont il a fait partie. A. Joannis.
F I Z E L I È R E (Albert Patin de La) , littérateur français , né
à Marly (Moselle) en 1809, mort à Paris le 11 févr. 1878.
La Fizelière débuta en 1842 par des articles de littérature
et d'art, fonda en 1848 un périodique hebdomadaire qui
n'eut qu'une durée éphémère : Notre Histoire, et collabora
successivement à \ Artiste, au Journal de Paris, à la
Presse, au Courrier de Paris et au Siècle. Comme, écri-
vain politique, on lui doit en collaboration avec M. ftirau-
deau une Biographie des représentants à l'Assemblée
constituante (1848) et une Biographie des représen-
tants à l'Assemblée législative (1849) ; puis des Con-
seils aux électeurs, etc. Comme littérateur, il est l'auteur
d'un roman, la Mare Thibaut (1853); de deux pièces de
théâtre, Une Famille de la rue Moujfetard, en collabo-
ration avec M. de La Jonchères, et les Inondés de la Loire,
en collaboration avec M. Servais, enfin des livres d'art et
d'érudition : Des Vins a la mode et des Cabarets au
xviie siècle (\8%6) ; Essais de biographie contemporaine;
Charles Baudelaire, en collaboration avec M. Decaux ; Vin-
cent Donon (1872-1873), la Vie et VOEuvre de Chin-
treuil (1 874) , en collaboration avec Champfleury et Henriot*
— Sa femme, née Sara Bouclier, a traduit des romans
anglais pour le Journal pour tous et la Bibliothèque des
meilleurs romans étrangers. Ch. Le Goffic.
FJELLNER (Anders), pasteur et démomathe lapon de
Suède, né dans la paroisse de Hede (Herjedal) le 18 sept.
1795, mors le 28 févr. 1876. Il fut le premier Lapon qui
eût étudié et reçu les ordres (1828). Il continua néanmoins
de mener la vie nomade pendant ses vacances et comme
instituteur ambulant (1821), jusqu'à sa nomination au
pastorat de Sorsele (1842). Grâce à son instruction, il put
faire de précieuses collections de mots, de chants, de contes
lapons, qu'il n'a pas publiées, mais dont G. von Dûben et
0. Donner ont tiré bon parti. B~s.
FJ ELLSTEDT (Peter), missionnaire et linguiste suédois,
né à Sillerud (Vsermland) le 17 sept. 1802, mort à Upsala
le 4 janv. 1881. Après avoir reçu les ordres à Karlstadt
(1828), étudié les langues orientales à l'Institut des mis-
sions à Londres (1829), enseigné à celui de Bâle, puis pen-
dant quatre ans à celui de Tinevelli dans l'Inde où il prêcha
en tamoul, il fut missionnaire en Asie Mineure jusqu'en
1840, puis dans diverses contrées de l'Europe (1842-45).
Il refusa deux pastorats pour se consacrer exclusivement
à son œuvre, comme prédicateur et directeur de l'Institut
des missions àLund (1846). Il fonda lui-même à Stockholm
(1856) l'école Fjellstedt, transférée à Upsala (1859), d'où
beaucoup de missionnaires ont été envoyés en Laponie,
dans l'Inde, en Afrique et en Amérique. Il comprenait
vingt-six langues et en parlait douze. Il publia en suédois
— 543 — FIZEAU — FJORD
le Journal des missions de Lund (à partir de 1846) ;
VAmi de la Bible (depuis 1848) et divers ouvrages de
théologie et de piété. Il en traduisit plusieurs en turc
(Leipzig, 4842; Malte). Un Choix de ses écrits, avec
autobiographie, a été édité après sa mort (Stockholm,
1883-84, 3 vol. in-8). B-s.
FJELLSTRŒM (Per), laponiste suédois, né au presby-
tère de Silbojok le 2 mars 1697, mort à Lycksele le
30 juin 1764. Après avoir étudié à Upsala (1715), il fut
vingt ans maître d'école à Lycksele (à partir de 1718),
puis pasteur de cette paroisse (1739). Familiarisé dès son
enfance avec le lapon, il traduisit dans cette langue V Ex-
plication du petit catéchisme de Luther par Svebilius
(Stockholm, 1738; 2e édit., 1755); les Psaumes, les
Evangiles, les Epîtres et un Manuel ecclésiastique
(ibid., 1744; 2e édit., 1786); le Nouveau Testament
(ibid., 1755); et il publia : Dictionarium Sueco-Lap-
ponicum et Grammatica Lapponica (ibid., 1738, in-8),
ainsi qu'un mémoire Sur la Chasse à Vours chez les
Lapons (1755). B-s.
FJORD (GéoL). Sous ce nom viennent se ranger de pro-
fondes échancrures du littoral qui permettent à la mer de
pénétrer fort loin dans l'intérieur des continents sous la forme
de golfes étroits et profonds, diversement ramifiés. Jamais
isolées, ces articulations toujours nombreuses, très rappro-
chées, sensiblement parallèles, offrent cette particularité
de donner aux côtes une bordure de longues péninsules,
tortueuses, et par suite un développement exagéré. Tels
sont les fjords célèbres de la Norvège qui, pénétrant souvent
jusqu'au cœur de la grande chaîne Scandinave, s'étendent
depuis le promontoire de Lindes-Nses jusqu'au cap Nord sans
interruption, en donnant à la côte 0. de la Scandinavie un
développement total de 20,000 kil. au lieu de 1,900 kil. à
peine, si ces profondes entailles n'existaient pas. Mieux
que toute description les figures suivantes qui représentent
les principaux types de ces remarquables fjords norvégiens
donneront une idée de la forme, si particulière, qu'affectent
ces singulières découpures du littoral. Tantôt, comme le
sinistre Lysefjord, cité par Victor Hugo dans les Tra-
vailleurs de la Mer, elles prennent la forme d'un
énorme fossé, se poursuivant dans l'intérieur jusqu'à des
distances de 40 à 50 kil . , avec une étonnante régularité
et une profondeur telle que, dans le fond de cette sombre
avenue, les rayons du soleil y pénètrent à peine; tantôt,
au contraire, comme dans les fjords branchus de la Nor-
vège méridionale (fig. Ij, leur allure sinueuse et leurs rami-
fications sont telles qu elles deviennent un labyrinthe pour
ainsi dire inextricable. Toutes, avec une grande profondeur,
se signalent par leur étroite largeur et la raideur de
hautes falaises qui les encaissent. Celles du Lysefjord qui
s'avance à 43 kil. dans les terres, sans guère dépasser
600 m. en largeur, s'élèvent tout d'un jet à plus de
1,000 m., tandis qu'à leur pied la sonde accuse une pro-
fondeur de 400 m. Il en est comme le sinueux Sognefjord
dont les bords, toujours escarpés et sensiblement parallèles,
sont à peine distants de 100 m., et où la sonde, dès l'en-
trée, ne rencontre le fond qu'à partir de 1,000 m. De plus,
quand on détermine à l'aide de sondages la topographie
des points situés au-dessous du niveau de la mer, on voit
que le fond du fjord, loin d'être plat, n'est autre qu'un
thalweg bien accentué, dont les versants noyés, sou-
vent très inclinés, sont si bien situés dans le prolongement
immédiat de ceu# des hautes falaises qui l'encaissent qu'on
ne peut observer la moindre modification dans la pente.
Dès lors, on ne peut échapper à cette conclusion qu'un fjord
n'est autre qu'une ancienne vallée, profondément encaissée,
aujourd'hui envahie par la mer. D'ailleurs, les mêmes son-
dages, effectués cette fois à l'extérieur, attestent qu'au
débouché de- chaque fjord ces vallées sous-marines se pro-
longent en mer en se trouvant délimitées par ces chaînes
d'îles, si caractéristiques des côtes découpées par de
pareilles échancrures, chaînes d'îles qui ne sont autres
que les cimes émergées d'une ligne de hauteurs située dans
Fig. 1. —Le Sogne fjord en Norvège, par 61° de lat. N.
FJORD — 544 —
le prolongement immédiat des falaises qui bordent ces
go lies ramifiés.
D'autres fois, cette vallée, au lieu d'avoir une pente
continue vers la mer, présente souvent ses points les plus
profonds à l'intérieur, loin de l'embouchure. Dans quelques
fjords très encaissés, comme celui! précédemment cité de
Sogne, ce relève-
ment du fond vers
l'embouchure est
à ce point accusé
qu'une couche
d'eau douce,
épaisse d'up mè-
tre, alimentée par
la fonte des nei-
ges et les eaux
de ruissellement,
peut s'y maintenir
à la surface de
l'eau salée avec
une pureté et une
persistance telles
que, sur les bords,
des plantes d'eau
douce à croissance
rapide se substi-
tuent aux algues
marines et que les
barques norvé-
giennes viennent
y renouveler leur
provision d'eau. Enfin il 'en est, comme le Drammsfjord,
qui se montrent subdivisés en bassins distincts, par des
barrières rocheuses, sortes de péninsules intérieures, ne
laissant libre qu'un étroit défilé dans lequel le fjord se
transforme momentanément en un fleuve animé d'un cou-
rant rapide alternatif, pouvant atteindre 1 5 kil. à l'heure
pendant le reflux et de 7 à 9 kil. lors :du flux. Dans
ce cas, le bassin
d'amont, quand de
grands fleuves vien-
nent s'y déverser, tend
à se transformer en
un lac d'eau douce.
(A. Blytt, Om Végé-
tations . forholdene
ved Sognefjorderi).
Tels sont les fjords
norvégiens; il est bien
clair qu'une pareille
disposition est incon-
ciliable avec ce qu'on
sait de l'action érosive
exercée sur les côtes
par les eaux marines, et
qu'on ne peut de même
à aucun titre attribuer
leur creusement aux
rivières insignifiantes
qui les traversent actuellement, rivières dont le travail mé-
canique est nul, comme on sait, aussitôt qu'elles atteignent
leur niveau de base, c.-à-d. celui de l'Océan. Leur forme si
particulière, notamment la raideur de leurs parois, réclame,
pour être suffisamment expliquée, l'intervention d'agents tout
différents; mais, pour s'enrendre compte avec une rigueur suf-
fisante, il nous faut maintenant examiner leur distribution.
Loin d'être limités à la Norvège ainsi qu'aux îles voisines
du littoral, les fjords abondent en Ecosse où sous le nom de
firth on désigne une longue suite de golfes toujours étroits
et profondément encaissés, qui, depuis celui de la Clyde
jusqu'au cap Weath, découpent à l'infini la côte occidentale
en la décuplant en longueur comme celle norvégienne si
déchiquetée. En regard des péninsules ramifiées innombrables
Fig. 2. — Firth et loch Etive, type de fjord écossais.
qui les délimitent, on remarque également des chaînes d'îles
très découpées, et de même au fond des firths les bassins
d'eau douce ou peu salée, loin de manquer, se multiplient au
point qu'on les désigne spécialement sous le nom de loch.
Tel est par exemple le loch Etive, qui, dans le S.-E. de
l'Ecosse, à l'extrémité d'un firth de 30 kil., devient la der-
nière ramification
de ce golfe al-
longé, barrée par
un seuil situé à
2 m, au-dessous
de l'eau et très
profonde(139m.)
comme d'habitude
(fig. 2). Plus à
l'O., cette longue
chaîne à demi sub-
mergée de roches
anciennes, les Hé-
brides, séparées de
la côte d'Ecosse
par des détroits re-'
doutés, et surtout
dans le N., les
Orcades puis lés
Shetland ne sont
pas moins riches
en profondes en-
tailles de ce genre.
Les Feroë, les cô-
tes 0. d'Islande,
du Labrador, du Groenland, de l'archipel François-Joseph,
du Spitzberg et de toutes les îles voisines du pôle, telles sont
les régions où, sur leur pourtour, des fjords en tous points
comparables à ceux de la Scandinavie se chiffrent par cen-
taines (fig. 3). On les chercherait ensuite en vain dans toutes
les terres situées sous des latitudes plus basses. Si, en effet,
dans certains points du littoral plus méridional de l'Irlande,
du pays de Galles, de
la Bretagne et surtout
de la Galice, à l'extré-
mité des Pyrénées Can-
tabriques,on rencontre
des rivages encore pro-
fondément découpés
par de profonds sil-
lons, prenant l'aspect
de golfes étroits et si-
nueux, comme les rias
bien connus de la côte
espagnole, ce ne sont
là pour ainsi dire que
des tentatives de fjords,
c.-à-d. des échan-
crures au profil plus
adouci, bien moins pro-
fondes et qui n'ont rien
de comparable à celles
si vigoureusement ac-
centuées des régions septentrionales dont nous venons de fixer
les caractères. En Amérique il en est de même. Pour trouver
des formations comparables, c.-à-d. des rivages franche-
ment découpés par de profondes entailles comme ceux de
la Norvège ou de l'Ecosse, il faut atteindre, d'une part, à
l'extrémité N. du double continent américain, la longue
presqu'île d'Alaska et le labyrinthe des îles de Vancouver ;
de l'autre, à l'extrémité opposée, en pleine Patagonie, la
Terre de Feu et le singulier réseau des détroits de l'ar-
chipel de Magellan. C'est dans cette direction seule, c.-à-d.
au voisinage des terres polaires du Sud, qu'on peut retrouver,
au fond de l'hémisphère austral, ce phénomène étonnant de
tortueuses et profondes vallées remplies par l'eau de mer ;
le détroit de Magellan n'est lui-même qu'un fjord à double
— 545 —
FJORD
entrée et c'est dans cet archipel que les échancrures de ce
genre sont le plus accentuées (Ratzel, Mittheilungen von
Petermann, 1880, n° 10); de plus, dans ces deux points
Fig. 3.— Fjords de la côte occidentale du Groenland (depuis
la baie de Disko au N. jusqu'à celle des Ours au S.).
extrêmes de l'Amérique, comme dans les régions froides
de l'Europe et les contrées polaires de l'hémisphère N., le*
phénomène des fjords n'a son plein effet que sur les rivages
tournés vers l'O.; il en résulte un contraste saisissant
avec ceux orientaux dont le profil est plus adouci.
De tous ces faits il ressort clairement que le phénomène
des fjords, localisé dans les régions de hautes latitudes,
atteint son maximum de développement dans les régions
où l'action glaciaire a le plus persisté. 0n les remarque, en
effet, devenant de plus en plus nombreux et plus accen-
tués à mesure qu'on s'avance vers les contrées polaires ;
c'est dans cette direction qu'il faut venir chercher des
fjords, permettant à la mer (comme ceux de la Norvège
tout à fait septentrionale) de pénétrer dans l'intérieur du
continent, jusqu'à 200 kil. du rivage. Cela seul suffit pour
établir entre ces deux ordres de phénomènes des relations
de cause à effet et par suite de voir que l'agent qui seul a
pu façonner de pareils sillons et en dresser les parois, après
leur creusement par les eaux courantes, c'est la glace.
Il est bien certain, en effet, que, lors de ces grandes
invasions glaciaires qui faisaient disparaître les grandes
plaines du Nord de l'Europe sous un épais manteau de
glace, les glaciers ont rempli tous les fjords, et que c'est
à ce long séjour des glaces, ainsi qu'à la date récente de
leur disparition, qu'ils doivent, avec leur profondeur et la
raideur de leurs versants, d'avoir conservé la fraîcheur de
leur profil. Dans ce cas, la glace a joué surtout un rôle pro-
tecteur, car sans cet obstacle, si la mer avait pu directement
les attaquer, elle aurait eu pour effet de niveler la côte et de
les faire disparaître. La liaison des fjords avec les glaciers
peut être d'ailleurs appuyée encore par des preuves plus
directes; en Norvège, par exemple, on trouve, au débouché de
chacun d'eux dans la mer, un barrage immergé bien connu des
marins Scandinaves sousle nom de « pont de mer » [havbraën)
et qui n'est autre qu'une ancienne moraine terminale sous-
marine, abandonnée par le glacier au moment de sa retraite.
Dès lors, l'histoire de ces profondes échancrures et leur
tranformation en fjords comprend les diverses phases sui-
vantes : creusement à l'air libre par des eaux courantes,
antérieurement à l'époque glaciaire, d'une série de vallées
parallèles aboutissant à la mer; occupation ensuite de tous
ces espaces par les glaciers qui, déblayant ces vallées des
matériaux qu'ils rencontraient, ont eu pour effet de les ap-
profondir et d'accentuer la raideur de leur profil en travers ;
disparition des glaces assez tardive pour que les agents
atmosphériques n'aient pas eu le temps d'effacer les caractères
que les glaciers avaient imprimés aux versants.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Il nous reste maintenant à expliquer comment la mer a pu
envahir progressivement tous ces espaces après la retraite
des glaciers. Pour cela il faut d'abord nous souvenir que les
vallées des fjords ont été creusées, avant l'époque glaciaire,
à une époque où, vers la fin des temps tertiaires, régnait sur
les régions septentrionales de notre hémisphère un climat
plus chaud qu'aujourd'hui, puis nous reporter au moment de
la grande extension des glaciers. Quand ces régions disparais-
saient sous un manteau de glace, il est bien clair que les
vallées en question ne pouvaient manquer d'être comblées
par cette nappe glacée. Or, les lois de la physique nous
enseignant que toute terre soumise à l'action prolongée du
froid sous une calotte de glace, suffisamment épaisse pour
maintenir le sol en profondeur à la température de 0,
doit subir une contraction, ce phénomène, s'appliquant à
un territoire, qui se trouvait autrefois dans une atmos-
phère de 10 à 12° de température, s'est traduit par un
affaissement général de plusieurs centaines de mètres et qui
a eu nécessairement pour effet d'abaisser sensiblement les
vallées des fjords au-dessous de leur niveau primitif. Les
glaces qui les encombraient deviennent alors le seul obstacle
qui se soit opposé à leur envahissement par les eaux
marines, en même temps un élément très profitable pour les
protéger contre l'action des vagues et des courants. Mais
il en a été tout autrement quand les glaciers se sont retirés ;
ce départ des glaces, en mettant à jour de vastes surfaces
a nécessairement motivé un réchauffement notable du ter-
rain ; le rayonnement a repris ses droits et une température
de 4 à 10° a succédé, dans ces contrées, à ce froid de zéro
que la glace avait si longtemps maintenu dans le sol. Dès
lors, un tel changement thermique a sûrement déterminé
un mouvement de dilatation, par suite un relèvement du
terrain bien marqué. Mais les conditions climatériques étant
moins favorables qu'avant l'époque glac iaire, ce relèvement
a été insuffisant pour que ces vallées puissent revenir à leur
niveau primitif; c'est de la sorte que ces anciennes vallées,
dans cette phase d'émersion qui a donné naissance aux
fjords, ont dû rester en partie immergées sous la mer. On
voit par suite que, en dernière analyse, des mouvements du
sol bien caractérisés ont contribué à la formation des fjords ;
mais, quoi qu'on en ait dit, dans aucun cas ces oscillations
lentes ne peuvent être attribuées à une cause profonde, au
moindre effort latéral de compression ; seuls des phéno-
mènes thermiques et par suite d'ordre tout à fait super-
ficie! doivent être invoqués pour les expliquer.
Les preuves de cette émersion qui, depuis la retraite des
grands glaciers, s'est adressée à toutes les contrées voisines
des pôles et persiste encore dans l'hémisphère Nord, sont
du reste manifestes. En Norvège, notamment, elles se tra-
duisent d'une façon très expressive par la présence sur les
flancs des fjords d'une série de terrasses caillouteuses éta-
gées, se poursuivant parfois sur des milliers de mètres de
longueur et dont l'allure franchement rectiligne interrompt
singulièrement le profil harmonieux du versant de ces grandes
avenues. Ces longues traînées horizontales d'amas de pierres,
mélangées de boue, disposées par échelons successifs, qui
deviennent de plus en plus nombreuses et plus élevées
à mesure qu'on remonte le fjord, ne sont autres, avec
leur allure morainique sou vent bien nette, en effet, que les
traces laissées par la glace sur les flancs de ces canaux
dans son mouvement progressif de retraite. Elles marquent
les étapes successives de ce recul et par suite celui du mou-
vement consécutif d'émersion qui n'a pu s'accomplir que
par saccades.
C'est le peu de temps qui s'est écoulé depuis cette émer-
sion qui a permis aux fjords de conserver leur profit intact ;
les agents habituels d'érosion dont le travail est toujours
très lent n'ayant pu encore parvenir à effacer le caractère que
les glaciers ont imprimé à leur versant. Quant à leur plein
développement sur les côtes qui font face à l'O. il faut en
chercher l'explication dans la fréquence habituelle des pluies
sur ces versants occidentaux ; sur ces côtes, en effet, direc-
tement soumises à l'action des vents pluvieux qui hâlaient
35
FJORD
546
tous de l'O. comme à présent, cette condition a retardé la
fonte des glaces et maintenu les échancmres dans leur état
primitif, alors que les vallées du versant opposé étaient de-
puis longtemps débarrassées du manteau protecteur qui les
recouvrait ; si bien que, dans cette direction, la régulari-
sation du littoral par la mer et les rivières ayant commencé
de bonne heure, le profil des rives est plus adouci.
Comblement des fjords. Dans ce travail de régularisa-
tion des côtes échancrées et de comblement des fjords, deux
causes interviennent avec efficacité en combinant leurs effets :
l'action propre des vagues qui a pour effet, en nivelant tous
les accidents du rivage, de substituer des contours recti-
îignes aux anciennes échancrures des côtes, et d'établir, en
avant de l'entrée des fjords, sur tous les points où le barrage
morainique submergé devient une plate-forme profitable pour
recevoir les dépôts
marins, un cordon
littoral, c.-à-d. un
appareil qui devient
alors un point d'ap-
pui sérieux pour les
alluvions amenées
dans l'intérieur par
les eaux courantes.
Dès lors, le canal
demeuré en arrière
de ces levées de sa-
bles ou de galets
est destiné, tôt ou
tard, à faire partie
de la terre ferme, et
le comblement des
fjords suit la marche
régulière du phéno-
mène bien connu qui
détermine, par col-
matage progressif,
la transformation
des lagunes du lit-
toral maritime et
des estuaires en
terres cultivées,
quand ces espaces,
par suite de l'éta-
blissement des cor-
dons littoraux, sont
retranchés du do-
maine maritime.
Cette conquête opé-
rée en faveur de la
terre ferme par l'ac-
tion combinée de la
mer et des eaux
courantes, déjà bien
avancée dans cer-
tains fjords de la Scandinavie comme ceux de Christiansand
en Norvège, réduits au quart de leur dimension primitive,
est presque achevée, sur les côtes d'Ecosse, dans tous les
points où le littoral dentelé, bien abrité contre les vents vio-
lents, s'est trouvé envahi par des bancs de sable. A de pa-
reils phénomènes peut être attribué le comblement, sur nos
côtes septentrionales françaises, dans la grande baie des
Yeys (golfe de Carentan, fig. 4), des profondes échancrures
qui le découpaient autrefois en pénétrant fort loin dans
l'intérieur du continent. On peut, en effet, considérer ces
découpures comme d'anciens fjords n'ayant servi que tem-
porairement de lit à des glaciers et sur lesquels les agents
extérieurs ont eu tout le temps nécessaire pour accomplir
leur œuvre en venant tapisser leur fond d'épaisses couches
d'alluvions vaseuses, où des courants peuvent seuls intro-
duire des chenaux de quelque profondeur, tandis que la
raideur des versants qui les encaissaient était progressive-
ment atténuée sous l'action des pluies. Actuellement dans
Contour de la côte
rangée de
erratiques
Fig. 4. — Les anciens fjords de Carentan.
ces anciennes échancrures dont l'emplacement est marqué
par des cultures et des marais, les eaux courantes sont
conduites à la mer par deux chenaux : celui d'isignyà l'E.
qui concentre les eaux de la Vire et de FAure, tandis qu'à
l'O., celui de Carentan réunit celles de la Douve et de la
Taute. La baie des Veys offre ainsi, dans nos régions, un
remarquable exemple des conquêtes opérées sur le domaine
maritime par des atterrissements effectués dans les condi-
tions précédemment indiquées. La tradition la présente, en
effet, comme autrefois barrée par un cordon de dunes ; sa
surface, alors à l'état de moëres, était couverte de lacs tour-
beux situés au-dessous du niveau de la mer, puis le com-
blement par colmatage une fois complètement achevé, ce
sont les grandes tempêtes ^équinoxe qui, rompant ce
cordon littoral, ont communiqué à cette grande baie sa
physionomie ac-
tuelle.
Lochs écossais;
lacs italiens.
D'autre part, étant
donné que les points
les plus profonds
des fjords sont tou-
jours situés en
amont, loindel'em-
b.ouchure où la
sonde rencontre le
fond- assez vite, on
conçoit qu'une per-
sistance marquée du
mouvement d'émer-
sion de la contrée
puisse transformer
partiellement ces
canaux en bassins
lacustres. Parmi
les lochs écossais,
tous ceux nombreux
qui, maintenant
complètement des-
salés, sont remplis
d'eau douce, n'ont
pas d'autre origine.
Sur le versant ita-
lien des Alpes orien-
tales, la liaison des
beaux lacs bien
connus de la Lom-
bardie (lac Majeur,
Lugano, lac de
Corne, lac de Garde,
etc.) avec l'ancienne
extension de gla-
ciers n'est pas moins
évidente. Tous très
allongés, et disposés sur le trajet de lignes de fractures
bien caractérisées, transversales par rapport à la grande
chaîne dans laquelle ils s'enfoncent si profondément, pré-
sentent, a\ec les fjords norvégiens, une analogie d'aspect
aussi complète que possible, ainsi qu'en témoignent avec
une allure sinueuse leurs bords escarpés d'un pittoresque
achevé, leur profondeur toujours grande, leur couronne-
ment continu de hautes cimes couvertes de neiges et de
glaciers ; seule leur parure de palais étincelants et de gra-
cieuses villas, coquettement éparses au milieu d'une végé-
tation presque tropicale, introduit, avec l'aspect des grandes
entailles de la côte Scandinave, des différences tranchées.
Sans doute, leur disposition actuelle ne peut s'expliquer que
par des effondrements le long de cassures déterminant,
lors des grands mouvements qui ont donné naissance aux
Alpes, la descente en masse de portions de vallées, anté-
rieurement creusées à l'air libre par les eaux courantes,
mais les preuves abondent qu'au moment de la grande
un —
FJORD — FLACH
extension des glaciers alpins, les glaces ont occupé complè-
tement ces bassins. Tous ces lacs, en effet, sont retenus par
des barrages qui ne sont autres que les moraines abandon-
nées par ces glaciers pendant leur mouvement de retraite.
On voit, par suite, que dans l'établissement de ces cavités
lacustres, la glace a joué ce rôle protecteur que nous avons
si bien reconnu dans la préservation des fjords septentrio-
naux, et que les mêmes faits qui ont imprimé aux paysages
de la côte Scandinave un caractère de grandeur incompa-
rable ont ajouté un grand charme à ceux des Alpes en
permettant à ces lacs italiens, qui s'offrent à nous comme un
héritage direct des temps glaciaires, de se maintenir avec
toute la fraîcheur de leur forme primitive. Or, comme la
même conclusion peut s'étendre à bien d'autres lacs de la
Suisse, puis s'appliquer à un grand nombre des lacs de mon-
tagnes de l'Ecosse et du N. de l'Angleterre, on voit que ce
phénomène peut, comme celui des fjords avec lequel ses
liaisons sont étroites, se généraliser. Ch. Vélain.
Bibl. : Oscar Peschel, Ausland, 1866. — Helland, On
the Fjords, lahe and Cirques on Norway and Groenland,
Quart. Jour. ofGeolog. Society, 1886, XLIV, p. 161.— Von
Kichtofen, Fûhrer fur Forschungsreisende ; Berlin,, 1886.
Drygaski, Bewegungen der Kontinente zur Eiszeit ; Ber-
lin, 1888; Verhandl. der Ges. fur Erdkunde, 1887 et 1891.
De Lapparent, les Anciens Glaciers, dans le Correspon-
dant, 1892.
FJORD (Niels-Johannes), physicien et chimjste danois ,
né dans l'îlot de Holmsland, près de Ringkjœbing, le 27 avr.
1825, mort à Copenhague le 4 janv. 4891. Il était fils d'un
instituteur ; après l'avoir été lui-même dès l'âge de quatorze
ans, et avoir étudié à l'Institut polytechnique (1856-58),
il devint docent en physique et en chimie à la Haute Ecole
d'agriculture à Copenhague. Ses expériences ingénieuses et
originales sur la cuisson, sur l'emploi des chaudières à va-
peur dans les fromageries, sur la conservation et l'usage de
la glace, sur les barattes centrifuges, sur la valeur du petit-
lait, des tourteaux, pour l'engraissement du bétail, etc., expé-
riences consignées dans une trentaine de mémoires, ont gran-
dement contribué aux progrès de l'industrie laitière et de
l'élevage dans les pays Scandinaves et ailleurs. Aussi le pro-
duit d'une souscription nationale a-t-il permis d'ériger devant
son laboratoire sa statue en bronze par Axel Hansen. Sa
biographie avec portrait a été publiée par V. Storch dans
Tidsskrift for Landœhonomi (4 891) , aussi à part. B-s.
FLABAS. Corn, du dép. delà Meuse, arr. deMontmédy,
cant. de Damvillers; 147 hab.
FLABELLARIA (Paléont. végét.) (V. Palmier).
FLABELLUM (ArchéoL). Neft ou sert en égyptien
(Linas), padSiov (Ducange), rhi-
pide chez les Grecs, rostarolus ,
ventilabrum, cherubinus, mus-
cale, quecfi'ouoz en arménien
(Linas), émouchoir. Eventail à long
manche ouvragé, destiné simple-
ment dans le principe à chasser les
mouches, à tempérer la chaleur en
agitant l'air, d'où le nom italien
buffadors (Ducange). Il remonte à
une très haute antiquité. Parmi les
esclaves et les eunuques existait
la charge des flabellifères, porteurs
du fiabellum : les médecins l'em-
portaient dans leurs visites pour
chasser le mauvais air. Dès les temps
les plus reculés, il est, avec Yum-
brella (ombrelle), un des signes de
la puissance royale. En Egypte, seul
le pharaon y a droit. L'officier por-
teur du fiabellum, aussi bien que
du parasol, était un haut dignitaire,
ainsi que le prouve la série des titres
dans les inscriptions funéraires. Les
bas-reliefs de Persépolis nous mon-
trent le roi suivi de l'umbellifère et du flabellifère, et
les Turcs, d'après d'iïerbelot, l'appellent en ce sens san-
Flabellum des Grecs.
Fiabellum en plumes
de paon.
giak, qui signifie exactement étendard, bannière. Les
pèlerins et les croisés le rapportèrent en Occident, com-
pensant l'inutilité de cet objet mobilier, sous leur climat,
par une signification symbolique et religieuse. Les fia-
bella étaient de soie peinte, de drap d'or, d'ivoire, de
cuir ouvré, de papier, de métal, de plumes de paon dont
les taches ocellées semblaient être les yeux des chérubins, et
plus tard enfin de plumes d'autruche ; au xive siècle, l'em-
ploi dans l'Eglise d'Occident
en a disparu. Aussi, le nombre
des flabella qui nous sont
parvenus est-il assez res-
treint, et on ne peut guère
citer que celui de Tournus,
aujourd'hui au musée de Flo-
rence, ceux de Fulda (Alle-
magne), de Canosa, de Sé-
ville, et les disques crucifères
de Hildesheim et de Copen-
hague, qui ne sont autres
que des flabella inutilisés.
Dans l'Eglise d'Orient, au
contraire, l'usage du fiabel-
lum s'est conservé jusqu'à
nos jours, mais avec cer-
taines modifications liturgi-
ques. Sous le nom de pirctôiov,
il affecte différentes formes,
d'ordinaire celle d'un ché-
rubin hexaptère (à six ailes) ;
quelques-uns sont garnis soit
de petites languettes de mé-
tal, soit de clochettes qui
sonnent quand on agite l'ins-
trument, remplissant ainsi
l'office de la sonnette en usage
dans l'Eglise latine. Bien
qu'ils aient disparu de la liturgie occidentale, les flabella
n'en restent pas moins l'attribut de la puissance spirituelle.
Le souverain pontife, dans les processions solennelles, est
suivi des flabella de plumes de paon, pour montrer qu'il
est le représentant de Dieu sur la terre. Le grand prieur de
Malte, l'archevêque de Messine, l'évêque de Troia, en
Pouille, sont les seuls Occidentaux qui aient droit avec le
pape au fiabellum. F. de Mély.
Bibl. : Ducange, v° Fiabellum, Rostarolus. — Pugin,
A Glossary of Ecclesiastical ornament and costume ;
Londres, 1846, in-4. — Martigny, De l'Usage du fiabellum;
Mâcon, 1857, in-8. — P. Cahier, Nouveaux Mélanges
d'archéologie (décorations d'églises, ivoires, miniatures,
émaux). — Laborde, Glossaire, v° Esmouchoir. — Ch. de
Linas, les Disques crucifères, le fiabellum et Vumbrella,
dans la Revue de Vart chrétien, 1883 et 1884.
FLACGILLA, impératrice romaine, morte en 385. Mlia
Flaccilla Augusta, d'origine espagnole, épousa Théodose,
et fut la mère d'Arcadius et d'Honorius. — Ce nom a été
porté aussi par une fille d'Arcadius et par une fille de
Théodose IL
FLACCUS. Surnom ou prénom de plusieurs personnages
(V.Hobaçe, Perse, Yégèce, etc.).
F LACÉ. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. et cant.
(N.) de Mâcon ; 670 hab.
FLACEY. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant. d'Is-sur-Tille ; 423 hab.
FLACEY. Corn, du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Châ-
teaudun, cant. de Bonneval ; 300 hab.
FLACEY-en-Bresse. Corn, du dép. de Saône-et-Loire ^
arr. de Louhans, cant. de Cuiseaux; 979 hab.
FLACH (Jacques), jurisconsulte français, né à Stras-
bourg en 4846. Avocat, docteur en droit, il a succédé, en
4883, au Collège de. France, à Edouard Laboulaye (V. ce
nom), qu'il avait déjà suppléé avec distinction, comme
professeur de législation comparée. Il occupe aussi des
chaires à l'Ecole libre des sciences politiques et à l'Ecole
d'architecture de Paris. Il a commencé en 4885 la publica-
FLACH - FLACHSENIUS
— 548 —
tion d'une importante Histoire du droit français. Parmi
ses travaux antérieurs, citons : De la Subrogation réelle
(4 870, in-8) ; la Bonorum possessio sous les empe-
reurs romains (1870, in-8) ; Etude historique sur la
durée des effets de la minorité en droit romain et
dans l'ancien droit français (1870, in-8) ; la Table de
bronze d' Aljustrel (4879, gr. in-8); Cujas, les Glossa-
teurs et les Bartolistes (1883, in-8) ; Jonathan Swift
(1885, in-8), etc. A. Bebidour.
F LAC H AT (Jean-Claude), voyageur et industriel fran-
çais, né à Saint-Chamond (Loire), mort en 1775. Il en-
treprit à travers l'Europe un long voyage d'études, arriva
en 1740 à Constantinople, y demeura quinze années et,
devenu, par la protection du kislar-agha, bazerguian-
bachi (chef des marchands) , profita de cette situation
pour recueillir sur les industries textiles et les procédés de
teinture des Grecs et des Turcs d'utiles renseignements,
qu'il compléta par une visite à Smyrne (1755). Il em-
baucha dans cette ville des ouvriers étameurs, teinturiers,
fileurs, les ramena avec lui l'année suivante à Saint-Cha-
mond et les établit dans la manufacture qu'y possédait
son frère et à laquelle Louis XV accorda bientôt le titre
et les privilèges de manufacture royale. Il a publié :
Observations sur le commerce et sur les arts d'une
partie de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique et même
des Indes orientales (Lyon, 1767, 2 vol. in-12 ; trad.
allem., Leipzig, 1767, 2 vol. in-8). On y trouve, dans le
tome II, une longue description du sérail impérial de Cons-
tantinople. L. S.
Bibl. : Breghot de Lut et Péricaud, Biographie lyon-
naise; Lyon, 1839, in-8.
FLAGHAT (Eugène), ingénieur français, né à Nîmes le
10 avr. 1802, mort à Arcachon le 18 juill. 1873. Ingénieur
civil d'un mérite exceptionnel, fondateur de la Société des
ingénieurs civils en 1848 et sept fois son président. On
le trouve mêlé d'abord à une affaire de sondages, puis à
la construction de la Douane sur le canal Saint-Martin,
avec ses appareils de manutention et de levage; on le
trouve ensuite dans l'Est et dans le Centre installant des
hauts fourneaux, des laminoirs, des forges, en même
temps qu'il se livrait à des études sur les chemins de fer.
Flaehat a été l'ingénieur du chemin de fer de Saint-
Germain; il fit exécuter les machines pneumatiques né-
cessaires au fonctionnement du système atmosphérique
entre Le Pecq et le terminus, et plus tard arriva à faire
monter les trains par des locomotives. Avec Mony (connu
pendant longtemps sous le nom de Stéphane Flaehat) et
Clapeyron, Eugène FJachat construisit aussi le chemin de
fer de Versailles (rive droite), et il resta ingénieur-conseil
de la Compagnie de l'Ouest. Il prit une grande part à la
construction du chemin de fer du Midi et à toutes les entre-
prises des frères Pereire. Un des biographes d'Eugène Fla-
ehat cite ses travaux de reprise en sous-œuvre de la tour
de la cathédrale de Bayeux, avec l'aide de M. de Dion, son
élève. — On a de Flaehat : le Guide du mécanicien-
constructeur et conducteur de locomotives (1840, avec
Petiet), Traité de la fabrication du fer (1842-46, 3 vol.),
avec Barrault et Petiet; Navigation à vapeur trans-
océanienne (1867, 2 vol.), et d'autres livres et brochures
sur les sujets les plus divers concernant l'art de l'ingénieur
et l'industrie ; citons notamment les Machines Engerth
et la Traversée des Alpes. — Flaehat s'est honoré par
sa conduite et ses travaux pendant le siège de Paris en
1870; la douleur qu'il éprouva des tristes événements de
cette époque, les souffrances endurées dans un âge déjà
avancé, ont abrégé sa vie. Son nom restera parmi ceux des
hommes ayant pris au xixe siècle une place très honorable
dans le grand mouvement scientifique et industriel qui
caractérise^ notre époque. M.-C. L.
FLACHÈRE (La). Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Gre-
noble, cant. du Touvet ; 298 hab.
FLACHÈRES. Coin, du dép. de l'Isère, arr. de La Tour-
du-Pin, cant. du Grand-Lemps; 458 hab.
FLACHERIE. Maladie des vers à soie, dénommée aussi
maladie des morts-flats, non moins redoutée des éleveurs
que la pébrine et la muscardine, à cause de la rapidité des
dégâts qu'elle occasionne et de l'incertitude où l'on se
trouve quant à ses causes premières. Les vers, arrivés à
leur développement complet, languissent, s'allongent, ren-
dent des excréments semi-liquides qui salissent leur orifice
anal, pendant que les battements du vaisseau dorsal se
ralentissent et s'arrêtent peu à peu. Les cadavres deviennent
alors rapidement flasques, puis tout à fait mous et exhalent
une odeur infecte. La mort peut n'être pas toujours aussi
rapide. Elle ne se produit alors que dans les chrysalides ;
beaucoup pourrissent en salissant les cocons, auxquels on
donne alors le nom de fondus.
La flacherie est déterminée par la fermentation des
feuilles dans le tube digestif du Bombyx et gui est iden-
tique à celle que l'on obtient dans une bouillie ou une
décoction de feuilles de mûrier abandonnée à l'air libre
dans un vase ; elle est déterminée par un organisme mi-
croscopique particulier, un ferment qui forme des chapelets
de grains dont chaque article n'a pas plus d'un millième
de millim. de long. La putréfaction qui suit la fermentation
reconnaît pour cause des vibrions et des microbes punc-
tiformes qui s'agitent vivement dans le liquide où baignent
les débris de feuilles. La flacherie est très contagieuse. Si
en effet on fait manger à des vers sains des feuilles prises
dans l'intestin de vers malades, on les voit périr morts-
flats. La maladie ne commence pas dans l'œuf, comme pour
la pébrine ; il y a seulement des lots de graines prédis-
posés, parce qu'ils fournissent des vers peu résistants,
incapables de sécréter les sucs stomacaux qui empêchent
la multiplication des ferments et des vibrions. Il y a,
en somme , lutte pour la vie entre le ver et les orga-
nismes qui souillent la feuille ingérée, et toutes les condi-
tions qui tendent à augmenter le nombre de ces derniers
et à débiliter le ver sont favorables à la flacherie. Pour
résister le mieux possible à cette maladie, il faut avoir
soin tout d'abord d'exclure de la reproduction toute cham-
brée atteinte, d'espacer les vers dès leur jeune âge, de leur
accorder une quantité d'air suffisante et souvent renouvelée
en évitant de le chauffer au delà de 22°. On choisira la
nourriture des vers avec le plus grand soin. En résumé,
on appliquera la méthode préventive, car les moyens cura-
tifs employés jusqu'ici n'ont pas donné de résultats satis-
faisants. Fortifier le ver, le rendre plus vigoureux, écarter
de lui toutes les causes de contamination par les poussières
malfaisantes des chambrées, voilà à quoi se réduit toute la
méthode. Henri Fournier.
Bibl. : Pasteur, Elude sur les maladies des vers à soie,
1870. — Version et Vlacovitch, Recherches sur la galine
et la flacherie, 1874. — Ferry de La Bellone, Recherches
expérimentales sur les causes de la flacherie, 1878. — Pu-
blications de la station sêricicole de Montpellier, 1850-1892.
FLACHÉRON (Louis-Cécile), architecte français, né à
Lyon le 9 mai 1772, mort à Lyon le 12 mars 1835. Pen-
dant plus de trente années architecte de la ville de Lyon,
Flachéron y fit exécuter d'importants travaux, entre autres
au palais Saint-Pierre, devenu le palais des Arts, où il
construisit une galerie dans l'aile méridionale pour recevoir
le musée de peinture ; à l'hospice de l'Antiquaille, à l'hôtel
de ville et à l'ancien jardin des plantes, aujourd'hui con-
verti en square. Flachéron, qui obtint de l'académie de
Lyon le premier prix dans le concours ouvert en 1814 pour
l'Eloge de Philibert de l'Orme, fut nommé membre de
cette académie en 1815. — Son fils, Raphaël, aussi archi-
tecte, né à Lyon le 19 févr. 1808, mort à Lyon le
27 août 1866, fut, après avoir complété ses études à
Paris et en Italie, l'architecte du collège arabe-français à
Alger et l'auteur de nombreuses constructions dans les
quartiers neufs de cette ville.
Bibl.: Société académique d'architecture de Lyon; An-
nales ; Lyon, 1869, t. I, in-8.
FLACHSENIUS (Johannes), mathématicien finlandais,
né à Vehmo en avr. 1636-, mort à Âbo le M juin 1708.
- 549 —
FLACHSENIUS — FLACON
Secrétaire de l'université d'Âbo (1665), professeur de
mathématiques et de théologie (1669), il publia en latin
de nombreuses dissertations et plusieurs ouvrages sur les
sciences qu'il enseignait, notamment une Chronologia
sacra (1692), suivie de celle des rois de Suède, des riks-
râds, etc.; et, en suédois, un mémoire sur la Grande
Comète de i680 (Âbo, 1681). — Son frère Jacob, mort
en 1694, professeur de logique (1665) et de théologie
(1679) à Âbo, publia soixante-cinq dissertations philoso-
phiques, entre autres Collegium logicum (1671-78), où
il repousse la méthode de Descartes pour s'en tenir à
l'aristotélisme ; ainsi que des oraisons funèbres en suédois
et une en finnois. B-s.
FLACIUS (Matthias Viacich), aussi appelé Francovich,
théologien luthérien, né à Albona, en Istrie (de là son
surnom à'Illyricus), le 3 mars 1520, mort à Francfort le
11 mars 1575. Il étudia les langues anciennes à Venise,
où il se proposait de se faire moine ; mais un de ses pa-
rents, Baldus Lupetinus, provincial des minorités, lui
conseilla d'aller plutôt en Allemagne entendre Luther. Il
vint à Wittenberg en 1541, et, après trois ans de luttes
intérieures, il fut gagné par Luther et Bugenhagen à la
doctrine évangélique. Il se proposa, dès lors, pour tâche
de sa vie, d'enseigner et de défendre cette doctrine par la
parole et par la plume, et il n'y manqua pas. A Wittenberg,
il fit des cours sur les épîtres pauliniennes etsurAristote.
Mais quand, en 1548, Melanchthon eut accepté Y Intérim
(V. ce mot) de Leipzig, il l'attaqua avec la plus grande
violence et dut quitter Wittenberg (1549). Retiré à Mag-
debourg, il continua la lutte avec autant de science que de
passion ; sa critique des Adiaphora est écrasante. Ses
adversaires avaient traité les concessions doctrinales, qu'ils
avaient faites et qu'ils voulaient imposer aux autres,
d! adiaphora, c.-à-d. de choses indifférentes. Flacius leur
démontra qu'en matière de foi il ne saurait y avoir à' adia-
phora ; que, d'ailleurs, les adiaphora supposent toujours
la liberté et ne peuvent être imposées ; dès qu'il y a con-
trainte, la chose la plus futile en apparence cesse d'être
indifférente (De Veris et falsis adiophoris). Il continua
cette guerre contre Melanchthon et le philippisme avec une
ardeur qui ne se ralentit jamais, mais pas toujours avec
modération. Cependant, la polémique ne l'absorba pas tout
entier. Pour défendre la doctrine luthérienne, il eut aussi
recours à l'histoire, s'efforçant de montrer que, dans tous
les siècles, il y a eu des protestations contre l'Eglise de
Rome et en faveur de la doctrine évangélique, des protes-
tants avant la lettre. Il publia dans ce but son Catalogus
testium veritatis (Bâle, 1556, souvent réimprimé) et ses
Centuries de Magdebourg (1560-74, 13 vol. in-fol.),
ouvrage d'histoire ecclésiastique par siècle; il s'adjoi-
gnit pour cela un grand nombre de collaborateurs qui
organisèrent leur travail comme firent plus tard les béné-
dictins de Saint-Maur. L'ouvrage ne va que jusqu'au
xme siècle. C'est une grande oeuvre, digne d'admiration,
et qui a provoqué dans le catholicisme les Annales de
Baronius.
En 1557, Flacius fut appelé comme professeur de théo-
logie à Iéna, université que le duc Jean-Frédéric de Saxe
venait de fonder, en opposition à Wittenberg, pour y en-
seigner la pure doctrine luthérienne. Flacius y continua ses
luttes et ses controverses, et quand les princes protestants
assemblés à Francfort signèrent, en 1558, une formule
d'union, Flacius leur opposa une Solida confutatio et
condemnatio prœcipuarum corruptelarum , secta-
rum, etc. (1559), qui protestait contre toute déviation de
la doctrine luthérienne. Elle fut imposée comme un écrit
symbolique de l'orthodoxie luthérienne, mais on y apporta
trop de rigueur, de sorte que les réclamations des pasteurs
et des laïques obligèrent le duc Jean-Frédéric à destituer
Flacius (1561). Dès lors, il fut errant, ne pouvant plus
demeurer nulle part. Il alla d'abord à Ratisbonne, d'où il
fut expulsé après cinq ans de séjour, puis à Anvers qu'il
dut quitter après peu de temps ; à Francfort, où on ne le
trouva pas assez orthodoxe, à cause de ses idées singu-
lières sur le péché originel ; à Strasbourg, d'où il fut ren-
voyé ; il revint à Francfort, d'où on allait l'expulser en-
core, quand il y mourut à l'hôpital. Il faut mentionner
encore un autre de ses écrits : Clavis scripturœ sacree
(Bâle, 1567, 2 vol. in-fol.) ; il ne put achever que le
Nouveau Testament ; ce livre devait, comme ses ouvrages
historiques, justifier la doctrine luthérienne. Flacius a été
un polémiste passionné, souvent violent, mais un lutteur
loyal et parfaitement désintéressé ; il s'est sacrifié entière-
ment à sa cause. Il fut un des plus grands théologiens du
temps de la Réforme. Ch. Pfender.
Bibl. : Preger, Mattk. Flacius Illyricus und seine Zeit;
Eriangen, 1859-61, 2 vol.
FLACON. I. Archéologie. — Le flacon du moyen
âge est une bouteille destinée à être portée avec des cour-
roies. Il ferme hermétiquement à vis ou à émeri; il est
généralement de forme lenticulaire, à panse large, évasée
et plate, se terminant en un goulot assez étroit et droit.
Sa forme originale paraît être celle d'une petite outre
portative. De nos jours le flacon n'a pas de forme spé-
ciale ; il sert en effet à désigner simplement la petite bou-
teille artistique qui contient les liqueurs et les parfums.
Le flacon est de toute matière : de bois, de cuir, de métal,
déterre, de verre, d'ivoire, de nacre, de perle, d'émail, de
pierres précieuses. Certains, principalement ceux de métal
ou de verre, sont clisses, c.-à-d. recouverts d'une enve-
loppe tressée de feuilles de palmier, de canne, d'osier ou de
paille pour les protéger soit de la chaleur soit des accidents.
Au moyen âge ce nom désigne indifféremment plusieurs
ustensiles différents : le bidon de fer, grande bouteille en
forme de disque, avec goulot et oreilles, comme celui du
musée de Cluny, employé en campagne ; au xve et au
xvie siècle, la cantine, dans laquelle on emportait aux
armées la nourriture et la boisson, ainsi que nous l'apprend
l'inventaire de Charles-Quint. D'autres fois ce terme s'ap-
plique au biberon, cruche de terre, à laquelle on boit par
un goulot très mince ; enfin à la gourde, dont les magni-
fiques spécimens de majolique italienne portent le nom de fla-
cons. Le flagon liturgique anglais dérive incontestablement
du mot flacon . Le protestantisme ayant prescrit la commu-
nion sous les deux espèces, il lui a fallu augmenter la ca-
pacité des burettes, qui dans la liturgie catholique servent
au prêtre seul. La burette fut remplacée par le flacon, au-
quel de nos jours on donne la forme d'une canette à cou-
vercle. F. de Mély.
II. Physique. — Flacon de Mariotte. — C'est un appa-
reil destiné à produire un écoulement de liquide à peu près
constant ; il est fondé sur ce fait que l'écoulement d'un liquide
à travers un orifice quelconque reste le même quand la pres-
sion de l'eau au niveau de l'orifice reste constante. Un vase
ordinaire présentant à la partie supérieure une ouverture ne
produit pas un écoulement constant, parce que la pression
à l'orifice diminue avec la hauteur de l'eau dans le vase au
fur et à mesure que celui-ci se vide ; si le vase est main-
tenu constamment plein à l'aide d'un trop-plein, il donne
naissance à un écoulement constant. Le flacon de Mariotte
consiste en une bouteille présentant au moins une ouverture
latérale ; le goulot de l'appareil porte un bouchon traversé
par un tube ouvert aux deux bouts qui plonge dans l'eau du
flacon ; c'est par cette ouverture que l'air entrera dans la
bouteille en traversant l'eau bulle à bulle ; à l'orifice latéral
par lequel l'eau s'échappe, la pression sera, d'une part, de
dehors en dedans, la pression atmosphérique; d'autre part,
de dedans en dehors, la pression atmosphérique qui s'exerce
au sein de l'eau dans le plan horizontal où se termine le
tube plongeant, plus la pression d'une colonne d'eau ayant
pour hauteur la distance verticale de l'extrémité inférieure
du tube à l'orifice d'écoulement de l'eau ; c'est en vertu de
cette différence des pressions intérieure et extérieure que
se fait l'écoulement, et comme cette différence reste cons-
tante tant qu'on ne change pas la position du tube intérieur,
la vitesse d'écoulement du liquide reste constante. Il y a
FLACON — FLAGELLATION
— 550 —
lieu de remarquer que, pendant le temps très court que met
une bulle à se former à l'extrémité du tube au- sein de l'eau,
le plan horizontal de la masse d'eau où la pression est égale
à celle de l'atmosphère varie un peu de position ; au début
il est situé presque à l'extrémité du tube ; à la fin il est
tangent à la surface inférieure de la bulle, de telle sorte
que si l'on appelle e l'épaisseur qu'atteint chaque bulle
d'air avant de se détacher du tube et h la hauteur verti-
cale du bas du tube au-dessus de l'orifice d'écoulement, la
pression varie périodiquement entre h et h — e; on a donc
intérêt à ce que les bulles d'air qui rentrent dans l'appareil
soient les plus petites possible et Les plus nombreuses ; en
augmentant aussi le frottement dans l'ajutage, en prenant
celui-ci plus petit, on diminue aussi beaucoup ces irrégu-
larités. On peut obtenir à l'aide de cet appareil un écoule-
ment constant de gaz; il suffit pour cela d'employer l'écou-
lement constant de liquide fourni par le vase de Mariotte
à chasser par déplacement un gaz contenu dans un autre
flacon ; mais on ne peut employer cet appareil pour produire
une aspiration constante de gaz, car la quantité d'air qui
rentre dans le flacon de Mariotte va constamment en aug-
mentant depuis le commencement jusqu'à la fin de l'expé-
rience. En effet, la vitesse d'écoulement du liquide étant
constante en un temps très court t, il sort un volume v de
liquide ; ce volume est remplace dans le vase par un volume
d'air égal à v ; mais, au début de l'expérience, cet air a
une pression égale à la pression atmosphérique diminuée
de la pression d'une colonne d'eau ayant pour hauteur la
distance du bas du tube à la surface libre de l'eau dans
le flacon ; à la fin de l'expérience cette hauteur a diminué ;
l'air a une pression plus forte; il faut donc qu'un poids
d'air plus considérable rentre dans le flacon pendant le
temps t pour remplacer le volume v. Il est facile de dé-
montrer que, pendant que le temps varie en progression
arithmétique, le nombre de bulles d'air qui rentrent par
seconde varie en progression géométrique. A. Joannis.
FLACOURT. Corn, du dép. de Seine-et-Oise, arr. et
cant. de Mantes; 89 hab.
F LACO U RT (Etienne de) administrateur et voyageur fran-
çais , né à Orléans en d 607 , mort le 1 0 juin 1660. Nommé en
1648 commandant des troupes du roi au Fort-Dauphin de
Madagascar, il trouva la colonie dans le plus triste état par
suite de la mauvaise administration de Pronis (V. ce nom) ;
les rigueurs qu'il fut obligé d'exercer pour parer au dé-
sordre lui aliénèrent les indigènes et amenèrent la révolte
parmi ses soldats ; il passa six années au milieu des plus
grandes difficultés et sans aucune nouvelle de France ; c'est
pendant ce séjour qu'il prit possession de l'île Bourbon.
Enfin, deux vaisseaux du roi arrivèrent apportant des se-
cours et des lettres du duc de La Meilleraye, nouveau con-
cessionnaire de la colonie de la France orientale, qui lais-
sait à Flacourt le choix de rester à Madagascar ou de
revenir en France; il préféra le dernier parti et remit ses
pouvoirs à Pronis, récemment revenu, et quitta l'île en
1655. Trois ans après, il fut nommé directeur de la
Compagnie de la France orientale et repartit aussitôt, mais
il périt pendant la traversée. On a de Flacourt : Petit Coté-
c/usm£(madécasseet français ; Paris, 1657, in-8) ; Diction-
nairede la langue de Madagascar (1658, in-8) ; Histoire
de la grande île de Madagascar (1658, in-4 ; 2e édition
« avec une relation de ce qui s'est passé es années 1655,
1656 et 1657, non encore vue par la première impres-
sion », Troyes et Paris, 1661 ; 1664, cartes et fig.).
FLACOURTIA (Flacourtia Commers.). Genre déplantes
de la famille des Bixacées, qui adonné son nom à la tribu
des Flacourtiées (V. ce mot). Ses représentants sont des
arbres ou des arbustes souvent épineux, à feuilles alternes
et stipulées, à fleurs petites, dioïques, pourvues d'un pé-
rianthe simple à 3-5 divisions, d'étamines nombreuses et
d'un ovaire uniloculaire qui devient, à la maturité, une
drupe renfermant plusieurs noyaux. On en connaît une
douzaine d'espèces disséminées dans toutes les régions
chaudes du globe. Le F. Ramontchi Lhér., ou Prunier
de Madagascar, a son écorce très riche en tanin ; on l'em-
ploie en décoction, à l'île Maurice, comme antirhumatis-
male. Ses fruits, de la grosseur d'une mirabelle, servent
à faire des confitures. Ceux du F. sepiaria Roxb. ou
Couroumoelli des Indiens, sont également comestibles.
Enfin, dans l'Inde, on préconise, comme stomachiques, di-
gestives et astringentes, les jeunes pousses du F. cata-
phracta Roxb., qui est le Stigmarota Jangomas de
Loureiro et le Roumea Jangomas de Sprengel. Ed. Lef.
FLACOURTIÉES. Tribu de la famille des Bixacées, ca-
ractérisée surtout par les fleurs unisexuées et apétales, à
réceptacle convexe et à anthères courtes, déhiscentes par •
des fentes longitudinales. Elle renferme sept genres, dont
les plus importants sont : Flacourtia Commers., Xylosma
Forst. et Lœtia Lœfl.
F LAC Y. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Sens, cant.
de Villeneuve-F Archevêque ; 324 hab.
FLAGELLANT (Hist. relig.) (V. Flagellation).
FLAGELLATES (Zool.). Les Flagellâtes sont des Proto-
zoaires assez semblables aux Infusoires par leurs carac-
tères extérieurs : ils portent un, deux ou un plus grand
nombre deflagellums, diversement situés et qui représen-
tent d'habitude leurs seuls organes de progression, mais
auxquels peuvent s'adjoindre des cils, des pseudopodes ou
d'autres appendices, locomoteurs ou préhensiles. Leur
appareil digestif varie dans ses caractères : il peut être
nettement défini, diffus ou indistinct ; ils présentent pres-
que invariablement une ou plusieurs vésicules contractiles.
La reproduction de ces petits êtres se fait par bipartition
et par sporulation ; dans ce dernier cas, la masse du corps,
après s'être enkystée, se subdivise entièrement pour donner
les spores et, souvent, cet acte est précédé par la fusion ou la
conjugaison de deux ou plusieurs individus adultes. — Les
Flagellâtes sont extrêmement nombreux en genres et en
espèces ; leur étude est fort difficile et leur" délimitation
laisse, encore aujourd'hui, beaucoup à désirer : nombre de
formes qui avaient été considérées comme appartenant à ce
groupe ont été reconnues ensuite comme faisant partie du
règne végétal, tant, en effet, la distinction entre les deux
règnes est parfois délicate à saisir. Nous renvoyons pour
plus de détails sur les Flagellâtes aux mots Trypanosome,
Monades, Euglène, Cilio-Flagellés, Noctiluques, Lepto-
discus, qui désignent des genres importants ou des subdivi-
sions principales de ce groupe de Protozoaires. R. Moniez.
FLAGELLATION. I. Histoire religieuse. — On trouve
très anciennement la flagellation et la fustigation parmi les
peines infligées par voie de correction religieuse. La synagogue
faisait administrer un certain nombre de coups, qui ne pouvait
excéder trente-neuf, à certains délinquants et tout spéciale-
ment à ceux qu'elle condamnait comme apostats ou hérétiques.
SaintPaul dit avoir ainsi reçu desjuifs cinq fois quarante coups
de fouet moins un (2 Cor., XI, 24). Buxtorf prétend que,
au jour de l'expiation solennelle, tous les juifs se confes-
saient. Ils se retiraient dans un coin de la synagogue : l'un,
incliné profondément devant l'autre et le visage tourné vers
le nord ; l'autre, qui faisait l'office de confesseur, lui frap-
pait sur le dos trente-neuf coups d'une lanière de cuir, en
récitant ces mots : Dieu, qui est miséricordieux, con-
damne V iniquité, mais il n'extermine pas le pêcheur ;
il a détourné sa colère et n'a point allumé sa fureur.
Comme le texte hébreu n'a que treize mots, il le répétait
trois fois, accompagnant d'un coup chaque mot. Pendant
ce temps, le pénitent confessait ses péchés, en se frappant
la poitrine. Puis, les rôles étaient intervertis : le confesseur
devenait le pénitent ; il se prosternait, se confessait et rece-
vait les trente-neuf coups de lanière (Synagoga judaica;
Baie, 1603). — Une lettre de saint Augustin (Epist. 159
ad Marcellum) atteste que, dans l'exercice de leur juri-
diction, les évêques prononçaient des condamnations au
fouet. Trois fouets étaient appendus à un pilier de l'église
du mont de Nitrie, un pour les moines fautifs, un autre
pour les voleurs, le troisième pour les étrangers qui se
conduisaient mal. Un concile d'Agde (506) ordonna de fus-
— 551 —
FLAGELLATION
tiger les moines indociles et les clercs coupables d'ivrogne-
rie (Can. XXXVIII). Le premier concile de Mâcon édicta
une peine de trente-neuf coups contre le clerc qui citerait
un ecclésiastique devant les juges laïques (Can. VIII). Le
concile de Braga (675) exempta des châtiments corporels
les ordres supérieurs du clergé, afin de ne point les dégra-
der (Can. VI). La bastonnade et le fouet sont compris dans
la discipline de Cassien et deColumban, ainsi que dans celle
de saint Benoît. La légende montre ce saint usant pater-
nellement sur les membres de ses religieux d'une solide
baguette, qui avait la vertu de chasser du corps de ceux
qu'il tentait le démon, qui n'aime point les coups. La règle
de Chrodegang prescrit la flagellation même contre les
chanoines . Dans les plaids épiscopaux tenus sous les Caro-
lingiens, les évêques pouvaient condamner au fouet les
pécheurs dénoncés devant eux. — Au mot Disciplina, Du
Cange cite, d'après un manuscrit, l'art. 33 du Liber ordi-
nis sancti Victoris indiquant la manière dont la disci-
pline pénale devait être administrée aux religieux. « Celui
qui doit recevoir la discipline se relèvera sur les genoux
et retirera modestement ses vêtements ; puis, les ramenant
au-dessous de sa ceinture, il se prosternera de nouveau.
Ainsi gisant, il devra ou se taire ou ne prononcer que ces
seuls mots : Je me purifierai de ma faute (Mea culjpa ego
me emundabo). Qu'aucun autre ne parle, à moins que ce
ne soit quelqu'un des prieurs voulant intercéder. La dis-
cipline administrée, on aidera le patient à remettre ses
habits. Ainsi revêtu, il se tiendra debout et immobile jus-
qu'à ce que l'abbé lui dise : Va t' asseoir (Ito sessum).
Alors, s'inclinant, il regagnera sa place. — Qu'on sache
bien qu'un supérieur en ordre ne doit pas être frappé par
son inférieur, c.-à-d. un prêtre par un diacre, mais l'égal par
l'égal, l'inférieur par le supérieur. » (Glossarium médias
et infimœ latinitatis; Paris, 1840-1847, 7 vol. in-4.)
L'imagerie catholique représente parfois saint Jérôme
avec une espèce de martinet composé de cinq ou six petites
lanières agrémentées de morceaux de fer ou de plomb.
Aucun document historique n'autorise cette représentation;
la forme même de l'instrument semble indiquer une inven-
tion du moyen âge. Mais il n'est point invraisemblable que
cet austère docteur, qui ne reculait devant aucun moyen
de mortifier son corps, se soit flagellé, pour écarter les
visions lascives et éteindre les ardeurs, libidinum incen-
dia, qui le tourmentaient même dans le désert et jusqu'à
un âge fort avancé. Il les confesse en termes navrés, et il
reconnaît que le froid et le jeûne étaient impuissants contre
elles (V. Anachorète, t. II, p. 891, col. 2). Il est pro-
bable que les causes qui menaient les solitaires au désert
et les moines au couvent durent de tout temps les induire
à pratiquer la flagellation volontaire, pour affliger leur
chair et ainsi repousser les tentations ou expier les péchés
commis. — Néanmoins, il serait difficile de produire aucune
preuve positive du fait, avant le xie siècle. On voit alors
la flagellation fleurir avec Gui, abbé de Pomposa, Popon,
abbé de Stavelot, Pierre Damien et saint Dominique l' En-
cuirassé. Les libri pœnitentiales permettaient d'échan-
ger les peines ecclésiastiques, notamment le jeûne et la
récitation agenouillée des psaumes contre d'autres pratiques
moins pénibles ou de les racheter avec de l'argent. Pierre
Damien (V. Damiani), plus sévère, enseigna la conversion
des jeûnes, imposés comme pénitence, en flagellation. A
cet effet, il dressa un tarif indiquant le nombre de coups
correspondant à un certain nombre de jours de jeûne :
1,000 coups peuvent être donnés pendant qu'on récite dix
psaumes, 15,000 remplissent la durée du psautier tout
entier ; d'où il suit que si Ton récite vingt fois le psautier
tout entier, en se donnant le nombre réglementaire de
coups, on accomplit une pénitence de cent ans. Saint Do-
minique VEncuirasséiy. ce nom), qui acquit en cet exer-
cice une célérité miraculeuse, était parvenu à réaliser en
six jours cette pénitence de cent ans, c.-à-d. à s'adminis-
trer 300,000 coups. — Cette doctrine et ces exemples
introduisirent dans les couvents la flagellation générale
et régulière. Tout moine devait être fouetté chaque ven-
dredi, après sa confession, soit par lui-même, soit par un
des frères, en cellule, en chapitre ou dans l'oratoire. Dans
le monastère de Saint-Gall, l'instrument était appendu à un
pilier de la salle du chapitre. Le vendredi rappelait la mort
de Jésus-Christ ; le souvenir de la flagellation qu'il avait
endurée en sa passion fit attribuer aux étrivières pieuse-
ment reçues une signification et une valeur qu'on n'avait
point soupçonnées pendant les onze premiers siècles : on
les considéra comme une sorte de communion aux souf-
frances du Sauveur.
Parmi les laïques, beaucoup, hommes et femmes, riches
et pauvres, serfs et princes, s'empressèrent de pratiquer
cette dévotion. Il s'établit des confréries pour répandre sur
toute la chrétienté les grâces qu'elle devait assurer. Un
des vitraux de la Sainte-Chapelle montre saint Louis age-
nouillé devant deux moines armés de verges et courbant
humblement le dos pour recevoir leurs coups. En 1260,
un dominicain, Ranieri, persuada aux habitants de Pérouse
de conjurer par des flagellations publiques les calamités
résultant des dissensions des guelfes et des gibelins. Des
troupes se formèrent, qui parcoururent les villes et les
campagnes, en chantant des cantiques et en se flagellant.
De l'Italie, le mouvement s'étendit dans le midi de la
France, la Souabe, la Lorraine, l'Alsace, l'Autriche et les
Pays-Bas. Condamnées par l'Eglise, qui n'aime pas que le
peuple se donne ce qu'elle ne lui donne point, et compri-
mées par les princes et par les magistrats, ces premières
fermentations paraissent avoir eu peu de durée. Mais le
germe qui les avait produites subsista, conservé peut-être
par associations secrètes, mais bien certainement dans les
souvenirs du peuple. — Au milieu du siècle suivant, les
ravages causés par la peste noire (V. ce mot), qui détrui-
sit le tiers de la population de l'Europe, inspirèrent l'idée
que les pénitences canoniques étaient insuffisantes, et que
l'indignité du clergé n'était point étrangère à cette ineffica-
cacité. Les âmes en détresse cherchèrent un moyen suprême
de fléchir la colère de Dieu. Alors se produisit une de ces
inventions pseudépigraphiques qu'on trouve si fréquemment
en l'histoire religieuse, aux temps de surexcitation. Une
lettre apportée par un ange sur l'autel de l'église de Saint-
Pierre à Jérusalem et scellée du sceau dont l'Evangile avait
été scellé, annonça que Dieu avait résolu de détruire la
terre souillée de crimes ; touché par les supplications de la
sainte Vierge et des anges, il avait renoncé à ce dessein,
mais il avait déclaré que ceux qui voulaient se sauver de-
vaient sortir pendant quelque temps de leur pays et faire
pénitence en se disciplinant publiquement. Des confréries
se constituèrent pour satisfaire à l'ordonnance divine,
d'abord en Pologne, puis dans toutes les contrées de l'Al-
lemagne. Par la Flandre et la Picardie^ elles pénétrèrent
jusque dans le diocèse de Reims, qu'elles ne semblent pas
avoir dépassé. Dans l'Est de ce qui est devenu notre terri-
toire, elles se répandirent surtout en Lorraine et en Alsace.
Ces pénitents s'appelaient eux-mêmes les dévots et ils
proclamaient que la flagellation est la dévotion par excel-
lence. Ils n'excluaient point péremptoirement les membres
du clergé, mais ils ne leur permettaient pas d'assister à
leurs conseils secrets ni de parvenir à leurs dignités élec-
tives, propter quod laid sunt clero graviter mdignati,
dit une vieille chronique. C'était donc parmi les laïques
seulement que chaque confrérie élisait son maître ou gé-
néral de la dévotion et son conseil dirigeant. Pour être
admis dans l'association, il fallait, après avoir reçu les
sacrements, renoncer aux passions qui régnent dans le
monde, spécialement à tout sentiment de haine ou de ven-
geance et à tout commerce avec les femmes. Les confrères
ne pouvaient accepter ni secours, ni aumônes, ni même
aucune nourriture sans l'autorisation de leur chef. Les rè-
glements obligeaient les récipiendaires à justifier de leurs
moyens de subsistance pour la durée du pèlerinage. Ordi-
nairement, ils ne restaient dans un lieu qu'un jour et une
nuit. Ils parcouraient les villes et les campagnes, par
FLAGELLATION
— 552 —
bandes de cent à deux cents pénitents, précédés d'une ban-
nière où la croix était figurée ; ils marchaient deux à deux,
portant sur leurs épaules un manteau de couleur parfois
sombre, mais habiluellement blanche, comme symbole de
purification. Sur ce manteau, l'image de la croix devant
et derrière. Leur tête et leur visage étaient couverts d'un
voile ou d'un capuchon décoré aussi de la croix. De là, le
nom de Crucigères, ou Frères de la Croix ou Pèlerins
de la Croix, qui leur est fréquemment donné par les con-
temporains. Quand ils entraient dans une ville, ils se ren-
daient d'abord à l'église ; de là, ils se dirigeaient vers une
des places publiques, en chantant des cantiques, dont voici
un spécimen caractéristique :
Or, avant, entre nous tous frères,
Battons nos charognes bien fort,
Et remembrant la granfmisère
De Dieu et sa piteuse mort,
Qui fut prins en la gent amère,
Et vendu et trais à tort,
Et battu sa char vierge et dère,
Au nom de ce, battons plus fort.
Sur la place où ils devaient accomplir leur dévotion, ils
se dépouillaient de leurs vêtements jusqu'aux reins, et for-
maient un grand cercle, au milieu duquel on apportait les
malades et les infirmes, dont beaucoup se trouvèrent mira-
culeusement guéris ; ce qui stimula si véhémentement la foi
du peuple, qu'à Strasbourg on leur présenta même un en-
fant mort. — La flagellation sacramentelle était précédée
d'une flagellation préparatoire, pour laquelle tous les péni-
tents, prosternés à terre dans des positions diverses, mi-
maient les péchés qu'ils avaient à expier. Quand le maître
de la dévotion, passant d'un pécheur à l'autre, avait admi-
nistré à chacun un nombre de coups proportionné à ses
fautes, tous se levaient pour la pénitence commune. Les
instruments de cette discipline étaient des fouets armés de
pointes de fer ; il fallait que le sang coulât pour que l'ex-
piation fût méritoire. Cette flagellation avait lieu deux fois
par jour ; elle devait être renouvelée pendant trente-trois
journées et douze heures, en l'honneur du temps que Jésus-
Christ a passé sur la terre. Cette série s'appelait une dé-
votion, un pèlerinage ; elle suffisait au salut individuel
des flagellants ; mais la pénitence générale devait durer
trente-trois ans pour l'Europe entière.
Dans la plupart des villes, le peuple allait au-devant des
frères de la Croix, forçant, au besoin, le magistrat de leur
ouvrir les portes ; quand ils partaient, on leur faisait cortège.
A Strasbourg, plus de mille personnes les suivirent et se
joignirent à eux. Par sa nature, cet enthousiasme ne devait
guère durer plus longtemps que la cause qui l'avait excité,
la terreur inspirée par la peste noire. D'ailleurs, dès le
commencement du mouvement, le clergé et les princes, qu'il
alarmait également, s'étaient concertés pour le comprimer ;
car les flagellants n'étaient point sans attribuer à la corrup-
tion des grands et du clergé les châtiments que la colère
divine infligeait à la terre. Dès 1348, Clément VI avait dé-
noncé à tous les évèques de la chrétienté leur dévotion ; le
13 oct. de l'année suivante, d'accord avec Philippe de Valois,
il fulmina une bulle qui la condamnait formellement comme
hérétique. On imputa à ces pénitents les troubles provoqués
par les mesures prises contre eux et on les accusa des dé-
sordres moraux dont on argue ordinairement contre ceux
qu'on persécute. Il ne paraît point qu'à l'origine ils aient
formulé des propositions hérétiques ; mais, en fait, leur dé-
fiance à l'égard du clergé et la valeur suprême attribuée
par eux à un moyen de salut différent de ceux dont l'Eglise
dispose, contenaient des germes latents de schisme et d'hé-
résie. La persécution les développa et suscita parmi les
flagellants une secte anticatholique. Plus tard, l'un d'eux,
le Thuringien Conrad Schmidt, enseigna que leur discipline
rendait inutiles le baptême, la confession et tout le minis-
tère des prêtres. — En 1389, à l'époque où les fidèles gé-
missaient sur le schisme d'Occident, un pèlerinage de péni-
tents, surnommés les bianchi ou les blancs battus, à
cause de la couleur de leurs manteaux, descendit des Alpes
dans la Haute-Italie, chantant le Stabat mater et des can-
tiques italiens. Le peuple les accueillit avec une vive sym-
pathie. Quand ils s'approchèrent des Etats de l'Eglise, le
pape italien fit brûler leur chef et ils furent dispersés. En
1414, cent vingt-sept flagellants furent brûlés à Sangers-
hausen et dans les environs, sur les poursuites de l'inqui-
siteur Schcenefeld. Cependant, vers la même année, un
autre dominicain, que le saint-siège a canonisé, saint Vin-
cent Ferrer, prêchant la pénitence dans les pays méridio-
naux, conduisait des processions de flagellants. Il fut désap-
prouvé par le concile de Constance. A cette occasion, Gerson
écrivit son Traité contre la secte de ceux qui se flagellent
(Epistola ad Vincentium). — Au commencement de son
règne, Henri III rencontra dans les rues d'Avignon des
compagnies de flagellants ; il s'y enrôla, tant par prédispo-
sition naturelle que par désir de manifester son aversion
contre les doctrines protestantes. La cour et les principaux
des grosses villes l'imitèrent. Il y eut alors trois ordres de
pénitents, portant tous le fouet à la ceinture, mais divers
par la couleur et par le patronage : les blancs étaient ceux
du roi, les noirs ceux de la reine, les bleus ceux du car-
dinal d'Armagnac. Parmi tous, les mignons du roi se dis-
tinguaient par la superbe élégance du coup avec lequel ils
faisaient jaillir le sang de leurs épaules. A la fin du siècle
dernier, on rencontrait encore, à Avignon et en Provence,
des confréries de pénitents qui se fustigeaient publiquement.
Il ne faut point désespérer d'en revoir tôt ou tard.
La flagellation publique a disparu de notre pays ; la fla-
gellation intime subsiste, discrètement cultivée, mais honorée
de haute et singulière estime par l'Eglise catholique, à qui
l'expérience séculaire du confessionnal a donné une con-
naissance si profonde de la nature humaine. Non seulement
elle est restée comprise dans la règle de plusieurs ordres
de religieux et de religieuses, et elle apporte dans les cloîtres
un intermède ou plutôt un condiment précieux pour rele-
ver, par des sensations d'une acre mysticité, la monotonie
et les langueurs de la vie contemplative ; mais, dans le
siècle, elle est spontanément pratiquée par des laïques épris
de pénitence ou de sainteté. On la préconise comme péni-
tence pour les péchés, comme moyen de mortification et de
résistance contre les tentations, mais surtout comme com-
munion aux souffrances de Jésus-Christ. C'est cette dernière
considération que les apologistes font principalement valoir
aujourd'hui ; elle doit être fort puissante sur les femmes
et même sur certains hommes. Notre célèbre dominicain et
académicien Lacordaire se disciplinait passionnément. Voici
ce qu'écrit à ce propos un de ses admirateurs : « Oui, en
plein xixe siècle, au lendemain de la Révolution et quand la
cendre ironique de Voltaire était à peine refroidie, .cet avo-
cat, ce libéral, cet écrivain, cet homme d'esprit, cet orateur,
ce grand homme, le P. Lacordaire, se donnait la discipline
tous les jours et plusieurs fois par jour souvent. Il obligeait
ses frères, au nom de la sainte obéissance, à l'attacher les
épaules nues à un poteau, à le flageller, à lui cracher au
visage, à le fouler aux pieds, à le lier sur une croix pen-
dant les trois longues heures que Jésus-Christ son maître
était resté vivant et sanglant sur la sienne... Ah î disait
Lacordaire, si le monde connaissait ce qu'il y a de bonheur
à se sentir flagellé pour celui qu'on aime ! » (H. Villard,
Correspondance inédite du P. Lacordaire; Paris, 1870,
p. 120 in-8.) — Sur une secte moderne et fort bizarre de
flagellants, V. Bonjour (Les frères).
L'importance de la flagellation dans la discipline monas-
tique a fait donner le nom commun de discipline aux
divers instruments destinés à l'administrer : corde avec ou
sans nœuds, courroie, férule, fouet simple ou armé de pointes
de fer, martinet composé de lanières, de cordelettes, de
bandes de parchemin tortillées et nouées ou de petites
chaînes, bâton, baguette forte, faisceau de petites baguettes
ou de branchages. E.-H. Vollet.
IL Thérapeutique. — La flagellation était fréquem-
ment employée par les médecins anciens comme un moyen
— 553 —
FLAGELLATION — FLAHAUT
énergique de stimulation de l'ensemble du tégument
externe. Cette stimulation générale de la peau est loin
d'être abandonnée en thérapeutique. Mais elle est obtenue
par des moyens plus acceptables que ne l'était la flagella-
tion : électricité faradique, hydrothérapie. Dans les cas
d'urgence, la flagellation peut encore rendre des services.
La flagellation du visage, des mains, de la poitrine avec
un linge mouillé est classique dans tous les évanouissements.
La flagellation au moyen d'orties est restée populaire dans
les campagnes. Son action stimulante, doublement éner-
gique, a donné parfois de bons résultats dans les empoi-
sonnements, au début de la période de refroidissement du
choléra, dans les asphyxies d'origines diverses. Quel que
soit le procédé, la flagellation, si elle est trop brutalement
appliquée, expose à des meurtrissures, à des inflammations
de la peau très pénibles. Dr A.-F. Plicque.
Bibl. : Histoire religieuse. — J. Boileau, Historia
Flagellantium; Paris, 1700, in-12; trad. en franc, par l'abbé
Grouet ; Amsterdam, 1701 etl732,in-12. — Thiers, Critique
de V histoire des Flagellants ; Paris, 1703, in-12. — Du Cer-
ceau, Lettre sur V histoire des Flagellants; Paris, 1700, in-12.
— Fôrstmann, Die christlichen Geisslergeselschaften ;
Halle, 1828, in-8. — Stumpff, Historia Flagellantium, prse-
cipue in Thuringia ; Halle, 1835. in-8. — Fr. Close iner,
Strassburger Kroniken ; Leipzig, 1870. — Leroux de Lincy,
Recueil de chants historiques français ; Paris, 1841, t. I,
p. 237. — Heller, Vincenz Ferrer, nach seinen Leben und
Werken; Berlin, 1830, in-8.— Hohental-Stâdeln, De Viu-
centio Ferrerio; Leipzig, 1839, in-4.
FLAGELLUM (Physiol.) (V. Cil).
FLAGEOLET. I. Botanique (V. Haricot).
II. Musique. — Instrument à vent qui n'est autre
que l'ancienne flûte droite ou flûte à bec. Les dispositions
essentielles du flageolet ou flûte à bec sont indiquées à
l'art. Flûte, ainsi que la manière dont les vibrations se
produisent. Il suffit d'ajouter que le flageolet, sous la forme
la plus simple, comporte six trous, et le tube, légèrement
conique, est en métal; le bloc antérieur, en bois, est quel-
quefois muni d'une chambre supplémentaire où un morceau
d'épongé doit retenir l'humidité du souffle. Le flageolet
français est habituellement muni de clefs. — Burney attri-
bue l'invention du flageolet à un Français, le « sieur »
Juvigny, qui aurait joué, en 1581, dans le fameux Ballet
comique de la Roy ne. Le flageolet double fut imaginé,
vers 4800, par un nommé Bainbridge : il se compose de
deux flageolets accolés ; l'un porte huit trous, sept en avant,
un en arrière; l'autre n'en a que quatre, tous en avant; le
premier se joue de la main gauche, le second de la main
droite (cet instrument n'a d'ailleurs joué aucun rôle sérieux
en musique). L'échelle normale du flageolet est de deux
octaves, augmentées d'une tierce mineure à partir du sol
qui se retrouve sur la deuxième ligne de la portée, en clef
de sol. A. Ernst.
FLAGEY. Corn, du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Amancey; 175 hab.
FLAGEY. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. de Longeau; 201 hab.
FLAGEY-lès-àuxonne. Corn, du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Dijon, cant. d'Auxonne; 498 hab.
FLAGEY-lès-Gilly. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr.
de Beaune, cant. de Nuits ; 273 hab.
FLAGEY-Rigney. Corn, du dép. du Doubs, arr. de
Besançon, cant. de Marchaux ; 90 hab.
FLAGG (Edmund), romancier et journaliste américain,
né à Wicasset (Missouri) le 24 nov. 1815. Elevé pour le
barreau, il exerça la profession d'avocat dans plusieurs
villes des Etats-Unis et remplit les fonctions de secrétaire
du ministre des Etats-Unis à Berlin (1848) et de consul à
Venise (1850). Il dirigea successivement le Bulletin com-
mercial de Saint- Louis (1838), la Literary News Letter
de Louisville, avec George D. Prentice (1838-39), la Ga-
zette du soir de Saint-Louis (1844-45) et d'autres jour-
naux. On a de lui des impressions de voyages : The Far
West (New York, 1838, 2 vol.), beaucoup de romans et
quelques œuvres dramatiques. Son ouvrage sur Venise :
Venice, the City of the Sea (New York, 1853, 2 vol.),
mérite d'être distingué dans la foule de ses productions.
FLAGG (George- Whiting), peintre américain contempo-
rain, né à New Haven (Gonnecticut) le 26 juin 1816. Tout
jeune, il fit le portrait de l'évêque anglican de Boston et se
rendit ensuite à Washington, chez Allston, qui lui enseigna
les procédés de son art ; ce fut sous la direction de ce maître
qu'il peignit : Enfants écoutant une histoire de reve-
nants, et Jacob et Rachel à la fontaine. Ensuite il pei-
gnit le Petit Montreur de souris, un de ses meilleurs
tableaux, plein d'humour et de grâce. Il visita l'Europe, et
spécialement l'Italie, où il résida trois ans ; ce fut pendant
ce voyage qu'il exécuta son tableau V OEuf de Christophe
Colomb, œuvre d'un dessin correct et élégant, d'un coloris
harmonieux. Il est membre de l'Académie nationale de son
pays depuis 1851. Ad. T.
FLAGNAC. Corn, du dép. de l'Aveyron, arr. de Ville-
franche-de-Rouergue, cant. de Decazeville; 1,146 hab.
FLAGRANT délit (V. Délit).
FLAGY. Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr. de Vesoul,
cant. de Port-sur-Saône; 265 hab.
FLAGY. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Ma-
çon, cant. de Cluny ; 347 hab.
FLAGY. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Fontainebleau, cant. de Lorrez-le-Bocage ; 385 hab.
FLAHAUT (Léon-Charles), peintre français contempo-
rain, né à Paris en 1831 . Elève de L. Fleûry et de Corot, cet
artiste se consacra exclusivement au paysage et débuta au
Salon de 1857 avec une vue des Environs de Port-Royal;
ce tableau, ainsi que ceux qu'il exposa immédiatement après,
dénote de sérieuses qualités, mais l'on n'y voit pas encore
de personnalité bien nettement accusée. C'est seulement
une dizaine d'années après que M. Flahaut fut en pleine
possession de son talent simple et grandiose, épris des vastes
horizons, des perspectives aériennes savamment dégradées,
des profondeurs de bois mystérieuses. Citons parmi lesplus
remarquables de ces toiles : V Etang d'or, Forêt de Ram-
bouillet (S. 1867) ; Souvenir des côtes de Normandie
(S. 1869) ; Marée montante, à Puys, Seine-Inférieure
(S. 1876) ; V Etang de la Reculée, près Montbouy, Loi-
ret (S. 1889), dernière exposition de l'artiste. Ad. T.
FLAHAUT de La Billarderie. Famille originaire de
Picardie. Ses membres les plus marquants ont été: Charles-
César, marquis de La Billarderie, seigneur de Saint-Remy
et d'Eau, né en 1668. mort à Wissembourg le 23 mai
1742. Entré dans l'armée en 1684, il fit toutes les cam-
pagnes d'Allemagne, de Flandre et du Rhin. Il fut créé
lieutenant général le 20 févr. 4 734. — Jérôme-François,
frère du précédent, né en 1672, mort le 27 avr. 1761,
entra aussi dans l'armée en 1684. Il servit en Flandre, fut
blessé àMalplaquet (1709) et fut créé lieutenant général le
1er août 1734. Il avait suivi le roi dans toutes ses cam-
pagnes, depuis 1744 jusqu'à 1748. — Le chevalier de Fla-
haut, fils de Charles-César, maréchal de camp en 1767,
avait été nommé gouverneur de Saint- Venant en 1761. —
N. de Flahaut, chevalier de La Billarderie, frère du précé-
dent, servit dans les gardes du corps. Maréchal de camp, il
devint intendant du jardin du roi jusqu'en 1792. Il avait
succédé à Buffon. Il fut décapité à Arras en 1793. — De son
mariage avec Adèle Filleul, devenue depuis la baronne de
Souza (V. ce nom), il eut le comte Auguste-Charles-
Joseph, général et homme d'Etat français, né à Paris le
21 avr. 1785, mort le 1er sept. 1870. Il émigra avec sa
mère, sous la Révolution, et ne revint en France qu'en
1798. Ayant pris du service dans un corps de volontaires
à cheval qui accompagnait Bonaparte en Italie, il reçut le
baptême du feu à Marengo (1800), et sa nomination de
sous-lieutenant suivit de près cette victoire. Il conquit en-
suite tous ses grades sur le champ de bataille. Wagram
le fit colonel. En Russie (1812), il se distingua au combat
de Mohilev où il fut cité pour sa belle conduite. Promu
général de brigade le 22 févr. 1813, et aide de camp de
l'empereur, il devint général de division le 8 oct. suivant.
FLAHAUT — FLAMANT
— 554
Aux sanglantes journées de Leipzig et de Hanau, il donna
de nouvelles preuves de sa bravoure. Chargé le 23 févr.
1814 par Napoléon de traiter avec les alliés d'une sus-
pension d'armes, Flahaut ne put réussir dans sa mission.
Après l'abdication de F empereur, il fit sa soumission au
gouvernement provisoire, mais, dès que Bonaparte eut re-
mis le pied sur la terre de France, il reprit auprès de lui
ses fonctions d'aide de camp. Envoyé à Vienne pour requé-
rir le renvoi en France de Marie-Louise, il échoua, ayant
été arrêté à Stuttgart. Flahaut combattit à "Waterloo,
puis, de retour à Paris, appuya énergiquement le projet
de Lucien Bonaparte de proclamer Napoléon II. En An-
gleterre, sous la Restauration, il épousa, en 4819, la fille
de lord Keith et ne rentra en France qu'en 1827. Nommé
pair en 1830 et ministre plénipotentiaire à Berlin en 1831,
il accompagna, l'année suivante, le duc d'Orléans au siège
d'Anvers. Ambassadeur en Angleterre en 1842, il conserva
ses fonctions jusqu'en 1848. Partisan ducoupd'Etat (1851)
Flahaut fut nommé sénateur de l'Empire en 1853, puis
grand chancelier de la Légion d'honneur (1864), poste
qu'il occupa jusqu'à sa mort.
FLAHERTY (V.O'Flaherty).
FLAIGNES-les-Oliviers. Corn, du dép. des Ardennes,
arr. de Rocroi, cant. de Rumigny; 252 hab.
FL AIN VAL Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et cant. de Lunéville ; 152 hab.
FLAMAND (V: Flandre et Pays-Bas).
FLAMAND (Le Petit) (V. Everardi [Angelo]).
FLAMAND (François), sculpteur flamand (V. Duquesnoy).
FLAMANDE (Race) (V. Race).
FLAMANGRIE (La). Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de
Vervins, cant. de La Capelle; 1,504 hab.
FLAMANT (Ornith.). Les Flamants ont été tour à tour
rangés parmi les Echassiers et parmi les Palmipèdes (V. ces
mots) , jusqu'au jour où quelques ornithologistes se sont
décidés à les placer dans un groupe aberrant (Phénicoptéri-
dés). En effet, si les Flamants se rattachent aux Echassiers
par la longueur de leurs pattes, par leur structure et par
leurs allures, on ne peut nier que ces oiseaux, dans la confor-
mation de leur bec, garni de lamelles sur le bord des man-
dibules, et dans la disposition de leurs doigts, réunis par
des membranes, offrent certaines analogies avec les Canards.
Leur bec toutefois est d'une forme toute particulière : il est
comme brisé au milieu, les deux mandibules s'infléchissant
brusquement et, grâce à cette disposition, il peut être em-
ployé comme une épuisette que l'oiseau promène dans l'eau
pour recueillir les vers et les mollusques dont il fait sa nour-
riture. Tout en marchant dans les eaux peu profondes, dans
les lagunes ou près de la rive des fleuves, les Flamants
étendent le cou et ramassent avec leur mandibule supérieure
les proies à leur convenance qu'ils emprisonnent en rap-
prochant leur mandibule inférieure. Leur cou grêle, dont
la longueur est en rapport avec la hauteur de leurs pattes,
fait paraître leur tète plus grosse qu'elle ne l'est en réalité,
et présente une telle flexibilité qu'il peut être recourbé
plusieurs fois sur lui-même quand l'oiseau est au repos.
Leur corps, de forme ovoïde, semble porté sur des échasses
et se termine en arrière par une queue très courte, et leurs
ailes, de longueur moyenne, offrent généralement à leur
surface une coloration d'un rose vif ou d'un rouge ver-
millon qui contraste avec la coloration noire des rémiges.
Les Flamants vivent de préférence dans les lagunes voi-
sines de la mer et y forment souvent de nombreuses colo-
nies. Ils y établissent leurs nids qui consistent chacun en
un tumulus conique, tronqué au sommet et présentant en
dessus une excavation destinée à recevoir les œufs. Ces
monticules dont la base baigne d'abord dans l'eau, mais
qui plus tard se trouvent complètement à sec, sont édifiés
avec de la boue que les Flamants ont empruntée au
fond des marais ; ils ne mesurent en général que 40
à 50 centim. de haut, de telle sorte que l'oiseau, pour
couver, est obligé de se tenir accroupi, les pattes re-
pliées, la tête reposant sur la poitrine. Les œufs, au
nombre de deux du trois par nid, sont d'un blanc pur, à
surface crayeuse ; ils sont couvés pendant un mois et, par
suite de cette incubation prolongée, les jeunes ne naissent
d'ordinaire que pendant la saison sèche, alors que Jes ma-
rais salants sont transformés en une plaine aride. Les
jeunes ne prennent, dit-on, que dans le cours de la troi-
sième année la livrée brillante des adultes ; jusque-là ils
portent un costume blanc et gris avec des mouchetures sur
les ailes.
Il n'y a pas longtemps que l'on possède des renseigne-
ments précis sur la nidification et le mode d'incubation des
Flamants, car la défiance naturelle de ces oiseaux et la
situation dans laquelle sont placées leurs colonies rend les
observations particulièrement difficiles. Même en temps
ordinaire les Flamants ne se laissent pas facileihent
approcher ; ils ne pèchent que dans des endroits décou-
verts, où ils peuvent de loin voir venir l'ennemi. Aussitôt
qu'une apparition fortuite excite leur frayeur, ils prennent
leur essor et s'éloignent rapidement, rangés en file ou
groupés en triangle. En volant^ ils battent l'air de coups
d'aile précipités et tiennent les pattes et le cou tendu, ce
qui leur donne une physionomie bizarre. Plus étranges
encore sont leurs attitudes au repos, lorsqu'ils sont posés
sur une patte, le cou replié et noué pour ainsi dire, ou
recourbé en S. Ils ont une démarche lente, irrégulière et un
peu vacillante, mais ils courent avec une assez grande rapi-
dité et peuvent aussi, quand l'eau est assez profonde, nager
à la façon des Palmipèdes. Leur nourriture consiste essen-
tiellement en mollusques, en vers, en crustacés, en petits
poissons, et dans les jardins zoologiques, où l'on conserve
en captivité quelques-uns de ces magnifiques oiseaux, on
a reconnu depuis longtemps la nécessité de leur donner
non seulement du riz, du pain ou du blé trempé dans
l'eau, mais un peu de viande pour les conserver en bonne
santé.
Le genre Phœnicopterus, qui, durant la période tertiaire,
était déjà représenté sur notre sol par une espèce décrite
sous le nom de Phœnicopterus Croizeti, n'est pas devenu
Phœnicopterus ruber L.
complètement étranger à l'Europe, puisqu'on trouve encore
des Flamants en Espagne et même dans la France méri-
dionale, principalement sur les bords de l'étang de Vaccarès.
;— 555 —
FLAMANT — FLAMBAGE
Ces oiseaux appartiennent à une espèce déjà bien connue
des anciens et qui se trouve, pour ce motif, désignée dans
les catalogues ornithologiques sous le nom de Phœnicop-
terus antiquorum (Tem.). Ils ont, à l'âge adulte, le
plumage d'un beau rose, passant au rouge vif sur les ailes
Tête de flamant.
dont l'extrémité est noire. Leurs pieds sont d'une teinte
carminée, leurs yeux jaunes et leur bec rouge avec la
pointe noire. Ce sont des Flamants de cette espèce que
les Romains de la période impériale faisaient figurer
comme rôtis sur leurs tables et dont ils employaient la
langue pour confectionner des plats étranges.
Les Flamants de l'Inde et de l'Afrique orientale ne
peuvent pas être séparés spécifiquement de ceux de l'Eu-
rope méridionale ; mais ceux de l'Afrique occidentale, du
cap de Bonne-Espérance, des Antilles, du Pérou, du
Chili, etc., appartiennent à des espèces distinctes, les unes
à manteau d'un rouge encore plus intense, les autres de
taille plus faible (Ph. erythrœus Verr., Ph. minor,
GeoflL, Ph. ruber L., Ph. ignipalliatus Geoff. etd'Orb.,
Ph. andinus Phil., etc.). E. Oustalet.
Bibl. : J. Gould, Birds of Europa, 1838, pi. 287. — G.-R.
Gray, Notes on the Bills of the Species of Flamingos,
Ibis, 1869, p. 438 et pi. 14 et 15. — M.-A. Chapman, Rough
Notes on Spanish Ornithology , Ibis, 1884, p. 87.
FLAMANT (Pierre-René), accoucheur français, né en
4762, mort à Strasbourg le 7 juil. 4833. Il débuta dans
l'enseignement à vingt-quatre ans et en 4795 devint pro-
fesseur titulaire d'accouchements à l'Ecole de médecine de
Strasbourg, puis fonda une clinique obstétricale, la pre-
mière de ce genre établie en France, et Strasbourg devança,
par cette création, Paris de quarante ans. L'enseignement
de Flamant eut un immense succès. Il fut de plus nommé,
en 4799, professeur de clinique chirurgicale. Les excel-
lents écrits de Flamant consistent en monographies et en
articles publiés dans les journaux, les dictionnaires ; ses
idées et ses leçons ont été recueillies et développées dans plu-
sieurs thèses de l'époque. Dr L. Hn.
FLAMANT (Alfred-Aimé), ingénieur français, né à
Noyai (Aisne) le 34 oct. 4839. Il appartient au corps
des ponts et chaussées, où il a marqué par l'exécution de
grands travaux (canal de Roubaix et autres canaux du
Nord, port de Nice, etc.), par la rédaction d'un projet
considérable (canal du Nord), relatif au doublement de
la grande voie navigable du nord de la France, en vue
de desservir le bassin houiller du Pas-de-Calais, projet
non encore exécuté, mais qui le sera tôt ou tard. —
Enfin M. Flamant est l'un des ingénieurs les plus connus
par ses publications : traduction (avec Barré de Saint-
Venant) du grand ouvrage de Clesbsch sur la Théorie
de V élasticité des corps solides; grand nombre de mé-
moires dans les Annales des Ponts et Chaussées ; Sta-
bilité des constructions et résistance des matériaux,
dans V Encyclopédie des travaux publics (4886); Méca-
nique générale, dans la même collection (4888); Hy-
draulique (1894). Ces trois ouvrages sont en grande
partie le développement de cours professés par M. Fla-
mant : le premier et le troisième à l'Ecole des ponts et
chaussées, le second à l'Ecole centrale des arts et manu-
factures. — M. Flamant est un des collaborateurs de la
Grande Encyclopédie. — Les ouvrages de M. Flamant
sont d'une parfaite clarté, et les sujets sont traités avec
cette sûreté qui distingue les écrivains dont la science
dépasse de beaucoup ce qu'ils donnent dans leurs œuvres
de vulgarisation.
FLAMANVILLE. Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Cherbourg, cant. des Pieux, près de hautes et pittoresques
falaises dominant la Manche ; 4,488 hab. Beau château,
construit par Hervé de Bazan de 4654 à 46160 sur les ruines
d'un ancien château féodal ; parc immense à l'une des extré-
mités duquel s'élève un pavillon dit de J.-J. Rousseau parce
que le marquis de Flamanville l'avait fait construire en 4778
pour Jean-Jacques. Eglise du xvne siècle, où se trouve une
riche châsse moderne contenant les reliques de sainte Répa-
rate. Le point culminant des falaises est connu sous le nom
de Gros-Nez de Flamanville. Le Trou Balijan est une
curieuse caverne de près de 400 m. de profondeur, creusée
sous les falaises. Dolmen (mon. hist.) de la Pierre-au-Roy,
près duquel s'élève un mât de signaux. — Mines de fer de
Diélette (V. ce mot).
FLAMANVILLE. Corn, du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. d'Yvetot, cant. d'Yerville ; 354 hab.
FLAMARENS. Corn, du dép. du Gers, arr. de Lectoure,
cant. de Miradoux ; 394 hab.
FLAMBAGE (Techn.). Le flambage est une opération
destinée à enlever aux étoffes, au moyen d'une combustion
rapide, les brins de fil ou de duvet qui se trouvent à leur
surface. C'est à Rouen, vers 4840, qu'on a appliqué pour
la première fois le flambage aux tissus ; on s'aperçut alors
que l'impression sur calicot était beaucoup plus parfaite
lorsqu'une partie du duvet de l'étoffe était enlevée, et on
imagina de faire passer celle-ci sur un cylindre de fonte
rougi à blanc qu'on tournait constamment. Cette opération
fut adoptée plus tard, en 4845, par les imprimeurs d'Al-
sace qui substituèrent au cylindre une plaque de fonte
convexe, puis, en 4820,<par les teinturiers d'Amiens, pour
leurs velours de coton et leurs tissus de laine; enfin,
en 4840, par les teinturiers de Paris, pour les tissus de
laine. A cette époque, M. Molard eut l'idée de flamber
l'étoffe au moyen de la flamme du gaz. Cette idée ne fut
mise à exécution qu'en 4847, par un Anglais, Samuel Hall,
qui construisit alors une machine adoptée pour les toiles
et les calicots. En 4826, M. Descroizilles fils imagina le
flambage à l'alcool enflammé. En 4860, M. Coke, à Man-
chester, inventa une nouvelle manière de flamber, au
moyen d'un mélange de gaz et d'air atmosphérique. Cette
machine modifiée par M. Tulpin eut, en France, un grand
succès. M. Blanche, manufacturier à Puteaux, installa,
en 4873, un appareil aujourd'hui généralement employé
en France et en Allemagne et qui est basé sur le principe
du chalumeau, un courant d'air forcé produisant la com-
bustion du gaz. En règle générale, le flambage du tissu
donne plus d'affinité pour la teinture, les nuances sont plus
nourries et la matière colorante pénètre mieux dans la fibre.
On trouvera décrites plusieurs méthodes pour le flam-
bage (V. Blanchiment, t. VI, p. 4024) ; nous ajouterons
quelques détails complétant la description d'appareils nou-
veaux. Les machines les plus employées pour flamber au
gaz ou plutôt avec un mélange de gaz et d'air atmosphérique
sont celles de M. Tulpin et de M. Blanche. Les premières
grilleuses, d!origine anglaise, présentèrent des inconvénients
qui les ont fait abandonner; le tissu passant sur la flamme
arrêtait la combustion, comme le fait la toile métallique
dans la lampe Davy : il en résultait une grande perte de
gaz non brûlé, des dépôts de noir de fumée sur les étoffes
soumises à l'opération, et une mauvaise odeur difficile à
enlever. Tulpin, de Rouen, a évité ces difficultés ; la pièce
FLAMBAGE — FLAMBARD
556 —
touche la flamme tangentiellement sur ses deux faces, en
laissant le sommet tout à fait libre. Le tissu est guidé par
des rouleaux en cuivre ; il y a ainsi deux contacts sur une
seule rampe de gaz ; mais comme la pièce d'étoffe forme
une chambre au-dessus de la flamme, on est obligé d'en-
lever les produits de la combustion qui s'accumulent dans
cette sorte de couloir, à l'aide d'un ventilateur aspirant.
11 faut deux rampes semblables dans la machine pour
avoir un flambage suffisant. Comme la consommation de
gaz était considérable et la combustion encore incomplète,
Tulpin a ajouté un petit ventilateur supplémentaire qui
envoie de l'air dans le tuyau du gaz et forme un mélange
plus facile à brûler. La machine Tulpin a eu beaucoup de
succès, mais elle présente divers inconvénients : grande
dépense de gaz dont on n'utilise qu'une partie; l'ouvrier
ne voit que l'envers de la pièce ; il ne peut donc pas cor-
riger les irrégularités du flambage; la grillure ou laine
brûlée bouche souvent les becs d'introduction du gaz ; il
en résulte des lacunes dans la flamme et, par suite, des
rayures sur la pièce. La machine Blanche est basée sur le
principe du chalumeau. L'air arrive avec une pression
de 40 à 50 centim. d'eau par un tube effilé ; le tuyau de
gaz est placé au-dessous. Ces deux tubes sont enfermés
dans un manchon de 2 centim. de longueur et aplati au
sommet comme un bec de clarinette. Le jet d'air fait appel
au gaz, se mélange avec lui et vient brûler au sommet du
manchon. Des robinets règlent la proportion d'air et de
gaz. La combustion est d'autant plus vive que la pression
d'air est plus grande; la flamme bleuâtre, très courte,
vient frapper la pièce qui est guidée par un rouleau de
cuivre. La combustion est complète ; il n'y a ni odeur, ni
dépôt de noir de fumée, et l'ouvrier voit la pièce se dérouler
à l'endroit. Une pompe refoule l'air dans un réservoir
muni d'une soupape qui règle la pression; la rampe est
formée, suivant la largeur des tissus, d'une série de tubes
semblables fixés sur un châssis en fer qui est mobile sur
son arc. On a remplacé, dans quelques machines, la série
des tubes par un gros tuyau horizontal fendu dans sa lon-
gueur ; mais ce n'est qu'un changement de position ; le
principe est le même : un courant d'air forcé qui fait appel
au gaz, comme dans le chalumeau de laboratoire.
Flambage des bois (V. Bois, t. VII, p. 423).
Flambage des roches. — Les anciens faisaient un grand
usage dans les travaux de mines de l'action du feu pour
le flambage des roches. En effet, les roches les plus dures,
brusquement chauffées, se dilatent et se fendent en perdant
l'eau dont elles sont pénétrées. Quelques-unes sont même
altérées dans leur composition, et, si l'on projette ensuite
de l'eau sur la roche incandescente, elle se contracte
subitement et se fissure à une profondeur plus ou moins
grande. Dans cet état, les roches les plus résistantes
peuvent être attaquées par des pointerolles que l'on engage
dans toutes les fissures. On peut abattre ainsi la partie
altérée et, lorsque la roche même est de nouveau mise à nu,
on renouvelle l'application du feu. Dans les mines du Hartz,
on employait pour le travail régulier par le feu des bûchers
dressés le long de la paroi ; on les allumait le samedi soir
au moment de la sortie des hommes. On a fait usage aussi
d'une caisse rectangulaire en tôle ayant la largeur de la
galerie de mine et à section conique ; de telle sorte que la
longueur étant d'environ lm60, l'ouverture présentée à la
paroi qu'on voulait attaquer avait 0m40 de hauteur et
l'ouverture opposée seulement 0m25. Le fond de la caisse
étant disposé en forme de grille, il résulte de cette dispo-
sition que le feu allumé dans la caisse et entretenu par la
petite ouverture bourrée de combustible s'échappe par la
plus grande en léchant les parois du rocher contre lequel
on le dirige. Cette méthode de travail ne peut être appliquée
que dans les mines dont l'aérage est vif et facile ; la difficulté
de se débarrasser des produits de la combustion opposerait
une impossibilité presque générale pour l'emploi de ce
procédé dans les mines profondes. L'appareil Hugon qui a
été employé à la mine de Challanches (Oisans) consiste
en un fourneau mobile sur rails et alimenté par un polit
ventilateur, de manière à pouvoir concentrer une action
calorifique intense sur un point donné. L. Knab.
FLAMBANT (Blas.). Les pièces, particulièrement les
pals ondes et aiguisés en forme de flammes, sont dits
flambants, ainsi que les croix et sautoirs.
FLAMBARD. On donne le nom as flambard aux graisses
que les charcutiers 'recueillent à la surface de l'eau lors-
qu'ils font cuire leurs viandes. Ces graisses sont réunies
et fondues en masse pour les débarrasser de l'eau qu'elles
peuvent contenir. Elles renferment généralement une peti'o
quantité de sel marin et possèdent une odeur particulière
due aux aromates ajoutés aux viandes pendant leur cuisson.
Le flambard est grisâtre, terne ; il fond entre 26 et 27°
et a pour densité 0,940. Il est vendu aux savonniers pour
la fabrication des savons communs très bon marché qui
sont employés pour le dégraissage des laines, draps,
toiles, etc. Ch. Girard.
FLAMBARD (Ranulf), évêque de Durham, mort en 1128,
premier ministre de Guillaume le Roux. Un certain Ranulf
Flambard (ou Flamard) est mentionné dans le Domesday
Book comme propriétaire de divers domaines en Surrey,
dans l'Oxfordshire et le Hampshire. Orderic Vital dit que
le futur évêque était de basse extraction et fils de Turstin
de Bayeux. Peut-être fut-il l'un des clercs de la cour de
Guillaume le Conquérant, où un clerc nommé «Ranulf» est
signalé par les chroniqueurs comme ayant exercé quelque
autorité ; d'après une autre version, il aurait commencé sa
carrière au service de Maurice, évêque de Londres (1085-
4107), qu'il n'aurait quitté que pour s'attacher à Guil-
laume IL En tout cas, c'est après l'avènement de Guillaume
le Roux que sa fortune grandit : il fut sûrement l'inspi-
rateur de la violente politique anticléricale du nouveau
règne. Il ne semble pas qu'il ait occupé une position offi-
cielle (chancelier, justiciarius) , mais le « chapelain du
roi, Ranulf » posséda sûrement tous les pouvoirs attribués
plus tard aux « justiciers » des rois normands du xne siècle.
Il se rendit surtout nécessaire comme financier, comme
pourvoyeur de ce prince dépensier que fut Guillaume II ;
à cet effet, il maintint dans toute leur vigueur les disposi-
tions fiscales du Domesday Book et osa laisser vacants une
foule d'évèchés et d'abbayes, dont les fruits furent versés
au trésor royal : c'est ainsi que l'archevêché de Canter-
bury resta vacant du 28 mai 1089 au 20 sept. 1093.
Ces procédés, d'une fiscalité avide et sévère, valurent au
favori une très grande impopularité, notamment parmi les
moines qui tenaient alors la plume de l'histoire. Florence
de Worcester et Guillaume de Malmesbury ne tarissent
pas de légendes malveillantes sur son compte. « Toute jus-
tice disparaît en son temps, dit Florence ; l'argent fut
roi. »Le 29 mai 1099, Flambard fut nommé par Guil-
laume le Roux évêque de Durham ; mais son protecteur
mourut assassiné le 2 août 1100, et le nouveau roi Henri Ier,
qui avait contre lui des dissentiments privés et politiques,
envoya le nouvel évêque de Durham à la tour de Londres.
Celui-ci, toutefois, assez doucement traité, réussit à
s'échapper. On devine de quel poids est dans toute cette
histoire de l'ennemi légendaire des privilèges du clergé le
témoignage des chroniqueurs en lisant dans Orderic Vital,
dans Florence, dans Henry de Huntingdon, etc., que l'exilé
s'embarqua avec sa mère (sorcière qui avait perdu un œil
à la suite de ses relations avec le diable), sur des vaisseaux
chargés de leurs trésors, mais que les incantations de la
mère ne suffirent pas à enchaîner la tempête qui fit som-
brer l'un des navires sur les côtes de Normandie. Flam-
bard fut très bien reçu à la cour de Robert de Normandie
et semble avoir été son conseiller durant la lutte de ce
prince contre Henri Beau Clerc, jusqu'à la désastreuse ba-
taille de Tinchebray (28 sept. 1106). Après Tinchebray,
il réussit d'ailleurs à faire sa paix avec le vainqueur qui
lui pardonna solennellement à Lisieux, lui restitua Je siège
de Durham et lui permit même de conserver l'administra-
tion de l'évêché de Lisieux qu'il avait fait donner jadis par
— 557 —
FLAMBARD — FLAMBEAU
le duc Robert, successivement, à deux de ses fils mineurs.
La dernière partie de la vie de Flambard fut paisible et
consacrée à des travaux artistiques. Grand constructeur, il
fit terminer la cathédrale de Durham, commencée par son
prédécesseur, releva les murailles de la ville, jeta un pont
de pierre sur la Wear et bâtit le château de Norham sur
la Tweed, avant-garde du côté de l'Ecosse. Ses contempo-
rains reconnaissent qu'il était de belle prestance, généreux
et libéral. Sa famille était nombreuse : on lui connaît au
moins quatre fils, autant de neveux et peut-être un frère.
Les historiens modernes sont d'accord pour reconnaître
que l'influence de Flambard sur la constitution anglaise a
été grande : il a été l'un des principaux instruments de
l'absolutisme de Guillaume le Roux ; il a contribué à trans-
former le vieil heriot anglo-saxon en droit de relief féo-
dal ; il a assimilé les tenures ecclésiastiques aux tenures
laïques en ce qui touchait la perception de ce relief. Il a
féodalisê et fortifié en même temps par sa politique fiscale
la monarchie anglo-normande. Ch.-V. L.
FLAMBE (V. Iris).
FLAMBEAU. I. Archéologie.— -Le flambeau est l'objet
mobilier qui porte la cire, la chandelle ou la bougie, desti-
nées à l'éclairage intérieur des habitations. Dans le principe,
le flambeau était la grosse torche même, de cire ou de résine,
tenue à la main par les varlets, aussi bien dans les rues que
dans les vastes salles des châteaux. Quand la torche vint à
diminuer de volume, on la posa dans une douille fixée sur
les chandeliers, à la place
de la pointe (V. Chande-
lier). De cette transforma-
tion vint le nom de chande-
lier à flambeau, puis, par
abréviation, de flambeau. La
distinction, par ce fait même,
se trouve donc très nette-
ment établie entre le chan-
delier et le flambeau qui est
un chandelier à douille ,
tandis que le premier reste
à pointe. Il remplace le tor-
sier, la torchère, dans
lesquels on mettait les tor-
ches, lorsqu'elles devaient
brûler longtemps à la
même place. Le flambeau
fut toujours d'usage presque
essentiellement civil, tandis
que le chandelier à pointe,
remontant à une haute anti-
quité, fut conservé dans le
mobilier ecclésiastique. Dès
le xiie siècle, on trouve de
véritables flambeaux à douil-
les : ils représentent des
animaux, des êtres fantas-
tiques, d'élégants rinceaux,
habilement forgés, mais ils
sont fort rares. Au xive siècle,
lorsque l'usage des flam-
beaux commence à se répandre, ils prennent la forme
d'un acolyte, d'un jeune homme étendant le bras. Comme
la torche de cire n'était pas parfaitement cylindrique,
puisqu'elle était simplement raclée à la main, les douilles
furent faites très souvent à pans, à lobes ou carrées, pour
qu'on pût y introduire plus facilement le cierge, garni à
sa base d'un cornet de parchemin ou de bois léger peint,
tenant lieu de bobèche. Les douilles furent percées d'un
trou pour faciliter le nettoyage et la sortie des restes de
souches non brûlées : le large pied du flambeau fut évidé
autour de la tige pour recueillir la cire qui pouvait couler
et l'empêcher de tomber sur les meubles. Le flambeau por-
tatif avec une queue se nomme bougeoir. Dans la liturgie
catholique, il fait partie de la série des objets qui composent
Serviteur portant un flam-
beau, d'après une estampe
de la Vie de la Vierge,
par Albert Durer.
la chapelle d'un évêque : l'étiquette royale a maintenu jus-
qu'à la fin du xvnr3 siècle le petit flambeau, appelé mestier,
près de la veilleuse de la chambre du roi. F. de Mély.
II. Pyrotechnie. — Artifice d'éclairage employé à
la guerre. Les flambeaux usités en France se composent
d'une enveloppe cylindrique en tissu caoutchouté remplie
de composition Lamarre. Cette composition brûle en pro-
duisant une flamme d'un vif éclat ; elle est formée d'un
corps combustible, la glu de lin, et d'un corps comburant,
le chlorate de potasse ; on y ajoute certains sels pour co-
lorer la flamme : nitrate de baryte pour les feux blancs,
carbonate de strontiane pour les feux rouges, etc. L'une
des extrémités de l'enveloppe est fermée au moyen d'un
bouchon de liège; l'autre porte une amorce composée de
plusieurs brins de mèche d'artifices maintenus par une
ligature. Le flambeau est entouré d'un double cylindre de
papier et l'amorçage est recouvert d'une coiffe. Il existe
deux modèles de flambeaux, désignés par leur diamètre :
celui de 40 millim. et celui de 18 millim ; ils sont à feu
blanc et mesurent 75 centim. de longueur. On se sert éga-
lement de demi-flambeaux blancs et rouges de 18 millim.
de diamètre qui ont 37 centim. 1/2 de longueur.
Fabrication. La composition Lamarre destinée au char-
gement des flambeaux est placée dans un cadre en bois,
puis étendue et tassée au moyen d'un rouleau en acier de
manière à obtenir une galette de 4 ou de 2 centim. d'épais-
seur, suivant que le flambeau doit avoir 40 ou 18 millim. de
diamètre ; dans cette galette on découpe à l'aide d'un emporte-
pièce de petits cylindres d'un diamètre un peu plus faible que
le flambeau. Le chargement se fait à la main au moyen d'une
baguette qui refoule successivement ces petits cylindres
dans l'enveloppe; il peut également s'effectuer à l'aide
d'une machine spéciale. Avec la machine installée à l'Ecole
centrale de pyrotechnie de Bourges, on peut charger un
flambeau de 40 en deux minutes environ.
Emploi. Les flambeaux sont utilisés comme artifices
éclairants, par exemple pour éclairer les troupes dans les
passages difficiles pendant les marches de nuit. Leur flamme
est visible de très loin, on peut également les employer
comme artifices des signaux. Pour allumer un flambeau,
on décoiffe l'amorçage et l'on met le feu aux brins de
mèche avec une allumette ou un corps en ignition ; le flam-
beau doit être tenu incliné à 45° de manière que les gout-
telettes de composition fondue qui s'échappent pendant la
combustion tombent sur le sol. La durée de combustion
est de vingt-cinq minutes pour les flambeaux de 40, de
quinze minutes pour ceux de 18. Le flambeau de 40 est
surtout employé pour éclairer une grande étendue de ter-
rain : un seul flambeau placé à 2 ou 3 m. de hauteur
éclaire suffisamment le campement de deux batteries pen-
dant une prise d'armes ; son pouvoir éclairant équivaut à
26 becs Carcel. Pour éteindre un flambeau, on le saisit
près de la partie enflammée et on frotte celle-ci sur le sol,
ou bien on la plonge dans l'eau. Les flambeaux sont trans-
portés par les voitures de l'artillerie. Ils sont répartis dans
les diverses unités de cette arme conformément au tableau
ci-dessous que nous empruntons à Y Aide-Mémoire de l'of-
ficier d'état-major en campagne, année 1891.
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FLAMBERGE — FLAMEL
558 —
FLAMBERGE (Arm.) C'est, en style d'amateur, une
sorte d'épée, longue et fine, du type des rapières, dont
l'usage se maintint en France et en Allemagne pendant
tout le xviie siècle. Certains appellent cette épée verdun,
ce qui est un terme impropre, car le verdun paraît avoir
été un estoc propre aux gens de pied et que les ordon-
nances de François Ier attribuaient aux francs archers. Les
flamberges se distinguent par leur lame longue et en forme
de carrelet, c.-à-d. en section losangique, à quatre pans,
rarement évidée par des gouttières. La fusée est plus longue
que dans les épées ordinaires ; le pommeau est en forme
d'olive ; la garde se réduit à un simple croisillon et à un
pas d'âne ; il n'existe presque jamais d'arc de jointure. Le
pas d'âne est très réduit, et la coquille, large, est peu pro-
fonde, en forme de soucoupe, parfaitement circulaire, et
ordinairement percée de mille trous qui l'allègent. Toute
la monture est habituellement d'acier noirci ou bleui, la
fusée en torsade habillée de filigrane de fer. La garde
présente cette caractéristique de présenter un écusson
haut, barlong, habillant le ricasso de la lame et remontant
au-dessus du plan des quillons pour s'unir à la fusée,
caractère que présentent les dernières gardes d'acier avant
les épées montées en bronze qui apparurent en Europe à
la seconde moitié du règne de Louis XIV. Certaines gardes
de flamberge ont un double pas d'âne, horizontalement
relevé, et dont les quatre branches se redressent pour
venir se souder au bord de la coquille en quatre points
également distants; les quillons peuvent aussi émettre des
branches horizontales extérieures à la coquille et venant
se greffer sur son bord externe.
Les lames très longues, ne mesurant jamais moins de
1 m. de long sans compter la poignée, sont rigides et très
légères. Il en est qui sont élargies à leur extrémité en spa-
tule très tranchante, disposition fort en vogue chez les
Allemands et qui permettaient les stoccatas ou coups de
pointe fouettés. Quelques lames sont ondulées, comme
flamboyantes; d'autres sont chargées d'encoches sur leurs
plats, ce qui était fait pour que l'adversaire ne pût pas
saisir la lame avec sa main. — Les flamberges furent les
meilleures épées de duel, et les plus terribles à cause de
leur longueur, de leur légèreté et de leur rigidité. C'est à
cette sorte de rapière qu'il faut attribuer l'excessive mor-
talité qui résulta des duels universitaires en Allemagne,
car le port de la flamberge y régna jusqu'au commence-
ment de notre siècle. Le musée d'artillerie de Paris pos-
sède une de ces armes, acquise en Scandinavie, et de
travail allemand du xvne siècle, qui mesure dm47 du
pommeau à la pointe. Malgré cette longueur démesurée,
l'arme est si fine qu'elle pèse moins en main qu'une de
nos modernes épées de combat. Maurice Maindron.
FLAMBOIN. Hameau de la corn, de Gouaix (Seine-et-
Marne). Stat. du chem. de fer de l'Est, point de départ
d'un embranchement reliant la ligne de Mulhouse à celle
de Paris-Lyon, à la station de Montereau.
FLAMBOYANT. I. Architecture (V. Gothique flam-
boyant).
II. Botanique (V. Erythrina).
III. Art héraldique. — Attribut spécial au sanglier et
au lion, dont la gueule semble vomir des flammes.
FLAM E L (Nicolas) , écrivain juré en l'université de Paris,
né dans la première moitié du xiv9 siècle, peut-être à Pon-
toise, mort à Paris le 22 mars 1418. Guillebert de Metz,
auteur d'une Description de Paris écrite vers 1430, nous
vante parmi les merveilles de cette ville « Gobert le sou-
verain escripvain qui composa l'Art oVescripre et de taih
lier plumes » et ses disciples favorisés des princes, Flamel
le jeune (Jean) attaché au duc de Berry et « Flamel l'aisné »
(Nicolas), « escripvain, qui tant faisoit d'aumosnes et hos-
pitalitez, et fist plusieurs maisons où gens de mestier démoli-
raient en bas ; et du loyer qu'ilz paioient, estaient soutenus
povres laboureurs en hault ». Tandis qu'on connaît un
assez grand nombre d'oeuvres de son frère, Jean Flamel,
la signature de Nicolas Flamel ne se rencontre pas.' Il
est possible, comme le suppose M. Vailet de Viriville, que,
chez Flamel, esprit pratique et positif, le désir du gain
ait dominé l'amour du beau, et qu'il se soit livré de pré-
férence à des œuvres d'écriture courante plus ordinaires
et plus lucratives. Vers 1370, il épousa une bourgeoise
de Paris deux fois veuve et assez riche, Pernelle. Après
avoir travaillé, lui et son clerc, dans deux simples
échoppes adossées à Saint- Jacques-la-Boucherie, il en fit
deux petits édifices, puis, en face de la même église, cons-
truisit un hôtel orné en dehors de devises et de sujets peints
ou sculptés.
Cette maison hébergeait, outre le ménage Flamel, une
pension de jeunes gens de bonne famille, auxquels l'écri-
vain juré enseignait les éléments de son art ; il y avait
aussi des écoliers externes. En 1389, c'est aux frais des
Flamel que fut construite une des arcades du charnier des
Saints-Innocents; ils érigèrent aussi le petit portail de
Saint-Jacques-la-Boucherie. Aux deux endroits ils ne négli-
gèrent pas de faire sculpter, dorer et peindre leur image
en pied. Flamel hérita de sa femme en 1397. Très consi-
déré pour son talent et pour sa piété, il vit sa fortune
s'arrondir de plus en plus. Vers 1404, il construit une
seconde arcade au charnier des Innocents. Il contribue à
la réparation et à l'ornement de Sainte-Geneviève-des-
Ardents (en la Cité), de l'hôpital Saint-Gervais (rue de la
Tixeranderie), peut-être aussi Saint-Côme : toujours il a
soin de rappeler aux yeux la figure et la devise du bienfai-
teur. Il acquit des terrains dans la censive du prieuré de
Saint-Martin-des-Champs, et, à la place des masures qui s'y
trouvaient, y fit construire à partir de 1407 des maisons
à la fois de rapport et de charité : ainsi le Grand Pignon
(rue de Montmorency) comprenait un lavoir payant et des
logis gratuits pour les cultivateurs sans ressources: ces
derniers s'acquittaient en disant chaque jour un Pater et
un Ave pour les morts. Flarnel s'était encore fait repré-
senter sur une large frise en façade, entouré de ses proté-
gés : Nous hommes et femmes laboureurs, dit l'ins-
cription, demourans au porche de ceste maison qui fut
faicte en l'an de grâce mil quatre cens et sept, sommes
tenus, chascun en droit soy, dire tous les jours une
patenôtre et un Ave Maria en priant Dieu que de sa
grâce face pardon aus povres pécheurs trespassez.
Amen. Flamel ne cessa de prospérer jusqu'à sa mort,
à une époque de guerres atroces entre Français et An-
glais, Armagnacs et Bourguignons; cela supposait une
grande habileté et quelque génie pour la spéculation. On a
prétendu, sans le prouver, qu'il s'était enrichi des dépouilles
des juifs : il leur emprunta en tout cas quelques-uns de
leurs procédés, prêtant à intérêt ou sur hypothèques, etc.
Il acheta, à l'intérieur de sa paroisse de Saint- Jacques-la-Bou-
cherie, le lieu de sa sépulture et prépara lui-même sa pierre
tumulaire (V. le n° 92 au musée de Cluny). N'ayant pas
d'enfants, il légua presque tous ses biens à Saint-Jacques,
et fit d'autres notables libéralités (1418), par exemple dix-
neuf calices ornés de son chiffre et destinés à autant
d'églises, quatorze fondations perpétuelles en faveur de
quatorze communautés qui chaque année devaient faire dire
chacune une messe basse à la chapelle de Saint-Clément,
fondée et dotée par lui à Saint-Jacques.
Ainsi, durant sa vie comme par son testament, Flamel avait
tout combiné pour ne pas être oublié comme tant d'autres
bourgeois parisiens sans doute aussi riches et aussi bien-
faisants que lui. La crédulité populaire lui fit une légende.
On exagéra énormément sa fortune. On répéta qu'il avait
connu ou même découvert le grand œuvre, c.-à-d. le secret
de faire de For, la pierre phflosophale (V. Alchimie). Des
faussaires lui attribuèrent des écrits hermétiques : il ne
paraît même pas en avoir copié aucun. Dans un recueil
anonyme de 1561, la Ir ans formation métallique, figure
le Sommaire philosophique de Nicolas Flamel. Son nom,
(qui rappelle l'idée de flamme, le principal agent des trans-
formations chimiques), son portrait, celui de sa femme,
son chiffre, ses devises personnelles ou pieuses, son cale-
— 559 -
FLAMEL — FLAMENG
mard (écritoire) figuré sur sa boutique, tout devint dans la
pensée populaire symbole de ce grand art auquel avait été
également attribuée la fortune de Jacques Cœur. C'est seu-
lement en 1758 et 1761 que le savant abbé Vilain, prêtre
de Saint- Jacques-la-Boucherie, fit pièces en mains le compte
de la fortune du prétendu alchimiste et de, ses libéralités.
Il possédait à sa mort 676 livres 5 tournois de rente,
somme équivalente à peu près à ce que seraient aujourd'hui
douze ou quinze mille livres de rente. Avant comme après
cette révélation, on a fait souvent des fouilles à l'emplace-
ment de son hôtel (angle de la rue des Ecrivains et de la
rue Marivaux) dans l'illusion d'y trouver ou son secret ou
ses trésors. H. Monin.
Bibl. : L'abbé Vilain, Essai sur l'histoire de Saint-
Jacques-la-Boucherie (d'après les originaux qui sont main-
tenant aux Arch. nationales, S. 3382, 3384, 3385) ; Paris,
1758, in-12. — Du même, Histoire critique de Nicolas Fia-
mel et de Pernelle sa femme, recueillie d'actes anciens qui
justifient V origine et la médiocrité de leur fortune contre
les imputations des alchimistes ; Paris, 1761, in-12. —
Anonyme, Nicolas Flamel ; Lille, 1854, in-32. — Teste
d'Ouet, Jacquemin Gringonneur et Nicolas Flamel ; Paris,
1855, in-8.
FLAMEL (Jean), secrétaire du duc Jean de Berry, frère
cadet du précédent, mort à la fin de 1417 ou dans les trois
premiers mois de 1418. Il vivait encore en mai 1417 et
il ne semble pas avoir survécu à son frère. Il a mis son
nom sur un certain nombre de manuscrits de la riche col-
lection formée par son maître, au bas des notes dans les-
quelles il en fait connaître l'origine ou en indique seulement
le possesseur. Ces notes remplissent souvent toute la page ;
elles sont écrites avec assez de soin et d'habileté pour jus-
tifier l'éloge que fait de lui Guillebert de Metz dans sa
Description de Paris. M. L. Delisle a donné, dans le
Cabinet des manuscrits (t. I, p. 58), l'indication des
manuscrits dans lesquels on les trouve. Il nous suffira de
renvoyer^ aux mss. français 159, 263, 380, etc., et aux
mss. latins 10483 et 10484 delà Bibliothèque nationale.
F LA NI EN (Albert), peintre et graveur français, né vers
1620, mort après 1664. On le dit natif de Bruges, ce qui
n'est point prouvé, tandis que toutes ses estampes ont été
publiées à Paris. Habile à manier l'eau-forte, il y mêlait
le travail de pointe sèche et de burin, et ses œuvres se
distinguent par la netteté, la légèreté et souvent par un
esprit bien gaulois à la façon de Callot. Il fut, on peut dire,
l'historiographe de son temps par le moyen de l'estampe :
tous les événements importants de la vie politique et reli-
gieuse ont eu en lui un interprète enthousiaste ou mordant.
Il excellait aussi dans la représentation des oiseaux et des
poissons. Son œuvre gravé compte près de 600 pièces.
Comme peintre, il paraît s'être borné au portrait. G. P-i.
Bibl. : Robert-Dumesnil, le Peintre-Graveur français,
t. V, pp. 135-244.
FLAMENG (Guillaume), poète hagiographe français*, né
à Langres vers 1455, chanoine de Langres en 1495, mort
à l'abbaye de Clairvaux en 1540. On lui doit un poème
français intitulé la Vie de saint Bernard (Troyes, s. d.,
in-4).
• Bibl.: Denis, Bibliogr. champenoise, 1870, pp. 167 -et
341. — Petit de Julleyille, Mystères, t. I, pp. 231-240 :
t. II, pp. 43 et 508.
FLAMENG (Léopold), graveur français, né à Bruxelles,
de parents français, le 22 nov. 1831. Il se forma dans
l'atelier de Calamatta, puis, désertant le burin pour abor-
der l'eau-forte, il débuta, à Paris, vers 1853, par des études
d'après nature et des croquis pleins de saveur. Charles
Blanc ayant fondé, en 1859, la Gazette des Beaux- Arts,
l'y attacha d'une façon régulière. Le jeune graveur montra
dès lors, dans les nombreuses planches qu'il exécuta pour
ce recueil , une virtuosité, une souplesse absolument re-
marquables, abordant tous les sujets, traduisant les maîtres
les plus divers, passant des primitifs aux modernes, des
dessinateurs aux coloristes, modifiant sa méthode suivant
le caractère des talents qu'il avait à interpréter, toujours
élégant, alerte, jamais lâché. C'est ainsi qu'on peut citer de
lui durant cette période, parmi ses planches les plus inté-
ressantes : la Mort de la Vierge, d'après Martin Schœn ;
la Charge d'artillerie de la garde, d'après Schreyer ; la
Phryné, d'après Gérôme ; Miss Graham et V Enfant bleu,
d'après Gainsborough, eau-forte très spirituellement tou-
chée; la Source, d'après Ingres, une des estampes les plus
populaires de l'artiste, charmante, très claire ; la Halte,
d'après Meissonier; la Pièce aux cent florins, et la Leçon
d'anatomie, d'après Bembrandt où apparaît avec éclat
l'étonnante faculté d'assimilation de M. L. Flameng. En
dehors des planches qu'il a gravées pour la Gazette des
Beaux-Arts, l'artiste, qui a abordé tous les genres, a pu-
blié : Paris qui s' en va et Paris qui vient (1859), série
de 26 planches; 40 eaux-fortes, pour V Œuvre complet
de Bembrandt, par Charles Blanc (1859), 2 vol. in-8 ;
32 eaux-fortes pour le Théâtre complet de Molière (édi-
tion Jouaust, 1876-1883, 8 vol. in-8); 10 compositions
d'après J.-P. Laurens, pour limitation de Jésus-Christ
(1878, in-8), sans compter d'innombrables illustrations
soit pour des collections d'auteurs classiques, soit pour des
éditions d'ouvrages contemporains, des catalogues de ventes
de tableaux, etc. A l'Exposition universelle de d 878, il
exposa un ensemble de 22 gravures où il se montrait avec
ses qualités multiples; en 1886, la Mort de sainte Ge-
neviève, d'après J.-P. Laurens (grand in-fol.), la plus con-
sidérable des planches du graveur. V. Champier.
FLAMENG (Marie - Auguste) , peintre français, né à
Jouy-aux-Arches, près de Metz, le 17 juil. 1843. Il eut
successivement pour maître MM. Palianti, Vernier, Dubuffe,
Mazerolle, Delaunay etPuvis de Chavannes. Il s'est adonné
exclusivement au paysage, et, après avoir débuté en 1870
par quelques vues de son pays natal, traité avec un vif et
très personnel sentiment de la nature, il s'est fait depuis
1874 un spécialiste des tableaux de marine. Dans ce genre
il n'a cessé d'exposer des toiles où son talent s'est mani-
festé avec une grande variété d'aspect, à la fois vigoureux
et délicat. Mentionnons : Marée basse à Cancale (1874);
Bateau de pêche à Cancale, et Moulin à Malesherbes
(1875); Pêcheuse d'huîtres de la baie du Mont-Saint-
Michel (1876); la Berge de la Seine et Yport (1879);
le Varech, Marée basse dans la Manche et Un Coin de
mer à Saint- Vaast- la- Hougue (1881); Bateau de
pêche à Dieppe (1881), acquis par l'Etat pour le musée
du Luxembourg ; Sortie d'un tr ois-mâts au Havre (1882);
le Bassin Vauban au Havre (1883); Bateau de pêche à
La Bochelle (1884); la Cale des messageries maritimes
à Bordeaux (1885); la Pointe de Ronfleur et la Tamise
à Londres (1886); Sur la grève, à Cancale (1887);
Embarquement d'huîtres à Cancale (1888), la Sortie
des. barques à Trouville (1890) ; la Bade de Bordeaux
aile Bassin de Kattendick à Anvers (1891), etc. V." Ch.
FLAMENG (François), peintre français, fils de Léopold
Flameng (V. ci-dessus), né à Paris le 6 déc. 1856. Il
étudia d'abord la gravure avec son père et M. Hédoin,
puis la peinture avec MM. Cabanel et J.-P. Laurens. Il
débuta au Salon de 1875, avec un tableau, le Lutrin, et
exposa l'année suivante une composition historique, Bar-
berousse visite le tombeau de Charlemagne; en 1877,
le Portrait de son père. Son premier succès date de 1879
où il reçut le prix du Salon pour une scène de la Bévolu
tion, l Appel des Girondins, qui reçut les encourage-
ments de la critique tout en étant très vivement discutée.
« M. Flameng n'est pas encore assez marqué pour aborder
les rôles du grand répertoire, disait M. Paul Mantz ; en choi-
sissant un pareil sujet, en adoptant le format in-folio, il a trop
présumé de ses forces. » Néanmoins, une telle œuvre, en
dépit de ses défauts, indiquait, chez un jeune homme de vingt
ans, de nobles ambitions. L'artiste poursuivit ses études sur
la dévolution et se fit remarquer successivement avec les
Vainqueurs de la Bastille (1881); Camille Desmoulins
(1882); Marie-Antoinette allant au supplice (1885),
où il se montrait d'une façon assez inégale. En même temps
il exposait quelques tableaux de genre, tels que le Duel
(1 883) ; Une Répétition au xvme siècle (i 884) ; les Joueurs
FLAMENG — FLAMINIO
— 560 -
de boules (1885); le Bain (1886), etc. Chargé, à cette
époque, de la décoration de l'escalier de la nouvelle Sor-
bonne, il se mit avec ardeur à cet important travail, dont
il a exposé successivement les sept fragments : Saint Louis
remet à Robert de Sorbon la charte de fondation de
la Sor bonne; Abeilard et son Ecole sur la montagne
Sainte-Geneviève; le Prieur Jean Heynlin installe
dans les caves de la Sorbonne la première imprimerie
qui ait êlé installée en fronce (4887); la Renaissance;
Richelieu pose la première pierre de V église de la Sor-
bonne; Henri IV réforme l'Université (1888); Rollin,
principal du Collège de Beauvaxs, à Paris (1889).
Parmi les œuvres plus récentes du jeune artiste, il faut
citer : la Halte (infanterie de ligne de 1789), et P Armée
française (marche sur Amsterdam, campagne de Hollande
de 1796, Salon de 1890); Baptême dans la Basse-Alsace
(4891), etc. V. Champier.
FLAMENGRIE (La). Corn, du dép. du Nord, arr.
d'Avesnes, cant. de Bavay; 312 hab.
FLAM ETS-Frétils. Corn, du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. et cant. de Neuf chat el-en-Bray ; 358 hab.
FLAM IN E (Antiq. rom.). Le flamine était, dans l'an-
cienne Rome, le prêtre affecté au culte d'une divinité dé-
terminée. Son nom, flamen {filamen), venait, d'après les
anciens, du fil de laine (filum) qu'il devait toujours porter
soit sur son bonnet pointu, apex* soit autour des cheveux ;
on rattache plutôt ce mot au verbe flare, le flamine étant
le prêtre qui « souffle » le feu sur l'autel. A l'époque des
origines, que la tradition fait remonter à Numa, pour
ce sacerdoce comme pour toutes les institutions reli-
gieuses, les flammes étaient au nombre de quinze. L'époque
classique connut surtout trois flamines, les flamines ma-
jores, le flamen Dialis (de Jupiter), le flamen Mar-
tialis (de Mars), le flamen Quirinalis (de Quirinus).
Tous trois étaient nommés par le grand pontife et restaient
toujours dans une étroite dépendance du collège pontifical.
Le premier des trois grands flamines était le flamen
Dialis ; les minutieuses observances qui lui étaient impo-
sées le rendaient l'esclave de ses fonctions sacerdotales. Il
devait être patricien, né d'un mariage par confarréation,
ne jamais sortir de Rome, ne pas monter à cheval, éviter
le contact ou la vue de tout objet impur, suivre exactement
pour son costume, pour la coupe des cheveux et de la
barbe, les prescriptions religieuses, renoncer à toute autre
fonction publique. Les seules compensations qu'on lui ac-
cordait pour cet esclavage assujettissant, c'était de porler
la prétexte, d'avoir un licteur, la chaise curule et un siège
au Sénat. Malgré tout, ce poste était peu envié ; il resta
vacant, à la fin de la République, pendant soixante-quinze
ans.' Les flamines devaient être mariés sous le régime delà
confarréation ; le concours de leurs femmes (flaminica)
était indispensable à leurs fonctions. Aussi le veuvage les
obligeait-il à se démettre de leur ministère.
Des flamines proprement dits, majores ou minores, il
faut distinguer : 1° les flamines des curies, flamines cu-
riales, qui étaient les prêtres des groupes constitutifs de
la cité primitive ; 2° les flamines des diverses corporations
sacerdotales, élus pour un an par chaque corporation, comme
le flamen Arvalis; 3° les flamines consacrés au culte des
empereurs divinisés. Parmi ceux-ci, il y avait trois catégo-
ries de prêtres : les flamines perpetui, nommés proba-
blement par l'empereur et voués au culte particulier d'un
césar (de même les flaminicœ pour le culte des prin-
cesses) ; le flamen Augustalis, qui, dans chaque province,
présidait au culte de Rome et d'Auguste, et le flamen
municipalis ou perpetuus, qui remplissait le même office
à l'intérieur de chaque cité. Ces deux derniers étaient
nommés pour un an ; ils se recrutaient dans les hautes
classes des provinciaux. G. L.-G.
Bibl. : Dessau, De Sodalibus et flaminibus Augustali-
bus, dans VEphem. epigraphica, 1877. — G. Boissier, la
Religion romaine d'Auguste aux Antonins, 1. 1. — Bouché-
Leclercq, Manuel des institutions romaines.
FLAMINGO (Francesco) (Y. Duquesnoy).
FLAM 1 NIA (Famille). Famille plébéienne de Rome. On
l'a rattachée à la famille ou gens Quinctia (V. ce nom) pro-
bablement par une confusion des Flaminii avec les Fla-
minini. Le premier Flaminius connu paraît au me siècle
av. J.-C. On connaît deux surnoms de famille aux Flami-
nii, Chilo et Flamma; mais les principaux s'appelaient
simplement Flaminius et portaient le prénom de Caïus.
T. Flaminius Flamma, dont s'occupe Cicéron dans sa
correspondance (à l'occasion d'une dette garantie par
L. Munatius Plancus), paraît avoir été un simple affranchi
des Flaminii; L. Flaminius Chilo n'est connu que par
ses monnaies et devait être un des quatre surintendants des
monnaies créés par Jules César.
C. Flaminius, tué en 217 au lac Trasimènë, est le
premier célèbre et le plus important de sa famille. Fils
d'un autre C. Flaminius, il fut tribun de la plèbe en 232
av. J.-C. et devint le chef de l'opposition contre le Sénat
et les nobles ; il proposa une loi agraire pour le partage des
territoires conquis sur le Picenum et les Gaulois Senons
(V. Agraires [Lois], t. 1, p. 874). Il fut préteur en 227
et reçut la province de Sicile qu'il administra à la satis-
faction des provinciaux. Consul en 223 avec P. Furius
Philus, il marcha contre les Gaulois ; les consuls venaient
de battre les Insubres sur l'Adda, quand ils apprirent que
le Sénat avait invalidé leur élection sous des prétextes
religieux. Il passa outre et acheva la campagne. Rentré à
Rome, le Sénat le mit en accusation, mais le peuple lui
décerna le triomphe. En 221, il fut maître de la milice du
dictateur M. Minucius Rufus, mais ils durent abdiquer
sur-le-champ à cause d'un fâcheux présage. En 220, Fla-
minius, chef du parti populaire, fut investi de la censure
avec L. iEmilius Papus. Il se signala par la construction
du cirque Flaminius et la via Flaminia, route de Rome à
Ariminum. En 218, il renouvela la haine des nobles contre
lui en_ soutenant la proposition du tribun Q. Claudius qui
interdisait aux sénateurs toute négociation commerciale. Il
fut élu consul pour 217 avec le mandat de combattre An-
nibal. Il se rendit sur-le-champ à l'armée, négligeant d'ob-
server les formalités religieuses de l'entrée en charge (ins-
tallation solennelle au Capitole, célébration des Féeries
latines). Il n'eut que le temps d'amener ses troupes d'Ari-
minum à Arretium pour arrêter la marche d'Annibal. Il
se lança imprudemment à sa poursuite ; la bataille eut lieu
au bord du lac Trasimènë le 23 juin. Flaminius périt avec
la plus grande partie de ses soldats.
C. Flaminius, fils du précédent, fut questeur de Sci—
pion l'Africain en Espagne (210). Edile curule en 196,
les Siciliens, en souvenir de son père, lui fournirent une
grande quantité de blé qu'il distribua à bas prix au peuple.
En 193, il fut préteur, chargé de l'Espagne citérieure où
il eut des succès, prit Litabrum. Consul en 185 et envoyé
en Ligurie, il dompta les Triniates et les Apuans, cons-
truisit une route de Bologne à Arretium, tandis que son
collègue iEmilius Lepidus prolongeait d' Ariminum à Plai-
sance celle du premier Flaminius. Il fut un des fondateurs
delà colonie d'Aquilée (181).
C. Flaminius fut préteur en 6Q et collègue de Cicéron .
Un contemporain homonyme figura parmi les complices de
Catilina.
FLAMINIE. Province de l'Italie ancienne (V. Italie).
FLAMIN1NUS (V. Quinctia [Gens]).
FLAMINIO ou FLAMINIUS (Giovanni- Antonio), littéra-
teur italien, né à Imola, dans la province de Bologne, en
1464, mort à Bologne le 18 mai 1536. Il professa les belles
lettres avec succès en différentes villes, notamment à Ser-
ravalle, à Montagnana, à Bologne. Son véritable nom était
Zarrabinide Cotignola, mais il est exclusivement connu sous
celui de Flaminio, dont il signa ses différents ouvrages!
Il écrivit beaucoup de vers latins, bien moins estimés que
ceux de son fils (V. ci-dessous) ; des traités sur l'éduca-
tion, sur la grammaire, sur la philosophie, Ses Lettres
latines sont assez intéressantes ; le P. Dominique-Joseph
Capponien a donné une bonne édition (Bologne, 1 744 ) . R . G .
— 561 —
FLAMINIO — FLAMME
Bibl. : D.-G. Capponi, Vita J.-A. Flaminii (en têtfe des
Lettres). — G. -A. Burmaldi (Ovidio Montalbani), Miner-
valia Bononiana; Bologne, 1641, in-12.
FLAMINIO (Marco-Antonio), poète italien, fils du précé-
dent, né à Serravalleenl498, mort à Rome le 21 mars 1550.
Il fut protégé par le cardinal Alexandre Farnèse qui le fit
nommer secrétaire du concile de Trente ; mais sa santé ne lui
permit pas de remplir cette importante fonction. Il est consi-
déré comme un des meilleurs poètes latins modernes et sa
réputation fut fort grande aux temps où cette littérature arti-
ficielle était universellement estimée. On a de lui des psaumes
en vers, des épigrammes, des lettres : M.- A. Flaminii
Carminum libri duo. Ejusdem Paraphrasis in triginta
psalmos versibus scripta (Lyon, 1548, in-8). De ses
poésies se trouvent dans Heroicœ Poeseos deliciœ ad
unius Virgilii imitationem. Selegit Ph. Labbe (Paris,
1646, in-16). L'ensemble de ses Carmina, ainsi que ceux
de son père, a été publié à Padoue (1743, in-8). Anne de
Marquets a traduit en vers ses Divines Poésies (Paris,
1568, in-8). On a de lui encore un Compendio délia
volgar gramatica (Bologne, 1521, in-8).
Bibl.: Giosue Carducci, La Poesïa barbaranei secoliXV
e XVI ; Bologne, 1881, in-8.
FLAMINIUS (V. Flaminia) [Gens]).
FLAMM (Albert), peintre de paysage allemand, né à
Cologne en 1823. Dès l'âge de quinze ans, il commença
ses études d'art à l'Académie de Dusseldorf ; après un
voyage en Belgique, il revint à cette Académie, et y prit
pour maître Andréas Achenbach ; enfin, après un voyage
en Italie où il accompagna le fils d' Achenbach, Oswald, il
- atteignit à la plénitude de son talent, intéressant par la
clarté des effets et la chaleur du coloris. Ses œuvres prin-
cipales sont : lin Bois au coucher du soleil (1845); Un
Effet de matin (1856); Une Vue dans Vltalie du Éord
(1850); V Approche de V orage dans la campagne de
Rome (1862); Castel Gandolfo (1867); le Mont Pilate
sur le lac de Lucerne (1868); diverses vues des Environs
de Rome, de la Baie de Naples, de Nerma, dans les mon-
tagnes du pays volsque, de la Via Appia, de Cumes, etc.
Il a exposé en 1 884 la Côte de Sorrente.
Bibl. : W. Mùller, Dusseldorf Kûnstler ; Leipzig, 1854.
— Wiegmann, Die Kunstakademie zu Dusseldorf.
FLAMMARION (Camille), astronome et écrivain français,
né à Montigny-le-Roi (Haute-Marne) le 26 févr. 1842.
Destiné à l'état ecclésiastique, il commença ses études au
petit séminaire de Langres, mais dut les interrompre à
quatorze ans et se mettre en apprentissage chez un graveur
sur métaux. Il fut pourtant reçu à ses deux baccalauréats
dès 1858, entra aussitôt comme élève-astronome k l'Ob-
servatoire de Paris, passa en 1862 au Bureau des longi-
tudes et y resta jusqu'en 1866.11 n'avait que vingt-quatre
ans, mais il avait déjà écrit : la Pluralité des mondes
habités (Paris, 1862, in-18; 36e édit., 1892), les
Mondes imaginaires et les Mondes réels (Paris, 1865,
in-18; 21e éd., 1892), les Merveilles célestes (Paris,
1866, in-18; 7e éd., 1881), s'était vu confier en 1864
la rédaction scientifique du Cosmos et du Magasin pitto-
resque, en 1865 celle du Siècle, et venait d'ouvrir dans
un amphithéâtre de l'école Turgot un cours très fréquenté
d'astronomie populaire. Une modeste aisance lui était assu-
rée ; il renonça aux emplois officiels et travailla pour son
compte personnel dans un petit observatoire installé d'abord
rue Gay-Lussac et transporté après la guerre rue Cas-
sini. En 1867, il inaugura, avec Lissagaray, Sarcey et
Deschanel, les conférences de la salle des Capucines, où
il obtint un grand succès, fut nommé président de la Ligue
de l'enseignement, que venait de fonder Jean Macé, reçut
pareil honneur de la Société aérostatique de France et com-
mença une série de voyages en ballon poursuivis jusqu'en
1873 et ayant pour but principal l'étude de l'état hygro-
métrique de l'atmosphère et de la direction des courants
aériens. Plus récemment, il a fondé V Astronomie (i^l),
revue mensuelle dont il est demeuré directeur, et la Société
astronomique de France (1887), dont il fut le premier
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
président; il a en outre établi à Juvisy-sur-Orge (Seine-
et-Oise), dans la propriété de la Cour de France dont lui a
fait don en 1882 un généreux ami des sciences, M. Méret,
de Bordeaux, un observatoire admirablement situé et très
confortablement aménagé.
M. Camille Flammarion est le plus populaire des nom-
breux vulgarisateurs contemporains ; il est du reste le plus
méritant. Le secret de cette supériorité n'est pas seulement
dans le charme d'un style coloré et abondant ; il réside
aussi dans une réelle compétence. D'autres ont été plus
féconds, ont touché aux sujets les plus divers; il a au con-
traire consciencieusement limité son apostolat à une science
qu'il connaît à fond et qu'il a même notablement enrichie.
L'astronomie pure lui doit en effet plusieurs découvertes et
un grand nombre de travaux absolument originaux. Il con-
vient de citer tout d'abord son étude des étoiles doubles
et multiples, qui a embrassé 11,000 groupes, puis ses
recherches sur la topographie et la constitution physique
de la planète Mars et de la Lune, sur les taches du Soleil,
sur le mouvement propre des étoiles, sur leur distance,
sur la couleur intrinsèque des astres, sur les aérolithes,
leur origine et leurs conséquences, sur l'existence d'une
planète transneptunienne, sur les variations de l'obliquité
de l'écliptique, sur les fluctuations de l'activité solaire,
sur la climatologie, etc.; les résultats s'en trouvent
consignés dans un nombre considérable de mémoires
publiés par les Comptes rendus de V Académie des
sciences de Paris, dans ses Etudes et lectures sur l'as-
tronomie (Paris, 1867-1880, 9 vol. in-12), dans son
Catalogue des étoiles doubles et multiples en mouve-
ment relatif certain (Paris, 1878, in-8), dans son édi-
tion, augmentée de cinq cartes nouvelles, de Y Atlas céleste
de Ch. Dien (Paris, 1877, in-fol.; 8e tirage, 1887) et
dans des cartes spéciales : Globe géographique de la pla-
nète Mars (1884), Carte géographique de la Lune
(1887), Globe géographique de la Lune (1888), etc.- Il
a encore écrit : Dieu dans la nature (Paris, 1867, in-18 ;
22e éd., 1892); Contemplations scientifiques (Paris,
1870 et 1887, 2 séries in-18); Lumen (Paris, 1872,
in-8 ; 40e éd., 1890, in-16) ; Uranie (Paris, 1889, in-8;
2e éd., 1891, in-12), — quatre livres qui nous montrent
derrière le savant un poète et un philosophe aux tendances
quelque peu mystiques; — Voyages en ballon (Paris,
1870, in-8; 20e éd., 1889, in-16); Vie de Copernic
(Paris, 1872, in-18 ; 2e éd., 1891) ; l'Atmosphère (Paris,
1872, in-8; nouv. éd., 1887); Histoire du Ciel (Paris,
1873); Petite Astronomie descriptive (Paris, 1877,
in-12; 4e éd., 1887); les Terres du ciel (Paris, 1877,
in-8; 2e éd., 1884); François Arago (Paris, 1879, in-12);
Astronomie populaire (Paris, 1880, in-8), chef-d'œuvre
du genre, qui a été couronné par l'Académie française et
a eu plus de 100,000 exemplaires; les Etoiles et les cu-
riosités du Ciel (Paris, 1881, in-8); le Monde avant la
Création de l'homme (Paris, 1886, in-8); Da?is le Ciel
• et sur la Terre (Paris, 1886, in-16) ; les Tremblements
de terre (Paris, 1886, in-12) ; Rêves étoiles (Paris, 1888,
in-16); VEruption du Krakatoa (Paris, 1890, in-16);
Qu'est-ce que le Ciel? (Paris, 1891, in-18); la Pla-
nète Mars et ses conditions d'habitabilité (Paris, 1893,
in-8), l'un de ses plus remarquables ouvrages, qui ren-
ferme toutes les observations faites, y compris les siennes
propres, et qui les analyse avec beaucoup de soin et de
méthode. Il a enfin fourni d'intéressants articles au Temps,
à Y Illustration, au Figaro, au New York Herald, à
Y Evénement, etc., et a traduit en français les Derniers
Jours d'un philosophe, de sir Humphry Davy (Paris,
1869, in-12). Léon Sagnet.
Bibl. : S. Hugo, Camille Flammarion, sa vie et son
œuvre; Paris, 1891, in-8.
FLAMME. I. Physique. — Les flammes résultent de la
combustion de gaz ou de vapeurs ; il est facile de le démon-
trer à l'aide de quelques expériences très simples. Prenons
une bougie allumée et soufflons-la ; on voit aussitôt une
36
FLAMME
— 562 —
vapeur légère s'échapper de la mèche ; si on se hâte d'en
approcher une allumette enflammée à un ou deux centimètres,
cette vapeur prend feu et vient rallumer la bougie ; il se
dégage donc de la mèche de celle-ci un gaz combustible. Pre-
nons encore une bougie allumée ; introduisons dans la partie
centrale de la flamme, tout près de la mèche, un tube de
verre incliné ; un gaz chaud vient se dégager à l'extérieur
par l'autre extrémité ; il présente cette odeur désagréable
d'une bougie que Ton vient d'éteindre ; si nous essayons
de l'enflammer, nous verrons qu'il brûlera très facilement
avec la flamme éclairante d'une petite bougie. Les flammes
résultent donc de la combustion des gaz ou des vapeurs ;
ce n'est pas que les corps solides ne puissent brûler, mais
ils le font d'une façon toute différente ; si on porte en effet
à une haute température une masse de fonte et que l'on
injecte dans la fonte un violent courant d'air, on obtient
une brillante gerbe d'étincelles produites par la combustion
du fer, du carbone et du silicium qui tous trois sont restés
solides, même à cette haute température.
Les flammes présentent des aspects très différents sui-
vant la nature des gaz qui les constituent. Considérons
d'abord la flamme d'une bougie; elle présente quelques
zones assez distinctes marquées a, &, c dans la figure ci-
dessous. La partie a, qui se trouve à la base de la bougie,
se présente avec une couleur d'un bleu pâle ; c'est dans la
partie suivante b que se place le petit tube pour l'expé-
rience que nous venons de rappeler lorsqu'on veut montrer
la présence d'un gaz combustible dans la flamme d'une
bougie ; elle n'est pas lumineuse ; la zone c qui l'enveloppe
dans sa partie supérieure est, au contraire, très brillante ;
c'est la partie la plus lumineuse de la flamme ; il est facile de
se rendre compte de sa constitution à l'aide du même appa-
reil que précédemment ; le petit tube plongé dans cette partie
brillante laisse échapper à l'autre extrémité une fumée noire
produite par du charbon. Cette fumée ne contient pas de gaz
combustible comme on peut s'en assurer en lui présentant
une allumette enflammée; elle l'éteint même assez souvent.
La zone la^plus élevée d n'est pas lumineuse ; elle ne contient
ni gaz comï Aistible ni charbon en poussière, mais elle est
à une température très élevée. Si l'on coupe avec une
feuille de papier la flamme d'une bougie de façon à la laisser
quelques instants dans la flamme, à un centimètre environ
au-dessus de la mèche, puis qu'on la retire, on constate
au centre une très légère tache huileuse, puis un cercle
noir, puis un autre où le papier a été
carbonisé ; c est par cette partie que
le papier s'enflamme si l'on ne fait pas
cette expérience assez vite. La tache
huileuse centrale correspond à l'es-
pace sombre b et nous le montre
occupé en partie par les matières
grasses de la bougie ; le cercle noir
est dû à un dépôt de noir de fumée
fourni par la zone lumineuse ; le cercle
suivant est dû à l'enveloppe la plus
externe et en même temps la plus
chaude. Voici les divers phénomènes
qui se produisent dans la flamme d'une
bougie : la matière solide de la bou-
gie, suif, acide stéarique, cire, etc.,
est fondue par la chaleur rayonnante
de la flamme et monte par capillarité
dans la mèche où elle se trouve dans
une zone b où la température est suffisante pour que la matière
grasse se volatilise tout en étant assez basse pour que ces va-
peurs ne soient pas décomposées. Cette température se main-
tient basse malgré le voisinage de la zone b qui lui envoie
de la chaleur rayonnante parce que celle-ci est utilisée
à fournir à la bougie fondue la chaleur latente de volati-
lisation nécessaire. On montre souvent que la température
est basse dans cette partie de la flamme en y introduisant
un grain de poudre placé sur un brin de bois ; on constate
qu'il se passe plusieurs secondes avant qu'il ne prenne feu.
Coupe de la flamme
aune bougie.
Les matières combustibles ainsi formées en b s'écartent
de la mèche surtout en s'élevant, ce qui produit la forme
allongée de la flamme ; elles ne sont plus en contact avec
un liquide capable de s'évaporer : aussi leur température
s'élève et atteint bientôt un point où elles se décomposent
en charbon, hydrogène et carbures plus riches en hydro-
gène que le carbure primitif. Le charbon de cette partie
de la flamme porté à une haute température est incan-
descent et c'est lui qui produit l'éclat de la flamme dans la
partie c. Enfin ce mélange de charbon solide, d'hydrogène,
de carbures, pénètre dans la zone la plus extérieure^ où
il rencontre l'air environnant et où il brûle en dégageant
beaucoup de chaleur et en donnant de l'acide carbonique
et de la vapeur d'eau. C'est la chaleur développée dans cette
zone par les actions chimiques de la combustion qui dé-
compose le carbure de la zone précédente c et vaporise le
corps gras fondu qui imbibe la mèche. Quant à la zone a,
elle est produite par la production complète des carbures
gazeux ; cette combustion est complète par suite de l'afflux
d'air qui arrive à la bougie et qui est principalement déter-
miné par l'ascension des gaz chauds de la flamme.
La flamme d'un bec d'éclairage alimenté au gaz pré-
sente des régions analogues, une région où le carbure
est tel qu'il sort de la canalisation, une région où le car-
bure fortement chauffé donne du carbure libre et incan-
descent, et enfin la zone de combustion proprement dite,
obscure, mais chaude. Il n'en est plus de même si l'on em-
ploie comme corps combustible un gaz que la chaleur ne
peut pas décomposer en donnant un corps solide ou dont
la combustion ne donne naissance qu'à des corps gazeux
ou liquides. Une pareille flamme reste obscure, tout en
étant souvent très chaude : la flamme que produit par
exemple l'hydrogène en brûlant dans l'oxygène est la plus
chaude que nous sachions produire ; cependant elle est très
pâle ; on peut la rendre brillante en y introduisant un
corps solide quelconque, même sans aucune action chimique
sur les gaz de la flamme : de la chaux vive en poudre légère,
une spirale de platine, un treillis de fils en matière miné-
rale incombustible, amiante, corbeille de fils de magnésie
ou autres, placés dans une pareille flamme, lui donnent
un très grand éclat en devenant incandescents. La fumée
noire et 'charbonneuse que Ton peut extraire, comme nous
l'avons vu, de la zone c de la flamme d'une bougie, peut
être dirigée par le tube qui l'a aspirée jusque dans la
flamme d'hydrogène ; celle-ci devient aussitôt éclairante.
Quelquefois le corps combustible, lorsque la chaleur le
décompose, ne donne pas de produits solides ; tel est le
cas du phosphure d'hydrogène ; sa flamme est brillante ;
cependant cela tient à ce que l'un des produits de la com-
bustion, l'acide phosphorique, est solide. Quelle que soit
donc l'origine du corps solide introduit dans la flamme,
celle-ci est éclairante lorsqu'elle en renferme un.
Nous n'avons considéré jusqu'ici la flamme que comme
fournie par des gaz combustibles s' échappant, dans une
atmosphère comburante, d'un bec de gaz ou de la mèche
d'une bougie ; on comprend comment dans ce cas la com-
bustion est limitée à la zone extérieure de la flamme. Il
nous reste à considérer le cas où l'on enflamme à la sortie
d'un orifice un mélange gazeux formé de gaz combustibles
et de gaz comburants en proportions telles que la combustion
puisse être totale sans que l'oxygène de l'air ait à y inter-
venir. Un mélange d'hydrogène et d'oxygène contenant
deux fois plus du premier gaz que du second, en volumes,
réalise cette condition. Dans ce cas, on constate que Ton
a encore une flamme, mais qu'il est nécessaire que le
courant gazeux soit animé d'une certaine vitesse et suffi-
samment refroidi par le tuyau métallique qui le conduit ;
sans cela la flamme se propage à l'intérieur de la canali-
sation. Supposons ces conditions remplies ; avec un mélange
d'hydrogène et d'oxygène on obtient un cône très court
dans lequel les gaz existent tels qu'ils sortent de la cana-
lisation, puis ce cône est entouré d'une partie bleue très
effilée que l'on appelle le dard de la flamme et dont les
— 563 —
FLAMME
parties sont (T autant plus chaudes que l'on s'approche plus
de son extrémité. En aucun point de cette flamme la com-
bustion n'est complète; partout on trouve avec de la
vapeur d'eau de l'oxygène et de l'hydrogène ; on ne peut
constater leur présence à l'aide de l'appareil simple dont nous
nous sommes servis jusqu'à présent, car les gaz achève-
raient de brûler dans le petit tube d'aspiration. Mais, si on
emploie pour puiser des gaz dans les flammes un tube fin et
métallique entouré d'un autre tube parcouru par un rapide
courant d'eau, celle-ci refroidit assez les gaz aspirés pour
qu'ils ne se recombinent pas dans le tube d'aspiration. On
constate alors que, dans toutes les parties de la flamme, il y
a à la fois de la vapeur d'eau, produit de la combustion, de
l'oxygène et de l'hydrogène. La flamme obtenue avec un mé-
lange d'oxyde de carbone et d'oxygène a fourni les mêmes
résultats ; partout les mêmes phénomènes de dissociation
empêchent la combustion d'être complète. En puisant à
l'aide d'un tube analogue les gaz d'un haut fourneau en
divers points de sa hauteur, M. Gailletet a constaté qu'il en
était de même et que dans les parties les plus chaudes et
malgré un grand excès de charbon on trouve une grande quan-
tité d'oxygène libre mêlé à de l'hydrogène et à de l'oxyde
de carbone. Il est donc indispensable de tenir compte
des phénomènes de dissociation qui se produisent dans les
flammes; en les négligeant on trouve pour la température
des flammes des nombres de beaucoup supérieurs à celle
que l'on mesure directement : 6,823 au lieu de 2,800 par
exemple, pour les mélanges d'hydrogène et d'oxygène.
Les flammes sont utilisées à deux points de vue très
différents : le chauffage et l'éclairage. En ce qui concerne
le chauffage, il y a aussi deux points de vue à considérer,
la quantité de chaleur que peut fournir un combustible
déterminé et l'intensité de la température qu'il peut donner.
Pour les phénomènes qui ne nécessitent qu'une tempéra-
ture peu élevée, les quantités de chaleur seront les seuls
éléments à considérer, par exemple pour l'ébullition de
l'eau, la fusion des métaux, tels que le plomb, etc. Dans
ce cas, la connaissance des gaz ou des vapeurs employées
et leurs données thermochimiques ou la détermination di-
recte de leur chaleur de combustion à l'aide de la bombe
de M. Berthelot suffisent à renseigner sur la chaleur de
la flamme considérée. Il n'en est plus de même lorsque la
flamme doit agir à la fois en fournissant une quantité de
chaleur déterminée et en atteignant une certaine tempéra-
ture indispensable au phénomène que l'on veut produire ;
dans ce cas les données thermochimiques n'interviennent
plus seules ; la stabilité des composés produits joue un
rôle important; l'emploi de gaz combustibles et combu-
rants chauds pour produire des flammes rend journellement
les plus importants services à l'industrie, et les gazogènes
Siemens qui permettent de les obtenir sont très répandus.
Au point de vue de la lumière, il y a deux points de
vue à considérer dans les flammes : il faut, d'après ce qui
précède, que la flamme contienne des matières solides incan-
descentes pour être lumineuses, et il semble, ce qui est
vrai jusqu'à une certaine limite, que la flamme est d'au-
tant plus éclairante qu'elle contient plus de ces particules ;
la nature du combustible, plus ou moins riche en carbone,
est donc un premier point de vue à considérer. Mais ce n'est
pas le seul : la lumière émise par un corps solide incan-
descent dépend, toutes choses égales d'ailleurs, de sa tem-
pérature, et elle croît beaucoup plus rapidement que celle-ci.
Or les carbures d'hydrogène donnent en général d'autant
plus de chaleur qu'ils sont plus riches en hydrogène, con-
dition inverse de la précédente. Dans la pratique, il faut se
tenir entre les deux extrêmes : les gaz riches en carbone
donnent une flamme rougeâtre, parce que la température
est peu élevée, et facilement fuligineuse . Les gaz riches
en hydrogène donnent une température élevée et une
flamme plus blanche, mais qui peut être peu éclairante s'il
y a trop peu de matière solide, trop peu de carbone en
suspension dans la flamme. On peut utiliser les premiers
en employant des dispositions spéciales tendant à élever la
température de combustion, par exemple en utilisant la
chaleur perdue du bec pour chauffer le gaz avant sa com-
bustion, ainsi que l'air qui doit entretenir celle-ci. Les
seconds peuvent être rendus éclairants par leur barbotage à
travers des liquides volatils riches en carbone (benzines,
pétroles, etc.), ou en les employant mélangés d'air de façon
à avoir une flamme non éclairante, mais très chaude, et en
l'utilisant pour porter à l'incandescence des matières ré-
fractaires; on obtient ainsi des lumières d'une grande
fixité et d'une blancheur remarquable. A. Joannis.
Flammes manométriques. — On appelle ainsi les flammes
obtenues avec une capsule manométrique ; elles servent
dans l'analyse des sons (V. Capsule manométrique).
II. Technologie. — Les applications des flammes sont
nombreuses dans l'industrie. Nous en citerons quelques-
unes des plus importantes. On applique la flamme : à
l'éclairage, par les lampes, bougies, gaz d'éclairage,
torches, veilleuses, etc. ; au chauffage des appartements,
par le bois, la houille, la tourbe, le gaz d'éclairage; au
chauffage des longues chaudières à vapeur ; au flambage
des étoffes, pour en enlever les filaments superficiels; à la
soudure des métaux, dans l'industrie et l'orfèvrerie; aux
essais au chalumeau ; à l'analyse spectrale. Des flammes
d'alcool colorées en vert ou en bleu sont quelquefois em-
ployées dans les urnes funéraires. On a préconisé l'emploi
des flammes sur les lieux élevés, pour écarter les orages,
préserver de la foudre et de la grêle. On a aussi allumé de
grands feux dans les rues pour purifier l'air en temps
d'épidémie ; mais les effets relatés dans ces circonstances
ne sont pas assez concluants pour inspirer toute confiance.
Une des applications des flammes est celle qui en est faite
à la pyrophonie. Lorsque l'hydrogène ou le gaz d'éclai-
rage brûle au bout d'un tube effilé et qu'on fait descendre
verticalement sur la flamme un tube de verre jusqu'au
tiers environ de sa longueur, cette flamme rend un son
qui correspond à celui que donnerait un tuyau d'orgue
ouvert, de mêmes dimensions. En faisant glisser à l'extré-
mité de ce tube une enveloppe de métal ou même de
papier, on en augmente la longueur et Ton fait varier à
volonté la hauteur du son rendu. Le pyrophone de
M. Kastner est fondé sur le principe des flammes sonores.
En observant ces flammes à l'aide d'un miroir tournant,
on voit qu'elles présentent des alternatives périodiques
d'éclat et d'extinction partielle ou totale. La production du
son, en cette circonstance, est donc due aux vibrations des
flammes, lesquelles ont pour cause le courant d'air ascen-
dant que la chaleur de la flamme détermine dans le tube
qui l'enveloppe. Lorsqu'une flamme est silencieuse dans le
tube qui la recouvre à hauteur convenable, on peut la faire
sauter et même chanter, en émettant un son presque à
l'unisson du tube. Pendant qu'une flamme chante, si Ton
émet une note presque à l'unisson de la sienne, il se pro-
duit des battements qui la font sauter synchroniquement.
La danse de la flamme s'observe encore, lorsqu'elle n'a
pas, dans le tube, la position convenable pour qu'elle
chante. Lorsque le tube, à l'extrémité duquel brûle une
flamme d'hydrogène, est convenablement effilé, la flamme
est quelquefois extrêmement sensible à divers sons, bruits
ou sifflements produits à une assez grande distance.
D'après Tyndall, lorsqu'on augmente la pression du gaz qui
alimente une flamme nue ou sans tube, les dimensions de la
flamme augmentent de même. Mais, si la pression dépasse
une certaine limite, la flamme gronde et ronfle. Elle
peut devenir alors un réactif acoustique d'une incompa-
rable délicatesse; ainsi, à une distance de 30 m., par
exemple, le chant d'un moineau suffit pour émouvoir for-
tement la flamme. Des résultats semblables s'obtiennent
d'ailleurs avec des gaz non enflammés, rendus visibles par
leur mélange avec de la fumée. M. Decharme a produit des
sons très variés, en dirigeant sur une flamme de gaz
d'éclairage un courant d'air, à l'aide d'un tube adapté à
une poire en caoutchouc que l'on comprime plus ou moins.
En faisant varier le diamètre du tube et sa position par
FLAMME — FLAN
— 564 —
rapport à la flamme et en remplaçant par divers autres
gaz (oxygène, hydrogène, azote, acide carbonique, etc.),
on modifie la hauteur, l'intensité et le timbre des sons
produits par ce moyen. ^ L. K.
III. Pyrotechnie. — Flamme à parachute (V. Arti-
fices, t. IV, p. 15).
Flamme de Bengale (V. Artifices, t. IV, p. 16).
IV. Architecture. — Motif d'ornementation conçu à
l'imitation des flammes naturelles et qui surmonte des vases
et des épis dans les édifices d'architecture française, surtout
depuis le xvne siècle. Des flammes sculptées en pierre se
voient sur les vases qui décorent les combles du palais de
l'Institut à Paris, vases qui ont été reproduits, il y a
trente ans, à l'imitation de ceux placés à l'origine, et on
donne souvent l'apparence de flammes au couronnement
des épis en plomb ou en zinc qui terminent les crêtes des
toits et prolongent les poinçons des combles. On voit aussi
des torches enflammées sculptées comme attributs dans la
corniche de l'amphithéâtre de la nouvelle Sorbonné à Paris,
au-dessous de la fresque de Puvis de Chavannes, et les
torches, renversées et le plus souvent éteintes, sont un
emblème funéraire datant de l'antiquité. Charles Lucas.
V. Armée. — Petite banderolle placée près de l'extrémité
d'une lance. Elle est blanche et rouge pour ceux de nos
cavaliers (dragons) que nous avons armés de lances. Au
temps où le colback était en usage dans nos troupes, le
cône d'étoffe écarlate qui en garnissait le sommet et retom-
bait sur le côté de cette coiffure portait également le nom
de flamme.
VI. Marine. — On donne le nom cte flamme à des
banderoles d'étamine, très longues par rapport à leur
largeur, qui servent comme signaux ou marques distinc-
tives. Il y a deux sortes de flammes : 1° La flamme na-
tionale, ainsi nommée parce qu'elle est aux couleurs du
pays. Celle-là est particulièrement étroite et longue. Elle
s'arbore -aux grands mâts des bâtiments de l'Etat, et est
la caractéristique des navires de guerre, qui seuls ont le
droit de la porter. Une vieille tradition qui existe encore
dans la marine anglaise voulait qu'à l'époque des longues
campagnes la flamme s'allongeât chaque année, pour de-
venir, au moment du retour, presque de la dimension du
grand mât. Elle s'arbore également à bord des embarcations,
lorsque le commandant du bâtiment (jusqu'au grade de
contre-amiral) va faire des visites officielles, avec épaulettes
et sabre. A partir du grade de contre-amiral, la flamme
est remplacée par un pavillon national carré avec deux ou
trois étoiles blanches dans la partie bleue. — 2° Les flammes
servant aux signaux de la tactique navale. Elles sont au
nombre de huit, plus quatre autres pour la série télégra-
phique. Toutes ces flammes ont des couleurs et des signi-
fications différentes. On trouve leur valeur dans les trois
volumes du Livre des signaux, et dans le dictionnaire télé-
graphique marin, délivrés à chaque bâtiment de guerre.
VII. Art héraldique. — Pièce d'armoirie, dont la
partie inférieure est arrondie et la supérieure terminée en
trois pointes ondoyantes. Arouet de Voltaire portait pour
armoiries : d'azur, à trois flammes d'or.
Bibl.: Physique. -- Faraday, Histoire d'une chandelle.
FLAMMERANS. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. d'Auxonne; 667 hab.
FLAMMERÉCOURT. Com. du dép. de la Haute-Marne,
arr. de Wassy, cant. de Doulevant ; 292 hab.
FLAWIMEÙW1 (V. Coiffure, t. XI, p. 857).
FLAMMULES (Bot.). Nom vulgaire de deux plantes de
la famille des Renonculacées : la Renoncule 'petite douve
et la Clématite odorante (V. ces mots).
FLAMSTEED (John), astronome anglais, né à Derby le
19 août 1646, mort à Greenwich le 31 déc. 1719. Il ne
suivit que les cours de l'école publique de Derby, et sa
vocation lui fut révélée par la lecture de la Sphère de
Sacrobosco. Il commença par construire des cadrans, puis,
s'étant pro3iiré YAstronomia Carolina, se mit à calculer
des éclipses et des positions de planètes. En 1666, l'astro-
nome Halton, ayant entendu parler de lui, l'encouragea et
lui fit don de divers ouvrages astronomiques. En 1669,
Flamsteed envoya à lord Brouncker, président de la Société
royale, des calculs pour une éclipse de soleil omise dans
les Ephémérides de l'année suivante. L'accueil qui fut fait
à ses travaux l'encouragea à venir à Londres où il visita
Oldenburg et Collins et où on mit des instruments à sa dis-
position. Il alla ensuite se faire inscrire comme étudiant à
Cambridge où il prit ses degrés de maître es arts. Au cours
de ses études, il publia, avec YAstronomia Kepleriana
à'Horrox (V. ce nom) et des observations inédites de
Crabtree, quelques mémoires (Londres, 1672). En même
temps il observait, et les résultats obtenus par lui étaient
insérés par Oldenburg dans les Philosophical Tran-
sactions (qui contiennent trente et un mémoires de Flam-
steed). Devenu maître es arts, il se fit ordonner prêtre
(1675); la même année, Jonas Moorelui fit obtenir le titre
d'astronome du roi, avec une pension de 100 livres, et l'on
jetait, le 10 août, les fondements de l'observatoire royal
de Greenwich, qui fut terminé en juil. 1676. Il conçut
alors le plan d'un nouveau catalogue des fixes, comprenant
également des observations de planètes, mais il n'avait que
quelques instruments appartenant à Moore ou à lui-même ;
le gouvernement ne lui accordait que sa pension, d'ailleurs
mal payée, et il était réduit à emprunter des instruments
à la Société royale ou à donner des leçons particulières
pour subvenir à ses frais. Ce ne fut qu'en 1684, qu'ayant
obtenu un petit bénéfice, il fut en mesure de faire cons-
truire un grand arc mural. Pendant trente ans, il pour-
suivit ses observations avec une patience infatigable ; en
1704, le prince George de Danemark offrit à la Société
royale de faire les frais de l'impression. Un comité, formé
de Newton, Wren, Arbuthnot, Gregory et Roberts, fut
chargé de la diriger, et il fut convenu que Flamsteed lui
remettrait tous ses papiers et n'interviendrait pas dans le
classement ni dans l'impression. Toutefois, le catalogue fut
mis sous les scellés et réservé jusqu'à son achèvement. Le
travail d'impression marcha très lentement, et à la mort
du prince George (1708), le premier volume n'était pas
achevé ; le comité garda les papiers en interrompant ses
travaux et Flamsteed continua ses observations. Mais, en
1711, les scellés du catalogue furent brisés à son insu,
sur l'ordre de la reine, et l'impression reprise sous la sur-
veillance de Halley. En 1712 parut Fin-fol.: Historia
cœlestis libri duo... observante Joanne Flamstedio in
observatorio regio Grenovicensi, continua série ab
anno 1616 ad annum 1705. Flamsteed fut exaspéré par
ce procédé, eut avec Newton de violentes querelles au sein
de la Société royale et réclama le reste de ses papiers et la
remise de l'édition. Il s'ensuivit un long procès ; après la
mort de la reine Anne et de lord Halifax, Flamsteed,
devenu plus puissant en cour, obtint gain de cause. Il res-
tait les trois quarts de l'édition procurée par Halley ; Flam-
steed en livra la plus grande partie aux flammes, ne con-
servant de chaque volume que les feuilles qu'il trouvait
imprimées à son gré. Il ne s'occupa plus dès lors que de
la réimpression et de la continuation de son Historia
cœlestis Britannica, mais elle ne fut achevée que par sa
veuve. L'ouvrage (3 vol. in-fol.) parut en 1725 et fut
suivi d'un Atlas cœlestis de vingt-huit cartes (1729). En
1833, on retrouva à l'observatoire de Greenw'ichun grand
nombre de manuscrits et papiers de Flamsteed, notam-
ment une intéressante autobiographie qui a été publiée par
Baily en 1835 avec un supplément (1837) (An Account
of the Rev. John Flamsteed). T.
FLAN. I. Monnaie. —Morceau de métal, ordinairement
rond, préparé pour faire une monnaie, une médaille ou un
jeton. Dans l'antiquité, les flans étaient moulés sous la forme
la plus rapprochée de celle que la pièce devait avoir. Cette
préparation par le moulage est attestée par la forme glo-
buleuse de la plupart des monnaies grecques et par les
bavures de métal qu'on remarque parfois sur les bords.
Cependant la méthode qui consiste à découper le flair dans
— 565 —
i'UN — FLANCART
une lame de métal a été connue des anciens. Le mot flando
placé avant feriundo, dans le titre officiel des triumvirs
monétaires à Rome, indique l'opération du moulage des
flans. Les ouvriers chargés de ce travail étaient appelés
flalurarii. Au moyen âge et encore au xvne siècle, voici
comment on procédait à la confection des flans. Le métal,
préalablement allié, était jeté en lames ; on faisait ensuite
recuire les lames et on les étendait sur l'enclume, ce qui
s'appelait battre la chaude. Ces lames, de l'épaisseur des
espèces à fabriquer, étaient coupées en morceaux appelés
quarreaux. On faisait recuire les quarreaux et on les éten-
dait avec un marteau appelé flattoir ; puis on en coupait
les pointes avec des cisoires, ce qui s'appelait ajuster
quarreaux, jusqu'à ce qu'on atteignît le poids légal ; on
rabattait les pointes des quarreaux de façon à les arron-
dir, ce qu'on appelait rechausser quarreaux et flattir.
Les quarreaux, une fois flattis, prenaient le nom àeflaons;
, il ne restait qu'à les frapper.
Aujourd'hui, on fond le métal dans une lingotière en
lames allongées, d'une épaisseur déterminée et de la lar-
geur des pièces que l'on veut obtenir. On fait passer la
îame plusieurs fois au laminoir en la faisant recuire au
moins une fois. Dans cette lame, on taille les flans au
moyen d'un emporte-pièce qu'un homme peut, à lui seul,
faire mouvoir. Une fois taillés, les flans sont pesés ; ceux
qui sont trop légers sont mis au rebut et refondus ; ceux
qui sont trop pesants sont ramenés au point voulu par le
moyen du rabot qui enlève une faible épaisseur de la sur-
face. Reste, avant de les frapper, à leur faire subir le cor-
donnage et le blanchiment. La première de ces opérations
a pour objet de corriger les imperfections de la tranche et
de relever les bords du flan, afin d'obtenir l'empreinte des
grènetis qui, lors de la frappe, ne reçoivent la pression
qu'en dernier lieu, les coins étant toujours bombés en leur
centre. Le blanchiment, qui s'obtient en plongeant les flans
dans un bain d'eau acidulée (acide nitrique pour l'or, acide
sulfurique pour l'argent) donne aux pièces le brillant
(V. Frappe). M. Prou.
II. Typographie (V. Empreinte).
III. Pâtisserie. — Espèce de tarte faite avec de la
crème fouettée ou de fruits en compote, des œufs et de la
farine (V. Tarte).
Bibl.: Monnaie.— Boizard, Traité des monoyes; Pa-
ris, 1692, in-12, p. 159. — F. Lenormant, la Monnaie dans
l'antiquité, t. I, p. 252. — Du même, Monnaies et Mé-
dailles, p. 325.
FLAN (Marie- Alexandre) , litt érateur français , né à Paris le
30 mai 1827, mort le 4 5 sept. 4 870. Il fit ses études au collège
Stanislas, commença son droit et ne l'acheva pas pour con-
sacrer tous ses loisirs à un drame en cinq actes et en vers
qu'il présenta au Théâtre-Français. Rebuté de ce côté, il se
rabattit sur un genre moins ingrat : la romance, où, en col-
laboration avec le compositeur Paul Henrion, il obtint un
certain succès avec le Gagne-Petit, Je chanterai, le Mi-
neur, etc. Sa facilité à tourner le couplet le servit plus
tard dans Ulysse, parodie en vers de la pièce de Ponsard
(4852), puis dans les Etrennes du Diable (1852); le
Sire de Framboisy (4855) ; les Poètes de la Treille
(4857), en collaboration avec de Jalais et de Dercier; F Es-
carcelle d'or, féerie (4857), en collaboration avec M. Blum;
Bu qui s'avance (4865), en collaboration avec M. Bus-
nach (et son plus grand succès) ; le Diable boiteux, revue
(4867), en collaboration avec MM. Blum et Clairville; les
Petits Crevés (4867), etc., etc. Un volume de vers : les
Rythmes impossibles (4867) et des chansons pour le Ca-
veau dont il devint président en 4867, complètent l'œuvre
littéraire de Flan. En 4870, littéralement aflolé par l'arri-
vée des Prussiens, il quitta Neuilly où il habitait et fut
retrouvé quelques jours plus tard dans un hôtel garni de
la rue du Sommerard où il avait été mortellement frappé
d'une congestion cérébrale. Ch. Le G.
FLANAGAN (Thomas), historien anglais, né en 4844,
mort à Kidderminster le 24 juil. 4865. Après avoir reçu
les ordres, il fut professeur et préfet des études au collège
Sainte-Marie d'Oscott, puis président de l'école de Sedgley
Park (comté de Stafford). En 4854, il fut nommé prêtre
àBlackmore Park et passa en 4860 à la cathédrale de Bir-
mingham. Citons de lui :A Manual of British and Irish
History (Londres, 4847, in-42) ; A Short Catechism of
english History ecclesiastical and civil (Londres, 1854,
in-46) ; A History of the Church in England(Louàres,
4857, in-8) ; A History of the Middle Ages, demeurée
en manuscrit. r. g#
FLANAGAN (Roderick), publiciste anglais, né près d'El-
phin (comté de Roscommon) en avr. 4828, mort à Londres
à la fin de 4864. Fils d'un fermier irlandais établi en Aus-
tralie, il fut apprenti typographe. Il débuta dans le jour-
nalisme en collaborant à divers journaux de Sidney : au
Peoplé's Advocate, à YAdvocate, à YEmpire, au Free-
man's Journal, etc., fonda un organe hebdomadaire, The
Chronicle, devint rédacteur en chef de YEmpire où il pu-
blia d'intéressantes études sur les coutumes des Austra-
liens. Il devint, en 4854, rédacteur au Sidney Morning
Herald. On a de lui une importante History ofNew South
Wales (Londres, 4862, 2 vol.). R. S.
FLANC. I. Fortification. — Le flanc est en fortification
une ligne destinée à fournir des feux là où l'ennemi pourrait
arriver sans être atteint directement par le défenseur. Ainsi
dans le front ABCDEF, BC et DE sont les flancs respectifs
des bastions A et F; il est facile de voir que les coups de
feu tirés par les défenseurs de ces flancs iront battre le
terrain situé en avant des angles saillants A et F qui
prennent le nom <Y angles flanqués. Le flanc unit la face
à la courtine.
II. Tactique. — Le flanc ou partie latérale d'une troupe
en position ou en marche est une partie faible à la sécu-
rité de laquelle le chef doit veiller avec un soin constant,
car il doit toujours y craindre une attaque de l'ennemi.
Souvent la simple apparition d'une troupe sur le flanc
d'une position détermine celui qui l'occupe à l'évacuer et
à la céder à l'ennemi sans combat. C'est à des mouvements
tentés sur les flancs de nos armées que les Prussiens à
qui leur nombre ou la supériorité considérable de leur
artillerie rendait ces manœuvres faciles, ont dû la plupart
de leurs succès en 4870, car les attaques de front n'ont
jamais été dans leurs aptitudes et ils sont trop ménagers
du sang de leurs hommes pour les tenter. — Dans les ma-
nœuvres, faire par le flanc droit, c'est faire face à droite,
en exécutant un quart de tour. Une troupe fait une
marche de flanc quand elle longe la ligne à laquelle elle
faisait face précédemment.
Flanc-garde. Une flanc-garde, comme son nom l'in-
dique, a pour objet de garder, de protéger le flanc d'une
colonne en marche. L'art. 426 du règlement sur le
service en campagne dit des flanc-gardes : « Elles sont
composées de fractions constituées dont la force est en
rapport avec l'importance de la colonne et avec les craintes
que peuvent inspirer les tentatives auxquelles elles doivent
résister. » Le gros de F avant-garde est chargé de fournir
le flanc-garde lorsque la colonne est égale ou inférieure à
une brigade. Dans le cas contraire, c.-à-d. lorsque la co-
lonne est plus forte, les flanc-gardes sont fournies par le
corps qui est le dernier dans la marche.
FLANCART. Petites pièces de l'armure de plates du xive
et du xve siècle destinées à protéger la face latérale et exté-
rieure des cuisses. C'étaient des écussons d'acier ou de
fer forgé qui se bouclaient après les faldes formant jupon
FLANCART — FLANDRE — 566 —
de fer. Les tassettes n'en différaient que parce qu'elles
étaient ordinairement plus grandes et destinées à défendre
le devant des
cuisses et la ré-
gion inguinale.
Voici un corps
d'armure de pla-
tes du xvie siè-
cle. En c on voit
la pansière, en
d la dossière, en
b, b les faldes
ou faudes for-
mées de quatre
pièces à recou-
vrement. Les
flancarts a, a
sont suspendus
chacun par deux
boucles à des
courroies cor-
Corps^cT armure du xvi° siècle.
respondantes fixées à la dernière lame des faldes. Ces
petites pièces de plates ont été surtout employées pendant
le xive siècle, alors que l'armure de plates était encore
incomplète. Lorsque celle-ci atteignit la perfection de la
forme dite gothique au milieu du xve siècle, les flancarts
disparurent sans retour. Maurice Maindron.
FLANC H IS (Blas.). Petits sautoirs alésés chargeant ou
accompagnant une pièce principale.
FLANÇOIS. Partie du harnois du cheval d'armes, aux
xve et xvie siècles, qui défendait les flancs et s'étendait de
la pissière couvrant l'avant-main à la barde de croupe ; il
y avait le plus souvent deux flançois de chaque côté (V.
Harnois). — Antérieurement, lorsque le cheval était pro-
tégé par une housse drapée, on entendait par flànchières
la partie de la housse qui protégeait la croupe et les flancs.
FLANCOURT. Corn, du dép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Bourgttheroulde ; 341 hab.
FLAND1N (Charles), médecin et chimiste français, né aux
Eaux-Bues (Nièvre) le 13 avr. 4803, mort à Auxerre le
13 août 1887. Interne des hôpitaux en 1829, il soutint
en 1832 une thèse remarquable sur le choléra; il donna
en 1841, de concert avec Danger, un volume, De l'Ar-
senic; leur procédé de carbonisation des matières orga-
niques par l'acide sulfurique, avant de les introduire dans
l'appareil de Marsh, fut universellement adopté, malgré
l'opposition d'Orfila. Républicain convaincu, il combattit
par la plume la candidature à la présidence de Louis-
Napoléon, puis en 1853 fut impliqué à tort dans l'affaire
dite des Correspondants étrangers, et condamné. L'œuvre
capitale de Flandin est son Traité des poisons (Paris,
1846-1853, 3 vol. in-8); citons encore, à côté de quel-
ques opuscules de chimie, Précis de physiologie humaine
et de psychologie (Paris, 1872). Dr L. Hn.
FLANDIN (Eugène-Napoléon), peintre, voyageur et ar-
chéologue français, né à Naples le 15 août 1809, mort à
Tours en 1876. En 1836, Flandin exposa au Salon une
Vue de la Piazzetta de Venise, qui fut achetée par le
roi, et une Vue du pont des Soupirs, achetée par la So-
ciété des Amis des arts de Paris. Ces succès le mirent vite
en relief, mais sa grande réputation vient surtout de ce
que, ayant fait en amateur la campagne de Constantine,
il exposa, en 1838, une Vue de Vassaut de cette ville, et,
en 1839, un tableau représentant la Brèche de Constan-
tine et la porte où Lamoricière fut blessé à la tête de ses
zouaves ; ce tableau, acheté par le roi Louis-Philippe,
fut mutilé pendant les journées de juin 1848. En 1839,
Flandin fut chargé, avec l'architecte Pascal Coste, d'une
mission archéologique en Perse ; il resta dans ce pays
jusqu'en 4841, recueillant les matériaux les plus précieux
pour l'histoire et l'archéologie ; ils sont publiés dans le
grand ouvrage : Voyage en Perse (1843-1854, 6 vol.
in-fol., de 665 pi., et texte, 1851, 2 «vol. in-8). En nov.
1843, Flandin fut chargé d'aller dessiner les monuments
découverts par Botta (Y. ce nom) à Ninive et à Khorsa-
bad ; il recueillit ainsi les principaux matériaux de l'archéo-
logie assyrienne et conquit une célébrité européenne par
la publication d'un ouvrage intitulé le Monument de
Ninive (1849-50, 5 vol. grand in-fol.). On lui doit en-
core : V Orient (1853-1874, 4 vol. in-fol.) ; .Histoire des
chevaliers de Rhodes (4867-1873, in-8). Outre ces tra-
vaux d'archéologie figurée, Flandin a fait connaître l'Orient
dans divers écrits; il a exposé aux Salons de 1853 et de
1855 une Vue de Stamboul, une Vue de la mosquée
d'Ispahan, et quelques autres tableaux du même genre.
FLANDRE. Flandre occidentale. — Limites, Super-
ficie, Population. — Province de Belgique, limitée au N. et
au N.-O. par la mer du Nord, à l'E. par la Flandre orientale,
au S.-E. par le Hainaut et au S. ou S. -0. et à l'O. par la
France; sa plus grande longueur est de 90 kil., sa plus
grande largeur de oO kil. ; sa superficie est de 3,235 kil. q.,
sa population absolue de 747,000 hab. et sa population v
relative de 239 hab. par kil. q.
Relief du sol. — Cette province présente l'aspect d'une
vaste plaine très légèrement ondulée, sauf le long des côtes
où s'élèvent des dunes. Le sol se relève un peu vers le S.
et y forme le mont Kemmel.
Régime des eaux. — La Flandre occidentale est arro-
sée, indépendamment de la mer qui la baigne sur une
étendue de 42 kil. environ, par l'Escaut qui la sépare au
S. et à l'E. de la Flandre orientale, par la Heule, l&Liève,
la Lys, le Mandel, VYperlée, VYser (V. ces mots). Les
canaux principaux de cette province sont ceux de Bruges
à Gand, à l'Ecluse et à Ostende ; de Dixmude à Hand-
zaeme et à Nieuport ; de Fumes à Bergues , à Bun-
ker que et à Nieuport; de Loo et de Plasschendaele (V. ces
mots).
Communications. — D'excellentes routes pavées et de
nombreuses lignes de chemins de fer rayonnent de Bruges
dans toutes les directions.
Divisions administratives. — La Flandre occidentale est
divisée en 8 arrondissements administratifs qui ont pour
chefs-lieux : Bruges, Courtrai, Dixmude, Furnes, Ostende,
Roulers, Thielt et Ypres, et en 50 cantons de milice. On y
compte 250 communes dont 15 villes : Bruges, Courtrai,
Dixmude, Furnes, Iseghem, Menin, Nieuport, Ostende, Po-
peringhe, Roulers, Thielt, Jhourout, Warneton, Wervicq
et Ypres. Cette province élit 9 sénateurs, 17 représentants
et 71 conseillers provinciaux.
Instruction purlique. — La Flandre occidentale compte
2 athénées royaux, à Bruges et à Ostende; 6 écoles
moyennes de garçons, 2 écoles moyennes de filles, 8 col-
lèges épiscopaux et de nombreux établissements dirigés par
des congrégations religieuses. Il y a au moins une école
primaire dans chaque commune. Il existe aussi 15 acadé-
mies de dessin, 8 écoles de musique et 5 écoles industrielles.
Cultes. — Le culte catholique est dominant dans la pro-
vince ; il y a des communautés protestantes à Bruges, à
Ostende, à Courtrai et à Roulers, mais elles sont peu nom-
breuses. La Flandre occidentale forme le diocèse (évêché)
de Bruges, érigé en 1559, qui comprend 15 doyennés et
36 cures.
Justice. — La Flandre occidentale relève de la cour
d'appel de Gand et est divisée en 4 arrondissements judi-
ciaires dont les chefs-lieux sont : Bruges, Courtrai, Furnes
et Ypres et en 30 cantons de justice de paix.
Productions. — La Flandre occidentale produit le lin,
le colza, les céréales, le tabac, le houblon et les légumes
en abondance ; la majeure partie de son territoire offre de
gras et excellents pâturages ; l'arr. de Bruges est très
boisé; le long de la mer se trouvent les polders, terrains
que les Flamands ont reconquis peu à peu sur la mer au
moyen de digues. Les villes sont très manufacturières :
Bruges, Courtrai, Ypres, Menin, Roulers, Iseghem ont des
filatures de lin, des fabriques et des blanchisseries de toiles,
des fabriques de dentelles ; on trouve dans toutes les villes
- 567 —
FLANDRE
de la province des fabriques de tabac, des brasseries, des
distilleries, des raffineries de sel et de sucre, des savonne-
ries, Ostende, Blankenberghe, Nieuport et Heyst se livrent
à la pêche maritime. Les armes de la Flandre occidentale
sont : d'or au lion de sable, armé et lampassé de
gueules. " E. H.
Flandre orientale. — Limites, Superficie, Popu-
lation. — Province de Belgique, limitée au N. par le
royaume des Pays-Bas; à l'E. par les prov. d'Anvers
et de Brabant ; au S. par le Hainaut ; à l'O. par la
Flandre occidentale. Sa plus grande longueur est de
65 kil., sa plus grande largeur de 60 kil.; elle occupe une
superficie de 3,000 kil. q. ; sa population absolue est de
959,000 hab. ; sa population relative de 319 hab. par kil. q.
Relief du sol. — Le sol de la Flandre orientale est
généralement plat ; il ne se relève un peu que dans la par-
tie orientale.
Régime des eaux. — La Flandre orientale est arrosée
par VEscaut, la Dendre, la Durme, la Liève, la Lys et
beaucoup d'autres cours d'eau. Les canaux principaux sont
ceux de Gand à Bruges et à Terneuzen, de la Liève, de
Schipdonck (V. ces mots).
Communications. — D'excellentes routes pavées et de
nombreuses lignes de chemins de fer rayonnent de Gand
dans toutes les directions.
Divisions administratives. — La Flandre orientale est
divisée en 6 arrondissements administratifs qui ont pour
chefs-lieux : Gand, Alost, Audenarde, Eecloo, Saint-Nico-
las et Termonde, et en 53 cantons de milice. Elle comprend
294 communes dont 12 villes : Gand, Alost, Audenarde,
Deynze, Eecloo, Grammont,Lokeren, Ninove,Renaix, Saint-
Nicolas et Termonde. Elle élit 11 sénateurs, 20 représen-
tants et 92 conseillers provinciaux.
Instruction publique. — Gand est le siège d'une uni-
versité de l'Etat à laquelle est annexée une école du génie
civil, d'un athénée royal et d'un conservatoire royal de mu-
sique; il y a, dans la province, 8 écoles moyennes pour
garçons, 3 écoles moyennes pour filles, 5 collèges épisco-
paux et un grand nombre d'établissements dirigés par des'
congrégations religieuses. Il y au moins 1 école primaire
dans chaque commune. Il y existe aussi 24 académies de
dessin, 12 écoles de musique et 1 école industrielle.
Cultes . — La plupart des habitants de la province ap-
partiennent à la religion catholique romaine ; il ne se
trouve de protestants qu'à Gand et à Hoorebeke Sainte-
Marie (V. ce mot) ; une communauté israélite existe à Gand.
La Flandre orientale forme le diocèse (évèché) de Gand,
érigé en 1559, lequel comprend 15 doyennés et 37 cures.
Justice. — Gand est le siège d'une cour d'appel dont le
ressort s'étend sur les deux Flandres. La Flandre orien-
tale est divisée en arrondissements judiciaires dont les chefs-
lieux sont Gand, Audenarde et Termonde, et en 32 can-
tons de justice de paix.
Productions. — La Flandre orientale produit en abon-
dance les céréales, le lin, le chanvre, le colza ; aucune
partie de l'Europe n'égale en fertilité la région comprise
entre la frontière hollandaise, l'Escaut et le canal de Ter-
neuzen, appelée le pays de Waes (V. ce mot). Tous les
cours d'eau sont bordés de riches prairies ; le tabac et le
houblon sont cultivés dans la vallée de la Dendre. L'in-
dustrie est très active dans toute la province : on y fabrique
des toiles, des étoffes de laine et de coton, du fil ; il s'y
trouve de nombreuses tanneries, brasseries, distilleries,
imprimeries de tissus, corderies, des usines pour la cons-
truction du matériel de chemin de fer, etc. Les armes de
la Flandre orientale sont : d'or au lion de gueules, armé
et lampassé d'azur. E. H.
Histoire. — La région flamande, actuellement divisée en
trois parties inégales, appartenant respectivement à la Hol-
lande, à la Belgique et à la France, est un pays plat qui fut
longtemps couvert de bois marécageux immenses. On ne sait
que très peu de choses des primitifs habitants de la contrée:
tout au plus a-t-on découvert dans les tourbières quelques
ossements parmi lesquels des crânes oblongset déprimés sem-
blables à ceux des nègres de la côte occidentale d'Afrique.
Domination romaine. — Lorsque César arriva en Gaule,
la Flandre était habitée par les peuples des Menapii et des
Morini (V. ces mots). A la fin de la domination romaine,
le pays était compris tout entier dans la Belgica secunda.
Domination franque. — Au moment de l'invasion bar-
bare, un grand nombre de Francs s'établirent dans le pays.
Grâce à la communauté d'origine et à la ressemblance des
dialectes, la fusion se fit très rapidement entre les deux
éléments de la population, et l'usage de la langue latine, déjà
très restreint, disparut sans laisser de traces. Pendant toute
la durée de la domination mérovingienne, le pays des Menapii
fut connu sous le nom de pagus Mempiscus ; le nom de
Flandre (Vlaanderen) n'apparaît qu'au vu6 siècle chez les
hagiographes, mais il s'appliqua tout d'abord uniquement à
la ville de Bruges et à son territoire. C'est à cette époque
que le christianisme fut introduit dans la contrée, où il fit
rapidement des progrès, sous l'influence de saint Orner, de
saint Bertin, de saint Bavon, de saint Trond, etc. Mais les
Mérovingiens laissèrent les habitants de la Flandre soumis
à de cruelles invasions de la part de leurs voisins du Nord,
les Frisons, qui ne furent définitivement refoulés dans leurs
marécages que par les Pépin.
Epoque féodale. — Première période. Après la mort
de Charlemagne, la contrée fut exposée à toutes les incur-
sions des Normands, dont elle eut grandement à souffrir.
Charles le Chauve, auquel le traité de Verdun avait donné
l'Escaut comme limite de ses possessions, confia à un guer-
rier du nom de Baudouin, dit Bras de Fer, le gouvernement
du pays compris entre ce fleuve, la Canche et la mer. Celui-
ci enleva de force, pour l'épouser, la fille du roi, Judith, déjà
veuve d'un roi d'Angleterre. Le pape Nicolas réconcilia les
deux époux et en même temps Baudouin et Charles le Chauve.
Baudouin et Judith furent la tige de la première maison de
Flandre.
« Les contrées dont Baudouin avait reçu le gouverne-
ment, dit M. Moke dans son Histoire de Belgique, et qui
furent d'abord appelées le marquisat des Flandres, dépas-
saient à l'O. et au S. les limites actuelles de la Bel-
gique (provinces de Flandre orientale et de Flandre occi-
dentale) et comprenaient la partie la plus septentrionale de
la France (presque tout ce qui forme aujourd'hui les dép.
du Nord et du Pas-de-Calais). Ce vaste espace renfermait
plusieurs pays différents : le vieux territoire des Atrébates,
avec Arras sa capitale ; celui des anciens Morins,
avec son port célèbre de Boulogne ; le Mempisque et les
diverses localités qui en dépendaient sur l'Escaut et la
Lys; enfin, au N.-E., le pagus de Flandre dont Bruges était
la grande ville. Ce dernier canton était le moins important
par lui-même, et l'on croit qu'il tirait son nom du mot com-
posé Vlae-Land qui signifie pays inondé. Cependant ce fut
la dénomination de comte ou marquis de Flandre que pri-
rent Baudouin et ses successeurs, sans doute parce que
c'était là le berceau de leur souveraineté. Il semble, en effet,
que leurs ancêtres aient commandé depuis longtemps dans
ce district, soit sous le titre de comtes, comme l'indique
l'histoire, soit sous celui de forestiers de Flandre que leur
donnent nos traditions. Nos chroniqueurs comptaient six
générations de chefs de cette race avant l'époux de Judith,
ce qui ferait remonter l'origine de leur grandeur au temps
où les Frisons avaient été refoulés de nos provinces par les
ancêtres des Carolingiens. Ce qui paraît certain, c'est que
la renommée de Baudouin était déjà bien établie avant son
mariage et qu'il mérita le surnom de Bras de Fer en dé-
fendant la côte contre les Normands. » Ce prince, en effet,
inspira une si vive terreur aux Normands, que, depuis son
mariage jusqu'à sa mort survenue en 878, ils n'osèrent pas
débarquer sur les côtes flamandes, rasées pourtant tous les
jours par de nombreux vaisseaux amenant les pirates du
Nord, au pillage des contrées méridionales. Les pays gou-
vernés par Baudouin appartenaient pour la plus grande partie
au domaine de la langue flamande ou thioise, qui à cette
FLANDRE
— 56* —
époque était plus étendu qu'aujourd'hui et qui s'étendait,
paraît-il, jusqu'aux portes d'Abbeville ; mais une petite
fraction du pays vers l'E. et le S. fut toujours de langue
française.
Le comté de Flandre demeura vassal du royaume de
France pendant toute la durée du moyen âge, et les terri-
toires flamands appartenant maintenant à la Belgique et à
la Hollande sont les seules régions (avec le comté de Bar-
celone) qui, comprises au traité de Verdun dans le royaume
des Francs occidentaux, ne fassent pas partie de la France
actuelle. Il y a eu là un recul de l'influence française. La
sécurité relative que Baudouin introduisit dans le pays per-
mit à la richesse de se développer. Il en fut de même
sous les divers successeurs de ce prince.
Le fils de Baudouin portait le même nom que lui. Il fut
surnommé le Chauve. Les Normands profitèrent de la mino-
rité du nouveau comte pour ravager plusieurs fois la Flandre.
On raconte que Rollon fut à la tête d'une de ces expéditions
en 880. Les Normands s'emparèrent de Gand et remontèrent
l'Escaut jusqu'à Tournai et Condé en pillant tout sur leur pas-
sage. Ce fut un grand désastre pour la Flandre. Lorsque le
jeune Baudouin fut arrivé à l'âge d'homme, son premier soin
fut de reprendre les traditions militaires qui avaient fait la
gloire de son père. Cela lui donna une grande popularité parmi
ses vassaux qui avaient pour lui un dévouement sans bornes,
allant chez quelques-uns d'entre eux jusqu'à ne pas reculer
devantle crime, pour obéir à leur seigneur. Aidé d'un concours
aussi efficace, Baudouin débarrassa définitivement ses do-
maines des Normands. Quelques-uns d'entre eux demandèrent
des terres au comte et le servirent désormais fidèlement. Bau-
douin reconstruisit les villes détruites par les pirates et,
pour mieux affermir son autorité, établit dans chaque cité
un châtelain investi de pouvoirs étendus. Ypres, Courtrai,
Bergues, Gand et Bruges furent les principales de ces châ-
tellenies. Baudouin, pendant les quarante ans de son règne,
ménagea peu les terres des églises et il n'hésita pas à faire
assassiner (an 900) l'archevêque de Reims, Foulque, qui
lui avait enlevé les abbayes de Saint-Bertin et de Saint-
Vaast. Il fit aussi la guerre au roi de France, sans qu'aucun
succès bien marqué favorisât l'un ou l'autre des adversaires.
Baudouin avait épousé une fille d'Alfred le Grand, du nom
d'Eltrude ; il en eut un fils, Arnoul , qui lui succéda
en 918.
Arnoul le Vieux, ou le Grand, fut longtemps un allié
fidèle de son parent Charles le Simple et le soutint dans
toutes ses guerres entre les vassaux révoltés et notam-
ment contre Guillaume , duc de Normandie. Lorsque le
roi eut été fait prisonnier par ses ennemis, c'est Arnoul
qui implora pour lui le secours d'Otton le Grand, roi de
Germanie. Celui-ci, en 946, vint assiéger Rouen, mais il
échoua dans ce siège et, mortifié, il tourna sa colère contre
Arnoul qui était la cause de cette humiliation et il vint ra-
vager la Flandre. Cette leçon servit à Arnoul qui renonça
à se mêler des querelles du roi de France et s'occupa uni-
quement de réparer les désastres causés en Flandre par
l'invasion d'Otton. Puis, par une de ces révolutions fré-
quentes au moyen âge, il résolut de consacrer le reste de
sa vie à son salut : il restitua aux églises les biens qu'il
leur avait enlevés et remit le pouvoir à son fils Baudouin III
(958). Pendant un court règne de trois ans, Baudouin III
ne se livra à aucune guerre : il encouragea la fabrication du
drap qui commençait déjà à être la principale richesse du
pays et établit, dit-on, dans les principales villes, des foires
qui devinrent rapidement des plus florissantes. Baudouin
étant mort en pleine jeunesse, le vieil Arnoul reprit le pou-
voir et tous ses efforts tendirent à assurer à son petit-fils,
qui s'appelait aussi Arnoul, la paisible transmission de
l'héritage paternel. Il se rapprocha du roi de France qui
était alors Lothaire et lui prêta l'hommage pour son comté,
dans l'espoir de donner ainsi un appui à son jeune succes-
seur.
Les appréhensions du vieil Arnoul se réalisèrent et le
jeune Arnoul eut un règne peu prospère (964-988). Il se
montra toujours l'ennemi de Hugues Capet et, lorsque ce
dernier fut proclamé roi, il refusa de le reconnaître. Il y
fut contraint par la force et cette humiliation lui porta le
dernier coup. Il mourut au moment où plusieurs de ses vas-
saux venaient de se révolter contre lui. Mais son fils Bau-
douin IV, surnommé le Barbu, devait relever les affaires du
comté et lui rendre sa force. C'était un enfant à la mort
de son père. Arrivé à l'âge d'homme, il s'empara d'abord de
Valenciennes, ce qui lui attira une guerre avec l'empereur,
le roi de France et le duc de Normandie. Mais il fut assez
habile pour l'emporter sur ces trois puissants ennemis coa-
lisés (1005). L'empereur, l'année suivante, subit un nouvel
échec au siège de Gand. Baudouin pourtant consentit à se
rendre lui-même à Aix-la-Chapelle pour traiter de la paix.
L'empereur lui reconnut la possession de Valenciennes et lui
céda le château impérial qui se trouvait sur la rive droite de
l'Escaut, en face de Gand, et tous les pays qui s'étendaient
à partir de cet endroit sur le bord du fleuve, jusques et y
compris les îles de la Zélande . Baudouin le Barbu prêta hom-
mage en échange de ces fiefs (1007). C'est l'origine du lien
féodal entre les comtes de Flandre et les souverains de
l'Allemagne.
Baudouin IV ne cherchait plus qu'à finir ses jours en
paix, mais il fut troublé dans sa tranquillité par une
révolte de son fils, Baudouin de Lille, ainsi nommé,
parce que, croit-on, il était né dans cette ville. En tous
cas, ce fut le lieu de sa prédilection; il l'agrandit et l'em-
bellit, et en fit sa résidence ordinaire. Le jeune Baudouin
avait épousé Adèle, fille de Robert, roi de France. Ce der-
nier intervint pour réconcilier le père et le fils. La paix
fut jurée à Audenarde dans une grande assemblée. Un fait
assez notable se produisit. Un grand nombre de reliques
avaient été apportées pour augmenter la solennité du ser-
ment : la première place fut donnée aux reliques de saint
Gérulphe, parce que c'était le seul qui fût un saint fla-
mand. Ainsi dans ce simple détail se manifestait l'esprit
orgueilleusement particulariste et jalousement national du
peuple des Flandres.
Baudouin de Lille, qui avait pourtant commencé sa carrière
par une révolte, fut peut-être le plus grand des princes de
la lignée de Baudouin Bras de Fer. Toute la première par-
tie de son règne fut employée à lutter avec succès, soit contre
le comte de Frise et de Hollande, Thierry IV, soit contre
l'empereur Henri III. Dans cette dernière lutte, Baudouin eut
pour allié presque constant son cousin Godefroy le Coura-
geux, duc de Basse-Lorraine. Ces guerres, destinées à ac-
croître les domaines du comte de Flandre, ne détournaient pas
ce dernier des autres moyens propres à augmenter ses pos-
sessions. Il maria son fils à Richilde, l'unique héritière du
comte de Hainaut, et joignit ainsi une riche province à ses
territoires patrimoniaux. Sur la fin de sa vie, Baudouin de
Lille devint pacifique à un tel point qu'il mérita les sur-
noms de Débonnaire et de Pieux. Le roi de France Henri Ier
avait une telle confiance dans la sagesse de Baudouin, que,
se sentant près de mourir, il confia au comte de Flandre la
régence du royaume pendant la minorité de Philippe Ier.
Baudouin de Lille remplit ces fonctions avec habileté pen-
dant six ans (1061-1067). Il mourut en 1067, laissant la
Flandre et le Hainaut à son fils aîné Baudouin de Mons.
Baudouin de Mons fut ainsi nommé parce que depuis son
mariage il habitait la capitale du Hainaut. Son gouverne-
ment ne dura que trois ans, mais il fut si vigilant que,
d'après les chroniqueurs, « les voyageurs purent marcher
sans armes, et les habitants laisser leurs maisons ouvertes ».
Peu avant sa mort, se sentant malade et prévoyant une
fin prochaine, il convoqua une grande assemblée à Aude-
narde et fit jurer aux nobles et aux représentants des villes
fidélité à son fils. Puis il confia la régence de la Flandre,
non à sa femme Richilde, qu'il jugeait trop différente d'esprit
des Flamands, mais à son propre frère Robert, dit le Frison,
depuis qu'il avait épousé la comtesse Gertrude de Frise,
veuve de Florent Ier. Richilde, profitant de difficultés que
Robert avait dans la Frise, s'empara de la Flandre, avec
— 569 —
FLANDRE
l'aide de son troisième mari, un Normand, Guillaume, fils
d'Obbern. Mais quoiqu'elle eût obtenu l'appui du roi de
France moyennant une grosse somme d'argent, les villes
et villages de la Flandre flamingante, irrités de ses exac-
tions, prirent les armes et proclamèrent Robert le Frison.
Les pays de Flandre française restèrent fidèles à Richilde,
qui, malgré les secours fournis par le roi, fut vaincue à
Cassel. Cette victoire affermit le comté de Flandre aux
mains de Robert; Baudouin, fils de Richilde, garda le Hai-
naut. La Flandre et le Hainaut furent donc de nouveau
séparés. Mais le clergé demeurait fidèle à Baudouin, car
Robert, quoique religieux, opprimait les églises, exigeait
des clercs les mêmes impôts que des laïques, et voulut im-
poser un évêque au siège de Thérouanne. Des révoltes
éclatèrent, mais saint Arnould, évêque de Noyon et de
Tournai, à l'instigation du pape Grégoire VII, réconcilia
l'oncle et le neveu, et décida Robert le Frison à partir pour
un pèlerinage en Terre sainte. Il y passa trois ans (4086-
4 089). Robert le Frison mourut quatre ans après son retour
de Palestine (1093), dans la ville de Cassel, auprès de la-
quelle il avait remporté sa plus grande victoire.
Robert de Jérusalem, fils aîné de Robert le Frison, suc-
céda à son père : il commença par refuser à l'empereur
l'hommage qu'il lui devait pour ses terres situées au delà
de l'Escaut. Le nouveau comte passa la plus grande par-
tie de son existence en Palestine. Il prit une très grande
part à la première croisade avec Godefroy de Bouillon : il
fut même le premier à qui on offrit le trône de Jérusalem.
Il le refusa et fut presque le seul, parmi les principaux
chefs, qui ramena ses guerriers dans leur pays. A son
retour, il fut obligé de se défendre contre les entreprises
de l'empereur Henri IV et de Baudouin III, petit-fils de
Richilde, qui cherchait à faire valoir ses droits sur la
Flandre. Il les repoussa avec succès grâce à l'enthousiasme
de ses sujets qui le chérissaient à cause de son amour pour
la justice. Malheureusement, il voulut aider son suzerain,
Louis VI le Gros, dans sa guerre contre le roi d'Angleterre,
et périt au siège de la ville de Meaux par suite de la chute
d'un pont dont il voulait forcer le passage et qui s'écroula
sous les pas des combattants (1144).
Il eut pour successeur son fils Baudouin VII, surnommé
Baudouin à la Hache. Ce fut un justicier redoutable. Dès le
début de son règne, il fit de nouveau jurer laPaix de Flandre,
qui interdisait toute violence illégale d'un Flamand envers
un autre Flamand, quelle que fût leur position sociale. Il fit
pendre devant lui, dans son château de Winendale, dix
chevaliers qui avaient violé leur serment, et, pour le même
motif, un autre gentilhomme fut jeté dans une chaudière
d'eau bouillante. Malheureusement, il mourut à l'âge de
vingt-sept anst(44 49). Guillaume de Normandie, qui avait été
dépouillé de son duché par son oncle le roi d'Angleterre,
Henri Ier Beauclerc, s'était réfugié auprès de Baudouin.
Celui-ci voulut défendre les droits de son protégé; mais,
au siège du château d'Eu, il reçut une flèche au bas du
front et mourut des suites de cette blessure.
Baudouin VII, n'ayant pas d'enfants, avait désigné pour
son successeur un de ses cousins, fils d'une sœur de Ro-
bert de Jérusalem et de Canut IV, roi de Danemark. Il se
nommait Charles, et fut surnommé le Bon. Il s'était tou-
jours montré le fidèle ami de Baudouin VII, et pourtant il
eut deux compétiteurs pour la possession du comté, d'une
part Baudouin III de Hainaut, qui cherchait toujours à faire
valoir ses droits, et de l'autre Guillaume d'Ypres, fils na-
turel d'un frère de Robert de Jérusalem. Il les vainquit et,
maître incontesté du comté, il chercha à détruire les der-
niers restes de l'indépendance des seigneurs, ce qui le
rendit cher aux paysans et aux bourgeois des villes. Sa
renommée devint tellement universelle que les barons de
Jérusalem lui offrirent le trône et que les princes d'Alle-
magne voulurent l'élever à l'Empire (4425). Il refusa ces
deux offres. Il périt victime de ses bonnes qualités. Dans la
famine de 4425, il fit saisir les grains, accaparés par
quelques riches monopoleurs, et les vendit à bas prix au
peuple. De plus, il voulut diminuer les pouvoirs delà puis-
sante famille des châtelains de Bruges. Ceux qu'il ruinait
ainsi résolurent de se venger et le massacrèrent dans
l'église de Saint-Donat de Bruges. (2 mars 4427).
A cette nouvelle, toute la Flandre s'émut. Les bourgeois
de Bruges, auxquels se joignirent bientôt ceux des villes
environnantes, allèrent assiéger les assassins dans le château
fortde la ville où ceux-ci s'étaient réfugiés. Aprèsune longue
résistance, les coupables furent obligés de se rendre et
périrent dans les supplices. Charles fut placé au nombre
des saints, et ses reliques furent soigneusement recueillies
comme celles d'un martyr. Comme il n'avait pas d'héritiers
directs, sa succession donna lieu aux plus vives contesta-
tions. Naturellement, Guillaume d'Ypres et Baudouin IV de
Hainaut essayèrent de faire revivre leurs anciennes pré-
tentions, mais elles furent repoussées. Le roi de France,
Louis le Gros, convoqua à Arras toute la noblesse et lui pré-
senta comme seigneur Guillaume de Normandie qui avait
jadis été recueilli et protégé par Baudouin a la Hache. Ce
Guillaume était l'arrière-petit-fils de Baudouin de Lille. Il
tenait donc à la maison de Flandre, mais il y avait des
héritiers beaucoup plus proches que lui; il dut pour se
faire reconnaître par les nobles leur promettre de leur
partager les biens des meurtriers de Charles le Bon. Quant
aux bourgeois, le roi leur écrivit lui-même pour leur pro-
mettre au nom du comte l'abolition de l'impôt sur les mar-
chandises et des redevances des maisons. A Bruges, en
présence des deux princes, on fit lecture publique des an-
ciens privilèges de l'Eglise et des actes de cession de l'impôt
et des redevances. Le roi et le comte jurèrent sur les reliques
d'observer ces conditions, et ce dernier reçut alors l'hommage
des bourgeois. Mais Guillaume, désireux de se procurer de
l'argent pour essayer de reconquérir son duché de Normandie,
non seulement ne tint pas ses promesses au sujet de l'aboli-
tion des impôts, mais viola les privilèges des villes auxquelles
ses officiers voulaient imposer une exaction arbitraire. Lille
et Saint-Omer s'étant révoltés, il les châtia cruellement. Mais
il n'en fut pas de même à Gand. Daniel de Termonde et
Iwan d'Alost se mirent à la tète des Gantois qui n'avaient
jamais obéi au comte qu'à regret, parce qu'il n'était pas le
direct héritier de Flandre. « Une assemblée publique ayant
eu lieu, dit Moke, Iwan et Daniel reprochèrent à Guillaume
d'avoir violé ses serments, que les seigneurs avaient ga-
rantis aux bourgeois et dont ils s'étaient eux-mêmes rendus
cautions. Ils lui proposèrent de convoquer à Ypres, comme
au centre du pays, la noblesse et les chefs du clergé et du
peuple, et de faire décider par cette assemblée s'il pouvait
conserver le comté « avec honneur », ou s'il devait y
renoncer comme parjure. Le prince accepta cet arbitrage :
mais il réunit autour de la ville de grandes forces (prin-
cipalement ses vassaux de la Flandre gallicane), et les
députés gantois n'osèrent se fier à lui. Gand et Bruges
renoncèrent à son obéissance et reconnurent pour comte
Thierry d'Alsace, le plus proche parent de Charles le Bon.
Thierry était le petit-fils de Robert le Frison. Jeune en-
core et plein de courage, il accourut sans balancer pour
soutenir ses droits, et presque, toute la Flandre flamin-
gante embrassa son parti (4428). » Le roi de France
envoya des députés pour protester contre l'élection de
Thierry d'Alsace. Les bourgeois de Bruges, réunis sur le
marché du Vendredi, leur répondirent : « Le roi est un
parjure et son protégé, Guillaume de Normandie, s'est rendu
par ses exactions indigne de la couronne comtale. Nous
avons fait choix du comte qui nous convient et il n'appar-
tient pas au roi de France de s'opposer à ce choix. A nous
seuls, peuple et noblesse de Flandre, revient le droit d'élire
notre souverain. » Bien que toute la Flandre flamingante
eût pris le parti de Thierry, celui-ci n'eut sans doute pas
pu résister aux nombreuses forces de Guillaume. Mais ce
dernier fut tué au siège d'Alost, et Thierry fut alors reconnu
par le roi. Il gouverna avec sagesse et fit quatre fois le
voyage de Terre sainte ; il prit notamment part à la
seconde croisade .Baudouin IV de Hainaut essaya plusieurs
FLANDRE
— 570 —
fois de se substituer à lui. Les deux princes résolurent
enfin de faire cesser ces continuelles querelles. Ils fiancèrent
leurs deux enfants, Marguerite d'Alsace, fille de Thierry,
et Baudouin, dit plus tard Baudouin le Courageux, fils
aîné de Baudouin IV. Les deux ennemis vécurent depuis
lors en bonne intelligence. Thierry aida encore le roi de
France contre les Normands et mourut en 4468, au mo-
nastère de Waten.
Son fils Philippe gouvernait le comté depuis plus de dix
ans, quand il succéda à son père. Il avait déjà forcé le
comte de Hollande à renoncer aux droits de péage pour
l'entrée de la Meuse. Ce comte, du nom de Florent, dut
même accorder des privilèges particuliers dans ses Etats,
aux marchands de Flandre, et fut obligé de se reconnaître
îe vassal de Philippe pour les îles de la Zélande. Philippe
fit encore la guerre avec le roi d'Angleterre Henri II qui
dut lui payer un tribut annuel de mille marcs d'argent.
Il se rendit ensuite en Terre sainte.
Philippe d'Alsace fut le parrain et le tuteur de Philippe-
Auguste, roi de France. Mais le roi ayant grandi, le tuteur
et le papille ne s'entendirent plus, et pendant plusieurs
années ils vécurent en hostilité, mais se réconcilièrent
(4186), et même Philippe d'Alsace accompagna Philippe-
Auguste et Richard Cœur de Lion à la troisième croisade.
Les soldats français portaient une croix rouge, les Anglais
une croix blanche ; Philippe voulut que ses Flamands por-
tassent une croix verte, pour montrer que la Flandre était
une nation distincte et non un simple fief. Le comte de
Flandre tomba malade en arrivant devant Saint- Jean- d'Acre
et mourut en 4494.
Sa sœur Marguerite et son beau-frère, Baudouin le Cou-
rageux de Hainaut, se hâtèrent de prendre possession du
comté. Les villes les reconnurent. Mais deux officiers du roi
de France arrivèrent pour occuper en hâte la Flandre, sous
prétexte que c'était un fief qui devait retourner à la cou-
ronne à défaut d'héritiers mâles de Philippe d'Alsace. Bau-
douin et Marguerite consentirent à transiger : ils cédèrent au
roi les territoires qui formèrent plus tard le comté d'Artois.
Henri de Brabant, qui avait épousé une nièce de Philippe
d'Alsace, essaya de profiter du mécontentement causé par
ce démembrement, mais il fut battu par Baudouin qui ne
survécut pas longtemps à sa victoire, pas plus que sa femme
Marguerite. Ils eurent pour successeur, en Flandre et en
Hainaut, leur fils, qui devint célèbre comme empereur de
Constantinople. Il s'appelait aussi Baudouin (V. Baudouin
et Constantinople).
Baudouin essaya d'obtenir de Philippe-Auguste une res-
titution des territoires qui avaient été cédés au roi. N'y par-
venant pas par la persuasion, il engagea la guerre. Philippe-
Auguste, cerné avec son armée dans des terrains marécageux,
près d'Ypres , dut promettre tout ce qu'on lui demandait.
Mais, devenu libre, il déclara que le roi de France n'était
pas lié par une promesse faite à un vassal rebelle; pour-
tant, à la suite d'une guerre, il dut restituer à la Flandre
la partie septentrionale du territoire qu'il lui avait enlevé.
Sur ces entrefaites, Baudouin partit pour la quatrième croi-
sade. Il fut tué par les Bulgares en 4206. Avec lui
s'éteignit la maison de Flandre. Sa fille Jeanne lui suc-
céda. Philippe-Auguste l'obligea à épouser Ferrand de Por-
tugal, et se fit céder de force Aire et Saint-Omer. Ferrand,
qui d'abord avait été dévoué au roi, fut obligé de se dé-
tourner de lui pour acquérir l'affection de ses nouveaux
sujets irrités de la politique de Philippe-Auguste. Mais le
roi le prévint et s'empara de toutes les villes de Flandre.
Ferrand se retira en Zélande d'où il revint pour prendre
part à la bataille de Bouvines ; il y fut fait prisonnier et
demeura douze ans emprisonné dans la tour du Louvre. Sa
femme Jeanne vint traiter avec Philippe-Auguste qui, plus
modéré qu'on eût pu l'espérer, lui laissa ses Etats, en exi-
geant seulement la démolition des remparts de Lille et de
Valenciennes ; mais la puissance des comtes de Flandre venait
de recevoir le coup le plus rude dont elle eût été encore
frappée.
Le règne de Jeanne fut désastreux. Elle refusa de ver-
ser les 50,000 livres exigées comme rançon pour son
mari et préféra garder le pouvoir ; mais le peuple lui
obéissait peu volontiers. Après la mort de Ferrand, elle
épousa Thomas de Savoie qui, pendant les sept ans que dura
son mariage, se concilia l'affection des Flamands en leur
accordant de nombreux privilèges.
Marguerite, qui succéda à sa sœur Jeanne en 1244, avait
été d'abord mariée à Bouchard d'Avesnes dont elle eut deux
enfants ; mais son mariage fut annulé et elle rejeta toute
son affection sur son second mari, Guillaume de Dampierre,
et les enfants qu'elle en eut. Elle aurait voulu que l'on dé-
clarât enfants naturels les deux fils nés de son mariage avec
Bouchard. Le pape n'y consentit pas. Mais le roi de France,
saint Louis, déclara que le comté de Flandre reviendrait
au fils aîné de Guillaume de Dampierre, tandis que Jean
d'Avesnes n'aurait que le Hainaut. Marguerite fit tant de
concessions aux bourgeois des villes que ceux-ci lui décer-
nèrent le nom de Bonne Comtesse. La puissance des comtes
était bien déchue. Jusqu'à ce moment, ils avaient exercé
un grand pouvoir. Nobles, paysans, bourgeois, malgré des
révoltes passagères, leur étaient demeurés fidèles. Mainte-
nant la puissance passe aux mains des bourgeois. Et, à
l'alliance avec la France qui avait déjà reçu un rude coup
des procédés de Philippe-Auguste, va se substituer l'alliance
avec l'Angleterre et l'hostilité la plus violente envers les
rois capétiens.
Sous la domination des comtes de la lignée de Baudouin
Bras de Fer, une véritable nationalité flamande s'était cons-
tituée. Le pays avait évité tout morcellement et toute anar-
chie. Le pouvoir des comtes s'était solidement affermi et
avait su imposer la paix à la turbulence des nobles. Les
villes se multipliaient et s'agrandissaient. Le livre des mi-
racles de saint Bavon parle de la ville de Gand comme
d'une cité très florissante, puissante par ses pêcheries
et son commerce maritime. Les baleiniers gantois trou-
vaient dans la mer du Nord des baleines en abondance et
contribuaient pour une large part à la prospérité de la ville.
Mais Bruges était encore très supérieure à Gand et, au
xie siècle, un écrivain anglais nous dit que c'était un port
merveilleusement renommé pour la multitude des marchands
qui s'y trouvaient et pour l'abondance de tout ce que le
monde renfermait de matières précieuses ; Bruges était
surtout un grand port d'entrepôt et d'échanges ; c'est là
que se rencontraient d'une part les vaisseaux génois, pi-
sans, vénitiens, catalans, provençaux, apportant les denrées
de la Méditerranée, de l'Egypte, de la Syrie et de l'Asie,
et d'autre part les négociants et les navires de la Hanse
qui venaient chercher ces marchandises précieuses pour
les répandre dans le Nord. Les marchands hanséatiques,
de leur côté, apportaient les bois du Nord, l'ambre de la
Baltique, les pelleteries. Bruges était donc une des villes
les plus riches, les plus animées et les plus curieuses de
la chrétienté. Et sans doute nulle part, à cette époque, ne
se rencontrait pareil mélange de populations, car pendant
longtemps les marins méditerranéens ne remontèrent pas
plus haut et les marins hanséates ne descendirent pas
plus bas.
Les paysans, eux aussi, avaient obtenu une grande indé-
pendance, presque aussi grande que celle des villes. Ils
avaient de bonne heure pris l'habitude de s'associer, poussés
qu'ils étaient par la nécessité de réunir leurs efforts dans
le but de construire des digues destinées à protéger les
basses plaines contre l'envahissement des eaux, et de dessé-
cher les marais.
Les communes et les campagnes, tant qu'elles avaient
eu à leur tête des princes braves, sages, respectueux de
leurs droits et de leurs besoins, avaient obéi facilement,
d autant mieux que la famille de Baudouin Bras de Fer ins-
pirait un véritable attachement à tous les Flamands. Mais
lorsque cette famille fut éteinte, lorsque les comtes furent
de plus devenus incapables et seulement désireux de se
procurer de l'argent pour la satisfaction de leurs besoins
fastueux, les riches communes et les campagnards opu-
lents refusèrent d'obéir et prétendirent être assez sages et
assez instruits pour se diriger eux-mêmes. Et il faut bien
avouer que parfois la politique imprudente et agressive de
la cour du roi de France contribua à irriter et à exaspérer
les bourgeois.
Les rois de France et notamment Philippe le Bel crurent
habile d'abord de soutenir les villes contre les comtes ; ils
s'imaginaient que plus tard les bourgeois ne pourraient pas
leur résister, mais ils faisaient un mauvais calcul; les ha-
bitants d'Ypres, de Gourtrai, de Gand, de Bruges, qui
repoussaient l'autorité de leur comte, n'étaient pas disposés
du tout à se soumettre à l'autorité du roi.
Seconde période féodale. De V avènement de Gui
de Dampierre {1280) à la pacification de Tournai
(1387). La lutte commença sous Gui de Dampierre, suc-
cesseur de Marguerite de Constantinople, à propos des
échevins de Gand. L'autorité des échevins s'était déve-
loppée à mesure que les villes acquiéraient plus d'indépen-
dance. Ils étaient, en général, nommés à vie et apparte-
naient toujours au patriciat commerçant. Leur autorité
était sans limite ; ils n'avaient de compte à rendre ni au
peuple, ni à leur souverain ; ils étaient les capitaines des
milices. Aussi la petite bourgeoisie supportait-elle avec
peine leur pouvoir, et les deux dernières comtesses avaient
essayé à différentes reprises de remédier à cet état de
choses ; c'est ce qui contribua beaucoup à la popularité de
Jeanne et de Marguerite.
Les échevins de Gand s'appelaient les XXXIX ; ils étaient
divisés en trois classes de treize chacune, dont Tune se
reposait une année, tandis que les deux autres gouver-
naient. Gui de Dampierre les accusa de concussion et voulut
les supprimer, mais les échevins firent appel à Philippe le
Hardi qui les rétablit. Cependant de nouveaux conflits s'éle-
vèrent et la cour du roi condamna les échevins à soixante
mille livres d'amende. Gui, se croyant assuré de l'appui
royal, voulut alors agir de même contre l'échevinage de
Bruges. Mais le roi avait changé en France et Philippe le
Bel, qui avait succédé à Philippe le Hardi, prit ouverte-
ment parti pour les échevins. A partir de ce moment, le roi
et le comte se prirent d'une haine farouche qui se déguisait
pourtant sous des dehors de courtoisie. Mais Gui de Dam-
pierre se laissa séduire par les belles paroles du roi et vint
lui présenter sa fille Philippine qui allait épouser le fils
d'Edouard Ier d'Angleterre. Philippe le Bel, manquant à
sa parole, retint prisonnier Gui et sa fille. IL traduisit le
comte devant sa cour comme coupable de trahison ; la
cour acquitta l'accusé et Philippe dut relâcher le comte en
retenant Philippine comme otage.
Gui, furieux, fit alliance avec Edouard d'Angleterre,
l'empereur Adolphe de Nassau, l'archiduc Albert d'Au-
triche, le duc Jean II de Brabant, les comtes de Hollande,
de Juliers et de Bar. Puis comptant sur ces alliances, il
déclara qu'il ne reconnaissait plus la suzeraineté du roi de
France. Celui-ci répondit en prononçant la confiscation de
la Flandre (janv. 4297).^
Gui de Dampierre avait trop présumé de ses forces : il
fut abandonné de ses alliés ; les communes qui ne l'aimaient
pas le soutinrent mal, et l'armée française, commandée
par le frère du roi, Charles de Valois, occupa le comté.
Gui fut de nouveau fait prisonnier. Le patriciat commer-
çant, heureux d'être débarrassé du comte, et en même
temps d'être confirmé dans ses privilèges, accepta assez
facilement la conquête. Le roi ayant fait un voyage dans
le comté, y fut bien accueilli. C'est pendant ce voyage
que la reine Jeanne de Navarre, jalouse de voir la richesse
de la parure et de la toilette des femmes des grands
marchands de Bruges, prononça les paroles si souvent
citées pour témoigner de l'opulence flamande : « Je me
croyais seule reine ici, mais j'en aperçois mille autres au-
tour de moi. »
Toutefois, les petites gens voyaient avec peine que la
tyrannie royale et celle des grands bourgeois pesaient de
— 571 - FLANDRE
plus en plus lourdes sur eux; ils étaient mécontents de
n'appartenir plus à un peuple indépendant et distinct. « Ils
craignaient d'être traités comme dans les provinces fran-
çaises dont les habitants étaient serfs. » Au mois de mai
4302 éclata une révolte générale. Pierre de Konynck,
doyen des tisserands, et Jean Breydel, doyen des bouchers,
se mirent à la tête des Brugeois ; toutes les villes imitèrent
Bruges. Les garnisons françaises ne purent garder que
Gand et Lille. Bientôt les fils de Gui de Dampierre, qui
avaient reparu dans le pays au premier bruit de ces ré-
voltes, commandèrent à une armée de vingt mille fantas-
sins, arbalétriers et piquiers. Les nobles demeuraient du
parti du roi de France, dont l'armée était commandée par
son beau-frère Robert d'Artois. Quoique supérieures en
nombre et en armement aux troupes flamandes, les troupes
françaises furent complètement battues à Courtrai (44 juil.
4302). Ce fut une défaite sans précédent dans la chevalerie
française. Les villes encore occupées par les garnisons
royales durent capituler et Phillippe le Bel perdit complè-
tement sa conquête. Il essaya de négocier, mais sans désir
de réussir. Pendant ce temps, il réunit une escadre et une
nouvelle armée. La flotte flamande fut vaincue à Zérickzee
(43 août 4304) par les galeries génoises au service du roi.
Le roi se mit lui-même à la tête de son armée et, à
Mons-en-Puelle (48 août 4304), vengea la défaite de Cour-
trai ; mais la puissance flamande ne fut pas abattue. Des
négociations s'ouvrirent. Les Flamands obtinrent le main-
tien de leurs anciens privilèges, la liberté de leurs prison-
niers, le droit de fortifier leurs villes et la restitution des
contrées flamandes encore occupées par le roi. En revanche,
ils payèrent une somme de 800,000 livres (oct. 4304).
Gui de Dampierre mourut peu après (4305) encore prison-
nier au château de Compiègne.
Son fils Robert de Béthune partageait sa captivité ; le
roi lui accorda la liberté, mais après lui avoir arraché de
nouvelles concessions. Les villes ne voulurent pas accepter
ces concessions ; il y eut des émeutes, Jean Breydel tua
même de sa main le principal conseiller du comte. Les dif-
ficultés avec la France durèrent encore longtemps. Louis le
Hutin entreprit même une nouvelle expédition, sans grands
succès d'ailleurs, et vint assiéger Courtrai et Cassel. Mais
les Gantois finirent par se lasser de ces guerres sans pro-
fit. Ils abandonnèrent le parti des communes et obligèrent
le comte à signer en 4320 un traité définitif avec Philippe
le Long qui régnait alors en France. Les anciennes clauses
des traités antérieurs furent renouvelées, mais le roi garda
Lille, Douai et Orchies. Robert de Béthune mourut très âgé,
en 4322.
Les deux derniers comtes de la maison de Dampierre
n'exercèrent qu'un pouvoir des plus précaires. Et l'on peut
dire qu'ils eurent plutôt des prétentions à la couronne com-
tale qu'une puissance effective.
Robert de Béthune eut pour successeur son petit-fils,
Louis de Crécy, qui n'avait que dix-huit ans, et qui avait
été élevé à la cour de France. Louis avait même épousé la
fille de Philippe le Long ; par sa mère il était l'héritier du
comté de Rethel, et il aimait mieux cette seigneurie que
la Flandre dont les habitants étaient trop indisciplinés.
Les progrès de la démocratie et même de la démagogie
avaient été en effet rapides dans les communes depuis la
bataille de Courtrai. A Bruges, entre autres, régnait une
constitution presque exclusivement populaire : sur treize éche-
vins, huit étaient nommés par les artisans. Seule la ville
de Gand avait gardé une puissante aristocratie mar-
chande. Toutefois, par un curieux contraste entre les ap-
parences et la réalité, c'est peut-être là que les formes
constitutionnelles étaient les plus démocratiques. La ville
tout entière était divisée en trois classes : les tisse-
rands, les métiers ordinaires ou petits métiers, et les
foulons. Les familles patriciennes même avaient dû se faire
affilier à ces corporations. C'étaient là des concessions pu-
rement formelles. Aussi Gand jusqu'à présent s'était tenu
un peu à l'écart des autres communes. Mais tout allait
FLANDRE
- 572
changer ; le Ilot populaire devait, à Gand, comme ailleurs,
submerger l'aristocratie, et les Gantois devinrent les véri-
tables chefs du pays et éclipsèrent les Brugeois.
Dès le début de son règne, Louis de Crécy indigna ses
nouveaux sujets en donnant la seigneurie du port de l'E-
cluse à son oncle Jean de Kayser. Les Brugeois, dont les
vaisseaux mouillaient dans ce port, craignirent d'être expo-
sés à des péages exagérés et se révoltèrent. Les autres com-
munes les imitèrent. La révolte dura trois ans, marquée
par des épisodes de la plus grande cruauté. Le comte fut-
fait prisonnier et ne fut relâché que lorsque le pape eut
lancé l'interdit contre les Flamands révoltés, et que les
Gantois, jaloux de Bruges, se furent rangés de son parti
sous les ordres d'Hector Vilain.
Louis de Crécy, mis en liberté, alla demander vengeance
au roi de France Philippe de Valois. Celui-ci marcha avec
de nombreuses troupes contre l'armée flamande composée
de douze mille piquiers aguerris et commmandés par un
Fumais nommé Michel Zannekin qui s'était distingué dans
les révoltes précédentes. La rencontre eut lieu au pied de
la montagne deCassel (°23 août 1328). Les Flamands furent
complètement battus. Louis fut rétabli dans tout son pou-
voir : il se vengea par de nombreux supplices de ses enne-
mis, et, appuyé sur la haute bourgeoisie, 'il sut dominer
pendant quelque temps les artisans. Mais ce ne fut qu'une
très courte période. Les troubles allaient bientôt recom-
mencer.
Le roi d'Angleterre Edouard III élevait des prétentions à
la couronne de France : il chercha à s'assurer l'appui des
Flamands, mais le comte ne voulut pas abandonner le roi
de France. Edouard interdit alors l'exportation de la laine,
ce qui portait le plus grand coup à l'industrie flamande
du drap qui faisait vivre la majorité de la population.
La misère fit d'énormes progrès. De toutes parts des
réclamations s'élevèrent ; on demandait à grands cris à
Louis de traiter avec l'Angleterre, mais celui-ci ne voulait
pas en entendre parler, et il fit même décapiter Sohier le
Courtraisien, sire de Tronchiennes, qui s'était montré trop
ardent partisan du roi d'Angleterre. Alors, le gendre de
Sohier, Jacques van Artevelde, se mit à la tête des Gan-
tois, attira les autres villes dans son parti, et obtint du comte,
par la force, la neutralité de la Flandre entre l'Angleterre
et la France. Edouard III permit de nouveau l'exportation
de la laine. La prospérité revint, et la popularité d'Arte-
velde fut portée au plus haut point. Mais les Flamands
enorgueillis par leurs succès demandèrent à Philippe de
rendre les villes de Douai et de Lille. Celui-ci s'y refusa.
Alors Artevelde se ligua contre la France avec le roi d'An-
gleterre et le duc de Brabant Jean III. « C'était, dit un his-
torien belge, à propos de l'alliance avec le Brabant, une
véritable confédération entre les deux pays, fondée sur l'in-
térêt commun des deux Etats, et destinée pour ainsi dire à
les réunir dans un seul corps . On mit la plus grande so-
lennité à cet acte d'alliance, que signèrent de part et d'autre
sept villes et quarante seigneurs. Il portait entre autres
points que le commerce serait libre entre les deux pro-
vinces ; qu'elles feraient usage d'une seule et même monnaie,
et qu'à l'avenir leurs différends seraient soumis à un con-
seil de douze personnes (quatre conseillers, deux barons, six
députés des villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, Gand,
Bruges et Ypres). Ce conseil devait maintenir une paix per-
pétuelle entre les Etats contractants, qui se promettaient de
se défendre F un l'autre de toute leur puissance « pour gar-
der leurs biens et leurs pays. » Ce document remarquable
préparait une union future plus intime encore entre deux
pays de même langue et de mêmes mœurs.
Ayant ainsi solidement appuyé son autorité, Artevelde
entra en campagne avec soixante mille hommes. Pendant
que la flotte française était détruite par les flottes an-
glaise et flamande devant le port de l'Ecluse (19 juin 1340),
Artevelde alla mettre le siège devant Tournai. Philippe,
effrayé, dépêcha auprès du Flamand sa sœur Jeanne de Va-
lois qui, signa une trêve très avantageuse pour le comté.
On remit à Artevelde les titres originaux qui constataient
les dettes imposées par les précédents traités *à la Flandre
envers le roi. Le capitaine les déchira publiquement au mi-
lieu des acclamations de l'armée.
Après cela, Artevelde essaya d'établir avec solidité et sé-
curité le gouvernement populaire. Les trois principales
villes, Gand, Bruges et Ypres, dont les échevins se réunis-
saient en conseil, exerçaient la souveraineté au nom du comté.
A Gand, la haute bourgeoisie chercha à faire de l'opposition
à Artevelde. Ce dernier souleva le peuple (1343) et établit
le gouvernement des artisans de métiers, de même qu'à
Bruges et à Ypres. Cette révolution eut des suites fâcheuses
pour Gand et pour Artevelde. Dans la ville, les drapiers et
les foulons se livrèrent à une grande bataille sur le marché
du Vendredi. Artevelde comprit qu'un souverain était né-
cessaire au pays, et comme il n'avait pas confiance dans le
comte Louis, et qu'il ne pouvait le décider à abandonner
le parti du roi de France, il voulut faire nommer comte un
fils d'Edouard d'Angleterre. Les gens de métiers irrités,
conduits par Gérard Deny s, doyen des tisserands, l'attaquè-
rent dans sa maison et le massacrèrent (17 jui. 1345).
Louis voulut essayer de rétablir son autorité; mais, ne
pouvant y parvenir, il retourna auprès du roi de France,
et fut tué à la bataille de Crécy (1346).
Louis de Crécy laissait un fils alors âgé de seize ans et
qu'on appela Louis de Maie, parce qu'il était né au château
de Maie, près de Bruges. Bien qu'il eût été élevé à la cour
du roi de France et qu'il eut des sentiments très français,
les villes n'hésitèrent pas à le reconnaître comme comte ;
elles espérèrent même un moment l'attacher au parti du
roi d'Angleterre, en lui faisant épouser la fille d'Edouard.
Mais Louis de Maie refusa avec la plus grande énergie
d'épouser la fille de l'ennemi de son père. Toutefois, après
la trêve qui suivit la prise de Calais par Edouard, le comte
Louis retourna dans son comté où un fort parti, désireux
du calme et de la tranquillité, l'appelait. En effet, de si
nombreuses et si longues luttes rendaient le repos néces-
saire. Les diverses villes étaient irritées les unes contre les
autres. A l'intérieur des cités, les classes et les métiers se
jalousaient. Les Gantois avaient pris et pillé Termonde
pour punir cette ville d'avoir fabriqué certaines espèces de
drap dont Gand se réservait le monopole. A Bruges, la
haute bourgeoisie cherchait à reconquérir le pouvoir sur
les gens de métier. Elle y parvint presque et se montra
favorable au comte qui promit de résider dans la ville. La
Flandre maritime se déclara tout entière pour lui. Gand
et Ypres, las des guerres civiles, finirent par se soumettre
à Louis. Celui-ci gouverna d'abord avec sagesse, se pro-
clama neutre entre la France et l'Angleterre, et pour flatter
l'orgueil des Flamands, malgré son primitif dévouement au
roi de France, résolut de gouverner la Flandre, non en
vassal du roi, mais en véritable souverain indépendant.
A la mort de Philippe de Valois, Louis de Maie refusa de
prêter l'hommage au nouveau roi Jean. De longues négo-
ciations à ce sujet commencèrent, sans résultat; et même
lorsque la fille de Louis, Marguerite de Flandre, arriva en
âge d'être mariée, le comte l'offrit à un des fils du roi
d'Angleterre. Mais Marguerite de France, mère du comte
Louis, avait d'autres desseins, et elle finit par décider son
fils à marier Marguerite de Flandre à Philippe de Bour-
gogne, frère du roi Charles V. Ce dernier consentit en
échange à rendre à la Flandre les villes occupées par les
Français et qui avaient causé de si cruelles guerres. Un
autre agrandissement des possessions de Louis de Maie eut
lieu dans le Nord et l'Ouest. En 4357, le duc de Brabant
fut obligé de céder à la Flandre les villes d'Anvers et de
Malines. Mais malgré cela le comte était pauvre, et la né-
cessité où il se trouva de se procurer de l'argent devait
rendre la fin de son règne très pénible. Un parti se forma
à Gand parmi ceux qui trouvaient que les taxes étaient
trop lourdes. Ce parti s'appela les chaperons blancs. Les
chaperons blancs, où dominaient les tisserands et les fou-
lons, en vinrent aux mains avec les bouchers et les bâte-
— 573 —
FLANDRE — FLANDRIN
liers qui défendaient le parti du comte. Les révoltés furent
vainqueurs sous la conduite d'un certain Jean Yoens.
Bruges, Ypres et toute la contrée les suivirent (1379).
Malheureusement pour les communes, la discorde se mit
bientôt entre Gand et Bruges et cette dernière ville revint
à Louis de Maie. Les Gantois furent alors vaincus à Nevele,
et leur ville fut bloquée. Bientôt la famine les força à im-
plorer le comte, mais celui-ci voulut qu'ils se missent à sa
merci sans conditions. Les Gantois résolurent de tenter un
dernier effort sous la conduite de Philippe van Artevelde,
fils de Jacques.
Le 3 mai 4382,1e comte et son armée s'étaient rendus à
Bruges pour la procession du Saint Sang. Les Gantois arri-
vèrent au pied de la ville ; le parti populaire brugeois se
déclara pour eux, et le comte, après une sanglante défaite,
dut se réfugier en France. Le roi Charles VI prit son
parti, et, accompagné d'une brillante armée, marcha contre
les Flamands. Ceux-ci furent complètement battus à Rose-
becque (nov. 4382). Philippe van Artevelde fut tué et la
Flandre fut de nouveau soumise au comte. Les Gantois
essayèrent bien de lutter encore, mais le duc de Bourgogne
intervint entre eux, le roi et le comte, et une trêve fut
signée (oct. 4383). Peu après Louis de Maie mourut (9 janv.
4383). Le duc de Bourgogne lui succéda, du chef de sa
femme Marguerite. Les nombreuses ressources en argent
et en soldats du nouveau comte lui permirent de s'emparer
sans peine du comté. Les Gantois eux-mêmes finirent par
se soumettre, et, le 6 déc. 4385, un traité eut lieu connu
sous le nom de Pacification de Tournai, de la ville où il
fut signé. Gand reconnut Philippe, et en revanche Phi-
lippe accorda à Gand amnistie complète et la reconnais-
sance de tous les privilèges de la ville. Au moment où la
dynastie de Dampierre s'éteignait, et où la Flandre entrait
dans la maison de Bourgogne, le grand rôle historique
qu'avait joué les Flamands durant tout le moyen âge finis-
sait. Désormais leur pays, uni à d'autres contrées, n'est
plus qu'un des éléments, et non le moindre, de la grandeur
des maisons de Bourgogne et d'Autriche (V. Belgique et
Pays-Bas).
C'en était fait de la liberté, bien que plusieurs révoltes
aient toujours manifesté l'esprit indépendant qui animait
les villes et qui s'est perpétué jusqu'à nos jours. Mais la
richesse était toujours considérable dans cette plantureuse
et industrieuse contrée. En 4400, la ville de Gand renfer-
mait 80,000 hommes en état de porteries armes : les tis-
serands, à eux seuls, au nombre de 40,000, pouvaient
mettre sur pied 48,000 combattants. Trois fois par jour
une cloche appelait les tisserands au travail ou au repas.
Pendant qu'elle sonnait, il était défendu de lever les ponts
des canaux pour livrer passage aux bateaux ; les autres
habitants se tenaient chez eux, de peur d'être entraînés
par le flot d'ouvriers qui, à cette heure, inondait les rues ;
les enfants surtout étaient soigneusement gardés.
Cette prospérité se continua longtemps. Et la vigueur
que les Flamands avaient mise dans leurs querelles en fa-
veur de leurs libertés, ils l'ont aussi mise dans leur art,
un des plus originaux de l'Europe à la fin du moyen âge
et à l'époque de la Renaissance.
La Flandre est en somme un petit pays, mais elle a
joué dans l'histoire européenne un rôle considérable. Nulle
part ne se sont développées des municipalités plus fières,
plus libres, plus agitées et en même temps plus riches,
plus industrieuses. Assurément ce petit coin de terre a eu
dans le développement de la civilisation une part des plus
considérables, et plus remarquable que celle de grands
empires.
Le titre de comte de Flandre, qui depuis Louis de Maie
n'avait plus été porté que par des souverains étrangers, a
été relevé de nos jours en faveur de Philippe, Eugène, Fer-
dinand, Marie, Clément-Baudouin, Léopold-Georges, second
fils du roi Léopold Ier de Belgique, né à Laeken le 24 mars
4837. Frédéric Amouretti.
Linguistique (V. Belgique et Pays-Bas).
Littérature (V. Pays-Bas).
Beaux- Arts (V. Pays-Bas).
Bibl. : Histoire. — Warnkoenig, Flandrische Staats-
und Rechtsgeschichte ; Tubingue, 1835-1839, 5 vol. in-8 ;
trad. franc, partielle et remaniée par E. Gheldolf, His-
toire de la Flandre et de ses institutions civiles et poli-
tiques jusqu'à l'année 1305; Bruxelles, 1835-1864, 5 vol.
in-8. — Edw. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre
jusqu'à Vavènement de la maison de Bourgogne; Paris,
1842, 2 vol. in-8. — Kervyn de Lettenhove, Histoire
de Flandre; Bruxelles, 1853-1854, 2° éd., 5 vol. in-8. —
L. Vanderkindere, le Siècle des Artevelde ; Bruxelles,
1879, in-8.
FLANDRE (Louis de), sire dePraet, capitaine et homme
d'Etat belge, mort à Aeltre en 1555. Il descendait, par son
père, d'un fils illégitime de Louis de Maie et, par sa mère,
d'un bâtard de Philippe le Bon. Il prit part à la campagne
de Gueldre, en 1507, contre Charles d'Egmont, puis il
fut successivement grand bailli de Gand et de Bruges, am-
bassadeur de Charles-Quint à Londres et à Borne et enfin
gouverneur de la Flandre. Il servit son souverain avec une
fidélité chevaleresque ; esprit calme, précis et positif, doué
à la fois de non sens et de dextérité, il accomplit avec
beaucoup de succès les missions diplomatiques dont il fut
chargé et fut peut-être l'homme d'Etat le plus éminent que
l'empereur eut à son service. E. H.
Bibl. : Gachard, Etude sur Charles-Quint, dans la Bio-
graphie nationale belge, t. III. — A. Henné, Histoire du
règne de Charles-Quint dans les Pays-Bas ; Bruxelles, 1858,
10 vol. in-8. — Gachard, Correspondance de Philippe II ;
Bruxelles, 1848-1879, 5 vol. in-4. — Lanz, Correspondance
de Charles-Quint (en allemand) ; Leipzig, 1842-46, 2 vol. in-8.
FLANDRIN (Auguste), peintre français, né à Lyon en
1804, mort à Lyon en 1842. Il était l'aîné d'une famille
sans fortune, et bien qu'ayant remporté de brillants succès
à l'Ecole des beaux-arts de Lyon, où il était entré à l'âge de
quatorze ans, il dut se résigner, pour vivre, à sacrifier ses
aspirations pour l'art et se consacrer au métier. Il entra
dans un atelier de lithographie et durant plusieurs années
dépensa un très réel talent à la composition de vignettes de
romances ou d'illustrations de livres. En 1832, il put venir
rejoindre à Paris ses frères cadets (V. ci-dessous) et resta
deux ans dans l'atelier d'Ingres ; puis il fit à son tour le
voyage d'Italie. Rentré à Lyon, il ne tarda pas à être nommé
professeur de dessin à l'Ecole des beaux-arts. Il s'appliqua
à enseigner les doctrines d'Ingres et l'on peut dire qu'il a
exercé une sérieuse influence sur l'école lyonnaise. Sa répu-
tation s'affirmait, et il se voyait déjà accablé de commandes
de portraits, lorsqu'une mort précoce vint briser un avenir
qui s'annonçait brillant.
FLANDRIN (Hippolyte), célèbre peintre français, frère
du précédent, né à Lyon en 1809, mort à Rome le M mars
1864. Après avoir puisé les premières notions de son art
dans sa ville natale, à l'école Saint-Pierre, il vint à Paris,
à l'âge de vingt ans, et entra aussitôt dans l'atelier d'Ingres
dont il devait devenir l'élève préféré et l'ami. L'âme éprise
de mysticisme, il devait mieux qu'un autre comprendre les
doctrines sur le style et l'idéal qu'Ingres enseignait si fou-
gueusement autour de lui. Trois ans à peine après, le jeune
Flandrin enlevait brillamment le prix de Rome avec Thé-
sée reconnu par son père dans un festin. Ingres le re-
joignit bientôt à Rome comme directeur de l'Académie de
France, et continua d'exercer sur lui une grande influence.
L'étude de l'art italien ne fit qu'accentuer chez le jeune
artiste sa prédilection pour la peinture religieuse. Dès sa
première œuvre, sa vocation s'affirme formellement : c'est
Saint Clair guérissant des aveugles, qui reste, parmi
ses tableaux à l'huile, le plus vigoureux, le plus savant, le
mieux peint.
Il faut lire dans la correspondance du peintre, publiée
après sa mort, dans une de ses lettres pleines de bonhomie
et de grâce naturelle, avec quelle ivresse de bonheur il
reçut pour ce tableau les compliments de son maître. Un
autre tableau, Jésus appelant à lui les petits enfants, ne
lui valut pas moins d'éloges : un sentiment d'austérité chré-
tienne s'y conciliait avec le pittoresque d'une vérité exprès-
FLANDRIN
- 574 -
sive. On doit noter aussi quelques œuvres qui datent égale-
ment de cette époque d'étude en Italie et qui témoignent
d'un certain effort pour atteindre à la vivacité du coloris,
à la précision des formes accusées par le clair-obscur, et à
la plénitude du modelé, qualités qui ont presque toujours
manqué à Flandrin; telles sont: le Dante aux Enfers,
Le Jeune Grec assis sur des rochers, et Euripide écri-
vant ses tragédies.
Lorsque Hippolyte Flandrin revint à Paris, sa réputation
était faite. Il fut chargé en 1842 pour la Chambre des pairs
d'une grande composition décorative : Saint Louis dictant
ses Etablissements, et Sairit Louis prenant la croix
pour la deuxième fois. Il exécuta ensuite (1845) Mater
Dolorosa et Napoléon législateur (1847), commandés
pour une des salles du conseil d'Etat. A partir de ce mo-
ment, sa vie fut à peu près complètement absorbée par les
vastes compositions murales dont il reçut la commande pour
des églises de Paris ou de la province. C'est dans ces tra-
vaux qu'il s'est montré personnel et supérieur. Un de ses
biographes, M. Henri Delaborde, le qualifie « le plus grand
peintre religieux que la France ait vu naître depuis Lesueur».
Flandrin a, comme on l'a dit, résolu un problème qui, au
premier abord, paraît insoluble : celui de représenter les
naïvetés de la foi primitive avec les moyens et les ressources
d'un art parvenu au maximum de sa technique.
Ce fut dans la décoration de la chapelle Saint-Jean, de
l'église Saint-Sé vérin, que lui confia la ville de Paris, qu'il
commença à déployer ses magistrales qualités de peintre
religieux. Il y représenta les épisodes de la vie du précur-
seur en une suite de tableaux du plus large style et du plus
grand caractère. D'instinct, l'artiste s'élève aux abstractions
de la fresque, supprimant la perspective et l'illusion de
réalité obtenue par la gradation des plans, afin de mieux
faire pénétrer le spectateur dans le domaine du divin et de
l'immatériel. Malheureusement, Flandrin au lieu de peindre
à la détrempe pour obtenir les pâleurs de la fresque qu'il
recherchait, a préféré la peinture à la cire dont le ton mat
et blond laisse à tous les pleins de l'architecture leur signi-
fication. Or, l'enduit dont il se servit à l'église Saint-
Séverin étant de mauvaise qualité a compromis, en maints
endroits, cette noble composition qui s'écaille et s'efface.
Après avoir achevé ce travail en 1840, il décora, à la de-
mande du duc de Luynes, le château de Dampierre de
trente-six figures ; puis il fournit à la ville de Dreux un
carton de vitrail figurant Saint Louis prenant la croix.
Les villes de France se disputaient le talent du peintre
chrétien : Nîmes lui demanda, pour l'église de Saint-Paul,
toute une décoration qui constitue un travail considérable ;
Lyon donna à peindre les trois absides de l'église d'Ainay;
enfin Strasbourg offrit à son mystique pinceau les murailles
de sa magnifique cathédrale. A Nîmes éclatent toutes ses
qualités de décorateur. L'église est divisée en trois nefs,
que terminent trois absides : avec une rare intelligence de
son rôle, le peintre a fait ressortir, dans leur solide puis-
sance, tous les membres de la construction sans sacrifier
ses propres compositions qui s'enlèvent sur le fond d'or des
galeries et des demi-coupoles, se relient à travers les ar-
ceaux et présentent aux regards, dès l'entrée de la basilique,
un ensemble harmonieux. Flandrin a déployé les mêmes
qualités de composition dans l'église d'Ainay, à Lyon. Les
absides qu'il avait à peindre étant obscures, il n'adopta que
des sujets simples, un petit nombre de figures se détachant
sur un large fond d'or.
Mais 1 œuvre capitale de Flandrin se trouve à Paris, dans
les églises de Saint-Vincent-de-Paul et de Saint-Germain-
des-Prés. L'immense frise de Saint-Vincent-de-Paul, dans
laquelle il a fait défiler en longue procession tout le per-
sonnel de la légende dorée : les saints Martyrs, les saints
Confesseurs, les saintes Vierges, et que Théophile Gautier
appelait « panathénées chrétiennes », est absolument re-
marquable par la beauté des attitudes, le rythme des groupes,
la simplicité expressive des figures. L'exécution répond à
la conception. Rien de plus clair, de plus logique que l'ordre
adopté pour les divisions : l'espace est ménagé à la façon
des artistes grecs. A l'église de Saint-Germain-des-Prés,
où il a dépensé pendant de nombreuses années un travail
acharné, l'artiste a couvert littéralement de peintures le
chœur et la nef aux arcades romanes. Triomphant des dif-
ficultés que présentaient et le programme orthodoxe qu'il
avait à interpréter, et la forme du vaste vaisseau qu'il
s'agissait d'orner, avec des arcs coupés par la moitié, il a
su animer les surfaces de pierre du monument d'un com-
mentaire aussi pittoresque qu'éloquent de l'Ancien comme
du Nouveau Testament. A droite et à gauche de l'autel, il
a tracé ces deux tableaux si justement vantés, où sont op-
posés le Christ entrant à Jérusalem en triomphe et le
Christ montant au Calvaire. Sur les arcades de la nef
principale est racontée la vie de Jésus-Christ en une série
de panneaux divisés chacun en deux parties dont l'une re-
présente un épisode de l'existence du fils de Dieu, et l'autre
un événement correspondant de l'histoire juive. Par exemple
à côté de Moïse prosterné devant le buisson ardent se
trouve V Annonciation ; à côté du Baptême du Christ est
le Passage de la mer Rouge; à côté de la Trahison
de Judas est Joseph vendu par ses frères, etc. Enfin
le chœur est orné de douze figures d'apôtres vêtus de
blanc qui achèvent de donner à cet ensemble un caractère
unique.
On a reproché parfois à Hippolyte Flandrin î'atténuation
de son coloris comme un système radicalement faux et op-
posé à la propriété fondamentale de son art. D'autre part,
un critique bien connu par son hostilité aux théories aca-
démiques et à l'école d'Ingres, Castagnary, a fait un grief
à Flandrin de l'effacement de ses modèles, de la platitude
de ses teintes, de la rigidité voulue des contours et de l'im-
mobilité des gestes. Allant plus loin encore, il l'accuse de
ne devoir ses inspirations qu'au souvenir des maîtres ita-
liens. L'avenir ratifiera- t-il toutes ces critiques? Il est dif-
ficile de le croire. Que Flandrin se soit en effet heurté à
une difficulté insurmontable en essayant de traduire les
symboles religieux à une époque de scepticisme avec les élé-
ments d'un art savant, trempé à toutes les sources du
passé; qu'il ait abusé des formules italiennes et trop em-
prunté à la convention, cela est possible ; que pour donner
à ses compositions le caractère surhumain qu'il recherchait
il ait dû recourir à ce procédé de colorations atténuées qui
prennent un aspect de rêve et tournent aisément à la mo-
notomie, cela est encore vrai. Mais il n'en reste pas moins
qu'avec ces moyens factices, si l'on veut, et qui témoignent
en tout cas d'une rare volonté, il'a su exprimer avec effu-
sion, avec éloquence, parfois avec grandeur, des sentiments
qui parlent aux cœurs chrétiens, aux esprits cultivés tout
au moins, sinon à la foule ignorante. C'est là un résultat
dont on doit tenir compte. Ce résultat, il faut en faire hon-
neur au puissant sentiment qui animait l'artiste, et qui est
la marque de sa personnalité, la caractéristique de son ta-
lent. A cinquante-quatre ans, Flandrin avait atteint l'apogée
de la renommée : l'Académie des beaux-arts lui avait ou-
vert ses portes. Mais les travaux trop prolongés sous les
voûtes glacées des églises avaient usé ses forces. Il n'avait
pas encore tout à fait terminé la décoration de Saint-Ger-
main-des-Prés lorsqu'il se sentit atteint par la maladie. Il
partit pour l'Italie, gagna Rome, espérant y trouver un peu
de repos et reconquérir la santé. C'est là qu'il mourut.
M. Cornu fut chargé d'achever les peintures de Saint-Ger-
main-des-Prés, où un monument a été élevé par souscrip-
tion au grand artiste. Une exposition publique de son œuvre
fut organisée à l'Ecole des beaux-arts. On n'y put voir
les peintures murales de Flandrin, c.-à-d. qu'on ne put le
juger sous le véritable aspect de son talent. Mais on y re-
trouva quelques-uns des beaux portraits peints par lui aux
différentes époques de sa vie, telle que celui de MUe Mai-
sons, connu sous le nom de la Jeune Fille à l'œillet, qui
est sans contredit son meilleur; ceux de la Duchesse
d'Agen, de Mme Oudinet, du Prince Napoléon, du Comte
Walewski, du Docteur Rostan, du Comte Duchâtel, de
— 575 —
FLANDRIN — FLANQUEMENT
MM. Casimir Perier, Gatteaux, de Rothschild, etc.
C'est dans ses portraits, bien que la plupart aient eu un
grand succès du vivant de l'artiste, que s'accuse la faiblesse
du tempérament de peintre de Flandrin. Les sévérités de
sa palette et la monochromie solennelle qui pouvait conve-
nir à ses peintures murales lui étaient nuisibles lorsqu'il
se trouvait en présence de la nature, et, s'il savait donner
à ses modèles- du caractère et de la distinction, il ne les
voyait plus qu'à travers la brume décolorée qu'il s'était
habitué à interposer entre lui et ses visions religieuses.
Victor Champier.
Bibl. : Beulé, Notice historique sur la vie et les ou-
vrages de M. H. Flandrin. — Vicomte Delaborde, Lettres
et pensées oVHippolyte Flandrin, 1865, in-8. — Th. Gau-
tier, Portraits contemporains, 1872, p. 323, in-8.— Thoré,
Salon 18kl, p. 118. — Ch. Blanc, les Artistes de mon
temps, p. 263.— Castagnary, Savons, t. I, pp. 108-113.
FLANDRIN (Jean-Paul), peintre français, frère des pré-
cédents, né à Lyon en 4814. Il étudia la peinture avec son
frère Hippolyte qu'il accompagna à Paris en 1829, pour
suivre en même temps les cours de l'atelier d'Ingres. D'an
tempérament vigoureux, taillé en athlète, il amusait ses
camarades par ses tours de force. Il montrait à cette époque
un talent particulier pour dessiner des charges spirituelles,
qu'Amaury Duval a signalé dans ses Souvenirs de V Atelier
d'Ingres. En 4834, Paul Flandrin suivit son frère à Rome.
Il y travailla soigneusement, peignant tantôt la figure d'après
les maîtres ou d'après la nature, tantôt le paysage, copiant,
pour la collection des frères Balze, les Loges de Raphaël,
et lorsque en \ 838 il revint à Paris il obtint un véritable
succès avec deux grands ouvrages, une Nymphe et un
paysage, les Adieux d'un proscrit. L'année suivante, il
exposa les Pénitents de la campagne de Rome et une
vue de la Villa Borghèse qui furent également remarqués.
Ces tableaux indiquaient la tendance au paysage dit histo-
rique à laquelle Paul Flandrin n'a cessé, depuis lors, de
rester fidèle. S'inspirant des traditions de Poussin, sans
tenir compte du mouvement romantique qui commençait à
entraîner les peintres à exprimer les réalités de la nature,
il a donné cet exemple de fidélité remarquable, pendant
cinquante ans, aux principes de l'école académique qui eut
les admirations de sa jeunesse, et dont il a été le zélé et
obstiné serviteur. Grâce à la protection d'Ingres, les toiles
qu'il exposa de 4844 à 1852 furent accueillies avec succès.
La reine Marie-Amélie lui acheta une Rue de Tivoli. Sa
Promenade de Poussin sur les bords du Tibre, Dans
les Bois, Dans les Montagnes, la Rêverie, lui valurent
successivement plusieurs récompenses. D'autre part, le
duc de Luynes lui confiait diverses peintures murales pour
le château de Dampierre, et il était chargé de la décoration
de la chapelle baptismale de l'église Saint-Séverin. Il serait
fastidieux de donner ici la nomenclature des innombrables
paysages exposés à chaque Salon par M. Paul Flandrin.
Citons cependant les deux tableaux acquis par l'Etat pour
le musée du Luxembourg : Montagnes de la Sabine et
la Solitude, qui donnent une idée suffisante du talent de
l'artiste. Ajoutons que M. Paul Flandrin a parfois exposé
des portraits, comme celui de M. Ambroise Thomas,
d'un dessin plein de caractère et d'une facture délicate.
V. Champier.
FLANELLE (Tiss.). Les flanelles sont des tissus géné-
ralement en laine cardée, ou en mélange de laine cardée et
de laine peignée, quelquefois légèrement feutrée, et tirée
à poils, employés à la confection de chemises, ou de vête-
ments de dessous; elles sont unies ou en armure croisé,
souvent blanches, mais quelquefois aussi en couleurs, et
de qualités très variables. On les imite en mélange de co-
ton et de laine, ou même en coton pur. On fabrique éga-
lement des flanelles de différentes couleurs pour doublures,
robes de chambre, jupons, etc., plus épaisses que les pre-
mières et présentant toutes combinaisons de couleurs et
de dessins P Gr
FLANGEBOUCHE. Corn, du dép. du Doubs, arr. de
Baume-les-Dames, cant. de Pierrefontaine ; 679 hab.
FLAN GI NI (Comte Luigi), littérateur italien, né à
Venise le 26 juill. 4733, mort à Venise le 29 févr.
4804. Il fut patriarche de Venise et cardinal. Parmi ses
ouvrages, on remarque: Annotazioni alla corona poetica
di Quirino Telpasinio, in Iode délia repubblica di
Venezia (Venise, 4750) ; Orazione per l'esaltamento
del doge Mario Foscarini (Venise, 4762) ; Argonautica
di Apollinio Rodio, traduction en vers italiens (Rome,
4781, 2 vol. in-8).
Bibl. : Moschini, Délia Letteratura veneziana del se-
colo XYIH fino a' nostri giorni; Venise, 1806-1808, in-4. —
Tipaldo, Biografia degli Italiani illustri. — Bibliografîa
veneziana; Venise, 1885, in-4.
FLAN N AN (Iles). Groupe d'îlots situé dans l'Atlan-
tique, sur la côte du comté de Ross (Ecosse), àl'O. de l'île
Lewis (Hébrides), par 58° 18' lat. N. et entre 9° 50' et
10° long. 0. Il y a dans ces îlots (au nombre de sept)
des pâturages pour les moutons. Ils sont très fréquentés
par les oiseaux de mer.
FLANONA. Ville de la Liburnie, aujourd'hui Fianona
(V. ce mot).
FLANQUEMENT (Fortif.). Disposition prise pour sup-
primer l'angle mort des diverses parties des ouvrages,
ainsi que le secteur privé de feux qui peut exister en avant
des saillants, c.-à-d. pour que les assaillants ne puissent
s'approcher de la fortification en aucun point sans pouvoir
être atteints par le tir du défenseur. On y arrive directe-
ment par le tracé des ouvrages, en y disposant des par- .
ties (flancs) plus courtes, spécialement destinées à battre
les parties qui ne seraient pas vues directement du rem-
part, notamment les fossés, ou à défendre les approches
des ouvrages voisins. Le tracé bastionné (V. Bastion) est
le seul qui donne un flanquement complet des fossés ; ce
genre de flanquement est dit fichant, parce que les coups,
partant du rempart, sont dirigés de haut en bas. Le tracé
tenaillé, d'ailleurs peu employé, donne également un flan-
quement fichant, mais laissant des angles morts près des
angles rentrants. Le flanquement sous casemates, employé
dans le tracé polygonal, est appelé rasant, parce que les
feux partent d'un point à peu près au même niveau que le
fossé. Il est obtenu par des caponnières, des casemates
d'escarpe ou des casemates de contrescarpe. Enfin on peut
aussi organiser le flanquement au moyen^ d'ouvrages spé-
ciaux disposés en conséquence dans le voisinage ; ce pro-
cédé a surtout son application dans la fortification de champ
de bataille. Des ouvrages se flanquent réciproquement lors-
qu'ils peuvent voir et battre les chemins d'accès à ces ou-
vrages. De même, on dit que deux lignes se flanquent
lorsque l'une donne des feux dans l'angle mort de l'autre
et réciproquement. Il n'y a lieu de parler ici que du flan-
quement fichant, psr le rempart, dans la fortification per-
manente. Ce flanquement, pour s'exercer efficacement, doit :
4° Avoir des flancs d'une longueur suffisante. Au
point de vue de la puissance des feux, il y aurait avan-
tage à donner au flanc une grande longueur, pour fournir
beaucoup de feux dans le temps très court que l'assaillant
meta franchir la distance qui le sépare de l'ouvrage. Mais,
avec des angles saillants assez obtus, les flancs iront le
plus souvent ficher dans la campagne, et ils seront d'autant
plus exposés aux coups d'écharpe et d'enfilade qu'ils seront
plus longs. On considère comme suffisant pour le flanque-
ment des fossés au moins deux pièces (une mitrailleuse et
un canon) pour les lignes peu importantes et peu éten-
dues, et trois pour les autres conjointement avec la mous-
queterie. Aussi la longueur des flancs, qui était autrefois de
45 m., peut-elle être réduite à 20 m. pour deux, et à 30 m.
pour trois pièces traversées. Il sera rarement nécessaire
d'aller au delà. Dans le cas exceptionnel où la mousqueterie
seule serait chargée du flanquement, la longueur des flancs
devrait être au moins égale à la largeur du fossé.
2° Ne pas s'exercer de trop loin. Cela revient^ à dé-
terminer la longueur de la ligne qui va de l'extrémité ren-
trante du flanc à l'extrémité du saillant à flanquer, et qui
s'appelle ligne de défense. Cette longueur, autrefois fixée à
FLANQUEMENT — FLASQUE
— 576 —
250 m., limite de la portée efficace des armes portatives,
peut sans inconvénient être portée à 400 m. avec le nouveau
fusil sans changer de hausse, et à 500 m. en tenant compte
surtout de la défense par l'artillerie et des moyens plus effi-
caces pour surveiller les approches même pendant la nuit.
On a vu en parlant de la courtine (V. ce mot) qu'on ne
peut descendre non plus au-dessous d'une certaine lon-
gueur pour flanquer le fossé dans toute son étendue. Dans
les ouvrages de campagne ou semi-permanents, il est préfé-
rable de prendre la ligne de défense entre 250 et 300 m.,
parce qu'on doit compter presque exclusivement sur la
mousqueterie pour le flanquement.
3° Etre autant que possible perpendiculaire à la di-
rection a flanquer. On connaît en effet la tendance qu'ont
les hommes, surtout la nuit, à tirer droit devant eux quand
ils sont appuyés à une crête (V. Angle).
Comparaison. Quelque soit le mode de flanquement, ce-
lui-ci ne peut rendre lesservices qu'on en attend que s'il existe
au moment opportun, c.-à-d. qu'il faut prendre toutes les
mesures possibles pour abriter les flancs et surtout les
pièces qui doivent le défendre. Sous ce rapport, le flanque-
ment sous casemates paraît préférable au flanquement par
le rempart, puisque les pièces et les hommes restent pro-
tégés et en état de combattre jusqu'au dernier moment,
tandis que les flancs et les pièces qui s'y trouvent peuvent
être endommagés ou détruits de loin. Il convient d'ajouter
que, depuis l'apparition des obus-torpilles, on ne peut plus
affirmer qu'aucun des genres de flanquements précédents
pourra résister. Avec les projectiles actuels, il paraît diffi-
cile de trouver le moyen, comme le propose, pour certains
cas, le général Brialmont, d'abriter sûrement quelques
pièces légères non loin de leur point d'emploi d'où elles se-
raient promptement amenées sur le rempart (flanc) au mo-
ment du besoin. En outre, le feu plongeant partant du
haut des remparts est moins efficace que le tir rasant, car,
lorsque la ligne flanquée est attaquée en plusieurs points à
la fois, les pièces de flanquement sont obligées de dissémi-
ner leur tir et, par suite, de négliger l'un des points. Les
casemates d'escarpe ont besoin très sérieusement d'être
protégées contre le tir plongeant, tandis que les casemates
de contrescarpe échappent facilement au tir en brèche.
Mais les communications y accédant sont fort chères et
incommodes, et ces casemates sont plus faciles à détruire
par les mines, bien qu'elles puissent servir de bases à un
système de contre-mines. Se basant sur ces résultats, un
certain nombre d'ingénieurs militaires ont voulu nier l'uti-
lité du flanquement, sous prétexte que, ne pouvant plus
être effectué efficacement que par des mitrailleuses ou des
canons à tir rapide protégés par des cuirassements, la
dépense qui en résulte est non seulement hors de proportion
avec les services qu'il peut rendre, mais qu'elle est même
inutile, puisqu'un ouvrage défendu par des tourelles cuiras-
sées est, par sa nature même, à l'abri des attaques de vive
force. L'utilité du flanquement a été contestée de tout temps
et toujours par des arguments sensiblement les mêmes.
Cependant, il semble que, quel que soit le genre d'ouvrage,
les attaques de vive force sont toujours autant à craindre,
et, avec des ouvrages nombreux, l'infanterie de la défense
ayant un effectif moins élevé est plus exposée que par le
passé derrière les crêtes des parapets. Il paraît donc indis-
pensable d'avoir des coupoles flanquantes pour empêcher les
assaillants arrivés dans le fossé de s'y rallier avant d'en-
treprendre l'assaut sur tous les points à la fois des escarpes
ou des parapets généralement en terre coulante. Dans les
forts nouvellement construits, le général Brialmont, qui est
partisan convaincu du flanquement, recommande de placer
les mitrailleuses ou canons à tir rapide destinés à cet
emploi dans des coffres de contrescarpe. Ceux destinés à
flanquer les fossés des faces sont au saillant ; le coffre de
flanquement pour la gorge se trouve à l'extrémité de celle-
ci du côté le moins exposé à l'enfilade. Chacun de ces
coffres est à 2 étages, et il y a 2 compartiments à chaque
étage, ce qui permet de disposer 4 bouches à feu dans un
espace restreint et d'empêcher les décombres de venir gêner
le flanquement. Dans le cas où il serait impossible de sous-
traire ces organes au tir d'enfilade, le mur de masque qui
protège les pièces pourrait être remplacé par un blindage.
Lafig. ci-dessous indique ces deux dispositions. Dans les an-
ciens forts existants, le mode de flanquement varie suivant
les cas. Les caponnières de flanquement insuffisamment
protégées sont remplacées par des casemates de contres-
carpe bien couvertes, ou mieux encore par 2 petites cou-
poles à éclipse, armées chacune de 2 canons-revolvers.
Ces coupoles, placées aux angles d'épaule des forts, pour-
raient être conservées intactes jusqu'au moment de l'assaut .
Dans tous les cas, on ne saurait nier la nécessité indispen-
sable de procurer un flanquement aux forts d'arrêt. Par
contre, on pourra se dispenser de flanquer les fossés pleins
d'eau, en raison de l'obstacle suffisant créé par leur lar-
geur et leur profondeur. Enfin, on estime que le flanque-
ment par la contrescarpe, peu employé jusqu'ici, rendra
de précieux services dans les fortifications à construire, car
il est plus difficile, même avec le tir vertical des obus-
torpilles, de ruiner les casemates de contrescarpe que toute
autre espèce de flanquement, pourvu qu'elles soient suffi-
samment enfoncées et établies en face des directions non
enfilées. Ce flanquement, par des galeries ( ou coffres de
contrescarpe, avait été considéré jusqu'ici comme le moins
avantageux, parce qu'on ne peut y accéder que par un cou-
loir obscur, humide et d'une construction difficile. Dans
les contrescarpes en béton, les galeries existeront en très
grande partie naturellement, en ménageant un éyidement
convenable.
FLANQUIS (V. Flànchis).
FLAQUE (Archéol.) (V. Flasque).
F LAS K A (Smil-Jean de Pardubi.ce), écrivain tchèque,
né vers le milieu du xive siècle, mort en 1403. On sait
peu de chose.; de sa vie. Il était neveu d'Arnost ou Ernest
de Pardubice, archevêque de Prague. Il prit part aux
troubles politiques de son temps et fut tué dans un combat
aux environs de Kutna Hora. Il a laissé deux ouvrages
tchèques : un recueil de proverbes et un poème didactique,
le Nouveau Conseil. Les divers animaux de la création y
donnent des conseils à un jeune roi. Ce poème a été traduit
en latin par Dubravius, en allemand par Wenzig (Bas neue
Rath, eine Thierferbel; Leipzig, 4855). La meilleure et
la plus récente édition tchèque est celle qui a été donnée
par M. I. Gebauer dans les Pamatky stare literatury
ceskê (Prague, 4876). Feifalik lui a consacré une mono-
graphie dans les mémoires de l'Académie de Vienne (PhiL
hist. classe, 1859, t. XXXII). L. Léger.
FLASQUE. I. Archéologie. — Vaisseau de corne, d'os,
de bois ou de cuir bouilli dans lequel l'arquebusier mettait
sa poudre au xvie et au xvue siècle. Les flasques à balles
étaient des sacs de peau. On nomme plus ordinairement les
poires à poudre fourniment.
II. Artillerie. — On appelle flasques, dans un affût,
les parties latérales qui supportent les tourillons de la
bouche à feu. Les flasques des anciens affûts étaient géné-
ralement en bois; quelques-uns, notamment ceux des
affûts de côte et des affûts de mortiers, étaient en fonte.
Après 4870, on adopta en France des flasques en tôle de
fer (matériel de 5 et de 7). Aujourd'hui, grâce aux pro-
grès réalisés dans la métallurgie de l'acier, les flasques ne
se construisent plus qu'en tôle d'acier ou en acier moulé.
L'acier présente en effet des avantages considérables au
point de vue de la résistance, de la conservation et de la
facilité avec laquelle on le fabrique sous les formes les
plus diverses. Le profil des flasques est variable ; le plus
souvent ils affectent la forme générale d'un triangle dont
un sommet supporte les tourillons, un autre forme crosse
et le troisième repose soit sur l'essieu (affûts sur roues) ,
soit sur la plate-forme ou sur le châssis (affûts glissants).
L'épaisseur des tôles d'acier employées à la confection des
flasques varie en France de 6mm5 (affût de 80) à 30 millim.
(affût de 455 long), pour les affûts montés sur roues.
Lorsqu'on emploie des tôles de faible épaisseur, on aug-
mente leur rigidité en repliant les bords à angle droit,
comme on l'a fait dans les affûts de campagne français.
Dans les affûts glissants, chacun des flasques est formé
soit d'une plaque en tôle de forte épaisseur reposant sur
une semelle comme dans l'affût du mortier de 220 millim.,
soit de deux plaques ^parallèles maintenues à l'écartement
convenable par une pièce-contour formant semelle à la
partie inférieure (V. Affût).
FLASSAN. Corn, du dép. de Vaucluse, arr. de Carpen-
tras, cant. de Mormoiron ; 428 hab.
FLASSAN (Jean-Baptiste-Gaetan de Raxis de), diplo-
mate, historien et publiciste français, né à Bédouin (Comtat-
Venaissin) le 7 août 4760, mort à Paris le 20 mars 4845.
D'une famille qui disait être venue de Corinthe au xve siècle,
Flassan fut d'abord élevé à l'Ecole militaire de Paris, puis
fit plusieurs voyages à Rome, auprès de son frère, officier
supérieur des gardes du pape. Forcé de quitter le Comtat-
Venaissin en 4787 devant les premières manifestations
révolutionnaires, il vint à Paris et, dès 1789, s'engagea
dans l'armée des princes. Cela ne l'empêcha pas d'entrer
au service du comité de Salut public après le 9 thermidor
(1794). En 4796, il était employé à la deuxième section
du bureau d'analyse du ministère des affaires étrangères,
section chargée d'analyser les correspondances postérieures
à 4788. Il était chef de la première division politique,
quand il fut obligé de s'enfuir à Marseille comme accusé
d'émigration. Professeur d'histoire à l'Ecole de cavalerie
de Saint-Germain en 4842, il fut nommé historiographe
du ministère des affaires étrangères le 4er mai de la même
année. Flassan conserva ces fonctions jusqu'au 34 déc.
4829, et c'est en cette qualité qu'en 4845 il accompagna
les négociateurs français au congrès de Vienne. Après
4830, il vécut dans la retraite. On a de lui : la Question
du divorce sous le rapport de l'histoire, de la politique
et de la morale (4790, in-8); De la Pacification de
l'Europe (4802, in-8); De la Colonisation de Saint-
Domingue (4804, in-8); Histoire générale et raisonnée
de la diplomatie française depuis la fondation de la
monarchie jusqu'à la fin du règne de Louis XVI (Paris
et Strasbourg, 4808, 6 vol. in-8 ; 2e éd., 4844, 7 vol.
in-8) (cet ouvrage a fondé la réputation de Flassan et,
malgré beaucoup de lacunes et d'inexactitudes, il mérite
encore d'être consulté) ; De la Restauration politique de
V Europe et de la France (4844, in-8); Des Bourbons
de Naples (4844, in-8); Histoire du congrès de Vienne
(1829, 2 vol. in-8) ; Lettre de M. le prince de Poli-
gnac a M. de Flassan et réponse justificative de M. de
Flassan (Paris, 4830, in-8); De la Neutralité perpé-
tuelle de la Belgique (Paris, 1834, in-8); Solution de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 577 — FLASQUE — FLATTERS
la question d'Orient et neutralité de l'Egypte (Paris,
4840, in-8). Louis Farges.
Bibl.: F. Masson, le Département des affaires étran-
gères pendant la Révolution ; Paris, 1880, in-8.
FLASSANS. Corn, du dép. du Var, arr. de Brignoles,
cant. de Besse, sur l'Issole; 4,264 hab. Bois de chênes
blancs et verts. Fabriques d'eau-de-vie ; tannerie. Sur la
colline qui domine Flassans, ruines de l'ancien village.
FLASSIEU (Lucien de) (V. Arbel).
FLASSIGNY. Corn, du dép. de la Meuse, arr. et cant.
de Montmédy; 468 hab.
FLAT. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. et cant.
d'Issoire ; 488 hab.
FLATBUSH. Ville des Etats-Unis, Etat de New York,
dans Long Island, à côté de Brooklyn. Etablissements pour
les enfants, les aliénés, les incurables. Centre de cultures
potagères; 7,600 hab. Flatbush est, en fait, un faubourg
de Brooklyn.
FLATEYJARBÔK (Livre de Flatey). Précieux manuscrit
islandais sur parchemin, le plus grand de tous, compilé et
écrit par le prêtres Jôn Thordarson et Magnus Thôrhalls-
son, achevé en 4380, sauf quelques feuillets ajoutés en
4387 et 4394. Son nom lui vient de ce que l'évêque Bryn-
jôlf Sveinsson, qui l'envoya au roi Frédéric III en 4662,
l'avait reçu de Jon Finnsson, de Flatey, dans le Borgar-
fjœrd. Actuellement conservé à la grande Bibliothèque
royale de Copenhague, il contient les sagas d'Olaf Tryg-
gvason, de saint Ôlaf, de Sverri, de Hâkon l'Ancien ; celles
de Magnus le Bon et de Harald Hardrâdé, intercalées dans
le manuscrit à la fin du xvc siècle; des généalogies, des
annales depuis César jusqu'en 4394; quelques poèmes,
notamment Hyndluljôd, que l'on joint à ceux de l'An-
cienne Edda, et un grand nombre d'épisodes généralement
rares et intéressants et dont plusieurs concernent les colo-
nies nordlan tiques et américaines. La plupart des mor-
ceaux avaient été déjà publiés dans les Fornmanna sœgur,
lorsqu'ils furent tous édités par Gudbrand Yigfûsson et
C.-R. Unger (Flateyjarbôk ; Christiania, 48*60-1868,
3 vol. in-8). Beau vois.
FLATHE (Heinrich-Theodor), historien allemand con-
temporain, né à Tanneberg (Saxe) le 1er juin 4827. Il
s'est occupé plus spécialement de l'histoire de la Saxe
électorale et royale, et publia en outre un « Manuel »
d'histoire universelle (Katechismus der allgemeinen
Weltgeschichte; Leipzig, 4876), ainsi qu'un ouvrage
plein d'intérêt : Geschichte der Restauration und Révo-
lution, 1815-i85i (Berlin, 4883). G. P.-i.
F L AT M A N (Thomas) , poète et peintre anglais , né en 1 63 7 ,
mort à Londresle 8 déc. 1688. Il s'acquît une grande réputa^
tion de miniaturiste. Ses odes pindariques, au contraire, exci-
tèrent les railleries des contemporains. Cependant Pope ne
dédaigna pas de puiser des inspirations dans certains de
ses poèmes, notamment dans A Thought of Dealh. Ses
œuvres poétiques furent réunies sous le titre de Poems
and Songs en 4674; la 4e éd., qui date de 4686, est la
plus complète. On lui attribue quelques autres ouvrages,
tels que : Montelion's Almanac pour 4664 et pour 4662
et Don Juan Lamberto..., by Montelion (4664). Son
portrait en miniature, peint par lui-même, se trouve dans
la collection Dyce, au South Kensington Muséum.
FLATTERS. Village d'Algérie, dép. d'Alger, arr. d'Or-
léansville, dans la corn, mixte de Ténès, à 41 kil. à l'E.
de la route d'Orléansville à Ténès. Créé en 4884 pour cent
feux, il s'appela d'abord Ben-Naria.
FLATTERS (Johann-Jakob), sculpteur allemand, né en
4784 à Crefeld (province de Clèves). Envoyé à Paris par
son père pour y apprendre l'ébénisterie, il réussit à entrer
dans l'atelier de Houdon, où son talent se révéla prompte-
ment. Désormais il resta en France et y fit même la campagne
de 4844. Il exposa pour la première fois en 4840, et, en
4843, se fit remarquer avec une Rencontre de Philoctète
et d'Ulysse, aujourd'hui dans la galerie de Dusseldorf. Cet
artiste, tout français, malgré son origine allemande, est un
37
FLATTERS — FLAUBERT
— 578
des bons sculpteurs de l'école impériale. On cite parmi ses
œuvres : une Hébé (1819) ; une Ganymède (1822); Héro
attendant Lêandre (1827) ; une Tête de Christ (1844);
la statue de Delille pour Clermont-Ferrand (1820); les
bustes de Louis XVIII, du Roi de Prusse, du Prince Koura-
kine, du Comte Rostopchine, du Général Foy, de Byron,
de Gœthe, de Talma, etc. Ses cinquante-six compositions
pour le Paradis perdues Milton ont été gravées en 1836.
FLATTERS (Paul-François-Xavier), officier et explora-
teur français, né à Laval le 16 sept. 1832, mort au Sahara
le 16 févr. 1881. Sous-lieutenant d'infanterie en 1853,
nommé lieutenant en 1855 sous les murs de Sébastopol,
capitaine en 1861, chef de bataillon en 1871, il fit presque
toute sa carrière en Algérie, où il fut longtemps employé
dans les bureaux arabes. Promu lieutenant-colonel le 3 mai
1879, il venait de rentrer en France lorsque le gouverne-
ment l'appela à faire partie de la commission supérieure qui
étudiait les moyens de relier l'Algérie au Soudan par une
voie ferrée. Au mois de novembre de la même année, on
le renvoyait en Afrique pour entreprendre une exploration
qui devait rendre son nom célèbre. Il était chargé de re-
connaître la route qu'il avait indiquée lui-même comme la
plus propice à l'établissement du chemin de fer projeté.
Parti d'Ouarglale 5 mars 1880, avec trente-neuf personnes,
il se met en marche vers le S. en remontant la vallée de
l'Igharghar par Aïn-Baïba, El-Bïodh et Timassinin. Arrivé à
ce dernier point, il oblique au S.-E. par la vallée des Ighar-
gharen et vient camper le 16 avr. sur les bords du lacMen-
ghough, à la lisière du pays des Touareg Azdjer. Là le
manque de vivres et les dispositions peu rassurantes des
indigènes l'obligent à rebrousser chemin. Le 17 mai il
rentre à Ouargla, n'ayant rempli que la première partie de
son programme, mais ramenant tout son monde et rappor-
tant des renseignements précieux sur le pays parcouru. Il
organise aussitôt une nouvelle expédition. Celle-ci, forte de
93 hommes, quitte Ouargla le 4 déc. 1880 et s'achemine
vers le S. par une route située à l'O. de la précédente. La
caravane remonte d'abord l'oued Mia jusqu'à Inifel, puis
l'oued Insokki jusqu'au puits de ce nom. Elle se porte en-
suite au S.-E. par Messeguem en contournant le plateau
de Tademaït, et rejoint la haute vallée de l'Igharghar à
Amguid. De là, elle continue sa route par la sebkha d'Amad-
ghar, se dirigeant sur Asiou, point important du Sahara
central, d'où Flatters espère déboucher sans difficulté sur
le Soudan. Le 16 févr. 1881 elle s'arrête à Bir-el-Gha-
rama, à 200 kil. environ au N. d' Asiou. Un guet-apens
l'y attendait. Avant même que l'expédition eût quitté Ouar-
gla, les Touareg Hoggar, les Ouled-Sidi-Cheikh et les Se-
noussya, avertis de son itinéraire, avaient comploté de la
détruire dès qu'elle serait engagée dans l'intérieur. A cet
effet, 600 hommes des trois tribus étaient venus s'embus-
quer près de Bir-el-Gharama. Les guides de la mission pac-
tisaient avec eux. A peine arrivé au campement, Flatters
est attiré, sous un prétexte, dans un ravin du voisinage
avec ses principaux compagnons. Les Touareg fondent sur
lui et le massacrent ainsi que le capitaine Masson, les in-
génieurs Roche etBéringer, le docteur Guiard, le maréchal
des logis Dennery et une vingtaine d'hommes de l'escorte.
Désorganisée par ce désastre, la caravane se met aussitôt
en retraite sous la conduite du lieutenant de Dianous. Les
Touareg la poursuivent, enlevant les traînards et les bêtes
de somme. Dianous est tué dans un combat près d'Amguid.
Alors commence une course lamentable à travers un pays
sans eau, sans vivres, où les malheureux fugitifs sont ré-
duits à se manger les uns les autres. Enfin, le 4 avr., les
derniers survivants arrivent à Messeguem. Là ils trouvent
du secours et sont ramenés à Ouargla presque expirants.
Des 93 membres de l'expédition 21 seulement échappèrent.
Aucun Français n'était du nombre ; tous les papiers de la
mission furent perdus. Cependant, grâce aux lettres écrites
par Flatters avant la catastrophe, on put reconstituer une
partie des observations faites par lui et ses compagnons
de voyage. Si incomplètes qu'elles soient, ces observations
restent une des bases les plus sérieuses de nos connais-
sances sur le Sahara central. Ch. Grand je an.
Bibl. : Flatters, Mission d'exploration dans le Sahara
central, dans Bull, de l'Union géogr. du Nord, 1880, n° 4.—
V. Derrégagaix, Exploration du Sahara; les deux mis-
sions Flatters; Paris, 1882, in-8. — Deuxième Mission
Flatters; historique et rapport réd. au service cent, des
aff. indig. ; Alger, 1882, in-8. — Doc. relatifs à la mission
dirigée par le lieut.-col. Flatters ; Paris, 1884, in-4. — H.
Brosselard, les Deux Missions Flatters; Paris, 1889,in-18,
2° éd. '
FLATTICH (Johann -Friedrich), pédagogue et pasteur
allemand, né à Beihingen, près de Ludwigsberg, le 8 oct.
1713, mort à Miinchingen (Wurttemberg) le 1er juin 1797.
Il mérite une mention, à raison de la célébrité dont il a
joui en Allemagne, où ses admirateurs l'ont appelé un
Salomon moderne. Sa vie, tout entière consacrée au
ministère pastoral et à l'éducation des jeunes gens qu'il
réunissait autour de lui, n'offre aucun incident remar-
quable, et ses œuvres, notamment la principale, Remarques
sur r œuvre de l'information (« information » était le
mot que Flattich employait comme synonyme d'instruction),
ne contiennent que des conseils très sages, des vues judi-
cieuses, mais sans grande originalité. G. C.
FLATU LENCE. Surabondance de gaz dans le tube diges-
tif, surtout dans l'estomac (V. Estomac, Dyspepsie, Intes-
tin, Tympanisme) .
FLAUBERT (Gustave), littérateur français, né à Rouen
le 12 déc. 1821, mort à Croisset (Seine-Inférieure) le 8 mai
1880. Fils d'un Champenois devenu chirurgien en chef de
l'Hô tel-Dieu de Rouen, Achille-Cléophas Flaubert, et d'une
Normande de vieille souche, Anne-Justine-Caroline Fleuriot,
Gustave Flaubert était le quatrième d'une famille de six
enfants, dont trois seulement survécurent, l'aîné, Achille,
le quatrième, Gustave, et une fille cadette, Caroline. Il fit ses
études au collège de sa ville natale et ne s'y distingua point
autrement que par un goût très prononcé pour l'histoire;
reçu bachelier, il partit pour Paris et s'inscrivit à l'Ecole
de droit. Une maladie assez grave l'obligea peu de temps
après à regagner Rouen. Il ne cherchait, du reste, que l'oc-
casion de renoncer à des études qu'il n'avait entreprises
que sur les injonctions formelles de son père et qui lui ins-
piraient une véritable horreur. Dès cette époque, tout tra-
vail étranger à la littérature lui apparaissait comme une
diminution ; il lisait beaucoup ; il écrivait davantage encore,
mais sans rien achever. On a recueilli dans des mélanges
posthumes quelques-uns de ces essais fragmentaires d'entre
sa dix-huitième et sa vingtième année, certains assez per-
sonnels déjà, sinonparle fond, qui reste romantique, du moins
par le tour, singulièrement net et serré : ainsi le fragment
d'autobiographie romanesque qui porte le titre de No-
vembre. Le premier fragment en date publié est le Chant
de la mort (1838) ; le second, Smarh (vieux mystère,
dit le manuscrit), daté de l'année suivante, emprunte une
certaine importance du fait qu'on y peut trouver l'idée
mère et comme les linéaments de cette fameuse 2 entation
de saint Antoine, éternelle obsession du pauvre Flaubert
qui ne cessa d'y revenir, de la reprendre et de la remanier
jusqu'en 1874 où elle parut enfin en volume et quand Y Ar-
tiste en avait déjà publié les trois quarts dès 1857. Cepen-
dant la mort du père de Flaubert, en le soustrayant à une
tutelle trop étroite et par le bénéfice d'une succession assez
considérable, allait lui permettre de renoncer à toute espèce
de travail autre que de son choix. Dès lors la littérature
le prend, l'absorbe tout entier. Il s'installe d'abord aux
environs de Rouen, à Croisset, avec sa famille, puis il part
pour la Bretagne avec M. Maxime du Camp et en rapporte
la matière d'un livre d'impressions qui sera publié après
sa mort sous le titre de Par les Champs et par les Grèves.
Retour à Croisset. Smarh devient dans l'esprit de Flau-
bert la Tentation de saint Antoine qu'il ébauche dans
ses grandes lignes. En 1849, nouveau départ avec M. du
Camp, mais cette fois pour la Grèce, la Syrie, l'Egypte, etc.,
d'où il compte rapporter un nouveau livre d'impressions,
dont le début seul fut écrit (A Bord de la Cange); du moins
579
FLAUBERT — FLAUST
Flaubert y recueillit-il des indications de paysages qui de-
vaient lui servir par la suite. Second retour et installation
à Croisset en 1851. Reprise de la Tentation de saint
Antoine, qu'il mène d'un trait jusqu'à plus de la moitié du
livre et qu'il abandonne brusquement pour l'exécution d'un
sujet tout opposé : c'est Madame Bovary, roman de mœurs
contemporaines, publié dans h, Revue de Paris en 1857,
poursuivi sous l'inculpation d'outrage aux mœurs et ac-
quitté sur la remarquable défense deMe Sénart. De Madame
Bovary date la réputation de Gustave Flaubert. Le livre fit
un bruit énorme dans la presse et dans le public ; Sainte-
Beuve l'appuya de sa courageuse et décisive autorité. On y
vit communément le point de départ d'un art nouveau, fran-
chement réaliste, décidé à tout comprendre et à tout dire;
une critique plus avertie devait retrouver plus tard dans cette
forme d'apparence si tranchée bien des attaches encore avec
le romantisme déclinant. Il eût semblé qu'un succès aussi
vif devait décider de la direction de Flaubert : il n'en fut
rien. Presque en même temps que Madame Bovary parais-
sait dans la Bévue de Paris, V Artiste publiait en frag-
ments la Tentation de saint Antoine. En 1858, Flaubert
partait pour Tunis, visitait l'emplacement de Carthage, et
quatre ans plus tard donnait Salammbô, reconstitution pro-
digieuse, aux trois quarts intuitive, d'une civilisation à peu
près sans histoire et où l'on ne saurait trop admirer du
moins la claire et froide beauté du style, la farouche gran-
deur des épisodes, la marche rythmique de l'action. Sa-
lammbô fut loin de provoquer le même enthousiasme que
Madame Bovary. Sainte-Beuve lui-même s'éleva contre les
procédés un peu suspects d'un romancier avant tout passionné
d'exactitude et qui allait choisir de toute l'histoire la civilisa-
tion qui prêtait le plus aux hypothèses. Flaubert riposta.
La discussion fut longue ; elle n'est point de celles qui se
tranchent tout entières en un sens ou en l'autre ; du moins
la bonne foi de Flaubert y apparut-elle absolue. Avec V Edu-
cation sentimentale, roman d'un jeune homme, Flau-
bert parut revenir un moment, en 1869, au genre qui lui
avait valu une si rapide et légitime célébrité, lors de la pu-
blication de Madame Bovary. La Tentation de saint An-
toine, publiée en 1874, fut au contraire un retour vers le
roman descriptif et d'imagination rétrospective. La même
année, Flaubert abordait le théâtre avec une pièce d'actua-
lité, Candidat, qui fut jouée au Vaudeville et tomba net.
Ce n'était point sa première tentative dramatique. Flaubert
avait écrit une manière de féerie lyrique, le Château des
fleurs, qu'il essaya vainement de faire accepter d'un direc-
teur de théâtre et qui a été publié dans ses Œuvres pos-
thumes. En 1877 paraissaient Trois Contes, dans la ma-
nière impersonnelle, hautaine et un peu froide de Salammbô.
La mort vint le surprendre au moment où il mettait la main
aux derniers chapitres d'une œuvre nouvelle : Bouvard
et Pécuchet, partiellement publiée après sa mort dans la
Revue politique et littéraire et réunie en volume en 1881.
Sur la fin de sa vie, Flaubert avait fort malheureusement
aliéné sa fortune pour satisfaire à des exigences de famille ;
M. Jules Ferry, alors ministre de l'instruction publique,
s'honora en le pourvoyant immédiatement d'une place à la
bibliothèque Mazarine (1879). Les œuvres posthumes du
grand romancier comprennent ses Lettres à George Sand
(1 884) ; Par les Champs et par les Grèves, publiés d'abord
dans le Gaulois et comprenant, en outre des mélanges dont
nous avons parlé, une étude sur Rabelais, h Préface aux
dernières chansons et la Lettre au Conseil muni-
cipal de Rouen, à la suite du refus opposé par la ville
à l'érection d'un monument public en l'honneur de Louis
Bouilhet ; Candidat et le Château des fleurs, publiés
dans la Vie moderne (1885); enfin une Correspon-
dance fort volumineuse et dont la publication n'est point
encore terminée. La ville de Rouen a élevé en 1 890 un
monument à la gloire de Gustave Flaubert ; mais Croisset
où il mourut, et dont le beau parc baignait dans la Seine
a été rasé et transformé en un établissement industriel.
Charles Le Goffic.
FLAU COURT. Com. du dép. de la Somme, arr. et cant.
de Péronne ; 547 hab..
FLAUGEAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Ber-
gerac, cant. de Sigoulès ; 261 hab.
FLAUGERGUES (Honoré), astronome français, né à
Viviers (Ardèche) le 16 mai 1755, mort à Viviers le
26 nov. 1830. Lauréat des académies de Lyon, de Mont-
pellier, de Toulouse, de Nîmes, il fut nommé en 1796
membre associé de l'Académie des sciences de Paris et se
vit offrir l'année suivante la direction de l'observatoire de
Toulon, mais il préféra la place de juge de paix de sa ville
natale. Ses travaux ont fait l'objet d'une soixantaine de
mémoires parus de 1790 à 1830 dans les recueils de l'Ins-
titut, dans la Connaissance des Temps, dans le Journal
de physique, dans les Annales de mathématiques,
dans la Correspondenz de Zach, dans la Bibliothèque
universelle de Genève, et relatifs à la théorie des ma-
chines simples, aux satellites de Jupiter, à l'anneau de Sa-
turne, aux taches de Mars, à diverses comètes, à la figure
de la Terre, à la pluviométrie, à l'évaporation de l'eau, aux
arcs-en-ciel, aux trombes, etc. L. S.
Bibl. : V. la liste des mémoires précités dans le Cata-
logue of scientific papers of the Royal Society ; Londres,
1868, t. II, in-4.
FLAUGERGUES (Pierre-François), né à Rodez en 1767,
mort à Brie le 31 oct. 1836. Avocat au Parlement de
Toulouse avant 1789, il fut, en 1792, élu président de
l'administration départementale de l'Aveyron, fut quelque
temps menacé et réduit à se cacher pendant la Terreur
comme partisan des Girondins, reprit sa place dans l'ad-
ministration à Rodez en 1796, fut nommé sous-préfet à
Villefranche-de-Rouergue en 1799 et, révoqué en 1810,
entra au Corps législatif le 6 janv. 1813. En déc. de la
même année, il fit partie de la commission par l'organe
de laquelle cette assemblée osa, pour la première fois,
faire acte d'opposition à l'empereur. Trois mois plus tard,
il vota la déchéance de Napoléon Ier (3 avr. 1814). Sous
la première Restauration, il défendit à la tribune, avec
éloquence et fermeté, les libertés publiques. Pendant les
Cent-Jours, il fut vice-président de la Chambre des repré-
sentants et, après Waterloo, fut au nombre des commis-
saires envoyés pour négocier un armistice avec les généraux
de la coalition (24 juin 1815). Elu député au mois d'août
suivant, il ne siégea pas dans la Chambre « introuvable »,
parce qu'il ne payait pas le cens d'éligibilité exigé par la
loi. Non réélu en 1816, il publia, au sujet de la loi du
5 févr. 1817, qu'il désapprouvait, et du projet de loi du
double vote, deux brochures qui firent quelque bruit : De
la Représentation nationale et principes sur la ma-
tière des élections (Paris, 1820, in -8); Application à
la crise du moment des principes exposés dans la bro-
chure intitulée la Représentation nationale, etc., fut
nommé maître des requêtes au conseil d'Etat en 1820,
perdit sa place en 1823 et vécut dès lors dans la retraite.
FLAUGNÂC. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors, cant.
de Castelnau-de-Montratier ; 895 hab.
FLÂUJAC-près-Lalbenque. Com. du dép. du Lot, arr.
de Cahors, cant. de Lalbenque ; 383 hab.
FLAUJAC-près-Livernon. Com. du dép. du Lot, arr.
de Figeac, cant. de Livernon ; 230 hab.
FLÂUJÂGUES. Com. du dép. de la Gironde, arr. de
Libourne, cant. de Pujols ; 633 hab.
FLÂU!ÏIONT-Waudrechies. Com. du dép. du Nord, arr.
et cant. (N.) d'Avesnes; 357 hab.
FLAUST (Jean-Baptiste), savant avocat et jurisconsulte
français, né à Vire en 1709, mort à Saint-Sever, près de
Vire, en 1783. Il a consacré plus de quarante années de
sa vie à son grand travail, toujours consulté, lorsqu'on
veut étudier l'ancien droit normand : Explication de la
Coutume et de la Jurisprudence de Normandie dans
un ordre simple et facile (Rouen etCaen, 1781 et 1785,
2 vol. in-fol.). — Son fils, Pierre-Marie-Jean-Baptiste,
FLAUST - FLAVIA
580
lieutenant général au bailliage de Vire, né à Rouen en 1762,
fut député de Caen à l'Assemblée nationale en 1789.
FLAUX. Com. du dép. du Gard, arr. et cant. d'Uzès ;
270 hab.
FLAUX (Armand de), littérateur français, né à Uzès en
1819. Il s'est occupé presque uniquement de littérature et
a été chargé par le gouvernement de deux missions litté-
raires : l'une en Allemagne, en Suède, Norvège, Danemark
(1860), l'autre en Tunisie (1861). Nous citerons de lui:
Nuits d'été, poésies (Paris, 1850, in-8) ; Sonnets (1864,
in-8) ; la Régence de Tunis (1865, in-8) ; Du Dane-
mark, Impressions de voyages (1862, in-8) ; Histoire
de Suède pendant la vie et sous le règne de Gus-
tave Ier (1861, in-8) ; la Suède au xvie siècle (1868,
in-8).
FLAVACOURT. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. du Co.udray-Saint-Germer ; 645 hab. Ce village
a donné son nom à une ancienne famille du Vexin, qui joua
un rôle important au moyen âge. Guillaume de Flavacourt
fut archevêque de Rouen de 1275* à 1306. Un autre Guil-
laume (4359) fut aussi archevêque de Rouen en 1356,
après avoir passé sur les sièges de Viviers (1319), Car-
cassonne (1323) et d'Auch (1324). La seigneurie passa par
mariage, en 1420, dans la maison de Fouilleuse. Philippe
de Fouilleuse et son fils Antoine, seigneur de Flavacourt,
furent chambellans et conseillers d'Etat de Louis XI. La
terre fut érigée en marquisat en 1637. François de Fouil-
leuse, marquis de Flavacourt, fut maréchal de camp en
1744. Après lui, cette terre vint à la maison de Bour-
deille. Le chœur de l'église est gothique; la travée centrale
et le clocher sont du xvie siècle. Le château n'existe plus.
Parmi les hameaux, citons Lincourt et Saint- Sulpice,
où l'on voit une chapelle du xvie siècle, siège d'un pèlerinage
très fréquenté pour les enfants malingres. C. St-A.
FLAVAN I L1NE (Chim. industr.). Les matières colorantes
connues sous le nom de flavaniline appartiennent au
groupe de la quinoléine. Leur découverte date de Tannée
1881. La flavaniline s'obtient en traitant pendant quelques
heures, à une température variant de 250 à 270°, de l'acé-
tanilide avec du chlorure de zinc ; on reprend la masse à
l'ébullition par de l'acide chlorhydrique, et la solution colo-
rante est précipitée par le sel et un peu d'acétate de soude.
Des cristaux orangés de chlorhydrate se précipitent ; ils
présentent un magnifique dichroïsme bleu ; ils sont assez
solubles dans l'eau, et teignent le coton mordancé et la
soie en jaune avec une fluorescence vert mousse. La
marque commerciale désignée sous le nom de flavaniline S
est le produit sulfoconjugué de la précédente. La flavani-
line traitée à l'ébullition par l'acide chlorhydrique donne,
en refroidissant la solution, le chlorhydrate de flavénol,
dont la base précipitée par l'ammoniaque et dissoute dans
la potasse possède un pouvoir tinctorial considérable. Les
flavanilines ne se trouvent plus dans le commerce ; elles
n'ont, du reste, fait qu'une courte apparition dans l'indus-
trie tinctoriale. Ch. G.
F LA V A U R I N E (Chim. industr.) . La flayaurine ou jaune
nouveau est le sel ammoniacal du dinitrophénolparasul-
foné. Découverte en 1883, elle fut préparée par la fabrique
d'aniline Beyer et Hegel, de Leipzig ; on l'obtient en par-
tant de l'acide mononitrophénique parasulfonique ; on traite
100 kilogr. de phénol par 100 kilogr. d'acide sulfurique
à 66° pendant deux heures, à 100°; on reprend par
200 litres d'eau et 100 litres d'acide azotique à froid. Au
bout de six heures, on ajoute à nouveau 100 litres d'acide
azotique et on chauffe deux heures à 100°. On obtient
ainsi l'acide dinitrophénolsulfonique. L'acide dinitrophé-
nolsulfonique est alors étendu et saturé par la chaux ; on
traite par le sulfate d'ammoniaque, il se forme du sul-
fate de chaux par double décomposition ; on filtre, il ne
reste plus qu'à évaporer à sec en agitant constamment ; on
sèche à 60° à l'étuve et on pulvérise. La flavaurine se pré-
sente sous forme d'une poudre orangée, ne détonant pas
par la chaleur, mais se boursouflant ; elle est facilement
soluble dans l'eau et teint la laine et la soie. Cette matière
colorante ne se rencontre plus dans le commerce. Ch. G.
FLAVEL (John), écrivain et prédicateur calviniste anglais,
né en 1627, mort en 1691. Ses œuvres, comprenant une
partie de ses Sermons et divers écrits religieux, parmi
lesquels Husbandry Spiritualised, Navigation Spiri-
tualised et The Great Work of a Christian opened and
pressed in a lr cotise ou Keeping the Heart (2 vol.
in-fol.) sont fort appréciées des calvinistes.
FLAVER1A (Flaveria Juss.) (Bot.). Genre de plantes de
la famille des Composées, groupe des Sénécionidées, carac-
térisé surtout par les capitules formés d'une seule fleur
ligulée femelle et d'un certain nombre de fleurs herma-
phrodites tubuleuses. Les achaines sont oblongs et dépour-
vus d'aigrette. L'espèce la plus importante est le F. con-
trayerva Pers. (Vermifuga corymbosa Ruiz et Pav.)
qui croît au Chili et au Pérou. On lui attribue des pro-
priétés vermifuges et elle passe pour un bon remède contre
la morsure des serpents venimeux '. On en extrait, dit-on,
une matière colorante jaune, employée dans la teinture.
F LAV I A (Famille) . Famille plébéienne de l'ancienne Rome,
à laquelle appartiennent beaucoup de personnages connus de
la République et de l'Empire (V.FLAviENs),jparmi lesquels:
Cn. Flavius, fils d'un affranchi, scribe des édiles, qui
en 304 av. J.-C. fit connaître au peuple le calendrier,
c.-à-d. la liste des jours fastes, et lui révélâtes formules du
droit civil, jalousement gardées jusqu'alors par le collège
des pontifes ; on donna à ce recueil juridique le nom de
jus flavianum. La reconnaissance du peuple fut grande
pour celui qui l'avait émancipé de l'aristocratie en matière
judiciaire, et elle lui décerna l'édilité curule et le tribunat.
Il prononça la dédicace du temple de la Concorde, malgré
l'opposition du grand pontife. Le jus flavianum, qui
n'était que le formulaire des actions de la loi, fut com-
plété un siècle plus tard par le jus œlianum (V. Muk
[Gens]). — L. Flavius, tribun de la plèbe en 60 av. J.-C,
fit passer une loi agraire. — T. Flavius Clemens, consul
en 95 ap. J.-C, martyr chrétien. Fils de T. Flavius Sa-
binus, le frère de Vespasien, cousin germain par con-
séquent des empereurs Titus et Domitien, il épousa Flavia
Domitilla (V. Domitilla), petite-fille de Vespasien. Il en eut
deux fils, que Domitien destinait à lui succéder. Mais
Domitien le fit mettre à mort en 95, l'année même de son
consulat, pour crime d'athéisme et d'adhésion aux coutumes
juives ; ces mots signifient, sans que le doute soit possible,
que Flavius fut condamné pour cause de christianisme. —
T. Flavius Crispus, fils de Constantin le Grand et de
sa première femme Minervina. Il reçut en 317 le titre de
césar; il se signala par des succès contre les Francs et
contre Licinius. Mais Fausta, la seconde femme de Cons-
tantin, dénonça ce prince à son père comme un rebelle :
Crispus, sur Tordre même de Constantin, fut mis à mort à
Pola, en Istrie (326). — C. Flavius Fimbria (V. Fimbria).
— T. Flavius Sabinus. a, fils de T. Flavius Petro, du muni-
cipe de Réate, fut collecteur de l'impôt du quarantième en
Asie ; il épousa Vespasia Polla, dont il eut deux fils, Sabi-
nius (qui suit) et Vespasien, le cadet, qui parvint à l'em-
pire.— b, fils du précédent, frère aîné de l'empereur Vespa-
sien. Il fut deux fois préfet de la Ville, sous Néron en 57,
sous Othon en 69. Il l'était encore quand Vespasien fut opposé
par les légions à Vitellius et nommé empereur. Lors de la ba-
taille dont Rome fut alors le théâtre, il alla s'enfermer au
Capitole, mais il y fut massacré par les Vitelliens. Il eut deux
fils, Sabinus (qui suit) et Flavius Clemens (V. ci-dessus).
— c, fils du précédent, consul en 82, mis à mort cette
année même sur l'ordre de Domitien, son cousin, parce que
le jour des comices consulaires le héraut l'avait appelé par
erreur empereur, au lieu de consul. G. L.-G.
Bibl. : De-Vit, Onomasticon toiius l&tinitatis. — Pour
Flavius Clemens, V. la bibl. de l'art. Domitilla.
FLAVIA Cesariensis. Province romaine de la Grande-
Rretagne citée dans la Notitia dignitatum.'On en ignore
l'emplacement.
— 581 —
FLAVIA — FLAVIGNY
FLAVIA Constantin (V. Constantia).
FLAV1AC. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. et cant. de
Privas ; 863 hab. Mines de fer oxydé sulfuré et de plomb
sulfuré. Belles filatures de soie.
FLAV1EN (Amphithéâtre) (V. Colisée).
FLAVIEN (Droit) (V. Flavia [Famille]).
FLAVIEN (Saint), éyêque d'Àntioche, né vers 309, élu
en 381, mort vers 404. Fête dans l'Eglise grecque, le
25 sept. Flavien occupe une large place dans l'histoire du
schisme d'Antioche» Né dans cette ville, de famille opu-
lente et très estimée, il se voua dès sa jeunesse à la vie
ascétique et il se retira dans la solitude, avec un de ses
amis, Diodore, qui devint plus tard évèque de Tarse et fut
constamment son compagnon de combat contre Farianisme.
Ils revinrent ensemble à Antioche pour y soutenir ceux
qui étaient restés fidèles à la foi nicéenne. Après la dépo-
sition d'Eustaihe (V. ce nom et Eusèbe de Césarée), le
siège épiseopal avait été offert à Eusèbe et refusé par lui ;
un eusébien, Léontius, fut élu (328). Eustathe, tout en
protestant de son droit, exhorta ses partisans à ne point
rompre l'unité de l'Eglise et à se soumettre au nouvel
évêque. Malgré celte recommandation, il se forma un parti
d'opposition auquel Flavien et Diodore se mêlèrent fort
activement ; ils réunissaient, près des tombeaux des mar-
tyrs, des assemblées nocturnes, et on y célébrait un culte
pour lequel les anciennes doxologies avaient été altérées
afin d'accentuer le dogme nicéen. Néanmoins, tant que du-
rèrent l'épiscopat de Léontius et celui d'Eudoxius, son
successeur, il n'y eut point de rupture manifeste. En 360,
Mélétius remplaça Eudoxius, promu à Constantinople ; mais
il fut exilé peu après son élection. Euzoius (V. Arianisme,
t. III, p. 891, col. 2), un vieux disciple d'Arius, qui avait
accompagné son maître en exil, fut nommé évêque. Les
orthodoxes, qu'on appelait encore les eustalhiens, s'accor-
dèrent pour le repousser ; mais bientôt leur parti se divisa.
Les uns restèrent attachés à Mélétius, revenu d'exil ; les
autres, excités par la lutte, se séparèrent de lui, quoique
la pureté de sa doctrine fut incontestée : ils lui reprochaient
d'avoir été consacré par des ariens. Ces dissidents se
groupèrent sous la direction de Paulin, prêtre fort zélé.
ÎJn concile tenu à Alexandrie (362) et obéissant à l'ins-
piration de saint Athanase, les pressa de se réunir à Mé-
létius. Mais il était trop tard; un évêque d'Occident, Lu-
cifer de Cagliari (V. ce nom et Eusèbe de Verceil), avait
donné à Paulin la consécration épiscopale. Il s'ensuivit un
schisme qui dura jusqu'en 414 ou 415, tenant toute la
chrétienté en douloureux émoi.
Flavien et Diodore soutinrent Mélétius. Consacrés prê-
tres, ils encouragèrent à la persévérance, pendant les divers
exils de leur évêque, le troupeau persécuté. Après la mort
de l'empereur Yalens (378), les ariens furent expulsés, à
leur tour, et ceux qui avaient été exilés pour la foi furent
rappelés. Flavien intervint alors avec succès, auprès du
représentant du nouvel empereur, pour lui faire reconnaître
officiellement Mélétius comme évêque d'Antioche. Celui-ci
proposa à son rival une transaction qui aurait pu rendre
la paix à l'Eglise : les deux évêques jouiraient d'une égale
autorité, aucun d'eux ne s'assiérait sur le siège épiseopal,
et on y déposerait en permanence le livre des Evangiles ;
le survivant resterait seul évêque. Paulin refusa. En 381,
Mélétius se rendit à Constantinople pour assister au
deuxième concile œcuménique; il y mourut. Pour mettre
fin au schisme, Grégoire de Naziance conseilla au concile
de ne point lui donner de successeur. L'assemblée était
composée d'Orientaux ; ils ne purent se résigner à aban-
donner Antioche à un évêque consacré par des Occidentaux,
contrairement à la coutume de l'Eglise. Flavien, qui avait
accompagné son évêque à Constantinople et qui siégeait
aussi au concile, fut élu (V. Constantinople, t. XII, p. 626,
col. 2). Paulin protesta ; il fut soutenu par Damase, évêque
de Rome, par les évêques d'Occident, d'Egypte, d'Arabie
et de Chypre : deux conciles tenus à Aquilée et à Rome se
prononcèrent péremptoirement contre Flavien; mais un
concile d'Orientaux, tenu en 382 à Constantinnple, con-
firma son élection et sa consécration. On le voit bientôt
après investi de la haute faveur de l'empereur Théodose.
— Paulin mourut en 388. Cet événement ne mit point fin
au schisme : sur son lit de mort et contrairement aux
XIXe et XXIIIe canons d'Antioche, Paulin avait consacré
comme son successeur Evagrius, prêtre de son Eglise, sans
se faire autoriser par un synode ni assister par aucun
autre évêque. Evagrius mourut en une année qu'il est dif-
ficile de préciser, mais qui peut être indiquée approxima-
tivement vers 393. Flavien réussit à empêcher les parti-
sans d'Evagrius d'élire un autre évêque ; mais ils persistèrent
dans leur opposition et continuèrent à tenir des assem-
blées séparatistes. Les dissensions intestines durèrent dans
l'Eglise d'Antioche jusqu'à l'épiscopat d'Alexandre (414
ou 415). Au dehors, les efforts de Jean Chrysostome
étaient parvenus, dès 399, à faire admettre Flavien dans la
communion des Églises d'Orient et d'Egypte. De son côté,
Flavien donna un gage à la réconciliation en inscrivant les
noms de Paulin et d'Evagrius sur les diptyques d'Antioche.
— Dès le début de son épiscopat, il avait entrepris contre
les euchites ou massaliens (V. ce mot) une persécution
qu'il commença par la ruse et qu'il continua par la vio-
lence, pratiquant lui-même sans scrupule la maxime repro-
chée à ces sectaires, que la fin justifie les moyens. En 388,
il obtint de Théodose le pardon des habitants d'Antioche
qui avaient renversé les statues de cet empereur. En 386,
Jean Chrysostome avait été consacré par lui à la prêtrise;
dans un de ses discours, il fait un pompeux éloge de son
évêque. E.-fl. Vollet.
Bibl. : Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir
à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles; Paris,
1693-1712, 16 vol. in-4. — Edm. Venables, art. Flavianus,
dans le Dictionary of Christian biogravhy, de W. Smith
et H. Wace ; Londres, 1877-1888, 4 vol. in-8.
FLAVIEN (Saint), XVIIIe évêque de Constantinople,
mort en 449. Fête le 17 févr. Nicéphore (Breviarium) dit
qu'il était gardien du trésor de l'église métropolitaine de
Constantinople, lorsqu'il fut appelée succéder à Proclus,
mort vers 446. En 448, il présidait le concile de Constan-
tinople qui condamna Eutychès dénoncé par Eusèbe de
Dorylée. L'année suivante, au concile d'Ephèse, il fut
accusé par Eutychès de déni de justice et d'excès de pou-
voir, et condamné à son tour. Il mourut bientôt après à
Hypèpe en Lycie, des suites des sévices qui lui avaient
été infligés à Ephèse, à la fin du concile. -— Pour les dé-
veloppements, V. Dioscore, Eusèbe de Dorylée, Euty-
chès, Chalcédoine (Concile œcuménique de). E.-H. V.
FLAVIENS (Les). On désigne sous ce nom deux dynas-
ties d'empereurs romains : la première maison flavienne
(ier siècle), représentée par Vespasien, T. Flavius Vespa-
sianus, et par ses deux fils, Titus et Domitien; la seconde
maison flavienne (ive siècle), qui comprend Constance
Chlore, Flavius Constantius Chlorus, et sa nombreuse
descendance : Constantin le Grand, Julien l'Apostat, etc.
FLAVIGNAC. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr.
de Saint-Yrieix, cant. de Chalus; 1,632 hab.
FLAVIGNEROT. Com. du dép. delà Côte-d'Or, arr. et
cant. (0.) de Dijon; 401 hab.
FLAVIGNY. Com. du dép. du Cher, arr. de Saint-
Amand-Montrond, cant. de Nérondes: 520 hab.
FLAVIGNY. Com. du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant. d'Avize; 142 hab.
FLAVIGNY-le-Grànd-et-Beâurain. Com. du dép. de
l'Aisne, arr. de Vervins, cant. de Guise; 1,122 hab.
FLAVIGNY-le-Petit. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Vervins, cant. de Guise ; 277 hab.
FLAVIGNY-sur-Ozerain. Ch.-l. de cant. du dép. de la
Côte-d'Or, arr. de Semur, sur une colline dominant le Loze-
rain ; 1 ,063 hab. Stat. du chem. de fer de P.-L.-M. Marbre.
Fabrique d'anis et de liqueur. Cette ville est surtout connue
par l'abbaye fondée vers 722 par un certain Viderad en
l'honneur de saint Prœjectus, évêque de Lyon, et unie à
un monastère de fondation plus ancienne dédié à saint
FLA VIGNY - FLAVY
582
Pierre. Ancienne enceinte avec deux portes du xvie siècle.
Eglise du xiir3 siècle, décorée de vitraux ; clocher carré du
xve siècle au-dessus du transept ; jubé du xvie siècle ;
stalles du chœur sculptées. Vieilles maisons. M. P.
Bibl. : Dom G. Viole, la Vie de sainte Reine, vierge et
martyre; Paris, 1649, in-8 (autres éditions).— Catalogue des
principales reliques qui sont gardées dans Héglise et tré-
sor de l'abbaye de Saint-Pierre de F 'lavigny -Sainte-Reine;
Auxerre, 1702, in-fol. — Ansart, Histoire de sainte Reine
d'Alise et de Vabbaye de Flavigny ; Paris, 1783, in-12.
FLAVIGNY-sur-Moselle (Flaviniacum, xe siècle). Com.
du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de Nancy, cant. de
Saint-Nicolas, sur la Moselle, à 15 kil. au S. de Nancy ;
1,090 hab. Eglise avec tour du xne siècle. Une abbaye de
religieuses bénédictines occupe les anciens bâtiments d'un
célèbre prieuré, fondé au xie siècle par un évèque de Ver-
dun. La chapelle du couvent date du xne siècle.
Bibl. : Guillaume, Notice sur le prieuré de Flavigny-
sur-Moselle, dans Mém. de la Soc. archéol. lorr., 1877, V,
3° sér., pp. 223-328.
FLAVIGNY (Valérien de), orientaliste français, né à Vil-
lers-en-Prayères (Aisne), mort à Paris le 29 avr. 1674.
Docteur de Sorbonne en 1628, professeur d'hébreu au Col-
lège de France en 1630, il consuma son existence dans des
polémiques très ardentes et très savantes sur des points
de controverse biblique tout à fait oubliés aujourd'hui. En
1632, il publia une édition des OEuvres de Guillaume de
Saint-Amour, docteur des xne et xme siècles. En 1636,
il donna quatre lettres sous le titre de : Epistolœ IV de
ingenti Bibliorum opère septemlingui (in-8). En 1646,
un discours apologétique : Pro sacro-sanctœ editionis
hebraieœ authentica veritate, et depuis beaucoup d'autres
ouvrages de polémiques philologiques et de critique, à pro-
pos de la Bible polyglotte et du système de Copernic.
FLAVIGNY (Maurice -Adolphe -Charles, vicomte de),
homme politique français, né à Vienne (Autriche) le 3 déc.
1799, mort à Monnaie (Indre-et-Loire) le 7 oct. 1873.
Secrétaire de M. de Polignac, il se rallia à l'orléanisme et
entra à la Chambre des pairs le 25 déc. 1841. Elu repré-
sentant d'Indre-et-Loire à la Législative, le 13 mai 1849,
il fit partie de la droite monarchique, puis devint un des
partisans du prince Louis-Napoléon. Candidat officiel, il fut
réélu député d'Indre-et-Loire le 29 févr. 1852, adhéra à
l'Empire, fut réélu en 1857, mais échoua en 1863 et en
1869, l'administration lui ayant retiré son appui parce
qu'il avait manifesté en faveur du pouvoir temporel du
pape. Durant la guerre franco-allemande, M. de Flavigny
fut un des fondateurs de la Société internationale de secours
aux blessés des armées de terre et de mer qui le choisit
pour président.
FLAVIN. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de Rodez,
cant. de Pont-de-Salars ; 1,496 hab.
FLAVIN E (Chim. industr.). Cette matière colorante,
d'origine végétale, nous est, depuis une trentaine d'années,
importée d'Amérique ; elle paraît êlre un extrait concentré
de quercitron pulvérisé et contenir du quercitrin et du
quercétin. Elle se présente sous forme d'une poudre brune
foncée et est douée de propriétés tinctoriales seize fois plus
grandes environ que le quercitron. Dans le commerce, cer-
taines maisons ont aussi donné le nom de flavine à diffé-
rents jaunes d'aniline pour en masquer l'origine et la com-
position. Ch. G.
FLAVIO (Biondo) (V. Biondo).
FLAV1TSKY (Constantin-Dmitrievitch), peintre russe,
né en 1829, mort en 1867. Il fit ses études à l'Académie
des beaux-arts de Saint-Pétersbourg où il devint professeur
en 1864. Ses œuvres les plus remarquables sont un grand
tableau, les Chrétiens au Cirque, et la Mort de la prin-
cesse Tarakanov.
FLAVIUS (V. Flavia [Famille] et Flaviens).
* FLAVIUS Caper , grammairien latin de la fin du
ier siècle ap. J.-C, que Priscien appelle Antiquitatis doc-
tissimus inquisitor. Les grammairiens citent entre autres
de lui un traité De Latinitate ou De Lingua latina, un
autre De Dubiis Generibus. Les deux opuscules que nous
possédons sous son nom, De Orthographia et De Ver bis
dubiis, ne sont que de maigres extraits des ouvrages pri-
mitifs. Un grammairien du ve siècle, Agrœcius, qui vécut
probablement en Gaule, composa un traité, De Orthogra-
phia et proprietate et differentia sermonis, qui devait
être la suite de l'œuvre de Caper (V. H. Keil, Gram. lot.,
VII, 112 et 138). A. W.
FLAVIUS Charisius (V. Charisius).
FLAVIUS Félix, poète latin du vie siècle. Il était Afri-
cain comme Florentinus et Luxorius, , ses contemporains,
dont les vers ont été conservés avec les siens par le même
manuscrit, ayant appartenu à Claude de Saumaise, qui se
trouve aujourd'hui à la Bibliothèque nationale sous le
n° 10,318. L' Anthologie latine (Bœhrens, Poetœ lat.
min., t. IV, p. 334) renferme huit pièces de Félix,
presque entièrement en l'honneur de Thrasamond, roi des
Vandales, avec des puérilités de versification telles que
acrostiche avec télestiche et mésastiche et nombre égal de
lettres dans chaque vers. Les deux pièces de Florentinus
que renferme le même volume (p. 426) sont également
consacrées à célébrer Thrasamond et des thermes d'Aliana
que ce prince avait fait construire.
FLAVIUS Mallius Theodorus (V. Theodorus).
FLAV0PHÉNINE (Syn. Chrysamine G.) (Chim. ind.).
La flavophénine est une matière colorante dérivée de la
houille et comprise dans la série des colorants azoïques :
c'est, le sel de soude de l'acide tétrazodiphénylsalicylique.
On obtient ce colorant en traitant une solution de tétrazo-
diphényle préparée avec 18ks"r4 de benzidine par une solu-
tion de 20 kilogr. d'acide salicylique dans 750 litres d'eau
renfermant 140 kilogr. de soude caustique ; on attend
douze heures, on filtre et on lave, La flavophénine se pré-
sente sous forme d'une poudre brun jaune, soluble dans
l'eau et teignant le coton sans mordant en bain de savon .
FLAVOPURPURINE (Chimie ind.). Matière colorante
rouge orangée isomère de la purpurine et de |l'anthra-
gallol constituant la presque totalité de certaines marques
commerciales d'alizarine pour rouge. Sa formule est
C14H805. Cette matière colorante, étudiée par Schunk,
Borner, Bosensthiel, Prud'homme, etc., est soluble dans
l'alcool d'où elle se dépose en aiguilles jaune doré. La solution
sulfurique est rouge brun, la solution acétique jaune d'or.
Par la potasse, on obtient une coloration rouge ; les autres
solutions alcalines sont jaune orangé. La flavopurpurine
bout au-dessus de 330° et se sublime en aiguilles jaunes.
Elle ne teint sur mordant qu'en présence d'eaux calcaires
ou par addition de chaux aux bains de teinture.
FLAVUS Alfius, rhéteur romain du siècle d'Auguste,
qui jouissait d'une grande réputation. Auditeur deCestius,
il avait tant de succès dans les déclamations que celui-ci
n'osait guère parler après lui. Il cultiva aussi la poésie ;
Cestius lui reproche, dans une controverse, de subir l'in-
fluence d'Ovide (V. Teuffel, Littér. rom., §§ 268 et suiv.).
FLAVY-le-Martel. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Saint-Quentin, cant. de Saint-Simon; 2,011 hab.
FLAVY-le-Meldeux. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Compiègne, cant. de Guiscard; 250 hab.. .
FLAVY (Guillaume de), capitaine français, né en Picar-
die vers 1398, mort en 1449. Il était d'une ancienne
famille de chevalerie et fut nommé, en 1429, capitaine ou
gouverneur de Compiègne. Il commandait dans cette ville,
lorsque Jeanne d'Arc y fut prise. On l'accusa de l'avoir
trahie par jalousie et d'avoir fait baisser la herse au mo-
ment où la Pucelle allait rentrer. Cambry (Descript. du
dép. de l'Oise, I, 328) ajoute même que les habitants, in-
dignés et désespérés, le pendirent séance tenante. Or, nous
savons par des actes authentiques qu'il vécut encore près
de vingt ans. Il était encore gouverneur de Compiègne en
1445 et passa toute sa vie à guerroyer contre les Anglais.
Sa prétendue trahison est très probablement une calom-
nieuse légende qui prit naissance au milieu de cette époque
troublée. Néanmoins certains auteurs, sans l'accuser pré-
cisément d'avoir livré la Pucelle, ont prétendu que Flavy
- 583 ^
FLAVY - FLAXMAN
était fort jaloux de l'influence qu'elle exerçait sur ses su-
bordonnés et qu'il avait été heureux d'en être débarrassé.
Guillaume de Flavy était d'ailleurs, tout bien considéré,
un aventurier assez peu recommandable ; il fut assassiné
par des sicaires aux gages de sa femme, Blanche d'Aure-
bruche ou d'Ourebruck. Vte de Caixde St-Aymour.
Bibl. : G. Du Fresne de Beaucourt, Jeanne d'Arc et
Guillaume de Flavy, dans Bull. Soc. de l'Hist. de France,
1861-62. — Du même, Blanche d'Aurebruche, vicomtesse
d'Aix, et ses trois maris, dans Mém. Soc. antiq. de Picardie,
1863. — Alex. Sorel, la Prise de Jeanne d'Arc devant
Compiègne ; Paris, 1889.
FLAXIEU. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Belley, cant.
de Virieu-le-Grand ; 427 hab.
FLAXMAN (John), sculpteur anglais, né à York en 4755,
mort à Londres en 4826. Son père John Flaxman et son
frère aîné William étaient tous deux modeleurs. De santé
très délicate, il passa presque toute son enfance dans la
maison paternelle, où son talent se développa au milieu
des copies et des moulages d'antiques, tandis que son ima-
gination s'enrichissait par une lecture assidue et dans le
texte des plus grandes œuvres des littératures latine et
grecque. Soumis à cette saine et forte discipline, il pro-
duisit de très bonne heure. Dès 4 767, à douze ans, il exposa,
à la Société indépendante des artistes, des terres cuites
d'après l'antique; l'année suivante, des bustes; en 4769,
une Mort de César. Cette même année il fut admis, à quinze
ans, comme élève à l'Académie royale. Après avoir, en
4770 et 4774, exposé des portraits et un Neptune moire
à l'exposition de lWcadémie, il concourut en 4772 pour la
médaille d'or, qu'il eut le chagrin de se voir refuser : Rey-
nolds, qui présidait, lui préféra un élève obscur, du nom
d'Engelheart. Découragé pendant quelque temps, il se remit
à l'œuvre avec ardeur. Successivement il exposa un
Pompée et une Agrippine (4777); un Hercule couvert
de la robe de Nessus (4778); Acis et Galatée, la Mort
de César (4784), dont il avait donné une première pensée
en 4769 ; un buste de Vénus (118%); Prométhée (4784);
en 4785 et 4786, il exécuta plusieurs groupes décoratifs,
pour les tombeaux du Poète Col lins, à la cathédrale de
Chichester, et de Madame Morley, à la cathédrale de Glou-
cester : peu de ses œuvres seront aussi gracieuses et aussi
pathétiques. Durant toute cette époque, il fournissait beau-
coup de modèles et de dessins à la fameuse fabrique de
faïences de Wedgwood.
En 4782, il avait épousé Anne Denman, qui fut la con-
fidente intelligente et dévouée de ses travaux. Profitant
d'un moment de liberté, au milieu de son labeur acharné,
il partit en 4787, avec sa jeune femme pour l'Italie. Retenu
par l'étude de tous ces trésors de l'antiquité, auxquels
il avait dû l'éveil de son génie, Flaxman demeura à Rome,
dans une riche maison de la via Felice, pendant sept années
entières. Sa réputation y grandit rapidement et les com-
mandes lui vinrent en foule. Il exécuta notamment pour le
comte de Bristol un groupe en marbre de quatre figures,
d'après les Métamorphoses d'Ovide : la Folie d'Athamas.
C'est alors que, sous l'inspiration directe des plus belles'
collections d'antiques, il entreprit ces séries de dessins qui
devaient rendre son nom populaire dans toute l'Europe
artiste : Hare Taylor lui commanda quatre-vingts dessins
poxwY Iliade etY Odyssée (ll$3A19§); Tho'masHope trente
autres pour Eschyle (4794); en 4797 s'y ajoutèrent cent
neuf compositions pour Dante, dont les originaux furent
achetés par la comtesse Dowager Spencer. Tous ces dessins,
furent gravés à Rome par Tommaso Piroli, sous la direc-
tion de l'artiste. Il compléta, en 4846, ce vaste cycle de
compositions par une illustration d'Hésiode. Revenu en
Angleterre, en 4794, avec le titre de membre honoraire
des Académies de Florence et de Ferrare, il exécuta cette
année même le Monument de lord Mansfteld, à West-
minster : c'est une œuvre de grande allure, où le juge su-
prême d'Angleterre est représenté siégeant en grand cos-
ume, ayant à ses côtés la Justice et la Pitiés et derrière
tui la Mort. Flaxman fut nommé, en 4797, membre associé
et, en 4800, membre titulaire de l'Académie royale. Dans
cette dernière période de sa vie, comblé de gloire et d'hon-
neurs, il produisit un nombre considérable d'œuvres de
toutes sortes, dont on peut trouver le catalogue complet
dans YAnnual Biogfaphy and Obituary de 4834, et
dont nous citerons seulement les plus connues : Mercure
et Pandore; le Courage (4805); la Résignation (4809);
V Amour maternel (4842); Apollon chez Admète (4844
et 4824); Saint Michel terrassant le Démon (4822);
l'Amour et Psyché, Raphaël et Michel- Ange (4825 ;
collection Rogers); les statues de /. Kemble, à Westmins-
ter ; de Pitt et de John Moore à Glasgow, de YEvêque
Skinner à Aberdeen ; les tombeaux du Comte Benson,
de Walter et de William Long, à Salisbury; du Capi-
taine Montagne, de Sir Joshua Reynolds et de Y Amiral
Howe, à Saint-Paul ; le monument assez lourd et empha-
tique de Nelson, à Westminster. Emporté par une activité
qui ne connaissait pas d'obstacle, il alla jusqu'à proposer
l'entreprise d'une statue colossale de la Britannia, haute
de 200 pieds, qu'il voulait dresser sur la colline de Green-
wich, en mémoire des victoires navales de l'Angleterre.
Enfin, en 4848, il modela son fameux Bouclier d'Achille,
d'après la description contenue au XVIIIe chant de Y Iliade,
avec plus de deux cents figures d'hommes et d'animaux. Il
en fut coulé quatre épreuves en argent par les orfèvres Run-
dell et Rridge, pour le roi, le duc d'York, le comte de
Lansdale et le duc de Northumberland. Cette œuvre a vive-
ment frappé Gœthe, qui en a donné une description enthou-
siaste dans Kunst und Alterthum. La femme de Flaxman
mourut en 4820, et jamais il ne se remit de cette perte.
Sa santé déclina peu à peu, sans qu'il cessât de tenir l'ébau-
choir et le crayon jusqu'à son dernier jour, et le 7 déc.
4826, comme dit son épitaphe, « il rendit son âme angélique
à Celui qui l'avait donnée ».
Flaxman est aussi respectable par la simplicité de sa vie
privée, la gravité de son caractère, son ardeur au travail et
son désintéressement, que considérable par son talent et son
influence. Comme praticien, son habileté est assez médiocre,
et, en face du marbre, il semble gêné et presque gauche ; mais
ses compositions sont généralement ingénieuses et harmo-
nieuses. Surtout il est comme dessinateur d'une élégance
rare et d'une science consommée. Aussi ses illustrations des
grands poètes restent-elles son œuvre la plus forte, comme
la plus célèbre. Sans doute elles ont vieilli, et la froideur d'un
dessin de sculpteur y est rendue encore plus sensible par
la sécheresse de la gravure au trait ou « dans le genre du
crayon ». Mais la composition est magistrale, l'effet déco-
ratif très puissant ; le style des meilleures peintures de vases
antiques y est reproduit avec toute l'insignifiance des visages,
mais aussi avec toute la sobriété des draperies et toute la
pureté des lignes. Ces œuvres doivent être comptées parmi
les plus remarquables de l'art néo-classique. Il est impossible
de douter de leur influence sur la peinture et la sculpture de
l'époque impériale, quand on les voit publiées, non seulement
à Rome et à Londres, mais à Gœttingue (4803), et à Paris
(chez Nitot-Dufresne, an XI). Dans cette révolution du style
fondée sur l'imitation étroite de l'antiquité, qui commence
dès le milieu du xvnr3 siècle, pour s'imposer au début du
xixe siècle, dans cette Renaissance attardée et éphémère,
si curieuse pour l'histoire de l'art, il faut donner une place
importante à Flaxman, à côté de Canova et de David.
On a de Flaxman quelques œuvres littéraires sans grand
intérêt : une Lettre au duc de Gloucester pour le monu-
ment de la Britannia (4799); Dix Leçons professées par
lui dans la chaire de sculpture de l'Académie royale, où il
fut appelé en 4840; une Etude sur la manière du
peintre Rowney, insérée dans la vie de ce dernier par
Hayley ; différents articles pour V Encyclopédie de Rees. On
a publié après sa mort ses Lectures sur la sculpture
(4829), et ses Etudes anatomiques en 49 planches gra-
vées par Lewis. E. Bertaux.
Bibl. : Œuvre de J. Flaxman, gravé par Réveil ; 1833,
2 vol. in-8.
FLAXMAN - FLÈCHE
— 584
FLAXMAN (Miss Mary-Ann), dessinateur et sculpteur,
née en 4768, morte en 1833. Sœur et élève du grand
sculpteur JohnFlaxman, elle a exposé à l'Académie royale
un grand nombre d'œuvres : des terres cuites ou des cires
telles que des Dames turques (4786); une Sapho (iSiO);
son portrait par elle-même (4841); et des dessins parmi
lesquels on cite Ferdinand et Miranda jouant aux échecs
(4789); des illustrations pour nombre de poésies, et no-
tamment pour la ballade populaire de la Fille du men-
diant (4817). Ses compositions pour Robin Goodfelloiv
et pour le Triomphe du Génie dans les Poems and Plays
de Hayley, ont été gravées par Blake en 1803.
FLAYAT. Com. du dép. de la Creuse, arr. d'Aubusson,
cant. de Crocq ; 936 bab.
FLAYOSC. Com. du dép. du Var, arr. et cant. de Dra-
guignan, sur un canal d'irrigation dérivé de la Fioriège ;
2,514 hab. Bois de chênes verts et de pins maritimes.
Gisement de gypse. Cordonnerie pour l'exportation. Cette
localité, très anciennement habitée, ainsi qu'en témoigne
son nom dont le suffixe est ligure, fut au moyen âge ceinte de
murailles flanquées de tours, chef-lieu d'une seigneurie qui
de la famille de Villeneuve passa au xvme siècle à Fran-
çois du Perrier en faveur duquel elle fut érigée en mar-
quisat par lettres patentes de janv. 1678. Une petite église
souterraine passe pour dater des premiers temps du chris-
tianisme. Pont très ancien sur la Fioriège.
FLÊAC. Com. du dép. de la Charente, arr. et cant.
d'Angoulême, sur une colline dominant la rive droite de la
Charente ; 926 hab. Intéressante église du xne siècle à
trois coupoles octogonales. Vestiges de l'ancien château du
Tranchard.
FLÉAC. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saintes, cant. de Pons ; 535 hab.
FLÉAU. I. Archéologie. — Fléau d'armes. — Arme
de guerre d'un usage très ancien, et qui est une simple
adaptation du fléau à battre le blé, dans lequel on a rem-
placé la branche mobile par une masse de bois dur armée
de fer, puis par une masse de fer dont
la forme a varié à l'infini. Cette masse
mobile est rattachée à la hampe par
une chaîne plus ou moins longue; la
hampe mesure ordinairement cinq
pieds. Le fléau d'armes ne dut jamais
être d'un très fréquent emploi, car,
entre les mains de gens mal exercés, il
pouvait devenir aussi dangereux pour
celui qui le maniait et pour ses com-
pagnons que pour les ennemis. Les
Orientaux, les Byzantins ont surtout
employé cette arme demeurée célèbre
entre les mains du fameux Jean Zyska.
Mais le fléau d'armes qu'on attribue
au chef des hussites était un étrier,
c.-à-d. un fût auquel étaient fixées trois
ou quatre chaînes terminées chacune
par une masse de fer armée de pointes
et reliées à ce fût par une pièce en
forme d'étrier. Cette forme de fléau
d'arme, nommé aussi goupillon, était
en usage chez nous au xive siècle; les
Suisses en avaient d'à peu près iden-
tiques auxquels ils donnaient le nom
de morgensterns quoique ce nom con-
vienne mieux à certaines masses d'ar-
mes . Le fléau d'armes cessa d'être en
usage au xve siècle ; les Orientaux en
continuèrent plus longtemps l'emploi
et les Allemands continuèrent à s'y exercer bien plus tard,
car le traité d'escrime de Sutor (1612) donne les règles du
combat à cet arme et des figures s'y rapportant. Dans le
fléau d'armes du type le plus simple, on distingue la hampe
ou fût, et la verge ou battant, cette dernière partie pouvant
être en bois ou en fer, ronde ou carrée, barlongue, etc.
Fléau d'armes
du xive siècle.
Lorsque les chaînes sont très longues et les masses pe-
tites, ces armes deviennent des fouets de guerre ou des
scorpions, terribles engins que maniaient les cavaliers orien-
taux, en Inde, dans la région Caspienne, mongole, etc.
Maurice Maindron.
II. Agriculture. — Le fléau est un instrument qui sert
au battage des grains ; il est formé d'une batte ou morceau
de bois arrondi, attaché à l'extrémité d'un long manche, au
moyen d'une lanière de cuir ou d'une corde. L'habileté
de l'ouvrier qui manie le fléau consiste à faire tournoyer la
batte en l'air, à chaque coup de fléau, et à l'abaisser en
allongeant les bras, de manière qu'elle tombe à peu près
horizontalement sur les épis. Le battage au fléau est long,
coûteux et beaucoup moins parfait que le battage à la ma-
chine (V. Battage et Machine à battre). A. Larbalétrier.
III. Mécanique (V. Balance).
FLECELLES (Nicolas de) (V. Brégy [Comte de]).
FLÈCHE. I. Archéologie. — Projectile lancé par un
arc ou une arbalète et destiné à percer, ou, par exception, à
trancher. La flèche peut être considérée comme le projectile
primitif après la pierre ou le javelot. Dès que l'homme connut
les propriétés balistiques de l'arc, — cette arme paraît
avoir été en usage dès l'âge de la pierre taillée comme en
témoignent les découvertes faites au cours des fouilles qui
nous ont fait connaître les ustensiles usités parmi les popu-
lations primitives de l'Europe — il semble avoir employé
le type le plus ordinaire des flèches, un fût de bois léger
armé d'une pointe formée de la matière la plus dure et la
plus résistante qu'il connût. Cette matière était la pierre.
Parmi les pierres taillées, il s'en rencontre un grand
nombre qui, par leurs petites dimensions comme par la
régularité extrême de leurs contours, peuvent être, à bon
droit, considérées comme ayant été fabriquées dans le but
d'être utilisées comme pointes de flèche. La plupart de
ces petits objets en silex, dont les plus grands ne dépassent
guère 3 centim. de long, affectent une forme d'amande.
Fixée dans la fente d'une tige de bois par quelque gomme
ou résine, en plus y affermie par une ligature de fibres
végétales et de nerfs qui formait douille, la tête de ces
pointes de pierre formait un projectile avantageux à la
guerre comme à la chasse. Si elle quittait sa tige sous le
coup d'un .choc trop violent, cette pointe de flèche n'en
avait pas moins pénétré, et la pierre tranchante restait
dans la plaie, s'enfonçant même dans les os. Ainsi certains
débris de squelettes de rennes de l'époque paléolithique,
conservés au musée de Saint-Germain, présentent des ver-
tèbres conservant encore des pointes de flèche en silex
qui y sont restées fixées.
Les pointes de flèche les plus anciennes que l'on con-
naisse sont des petits éclats amygdaloïdes soigneusement
éclatés ou régularisés. Certains avaient leur extrémité
inférieure dégagée en continuation formant soie. Il est
probable que cette forme assez parfaite ne fut obtenue
qu'après d'assez longs tâtonnements. Car ces. pointes de
flèche en silex, que les auteurs anciens appelaient glosso-
' pêtres et céraunies et considéraient comme tombées du ciel
après les éclipses de lune et aussi comme des talismans
dont les vertus, du reste, ont été réputées comme certaines
jusqu'aux dernières années du xvme siècle, ces pointes de
flèche, disons-nous, comptent parmi les objets de pierre les
plus communs que les archéologues aient colligés en tous
endroits. L'usage des pointes de flèche en pierre s'est,
du reste, prolongé jusqu'à notre époque moderne. Aujour-
d'hui encore, comme par exemple en Nouvelle-Guinée, des
peuplades usent de flèches terminées par des pointes faites
de pierre. La forme la plus simple d'une tête de flèche est
un éclat de pierre façonné en forme de losange et qui, par
émoussement des angles latéraux, prend la* forme d'une
feuille. Certaines de ces pointes de pierre portent sur leurs
côtés de petites entailles destinées à mieux retenir les
ligatures qui les fixaient au bois. A force de travail on
finit par façonner des éclats plus parfaits de forme trian-
gulaire et portant à leur base une petite soie plus ou moins
585 —
FLÈCHE
dégagée jusqu'à former ces pointes parfaites aiguës, bar-
belées, grâce à deux oreillons qui retombent de chaque
côté de la soie qu'ils dégagent. Les oreillons ou les bar-
bes affectent des contours, suivent des dispositions variées.
Tantôt ils sont aigus, tantôt coupés carrément ; ailleurs
ils se recourbent vers la soie avec une fermeté de courbe
rappelant l'ogive, ou bien encore ils retombent, très longs,
de chaque côté du fût. La forme parfaite et typique de la
flèche barbelée, du barbillon, comme on dira au moyen
âge, est désormais trouvée. La matière variera; on fera
des flèches à têtes de bronze, de fer, d'acier; le type
demeure à peu près définitif. 11 a existé, sans doute aussi,
des pointes de flèche en os, en corne, en merrain de cerf,
en bois dur, comme on en voit encore aujourd'hui chez
les peuplades sauvages.
Les pointes de flèche en pierre présentent les types les
plus divers, suivant qu'elles comportent ou non une soie,
un ou deux oreillons, ceux-ei pouvant être égaux ou iné-
gaux. Certaines sont dif-
ciles à différencier des
petits grattoirs à tran-
chant transversal ; ce
sont de petits éclats tran-
chants, courts, montés
comme un petit ciseau
sur. une hampe de bois
où les fixent une matière
résineuse et des corde-
lettes faites de diverses
écorces, tilleul, etc. On
a retrouvé de ces flèches
encore montées en Dane-
mark (fig. 2). Mais il ne
faudrait pas croire que
toutes les pointes de
flèche en pierre que l'on
rencontre appartinssent
à l'époque préhistorique;
les Egyptiens se sont ser-
vis de tètes en pierre
à tranchant transversal,
comme en témoigne une
flèche conservée au Bri-
tish Muséum et où la
tête ou pointe est fixée à
la tige par du bitume.
Les Ethiopiens usaient
de flèches à pointe de
pierre, et Hérodote re-
marque que ces Africains
combattant au compte de
Xerxès avaient des flè-
ches à pointe de pierre,
tandis que les Perses
n'en avaient qu'à pointe de fer. A cette époque, les Grecs
usaient de pointes de bronze, déjà mentionnées dans Y Iliade,
et, sur le champ de bataille de Marathon, on trouve un grand
nombre de pointes de flèche en pierre et en bronze. Celles de
fer auront été détruites par la rouille. D'ailleurs, il convient
de remarquer que tous ces petits objets en métal ont tou-
jours été recueillis soigneusement parce que leur matière
était toujours susceptible d'emploi par le martelage ou la
fonte. Les pointes de pierre, au contraire, ne sont d'aucune
utilité pratique et ne se remarquent guère parmi les cail-
loux que l'on trouve mêlés à la terre ; à peine les recueil-
lait-on jadis comme talisman; c'est ainsi qu'un collier
étrusque en or porte une pendeloque formée d'une pointe
de flèche en pierre montée en or. En Irlande, encore aujour-
d'hui, beaucoup de gens portent de ces petits objets pen-
dus à leur cou comme un talisman contre les artifices des
fées, et les nomment flèches des Elfes. Des superstitions
analogues persistent encore en certaines régions de l'An-
gleterre et de la Scandinavie, en Italie où l'on conserve
ces pierres taillées comme préservatif contre le tonnerre,
à l'île d'Elbe, etc.
Nous figurons ici une flèche de pierre encore munie de
son fût découverte dans un marais de la Suisse (fig. 1).
La flèche à tranchant transversal (fig. 2) ayant encore un
débris de son fût auquel la pierre est fixée par une liga-
ture en écorce de tilleul provient d'une tourbière de l'île
de Fionie. La fig. 3 représente une flèche à un seul oreil-
lon trouvée dans le Yorkshire ; ce type de pointe en silex
n'est point rare en Angleterre. On ne sait si les fûts de
flèches en pierre étaient empennés ; mais les témoignages
des auteurs les plus anciens nous montrent qu'on garnissait
le talon des flèches de plumes d'oiseaux. Ce qui était d'usage
aux âges du métal ne l'était peut-être point aux âges de la
pierre, et il suffit d'examiner les flèches des sauvages de la
Nouvelle-Guinée et des Moluques pour voir qu'ils ne met-
tent point d'empennes aux longs fûts en jonc de leurs flèches.
Hésiode montre les flèches d'Hercule garnies des plumes
d'un aigle noir, Homère
parle de flèches empen-
nées ou ailées (tuts-
pôsvisç). Mais Hérodote
signale les flèches des
Lyciens comme dépour-
vues d'empennes.
Les pointes de flèche
en bronze sont com-
munes ; mais tout porte
à croire qu'aux âges de
bronze on se servait en-
core de pointes en pierre.
Ainsi, à My cènes, Schlie-
mann a trouvé peu de
pointes de flèche en
bronze, mais une grande
quantité de pointes en
obsidienne. L'usage des
pointes de flèche en
bronze s'est cependant
conservé longtemps, et
les Grecs les ont em-
ployées encore à l'époque
des guerres médiques.
Ce sont des formes bar-
belées , munies d'une
douille plus ou moins
longue ou d'une soie,
car tels sont désormais
les deux seuls modes de
monture qui restent en
usage. Les pointes de
bronze les plus anciennes
sont aplaties, en forme
de feuilles arrondies, ter-
minées par une soie qui entrait dans le fût, et il est sou-
vent difficile de distinguer nettement ces petits objets des
rasoirs si abondants en Grande-Bretagne. D'autres de ces
pointes sont à douille dans laquelle entrait le fût, mais elles
paraissent plutôt avoir appartenu à des javelots. Au reste,
on croit généralement que la plus grande partie de ces
pointes de bronze appartient au premier âge du fer.
Yiollet-le-Duc a décrit et figuré des pointes de flèche de
la période gréco-italique appartenant au musée de Naples.
Nous en reproduisons une (fig. 4) : « Ces fers sont de fer
forgé, très menus et munis d'une petite douille dégagée ou
prise entre les ailes. Ces fers restaient nécessairement dans
la plaie, si la flèche s'enfonçait de plus de 0,03 centim.
Cette forme de fer fut très longtemps adoptée puisqu'on
en trouve qui paraissent dater du xne siècle. » Les flèches
dont usaient les archers dans les armées romaines et grecques
étaient armées d'un fer le plus souvent en forme de feuille,
de contour ovale (fig. 7) ; les pointes barbelées paraissent
avoir été plutôt employées par les Asiatiques et les Bar-
Types de flèches.
FLÈCHE
- 586
bares septentrionaux. On ne possède pas de flèches com-
plètes de ces époques ; il est probable que leurs dimensions
devaient varier suivant la forme et la force des arcs, sui-
vant aussi les machines de guerre qui servaient à les lancer.
Les Carduques, montagnards asiatiques contre lesquels
eurent à combattre les Dix Mille, avaient des flèches longues
de plus de deux coudées qu'ils lançaient avec de grands
arcs hauts de trois coudées. « Pour les décocher, ils
tiraient la corde vers le bas de l'arc, en y appuyant le
pied gauche. Leurs flèches perçaient les boucliers et les
cuirasses. Les Grecs, qui en ramassaient, s'en servaient
en guise de dards, après y avoir mis des courroies. »
Xénophon, qui relate ce fait, nous montre en d'autres pas-
sages de ses œuvres que l'arc était peu d'usage en Grèce,
car, dans le traité sur la chasse, il parle sans cesse de
javelots, et jamais de flèches (V. Ânabase, liv. IV, ch. n,
et De la Chasse, ch. xi et suiv.). — Au moyen âge, la
dimension des flèches fut en rapport avec celle des arcs ;
les traits lancés par les arbalètes étaient toujours très
courts. Ces projectiles furent partout d'un usage courant
et, malgré l'interdiction des conciles, notamment celui de
Latran, qui en défendaient l'emploi autrement que contre
les infidèles, on ne cessa de les employer et de les per-
fectionner. On substitua bientôt l'acier bien trempé au fer,
de telle sorte que les flèches et les carreaux perçaient les
hauberts et autres défenses de mailles. Dans les coutumes
féodales, les flèches figurent fréquemment à titre de rede-
vance, comme symbole d'hommage, comme valeur de ran-
çon. On les trouve fréquemment mentionnées dans les
lettres de rémission, les chartes, etc. Dans les vieilles
chartes anglaises, on les cite comme objets de tribut ; au
reste, elles avaient une certaine valeur, puisque, au xive
siècle, en certaines lettres de rémission, il est fait mention de
trois douzaines de fers de flèche comme entrant en compte
dans la rançon d'un chevalier. On les nommait alors le
plus souvent séettes, mais suivant leur espèce on les appe-
lait plus spécialement : passadoux, dondaines, bougons,
barbillons, viretons, carreaux, matras. Mais, quelles
que fussent leurs dimensions et leurs formes, toutes
étaient ferrées d'acier, empennées de plumes, de cuir, de
parchemin ou de bois léger, et les archers avaient cou-
tume d'en imbiber le fer de leur salive afin de les empoi-
sonner et de rendre les blessures plus dangereuses.
Les meilleures flèches du moyen âge paraissent avoir
été celles dont se servirent les Anglais pendant la guerre
de Cent ans. Comme leurs arcs étaient très grands, attei-
gnant six pieds de long, leurs flèches mesuraient jusqu'à
95 centim. Elles rentraient dans la catégorie des barbillons,
c.-à-d. que leur fer était barbelé (fîg. 6 et 8) et il con-
serva longtemps cette forme, car Ambroise Paré signale
les flèches anglaises comme barbelées. Au xve siècle, la
flèche française était plus courte, ne mesurant que 70 cen-
tim. Les fûts étaient de bois de pin ou de frêne, l'empenne
composée de trois plumes raides, prises dans les pennes
de l'aile de l'oie, du cygne, de paon. Voici (fîg. 43) une
flèche du xve siècle qui peut passer pour un modèle de
passadoux. Son fer, triangulaire, non barbelé, se conti-
nue en une soie enfoncée en la tête du fût à laquelle un
fil de coton enroulé et serré la fixe. Cette douille de fil est
recouverte de parchemin collé. Le fût, long de 74 centim.,
est en bois de mélèze, élégi à ses extrémités. L'empenne,
composé de trois plumes, est disposée de façon à ce que la
flèche ne puisse dévier. Le fût est peint et doré. Cette
flèche provient de l'île de Rhodes, et est peut-être de
fabrication orientale, comme l'indiquerait l'encoche de
l'extrémité de son talon où doit entrer la corde de l'arc.
A cette époque, les flèches françaises étaient beaucoup plus
longues, car nous avions adopté les modèles anglais et
équipé nos archers comme ceux de la Grande-Bretagne. •
L'archer portait alors ses flèches dans un carquois de toile
et non dans un carquois de cuir ou de peau de truie (couire),
comme précédemment. Les fers dépassaient au dehors de
manière que les empennes ne pussent se froisser ; l'archer
prenait la flèche par la pointe, et ane corde ceignait l'en-
trée du sac qui la serrait par son propre poids. « Une
boucle attachée au haut du sac passait dans une agrafe
tenant au dos de la brigantine et empêchait la trousse de
basculer. Plus le cavalier faisait de mouvements, plus la
ligature inférieure bridait les flèches qui ainsi ne pou-
vaient se perdre et dont les pennes n'étaient pas froissées
par la marche du cheval; ce qui n'aurait pas manqué
d'arriver avec le carquois ordinaire. » (Viollet-le-Duc.)
A pied, l'archer posait à terre quelques flèches sous son
pied gauche et tirait en les prenant à mesure de la main
droite sans perdre le but des yeux. Ainsi un bon archer
anglais tirait douze flèches à la minute et atteignait sûre-
ment un homme à deux cent cinquante pas. Ces barbillons
et passadoux perçaient les pièces de mailles.
Mais les flèches lancées par les arbalètes portaient
encore plus loin; toujours beaucoup plus courtes, elles
avaient une empenne composée seulement de deux pennes.
Ces flèches sont le plus souvent nommées carreaux ou
garrots; robustes et courtes, souvent un peu renflées au
milieu de leur fût, elles sont terminées par des pointes de
forme variable, mais le plus souvent massives. Ces fers
sont souvent quadrangulaires, se continuant en un cône
creux formant douille; parfois ils sont barbelés, comme
dans ce carreau du musée du Louvre (fig. 45). Celui-ci est
un trait de chasse, de travail allemand, datant du xvie siècle ;
son empenne est en bois, sculptée dans le même bloc que
le fût. Souvent une tige d'acier traverse ce fût dans toute
sa longueur. Elle se rive au talon, dépasse à la tête dont
elle forme la pointe. Dans ces forts carreaux faits pour de
grosses arbalètes de rempart, l'empenne est formée de
deux feuilles de cuivre légèrement courbes et clouées sur
le fût. Cette disposition en hélice se retrouve aussi dans
les empennes des viretons, traits qui tournaient sur eux-
mêmes pendant leur trajectoire, ce qui les empêchait de
dévier. Le fût ou fustelle, ordinairement long d'un pied,
était de bois de frêne.
Il y eut des carreaux destinés à être lancés par de petits
canons ; ceux-là étaient munis, aux deux extrémités de
leurs fûts, de rondelles épaisses de cuir ayant le même
calibre que l'âme de la pièce où on les poussait à frotte-
ment. Beaucoup d'auteurs militaires du moyen âge ont
décrit et figuré ces garrots à feu qui apparaissent au
xive siècle et disparaissent au xve. Valturius, qui écrivait
en 4472, en représente avec d'autres engins de guerre.
Les dondaines étaient de gros carreaux également empen-
nés de cuivre ; on s'en servait avec les arbalètes et les
canons, notamment avec les crapaudeaux. Leur valeur
nous est fournie par divers comptes, et l'on sait qu'elles
coûtaient le double des viretons qu'on payait neuf sous le
mille. Les dondaines valaient même jusqu'à trente sous le
mille, les demi-dondaines dix-huit seulement. Au xve siècle,
la valeur des flèches d'arc était, en Angleterre, un shelling
deux pences le paquet de vingt-quatre. — Les viretons
sont les carreaux les plus ordinaires ; on les nomme le
plus souvent traits communs ; leurs empennes, de parche-
min ou de cuir, sont habituellement un peu tordues en
hélice de manière à permettre au trait de tourner. — Les
matras ou bougons sont des traits d'arbalètes destinés sur-
tout à lâchasse, certains pouvaient se lancer avec l'arc, aussi
leur fût était-il plus long. La tète massive et plate (fig. 9)
est faite pour assommer; c'est une arme contondante faite
pour abattre le gibier sans gâter sa fourrure ou son plu-
mage ; certains bougons ont leur tête traversée par une
clavette transversale destinée à les empêcher de pénétrer
(fig. 40). D'autres traits sont en forme de croissant (fig. 5)
ou de fer de hache concave (fig. 44), de manière à couper
les jarrets des bêtes ; de semblables flèches sont mention-
nées par les auteurs anciens ; l'empereur Commode s'en
servit pour décapiter des autruches dans le cirque.
L'arbalète disparut comme arme de guerre à la fin du
premier quart du xvie siècle ; mais, comme arme de chasse,
on s'en servit beaucoup plus longtemps. L'arc, par contre,
— 587 —
FLÈCHE
fut d'un usage beaucoup plus prolongé, et en 1572 les
archers anglais figuraient encore sur les champs de bataille.
Au reste, Ambroise Paré, dans ses œuvres de chirurgie,
décrit et figure des flèches de divers modèles dont certaines
sont très barbelées (fig, 11 et 12), et il cite les flèches
employées par les Anglais comme ayant de forts barbillons ;
on se servait beaucoup, d'après lui, de flèches empoison-
nées. Leurs fûts étaient de bois, de canne ou de roseau,
leurs têtes de fer, plomb, étain, airain, corne, verre, os.
Les unes ont le fer inséré dans le fût, les autres le fût
emmanché dans le fer, celui-ci peut être même cloué au
bois. Le grand chirurgien donne la méthode opératoire,
les moyens d'extraire les flèches, figure les instruments
employés à cet effet. Ces projectiles étaient donc encore
en usage de son temps. D'ailleurs, en Allemagne et dans
les marches du Danube, on se servit bien longtemps encore
de flèches, et en 1627 les Anglais en envoyèrent encore à
l'île de Ré. En 1812, nos soldats en reçurent en Russie
et aujourd'hui encore les Tatares, les Mongols et d'autres
peuplades nord-asiatiques en font un continuel emploi. —
Jusqu'au xvie siècle on fit un fréquent usage de flèches
autour desquelles étaient fixées des matières inflammables,
comme dans les phalariques de l'antiquité. Ces engins
dont nous donnons un spécimen d'après un manuscrit alle-
mand du xve siècle (fig. 16) ont été employés au moyen
âge surtout par les Byzantins. Les substances incendiaires
dont on les enveloppait ont été remarquablement étudiées
par M. Berthelot dans un récent travail. Ce trait incen-
diaire est destiné à une arbalète ; son fer barbelé doit s'en-
foncer dans les ouvrages en bois ; autour de son fût est
ficelée une saucisse de feu grégeois, saucisse qui s'étend
jusqu'à l'empenne qui semble faite de deux feuilles de cuir.
D'autres flèches du même système portent à leur tète une
carcasse de fer où l'on tassait la matière inflammable.
Léonard Fronsperger, dans son livre de guerres publié en
1573, a figuré nombre de ces engins qui devaient cepen-
dant être déjà tombés en désuétude. Maurice Maindron.
II. Art héraldique. — Figure artificielle symbolisant
la guerre comme arme offensive et défensive. Elle est d'habi-
tude représentée la pointe en haut ; en sens contraire, elle est
renversée ; lorsque les plumes sont d'un émail autre que le
bois, elle est empennée; futée, lorsqu'elle est garnie
d'un fer de métal déterminé ; émoussée, lorsque la pointe
en est coupée ; encochée, lorsque la flèche est posée sur un
arc. Trois flèches assemblées et nouées, deux en sautoir et
l'autre en pal, sont dites empoignées.
III. Thérapeutique. — Les flèches caustiques étaient
autrefois fréquemment employées en chirurgie. Elles ser-
vaient surtout pour l'ouverture des abcès, des kystes pro-
fonds, pour l'ablation ou la destruction des tumeurs malignes.
Le procédé de Récamier pour l'ouverture des kystes hyda-
tiques et des abcès du foie au moyen de pâtes et de flèches
caustiques est demeuré longtemps classique. Ces flèches
étaient le plus souvent faites au moyen de la pâte dite de
Canquoin, pâte composée d'une partie de chlorure de zinc
pour deux parties de farine de froment. Leur principal
avantage sur le bistouri était de donner des plaies moins
exposées aux infections. Aussi leur emploi devait-il cesser
avec les progrès de l'antisepsie chirurgicale. Les flèches
caustiques ne sont plus employées que rarement, soit pour
arrêter les hémorragies
d'une tumeur maligne
ulcérée j soit pour détruire •
les bourgeons sanieux
formés par ces tumeurs.
IV. Géométrie. —
On appelle flèche d'un
arc de cercle la portion
PQ du rayon perpendi-
culaire à la corde de cet
arc comprise entre l'arc et sa corde. On a aussi appelé la
flèche d'un arc sinus verse de cet are.
V. Architecture. — Pyramide carrée, polygonale ou
circulaire, souvent ajourée, de pierre ou de charpenterie
de bois, de fer ou de fonte, recouverte de plomb, de zinc
ou d'ardoises, qui surmonte les tours et tourelles ou les
clochers des chapelles ou églises, surtout quand ces édi-
fices appartiennent au style roman ou gothique. Mais ce
nom de flèche, quoiqu'il désigne aussi des pyramides de
pierre, comme celle du clocher vieux (tour Sud) de la
cathédrale de Chartres (xne siècle) ou celle qui s'élève au
milieu du portail de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau
(xme siècle), s'applique mieux aux constructions d'aspect
plus léger, qui s'élancent soit au-dessus du point central
de la croisée d'une église, comme la flèche en charpente
de la cathédrale d'Amiens datant du xvie siècle, ou celle
de la Sainte-Chapelle de Paris, reconstruite d'après un
dessin du xve siècle, et la haute flèche'en fonte flanquée de
clochetons de cuivre, construite de nos jours au-dessus de
la croisée de la cathédrale de Rouen ; soit au-dessus des
tours flanquant le portail principal ou les portails des tran-
septs d'une église. Car, en principe, dit Viollet-le-Duc
(Dict. d'architecture [Flèche'], V, p. 426), « tout clo-
cher appartenant à l'architecture du moyen âge est fait
pour recevoir une flèche de pierre ou de bois ; c'était la
terminaison obligée des tours religieuses » (V. Eglise,
t. XV, p. 612, fig. 6, une vue cavalière d'une cathédrale
du xme siècle, faisant bien comprendre la position et l'im-
portance relative des sept flèches qui, si le plan primitif
avait été achevé, devaient s'élever, une au-dessus de la
croisée et deux au-dessus de chacun des portails en avant
de la nef et des transepts) . — Viollet-le-Duc indique (article
cité) les lois générales qu'il convient de suivre dans l'érec-
tion des flèches, soit de pierre, soit de charpenterie de bois
ou de métal, afin de leur donner la simplicité de la masse,
la juste proportion des diverses parties et l'heureuse
silhouette qui, en tenant compte des effets perspectifs, font
de la flèche octogonale du clocher vieux de la tour Sud de
la cathédrale de Chartres — la plus grande flèche construite
en pierre que nous possédions en France — une œuvre
architectonique que l'on ne saurait trop étudier.
Flèches de pierre. A partir du xne siècle, époque la
plus ancienne à laquelle on puisse faire remonter les flèches
de pierre encore existantes, ces flèches, quoique élevées
sur des tours carrées, sont à base octogonale, sauf quelques
rares flèches conservant le plan carré mais appartenant à
des églises généralement peu importantes ; de plus, ces pre-
mières flèches n'offrent que peu ou point d'ouvertures, ont
leurs arêtes unies et paraissent massives au-dessus des
tours souvent ajourées qui les portent. Mais, au fur et à
mesure du développement du style gothique, on voit percer
de nombreuses ouvertures dans ces flèches, ce qui fait bien
comprendre qu'elles sont creuses, et leurs arêtes s'ornent
de crochets saillants qui, se découpant sur l'azur du ciel,
donnent de la vie aux lignes rigides de la pyramide ; en
outre, il semble que, au fur et à mesure de ces modifica-
tions, une plus grande s'opère dans leurs proportions, et
que ces flèches, d'abord d'une hauteur supérieure à celle
des tours les portant, n'ont plus que la hauteur de ces tours
et même une hauteur moindre. La plus extraordinaire de
toutes ces flèches construites en pierre est celle de la
cathédrale de Strasbourg, dite le Munster, élevée sur la
tour Nord du portail occidental et dont la hauteur totale,
y compris le bouton terminant la croix et servant de base
au paratonnerre, atteint 142 m. Dans cette flèche, achevée
vers la fin du xve siècle, mais avec d'importantes modifi-
cations, sur le tracé primitif encore conservé et datant du
xive siècle, six étages de tourelles ajourées forment la
pyramide centrale avec les arêtes de laquelle se combinent
huit escaliers extérieurs, eux aussi ajourés, qui conduisent
à un dernier escalier central montant à une lanterne d'où
l'on parvient, par des degrés pratiqués extérieurement, à
la couronne surmontée de la croix.
Flèches de charpenterie. On construisit beaucoup de
flèches en bois vers la fin du xne siècle et le commence-
ment du xme siècle, époque à laquelle remontait l'an-
FLÈCHE
- 588 —
cienne flèche centrale de Notre-Dame de Paris, démolie
sous la Restauration et reconstruite, il y a trente ans,
d'après le plan primitif, par Viollet-le-Duc, qui en donne
une description illustrée dans son dictionnaire (V. une vue
de cette flèche, Architecture gothique, t. III, p. 723,
fig. 3). Moins importante, il
est vrai, mais présentant
une disposition très originale,
est la flèche de l'ancienne
église abbatiale d'Eu, flèche
restaurée par le même maître,
et dont la pyramide passe du
plan carré au plan octogonal
dans la hauteur des combles
de manière que l'inclinaison
des faces se suit sans interrup-
tion du faîtage de ces combles
au sommet de la flèche.
Au-dessus des lucarnes ou-
vertes dans les faces don-
nant sur les noues des com-
bles est une galerie servant de
guette, rompant l'aspect uni-
forme de la flèche et dont les
pinacles fleurdelisés, reliés
à la construction même des
arêtes, sont du plus heureux
effet. On peut encore citer, en
France, parmi les plus belles
flèches de charpenterie cou-
vertes de plomb, la flèche de
la cathédrale d'Amiens, mal-
heureusement mutilée dans
le dernier siècle, les flèches
de Notre-Dame de Ghâlons-
sur-Marne et la flèche de la
croupe de la cathédrale de
Reims, datant de la fin du
xve siècle. — Notre époque
a vu s'élever des flèches de
métal, dont l'exemple le plus
extraordinaire, sinon le plus
heureux de proportions, est
celui offert par la flèche cen-
trale de la cathédrale de
Rouen. Sur la tour de pierre construite au-dessus du milieu
du transept et que surmontait une pyramide de charpente
recouverte de plomb, atteignant une hauteur de 132 m.,
l'architecte Alavoine (V. ce nom) éleva, sur un plan octo-
gonal, une pyramide en fonte ajourée dont on dut supporter
le poids considérable (plus de 600,000 kilogr.) par des
assises de pierre dure incrustées dans la construction pri-
mitive, pyramide qui, terminée de nos jours, atteint
maintenant une hauteur de 450 m. au-dessus du niveau
du sol. Charles Lucas.
VI. Travaux publics (V. Pont).
VII. Fortification. — On donne ce nom à un petit
redan (V. ce mot) dont les faces ont au plus 30 m. de
long. Il présente à un plus haut degré les inconvénients du
redan : absence de flanquement et de feux directs, secteur
privé de feux, faces exposées à l'enfilade, etc. C'est pour-
quoi ce genre d'ouvrage ne peut servir qu'à fermer l'en-
trée d'une redoute, à couvrir un pont, à protéger une
grand'garde et à défendre un avant-fossé ou un avant-
chemin couvert.
VIII. Marine (V. Arbalète [Marine]).
IX. Agriculture (V. Charrue).
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d'artillerie; Paris, 1862, in-8. — L. Robert, Catalogue du
musée d'artillerie; Paris, 1891, in-8. —M. Berthelot, les
Compositions incendiaires dans l'antiquité, dans Revue
des Deux Mondes, 1892. — Evans, l'Age du bronze; Paris,
1882, in-4. — Du même, les Ages de la pierre; Paris, 1878,
in-4. — A. Angelucci, Catalogo délia armeria Reale ;
Turin, 1890, in-4. — Ambroise Paré, Œuvres de chirurgie;
Paris, 1607, in-fol. — Du Cange, Glossarium mediœ et in-
fimse latinilatis, art. Sagitta, 2. — Muratori, Antiquita-
tis ilalicœ, t. II, p. 250.— Rodios, Péri Polémikès Technès ;
Athènes, 1868, in-8. — Chantre, Etudes paléoethniques
dans le Bassin du Rhône, Age du bronze; Paris, 1875,
in- fol., et Premier Age du fer; Paris, 1876, in-fol.— Desor
et Favre, le Bel Age du bronze lacustre; Paris, 1874,
in-fol.
FLÈCHE (La). Ch.-l. d'arr. du dép. de la Sarthe, sur
le Loir ; 40,249 hab. Stat. du chemin de fer d'Orléans,
au croisement des lignes d'Àubigné à Angers et de Sablé
à Saumur, embranchement sur la Suze et le Mans. Fa-
briques de toiles, de bonneterie, de gants, de bougie, de
colle forte, de fécule. Tanneries ; papeterie. La ville doit
son origine à un château bâti au xie siècle sur pilotis au
milieu du Loir, par Jean de Beaugency qui fut le premier
seigneur de La Flèche. Ce château, brûlé en 1081 par le
comte d'Anjou, Foulques le Réchin, fut reconstruit vers
1090, par le fils de Jean de Beaugency, Hélie, qui devint
comte du Maine. Celui-ci fonda, près de son château de La
Flèche, un prieuré en l'honneur de saint Thomas, autour
duquel se forma une ville que le comte entoura de murailles.
Attaqué par le roi d'Angleterre Guillaume le Roux , Hélie
fut fait prisonnier et dut faire abandon de toutes ses sei-
gneuries, moins La Flèche ; mais, à l'avènement de Henri Ier,
le Maine lui fut restitué. A la mort d'Hélie, la seigneurie
de La Flèche fut portée par sa fille Eremburge dans la
maison des Plantagenets. Depuis lors, elle passa successi-
vement aux maisons de Brienne, de Chamaillart et d'Alen-
çon. Françoise d'Alençon, veuve de Charles de Bourbon, duc
de Vendôme, y fit élever, en 4537, un manoir nommé le
Châteauneuf ; son fils, Antoine de Bourbon, y résida avec
sa femme Jeanne d'Albret, de 1550 à 1553. Ce fut en sou-
venir de ses parents que Henri IV, devenu roi de France,
donna le château aux jésuites pour y établir un collège.
L'institution fonctionna depuis 1604 ; cependant l'édit de
fondation n'est daté que de 1607. Elle devint bientôt flo-
rissante et quitta en 1622 le château pour de nouveaux
bâtiments élevés à son intention ; le maréchal de Guébriant,
Descartes, le P. Mersenne, le prince Eugène de Savoie,
Voysin, Séguier furent élèves du collège de La Flèche. Après
l'expulsion des jésuites en 1762, le collège fut remplacé
par une école préparatoire à l'Ecole militaire de Paris. La
Tour d'Auvergne et les frères Dupetit-Thouars en furent
les plus illustres élèves. Transformée en 1776 en une école
confiée aux frères de la doctrine chrétienne pour les jeunes
gens qui se destinaient à l'état ecclésiastique ou à la ma-
gistrature, elle dura jusqu'à la Révolution française. Sup-
primée en 1793, elle fut remplacée en 1808 par le pryta-
née militaire qui existeencore(V. Prytanée). En déc. 1793,
La Rochejucquelin , fuyant, après avoir levé le siège
d'Angers, devant les colonnes de Marceau, de Westermann
et de Kléber, réussit à reprendre la ville de La Flèche et
à assurer la retraite de son armée sur le Mans.
Les bâtiments du Prytanée militaire, élevés de 1620 à
1653, sont les édifices les plus importants de la ville. Dans
la galerie voûtée, qui fait communiquer la cour d'honneur
avec le parc, s'élève une statue en pied de Henri IV élevée
en 1817. Une autre statue du même roi, œuvre de Bon-
nassieux, a été élevée en 1857 par souscription, sur la place
nommée depuis Henri IV. L'église de Saint-Thomas a été
reconstruite en style gothique du xme siècle sur l'empla-
cement de l'ancienne église prieurale. La chapelle des Vertus,
près du cimetière, a conservé une porte romane et renferme
de beaux panneaux de bois sculptés. L'hôtel de ville, élevé
en 1836, renferme la halle aux grains, le théâtre, la biblio-
thèque publique et le musée. Le quai est planté de beaux
arbres ; la promenade du mail entoure une partie de la ville.
Les deux rives du Loir sont reliées par le beau pont des Carmes .
— 589
FLÉCHÈRE — FLÉCHIER
FLÉCHÈRE (J.-G. de La) (V. Fletcher).
FLÉCHIER (Esprit), évèque de Nîmes, né en 1632 à
Pernes, diocèse de Carpentras, mort en 4740. Au siècle
précédent, sa famille avait rendu, dans les guerres contre
les hérétiques, des services qui lui valurent des titres de
noblesse, auxquels elle dérogea assez promptement, car il
semble bien résulter d'une repartie de Fiéchier que son
père tenait un commerce de chandelles. Comme un évêque
de cour se plaignait de rencontrer en lui un confrère élo-
quent, mais non gentilhomme, il lui répondit : «Avec cette
manière de penser, je crains, monseigneur, que si vous
étiez né ce que je suis, vous n'eussiez jamais fait que des
chandelles. » Il fut confié de bonne heure à un oncle ma-
ternel, Hercule d'Audrifret, qui dirigeait alors un collège des
pères de la Doctrine chrétienne à Tarascon. A quinze ans
il avait achevé ses humanités et il se distinguait déjà dans
la versification latine, qu'il ne cessa jamais de cultiver
et qui facilita ses premiers succès dans le monde, mais
dont les procédés reparaissent fâcheusement dans ses meil-
leures œuvres. En 4648, il entra dans la congrégation des
Doctrinaires, dont son oncle venait d'être nommé supérieur
général. Il professa les humanités à Tarascon et àDragui-
gnan, puis, à partir de 4652, la rhétorique à Narbonne, où
il prononça, en 4 658, l'oraison funèbre de l'archevêque
Claude de Rébé. Ce fut en cette année-là qu'il sortit de la
congrégation des Doctrinaires. Il voulait demeurer à Paris,
oii il était venu pour les funérailles de son oncle, mais on
ne lui permit point de résider dans la maison de cette ville,
parce qu'il appartenait à la province de Toulouse. —
Resté à Paris, Fiéchier y commença fort obscurément,
faisant le catéchisme aux enfants, dans une paroisse. Rien -
tôt après, il entra comme précepteur dans une famille
noble, ce qui lui permit de se faire connaître à quelques
personnes dont la protection lui fut très utile. Conrart,
secrétaire de l'Académie, le présenta à M. de Montausier,
à M. de Caumartin et à Mme de Sévigné. Admis dans la
société de l'hôtel de Rambouillet, il y eut du succès :
surnommé Damon par Mme Deshoulières et Acaste par
Senecé. En 4662, il décrivit en vers latins, sous le titre
de Cursus regius, un carrousel, que Louis XIV avait donné
pour divertir Mlle de La Vallière ; l'année suivante, il reçut
une pension annuelle de trois mille livres, en qualité de
poète latin. En 4665, il accompagnait à Clermont M. de
Caumartin, qui allait y présider les Grands Jours d'Au-
vergne ; il rédigea pour Mme de Caumartin un récit de ce
voyage. Cette relation, fort intéressante pour les lecteurs
profanes, mais où le bel esprit semble trop oublier le prêtre,
a été retrouvée en manuscrit et publiée pour la première
fois en 4844, sous le titre : Mémoires sur les Grands
Jours de Clermont. A un genre fort voisin et à la même
époque de sa vie appartient le commencement de la cor-
respondance peu grave que Fiéchier entretint pendant de
longues années avec Mlle de Vigne et plus tard avec
Mme Deshoulières. Il se guérit tard, s'il se guérit jamais,
des habitudes de galanterie littéraire qu'il avait contractées
en l'hôtel de Rambouillet.
En 4668, le duc de Montausier lui procura l'emploi de
lecteur du Dauphin. Jusqu'à sa nomination à l'évêché
de Lavaur, Fiéchier resta attaché à la personne de ce
prince, pour lequel il écrivit une Histoire de Théodose,
qui ne fut publiée qu'en 4679. Le peu de mérite que pos-
sède cet ouvrage provient de qualités qui conviennent
mieux à la chaire qu'à l'histoire. Dès qu'il se mit à tra-
vailler à la prédication, Fiéchier y obtint un succès qui
alla toujours croissant. En 4672, il fut appelé à pronon-
cer l'oraison funèbre de Mme de Montausier. L'année
suivante, il fut nommé à l'Académie, en remplacement
d'Antoine Godeau, évêque de Vence ; reçu le même jour que
Racine, il prononça un discours qui fut très applaudi,
tandis que celui du poète produisit un si piteux effet que
l'Académie ne prit même pas la peine de l'insérer dans ses
recueils. — Les oraisons funèbres formant le principal
titre de Fiéchier à la célébrité, leur date nous semble
devoir être notée, comme celle des événements les plus con-
sidérables de sa vie : la duchesse de Montausier, 2 janv.
4672, en l'église de l'abbaye d'Hière ; la duchesse d'Ai-
guillon, 42 août 4675, en l'église des Carmélites de la
rue Chapon ; Turenne, 40 janv. 4676, en l'église Saint-
Eustache ; le premier président de Lamoignon, 48 févr.
4679, en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; la reine
Marie-Thérèse d'Autriche, 24 nov. 4683, en l'église
des religieuses du Val-de-Grâce ; le chancelier de France
Michel le Tellier, 29 mai 4686, en l'église de l'Hôtel-
Royal des Invalides ; Marie- Anne-Christine de Ravière,
Dauphine de France, 45 juin 1690, en l'église Notre-
Dame; le duc de Montausier, 14 août 4690, en l'église
des Carmélites du faubourg Saint- Jacques. — Le roi lui
avait donné l'abbaye de Saint-Severin et la charge d'au-
mônier ordinaire de Mme la Dauphine; en 4685, il le
nomma à l'évêché de Lavaur, relevant la valeur de cette
nomination par de gracieuses paroles : « Je vous ai fait
un peu attendre une place que vous méritiez depuis long-
temps ; mais je ne voulais pas me priver sitôt du plaisir de
vous entendre. » Entrant dans l'épiscopat, Fiéchier céda
pour vingt-cinq mille écus sa charge d'aumônier de la Dau-
phine.
Deux ans après, il fut promu à l'évêché de Nîmes, beau-
coup plus riche et par conséquent plus envié. A cette
occasion, il adressa à Louis XIV une lettre souvent citée et
qui mérite de l'être ; il y exprime avec dignité, quoique
dans le style maniéré qui lui était devenu naturel, sa
reconnaissance pour la grâce que le roi lui avait faite et
son désir de rester à Lavaur. Dans le diocèse de Nîmes
plus encore que dans celui de Lavaur, les protestants
étaient nombreux ; on a souvent loué la bénignité de Fié-
chier envers eux. Il mérite cet éloge encore moins que
Rossuet et Fénelon, à qui il a été pareillement décerné.
Sans doute, ces évêques, qui n'étaient ni sots ni méchants,
aimaient mieux obtenir la conversion des hérétiques par
persuation que par contrainte, mais ils la voulaient atout
prix ; quand la douceur se montrait inefficace, ils n'hési-
taient nullement à recourir à la rigueur, conformément à
la tradition constante du clergé de France. Loin de les
atténuer, Fiéchier aggrava les procédés autorisés par les
édits de persécution ; il dépassa même les désirs de la cour.
Les édits permettaient d'enlever aux familles protestantes
les enfants âgés de moins de douze ans, pour les faire éle-
ver dans la foi catholique, aux frais de leurs parents ;
Fiéchier les enlevait au-dessus de cet âge, malgré les re-
montrances d'un ministre du roi. En 1698, sur les con-
seils de Rossuet et de l'archevêque de Paris, Louis XIV
demanda aux évêques s'il ne convenait pas de ne plus con-
traindre les hérétiques d'assister à la messe ; les évêques
du Languedoc, Fiéchier en tète, déconseillèrent ce projet.
Quand il fut adopté, ils sollicitèrent et obtinrent une
exception pour leur province. Les protestants finirent par
se révolter ; Fiéchier soutint contre eux les cadets de la
croix, que le maréchal de Montre vel lui-même réprouvait
(V. Camisards). Dans sa Relation du fanatisme, il s'éver-
tua à ridiculiser et à calomnier les malheureux qu'il avait
contribué à exaspérer. — Ces réserves faites, il ne reste
plus guère à rapporter que des louanges méritées. Fiéchier
fut un évêque éclairé, zélé et charitable. Il réunissait tous
les ans dans des assemblées tenues à l'évêché les prêtres
de son diocèse, et il s'efforçait de rétablir parmi eux la
discipline, les bonnes mœurs et l'étude. Lui-même em-
ployait ses loisirs à composer des ouvrages de littérature
et d'histoire ou à diriger les travaux de l'académie qu'il
avait fondée à Nimes. Gardien vigilant de la dignité du
culte, il n'approuvait, parmi les pratiques extérieures, que
celles que l'Eglise a consacrées par un long usage ; il inter-
disait son diocèse aux confréries de pénitents blancs ; il ne
craignait point de manifester sa défiance à l'égard des pè-
lerinages et des miracles nouveaux, et il osait écrire que
de nos jours le véritable miracle est une piété édifiante.
Plus énergiquement que Rossuet, il affirmait la souverai-
FLÉCHIER — FLÉCHIÈRE
— 590 —
neté des conciles généraux et les droits des évêques dans
leurs diocèses.
Il nous reste de Fléchier un portrait peint par lui-même.
Dans une page adressée à un de ses amis, et qui nous pa-
raît être une de ses meilleures, parce que le sujet devait
lui plaire, et que le genre convenait à sa manière, il s'est
décrit tel qu'il se voyait. Comme rien n'est parfait en ce
monde, et que chacun, dit-il, a ses endroits faibles, il
confesse un défaut : sa mémoire un peu ingrate, non
pas infidèle. Pour le reste, il détaille les traits de son
caractère, par l'indication d'un grand nombre de qualités
aimables, qu'il possédait vraisemblablement à un degré
quelconque, et dont il convient de lui laisser le mérite, ne
fût-ce que pour avoir naïvement cru les avoir, ce qui était
les désirer. Voici les principaux de ces traits : «... Sa
figure n'a rien de touchant ni d'agréable ; mais elle n'a
rien aussi de choquant. Sa physionomie n'impose pas, et
ne promet pas au premier coup d'œil tout ce qu'il vaut :
mais on peut remarquer dans ses yeux et sur son visage je
ne sais quoi qui répond de son esprit et de sa probité...
Son esprit ne s'ouvre pas tout d'un coup, mais il se dé-
ploie petit à petit, et il gagne beaucoup à être connu. —
Il n'a jamais brigué de suffrage : il a voulu être estimé
par raison, non par cabale... Il sait se servir de son esprit ;
mais il ne sait point s'en prévaloir ; et quoiqu'il se sente et
s'estime ce qu'il vaut, il laisse à chacun son jugement...
Il se renferme en lui-même, et se rend la justice qu'on lui
refuse... Quand on l'élève, il se tient dans une honnête
modération, et sa pudeur est embarrassée ; mais si l'on
veut l'abaisser, il prend une fierté qui le met au-dessus
de tous... 11 n'envie la gloire de personne, mais il aime à
jouir de la sienne... — Il a un caractère d'esprit net, aisé,
capable de tout ce qu'il entreprend. Il a fait des Vers fort
heureusement ; il a réussi dans la prose ; les savants ont
été contents de son latin : la cour a loué sa politesse, et les
dames les plus spirituelles ont trouvé ses lettres ingénieuses
et délicates. Il a écrit avec succès ; il a parlé en public,
même avec applaudissement... Pour son style et ses ou-
vrages, il y a de la netteté, delà douceur et de l'élégance :
la nature y approche de l'art, et l'art y ressemble à la
nature. On croit d'abord qu'on ne peut ni penser ni dire
autrement ; mais après qu'on y a fait réflexion, on voit
bien qu'il n'est pas facile de penser et de dire ainsi. Il a de
la droiture dans le sens, de l'ordre dans le discours et
dans les choses, de l'arrangement dans les paroles, et une
heureuse facilité, qui est le fruit d'une longue étude. On
ne peut rien ajouter à ce qu'il écrit, sans y mettre du su-
perflu, et l'on n'en peut rien ôter, sans y retrancher
quelque chose de nécessaire... — Tous les honneurs du
monde lui paraîtraient trop achetés, s'ils lui avaient coûté
quelque bassesse... Quoiqu'il n'y ait guère d'homme qui
sache mieux louer que lui, il n'a jamais voulu vendre, ni
même donner mal à propos ses louanges... Il est facile,
populaire, officieux à ceux qui sont au-dessous de lui,
commode à ses égaux. Pour les grands qui se prévalent de
ce qu'ils sont, il les respecte de loin, et les abandonne à
leur propre grandeur... Son cœur a de la grandeur et de
la générosité ; aucun intérêt ne le touche, et il ne vou-
drait avoir du bien que pour être en état d'en faire... Il a
toujours cru que le mérite pouvait se passer de la fortune.
Il s'est contenté de l'un, et ne s'est point inquiété de
l'autre. » — C'est le portrait d'un sage ; mais il n'est point
indifférent de constater qu'il ne contient aucun trait carac-
térisant un prêtre ou simplement un chrétien, et que
toutes les maximes de cette sagesse peuvent être énoncées
par une morale absolument indépendante de l'Evangile.
Nous avons indiqué la date des Oraisons funèbres.
Chacune d'elles lut imprimée (Paris, in-4) après avoir été
prononcée; première édition complète (Paris, 4691, 2vol.
in-8). Autres ouvrages édités pendant la vie de Fléchier:
Vie du cardinal Commendon, traduite du latin de A. -M.
Gratiani (Paris, 4671, in-4); Histoire de Théodose le
Grand (Paris, 4679, in-4) ; Histoire du cardinal Xime-
nès (Paris, 4693, 2 vol. in-42). Après la mort de Fauteur
parurent d'autres volumes : Panégyriques et autres
sermons (Paris, in-4 et in-4 2); Lettres choisies sur
divers sujets (Parts, 4745, 2 vol. in-42) ; Sermons de
morale prêches devant le roi, avec des Discours syno-
daux et les sermons prêches aux Etats du Languedoc
et dans la cathédrale (Paris, 3 vol. in-42, préface de
l'abbé Du Jarry) ; OEuvres mêlées comprenant Harangues,
Compliments, Discours, Poésies latines et françaises
(Paris, in-4 2) ; Mandements et lettres pastorales (Paris,
in-42). Editions des OEuvres complètes : Nîmes, 4782,
40 vol. in-8; Paris, 4825-4828, 40 vol. in-8.; Paris, 4856-
4857, 2 vol. gr. in-8. Sont restés en manuscrit 6 vol. in-
fol. d'un Recueil des antiquités du Languedoc. Les Mé-
moires sur les Grands Jours tenus à Clermont en
i 665-/666, publiés pour la première fois en 4844 (Paris,
in-8), ont été réédités avec notes de M. Cheruel et préface
de Sainte-Beuve (Paris, 4856, in-8).
L'appréciation de Fléchier sur ses propres ouvrages a
été reproduite plus haut; elle nous semble très juste. Il ne
visait point au génie et n'exagérait point son talent; il ne
prétend nullement aux qualités qu'on lui reproche de n'avoir
point ; mais il possède vraiment celles qu'il réclame. Sur
ses lettres, il est assez difficile de n'être point du sentiment
des femmes spirituelles de son temps, et de ne point les
trouver ingénieuses et délicates : souvent précieux, mais
jamais ridicule. Il est plus incontestable encore qu'il avait
un caractère d'esprit net et aisé; qu'il a écrit avec
succès et parlé en public avec applaudissement; que
son style a de la netteté, de la douceur et de V élé-
gance ; qu'il s'y révèle un grand art; qu'on y trouve de
la droiture dans le sens, de l'ordre dans le discours
et dans les choses, de l'arrangement dans les paroles
et une heureuse facilité, fruit d'une longue étude.
Ses contemporains y trouvèrent davantage. On dit qu'en
apprenant sa mort, Fénelon s'écria : Nous avons perdu
notre maître. Le roi aimait à l'entendre, et le disait. Mme de
Sévigné exprimait son admiration avec son impétuosité
habituelle. Ce sentiment devait être alors celui de toutes
les femmes et de la plupart des hommes de la cour et delà
ville. Comme on ne pouvait éviter de comparer entre eux
deux prédicateurs célèbres pour leurs oraisons funèbres, il
est probable que beaucoup préféraient Fléchier à Bossuet,
pour les raisons qui leur auraient fait préférer Mignard à
Michel-Ange, peut-être même à Raphaël. Quelques-uns seu-
lement protestaient contre ce goût, mais tout bas, comme
La Bruyère, d'une note sourde et chagrine. Naturellement
une réaction devait se faire, excessive comme toutes les
réactions. On trouvera chez les professeurs de belles-lettres
les critiques dont Fléchier a été l'objet. En énumérant ses
défauts on a trop souvent oublié ses qualités, et en signa-
lant son habileté il semble qu'on a parfois voulu amoindrir
sa valeur ; quelques-uns même l'ont appelé un rhéteur. La
probité de Fléchier dément cette qualification : il n'a jamais
loué ou blâmé que ce qui méritait de l'être. Il est bien
vrai qu'il serait difficile de trouver chez lui une observa-
tion profonde ou même une pensée réellement originale ; il
est vrai aussi qu'il a usé avec un art consommé de tous
les procédés que la rhétorique enseigne ; il en a plus d'une
fois abusé. Mais il a autre chose: dans ses oraisons funèbres,
particulièrement celles qui ont des femmes pour sujet, et
surtout dans ses sermons, il y a des choses excellentes, en
grand nombre, parfaitement disposées, exprimées dans le
langage qui convenait le mieux et à ces choses et aux per-
sonnes pour qui elles étaient dites. Ce n'est point sans
raison que Fénelon l'a appelé notre maître ; il fut un des
maîtres de la chaire catholique. E.-H. Vollet.
Bibl.: Ch.LABiTTE^a Jeunesse de Fléchier, dansla.Reuue
des Deux Mondes, 15 mai 1845. — A. Delacroix, Histoire de
Fléchier; Paris, 1865, 2 vol. in-12.— J. Bas- tide, art. Flé-
chier dans YEncyclopédie des sciences religieuses ; Paris,
1877-1882, 13 vol. in-8.— De Resle, Examen critique des
Mémoires attribués à Fléchier ; Clermont, 1845, in-8.
FLÉCHIÈRE, I. Botanique (V. Sagittaire).
— 591 —
FLECHIÈRE — PLEEMING
IL Architecture. — Suite de feuilles d'eau aiguës
comme des fers de flèche et sans découpure que l'on em-
ploya pour décorer les moulures et les chapiteaux dans les
monuments d'architecture byzantine et plus tard dans ceux
de style roman. Les iléchières se retrouvent encore, à
l'époque actuelle, dans certains motifs de ferronnerie, bal-
cons , panneaux de grille, artichauts, etc. Charles Lucas.
FLÉCHIN. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Omer, cant. de Fauquembergues, sur le Surgeon ;
• 649 hab. Ancienne église restaurée ; des constructions an-
ciennes subsistent la tour du xme siècle et le chœur go-
thique du commencement du xvr3 siècle. Ruines d'un ancien
château féodal. Au hameau de Boncourt, pierre tumulaire
de Simaïs de Boncourt, trouvère du xme siècle.
FLÉCHISSANT (Math.) (V. Poutre et Moment flé-
chissant).
FLÉCHISSEURS (Muscles). Les muscles fléchisseurs
sont ceux qui déterminent la flexion des parties auxquelles
ils s'attachent. Nous décrirons ici : 4° Le fléchisseur su-
perficiel ou sublime des doigts (épitrochléo-phalangien
commun) qui s'attache en haut à l'épitrochlée de l'humé-
rus, à l'apophyse coronoïde du cubitus et au bord anté-
rieur du radius, et qui, par quatre tendons qui glissent
dans le canal carpien, va se fixer en bas aux secondes pha-
langes des doigts. Dans la gaine ostéo-fibreuse des doigts,
chaque tendon se creuse en gouttière pour recevoir le ten-
don correspondant du fléchisseur profond des doigts et forme
bientôt une boutonnière (tendon perforé) que traverse le
tendon du fléchisseur profond (tendon perforant). — 2° Le
fléchisseur commun profond des doigts (cubito-phalan-
gettien commun) s'insère sur la face antérieure du cubi-
tus et du ligament interosseux, un peu sur l'aponévrose
antibrachiale et le radius au-dessous de la tubérosité bici-
pitale, et son corps charnu donne naissance vers le milieu
de l'avant-bras à quatre tendons qui donnent insertion aux
lombricaux dans la paume de la main et vont se terminer
à la dernière phalange des quatre derniers doigts après
avoir traversé la boutonnière des tendons du fléchisseur
superficiel. — 3° Le long fléchisseur propre du pouce
(radio-phalangettien du pouce) s'attache aux trois quarts
supérieurs de la face antérieure du radius et au ligament
interosseux, et va se fixer d'autre part à la base de la pha-
lange unguéale du pouce. L'existence de ce fléchisseur à
l'état indépendant est un des caractères musculaires de l'es-
pèce humaine. ïl perd exceptionnellement cette indépendance
en s'unissant aux fléchisseurs communs et se rapproche
dès lors des formes simiennes. — 4° Le court fléchisseur
du pouce naît du ligament annulaire du carpe, du trapèze
et de la gaine du grand palmaire, et va s'attacher par deux
faisceaux de chaque côté de la base de la première pha-
lange du pouce. Au voisinage de leur insertion, ces deux
faisceaux renferment souvent un os sésamoïde. — 5° Le
court fléchisseur du petit doigt s'étend du ligament an-
nulaire et de l'apophyse de l'os crochu au bord cubital de
l'extrémité proximale de la première phalange du petit
doigt. — 7° Le long fléchisseur commun des orteils
(tibio-sous-phalangettien commun) s'attache supérieure-
ment sur la face postérieure du tibia, et inférieurement
par quatre tendons sur la base de la dernière phalange des
orteils. — 8° Le court fléchisseur commun des orteils
(calcanéo-sous-phalangien commun) s'étend de la tubéro-
sité interne du calcanéum à l'extrémité postérieure de la
deuxième phalange des quatre derniers orteils où il s'at-
tache, après s'être laissé traverser (tendon perforé) par le
tendon correspondant du long fléchisseur commun (tendon
perforant). — 9° Le long fléchisseur du gros orteil
(péronéo-sous-phalangien du gros orteil) naît de la face
postérieure du péroné, du ligament interosseux et de la
cloison intermusculaire externe, et va se terminer sur
l'extrémité postérieure de la dernière phalange du gros
orteil. A la plante du pied ce muscle envoie presque cons-
tamment une anastomose aux tendons du fléchisseur com-
mun. — 10° Le court fléchisseur du gros orteil (tarso-
sous-phalangettien du gros orteil) s'attache sur le cuboïde,
le troisième cunéiforme et le scaphoïde, et, d'autre part,
sur les bords de la première phalange du gros orteil et sur
les os sésamoïdes de l'articulation métatarso-phalangienne.
— 11° Le court fléchisseur du petit orteil s'étend de la
gaine du long péronier latéral et de la base du cinquième
métatarsien à la partie postérieure de la première phalange
du petit orteil (V. Triceps crural et Psoas iliaque; Bras,
Sterno-mastoïdien, Cou, etc.). Ch. Debierre.
FLÉCHY (Flechyes, Fleceiae), Corn, du dép. de l'Oise,
arr. de Clermont, cant. de Breteuil ; 205 hab. Eglise du
xvie siècle, contenant un beau lambris sculpté. Souterrain-
refuge du ixe siècle, autrefois fortifié. On a trouvé des an-
tiquités romaines à la fosse Beauroy. La chapelle à'Ecce
homo ou des Brabans, construite au xvie siècle, a été
rebâtie au xvme. C. St-A.
FLECK (Konrad), poète allemand de Souabe. du xme
siècle, qui composa, d'après l'original français, Flore und
Blanche flur (éd. Sommer; Quedlinburg, 4846). On sait
la vogue de cette légende mettant en scène l'amour de deux
enfants, réalisé malgré les obstacles et les périls et pro-
longé jusqu'à leur mort à l'âge de cent ans.
FLECKENSTEIN. Château ruiné de la Basse-Alsace, à
î kil. au N. de Lembach, arr. de Wissembourg. Construit au
xiie siècle, à une ait. de 370 m., sur la plate-forme d'un
rocher escarpé de 45 m. de haut, le château de Flecken-
stein, pendant des siècles, était considéré comme inexpu-
gnable. Il fut pris par les troupes françaises, probable-
ment à la suite d'une trahison, et détruit, en 4680, parle
baron de Montclar. Il existe encore une partie de son mur
d'enceinte et plusieurs grandes salies, creusées dans le
rocher et soutenues par des piliers naturels. En avant du
grand rocher, du côté du S.-O., se dresse une roche isolée,
qu'on avait convertie en tour en y creusant un escalier en
spirale aboutissant à une plate-forme. Originairement pro-
priété allodiale, la terre de Fleckenstein, à la suite d'un
différend avec Rodolphe de Habsbourg, devint, en 4276,
fief impérial. Au moyen âge, la famille de Fleckenstein
était une des plus puissantes de l'Alsace ; divisée en trois
branches, elle s'éteignit en 4720. Henri-Jacques, le der-
nier des Fleckenstein, sur les instances du roi de France,
céda ses propriétés à la famille de Rohan-Soubise, qui les
posséda jusqu'en 4789. L. W.
Bibl. : Speckle, Architectura von Vestungen ; Stras-
bourg, 1589, fol. 88. — Schœpflin, Ails. M., II, 241. —
Krieg von Hochfelden, Gesch. der Militavarchitektur ;
Stuttgart, 1859, 323-328. — Hirt, Château de Fleckenstein;
Strasbourg, 1876. — Lehmann, Dreizehn Burgen ; Stras-
bourg, 1878, pp. 97 et suiv. — Ihmé, Zwei Berichtigungen
betreffend Burg Fleckenstein, dans Jahrb. des vogesen
Clubs, 1885, 67-76. — Ganier et Frœhlich, Voyage aux
châteaux histor. de la chaîne des Vosges ; Paris, 1889,
79-87. — Kraus, Kunst und Alterthum in Elsass-Lothrin-
gen; Strasbourg, 1876, t. I.
FLECKNOE (Richard), poète anglais, mort vers 4678.
On croit qu'il était de naissance irlandaise et qu'il fut
prêtre de l'Eglise catholique romaine. Il voyagea dans les
Pays-Bas, en Italie, à Constantinople, au Portugal et au
Brésil. Auteur plus remarquable par son abondance que
par son talent, Flecknoe s'attira les épigrammes de Dry-
den. Ses œuvres, presque toutes tirées à petit nombre,
sont, d'ailleurs, devenues rares. Peut-être est-il intéressant
de citer, parmi tout ce fatras, une comédie, The Damoi-
selles à la mode (4667), tirée, comme le déclare la pré-
face, de « plusieurs excellentes pièces de Molière ».
FLÉE. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant. de
Semur ; 337 hab.
FLÉE. Gom. du dép. de laSarthe, arr. de Saint-Calais,
cant. de Château-du-Loir ; 849 hab. Eglise duxur3 siècle.
Au hameau de Sainte-Cécile, ruines d'un château féodal
dont il subsiste une haute tour cylindrique.
FLEEM I N 6-Jenkin (J.-R.-S.), né à Stowting Court (comté
de Kent) en 4833, mort à Edimbourg en 4885. Il fit ses
études d'abord à Edimbourg, puis successivement à Franc-
fort-sur-le-Main, à Paris et enfin à Gênes, où il commença,
FLEEMING
FLEGEL
592 —
en 1850, sa carrière d'ingénieur. Après un apprentissage
de trois ans dans la maison W. Fairbairn, de Manchester,
suivi d'expériences variées dans les travaux pratiques,
Fleeming-Jenkin entra, en 1857, au service de MM. Nerval,
de Birkenhead, alors qu'ils avaient entrepris la fabrication
du premier câble atlantique. Chargé pour cette fabrication
des travaux d'ingénieur en chef et d'électricien, il entra
ainsi avec toute son énergie dans une voie qu'il devait
parcourir dès lors avec des succès signalés. C'est de cette
époque que datent ses relations avec William Thomson,
qu'il assista dans l'étude des instruments qui, les premiers,
rendirent possible l'exploitation des longues lignes sous-
marines. Bientôt après il joua un rôle important dans le
comité nommé par l'Association britannique pour la déter-
mination des unités électriques. Associé avec W. Thomson
et F. Varley, il fut mêlé à tous les travaux qui ont signalé
la pose et l'exploitation technique des câbles transatlan-
tiques et est l'auteur de plusieurs inventions à ce relatives.
En 1859, il fut choisi comme expert par la commission
royale sur la télégraphie sous-marine, et c'est de cette
époque que datent ses premiers écrits sur l'électricité, qui
ont été dès lors aussi nombreux que remarquables. Appelé,
en 4866, aux fonctions de professeur de génie civil à
l'University Collège, de Londres, il les résigna deux ans
plus tard pour accepter les mêmes fonctions à l'université
d'Edimbourg. Dans ces dernières années, il avait étudié le
problème de la locomotion électrique et imaginé le système
connu sous le nom de telphérage dont on a fait plusieurs
applications en Angleterre. L. K.
FLEETWOOD. Port d'Angleterre, dans le comté de
Lancastre, à 30 kil. au N.-O. de Preston, au S. et à l'en-
trée de la baie de Morecambe, sur la rive gauche de l'es-
tuaire du Wyre. Tète de ligne d'un chemin de fer qui va à
Preston, avec embranchement sur Lancaster. Le port de
Fleetwood (4,430 hab.) est en décadence ; il est toutefois en
relations régulières avec l'Irlande, l'Ecosse et l'île de Man.
FLEETWOOD ("William), magistrat anglais, né vers
1535, mort à Londres le 28 févr. 1594. D'une vieille
famille du Lancashire, il se fit inscrire au barreau de Lon-
dres. Membre des deux premiers parlements du règne d'Eli-
sabeth, pour Lancaster, il fut élu le 26 avr. 1571 recorder
de Londres et député de la Cité à la Chambre des communes
en 1572. Sergent de loi en 1580, de nouveau député de
Londres en 1586 et 1588, il devint en 1592 sergent de la
reine. Grand travailleur et fort éloquent, ce magistrat ne
se consola jamais de n'avoir pas eu une plus brillante car-
rière. Il a laissé : An Oration concerning the attempts
of the Queeris maiesties evil séditions subjects (1571,
in-12) ; Annalium tam regum Edwardi F, Ricardi III,
et Henrici VII, quam Henrici VIII titulorum online
alphab. digestorwn elenchus (1579, 1597) ; The Office
of a justice of the Peace (1658, in-8), etc., et de nom-
breux ouvrages en manuscrit. R. S.
FLEETWOOD (George), général au service de la Suède,
né à Copie (Bedfordshire) en 1605, mort à Nykôping le
11 juin 1667. Il leva en 1629 une troupe de cavaliers et
rejoignit en Allemagne l'armée de Gustave- Adolphe qui lui
conféra le grade de lieutenant-colonel. En 1630, il revint
en Angleterre lever un régiment d'infanterie pour le même
souverain. La reine Christine le créa baron en 1654.
Charles X le dépêcha en 1655 comme envoyé extraordi-
naire à Cromwell. Lieutenant général en 1656, il entra au
conseil de guerre en 1665. Fleetwood avait fait preuve de
sérieuses qualités militaires ; ses chefs estimaient fort son
énergie et sa prudence. On a de lui une relation de la
bataille de Lutzen à laquelle il prit part (Camden Miscel-
lany, t. I [1847]). R. S.
FLEETWOOD (George), régicide anglais. Gentilhomme
du Buckinghamshire, il leva, en 1643, un régiment de
dragons au service du Parlement et fut élu en juil, 1647
membre de la Chambre des communes. Il siégea en 1648
dans le tribunal chargé de juger Charles Ier et signa la
sentence de mort. Cromwell l'appela à siéger dans la
Chambre des lords endéc. 1657; mais il accepta de Monck
le commandement d'un régiment et proclama Charles II à
York (11 mai 1660). La restauration le condamna à mort
comme régicide; mais il obtint sa grâce, à force de basses
prières et grâce à la recommandation de Monck ; néanmoins
son patrimoine fut confisqué. On croit qu'il mourut en
Amérique. Ch.-V. L.
FLEETWOOD (William), prédicateur et antiquaire an-
glais, né à la Tour de Londres le 1er janv. 1656, mort le
4 août 1723. Il fut évêque d'Ely et écrivit de nombreux-
sermons qui ont étéréunis en un volume in-fol. (1737).
Il avait publié aussi un recueil d'inscriptions païennes et
chrétiennes accompagnées de notes, sous le titre de Ins-
criptionum antiquarum Sylloge (1691).
FLEETWOOD (Charles), homme politique et général
anglais, mort en 1692. Troisième fils d'une famille noble
du Northamptonshire, il entra en 1642 dans la garde du
corps du comte d'Essex et fut blessé à la première bataille
de Newbury. En 1644, il commandait un régiment dans
l'armée du comte de Manchester et passait pour un parti-
san décidé des sectaires extrêmes : son régiment se dis-
tingua à Naseby et à Stow-in-the-Wold. En mai 1646,
Fleetwood fut élu membre de la Chambre des communes
pour le bourg de Marlborough ; mais il ne joua aucun rôle,
ni dans la seconde guerre civile, ni dans le procès de
Charles Ier. Il fut nommé gouverneur de l'île de Wight en
mai 1649, et, comme lieutenant général de cavalerie, con-
tribua au gain de la bataille de Dunbar lors de l'expédi-
tion de Cromwell en Ecosse (1650). Le 17 févr. 1651, il
fut élu membre du conseil d'Etat et chargé du commande-
ment supérieur des troupes en Angleterre. C'est en cette
qualité qu'il gagna le combat de Worcester. L'année sui-
vante, il épousa l'une des filles de Cromwell, Bridget, veuve
de Henry Ireton, et fut désigné pour commander en chef en
Irlande. Il resta en Irlande* de sept. 1652 à sept. 1655,
avec la plénitude de l'autorité civile et militaire ; les catho-
liques, qu'il persécuta durement, et les presbytériens, au-
quel il préférait les sectaires extrêmes, ne réussirent pas à
l'ébranler. Il revint, rappelé par les vœux des indépen-
dants et pour contribuer à l'établissement du protectorat.
Pendant le protectorat, il occupa sans contredit la première
place à la cour de Cromwell, toujours d'accord avec son
beau-père, tant en politique qu'en religion ; on prétend
même que Cromwell l'aurait désigné pour lui succéder.
Fleetwood n'en prit ?pas moins part à l'élévation de son
beau-frère Richard ; mais il ne put empêcher les officiers
mécontents du parti républicain de le choisir comme lea-
der de leur opposition au nouveau protecteur. A la tête
d'une démonstration militaire, il força Richard Cromwell,
le 22 avr. 1659, à dissoudre son parlement ; le 9 juin, il
reçut une commission de « commandant en chef » de l'ar-
mée des trois royaumes, dont toutes les restrictions furent
effacées en octobre. Cependant le mouvement de réaction
royaliste (V. Monck) se dessinait ; Fleetwood était sondé
par les agents royalistes et les défections se multipliaient
autour de lui. Il semble qu'il se soit contenté de ne pas
agir et de céder sans résistance. La Restauration n'infligea
à ce gendre de Cromwell, non régicide, il est vrai, d'autre
châtiment que celui de l'incapacité perpétuelle à exercer
aucun olfice public. En 1662 mourut sa femme, Bridget
Fleetwood ; il épousa dix-huit mois après une veuve, dame
Mary Hartopp, et vécut dès lors dans une maison de cette
dame, à Stoke Newington, maison qui a été démolie en
1872. Il fut enterré au cimetière de Bunhill Fields, où son
tombeau a été retrouvé en 1869, à 7 pieds au-dessous delà
surfacedusol (V. Illustrated London News, 23 oct. 1869).
FLEGEL (Eduard-Robert), explorateur de l'Afrique
occidentale, né à Vilna (Russie) le 13 oct. 1855, mort à
Brass, sur le Nouveau-Calabar, le 11 sept. 1 886. En 1879,
il fit partie d'une expédition au mont Cameroun, puis il
parvint jusque dans l'Adamaoua par le Bénué. La Société
africaine-allemande lui fournit les mo}rens d'explorer, en
1880-83, le Noupé, Sokoto et une partie du bassin du
- 593
FLEGEL — FLEMING
Bénué. Grâce à une subvention du gouvernement alle-
mand, il put entreprendre, en avr. 1885, un troisième
voyage dans les mêmes contrées, mais qui n'eut pas les
résultats politiques qu'on en espérait, en raison de l'atti-
tude de l'Angleterre. Il fut alors rappelé et mourut en
route vers la côte. Les relations de ses voyages ont été
insérées en grande partie dans les Mittheilungen der
Afrikanischen Gesellschaft in Deutschland. Ses lettres
ont été publiées par son frère : Vom Niger bis Binuë,
Briefe aus Âfrika (Leipzig, 4889). G. P-i.
FLEIGNEUX. Corn, du dép. des Ardennes, arr. et cant.
(N.) de Sedan; 345 hab.
FLEIN Skald, poète norvégien, vivait vers Tan 800.
Né dans l'île de Josurheide (Nordmseré), il fut d'abord skald
des rois des Upplands, Rerjôlf Hornabrjôt et Olaf. Le roi
(danois?) Eystein Bêlé, à la cour duquel il vécut ensuite,
faisait tant "de cas de ses talents qu'il lui donna sa fille en
mariage. On n'a pas conservé de ses poésies, mais la variété
de drôttkvœtt que Snorré Sturluson qualifie de mètre de
Flein (Fleinshdttr, dans Hdttatal, § 57) se distingue
par une grande richesse d'assonances. B-s.
FLEISCHER (Heinrich-Leberecht) , orientaliste allem and ,
né à Schandau (Saxe) le 21 févr. 4801, mort à Leipzig
le 40 févr. 4888. Précepteur de la famille Gaulaincourt à
Paris (4824-1827;, il s'adonna aux études orientales et de-
vint professeur à l'université de Leipzig (4830). Ses prin-
cipales œuvres sont : le catalogue des manuscrits orientaux
des bibliothèques de Dresde (4834-1834) et de Leipzig
(4838); l'édition de Y Histoire musulmane d'Aboulféda
(4831-1834); l'achèvement de l'édition des Mille et une
Nuits commencée par Habicht (Breslau, 4842-4843, t. IX
à XII); la publication du Commentaire du « Coran »
de Baïdhawi (Leipzig, 4846-4848, 2 vol.) et delà Gram-
maire du persan moderne de Mohammed Ibrahim (4875,
2e éd.). Ses nombreux mémoires ont été réunis (Kleine
Schriften; Leipzig, 4888, 3 vol.).
FLEIX (Le). Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de Ber-
gerac, cant. de La Force, sur la Dordogne ; 4,245 hab.
Ane. château gothique transformé en temple protestant.
Paix du Fleix. —En 1580, se tinrent dans le château du
Fleix, entre François, duc d'Anjou, au nom de Henri III,
Montpensier, Bellièvre, Cossé, Catherine de Médicis et Je
roi de Navarre, des conférences qui aboutirent à une paix
signée le 26 nov. 4580, qui termina la Guerre des Amou-
reux. Cette paix est souvent aussi désignée sous le nom
de Paix de Monsieur du nom de son principal négociateur.
Le roi la ratifia à Blois au mois de décembre, mais eut
beaucoup de peine à en obtenir l'enregistrement au Parle-
ment. La paix du Fleix confirmait les principales disposi-
tions du traité de Bergerac ; le texte en est publié au t. II
du Corps diplomatique de Dumont.
FLEIX. Corn, du dép. de la Vienne, arr. de Montmo-
rillon, cant. de Chauvigny ; 234 hab.
FLEMAEL ou FLÉMALLE(Bertholet), peintre flamand,
né à Flémalle, près de Liège, en 1 644, mort à Liège en 4 675.
Après avoir reçu les leçons de Gérard Douffet, peintre habile
dont il reste de bons portraits à la Pinacothèque de Munich,
Flemael partit pour l'Italie. Vers 4638, il était à Rome et
fit ensuite un long séjour à Florence. Ce voyage éveilla
son imagination, mais ne le rendit pas coloriste. A son
retour, il s'arrêta à Paris et il exécuta d'importants tra-
vaux. L'ouvrage qui lui fit le plus d'honneur et que M. Wau-
ters date de 4644, c'est la peinture dont il décora la voûte
de l'église des Carmes de h rue de Vaugirard. Il y repré-
senta le prophète Elie enlevé dans un chariot de feu.
D'Argenville attribue en outre à Flemael une Adoration des
mages qu'il peignit pour l'église des Grand s-Àugustins et
qui, en 4778, était encore placée sur la porte de la sacristie.
Enfin, le peintre liégeois travailla pour les maisons royales.
Il fit le plafond de la grande chambre du roi, aux Tuileries :
on y voyait, dit Brice, « la Religion tenant un cartouche
destiné pour un portrait». Flemael revint ensuite dans les
Pays-Bas et paraît avoir un instant habité Bruxelles; mais
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVIL
quelque chose manquait à son bonheur : il n'était pas de
l'Académie royale de peinture. Il vint à Paris se faire
nommer (16 oct. 1670), puis retourna à Liège, où il avait
été nommé chanoine de Saint-Paul. Un compatriote de
B. Flemael, le médailliste Jean Du vivier, a gravé un por-
trait de Bertholet que possède le Cabinet des estampes.
Les tableaux du peintre liégeois ne sont pas très nom-
breux. On peut voir au musée de Lille un Episode de la
vie de saint Lambert; à Bruxelles, le Châtiment
d'Héliodore. D'après le catalogue de 1856, il y aurait à
Dresde un Pélopidas. Le Louvre a possédé sous le second
Empire un tableau très compliqué que le livret de 4852
intitule les Mystères de V Ancien et du Nouveau
Testament.
Bibl. : Germain Brice, Description de Paris, 1752. —
A.-J. Wauters, la Peinture flamande ; 1883. — E. Fétis,
Catalogue du musée de Bruxelles, 1882.
FLÉMALLE. Corn, de Belgique, prov. et arr. de Liège,
sur la Meuse ; 7,000 hab. Elle est divisée en Flémalle-
Haute et Flém aile-Grande. Stat. du chemin de fer de
Paris à Cologne. Exploitation de mines et carrières. Flé-
malle était au xne siècle une commanderie de l'ordre du
Temple. Elle a vu naître le peintre Bertholet.
FLEMING (Richard), évêque de Lincoln (l'orthographe
de ce nom n'est pas fixe : on le trouve écrit Flemming ou
Flemyng), né vers 4360, mort en 4431. Il fit ses études
à l'université d'Oxford et entra dans la carrière ecclésias-
tique. La lecture des traductions de la Bible et des autres
écrits de Wycliffe le gagna aux idées de ce réformateur. Il
mit beaucoup de zèle à propager et à défendre ses doc-
trines. Mais plus tard, étant revenu à résipiscence, il les
combattit avec non moins d'ardeur. — Fleming, nommé
évêque de Lincoln en 4420, exécuta le décret du concile de
Constance, concernant les restes de Wycliffe, qui furent
brûlés par la main du bourreau (4428). Le collège de
Lincoln à Oxford fut créé par Fleming en 4427.
FLEMING (Philippe), historien belge du xvie siècle. Il
était auditeur militaire et secrétaire du gouverneur d'Os-
tende pendant le siège mémorable de 4604-4604. Il pu-
blia une relation détaillée de ce siège : le Célèbre, long
et sanglant Siège d'Ostende (en flamand, La Haye, 1624).
FLEMING (Clas-Eriksson), homme de guerre et d'Etat
finnois-suédois, né entre 4530 et 4540, mort à Pojo dans
la nuit du 42 au 43 avr. 4597. Appartenant à une noble
et puissante famille, originaire de Flandre (d'où son nom),
mais établie en Finlande depuis le xve siècle, il prit d'abord
parti contre le roi Jean et fut l'un de ceux qui l'assiégèrent
au château d'Âbo (4563); mais, s'étant ensuite rallié à ce
prétendant, il fut baronnisé et créé riksrâd lors du cou-
ronnement de Jean III (4569). Beau-frère de Gustave Vasa
par son mariage avec Ebba Stenbock (4573), il devint
grand amiral (4588), commandant en chef des troupes de
la Finlande et de TEsthonie dans la guerre contre la Russie
(4591 ), enfin connétable. Après la mort de son bienfaiteur
(4592), il soutint son fils, le roi Sigismond, contre son
oncle le duc Charles (IX). Aussi après la conclusion d'une
trêve avec les Moscovites (4593), il refusa de licencier ses
troupes et, au lieu de renvoyer sa flotte en Suède, il alla
chercher à Dantzig le roi Sigismond pour le transporter à
Stockholm. Après le couronnement (4594), il le recon-
duisit en Pologne et reçut des pleins pouvoirs pour gou-
verner la Finlande. Refusant de se soumettre aux décisions
de la diète de Sœderkœping (4595), il en réunit une à
Âbo où l'on déclara ne reconnaître que l'autorité du roi. Il
eut à réprimer la révolte des paysans de l'OEsterbotten
(guerre des Gourdins), irrités de ce que, contrairement à
à l'usage, il avait cantonné ses troupes dans leurs maisons.
Après les avoir battus à Nokia (1596) et à Ilmajoki (24 févr.
4597), il se disposait à attaquer le duc Charles, lorsque la
mort mit fin à ses desseins. B-s.
FLEMING (James,ïord), grand chambellan d'Ecosse, né
vers 4534, mort à Paris le 48 déc. 4558. En 4548, il
accompagna en France Marie Stuart, dont sa mère était
38
FLEMENG
— 594 —
gouvernante, et fut nommé grand chambellan d'Ecosse à
vie le 21 déc. 1553. Il fut un des commissaires désignés
en 1 557 par le Parlement pour représenter l'Ecosse au
mariage de la reine Marie avec le dauphin de France
(24 avr. 1558). Les commissaires devaient jurer fidélité au
dauphin (François II), mais ils déclarèrent que leurs ins-
tructions ne leur permettaient pas d'agréer qu'il portât,
pour recevoir ce serment, les insignes de la royauté. Ils
furent requis de consulter le Parlement sur cette difficulté.
Ils retournaient en Ecosse lorsque trois d'entre eux mou-
rurent subitement. Fleming, gravement atteint, revint à
Paris, où il mourut aussi. On crut que la cour les avait
fait empoisonner parce qu'ils s'étaient le plus vivement
opposés à ses prétentions. R. S.
FLEMING (John, lord), frère du précédent, mort àBig-
gar le 6 sept. 1572. Grand chambellan d'Ecosse en 1565,
gouverneur de Dumbarton en 1567 il refusa de livrer ce
château et après le désastre de Langside accompagna Marie
Stuart durant sa fuite aventureuse jusqu'à Garlisle. La
reine voulut l'envoyer en mission en France, mais Elisabeth
refusa obstinément d'autoriser cette ambassade. Il fit partie
de la conférence d'York, puis s'enferma dans son château
de Dumbarton par où passaient les communications de
l'Ecosse avec la France. De Virac, l'ambassadeur français,
y vint résider, et c'est là que fut comploté l'assassinat de
Moray. Le 2 mai 1570, le capitaine Thomas Crawford réus-
sissait à pénétrer par surprise dans le château de Dumbar-
ton. Fleming parvint à s'échapper et gagna la France où
il organisa une expédition en faveur de Marie Stuart. Cette
expédition échoua sur les côtes anglaises. Fleming put se
réfugier à Edimbourg. Le 5 juii. 1572, il fut mortellement
blessé par un des boulets tirés par les Français au moment
où ils entraient dans cette ville. — Son fils John, premier
comte de Wigtown (1607), chambellan du roi depuis
1587, mourut en avr. 1619. Il laissait un fils, John, se-
cond comte de Wigtown, conseiller privé en 1641, mort à
Gumbernauld le 7 mai 1650. R. S.
FLEMING (Patrick-Christopher), chroniqueur irlandais,
né dans le comté de Louth le 17 avr. 1599, massacré
le 7 nov. 1631. Après avoir étudié à Douai et à Louvain,
où il prit l'habit de saint François, il fit le_ voyage
de Rome et y compléta ses études au collège irlandais
de Saint-Isidore. On le trouve plus tard professeur de
philosophie à Louvain, et enfin supérieur et professeur de
théologie au collège de l'Immaculée-Conception, à Prague ;
il s'enfuit de cette ville devant l'invasion de l'électeur de
Saxe, et fut tué par des paysans, près de la petite ville de
Beneschau, avec le diacre Matthew Hoar, qui l'accompa-
gnait. On a de lui : Vita S. Columbani (Louvain, 1667,
in-fol.) ; Vita Revere?idi Patris Hugonis Cavelli (1626);
Chronicon Consecrati Pétri Ratisbonœ, chronique ma-
nuscrite du monastère de Saint-Pierre à Ratisbonne, et
des lettres sur les saints irlandais, imprimées dans VIrish
Ecclesiastical Record. B.-H. G.
FLEMING (Paul), poète allemand, né à Hartenstein, en
Saxe, le 5 oct. 1609, mort à Hambourg le 2 avr. 1640.
Fils d'un pasteur protestant, il reçut sa première instruc-
tion dans la maison de son père, et il se rendit ensuite à
l'université de Leipzig pour y étudier la médecine. Ses vers
latins et allemands lui valurent tout jeune la couronne poé-
tique qui n'était décernée d'ordinaire qu'à des hommes d'une
autorité déjà reconnue. La ville de Leipzig ayant été pillée
en 1633 par les troupes impériales, Fleming se réfugia
dans le nord de l'Allemagne, que la guerre épargnait
alors. La même année, il se fit adjoindre à une ambassade
que le duc de Holstein envoyait en Russie et en Perse pour
y nouer des relations commerciales. Il eut pour compagnon
de voyage le savant Oléarius, qui a fait un récit piquant
de leurs aventures. La mission échoua par l'inhabileté et
la mauvaise foi de son chef, et les voyageurs revinrent à
travers mille dangers. Fleming mourut au moment où
il allait se marier avec la fille d'un négociant de Revei,
et ses poésies, dispersées entre les mains de ses amis,
furent recueillies par les soins d'Oléarius et du père
de sa fiancée. Fleming est considéré aujourd'hui comme
le plus grand poète de l'école de Silésie. Mais son mérite
ne fut pas reconnu par ses contemporains ; c'est à
peine si l'on osait le comparer au chef de l'école, Opitz.
La première voix qui s'éleva en sa faveur fut celle
de l'historien Morhof, vers la fin du xvne siècle. Après
avoir payé son tribut d'hommages à Opitz, cet historien
continuait : « Je crois que la poésie allemande s'est élevée
encore plus haut dans Fleming ; je trouve en lui un esprit
incomparable, qui tire sa force de lui-même, plutôt que de
l'imitation étrangère. » Fleming est, en effet, le seul
poète silésien qui ne soit pas un copiste de la France ou de
l'Italie ; sa poésie, c'est sa vie même, racontée avec une
émotion sincère et quelquefois éloquente. La critique mo-
derne s'est beaucoup occupée de lui. Lappenberg a publié
une édition critique de ses poésies allemandes (Stuttgart,
186.6, 2 vol.) et de ses poésies latines (id., 1863). Des
éditions choisies des poésies de Fleming ont été données
par G. Schwab (Stuttgart, 1820), W. Mùller (dans la
Bibliothèque des poètes allemands du wnG siècle ; Leip-
zig, 1822, 3 vol.) et par Tittmann (avec une introduction
biographique et critique) (id., 1870). A. Bossert.
Bibl. : K.-V. Schmitt, Paul Fleming nach seiner lite-
, rargeschichtlichen Bedeutung dargestellt;M.a,Ybourg, 1851.
— J. Kirchner, Paul Flemings Leben und Dichtung,
nach den Quellen dargestellt, première partie (la seule
publiée); Revel, 1835.—- G. Naumann, Paul Fleming ; Gûs-
trow, 1874. — Voir aussi Varnhagen von Ense, Biogra-
phische Denkmdle, t. IV.
FLEMING (Robert), théologien et poète écossais, né
vers 1660, mort en 1716. Fils du pasteur dissident
Robert Fleming (1630-1694), qui joua un grand rôle
dans les querelles religieuses de l'époque et laissa un grand
nombre d'écrits (dont un au moins, Fulfllling of the
Scripture, n'est pas encore oublié), il fut un des pasteurs
presbytériens les plus remarquables de son temps. Après
des études à Leyde et à Utrecht, il prit les ordres en
Hollande, fut pendant plusieurs années chapelain parti-
culier en Angleterre, revint à Leyde prendre la direc-
tion d'une congrégation presbytérienne anglaise, et fut,
en 1698 , appelé à la Scots Church (Founder's Hall,
Lothbury). La largeur de ses vues et son esprit de tolé-
rance, non moins que ses talents, lui assurèrent une
influence considérable, dont il n'usa point pour accroître
sa fortune ou s'élever en dignité. Dans son livre le plus
connu, Apocalyptical Key (1701), il prédit la chute de
la royauté française pour l'année 1794 au plus tard,
et témoigne, en plusieurs endroits, d'un esprit extra-
ordinairement pénétrant et sagace. On a encore de lui,
outre plusieurs ouvrages purement théologiques, des dis-
cours et des sermons, un recueil de vers intitulé The
Mirror of Divine Love (1691), qui contient une para-
phrase du Cantique des cantiques, et quelques autres
pièces imitées ou originales. B.-H. Gausseron.
FLEMING (Clas-Adolf, • comte), bibliophile et érudit
suédois, né à Lydinge (Upland) le 24 avr. 1771, mort à
Stockholm le 12 mai 1831. Fils d'un maréchal de la cour,
il fut premier chambellan de Gustave IV (1794), maréchal
de la diète de 1810, secrétaire d'Etat (1810-1824), pré-
sident de la cour des comptes et grand maréchal du
royaume (1824). Son éloquence et son érudition le firent
élire membre de l'Académie suédoise (1799) et de toutes
les sociétés savantes de la Suède. Il légua à la bibliothèque
d'Upsala sa riche bibliothèque historique. B-s.
FLEMING (Margaret), née à Kirkcaldy le 15 janv.
1803, morte le 19 déc. 1811. Cette enfant témoigna une
précocité remarquable : son esprit et sa grâce avaient charmé
Walter Scott qui ne dédaignait pas de jouer avec elle. Elle
écrivait de petites poésies et tenait un journal. Ces œuvres
enfantines, pleines d'humour et de vivacité, ont été publiées :
Pet Margarie; a story of Child Life fifty pars ago
(Edimbourg, 1858).
FLEMING (Charles), philologue anglais, né à Perthen
- 595
FLEMING — FLERS
4806, mort le 34 août 4875. Professeur d'anglais au lycée
Louis-le-Grand (4829-31), à l'Ecole polytechnique (4844-
48), au collège Bourbon (4844-54), on a de lui un certain
nombre de travaux lexicographiques, notamment un Grand
Dictionnaire anglais- français et français-anglais (Pa-
ris (4839-40, 2 vol. in-4), en collaboration avec Tibbins ;
plusieurs ouvrages élémentaires relatifs à l'enseignement
de l'anglais, un Traité pratique et raisonné de gram-
maire anglaise (Paris, 4852, in-4 2), des traductions de
Shakespeare (Coriolan), etc. Il a encore collaboré aux Veil-
lées des familles.
FLEMMIN(3 (Heinrich-Heino de), militaire allemand, né
en Poméranie le 8 mai 4632, mort à Buckow le 4er mars
4706. D'une famille noble d'origine néerlandaise, il servit
dans l'armée brandebourgeoise, notamment contre les Turcs,
passa dans l'armée saxonne (4682), contribua à la déli-
vrance de Vienne (4683). Rentré au service du Brandebourg
(4690) comme feld-maréchal, il combattit les Français, fut
gouverneur de Berlin, administrateur de. Poméranie et
élevé au titre de comte (4700).
FLEMMING (Jakob-Heinrich), militaire allemand, né le
3 mars 4667, mort à Vienne le 30 avr. 4728, neveu du
précédent. Il servit dans l'armée brandebourgeoise, passa
au service de l'électeur de Saxe ; en 4697, il fut envoyé
par celui-ci comme ambassadeur à Varsovie et réussit à lui
faire donner la couronne de Pologne. En 1699, il com-
mandait l'armée dont l'entrée en Livonie commença la
guerre contre Charles XII, roi de Suède. Médiocre général,
il conserva dans la mauvaise fortune la confiance de son
maître qui le nomma ministre delà guerre en 4705, feld-
maréchal en 4744.
FLENSBURG, Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
province de Slesvig-Holstein, au fond du golfe de Flensburg;
36,894 hab. L'industrie et le commerce y sont assez actifs.
Le mouvement du port est d'environ 2,500 navires et
250,000 tonnes; la flotte locale de 60 navires (30,000t.).
Auprès est le grand établissement métallurgique de Kru-
sau (laiton). A 4kil. est la station balnéaire de Gliicks-
burg. La ville, bâtie au xne siècle, fortifiée à la fin duxme,
fut très disputée. C'était après 4848 la capitale danoise du
Slesvig. On combattit aux environs à Bau (9 avr. 4848),
à OEversee (6 févr. 4864).
Bibl. : Holbt, Flensburg frùher undjetzt; Flensburg,
FLENSBURG (Vilhelm), théologien suédois, né à Sœdra-
Rœrum (Skanie) le 3 août 4819. Doc*3nt (1847), adjoint
(4849), professeur de dogmatique (4858) à l'université
de Lund, il fut ordonné prêtre en 4849, promu docteur
en théologie (4860), nommé évêque de Lund et vice-chan-
celier de l'université (4865), et fit partie du comité chargé
(4872) de reviser la loi ecclésiastique de 4686. Avec E.-G.
Bring et A.-N. Sundberg, il rédigea de 4855 à 4863 le
Svensk Kyrko-tidning , et publia un essai Sur le Mou-
vement religieux actuel dans l'Église suédoise (1876),
ainsi que des thèses de théologie et de philosophie, des
discours et des prêches. B-s.
FLÉNU. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut, arr. de
Mons ; 5,000 hab. C'est le siège de la houillère la plus
importante du Borinage (V. ce mot), celle deFlénu-Pro-
duits. On a trouvé à Flénu beaucoup d'outils de silex.
FLÉRÉ-la-Rivière. Corn, du dép. de l'Indre, arr. de
Châteauroux, cant. de Châtillon-sur-Indre ; 789 hab.
FLÉRON. Corn, de Belgique, prov. et arr. de Liège;
2,000 hab. Stat. du chemin de fer de Liège à Verviers par
les plateaux de Hervé (V. ce mot), centre de vastes exploi-
tations charbonnières. La vouerie de Fléron était une terre
d'Empire appartenant originairement au chapitre de Notre-
Dame d'Aix-la-Chapelle. Elle fut réunie par achat à la
principauté de Liège en 1626 sans y être confondue et
conserva ses usages et ses coutumes propres.
FLÉRON (Adrien de), homme d'Etat belge, né à Liège
en 1577, mort à Liège en 1633. Après avoir pris à Lou-
vain le grade de docteur en droit, il voyagea en France, en
Italie et en Allemagne, se lia d'amitié avec Tilly et fut
chargé par le célèbre général de plusieurs missions diplo-
matiques auprès de Wallenstein, de l'empereur et du roi
de Danemark. Il rentra alors à Liège, devint chanoine et
écrivit ses mémoires restés inédits et un Eloge de Tilly,
en latin, qui fut imprimé à Liège en 1630. E. H.
FLERS. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant. (O.) de
Douai; 2,052 hab.
FLERS. Corn, du dép. du Nord, arr. de Lille, cant. de
Lannoy, sur laMarcq ; 3,965 hab. Commerce de céréales
et de graines oléagineuses. Fabrique de passementerie,
peignerie de laines, blanchisserie de toiles, teintureries,
moulins. Ruines d'un ancien château féodal. La seigneurie
de Fiers, mentionnée dans les documents depuis le xie siècle,
fut érigée en baronniepar lettres patentes de mai 4662 en
faveur de Noël Lamoral d'Ostrel.
FLERS. Ch.-l. de cant du dép. de l'Orne, arr. de
Domfront, sur une colline dominant la Vire, affluent du
Noireau ; 43,860 hab. Stat. du ch. de fer de l'Ouest, ligne
de Paris à Gran ville, embranchement sur Domfront et Fa-
laise. Fiers doit son origine à son château dont plusieurs
seigneurs furent célèbres dans les guerres du moyen âge.
La seigneurie fut érigée en comté en 4598 en faveur de
Nicolas Pellevé ; mais la ville n'était encore qu'un gros
bourg au commencement du siècle ; elle dut à l'industrie
un accroissement très rapide. Cette industrie comprend la
filature, la teinture, le blanchiment et le tissage du lin et
du coton, et occupe, tant à Fiers que dans les communes
environnantes, près de 30,000 ouvriers. Il s'y fabrique
des coutils pour literie, des satins pour ameublement, du
linge de table, etc. Fiers possède une chambre consultative
des arts et manufactures et une succursale de la Banque de
France. Le château, situé en dehors de la ville, au milieu
d'un parc immense, forme un ensemble de constructions
de diverses époques ; les tours crénelées sont du xve siècle.
Occupé lors des guerres vendéennes par les royalistes,
il fut incendié le 48 févr. 4800 par les troupes du général
Gardane. Acquis en 4806 par le comte de Redern, il fut
alors restauré. L'église Saint- Jean-Baptiste a été construite
de 4858 à 4864 sous la direction de M. Ruprich Robert,
en style roman avec un portail surmonté d'une haute
flèche de style gothique. Parmi les autres édifices, il faut
signaler l'hôtel de ville, l'hôtel de la Banque de France et
le cercle.
Bibl. : H. de La Ferrière, Histoire de Fiers, 1855, in-8.
FLERS. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
de Saint-Pol, sur un affluent de la Cançhe ; 444 hab. An-
cien château. Sur la place s'élève un magnifique tilleul.
FLERS. Com. du dép. de la Somme, arr. de Péronne,
cant. de Combles ; 662 hab.
FLERS-sur-Noye. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Montdidier, cant. d'Ailly-sur-Noye ; 332 hab.
FLERS (Louis-Charles La Motte-Ango de), général fran-
çais, né à Paris le 42 juin 4754, décapité à Paris le 22 juil.
4794. Il entra au service comme sous-lieutenant de cavalerie
le 4er nov. 1774, et devint colonel du 3e régiment de cava-
lerie le 23 mars 4792. Le 22 août suivant, il fut blessé d'une
balle à la cuisse dans une escarmouche près de Maulde et,
le 7 sept., il fut promu maréchal de camp sur la proposition
du général Biron. Il fit la campagne de Hollande avec Du-
mouriez et, le 2 mars 1793, rendit aux ennemis, sur l'ordre
de ce général, les places de Breda et de Gertruydenberg.
Il échappa à la proscription qui frappa les lieutenants de
Dumouriez et devint en mai 4793 général en chef de l'ar-
mée des Pyrénées-Orientales. Il s'empressa de couvrir
Perpignan, mais fut battu, le 49 mai, à Mas-d'Eu par
le général espagnol Ricardos. Il prit sa revanche à Niel le
47 juil. et repoussa victorieusement les Espagnols qui
étaient venus l'attaquer. Après cet heureux succès, de Fiers
étant resté inactif et ayant laissé prendre Villefranche le
3 août 4793, les représentants Fabre et Gaston le desti-
tuèrent le 24. Emprisonné au Luxembourg, de Fiers fut,
l'année suivante, traduit au tribunal révolutionnaire et
FLERS - FLESSELLES
596
condamné à mort comme complice d'Arthur Dillon (4 ther-
midor an II). Etienne Charavay.
Bibl. : Arch. de la guerre. — Jomini. — Arch. nat., W 428,
n° 963.
FLERS (Camille), peintre français, né à Paris le 45 févr.
1802, mort à Ànnet le 24 juin 4868. Après une
jeunesse aventureuse et des voyages, il exposa au Salon
de 4831 la Cascade de Pissevache; du premier coup
il fut rangé dans le petit groupe des réformateurs du
paysage français, tels que Paul Huet, Delaberge, Rous-
seau, Dupré, etc. En 4833, il exposa un Moulin sur la
Marne; en 4834, une Vue prise à Moulinot et une
Vue de la Malleraye , deux paysages normands, pleins
de fraîcheur; en 4835, une Ferme à Aumale, Ani-
maux dans un pâturage, Environs de Dunkerque ;
en 4836, les Patines du château d'Arqués, etc. D'ail-
leurs, plus heureux que ses compagnons de lutte contre le
paysage historique, et assez habile pour ne point trop heurter
dans ses tableaux les préjugés d'alors par un artificieux
mélange de hardiesse et de banalité, il eut la chance de
trouver assez vite des acquéreurs. Adoptant la Normandie
pour épuiser la plupart de ses motifs de composition, il
envoya chaque année à Paris des peintures et d'excellents
pastels, qui eurent un certain temps de vogue. Citons en
4840 ses Environs de Toucqaes et son Moulin de
Chelles; en 4847, ses Prairies de Brispot et ses Bords
de la Marne. Il exposa en 4849 un de ses plus remar-
quables tableaux : Vue prise à Charenton. Parmi les
autres œuvres de Camille Fiers, qui n'a cessé d'exposer
que dans les cinq dernières années de sa vie, bornons-
nous à rappeler : les Quatre Saisons (à l'Exposition
universelle de 4855), qu'il symbolisa, non au moyen de
figures allégoriques, mais quatre paysagnes indiquant le
Printemps, l'Eté, l'Automne et l'Hiver : des amandiers
fleuris, les blés mûrs, des feuillages jaunissants et la neige ;
Un Moulin sur le Sichon (Vichy) et Prairie à Aumale
(4857); Saules sur la Beuvronne (Seine-et-Marne, 4859);
Vile Henriette a Annet, Noisetiers sur les bords de la
Bresle, Moulin a eau près Quillebœuf (4864); l'Allier
à Vichy après une inondation, Moulin à Annet, Nature
morte (4863), etc. Camille Fiers a publié en 1846, au
journal l'Artiste, une Etude sur le Pastel dans laquelle
il a fourni quelques détails assez intéressants sur les pro-
cédés employés par lui avec succès pour appliquer le pastel
au paysage. Il fut le maître de Cabat. Victor Champier.
Bibl. : A. Jal, Salon de 1833, p. 351. — Bûrger, Salon
de 18k^, p. 102. —P. -H. Burty, Maîtres et petits-maîtres,
1877, p. 109, in-18. -
FLERS (Hyacinthe- Jacques de La Motte- Ango, marquis
de), né en 4803, mort à Bruxelles le 4erfévr. 4866. Entré
à la cour des comptes en 4834, conseiller référendaire en
4860, il fut en 4864 traduit devant la cour d'appel de Paris
pour avoir écrit dans divers journaux étrangers (Gazette
d'Augsbourg, Journal de Genève, Indépendance belge,
etc.), des articles où l'Empire était fort malmené. Condamné
à trois mois de prison et 200 fr. d'amende, il passa en Bel-
gique. — Son fils, le marquis de Fiers, né à Paris en 4836,
a écrit: le Comte de Paris (Paris, 4888, in-8) ; le Roi
Louis-Philippe (1894, in-8).
FLERS (Alfred-Etienne de La Motte-Ango, comte de),
homme politique français, né à Paris le 27 oct. 4847, mort
à Paris le 23 juin 4883. Grand propriétaire dans l'Orne,
il fut élu sénateur de ce dép. le 30 janv. 4876, siégea à
l'extrême droite et combattit notamment le cabinet Dufaure.
Il fut réélu le 8 janv. 4882.
FLESQUIÈRÉS.Com.dudép. du Nord, arr.de Cambrai,
cant de Marcoing; 662 hab.
FLESSELLES. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'A-
miens, cant. de Villers-Bocage ; 4,440 hab.
FLESSELLES (Jacques de), administrateur français, né
en 4724, mort le 44 juil. 4789. D'abord maître des
requêtes, il fut nommé intendant de Moulins en 4762,
puis de Bretagne en 4765. Il prit parti pour le duc d'Aiguil-
lon et le comte de Saint-Florentin contre le parlement de
Bretagne et le procureur général La Chalotais (V. ce nom).
Il fut promu à l'intendance de Lyon en 4767, et montra de
l'habileté dans ce poste difficile. Soutenu par l'archevêché,
dont l'influence restait prépondérante sur la population
lyonnaise, il n'exécuta qu'avec regret, et non sans des atté-
nuations nécessaires, les ordonnances libérales de Turgot
en matière industrielle et commerciale. Après la chute de
ce ministre, il revint aux anciens errements du « gouver-
nement paternel », lutta contre le colportage, le travail
libre; en 4777 (faible compensation), il institua pour le
perfectionnement de la teinture des soies en noir un prix
de 300 livres. Il passait personnellement pour un homme
de plaisir et d'intrigue, aimant la représentation extérieure,
la table, le spectacle. Collot d'Herbois fut, paraît-il, au
nombre de ses parasites. Conseiller d'Etat en 4784, atta-
ché à l'administration des subsistances de Paris, il fut con-
sidéré, avec Foullon et Bertier (V. ces noms) comme
responsable en partie des mesures innocentes ou coupables,
mais à coup sûr maladroites, que le peuple continuait à
désigner sous le nom de pacte de famine (V. ce mot). La
démission du prévôt des marchands de Paris Le Peletier de
Moi fontaine ayant été acceptée par Louis XVI le 20 avr.
4789, de Flesselles fut appelé à lui succéder le 24. La
place n'était d'ailleurs plus, depuis longtemps, élective que
pour la forme. Le nouveau prévôt ne parut voir dans les
débuts de la Révolution qu'un de ces mouvements popu-
laires dont la ruse et la force viennent à bout tôt ou tard.
Sa légèreté d'esprit lui tenait lieu de sang-froid. Tempori-
ser, brouiller les cartes, opposer les échevins et les con-
seillers de l'ancien régime, restés en place, aux électeurs
bourgeois (jui avaient conquis par les circonstances le droit
de se réunir à l'Hôtel de Ville (et cela malgré une première
opposition. du prévôt) ; solliciter et accepter la présidence
d'une assemblée mixte afin de suivre et de diriger les évé-
nements ; informer avec soin les chefs de « l'armée du
siège » de Paris, particulièrement le baron de Besenval ;
correspondre avec le gouverneur de la Bastille de Launay,
tout en prodiguant les promesses aux citoyens de Paris
qui venaient demander des armes ; faire une simple garde
bourgeoise de la milice parisienne en formation qui voulait
s'opposer par la force aux agissements de la cour, tel
parut être le plan de Flesselles pendant les journées du 1 2
et du 43 juil. Aux patriotes impatients, il délivre des
ordres pour aller chercher des fusils ou des cartouches aux
Chartreux, à l'Arsenal, partout où il savait qu'il n'y en avait
pas. Il est bientôt démasqué par le Palais-Royal, par les
districts des Blancs-Manteaux, des Mathurins, de Saint-
André-des-Arts. Il balbutie qu'il s'est trompé, qu'on l'a
trompé. Le \ 4 juil. vers six heures, après la prise de la
Bastille (V. ce mot), les accusations deviennent terribles.
On ne possède pas le texte original de son billet à de Lau-
nay : « J'amuse les Parisiens avec des cocardes et des pro-
messes : tenez bon jusqu'à ce soir, vous aurez du renfort. »
Mais que ces mots aient été écrits ou non, il n'en rendent
pas moins parfaitement sa conduite équivoque et perfide.
Les électeurs La Poize, Garan de Coulon et Francotay
s'emportèrent contre Flesselles, qui fit mine de se retirer,
puisqu' « il était suspect». Les modérés voulaient l'empri-
sonner, en faire un otage de guerre. Mais la foule cria :
« Au Palais-Royal ! » Flesselles accepta et se fit fort de
se justifier. Il n'eut à souffrir aucune violence ni dans l'esca-
lier, ni sur la place. C'est au coin du quai Pelletier qu'un
inconnu, peut-être par vengeance personnelle, plus pro-
bablement par passion politique, l'abattit d'un coup de
pistolet à bout portant. Le cadavre fut insulté. La tête,
séparée du tronc, fut promenée sur une pique au Palais-
Royal et dans les rues. Flesselles laissait une sœur, Jac-
line, veuve de Louis-Guillaume de Blair. H. Monin.
Bibl. : AI. Tuetey, Répertoire général des sources
manuscrites de l'Histoire de Paris pendant la Révolution
française ; Paris, 1890, t. I, n°8 310-318, 320, 699, 2,655, 2,664,
2,674, 2,677, in-4. — Ch.-L. Chassin, les Élections et les
cahiers de Paris en 1189 ; Paris, 1888 et 1889, t. I, p. 366 et
- 597 -
FLESSELLES — FLETCHER
note 1, pp. 367, 487 ; t. II, p. 321 ; t. III, p. xxvii, 36 à 46
passim, 392-396, 441 à 546 passim, 620, in-8.
FLESS1NGUE (en hollandais Vlissingen). Ville des
Pays-Bas, prov. de Zélande, à 5 kil. S.-S.-O. de Middel-
bourg, et à 54 kil. 0.-N.-0. d'Anvers, sur la côte S. de
l'île de Walcheren, à l'embouchure de l'Escaut, par 51°
26' 42" lat. N. et 1° 44' 42" long. E.; 10,000 hab.
Ville fortifiée, défendue par plusieurs forts et dont les
environs peuvent être inondés. C'est un port militaire et de
commerce, siège d'une amirauté. Le port peut contenir une
flotte de 80 vaisseaux de ligne ; les chantiers de construc
tion sont très vastes. Fabriques de cordages et approvi-
sionnements pour la marine.- Flessingue est assez bien
bâtie ; on y remarque l'hôtel de ville et de belles prome-
nades ; il y a une académie des sciences et une chambre
de commerce. C'est la patrie du grand amiral de Ruyter.
On y fait un commerce important avec les Indes orientales.
Depuis quelques années, on a exécuté de grands travaux
à Flessingue ; on a construit de nouveaux bassins s'ouvrant
d'un côté sur la mer du Nord par l'Escaut dont l'embou-
chure a une largeur considérable et permet l'entrée aux
navires du plus fort tonnage et en toute saison. D'autre
part, la ville est reliée au réseau général des chemins de
fer de l'Europe centrale par un chemin de fer de l'Etat
qui communique avec les bassins. Un canal la met en outre
en rapport avec les voies navigables vers l'Allemagne. Tous
ces ouvrages sont d'une beauté remarquable. Les quais de
ces bassins sont en pierre de basalte et ont une longueur
de 2,000 m. Les bassins ont une profondeur de 8m30 et
une superficie de 12 hect. La largeur de l'entrée de Y avant-
port est de 180 m. Le fort Breskeus, situé sur l'autre
rive de l'Escaut, en face de la ville, commande avec les
fortifications de Flessingue l'entrée de ce fleuve. C'est une
situation imprenable. Les Anglais, qui l'attaquèrent en
1809, avec une flotte superbe, ne réussirent à détruire,
au moyen d'un bombardement, qu'une centaine de mai-
sons, parmi lesquelles deux églises et l'hôtel de ville.
FLET. I. Zoologie, — Nom vulgaire d'un poisson ayant
les formes de la Plie dont il est une espèce (V. Plie). Il a
les taches plus pâles et de petits grains à la ligrfe saillante
de la tête. On l'appelle aussi Flételet, Fleton ou Picaud.
IL Pêche. — Ce poisson, commun sur les côtes océa-
niques de France, remonte en rivière, assez loin des em-
bouchures ; on le pêche en mer au chalut, à la palancre,
en rivière avec des gords, des guideaux, la ligne de fond,
la foëne. La chair du flet est beaucoup moins estimée que
celle du carrelet.
FLETA (Seu commentarius juris anglicani). C'est un
traité de droit anglais composé sous le règne d'Edouard Ier.
Les savants ne s'entendent pas, d'ailleurs, sur l'année de
ce règne pendant laquelle il aurait été écrit. Il existe aussi
un grand désaccord sur le point de savoir quel a pu être
l'auteur de ce traité. Quelques anciens écrivains ont cru
tout simplement que ce traité de droit anglais est l'œuvre
d'un certain Guillaume Flète. Mais cette interprétation est
contredite par la préface de l'ouvrage où il est dit : Trac-
tatus autem iste, qui Fleta merito poterit appellari,
qui in Fleta de jure Ànglicorum fuit compositus. Ce
passage montre bien que Fleta n'est pas le nom de l'au-
teur, mais le titre de l'ouvrage, et l'auteur lui a donné ce
titre parce qu'il l'a écrit dans la prison appelée The Flette.
Selden nous apprend en effet que, sous Edouard Ier, plu-
sieurs jurisconsultes célèbres furent punis pour des crimes
d'Etat ; les uns furent frappés de fortes amendes ; d'autres
furent jetés en prison ; d'autres furent même exilés. Houard
a beaucoup exagéré au siècle dernier le mérite de cet ou-
vrage. En réalité, ce n'est pas autre chose, le plus souvent,
qu'un résumé du traité de JBracton ; les deux ouvrages sont
écrits en latin ; la méthode est identique dans l'un et Vautre.
La Fleta est divisée en six livres : le premier traite du
droit des personnes ; le second, des juges et des magis-
trats ; le troisième, des modes d'acquérir les biens ; le qua-
trième et le cinquième, des actions relatives à la posses-
sion ; le sixième , des rits de droit. La partie la plus
intéressante est celle qui est consacrée aux fonctionnaires
et aux justices des seigneurs. Il n'a encore paru jusqu'à ce
jour que des éditions fort incorrectes de la Fleta, En An-
gleterre, il faut relever celles de 1647 et de 1685 ; en
France, Houard, au siècle dernier, a aussi publié la Fleta
dans le troisième volume de ses Anciennes Coutumes
anglo-normandes, E. Glàsson.
Bibl. : Brûnner, Ueberblick ùber die Geschichte der
franzœsischen, normannischen und englischen Rechts-
quellen, dans l'Encyclopédie der Rechwissenschaft, de
Holtzendorff, 1877, pp. 227 et suiv., 3° éd.— Glasson, His-
toire du droit et des institutions de l'Angleterre, t. III, pp. 38
et suiv. — Maitland, English légal History, dans le Poli-
tical Science quarterly, année 1889, t. IV, p. 635.
FLÉTAN. I. Zoologie. — Le Flétan (Pleuronectes hip-
poglossus L., Hippoglossus vulgaris Flem.) a les carac-
tères généraux des Pleuronectes (V. ce mot) et vit dans
les mers froides de l'hémisphère boréal ; il porte les yeux
du côté droit du corps, et la nageoire dorsale commence à
leur niveau et au-dessus.
II. Pêche. — Ce poisson, le plus grand des pois-
sons plats (il peut atteindre 4 m. de long), se trouve dans
la partie nord de l'océan Atlantique ; il se tient au large,
le plus souvent par fond de sable. La pêche se fait le plus
souvent aux lignes de fond ; sur les côtes du Groenland le
flétan se "trouve parfois dans des fonds rapprochés de la
surface ; on le tue alors à coups de javelot. La pêche du
flétan ou halibut, qui est très active aux Etats-Unis, se
fait principalement par le port de Gioucester ; d'autres
ports du Massachusetts, du Maine, du Connecticut, de
Rhode Island, arment également pour cette pêche qui est
très périlleuse, car elle a principalement lieu en hiver. Les
schooners, de 80 à 120 tonneaux, se rendent sur le grand
banc de Terre-Neuve et parfois jusque dans le détroit de
Davis ; on pêche aussi sur les bancs de Saint-Georges et de
l'Ile au Sable. Le poisson est surtout vendu à l'état frais,
conservé en glacière ; une partie du poisson est salée à
bord, puis fumée à terre ; on prépare encore le flétan à
l'état de conserves à l'huile. — Les Hollandais vont pêcher
le flétan sur le Dogger BaiA et le préparent comme la
morue ; on peut évaluer, en moyenne, à 500 barils péchés
annuellement par les ports hollandais. Les Norvégiens se
livrent également à la pêche du flétan, dont la chair est
très estimée dans tous les pays du Nord. E. Sauvage.
FLETCHER (Richard), évêque anglais, mort le 15 juin
1596. Fils d'un clergyman anglican, persécuté pour la foi
sous Marie Tudor, il fut élevé à Cambridge dans le collège
de l'archevêque Parker (Corpus Christi). Prébendier d'Is-
lington à la cathédrale de Saint-Paul en 1572, ministre de
Rye en Sussex en 1574, il fut présenté à la reine Elisa-
beth par l'archevêque Parker. Il sut plaire : il prêchait
bien et c'était un courtisan consommé. Sa fortune fut dès
lors rapide. Chapelain ordinaire de la cour en 1581, doyen
de Peterborough en janv. 1586, il obtint successivement
plusieurs bénéfices considérables : Barnack en Northamp-
tonshire, Algarkirk dans le diocèse de Lincoln. C'est lui
qui prêcha devant les juges de Marie Stuart, dans la cha-
pelle du château de Fotheringay le 12 oct. 1586, et qui
officia le jour de l'exécution avec une impitoyable du-
reté. Sa conduite en cette circonstance lui valut le siège
épiscopal de Bristol (déc. 1589); il demeura du reste
dans sa maison de Chelsea, près de Londres, plus assidu
à la cour que dans son diocèse. Il fut bientôt (24 janv.
1593) transféré au siège plus riche de Worcester, puis
(juin 1594) à celui de Londres. Mais il commit alors
deuT imprudences : d'abord il collabora avec l'archevêque
Whitgift à la rédaction des « articles de Lambeth », qui
auraient fait entrer, s'ils avaient été adoptés, dans le Credo
de l'Eglise anglicane, quelques-unes des doctrines essen-
tielles du calvinisme ; en second lieu , devenu veuf en
déc. 1592, il épousa deux ans après une jolie femme, riche,
mais d'une vertu médiocre, la veuve de sir Richard Baker
de Sissinghurst. Or,Elisabethn'aimaitpasengénéralqueses
FLETCHER
- 598 -
évèques prissent femme, etle mariage deFletcher était entouré
de bien des circonstances aggravantes: le 25 févr. 1595,
le nouvel évèque de Londres fut suspendu de ses fonctions.
La suspension ne dura, il est vrai, que six mois, grâce à
l'influence de Burghley, que l'évêque accabla des plus basses
supplications dans des lettres autographes, dont l'ortho-
graphe et la langue sont également incorrectes. Toutefois,
Fleteher avait définitivement perdu la faveur royale. Il
mourut en fumant une pipe de tabac (habitude nouvelle
qu'il avait adoptée avec passion), insolvable et laissant huit
enfants en bas âge ; sa femme épousa en troisièmes noces
sir Stephen Thonhurst. Il n'a laissé d'autres écrits que le
manuscrit de son exhortation à Fotheringay.
FLETCHER (Giles), diplomate anglais, frère du précé-
dent, né vers 4549, enterré le 44 mars 4644 (n. st.). Il
fut élevé à Eton et à King's Collège, dont il devint fellow
en 4568. En 4576, il prit une part active à l'opposition
dirigée par quelques-uns de ses collègues contre le prévôt du
collège, Dr Goad. En 4585, il vivait à Cranbrook, où naquit
son fils Phineas, et fut élu membre du Parlement pour
Winchelsea. Il fut ensuite chargé de missions diplo-
matiques en Ecosse, en Allemagne et (4588) en Russie.
Son ambassade en Russie fut accidentée ; il eut à subir
des mauvais traitements, mais obtint néanmoins des con-
cessions commerciales. De retour en 4589, il fut fait maître
des requêtes et secrétaire ou remembrancer de la cité de
Londres. 11 conçut alors le projet d'écrire en latin l'his-
toire du règne d'Elisabeth ; en attendant, il publia (4594)
une relation de son voyage en Russie, qui fut interdite
comme contenant des choses désagréables pour l'autocrate
russe. Le patronage du comte d'Essex lui fit conférer par
Elisabeth, en 4597, l'office de trésorier de l'église de Saint-
Paul à Londres ; mais il fut emprisonné quelque temps en
4604, pour avoir exprimé sa sympathie à l'égard du fa-
vori tombé. Il a laissé beaucoup devers latins, mais le seul
ouvrage qui préserve son nom de l'oubli est : Of the russe
Gommon Wealth... with the mariner s and fashions of
the people of that country (Londres, 4594, in-8, et
4643, in-42); réédité par E.-A. Bond : Russia at the
close of the sixteenth century (publié pour YHakluyt
Society) (Londres, 4856, in-8), et trad. en franc. (4864,
'2 vol.). Ch.-Y. L.
FLETCHER (John), auteur dramatique anglais, né à
Rye (Sussex) en déc. 4579, mort en août 4625, (ils de Ri-
chard Fleteher (V. ci-dessus). Le nom de cet écrivain
est inséparable de celui de Beaumont, son collaborateur,
et la biographie de Fun ne saurait que répéter la bio-
graphie de l'autre. L'essentiel à ce point de vue a été
dit à l'art. Beaumont. Il nous reste à traiter ici quelques
questions accessoires qui ont leur intérêt. La liaison des
deux écrivains semble dater de 4607; en tout cas la pre-
mière pièce qu'ils ont composée ensemble, Woman Rater,
est de cette année. Les comédies qu'ils donnèrent ensuite, à
- partir de Philaster, eurent un succès considérable et se
: jouèrent plus souvent que le théâtre de Shakespeare. Une
quinzaine de pièces peuvent être attribuées sans conteste à
Fleteher seul. Deux d'entre elles sont des comédies bril-
lantes : Monsieur Thomas (4639) et Wildgoose-Chase
(4652, in-4); la troisième est la meilleure des pastorales
anglaises: The Faithful Shepherdess(s. d. [4609], in-4).
Parmi les autres, on peut mentionner: Witwithout Money
(4639, in-4); Bonduca (4647); Valentinian (4647);
The Mad Lover (4647); Women pleased (4647); The
Woman' s prize (4647); A Wife for a mon#i(4647) qui
furent représentées entre 4644 et 4633. Fleteher eut d'au-
tres collaborateurs : Massinger, Middleton et Rowley, avec
lesquels il donna entre autres : The Queen of Corinth
(4647) et Sir John Van Olden Barnavelt, pièces repré-
sentées en 4649. Même on lui attribue, sans raison, le
grand Shakespeare pour collaborateur dans ses Two Noble
- Kinsmen (4634) et on lui donne, sans preuve positive,
■- une part de collaboration à Henry VIII. Le théâtre de
Beaumont et Fleteher a été réuni d'abord en 4647, in-fol.,
puis en 4679, in-fol. La meilleure édition est celle de
M. Alex. Dyce (Londres, 4843-4846, 44 vol. in-8). Flet-
eher excelle dans le dialogue et dans la repartie spiri-
tuelle. Eeaumont écrit plus élégamment : il a plus de fer-
meté dans le tracé de ses plans et le développement de ses
caractères. R. S.
Bibl. : Dyce, Biographie de Fleteher, clans le 1er vol. de
son éd. — Maoaulay, Study of F. Beaumont, 1883.
FLETCHER (Phineas), poète anglais, baptisé le 8 avr.
4582, mort à la fin de l'année 4650, cousin du précédent.
Elevé à Eton et à King's Collège, Cambridge (où il resta jus-
qu'en 4646), il. fut jusqu'en 4624 chapelain de sir Henri
Willoughby, dans le Derbyshire. Il obtint ensuite du même
seigneurie rectorat d'Hilgay (Norfolk) qu'il conserva jusqu'à
la fin de sa vie. Ld principal ouvrage de Fleteher est intitulé
The Purple Island or the isle ofMan, Together with Pis-
catorie Eclogs and other poeticall miscellanies (Cam-
bridge, 4633) ; The Purple Island, qui a été réédité à part
en 4784 et en 4846, est une description allégorique du
corps humain en douze chants, imitation directe de la
Faerie Queen de Spencer. Quarles a dit de Fleteher qu'il
était le Spencer de son temps. On s'accorde à louer la ver-
sification du poète, mais on ne goûte plus ses allégories
filantes et subtiles, trop rarement interrompues par des
descriptions sincères de la vie champêtre. Les autres pro-
ductions de Fleteher sont : Locustce vel pietas jesuitica
(Cambridge, 4627), vers latins et anglais contre le catholi-
cisme romain ; Sicelides or Piscatory, as it hath been
acted in King's Collège in Cambridge (Londres, 4634),
et dTinnombrables vers latins répandus dans divers recueils.
Le Dr Grosart a publié une édition complète des œuvres
poétiques de Fleteher, en 4 vol., dans la collection intitulée
Fullefs Worthies Library. Ch.-V. L.
FLETCHER (Andrew), homme politique et publiciste
écossais, né en 4655, mort à Londres en 4746. Elève de Gil-
bert Burnet, Andrew Fleteher fit honneur à son maître par ses
talents et son amour du pays natal. Partout où il s'agit de
combattre l'oppression religieuse ou politique contre l'Eglise
établie et l'administration de Lauderdale, on le voit au
premier rang. Cette conduite le mit plusieurs fois dans la
nécessité de s'exiler pour éviter la prison. Ami d'Argyll
et de Monmouth, il fit tous ses efforts pour les détourner
de leur téméraire tentative ; mais, impuissant à les arrêter,
il suivit Monmouth en 4685. Une querelle, à propos d'un
cheval appartenant à un autre officier de Monmouth, nommé
Dare, et dont Fleteher avait cru pouvoir se servir, aboutit
à la mort de Dare, qui menaçait Fleteher de sa cravache
et que celui-ci, cédant à l'irascibilité de son caractère, tua
d'un coup de pistolet. Obligé, à la suite de ce meurtre, de
quitter l'armée de Monmouth, il se réfugia à Bilbao, où
l'ambassadeur anglais à Madrid le fit arrêter en demandant
son extradition. Mais il parvint à s'échapper, erra quelque
temps en Espagne et passa en Hongrie pour combattre
contre les Turcs. Condamné à mort par contumace, à
Edimbourg, le 4 janv. 4686, il ne profita pas de l'amnistie
accordée par Jacques II le 29 avr. de la même année, et
ne revint en Angleterre qu'avec Guillaume d'Orange. Sous
ce régime nouveau, il continua à mettre toute son énergie
au service des intérêts de l'Ecosse, pour laquelle il aurait
voulu une autonomie qu'il n'était plus possible de lui assu-
rer. Son zèle de patriote était, si connu du gouvernement
anglais qu'il fut accusé d'avoir comploté pour favoriser
une descente du prétendant soutenu par la France (4708).
Il se disculpa facilement, et, donnant à son patriotisme la
seule direction désormais pratique, il contribua au bien-
être et à la richesse de son pays en y améliorant l'agri-
culture.
Ses écrits sont nombreux , et non moins remar- '
quables par la vigueur de l'expression et la chaleur ora-
toire que par leur ton, toujours soutenu, de sincérité et
d'honnêteté politiques. On peut citer, parmi les plus im-
portants ou les plus curieux : A Discourse of Govern-
ment relating to Militias (4698) ; An Account of a
599 —
FLETCHER — FLEUR -
Conversation concerning a Right Régulation of Go-
vernments for the common good of Mankind, publié
anonymement sous forme de lettre au marquis de Montrose
et aux comtes de Rothes, de Roxburg et de Haddington
(1703), et An Historicàl Account ofthe Ancient Right
and Power of the Parliament of Scotland, également
anonyme (Edimbourg, 1703). La plupart de ses écrits ont
été réunis sous le titre de Political Works (Londres,
1737, et Glasgow, 1747). B.-H. Gàusseron.
FLETCHER (John-William), aussi FLÉCHIÈRE, ou DE
LA FLÉCHÈRE, théologien suisse, fixé en Angleterre, néà
Nyon (Vaud) en 1729, mort en 1785. Après avoir fait ses
études théologiques à Genève, il mena pendant quelque
temps une vie assez aventureuse. Au Portugal, il suivit
le parti de Pépée dans les armées de ce royaume. Bientôt
il passa en Angleterrre. Il se rattacha à l'Eglise anglicane
et prit les ordres. Apres avoir rempli les fonctions de pré-
cepteur dans plusieurs familles nobles, notamment celle de
la comtesse de Huntingdon, la patronne de Whitfield et
des méthodistes dans le pays de Galles, Fletcher se rap-
procha de Wesley, dont il se fit un des plus ardents
défenseurs. IL publia plusieurs ouvrages de controverse,
dont le plus célèbre est Doctrines of grâce and justice
(1778), dirigé contre le calvinisme.
FLETCHER (Archibald), avocat anglais, né dans le
comté de Perth en 1746, mort près d'Edimbourg le 20 déc.
1828. Secrétaire particulier du lord avocat James Montgo-
mery, il s'inscrivit au barreau écossais en 1790 et y rem-
porta des succès considérables. D'opinions politiques fort
libérales, il prit une part active au mouvement en faveur
de la réforme municipale de 1784 ; il fut un partisan con-
vaincu de la guerre de l'indépendance américaine et un
admirateur fanatique de la Révolution française. Ami intime
du philosophe Dugald Stewart, il était en relations excel-
lentes avec Fox et Henry Erskine. On a de lui : Essay on
church patronage (1783), et An Examination of the
grounds on which the convention of Royal Burghs
claimed the right of altering and amending the Setts
or Constitution of the individual Burghs (1825). —
Le 16 juil. 1791, il avait épousé miss Eliza Dawson, née
à Oxton (Yorkshire) le 15 janv. 1770, morte à Edimbourg
le 5 févr. 1858. C'était une femme charmante, fort intel-
ligente, qui a laissé un journal des plus intéressants publié
par sa fille : Autobiography (Carlisle, 1874, in-8).
FLETCHER (Maria-Jane), femme de lettres anglaise,
née à Measham (Derbyshire) en 1800, morte en 1833.
D'une santé délicate, elle sortit toute jeune de pension
et, avec sa famille, habita Manchester qu'elle quitta pour
suivre son mari, le Rév. W, Fletcher, aux Indes, où elle
' mourut du choléra à Poonah. Beaucoup de ses écrits pa-
rurent dans YAthœneum (de 1830 à 1832). Citons Phan-
tasmagoria (1825); Letters to the Young (1828);
Lays ofleisure hours (1832). Wordsworth lui dédia son
]>ohmeJLiberty (1829).
FLÊTRE (en flam, Vleteren). Corn, du dép. du Nord,
arr. d'Hazebrouck, cant. (S.-O.) deBailleul, surlaBecque
du Paradis ; 967 hab. Filage à la main. Fabrique de toiles
grossières ; tanneries. Eglise des xve et xvie siècles. An-
cienne tour du château des sires de Vignacourt,
FLETWOOD (V. Fleetwood).
FLÉTY. Corn, du dép. de la Nièvre, arr. de Château-
Chinon, cant. deLuzy; 518 hab.
FLEU R. I. Botanique. — On donne le nom de fleur, chez
les Phanérogames, à l'ensemble des organes de la fécondation
(androcée et gynécée), qu'ils soient ou non entourés d'enve-
loppes florales (corolle et calice, ou périanthe); si l'an-
drocée ou le gynécée est absent, on donne encore le nom
de fleur à l'ovaire ou aux étamines qui restent. Enfin, par
extension, on appelle fleurs stériles celles qui sont ré-
duites aux enveloppes florales, soit par avortement, soit
par transformation des organes de la fécondation. Toutes
les parties de la fleur, sépales, pétales, étamines, carpelles,
sont des feuilles modifiées (V. Métamorphose [Fleurs
doubles des jardins]). Quant à la disposition relative des
diverses parties d'une fleur complète, elle est donnée par
son diagramme.
diagramme. On appelle diagramme d'une fleur le plan
en projection horizontale de cette fleur, c.-à-d. des diffé-
rents verticilles qui la composent. Les pièces de ces ver-
ticales viennent se placer sur des circonférences concen-
triques, les sépales ou pièces du calice sur la circonférence
la plus extérieure, les pétales ou pièces de la corolle sur
la deuxième circonférence, les étamines sur la troisième,
ou sur la troisième et la quatrième, etc., selon le nombre
de verticilles que comprend l'androcée, enfin l'ovaire sur la
circonférence la plus interne. On construit les diagrammes
en menant des plans perpendiculaires à Taxe de la fleur ou
du bouton floral ; rarement une seule section perpendicu-
laire suffit pour avoir le diagramme complet ; le plus sou-
vent on doit pratiquer deux sections, l'une au niveau de
l'ovaire, l'autre à une certaine distance, et Ton superpose
les deux sections en faisant coïncider leurs centres pour
avoir la projection de toute la fleur sur un même plan
horizontal. Les fig. 1, 2, 3 représentent les diagrammes
Fig. 1. — Diagramme
trimère.
Fig. 2. — Diagramme
têtramère.
correspondant aux types ternaire (fleurs trimères), qua-
ternaire (fl. tétramères) et quinaire (fl. pentamères);
on trace ces diagrammes en décrivant cinq cercles concen-
triques dont deux pour les étamines ; on divise la circon-
férence extérieure en six, huit ou dix parties égales et on
joint les points de division au centre par des lignes droites;
les lignes noires indiquent les
rayons, les lignes pointillées
les interrayons ; dans les dia-
grammes trimère et pentamère ,
les rayons sont le prolonge-
ment des interrayons; dans
le diagramme têtramère les
rayons et les intrarayons sont
des lignes différentes. Dans les
exemples choisis, les sépales,
les étamines du verticille ex-
terne et les loges de l'ovaire
sont sur les rayons, les pétales
et les étamines du verticille
interne sur les interrayons.
verticille d'étamines ; les pétales et les sépales, au: lieu
d'être alternes, peuvent être opposés , l'ovaire peut par
exemple être trimère (triloculaire) et les autres verticilles
floraux pentamères, etc., d'où des diagrammes de type
très différents. — On voit donc que les diagrammes per-
mettent de saisir d'un coup d'œil la disposition relative des
différentes parties de la fleur. De plus, la comparaison des
diagrammes de groupes plus ou moins voisins peut faire
ressortir des affinités importantes. Réciproquement, les affi-
nités connues entre des groupes de plantes permettent de
compléter le diagramme de certaines fleurs en représentant
les parties qui devraient s'y trouver et qui ont avorté. Le
diagramme obtenu directement est appelé empirique, le
diagramme complété est le diagramme théorique. Prenons
pour exemple le diagramme empirique et théorique d'une
fleur de Graminée (fig. 4). — Aux fleurs régulières, irré-
Fig. 3, — Diagramme
pentamère.
Il peut n'y avoir qu'un
FLEUR
600 —
gulières et asymétriques correspondent naturellement des
diagrammes réguliers (présentant plusieurs plans de symé-
trie), irréguliers (offrant un seul plan de symétrie : Vicia
W
>>l\\
Fig. 4. — Fleur de Graminée : a, diagramme
empirique ; b, diagramme théorique.
cracca, par exemple), asymétriques (Alchemilla arvensis,
par exemple). Les fleurs régulières sont encore appelées
actinomorphes, les fleurs irrégulières zygomorphes.
Dans la construction des diagrammes, nous avons jus-
qu'à présent supposé les pièces des différents verticilles
Fig. 5. — Diagramme du
Laurier. Corolle gamo-
pétale.
Fig. 6. — Diagramme du
Géranium pratense.
Soudure • des étamines.
séparées les unes des autres ; or, il peut y avoir concres-
cence des pièces d'un même verticille entre elles (calice
gamosépale, corolle gamopétale, étamines réunies en tube);
ces dispositions peuvent être indiquées sur les diagrammes ;
voici l'exemple d'une corolle gamopétale, celle du Laurier
(fig. 5), et l'exemple d'une fleur {Géranium pratense) dont
les étamines sont soudées (fig. 6). De plus des concrescences
Fig. 7. — a, corolle de la Consoude avec étamines soudées
sur elle; b, diagramme de la même fleur.
peuvent avoir lieu entre les parties de verticilles différentes;
ainsi par exemple dans la grande Consoude il y a soudure
des étamines avec la corolle (fig. 7). D'autres fois il y a
réduplication des organes, ce que les diagrammes repré-
sentent aisément. — Enfin, outre les types décrits, il existe
des diagrammes avec deux ou six pièces florales par verti-
cille, c.-à-d. dimères et hexamères; ils sont rares et nous
n'y insisterons pas.
Organographie. La fleur est ordinairement portée sur
un pédicelle ou pédoncule; lorsque celui-ci est absent,
la fleur est dite sessile. Le pédicelle est souvent élargi à sa
partie supérieure, où il forme le réceptacle ou thalamus,
qui supporte toutes les parties de la fleur, tout comme un
rameau quelconque supporte les feuilles. Cette analogie est
la plus nette quand le réceptacle a la forme cylindro-co-
nique (Myosurus, Magnolia, etc.); sur cet axe, plus ou
moins étiré, s'insèrent dans V ordre spiral toutes les
pièces qui forment les verticilles floraux, comme font les
feuilles alternes sur une branche. Ailleurs ce réceptacle
est surbaissé (certaines Anémones), ou renflé en sphère
(Renoncule), sans que l'ordre spiral d'insertion des pièces
de la fleur soit modifié ; souvent le réceptacle affecte la
forme d'un cône ; alors les pièces du périanthe s'insèrent
près de la base, celles de l'androcée et du gynécée plus
haut ; il peut aussi arriver que le réceptacle prenne la
forme d'un plateau horizontal (Matthœa); d'autres fois il
se creuse en cupule, mais la portion centrale se relève
comme le fond d'une bouteille (nombr. Rosacées) ; cette
portion centrale porte ordinairement le gynécée ; le som-
met organique, élevé dans le réceptacle convexe, s'abaisse
quand il se creuse en cupule. Nous ne pouvons insister
sur toutes les formes et irrégularités du réceptacle ; on con-
çoit que sa forme joue un rôle important au point de vue
de la hauteur d'insertion des différents verticilles, d'où les
dispositions connues sous les noms à'hypogynie (le plan
de l'androcée est situé plus bas que celui du gynécée, le
périanthe et les étamines sont hypogynes), de périgynie
(plan du réceptacle horizontal ou dans les cas de concavité
du réceptacle implantation des étamines et du périanthe
sur les bords de la cupule au même niveau que le gynécée
porté sur le cône central relevé), enfin à'épigynie{le plan
de l'androcée est plus élevé que celui du gynécée); il est
évident qu'on peut observer toutes sortes de transitions
d'une disposition à l'autre. Ajoutons que dans Thypo-
gynie l'ovaire est dit supère, que dans l'épigynie il est
dit infère.
Rarement une plante ne porte qu'une fleur ; lorsqu'il en
existe un grand nombre, elles naissent diversement sur la
tige ou les rameaux et se groupent diversement ; cette dis-
position a reçu le nom d'inflorescence (V. ce mot). Nous
ne décrirons pas ici les différents verticilles floraux ; leur
étude est faite aux mots Calice, Corolle, Périanthe,
Etamines, Pistil. Lorsqu'un ou plusieurs de ces verticilles
manquent, les fleurs sont dites incomplètes. Assez souvent,
en dehors du calice, on remarque un verticille d'écaillés
vertes ou de bractées, assez semblables à des sépales et
formant comme un calice supplémentaire ; c'est le cali-
cule. Toutes les fleurs qui renferment à la fois des éta-
mines et un pistil sont hermaphrodites ; celles qui ne ren-
ferment que des étamines sont appelées fleurs mâles, celles
qui ne renferment que le pistil sont des fleurs femelles;
ces deux sortes de fleurs sont dites unisexuées. Lorsque
les fleurs mâles et femelles se développent sur un même
pied, la plante est dite monoïque (Bouleau, Ortie, Noise-
tier, Concombre, etc.); lorsque les fleurs mâles et les fleurs
femelles sont portées sur des individus différents, la
plante est dite dioïqae (Peuplier, Saule, Houblon, Mercu-
riale, etc.). Les plantes qui ont à la fois des fleurs mâles,
femelles et hermaphrodites, sont dites polygames (Erable).
Nous avons déjà dit que les fleurs réduites à leurs enve-
loppes florales sont dites stériles; on les appelle encore
neutres; les plantes qui les portent possèdent en même
temps des fleurs sexuées (fleurs extérieures des Composées
Corymbifères et de la Viorne, dont les variétés cultivées
peuvent n'avoir que des fleurs neutres). — Chez certains
Cryptogames, les Mousses, par exemple, on désigne parfois
sous le nom de fleurs le premier état des organes sexuels,
archégone, anthéridie, etc. (V. ces mots).
Physiologie. La fleur a pour fonction spéciale de donner
naissance au fruit et à la graine, c.-à-d. d'assurer la repro-
duction de l'espèce (V. Fécondation). DrL. Hahn.
IL Nomenclature. — - Fleur ambrevale (V. Polygala).
— F. d'amour (V. Pied d'alouette). — F. d'araignée
(V. Nigelle). — F. de Constantinople (V. Lychnis). — F.
de coucou (V. Lychnis et Narcisse). — F. de douze heures
(V. Ornithogale). — F. delà Passion (V. Passiflore).
— F. delà Saint-Jean (V. Galium). — F. de la Trinité
(V. Violette). — F. de musc (V. Ketmie). — F. de mol-
let (V. Pivoine). — F. de Pâques (V. Pâquerette). —
F. DE QUATRE HEURES (V. MIRABILIS). — F. DE SA1NT-
Jàcques (V. Séneçon). — F. de Saint- Jean (V. Armoise).
— 601
FLEUR
— F. de Saint-Joseph (V. Laurier rose). — F. de
TOUS LES MOIS (V. SoUCl). — F. DE YEUVE (V. Scà-
bieuse). — F. d'hiver (V. Eranthis). — F. des Teintu-
riers (V. Genêt). — F. d'un jour (V. Tradescantià). —
F. du Parnasse (V. Parnassie). — F. du printemps
(V. Primevère). — F. du Saint-Esprit (V. Peristeria).
F. du Vendredi-Saint (V. Lychnis). — F. du yent (V.
Anémone). Ed. Lef.
III. Industrie. — Fleurs artificielles. — Les peuples
ont recouru de bonne heure à l'imitation des fleurs naturelles
dont la fraîcheur, comme la floraison, sont de si courte durée.
Les peuples de l'Inde primitive avaient poussé très loin la
fabrication des fleurs artificielles ; d'un autre côté, les sépul-
tures antiques de Thèbes ont mis à découvert des fleurs faites
de lin de couleur qui prouvent que les Egyptiens n'étaient
pas restés étrangers à cette industrie. Suivant M. Natalis
Rondot, les livres chinois ne font mention des fleurs arti-
ficielles qu'au 111e siècle de notre ère ; on a des renseigne-
ments assez précis sur la nature de ces imitations dans le
cours du xe siècle. Ainsi, sous les Tchéou postérieurs
(951-960), il fut enjoint aux dames du palais de faire des
fleurs de pêcher avec des feuilles de mica et de s'en parer
lorsqu'elles devaient manger à la table de l'empereur, et
celui-ci promettait sa faveur à la dame dont les fleurs
seraient les plus belles. On imita les fleurs de pêcher jus-
qu'au jour où des fleurs de prunier, détachées par le vent,
tombèrent sur la joue de la princesse Cheou-Yang. L'usage
des fleurs artificielles dans la coiffure est, notamment depuis
le xme siècle, presque universel en Chine. Les missionnaires
ont fait connaître le mode de travail et le degré d'habileté
des ouvriers de Pékin au XYine siècle : « La consommation
prodigieuse des fleurs artificielles et leur bon marché,
lit-on dans les mémoires concernant les Chinois, sont au
delà de tout ce que nous pouvons dire. Ce qui nous frappa
le plus fut la manière dont les ouvriers taillant leurs diffé-
rentes espèces d'étoffes de soie, leur font prendre la forme
qu'ils veulent avec des fers chauds et des moules, puis en
varient les couleurs à leur gré. Ce qui sort de leurs mains
est si fini que l'empereur Kang-Ki défia une fois le père
Parennin de distinguer entre divers pieds d'orangers qui
étaient dans la salle, les naturels d'avec les artificiels. »
Chez les Romains, les couronnes de fleurs artificielles eurent
un rôle très important. Celles d'hiver, dont on se servait
quand la terre ne donnait plus de fleurs, étaient faites de
lames de cornes teintes de diverses couleurs. Mais on finit
par accorder la préférence à de certaines fleurs parfumées,
faites en soie, exécutées d'après des dessins indiens et que
l'on fabriquait à Alexandrie. De Byzance, l'usage des fleurs
artificielles passa à Venise, d'où les Italiens l'introduisirent
en France dans la seconde moitié du moyen âge. Au
xive siècle et au xve, les chapeliers de fleurs disposaient
des fleurs naturelles pour l'ornement de la coiffure, et il est
à présumer qu'à certains moments de l'année ils les rem-
plaçaient par des fleurs faites avec du parchemin, du velours
et de la soie tissée. Celles-ci, connues sous le nom de fleurs
italiennes, se confectionnaient à l'aide de rubans que l'on
faisait et auxquels on donnait une forme aussi naturelle
que possible à l'aide de fils de fer ou de cuivre adroitement
dissimulés. Mais l'usage des fleurs artificielles ne se répan-
dit sérieusement qu'au xvme siècle, lorsqu'on eut substitué
aux rubans des plumes, matières premières beaucoup plus
élégantes, mais auxquelles il était plus difficile de donner
les nuances requises. Le plumage des oiseaux de l'Amé-
rique du Sud, qui ne perd jamais ses teintes brillantes, est
particulièrement propre à cet usage, et les indigènes de
cette partie du monde ont longtemps pratiqué avec succès
la fabrication des fleurs en plumes.
Les plumassiers, d'après les statuts qui leur furent accor-
dés par Henri IV, avaient le droit de teindre les bouquets
de fleurs pour mettre sur les autels des églises, sur les
buffets et sur les lits de personnes de condition ; mais ce
privilège ne concernait que les fleurs en plumes d'oiseaux
et aussi les fleurs en étoffe. Dans le courant du xvme siècle,
la fabrication des fleurs artificielles fit des progrès sen-
sibles : ce fut alors que les plumassiers et les faiseuses de
modes commencèrent à s'emparer de cette industrie. Mais,
jusqu'à cette époque, on n'avait reproduit que des fleurs de
fantaisie* Vers 1708, un nommé Séguin, natif de Mende,
dans le Gévaudan, étant venu s'établir à Paris, eut l'heu-
reuse idée d'appliquer ses connaissances en botanique et
en chimie à la reproduction des fleurs. Il découpait aux
ciseaux tous les organes gui composent les fleurs ; c'est
lui qui, le premier, introduisit en France la mode des fleurs
artificielles semblables à celles fabriquées en Italie, c.-à-d.
en étoffe et en moelle de sureau. Bientôt de nouvelles ma-
tières telles que la gaze, le taffetas et la batiste, furent
employées en même temps que le papier, le parchemin, la
coque de ver à soie et la toile. Enfin, en 1770, un Suisse
imagina d'employer l'emporte-pièce, espèce de poinçon évidé
avec lequel on découpe d'un seul coup plusieurs feuilles ou
pétales. Peu à peu, on se servit du gaufroir gravé et de sa
cuvette, entre lesquels on place les feuilles découpées pour
leur donner, à l'aide d'une presse, les nervures caracté-
ristiques. Lors de la réorganisation des communautés, en
1776, le privilège de faire des fleurs artificielles fut accordé
aux faiseuses de modes et aux plumassiers qui prirent le
titre de maîtres et de maîtresses fleuristes en tête des sta-
tuts que la nouvelle communauté reçut en 1784. A la fin
du xvme siècle, les -fleurs fabriquées à Paris avaient une
réputation universelle : onze grands fabricants s'occupaient
de cette industrie, entre autres le sieur Beaulard. Plus tard,
ce fut Joseph Wengel qui fit les fleurs artificielles de Marie-
Antoinette ; il donna des leçons aux dames de la cour, et
parmi elles à Mme de Genlis qui excellait surtout dans l'art
de faire les bleuets, les coquelicots et les marguerites.
Wengel, à la fois botaniste et artiste, perfectionna beau-
coup la fabrication des fleurs artificielles ; il publia un
livre, en 1790, où il proposait de créer à Paris une manu-
facture capable d'occuper 4,000 femmes à la fabrication
des fleurs. La Révolution ralentit le mouvement en avant
des fleurs artificielles, mais, dans les dernières années du
Directoire, des fleuristes habiles surgirent de toutes parts.
De 1820 à 1830, la fabrication prit un nouvel essor ; les
fabriques se divisèrent en spécialités et obtinrent de cette
manière des produits plus façonnés et d'un prix moindre.
Les fleuristes artificiels tels que Jourdan, Mme Roux, Mme Pré-
vost, eurent un certain succès en poussant jusqu'aux der-
nières limites l'art d'imiter la nature. Selon .un journal de
modes, intitulé le Protëe (juil. 1834), les coquettes des
premières années du règne de Louis-Philippe ne connais-
saient qu'un fleuriste, le célèbre Batton, breveté de la mode
pour ses fleurs chinoises et son noisetier des Indes. On
vantait surtout, pour la garniture des chapeaux, ses longues
grappes d'acacia rosé, son ébénier, son chèvrefeuille, les
roses des quatre saisons. Batton avait imaginé des épis de
riz, dont les grains transparents formaient de longues et
fortes grappes entourées de barbes touffues. Constantin fut,
à la même époque, un artiste de grand talent.
Après 1840, les fleurs de velours, de chenille, les feuil-
lages de taffetas et l'article clinquant ouvrirent au commerce
des fleurs artificielles des débouchés nouveaux. A cette
époque, on comptait à Paris 143 fabricants de fleurs et
16 marchands d'apprêts. Les événements de 1848 ame-
nèrent l'emploi des feuillages artificiels pour les fêtes pu-
bliques. Depuis cette époque, l'art du fleuriste n'a point
cessé de faire des progrès. En résumé, les progrès de la
fabrication des fleurs artificielles n'ont réellement reçu leur
plein développement qu'à partir de l'année 1826, lorsque
la division du travail eut facilité son essor ; alors seule-
ment, les diverses opérations qui constituent la fabrication
cessèrent d'être exécutées dans le même atelier, et il s'éta-
blit des industriels spéciaux pour la fabrication des outils,
pour le trempage des étoffes, la fabrication des diverses
fleurs, pour l'assemblage et le montage. L'outillage amé-
lioré permit de produire des formes plus variées ; les pro-
cédés de teinture se multiplièrent et donnèrent des nuances
FLEUR
— 602
plus fines ; la fabrication de nouvelles étoffes et de nou-
veaux papiers, en même temps que l'emploi de matières
récemment découvertes, comme la gutta-percha et le collo-
dion, donnèrent le moyen de rendre les apprêts plus déli-
cats. La division du travail est poussée si loin aujourd'hui
que certains fabricants s'adonnent spécialement à la repro-
duction de quelques espèces, notamment de la rose, de
l'œillet et de la fleur d'oranger pour bouquets et couronnes
de mariées. Viennent ensuite les fabricants spéciaux, dits
marchands d'apprêts, qui font et vendent aux fleuristes les
calices, pistils, étamines, bourgeons; ceux qui fabriquent
les fruits et les boutons pleins ; ceux qui préparent exclu-
sivement les feuilles, folioles et appendipes nécessaires pour
monter les branches fleuries ; des industriels appelés ver-
duriers font les herbes, les épis, les graines et les parures
des fleurs et, enfin, d'autres fabricants ont pour spécialité
les poudres diamantines brillantes qu'on obtient en dispo-
sant, sur des plaques de verre collodionnées, la matière
colorante en couche mince : ces plaques sont soumises à
une haute température ; la peinture s'écaille ; elle est re-
cueillie, pulvérisée très finement et utilisée pour donner
plus de fraîcheur à la fleur. Les fleuristes proprement dits
font l'assemblage et la soudure des organes des fleurs, la
confection des pétales et celle des branches fleuries. Ces
industriels teignent chez eux ou font teindre au dehors les
étoffes destinées à faire les fleurs fines, telles que les mous-
selines de Tarare et de Saint-Quentin, soieries, velours de
soie et de coton ; puis ils font mettre en œuvre et assembler les
apprêts par des ouvrières fleuristes; Ces ouvrières se divisent
en fleuristes spéciales pour fleurs sur nature et en ouvrières
pour fleurs de fantaisie. Indépendamment des fleurs fines,
les fleuristes fabriquent aussi des fleurs communes qui ne
sont guère employées qu'à composer des bouquets d'église
et de salon. Ces fleurs se font en papier qu'on achète tout
trempé chez les fabricants de papier.
Les matières principales employées pour la confection
des fleurs artificielles sont : le nansouk, le jaconas, la
batiste, le taffetas, le satin, la mousseline, la gaze, le crêpe,
pour les pétales ; le taffetas de Florence, le velours, la
peluche, pour les feuilles ; on se sert encore de cocons de
vers à soie, de baleines taillées en feuilles et blanchies,
de rubans, de plumes d'oiseau, de cuir, de cire, de papier,
de fil de fer et de laiton, etc. tes outils dont les fleuristes
font presque exclusivement usage sont peu nombreux. Les
pinces ou brucelles sont employées pour saisir les parties
des fleurs à assembler. C'est en tenant la pince sur le côté
qu'on trace les stries des pétales, et c'est, avec la tête des
brucelles trempée dans la colle qu'on fixe les parties les
plus délicates. Les boules de bois ou de fer servent à
bouler, c.-à-d. rendre concaves ou convexes les pétales. Le
nombre des boules est de 42, variant de 2 à 35 millim. ;
la plus petite se nomme boule d'épingle. Le pied-de-biche
est un mandrin à crochet dont on se sert pour former la prin-
cipale côte des pétales. Le découpoir ou emporte-pièce sert
à découper les pétales et les feuilles et à leur donner l'ap-
parence des pétales et des fleurs naturelles. Le gaufroir ou
fer à frapper les feuilles donne aux feuilles l'apparence de
la nature. La fabrication des fleurs artificielles comprend
quatre opérations principales : le découpage, le gaufrage,
l'assemblage et le montage. Le découpage se fait générale-
ment au découpoir, mais souvent aussi on découpe les
pétales et les feuilles à l'aide de ciseaux et d'après des
patrons tracés à l'avance sur des feuilles et des pétales
naturels. Le gaufrage s'exécute ensuite soit à la pince,
soit à la boule. L'assemblage consiste à réunir les pétales
autour du cœur de la fleur. Le montage a pour but la
réunion des diverses parties de la fleur à la tige et des
différentes tiges à la branche principale.
Les procédés mécaniques permettent aujourd'hui de fabri-
quer très rapidement les fleurs artificielles. L'étoffe, mous-
seline ou nansouk, reçoit d'abord à la brosse un apprêt
d'amidon et de gomme plus ou moins teintée. Lorsqu'elle
est sèche, on découpe à l'emporte-pièce l'étoffe pliée en
neuf et l'on obtient ainsi les pétales de la corolle et les
sépales du calice, appelés araignes. Le frappeur, ouvrier
chargé de ce travail, fait alors un certain nombre de
pétales et les passe à l'ouvrier chargé de leur donner le
trempé et les nuances. Cet ouvrier, après avoir plongé
les pétales un instant dans l'eau pour obtenir une teinte
bien égale, les débarrasse à l'aide de papier buvard de leur
excès d'humidité, puis il étage ses pétales sur un coussinet
et laisse tomber sur chacun d'eux une goutte de couleur
qu'il dégrade soit au pinceau, soit avec le doigt. Ensuite,
si cela est nécessaire, il panache le pétale au pinceau et
imite toutes les nuances accidentelles que celui-ci peut pré-
senter. On termine par le rinçage dans une eau additionnée de
mordants qui fixent la couleur, par le séchage à l'étuve, le
triage et la mise en boîtes. Ces boîtes, contenant en général
une grosse, sont distribuées aux fleuristes. L'ouvrière a devant
elle, sur une table, du fil de fer appelé trait, un petit pot de
colle de gomme arabique, de la ouate, des pinces, des boîtes
contenant les pétales, les pistils et les étamines. Veut-elle faire
une rose à demi éclose, elle commence par gaufrer les pétales
au moyen de la boule et presse le pétale en tous sens,
étirant l'étoffe pour lui faire prendre la forme imitée. Avec
la baguette de fer qui surmonte la pince, elle modèle, en
les retournant plus ou moins, les bords externes des pétales
qui doivent être différents, suivant qu'ils appartiennent au
centre ou à la surface de la feuille. Les pétales sont ensuite
assemblés sur un trait à l'extrémité duquel l'ouvrière en-
roule d'abord de la ouate; elle colle sur la ouate par
l'onglet les pétales intérieurs, puis les extérieurs, puis enfin
le calice. Cela fait, elle entoure le trait d'une bande de
papier, d'étoffe ou de baudruche colorée en vert. Enfin, avec
la baguette de sa pince, elle repasse l'extrémité des sépales
et, quand la fleur est terminée, elle pique son trait dans
une pomme de terre fixée sur une petite tige de fer. Les
fleurs terminées sont groupées par grosses et peuvent être
vendues telles quelles pour être assemblées ensuite avec des
feuilles et d'autres fleurs. Découpées comme les pétales,
les feuilles passent dans les mains des ombreurs qui, au
moyen de gabarits formant réserves, peignent sur le pre-
mier fond uni des parties nuancées et figurent des nervures
avec des couleurs à l'eau. Les feuilles sont ensuite munies
d'un trait qui servira de queue, puis sont frappées dans
une presse à balancier, dont le poinçon et la matrice leur
donnent l'apparence d'une feuille végétale. On les passe
ensuite dans un bain de cire vierge ou dans un vernis
teinté ; enfin, elles reçoivent à la brosse une très légère
couche de fécule de pommes de terre, qui leur donne un
aspect agréable". Pour velouter les feuilles, on étend dessus
une substance adhésive et transparente et on les saupoudre
de tontisse. Les boutons de fleurs d'oranger, faits autrefois
si difficilement en fixant sur une boule d'ouate les rognures
de peau blanche, se terminent aujourd'hui en trempant ces
boutons de ouate dans la cire blanche.
La fabrication des fleurs artificielles, industrie essen-
tiellement parisienne, a acquis depuis quelques années un
grand degré de perfection, et elle ne s'arrête pas dans cette
voie. Si intéressante à beaucoup de titres, elle l'est surtout
au point de vue des ressources qu'elle offre aux femmes,
aux jeunes filles, aux enfants ; elle leur assure un salaire
rémunérateur, un travail facile, pas fatigant, qui développe
le goût et, comme elle ne demande qu'un petit capital pour
fonder un établissement chez soi, elle permet aux familles
sérieuses d'arriver à se créer une position indépendante.
Paris n'a pas seul, comme autrefois, le monopole de la
fabrication des fleurs artificielles : Lyon, Bordeaux, Nancy,
Tours, Nantes et Rouen se livrent aussi à ce genre d'in-
dustrie ; mais les produits parisiens l'emportent sur tous
ceux des autres villes de France et de l'étranger par la
perfection de travail et le bon goût qui les distingue. L'An-
gleterre, l'Amérique et surtout l'Allemagne, avec ses
grandes manufactures, luttent vigoureusement contre nous
sans nous égaler. Il y a dix ans, la statistique portait
à 2,000 le nombre des fabriques ; aujourd'hui il dépasse
— 603 —
FLEUR - FLEURANCE
3,000 en France. Les salaires qui étaient, à la première
époque, de 2 fr. à 2 fr. 50 pour les femmes, sont aujour-
d'hui de 2 fr. 50 à 3 fr. 50 ; celui des hommes (trempeurs,
découpeurs, feuillagistes), qui variait entre 3 et 4 fr., est
maintenant de 4 à 7 fr. Le chiffre d'affaires de cette indus-
trie peut être évalué à 30 millions, dont deux tiers pour
la consommation et un tiers pour l'exportation ; les impor-
tations n'atteignent pas 400,000 fr. L. Knab.
Boyaux pour fleurs artificielles (V. Boyauderie).
IV. Arts décoratifs. — - La fleur a été de tout temps un
des éléments les plus importants de Jl'art décoratif. Les
sculptures les plus anciennes présentent à côté des figures
d'hommes et d'animaux des représentations de feuillages
et de fleurs ; lourde et massive aux époques primitives, la
fleur devient svelte et gracieuse lorsque les arts arrivent à
leur apogée. La décoration intérieure des maisons de Pom-
péi présente d'admirables modèles de fleurs peintes ou
modelées en stuc. Mais c'est dans l'ornementation des édi-
fices gothiques de la belle époque, et aux débuts de la
Renaissance en Italie, que l'on trouve cet art charmant
porté à son plus haut degré de perfection, luttant d'élé-
gance et de précision avec la nature même. Chaque siècle a
apporté son génie particulier dans la compréhension et le
rendu de la flore ornementale, tantôt la contenant dans
des lignes sévères et symétriques, comme le xvne, tantôt
la laissant s'épanouir dans une liberté et une fantaisie
encore de convention, comme le xvnr3. En dehors de leurs
attributions spécialement décoratives, et subordonnées aux
exigences de l'architecture, les fleurs ont servi de^hème
favori à de nombreux artistes ; la délicatesse de leur forme
et de leur coloris a été fixée dans de véritables chefs-
d'œuvre. Ad. T.
V. Architecture. — Fleur du chapiteau. — Petite
rosace, palmette ou quintifeuille, se détachant généralement
au milieu de chaque face du tailloir du chapiteau , surtout
dans les ordres corinthien ou composite et dans les pilastres
d'attique, tant dans les monuments antiques que dans ceux de
la Renaissance et des temps modernes. Souvent cette fleur du
chapiteau fut remplacée par des motifs symboliques, comme
une étoile à l'Institut de France (ancien collège Mazarin),
un lion à la colonne de Juillet, une colombe, image du
Saint-Esprit, dans ]es édifices chrétiens, et même par des
têtes, comme au temple de la Paix, à Pœstum, dans un
chapiteau antique trouvé à Cori et dans nombre d'édifices
modernes. Charles Lucas.
VI. Alchimie. — Le mot fleur est employé par Diosco-
ride et par Pline pour désigner certains produits métal-
liques ou salins : flos œris, fleur de cuivre, projetée par
le vent du soufflet pendant la coulée du métal ; ce mot a
désigné aussi le protoxyde de cuivre et, plus tard, le vert-
de-gris ; flos salis, efflorescence saline : ce qui signifie,
suivant les cas, le sel marin, le sesquicarbonate de soude,
le sulfate de soude et le salpêtre.
Chez les alchimistes, le "mot a pris un sens plus com-
préhensif et dans lequel intervient le double sens des mots
flos et av8os, qui désignent à la fois la fleur d'une plante
et la couleur ou principe colorant d'une dissolution. C'est
ce que montrent certains passages de Synésius. Il insiste
notamment sur la sublimation des matières volatiles, ap-
pelées esprits ou fleurs des métaux, assimilées aux âmes
des plantes et désignées par les noms de celles-ci, confor-
mément aux principes de la nomenclature des prophètes
égyptiens. Ce sont, pour nous, des oxydes et des sulfures
sublimés et entraînés par les gaz, pendant les opérations
chimiques. On dit encore fleurs aujourd'hui, dans un sens
analogue aux alchimistes '.fleurs argentines d'antimoine,
fleurs de zinc, fleurs de soufre. On disait également au
siècle dernier : fleurs d'antimoine, pour le sublimé jaune
et en partie oxydé, que fournit le sulfure naturel ; fleurs
rouges d'antimoine, pour un sulfure rouge, formé en pré-
sence du sel ammoniac ; fleurs d'arsenic, pour l'acide
arsénieux sublimé ; fleur de sel ammoniac, pour ce sel
sublimé ; fleurs de benjoin , pour l'acide benzoïque
sublimé. Les noms fleurs de safran et safrans désignaient
diverses matières minérales colorées, des sulfures d'arse-
nic, par exemple ; le safran des métaux était un oxysul-
fure d'antimoine ; le safran de Mars, un oxyde ou sel
basique de fer, etc. Les fleurs d'alun sont l'alun de
plume ; les fleurs de cobalt sont une efflorescence miné-
rale rose, annonçant les mines de cobalt.
Rappelons encore que le mot fleur s'applique de nos
jours au velouté des fruits, à la farine la plus fine, aux
mycodermes qui se forment à la surface du vin et de la
bière altérés, etc. Une fois le mot fleur prononcé, il était
développé de toute manière, avec des sens métaphoriques.
De même, dans d'autres passages, certaines substances
minérales sont appelées plantes ou herbes ; on assimile
leur accroissement à celui des végétaux, et les teintures
métalliques fugaces sont assimilées aux couleurs végétales.
De même encore les écailles ou morceaux du cobathia
rouge, c.-à-d. des sulfures d'arsenic, sont assimilés aux
écorces et rameaux des palmiers. La connaissance de ces
analogies et de ces assimilations est indispensable pour
bien entendre les textes alchimiques. M. Berthelot.
VIL Gravure. — Fleur de soufre (V. Soufre).
VIII. Histoire. — Fleur de lts (V. Lis).
IX. Art héraldique.— Figure naturelle qui ne prend
ce nom que lorsqu'on ne peut désigner l'espèce ; les plus em-
ployées' en armoiries sont les roses, les violettes, les lis de
jardin, les trèfles, les marguerites. Si elles sont tigées et
feuillées, on l'exprime en blasonnant, en ayant soin d'in-
diquer l'émail de la fleur, de sa tige et de ses feuilles, La
famille de Galandot porte : d'azur, à trois fleurs de
lierre d'or. Les bandes, fasces et autres pièces dont les
bords sont terminés par des fleurs, sont fleurées ou
contre-fleur êes si les fleurs sont opposées .
Fleur de lis (V. Lis).
X. Numismatique. — Fleur de coin.— Une monnaie
est dite à fleur de coin lorsque son état de conservation est tel
qu'on pourrait croire qu'elle vient d'être frappée, en d'autres
termes qu'elle sort du coin. Les monnaies antiques et du
moyen âge à fleur de coin sont particulièrement recher-
chées par les amateurs à cause de leur beauté artistique et
du bon effet qu'elles produisent dans les collections. Elles
ne sont pas moins précieuses pour les savants qui y trou-
vent des documents de premier ordre pour l'étude des
types et tout spécialement pour la détermination des
poids. M. P.
FLEU RAC. Corn, du dép. de la Charente, arr. de Cognac,
cant. de Jarnac ; 253 hab.
FLEU RAC. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de Sarlat,
cant. du Bugue ; 684 hab.
FLEU RAGE (Industr.) (V. Boulangerie, Meunerie).
FLEURANCE. Ch.-l. de cant. du dép, du Gers, arr. de
Lectoure, sur le Gers ; 4,282 hab. Stat. du ch. de fer du
Midi, ligne d'Agen à Àuch. Grand marché des tins et
des blés de l'Armagnac, Minoteries, bestiaux, volailles,
oies grasses. Fabriques de chaussures et de ganterie, fila-
tures de laine, tanneries, teintureries.
Ancienne bastide, fondée vers 1280 par le sénéchal du
roi de France, Eustache de Beaumarchais, sur un emplace-
ment appartenant aux religieux de Bouillas. Les franchises
qu'elle reçut, confirmées successivement par les rois de
France, lui assurèrent un prompt développement; mais, en
1425, Charles VII ayant donné cette ville à Charles d'Al-
bret, les habitants, forts de leurs privilèges, se résolurent
à interdire à leur nouveau seigneur l'entrée de la ville.
Louis XI, ayant confirmé à Jean d'Albret la concession
faite à son père, celui-ci s'empara de Fleurance en 1465,
à la tète d'un corps de quatre cents arbalétriers, fit pendre
les quatre consuls aux quatre portes de la ville, noyer le
procureur du roi qui avait fait cause commune avec les
habitants, massacrer les bourgeois, chasser dans la cam-
pagne les femmes et les enfants et livra la ville au pillage.
Fleurance a conservé le plan régulier des villes neuves du
moyen âge. Belle église du xive siècle (mon. hist.) à trois
FLEURANCE — FLEURIEU
— 604 -
nefs, flanquée d'une tour octogonale ; elle a été restaurée
en 1845. L'hôtel de ville est moderne. Vaste halle.
FLEU RANGES (Robert III de La Marck, seigneur de)
(Y. Robert de La Marck).
FLEURAT (Floriacum), Corn, du dép. de la Creuse,
arr. de Guéret, cant. du Grand-Bourg ; 734 hab. Eglise
dédiée à saint Michel, donnée par Févêque de Limoges,
Humbaud, à l'abbaye de Bénévent, vers 1090, mentionnée
dès 1002.
FLEURBAIX. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Béthune, cant. de Laventie; 2,525 hab.
FLEURÉ. Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. d'Ecouché; 317 hab.
FLEURÉ. Corn, du dép. de la Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de La Villedieu ; 425 hab.
FLEURÉE (Teint.) (V. Indigo). L'indigo, pour être
utilisé en teinture, doit passer à l'état soluble ; on prépare
cette substance en dissolution par divers moyens. Lorsque
la dissolution a été pendant quelque temps à l'air, une
oxydation survient et l'indigo au contact de l'air s'oxyde,
bleuit et perd, par conséquent, ses propriétés tinctoriales.
L'indigo ainsi oxydé, et qui se trouve sous forme d'écume
à la surface des cuves, s'appelle fleurée. On a soin de la
recueillir et de la traiter à nouveau après dessiccation par
les moyens ordinaires. La fleurée constitue de l'indigotine
presque pure ; elle entraîne avec elle des sels d'étain qui
passent à l'air à l'état de carbonate et que l'on peut faci-
lement éliminer par l'acide chlorhydrique faible. L. K.
FLEURET. I. Escrime. — Sorte d'épée qui sert aux leçons
d'escrime. La lame, très flexible, en est carrée et sans
tranchant ; un bouton de métal garni de basane en couvre
la pointe et ôte ainsi tout danger, pour l'adversaire, au
maniement de cette arme. Le fleuret est dit alors moucheté.
IL Industrie. — Grosse soie, très inférieure et peu
tordue, formée de frisons moulinés et employée à la fabri-
cation de certaines passementeries.
FLEUREY. Corn, du dép. du Doubs, arr. deMontbéliard,
cant. de Saint-Hippolyte ; 211 hab.
FLEUREY-lès-Faverney. Corn, du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Vesoul, cant. de Port-sur-Saône; 466 hab.
FLEUREY-lès-Lavoncourt ou lès-Morey. Corn, du
dép. de la Haute-Saône, arr. de Gray, cant. de Dampierre-
sur-Salon; 354 hab.
FLEUREY-lès-Saint-Loup (Floriacus). Corn, du dép.
de la Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Saint-Loup-
sur-Semouse ; 179 hab. Carrières de grès bigarré. Voie
antique. Chapelle du xme siècle. Prieuré de bénédictins,
fondé en 1134 par Humbert, archevêque de Besançon, qui
le donna à l'abbaye de Chaumouzey, laquelle s'en dessaisit
en faveur des jésuites du collège de Vesoul en 1651.
FLEUREY-sur-Ouche. Corn, du dép. de la Côte-d'Or,
arr. et cant. (O.) de Dijon; 823 hab.
FL E U R I . I. Architecture (V. Roman et Gothique fleuri) .
IL Littérature. — Style fleuri (V. Genre).
III. Musique. — Contrepoint fleuri (V. Contrepoint).
FLEU RIAIS (Georges-Ernest), marin français, né à
Paris le 14 juin 1840. Elève de l'Ecole navale (1855),
promu contre-amiral en févr. 1892, il se distingua dans la
campagne du Mexique et la guerre de Chine. Il s'est fait
remarquer par ses travaux scientifiques, observations des
passages de Vénus (à Pékin, 1874, et à Santa Cruz,
1884) et de Mercure sur le soleil (à Payta, 1878) ; déter-
minations de méridiens, relevés hydrographiques, etc.
FLEU RI AU. Famille originaire de Tours qui a fourni
plusieurs hommes cPËtat. Louis-Gaston Fleuriau d'Arme-
non ville, né à Paris en 1662, mort le 10 juin 1733, a été
évêque d'Aire (1698) et d'Orléans (1706). — Joseph-
Jean-Baptiste Fleuriau d'Armenonville, mort au château
de Madrid, près de Paris, le 27 nov. 1728, a été successi-
vement intendant, directeur général des finances (1701),
ministre de la marine (1716) , garde des sceaux (1722). Il
fut l'auteur d'une loi punissant de mort le vol domestique ;
il fut disgracié en 1727 et se retira au château de Madrid
que Louis XIV lui avait donné. — Charles-Jean-Baptiste
Fleuriau, comte de Morville, fils du précédent, né à
Paris, le 30 oct. 1686, mort à Versailles le 2 févr. 1732,
fut avocat du roi au Châtelet (1706), conseiller au parle-
ment de Paris, puis procureur général au grand conseil. Il
fut ensuite ambassadeur en Hollande (1718), et, après
avoir contribué à la formation de la quadruple alliance, il
assista au congrès de Cambrai en 1721 ; il succéda à son
père comme ministre de la marine (1722) et, le 10 août
1723, passa aux affaires étrangères. La même année, il
avait été élu membre de l'Académie française ; destitué par
Fleury le 49 août 1727, il entraîna son père dans sa dis-
grâce.
G. Regelsperger.
FLEURIAU de Bellevue (Louis-Benjamin), géologue
français, né à La Rochelle le 23 févr. 1761, mort à La
Rochelle le 9 févr. 1852. Il occupa les loisirs que lui pro-
curait une certaine aisance à des études et à des recher-
ches géologiques, qui lui valurent d'être nommé en 1816
corespondant de l'Académie des sciences de Paris. Il a pu-
blié, de 1790 à 1847, sur la géologie, la minéralogie et
la météorologie, une vingtaine d'intéressants mémoires pa-
rus dans le Journal de physique, le Journal des mines,
les Comptes rendus de l'Académie des sciences et le
Bulletin de la Société géologique de Paris. L. S.
Bibl. : Catalogue of scientific papers of the Royal So-
ciety ; Londres, 1868, t. II, in-4.
FLEURIE. Corn, du dép. duRhône,arr. de Villefranche-
sur-Saône, cant. de Beaujen ; 2,001 hab.
FLEURIEL. Corn, du dép. de l'Allier, arr. de Gannat,
cant. deChantelle; 957 hab.
FLEU RI ER. Grand village de Suisse, dans le val de
Travers, cant. de Neuchâtel; 3,329 hab. Très industriel,
l'un des centres de la fabrication horlogère ; distilleries
d'absinthe. Fleurier est relié à la grande ligne Berne-Pa-
ris, par Pontarlier, au moyen d'un chemin de fer régional.
FLEURIEU-sur-Saône, Corn, du dép. du Rhône, arr.
de Lyon, cant. de Neuville-sur-Saône; 447 hab.
FLEURIEU (Comte Charles-Pierre Claret de), homme
d'Etat et savant français, né à Lyon le 2 juil. 1738, mort
à Paris le 18 août 1810. Fils d'un lieutenant-général du
présidial de Lyon, il entra en 1752 dans la marine royale,
fit la guerre de Sept ans et reçut en 1762 le grade d'en-
seigne de vaisseau. En 1766, il aida Ferd. Berthoud (V.
ce nom) à construire le premier chronomètre; il fit lui-
même l'essai de deux nouvelles montres dans une cam-
pagne spéciale sur la frégate l'Isis (1768-69) et en ren-
dit compte dans une relation intitulée Voyage fait par
ordre du roi pour éprouver les horloges marines (Paris,
1773, 2 vol. in-4). Lieutenant de vaisseau en 1773, capi-
taine de vaisseau en 1776, directeur des ports et arse-
naux en 1777, il travailla en cette dernière qualité à la
réorganisation de notre marine et eut pendant toute la
durée de la guerre de l'indépendance américaine (1778-83)
la direction générale des opérations navales. Du 25 oct.
1790 au 15 avr. 1791, il fut ministre de la marine et des
colonies, du 17 avr. 1791 au 10 août 1792, gouverneur
du jeune dauphin, fut incarcéré aux Madelonnéttes dès les
premiers jours de la Terreur et en sortit sain et sauf le
9 thermidor. Devenu ensuite et successivement membre de
l'Institut et du Bureau des longitudes (1795), du conseil
des Anciens (1797), du conseil d'Etat avec la présidence de
la section de la marine (1799), appelé à quatre reprises
différentes, de 1803 à 1804, à l'intérim du ministère
de la marine, il eut, dans la nouvelle cour impériale, la
charge d'intendant général de la liste civile (juil. 1804)
et se vit nommer coup sur coup, l'année suivante, séna-
teur, grand officier de la Légion d'honneur, gouverneur
du palais des Tuileries. En 1808, il fut fait comte. Dans
l'exercice de ces nombreuses fonctions, auxquelles s'ajou-
tèrent encore plusieurs missions spéciales, il se montra à
la fois officier distingué, administrateur habile et homme
d'Etat éclairé. Ses admirables travaux hydrographiques ont
d'autre part rendu les plus grands services à la science et
— 605 —
FLEURIEU — FLEURON
à la marine. Son Neptune des mers du Nord ou Atlas du
Cattégat et de la Baltique (Paris, 1809, in-4, et atlas
in-fol.), auquel collaborèrent Beautemps- Beaupré et Buache,
est une œuvre colossale, qui ne lui coûta pas moins de
vingt-cinq années de labeurs et de 200,000 livres de
dépenses, remboursées d'ailleurs à sa veuve. On lui doit
encore : Découverte des Français en il '68 et H69
dans le sud-est de la Nouvelle- Guinée (Paris, 1790,
in-4) ; Fondements des cartes du Cattégat et de la Bal-
tique (Paris, 1794, in-4); Voyage autour du monde
d'Et. Marchand, d'après le journal d'un officier de l'ex-
pédition (Paris, an vi, 4 vol. in-4). Il a enfin dirigé l'exé-
cution du Neptune américo-septentrional de Rigobert-
Bonne et a laissé, en manuscrit, la première partie d'une
Histoire générale des navigations de tous les peuples.
Léon Sàgnet.
Bibl. : Moniteur universel, années 1790, 1791, 1797 à 1808.
— Haillon, Discours aux obsèques du comte de Fleurieu;
Paris, 1810, in-4. — Eus. Salvestre, Notice biographique
surC.-P.Claretde Fleurieu; Paris,s.d.,in-8.— Delambre,
Notice sur le comte de Fleurieu, dans les Mémoires de
l'Académie des sciences de Paris, année 1816, 1. 1, p. lxxiii.
— Fréd. Chassériau, Notice sur le comte de Fie
Paris, 1856, in-8.
FLEURI EU X-sur-l'Arbresle. Corn, du dép. du Rhône,
arr. de Lyon, cant. de l'Arbresle; 718 hab.
FLEURIGNÉ. Corn, du dép. d'IUe-et-Vilaine, arr. et
cant. de Fougères ; 965 hab.
FLEURIGNY. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Sens,
cant. de Sergines, sur l'Oreuse; 485 hab. Eglise, sous le
vocable de Saint-Memmy, fin du xn° siècle, avec une cha-
pelle de la fin du xve siècle. Château de la Renaissance,
avec une chapelle de 1532 dont la voûte à compartiments
est remarquable par ses pendentifs finement sculptés ; les
vitraux sont attribués à Jean Cousin. Ancienne porte de la
comraanderie de Launay, de l'ordre du Temple. M. P.
FLEURINES (Florinœ). Corn, du dép. de l'Oise, arr.
de Senlis, cant. de Pont-Sainte-Maxence ; 672 hab. Ce
village, enclavé dans la forêt d'Halatte, dépendait dû prieuré
de Saint-Christophe, situé sur une butte à quelque dis-
tance. L'église est du xvie siècle. Il y a dans le village une
maison du xve. — Saint-Christophe s'appelait Hermenc à
l'époque mérovingienne ; , les rois de cette race y avaient
une maison de chasse sur l'emplacement d'un ancien temple
de Mercure. Jusqu'au xve siècle, les princes capétiens y
résidèrent souvent, soit dans une demeure leur appartenant,
soit au prieuré. C'est à Saint-Christophe que le roi Jean
institua, en 1351, l'ordre de l'Etoile. Le prieuré de Saint-
Christophe, fondé en 1061 par Waleran, chambrier de
France, appartenait à l'ordre de Saint-Benoît, sous la dé-
pendance du prieur de La Charité-sur-Loire. On compte
soixante prieurs à Saint-Christophe depuis l'origine jus-
qu'à 1790 ; le cardinal de Bernis fut l'un des derniers.
L'église est une construction du xie siècle ; elle a la forme
d'un T ; l'abside est carrée, à trois fenêtres romanes ; l'in-
térieur est également roman. Le prieuré, reconstruit en
1764, est devenu une maison de plaisance de laquelle on a
une vue magnifique. Le cartulaire de Saint-Christophe a
été restitué en 1876 par l'abbé Vattier. Briqueteries, tui-
leries. C. St-A.
FLEURIOT (Zénaïde-Marie-Anne), romancière française,
née à Saint-Brieuc en 1829, morte à Paris le 18 déc.
1890. Elle débuta en 1859 par des Souve?iirs d'une
douairière dont le succès l'encouragea à persévérer dans
la carrière littéraire . Elle a écrit, spécialement pour les
femmes et les jeunes filles, un nombre de romans consi-
dérable. Elle était .la collaboratrice assidue du Journal de
la Jeunesse et de la Bibliothèque rose. Nous citerons
seulement : Monsieur Nostradamus (Paris, 1875, in-8) ;
la Clef d'or (1870, in-16, 7e éd.) ; Sans beauté (1889,
in- 16, 17e éd.) ; le Théâtre chez soi (1873, in-16) ; la
Vie en famille (1862, in-16).
FLEURIOT de Langle (Alphonse-Jean-René, vicomte
de), marin français, né à Prudaleu (Finistère) le 16 mai
1809, mort à Paris le 22 juil. 1881. Elève de l'école
d'Angoulême, et du vaisseau-école V Orient, il fit la cam-
pagne d'Alger en 1830, la croisière de la Manche en 1832,
prit part à l'expédition scientifique du Spitzberg (1838-
1839), fut chargé de la répression delà traite sur la côte
d'Afrique (1840), fit partie de la mission du duc de Bro-
glie à Londres relative à la revision du traité sur le droit
de visite (1845) et devint aide de camp de l'amiral Mon-
taignès de La Roque. Après avoir commandé divers vais-
seaux, il fit la campagne de Crimée, puis fut nommé chef
de la division navale de l'Inde et de Madagascar (1858).
Contre-amiral en 1863, major général à Lorient, chef de
la croisière d'Afrique (1865), il prit part à la guerre franco-
allemande comme commandant du VIe secteur de l'enceinte
de Paris. Vice-amiral le 23 janv. 1871, il se présenta sans
succès à Paris aux élections pour l'Assemblée nationale.
On a de lui : Campagne de la Cordelière, Etudes sur
V océan Indien (Paris, 1862, in-8) ; Etudes sur les oura-
gans (1876, gr. in-8). — Son frère, Jacques-Charles, né
à Saint-Herblon (Loire-Inférieure) le 24 août 1805, mort
à Oudon le 16 mars 1888, entré jeune dans la cavalerie,
démissionna en 1830. Il fut élu le 8 févr. 1871 représen-
tant de la Loire-Inférieure à l'Assemblée nationale, siégea
à droite et combattit le gouvernement de M. Thiers.
FLEURIOT-Lescot (Jean-Baptiste-Edouard), cinquième
maire de Paris, né à Bruxelles en 1761, guillotiné à Paris
le 10 thermidor an II (28 juil. 1794). Après le triomphe
des troupes autrichiennes sur les révolutionnaires du Bra-
bant au nombre desquels il s'était signalé, il vint à Paris.
Membre assidu, et même à un moment secrétaire du club
des Jacobins, entièrement dévoué aux idées et à la personne
de Robespierre, il fut élu substitut de Fouquier-Tinville le
13 mars 1793, et nommé membre de la commission des tra-
vaux publics le 28 avr. Il remplaça Pache à la mairie de Paris,
alors entièrement subordonnée aux comités de Salut public
et de Sûreté générale, le 21 floréal an II (10 mai 1794).
Au 9 thermidor, quand Robespierre fut décrété d'accu-
sation, Fleuriot se rendit à l'Hôtel de Ville, s'efforça d'ani-
mer la Commune à la résistance contre la Convention, fit
fermer les barrières, sonner le tocsin, disposer des batte-
ries de canon sur la place de Grève. Un décret de la Con-
vention le rendit responsable des troubles de la capitale et
le manda ainsi que l'agent national Payan. Il refusa. Quand
Robespierre fut amené à l'Hôtel de Ville, il lui donna la
présidence de la Commune. Fleuriot-Lescot fut arrêté avec
Robespierre dont il partagea le sort le lendemain.
Bibl. : Réimpression du Moniteur, t. XV, p. 712 : XVI,
266 ; XX, 443 ; XXI, 334, 339, 560. — V. Robespierre.
FLEURON. I. Architecture. — Motif d'ornementation
inspiré du règne végétal et terminant, particulièrement dans
les édifices gothiques, certains membres d'architecture tels
que les pignons, les pinacles et les dais. Les architectes de
l'antiquité classique connurent les fleurons, et l'amortisse-
ment de la coupole du monument choragique de Lysicrates,
à Athènes (V. Choràgiques, XI, p. 229, fig. 2), amortis-
sement qui portait un trépied, est un véritable fleuron ; il
en est de même de la fameuse pomme de pin colossale en
bronze que l'on croit avoir couronné le tombeau d'Adrien
à Rome. Les architectes gothiques ont su donner à leurs
fleurons bien plantés, fièrement galbés et d'une flore
très variée, une physionomie franchement végétale et per-
mettant souvent de reconnaître la plante dont ils s'étaient
inspirés. La fig. 1 montre un de ces fleurons du milieu du
xnfl siècle, emprunté à l'un des pinacles du clocher vieux
de la tour Sud do la cathédrale de Chartres et présentant
à l'extrémité des arêtes d'angles de ce pinacle une réunion
de jeunes feuilles d'où sort une tète humaine, fleuron pris
dans une seule pierre de plus de 1 m. de hauteur. La
fig. 2 représente un fleuron duxme siècle, purement végétal
et beaucoup plus développé, qui termine un arc-boutant
du chœur de l'église de Poissy et qui semble composé
de deux efflorescences réunies par une bague et dont la
partie supérieure comprend plusieurs réunions ou rayons
de feuillages. — On donne aussi le nom de fleurons aux
FLEURON — FLEURUS
- 606 —
petites rosaces et aux petits médaillons plus ou moins ornés,
représentant une fleur ou un bouton de fleur au milieu de
feuillage et décorant le gorgerin du chapiteau dorique ro-
main, des angles de caissons, de tables ou de panneaux,
Fig. 1. — Fleuron termi-
nant un pinacle du clo-
cher vieux de la ca-
thédrale de Chartres
(xne siècle).
Fig. 2.— Fleuron ter-
minant un arc-bou-
tant du chœur de
l'église de Poissy
(xiii0 siècle).
des chambranles ou des archivoltes de portes. Ces fleurons
reçoivent différents noms tirés de leurs dispositions parti-
culières : ainsi les fleurons cruciformes, lancéolés, déta-
chés, etc. Charles Lucas.
IL Typographie. — Ornement représentant le plus sou-
vent des feuilles et des fleurs que Ton place dans les fron-
tispices ou dans l'espace blanc laissé à la fin des principales
divisions d'un ouvrage. Dans ce dernier cas, on lui donne
ordinairement le nom de cal-de- lampe (V. ce mot), bien
qu'il affecte peu souvent cette forme.
Bibl. : Typographie. — Théotiste Lefèvre, Guide pra-
tique du compositeur et de l'imprimeur typographes,
Paris, 1883.
FLEURUS. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut, arr. de
Charleroi ; 5,500 hab. Stat. de plusieurs lignes de chemin
de fer; exploitation de mines et carrières; grand commerce
agricole. On y ramasse des fragments roulés de quartz
hyalin, connus sous le nom de diamants de Fleurus.
Les archives de Fleurus sont considérables et dignes d'in-
térêt ; il n'en existe que des inventaires manuscrits. Les
armoiries de Fleurus sont : d'or au lion de sable, armé,
lampassé et couronné de gueules, surmonté et accosté
d'une guirlande de fleurs.
Batailles de Fleurus.— La position de Fleurus, sur
le plateau qui domine la rive gauche de la Sambre, lui as-
sure une réelle importance stratégique. Un grand nombre
de batailles ont été livrées dans ces parages, et quatre ont
reçu le nom de bataille de Fleurus. Ce sont : 1° celle du
29 août 1622 entre les Espagnols et les protestants alle-
mands ; 2° celle du 1er juil. 4690 entre les Français et les
coalisés allemands, espagnols et hollandais ; 3° celle du
26 juin 4794 (8 messidor an II) entre les Français et les
Autrichiens ; 4° celle du 46 juin 4845 entre les Français et
les Prussiens. Cette dernière étant plus connue sous le nom
de bataille de Ligny, nous parlerons seulement des trois
autres. La première, gagnée par l'armée de l'Union protes-
tante commandée par le duc Christian de Brunswick et le
comte de Mansfeld sur les Espagnols du général Cordova ;
celui-ci cherchait à couper les protestants de la Hollande ;
ils se firent jour au prix de pertes sérieuses, et, unis au
prince d'Orange, ils débloquèrent Berg-op-Zoom.
La seconde fut gagnée par le maréchal de Luxembourg
sur le prince de Waldeck, commandant l'armée de la coali-
tion. Luxembourg disposait de 35,000 hommes, Waldeck
de 50,000 environ. Le général français passa la Sambre
en présence de l'ennemi le 29 juin. Il détruisit l'avant-garde
de Waldeck, corps de cavalerie commandé par le comte
Berlo, puis se porta sur Fleurus où l'ennemi avait massé
son infanterie. Luxembourg prit position derrière un ravin,
entre Velaine et le château de Melcourt ; Waldeck plaça sa
gauche entre Wagnée et Saint-Amand, sa droite entre Hé-
pignies et Wangenée, derrière deux ruisseaux. Au matin
du 1er juil. l'armée française déboucha sur cinq colonnes,
l'artillerie au centre ; les impériaux placèrent leur cavale-
rie à gauche, devant Fleurus, puis l'infanterie entre Fleu-
rus et Ligny ; l'aile droite, de Ligny à Boignies. Luxembourg
s'aperçut que son adversaire avait négligé de couvrir son
extrême gauche et résolut de le tourner. Il porta de ce côté
toute la cavalerie de son aile droite , comblant les vides
par les renforts qui lui arrivaient ; en même temps, son
aile gauche, cavalerie et infanterie, occupait le village de
Fleurus, et son artillerie se portait entre Fleurus et Saint-
Amand ; cette attaque de front absorbant l'attention de Wal-
deck, Luxembourg fila avec sa cavalerie, passa le ruisseau
de Ligny et l'attaqua par derrière. La cavalerie impériale,
la seconde ligne et la réserve essayèrent de l'arrêter près
de Wagnée, mais furent mises en déroute. Au centre, la
bataille fut chaude ; l'infanterie hollandaise résista admi-
rablement, et l'artillerie fit de grands ravages dans les rangs
français. Les impériaux s'efforçaient de reprendre l'offen-
sive de ce côté et de déboucher hors des villages où on les
avait refoulés. Ils n'y purent parvenir. Luxembourg, pour
en finir, ordonna au duc du Maine de rallier sa cavalerie
etde déborder le front de l'ennemi. Le mouvement concen-
trique de toutes les forces françaises eût enveloppé com-
plètement l'armée impériale qui ne pouvait faire de trouée
au centre. C'est alors que Waldeck, sentant le danger,
donna le signal de la retraite. Il se retira sur Charleroi, où
il ne ramenait que le tiers de son armée. L'infanterie hol-
landaise résista jusqu'au bout et refusa de se rendre ; son
chef répondit à la sommation de Luxembourg qu'en mou-
rant les armes à la main il voulait mériter l'estime d'un
si grand homme. Elle fut taillée en pièces, mais infligea
de grosses pertes à la cavalerie française. Les détache-
ments laissés par Waldeck dans les villages et châteaux
voisins durent se rendre. L'armée impériale perdit ainsi
6,000 morts, 44,000 prisonniers, presque toute son artille-
rie (environ 90 canons) et 420 drapeaux ; Luxembourg y
gagna le surnom de tapissier de Notre-Dame. L'armée
française perdit 4,000 hommes ; parmi ses morts était l'in-
génieur Dumetz, émule de Vauban. Cette brillante victoire,
qui fit au maréchal le plus grand honneur, demeura sans
résultat. Louvois lui retira les 40,000 hommes de Boufflers
qui l'avaient renforcé, et, du côté opposé, le prince de Wal-
deck reçut à Bruxelles des renforts considérables, de telle
sorte que le vainqueur se trouva réduit à la défensive.
La troisième bataille de Fleurus, qui est de beaucoup
la plus célèbre, fut gagnée par Jourdan, le 26 juin 4794,
sur les Autrichiens commandés par le duc de Cobourg.
Jourdan, commandant de l'armée de la Moselle, ayant
réussi à se dérober à l'ennemi, s'était porté de la vallée
de la Moselle aux bords de la Sambre, puis, réunissant
son armée à celle des Ardennes et à des divisions de
l'armée du Nord, en avait formé la célèbre armée de
Sambre-et-Meuse. Kléber et Marceau, qui venaient de
s'illustrer en Vendée , servaient dans ses rangs. Après
être parvenu à passer, avec 80,000 hommes, la Sambre
dont on avait déjà tenté quatre fois le passage sans succès,
Jourdan se porta sur Charleroi qui capitula le 25 juin.
— 607 —
FLEURUS — FLEURY
Jourdan avait donné à son armée la forme d'un demi-
cercle dont les deux extrémités s'appuyaient à la Sambre,
en amont et en aval de Charleroi. Il avait donc une
rivière à dos. Le centre s'avançait jusqu'à Gosselies, à
plus d'une lieue de Charleroi. L'armée de Gobourg dé-
passait 80,000 hommes. Si ce général eût accablé, avec
la plus grande partie de ses forces, un point de la ligne
de Jourdan, la position de celui-ci eût été fort com-
promise, avec une ligne de retraite aussi précaire que la
sienne ; heureusement le prince dissémina ses troupes en
5 corps et 9 colonnes qui marchèrent sur nos positions le
26 juin au point du jour. Le corps de droite avait à sa tête
le prince d'Orange; le deuxième, le général Quasdanowich;
le troisième, Kaunitz ; le quatrième, l'archiduc Charles ;
enfin le cinquième ou corps de gauche, Beaulieu. Bientôt
le combat fut engagé sur toute la ligne. A notre gauche
la fortune se déclara d'abord pour les Autrichiens qui
nous enlevèrent Fontaine-l'Evêque et le château de Vespe,
mais bientôt elle tourna en notre faveur, et le prince
d'Orange, après s'être épuisé en attaques successives contre
le général Daurier sans pouvoir avancer davantage, fut
forcé de se mettre en retraite. En avançant vers la droite
on voit le général Montaigu, moins heureux que Daurier,
forcé de se replier sur Marchiennes et d'y traverser la
Sambre. MaisKléber est de ce côté; ayant remarqué dans
les troupes autrichiennes un mouvement d'hésitation pro-
duit par la retraite du prince d'Orange, il se précipite sur
leur gauche avec la brigade Duhesme, et lance Bernadotte
sur leur droite. Les choses sont bientôt rétablies et nos
positions recouvrées. Au centre, Quasdanowich a égale-
ment échoué ; quand il apprend la défaite de Cobourg, il se
retire entre Frasne et Genappe. A notre droite, où se
portent les principaux efforts de l'ennemi, Championnet
est d'abord forcé de reculer devant Kaunitz; Jourdan,
averti par les aérostiers dont le ballon plane au-dessus
du champ de bataille, accourt sur ce point avec six batail-
lons et six escadrons de la réserve, et Championnet rentre
au pas de charge dans ses positions. Le nœud de la ba-
taille est à notre extrême droite. Là, les troupes légères du
général Lefebvre ont été, dès le matin, refoulées par l'archi-
duc Charles ; elles se retirent derrière les retranchements
qui abritent le gros de la division, et où toutes les attaques
de l'ennemi sont repoussées. Dès que les colonnes assail-
lantes du prince sont arrêtés par la mitraille, elles sont
chargées furieusement par nos cavaliers qui surgissent de
tous les intervalles de la ligne et les poussent Fépée dans
les reins. Mais Marceau n'a pas eu le même succès contre
les attaques de Beaulieu ; il a peine à se maintenir dans les
jardins de Lambusart ; ses cavaliers sont sabrés et rame-
nés, la division Mayer a même repassé la Sambre en dé-
sordre, Lefebvre, découvert sur sa droite, recule et fait
face à droite d'une partie de ses troupes appuyées par une
batterie de douze pièces. C'est que Beaulieu attaque avec
une énergie furieuse, pour arriver à tourner notre droite
et à nous prendre à revers. Il parvient ainsi à enlever
Lambusart, mais ne peut avancer au delà. Ne laissant alors,
qu'un rideau de troupes de ce côté, il se porte vers sa
gauche pour tourner la position avec trois fortes colonnes ;
c'est son dernier atout. Lefebvre l'attend à demi-portée
de canon et repousse trois assauts successifs, en jonchant
le terrain des morts de l'ennemi : « Le carnage était hor-
rible, dit l'historien A. Hugo, l'opiniâtreté égale des deux
parts ; les feux croisés des deux artilleries avaient incen-
dié les blés et les baraques du camp, et les bataillons
combattaient au milieu des flammes et des tourbillons de
fumée. » De toutes parts, des caissons éclataient, atteints
par le feu ; Jourdan était là, au plus fort du danger, en-
courageant ses soldats par son exemple. Le mot de retraite
ayant été prononcé : « La retraite ! s'écria le général en
chef. Pas de retraite ! Aujourd'hui la mort ou la victoire î »
Ces paroles héroïques trouvent de l'écho ; mille voix les
répètent ; le courage revient plus grand encore ; nos admi-
rables généraux républicains, habiles à saisir cet instant
d'enthousiasme, se mettent avec une nouvelle ardeur à la
tête des troupes, et bientôt Lefebvre a repris Lambusart.
A six heures, le brave Beaulieu abandonne enfin la partie,
mais en frémissant et sur un ordre exprès du duc de Co-
bourg.
Telle fut la bataille de Fleurus , l'une des deux
grandes victoires républicaines qui sauvèrent le pays de
l'invasion étrangère; l'autre est la bataille de Zurich. Elle
nous coûtait 6,000 hommes et 40,000 à l'ennemi. La
France en ressentit une joie inexprimable; partout éclatèrent
des transports d'allégresse ; c'est une des plus belles
pages de l'histoire de nos guerres. Il ne faut pas oublier
que le jeune conventionnel Saint-Just, en mission à l'ar-
mée de Jourdan, avait tout fait pour relever le courage et
exalter l'ardeur patriotique de cette armée que quatre ten-
tatives infructueuses de passage de la Sambre n'avaient pu
affaiblir. « Charleroi ! Charleroi ! répétait-il, en arpentant
la salle du conseil des généraux, la veille de la troisième
tentative, il faut demain une victoire à la République ! »
Cette victoire se fit attendre un mois encore, mais elle vint
enfin complète et radieuse. Les alliés évacuèrent la Bel-
gique et bientôt les troupes de la République entraient à
Bruxelles.
FLEURUS. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Oran, à
21 kil. S.-E. de la ville d'Oran, fondé sur l'emplacement
appelé par les indigènes Hassi er Kir pour y installer une
des colonies de 4848. Après de pénibles commencements,
le village est entré dans une voie de réelle prospérité. Il
a une superficie de 1,284- hect. dont près de la moitié en
vignes, avec une pop. de 1,262 hab. presque tous Euro-
péens; les Espagnols y comptent pour 710 individus et les
Français pour 237. E. Cat.
FLEURY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons,
cant. de Villers-Cotterets ; 154 hab.
FLEURY, Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Narbonne,
cant. de Coursan; 2,220 hab. Vignobles, distilleries d'eau-
de-vie, carrière de grès. — En 1736, ce village, qui
s'appelait Pérignan, fut érigé en duché pairie en faveur
d'un neveu du cardinal Fleury dont il prit le nom.
FLEURY. Corn, du dép. de la Manche, arr. d'Avranches,
cant. de Viiledieu-les-Poêles ; 837 hab.
FLEURY. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. de Chaumont; 302 hab. La façade de l'église date du
xiie siècle et le chœur de 1557.
FLEURY. Corn, du dép. du Pas-de-Cala;s, arr. de Saint-
Pol-sur-Ternoise, cant. de Heuchin ; 182 hab.
FLEURY. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Conty; 246 hab.
FLEURY-aux-Choux. Corn, du dép. du Loiret, arr. et
cant. (N.-O.) d'Orléans; 1,733 hab.
FLÊURY-devant-Donàumont ou en-Argonne. Corn, du
dép. de la Meuse, arr. de Verdun-sur-Meuse, cant. de
Charny; 425 hab.
FLEURY-en-Bière. Corn, du dép. de Seine-et-Marne,
arr. et cant. (S.) de Melun, sur un affluent de l'Ecole;
498 hab. Château en pierre et en brique construit sous
Henri II et embelli par Richelieu.
FLEURY-la-Forêt. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des
Andelys, cant. de Lyons-la-Forêt ; 521 hab.
FLEURY-la-Montagne. Corn, du dép. de Saône-et-Loire,
arr. de Charolles, cant. de Semur-en-Brionnais ; 1,212 hab.
FLEURY-la-Rivière. Com. du dép. de la Marne, arr.
et cant. d'Epernay, sur le versant d'une colline dominant
le Brunet, affluent de la Marne; 820 hab. Exploitation de
carrières de sable pour les verreries.
FLEURY-Ménagis. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Corbeil, cant. de Longjumeau ; 180 hab.
FLEURY-sur-Aire. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Bar-le-Duc, cant. de Triaucourt ; 256 hab.
FLEUR Y-sur- Andelle.C1i.-1. de cant. du dép. de l'Eure,
arr. des Andelys; 1,373 hab. Filatures de coton. Impri-
meries d'indiennes. Eglise de style gothique en brique re-
construite en 1846, surmontée d'une tour pyramidale
FLEURY
608
flanquée de clochetons. Il s'y trouve un tableau de Cour-
bet, le Couronnement de la Vierge.
FLEURY-sur-Loire. Corn, du dép. de la Nièvre, arr.
de Nevers, cant. de Decize ; 499 hab. Stat. du chem. de
fer de P.-L.-M. Eglise du xne siècle ; fonts baptismaux
du xvie siècle. Château de la Motte-Farchat, de la Renais-
sance.
FLEURY-sur-Loire (Abbaye de). Abbaye bénédictine
autour de laquelle s'est développée la ville actuelle de Saint-
Benoît-sur-Loire, corn, de l'arr. de Gien (Loiret). Cette
abbaye fut fondée par Léodebald, abbé de Saint-Agnan
d'Orléans, sous le règne de Clovis IL La basilique, qui
servit de centre au monastère, fut d'abord dédiée à saint
Pierre. La tradition rapporte que sous l'abbé Mummoleeut
lieu la translation du Mont-Cassin à Fleury du corps de
saint Benoît, d'où le nom de Saint- Benoît-de-Fleury que
prit le monastère. La présence d'un saint aussi vénéré
attira à l'abbaye les faveurs des papes, des rois et des
grands. Les richesses de l'abbaye devinrent considérables.
Les pèlerins accouraient de toutes parts. La vie monastique
s'y développa si bien que le pape Léon VII la qualifiait la
tête de tous les monastères de la Gaule. Au commencement
du xvne siècle, il n'y avait plus que quelques religieux.
Sous l'influence du cardinal de Richelieu, qui reçut l'abbaye
en 1621, elle fut affiliée à la congrégation de Saint-Maur.
Le dernier abbé fut l'archevêque de Bourges, Georges-Louis
Phélypeaux.
Sous les Carolingiens et les premiers Capétiens, le mo-
nastère de Saint-Benoît fut un centre littéraire des plus
actifs. Une école y prit naissance sous Charlemagne et se
développa rapidement sous l'influence de Théodulfe, évêque
d'Orléans. Cependant le monastère fut ravagé par les
Normands en 853, 854, 863, 877 et 878. L'abbé de
Cluny, Odon, y réforma, en 930, la discipline ecclésias-
tique et provoqua, par cette reforme, la renaissance des
études littéraires. C'est sous la direction d'Abbon, d'abord
écolâtre, puis abbé, que les écoles de Fleury atteignirent
leur apogée à la fin du xe siècle. Un grand nombre d'ou-
vrages historiques et littéraires furent composés à Saint-
Benoît. Adrevald entreprit, au ixe siècle, d'écrire le récit
des miracles arrivés au tombeau de saint Benoît (V. les
Miracles de saint Benoît, publiés par E. de Certain ;
Paris, 1858, in-8, Soc. de VHist. de France). Il cessa
d'écrire vers 878. Aimoin continua son œuvre. Il composa
aussi les Gestes des Francs, une Histoire des abbés et la
Vie d'Abbon. André de Fleury continua, en 1043, la
rédaction des Miracles; Raoul Tortaire, né en 1063, puis
Hugues de Sainte-Marie ou de Fleury lui succédèrent dans
cette œuvre. C'est à la même abbaye qu'appartenait Hel-
gaud, auteur de la Vie du roi Robert. La bibliothèque
de Fleury était particulièrement riche. Elle fut en partie
détruite par les calvinistes en 4561. Daniel, bailli de
Saint-Benoît, sauva un certain nombre de manuscrits ;
mais, une fois la paix rétablie, il n'en restitua qu'un petit
nombre. Ce sont ceux-là qui sont aujourd'hui à la biblio-
thèque municipale d'Orléans. Quant aux manuscrits que
Daniel s'appropria, il les vendit à Paul Petau et à Jacques
Bongars. Petau ayant vendu sa bibliothèque à la reine
Christine de Suède, les manuscrits de Fleury qu'il avait
acquis ont passé avec les autres manuscrits de la reine de
Suède à la bibliothèque du Vatican. Les manuscrits de
Bongars, donnés par lui à un Strasbourgeois nommé Gra-
civet, sont maintenant conservés dans la bibliothèque de
Berne (V. le catalogue de cotte bibliothèque par le
Dv Hagen).
Des bâtiments de l'abbaye, il ne reste que l'église, mais
c'est un monument considérable et l'un des plus remar-
quables parmi les édifices romans du xne siècle en France.
Elle est précédée d'un porche servant de base à une tour,
soutenu par cinquante colonnes adossées à seize grosses
piles qui forment trois travées dans tous les sens ; les cha-
piteaux sont historiés. On remarque aussi, à l'extérieur,
une porte percée au xme siècle dans le collatéral du nord ;
elle est ornée de grandes statues de patriarches et de pro-
phètes ; dans le tympan, un bas-relief représente le Christ
triomphant ; sur le linteau sont sculptées des scènes de la
translation du " corps de saint Benoît. La nef centrale, à
laquelle on n'accède du porche que par une seule porte, est
voûtée sur croisée d'ogives ; cette nef, du xme siècle, est
moins ancienne que le chœur, terminé par une abside en
cul-de-four. On remarque dans l'église le tombeau du roi
Philippe Ier, œuvre du xme siècle/ M. Prou.
Bibl. : Gallia christiana, t. VIII, col. 1538. — L'abbé
Rocher, Histoire de l'abbaye de S aint-Benoît- sur-Loire ;
Orléans, 1865, in-8. — L. Delisle, Vie de Gauzlin, abbé
de Fleury et archevêque de Bourges, dans Bull, de la
Soc. archéolog. de l'Orléanais. 1853, t. II, p. 257. — Cuis-
sard-Gaucheron, l'Ecole de Fleury-sur-Loire à la fin du
x° siècle et son influence, clans Bull, de la Soc. archéol.
de l'Orléanais, 1875. t. XIV, p. 551. — Cuissard, V Etude
du grec à Orléans, ibid., 1883, t. XIX, p. 645. — Du même,
Inventaire des manuscrits de la bibliothèque d'Orléans,
fonds de Fleury ; Orléans, 1885, in-8.
FLEURY-Vallée-d'Aillant. Corn, du dép. de l'Yonne,
arr. deJoigny, cant. d'Aillant-sur-Tholon ; 4,180 hab.
FLEURY (Claude), prieur de Notre-Dame d'Argenteuil,
né à Paris en 1640, mort en 1723. Fils d'un avocat au
conseil, qui était originaire de Rouen, il fut reçu lui-même
avocat au parlement en 1658, et il exerça cette profession
pendant neuf ans. Il reste des mémoires signés de lui pen-
dant cette période de sa vie. On ne sait pas exactement en
quelle année il entra dans les ordres, mais il avait déjà
reçu la prêtrise en 1672, lorsque l'éducation des fils du
prince de Conti lui fut confiée. En 1680, il fut nommé
précepteur du comte de Vermandois, fils naturel de
Louis XIV et de Mlle de La Vallière, qui mourut en 1683.
Le roi récompensa ses services en lui donnant l'abbaye
cistercienne de Loc-Dieu (1684). Il accompagna plus tard
Fénelon dans sa mission contre les protestants du Poitou ;
et lorsque celui-ci devint précepteur du duc de Bourgogne
(16 août 1689), il lui fut adjoint en qualité de sous-pré-
cepteur de ce prince et des ducs d'Anjou et de Berry. Leur
éducation achevée, Fleury fut nommé prieur de Notre-
Dame d'Argenteuil ; donnant un exemple, alors fort rare,
de fidélité aux prescriptions canoniques, il résigna l'abbaye
de Loc-Dieu. En 1696, il fut élu à l'Académie pour suc-
céder à La Bruyère. Quand survint l'affaire du quiétisme,
il faillit être compris dans la disgrâce de Fénelon ; mais
Bossuet, qui le connaissait bien, répondit de son ortho-
doxie. Lorsqu'il était encore avec les princes de Conti,
Fleury avait été admis aux conférences de Bossuet et y
faisait ordinairement fonction de secrétaire ; il avait aussi
traduit en latin l'Exposition de la doctrine de l'Eglise
catholique, et Bossuet avait revu lui-même cette version
de son œuvre (Anvers, 1678, in-d2). Depuis longtemps,
Fleury ne s'occupait plus que de ses études religieuses,
lorsque en 1716 le régent le rappela à la cour, pour être
le confesseur du jeune roi Louis XV. On raconte qu'à cette
occasion, le régent lui dit : « Je vous ai choisi parce que
vous n'êtes ni janséniste, ni moliniste, ni ultramontain. »
Fleury remplit avec discrétion cette délicate fonction et
s'en démit en 1722, à cause de son grand âge, un an avant
sa mort. — Sa piété et sa modestie, sa droiture et sa
science sont incontestées même par ceux qui réprouvent
les conclusions gallicanes de ses écrits.
Œuvres principales : Histoire du droit français (Pa-
ris, 1674, in-12); sous le titre de Précis historique dît
droit français (Paris, 1826, in-12), Dnpin en a donné
une édition qui continue l'exposition jusqu'en 1 789 ; Ins-
titution au droit ecclésiastique ; les deux premières édi-
tions (Paris, 1677, 1687, 2 vol. in-8) ont été publiées
sous le pseudonyme do Bonnel ; à partir de 1704, éditions
sous le nom de Fleury; Mœurs des israélites (Paris,
1681, in-12); Mœurs des chrétiens (Paris, 1682, in-12);
Catéchisme historique (Paris, 1682, in-12), approuvé
par Bossuet en 1683, traduit en plusieurs langues, nom-
breuses éditions ; Vie de la vénérable mère Marguerite
d'Arbouze, abbesse et réformatrice du Val-de-Grâce
(Paris, 1684, in-8); Traité du choix et de la méthode
des études (Paris, 4686, in-42), document intéressant
pour l'histoire de l'enseignement au x\ne siècle; Devoirs
des maîtres et des domestiques (Paris, 4688, in-42), à
consulter pour l'étude des relations sociales à cette époque ;
Histoire ecclésiastique (Paris, 4791 et suiv., 20 vol.
in- 4); Fleury a travaillé pendant trente ans à cet ouvrage,
et l'a mené à l'an 4444 ; lorsqu'il a été réimprimé en 4840
(Paris, 6 vol. gr. in-8), on a ajouté quatre livres inédits
qui conduisent la narration jusqu'en 4517; antérieure-
ment, le P. Fabre avait composé une continuation fort mé-
diocre allant jusqu'à 4598 (Paris, 4726 et suiv., 46 vol.
in-4); Discours sur l'histoire ecclésiastique (Paris, 4708,
4758, 2 vol. in-42); Discours sur la poésie des Hébreux
(Paris, 4742, in-4 2); Discours sur les libertés de
l'Eglise gallicane (Paris, 4724, in-42), souvent interpolé
pour les besoins de la jurisprudence parlementaire; la
seule édition qui paraisse fidèle a été donnée par l'abbé
Emery (Paris, 4807, in-42) ; Discours sur la prédication
(Paris, 4733, in-42); Traité du droit public en France
(Paris, 4769, in-42); te Soldat chrétien (Paris, 4772,
in-42); Opuscules de l'abbé Fleury,- recueillis par Ron-
det (Nîmes, 4780, 5 vol. in-8); Nouveaux Opuscules de
Fleury, publiés par Emery (Paris, 4807, in-8); Œuvres
de V abbé Fleury (Paris, 4837, gr. in-8). Le Catéchisme
historique, V Institution au droit ecclésiastique, Y His-
toire ecclésiastique ont été mis à V index à Rome. La
bibliothèque de Cambrai possède en manuscrit une Histoire
de France par Fleury, composée pour les Enfants de
France. E.-H. Yollet.
FLEURY (André-Hercule de), cardinal et homme d'Etat
français, né à Lodève le 26 juin 4653, mort à Paris le
29 janv. 4743. Fils d'un receveur des décimes de sa ville
natale, Fleury vint à Paris très jeune et fit de bonnes
études chez les jésuites, au collège de Clermont d'abord,
ensuite à celui d'Harcourt. Entré dans les ordres, il fut
pourvu d'un canonicat à Montpellier dès 4668 ; puis, par
la protection de Bonsy (V. ce nom), il devint aumônier
de Marie-Thérèse en 4679. Ce fut l'origine de sa prodi-
gieuse fortune. Introduit par sa charge dans le monde de
la cour, il assista à l'assemblée du clergé de 4682 et devint
aumônier du roi après la mort de la reine (4683). Ce
prince, après lui avoir donné successivement l'abbaye de la
Rivour (4686) et l'évêché deFréjus (4698), où Fleury se
conduisit très habilement pendant l'invasion sarde, le dé-
signa, par un codicille du 23 août 4745, pour être pré-
cepteur du dauphin. Fleury, qui venait de se démettre de
son siège épiscopal et avait obtenu en échange la riche
abbaye de Tournus, se consacra tout entier à ses nouvelles
fonctions, bien décidé à tirer de l'influence qu'elles lui don-
naient tout le parti possible. Par une indulgence insi-
nuante, il s'attacha complètement l'esprit de son royal
élève et l'habitua insensiblement à ne pouvoir se passer de
lui. Aussi, quand en août 4722 Villeroy, dont Fleury
avait été le protégé, fut exilé à Lyon, le jeune prince rap-
pela-t-il par une lettre de sa main son précepteur qui avait
cru devoir suivre le maréchal dans sa disgrâce. Quand le
roi eût été déclaré majeur et Dubois premier ministre,
Fleury eut entrée au conseil d'Etat que Louis XV était
censé présider et où ne se trouvaient, avec lui et Dubois,
que les ducs d'Orléans, de Chartres et de Rourbon (févr.
1723). Après la mort du régent, il ne jugea pas le mo-
ment venu de prendre le ministère, et ce fut sur ses con-
seils que le roi le donna au duc de Rourbon (2 déc. 4723).
Il resta dans l'ombre pendant le ministère, de ce prince,
très puissant en réalité, mais ne se signalant que par son
hostilité contre les jansénistes. Le duc de Rourbon essaya
de lutter contre son influence occulte. Fleury feignit de se
retirer à Issy ; le roi l'ayant fait rappeler, il comprit qu'il
n'y avait plus à hésiter. Le duc de Rourbon fut exilé à
Chantilly (44 juin 4726) et Fleury resta désormais sans
rival maître du pouvoir. Il ne prit cependant pas le titre
de premier ministre et se contenta du chapeau de cardinal
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 609 — FLEURY
(sept. 4726), laissant Louis XV dire qu'il voulait être dé-
sormais son propre premier ministre, comme Louis XIV.
Il y a à distinguer dans le ministère Fleury la politique
intérieure et la politique extérieure. Si la première fut sans
grandeur, elle ne fut pas sans utilité et sans mérite. En
gouvernant le moins possible, Fleury arriva à donner à la
nation quelques années de réelle prospérité.
Econome par nature, Fleury opéra de fortes réductions
sur les dépenses. Grâce à l'augmentation du bail des grosses
fermes, grâce au développement du commerce, il put faire
ces économies non seulement sans augmenter les impôts,
mais même en les réduisant. Les tailles furent diminuées,
le cinquantième modifié, puis supprimé complètement (juil.
4727), la fixité des monnaies établie, on peut dire défini-
tivement, par la déclaration du 45 juin 4726. En re-
vanche, Fleury capitula au sujet du cinquantième devant
l'inconcevable opposition du clergé, et lui accorda d'être
exempté de cet impôt (8 oct. 4726). De même, il réduisit
les rentes en août 4726, mesure vexatoire et inique, mais
à l'aide de laquelle il parvint cependant à combler une
partie des déficits antérieurs. La corvée royale, rétablie
en 4733, fut également très dure pour la population, au
moins dans certaines intendances, mais elle aboutit à déve-
lopper considérablement, le réseau des voies de communi-
cation. Cette administration, en somme sage et prudente,
permit au commerce et à l'industrie de prendre un grand
accroissement. D'après Voltaire, la marine marchande en
arriva à compter 4,800 vaisseaux en 4738, au lieu de
300 en 4745. C'est de cette époque que date, on peut le
dire, la ville de Lorient. La politique de Fleury fut plus
discutable au point de vue religieux. Il laissa persécuter
les jansénistes. L'évêque de Senez, Soanen, fut condamné
au concile d'Embrun (4727), et les derniers docteurs jan-
sénistes de la Sorbonne durent se retirer à Utrecht. Il est
vrai de dire que, grâce à la persécution, le jansénisme
tendait de plus à cesser d'être un parti religieux pour
devenir un parti politique dont les parlementaires se ser-
virent habilement pour accroître leur popularité et leur
influence ; il est vrai aussi qu'il n'avait plus les grands
caractères qui l'avaient honoré au siècle précédent, et que les
folies des convulsionnaires au tombeau du diacre Paris
(4732), comme les polémiques des Nouvelles ecclésias-
tiques, n'étaient pas faites pour ajouter à sa considé-
ration, mais ce n'était pas une raison pour abandonner
toutes les affaires religieuses à l'influence des jésuites,
comme le fit Fleury. Les protestants furent moins persé-
cutés que les jansénistes ; c'est cependant sous le ministère
de Fleury que se passèrent les horreurs de la tour de
Constance à Aiguës-Mortes (4727-4729).
La politique extérieure de Fleury fut moins heureuse que
sa politique intérieure. Elle se résume dans trois affaires :
l'alliance anglaise, le congrès de Soissons, la guerre de la suc-
cession dePologne, caria guerredela succession d'Autriche
s'ouvrit sans lui et même malgré lui. L'alliance anglaise
pouvait se justifier et elle servit au moins à Fleury à rendre
service aux Rourbons d'Espagne, nos alliés naturels. Mais
ce fut y attacher trop de prix que de laisser dépérir notre
marine militaire pour désarmer la jalousie britannique. Le
congrès de Soissons (4729) fut un succès pour Fleury, et
surtout pour son ministre des affaires étrangères, Chau-
velin (V. ce nom). Grâce aux négociations qui y furent
conduites, un Rourbon d'Espagne, don Carlos, fils aîné du
second lit de Philippe V, alla régner à Parme et à Plai-
sance. Quant à la guerre de la succession de Pologne, très
mal engagée d'abord, elle se termina finalement, grâce à
Chauvelin, par un succès diplomatique. Il fallait, ou s'en-
tendre avec l'électeur de Saxe sur le terrain de l'établisse-
ment de l'hérédité en Pologne dans sa maison, ou soutenir
vigoureusement les prétentions de Stanislas. Fleury ne
sut se résoudre a aucun de ces deux partis. Il soutint
mollement Stanislas en essayant de satisfaire l'électeur de
Saxe aux dépens de l'héritage de Charles VI. Dès lors,
l'élection de Frédéric-Auguste, le débarquement suivi de
39
FLEURY
— 640
l'échec complet de Stanislas, malgré l'héroïsme de Plélo et
le courage de Monti, portèrent à l'influence française en
Pologne un coup dont elle ne devait pas se relever. L'Au-
triche, qui avait soutenu l'électeur de Saxe, paya les frais
de la guerre. Elle céda à Stanislas, qui abdiqua, la Lor-
raine, patrimoine du mari de Marie-Thérèse, et dut échanger
Parme et Plaisance pour Naples, la Sicile et les présides
de Toscane, sur lesquels régna don Carlos. Le traité de
Vienne (3 oct. 4735) répara ainsi les fautes de Fleury. Il
essaya en vain d'empêcher la France de prendre parti
contre l'Autriche à la mort de Charles VI et de s'opposer
aux projets aventureux de Belle-Isle (1741). Peut-être
avait-il raison de vouloir dès 4741 former cette entente
franco-autrichienne que Choiseul réalisa, quinze ans plus
tard ; mais, à coup sûr, il eut tort, dès le moment où
cette idée était abandonnée, de ne pas adopter et suivre
avec énergie la politique contraire qui avait aussi ses avan-
tages. Il fallait, la guerre contre l'Autriche une fois com-
mencée, la poursuivre avec vigueur jusqu'au bout ; arra-
cher à l'ennemi la paix au lieu de la lui demander, comme
le fit Fleury en rappelant Belle-Isle de la Bohême (1742).
Mais la décision était ce qui manquait le plus à Fleury. Il
n'eut jamais pour guide que son étroit intérêt personnel et
ne montra d'énergie qu'au service de celui-ci. L. Farges.
FLEURY (Abraham-Joseph Bénàrd, dit), acteur fran-
çais, né à Chartres le 26 oct. 1750, mort le 3 mars 1822.
Il fut l'un des plus grands comédiens de son temps et l'un
de ceux dont le souvenir est resté le plus glorieux. Son
père s'était vu obligé, par suite de revers de fortune,
de se montrer à la tête d'une troupe de comédiens, et
c'est en cette qualité qu'il fut attaché, à Nancy, à la
cour du roi Stanislas. C'est là que le jeune Fleury com-
mença son apprentissage scénique. Après quatre années
passées au théâtre de Lyon, il vint à Paris (1778),
où il avait fait une preniière tentative malheureuse. Immé-
diatement reçu sociétaire de la Comédie-Française, il ne
parvint que peu à peu à gagner la grande faveur du public.
En 1793, Fleury fut, ainsi que tous ses camarades de
la Comédie-Française, devenue le théâtre de la Nation,
incarcéré à la suite du mouvement provoqué par la repré-
sentation de l'Ami des Lois, de Laya. Il sortit de prison
un peu avant le 9 thermidor, se retrouva avec ses anciens
camarades sur les divers théâtres auxquels ils se virent
obligés de demander asile, et, toujours avec eux, reparut
en l'an VII (1799) à la Comédie-Française reconstituée.
En 1818, après quarante ans de services à la Comédie-
Française, il prit sa retraite avec une pension de 9,500 fr.
et se retira à Ménars-le-Château, près d'Orléans. — Un
écrivain, nommé J.-B. Laffitte, a publié, sous ce titre :
Mémoires de Fleury, de la Comédie-Française (1835-
37, 6 vol, in-8), un livre, d'ailleurs intéressant, dont il a
été fait plusieurs éditions. Cet écrivain prétendit qu'il avait
rédigé ces mémoires d'après des notes et des papiers laissés
par Fleury. Cela semble peu probable, car il est de noto-
riété publique que Fleury était à peu près illettré.
FLEURY (Honoré-Marie), homme politique français, né
àQuintin (Côtes-du-Nord) le 17 janv. 1754, mortàSaint-
Brandan (Côtes-du-Nord) le 12 sept. 1827. Clerc de no-
taire, employé aux bureaux du domaine de Fougères, avo-
cat au parlement de Rennes, il fut élu le 4 avr. 1789
député suppléant du tiers aux Etats généraux par la séné-
chaussée de Saint-Brieuc. Le 9 sept. 1792, le dép. des
Côtes-du-Nord l'envoya siéger à la Convention où il vota la
détention du roi et signa la protestation delà droite (6 juin
1793). Arrêté et emprisonné, il fut délivré par le décret
de la Convention du 2 frimaire an III. Il reprit son siège
à l'Assemblée le 18 frimaire et remplit en 1795 une mission
à Chartres relative à l'approvisionnement de Paris. Député
au conseil de Cinq-Cents, toujours par le dép. des Côtes-
du-Nord, le 23 vendémiaire an IV, il fut encore juge de
paix de Quintin, puis de Saint-Brandan. Fort spirituel,
Fleury a écrit une foule de chansons, de contes, de cou-
plets agréables.
FLEURY (Anne -Françoise -Aimée de Franquetot de
Coigny, duchesse de), femme de lettres française, née le
12 oct. 1769, morte à Paris le 17 janv. 1820. Fille unique
d'Auguste-Gabriel, comte de Coigny, frère cadet du dernier
maréchal duc de Coigny, et d'Anne-Josèphe-Michelde Roissy,
elle épousa, le 5 déc. 1784, André-Hercule de Rosset, duc
de Fleury, petit-neveu du cardinal. Elle eut à peine le temps
de se produire à la cour, où son rang, sa beauté, sa haute
culture littéraire lui auraient assuré une place privilégiée.
Mariée presque enfant et par convenance de famille, c elle
reprit sa liberté après l'établissement du divorce, son mari
ayant émigré. Emprisonnée en 1794 en raison de son rang-
social , elle inspira à André Chénier, son compagnon de cap-
tivité, tout au moins une vive compassion que le grand poète
a exprimée dans sa célèbre ode, la Jeune Captive. Mise
en liberté après le 9 thermidor, elle épousa M. de Mont-
rond, mais ne fut généralement connue que sous le nom de
comtesse de Coigny. Elle cultiva beaucoup les lettres, mais
ne publia qu'un roman anonyme, Alvar (Paris, 1818,
2 vol. in-12), tiré à 25 exemplaires. Beuchot assure qu'elle
laissa en manuscrit des Mémoires et une Collection de
portraits des contemporains. Son second mari survécut
jusqu'en juin 1848. G. P-i.
FLEURY (Joseph-Nicolas-Robert) (V. Robert-Fleury).
FLEURY (François- Antoine-Léon), peintre français, né
à Paris le 18 déc. 1804, mort le 19 nov. 1858. Elève de
Bertin et de Hersent, il entra à l'Ecole des beaux-arts en
1821. Dans sa courte carrière, il s'est distingué comme
paysagiste. On voit un paysage de lui au musée de Nantes.
Le musée d'Orléans possède de cet artiste une Vue prise
sur les côtes de Gênes. Citons encore de lui un Baptême
du Christ, dans l'église de Sainte-Marguerite, et une
Sainte Geneviève, à Saint-Etienne du Mont.
FLEURY (Jean- Augustin), écrivain français, né à Paris
en 1812, mort à Douai le 22 nov. 1887. Professeur d'his-
toire, il devint proviseur du lycée de Douai, puis recteur de
l'académie de cette ville. On a de lui : Histoire d'Angle-
terre (Paris, 1852, 2 vol. in-12) ; Des Piaces qui se par-
tagent V Europe (1858, in-8) ; Abrégé de l'histoire
d Angleterre (1864, in-12) ; Histoire des Français par
la biographie (1872, in-12).
FLEURY (Edouard), archéologue français, néàLaonen
1815, mort à Vorgesle4juil. 1883, frère aîné de Champ-
fleury (V. ce nom). Imprimeur à Laon, il a écrit un grand
nombre de brochures et de livres qui presque tous sont
relatifs au Laonnais. Nous citerons : Antiquités et monu-
ments du dép. de V Aisne (Paris, 1877-82, 4 vol.in-4) ;
la Civilisation et Vart des Romains dans la Gaule Bel-
gique (Laon, 1861, in-8) ; le Dép. de V Aisne en 1814
(1858, in-8) ; le Diocèse de Laon pendant la Fronde
(1858, in-8) ; Etudes révolutionnaires (1849-58,13 vol.
in-12 et in-8); les Manuscrits à miniatures de la bi-
bliothèque de Laon [et de celle de Soissons] (1863-65,
3 vol. in-4) ; Origine et développement de l'art théâtral
dans la province de Reims (1881, in-8); Trompettes,
jongleurs et singe de Chauny (Saint-Quentin, 1874,
in-8), etc.
FLEURY (Emile-Félix, comte), général français, né à
Paris le 23 déc. 1815, mort à Paris le 11 déc. 1884.
Engagé volontaire aux spahis le 16 nov. 4837, il gagna
successivement tous ses grades à la pointe de son sabre et
se fit partout remarquer par sa brillante valeur. Devenu
lieutenant, le 14 sept. 1842, il fut cité à l'ordre pour sa
belle conduite à la prise de la smalah et à la bataille
d'Isly (14 août 1844). Chef d'escadrons le 5 juil. 1845,
il fut, après l'élection du prince Louis à la présidence, un
de ses officiers d'ordonnance, et prit une part active au
coup d'Etat du 2 déc. 1851. Promu colonel le 22 nov.
1852, il organisa le régiment des guides et en eut le com-
mandement. Son crédit auprès de l'empereur ne fit que
s'accroître ensuite ; il fut nommé général de brigade le
18 mars 1856 et premier aide de camp du souverain. Ses
principales fonctions étaient la direction des' écuries impé-
611 —
FLEURY - FLEXION
riales. Pendant la campagne de 1859, en Italie, l'empe-
reur l'envoya auprès de l'ennemi pour traiter des condi-
tions de paix. Nommé divisionnaire en 1863 (13 août), il
devint ambassadeur auprès de la cour de Russie. Après la
guerre de 1870, il se retira du service, fut mis en dis-
ponibilité et retraité le 25 août 1879.
FLEURY (Jean-François-Ronaventure) , littérateur fran-
çais, né à Vasteville (Manche) le 14 févr. 1816. Après avoir
fait ses études, en qualité de boursier, au collège de Cher-
bourg, il débuta de très bonne heure dans la vie littéraire
en rédigeant le Journal de Cherbourg (1837-1841). De
1841 à 1857, il collabora à divers périodiques de Paris,
notamment à la Démocratie pacifique, au Journal des
mères et des enfants, et &Y Encyclopédie du xixe siècle.
Après le coup d'Etat du 2 décembre, il s'occupa surtout de
pédagogie. En 1858, il passa en Russie oiiil remplit l'em-
ploi de précepteur dans une ancienne famille française. Il
avait emmené avec lui sa jeune fille à laquelle il s'était plu
à donner une instruction très étendue, et qui devint plus
tard Mme Henry Gré ville. Son préceptorat ayant été inter-
rompu par la mort de son élève, M. Jean Fleury entra
dans l'enseignement public : professant la langue et la
littérature françaises, les littératures du midi de l'Asie et
de l'Europe dans plusieurs instituts et gymnases, à l'Ecole
de droit, etc., jusqu'au jour où il fut nommé au con-
cours (1873) lecteur en langue française à l'université
de Saint-Pétersbourg. Dans sa longue et laborieuse car-
rière, M. Fleury a publié un nombre considérable d'ou-
vrages, parmi lesquels nous citerons : Cherbourg et ses
environs (1840, in-12); Traditions populaires des envi-
rons de Cherbourg (1841-1842, in-12); Vie de Bernar-
din de Saint-Pierre (1843, in-12); Krylov et ses fables
(1862, in-12); Histoire élémentaire de la littérature
française (1867, in-12, 2 vol.; 9e éd., 1890, in-12);
Rabelais et ses œuvres (i$71, 2 vol. in-8); Marivaux et
le Marivaudage (1881, in-8); Littérature populaire de
la Basse-Normandie (1883, in-16); Essai sur le patois
normand de la Hague (1866, in-8); la Presqu'île de
la Manche et l'archipel anglo-normand (1890, in-8);
des poésies: J.-F. Millet (Cherbourg, 1890, in~8); les
Savoisiens dans la littérature française (Annecy, 1888,
in-8); Mes Délassements (Saint-Pétersbourg, 1887); une
série d'ouvrages d'enseignement: la Grammaire en action
(Paris, 1864, 3 vol. in-12); la Grammaire en action à
V usage des Russes (1892; 9e éd. in-12); Conseils aux
maîtres qui enseignent la langue française en Russie
(1893, in-12); les Aspects et les temps, la Conjugaison
dans les langues romanes et dans les langues slaves
(1893, in-12); Récits et descriptions, en russe et en
français (1887 et 1892, in-12) ; Un Peuple retrouvé par
la grammaire (1879, in-8), etc. Mentionnons encore sa
collaboration au Journal de Saint-Pétersbourg, où depuis
1873 il donne des critiques littéraires et théâtrales fort
appréciées, divers travaux dans les Mémoires de la So-
ciété de linguistique, dans la Revue pédagogique, etc.,
et les correspondances sur les choses russes, envoyées au
Figaro, à la Revue internationale, à la Bibliothèque
universelle, etc.
FLEURY (Louis-Joseph-Désiré), médecin français, né à
Pétersbourg de parents français, mort à Paris le 15 déc.
1852. Nommé en 1844 agrégé à la faculté de Paris, il se
consacra particulièrement à l'hydrothérapie et à l'hygiène ;
il dirigea plusieurs établissements hydrothérapiques. Parmi
ses écrits très nombreux, citons seulement : Mémoire sur
l'hydrothérapie (Paris, 1848-1855,2 vol. in-8); Traité
pratique d'hydrothérapie (Paris, 1852, 1856, 1866,
1875, in-8) ; Cours d'hygiène, etc. (Paris, 1861-1872,
3 vol. in-8). D'L. Hn.
FLEU RY (Jules Husson), dit Champ fleury (V*. ce nom).
FLEURY (Alice) (V. Ddrand-Gréville [Mme]).
FLEURY de Chàboulon (Pierre-Alexandre-Edouard,
baron), administrateur français, né en 1779, mort le 28 sept.
1835.11 entra fort jeune dans l'administration des finances,
fut auditeur au conseil d'Etat sous le Consulat, admi-
nistra ensuite avec talent, comme sous-préfet, l'arr. de
Château-Salins, où, à la fin de 1813 et au commence-
ment de 1814, il se comporta vaillamment en face de
l'invasion, et alla, pendant la campagne de France, re-
joindre à Montereau l'empereur qui le chargea d'aller à
Reims organiser la résistance. Sous la première Restaura-
tion, il voyagea en Italie et contribua, comme agent secret
du parti bonapartiste, au retour de Napoléon, dont il fut
secrétaire intime pendant les Cent-Jours. L'empereur l'en-
voya à Râle sous un faux nom pour déjouer l'intrigue que
le ministre Fouché avait nouée avec Metternich (avr. 1815).
Après la seconde Restauration, "Fleury de Chàboulon se
retira en Angleterre, où il publia sous ce titre : Mémoires
pour servir à l'histoire de la vie privée, du retour et
du règne de Napoléon en 18i5 (Londres, 1819, 2 vol.
in-8), un ouvrage qui eut, dans toute l'Europe, un grand
retentissement. Il rentra en France, où il dirigea une com-
pagnie d'assurances, fut nommé conseiller d'Etat sous le
gouvernement de Juillet (1830), et représenta l'arr. de
Château-Salins à la Chambre des députés à partir de 1834,
FLEUVE (V. Rivière).
FLEUVE Rlanc (V. Bakhoy).
FLEUVE Céleste (V. Egypte ancienne [Religion]).
FLEUVE Rouge (V. Tonkin).
FLÉVILLE. Corn, du dép. des Àrdennes, arr. de Vou-
ziers, cant. de Grandpré; 409 hab.
FLÉVILLE. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr
de Nancy, cant. de Saint-Nicolas-du-Port ; 370 hab.
. FLÉVILLE-Lixières. Com. du dép. de Meurthe-et-Mo-
selle, arr. de Briey, cant. de Conflans; 396 hab.
FLEXAN VILLE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Rambouillet, cant. de MontforM'Amaury ; 324 hab.
FLEXION. I. Physique. —On entend par flexion la dé-
formation que subit une barre de métal quand on lui applique
une force qui tend à la courber. Les lois de la flexion peuvent
être déterminées par le calcul ; l'expérience les a vérifiées.
Elles sont contenues dans la formule suivante :
KPL3
/~~ Ea4
dans laquelle f représente la flèche ou déplacement de la •
barre au point dont la distance au point fixe est L, P le
poids qui produit le déplacement, K un coefficient dépen-
dant du genre de flexion considéré et E un autre coefficient
dépendant de la nature de la barre. Nous avons représenté
par aA une fonction du 4e degré des dimensions transver-
sales de la barre, fonction qui varie avec sa forme. Ainsi
dans le cas d'une section carrée, a représente le côté de ce
carré ; dans le cas d'une section rectangulaire d'épaisseur
e et de largeur l, la fonction aA sera le% si la barre est flé-
chie dans le sens de l'épaisseur ou el3 si elle est fléchie
dans le sens de la largeur L Si la section est circulaire
il faudra remplacer a4 par 3^R4, R étant le rayon du
cylindre. Dans le cas d'un cylindre creux, le rayon exté-
rieur R et le rayon intérieur r, aA sera égal à 3tc(R4 — r4).
En outre, la constante K sera égale à 4 lorsque l'un des
bouts du corps sera fixe et que l'autre supportera la
flexion ; si le corps prismatique ou cylindrique est posé
par ses extrémités sur deux supports fixes et fléchis au
milieu, K sera égal à -j- . Dans le cas où les deux bouts
seraient encastrés dans des appuis invariables, on prendra
pour K la valeur -r^. Les lois contenues dans la formule
lo
précédente peuvent s'énoncer ainsi : la flexion est propor-
tionnelle au poids qui la produit et au cube de la longueur
fléchie. Dans le cas d'une barre rectangulaire, on peut
ajouter qu'elle est inversement proportionnelle au cube de
l'épaisseur et à la largeur ; dans le cas d'une barre cylin-
drique, elle est inversement proportionnelle à la quatrième
puissance du rayon ; enfin dans le cas d'un cylindre creux
elle est proportionnelle à la différence des quatrièmes
FLEXION
— 612
puissances des rayons extérieur et intérieur. Ces diverses
lois, prévues par la théorie de l'élasticité, ont été vérifiées
par l'expérience de plusieurs façons : on a mesuré la flèche
de flexion en traçant sur la barre en expérience un trait de
repère sur l'extrémité libre et en mesurant à l'aide du
cathétomètre le déplacement de ce point de repère lors de
la flexion.
On peut aussi, avec Wiedemann, fixer normalement, à
l'extrémité qui doit être fléchie, un petit miroir devant le-
quel on installe une règle divisée au-dessus de laquelle se
trouve une petite lunette; celle-ci vise le miroir à peu près
normalement et on aperçoit ainsi l'image de la règle dans
le petit miroir ; on note la division qui coïncide avec le
point de croisement des fils du réticule et on fléchit la
barre par un poids convenable. La flexion déplace le mi-
roir qui fait avec sa position primitive un certain angle ;
par suite la division de l'échelle visée par la lunette n'est
plus la même; la différence de ces divisions en millimètres
divisée "par la somme des distances du centre optique de
l'objectif et de la règle au miroir représente la tangente
de la déviation du miroir. On peut aussi employer la mé-
thode utilisée par Kupffer dans ses recherches sur l'élas-
ticité des métaux ; un miroir est fixé à l'extrémité qui doit
être fléchie, et on regarde normalement dans ce miroir avec
la lunette d'un théodolite de façon à apercevoir dans le
miroir en coïncidence avec les fils du réticule l'image de
ces fils eux-mêmes. Quand ce résultat est atteint, l'axe op-
tique de la lunette est perpendiculaire au miroir et l'angle
de la lunette avec l'horizon mesuré par le cercle gradué
du théodolite mesure l'angle que fait avec la direction pri-
mitive, qui était horizontale, la tangente à l'extrémité de
la courbe fléchie ; on peut en déduire la flèche.
Ces diverses méthodes peuvent servir à vérifier les lois
énoncées, mais elles sont surtout employées pour déter-
miner la constante E qui entre dans la formule et qui est
particulière à chaque substance employée. On peut aussi,
pour ce but particulier, comme l'a fait M. Phillips, mettre
le métal à étudier sous forme de ressort spiral dont on se
sert ensuite comme d'un balancier pour régler le mouve-
ment d'une sorte de montre ; la théorie montre qu'il existe
entre la durée d'une oscillation, les dimensions du ressort
et la constante E une relation qui permet de déterminer
celle-ci ; cette méthode est précieuse pour déterminer
l'élasticité des métaux très rares dont on ne possède que
de petits échantillons.
On peut aussi étudier, dans les phénomènes de flexion,
les déformations transversales ; elles sont très apparentes
avec le caoutchouc, mais existent dans tous les corps. Si
nous considérons une barre de section rectangulaire dans
son état d'équilibre, on constate que, lorsqu'elle est fléchie,
elle forme une sorte de gouttière, le côté convexe dirigé du
côté vers lequel agit la force de flexion ; les côtés latéraux
primitivement parallèles s'inclinent tout en restant recti-
lignes ; le rectangle est donc transformé en une sorte de
trapèze curviligne. Cette étude faite par M. Cornu, à l'aide de
la méthode optique employée par M. Fizeau pour mesurer
la dilatation des cristaux, lui a montré que le rapport du
coefficient de contraction transversale au coefficient d'al-
"i
conformément à
longement longitudinal est voisin
la théorie de Poisson. Les nombres trouvés pour diverses
lames de cristal varient, en effet, de 0,224 à 0,257.
Une autre conséquence des lois de la flexion s'aperçoit
quand, de la formule donnée plus haut, on tire la. va-
leur de P :
Efk*
~" KL3 '
La force de flexion P qui est égale à chaque instant à la
réaction élastique du barreau est proportionnelle à l'écart /",
comme dans le pendule la composante utile de l'action de
la pesanteur et pour chaque position proportionnel à l'écart ;
il en résulte que, si Ton abandonne à elle-même une verge
primitivement fléchie, elle oscillera de part et d'autre de
sa position d'équilibre en donnant, comme le pendule, des
oscillations isochrones. On vérifie cette déduction de la
théorie en remarquant que le son que donne une pareille
verge conserve sa hauteur quand ses amplitudes dimi-
nuent. On peut citer les applications suivantes des phéno-
mènes de flexion : le ressort spiral des chronomètres, les
ressorts-moteurs des horloges, les ressorts des voitures,
des wagons, des arcs, des détentes de fusil et de pistolet,
les baromètres et manomètres métalliques ; le rembourrage
des meubles qui utilise la flexibilité de certaines matières,
comme le crin, est encore une application des phénomènes
de flexion. A. Joannis.
II. Mécanique. — Barré de Saint-Venant est parvenu,
en 1855, à déterminer rigoureusement, sous certaines condi-
tions, au moyen des équations générales de l'élasticité, les
déformations éprouvées par un corps cylindrique ou pris-
matique. Dans ce problème, connnu aujourd'hui sous le
nom de problème de Saint-Venant, la substance du
corps est supposée homogène, et l'on admet en outre qu'il
y a isotropie pour les diverses directions transversales, c-
à-d. perpendiculaires aux génératrices du cylindre; l'élas-
ticité peut être différente dans le sens longitudinal. On
regarde comme négligeables les forces qui s'exercent tant
sur la surface latérale qua l'intérieur du corps. L'une des
bases est assujettie à avoir un élément linéaire complète-
ment immobile et à conserver en un point de cet élément
un plan tangent invariable ; l'autre base est soumise à
des forces extérieures convenablement choisies. On
cherche alors s'il est possible de faire en sorte que les
fibres longitudinales ne supportent aucune pression laté-
rale, c.-à-d. perpendiculaire à leur longueur. Le calcul
montre que, s'il en est ainsi, la déformation du cylindre
résulte de la composition géométrique des déplacements
dus à trois déformations simultanées, qui sont : Y exten-
sion simple, la torsion et la flexion. Nous n'avons à nous
occuper ici que de cette dernière. La flexion la plus géné-
rale peut elle-même être décomposée en deux flexions
simples, dont chacune est liée, comme on va le voir, à
une certaine direction de flexion ; les deux directions de
flexion sont d'ailleurs perpendiculaires entre elles. Dans
la flexion simple, une fibre primitivement rectiligne et
parallèle aux génératrices du cylindre prend la forme d'une
parabole cubique plane. Les plans de toutes ces paraboles
sont parallèles à une même droite, qui donne la direction
de la flexion, et qui est elle-même parallèle ou perpen-
diculaire à l'élément linéaire immobile. Le plan mené par un
point de cet élément parallèlement aux génératrices et à la
direction de la flexion est le plan de flexion. Le déplacement
de l'extrémité delà fibre passant par l'élément immobile (fibre
principale) mesure la flèche de flexion. Les fibres situées
dans un plan mené par cette fibre perpendiculairement au
plan de flexion n'éprouvent aucune variation de longueur.
Contrairement à ce que suppose la théorie élémentaire de
la flexion, les sections normales se trouvent gauchies et
coupent obliquement la fibre principale déformée. Généra-
lement, l'existence de la flexion entraîne celle d'une torsion
correspondante. Il y a exception quand la section droite du
cylindre possède des axes de symétrie. Quand le cylindre
est elliptique, les sections droites se trouvent transfor-
mées par la flexion en surfaces du troisième ordre. En ce
qui concerne les tensions, on trouve qu'elles sont cons-
tantes, pour chaque fibre, en tous les points de sa longueur.
Pour que ces divers résultats se vérifient, il faut, comme
nous l'avons dit, que les forces appliquées sur la base
libre soient distribuées d'une manière convenable, que fait
connaître le calcul. Mais, lors même que ces forces sont
autrement distribuées, ces résultats restent approximati-
vement exacts. D'une part, en effet, il existe toujours un
système de forces distribuées comme le veut la théorie,
et statiquement équivalentes (V. Force) au système de
forces donné ; d'autre part, un système de forces appli-
quées à une très petite partie d'un corps solide et qui se
— 613 —
FLEXION — FLEXURE
feraient équilibre si le corps était rigide ne produit pas de
déformations sensibles à une distance notable des points
d'application des forces, d'où il résulte que deux systèmes
équivalents produisent à une distance notable de leurs
points d'application des effets peu différents.
Quand la section d'une tige cylindrique est très petite
par rapport à la longueur, on peut fléchir assez fortement
cette tige sans imposer une déformation notable aux divers
éléments obtenus en divisant mentalement la longueur -en
parties comparables aux dimensions linéaires de la section.
Il en résulte que la théorie de l'élasticité peut s'étendre
aux déformations de ce genre. Kirchhoffet Clebschse sont
occupés de ce problème. Si la tige est primitivement rec-
tiligne et s'il n'y a pas de forces appliquées ailleurs qu'aux
extrémités, les équations différentielles d'équilibre aux-
quelles on parvient sont identiques à celles de la rotation
d'un corps pesant autour d'un point fixe : de sorte qu'à
chaque problème d'équilibre d'une tige correspond un pro-
blème de rotation, et réciproquement. En particulier, si la
tige n'est soumise qu'à des couples de forces, les équations
deviennent semblables à celles qui expriment la rotation
d'un corps non pesant, et le problème se résout alors par
l'emploi des fonctions elliptiques. Si, de plus, les rayons
principaux d'inertie de la section droite sont égaux, la
forme d'équilibre est une hélice. Le calcul peut encore être
poussé jusqu'au bout lorsqu'on étudie la flexion d'une
tige dans un plan, et la solution dépend également des
fonctions elliptiques. Pour les flexions très faibles d'une
tige rectiligne, on retrouve les formules usuelles de la
résistance des matériaux. Dans le cas d'une tige primiti-
vement courbe, Kirchhoff a imaginé de rectifier d'abord la
tige en lui appliquant des forces convenables, puis de la
ramener par d'autres forces à sa forme définitive. Toutes
ces questions reçoivent une extension importante lorsque
l'on fait intervenir les forces d'inertie : on est ainsi con-
duit à l'étude des vibrations des tiges élastiques.
L. Lecornu.
III. Construction. — Flexion des poutres (V. Poutre).
IV. Art militaire. — Exercice d'assouplissement qu'on
fait exécuter à l'homme de recrue au début de son ins-
truction militaire. Les flexions prennent place dans le
chap. i (art. 1) de Y école du soldat. Les flexions se
décomposent en flexions du corps en avant et en arrière ;
des extrémités inférieures; de la cuisse et de la jambe.
Ces dernières s'exécutent d'abord à la cadence modérée,
puis à la cadence accélérée.
V. Grammaire. — Dans la grammaire des langues indo-
européennes, le nom de flexion s'applique à deux sortes de
, phénomènes distincts. On le donne, en effet, soit aux modi-
fications vocaliques que présente une même partie radicale
(parfois aussi un suffixe) dans les différents dérivés où
elle se retrouve, soit à l'ensemble des formes que revêtent
les désinences casuelles des mots déclinables et les dési-
nences personnelles des verbes dans la déclinaison et la
conjugaison. Nous examinerons successivement ces deux
manières de considérer la flexion.
Flexion vocalique. — On peut citer comme exemples de
ce phénomène le rapport du vocalisme radical entre les
mots grecs Asyto, Àoyoç ou les mots latins tego, toga. Les
différentes explications qu'on a essayé de donner jusqu'ici
de la flexion vocalique ont le défaut commun de la consi-
dérer comme trop superficielle et de faire abstraction des
modifications profondes qu'a subies le vocalisme primitif
indo-européen avant de s'arrêter à l'aspect que nous lui
connaissons dans les principaux idiomes de la famille. On
ne saurait entreprendre d'exposer ici in extenso une nou-
velle théorie de la flexion ; qu'il nous suffise de dire qu'elle
ne peut résulter d'un changement pur et simple de l's de
Xe'^o) (pour reprendre les exemples déjà cités) en Yo de
^oyoç, ou inversement celui de o en s. De tels changements
ne sont justifiés par aucun exemple sûr ni en grec ni en
latin. Il est infiniment plus vraisemblable que, dans tous
les cas analogues, les formes primitives contenaient les
deux voyelles côte à côte et que des modifications ulté-
rieures ont amené l'élimination de l'une ou de l'autre dans
des conditions déterminées sans doute par l'influence des
autres éléments phonétiques des formes en question. Cette
hypothèse s'appuie sur les faits très nombreux où le procédé
supposé est encore pris sur le vif. C'est ainsi qu'en grec on
constate l'élimination de l'a d'un groupe aw dans Mouawv
auprès de Mouaàœv, de l's d'un groupe sa> dans <piXô
auprès de oiàeco ; et, en revanche, de o dans un groupe ot
comme dans l'S-(xsv auprès de o!c5-a, de 7u^iQ[xsv auprès
de rc&uoiôa, etc. Phénomènes analogues en latin dans
in-cludo auprès de claudo (intermédiaire probable in-
clodo) ; dans les formes libet et lubet auprès de l'ar-
chaïque loibet ou loebet, etc.
Flexion désinentielle. — 1° Bans la déclinaison. Le v
de l'accusatif singulier Aoyo-v en grec et le m du même
cas du latin hortu-m sont les formes de la flexion de ces
cas dans les deux langues en ce qui concerne les mots de
la seconde déclinaison.
-En général, les flexions désinentielles peuvent être con-
sidérées comme les variantes simples ou complexes d'une
même finale primitive entre lesquelles l'usage a réparti les
différentes fonctions casuelles aux trois genres et aux trois
nombres. Ici encore tout essai de démonstration nous
entraînerait trop loin ; bornons-nous à ajouter que la théorie
de Bopp, d'après laquelle les flexions casuelles seraient
d'anciens pronoms qui auraient été soudés à un moment
donné de l'évolution de la langue mère indo-européenne
aux finales primitives des mots qu'elles ont rendus décli-
nables, est une hypothèse dont l'abandon est imposé aux lin-
guistes par des considérations décisives, à ce qu'il semble.
2° Bans la conjugaison. Les finales v, ç, t des formes
du singulier de l'aoriste second actif du verbe grec 8fôwf«,
E-Sw-v, e-8w-ç, e-Sw-(t), constituent respectivement les
flexions ou désinences personnelles à la première, deuxième
et troisième personne du temps en question. Ces dési-
nences sont dites secondaires eu égard à celles du présent
de l'indicatif, entre autres, qui sont appelées primaires. Au
point de vue du rapport chronologique qui rattache celles-ci
à celles-là, il conviendrait d'intervertir ces dénominations ;
en réalité, les flexions secondaires sont les plus anciennes
et les flexions primaires en dérivent par voie d'élargisse-
ment. Ce fait, qui paraît absolument sûr, ne permet pas de
conserver l'explication d'après laquelle les flexions person-
nelles (dites primaires), sous la forme indo-européenne,
mi, si, ti au singulier actif seraient d'anciens pronoms
personnels agglutinés au radical des verbes. Si l'on com-
pare, au contraire, aux formes d'aoriste citées plus haut
le thème primitif du participe correspondant Swvtç (8o6ç),
il est difficile d'échapper à l'idée que ces formes sont
autres, en ce qui regarde les finales ou les flexions per-
sonnelles, que des variantes de la finale du participe,
réparties par l'usage, et à l'aide des sujets des verbes, entre
les différentes personnes qu'elles désignent respectivement.
— Nous sommes amenés par là à rattacher à un même
principe l'origine des deux sortes de flexions désinentielles,
et nous trouvons dans cette conséquence même une nou-
velle garantie de l'explication que l'examen des faits
particuliers et des procédés généraux qui président à
l'évolution des langues indo-européennes nous a conduit à
admettre. Paul Regnaud.
Bibl. : Mathématiques. — Clebsch, Théorie de Vélasti-
citéd'es corps solides, trad. par Barre de Saint-Venant
et Flamant; Paris, 1883.
FLEXURE (GéoL). Dans les régions qui n'ont été sou-
mises qu'à des efforts de compression peu énergiques,
souvent on observe que des couches restées horizontales se
montrent tout à coup brusquement coudées et reprennent
ensuite, à un niveau plus bas, leur horizontalité première.
Cette dislocation unilatérale, qualifiée autrefois par les géo-
logues américains de pli monoclinal (V. B. et H. D. Rogers,
OiithePhys. Struct. of the Appalachian chain ; Jrans.
Americ. Assoc. Geolog., 4842, p. 485), est maintenant.
FLEXURE — FLIBUSTIER
— 614 —
désignée sous le nom de flexure. Dans ce mode de plisse-
ment fort simple, la courbure, qui raccorde les couches ho-
rizontales situées à un niveau différent, peut être plus ou
moins inclinée, verticale, mais jamais on n'observe de che-
vauchement c.-à-d. d'angle rentrant portant la marque
d'un refoulement latéral. C'est en somme un pli à un seul
flanc attribuable à un effort vertical tendant à faire naître
une faille et qui aurait réussi à la produire si les couches
intéressées s'étaient mal prêtées à l'allongement. Dans les
conditions normales une flexure représente ainsi une faille
sans rupture, et de même que dans les failles il y a lieu
d'y distinguer, en dehors de la branche coudée (c, fig. 1),
a
un côté soulevé, a, et un côté abaissé, b. L'escarpement
est alors formé, non plus par des couches vues sur la tranche
comme dans les fractures à rejet notable, mais par une
pente continue. Dès lors quand, par suite d'une prolonga-
tion de l'effort vertical, cette branche coudée s'étire, les
couches infléchies s'amincissent (fig. 2 et 3), s'étranglent au
point de faire disparaître le flanc de raccordement (fig. 4),
puis finalement les deux coudes se séparent et la flexure
Canon de Kanak
rompue se résout en faille (fig. 5). Il est toujours facile
de se rendre compte de la nature de cet accident et de le
différencier des failles normales en examinant l'allure des
Diverses phases de la résolution d'une flexure en faille,
couches sur chacune des deux lèvres de la fracture;
alors que, sur la lèvre demeurée en saillie, elles apparais-
sent courbées vers le bas, sur la lèvre abaissée elles se
redressent en sens contraire (fig. 5). Dès lors ces failles
spéciales dites à retroussement deviennent caractérisées
par ce fait que sur le plan de fracture les couches semblent
aller à la rencontre l'une de l'autre.
Fa la /se
cU KEcko
Flexure Horst
Nacan de la mer
Fig. 6. — Coupe dirigée au travers du plateau dû Colorado, dans le N. du Grand Canon. 1, [carbonifère inférieur;
2, terrains houiller et permien \ 3, terrains secondaires ; H, faille des Hurricane fault ; T, faille du Toroweap ; P et P', plis
du Kaïbad.
Mieux que toute description, la fig. 6, empruntée à
M. Powel (Exploration of Colorado; United States Geolog .
Survey, 1884), donnera une idée du rôle bien particulier
joué dans le relief par ces flexures qui, correspondant tou-
jours à des plis très étalés, donnent naissance à de grandes
zones de plateaux. Tels sont sur le versant occidental des
montagnes Rocheuses, ceux célèbres du Colorado où les
couches, sans perdre leur horizontalité, se relèvent par
gradins successifs, raccordés par des flexures, qui se pour-
suivent sur de grandes étendues en offrant toutes les transi-
tions entre les plis et les cassures. Ch. Vélain.
Bibl. : Heim etDEMARGERiE, les Dislocations de l'Ecorce
terrestre; Zurich, 1888. — Geikie, Text Booh of Géologie;
Londres, 1885, 2a édit. — Von Richtofen, Fùrher For-
schungsreisende ; Berlin, 1886.
FLEY. Corn, du dép.de Saône-et-Loire, arr. de Chalon-
sur-Saône, cant. de Buxy; 654 hab.
FLEYS. Côm. du dép. de l'Yonne, arr. et cant. de
Tonnerre* 332 hab.
FLIBUSTIER ou BOUCANIER. Nom donné à des aven-
turiers européens établis aux Antilles durant le xvne siècle.
Leurs exploits dans leur lutte contre les Espagnols sont restés
légendaires. L'origine de leurs établissements remonte aux
premières années du xvir3 siècle. Les forêts et les savanes
des Antilles, Haïti, la Guadeloupe, la Martinique, Gre-
nade, etc., nourrissaient de vastes troupeaux de bœufs
redevenus sauvages. Des colons français abordèrent dans
ces îles et y cherchèrent une ressource dans la chasse.
Bientôt ils développèrent l'industrie du boucanage, rôtis-
sant ou fumant la viande, séchant les peaux. Leur équi-
page de chasse comportait une meute de 25 à 30 chiens
conduits par un ou deux veneurs, un fusil de lm60 fabri-
qué à Dieppe ou à Nantes et envoyant des balles de
30 gr. ; une vingtaine de livres de poudre venant
surtout de Cherbourg ; de plus, un sabre court et des cou-
teaux. Leurs vêtements étaient deux chemises de toile,
une culotte de drap, un chapeau de feutre, des souliers de
cuir ;,les jambes restaient nues ; ils emportaient de petites
tentes de toile mince. Les boucaniers isolés, sans femmes,
avaient adopté une discipline remarquable qui fit leur force.
Ils s'associaient deux à deux, mettant tout en commun ;
leur maison ou loge restait ouverte,nul vol n'étant à craindre.
Les querelles se réglaient par des duels. Leurs provisions
de cuirs ou de viande boucanée étaient portées à la côte
par des engagés, réduits à un véritable servage. Les bou-
caniers prospérèrent surtout au N. de l'Ile de Haïti. Là ils
se trouvèrent en conflit avec les Espagnols et en rapport
avec des aventuriers de la mer, avec lesquels ils se con-
fondirent, les flibustiers.
Les flibustiers (freeboters) étaient des pirates de toute
race qui dévalisaient les vaisseaux de commerce espagnols.
Le premier noyau fut formé de Français établis dans l'île
de Saint-Christophe vers 1625. Quelques années plus tard,
ils se transportèrent sur la côte N.-O. de Haïti et occu-
pèrent l'île de la Tortue, rocher formidable, à peu près
inaccessible, qui leur offrit un refuge assuré. Ils s'enten-
daient à peu près avec les boucaniers, colons de terre ferme,
originaires surtout de la Normandie. Ceux-ci finirent par
devenir gênants pour les Espagnols qui les avaient d'abord
négligés. Attaqués jusque dans leurs villes, les Espagnols
entamèrent une guerre en règle contre les boucaniers, mas-
sacrant les gens paisibles comme les pillards. La résistance
s'organisa et il en résulta deux conséquences. D'une part,
le gouvernement français protégea ses nationaux et trans-
forma en colonies leurs principaux établissements. D'autre
part, les flibustiers menacés s'organisèrent au point de
former une véritable puissance maritime. Il se fit donc un
départ entre les colons et les pirates. En 4637, Louis XIII
nomme gouverneur de la Martinique le capitaine Dupar-
645 -
FLIBUSTIER — FLINCK
quet, un des chefs des flibustiers. En 4655, les boucaniers
de Haïti se mettent sous la protection de la France. Les
Espagnols, désespérant d'en venir à bout directement, avaient
exterminé les bœufs sauvages, ce qui forçait les chasseurs
à se transformer en planteurs. En 4665, la France leur
envoya un gouverneur et une cargaison de femmes. Ainsi se
fonda la colonie française de Haïti, qui fut au xviii6 siècle
la plus prospère des Antilles. On trouvera des détails dans
les articles spéciaux (V. Haïti, Martinique, etc.).
Un grand nombre d'aventuriers, au lieu de devenir des
colons, préférèrent continuer leur vie batailleuse. Les fli-
bustiers formaient des bandes de 50 à 450 hommes, montés
sur des barques où parfois ils avaient à peine la place pour
se coucher. Bravant les tempêtes et les intempéries, ils
guettaient les navires espagnols. Un des premiers, le Diep-
pois Legrand se jette avec une barque montée par
29 hommes, armée de quatre petits canons, sur le galion
du vice-amiral ; son bateau sombre, mais il s'empare de
l'autre. Les exploits des flibustiers, l'énorme butin qu'ils
conquièrent leur attirent des milliers de recrues. Leurs
petites bandes de 25 à 30 hommes, qu'on appelait des
matelotages, étaient autonomes ; elles grandissaient avec
le succès, s'unissaient les unes aux autres pour de grandes
expéditions, essaimaient comme des ruches quand elles
devenaient trop nombreuses. Les keys, récifs et îlots à
demi noyés du S. de la Floride leur fournissaient des re-
paires impénétrables où ils défiaient toute poursuite. Dans
ces îlots ou sur les côtes voisines, ils enterraient leurs
trésors, et plus d'un y est encore dont les possesseurs ont
disparu dans quelque tempête ou dans quelque assaut
meurtrier. Dans leurs orgies ou dans les partages de butin
s'allumaient de terribles querelles. Nulle organisation d'en-
semble ne put être créée par ces redoutables pirates.
Cependant ils furent bientôt assez forts pour s'attaquer non
seulement à des navires, mais à des villes, aux forteresses
des Espagnols. Quelques-unes de ces entreprises ont eu
un grand retentissement.
Les flibustiers dont l'histoire a conservé le nom sont :
les Français Montbars l'Exterminateur , Nau l'Olonais ,
Montauband, François Gramont ou Grandmont, Michel le
Basque ; les Anglais Morgan, Mansfield, les Hollandais
Roe Graff, Van Horn (d'Ostende), le Portugais Barthé-
lémy, etc. Leurs plus célèbres hauts faits sont rapportés
au nom de ces étranges héros. Ils commencèrent vers 4660
quand les Frères de la Côte s'organisèrent avec quelque
méthode sous leur étendard noir orné de la tête de mort
et du sablier. Rappelons l'expédition de Montbars, Nau
l'Olonais et Michel le Basque qui, avec 440 hommes, sac-
cagèrent Puerto Gabello, San Pedro, Gibraltar, Maracaïbo ;
de Morgan, qui dévasta Portobello, l'île Santa Gatarina,
Chagres et Panama (4670); celle de Van Horn et des
4,200 flibustiers français contre la Vera Cruz (4683); la
grande expédition où 4,000 hommes se réunirent pour
essayer la conquête du Pérou ; l'indiscipline la fit avorter.
Citons encore l'extraordinaire équipée de ces 50 flibustiers
qui promenèrent leur barque du détroit de Magellan à la
Californie, pillant les ports espagnols, capturant un navire
de guerre de premier rang chargé de plusieurs millions de
numéraire. La dernière grande victoire des flibustiers fut la
prise de Cartagena par les corsaires français. La guerre
entre la France et l'Angleterre divisant les flibustiers en
deux camps contribua beaucoup à les faire disparaître ; la
colonisation méthodique de Haïti, de la Jamaïque, l'orga-
nisation par les Anglais d'une immense contrebande offi-
cieuse expliquent qu'au xvnr3 siècle le souvenir seul subsiste
des Frères de la Côte.
Bibl.: Œxmelin, Geschichte der Bukaniere, 1775. —
Archenholz, Geschichte der Bukaniere ; Tubingue, 1804.
— Les Flibustiers au xviii9 siècle ; Limoges, 1884.
FL1GNY. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Rocroi,
cant. de Signy-le-Petit ; 242 hab.
FL1MS. Village de Suisse, cant. des Grisons, sur le ver-
sant N. de la vallée du Rhin, à 800 m. au-dessus de la
mer ; 798 hab. de langue romanche. Paysage fort pitto-
resque, très fréquenté des touristes, qui trouvent à Flims
de grands hôtels dont le confort ne laisse rien à désirer.
A une petite distance, se voit le joli petit lac de Cauma,
au milieu d'une magnifique forêt de sapins.
FLIN (Fluns, 4147). Corn, du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. de Lunéville, cant. de Gerbéviller, sur la
Meurthe et le chem. de fer de Nancy à Saint-Dié; 588 hab.
Filatures, tréfilerie, fours à chaux. — A 2 kil. au S. s'éle-
vait le prieuré de Merva ville, aujourd'hui converti en ferme.
FLINCK (Govaert), peintre hollandais, né à Clèves en
4645, mort à Amsterdam en 4660. Ses parents, simples
blanchisseurs, voulaient en faire un commerçant et l'avaient
placé d'abord chez un marchand de soieries d'où sans cesse
il s'échappait pour aller dessiner chez un peintre verrier.
Son père entrava de toutes ses forces cette vocation ; enfin,
un jour qu'il avait entendu prêcher un anabaptiste élo-
quent, de la secte des memnonites, il apprit que ce saint
homme n'était autre que le peintre connu, Lambert Jacobsz.
Cette aventure leva tout scrupule, et ce fut à Jacobsz lui-
même que fut confié le jeune homme. Dans l'atelier de ce
maître, à Leeuwarden, Flinck se lia avec Jakob Bakker et
avec le fils de Jacobsz, Abraham Lambert van der Tempel.
A cette première période appartiendrait un grand tableau
ambitieux et inexpérimenté, représentant Sept Princes de
la maison de Nassau (palais de Leeuwarden), si toutefois
il est bien prouvé qu'il soit de Flinck lui-même. Venu à
Amsterdam en 4636, il y entra aussitôt dans l'atelier de
Rembrandt. Nature aimable et souple, Flinck s'assimila
rapidement l'enseignement puissant du maître. Il se passa
pour lui ce qui se passait pour beaucoup de jeunes peintres
hollandais : les tableaux qu'il exécuta avant son admission
à la maîtrise et que, d'après les statuts de la corporation
de Saint-Luc, il n'avait pas le droit de signer, furent
vendus comme des œuvres de Rembrandt, et on en re-
trouve dans les musées, avec de fausses signatures. Après
avoir quitté l'atelier de Rembrandt, où il ne resta pas
deux ans, Flinck conserva quelque temps la tradition du
maître, qui se reconnaît notamment dans ses trois Béné-
dictions d'Isaac (Amsterdam, 4638, Alte Pinacothek de
Munich, collection Six) : tout y vient de Rembrandt, sujet,
figures, accessoires. En 4644, Flinck,. livré à lui-même,
s'est déjà fait une belle clientèle de portraitiste, puisque
de cette année sont datés la Petite Fille, de la collection
des Tombes à Amsterdam ; la Petite Bergère, du Louvre,
et le Jeune Homme, de Berlin. Enfin, en 4642, il peut
aborder les grands tableaux de corporations, qui n'étaient
confiés qu'aux peintres en réputation. Il peint d'abord les
Quatre Doyens de la corporation des « kolveniers » ou
arquebusiers, puis, en 4645, les Officiers de la compa-
gnie « Orange » de la milice. Dans cette œuvre magis-
trale, Flinck se sépare déjà de Rembrandt pour se rappro-
cher de maîtres plus calmes, comme Van der Helst ; jetant
ses personnages si vivants en pleine lumière, il fait jouer
sur leur drapeau et leur costume une série de teintes
jaunes, d'une finesse et d'une harmonie extraordinaires.
En 4645, il fait un riche mariage : un des personnages
les plus considérables d'Amsterdam, Thovelinck, lui donne
sa fille Ingitta, qui devait mourir dès 4654, déformée par
Fhydropisie. C'est en 4648 que Flinck exécute son œuvre
capitale : la Fête des gardes civiques après la paix de
Munster (ou de Westphalie), avec une vingtaine de figures.
Ici la composition savamment équilibrée, la recherche des
_ ajustements aristocratiques et des attitudes élégantes et
fières trahit l'imitation non des Hollandais simples et bour-
geois, mais des Flamands qui travaillaient pour les princes.
Cette transformation, que l'on peut attribuer au succès de
Van Dyck, a frappé même les contemporains, mais la sou-
plesse avec laquelle la manière de Flinck suivait la mode
ne faisait qu'augmenter sa réputation, et, précisément à
propos de ce tableau de 4648, Vondel, le détracteur de
Rembrandt, comparait Flinck au légendaire Apelles. Une
autre commande importante mit le comble à sa gloire : il
FL1NCK — FLINT
616 —
exécuta, pour l'hôtel de ville d'Amsterdam, deux grandes
compositions, Gïirius Dentatus refusant les présents des
Samnites, et Salomon demandant à Dieu la sagesse.
Ces peintures officielles et pompeuses étalent une habileté
de disposition et une richesse de costumes et d'accessoires
qui font immédiatement penser à Rubens ; mais la couleur
est épaisse et criarde. Le magistrat d'Amsterdam se mon-
tra si satisfait que Flinek reçut aussitôt la commande de
huit toiles nouvelles ; mais, avant que les esquisses fussent
terminées, la maladie l'enleva en quelques jours. Sa col-
lection de tableaux et gravures, trop vantée par Houbraken,
devait être assez médiocre, car, d'après les documents, elle
ne se vendit que \ ,200 florins. Outre les œuvres capitales,
que nous avons citées, on peut encore voir : une Annon-
ciation aux bergers (Louvre), un Portrait de femme
(Bruxelles), Abraham chassant Agar (Berlin), David et
Urie (Dresde), un Corps de garde (Alte Pinacothek de
Munich), deux Portraits à Copenhague, trois Portraits
à l'Ermitage (Saint-Pétersbourg), Bethsabée implorant
David (National Gallery de Dublin). E. Bertaux.
Bibl. : H. Havard, l'Art et les Artistes hollandais, II.
— E. Michel, Rembrandt.
FLINDELL (Thomas), publiciste anglais, né à Helford
(Cornouailles) en 1767, mort à Exeter le 11 juil. 1824.
Apprenti typographe, il fut chargé de diriger, en 1790, la
Doncaster Gazette; il fonda vers 1798 une imprimerie à
Helston, s'établit à Falmouth en 1800 et fonda en 1801
la Cornwall Gazette and Falmouth Packet, qui dispa-
rut bientôt à la suite de la faillite des bailleurs de fonds.
Flindell créa un nouveau journal, The Royal Cornwall
Gazette (1803), qui existe encore aujourd'hui (1893), et une
publication hebdomadaire, The Western Luminary. Un
article satirique où la reine Caroline était représentée comme
une sectatrice de Bacchus et de Vénus, valut à Flindell une
condamnation à huit mois d'emprisonnement (1821). Il mit
à profit ses loisirs forcés pour composer un volume' de con-
troverse religieuse, Prison Récréations (1821). Il mourut
des suites des rigueurs qu'il avait endurées en prison.
FLINDERS (Ile) . Ile de l'Australasie, au N.-E. de la Tas-
manie, dans l'archipel des Furneaux (V. ce mot). On y
relégua en 1835 les derniers Tasmaniens.
FLINDERS (Monts). Montagnes de l'Australie, colonie
d'Australie du Sud, à l'E. du golfe de Spencer et du lac Tor-
rens; le plus haut sommet, le mont Remarkable, atteint 969 m.
FLINDERS. Rivière d'Australie, colonie de Queensland;
elle coule de l'E. à l'O. puis du S. au N. et débouche par deux
branches dans le golfe de Carpentarie après un cours de
775 kil. Elle arrose de riches pâturages. Son principal tribu-
taire est le Cloncurry . Elle a été découverte par Stokes ( 1 841 ) ,
explorée par Walker (1862) et Landsborough (1868).
FLINDERS (Matthew), navigateur et hydrographe an-
glais, né à Donington (Lincolnshire) en 1770, mort à
Londres le 19 juil. 1814. D'une famille de médecins, ses
parents le destinaient à la même profession, mais il avait
la passion de la mer, et, après avoir étudié seul les sciences
qui se rattachent à la navigation, il prit du service,
d'abord sous les ordres du capitaine Pasley, puis sous
ceux du capitaine William Bligh, avec lequel il fit un voyage
dans les mers du Sud où ses connaissances de dessinateur
et d'hydrographe furent mises à profit. Arrivé en Australie
(1795), il entreprit, sur une frêle embarcation, de concert
avec Georges Bass (Y. ce nom), un périlleux voyage d'ex-
ploration dans l'intérieur du pays, qui réussit à merveille.
Ils recommencèrent en 1 798 et découvrirent alors le détroit
qui porte le nom de Bass. Ces succès valurent à Flinders,
en 1799, de la part du gouverneur John Hunter, le com-
mandement du sloop le Norfolk avec la mission de recon-
naître les côtes et les détroits du groupe des îles Furneaux.
De retour en Angleterre, il fut nommé lieutenant de vais-
seau et envoyé sur le Xenophon dont le nom fut, pour la
circonstance, changé en celui à'ïnvestigator, pour explo-
rer plus en détail la côte S. de la Nouvelle-Hollande, où
il se rencontra avec le capitaine français Nicolas Baudin,
commandant le Géographe. Les maladies dont souffrait son
équipage et le mauvais état de son navire le forcèrent de
ne pas pousser son exploration plus loin que la baie
d'Arnhem. Le 10 août 1803, il prit passage sur le Por-
poise, qui partait de Port Jackson pour l'Angleterre ; mais
sept jours après, le navire faisait naufrage, et Flinders
pouvait à grand 'peine regagner Port Jackson. Reparti sur
le Cumberland, il fut contraint de relâcher à l'île Maurice,
dont le gouverneur français, Decaen, le retint prisonnier
sous l'accusation d'espionnage. Il ne fut relâché qu'au bout
de sept ans. Enfin, le 20 oct. 1810, il arriva à Portsmouth
et s'occupa de rédiger la relation de son voyage, qui parut
le jour même de sa mort ( Voyage to Terra Australia ;
Londres, 1814, 2 vol.). Flinders, dont les travaux font
encore autorité, a été un des premiers à étudier l'erreur
de la boussole due à l'attraction du fer entrant dans ta cons-
truction des navires ; un mémoire de lui sur ce sujet est
inséré dans les Philosophical Transactions de la Royal
Society pour- 1806. B.-H. Gausseron.
FL1 N DERSIA (FlindersiaR.Br.) (Bot.). Genre déplantes
de la famille des Méliacées et du groupe des Cédrélées. Les
espèces qu'il renferme, au nombre d'une douzaine, ha-
bitent Amboine, l'Australie et la Nouvelle-Calédonie. Ce
sont des arbres ou des arbustes à feuilles coriaces, simples
ou imparipennées, à fleurs hermaphrodites, pentamères,
avec un androcée diplostémone. Le fruit est capsulaire.
Celui du F. amboinensis Poir. ou Radulier (Arbor radu-
lifera Rumph.) est hérissé de petites pointes aiguës et
coniques ; les indigènes s'en servent comme de râpes. Une
autre espèce, le F. xanthoxylon H. Bn fournit au com-
merce le Bois jaune d'Australie. Ed. Lef.
FL1NDT (Paul), orfèvre et graveur allemand, né à Nu-
remberg vers 1570, mort vers 1620. On ne le connaît que
par plusieurs recueils de gravures portant son nom, tels
que le Visirungs Buch (Vienne, 1593, 37 pi. in-fol.) ;
un recueil de vases et autres ustensiles du xvie siècle
(4594, 42 pi.); les Douze Mois (Nuremberg, 1611,
13 pi.) ; les Grotesques (1611, 12 pi.). On lui attribue
l'exécution de certains vases artistiques conservés dans les
musées de Berlin, Nuremberg et Londres. G. P-i.
FLINES-lez-Mortagne. Com. du dép. du Nord, arr. de
Valenciennes, cant. de Saint-Amand, sur la rive droite de
l'Escaut; 1,884 hab. Construction de bateaux. L'église
conserve d'anciennes et curieuses pierres tombales.
FLINES-lez-Rachesou lez-Marchiennes, ou l'Abbaye.
Com. du dép. du Nord, arr. et cant. de Douai, près de la
Scarpe; 4,016 hab. Stat. du chem. de fer du Nord, ligne
de Douai à Tournai. Fabriques de sucre, distilleries, tis-
sage de toiles, teintureries. Eglise en partie du xme siècle;
belles tombes du xve siècle.
Abbaye de Flines. — Ancienne abbaye de femmes de
l'ordre de Cîteaux, établie en 1234, près d'Orchies,par Mar-
guerite, fille de Baudoin de Flandre, empereur de Cons-
tantinople, et transférée àFlines en 1252. Elle était à la fin
du siècle dernier l'une des plus riches abbayes du royaume.
Bibl. : Hautcœur, Histoire et cartulaire de l'abbaye
de Flines; Lille, 1873-1874, 3 vol. in-8, av. cartes.
FLINS-Neuve-Eglise. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Mantes, cant. de Houdan ; 126 hab.
FLINS-sur-Seine. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Versailles, cant. de Meulan; 772 hab.
FLINS des Oliviers (Carbon de) (V. Carbon).
FLINT. Comté anglais du pays de Galles, entre ceux de
Denbigh et de Chester, sur l'estuaire de la Dee ; il com-
prend, avec le district de Maelor Saesneg, enclavé à l'E.
de la Dee entre Denbigh, Salop et Chester, 655 kil. et
80,000 hab. Le rivage de la Dee est un sol alluvial très
fertile ; à l'intérieur, les hauteurs s'élèvent jusqu'à 556 m.
dans le Moel Fammau. A l'O. du comté coule le Clwyd.
Le chef-lieu est Mold ; les principaux centres sont Hawar-
den, Flint, Holywell. Sur la superficie du sol, 31 °/0 sont
cultivés, 44 °/0 occupés par des prairies, 4 1/2 °/o par
des bois. On comptait en 1885 environ 5,700 chevaux,
— 647 -
FLINT - FLINT-GLASS
32,000 bœufs, 60,000 moutons, 45,000 porcs. Il existe
des mines de houille et de plomb qui donnent lieu à une
exploitation active.
FLINT. Ville des Etats-Unis, Etat de Miehigan, comté de
Genesee, sur une petite rivière appelée Flint ; 9,000 hab.
Stat. du chem. de fer de Port Huron à Lansing, à 90 kil.
N.-O. de Détroit. Importantes scieries.
FLINT River.- Riv. des Etats-Unis (Etat de Géorgie),
affl. de gauche du fleuve Chattahooehee, qui, après sa jonc-
tion avec la rivière Flint, prend le nom d'Apalachicola (ri-
vière des Appalaches) et se jette dans le golfe du Mexique,
au N.-O. de la Floride. Le Flint a un cours de 480 kil. et
est navigable jusqu'à Albany (225 kil.).
FLINT (Timothée), ecclésiastique et littérateur améri-
cain, né à North Reading (Massachusetts) le 41 juil. 4780,
mort à Salem le 46 août 4840. Il fut pasteur àLuenburg
(Massachusetts) de 4802 à 4844. Des dissentiments poli-
tiques avec ses paroissiens lui firent ensuite donner sa
démission. Il alla comme missionnaire dans l'Ouest et y
demeura de 4845 à 4825. Parmi les romans, essais et
articles qu'il publia après cela, il faut relever : Recollec-
tion of ten years passed in the Valley of the Missis-
sippi (Boston, 1826, in-8), et Condensed Geography and
History of the Western States in the Mississippi Valley
(Cincinnati, 4828, 2 vol. in-8), qui forment des documents
importants de ce temps sur ces contrées. F.-H. K.
FLINT (Austin), médecin américain, né à Peterham
(Massachusetts) le 20 oct. 4842, mort le 43 mars 4886.
Professeur de pathologie à New York et à Brooklyn, il a
été l'un des médecins les plus éminents de l'Amérique. Il
a laissé un grand nombre d'excellents ouvrages parmi les-
quels : Pract. Treatise on the diagnosis and treatm. of
diseases of the heart (Philadelphie, 4859, in-8 ; 2e éd.,
4879) et Treatise on principles and practice ofmedi-
cine (Philad., 4866, in-8; 5e éd., 4884) sont devenus
classiques. Dr L. Hn.
FLINT (Austin), physiologiste américain contemporain,
fils du précédent, né à Northampton le 28 mars 4836.
Professeur de physiologie à New York. Ouvrages prin-
cipaux : The Physiology of man (New York, 4866-4874,
5 vol. in-8) ; A Text Book of human physiology (New
York, 4876, in-8). # # Dr L. Hn.
FLINT (Robert), philosophe anglais contemporain, né
dans le comté de Dumfries, en Ecosse, le 44 mars 4838.
Il entra, à l'âge de quatorze ans, à l'université de Glasgow
où il suivit, pendant huit ans, les cours de lettres et de
théologie et obtint de brillants succès dans divers concours
universitaires. Il entra, en 4859, avec le grade de licencié
dans l'Eglise d'Ecosse, fut nommé, la même année, pasteur
de la paroisse de l'Est d'Aberdeen, puis, en 4862, pasteur
de Kilconquhar, dans le comté de Fife. En 4864, il fut
appelé à succéder à l'illustre professeur Ferrier dans la
chaire de philosophie morale et d'économie politique de
l'université de Saint- Andrews. En 4876, il passa dans la
chaire de théologie de l'université d'Edimbourg où il en-
seigne encore aujourd'hui. M. Flint est membre corres-
pondant de l'Institut de France, membre honoraire de la
Société royale de Palerme et vice-président de la Société
royale d'Edimbourg. En philosophie, M. Flint n'accepte ni
ne condamne sans rectriction aucun système. Il admet que
les philosophies positive, critique, métaphysique ou pra-
tique ont chacune leur légitimité et leur sens propre. Il
rejette seulement le positivisme et le criticisme quand ils
dégénèrent l'un en négativisme, l'autre en agnosticisme,
et les philosophies pratique ou métaphysique quand elles
se refusent à admettre le contrôle des philosophies critique
et positive (V. le résumé des idées philosophiques de
M. Flint dans la Princeton Review of Philos., art. Scien-
tia Scientiarum, et dans la Presbysterian Review, art.
Classification of the Sciences). Parmi les ouvrages de
M. Flint nous citerons : Christ' s Kingdom upon Earth
(4865) ; The Philosophy ofRistory in France and Ger-
many (Edimbourg, 4874); cet ouvrage capital, quia
fondé la réputation de son auteur, a été traduit en fran-
çais par Lud. Carrau (Paris, 4878, 2 vol. in-8) ; M. Flint
se consacre actuellement (4893) à un remaniement complet
de ce livre; Theism (Londres, 4877; 8e éd., 1894); An-
titheistic Théories (4879; 4e éd., 1894); Vico, dans les
Blackwood's Philosophical Classics (4884), traduit en
italien par F. Finocchietti (4888). Il faut y joindre
de nombreux articles dans diverses revues : The Mind,
The Princeton Review, The Juridical Review, Good
Words, The Encyclopœdia Britannica, Chamber's En-
cyclopœdia, sur différents points de philosophie générale,
de philosophie religieuse, d'histoire de la philosophie et de
sociologie, enfin un certain nombre de brochures, de ser-
mons et de conférences. Th. Ruyssen.
FLINT-GLASS (Techn.). Le cristal qui entre dans la
composition des pièces d'optique, et désigné sous le nom de
flint-glass pour le distinguer des parties en simple verre dites
crown-glass, exige une série de qualités propres qui, jadis,
en rendaient la fabrication beaucoup plus difficile que lors-
qu'il s'agissait simplement des articles de cristallerie ordi-
naire. C'est aux travaux de Bontemps et de Guinand que
l'industrie est redevable de la fabrication de ce cristal spé-
cial, avec lequel on a pu, en le combinant au crown-glass,
obtenir des objectifs chromatiques. Voici les compositions
données par ces auteurs :
Sable 400 kilogr.
Minium 400 —
Potasse 30 —
Le point essentiel à réaliser dans une pièce de cristal
destinée à la confection d'une lentille, c'est qu'il soit d'une
homogénéité absolue et que sa densité n'offre aucune va-
riation d'un point à un autre de sa masse. De là la néces-
sité d'un brassage énergique des matières en fusion, afin
d'éviter les phénomènes de liquation des couches liquides,
dus aux différentes densités des matières constituantes. Le
brassage n'aurait pu se pratiquer sans inconvénient avec
un ringard de fer, attaqué lui-même et par suite altérant
le produit. C'est à Guinand que l'on doit l'idée de l'emploi
d'un cylindre en terre, analogue à celle qui constitue le
creuset, garni à sa partie supérieure d'un rebord plat,
pour s'appuyer sur la surface du creuset, dans lequel on
introduit un crochet de fer permettant le brassage sans
inconvénient. Ce brassage doit être exercé non seulement
au moment où le cristal est le plus liquide, mais encore
jusqu'à celui où la matière, en se refroidissant, s'oppose
à cette opération. Mais afin d'éviter, dans cette dernière
période, la formation de bulles qui auraient de la peine à
s'échapper et pourraient rester emprisonnées dans le cristal,
il faut prolonger l'état de liquéfaction assez longtemps pour
que le cristal s'épure le plus possible et devienne moins
sujet à donner encore des bulles vers la fin de l'opération.
Le brassage se fait en deux fois : la première, dès que le
flint-glass est fondu, suivi d'une période de refroidissement
du four, et la seconde après la remise en pleine fonte. Le
second brassage, avec une charge de 80 kilogr. , ne dure
pas moins de deux heures et sans interruption. Puis on
laisse refroidir lentement le four, en bouchant hermétique-
ment le creuset, que l'on extrait avec son contenu. Lors-
qu'on brise le creuset, la masse de cristal se présente
divisée en couches plus ou moins épaisses, séparées par de
petites bandes striées. On scie la masse, suivant ces der-
nières bandes, en formant ainsi des pièces où l'homogénéité
peut être supposée aussi complète que possible. Ce sont ces
disques qui servent à la fabrication des lentilles. Voici,
d'après Dumas, la composition du flint-glass de Guinand :
Silice .\... 42,5
Alumine 4,8
Oxvde de plomb 43,5
Chaux 0,5
Potasse 44,7
400,0
Le flint, doué de pouvoirs réfringent et dispersif supé-
FLINT-GLASS - FLOBERT
— 618
rieurs à ceux du verre ordinaire, est employé, comme nous
l'avons dit, en optique, pour former des prismes propres
à décomposer la lumière en un spectre très pur. L. K.
FLIPART (Jean-Charles), graveur français, né à Paris
vers 1684, mort à Paris le 23 mai 1751. Il produisit peu
et on ne cite de lui que deux planches d'après Raphaël,
pour le cabinet Crozat, et le portrait du célèbre avocat
René Choppin.
FLIPART (Jean-Jacques), graveur au burin, né à Paris
le 15 févr. 1719, mort à Paris le 10 juil. 1782. Fils du
précédent et élève de Laurent Gars. On remarque dans son
œuvre une Sainte Famille d'après Jules Romain ; une série
de sujets de mœurs d'après les maîtres français du temps,
Boucher, Garesme, Vien, et surtout Greuze (l'Accordée
de village, le Gâteau des rois, la Dévideuse, la Trico-
teuse, le Paralytique) ; enfin de bons portraits, parmi
lesquels ceux du peintre Dumont le Romain et de Greuze.
L'élégance d'exécution de ses planches le fit admettre à
l'Académie royale en 1755. G. P-i.
FLIPON. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. de Fleury-sur-Andelle ; 219 hab.
FLIREY. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Tout, cant. de Thiaucourt ; 371 hab.
FLISSA. Yatagan algérien fabriqué principalement en
Kabylie. La lame, un peu recourbée et dont le tranchant
esta l'intérieur, est en acier trempé à l'air. Le fourreau est
généralement formé de deux plaquettes de bois maintenues
par des cercles ou bandes de ter-blanc.
FLISSA. Grande tribu berbère d'Algérie, dans la Kaby-
lie du Djurjura, dép. d'Alger, arr. de Tizi-Ouzou, dont le
vrai nom est Iflissen, Il semble qu'on retrouve ce nom
dans celui des Isaflenses, qui, au ive siècle, se révoltèrent
contre l'autorité romaine. Aujourd'hui la tribu est divisée
en deux groupes, séparées par d'autres tribus : 1° les Flis-
set-oum-el-Lil, les « Flissa de la nuit » ou les « Fiissa
des bois », qui habitent les collines séparant le bassin de
Tisser de celui du Sebaou entre Palestro, Fort-National et
Tizi-Ouzou et qui comptent environ 10,000 individus. Ils
ont souvent lutté contre nous et ont pris notamment une
grande part à l'insurrection de 1871 ; on a séquestré alors
une partie de leurs terres et on y a créé quelques centres
de colonisation, comme Tizi-R'nif; 2° les Flisset-el-
Bahar, ou « Flissa de la mer », qui habitent les hauteurs
dominant le littoral entre le cap Tedlès et le cap Corbelin ;
leurs hameaux sont entourés de figuiers, de caroubiers et
de vignes. Beaucoup sont forgerons, armuriers et fabriquent
ces couteaux longs, pointus, à manche de bois, qu'on ap-
pelle, de leur nom, des flissas. Les Flisset-el-Bahar sont au
nombre de 5,000 environ ; c'est sur leur territoire que se
trouvent les centres de colonisation de Tigzirt, Taksebt et
Azeffoun, sur l'emplacement de villes romaines. E. Cat.
FLITA ou FLITTA. Grande tribu algérienne, parlant
arabe, mais où le sang berbère prédomine, qui habite des
douars épars sur les collines entre Relizane et Tiaret (dép.
d'Oran), Jadis très forte, elle nous opposa une vive résis-
tance ; même en 1864 elle se révolta encore, saccagea les
environs de Relizane et attaqua cette ville. Depuis, ses
diverses fractions ont été réduites par la misère et la
famine à une population beaucoup moindre, et la colonisa-
tion française, qui pénètre de plus en plus leur pays, achève
de désorganiser la confédération. E. Cm:.
FLITCROFT (Henry), architecte anglais, né àHampton
Court le 29 août 1697, mort à Frognal (Hampstead) le
25 févr. 1769. Fils de Jefïery Flitcroft, jardinier de Guil-
laume III, et d'abord placé en apprentissage chez un me-
nuisier, Henry Flitcroft obtint la maîtrise et fut même plus
tard élu gardien honoraire de la corporation des menui-
siers ; mais, étant occupé, à des travaux de charpente dans
l'habitation du comte de Burlington, il s'y cassa la jambe,
ce qui le fit remarquer par ce zélé protecteur des arts,
lequel, expert en architecture, le fit étudier sous la direc-
tion de William Kent. C'est ainsi que Flitcroft travailla à
l'édition des dessins d'Inko Jones que Kent donna aux
frais du comte de Burlington sous le titre de The Designs
of Inigo Jones, consisting of plans and élévations of
public and private buildings (Londres, 1727, 2 vol.
in-fol.). Par la protection de Burlington, Flitcroft devint
successivement, de 1726 à 1758, surveillant des travaux
du roi, maître charpentier, puis maître maçon du roi et
enfin contrôleur des travaux d'Angleterre, poste qu'il
occupa jusqu'à sa mort. On doit à cet architecte, en dehors
de ses travaux dans les résidences royales de Whitehall,
Saint -James, Westminster, Richmond et Kew, entre
autres édifices', d'importants agrandissements à Carlton
House pour le prince de Galles Frédéric, ainsi qu'à
Wentworth (Yorkshire), Woburn Abbey pour le duc de
Bedford, et les églises de Saint- Giles-in-the-Fields, de
Saint-Olave, Tooley Street (Southwark), de Saint-John
(Hamsptead) et de Wimpole (Cambridge). Charles Lucas.
F L I TT N E R (Friedericke-Auguste-Konradine) (Y . Beth-
MANN[M,me]).
FLIXÉCOU RT. Corn, du dép. delà Somme,arr. d'Amiens,
cant. de Picquigny, sur la Nièvre, affluent de la Somme ;
2,386 hab. Importante manufacture de cordages, toiles et
bâches.
F LUE. Ch.-l. de cant. du dép. des Ardennes, arr. de
Mézières, sur la Meuse; 540 hab. Exploitation de cendres
sulfureuses. Forges. Fabrique de chicorée. Château du
xviie siècle avec parc dessiné par Le Nôtre.
FLOBECQ. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut, arr.
d'Ath ; 4,500 hab. Stat. du chemin de fer de Courtrai à
Braîne-le-Comte; tanneries et corroiries.
FLOBERT (Armes). Sous le nom de carabines Flobert,
on comprend les petites armes à feu légères se chargeant
par la culasse, dont l'usage est très répandu aujourd'hui,
soit pour le tir à balles dans les appartements ou les
tirs qui circulent dans les fêtes foraines, soit pour le tir à
plomb des petits oiseaux dans les jardins. Ces armes, du
calibre de 6 à 7 millim. en général, sont caractérisées par
l'emploi de la cartouche-amorce, genre Flobert, qui ne
contient que de la poudre fulminante dont la détonation
fait peu de bruit ; la portée est très faible et la justesse
assez médiocre, surtout avec le calibre de 6 millim.; pour
le calibre de 9 millim., la portée ne dépasse pas 25 à 30 m.
Les premières armes de ce genre ont été inventées, vers
1845, par l'armurier Flobert ; aussi les désigne-t-on, com-
munément, ainsi que toutes celles qui ont été imaginées
depuis par des concurrents plus ou moins heureux, sous le
nom générique de carabines Flobert. La carabine Flobert
ordinaire, du premier modèle, est dite à griffes ; extérieu-
rement le canon est de forme octogone ; le chien remplit,
en se rabattant, les fonctions de culasse mobile et ferme le
tonnerre ; la tète porte une petite traverse en acier qui,
écrasant le bourrelet de l'amorce, détermine la détonation
du fulminate, et deux griffes qui, faisant ressort, saisissent
le bourrelet et permettent, après le coup, d'extraire l'étui
vide en armant le chien. C'est le système le plus simple
que l'on puisse imaginer ; seulement, dans le cas où les mu-
nitions ne seraient pas de bonne qualité, rien ne garantirait
le tireur contre le crachement ou les éclats des capsules ;
de plus, l'extracteur ne fonctionne pas toujours bien; les
griffes s'émoussent, crèvent les capsules, occasionnent de
fréquents ratés et ne ramènent pas toujours la douille vide.
Pour éviter ces inconvénients, plusieurs autres modèles du
même genre, mais plus ou moins compliqués, ont été ima-
ginés. Dans le système à extracteur ou tirette, le chien est
plein, avec griffes, ce qui rend les ratés moins fréquents ;
la tranche du canon, au lieu de présenter une saillie au
milieu, est complètement plate ; on évite ainsi les refoule-
ments, écrasements et autres altérations de la tranche du
tonnerre. L'extraction de la douille s'obtient à l'aide d'un
extracteur à charnière, formant la moitié inférieure de la
tranche du canon, que l'on manœuvre à la main à l'aide
d'une tirette à tête quadrillée placée sur le côté droit de
la culasse. Dans le système à étrier, une sorte de bloc de
culasse enveloppe le tonnerre et rend impossible tout cra-
619 —
FLOBERT - FLODOARD
chement ; il est relié au canon par un étrier avec charnière
et il se relève d'arrière en avant lorsqu'on veut ouvrir la cu-
lasse ; un mouvement de bascule fait manœuvrer un extrac-
teur analogue au précédent. Le choc du chien est transmis à
la cartouche par l'intermédiaire d'une tige percutrice logée
dans le bloc de culasse de l'étrier. Le système Remington-
Flobert n'est qu'une application aux carabines du genre
Flobert du mécanisme de fermeture du fusil de guerre Re-
mington. Entre le chien et la tranche du tonnerre est
interposé un bloc de culasse pouvant se rabattre comme le
chien d'avant en arrière ; son mouvement de bascule fait
fonctionner un extracteur semblable à celui des systèmes
précédents. Le chien, en se rabattant, empêche le bloc de
culasse de pouvoir s'ouvrir ; le choc est transmis à la car-
touche par un percuteur logé dans le bloc. Dans ces deux
derniers systèmes, le nombre de temps de la charge est de
quatre : armer, ouvrir, charger, fermer la culasse, tandis
qu'il est réduit à deux pour la carabine Flobert du système
primitif. On fabrique également des carabines Flobert à
bascule comme les fusils de chasse ; un clef-volute, placée
sous la sous-garde, en avant du pontet, sert à la ma-
nœuvre ; il faut avoir soin que le chien ne soit pas armé,
lorsqu'on fait basculer le canon, parce que c'est le bec du
chien qui retient la douille vide. La maison Flobert, elle
aussi, a établi, dans ces dernières années, un nouveau
mouvement de carabine, dit à mouvement chassepot qui se
manœuvre comme l'ancien fusil Chassepot, et dans laquelle
la cartouche se trouve enfermée dans la culasse mobile de
façon à éviter toute appréhension de crachements et de
projection d'éclats. L. K.
FLOCHE (Filât.). Fil peu tordu; nom donné aussi à
certains fils de soie organsin à deux bouts employés pour
la fabrication des résilles pour retenir les cheveux.
FLOCON (Ferdinand), homme politique français, né à
Paris le 1er nov. 4800, mort à Lausanne le 45 mars 1866.
Il débuta en 4825 dans le journalisme en faisant le compte
rendu des séances de la Chambre pour le Courrier fran-
çais. De même, chroniqueur parlementaire au Constitu-
tionnel, puis rédacteur politique à la Tribune, il devint
en 4845 rédacteur en chef de la Réforme dont on connaît
le rôle et l'influence au commencement de la Révolution de
4848. Il dut à cette situation et à la part active qu'il avait
prise à la propagande républicaine durant les dernières
années de la monarchie de Juillet d'être nommé secrétaire
du gouvernement provisoire, puis membre de ce gouverne-
ment. Elu le 23 avr. 4848 représentant de la Seine à la
Constituante par 424,865 voix, il fut pourvu le 44 mai
du portefeuille de l'agriculture et du commerce. Soit comme
ministre, soit comme représentant, son rôle fut assez mo-
deste. Il réorganisa l'institution des prud'hommes et mé-
dita la création de colonies agricoles. Il avait protesté avec
énergie contre l'insurrection de juin et demandé la mise en
état de siège de Paris (23 juin). Cavaignac ne le conserva
pas au ministère du 28 juin. Il siégea alors à la Montagne
et réclama l'amnistie des condamnés de juin et la mise en
accusation de Louis-Napoléon. Non réélu à la Législative,
Flocon rédigea un journal démocratique de Colmar qui com-
battit avec acharnement la politique de l'Elysée. Aussi fut-
il exilé à la suite du coup d'Etat du 2 décembre. Il s'ins-
talla à Lausanne où il mourut fort pauvre. On a de lui :
Salon de 1824 (Paris, 4 824, in-8); Dictionnaire de
morale jésuitique (4824, in-48); Ned Wilmore, roman
de mœurs (4827, 3 vol. in-42); Ballades allemandes
tirées de Burger, Kœrner et Kosegarten (4827, in-48);
Révélations sur le coup de pistolet du 19 nov. 1832
(4832, in-8); une trad. de l'Alimentation et du régime
de J. Moleschott; Distraction (Paris, 4833, 2 vol. in-8).
FLOCQUES. Corn, du dép. de Seine-Inférieure, arr. de
Dieppe, cant. du Tréport; 349 hab.
FLODDEN ou FLOWDEN. Colline du comté de Nor-
thumberland (Angleterre), à 10 kil., auN.-O. de Wooler.
C'est là que fut livrée la sanglante bataille de Flodden, le
9 sept. 4 54 3 , où les Ecossais furent vaincus par les Anglais.
FLODERUS (Johan), écrivain suédois, né à Skatelœf
(lsen de Kronoberg) le 6 oct. 4724, mort le 28 avr. 4789.
Docent (4752), adjoint (4757), professeur de grec (4762)
à l'université d'Upsala, dont il fut recteur en 4 770 et 4 778,
pasteur de Gamla-Upsala (4779), il publia cent huit thèses
et dissertations, notamment Sur la Version suédoise de
l'Evangile de saint Mathieu (4763-74, 24 part.), et sur
celle des Epîtres de saint Paul (4774-79, 24 part.). Il
parlait et écrivait bien le latin, et son fils Mathias a édité
ses Opuscula oratoria et poetica (Upsala, 4794). — Son
petit-fils Manfred-Mustafa Floderus, né en 4832, recteur
de l'école supérieure à Upsala (4 866) , a publié des Eléments
dephysique (4862-65; 4e éd., 4885-89), et, avecKrok,
Catalogue des phanérogammes et des fougères de la
Scandinavie (4860; 2e éd., 4864). B-s.
F LO D 1 N G (Per-Gustaf) , graveur suédois, né à Stockholm
le 3 mars 4734, mort le 47 oct. 4794. Elève de Rehn
depuis 4747, il fut envoyé à Paris (4755-64) pour étudier
à l'Académie des beaux-arts et il eut pour maîtres Cochin,
Cars, N.-G. Dupuis etLebas. Une belle gravure allégorique,
d'après un dessin de Ch.,,Nic. Cochin fils, qui représente
Adolphe-Frédéric entouré des Etats et recevant de
Minerve les quatre génies des beaux-arts (4764), lui
valut dès 4763 le titre de graveur de la cour. S'attribuant
l'invention de la gravure au lavis (4762) que lui contestait
l'artiste français Charpentier, il publia en suédois (4766)
des Documents sur une nouvelle manière de graver, et
il appliqua celle-ci dans sa Tendre Mère, d'après un tableau
de Blanchard, ce qui déterminâtes Etats à fonder une école
de gravure (4766) dont il reçut la direction. Il fut en outre
nommé professeur de dessin et secrétaire de l'Académie de
peinture et de sculpture (4768) ; mais, à la suite de brouilles
avec son ancien protecteur, le président Adlercrantz, et
avec ses collègues, il fut privé du secrétariat (4777), de la
moitié de son traitement (4778) et de subvention pour son
école (4779). Loin de gagner un procès où il signalait des
désordres de comptabilité dans le budget académique, il fut
condamné à une légère amende (4784). On lui reprocha
d'avoir négligé son enseignement, et en effet il ne forma
aucun des bons graveurs suédois de ce temps ; mais on ne
peut refuser de le reconnaître lui-même comme un des meil-
leurs de sa patrie. Son burin était ferme, mais un peu sec;
il manquait parfois d'élégance et de légèreté. Outre les
planches citées,- on loue sa Dormeuse, d'après Deshayes,
et ses beaux portraits de Gustave Ier, Gustave III (il 8%),
Roslin, la Comtesse Tessin. On fait moins de cas de ses
Solennités de Stockholm en 1771 et 1772, et de ses eaux-
fortes, comme V Enlèvement des Sabines (4775). B-s.
FLODMARK (Johan-Hugo-Andreas), écrivain suédois,
né en 4837. Secrétaire au bureau de l'édilité à Stockholm
(1880), il a, de 4860 à 4875, adapté au théâtre suédois
dix-sept pièces françaises et allemandes; en outre, il a publié
de bons mémoires sur V Origine des mélodies de Bellman
(4882) et sur le Théâtre suédois à Stockholm de 1737
à 1753 (4887). B-s.
FLODOARD, chroniqueur et poète latin, né à Epernay
en 894, mort à Reims le 28 mars 966. Après avoir étudié
dans les célèbres écoles de Reims, qui venaient d'être res-
taurées par l'archevêque Foulques, il fut attaché au service
religieux dans la cathédrale de Reims dont il devint plus tard
chanoine. Sous le pontificat d'Artaud, il fut chargé de mis-
sions en Germanie et à Rome. A la suite de démêlés avec
l'archevêque Hugues qui avait dépossédé Artaud du siège de
Reims, Flodoard se retira dans une abbaye, probablement
à Saint-Basie, et ne tarda pas à en devenir abbé. Elu évêque
de Noyon et de Tournai en 954 , il se vit préférer un com-
pétiteur par le roi de France. En 962, accablé par l'âge et
les infirmités, il résigna son abbaye et mourut en odeur de
sainteté trois ans après. Son œuvre principale est l'/ïïs-
toria ecclesiœ Remensis, depuis sa fondation jusqu'en 961 ,
pour laquelle il put mettre à profit les archives de l'église
de Reims et particulièrement la correspondance d'Hinc-
mar. Cette œuvre capitale et d'une importance de premier
FLODOARD — FLOOD
— 620
ordre pour l'histoire des ixe et xe siècles a été publiée pour
la première fois par Sirmond en 4611 ; la dernière et la
meilleure édition est celle qui a été donnée par ïïeller et
Waitz au t.. XIÏI (1881) des Scriptores, dans le Monu-
menta Germaniœ. Il composa de plus, sous forme d'An-
nales, une histoire de son temps, qui va de 919 à 966,
dont la meilleure édition, mais encore bien insuffisante, a
été donnée par Pertz au t. III (1839) des Scriptores, dans
les Monumenta Germaniœ. Enfin Flodoard a encore com-
posé un vaste poème de plus de quatorze mille vers latins,
divisé en trois livres, sur les triomphes de Jésus-Christ et
des saints.
Bibl. : Wattenbach, Deutschlands Geschichtsquellen,
1885, 5° éd., 1. 1, p. 378.
FLŒTNER (V. Flôtner).
FLOGNY.Ch.-l. de cant. du dép. de l'Yonne, arr.de Ton-
nerre, sur l'Armançon et le canal de Bourgogne ; 504 hab.
Stat. à 2 kil. de la ville du ch. de fer P.-L.-M., ligne de
Paris à Dijon. Carrière de pierre à bâtir. Fabrique de ci-
ment. Pépinières. Pont suspendu sur l'Armançon. Eglise de
diverses époques : chœur du xve siècle, portail du xne, tour
du xvne. Château moderne- — Al kil. à l'O. de la ville,
se trouve une enceinte fortifiée du moyen âge connue sous
le nom de Camp de César.
FLOH (Jacques-Henri), théologien protestant, pédago-
gue et homme d'Etat hollandais, né à Creteld en 1758,
mort à Enschede en 1830. Après avoir étudié la théologie
à Amsterdam, il devint pasteur de la paroisse d' Enschede
et fut élu en 1799 membre de l'Assemblée nationale. Il s'y
occupa surtout des questions d'enseignement et prononça
un éloquent discours en faveur de l'émancipation des juifs.
Il revint ensuite à sa modeste cure, partageant son temps
entre l'administration de sa paroisse et la publication
d'ouvrages théologiques et pédagogiques hautement appré-
ciés de ses contemporains. Voici les plus importants : la
Meilleure Théorie des punitions et des récompenses
scolaires (Amsterdam, 1794, in-8); Conseils aux insti-
tuteurs (Groningue, 1808 ; 1821, rééd., in-8); De l'Ins-
titution des écoles industrielles (Zutphen, 1813, in-8);
le Troisième Centenaire de la Réforme (Zwolle, 1818,
in-8). Tous ces ouvrages sont écrits en hollandais. E. H.
Bibl. : Ypeij et Dermont, Histoire de l'Eglise réformée
néerlandaise ; Breda, 1819, in-4.
FLOING. Corn, du dép. des Ardennes, arr. et cant. (N.)
de Sedan, sur un affluent de la Meuse ; 2,345 hab. Tis-
sage de laine. Ferronnerie. Ce village, situé au N. de Sedan,
fut occupé le 1er sept. 1870 par les Ve et XIe corps d'ar-
mée allemands, et leur servit de point d'appui pour leurs
mouvements ultérieurs. C'est de ce côté qu'eut lieu la
grande charge de cavalerie française, qui fut la dernière
tentative sérieuse pour rompre le cercle où les Français
étaient enfermés (V. Sedan).
FLOIRAC. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Cozes; 630 hab.
FLOIRAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Carbon-Blanc; 2,311 hab.
FLOIRAC. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon, cant.
de Martel, sur la Dordogne, au confluent de la Tourmente ;
760 hab. Château avec tour octogonale du xvie siècle.
Eglise du xve siècle, dominée par deux tours dont l'une est
un ancien donjon du xine siècle.
FLOOD (Henry), homme d'Etat irlandais, né en 1732,
mort à Farmley (comté de Kilkenny) le 2 déc. 1791. Fils
naturel de Warden Flood, chief justice du banc du roi d'Ir-
lande, il fit ses études à Dublin et à Oxford et s'inscrivit à
lTnner Temple de Londres en 1750. En 1759, il était élu
membre de la Chambre des communes irlandaise pour le
comté de Kilkenny et, après la dissolution du Parlement, fut
réélu par le bourg de Callan. Le maiden speech qu'il pro-
nonça en 1763 produisit une grande impression. Flood
devint très rapidement le leader du parti populaire." Il créa
un puissant parti d'opposition qui, en 1768, réussit à ré-
pousser l'augmentation de l'armée irlandaise et amena la
dissolution du Parlement. Réélu à la fois par Longford et
par Callan, Flood eut avec un de ses concurrents électoraux,
James Agar, deux duels retentissants. Ayant blessé mor-
tellement son adversaire, il fut traduit devant la cour d'as-
sises de Kilkenny et acquitté (1770). Il fit rejeter le money
bill de 1769, ce qui amena une prorogation du Parlement.
Avec Grattan, Langrishe et d'autres, Flood continua dans
la presse son opposition au gouvernement et poursuivit avec
opiniâtreté le rappel du vice-roi Townshend qu'il obtint en
1772. Bientôt il acceptait du comte d'Harcourt, qui avait
succédé à Townshend, l'emploi de vice-trésorier d'Irlande
(1775). Sa popularité commença à diminuer. Il fut battu
à Callan aux élections générales de 1776; peu après,
il fut élu par le bourg d'Enniskillen, et d'Harcourt, ayant
été remplacé par Buckingham et celui-ci par le comte de
Carlisle, il redevint un si violent adversaire du gouvernement
qu'il fut révoqué de son emploi (1781). Mais toute l'in-
fluence dont il jouissait jadis sur le parti populaire était
passée à Grattan et il ne réussit pas à la ressaisir tout en-
tière. Il en conservait assez néanmoins pour qu'une sourde
animosité régnât entre ces deux grands orateurs. Elleéclata
en pleine Chambre le 28 oct. 1783. La lutte fut piquante :
Flood alla jusqu'à traiter Grattan de « mendiant patriote »
et Grattan jusqu'à comparer Flood à une « chouette à la
voix sépulcrale ». Un duel en résulta qui fut interrompu
par la police. Réélu aux élections de 1783 par le bourg
de Kilbeggan, Flood s'attacha à la réforme parlementaire.
Re jetée par la Chambre irlandaise, la proposition qu'il avait
rédigée fut représentée par lui et appuyée par les pétitions
de vingt-six comtés. Elle fut de nouveau repoussée. Flood
se fit alors nommer député à la Chambre des communes
d'Angleterre par Winchester. Il ne réussit pas du tout dans
ce nouveau milieu, où il voulut s'occuper de politique étran-
gère sans préparation suffisante. Non réélu par Winchester
en 1784, élu difficilement par Seaford, il essaya de pré-
senter un bill de réforme parlementaire que Pitt fit échouer.
En 1 790, il ne trouva ni en Angleterre ni en Irlande une
circonscription qui voulût l'élire. Flood a été un des plus
grands orateurs de son temps. Son nom est intimement
mêlé à toutes les grandes mesures réalisées en Irlande de
son vivant. Il est assez curieux de constater qu'il accordait
la plus grande tolérance, en matière de religion, aux catho-
liques irlandais, mais qu'il leur refusait tout droit poli-
tique. Il a laissé, outre ses discours, des poésies et des ar-
ticles de polémique. On lui a attribué quelque temps les
fameuses Lettres de Junius et une Letter to the people
of ïreland on the expediency andnecessity of the pré-
sent association in Ïreland in favour of our own ma-
nufactures (Dublin, 1799, in-8). R. S.
Bibl. : W. Flood, Memoirs of Henry Flood, 1838. —
Lecky, Leaders on public opinion in ïreland, 1871. — Du
même, History of ïreland, 1892.
FLOOD (Constantius), écrivain norvégien, né à Pors-
grund le 7 août 1837. Après avoir navigué quelques années,
puis étudié à l'école agricole de Munkvold (1856), il fut
quelque temps cultivateur ; mais, encouragé par le succès
qu'avaient obtenu quelques-unes de ses publications, il
alla s'établir à Christiania (1883) pour se livrer exclusi-
vement à ses travaux littéraires. Depuis, le Storthing lui
alloue une subvention annuelle de 1,000 couronnes. Outre
deux pièces de théâtre jouées à Throndhjem (1863-64), il
a écrit des esquisses fort appréciées de la vie maritime et
champêtre: le Pays de Lister (Stavanger, 1875; 2eédit.,
Christiania, 1876); De la Côte d'Agde (Christiania, 1877);
De la Montagne et des récifs (ibid., 1879); la Vie sur
la côte (1879) ; Dans les brisants (1882) ; Esquisses
reliées et détachées (1885) ; des nouvelles : Petites
Pièces (1880); Ritter et Cie (1883), continué dans le
Fort Jansen (1 887) ; Entre les bancs et les récifs (1 884);
les Vicissitudes de la destinée (1887) ; Temps d'insé-
curité (1889); Ratailles et Aventures (1890); des
récits biographiques et historiques : Povel Juel (Mandai,
1876); En temps de guerre (1881); Types roman-
tiques : Arnfred Strœme, Jan Van Reuch (1881) ; Il y a
621 —
FLOOD — FLOQUET
quatre-vingts ans (1890); Pendant la guerre (4892). |
Il a aussi écrit des résumés d'ouvrages de Prescott, de
W. Irving, et des traductions des voyages de Cook. B-s.
FLOOD (Just-Wright), écrivain norvégien, cousin du
précédent, né à Hiterdal le 11 déc. 1850. Après avoir
navigué treize ans, il devint employé de la douane à Chris-
tiania (1880). Jl a publié : Cinq Aïissur mer (Christiania,
1884) ; Sur terre et sur mer (1882) ; En mer et sur
le rivage (1884) ; Brise de mer et air de terre (1885) ;
Marins et chercheurs d'or (1886) ; Trois Récits de la
vie maritime (1890). — Son frère Johannes, né au
presbytère de Finnœ le 24 juin 1842, pasteur de Molde
(1879), puis de Hedrum (1886), a publié (1874) la biogra-
phie de son père, le pasteur Boye-Joakim Flood (1816-73)
et un grand nombre de traités pour ou sur les missions.
— Un autre frère, Jœrgen-Wright, né à Hiterdal le 30
sept. 1857, secrétaire de la Société pharmaceutique depuis
1886, a publié une notice sur la Famille Flood, de Skien
(Christiania, 1884) ; les Apothicaires norvégiens pen-
dant trois siècles, de i588à 1889 (1889); Histoire de
la pharmacie du Cygne à Christiania (1889) ; les Phar-
maciens de la Norvège de 1815 a 1890 (4890). B-s.
FLOQUET (Etienne- Joseph), compositeur français, né à
Aix en Provence le 25 nov. 1750, mort à Paris le 10 mai
1785. 11 commença l'étude delà musique dans la maîtrise
de sa ville natale et débuta à onze ans par la composition
d'un motet. Venu à Paris en 1750, il fit représenter à
l'Académie royale de musique, le 7 sept. 1773, un opéra-
ballet, V Union de V amour et des arts, dont le succès
éclatant le rendit immédiatement célèbre. Mais l'opéra
Azolan, joué le 15 nov. 1774, n'eut pas la même for-
tune. Floquet partit pour l'Italie, prit à Naples et à
Bologne des leçons de Sala et du P. Martini, et se fit
recevoir membre de l'Académie alors fameuse des philhar-
moniques de Bologne. De retour à Paris, il fit jouer à
l'Opéra Relié (5 janv. 1779), le Seigneur bienfaisant
(14 déc. 1780) et, à la Comédie-Italienne, la Nouvelle
Omphale (1781). Auteur d'une Alceste qu'il prétendait
faire applaudir après celle de Gluck, il éprouva, dit-on, de
l'insuccès de cet ouvrage aux répétitions un dépit qui le
conduisit au tombeau. Le talent facile de Floquet n'était
pas de ceux qui créent une œuvre durable et qui laissent
une empreinte dans l'art ; mais il pouvait plaire et charmer
pendant un temps ses contemporains. M. Brenet.
FLOQU ET (Pierre-Amable), né à Rouen le 9 juil. 1797,
mort à Formentin (Calvados) le 6 août 1881 . Les travaux les
plus importants de cet infatigable érudit, que l'Académie
des inscriptions et belles-lettres s'attacha comme corres-
pondant, sont les suivants : Histoire du privilège de
saint Pwmain, en vertu duquel le chapitre de la cathé-
drale de Rouen délivrait anciennement un meurtrier,
tous les ans, le jour de V Ascension (1833, 2 vol. in-8);
Anecdotes normandes (4838) ; Histoire du Parlement
de Normandie (1840-43,7 vol. in-8); Essai historique
sur r Echiquier de Normandie (1 840) ; Diaire ou Journal
du voyage du chancelier Seguier en Normandie après
la sédition des Nu-Pieds (1842), volume qui sert de com-
plément à Y Histoire du Parlement de Normandie ;
Etudes sur la vie de Bossuet (1855-64, 4 vol. in-8).
Bibl. : V. pour la bibliographie complète de ce savant,
Edouard Frère, Manuel du bibliographe normand. —
Mmo Oursel, Nouvelle Biographie normande — Ch. de
Beaurepaire, Notice sur M. Floquet.
FLOQUET (Charles-Thomas), homme politique français,
né à Saint- Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées) le 2 oct.
1828. Il fit ses études à Paris, au collège Saint-Louis. En
févr. 1848, le collégien s'échappa, se mêla aux insurgés et se
jeta en plein cœur de la lutte. D'abord élève de l'Ecole d'ad-
ministration, il suivit ensuite les cours de droit et devint
docteur. Le 21 avr. 1851, il fut inscrit avocat au barreau
de Paris, et, presque en même temps, la conférence Mole
le choisit pour président. Le 2 déc. M. Floquet se battit de
nouveau pour la liberté. Il ne s'inclina pas devant le coup
d'Etat : de la parole et de la plume, il entra en guerre
contre l'Empire. Le jeune avocat républicain tint son
rôle dans toute une série de retentissants procès poli-
tiques : procès du complot de l'Opéra-Comique, procès de
l'Hippodrome, procès Tibaldi, etc. Comme journaliste, il
apporta une collaboration active au Temps, au Courrier de
Paris, au Siècle, àl' Europe de Francfort, Aux élections
législatives de 1863, il fit dans l'Hérault, contre la candi-
dature officielle, un essai de candidature démocratique. A
Pézenas, point initial de son voyage de candidat, il apprit
que l'administration préfectorale, en grande colère, avait dé-
crété contre lui la grève des colleurs d'affiches : lui-même,
à deux des coins de la place du Marché, il placarda sa pro-
fession de foi, sous les yeux ébahis des autorités, qu'il
avait prévenues de son intention. Tirés de leur torpeur,
six mille républicains de l'Hérault groupèrent leurs voix
sur son nom. L'année suivante, il fut déféré à la po-
lice correctionnelle impériale : il était l'un des inculpés
dans le fameux Procès des Treize. Le 3 juin 1867, l'em-
pereur de Russie, Alexandre H, que l'Exposition uni-
verselle avait attiré à Paris, visitait le Palais de justice.
Là, comme maintes fois déjà dans les rues et sur les bou-
levards, un cri, le cri de : « Vive la Pologne ! » s'éleva,
calme et ferme, en face de l'hôte de Napoléon III. Il avait
été poussé dans un groupe d'avocats en robe, parmi lesquels
M. Floquet. Très en vue dans le monde des ennemis de l'Em-
pire, celui-ci s'en vit attribuer l'honneur exclusif, et
même, quelques années plus tard, une légende, purement
fantaisiste, fut, pour les besoins d'une polémique, improvisée
par le Figaro : saluant de la toque le tsar, M. Floquet
aurait dit: «Vive la Pologne, monsieur! » En 1869,
nouvelle tentative de candidature d'opposition démocra-
tique dans le dép. de l'Hérault. Cette même année, M. Flo-
quet entrait dans une vieille et républicaine famille d'Alsace,
en épousant M110 Hortense Kestner, qui devait être pour lui
une collaboratrice de haute intelligence et de cœur délicat.
Nous voici en 1870. Devant la haute cour de justice
réunie à Tours pour juger l'assassin Pierre Bonaparte,
M. Floquet se présenta au nom de la famille de Victor
Noir, la victime ; il prononça un plaidoyer vengeur où, à
côté d'une logique serrée, à côté de mouvements oratoires
d'une émotion étrange etfière, dominaient des considérations
politiques élevées. Après le procès de Tours, le procès de
Blois : une fois de plus M. Floquet était à la barre ; une
fois de plus son éloquence soufflettait l'Empire. Le 4 sept.,
il fut l'un des premiers qui forcèrent la ligne nombreuse des
gardes municipaux et des sergents de ville barrant le pont
de la Concorde. Puis il entra à l'Hôtel de Ville, avec le
gouvernement de la Défense nationale, et proclama la Ré-
publique. Il fut nommé adjoint au maire de Paris, M. Etienne
Arago. Il collabora à la liste des maires provisoires des
vingt arrondissements, et dans toutes les mesures prises
par la mairie centrale, dans tous ses actes, il eut la même
part d'initiative. Le 3 oct., il partagea les périls de l'auto-
rité légale ; mais le gouvernement ayant refusé de procéder
immédiatement aux élections municipales, selon l'engage-
ment contracté par la mairie centrale, il donna sa démis-
sion. Dès lors, il se consacra tout entier à la défense de
Paris. Il s'enrôla dans la légion d'artillerie de la garde
nationale, continua de prendre part aux séances de la
commission des barricades, et, dans la nuit du 1er au
2 déc, le général Ducrot ayant fait demander à la com-
mission un envoi de quelques centaines de travailleurs,
ce fut lui qui, avec MM. Dréo et Albert, se chargea de ras-
sembler les volontaires et de les mener à Champigny. Le
8 févr. 1871, le dép. de la Seine, par 93,579 suffrages,
nomma M. Floquet député à l'Assemblée nationale. Dans
l'Assemblée, il protesta contre les conditions de paix im-
posées par le gouvernement prussien; il vota également
contre le transfert de l'Assemblée à Versailles. Lorsqu' « un
vertige terrible eut amené le 18 mars », il tenta, auprès
de l'émeute comme auprès de l'Assemblée, de persistants
efforts de conciliation ; il intervint dans les résolutions
médiatrices délibérées par les maires ; il signa la célèbre
FLOQUET
— 622 —
transaction entre le gouvernement et les fédérés ; puis, le
27 mars, quand l'attitude de l'Assemblée eut rendu inévi-
table la guerre civile, il lança, en pleine séance, à la face
de la majorité réactionnaire, cette réprobation : « En vé-
rité, ces gens-là sont fous ! » La lutte armée s'étant en-
gagée le 2 avr., il se démit de son mandat de député,
pour rester à Paris et y partager « les souffrances et
les périls réservés à ses mandataires ». Sans répit, sans
souci des risques que pût courir sa popularité, il poursuivit
sa rude besogne de médiateur. Il provoqua chez lui, rue de
Seine, des réunions qui aboutirent à la formation de la
Ligue d'union républicaine des droits de Paris. Cette
Ligue, dont il fut nommé président, renouvela la tentative
des maires pour amener une transaction, et, simultanément
de Paris et de Versailles, réclama la paix. Aux efforts de
la Ligue, les grandes villes décidèrent de joindre les leurs :
un congrès des conseils municipaux de France fut convoqué
à Bordeaux. M. Floquet fut l'un des délégués de la Ligue
à ce congrès. Il quitta Paris le 9 mai. La seule annonce
du congrès de Bordeaux avait jeté dans le monde gouver-
nemental le trouble et l'épouvante ; il dut s'éloigner de
Bordeaux. Il était depuis quelques jours dans sa famille,
aux environs de Biarritz, à Arcangues, lorsqu'il fut. mis
en état d'arrestation. M. Thiers le soupçonnait d'avoir
voulu rejoindre, et même d'avoir déjà rejoint Gambetta à
Saint-Sébastien, dans le but de concerter avec lui quelque
mouvement contre l'Assemblée. Il fut écroué à la prison
de Pau et ne fut rendu à la liberté qu'au bout d'un mois.
Le 29 avr. 4 872, le quartier Sain t-Ambroise (XIe arron-
dissement) l'envoya siéger dans le premier conseil muni-
cipal élu de Paris. Nommé à nouveau par le même quar-
tier le 27 nov. 1874, le conseil municipal le choisit bientôt
pour président. Il était à ce moment l'un des principaux
rédacteurs delà République française. En 4876, lors des
élections sénatoriales, il fut désigné comme candidat par
le conseil municipal ; il se présenta comme « républicain
résolu, radical ». Il ne fut point élu; mais, le 20 févr. sui-
vant, les comités républicains du XIe arrondissement le
portèrent candidat à la Chambre des députés, et la presque
unanimité des électeurs (22,000 sur 24,000) ratifièrent
ce choix. Il prit place à l'extrême gauche de la Chambre
et, non seulement à la tribune, mais aussi dans un
journal militant qu'il venait de créer, le Peuple, il affirma
avec énergie toutes les aspirations démocratiques. Ses pre-
mières paroles à la Chambre furent pour une question qui lui
était chère entre toutes, celle de l'amnistie pleine et entière
des condamnés de la Commune (48 mai 4876). Le Seize-
Mai survint. Il fut l'un des premiers parmi les 363, et,
après les élections d'oct. 4877, où il fut réélu dans le
XIe arrondissement de Paris, par 24,440 voix sur 27,083
votants, il fit partie du comité des Dix-Huit que la Chambre
créa pour sa protection. Il accueillit par un réquisitoire
terrible le ministère Rochebouët et provoqua la Chambre
à déclarer qu'elle ne pouvait entrer en relations avec lui.
C'est lui qui rédigea le rapport sur l'élection de Fourtou.
Il présida la délégation ayant mission d'instruire sur
place, dans le dép. du Gers, l'élection de M. Paul de
Cassagnac, et, la discussion de cette élection venue, pro-
nonça une implacable et véhémente harangue (7 nov. 4878).
Après la constitution du cabinet Dufaure, M. Floquet fut
nommé président du groupe de l'Union républicaine. Il se
voua à la défense d'une politique résolument réformatrice.
Il rentra à la Chambre de 4884, toujours comme député du
XIe arrondissement (44,779 voix sur 45,003 votants). La
Chambre l'éleva à la vice-présidence. M. Floquet avait pris,
avec M. Allain-Targé, la direction du journal* V Union ré-
publicaine, lorsque, le 5 janv. 4882, il fut nommé préfet
de la Seine, en remplacement de M. Herold. Il dut, de par
les exigences de la loi, renoncer à son mandat législatif.
Le président du conseil municipal de Paris, en souhaitant
la bienvenue au nouveau préfet, saluait en lui « le défen-
seur persévérant des intérêts que le conseil et le préfet
ont à gérer ensemble, et aussi des franchises municipales ».
Bientôt, en"effet, à l'annulation par le gouvernement d'un
vœu du conseil municipal demandant création d'une mairie
centrale, M. Floquet répondit par sa démission de préfet
(juil. 4882). Après avoir, sur les instances du conseil muni-
cipal, retiré cette démission, il la signa définitivement dès
que, définitivement, il considéra comme ajournées toutes
espérances de développement de la liberté municipale de
Paris (34 oct. 4882). Une mémorable journée de joyeuse
fête populaire avait marqué son administration : l'inaugu-
ration de l'Hôtel de Ville, enfin restauré sur ses ruines.
m Depuis quelques mois, les amis de M. Floquet le solli-
citaient de rentrer à la Chambre. II avait posé sa can-
didature, et, le 22 oct., il avait été élu député de
la première circonscription de Perpignan , par 5,304
voix sur 9,644 votants. Il siégea sur les bancs de la
gauche radicale, Il prit l'initiative d'une proposition tendant
à interdire le séjour du territoire français aux membres
des familles ayant régné en France et à les priver de tous
droits politiques (46 janv. 4883). Contre une assertion de
M. Ribot, il rétablit la vérité sur un point historique, en
s'écriant : « Ce ne sont pas les modérés qui ont fait la
République, c'est le pays ! » Il intervint dans la discussion
sur les syndicats professionnels. A propos de la loi sur les
récidivistes, il s'éleva contre l'obligation de la rélégation.
Il défendit le principe de la mairie de Paris. Il reclama
l'élection du Sénat par le suffrage universel direct. Il reven-
diqua les prérogatives financières de la Chambre. Le
8 avr. 4885, il fut élu président de la Chambre; il suc-
cédait à M. Brisson, devenu président du conseil. Chez le
nouveau président de la Chambre, l'homme de parti allait
s'effacer pour faire place à l'homme d'Etat, à l'arbitre im-
partial et fin, universellement écouté et respecté. Aux élec-
tions, par le scrutin de liste, du 4 oct. 4885, Paris acclama
M. Floquet représentant de la Seine : sur l'ensemble des
élus de Paris, il fut nommé le second. Son élection avait
été acquise au premier tour par 263,762 suffrages sur
434,044 votants. En même temps, il fit partie de la
députation des Pyrénées-Orientales, avec 26,440 voix sur
39,934 votants. Il opta pour ce dernier département.
De nouveau, la Chambre le porta à la présidence. De plus en
plus se mettaient en relief les qualités rares qui le classaient
au premier rang des présidents d'assemblées : l'impartialité
et le tact, l'énergie et la souplesse s'alliant à l'esprit d'à-
propos le plus alerte, à la bonne humeur la plus courtoise.
En mai 4887, après la chute du ministère Goblet, le
soin de constituer un ministère lui fut officiellement pro-
posé. La même année, en décembre, au moment de la
démission de M. Grévy, sa candidature à la présidence de
la République fut mise en avant par la presse et une frac-
tion du Parlement. Bien qu'elle eût obtenu la majorité rela-
tive des suffrages dans la première réunion préparatoire des
représentants républicains (404 voix contre 94 à M. de
Freycinet, 66 à M. Brisson, 49 à M. Sadi Carnot), cette
candidature fut sacrifiée ensuite à des considérations de
tactique qui, finalement, décidèrent la plupart des radicaux
à appuyer M. Sadi Carnot. M. Floquet fut réélu président
de la Chambre.
Le boulangisme naissait. Le programme du général Bou-
langer tenait en deux mots : « revision, dissolution ». La
première de ces formules semblait populaire, et M. Floquet
était de ce groupe de républicains qui pensaient qu'il valait
mieux donner à l'idée une sanction au profit de la République
que de la laisser au parti de l'agitateur. Lorsque le ministère
Tirard eut été renversé, M. Floquet accepta la tâche difficile
de diriger la politique de la République (34 mars 4888). Il
voulut donner au parti modéré, en offrant des portefeuilles
à quelques-uns de ses membres, des gages de ses intentions
conciliatrices. Mais, à la suite de certains refus de concours,
il constitua un ministère nettement radical, prenant, avec
la présidence du conseil, le ministère de l'intérieur. Le
3 avr., le nouveau cabinet se présenta devant le Parlement.
Sa déclaration promettait la mise à l'étude de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, ainsi que la revision des lois consti-
tutionnelles , mais ajournait l'examen de cette dernière
question jusqu'au moment que le gouvernement jugerait
favorable. La déclaration ministérielle souleva les mur-
mures à peu près unanimes du Sénat, qui alla jusqu'à
témoigner sa défiance envers le cabinet en réduisant au
minimum la durée des congés de Pâques. On disait dans le
Parlement les jours du ministère comptés ; des intrigues de
couloirs s'agitaient. Quant à l'opinion publique, affirmant
avec plus de netteté que jamais sa volonté des réformes,
elle soutenait et encourageait le ministère radical, notam-
ment par des adresses qui, de tous les coins du pays,
parvenaient, par centaines, à la place Beauvau. Dès la
rentrée de la Chambre (19 avr.), M. Floquet provoqua ses
adversaires républicains à des « explications claires et
nettes », déclarant que la résolution du ministère était de
« marcher vers la gauche », mais précisant, en outre, qu'il
avait demandé « d'attendre que la revision ne fût plus le
piège tendu par les partis monarchiques ou le manteau
troué de la dictature ». 353 voix républicaines, c.-à-d. la
presque unanimité du parti républicain, votèrent un ordre
du jour de confiance au gouvernement. Les ennemis les
plus ardents du ministère sentaient le besoin de se serrer
autour de lui pour garder et défendre la République. Son
premier souci fut de s'éclairer entièrement sur l'organisa-
tion et les menées de la faction boulangiste. En attendant,
il assura l'ordre avec énergie. Le 4 juin, le général Bou-
langer exposait à la Chambre son programme révisionniste.
M. Floquet qualifia ce programme de « manifeste de néo-
césarisme », et s'écria : « Il faut se rassurer. A votre âge,
monsieur le général Boulanger, Napoléon était mort, et
vous ne serez que le Sieyès d'une constitution mort-née. »
L'urgence de la revision proposée par le général Boulanger
fut repoussée par 377 voix républicaines. De plus, la
Chambre ordonna que le discours du premier ministre serait
affiché dans toutes les communes de la République.
Le 12 juil., le général Boulanger reparaissait à la tri-
bune pour y proposer la dissolution de la Chambre. M. Flo-
quet l'attaqua rudement. Piqué au vif, le général Boulanger
répliqua en termes outrageants. A l'instant, M. Floquet
constitua ses témoins, et le lendemain, dans la matinée,
une rencontre à l'épée eut lieu, à Neuilly, entre le président
du conseil et le général. Après vingt minutes de combat, le
général fut grièvement blessé à la gorge. Dans l'après-midi
même, le président prononçait un discours à l'inauguration
du monument élevé à la gloire de Gambetta, place du
Carrousel. Il y fut l'objet d'ovations qui se continuèrent
non seulement le lendemain au banquet rassemblant au
Champ de Mars les maires des chefs-lieux de cantons de
France, mais aussi pendant le cours d'un voyage offi-
ciel que, quelques jours après, il faisait dans l'Isère et
dans la Drôme, en compagnie du président de la Répu-
blique. Au même moment, le boulangisme subissait des
échecs électoraux dans l'Ardèche et dans la Dordogne.
Pendant les vacances parlementaires, les tentatives plé-
biscitaires, les agitations factieuses, les désordres créés
par des grèves nombreuses, qu'inspiraient ou attisaient des
mots d'ordre politique, ne cessèrent de tenir le ministère
en haleine. Le 15 oct., à la reprise des travaux parle-
mentaires, M. Floquet, fidèle aux promesses faites, déposa
un projet de revision de la constitution dans un sens plus
favorable à la souveraineté du suffrage universel et, par
un nouvel ordre du jour de confiance, la majorité républi-
caine applaudit à l'attitude du gouvernement. Malgré tant
d'embarras de tous côtés accumulés devant lui, le minis-
tère Floquet préparait ou avait déjà réalisé un ensemble de
progrès qui atteignaient au fond même des intérêts sociaux
du pays : réformes fiscales, législation des associations, loi
sur les syndicats de communes, etc. En outre, par l'élan
d'activité donné aux préparatifs de l'Exposition universelle,
le ministère ménageait la digne célébration du centenaire
prochain de la Révolution française.
Lorsque, le 27 janv. 1889, l'élection du général Boulanger
par le dép. de la Seine fut venue aggraver les périls de la
— 623 — FLOQUET — FLOR
République, M. Floquet, dès le soir même, prit, en vue de
toutes éventualités, de nouvelles et spéciales mesures d'ordre.
Puis, ayant considéré que la législation existante ne lui assu-
rait contre les agissements du boulangisme et ses desseins
que des armes insuffisantes, il mit à l'étude une réglementa-
tion nouvelle du colportage et de l'affichage, ainsi que des
dispositions additionnelles au code pénal pouvant permettre
d'atteindre plus sûrement les menées touchant à la sûreté
intérieure de l'Etat. Pour la presque unanimité de l'opinion
républicaine, le vote uninominal par arrondissement était
seul capable de diviser le torrent grandissant du boulan-
gisme : faisant taire, devant la nécessité, ses préférences
personnelles pour le scrutin de liste, M. Floquet déposa,
au nom du gouvernement, un projet de loi tendant au ré-
tablissement du scrutin d'arrondissement (31 janv.). Quel-
ques jours plus tard, l'ancien mode de votation était remis
en vigueur (11 et 12 févr.). La Chambre, à la demande du
président du conseil, avait décidé d'examiner, immédiate-
ment après la loi électorale, la proposition de revision de
la constitution. Mais le 14 févr., elle votait, par 307 voix
contre 218, l'ajournement indéfini de la revision. Les bou-
langistes, la droite et le centre avaient voté ensemble.
M. ^loquet, suivi de tous les ministres, quitta la salle, en
déclarant, aux acclamations de la gauche radicale et de
l'extrême gauche, qu'il savait tenir ses engagements et
que, en conséquence, le cabinet allait donner sa démission.
Redevenu simple député, M. Floquet ne cessa de tra-
vailler à la concentration des républicains contre l'ennemi
commun. Elu dans la première circonscription du XP arron-
dissement de Paris, au deuxième tour de scrutin, par
5,284 voix sur 8,669 votants, il reprenait, le 16 nov. sui-
vant, dans la Chambre renouvelée, les fonctions de prési-
dent. Le 12 janv. 1892, il en fut de nouveau investi, pour
la neuvième fois. L. A.
FLOR (Roger de), chef catalan, né à Brindisi, assas-
siné par les Byzantins à Àndrinople, en 1305. Sa mère
était Italienne ; son père, Richard de Flor, d'origine alle-
mande, était fauconnier de l'empereur Frédéric II et mou-
rut àTagliacozzo (1268), combattant pour Conradin contre
Charles d'Anjou. Dépouillé par le vainqueur, le jeune Ro-
ger entra, à l'âge de quinze ans, au service d'un chevalier
du Temple et se fit plus tard recevoir dans l'ordre. A la
prise de Saint-Jean d'Acre par les Sarrasins (1291), il
sauva sur ses vaisseaux nombre de chrétiens avec leurs
biens, mais, accusé auprès du grand maître de s'être ap-
proprié les richesses dérobées au pillage, il dut s'enfuir.
Il vint offrir ses services à Robert, duc de Calabre, qui
les refusa, puis à Frédéric, roi de Sicile, dont il devint le
vice-amiral. En 1303, les Almogavares, aventuriers cata-
lans et aragonais, le prirent pour chef, lorsqu'ils allèrent
au nombre de 8,000 secourir l'empereur de Constantinople,
Andronic II, pressé par les Turcs. A son arrivée, comblé
d'honneurs et nommé grand-duc, Roger de Flor entra dans
la famille impériale par son mariage avec une nièce de
l'empereur, Marie, fille d'Azan, roi < des Bulgares, et
d'Irène, sœur d' Andronic. En Asie Mineure, le courage
féroce des Almogavares vainquit l'émir Caraman devant
Philadelphie qu'il assiégeait, et détruisit une nouvelle armée
musulmane aux environs des monts Taurus, entre l'Armé-
nie et la Cilicie (4304). Les Ottomans durent abandonner
un instant les provinces envahies ; Byzance eut son jour de
gloire. Cependant le craintif Andronic, effrayé par les
ravages et l'avidité des Almogavares qui pillaient indiffé-
remment Turcs et Grecs (Magnésie s'était révoltée contre
eux) rappela Roger de Flor, le reçut magnifiquement et
lui décerna le titre de césar. Celui de grand-duc passa à
Berenguer de Entenza, récemment arrivé à la tête d'autres
bandes. Comme on refusait de leur payer leur solde ou
qu'ils ne la recevaient qu'en fausse monnaie, les Catalans,
établis dans Gallipoli, traitaient l'Empire en pays conquis ;
leur nombre augmentait sans cesse par de nouveaux ren-
forts. N'osant attaquer ouvertement ses terribles alliés,
l'empereur Michel Paléologue, associé au pouvoir par son
FLOR — FLORE
— 624 —
père Andronic, invita Roger de Flor à l'aller rejoindre
dans Andrinople, afin de préparer, disait-il, une seconde
expédition contre les Turcs. Il vint, et Michel le fit assas-
siner au sortir d'un festin, pendant que les Alains et la
populace massacraient partout ses compagnons. Les Almo-
gavares vengèrent cette perfidie, battirent les Byzantins et
ravagèrent affreusement leur pays durant plusieurs années,
sous la conduite d'Entenza et de Rocafort. L. Dollfus.
Bibl. : Pachymère, Histoire d'Orient, 1666-69, 2 vol. —
Raraon Muntaner, Cronica o descripcio dels fets e ha-
zanyes del inclyt Rey D. Jaume -primer, etc.; Stuttgart,
1844. — Zurita, Anales de la Corona de Aragon; S ara-
gosse, 1610-21, 10 vol. — Moncada, Expedicion de los
Catalanes y Aragoneses contra Turcos y Griegos, éd. de
Paris, 1840.
FLOR (Christian), patriote et écrivain danois, né à
Copenhague le 1er janv. 1792, mort le 31 mars 1875.
Après avoir enseigné et pris parti pour Oehlenschlaeger
contre Baggesen, il devint pasteur à Tœllœse (1822), puis
professeur de langue et de littérature danoises à l'université
de Kiel (1826). Ainsi placé aux avant-postes, il soutint en
Slesvig la nationalité danoise menacée par les Allemands,
encouragea les patriotes Paulsen, Koch, Nils Lorenzen
de Lilholt, Hjort Lorenzen, Fischer, Manicus, fonda en
1844 la haute école populaire et grundtvigienne de Rœd-
ding qu'il dirigea jusqu'en 1847, puis, pour la remplacer
après qu'elle eut été fermée par les Prussiens (1864), une
autre à Askov, au N. de la frontière dano-slesvigoise. Il
ne joua pas grand rôle aux diverses assemblées législatives
dont il fit partie. On lui doit d'utiles ouvrages d'enseigne-
ment : Manuel de la littérature danoise (Kiel, 1831 ;
9e édit., Copenhague, 1886, in-8), recueil de morceaux
choisis en prose et en vers, avec courtes notices sur les
auteurs; Lehrbuch der dœnischen Sprache (Kiel, 1833;
2e édit., 1835); Orthographe cfomozs£(Copenhague, 1858;
5e édit., 1874) ; Syntaxe danoise (1864). B-s.
FLOR (Charles), dit Flor O'Squar, publiciste belge, né
à Bruxelles en 1830, mort à Spa en 1889. Ce brillant et
spirituel écrivain collaborait à une foule de journaux belges
et français, YEtoile belge, la Chronique, le Voltaire, le
Soir, V Evénement et surtout au Figaro qui publia pen-
dant de longues années d'intéressantes lettres de Bruxelles
signées Perkéo, pseudonyme de Flor O'Squar. Celui-ci
traduisit plusieurs ouvrages anglais, américains et suédois,
écrivit de nombreux romans, des brochures politiques et fit
jouer à Bruxelles des revues de fin d'année qui obtinrent
un vif succès. Ses principales œuvres sont : la Guen^e eu-
ropéenne contre la Russie. Description des princi-
pautés danubiennes, précédée d'un historique de la
question d'Orient (Bruxelles, 1854, in-8) ; la Guerre
dans la Baltique (ibid., 1858, in-8) ; les Confes-
sions d'un officier (ibid., 1859, 3 vol. in-12) ; les Tré-
sors de Vart flamand, éd. illust. (ibid., 1863, in-fol.);
Histoire de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne,
par John Poster Kirk, traduction de l'anglais (ibid., 1866,
3 vol. in-8). La liste complète de ses traductions des
œuvres de Wiseman, Mayne-Reid, Washington Irving,
Dickens, etc., se trouve dans de Koninck (Bibliographie
nationale de Belgique, II, 51-53). E. H.
FLORAC. Ch.-l. d'arr. du dép. delà Lozère, sur le Tarn,
au pied du causse Méjan; 1,978 hab. Fruits et légumes
renommés. Source minérale. Du rocher de Rochefok qui
domine la ville, jaillit la belle et abondante source du Pécher
formant une rivière qui traverse la ville et va se jeter dans
le Tarnon. Florac était au moyen âge le chef-lieu de l'une
des huit baronnies du Gévaudan. Pendant les guerres reli-
gieuses des Cévennes elle fut l'un des principaux centres
des camisards, fut saccagée plusieurs fois et devint le siège
d'une chambre ardente pour juger les protestants. L'ancien
château féodal flanqué de tours modernes a été transformé
en prison. Ancienne commanderie de templiers surmontée
d'une large tour carrée, occupée aujourd'hui par le cou-
vent de la Présentation. Promenade de l'Esplanade ombra-
gée de platanes.
FLORANES Roble& y Encinas (Rafaël), érudit espagnol
de la deuxième moitié du xvme siècle. Il a beaucoup écrit,
notamment : Anales brèves del reinado de los reyes ca-
tolicos, suite de la chronique de Carvajal ; Vida litera-
ria de Pedro Lopez de Ayala; Origen de los estudios
de Castillan especialmente los de Valladolid, Palencia
y Salamanca, enque se vindica su mayor antiguedad;
Vida y obras de Lorenzo Galindez Carvajal; Apunta-
mientos curiosos sobre behetrias, su condicion y privi-
legios,y modo de hacerse en ellas filiaciones, ouvrages
qui étaient demeurés manuscrits jusqu'en 1861, époque où
ils furent publiés dans les vol. XVIII, XIX et XX de la
Coleccion de documentos ineditos; ils renferment le ré-
sultat de longues recherches et des renseignements pré-
cieux. c e. Cat.
FLORAUX (Jeux) (V. Jeu).
FLORE. I. Botanique. — Ensemble des espèces végétales
qui croissent spontanément dans une région, dont les limites
sont déterminées soit par des conventions politiques (flore
de France, par exemple), soit par la nature physique ou
géologique, mers, déserts, montagnes, etc. (îles, conti-
nents, etc.), soit enfin par le caractère même de sa flore,
dépendant principalement des conditions climatologiques
(flore méditerranéenne,^ exemple).— En paléontologie
végétale, on désigne sous le nom de flore l'ensemble des
espèces caractéristiques d'une époque ou d'un terrain
(V. Géographie botanique et Paléontologie).— Enfin, le
nom de Flore est donné aux ouvrages dans lesquels sont
décrites et classées les espèces végétales d'une contrée,
d'une province, d'un district, etc. Citons comme exemples
la Flore de France de Grenier et Godron, la Flore
du centre de la France par Boreau, la Flore de la Nor-
mandie par Brébisson, la Flore de Paris par Bautier,
par Bonnet, par Bonnier, par de Lanessan, etc. Dr L. Hn.
IL Paléontologie (V. Paléontologie végétale).
III. Architecture. — La flore monumentale est l'en-
semble des plantes dont les artistes se sont inspirés pour
l'ornementation architecturale des monuments qu'ils étaient
chargés de décorer. Les chapiteaux, les moulures, les
gorges, les balustres, les corniches de tous les monuments
gothiques sont couverts du feuillage d'une foule de plantes,
véritable végétation de l'art, fertile en renseignements
archéologiques. Jusqu'au xne siècle, la décoration architec-
turale suit certains canons légués par les siècles précédents ;
à ce moment la tradition romane plane encore sur la
généralité de l'ensemble, mais elle est modifiée profondé-
ment par des motifs monumentaux, inspirés par l'étude des
fleurs et des feuillages que les artistes ont journellement
sous les yeux. Bientôt les entrelacs byzantins et irlandais
sont remplacés par des compositions dérivant des plantes
les plus simples, et l'école laïque cherche uniquement des
silhouettes dans les feuillages les plus ordinaires.
Au xiie siècle, les sculpteurs interprètent les feuilles,
s'emparent de leur aspect pour un effet monumental ; ils
prennent dans leurs développements successifs les fougères
et leurs crosses, les feuilles de plantain, sans s'occuper des
détails, n'en retenant qu'une forme pour ainsi dire abs-
traite ; au xme siècle, ils reproduisent le chêne, le figuier,
le poirier, le séneçon, l'érable, très reconnaissantes. A me-
sure que l'art gothique s'avance vers sa décadence, la copie
devient plus servile ; les artistes en arriveront bientôt à la
préciosité de l'orfèvrerie, oubliant que la flore monumen-
tale est un art qui n'est pas, comme on l'a compris à la
Renaissance, simplement un riche et admirable accessoire.
Quelques plantes, par suite des copies successives, finis-
sent par se réduire à des formes géométriques que les
artistes reproduisent sans le comprendre. La chose est na-
turelle pour les plantes exotiques qu'ils ne pouvaient pas
connaître, comme le hom, le lotus (V. ces mots) qu'ils
prenaient sur les petits monuments étrangers que les croi-
sades et les pèlerinages introduisirent dans l'Europe occi-
dentale. D'autres plantes prennent rapidement des formes
conventionnelles et deviennent fleurs nationales : tel l'iris
— 62o
FLORE — FLORENCE
normand, qu'on retrouve jusqu'en Pouille, telle surtout la
fleur de lis, qui est en quelque sorte le sceau français.
La flore monumentale peut se diviser en deux classes, la
flore symbolique et la flore régionale. La première est de tous
les pays ; on la retrouve au nord comme au midi : elle rap-
pelle les passages de l'Ecriture sainte qui la cite ; il est tout
naturel qu'elle fasse partie de la décoration de tous les mo-
numents religieux : la vigne, le raisin, le lierre, le rosier,
le figuier, en forment la partie principale. Certaines fleurs,
comme les marguerites semées du pavé aux voûtes de l'église
de Brou que Marguerite d'Autriche fit élever à la mémoire
de Philibert de Savoie, son époux, doivent, par leur syno-
nymie, rappeler une personne. A la flore symbolique vien-
nent se mêler le chêne, le chardon, la fougère, le pommier,
le poirier, l'artichaut, le sagittaire, l'acanthe, le plantain
qui sont de tous les pays, tandis que plus particulièrement
sur les bords du Rhin on trouve le houblon, la camomille,
la pivoine, le céleri ; en Picardie, le trèfle ; en Forez, le chou,
le nymphéa, le marronnier; en Poitou, le fraisier ; en Cham-
pagne, la renoncule, l'aigremoine, le châtaignier, l'yeuse,
le laurier'; dans la partie couverte de bois de la Bourgogne,
l'alisier, le hêtre, l'érable, l'églantier; en Saintonge, la
marguerite. F. de Mély.
IV. Mythologie romaine. — Déesse romaine des fleurs
et du printemps en l'honneur de laquelle on célébrait à la fin
d'avril la fête des Floralia. Son temple, situé près du Cir-
cus maximus, avait été voué, disait-on, parTatius. Elle en
avait un autre sur le Quirinal. On identifia plus tard Flore
avec la Chloris des Grecs. La fête des Floralia, sous la forme
qu'elle avait à la fin de la République, était, en effet, d'ori-
gine gréco-orientale ; instituée en 238 av. J.-C. sur l'ordre
d'un oracle des livres sybillins, définitivement organisée en
173. Les édiles y présidaient. Les manifestations joyeuses
allaient jusqu'à une extrême licence; sur le théâtre on fai-
sait paraître des femmes nues qui amusaient le public par
des gestes et danses obscènes. Les campagnards conser-
vèrent l'ancienne fête. C'était une fête populaire à laquelle
tout le monde prenait part; on décorait de fleurs les mai-
sons; les femmes se paraient d'habits à couleurs éclatantes.
Une légende èvhémériste fit de la déesse de la fécondité
(comme d'Acca Larentia) une courtisane. — Les représen-
tations figurées de Flore sont empruntées à des modèles
grecs; elles montrent une jeune fille parée de fleurs. La
plus célèbre est celle du musée de Naples.
V. Astronomie. — Nom du 8e astéroïde (V. ce mot).
Bibl. : Architecture. — Charles Desmoulins, Consi-
dérations sur la flore murale, clans le Bulletin monumen-
tal, 1845, t. XI. — J.-B.-F. Lajard , Recherches sur
le culte public et les mystères de Mithras, en Oi'ient
et en Occident; Paris, 1847-48, in-fol. — Du même, Re-
cherches sur le culte du cyprès pyramidal chez les peuples
civilisés de Vantiquité; Paris, 1854, in-1. — Ruprich-Ro-
bert, Flore ornementale; Paris, 1876, pet. in-fol. — F. de
Mély, Bulletin archéologique du comité, 1891, pp. 488-489.
— W.-H. Goodyear, The Grammar ofthe Lotus ; Londres
1891, pet. in-fol.
FLORE (Joachim de) (V. Joachim).
FLORE (Frans), peintre flamand (V. Floris).
FLOREAL. Huitième mois de l'année républicaine (V. Ca-
lendrier, t. VIII, p. 909), le second du printemps (le mois
des fleurs). Il correspondait à avril-mai.
FLOREFFE. Corn, de Belgique, prov. etarr. de Namur,
sur la Sambre ; 3,500 hab. Stat. du chemin de fer de Pa-
ris à Cologne ; verreries, manufacture de glaces, fabriques
de produits chimiques. Floreffe était autrefois la résidence
favorite des comtes de Namur ; elle fut assiégée et prise
en 1488 et en 4231. Le seul monument intéressant de
Floreffe est l'ancienne abbaye des prémontrés, fondée en
1141 dans un des plus beaux sites du pays. L'évêque de
Namur y a établi un petit séminaire.
FLORÉIV30NT. Corn, du dép. des Vosges, arr. de Mire-
court, cant. de Charmes ; 361 hab.
FLORENCE {Firenze). I. Géographie.— Ville d'Italie,
cli.-l. de prov., capitale de l'ancienne Toscane, puis,
temporairement, capitale de l'Italie actuelle. La ville
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
est bâtie sur les deux rives de l'Arno, à égale distance du
massif du Prato Magno et des défilés de la Gonfolina, à 55 m.
d'alt. ; en remontant le cours de l'Arno et le val de Chiana,
la route mène vers Rome ; en remontant FOmbrone de Pis-
toia et le col de la Porretta, on arrive à Bologne et dans les
plaines de la Lombardie ou de la Vénétie. Ainsi Florence est
au croisement des deux grandes routes de Rome vers l'Alle-
magne et de Pise à Ancône, au vrai centre de l'Italie. C'est
ce qui explique le grand développement de son commerce
au moyen âge et le rayonnement de sa langue dans toute
l'Italie, d'autant qu'à Rome les papes conservaient soigneu-
sement le latin. Le florentin est donc devenu, surtout après
Dante, le dialecte littéraire de l'Italie ou pour mieux dire le
véritable italien. De belles collines, aux lignes harmonieuses,
aux pentes couvertes d'oliviers et d'arbres toujours verts,
les hauteurs de Fiesole, de San Miniato, les jardins
Boboli, le poggio di Monte Ughi forment autour de la
ville un cadre d'une élégance riante et gaie. Des villas
construites en marbre luisant ou en pierre grise et bleue
s'étagent sur les pentes. Malheureusement le climat y est
peu salubre. « Souvent les vents se succèdent par de
brusques alternatives, et pendant l'été la chaleur est acca-
blante : il calao di Firenze est passé en proverbe dans
toute l'Italie. Il faut dire que l'étroitesse des rues, et, pour
une certaine part, la négligence des lois de l'hygiène rendent
la mortalité annuelle supérieure à celle de la plupart des
villes du continent. Au moyen âge, ce fut également l'une
des cités que la peste ravagea le plus. Lors du fléau que
raconte Boccace en lui donnant pour contraste ses histoires
joyeuses, près de 100,000 hab. succombèrent, les deux
tiers de la population. » (EL Reclus.)
« Une ville complète par elle-même, dit Taine , ayant
ses arts et ses bâtiments, animée et point trop peuplée,
capitale et point trop grande, belle et gaie, voilà la pre-
mière idée sur Florence. » On comprend donc qu'elle ait
été la capitale, de 1864 à 1870, d'un royaume nouveau-né ;
on comprend aussi que Rome lui ait été préférée plus tard.
Mais elle reste toujours la véritable capitale des lettres et
des arts, grâce à ses grands hommes, à ses souvenirs, à
ses musées et à ses bibliothèques, à l'esprit subtil et aux
instincts artistiques de sa population. Elle a une préfec-
ture, une cour d'appel et une cour de cassation, un arche-
vêché, un séminaire, une académie des beaux- arts, un
institut royal des études supérieures et un institut topogra-
phique militaire. Sa population de 134,992 hab. (popula-
tion agglomérée en 1881) ne lui donne cependant que le
septième rang en Italie. La population totale de Florence
en 1891 est évaluée à 190,000 hab.
Topographie. — Florence « la Belle » a l'aspect sévère
et sombre. Les rues y sont étroites et parfois tortueuses.
Les maisons très élevées sont construites en gros blocs de
pierre noirâtre ; on y voit des étages qui surplombent et
des toits qui dépassent encore le dernier étage. On com-
prend en la visitant qu'avant d'avoir été la ville des arts,
elle fut la cité municipale, agitée par les factions, ensan-
glantée par les longues guerres de rues. Mais ses monu-
ments sont nombreux et d'aspect .grandiose ; on ne les
embrasse dans toute leur majestueuse ampleur qu'en les
contemplant des jardins Boboli ou des hauteurs de San
Miniato dans le panorama complet de la noble cité. Flo-
rence a eu trois enceintes créées successivement. La pre-
mière, comprenant l'ancienne ville romaine, était tout entière
sur la rive droite de l'Arno. Les deux autres, qui datent du
xme et du xvie siècle, englobèrent quelques-uns des quar-
tiers de la rive gauche. Mais aujourd'hui encore les deux
tiers environ de la ville sont sur la rive droite. Les nou-
veaux quartiers s'étendent de ce côté jusqu'aux promenades
des Cascine, le bois de Boulogne de la ville. Ainsi Florence
se développe vers l'O. surtout, comme la plupart des
grandes villes de l'Europe et du Nouveau-Monde, et sur-
tout sur la rive droite du fleuve, comme Paris. Six ponts,
dont deux dans les nouveaux quartiers, relient les deux
rives de l'Arno. Le plus connu est le ponte Veccliio où
40
FLORENCE
— 6W —
court une galerie couverte qui fait communiquer le musée
des Uffizzi avec le palais Pitti. Sur les deux rives de l'Arno
s'étendent de larges quais qui constituent la promenade du
Liingarno. La rue principale de la ville, la via dei Cal-
zajuoli, réunit les deux plus beaux monuments qui sont
comme la tête et le cœur de Florence : le Palazzo Vecchio
et le Duomo; la via del Corso, prolongée par la via
Strozzi, forme avec la précédente la grande croisée cen-
trale de l'ancienne ville. Les rues dei Tornabuoni, dei
Cerretani et del Proconsolo, qui se coupent à angle droit,
FLORENCE
JÉÉ1É
Plan de Florence.
Echelle du 30.000o
L.
P.V.
U.
S. Mi
Br.
D.
S. L.
Loggia de' Lanzi et place de la Signoria.
Palazzo Vecchio.
Galerie des Uffîzi.
Eglise Or San Michèle.
Bargello.
Dôme et campanile et place du Dôme.
Eglise S. Lorenzo etbibiiothèque Lorenziana.
S. M.N. Eglise Santa Maria Novella.
P. I. Place dell'Independenza.
S. M. Eglise et musée San Marco.
J. B. Jardin botanique.
B.A. Académie des Beaux- Arts.
S. Ann. Place et église Santa Annunziata.
P.C.
C. f. A.
P. A.
Sy.
S. Cr.
P. V. E. Place Vittorio Emanuele.
Palais Capponi.
Direction des chemins de fer adriatiques.
Place d'Azeglio.
Synagogue.
Place et église Santa Croce.
S. H. Société d'horticulture.
Pi. Palais Pitti.
S. Sp. Place et église San Spirito.
Car. Place et église du Carminé.
Se. R. Scuderie Reali.
V. Viale (avenue).
déterminent à peu près l'emplacement de l'enceinte romaine.
Celle du xme siècle, commencée en 1285, partait du ponte
aile Grazie, en amont de l'Arno, pour aboutir au ponte
alla Carraja en aval. La ville était donc encore très
ramassée vers son centre ; la colline du palais Pitti et des
jardins Boboli était en dehors. La stat. du chem. de fer est
située dans la nouvelle ville auN.-O. Deux forts déjà anciens
et sans importance sont bâtis sur les hauteurs de chaque
côté de l'Arno, l'un au N., le fort San Giovanni, l'autre
au S., celui du Belvédère. Malgré ces deux forts, Florence
n'est pas considérée comme une place fortifiée.
Monuments. — Le Palazzo Vecchio domine tout Flo-
rence de ses créneaux menaçants et de sa tour haute
de 94 m., à la fois beffroi et donjon, faite pour le guet
- 627 —
FLORENCE
et pour la défense. C'est une colossale forteresse du
moyen âge, commencée en 1298 par le grand architecte
Arnolfo del Cambio ; les fenêtres y sont rares, grillées à
l'étage inférieur et situées à une grande hauteur au-dessus
du sol comme dans toute forteresse bien conçue. Cet édi-
fice fut sous la République le siège du gouvernement ; il
sert maintenant d'hôtel de ville (Municipio). La salle du
Conseil, la chapelle des Prieurs, les appartements des
Médicis, avec la fontaine de Bartolommeo Ammanati, en sont
les parties les plus intéressantes. En face du Palazzo Vec-
chio, s'étend la piazza délia Signoria, ou place de la
Seigneurie, l'ancien forum de la République ou se sont
Palazzo Vecchio (d'après une photographie).
déroulés les plus notables événements de son histoire. C'est
là, le 26 avr. 4478, que fut pendu Salviati, l'arche-
vêque de Pise, à la suite de la conspiration des Pazzi; là
que fut dressé, le 23 mai 1498, le bûcher qui devait
«consumer Jérôme Savonarole ; là aussi se déployèrent les
triomphes de Laurent de Médicis et les fêtes données en
1579 pour le mariage du grand-duc François Ier avec la
célèbre aventurière Bianca Capello. La loggia dei Lanzi
occupe un des côtés de la place ; c'est un gracieux portique,
élevé de quelques marches, dont le toit s'appuie sur de déli-
cates colonnes supportant des ogives. On y adressait les
proclamations au peuple, ou bien on y réunissait la garde
de la ville. Cette petite loggia est toute remplie de chefs-
d'œuvre de sculpture au milieu desquels les Florentins se
promènent, causent ou dorment; c'est Y Enlèvement des
Sabines de Jean Bologne, le Persée de Benvenuto, la
Judith de Donatello, etc. L'architecte du Palazzo Vecchio,
Arnolfo del Cambio, commença presque en même temps
(1294) la cathédrale ou Duomo placée sous l'invocation de
Santa Maria del Fiore. La célèbre coupole à huit pans
n'a été ajoutée que beaucoup plus tard. Elle est l'œuvre
de Brunellesco. Dans tout ce monument l'ogive se marie
avec le plein cintre ; des panneaux de marbre, tour à tour
rouge, jaune et noir, le revêtent d'une sorte d'éclatante
marqueterie. Le campanile, commencé en 1334 par Giotto,
achevé en 1336 par Andréa Pisano, se dresse à quelque dis-
tance, avec la même décoration de marbres en rectangles,
en losanges, en carrés. En face, le Baptistère, vieille église
octogonale imitée du Panthéon romain, remonte au
vme siècle , mais l'extérieur a été mis en rapport avec la
décoration des édifices voisins. On y admire les belles portes
en bronze dont la plus célèbre, celle qui fait face à la cathé-
drale, a été exécutée de 1427 à 1452 par Lorenzo Ghi-
berti, à la suite d'un concours auquel prit part Brunellesco.
Cette porte, selon Michel-Ange, serait cligne de servir de
porte d'entrée au paradis. Elle représente des scènes
bibliques ; deux autres portes existent de chaque côté ;
celle du N. est aussi de Ghiberti ; celle du S. est d'An-
dréa Pisano. Ces édifices ne sont malheureusement pas
assez dégagés des maisons. Les architectes ont voulu faire
monter trop haut leurs tours et leurs coupoles comme pour
transporter plus près du ciel la pensée des fidèles qui
venaient y prier. On ne peut père mesurer de la base
avec l'œil la hauteur du campanile (84 m.) ; la coupole du
Duomo n'apparaît de près que par parties ; l'ensemble
échappe : vue de l'intérieur , l'œuvre de Brunellesco ne
produit pas encore tout son effet, parce que la lumière est
insuffisante. La plupart des églises de Florence sont en même
temps des musées. Santa Croce, une sorte de Panthéon,
où sont enterrés la plupart des plus illustres Florentins,
est ornée de belles fresques des primitifs, de Giotto, de
Taddeo Gaddi, d'Orcagna, etc. Au couvent de San Marco
éclate dans toute sa naïve splendeur l'œuvre religieuse de
Fra Angelico da Fiesole. A Santa Maria Novella on va
admirer les plus beaux Ghirlandajo, et, dans la chapelle des
Strozzi, les fresques du Paradis et de Y Enfer, où André
Orcagna a cherché à interpréter les étranges rêveries du
Dante. A San Lorenzo, le pèlerinage est encore plus inté-
ressant : la sacristie contient les mausolées des Médicis,
œuvre unique de Michel-Ange : le Jour et la Nuit, le Cré-
puscule et V Aurore, Faction et la pensée sous les traits
de Julien et de Laurent de Médicis, s'y opposent dans une
belle harmonie. Combien cette simple et austère chapelle
est supérieure à sa voisine, celle qui contient la sépulture
des grands-ducs, malgré la profusion de marbres multico-
lores et de mosaïques de pierre dans laquelle elle est noyée !
Le style jésuite du xvne siècle ne peut soutenir la comparai-
son avec l'une des plus imposantes créations de la Renais-
sance. A l'église de YÂnnunziata on goûte dans toute la
fraîcheur de son talent, si peu connu en France, Andréa del
Sarto, l'auteur des fresques du vestibule et des grisailles
du cloître.
Les musées sont encore bien plus que les églises les
sanctuaires de l'art. Celui des Ufjîzi.est célèbre dans le
monde entier. Il fut d'abord le musée des Médicis ; il
est devenu peu à peu l'une des plus splendides collections
des chefs-d'œuvre de l'art. Le salon de la Tribune avec
ses Corrège, ses Raphaël, ses Titien et ses antiques en est
la perle la plus précieuse ; les galeries se développent dans
de nombreuses salles, à travers les longs corridors du
ponte Vecchio jusqu'au palais Pitti, sur une longueur de
plusieurs kilomètres. Les tableaux et les statues, les des-
sins, les bronzes, les camées y forment un rare assemblage
d'inestimables richesses. Le palais Pitti (maintenant Palais-
Royal) ? œuvre de Brunellesco, construit pour un riche
bourgeois, et passé par héritage entre les mains des Médi-
cis, ne contient que des œuvres de choix. V Académie des
beaux-arts est intéressante à cause des Primitifs, dont
le groupement bien entendu permet de reconstituer l'his-
toire de la peinture florentine du xive au xvie siècle. Le
Bargello, ancien palais du podestat, dont la physionomie
et l'ordonnance extérieure ont été imitées plus tard au
Palazzo Vecchio, renferme des collections d'armes, de
meubles, de bronzes et de faïences analogues à celles de
notre musée de Cluny. Beaucoup d'autres palais sont à la
fois musées et bibliothèques : comme le palais Corsini, le
palais Strorjzi et le palais des Médicis ou palais Riccardi.
Ces deux derniers édifices sont d'énormes constructions
FLORENCE
— 628 —
massives, aux murs solides, aux fenêtres rares et forte-
ment grillées ; on y voit encore les écussons des vieilles
familles, les anneaux pour attacher les chevaux des visi-
teurs ; on y tenait garnison ; on y pouvait soutenir un siège.
Le palais Riccardi a été occupé de 1865 à 1871 par le
ministère de l'intérieur.
La bibliothèque Laurentienne occupe un édifice cons-
truit par Michel-Ange, sur l'ordre de Clément VII près
de l'église Saint- Laurent. La constitution du premier
noyau de cette collection est dû à Cosme de Médicis et
surtout à son petit-fils Laurent le Magnifique. On y trouve
beaucoup de manuscrits extrêmement rares. La bibliothèque
Magliabecchiana, fondée au xvne siècle par Antonio Maglia-
becchi, est devenue la bibliothèque nationale ; elle est ins-
tallée sous le portique des Uffizi. Elle possède environ
170,000 volumes et 12,000 manuscrits. — La biblio-
thèque Palatine, fondée par le grand-duc Ferdinand III,
contient 60,000 volumes et 2,000 manuscrits. — La biblio-
thèque Riecardiana, fondée au xvne siècle par Riccardo
Riccardi, compte 30,000 volumes et 4,000 manuscrits.
Elle se trouve dans l'ancien palais des Médicis devenu le
palais Riccardi. — La bibliothèque MaruceUiana fondée
par l'abbé Marucelli, est riche d'environ 60,000 volumes.
— La bibliothèque de l' Académie des beaux-arts en a
à peu près 9,000. — Le musée à' histoire naturelle, avec
d'intéressantes coSections de fossiles et de minéraux, est
installé près du palais Pitti.
Industrie.— L'industrie à Florence est secondaire. Sans
doute elle a d'importantes fabriques de soieries et de lainages,
de chapeaux de paille, de pâtes alimentaires ; les industries
d'art qui demandent de la dextérité de main et du goût y
sont particulièrement prospères, comme celles du meuble,
Santa Maria del Fiore (d'après une photographie).
de la porcelaine et des faïences, de la mosaïque, travail
véritablement national, et de l'ornementation en marbre, de
la statuaire et de la sculpture. La plaine toscane est fer-
tile ; l'olivier et le mûrier y réussissent ; les vins de Chianti
sont justement estimés ; les soffioni y produisent l'acide
borique, et les fabriques de produits chimiques sont pros-
pères. Le croisement des voies ferrées venant de Livourne,
de Bologne et de Rome fait aussi de Florence un centre
important de commerce. Cependant tout ce travail indus-
triel, tout ce mouvement d'affaires ne réussiraient pas à
élever Florence au-dessus d'une ville italienne de second
rang. C'est à ses monuments, à ses musées, à ses biblio-
thèques, à tant de souvenirs toujours glorieux du moyen
âge et de la Renaissance que Florence « la Belle » doit d'être
restée une des villes les plus curieuses et les plus visitées
de l'Italie et de l'Europe, par les touristes, par les artistes
et par les savants. Elle est comme un immense musée. Bien
qu'ayant perdu le rang de capitale, l'Athènes italienne
reste la personnification la plus éclatante du génie ita-
lien.
Beaucoup d'hommes illustres sont nés à Florence ; nous
citerons principalement: 1° comme écrivains : Dante (4265-
1321), Villani (f 1348), Passavanti (1297-4357), Àccia-
juoli (4340-4366), Boccace (4313-4375), Coluccio Salu-
tati (4330-4406), Bonaccorso Pitti (4335-4425), Agnolo
Pandolfini (4360-4466), Marcile Ficin (4433-4499), Sa-
vonarole (1452-4 498), Machiavel (4 469-1 527), Guichardin
(Guicciardini) (4483-4540), le grand savant Galilée (4564-
4644); 2° comme artistes : les architectes Arnolfo del Cambio
(4240-4322) , Brunellesco (4377-4446), Leo-Battista
Alberti (4404-4472) ; les sculpteurs Lorenzo Ghiberti
(4378-4455), Donatello (4386-1446), Michellozzi (1394-
— 629 —
FLORENCE
1472), le Verrocchio (1435-1488), Luca délia Robbia
(1400-1482), les Rossellini (1463-1494), Benedetto da
Majano (1422-1497), Antonio Pollaiulo (1429-1498),
Michel-Ange Buonarotti (1474-1564), Benvenuto Cellini
(1500-1571), Baccio Bandinelli (1493-1560); les peintres
Cimabue(f 1310), Giotto
(1276-1337), Andréa Or-
cagna (1329-1376), Ma-
zaccio (1401-1428), Be-
nozzo Gozzoli (f 1498),
Domenico Ghirlandajo
(1449-1495), Filippo
Lippi (1406-1469) et son
filsFilippino (1457-1505),
Andréa del Sarto (1487-
1530), Fra Bartolommeo
ou Baccio délia Porta
(1475-1517), Léonard de
Vinci (1452-1519). Citons
encore parmi les plus illus-
tres Florentins : Améric
Vespuce (f 1542), le
maréchal Pierre Strozzi
(f 1558), le maréchal de
Retz (f 1602), le musi-
cien Lulli (+1687), le
compositeur Cherubini
(t 1842). H. Vast.
II. Histoire. — Flo-
rence a joué en Italie et
dans l'Europe, du temps
de la Renaissance, le rôle
d'Athènes dans l'antiquité
classique. Elle fut, sinon
la plus puissante, du moins
la plus intéressante des
cités italiennes, celle dont
l'histoire est la plus impor-
tante pour qui veut con-
naître les arts, les lettres, l'organisation politique et éco-
nomique de la péninsule entre le xme et le xvie siècle.
Nous résumerons cette histoire à grands traits, mais sans
rien omettre d'essentiel et en signalant tout ce qui peut
servir de commentaire aux œuvres d'art qui ont valu aux
riverains de l'Arno une gloire impérissable.
Origine de Florence. — Florence est une ville d'origine
romaine, née sur le rivage septentrional de l'Arno, au pied
de la cité étrusque de Faesules (Fiesole). Celle-ci descen-
dait le long de sa haute colline par un faubourg qui se pro-
longeait le long duMugnone, ruisseau tributaire de l'Arno.
Sur le bord de la rivière, les commerçants établirent leur
marché; celui-ci devint le berceau d'une nouvelle ville. Elle
dut sa naissance à une colonie militaire ; Sulla peut-être,
les triumvirs certainement y établirent leurs vétérans. La
loi Julia, en l'an 44 av. J.-C., assigna à chacun des colons
de Florence vingt arpents. A ce moment le Mugnone cou-
lait vers l'E. et se jetait dans l'Arno au lieu où est le cou-
vent deSalvi; on le détourna vers l'O. le faisant passer par
l'emplacement de la place San Marco et de la via Larga, et dé-
boucher au-dessous du yont alla Carraja; plus tard, on le
détourna au delà de l'église San Lorenzo qui était d'abord
à droite et se trouva à gauche. La première apparition des
Florentins dans l'histoire est la députation envoyée à Ti-
bère en l'an 15 ap. J.-C. afin d'éviter que le Clanis fût dé-
chargé dans l'Arno, ce qui eût reporté de ce côté les inon-
dations dont souffraient les riverains du Tibre. En 18, les
Florentins instituèrent des jeux annuels en l'honneur de Livie,
d'Auguste et de Tibère. La ville progresse lentement. L'em-
pereur Adrien fait continuer la voie Cassia jusqu'à Flo-
rence.
La légende reporte au me siècle le martyre de cinq ou
six chrétiens qui devinrent patrons de la ville : Minias, Fa-
bianus, Cornélius, Sixtus,Laurentius, Acrisius. Minias au-
Palais des Médicis (Palazzo Riccardi) , d'après^une
photographie.
rait été pris sur la colline qui garde son nom (San Miniato) ;
celui de saint Laurent fut donné à une des plus fameuses
églises de Florence. On en fait, très hardiment, remonter la
consécration jusqu'à saint Ambroise en 393. Elle était alors
hors les murs. Au ive siècle, nous trouvons un évêque à
Florence. Quelques années
plus tard, la ville, assiégée
par les hordes de Rada-
gaise, fut délivrée par Sti-
licon qui affama les Bar-
bares dans les rochers de
Fiesole. Le salut fut ensuite
attribué à sainte Reparata,
vierge et martyre. Trois
siècles plus tard, l'évêque
de Florence, Reparatus,
consacra à cette sainte la
vieille église du Saint-Sau-
veur. Elle a été remplacée
par la cathédrale actuelle.
A l'origine, la cathédrale
fut à Saint-Laurent; en
670, ce titre passa à Saint-
Jean, etSainte-Reparata ne
fut qu'un baptistère ; mais,
en 1128, les rôles furent
intervertis et, depuis lors,
Saint-Jean est resté le bap-
tistère en face de la cathé-
drale qui a pris un déve-
loppement immense. Les
villes souffraient beaucoup
dans ces temps de perpé-
tuels ravages. Florence, au
temps de la guerre go-
thique, ouvrit avec une
égale facilité ses portes à
Totila et à Narsès. Quand
vinrent les Lombards, on
préféra la forteresse juchée sur la colline de Fiesole à la
ville de l'Arno.
Celle-ci se releva pourtant. Elle était encore bien petite,
mesurant environ 26 hect., au lieu de 947 qu'elle couvre
aujourd'hui. Située entièrement sur la rive droite du fleuve,
elle allait du ponte Vecchio, défendu par une tour, à la place
de la Seigneurie ; au N. elle ne dépassait pas l'église San
Michèle in orto. A côté de son évêque, elle avait un duc.
Charlemagne la favorisa. An ixe siècle, sous les puissants
ducs de Spolète, les villes toscanes prospèrent. Lambert
tient une diète à Florence (897) et donne à la ville l'église
de San Miniato. Au xe siècle, Otton Ier est bien disposé pour
Florence qui lui est fidèle ; il lui octroie un territoire de
6 milles autour des remparts. L'abbaye (Badia), fondée en
975 en l'honneur de la vierge Marie, par la femme d'Hu-
bert, duc de Toscane, est enrichie par son fils, par l'empe-
reur, etc. Florence était une des principales stations sur la
route de Pavie à Rome, et les empereurs y passaient et sé-
journaient fréquemment. Le margrave de Toscane, Boni-
face III, maître des vallées apennines de Ferrare à Lucques,
de Mantoue à Florence, eut pour héritière sa fille Mathilde
(1053). Celle-ci devint la protectrice du saint-siège et par-
ticulièrement du célèbre Hildebrand, lequel habita volon-
tiers Florence. Dans cette ville fut tenu par le pape Victor II
(1055) un concile où il interdit la simonie et l'aliénation
des biens ecclésiastiques. Victor II y mourut et fut ense-
veli à Sainte-Reparata (1057). Etienne IX y mourut égale-
ment (1058). L'évêque de Florence, Gérard de Savoie, de-
venu pape sous le nom de Nicolas II, ne quitta pas ses fidèles
et fut également enseveli à Sainte-Reparata. Son successeur,
Alexandre II, résida souvent à Florence avec sa pupille la
comtesse Mathilde, dans le palais épiscopal, situé près de
Sainte-Reparata et de Saint- Jean. Le commerce enrichit
la ville qui s'étend sur la rive gauche de l'Arno; en 1078,
FLORENCE
- 630 -
elle s'agrandit ; son faubourg d'Oltrarno vient prendre
place à côté des six quartiers primitifs (Sestieri).
Le vrai maître delà ville était Févêque ; mais en 4063
éclata entre celui-ci et ses ouailles une querelle qui affai-
blit beaucoup le pouvoir épiscopal. Accusé de simonie par
les moines de San Salvi de Settimo, Févêque Mezzabarba
finit par succomberai 068), malgré Fappui du margrave
Godefroi, beau-père de la comtesse Mathilde. Dans la grande
lutte entre Grégoire VII et Henri IV, les Florentins res-
tèrent fidèles au pape. Vainement l'empereur les assiégea
quatre mois en 1081. Les nouvelles fortifications de Flo-
rence lui résistèrent. Dans ces guerres, les populations ur-
baines gagnèrent quelques privilèges. Lors de la première
croisade, ce fut un Florentin, Pazzo dePazzi, qu'Urbain II
nomma surintendant général des croisés pour toute la Tos-
cane. Il planta le premier sa bannière sur les murs de Jé-
rusalem, rapporta dans sa patrie quelques pierres du saint
sépulcre. Les Pazzi instituèrent alors une fête qui se cé-
lèbre encore le samedi saint ; elle est marquée par des feux
d'artifice. Du temps delà comtesse Mathilde, les villes tos-
canes, et Florence comme les autres, acquirent une certaine
autonomie. Elles commencèrent à mettre à la raison les
seigneurs pillards qui avaient hérissé les collines de leurs
châteaux du haut desquels ils rançonnaient voyageurs, com-
merçants, agriculteurs.
La première campagne fut dirigée dans le val d'Eisa contre
la petite place de Pogna (prèsde^larcialla). Elle entra dans
l'alliance florentine, ou plutôt sous le protectorat de Flo-
rence (1101). En 1107, fut enlevé et rasé le château de
Monte Orlandi (près de Signa), d'où les Cadolingi, comtes de
Settimo, rançonnaient quiconque passait sur la grande route
commerciale de Florence à Pise . Les Florentins sont assez
forts pour envoyer à leurs alliés de Pise un corps d'auxi-
liaires qui défendent la campagne pisane contre les Lucquois,
tandis que la flotte attaque les Sarrasins des îles Baléares.
En récompense, les Florentins rapportent deux colonnes de
porphyre qui décorent encore une porte du baptistère de
Saint- Jean. La comtesse Mathilde laissait faire. Elle était
très aimée de ses sujets et, pendant quatre siècles, les Flo-
rentins donnèrent à leurs filles le nom de Contessa abrégé
en Tessa, en souvenir de la grande comtesse. Après sa mort
(1445), les luttes engagées pour son héritage laissent le
champ libre aux villes. Le vicaire impérial installé à San
Miniato al Tedesco (entre Florence et Pise) ne bouge guère.
Quand il veut empêcher les Florentins de ruiner le château
de Monte Cascioli, il est vaincu et tué (1119). Les comtes
de Settimo, expulsés de leurs repaires, veulent s'appuyer sur
Fiesole.
Cette ville inexpugnable sur son pic devint le centre des
brigands seigneuriaux du val d'Arno ; ils menèrent contre
la ville d'en bas une guerre de rapines et d'escarmouches
incessantes. Les Florentins y mirent fin en 1125. Un siège
de trois mois (30 juin-12 sept.) affama la place qui se
rendit. La population opprimée et ruinée par les nobles ne
paraît pas avoir été hostile à ses voisins. Après la capitu-
lation, les Fiésolains furent invités à venir s'établir à Flo-
rence ; presque tous le firent et Févêque lui-même y des-
cendit en 1228. Ce fut le signal de l'abandon définitif de
la vieille cité étrusque où ne restèrent que des couvents
et quelques villageois. L'événement de 1125 eut moins
l'apparence d'une conquête que d'une fusion entre les deux
peuples, comme jadis entre Albains et Romains. Les cou-
leurs et bannières furent confondues. Florence portait la
fleur de lis sur champ rouge, Fiesole la lune bleue sur
champ blanc ; on supprima la lune et la fleur de lis et
désormais la bannière florentine fut formée d'une bande
rouge et d'une bande blanche réunissant les couleurs des
deux villes.
La commune de Florence. — Florence devient la ville
la plus puissante de la Toscane. Elle soumet les nobles du
voisinage; les Montebuoni, les Ubaldini sont contraints
de livrer leurs châteaux et de s'engager à habiter la ville
trois mois par an. Les Guidi, établis "dans la val di Sieve,
résistent mieux et sont d'abord vainqueurs (1148), mais
leur forteresse de Montecroce est rasée (1154). Ainsi
les citadins libéraient les routes vers Pise, vers Rome. Ils
entrent en conflit pour des motifs analogues avec ceux des
villes voisines. Les petites, Pogna, Prato, pouvaient être
conquises, mais avec les grandes, Pise, Lucques, Pistoia,
Sienne, Arezzo, il fallait transiger. Au xir3 siècle, Florence
est l'alliée de Pise qui lui ouvre la mer; elle est l'ennemie
des autres villes. Sa principale rivale est Sienne. Dès lors
se manifeste entre les deux Etats un antagonisme qui durera
autant que leur autonomie. En 1081, les Siennois avaient
aidé l'empereur assiégeant Florence ; ils avaient ensuite
défait les Florentins à San Salvatore a Selva. D'incessantes
escarmouches entretenaient l'inimitié. On se dispute la place
dePoggibonzi dans le val d'Eisa. La lutte de Frédéric Barbe-
rousse contre la papauté profite aux villes toscanes. Flo-
rence et Pise resserrent leur alliance (1174), réduisent à
l'impuissance le vicaire impérial et se rient des ordres de
l'empereur. En 1185 se forme une ligue des villes tos-
canes, imitée de la ligue lombarde. Quand les nobles se
plaignent à Frédéric des empiétements de Florence, il est
impuissant à leur faire rendre leurs biens incorporés au
territoire de la ville. Quand est mort Henri VI, on se sent
tout à fait libre. Philippe de Hohenstaufen néglige son duché
de Toscane pour briguer l'Empire. La ligue toscane s'est
reformée à l'instigation du pape (1197) ; l'accord est juré
à Florence. Innocent III la dirige. Cependant la lutte par-
ticulière contre Sienne continuait. On combat sur les col-
lines de Chianti. Florence gagne l'alliance de Montepulciano
au S-.-E. de Sienne, de Colle dans le val d'Eisa, s'annexe
Empoli (1182). Les places fortes du comte Alberti, Pogna,
Certaldo, sont prises (1198); lui-même se soumet à Flo-
rence. Semifonte résista longtemps; mais elle succomba
en 1202. Les principales familles vinrent se fixer à Flo-
rence : les Pitti, les Barberini, les Velluti, les Del Tusco.
Les turbulents seigneurs duMugello (haute vallée du Sieve),
Fortebracci et Ubaldini, sont mis à la raison, les châteaux
de Borgognone, Capraja et Malborghetta, qui tenaient les
deux rives de l'Arno, sont rasés (1204), celui de Montelupo
élevé à la place du second. De ce côté, Florence se heurte
à Pistoia. Elle a perdu Carmignano (1126), mais les comtes
Guidi mettent à sa disposition Montemurlo (1219). Les
Siennois ont le dessous au début du xme siècle ; ils perdent
Poggibonzi (1208), subissent une paix onéreuse. La pré-
potence florentine s'affirme : les habitants de la campagne
sont soumis à l'impôt. Lucques prend deux fois pour préteur
le Florentin Guido degli Uberti; Lucques (1184), Pise
(1214), Bologne (1216), Pérouse (1218) concluent des
traités d'alliance avantageux pour la cité de l'Arno. La petite
ville était devenue un Etat puissant. Il nous faut étudier
maintenant son organisation intérieure.
Le développement de Florence fut une des conséquences
de celui de Pise. Il fut dû à l'industrie et réalisé grâce aux
qualités morales de la population, car elle ne bénéficiait
de nul avantage spécial : loin de la mer, sur un fleuve à
peine navigable, elle n'était pas l'entrepôt naturel d'une
riche région. Les industries y prospérèrent tardivement,
mais très rapidement. La première fut celle de la laine.
N'ayant pas sous la main la matière première, les Floren-
tins commencèrent par remettre sur le métier les draps
grossiers de l'Europe septentrionale achetés en Champagne,
en Flandre ; après les avoir teints, ils les réexportaient
en Orient. A côté de l'art de la laine dont la corporation
existe à la fin du xne siècle, de celui des gros lainages qui
remonte aussi haut, figure celui de la soie qui prit ultérieu-
rement une grande importance. Mais, dès ces temps anciens,
les Florentins ont comme spécialité la banque et le change.
Dans le commerce de l'argent ils tiennent le premier rang.
Le taux de l'intérêt est réglementé, quatre deniers par livre
et par mois (20 °/0 par an). Les capitaux sont employés
en spéculations. Une des causes de la fortune des Floren-
tins, c'est qu'ils ont été chargés par le pape de percevoir,
moyennant une commission, les revenus du saint-siège ;
— 631 —
FLORENCE
par là ils deviennent les grands manieurs de capitaux du
moyen âge; banquiers et changeurs du pape, ils le sont de
la chrétienté entière. Le partage de ce privilège avec
Sienne aggrave la rivalité des deux cités. La multiplicité
et la complication des monnaies donnent aux changeurs
une importance énorme et leur assurent de gros bénéfices.
Ils simplifient le problème par la création de la lettre de
change (V. Change, Commerce, etc.) Aux quatre corpora-
tions ou arts que nous venons de citer (laine, calimala ou
laine fine, soie, change), il faut en ajouter trois autres
moins considérables : celles des médecins et apothicaires,
lesquels faisaient le commerce des épices, des peaussiers et
fourreurs, des hommes de loi (juges, notaires). Les membres
de ces sept « arts » ou métiers formaient le peuple,
c.-à-d. 4,000 à 2,000 citoyens; au-dessous étaient les
serfs de la glèbe, les ouvriers de condition servile, etc.
D'ailleurs dans la ville c'étaient les classes politiques, no-
blesse et aristocratie marchande, qui payaient les impôts.
Elles avaient à la fois les charges de l'Etat et sa direction.
Les chefs des sept arts s'appelaient recteurs, prieurs, plus
tard capitudini. Le magistrat suprême fut, à l'origine,
l'évêque. Peu à peu les chefs des arts deviennent magis-
trats municipaux, sous le nom de consuls. Elus pour un
an, ces consuls, dont le nombre varia de deux à vingt,
deviennent des délégués des divers quartiers, chacun en
élisant un ou deux. A la fin du xne siècle se forme un sénat
de cent buoni uomini.
Il faut faire une place aux nobles. Il y en a d'origines
diverses : immigrés allemands (Uberti, Lamberti), voisins
gênants qu'on a fait descendre de leurs châteaux ; d'autres
qui sont venus de leur plein gré. Entourés de leurs hommes
armés, ils vivent dans leurs palais de la ville en hiver ;
l'été, dans leurs châteaux, comme des feudataires de la
commune qu'ils défendent contre l'étranger. Dans l'inté-
rieur même de la ville, les querelles sont fréquentes ;
aussi les nobles ont-ils fortifié leurs palais, élevé des tours ;
au xiie siècle il y avait 450 de ces tours à Florence ; plus
tard bien davantage. Ces tours carrées, de 8 m. de côté,
avec des murs épais de 2 m., bâtis en moellons, cailloux
de l'Arno solidement cimentés, étaient indestructibles ; leur
étroit escalier, leur terrasse crénelée rendaient une attaque
fort périlleuse. On ne peut aujourd'hui se faire une idée
de ces guerres privées incessantes ; elles expliquent l'as-
pect que conserve encore Florence et la sévère architecture
de ses palais. La bourgeoisie était la classe prépondérante ;
des nobles y entraient, se mettant au travail ; des prolé-
taires aussi y pénétraient, s'étant enrichis. Pourtant on
confie d'ordinaire les magistratures aux représentants des
grandes familles. C'est toujours à un noble et souvent à
un étranger qu'on confie la charge de podestat, juge su-
prême, chef de guerre dont les pouvoirs sont mal définis,
ainsi que ceux des autres magistrats, mais dont les Floren-
tins surent contenir l'autorité, lui retirant les attributions
politiques. A la guerre, la noblesse fournit la cavalerie, la
bourgeoisie l'infanterie. On s'organise par quartiers ; on
en compte six, chacun ralliant sa milice autour de son
gonfalon : San Pier Scheraggio (aujourd'hui les Offices)
arbore des bandes noires et jaunes ; San Pancrazio, rouge
et blanc ; le Borgo, blanc et bleu ; la Porta del Duomo,
rouge ; la Porta San Piero, jaune ; Oltrarno, blanc. L'in-
fanterie unit d'abord dans ses rangs tous les roturiers, la
bourgeoisie comme les prolétaires (popolo grasso et po-
polo minuto). Plus tard, les gens des métiers, l'aristo-
cratie marchande, fusionnant avec la noblesse, monteront
à cheval. En campagne, on se ralliait autour du carroccio
sur lequel on plaçait la martinella, la cloche communale.
Rivalité des guelfes et des gibelins. — De bonne
heure la ville se partage en deux factions qui se combattent
avec acharnement; les Uberti dirigent l'une (4477). On
leur fait une place et, à partir de ce moment, on élit au
consulat des nobles des grandes familles. A dater de 4482
la noblesse prévaut dans le gouvernement ; domptée dans
la campagne, elle est entrée dans l'Etat et est mise à la
tête : le peuple et la bourgeoisie se montrent dociles. Mais
la noblesse se divise au xme siècle. Il faut prendre parti
dans la guerre à mort engagée entre l'empereur Frédéric II
et le pape ; on se partage à Florence comme dans toute
l'Italie en guelfes et gibelins. Une querelle privée entre les
Buondelmonti et les Amidei allume la guerre civile (4245).
Plus faibles, les premiers pour gagner le peuple s'appuient
sur l'Eglise : 38 familles sont de leur côté, surtout les
plus nouvelles, mais aussi les Donati, les Merli, les Bardi,
les Adimati venus du Mugello. De l'autre côté sont 32 fa-
milles : les Uberti, chefs de la faction ; les Lamberti ; les
Caponsacchi venus de Fiesole au Vieux-Marché; les Guidi,
maîtres de l'Apennin ; les Brunelleschi. Dans chaque quar-
tier, les adhérents des deux partis se retranchent chez
eux, vivant sur le qui-vive. Ces luttes intestines n'arrê-
taient pas l'industrie ni le commerce. Elles se prolongèrent
durant trente-trois années consécutives. Telle était l'éner-
gie des hommes de ce temps que les travaux publics
ne sont pas entravés ; en 4237, on pave les rues; en 4248,
1237 et 4252 on construit trois nouveaux ponts. Simulta-
nément Florence continue ses guerres extérieures.
De cette époque date la rupture avec Pise. Se jugeant
plus puissants désormais que leurs anciens alliés, les Flo-
rentins sont jaloux des privilèges que l'empereur prodigue
à sa fidèle cité. Pise eut les torts dans la rupture, confis-
qua les marchandises florentines sous un prétexte futile.
Son armée fut détruite à Castello del Bosco (4222). Puis
vient le tour de Pistoia ; vaincue, elle reperd Carmignano
(1226). Mais une coalition se forme de Pise, Pistoia,
Sienne, Poggibonzi et Arezzo contre Florence, Lucques,
Orvieto, Montepulciano, Pérouse, appuyées par le pape
Grégoire IX. Florence passe décidément aux guelfes ; elle
avait d'ailleurs toujours été plus sympathique au pape
qu'à l'empereur depuis deux siècles. Mais Frédéric II re-
venu de Palestine abaisse les Florentins devant les Sien-
nois (4232). La guerre reprend en 4234; le pape cette fois
a le dessus et c'est au tour de Sienne à s'humilier (4235).
Mais Grégoire IX se brouille avec les Florentins qu'il veut
obliger à se croiser ; il met leur ville en interdit (4237).
Elle élit alors des podestats dévoués à Frédéric II, lequel
du reste s'est établi en Toscane. Dans la ville, le parti im-
périal et le parti pontifical se différencient profondément :
non seulement ils ont chacun leur lieu de réunion, leur
promenade, mais la couleur des vêtements, la forme des
créneaux, des tours, les gestes quand on prête serment,
tout diffère : les impériaux portent à gauche la plume du
chaperon, les papalins la portent à droite ; les créneaux
des premiers étaient évasés par le haut en V ; ceux des
autres rectangulaires ; les premiers ont trois fenêtres de
front à leurs maisons, les seconds n'en ont que deux, etc.
En 4240, on adopte les noms de gibelins et de guelfes ;
ceux-ci se réunissaient à Saint-Jean (Baptistère), ceux-là
à San Pier Scheraggio. En somme, la noblesse tient pour
l'empereur, le peuple pour le pape. Mais si les gibelins
s'enorgueillissent de l'adhésion des Uberti, Fifanti, Capon-
sacchi, Abati, Lamberti, Guidi, les guelfes ont aussi beau-
coup des grandes familles : Donati, Pazzi, Tornaquinci,
Buondelmonti, Nerli, Rossi, etc. Ils ont l'avantage du
nombre, mais n'ont pas la discipline des gibelins où les
Uberti sont chefs reconnus. A partir de 4247, on bataille
sans relâche dans les rues, derrière des barricades. Après
une année de combats, l'arrivée de 4,500 cavaliers alle-
mands décide la. victoire des gibelins. On se battit encore
trois jours, puis les guelfes sortirent de la ville dans la
nuit du 2 févr. 4248. Ils se réfugièrent dans les châteaux
voisins (Capraja, Montevaschi, Cascia, etc.) d'où ils har-
celèrent leurs ennemis. Cet exode fut un fait grave. Désor-
mais les discordes civiles deviennent de véritables guerres ;
les vainqueurs chasseront les vaincus et ceux-ci formant
une armée d'exilés ne leur laisseront aucune sécurité. On
revit les jours de la Grèce antique où deux factions se
partageaient toutes les cités, chacune bannissant la rivale
et s' appuyant sur ses amis de l'étranger contre ses conci-
FLORENCE
632
toyens dissidents. Les gibelins démolissent les tours des
exilés, 36, dit Villani, notamment le palais Tosinghi (sur
le Vieux-Marché), le plus beau de la ville.
Le triomphe des gibelins fut court. L'extermination des
guelfes de Capraja fut suivie d'une défaite devant Figline.
Les popolani s'assemblèrent au couvent de Santa Croce et
concertèrent un soulèvement contre les Uberti. Ils eurent
aisément le dessus. Les gibelins cédèrent sans combat. La
constitution fut réformée afin de garantir le popolo vec-
chio, la bourgeoisie, contre les nobles. Les anciens (an-
%iani), qui avaient remplacé les consuls, réduisirent de 120
à 50 brasses la hauteur des tours féodales ; les six quartiers
furent officiellement délimités et organisés ; ils eurent leurs
caporali élus annuellement (trois par quartier, quatre
pour Oltrarno et San Pier Scheraggio, soit vingt en tout),
dont chacun commandait une compagnie de milice ; de
plus, chaque quartier fournit une compagnie de cavalerie ;
sans compter les corps spéciaux, arbalétriers, archers, etc.,
les quatre-vingt-seize paroisses de la campagne (contado)
devaient fournir chacune une compagnie. Le chef militaire
ou capitaine du peuple fut pris parmi les nobles, mais dans
les rangs des guelfes, le parti populaire. On porte le nombre
des anziani à douze, deux par quartier ; on leur adjoint
trente-six conseillers. Le podestat n'a plus que le pouvoir
judiciaire civil et criminel et demeure le chef de la cavalerie.
En somme, on juxtapose un nouvel organisme à l'ancien :
d'un côté, le podestat assisté de deux conseils; de l'autre, le
capitaine ayant également deux conseils ; les uns représen-
tent la noblesse, l'ancienne aristocratie à laquelle on réserve
le nom de commune; les autres représentent le peuple.
Quand fut mort le terrible Frédéric II, les guelfes rentrèrent
dans leur ville natale. Us y dominaient à leur tour (1254).
Les croyances religieuses a Florence. — Un des prin-
cipaux bienfaits résultant du progrès de la civilisation ur-
baine est l'affranchissement de la pensée. Il se constate à
Florence dès le xne siècle. Il y fut précédé et accompagné
d'un mouvement religieux assez vif, se manifestant par des
hérésies. En 11 Oo, le pape Pascal II est obligé de réunir à
Florence un concile pour condamner ceux qui annoncent
que le monde va finir, que l'antécbrist est déjà né ; l'agi-
tation populaire est telle qu'il n'ose prononcer la condam-
nation. Les cathares, traqués en Lombardie, passent en
Toscane. Ils se défendent à Orvieto les armes à la main ;
nombreux sont leurs adhérents florentins, malgré les sup-
plices. Pierre Lombard les groupe; Florence sert de refuge
à ceux qu'on pourchasse ailleurs. Les patarins de la ville
sont d'ailleurs des modérés. La classe ouvrière compte beau-
coup d'hérétiques ; à leur tête sont les nobles ennemis du
pape et de la société religieuse. L'évêque, le chef spirituel
des patarins de la Toscane, réside à Florence, bravant les
foudres d'Innocent III. En 1227, la persécution commence.
Grégoire IX l'avive en 1234, mais sans gagner de terrain.
Frédéric II protège les hérétiques ; ceux-ci forment le tiers
de la population. En 1243, nouvel effort; les patarins déli-
vrés par leurs amis s'abritent chez les Pazzi. Le domini-
cain Pierre Martyr vient raviver la foi par sa brûlante élo-
quence. Pour lui donner un plus vaste théâtre, on agrandit
la place de Santa Maria Novella. Il organise dans ce cou-
vent la milice catholique des chevaliers de Sainte-Marie. Le
podestat défend les patarins, mais ne peut empêcher leur
massacre (1244) . La pacification vint ensuite, grâce aux fran-
ciscains, substitués aux dominicains dans la Toscane (1255).
L'hérésie n'était pas tout à fait extirpée., mais elle n'est
plus dangereuse. Les magistrats se montrent indulgents et
peu à peu les patarins disparaissent. La foi religieuse n'y
gagne rien, au contraire. Le scepticisme règne chez les plus
intelligents ; les Cavalcanti nient l'immortalité de l'âme;
les grands gibelins sont de parfaits incrédules, par exemple
Farinata degli Uberti. Les guelfes restent fidèles à l'Eglise,
mais sans ardeur, pratiquants, mais peu croyants. L'ad-
mirable essor intellectuel de Florence s'explique par cette
indifférence religieuse dégagée des préjugés qui pesaient si
lourdement sur les esprits au moyen âge.
Le premier gouvernement des guelfes. — Nous avons
vu les guelfes rentrer à Florence; ils n'y vécurent pas
longtemps en paix avec les gibelins. La même année le
conflit éclate. Les gibelins florentins s'allient à Pise, Sienne
et Pistoia. Leurs chefs se retirent dans leurs châteaux ou
villes voisines . Sous le gouvernement des guelfes la ville
prospère. En \ 252, elle crée une monnaie d'or à l'empreinte
de la fleur de lis qui prend le nom de florin. Le florin valait
environ 11 fr. 70 de notre monnaie. Le commerce floren-
tin rivalise avec celui de Pise, le balance déjà à Tunis. En
face de la vieille Badia s'élève dans la cité l'imposant palais
du Bargello où loge le podestat. La commune travaille à
devenir un Etat, grandissant son territoire par des achats
de châteaux, de villages. Mais elle se heurte à Sienne qui
la tient en échec ; à Pise qu'elle neutralise par son alliance
avec Lucques et Gênes ; dans le Mugello, aux puissants Ubal-
dini. La guerre fut menée avec vigueur. Les Pisans et les
Siennois furent défaits à Pontedera (1252), les Siennois
devant Montecalcino ; Figline est prise ; Pistoia se soumet
et reçoit une garnison qui appuiera les guelfes; Sienne
demande la paix (1254); les guelfes sont mis au pouvoir
à Volterra; Pise même traite; elle accepte les monnaies,
poids et mesures de sa rivale, l'affranchit de tous droits de
douane et autres (1255). Cependant elle reste le dernier
boulevard des gibelins. En 1258, les hostilités reprennent
entre guelfes et gibelins ; les grandes familles de ce dernier
camp sortent de Florence; les guelfes décapitent l'abbé
gibelin de Vallombrosa. Les voilà brouillés avec le saint-
siège, mis en interdit. Farinata degli Uberti, chef des exi-
lés, s'est installé à Sienne avec ses partisans. Il faut en
venir aux armes. On fortifie le quartier d' Oltrarno avec
les pierres provenant de la démolition des maisons gibelines.
Menacée, Sienne prête serment de fidélitéàManfred,roi de
Naples, qui lui envoie un capitaine, Giordano, comte de San
Severino. On escarmouche une année entière, on enrôle des
mercenaires de part et d'autre. Les Florentins mettent sur
pied une armée formidable avec les contingents de tous les
guelfes de Toscane, 30,000 fantassins et 3,000 cavaliers;
les Siennois, renforcés par tous les gibelins toscans et par
800 lances napolitaines ou allemandes, avaient une armée
de 20,000 hommes environ. La bataille eut lieu à Monta-
perti, entre la Biena et la Malena. L'armée guelfe fut écra-
sée, le carroccio pris; 10,000 guelfes périrent, 15,000
furent pris. Le triomphe des gibelins fut complet. Florence
leur ouvrit ses portes ; les guelfes émigrèrent à leur tour
et se retirèrent à Lucques, les Soderini, les Macchiavelli,
les Aitoviti, les Rossi, les Cavalcanti, les Gherardini, les
Niccoli, les Pazzi, les Bardi, les Buondelmonti, etc. Les
vainqueurs songèrent à démolir la cité de l'Arno et à trans-
porter ses habitants à Empoli. Farinata degli Uberti, pa-
Iriote ardent, la sauva. Le retentissement de la victoire
des gibelins fut immense.
Le gouvernement des gibelins. — Le revirement imprévu
qui ramenait au pouvoir les gibelins ne le leur assura pas
longtemps ; Florence, entraînée dans la politique générale
de l'Italie, en suivit les péripéties. Tout d'abord, les guelfes
semblent terrassés. Malgré une obstinée résistance, ils
perdent les petites places voisines de la ville. Les Lucquois
entrent dans la ligue gibeline et expulsent les exilés qui
sont forcés de se réfugier à Bologne ; plusieurs s'enfuient
jusqu'en France. Ils y font la banque, le change, et cette
expatriation involontaire devient pour beaucoup une cause
de fortune, pour leur patrie une occasion d'étendre ses
relations commerciales. D'autres de ces exilés se groupent
en compagnies militaires et se mettent à la solde des
guelfes des cités lombardes. Mais le pape Urbain IV trouve
au parti guelfe un chef, Charles d'Anjou ; des banquiers
florentins le subventionnent. Les exilés toscans grossissent
son armée. Quand Manfred eut péri à Bénévent, la restau-
ration des guelfes à Florence parut imminente (1266). Le
podestat Guido Novello tenta une transaction. Il se récon-
cilia avec l'Eglise, s'appuya sur les Frati gaudenti ou
chevaliers de Sainte-Marie, ordre religieux militaire, nom-
633 —
FLORENCE
niant deux podestats, un de chaque parti. Mais bientôt une
insurrection le chasse de Florence. Bientôt y entrent les
Français commandés par Guy de Montfort (1267). Les
gibelins s'exilent, même les modérés.
Protectorat de Charles d'Anjou. — Ramenés par
l'étranger, les guelfes subissent sa loi. Ils nomment le roi
de Naples podestat ou seigneur, obéissent à son vicaire ;
le véritable podestat n'est plus qu'un juge ; le capitaine du
peuple un chef des milices urbaines. Le nombre des ma-
gistrats du conseil est réduit de 36 à 12. Les biens des
gibelins sont confisqués. Le parti guelfe prend son appui
sur le peuple ; il s'organise officiellement, comme une sorte
d'Etat dans l'Etat ; il se donne ses chefs ou magistrats
particuliers, ses conseils, tient ses assemblées ; le peuple
ne fait guère que ratifier ses décisions. Désormais, la parte
guelfa figure officiellement dans les actes publics. Voici
comment se fixent alors les traits de la constitution floren-
tine. Au sommet, le vicaire royal, très puissant, mais qui
disparaîtra bientôt. Puis les anciens pouvoirs, le podestat,
le capitaine du peuple, le conseil des douze (deux par
quartier) élu pour deux mois ; on leur applique le nom
nouveau de prieurs des arts. En dernier lieu, un pouvoir
nouveau apparaît, pouvoir législatif organisé selon un sys-
tème compliqué. Toute décision du conseil des douze doit
être soumise à un conseil de 100 personnes choisies dans
les riches bourgeois (popolo grasso), puis aux deux con-
seils du peuple : conseil de credenza ou de confiance, formé
de 80 personnes, et conseil général. Il faut encore la rati-
fication des deux conseils du podestat dans lesquels les
nobles siègent à côté des popolani, conseil spécial de
90 membres et général de 390. Dans de grandes occasions,
on réunit tous ces conseils en assemblée générale, sous la
présidence du capitaine du peuple, ou même un parlement
de tous les citoyens ; nous avons dit que leur nombre total
ne dépassait pas 2,000. Ajoutez que, pour des affaires
particulières, on peut convoquer des assemblées formées
ad hoc et qu'il en existe d'autres, mais sans attributions
politiques, par exemple celui des chefs des arts majeurs.
On discerne les progrès de la démocratie ; les conseils
des cent, des quatre-vingts et l'assemblée générale sont
exclusivement ou essentiellement composés de bourgeois ;
les nobles [sont mis de côté ou réduits à une minorité. La
défaite du parti gibelin, auquel la plupart se rattachaient,
les affaiblit beaucoup. La confiscation des biens des gibe-
lins profita surtout au trésor du parti guelfe. Tous les
acquéreurs de ces biens sont intéressés à prévenir un
retour des exilés. L'importance des intérêts matériels en
jeu rend compte de la solide constitution du parti guelfe.
A la tête sont des capitaines, de trois à neuf, élus pour
deux mois ; au-dessous, les six prieurs ou trésoriers et
intendants ; le trésor et les archives sont conservés dans
l'église des Servi ; les chefs s'assemblent à Santa Maria
sopra Porta, près du Marché-Neuf, centre de leurs adhé-
rents. Deux conseils dirigent la parte guelfa: conseil
secret de 14 personnes, conseil public de 60. Ils pren-
nent une grande place dans l'Etat, reçoivent la garde
des forteresses, des remparts, des édifices publics. Cette
organisation, qui dura jusqu'au xvr3 siècle, assura la
prépondérance aux guelfes, mais créa dans Florence un
dualisme ; le podestat et ses conseils deviennent les défen-
seurs des gibelins ; les guelfes disposent du capitaine du
peuple ; entre les deux pouvoirs antagonistes, le conseil
des douze, buonuomini ou prieurs des arts, voudrait
rester neutre.
La lutte n'était pas finie : le lis rouge des guelfes pré-
valait à Florence sur le lis blanc des gibelins, mais ceux-ci
trouvaient un appui à Pise. Ils appellent Conradin. Charles
d'Anjou vient en Toscane, fait une entrée solennelle à
Florence (1267); sauf Pise et Sienne, toutes les villes lui
confèrent la dignité de podestat pour six années (jusqu'au
1er janv. 1274). La guerre est menée rudement ; Poggi-
bonzi est pris, le pays pisan dévasté. Mais Conradin arrive ;
il débarque à Pise, traverse la Toscane, battant les guelfes
à Ponte a Valle, sur l'Arno supérieur. Mais, après quelques
féroces représailles, il succomba à Tagliacozzo malgré sa
supériorité numérique. Son supplice, achevant la ruine de
la maison de Souabe, consolida Charles d'Anjou. Cepen-
dant, de l'Italie entière, c'est la Toscane qui restait la plus
indépendante sous* son protectorat. Les cités gibelines ré-
sistaient. Sans doute, les Florentins battent les Siennois
et enlèvent leur carroccio (1269), mais une année de
famine et d'inondations paralyse leurs efforts. Charles
d'Anjou traite avec Pise et Sienne, leur accordant des
conditions modérées (1270). Mais la paix n'était qu'appa-
rente. Vainement Grégoire X et le roi de Naples se réu-
nissent à Florence (1273) ; le pape invite guelfes et gibe-
lins à se réconcilier, mais les guelfes refusent, et le pape
irrité s'en va, frappant la ville d'interdit. L'anarchie règne
en Toscane et Florence en profite. Alliée aux Visconti de
Gallura et à Ugolino délia Gherardesca, elle prend le
dessus sur Pise et lui dicte ses conditions (1276). Charles
d'Anjou, qui a besoin des marchands florentins, les paye en
privilèges ; aussi font-ils de rapides fortunes dans le com-
merce des draps, des soies ou dans les opérations finan-
cières ; alors s'enrichissent les Peruzzi, les Bardi, les
Alberti, les Pazzi, les Villani, etc. La rupture du pape
Nicolas III avec Charles d'Anjou achève de faire disparaître
l'autorité de celui-ci à Florence.
Organisation de la république. — A cette époque de
la fin du xme siècle, la cité prend sa physionomie défini-
tive et achève d'élaborer sa constitution. La bourgeoisie,
les commerçants et les industriels qui ont fait la fortune de
Florence, toute cette population laborieuse qui par le tra-
vail acquit une richesse suffisante pour s'adonner ensuite
à la culture intellectuelle et immortaliser le nom florentin,
cette population n'avait pas encore la haute main dans
l'Etat. Les bourgeois avaient asservi les nobles ; mais, en
les obligeant à entrer dans leur ville, ils leur avaient donné
la première place. En ce temps de guerres incessantes, la
classe militaire se jugeait indispensable ; elle l'affichait
avec insolence. Les nobles gibelins étaient expulsés ou
exclus des offices publics, mais les nobles guelfes n'étaient
pas plus disposés à se conformer aux lois. L'impunité était
assurée à leurs crimes, grâce à leurs relations person-
nelles. Ils affectaient de mépriser les artisans qui étaient
la force de Florence. On n'osait les mettre à la raison, par
crainte des gibelins. Ils s'affaiblirent par leurs querelles
intestines. Ils se divisèrent en deux fractions suivant les
familles des Adimari et des Donati. Entre celles-ci et leurs
clients, luttes incessantes ; de proche en proche, tout le
monde s'y mêlait. A la fin, exaspérés, les gens du peuple
s'adressent au pape Nicolas III, implorant sa médiation
(1279). Il leur envoie le subtil cardinal Latino Frangipani
(des Brancaleoni). Celui-ci réconcilie les guelfes entre eux
et avec les gibelins, les Adimari avec les Donati, les Buon-
deimonti avec les Uberti. On jure la paix, de part et
d'autre, à peine d'excommunication ; on restitue les biens
usurpés de part et d'autre; une amnistie politique est pro-
clamée (1280). Dans le conseil des buonuomini (porté
de 12 à 14 membres) on introduit les deux partis,
laissant une majorité aux guelfes et aux roturiers. On or-
ganise une force publique, 1,000 hommes, répartis par
quartiers, en six compagnies chacune ayant son gonfalo-
nier ; de plus, 100 cavaliers et 100 sbires à pied assu-
reront en temps ordinaire le respect des autorités. On
avait la chance que les Siennois, chez qui le parti guelfe
dominait depuis 1266, la démocratie depuis 1273, recou-
raient également à l'entremise du cardinal Latino pour
réformer leur gouvernement et réconcilier guelfes et gibe-
lins. Volterra, Pistoia suivent cet exemple.
Malheureusement, en 1282, à l'instigation du pape Mar-
tin IV, créature de Charles d'Anjou, les dissensions repa-
raissent; on reconstitue la ligue guelfe de Toscane, équi-
pant à frais communs des mercenaires ; Florence fournit le
tiers, Lucques et Sienne le quart chacune, Pistoia, Prato,
Volterra, San Gemignano, Colle, Poggibonzi, le reste. Flo-
FLORENCE
634 —
rence secourt Charles dans sa guerre de Sicile, donnant
des hommes et de l'argent. Irrité de l'opposition des gibe-
lins, on rompt le pacte et on les exclut des emplois
publics, forçant les plus acharnés à se faire inscrire sur
les registres des métiers (arts)» On fait ainsi disparaître la
noblesse en tant que classe. Les chefs habitués à la vie
urbaine se soumettent, au lieu de se retirer dans leurs
châteaux de la campagne, comme eussent fait leurs pères.
On établit donc le gouvernement exclusif des arts, c.-à-d.
des corporations industrielles. On remplace la magistrature
de 14 par un conseil de 3 membres dont au moins
2 guelfes. On n'y admet les grands que s'ils sont ins-
crits sur le registre d'un des trois arts principaux (cali-
mala, laine ou change). Bientôt on porte le nombre de ces
magistrats ou prieurs à 6, ajoutant trois arts aux trois
premiers, art des médecins, apothicaires et épiciers, des
merciers et marchands de soie, des peaussiers et artisans
du cuir. On laissait de côté Fart des gens de justice (no-
taires, juges) qui tenaient déjà une grande place dans le
gouvernement* Ainsi fut complétée la liste des arts majeurs.
Les prieurs étaient élus par leurs prédécesseurs assistés
des pénitents (capitudini) des sept arts majeurs et des
cinq suivants et de 12 notables (2 par quartiers). La
durée du pouvoir des prieurs était limitée à deux mois ;
ils n'étaient rééligibles qu'après deux ans, devaient se
tenir en permanence dans la tour de la Castagna (près de
la Badia) ; il leur était interdit de parler à personne, sauf
•dans leurs audiences publiques (trois fois par semaine) et
dans des entretiens sur la chose publique par devant deux
témoins ; ils devaient se faire assister de deux juristes
dans les affaires difficiles. On conçoit qu'avec de telles pré-
cautions, rendant le pouvoir peu enviable, on ait pu en
confier beaucoup aux prieurs. Cette magistrature, devenue
la principale, le demeura longtemps. Elle fut supprimée en
1532 par Alessandro de Medici. A côté d'elle subsistaient
le podestat et le capitaine ; le premier, chef des nobles, est
relégué dans les fonctions judiciaires (justice criminelle) ;
le second, chef du populaire, et des guelfes, reste bien plus
important, bien que hiérarchiquement inférieur; il a la
juridiction financière. On lui donne pour suppléant un pro-
consul choisi dans l'art des juges. Podestat et capitaine
conservent leurs conseils, dont nous avons parlé. Toute
affaire notable nécessite donc six délibérations : des prieurs,
du conseil des cent, du conseil spécial et du conseil géné-
ral du capitaine, du conseil spécial et du conseil général
du podestat, chacun de ceux-ci étant assisté des chefs des
sept arts majeurs. Chacune de ces délibérations et chacun
des votes est entouré de formalités réglementées avec soin.
Le but poursuivi est évidemment de laisser tous les groupes
de la cité se faire entendre, toutes les opinions s'exprimer.
La bourgeoisie capitaliste absorbe tous les pouvoirs ; la
noblesse est annihilée; le peuple n'a encore aucune place.
Mais il ne paraît pas mécontent du système des corpora-
tions, où très probablement les grandes industries privilé-
giées, les sept arts majeurs (surtout en ajoutant les cinq
suivants) renfermaient la majorité de la population.
Hégémonie en Toscane. — Les réformes intérieures ac-
complies en 1282 et 1283 furent suivies d'une expansion
de la puissance florentine; les gibelins du dehors, les voi-
sins et rivaux commerciaux furent vaincus. Cette ville de
100,000 hab. devint un des Etats considérés de l'Europe,
étendant au loin ses relations politiques et financières.
Il s'agit en effet avant tout d'une politique économique.
« On ne dira jamais assez, écrit M. Perrens (Hist. de
Florence, t. II, p. 266), que la politique de Florence est
essentiellement commerciale. Si Florence est guelfe, c'est
parce que les guelfes ne sont pas, comme les gibelins, dédai-
gneux du travail ; c'est parce que les guelfes seuls peuvent
être les changeurs, les banquiers du saint-siège, et faire
ainsi passer par leurs mains tous les deniers de la chré-
tienté. Si elle est en lutte avec les autres villes de la Toscane,
c'est qu'elles sont aussi, en quelque sorte, des maisons de
commerce, gibelines par les nécessités de la concurrence.et
l'antagonisme des intérêts. Nul ne connaissait, au moyen
âge, les lois de l'équité, de ce qu'on appelle aujourd'hui le
droit international. Rien ne semblait plus légitime que de
fermer tout passage à un voisin, ou de lui imposer des taxes
prohibitives, intolérables. De là des haines croissantes, des
querelles sans fin, que peut seul vider la raison du plus fort.
Tandis que Sienne, Volterra et Pise sont invariablement hos-
tiles, pourquoi Arezzo oscille-t-elle entre Florence et Sienne?
C'est qu'elle en est à égale distance. Pourquoi finit-elle par
se prononcer contre Florence ? C'est qu'elle ne peut empê-
cher Sienne de communiquer avec le Sud, tandis qu'au pas-
sage elle écrase de droits les marchands florentins qui suivent
la même direction, et qui ne peuvent éviter Sienne qu'en
traversant Arezzo. Les mêmes motifs qui déchaînent la
guerre nouent les alliances. Lucques est trop jalouse de
Pise pour n'être pas alliée des Florentins. Gênes, n'ayant
de grands intérêts que sur mer, n'a qu'inimitié pour la ville
qui lui en dispute la domination et qu'amitié pour un peuple
perdu au loin dans les terres, qui contraint Pise à diviser
son attention comme ses forces pour se défendre sur le con-
tinent. Quand Gênes rompra avec Florence, ce sera un signe
certain que Florence commande à Pise et n'a plus qu'inté-
rêt à la défendre, à la relever. Bologne est une alliée non
moins fidèle. C'est que, séparée des marchands de l'Arno par
le massif de l'Apennin, animée d'intentions semblables, mais
parallèles, guelfe par haine des villes voisines, et peu com-
merçante, elle devait ouvrir ses portes aux marchandises
florentines, ne les point écraser sous le poids de ses taxes
et de ses tarifs. Ainsi Florence cherchait des chemins vers
le Nord par Bologne et par Lucques, vers la mer par Pise,
vers Rome et le Sud par l'Ombrie, par Sienne ou Arezzo.
Alors même qu'on lui opposait des refus, qu'on marchait
en armes contre elle, il lui restait toujours l'espoir d'une
révolution dans ces villes gibelines où elle entretenait des
intelligences avec les guelfes, où les guelfes, après comme
avant la victoire, devaient acheter son appui. La guerre, à
vrai dire, malgré toutes ses cruautés, n'interrompait pas
beaucoup plus les relations privées que les alliances n'em-
pêchaient les querelles de péage et les plaintes des mar-
chands. Il en était d'une ville à l'autre, comme jadis d'un
parti à l'autre dans Florence, quand on y buvait ensemble
le soir, après s'être, dans un périodique accès de fureur,
en tr 'égorgés le matin. On admettait au droit de cité des
citoyens d'une ville ennemie. On trafiquait avec eux comme
avec des amis. » La prépondérance industrielle de Florence
sur les autres cités toscanes lui assure une influence que
seule Pise peut balancer.
Les transformations de ces institutions se répercutent
dans les autres cités. En 1285, Sienne achève l'expulsion
des gibelins, se donne 9 magistrats pris pour deux mois
dans la classe moyenne et les marchands. La cité féodale
d' Arezzo se donne un gouvernement populaire; son prieur
du peuple rase les châteaux des nobles. Pistoia agit de même.
A Pise, le parti guelfe conseille l'alliance avec Florence,
comprenant qu'elle eût été singulièrement profitable; se
réduisant au rôle de port, de débouché des villes de l'in-
térieur, Pise eût grandi avec elles au lieu de s'affaiblir à
les combattre. Ce sage avis ne fut pas suivi ; la décadence
était proche. Vaincus à la Meloria par la flotte génoise
(1284), perdant 11,000 prisonniers dont la plupart ne
revirent jamais leur patrie, les Pisans ne se laissent pas
convaincre par le comte Ugolino ; ils s'enfoncent dans la
cause gibeline. Les guelfes s'unissent à Florence contre
eux, s'allient aux Génois pour les détruire. Ils préfèrent
alors s'humilier devant les Génois que devant les Florentins .
Ce fut en vain. Ugolino, promu à la dictature, s'entend avec
les guelfes de Florence, sacrifiant les gibelins de sa patrie
(1285). L'attention se tourne alors du côté d' Arezzo d'où
les gibelins viennent d'exiler les guelfes. Un échec des
ligueurs amène une prise d'armes générale des gibelins
(1288). Ugolino est renversé; Farchevêque le fait mourir
de faim. Pise met à sa tête le redoutable Guido de Monte-
feltro, tyran d'Urbin,chef des gibelins de l'Italie centrale.
— 635
FLORENCE
Florence appelle Charles II d'Anjou (4289). Une sanglante
bataille livrée à Campaldino entre guelfes et gibelins, Flo-
rentins et Arétins, donna la victoire aux premiers, grâce
au courage de Corso Donati. Les résultats furent médiocres.
Montefeltro tient ses adversaires en échec, malgré la perte de
Porto Pisano; il reprend Pontedera aux Florentins (1294).
Enfin, en 4294, on signe la paix-. Elle consacre l'hégémo-
nie florentine : Sienne est devenue une alliée fidèle ; Pog-
gibonzi paye tribut; les Guidi et les autres seigneurs du
Mugello sont vaincus ; Prato, Pistoia reconnaissent la suze-
raineté florentine; Arezzo offre son amitié; Pise s'avoue
vaincue, rase Pontedera, congédie Montefeltro. Au moment
où Florence acquérait complètement la prépotence en Tos-
cane, elle procédait à une nouvelle réforme progressive de
ses institutions.
Les ordonnances de justice. — La noblesse conservait
à Florence un grand ascendant, bien que ses droits poli-
tiques semblassent annihilés. Elle peut tenir en échec la bour-
geoisie ; ses exploits guerriers lui valaient une popularité et
une influence considérables. Sa forteresse était le parti guelfe
officiel, la parte guelfa; elle est tout à fait aristocratique;
même un demi-siècle plus tard, elle le sera encore ; les
grands écartent les popolani de ses conseils . Par une curieuse
anomalie, c'est à la noblesse que les magistrats demandent
des ressources; en effet, la parte guelfa s'est enrichie des
biens confisqués aux gibelins; chargée de les administrer,
elle les a capitalisés, est devenue la première puissance
financère de la commune. Ajoutez que les nobles s'appuient
sur la haute bourgeoisie des popolani grassi; de nom-
breux mariages les solidarisent ; le petit peuple, plus jaloux
des riches marchands que de la vieille aristocratie, passionné
pour les fêtes où elle parade, se met volontiers dans sa clien-
tèle. Elle est beaucoup plus unie que ses rivaux. Les liens
de famille sont très forts; tous les agnats se groupent,
de la même manière que les marchands d'un métier uni en
une corporation ; autour de leurs palais bâtis dans un même
quartier, porte à porte, se rangent leurs clients, leurs ser-
viteurs, sans compter ceux de leurs domaines de la cam-
pagne qu'ils peuvent appeler à la rescousse. Le pouvoir
central ne pouvait désagréger ces groupes ; il était trop ins-
table, changeant de mains tous les deux mois. Au contraire,
par désir d'éviter les tracas, il consolidait les groupements
existants ; il fallait son autorisation pour changer de rue,
de quartier ; on cherchait seulement à maintenir l'équilibre
entre les clans jaloux les uns des autres et engagés dans
d'interminables vendettas. La justice ne pouvait rien contre
la connivence des nobles ; ils se faisaient justice eux-mêmes
et dérobaient leurs coupables à l'action des lois.
Les magistrats, las de se sentir bravés, entreprirent une
lutte méthodique ; ils décrétèrent la solidarité familiale
pour les amendes ; afin d'ôter aux nobles l'appui de leurs
serfs des campagnes, on abolit la servitude (4289) ; l'or-
donnance invoquait le droit naturel de libre arbitre ; les
tribunaux féodaux furent supprimés ; défense faite de
porter des armes dans la ville. On diminua la prépondé-
rance des popolani grassi alliés aux nobles en adjoignant
aux sept arts majeurs les cinq qui les suivaient (bouchers,
cordonniers, forgerons, charpentiers et maçons, fripiers) ;
c'était la petite bourgeoisie qui se voyait appelée à la vie
politique ; en même temps on adjoignait aux six prieurs
un septième sous le nom de gonfalonier de justice (4293).
On procéda à loisir à la revision des statuts, confiée à trois
jurisconsultes. Successivement adoptés, il formèrent une
collection d'environ quatre-vingts ordonnances de justice
(ordinamenta justitiœ). Elles réglaient l'élection des
prieurs, mettaient aux ordres du gonfalonier de justice une
milice de 2,000 piétons. Au-dessous des sept arts majeurs
et des cinq arts intermédiaires, on classa neuf arts mi-
neurs : cabaretiers, hôteliers (grands aubergistes), mar-
chands d'huile, sel et fromage, tanneurs, armuriers, ser-
ruriers, charretiers, tabletiers et faiseurs de boucliers,
menuisiers, boulangers.
L'organisation des arts est la base de l'Etat. Ils élisent
annuellement leurs syndics qui prêtent serment aux ma-
gistrats; toute ligue privée est prohibée à peine d'amende
à payer par la corporation. Tout homme (popolano) de
dix-huit à soixante-dix ans doit être inscrit sur les registres
d'un art; les consuls des arts sont tenus d'appuyer les
plaintes de tout artisan de leur corporation molesté par un
grand. Les nobles sont matés. Dès 4285, Pistoia les avait
exclus du gouvernement ; l'inscription sur le registre des
nobles était une peine emportant la privation des droits
politiques. A Florence, on exclut les nobles des principaux
conseils ; les nobles inscrits sur les registres des arts ne
peuvent y devenir consuls (capitudini); exclus de presque
toutes les fonctions publiques, on leur refuse le titre d'hon-
nête homme. On inscrit clans leur classe tout homme du
peuple qui a commis un vol, un inceste, un meurtre, ou
simplement est suspect de les appuyer ; fugitifs, ils sont
hors la loi. Des peines draconiennes sont promulguées
contre tout noble qui se portera à des violences contre un
popolano ; les familles nobles sont astreintes, à peine de
bannissement, à fournir une caution de 2,000 livres qui
répondra des amendes prononcées contre un de leurs mem-
bres. La procédure est rapide, l'institution confiée au
gonfalonier de justice. En somme, la loi des suspects
faite en 4283 contre les gibelins est faite en 4293 contre
le « vieux peuple ».
Cette révolution avait été en grande partie l'œuvre de
Giano délia Bella. Les grands voulurent se venger de lui.
Ils gagnèrent l'ordre des juges et celui des bouchers, con-
duit par Dino Pecora. Leur chef était le redouté Corso
Donati. Poursuivi pour un meurtre commis par ses gens, il
fut acquitté par le podestat. Une émeute éclata. On accusa
Giano délia Bella de l'avoir fomentée ; il fut excommunié
par le pape, quitta Florence et se retira en France. La
chute du chef populaire n'atteignit pas son œuvre. Sienne,
Pise se donnèrent des lois analogues. Un soulèvement des
grands en 4295 consomma leur abaissement. Ils montèrent
à cheval et occupèrent la place avec leurs vassaux ; le parti
populaire résista, tendit des chaînes dans les rues ; les mi-
lices urbaines prirent aisément le dessus. De nouvelles
rigueurs furent décrétées contre les nobles ; défense fut
faite d'arborer d'autres armes et couleurs que celles de son
art ou de sa propre famille. Les ordonnances furent stric-
tement appliquées.
Au dehors, l'autorité de Florence croissait. En Toscane,
elle a presque à ses ordres l'armée de la ligue guelfe ; sa
parte guelfa, si bien organisée, domine aux assemblées
qu'on réunit à Empoli ; le plus souvent elle désigne le ca-
pitaine. Elle soutient de ses subsides le roi Charles II de
Naples, envoie des secours aux guelfes bolonais, au pape
Boniface VIII. « Jamais, écrit Machiavel, notre ville ne fut
en plus grand et plus prospère état qu'en ce temps où elle
était riche d'hommes, de biens, de réputation, où elle
comptait dans ses murs trente mille hommes en état de
porter les armes et sur son territoire soixante-dix mille,
où toute la Toscane, alliée ou sujette, lui obéissait. Il y
avait bien entre les nobles et le peuple des motifs de co-
lère et de soupçon, mais il n'en résultait aucun mauvais
effet. Florence ne craignait plus ni ses exilés, ni l'Empire,
et elle était en force pour tenir tête à tous les Etats d'Ita-
lie. » Ne nous trompons pas aux sarcasmes du Dante. Les
divisions mêmes et l'instabilité sont la marque d'une vie
puissante, d'une activité surabondante ; elles ne gênaient
nullement le développement individuel ou collectif. A par-
tir de la fin du xme siècle se manifeste la civilisation flo-
rentine par des œuvres impérissables.
On reconstruit la vieille église de Santa Reparata sous
le nom nouveau de Santa Maria del Fiore, rappelant à la
fois la Vierge et le lis « qui était dans les armes comme
dans le nom de la ville ». Ce travail fut commencé en
4298. Trois ans plus tôt on avait posé la première pierre
de Santa Croce (église des Franciscains); on refaisait Santo
Spirito et Santa Maria Novella, églises des Augustins et
des Dominicains. Enfin on édifiait un nouveau palais à la
FLORENCE
— 636 —
seigneurie (1299). Cet important édifice, appelé aujour-
d'hui Palazzo Vecchio, engloba la tour des Foraboschi
qui fut encore exhaussée ; on démolit, pour l'agrandir, la
vieille église de San Pier Scherazzio. Le parallélogramme
parfait dont l'architecte Arnolfo avait donné le plan fut
plus tard modifié par des agrandissements. Enfin on donne
à la ville une troisième enceinte (1298-1327), quatre fois
plus grande que la seconde, dix fois plus que la première,
d'un circuit de 6 milles, percée de neuf portes, flanquée
de soixante-huit tours (de 40 et 60 brasses de haut).
On réparait les châteaux forts de la campagne; on en
édifiait de nouveaux; on bâtissait des ponts, traçait des
routes. Avant de décrire la vie florentine en ces glorieuses
années, il nous faut exposer la situation politique nouvelle
d'alors, d'autant plus que Dante (V. ce nom) lui a donné
une grande célébrité.
Les Blancs et les Noirs. — Les dissensions intestines
prirent une gravité croissante lorsque les dangers exté-
rieurs eurent disparu. On avait comprimé la noblesse, les
gibelins. A la suite des ordonnances de justice, les partis
se transformèrent. La rivalité de Corso Donati et de Vieri
de Cerchi divisa toute la ville. Les Cerchi avaient pour
eux les marchands et la noblesse gibeline, les Donati la
populace et les grands guelfes. Dans la maison des Cerchi
résidaient les prieurs et s'assemblait d'ordinaire la sei-
gneurie ; mais, malgré leur influence, l'alliance des gibe-
lins les affaiblissait surtout vis-à-vis de l'énergique Corso
Donati. A ce moment, Florence fut impliquée dans les que-
relles des gens de Pistoia. Ceux-ci s'étaient divisés en
Blancs et Noirs. Les Blancs invoquèrent la médiation de
Florence (1294). Ils s'adressèrent aux Cerchi, leur offrant
la balia, c.-à-d. pleins pouvoirs de régler l'affaire, selon
la coutume de ces républiques. Ils la lui donnèrent pour
cinq ans en 1296, avec faculté de réformer à leur gré les
institutions de Pistoia et de la gouverner durant ce temps.
Dès lors, les Cerchi deviennent solidaires des Blancs et en
prennent le nom : les Donati prennent celui de Noirs. Du
côté des Blancs étaient, avec les Cerchi, les Adimari, Ca-
valcanti, la plupart des anciens gibelins ; du côté des
Noirs, les Pazzi, Buondelmonti, Tornaquinci, Brunelleschi.
D'autres familles étaient divisées, Bardi, Rossi, Nerli, Adi-
mari et même les Cerchi. Les Blancs en possession du pou-
voir étaient fort modérés, se défendant à peine. De leur côté
étaient les théoriciens, Dante, Guido, Cavaleanti, le père de
Pétrarque ; les Noirs, moins nombreux, moins intelligents,
étaient plus énergiques. Les rixes étaient continuelles ; le
pape s'en inquiéta, mais ne put réconcilier les adversaires.
Invoqué par les Noirs, il envoie le cardinal Matteo d'Ae-
quasparta. On lui accorde une balia; il propose de tirer
au sort les prieurs. On refuse et il met la ville en interdit.
Parmi les prieurs d'alors qui appartenaient à la faction des
Blancs était Dante Alighieri, de l'art des apothicaires
(1300). Ce fut l'origine de ses malheurs (sur ces événe-
ments, V. l'art. Dante, t. XIII, p. 888). On tenta de réta-
blir la paix en exilant les chefs des deux partis (1301),
mais les Blancs rentrèrent ; Corso Donati se rendit à Rome
tandis qu'à Pistoia les Noirs étaient traqués comme des
bêtes fauves. L'intervention décidée de Boniface VIII et de
son allié Charles de Valois en faveur des Noirs changea la
face des choses. Les Noirs parurent les représentants de
l'ancien parti guelfe ; les gibelins se rallièrent décidément
aux Blancs ; originairement démocrates, ceux-ci se virent
confondus avec les aristocrates. Charles de Valois marche
sur Florence et y rentre, appuyé par les Siennois; Corso
Donati rentre à son tour, brûle les maisons de ceux qui
l'ont condamné ; il se rend maître de la ville sans que les
Blancs osent résister ; six jours durant, elle est livrée au
pillage (nov. 1301). On proscrit les chefs des Blancs, les
anciens prieurs, Cerchi, Adimari, Gherardini, Dante avec
eux. Deux mois après, sous prétexte d'une fausse conju-
ration, Charles de Valois bannit de la ville tous les Blancs
(1302). Comme toujours, les riches marchands et la foule
se ralliaient aux vainqueurs.
Dans l'exil, les Blancs deviennent impopulaires par leur
alliance avec les gibelins de la noblesse féodale. On dé-
crète contre eux des mesures d'une incroyable violence;
leurs têtes sont mises à prix ; quiconque les recevra verr a
sa maison brûlée et ses propriétés détruites ; ordre de les
arrêter partout où on les trouvera. Leurs biens sont con-
fisqués, leurs descendants mâles et leurs mères expulsées.
Les Blancs se dispersent dans les villes voisines. Ils es-
sayent de résister dans le Mugello, mais sont défaits. Bo-
logne les soutient. De leur côté, les Noirs se divisent; au
cruel Rosso délia Tosa s'oppose Corso Donati, l'ennemi-né
des riches bourgeois. Il s'entend avec l'évêque, arme la
populace ; on recommence à se battre dans les rues (1304).
Le c. rdinal de Prato rétablit la paix ; il tente de la conso-
lidr en rappelant les Blancs exilés. Un parti modéré se
forme, grossi des banquiers et gros bourgeois, mais les
Noirs incendient la ville et reprennent le dessus. Vaine-
ment les Blancs campent aux portes avec 1,600 cavaliers
et 9,000 fantassins. Ils ne peuvent forcer les portes et
s'enfuient en désordre (1304). Le triomphe des Noirs est
assuré par Robert de Calabre, fils aîné de Charles II de
Naples, capitaine de la ligue guelfe. La guerre devient
atroce. Pistoia est prise et partagée entre Lucques et Flo-
rence. La bourgeoisie domine si bien maintenant parmi les
Noirs qu'on aggrave les fameuses ordonnances de justice.
Corso Donati, le hautain protagoniste des nobles, se rap-
proche des gibelins. Il compose avec eux et est tué (1308).
Les gibelins font alors appel à l'Empire ; Dante est le
théoricien de cette école qui, pour échapper à l'anarchie,
se tourne vers l'ancien maître. « Guelfe d'origine, Blanc
de faction, gibelin par réflexion comme par désespoir », il
réclame un arbitre suprême. Henri VII de Luxembourg,
appelé en Italie, espère réconcilier les factions. Florence
lui tient tête, reconstitue la ligue guelfe, rappelle ses exilés
guelfes, sauf les. plus compromis (900, dont Dante), traite
en ennemis les ambassadeurs impériaux (1311). Ses con-
tingents tiennent deux mois Henri VII en échec dans Rome.
L'empereur revient par la Toscane, accueilli joyeusement
par la gibeline Arezzo(13d2), mais il est trop faible pour
attaquer Florence. Au bout d'un mois passé devant la
grande ville, il se retire à San Casciano, puis à Poggi-
bonzi et se borne à une condamnation solennelle des villes
toscanes et des chefs de la résistance à Florence (Corsini,
Albizzi, Macchiavelli, Guicciardini, Ferrucci, etc.). En ré-
ponse, Florence donne pour cinq ans la seigneurie à son
ennemi Robert, roi de Naples. Henri VII vient échouer àPise
et finit par mourir près de Sienne, emportant dans sa tombe
les dernières espérances des gibelins et des Blancs. Ainsi,
malgré leur honnêteté, leur supériorité intellectuelle et
morale, ceux-ci ont succombé; les guelfes noirs, peu
braves sur les champs de bataille, ont eu plus de décision
et d'énergie ; en politique, ils l'emportent sans conteste.
Ils ont élargi leur cercle ; ils ont une politique italienne,
étendant leurs négociations et leur influence dans toute la
péninsule et jusqu'en France. « Rien de plus surprenant que
ces vues larges chez un peuple de cent mille âmes, que cette
suite dans les idées chez des magistrats élus pour deux
mois. Instruments de la volonté générale, ils ne se décou-
rageaient pas de concevoir ce que d'autres exécuteraient et
ils exécutaient avec une docilité patriotique ce que d'autres
avaient conçu. » Florence renouvelle la merveilleuse his-
toire d'Athènes.
La vie sociale de Florence. — Florence fut avant tout
une cité industrielle et commerçante. Il est donc indispen-
sable, pour s'en faire une image exacte et se rendre compte
de son histoire, d'exposer l'organisation économique de
cette illustre cité. Elle dépassait de beaucoup les cadres de
son territoire. A l'étranger, les négociants florentins forment
des colonies, vivant ensemble à frais communs. Dans leur
propre pays, ils accueillaient les étrangers et facilement
accordaient le droit de cité à qui l'avait habité pendant
cinq ans, deux mois par an, ou payé les impôts pendant
dix ans. La publication des statuts de l'art de calimala
637
FLORENCE
(lainages fins) nous a renseigné sur le mécanisme de ces
corporations qui étaient les parties constituantes de l'Etat.
Tous les six mois les chefs de magasins et de boutiques
s'assemblent pour élire leurs consuls ; tout magasin a deux
voix ; toute boutique une ; les élus ne peuvent refuser le
mandat. Les quatre consuls prennent pour chef l'un d'eux
qui est le prieur. Ils sont assistés d'un conseil général et
d'un conseil spécial, surveillés par un notaire étranger qui
joue ici le rôle du podestat dans l'Etat. Les consuls veillent
aux intérêts de l'art, les protègent à l'étranger, surveillent
tous les membres de la corporation ; une fois par mois se
tient une assemblée générale des consuls de tous les arts.
Pour entrer dans la calimala, il suffit d'avoir exercé l'in-
dustrie pendant un an ou d'être associé à un des membres ;
les frères et descendants masculins en font partie ; les
héritiers, même étrangers, doivent répondre aux consuls.
Défense est faite à cet art de vendre d'autres draps que
ceux importés d'outre-mont (qu'il façonnait à nouveau). Les
jeux de hasard sont interdits dans les boutiques ; seuls les
apprentis ou gardiens assermentés y peuvent coucher, et
ils n'en peuvent sortir la nuit. Tous les deux ans le statut
était revisé par des arbitres munis de pleins pouvoirs. Les
principales manifestations extérieures, la vie des apprentis
surtout, étaient soigneusement réglementées. Cette stricte
discipline, fort nécessaire en un temps de discordes et d'anar-
chie gouvernementale, valut aux arts une excellente renom-
mée. Les draps étrangers étaient dès leur arrivée examinés
par des experts qui ensuite les « livraient aux diverses
compagnies de l'art, teinturiers, tondeurs, étireurs, apprê-
teurs, qui devaient les fouler, les carder, les teindre, les
lisser, les tailler, les plier, leur donner les dimensions, la
couleur, le lustre, la finesse que réclamaient la mode et
l'usage. Ces diverses compagnies habitaient des rues por-
tant leur nom. Elles recevaient défense de s'unir en société
pour se rendre maîtresses des prix. » (Perrens.) Au pre-
mier rang venaient les teinturiers ; la qualité du travail et
la probité étaient garanties par la surveillance d'officiers
spéciaux délégués par Fart ; celui-ci fixait les prix ; sur
tout drap devait être cousu un papier visible à tous, por-
tant le prix fixé, le nom de la maison et de l'industriel qui
l'avaient fabriqué. Une fraude pouvait entraîner l'exclusion.
Les draps venant surtout de France, ce pays était pour les
Florentins comme une seconde patrie ; les plus célèbres y
sont tous venus, souvent plusieurs fois, Brunetto Latini,
Cino de Pistoia, Dante, Pétrarque, Boccace, Yillani, desPe-
ruzzi, les Alberti (ancêtres des Luynes), etc. Les marchands
florentins de France recevaient de ceux de leur patrie deux
consuls qui exerçaient la même surveillance que les pre-
miers. L'art de calimala avait ses hôtelleries à Paris, Saint-
Denis, Caen, Rouen, Montivilliers, Provins, Lagny,Troyes,
Bourges, Marseille, Toulon, Arles, Saint-Gilles,. Avignon,
Nîmes, Montpellier, Narbonne, Béziers, Perpignan, Carcas-
sonne, Toulouse, etc. ; les hôteliers étaient surveillés par
les consuls. En Angleterre, en Allemagne, en Espagne,
comme en France, s'opérait le double commerce de la cali-
mala, achat de draps bruts, vente de draps façonnés. Il
était concentré en un petit nombre de mains. L'émigration
des artisans, l'exportation des matières premières étaient
interdites, des droits énormes imposés aux marchandises
des rivaux.
Les autres arts sont organisés de même que celui de
calimala. L'art de la laine qui travaille la laine brute et
fabrique ses draps de toutes pièces, achetait à l'étranger
sa matière première, surtout en Angleterre, en Portugal
et en Espagne. En 1300, on compte à Florence 300 bou-
tiques de cet art, fabriquant annuellement 400,000 pièces
de drap valant environ 4,200,000 florins et donnant du
travail à 30,000 personnes. De là provenaient le tiers des
gains de l'industrie florentine. Le grand essor de l'art de
la laine fut dû à la confrérie religieuse des Umiliati éta-
blie dans le faubourg d'Ognissanti. Les consuls de la laine
résidaient à Or San Michèle. — Moins important était l'art
de la soie dont les membres façonnaient aussi les brocarts
d'or et d'argent et avaient englobé peintres, brodeurs, fila-
teurs, batteurs d'or, orfèvres. Les fabricants de velours
faisaient bande à part sur la rive gauche où s'établit la
famille des Veliuti qui l'introduisit.
Les capitaux accumulés par les fabricants et commer-
çants de lainages et soieries donnèrent lieu à un nouveau
commerce, celui du numéraire ; les Florentins furent par
excellence changeurs et banquiers. Dans cette branche, ils
défièrent toute concurrence. Le change devint une des cor-
porations principales. Ses affaires se faisaient par des cour-
tiers immatriculés recevant un salaire fixé par le statut. Le
Marché-Neuf fut la Bourse de Florence, régulatrice du com-
merce de l'argent. Non seulement on y changeait et on y
prêtait, mais on y faisait la hausse et la baisse, spéculant
sur les emprunts, surtout quand Florence eut sa dette
publique à capital consolidé. Nul étranger, nul ecclésias-
tique ne pouvait être changeur ; la tenue des livres (en
partie simple) était imposée, et sa législation a servi de
base à celles des temps modernes. On comptait en 1338
environ 80 maisons de change et de banque ; les plus
grandes étaient celles des Bardi et des Peruzzi ; puis ve-
naient celles de Frescobaldi, des Acciajuoli et, plus tard,
des Strozzi, des Medici, des Capponi, etc. On évaluait à la
fin du xive siècle le numéraire circulant à deux millions de
florins. Banquiers du pape, des rois d'Angleterre, des ducs
de Bourgogne, les Florentins ont partout des comptoirs ;
les Peruzzi seuls en ont seize à Londres, Bruges, Paris,
Avignon, Majorque, Pise, Gênes, Venise, Cagliari, Naples,
Palerme, Clarentza (Morée), Rhodes, Chypre, Tunis. De
leurs agents 27 furent prieurs, 7 gonfaloniers. La diffusion
de la lettre de change fut l'œuvre de ces banquiers; elle
accrut la sécurité du commerce, soustrayant aux bandits,
seigneuriaux ou non, le numéraire. Les prêts sont facilités
par cet admirable instrument de crédit. L'Etat emprunte
aux particuliers ; lui-même prête à ses voisins ou même à
des particuliers. Il a les mœurs d'une maison de banque,
protège soigneusement la propriété de ses citoyens, conclut
des traités de commerce avec les villes voisines, y place
un arbitre du trafic. Contre ceux qui refusent de réparer
les dommages faits à un Florentin, on prononce des repré-
sailles, les obligeant à donner satisfaction par cette sorte
de violence légale.
Le commerce avec l'Orient alimentait le cinquième art,
celui des médecins, apothicaires, épiciers et merciers. On
comptait une soixantaine de médecins, une centaine d'apo-
thicaires ; parmi ceux-ci on rangeait les parfumeurs, les
limonadiers. — L'art des juges et notaires comptait une
centaine de juges et 600 notaires. Il était le premier dans
la hiérarchie, bien qu'il ne fit nul trafic. Il avait 9 consuls
dont le chef était le proconsul entouré d'un conseil de
12 notaires. L'autorité juridique du proconsul s'étendait
sur tous les arts. Des légistes on exigeait une grande dignité
dans la vie ; le moindre manquement entraînait leur suspen-
sion. Néanmoins, leurs prévarications étaient fréquentes,
la partialité absolue. La justice était extrêmement lente et
sans nulle sécurité, le régime des prisons très rigoureux.
Des arts de l'alimentation, le principal était celui des
bouchers qui tuaient par an 4,000 bœufs, 60,000 mou-
tons, 20,000 chèvres ; comme les aubergistes et marchands
de vin, ils passaient pour peu honnêtes. Même reproche
aux boulangers qui étaient strictement taxés; le staio
(19 kilogr.) de pain coûtait 4 deniers en été, 5 en
hiver; ils employaient 70,000 kilogr. de grain par jour,
et, quoique peu considérés, étaient souvent fort riches.
Florence étant une ville industrielle, donna dans l'his-
toire le premier exemple d'un Etat où la propriété foncière
fut méprisée et l'agriculture regardée comme très infé-
rieure. On sait combien dans les cités antiques, à Athènes
même, on s'efforçait de maintenir la supériorité de la pro-
priété foncière. Ici le paysan, le contadino, est tenu pour
très inférieur à l'artisan. — La noblesse, qui, primitive-
ment, représentait la classe des propriétaires terriens,
tend à disparaître, se fondant avec la haute bourgeoisie
FLORENCE
— 638
financière et industrielle. On garde pourtant quelque estime
pour les chevaliers, réduits à l'oisiveté par leur dignité.
Arrivés à la vieillesse, les riches parvenus briguent cet
honneur. — Le clergé est nombreux; en 4839, Florence
possède 490 églises réparties en 57 paroisses; 5 abbayes,
2 prieurés (80 moines), 24 couvents de femmes (500 reli-
gieuses), 40 congrégations de frères (700 membres),
300 chapelains d'hôpitaux (30 renfermant 4,000 lits).
Les mœurs de ce clergé sont médiocres, surtout celles des
moines. — Au dernier rang des classes oisives sont les
mendiants, aveugles surtout, dont on recensa 22,000 en
4330, et les voleurs.
Dans la vie privée, le droit romain coexiste avec le droit
lombard qui mitigé le despotisme paternel ; le conseil de
famille est fréquemment consulté ; la fortune patrimoniale
est en partie inaliénable ; mais, pour les biens personnels,
on teste à peu près librement. Nul droit n'est reconnu aux
bâtards ; guère plus aux femmes. Le mariage dotal est en
vigueur. Les mœurs étaient libres; les courtisanes nom-
breuses, mais persécutées. Le luxe des toilettes était re-
marquable, et Florence donnait le ton à la mode, même
à Gênes et à Venise. Les maisons ont toujours au dehors
l'aspect de forteresses, carrées avec cour intérieur, bâties
en bonne pierre, hautes d'un ou deux étages, avec de
petites lucarnes au rez-de-chaussée, une porte étroite
au haut d'un perron ; le long des murs, j'allais dire des
remparts , des anneaux de fer, de bronze, où planter
les cierges, les bannières. La rue tortueuse, pavée de
dalles irrégulières, boueuse ou poussiéreuse, est mal-
propre et malsaine; de même les masures populaires,
nettoyées à peine une fois la semaine ; les palais ne
l'étaient guère plus. On vit beaucoup au dehors, à l'église,
sur les places publiques ; chaque maison de quelque impor-
tance a sa loggia. On fréquente surtout le Vieux-Marché et
le Nouveau. Les fêtes jouent un grand rôle dans l'existence.
Vie intellectuelle. — L'histoire littéraire et artistique
de Florence est son plus beau titre de gloire. Elle com-
mence au xiue siècle. Peu à peu s'est formée la langue
vulgaire, se séparant du latin. On sait que le dialecte flo-
rentin est devenu la langue italienne moderne ; il dut ce
succès à ses grands écrivains. De la poésie provençale est
dérivée la poésie sicilienne ; le mouvement gagna la Tos-
cane. Bien que Brunetto Latini écrive en français, c'est le
dialecte sicilien qui s'implante à Florence et y devient clas-
sique. Le premier écrivain de marque est Brunetto Latini;
à sa suite se forme toute une école poétique ; citons : Lapo
Gianni, Chiazo Davanzati, Ottaviano degli Ubaldini, Gianni
Alfani, Dino Frescobaldi, Francesco de Barberino. Au-
dessus d'eux brillent Guido Cavalcanti, chef des Blancs,
gendre de Farinata degli Uberti, dialecticien subtil, ana-
lyste de l'amour platonique; Cino de Pistoia (4270-1 337),
jurisconsulte, maître de Bartolo, gibelin obstiné, fin lettré,
précurseur de Pétrarque ; Cavalcanti et Cino furent éclipsés
par leur fameux disciple Dante Alighieri (V. ce nom). On
lira ailleurs l'appréciation de l'immense influence de ce
génie dont l'œuvre créa l'unité intellectuelle de l'Italie.
La prose littéraire ne remonte guère au delà de Dante ;
des traductions du latin, des ricordi, annales ou registres
domestiques qui devinrent des chroniques, en sont les
premières manifestations. Puis vient Giovanni Villani, un
véritable historien, bien que sans art ni critique, qui nous
a transmis l'histoire primitive de sa patrie.
Dans les beaux-arts, Florence n'eut pas d'abord d'ori-
ginalité; elle adopta l'architecture romano-byzantine dont
l'église de San Miniato est un charmant monument (104 3).
Du même temps date la cathédrale de Fiesole (4028).
Bientôt l'opulente Pise donne l'exemple ; on se prend à
étudier plus méthodiquement les antiques et on résiste à
l'invasion du style français ogival. Ce sont des Florentins,
Fra Ristoro de Campi et Fra Sisto, qui bâtissent le palais
du podestat ou Bargelio (4265), commencent Santa Ma-
ria No vella. Arnolfo de Cambio (4232-4340) les éclipse.
Il continue le Bargelio, la troisième enceinte, bâtit la log-
gia de la place des Prieurs, celle d'Or San Michèle, donne
le plan définitif de la cathédrale (continuée par Giotto,
Taddeo Gaddi, Orcagna, Lorenzo Filippi, etc.), celui de
Santa Croc'e. Giotto donne le dessin du fameux campanile
de la cathédrale. — La sculpture se relève comme l'archi-
tecture ; l'étude des bas-reliefs antiques en prépare la re-
naissance. Niccola Pisano, le maître d'Arnolfo, travailla peu
à Florence, mais son école y fut bien représentée par les
bas-reliefs d'Andréa Pisano au campanile et sa porte du
Baptistère. — En peinture, Florence ne suit pas l'initia-
tive pisane; elle la prend concurremment avec Sienne. L'art
byzantin est importé au xie siècle ; la mosaïque est préférée
à la fresque. Les vrais peintres paraissent au xm° siècle ;
on montra longtemps un tableau d'autel de Marchisello re-
montant à4494; CoppodeMarcovaldo est contemporain des
Siennois Guido etDucciode Boninsegna; il existe dès 4 263
une rue des Peintres. Tout cela est encore bien mauvais,
même les mosaïques de Tafi qui excitaient l'admiration.
Mais c'est à Florence que parut Cimabue. Revenant à la
nature, au modèle vivant, il inaugura l'ère nouvelle. Il fit
école et son grand mérite fut de former Giotto. Ce grand
homme exerça une action décisive, et un siècle durant tous
le reconnaîtront comme maître et suivront docilement ses
traces. C'est par lui que Florence inaugure un rôle prépon-
dérant dans l'histoire de l'art.
Les guerres contre Castruccio et Lucques. — La ville
que nous trouvons si glorieuse au début du xive siècle
consuma la moitié de ce siècle en guerres contre ses voi-
sins où elle compromit sa liberté. La vieille querelle entre
guelfes et gibelins s'était ravivée, divisant la Toscane, les
guelfes tenant Sienne et Florence, les gibelins, Pise et
Arezzo. Uguccione délia Faggiuola, redoutable capitaine gi-
belin, tour à tour chef des diverses cités de la Romagne,
entre au service de Pise; derrière lui viennent se ranger
des milliers de mercenaires (4343). Il dicte la paix à
Lucques et y ramène Castruccio Castracani qui lui livre la
ville (4344) et le trésor pontifical, un million de florins
d'or. L'exil des guelfes porte un coup mortel à l'industrie
de Lucques. La ligue guelfe, renforcée des contingents na-
politains, lève 50,000 piétons et 4,000 cavaliers. Uguccione
avec 3,000 cavaliers et30,000 piétons inflige une sanglante
défaite aux Florentins (4315). Ce désastre de Montecatini
eût perdu Florence si une rupture ne fût intervenue entre
Uguccione et Castruccio ; le premier dut se retirer à Vérone
(1346). A Florence, l'anarchie règne; nulle entente entre
le vicaire du roi de Naples et le gonfalonier de justice. Le
premier l'emporte et traite avec Pise cl Lucques (4347).
Mais le roi Robert engage les guelfes toscans dans sa lutte
contre les gibelins de Lombardie et Matteo Visconti. Cas-
truccio, seigneur à vie de Lucques, tient les Florentins en
échec, surtout lorsqu'ils ont renoncé à la seigneurie du roi
Robert (4322). Ils fortifient l'élément démocratique, grou-
pent le peuple par sous-quartiers dont chacun élit les chefs
de sa compagnie de milice. On sévit contre les grands qui
sont assujettis à un régime draconien. On remplace l'élec-
tion par le tirage au sort pour désigner les membres de la
seigneurie. On choisissait en une fois des magistrats pour
vingt et une seigneuries, soit quarante-deux mois ; on met-
tait dans une bourse le nom des élus et on tirait au sort
tous les deux mois; la bourse vidée, on la remplissait de
nouveau pour une période égale. On avait soin de mettre
dans la bourse les noms de citoyens de tous les partis. En
même temps on rend les grands officiers, podestat, capitaine
du peuple et exécuteur de justice, responsables devant la
seigneurie et révocables par elle; jusqu'alors ils étaient
censés fictivement représentants de l'empereur; désormais
ce ne furent plus que des instruments des prieurs.
Cette nouvelle transformation des institutions florentines
ne suffît pas à leur procurer des victoires extérieures.
Brouillé avec Pise, Castruccio acquiert Pistoia, détruit
l'armée florentine à Altopascio (4325). Cette défaite dé-
moralise les Florentins; toujours battus, ils renoncent au
service militaire ; deux ans plus tard on ne trouvera plus
— 639 —
FLORENCE
chez eux que 100 citoyens faisant partie des cavallate.
Ils vont se livrer à des mercenaires. Ne pouvant tenir
campagne contre le condottiere, ils reviennent à la suze-
raineté angevine ; le duc de Calabre, Charles, fils de Ro-
bert, est élu seigneur pour cinq années, avec des pouvoirs
très étendus. Son vicaire, Gautier de Brienne, duc d'Athènes,
exige le serment de fidélité et nomme tous les fonction-
naires, même les prieurs. Ce concours coûte si cher aux
riches que l'emprunt fait par la ville aux Scali pour y sub-
venir, emprunt non remboursé, détermine la banqueroute
de ces fameux banquiers. La tyrannie du duc de Calabre
coûte à la république 450,000 florins d'or par an. Bien
qu'il ne fasse rien, toutes les autres cités guelfes se don-
nent à lui par crainte de Castruccio. Celui-ci, d'accord
avec les gibelins du Nord, appelle en Italie l'empereur Louis
de Bavière (4327). Malgré son incapacité, celui-ci réussit
à prendre Pise ; mais , tandis qu'il se fait couronner à
Rome, les Florentins enlèvent Pistoia. Castruccio revient
se faire élire seigneur de Pise, reprend Pistoia ; mais i
meurt de la fièvre (4328). Avec le redoutable condottiere
disparaît le danger de voir se créer en Toscane une tyran-
nie analogue à celle des Visconti dans le Milanais.
Louis de Bavière, incapable de dompter ses ennemis, se
borne à rançonner ses amis. La mort du duc de Calabre
affranchit Florence. On remanie encore une fois la consti-
tution ; on perfectionne le système du tirage au sort (im-
borsazione) ; on simplifie les conseils, n'en gardant que
deux ; celui du capitaine, formé de 300 popolani guelfes,
celui du podestat, de 250 membres, qui reste ouvert aux
grands ; ils prennent le nom de conseils du peuple et de
la commune. La prospérité renaît. Pistoia est soumise
(4334). Les villes voisines l'imitent, et cette fois la domi-
nation de Florence est définitive. Dans le Mugello elle
fonde Firenzuola pour brider les inquiets seigneurs de
l'Apennin. Contre le roi Jean de Bohême, devenu seigneur
de Lucques, elle se coalise avec les gibelins lombards.
Lucques est cédée tour à tour à Philippe de Valois, à Mar-
tino délia Scala, le maître actuel de l'Italie du Nord. Contre
lui Florence s'allie à Venise (4336). A la guerre, elle
gagne Arezzo (4337).
A ce moment la riche cité fut frappée d'un grand dé-
sastre économique. Les Bardi et les Peruzzi, devenus ban-
quiers de la couronne d'Angleterre, avaient en garantie de
leurs prêts la ferme des douanes ; les emprunts faits par
Edouard III montaient à 4,365,000 florins d'or (180,000
marcs sterling pour les Bardi, 435,000 pour les Peruzzi) ,
soit en poids 49 millions de francs de nos jours, en valeur
comparative au moins 420. D'autres souverains, tel le roi
de Sicile, étaient aussi débiteurs de ces banquiers qui en-
gageaient à l'aventure les capitaux de leurs commanditaires
et les dépôts de leurs clients. Ne rentrant pas dans leurs
fonds, ils durent suspendre leurs payements ; leur actif fut
liquidé à perte et en fin de compte les créanciers reçurent
en 4347 moins de 20 %. Les Anglais ne remboursèrent
jamais un sou. Survenant après l'effroyable inondation de
4333, cette catastrophe atteignit profondément la répu-
blique. Elle était alors profondément divisée ; l'oligarchie
des marchands opprimait le peuple qui trouvait un appui
dans les nobles ou magnats et leur clientèle ; un complot
dirigé par les Bardi et les Frescobaldi fut réprimé (4340).
Dans les années suivantes trente compagnies, la plupart de
l'art de la laine, firent faillite ; l'argent se raréfiait ; les
prix de toutes choses baissaient sensiblement. La politique
n'allait pas mieux.
L'acquisition de Lucques, vendue par Martino, eut pour
conséquence la guerre avec Pise. La bataille eut lieu devant
la ville qu'on se disputait; les Florentins furent battus
(1 344). Après une nouvelle campagne, lesPisans entrèrent à
Lucques (4342). Florence tomba sous la tyrannie du duc
d'Athènes, Gautier de Brienne ; en quête d'un sauveur, on
avait bien mal choisi. Les chefs des compagnies financières
ruinées par la crise l'appuyaient, comptant se dispenser de
rendre leurs comptes. Il fut élu conservateur et protec-
teur de l'Etat. Il se comporta en maître absolu, sévit avec
une cruauté atroce contre les opposants, se fit nommer sei-
gneur à vie, traita avec Pise (4342). Il favorisait les petites
gens et les magnats afin de comprimer le mécontentement
de la classe moyenne des popolani. Ce despotisme fut ren-
versé l'année suivante (4343). Le roi de France intervint
en faveur du duc, et, sur le refus des Florentins, il expulsa
de son royaume tous les marchands (4346). Ils ne ren-
trèrent que cinq années après.
Débarrassés du tyran, les Florentins sentirent la néces-
sité du rétablissement de la concorde. On abolit les ordon-
nances de justice ; les nobles furent réintégrés parmi les
citoyens (popolani). On remania les quartiers, réduisant
leur nombre à quatre : Oltrarno devint San Spirito ; San
Pier Scheraggio avec adjonction du tiers de Porta San Piero
forma le quartier de Santa Croce ; le reste de Porta San
Piero et Porta del Duomo formèrent San Giovanni ; enfin
le Borgo et San Pancrazio formèrent Santa Maria Novella.
Chaque quartier eut trois prieurs, dont un magnat et deux
bourgeois; le gonfalonier de justice fut supprimé; dans
le collège des buonuomini, réduit à huit membres, les
magnats eurent quatre sièges. C'était aller trop loin ; le
peuple se souleva contre les magnats qui appelaient à eux
les prolétaires ; Pisans, Romagnols, Lombards, de leur
côté ; Pérugins et Siennois, de l'autre, entraient dans la
ville. On se battit avec acharnement ; les bourgeois l'em-
portèrent. On procéda à une réforme démocratique ; des
huit prieurs, deux furent donnés aux popolani grassi,
trois aux arts moyens, trois aux artisans. On remit en
vigueur les ordonnances de justice. Cette révolution mar-
qua l'abaissement définitif des nobles ; plusieurs familles
changèrent de nom. Avec cette classe turbulente disparut
l'esprit militaire. Dès lors, Florence n'aura plus à compter
que sur ses mercenaires, A l'intérieur, en élevant les petits
pour faire équilibre aux riches, on met le gouvernement
aux mains des arts moyens. La banqueroute définitive des
Bardi, Peruzzi, Acciajuoli, etc., acheva d'affaiblir les gros
capitalistes (4346). L'année précédente, on avait créé la
dette consolidée ou perpétuelle (monte comunè), au ca-
pital de 570,000 florins portant 5 °/0 d'intérêt ; cette dette
correspondait aux prêts faits par les citoyens dans les
guerres antérieures. Bientôt, la faction oligarchique revient
à la charge ; s'appuyant sur la parte guelfa, elle exclut
des offices ses adversaires, les accusant d'être gibelins.
Toutes les dissensions s'effacèrent devant le terrible fléau
de la peste noire. Il périt en six mois les deux tiers de la
population, 96,000 hab. sur 450,000 environ ; même
proportion à Pise, 7 morts sur 40 personnes ; à Sienne,
45,000 sur 60,000. L'avilissement de la richesse, la hausse
des salaires furent la conséquence de cette effroyable mor-
talité (4348).
Lentement, Florence se relève, reconstitue ses corpora-
tions, réoccupe les villes voisines, chasse du Mugello les
Ubaldini, s'entend avec le pape et les guelfes contre Vis-
conti, soumet Prato (1354), Pistoia, résiste à une invasion
milanaise, s'entend avec l'empereur Charles IV (4352).
Quand il vient, elle l'accueille de mauvaise grâce (4354).
La lutte reprend contre Pise ; Florence porte à son adver-
saire un coup terrible en détournant le trafic vers le port
de Telamone (4356). Cependant, les discordes civiles
s'aggravaient. La querelle des familles des Ricci et des
Albizzi devient celle des bourgeois et des grands ; les Ricci
sont les champions des arts moyens ; les Albizzi, des ma-
gnats et des popolani grassi ; ils font intervenir la parte
guelfa, cette magistrature parasite qui, maintenant, est
confondue avec l'Etat ; elle est le dernier refuge de l'aris-
tocratie. Elle reproduit les vieilles accusations contre les
gibelins, qualifiant ainsi tous ses ennemis ; on les exclut
des offices pendant quinze ans, tenant pour tel quiconque
n'a pas juré d'observer les règlements du parti guelfe et
n'en a pas été reçu membre. Nul ne pourra être déclaré
guelfe qu'après des formalités nombreuses ; tout gibelin,
dont le nom aura été introduit dans les bourses d'où l'on
FLORENCE
— 640 —
tire au sort le nom des magistrats, peut être puni de mort.
Par cette Loi des suspects, les oligarques frappent à leur
gré leurs opposants, ayant eu soin de composer les bourses
où l'on devait puiser les officiers et les conseils de la parte
guelfa ; vingt-sept citoyens périrent ainsi, entraînant dans
leur ruine leurs familles. Devant le mécontentement géné-
ral, les terroristes atténuent la violence ; ils se contentent
d'un droit de veto ; lorsque quatre des six capitaines du
parti guelfe ont décidé qu'un citoyen est gibelin, on l'avertit
de n'accepter aucun office, sous peine d'être puni. Cette
ammonizione forme une classe de suspects, indéfiniment
extensible au gré des vieilles familles.
A cette époque du milieu du xive siècle, la popula-
tion florentine, réduite par la peste, ne dépassait guère
70,000 âmes. Le budget s'élevait à 300,000 florins pour
les recettes (en 4330), 124,270 pour les dépenses fixes.
La principale recette venait des gabelles ou impôts indi-
rects. En cas de guerre on recourait aux emprunts forcés,
gagés sur ces impôts ; ces emprunts forcés étaient levés
sur tous d'après une évaluation (estimo) de leurs biens
et charges. Le revenu de Florence atteignait ou dépassait
celui des rois de Naples, de Sicile et d'Aragon. Cette com-
paraison rend compte de la prospérité et de la puissance
de la cité toscane.
Elle est bien plus grande qu'au xme siècle. Quels pro-
grès accomplis depuis l'époque où Sienne la tenait en
échec, où elle ne pouvait venir à bout des pillards du Mu-
gello ! Elle est de taille à lutter contre les grands Etats de
l'Italie, sans infériorité. Elle est la capitale de la Toscane.
Malheureusement, on remarque à l'intérieur des germes de
ruine. La haute bourgeoisie, qui avait imposé ses règles à
la noblesse, eut la prétention d'arrêter le progrès ; se
retournant contre les artisans, ses alliés de la veille, elle
veut leur fermer l'avenir, les immobiliser dans le prolé-
tariat, sans droits politiques. C'est la fatale évolution ;
l'aristocratie capitaliste succédant à l'aristocratie militaire
refuse de faire une place dans l'Etat à l'élément populaire ;
celui-ci réclame à la fois la réforme sociale et la réforme
politique. Leurs conflits occupèrent désormais l'histoire
florentine jusqu'au jour où, sentant les deux partis égale-
ment épuisés, également incapables d'un succès définitif, le
peuple se réfugiera dans la tyrannie, préférant le calme à la
liberté. L'histoire de l'antiquité nous a préparés à cette
solution, inévitable conséquence de l'égoïsme des capitalistes
(V. Démocratie). Elle nous apprend également que la pé-
riode de crise fut dans ces républiques urbaines une
période d'incomparable activité intellectuelle ; jamais les
lettres et les arts ne resplendirent d'un plus vif éclat. Le
calme mortel de la tyrannie l'éteindra vite.
Au xive siècle, cette décadence est encore impossible à
prévoir. Jamais Florence n'a été plus forte. Avec ses seules
forces elle vient à bout de la grande compagnie de routiers
qui terrorisaient l'Italie depuis des années ; elle acquiert
Bibliena ; les derniers seigneurs féodaux du voisinage se
soumettent comme les Ubaldini, et la commune devient maî-
tresse des passes de l'Apennin ; elle acquiert Volterra,
achevant de cerner Pise. Privée de ses colonies de Corse et
de Sardaigne, écartée de la mer depuis, le désastre de la
Meloria, cette ville avait reporté son activité du côté de la
terre ; elle avait conquis Lucques. La rivalité avec Florence
s'aggravait. De part et d'autre, on enrôla des mercenaires
et la guerre éclata (i 362) . Les Florentins ont le dessus
sur mer, s'emparent de l'île de Giglio. Grâce au con-
dotiere Farnese ils sont aussi vainqueurs sur terre. A sa
mort, Pandolfo Malatesta le remplace mal. Pise enrôle
la compagnie blanche venue de France et dévaste le ter-
ritoire florentin, paradant devant les portes de la ville.
Mais les Florentins remportent à Cascina une brillante
victoire sur les Pisans et Hawkwood (4364). On traite
alors, se débarrassant de cette vermine de mercenaires.
La seigneurie négocie alors pour ramener le pape à
Rome. Urbain Ier à peine arrivé se brouille avec elle. Le
honteux voyage de l'empereur Charles IV, ce mendiant
couronné, marque la disparition de l'idée gibeline, même à
Pise; il affranchit Lucques (4369). Cependant les passions
guelfes sont plus ardentes que jamais à Florence ; dans
la parte guelfa, les Albizzi ont supplanté les Ricci ;
ceux-ci et leurs amis les Medici complotent avec Bernabo
Visconti, tandis que leurs rivaux invoquent le pape. Une
courte guerre contre les Milanais rend les Albizzi tout-
puissants (4370). Le succès des guelfes extrêmes décide
la formation d'un parti moyen. Il fait exclure des magis-
tratures les Albizzi (4373)", mais ne peut venir à bout de
la tyrannie croissante de h parte guelfa.
L'esprit guelfe domine si bien qu'il entraîne Florence
à faire la guerre au saint-siège lorsque celui-ci s'en écarte.
On ne le reconnaît plus comme chef de la secte ; on cesse
de lui être allié. Les rigueurs exercées contre les clercs,
la taxation des églises, irritent Grégoire XL Contre lui
on s'allie à Visconti. On crée une nouvelle magistrature, les
« huit de la guerre » ; cette guerre, les prêtres en payent
les frais (4375). On sent que les Ricci prennent le dessus ;
derrière eux marchent les anciens gibelins et le menu
peuple; tandis qu'aux Albizzi se sont unis les magnats. Les
pontificaux ont le dessous dans l'Italie centrale ; mais le
pape met Florence en interdit et invite les souverains chré-
tiens à expulser ses citoyens et à confisquer leurs biens ;
c'était un coup dangereux. Les Huit poursuivent la guerre,
gagnent Pise et Bologne, sécularisent les biens ecclésias-
tiques, se bornant à garantir la rente. Tandis que le parti
de la guerre mène si rudement les hostilités, les Albizzi,
maîtres de h parte guelfa, le déciment peu à peu, frap-
.pant à' ammonizione ses principaux membres. On conclut
la paix avec Urbain VI, moyennant restitution des biens
ecclésiastiques et une indemnité de 20,000 florins, payée
au pape (4378). Cette guerre de trois années, conduite
avec une véritable politique par les Huit, qu'on appela les
Huit Saints, parut alors, malgré la vanité des résultats,
assez glorieuse. Elle aboutit à ramener le pape à Rome,
mais ce douteux avantage coûta cher.
Soulèvement des ciompi. — Les pertes matérielles éprou-
vées dans la guerre des Huit, aggravant le malaise écono-
mique, déterminèrent une des crises les plus redoutables de
l'histoire florentine. Cette fois, la question sociale prit le
pas sur la question politique. L'inégale répartition des
charges et des droits, le rapide changement des fortunes
parmi ces spéculateurs étaient des causes d'instabilité so-
ciale. Partout régnait l'inégalité. Quelques corporations
industrielles formaient tout l'Etat; mais, dans chacune de
celles-ci, les patrons accaparaient tout le pouvoir. Derrière
les arts majeurs et moyens venaient les arts mineurs qui
réclamaient leur assimilation. Puis les métiers englobés
dans les arts revendiquaient leur autonomie et par là des
droits civiques ; rien que pour l'art de la laine on comptait
vingt-cinq de ces métiers subordonnés. Dans ces corpora-
tions inférieures l'organisation était la même que celle des
arts ; elles avaient toutes reçu des consuls lors de la tyran-
nie démagogique du duc d'Athènes et ne se consolaient pas
de les avoir perdus. Au-dessous de ces métiers qui reven-
diquaient la dignité d'arts figuraient la foule des manœuvres
qui n'avaient que des devoirs sans droits, soumis à un véri-
table esclavage, car on pouvait les battre de verges. On les
appelait ciompi (corruption du mot français compère). Ces
prolétaires se sentaient indispensables à l'oligarchie capita-
liste qui les exploitait sans merci. Ils trouvaient ou espéraient
des protecteurs dans les autres déshérités et opprimés,
métiers secondaires et arts mineurs, sentant que, si on
cessait d'immobiliser la société dans des castes fermées, ils
en profiteraient. Les chefs populaires, facilement privés de
leurs droits publics par Y ammonizione, devaient pousser
les choses à l'extrême. En deux ans, les aristocrates avaient
ainsi frappé deux cents familles. Ils s'attaquèrent enfin à
l'un des Huit qui fut remplacé par un guelfe. Ce collège
était le rempart du parti populaire ; aux Ricci fatigués
succédait alors Silvestro de Medici. Sa famille, originaire
du Mugello, riche dès le xne siècle, était au xive une des
— 641 —
FLORENCE
principales de la bourgeoisie. Lui-même avait été gonfalo-
nier de justice (1370) et devait le redevenir, son nom res-
tant seul dans les bourses pour représenter son quartier
dont le tour était arrivé. Les Albizzi ne purent l'écarter.
Aussitôt le conflit éclata avec les capitaines de la parte
guelfa. Il fit remettre en vigueur les ordonnances contre
les magnats. Mais, pour triompher de ses adversaires, il
fallut recourir à des démonstrations populaires, et le peuple
une fois déchaîné ne s'arrêta pas là. Il pilla les maisons
des aristocrates, puis les couvents. La seigneurie comprime
la sédition et on donne pleins pouvoirs (balia) de réformer
l'Etat à une commission de quatre-vingts personnes, réu-
nissant tous les hauts fonctionnaires, prieurs, capitaines de
la parte guelfa, syndics des arts, Huit de la guerre, etc.
On proclama grands, c.-à-d. exclus des offices publics, les
chefs aristocrates, Piero degli Albizzi, Carlo Strozzi, etc. ;
d'autres furent exilés ; les procès tfammonizione furent
revisés et, pour l'avenir, on réglementa la procédure. On
créa un nouvel Etat dans l'Etat pour résister à celui de
la secte guelfe; on l'intitula Commission des Dix de
liberté et on lui donna d'énormes privilèges. Pour résister
à l'aristocratie, les démocrates ne savaient que créer une
nouvelle aristocratie en l'armant jusqu'aux dents ; pour se
garantir des proscriptions, ils en édictaient d'autres. Une
pétition, présentée par les libéraux et transformée en loi,
annihile à peu près Vammonizione et réserve les fonctions
des arts aux membres effectifs, c.-à-d. aux travailleurs, à
l'exclusion des nobles ; on vit alors un artisan de la soie, un
marchand de vin et un boucher désignés par le sort comme
capitaines de la parte à côté d'un Bardi et d'un Cavalcanti.
Les prolétaires voulurent aller plus loin ; ils s'orga-
nisent en une faction nouvelle, celle qui prit le nom des
ciompi. Silvestro de Medici s'entendit peut-être avec eux.
On arrêta quatre des meneurs et on les tortura. Ce fut le
signal de l'insurrection ; elle délivra les prisonniers, brûla
les maisons de ses ennemis, mais sans piller. Le menu
peuple déchaîné crée à son tour des chevaliers, singeant les
puérilités de la bourgeoisie : Silvestro de Medici, un
Strozzi, et seulement deux ciompi sur les 61 chevaliers
(20 juil. 1378). La nuit venue, les insurgés neutres du
gonfalon de justice bivouaquent dans le quartier San Lo-
renzo ; ils somment les arts d'adhérer au mouvement. Le
lendemain ils s'emparent du Bargello. Parmi leurs exi-
gences, la principale est la restitution de leurs droits aux
citoyens exclus (ammoniti) depuis 1357 et la diminution
des pouvoirs de la parte guelfa. Les petites gens deman-
dent à avoir un quart des offices publics, leur maison com-
mune, trente-deux consuls, tirés au sort, qui prendraient
place à côté des vingt et un syndics des arts, l'accession
des gens des arts mineurs et du menu peuple à la magis-
trature suprême de gonfalonier de justice ; la suspension
de la prison pour dettes durant deux ans ; l'amortissement
de la dette publique ; l'octroi des boutiques du ponte Vec-
chio à Silvestro de Medici. En somme, ils réclamaient l'éga-
lité politique. Elle leur fut octroyée, mais cela n'arrêta
pas le mouvement . On dispersa la seigneurie, ne laissant
que les Huit. Un cardeur de laine, contremaître d'une bou-
tique des Albizzi, Michèle, fils de Lando, fut proclamé gon-
falonier de justice. Il appela auprès de lui Silvestro de
Medici et quelques autres conseillers, se fit conférer la
balia, c.-à-d. plein pouvoir de remplacer les magistrats dis-
parus. Son rôle personnel fut minime ; les syndics des arts
et les Huit l'entouraient. On répartit les petits métiers en
trois arts nouveaux : les annexes de l'art de la laine ; les
teinturiers, foulons, tisseurs de soie ou drap ; les tondeurs,
ravaudeurs, laveurs, chaussetiers, fabricants d'ornements
d'église; le premier comptait 7,000 hommes; les deux
autres ensemble 4,000. Dans le collège électoral, ces trois
arts minutissimi se font la part du lion : soixante-cinq
membres, alors que chacun des vingt et un autres n'en a
que trois ; cinq membres de la seigneurie sur neuf. Pour
l'avenir, on résolut de faire part égale aux trois groupes
d'arts majeurs, mineurs et nouveaux.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XY1L
Malheureusement, la réforme de la constitution ne mit
pas fin à la situation révolutionnnaire ; le malaise était
général; les patrons étaient en grande partie sortis de la
ville ou ne rouvraient pas leurs boutiques, malgré les
injonctions du gouvernement. Les ciompi mouraient de
faim; les distributions officielles de grains ne pouvaient
suffire à leurs besoins. La jalousie populaire se déchaînait
contre les chefs de la révolution qu'on accusait de trahi-
son. Un nouveau soulèvement eut lieu le 28 août 1378 ;
il crée un gouvernement insurrectionnel et en réclame l'ad-
jonction au gouvernement légal. Celui-ci, après avoir paru
plier, résista à des prétentions qui croissaient d'heure en
heure : droit de veto aux consuls des nouveaux arts, règle-
ment par les artisans du travail et des salaires, etc. Mi-
chèle de Lando chassa les délégués des ciompi insurgés,
déploya le gonfalon de justice et expulsa les perturbateurs
de la place publique (31 août). Les révolutionnaires
extrêmes s'enfuirent hors de la ville. La réaction commen-
çait. Elle alla vite. Le lendemain, au moment de l'installa-
tion de la nouvelle seigneurie, les arts majeurs et mineurs
coalisés chassèrent deux des trois prieurs représentant les
ciompi; l'art des cardeurs fut supprimé; on donnait
quatre prieurs aux sept arts majeurs et cinq aux seize arts
mineurs (les quatorze anciens et les deux nouveaux con-
servés). Des dispositions analogues assuraient partout une
majorité aux arts mineurs, mais non pas la majorité légale
des deux tiers. Le menu peuple disparaissait de la scène,
mais on n'osait encore s'en prendre à la petite bourgeoisie.
Les anciens privilégiés accentuent la réaction; les prolé-
taires préfèrent désormais les grands à la nouvelle couche
des gouvernants. Les ciompi rentrés dans le néant, les
arts mineurs réorganisèrent les pouvoirs publics, confir-
mèrent la moitié des chevaliers du peuple, répartirent
équitablement les impôts. La seigneurie tirée au sort à la
fin d'octobre comprend un maître maçon, un corroyeur,
un coutelier, un chapelier, un sellier, un aubergiste. L'oli-
garchie conspire avec les ciompi de nouveaux troubles ;
quatre conspirations se succèdent dans l'année 1379; les
popolani grassi des sept arts majeurs ne peuvent tolérer
l'égalité avec les arts mineurs. Malgré les supplices où périt
entre autres le fameux Piero degli Albizzi, malgré l'énergie
du capitaine du peuple Cante, les arts mineurs finirent par
succomber. Peu sympathiques aux artisans, leurs élus ne
pouvaient maintenir l'ordre. En 1382, la réaction est com-
plète, s'appuyant sur le puissant art de la laine. On ré-
forme la constitution de manière à donner la majorité des
magistratures aux arts majeurs, y faisant une place aux
magnats; ils furent relevés de toutes les condamnations
prononcées contre eux. Les deux arts nouveaux étaient
supprimés. Les chefs populaires furent proscrits; en pre-
mier lieu les Huit de la guerre, puis Silvestro de Medici et
Michèle de Lando comme les autres; 161 condamnations à
mort furent prononcées. L'oligarchie des popolani grassi
triomphait; la bourgeoisie inférieure n'ayant pu contenir
l'impatience des ciompi lut ravalée à son rang antérieur.
L'aristocratie capitaliste conservera assez longtemps le pou-
voir qu'elle vient de ressaisir ; mais désormais Florence est
mûre pour la tyrannie. Le tyran, c'est au moins le ven-
geur, sinon le protecteur des pauvres.
Le gouvernement oligarchique. — Le gouvernement
oligarchique dirigé par le prudent Maso Albizzi est d'abord
circonspect; ses adversaires, à leur tête les Ricci, Alberti
et Medici, reconnurent bientôt pour chef Giovanni de Me-
dici, fils d'Averardo, d'une autre branche que Silvestro.
Ils se tinrent à l'écart; pourtant les troubles continuèrent
dans la ville, mais au bout d'une année les ciompi ne font
plus parler d'eux. L'oligarchie victorieuse achète Arezzo
au roi de Naples (1384), établit à Sienne un régime ana-
logue (1385). Elle proscrit les Alberti, restreint au tiers,
puis au quart la part des arts mineurs dans les places offi-
cielles, supprime en fait le tirage au sort par la formation
d'une liste restreinte de ses partisans. Au dehors, elle engage
la guerre -contre Jean-Galéas Visconti ; le protecteur de
41
FLORENCE
— 642 —
Sienne demande contre lai l'alliance du roi de France
Charles VI. Dans les deux guerres successives (4390-92
et 1397-1402) elle fut vaincue. La mort de son condot-
tiere Hawkwood (1394) lui fut une grosse perte. Le duc de
Milan achète Pise à Jacopo d'Appiano qui en était maître,
lui cédant l'île d'Elbe et Piombino à la place (1399). Jean-
Galéas gagne ensuite Sienne, Pérouse, Lucques (1400). Les
Florentins recourent à l'empereur, le besogneux Robert de
Wittelsbach; mais il est battu parle duc de Milan. Celui-ci
s'empare de Bologne (1402) et allait, selon toute vraisem-
blance, mettre fin à l'indépendance florentine quand il mou-
rut de la peste (3 sept. 1402). Durant cett.e lutte périlleuse
les discordes civiles se perpétuent. L'oligarchie capitaliste
fait des concessions aux magnats, intimide les Medici,
réitère la proscription des Àlberti, réprime aisément les
complots.
Elle profite de la mort de Jean-Galéas pour reprendre
l'offensive; elle convoite Pise où le bâtard du duc de Milan,
Gabriele-Maria, est un seigneur impopulaire. Maso Albizzi
négocie cette acquisition ; arrêtés quelque temps par Bou-
cicaut, gouverneur français de Gênes, ils l'achètent ; leur
condottiere, Attendolo, dit Sforza, bat les Pisans ; ceux-ci
subissent les horreurs d'un siège sans merci ; la famine les
décime et finalement leur capitaine, Gambacorti, les livre
à leurs ennemis séculaires (1406). La conquête est soli-
dement organisée ; garnison florentine de 800 lances et
1,500 piétons, dépeuplement méthodique ; bien peu de Pi-
sans acceptent le titre de citoyens florentins, mais beau-
coup émigrent à Naples, en Sicile; on les remplace par
des immigrants allemands. Après avoir ruiné Pise, Flo-
rence fut incapable de lui succéder. Elle voulait devenir
une puissance maritime, mais ne put y parvenir, n'osant
même pas aventurer les capitaux nécessaires. Elle hérita
toutefois d'une partie de la clientèle commerciale des Pi-
sans, surtout en Grèce et en Orient. Durant le xve siècle
son commerce d'outre-mer fut très florissant.
Florence intervient activement dans la grande querelle du
schisme, s'offre pour le concile qui doit y mettre fin, puis
le fait réunir à Pise. Le résultat de l'élection d'Alexandre V
fut de la brouiller avec le roi de Naples, Ladislas, parti-
san de Grégoire XII, qui briguait l'Empire. Elle s'entendit
avec son compétiteur Louis d'Anjou et s'empara de Rome
y amenant son pape Alexandre V, bientôt remplacé par
Jean XXIII. La mort de Ladislas (1414) assure à la répu-
blique dix ans de paix. Elle est maîtresse de la Toscane;
l'oligarchie a remporté de beaux succès, annexant Pise,
Livourne, Arezzo, Montepulciano, Porto Venere, Cortone.
La dette publique s'élève à 5 millions de florins, la richesse
mobilière à 2, immobilière à 25. Le trafic ,prospère, déli-
vré des entraves de voisins jaloux. Ce moment marque
l'apogée du gouvernement aristocratique. A Maso Albizzi,
mort en 1417, succèdent à la tête de l'Etat Gino Capponi,
le conquérant de Pise (mort en 1420), puis Niccolo d'Uz-
zano. On s'efforce d'imiter Venise, d'organiser comme elle
un gouvernement occulte. On crée une nouvelle noblesse,
armant chevaliers les enfants de douze ans, par droit
héréditaire, dès que meurt leur père. Les magistrats se
réunissent en un conseil unique dit des Cent-Trente et Un
(seigneurie et ses collèges, de 2 buonuomini et de 16 gon-
faloniers, capitaines de la parte, 10 de la liberté, 6 de
la marchandise, 21 consuls des arts, 48 notables ad-
joints). On en crée un nouveau de 200 membres, com-
posé de gens sûrs, afin de paralyser le conseil du peuple
(250 membres) et celui de la commune (200 membres). Le
bas peuple et les opposants rongent leur frein en silence.
La démoralisation progresse rapidement; à la moindre épi-
démie les officiers publics donnent le signal de la fuite.
L'honnêteté commerciale décroît. La société paraît usée;
les liens de la famille se desserrent. Il est vrai que pour
l'instruction on dépense sans compter. Le scepticisme et le
luxe sont également favorables au progrès artistique et
intellectuel qui illustre alors Florence.
Les lettres et les arts au xive siècle et au début
du xve. — Il nous faut rebrousser un peu en arrière pour
retracer les titres de gloire de la grande cité toscane. A
côté de Dante, elle revendique les deux autres grands écri-
vains de l'Italie de la Renaissance, Pétrarque et Boccace.
Il est vrai que l'un est un exilé qui n'y revint guère, que
l'autre est à moitié Français. Citons encore Franco Sac-
chetti (1335-1402), conteur médiocre, et Jacopo Passa-
vant, écrivain religieux. Le goût de l'érudition se mani-
feste. On crée une université à Florence (1348). Elle
languit, faute de discipline et de méthode, fut fermée lors
de la guerre des Huit , rouverte en 1387 , fermée en
1404, rouverte en 1442. Florence ne peut devenir un
centre d'enseignement, chose bizarre pour une ville qui
eut presque l'initiative de la Renaissance et eut la première
école d'érudits et de lettrés où figuraient l'évêque Marsili,
Coluccio Salutati (mort en 1406), le fameux chancelier
Leonardo Bruni, dit l'Arétin (1369-1444), Niccolo Niccoli
(1363-1447) et des savants grecs de la valeur de Chry-
soloras.
Pour les arts, même supériorité. L'école siennoise pâlit
à côté de celle de Giotto ; Taddeo Gaddi, peintre et archi-
tecte, Andréa Orcagna, approchent du maître. Or San
Michèle et son tabernacle, la loggia de' Lanzi, comptent
parmi les merveilles de Florence, sans oublier les fresques
de Santa Maria Novella. L'école giottesque épuisée trouve
son théoricien en Cennino Cenni. Quoi qu'on en pense, on
ne peut nier la profonde originalité de l'art florentin. Ici
le progrès se continua durant deux siècles. Le pas décisif
fut fait au début du xve. Nous en parlerons tout à l'heure.
Décadence et chute de l'oligarchie. — L'oligarchie
dont nous avons décrit les succès vit ensuite une période
de revers où elle se discrédita. Malgré l'accueil fait au
pape Martin V qui érige l'évêché de Florence en arche-
vêché (1419), elle se brouille avec lui. Bientôt il lui faut
combattre (1424) Philippe-Marie Visconti et ses redou-
tables condottieres Carmagnola, puis Piccinino. Les échecs
se multiplient ; l'alliance de Venise demeure inutile; la
paix conclue à Ferrare en 1428 n'est qu'une trêve. Ces
mésaventures coûteuses affaiblissent les Albizzi et leur
chef Rinaldo, tandis que grandit l'ascendant des Medici,
surtout de Gioavanni (Jean). On juge indispensable de le
gagner, mais sans y parvenir. L'état des finances devient
critique : la dette est énorme, la dépense se monte à 70,000
florins par mois ; l'impôt ne frappant pas la richesse mo-
bilière qu'on dissimule aisément, devient écrasant pour les
petites gens. On veut y remédier et on dresse un catastro
de toutes les fortunes ; les villes sujettes protestent ; non
moins les riches qui se posent en victimes (1427). Une
nouvelle guerre est entreprise afin d'annexer Lucques, avec
l'aide du condottiere Niccolo Fortebracci. Pour cet effort,
se réconcilient momentanément les Medici, dont le chef
Jean vient de mourir, et les Albizzi. Cela n'empêche pas
un honteux échec. Sforza repousse les Florentins, enlève
Gunigi, débonnaire tyran de Lucques (1430). Piccinino
consomme la défaite des assaillants et la délivrance de
Lucques. Abandonnée par ses condottieres, Florence n'a
rien à attendre du faible empereur Sigismond. Elle traite
(1433).
A l'intérieur, le rapprochement des Albizzi et des Medici
n'était qu'une hypocrisie. On sent que la liberté est per-
due; la seule question est de savoir qui deviendra le
maître. Au violent Rinaldo, on préfère le rusé Cosimo
(Cosme) de Medici, protecteur des artisans. L'opposition
s'est réfugiée dans les confréries religieuses puissantes,
car elles étaient riches, capables de construire à leurs frais
le dôme de Brunelleschi, de faire exécuter les portes de
Ghiberti. On s'efforce de les supprimer. La mort du
prudent Niccolo d'Uzzano laisse seul chef de l'aristocratie
Rinaldo Albizzi, fougueux et inconstant. Il n'inspire pas
confiance ; jamais on ne le choisit pour les hauts offices,
Cosme de Medici, son rival, est un « renard rusé et trom-
peur » ; maigre, laid, mais élégant, peu orateur, mais cau-
seur séduisant, il courtise le peuple. Sa famille, fortifiée
— 643 —
FLORENCE
par des alliances avec les magnats, était puissamment
riche, possédant en Europe seize maisons de banque ; Gio-
vanni, banquier du pape, fermier général de la république,
a laissé 178,221 florins d'or, sans compter les créances et
les immeubles. A la mort de Lorenzo (Laurent), frère de
Cosme, chacun des deux frères a 235,137 florins d'or. Ce
sont les gens les plus riches de Florence, grande supé-
riorité dans cet Etat marchand ; les Albizzi, les Strozzi ne
viennent qu'ensuite. Les Medici font un noble usage de ces
ressources. Ils se construisent un magnifique palais, œuvre
de Brunelleschi, subventionnent les lettrés, les artistes,
mais en même temps secourent les citoyens appauvris,
menacés de perdre leurs droits civiques. Averardo de Me-
dici, cousin de Cosme, est le guerrier de la famille. Après
la' guerre de Lucques, les hostilités éclatèrent entre Albizzi
et Medici. Les premiers l'emportèrent d'abord ; Cosme est
incarcéré ; on n'ose le faire périr ; il achète ses ennemis.
Exilé, il accomplit une promenade triomphale jusqu'à Ve-
nise et Padoue (1433). Maintenant que le trafic interna-
tional est consolidé, les financiers cosmopolites ne sont
nullement affaiblis par l'exil ; grand changement depuis le
xme siècle. Les intelligentes générosités de Cosme accrois-
sent son prestige. Ses partisans sont pleins de confiance.
En face d'eux, les oligarques se divisent. Rinaldo est im-
populaire. Le hasard du sort amène une seigneurie favo-
rable à l'exilé ; Palla Strozzi empêche Rinaldo d'essayer
un coup d'Etat. Il prend pourtant les armes un mois après,
mais n'ose attaquer. Le pape Eugène IV, qui est venu s'ins-
taller à Florence, se pose en médiateur. Les exilés sont
rappelés, les chefs de l'oligarchie bannis à leur tour, con-
finés à Naples. Cosme, toujours circonspect, revenait à
petites journées, rentrant modestement dans la ville. Mais
il n'y a pas à s'y tromper ; il est le maître. Ses adver-
saires sont exilés en masse, Strozzi, Peruzzi, etc.; il
appelle au pouvoir des hommes nouveaux, beaucoup de
grands, beaucoup de gens des arts mineurs. Sous des
dehors d'une hypocrite modération, Cosme est implacable :
la peine de mort est prodiguée en détail à quiconque com-
plote contre lui. La tyrannie existe dès lors sous les dehors
de la république. Il serait aussi injuste de s'en féliciter
que de plaindre l'égoïste et dure oligarchie des grands
capitalistes groupés autour des Albizzi. Elle tenta encore
bien des retours offensifs et il fallut un siècle pour que la
monarchie prévalût définitivement à Florence.
La domination de Cosme de Medici. — A l'origine, Cosme
de Medici ne règne que par la puissance de l'opinion ; la
démocratie le soutient et fait sa force. Lentement, cet habile
politique transforme une influence en autorité, un pouvoir de
fait en un gouvernement stable. De goûts pacifiques, il par-
tage les préférences de ses concitoyens pour l'industrie et
le commerce, les arts et les lettres, sur les exploits belli-
queux ou les agitations politiques. Encourager le travail et
la richesse, c'est mettre de son côté la population labo-
rieuse qui souhaite la sécurité bien plus que la liberté. Sa
politique extérieure fut habile, et la guerre, qu'il ne put
éviter, l'affermit. Il prit pour condottiere Francesco Sforza,
fournissant à cet aventurier un point d'appui. Vainqueur
de Fortebracci, protégé de Visconti, il s'allie contre lui à
Gênes, à Venise ; toutes deux l'abandonnent bientôt, puis
renouent l'alliance; Florence prend peu de part à la guerre.
En 1440, Piccinino paraît devant Florence, appelant aux
armes les amis des Albizzi. La cité reste fidèle à Cosme.
Une bataille eut lieu à Anghiari, où les Milanais furent mis
en déroute par Neri Capponi, perdant 60 morts, 200 bles-
sés, 400 prisonniers; les vainqueurs perdaient 10 morts et
200 blessés. Lutte peu meurtrière, ces mercenaires se ména-
geaient. La victoire d' Anghiari consolidait Cosme. Il proscrit
les familles de ses ennemis, torturant même les femmes ; il
fait peindre pendus par les pieds sur la façade du palais du
podestat les chefs de la faction opposée : Rinaldo et Ormanno
Albizzi, Lodovicco de Rossi, Stefano Peruzzi, etc. ; il les fait
diffamer par ses poètes et ses écrivains. Rinaldo meurt ;
de ses trois fils, deux se fixent à Ancône, le troisième est
discrédité ; le premier Albizzi qui pourra rentrer à Flo-
rence sera un arrière-petit-fils de Rinaldo (en 1478) ;
l'héritier des Guidi, le comte Poppi, est chassé de Toscane.
Cependant l'entente du dernier Visconti avec Sforza met
fin à la guerre ; une fois de plus on se rend réciproque-
ment ses conquêtes (1441). L'affermissement de son allié
Sforza allait profiter à Cosme.
Il obtient d'Eugène IV qu'il réunisse à Florence le con-
cile qui siégeait à Bâle. L'histoire en est racontée ci-après.
La ville reprend ainsi son rôle de cité guelfe ; elle obtient
de l'empereur byzantin de grands privilèges ; le prestige de
Cosme est augmenté. Jaloux du vainqueur d'Anghiari,
Neri Capponi, il fait tuer son ami, le capitaine Baldaccio ;
Neri se soumet sans réserves. Cosme donne satisfaction au
peuple en établissant l'impôt progressif, les riches payant
huit fois plus que les pauvres. L'impôt sur le revenu
variait de 4 à 33 1/2 % ; on évaluait alors les revenus
totaux des habitants à 550,000 florins ; l'impôt en rap-
portait 80,000. La perception était arbitraire, perçue im-
pitoyablement, ruinant une foule de gens, les ennemis du
régime enrichissant ses dévoués. Joignez-y le système des
impôts forcés et vous comprendrez que l'Etat écrasait
quiconque déplaisait. Faisant la fortune de ses partisans,
accablant ses adversaires par des voies détournées, le cau-
teleux Medici formait une aristocratie à sa dévotion. Il
procède lentement, sûrement.
Autant que possible, il évite la guerre, pratique une
politique d'équilibre contre Naples et Milan ; il s'entend
avec Venise et Sforza, ce qui le brouille avec le pape qui
réclame au condottiere la Marche. Quand éclate enfin le
grand débat pour l'héritage des Visconti (1447), Cosme
soutient Sforza malgré l'avis contraire des Florentins.
Attaqué par Alphonse d'Aragon, il le neutralise en Tos-
cane. Le succès définitif de Sforza est accueilli avec enthou-
siasme. Cosme se sépare de Venise ; pour vivre tranquille,
il négocie vainement l'alliance de Naples, puis celle du roi
de France Charles VII contre les Vénitiens. La guerre,
menée mollement, prend fin après la chute de Constanti-
nople par l'accord de Sforza et de Venise (paix de Lodi,
1454).
A l'intérieur, Cosme était tout-puissant, arbitre de la
paix et de la guerre ; les délibérations sur les affaires pu-
bliques ont lieu dans sa maison ; il observe les dehors,
comme autrefois Auguste ; il affecte d'être un citoyen,
comme les autres, sans cour, ni gardes. A Luca Pitti, il
dit : « Vous appuyez vos échelles au ciel, moi j'appuie les
miennes à la terre pour ne pas tomber en montant trop
haut. » Il ruine, exile quiconque fait de l'opposition, ne
laisse jamais rentrer ses ennemis ; l'oppression par l'impôt
lui procure les moyens de tout acheter, consciences et
épées. On se rallie à lui pour éviter la ruine matérielle ;
tels les Pazzi. En 1458, une tentative d'opposition se pro-
duit ; on rétablit l'ancien catastro (cadastre) pour obte-
nir l'égalité dans l'impôt ; on restreint l'usage dictatorial
de la balia. Cosme reste neutre en apparence. Mais il fait
faire par Luca Pitti, gonfalonier de la justice, un coup
d'Etat, malgré la résistance de Geronimo Macchiavelli. On
accorde à la° seigneurie la balia, plein pouvoir de réformer
l'Etat, de nommer les officiers publics^ de former les
bourses d'où l'on tirait au sort les magistrats pour les
cinq années à venir, de présider aux jugements, de fixer
les impôts. Cette dictature devait durer six mois, assurer
le pouvoir à ses créatures pendant cinq ans et, au bout de
ce terme, être renouvelée périodiquement dans les mêmes
conditions. Cosme est désormais maître absolu. On le dissi-
mule en comblant d'honneurs nouveaux les magistrats. En
sous-ordre, suppléant Cosme et son fils perclus de goutte et
souvent absents, Luca Pitti tyrannise la ville, édifiant son
fameux palais. Quand Cosme meurt, en 1464, on inscrit
sur son tombeau le titre de père de la patrie. La postérité
a été aussi complaisante que ses courtisans pour cet habile
homme sans scrupules, fondateur d'une dynastie qui sut
se faire un honneur immortel de la civilisation florentine.
FLORENCE
644 —
Bien que Florence ne conserve pas au xve siècle la situa-
tion exceptionnelle qu'elle avait au début du xive, elle est
encore un des plus éclatants foyers de la Renaissance.
L'université (Studio) languit, fermée de temps à autre (par
exemple de 1404 à 1442), peu soutenue par l'Etat auquel
elle ne coûte que 1,000 à 2,000 florins par an. Les
étudiants sont soigneusement embrigadés ; les maîtres sont
mal payés ; pourtant on en peut citer d'illustres. Chryso-
loras se fixe à Florence et inaugure l'étude du grec. Le
contact de cette civilisation merveilleuse produit d'excel-
lents effets ; les plus grands humanistes de la Renaissance
passeront à l'école des hellénistes de l'Arno. Plusieurs sont
nés en Toscane: Leonardo Bruni, Poggio Bracciolini, le
fameux rédacteur de discours d'apparat Coluccio Salutati,
l'érudit Niccolo Niccoli. Filelfo vient enseigner à Florence
avec un succès énorme. On trouvera dans les biographies
de ces personnages et dans l'art. Renaissance les indica-
tions relatives au rôle de Florence et des Medici, qui rem-
plirent glorieusement le rôle de mécènes. Cosme, très
épris de belles-lettres, néglige l'enseignement, mais fonde
des bibliothèques et surtout la première académie, cette
académie platonicienne dont Marsile Ficin fut l'oracle.
Les beaux-arts délaissés par l'oligarchie retrouvent une
grande faveur sous les Medici ; avec les Pitti, les Pazzi, ils
font de riches commandes aux artistes. A ce moment, pa-
rut Brunelleschi (i 377-1446), théoricien de Fart nouveau
autant que rénovateur de l'architecture; puis Ghiberti
(1378-1455) etDonatello (1386-1468). L'initiative appar-
tient encore à Florence ; ses immortel sculpteurs et toute
cette pléiade d'artistes qui font leur apprentissage dans
l'orfèvrerie, sont à la fois des réalistes et de fervents ad-
mirateurs des antiques. Par l'observation précise de la
nature, on arrive à une perfection inconnue aux vieux
maîtres. De ce temps datent la moitié des beautés de Flo-
rence : San Spirito, San Lorenzo, la Badia de Fiesole, le
palais Pitti, la coupole de Santa Maria del Fiore, chefs-
d'œuvre de Brunelleschi, les portes du Baptistère de Ghi-
berti, le Saint-Georges de Donatello. L'influence de ces
génies se propage au dehors ; l'encyclopédique Alberti
(1404-1472) y contribue plus que personne. Luca délia
Robbia (1400-1482) crée une nouvelle branche de l'art,
compromis entre la sculpture et la peinture en imail. La
peinture se perfectionne à son tour, par le réalisme, par
l'étude des lois de la perspective et du coloris. Masaccio
meurt inconnu, tandis que Paolo Uccello, professeur de
perspective, est célèbre ; l'école miniaturiste et mystique
trouve un interprète génial en FraAngelico (1387-1455) ;
mais il est en dehors du grand courant naturaliste auquel
se rattachent Fra Filippo Lippi (mort en 1469) et ses élèves
(V. les art. Art, Architecture, Peinture, Sculpture, Re-
naissance et les biographies).
Pierre de Medici (4464-69), indigne successeur de
Cosme, fut accepté avec résignation ; bientôt, cependant, se
dessine une opposition. Luca Pitti, instrument de son père,
voudrait passer au premier rang. Angelo Acciajuoli, Die-
tisalvi Neroni, deux autres amis de Cosme, sont devenus
des ennemis secrets. Le plus influent de ceux-ci est Niccolo
Soderini. Ils procèdent avec méthode, suppriment la balia,
reviennent au tirage au sort des officiers publics et, en
l'aidant un peu, lui font désigner comme gonfalonier de
justice Niccolo Soderini. Celui-ci ne put rien faire ; ses par-
tisans n'osèrent recourir à la force. Pierre de Medici reprit
le dessus (1466), réprima durement l'opposition, exilant
ses chefs. Ils revinrent avec une armée commandée par
Colleoni, mais se laissèrent battre à la Mulinella (1467).
Le goutteux Pierre se contente d'assurer la transmission de
son autorité à ses fils Laurent et Julien. Ils lui succèdent
en 1469.
Domination de Laurent de Medici. — Ils étaient bien
jeunes (Laurent, vingt et un ans ; Julien, seize ans) pour
dominer une cité qui n'admettait pas l'hérédité. Les amis
de leur famille les soutiennent néanmoins ; plus que tout
autre, Tommaso Soderini. Galéas-Marie Sforza leur fait
une solennelle visite à Florence (1471). On trouvera dans
la biographie de Laurent de Medici le portrait de ce fin po-
litique, mécène hors ligne. Il s'affermit par l'écrasement de
Volterra (1472) ; mais il se brouille avec le pape Sixte IV.
A l'intérieur, il veut aller trop vite, pressé de besoins d'ar-
gent. Après avoir fait vendre les biens de la parte guelfa
et réduit cette magistrature autrefois terrible au soin des
travaux publics (1471), il réduit à cinq les quatorze arts
mineurs et confisque les biens des neuf corporations sup-
primées ; on sent le retour à l'aristocratie capitaliste ; mais
la monarchie transparaît. Les pouvoirs sont concentrés aux
mains de dix accopiatori, désignés en fait par Laurent ;
on leur accorde une balia viagère, c.-à-d. le pouvoir dicta-
torial de remanier à leur fantaisie les institutions. La sei-
gneurie n'a plus qu'un rôle décoratif. Le maître cesse de
se dissimuler, il s'affiche. Il se désigne aux conjurés qui
ne manqueront pas, l'éducation classique leur fournissant
la théorie et l'exemple de l'assassinat politique et de l'in-
surrection, lien est à Florence comme dans les autres villes
italiennes ; le tyran sent sa vie menacée. En 1477 se noue
la conspiration des Pazzi. Cette riche et puissante famille,
descendant de la noblesse de la banlieue, s'était soumise à
Cosme. Un prêt qu'elle fit au pape, au refus de Laurent de
Medici, décida la rupture. Franceschmo de Pazzi, qui rési-
dait à Rome, entraîna ses proches dans le complot ; les plus
prudents désiraient attendre la banqueroute privée de Lau-
rent qui, ruinant sa fortune, lui eût fait perdre sa situation
dans l'Etat. L'adhésion du pape décida les hésitants : Julien
fut égorgé dans la cathédrale, mais Laurent ne fut que
blessé. L'archevêque Salviati ne put s'emparer du palais de
la seigneurie. Le peuple qu'on appelait à la liberté ne bou-
gea pas. Les conjurés furent écrasés ; l'archevêque pendu
aux fenêtres du palais, Franceschino de Pazzi à ses côtés ;
bien d'autres membres de cette famille, innocents ou cou-
pables, furent exécutés (1478). Les années suivantes, les
supplices continuèrent contre quiconque était suspect de
complicité. Laurent de Medici était affermi, débarrassé à la
fois de son frère, qui fût devenu gênant, et de ses ennemis.
On lui donne une garde.
La fureur du pape contre des gens qui, non contents de
mettre à mort un archevêque et des prêtres, ont empri-
sonné son neveu, se traduisit par l'excommunication des
Florentins, suivie d'une déclaration de guerre. Les théolo-
giens florentins donnent raison à Laurent ; Louis XI et Ve-
nise interviennent en sa faveur. Il se sent pourtant très
isolé en face d'ennemis acharnés qui se rangent derrière le
pape et le roi de Naples. Par un coup de maître, il va trou-
ver àNaples le roi Ferdinand (Ferrante), se met entre ses
mains, le séduit et obtient la paix (1480). Il la payait d'un
tribut annuel de 60,000 florins. Le pape se voit obligé
d'accorder le pardon demandé. Libéré du danger extérieur,
le souple tyran achève la réforme de la constitution. Un
nouveau conseil de soixante-dix membres annule tous les
autres et devient le principal corps de l'Etat. Au dehors,
Laurent suit une politique avisée, cherchant à établir un
équilibre entre les puissances italiennes. Dans la guerre de
Ferrare, il défend le duc, d'accord avec Naples, Milan,
Mantoue, Bologne, contre Venise, le pape, Gênes et Mont-
f errât (1482). Il voudrait bien faire quelques conquêtes et
finit par s'emparer de Sarzane, malgré les Génois (1487).
L'année suivante, il profite du meurtre de Riario Sforza
pour prendre pied dans la Romagne ; protecteur de Faenza,
d'Imola, de Forli, il y domine. Il semble alors un arbitre
entre les diverses puissances italiennes, Innocent VIII et
Ferdinand de Naples, Ludovic le More et ses compétiteurs.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas la diplomatie qui a fait l'im-
mortalité de Laurent de Medici ; c'est sa vie de mécène.
Depuis la conjuration des Pazzi, il règne sans obstacle ;
la population se désintéresse de la politique ; le trafic privé,
les fêtes, qui tiennent une place énorme dans sa vie, lui
suffisent. Laurent reçoit et traite les princes, les ambassa-
deurs étrangers; il prend l'attitude de souverain, quoique
dans la vie courante il se comporte en simple citoyen,
— 645 —
FLORENCE
cède le haut du pavé aux gens âgés ; il ne paraît pas aux
assemblées, mais là, comme dans chaque office, un affidé le
remplace ; son chancelier ou secrétaire Pierre de Bibbiena
tient tous les fils. Chacun sachant qu'une accusation de com-
plot peut coûter la vie , rivalise d'obséquiosité ; ceux
qui ne sont pas reconnus amis des Medici vivent dans une
perpétuelle inquiétude. Le côté faible est la situation éco-
nomique. La constitution des grands Etats nationaux dans
l'Europe occidentale menace le commerce florentin (V. Com-
merce). Il est à la merci des caprices des rois. A l'inté-
rieur, la gestion financière est mauvaise ; les guerres ont
coûté cher; le monte (caisse de la dette publique) a dû
suspendre le payement des intérêts ; la vente des biens des
vieux corps a peu produit. Laurent est un mauvais admi-
nistrateur ; sa propre fortune périclite ; la faillite de Por-
tinari à Bruges lui fait essuyer de grosses pertes; les autres
succursales de sa banque font de mauvaises affaires. Pour
rétablir les siennes, il met la main sur les deniers de
l'Etat, sur les fondations pieuses, prélève des courtages sur
le payement de la solde des condottieres. Ces prévarications
préparent la banqueroute publique. Il recourt à des impôts
nouveaux, revient à l'impôt progressif sur le revenu
(scala) et érige en principe la taxation arbitraire par
les répartiteurs (dispiacente sgravato); en deux ans les
contribuables doivent payer vingt-six fois. Il remanie les
monnaies, en frappe une nouvelle et diminue d'un cinquième
la valeur nominale de la monnaie ancienne, s'approprie
les biens de la caisse dotale {monte delledoti) ou les
pères déposaient les fonds destinés à la dot de leurs filles ;
les actions de 100 écus de la caisse de la dette publique
tombent à 11 1/2, l'intérêt étant abaissé à 1 1/2. Laurent
place sa propre fortune en biens fonciers, et devient plus
agriculteur que banquier. Si déshonnêtes que fussent les
moyens employés, on ne vit que le résultat; redevenu
riche, Laurent est inattaquable. La paix extérieure et inté-
rieure procure une ère de prospérité générale ; les fêtes
splendides offertes par le tyran, ses largesses aux huma-
nistes, aux artistes, semblent justifier suffisamment sa do-
mination dont il fait un si noble usage. La postérité a ra-
tifié ce jugement.
Une opposition se dessine pourtant au nom de la morale;
son interprète est le dominicain ferrarais Girolamo Savo-
narola. Il est un des premiers organes de la réaction reli-
gieuse contre le paganisme intellectuel de la Renaissance,
réaction d'où sortira la Réformation. En 1483, ses rudes
sermons de Saint-Laurent n'ont pas vingt-cinq auditeurs ;
Laurent de Medici le rappelle à Florence en 4 490, et cette
fois le prophète produit une violente impression ; il annonce
à la fois le châtiment de l'Italie et la rénovation de l'Eglise;
il ne ménage pas le maître. « Le bon chien aboie toujours
pour défendre la maison de son maître. Si le voleur vient
et lui jette pour l'apaiser un os ou quelque autre chose, le
bon chien continue d'aboyer et de mordre le voleur. » Il
a prophétisé la mort prochaine d'Innocent VIII, de Ferdi-
nand de Naples et de Laurent de Medici. Quand celui-ci
la sentit venir, il fit appeler l'austère prieur des domini-
cains de San Marco, probablement pour lui concilier son
fds (1492). On a raconté, mais sans preuves, que Savo-
narole refusa sa bénédiction au moribond, exigeant qu'il
rendît la liberté aux Florentins. Ils allaient se montrer
peu capables de la reprendre.
Laurent de Medici est resté le type légendaire des mé-
cènes de la Renaissance. Ici encore il sacrifie l'Etat à sa
personnalité. Il délaisse l'université, l'ampute pour en créer
une nouvelle à Pise ; le motif est caractéristique ; il veut
relever la cité maritime afin d'accroître la valeur des pro-
priétés qu'il a achetées de ce côté. Il eut pour maître Àn-
gelo Ambrosini de Montepulciano, plus connu sous le sur-
nom de Politien (1454-1494), un des plus distingués
humanistes du xve siècle, qui fit de son élève un dilettante
accompli. Laurent forme une belle bibliothèque, dépensant
30,000 florins par an en achats et copies de manuscrits;
les érudits accourent, parmi eux Lorenzo Valla, Chalcon-
dyle qui édite (pour la première fois) les poèmes homé-
riques (1488), puis d'autres classiques grecs. L'académie
platonicienne fondée par Cosme reste le centre intellectuel
de Florence; dans ses jardins, à sa table, Laurent dispute
avec ses philosophes, les Pulci, Alberti, Pic de la Miran-
dole, Marsile Ficin, etc. Ses vers sont remarquables ; sa pré-
férence pour l'idiome vulgaire contribue à faire du toscan
la langue littéraire de l'Italie. Il s'intéresse moins aux
beaux-arts, fait ajourner l'achèvement de la façade de la
cathédrale, méprise les artistes de basse extraction et à ce
titre Léonard de Vinci. Ses préférences sont pour les réa-
listes, les peintres-orfèvres Pollajuolo ; les peintres du temps,
♦Botticelli, Filippino Lippi, Ghirlandajo, continuent néan-
moins la grande école florentine, nullement inférieurs à
leurs devanciers ni à leurs successeurs; la réaction reli-
gieuse est sensible dans la peinture ; la tradition scienti-
fique se conserve chez Verocchio qui la transmet à Léo-
nard de Vinci et à Michel-Ange. Que de noms il faudrait
citer, Benedetta da Majano, Mino de Fiesole, les Sangallo,
les Rossellini, etc., architectes et sculpteurs qu'éclipsera
Michel-Ange. Mais beaucoup ne font que passer à Florence,
y travaillent peu . Les artistes florentins ont été des ini-
tiateurs; maintenant leur esprit est répandu dans toute
l'Italie : à Milan, à Rome, à Urbin plus qu'à Florence se
produisent les chefs-d'œuvre ; cependant les théories de
l'art classique sont celles de Brunelleschi et d'Alberti; la
méthode scientifique sur laquelle s'appuieront les artistes du
xvie siècle a été élaborée sur les rives de l'Arno. Ils ont
formé les deux grands génies du dernier âge, Léonard et
Michel-Ange. Il est injuste de faire honneur à Laurent de
Medici d'un mouvement auquel il prit à peine part; mais
on ne saurait exagérer la part de Florence dans la Re-
naissance.
Il est curieux de noter que la ville qui en avait été le
berceau, qui, au xve siècle donna le signal du retour aux
formes antiques, donne également celui de la réaction reli-
gieuse. Les dernières années du xve siècle sont dominées
par Savonarole. Laurent était mort à temps. Livrée aux
mercenaires, l'Italie allait tomber sous le joug de l'étran-
ger. Pierre de Medici avait les vices de tant de princes nés
dans la pourpre. Il se brouille avec les Soderini et même
avec la branche cadette de sa famille, exilant ses deux
cousins Laurent et Jean de Medici, blessant son frère le
cardinal, rompant avec Savonarole. A l'extérieur, il s'allie
à Naples contre Milan et détermine Ludovic le More à
faire appel à Charles VIII, démarche grosse de calamités
(1492). Lui-même négocie avec le roi de France, mais
sans rien conclure, même quand l'expédition se met en
marche ; le sentant ennemi, Charles VIII le traite comme tel,
expulse ses agents de Lyon. Obstiné dans l'alliance napoli-
taine, Pierre de Medici se trouve à découvert après la défaite
des Napolitains en Ligurie. Les mécontents florentins ex-
cités par Savonarole se déclarent pour les Français. Pierre
se soumet, livre ses forteresses, Sarzane, Pise, Livourne,
Sa lâcheté achève d'indisposer les Florentins ; ils se soulèvent,
chassent les Medici et pillent leur palais, mettent leur tête à
prix, rappellent les exilés : Medici de la branche cadette,
Pazzi, etc. En présence des Français, ils font bonne con-
tenance malgré les dangers pour leur trafic dans le royaume
de France. Ils les accueillent en grande pompe, font fête à
Charles VIII; mais, malgré l'enthousiasme populaire, les
cris de Vive la France ! ils se tiennent sur la réserve. Des
rixes éclatent dans les rues les jours suivants ; les relations
sont difficiles. Au bout de huit jours, on traite ; Charles VIII
reçoit le titre de protecteur de la liberté florentine ; Pise
qu'il a affranchie aura son pardon ; les Medici seront exi-
lés. Sur le chiffre de l'indemnité, on faillit rompre. Le roi
s'écriant : « Eh bien! nous sonnerons nos trompettes. — Et
nous, nous sonnerons nos cloches », répliqua vivement
Pier Capponi. Le chiffre fut fixé à 120,000 ducats ou florins
d'or. Les Français sortirent de la ville la semaine suivante.
La joie des Florentins fut extrême. Ils avaient recouvré la
liberté ; restait à l'organiser.
FLORENCE
— 646
Le gouvernement théocràtique. — Tout était à faire;
les anciennes institutions n'existent plus que de nom ;
les arts sont désorganisés. La désunion est partout. On
discerne trois partis principaux : les libéraux ou démo-
crates qui voudraient restaurer la vieille constitution ; à
leur tête marche Savonarole qui rêve d'une démocratie
cléricale dans les idées du moyen âge; ce parti, dont les
hommes d'Etat sont Valori et Pagalantonio Soderini, est
celui des blanchi ou frateschi ; à lui se rallient pour le
moment les palleschi ou bigi (gris), partisans des Medici
qui veulent se faire oublier et voient leur principal ennemi
dans la faction oligarchique. Celle-ci, dont l'homme d'ac-
tion est Pier Capponi, le théoricien et le jurisconsulte Ves-*
pucci, s'appuye sur Rome et Milan ; elle souhaite le ré-
gime vénitien et prône les Medici de la branche cadette ;
elle a l'alliance des compagnacci, sceptiques anticléricaux,
groupés en compagnies et guidés par Ridolfo Spini. Le
parti des tiepidi, des tièdes, souhaite avant tout la paix,
afin de vaquer à ses affaires ; avec ces bourgeois indifférents
marche une grande partie des ouvriers que les crises pri-
vent de travail. Dans la rédaction de la nouvelle consti-
tution, Savonarole fit prévaloir son avis : concentration des
pouvoirs aux mains de la seigneurie et d'un grand conseil
formé des citoyens, dont le père, aïeul ou bisaïeul, a fait
partie des grands offices (seigneurie, biwnuomini, gonfa-
loniers de compagnies). Ce peuple légal comptait 2,300
membres dans une ville de 400,000 âmes. Des armes sont
distribuées au peuple pour qu'il puisse défendre sa liberté.
Aux taxes arbitraires on substitue un impôt foncier annuel
de 10 °/0 sur les revenus. Ce qui donne à ce gouverne-
ment sa physionomie, c'est que le Christ est proclamé roi
de Florence. Savonarole en conclut que le gouvernement
nouveau est de droit divin, infaillible. Les chefs sont les
organes de Dieu. C'est la théocratie sans ambages.
Le ministre de Dieu, chef unique de l'Etat, est le pro-
phète. Il hérite du despotisme des Medici. Du fond de sa
cellule, il lance ses avis, qui sont des ordres. De suite il
s'attelle à son grand œuvre, la réforme des mœurs. L'en-
thousiasme populaire le soutient ; il supprime l'usure et
attaque même le prêt à intérêt , créant un mont-de-piété
qui réussit admirablement ; le crédit est relevé. En 1495,
le succès semble assuré. Au dehors les choses allaient
moins bien ; Charles VIII ne rendait pas Pise ; bien plus,
il favorise les Medici. Quand il revient au nord, on n'ose se
déclarer contre lui. Par le traité de Turin, il réitère la
promesse de rendre les forteresses en échange d'un prêt
d'argent pour reprendre Napies. Les capitaines français
évacuent Pise, mais la laissent libre à la grande indigna-
tion des Florentins. Ils vendent les forteresses aux Pisans
et aux Lucquois. Toutes les intrigues de la politique ita-
lienne tournent autour delà malheureuse ville. Venise etle
duc de Milan la protègent et appellent l'empereur Maximilien,
qui, non content de déclarer Pise libre, met le siège devant
Livourne (1496). Florence implore l'aide de la France dont
la flotte débloque Livourne. Les hostilités languissent. Ces
insuccès affaiblissent Savonarole; la guerre est d'autant
plus ruineuse qu'on a perdu les douanes de Pise et la mer.
Sforza encourage les oligarques, espérant mettre la main sur
Florence. Alexandre VI et Venise s'entendent avec Pierre
de Medici. Le frate (Savonarole) résiste à tous et brave
le pape. Il supprime les fêtes; sa tyrannie puritaine qu'un
moment il imagine défaire défendre par les enfants embri-
gadés par quartiers , devient de plus en plus oppressive. Il
décrète en 14971e fameux autodafé de tous les instruments
de perversion, cartes, dés, parfums, livres de poésie, harpes,
luths ; on sait qu'une quantité d'objets d'art périrent vic-
times de ce vandalisme. Savonarole se mêle delà vie privée,
encourage les femmes à se refuser à leurs époux. Le
fanatique lasse tout le monde ; la famine, les épidémies
décimaient la population; les palleschi relèvent la tête,
annoncent le retour de Pierre de Medici ; ils abandonnent
les piagnoni, partisans du frate, pour voter avec les arrab-
biati aristocrates. Le premier choc est repoussé, mais les
compagnacci viennent à la rescousse, chassent de l'église
Savonarole, interdisent les prédications. Le prophète est
excommunié par le pape ; son autorité décline ; il ne fait
plus de prosélytes et perd de ses fidèles. Néanmoins, ils sont
encore assez forts pour comprimer le parti de Medici ; les
cinq principaux palleschi sont arrêtés, condamnés à mort et
exécutés (1497). On frappe à l'effigie du frate une mé-
daille avec cette redoutable inscription au revers au-dessous
d'un glaive et du nom de Rome. Gladium Domini saper
terram cito et velociter. Mais il ne faut pas s'y tromper,
la théocratie décline ; elle a eu tort de toucher à la hache ;
le tiers parti lui devient hostile, toutes les factions vont
se coaliser contre elle. Ses adhérents modérés, tels que
Soderini, l'abandonnent. Valori, son champion, juge néces-
saire une garde armée. Au carême de 1498 Savonarole
prêche malgré le pape et renouvelle l'autodafé. Mais la
seigneurie du 1er mars lui est hostile. On sait la fin ; dis-
crédités par l'échec de l'épreuve du feu, les dominicains et
leur prieur perdent toute influence (V. Savonarole). Le
gonfalonier Piero Popoleschi attaque les piagnoni avec
l'aide des compagnacci. On se bat dans les rues ; Valori
est tué ; le couvent de San Marco est assiégé ; Savonarole
fait prisonnier. On lui fait son procès; les dominicains
l'abandonnent et il est brûlé sur la place de la Seigneurie
comme hérétique. Ainsi finit cet étrange épisode de l'his-
toire florentine. La ville de Boccace et de Donatello ne
pouvait devenir une Genève ; Savonarole avait peut-être
l'énergie, mais non les talents d'un Calvin. La théocratie
qu'il avait organisée n'était pas viable.
Dans la période suivante, on essaye d'organiser un gou-
vernement républicain, mais sans y parvenir, car il fallut
bientôt revenir à une monarchie déguisée. Les piagnoni,
tenant Savonarole pour un martyr, restaient fidèles à son
culte ; les libertins compagnacci donnaient aussi fort à
faire au parti victorieux des arrabbiati ; les palleschi
complotent. En somme, l'anarchie se prolonge. Au dehors,
la guerre contre Pise et sa garnison vénitienne ne progresse
pas, malgré l'adresse du condottiere Paolo Vitelli ; aban-
donnés par Venise, les Pisans font des prodiges d'énergie ;
le supplice de Vitelli est une mince compensation à son
échec. On s'allie alors à Louis XII qui vient d'occuper
Milan ; les troupes françaises ne peuvent ou ne veulent
prendre Pise (1500). César Borgia envahit le Mugello,
oblige Florence à entrer dans sa ligue, prend Piombino,
fait soulever Arezzo contre les Florentins. Il semble que le
redoutable fils du pape aille devenir maître de la Toscane.
Louis XII ne le permet pas ; il fait restituer à Florence
ses possessions. Sortie de ce danger, la- cité réforme ses
institutions. Les arrabbiati se sont rapprochés des fra-
teschi, organisant un gouvernement de bourgeois. On ins-
titue un gonfalonier à vie, âgé d'au moins cinquante ans,
responsable devant les hauts officiers publics (Huit, Dix,
seigneurs, collèges, capitaines de la parte) et révocable
par eux; ses fils, frères et neveux, ne pourront revêtir les
grands offices ni faire le trafic. L'élection était remise au
grand conseil. Pier Soderini fut élu.
Gouvernement de Soderini. — Le nouveau chef de
l'Etat florentin était un modéré et un homme capable. Les
dix années de son gouvernement furent relativement heu-
reuses, bien qu'il se soit trouvé aux prises avec de grosses
difficultés. La mort de Pierre de Medici fit du cardinal Jean
le chef de la famille (1503). Il la releva patiemment. A
Florence, ses adhérents voyaient se rallier à eux bien des
mécontents, jadis leurs ennemis, les Pazzi, les Salviati.
Soderini s'efforce de restaurer les finances et de recon-
quérir Pise ; son homme de confiance, Machiavel, lui rend
de grands services comme conseiller, comme ambassadeur.
La politique tourne dans le même cercle : alliance française
achetée à deniers comptants, lutte contre Venise, pour-
parlers avec le pape et le roi d'Espagne. Soderini se tient
le plus possible à l'écart de la politique générale de l'Eu-
rope, sentant que les petits n'y ont rien à gagner. Un
progrès fut la réorganisation des milices qui fournit une
— 647 —
FLORENCE
armée nationale (1506). Serrée de près, après une conso-
lidation de l'alliance de Florence avec Louis XII, Pise se
soumet enfin ; le négociateur de la capitulation fut Ma-
chiavel (1509). Les vainqueurs firent preuve d'une extrême
modération, rare en ces temps. Le but était atteint. La
chute de leur rivale séculaire était irréparable. Elle ne s'en
est jamais relevée.
Malgré ce brillant succès, Soderini manque de prestige.
Il vit en simple citoyen, néglige les arts et les lettres,
peut-être faute d'argent ; loyal observateur de la constitu-
tion, il n'a pas beaucoup d'autorité. La situation extérieure
redevient mauvaise. Louis XII et Maximilien veulent se
partager l'Italie. Que faire entre eux et Jules II ? Les deux
souverains convoquent, malgré Soderini, un concile à Pise,
afin de déposer le pape. Celui-ci met Florence en interdit.
Elle s'obstine dans sa neutralité timorée, s'excusant auprès
du roi d'Espagne de fournir quelques lances au roi de
France, tout en leur défendant de combattre. La sainte
ligue, prenant le dessus en Italie, ne se contente plus de
cette équivoque. Le gonfalonier commet l'imprudence de
refuser de l'argent aux Espagnols. Les Medici aussitôt en
donnent et en promettent davantage. Ramon de Cardona
reçoit l'ordre de les rétablir. Le sac de Prato terrorise les
Florentins. Soderini donne sa démission et quitte la ville.
Les Medici rentrent aux acclamations de la foule (1512).
La seconde domination des Medici. — Le chef de la fa-
mille était le cardinal ; puis venaient son frère Julien, son
neveu Laurent. Ils procédèrent avec prudence, la majorité
appartenant encore au parti populaire. Le cardinal Jean
arriva donc avec une escorte formidable.il reconstitua une
balia, commission dictatoriale qui nommera à tous les em-
plois, selon le système primitif des Medici. Les Soderini
furent persécutés, exilés. Soupçonnés de conspirer, quelques
jeunes gens furent mis à mort ou bannis. Et pourtant le
vainqueur se montra relativement clément. L'année suivante,
il fut élu pape et prit le nom de Léon X. Florence fut très
fi ère de cette exaltation. Elle ne gagna pas grand'chose au
pontificat de cet épicurien maladif, à qui ses prodigalités ont
valu un renom peu mérité de mécène idéal. Du moins sa
ville natale vécut en paix sous son pouvoir et celui de ses
parents. Ce fut Jules de Medici, bâtard du premier Julien,
qui gouverna la Toscane avec le titre de cardinal-archevêque
de Florence (1513). Laurent, fils de Pierre, fut le vrai prince
jusqu'à sa mort (1518). Quand Léon X fut mort et rem-
placé par Adrien VI, Jules rentra dans sa ville. Il y était
menacé, le cardinal Soderini étant très écouté du nouveau
pape. Les lettrés, groupés dans la société des Orti Oricel-
lari, vantaient la liberté perdue; les complots se succé-
dèrent malgré les rigueurs. Subitement, la mort d'Adrien VI
porta le cardinal Jules de Medici au saint-siège; il prit le
nom de Clément VII (1523). Cette élection fut funeste à
Florence. Le pape la confia à deux bâtards, Hippolyte, fils
de Julien, et Alexandre, fils de Laurent II, de Julien ou de
Clément VIL Ces jeunes tyrans exaspérèrent le peuple. Le
pape l'engagea dans la ligue avec Venise et la France contre
Charles-Quint ; le seul résultat fut d'attirer en Toscane les
bandes du connétable de Rourbon. Effrayés devant l'orage
dont on peut mesurer le danger quand on sait quel fut le
sort de Rome, les Florentins veulent se débarrasser des
Medici qui l'ont attiré. Niccolo Capponi est le chef des mé-
contents. Une première insurrection n'aboutit pas, les deux
partis rivalisant de mollesse. La nouvelle du sac de Rome
en détermine une seconde. Les Medici quittent la ville sans
résister (1527).
Dernières années et chute de la république. — Cette
révolution de la peur ne pouvait rien fonder de durable ;
on restaura à peu près les institutions de Savonarole et l'on
élut gonfalonier de justice Capponi. Il parut surtout craindre
de se compromettre vis-à-vis des maîtres de la veille qu'il
prévoyait devoir être ceux du lendemain. Tommaso Sode-
rini fit adopter l'alliance française et on traita avec Fran-
çois Ier, renouvelant la ligue où figuraient Venise, Milan
et le pape. Rientôt Capponi négocie avec celui-ci le retour
des Medici; démasqué, il est déposé (1529). Sur ces entre-
faites, Clément VII s'entend avec l'empereur, et naturelle-
ment la restauration des Medici est convenue. Le roi de
France traite à son tour, abandonnant ses alliés (1529). Nul
espoir de sauver la liberté. Elle ne périt pas sans combat.
A ce moment se produisit un fait admirable ; ce peuple
déshabitué de la guerre, abandonné de tous, refusa de
s'abandonner lui-même. Le siège qu'il soutint avec une
héroïque obstination est un des plus beaux faits de son
histoire. Une ambassade fut envoyée à Gênes pour essayer
d'apaiser l'empereur. Il la renvoya au pape ; celui-ci refusa
toute transaction. La résistance fut décidée. En oct. 1529
les impériaux commencent le siège ; beaucoup d'habitants
avaient émigré, malgré l'interdiction de la seigneurie.
L'investissement fut complet en décembre; les sujets de la
république avaient fait défection, Arezzo, Cortone, Pistoia,
Prato, etc. Le prince d'Orange conduisait le siège, inquiété
sur ses derrières par le vaillant Ferrucci, tandis que Mala-
testa dirige la défense. La ville est affamée en quatre mois,
28,000 habitants succomberont aux maux du siège. La
défaite de Ferrucci à Gavinana ou périrent à la fois ce vail-
lant capitaine et le prince d'Orange décida la chute de
Florence, désormais sans espoir. Le condottiere Malatesta
Raglioni l'obligea à capituler. Les conditions furent douces,
mais on remettait à l'empereur le soin de régler la cons-
titution (août 1530).
Après quelques mois d'oppression par les soldats, le sort
de Florence fut définitivement fixé. L'empereur Charles-
Quint nomma chef, mainteneur et protecteur de la cité
Alexandre de Medici, due de Penna, son gendre désigné
(1531). La proscription des opposants laissait les voies
libres. Douze réformateurs furent chargés de mettre les
institutions d'accord avec les faits. La seigneurie fut abolie ;
Alexandre de Medici fut proclamé doge héréditaire de la
république florentine. On conservait un conseil de deux
cents membres investi de pleins pouvoirs ; une délégation
de quarante-huit appelée sénat les exerçait et conseillait
le prince. Leur mandat est viager et ils se recrutent par
cooptation. Mais ils ne font qu'enregistrer la volonté ducale.
En droit comme en fait la république de Florence est dis-
parue. Elle n'est plus qu'une municipalité au même titre
que Pise, Empoli, Arezzo, la capitale du duché de Toscane.
Ce titre que prendra Cosme II en 1569 ne fera que con-
firmer l'état existant. C'est donc à l'art. Toscane qu'il
faut chercher l'histoire du duché des Medici, transféré en
1737 à la maison de Lorraine.
Les lettres et les arts au xvie siècle. — La seconde
floraison du génie italien se place dans la première moitié
du xvie siècle. Florence n'y a plus la part prépondérante
comme au xive siècle; cependant elle fournit encore son
contingent de grands écrivains et de grands artistes.
Rucelïai, Alamanni, Rerni sont de médiocres poètes, mais
Machiavel est un des grands historiens de l'Europe et un
des maîtres incontestés de la philosophie politique; son
ami Guicciardini jouit d'une réputation presque égale. Dans
les arts, Florence peut revendiquer Andréa del Sarto,
Renvenuto Cellini et surtout Michel-Ange <jui prend une
place unique dans la Renaissance. Après lui la décadence
est rapide. Avec la perte de l'indépendance coïncide l'affais-
sement intellectuel. Les grands Florentins des âges suivants
seront Rronzino, Carlo Dolci, Lulli et Cherubini. Il ne faut
pas oublier que les bouleversements économiques contri-
buèrent beaucoup à ôter son importance à Florence (V. Com-
merce). A. -M. Rerthelot.
• Conciles de Florence.—- En 1055 et 1104, conciles
sans importance pour l'histoire ecclésiastique ; il n'y a été
arrêté que des dispositions disciplinaires d'intérêt purement
local ou personnel. — 1439. Au mot Ferrare, on a dit com-
ment le concile assemblé en cette ville, par Eugène IV, fut
amené à Florence. L'objet principal de ses délibérations
était la suppression du schisme qui séparait l'Eglise grecque
de l'Eglise latine. Le pape et l'empereur Jean Paléologue
étaient très personnellement intéressés au rétablissement
FLORENCE
648
de l'union : l'empereur, pour obtenir les secours qu'il sol-
licitait en Occident, contre les Turcs, devenus de jour en
jour plus menaçants; le pape, pour se prévaloir, contre
ses adversaires du concile de Bâle, du mérite d'une grande
œuvre accomplie. Il avait fait venir à ses frais et il entrete-
nait magnifiquement l'empereur des Grecs et le patriarche
de Constantinople, accompagnés d'environ sept cents per-
sonnes, tant officiers de l'Empire que prélats, parmi les-
quels étaient les députés des sièges patriarchaux d'Alexan-
drie, d'Antioche et Jérusalem. Six théologiens choisis par
chaque parti devaient discuter les articles contestés. Les
sessions tenues à Ferrare n'avaient abouti à aucun résultat
sérieux. A Florence , la première session eut lieu le
26 févr. 1439; elle se passa en disputes entre le cardinal
Julien Cesarini et l'empereur, qui avait des prétentions à
la théologie. Dans la deuxième session (2 mars), on aborda
la question la plus importante, la procession du Saint-
Esprit , Marc, archevêque d'Ephèse, parlant pour les
Grecs; Jean, provincial des dominicains, pour les Latins.
La discussion sur ce point fut reprise dans sept autres
séances (5, 7, 40, 14, 17, 21, 24 mars). L'empereur in-
tervint pour justifier, en l'expliquant, l'addition du mot
filioque, que les Latins ne pouvaient nier avoir faite au
symbole. Comme la discussion ne menait à rien, on négo-
cia. Enfin, après des négociations qui durèrent plus de deux
mois, on convint, dans une assemblée convoquée le 8 juin,
d'une définition commune aux deux Eglises. Cette défini-
tion, rédigée, dit-on, par Bessarion (V. ce nom), alors
métropolitain de Nicée, est ainsi conçue : « Nous, Latins
et Grecs... confessons que tous les fidèles chrétiens doivent
recevoir cette vérité de foi : que le Saint-Esprit est éter-
nellement du Père et du Fils, et que de toute éternité il
procède de l'un et de l'autre, comme d'un seul principe, et
par une seule production qu'on appelle spiration. Nous
déclarons aussi, que ce que quelques saints pères ont dit,
que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, doit être
pris de sorte qu'on entende par ces paroles, que le Fils est,
comme le Père et conjointement a^vec lui, le principe du
Saint-Esprit ; et parce que tout ce qu'a le Père, il le com-
munique à son Fils, excepté la paternité qui le distingue
du Fils et du Saint-Esprit ; aussi est-ce de son Père que
le Fils a reçu de toute éternité cette vertu productive, par
laquelle le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père. »
En conséquence, on ajouta à cette définition un article
consacrant l'addition au symbole du mot filioque, dont
les Grecs, à Ferrare, avaient demandé la suppression préa-
lablement à toute discussion sur le fond. Les deux articles
lus en latin et en grec, furent approuvés et applaudis par
tous, à l'exception de Marc d'Ephèse. Avant de signer, l'em-
pereur eut la précaution de s'assurer des secours dont il
avait besoin, par un traité particulier qu'il fit avec le pape.
Le patriarche 'de Constantinople (Joseph) mourut un jour
après avoir signé ces premiers canons. On lui fit de pom-
peuses funérailles.
Sûr les autres griefs relevés par les Grecs, à l'époque du
schisme, pour motiver leur séparation de l'Eglise romaine,
l'entente se fit sans difficulté sérieuse, excepté en ce qui
concernait la suprématie du pape. Finalement, l'accord
s'établit sur tous les points débattus, moyennant l'appro-
bation de la doctrine des Latins ou la tolérance de leurs
usages. Les Grecs n'admettaient point le purgatoire ; ils
professaient que, en attendant la dernière sentence qui sera
solennellement prononcée à la fin du monde, les âmes qui
ne sont point frappées aussitôt après leur mort d'une con-
damnation absolue restent dans un état provisoire, où les
vivants peuvent leur venir en aide par leurs prières, par
leurs œuvres et par la célébration du sacrifice eucharistique.
L'état de béatitude, comme l'état de damnation, ne sera
définitif qu'après la résurrection du corps et le jugement
dernier : jusqu'alors aucune âme ne peut jouir dans le
ciel de la présence et de la vue de Dieu. A Florence, on
reconnut un purgatoire, sans déterminer le lieu où il est,
ni les peines qu'on y endure, feu, ténèbres, tempête ou
tout autre supplice. Dans ce purgatoire, les âmes de ceux
qui sont morts en état de grâce, mais avant d'avoir satis-
fait pour leurs péchés, sont purifiées. Les suffrages des
fidèles, les prières, les aumônes et les autres bonnes œuvres
peuvent les soulager et les délivrer de leurs peines. De
plus, on déclara que les âmes qui après le baptême n'ont
commis aucun péché ou qui, après en avoir commis ont
fait pénitence suffisante, soit dans, cette vie, soit dans l'autre
par les souffrances du purgatoire, sont reçues au même
moment dans le ciel, où elles voient clairement Dieu, selon
le degré de leurs mérites. — Pour les Eléments de r Eu-
charistie, on statua qu'on peut consacrer le corps de Jé-
sus-Christ avec du pain azyme aussi bien qu'avec du pain
levé, chaque prêtre étant obligé de s'en servir selon la cou-
tume de son église (V. Azymites). — La suprématie du
pape fut ainsi définie : « Le pontife romain a la primauté
sur toute la terre; il est le successeur de saint Pierre,
prince des apôtres, le véritable vicaire de Jésus-Christ, le
chef de toute l'Eglise, le père et le docteur de tous les
chrétiens. Jésus-Christ lui a donné, en la personne de saint
Pierre, le plein pouvoir de paître, de régler et de gouver-
ner l'Eglise catholique et universelle, ainsi qu'il est expli-
qué dans les actes des conciles œcuméniques et dans les
canons. » — On s'était abstenu de toucher à d'autres
points contestés entre les deux Eglises, tels que le célibat
des prêtres, l'usage de la chair des animaux étouffés ou
non saignés, du lait et des œufs en carême, le jeûne du
samedi, la suppression de Y Alléluia à certains jours, l'onc-
tion du chrême pour le baptême, l'œcuménicité du concile
Quinisexte, la désignation du huitième concile général
(V. Constantinople, t. XII, p. 628, col. 2), etc.
Le décret d'union fut signé, en la dixième session (5 juil.)
par tous les membres du concile, à l'exception de Marc
d'Ephèse. Le lendemain, il fut lu solennellement dans les
deux langues, en la cathédrale de Florence. Les Grecs quit-
tèrent successivementFlorence,du22juil. au 26 août 1439,
et ils arrivèrent sans accident à Constantinople, toujours
aux frais du pape ; mais ils furent fort mal reçus par le
peuple, qui acclama, au contraire, Marc d'Ephèse, comme
un saint confesseur de la foi et Tunique défenseur de la
religion. Après avoir attendu vainement les secours qu'il
avait espérés, l'empereur lui-même renonça à un pacte qui
ne lui avait valu que la réprobation de ses sujets. — Dès le
mois de déc. 1439, Bessarion, qui s'était montré si accom-
modant avec les Latins, avait été créé cardinal par Eu-
gène IV. En 1450, un concile tenu à Constantinople l'ac-
cusa d'avoir trahi son Eglise et d'être une cause de grands
maux pour les Grecs. En 1561, il fut nommé par Pie II
patriarche in partibus de Constantinople, lui-même fut
deux fois près d'être élu pape.
Le conflit, de jour en jour plus acerbe, entre le concile
de Bâle et Eugène IV réduisant l'Eglise d'Occident à l'état
de schisme, Eugène avait entrepris de supprimer tous les
schismes orientaux. La convocation qui avait amené les
Grecs à Ferrare, puis à Florence, avait été pareillement
adressée aux Arméniens et aux Jacobites d'Egypte et d'Ethio-
pie. Les Arméniens, c.-àrd. quatre députes envoyés pir
Constantin, leur patriarche, arrivèrent après le départ des
Grecs. Le 22 nov. 1439, on fit un décret qui les réunis-
sait à l'Eglise romaine. En tète de ce décret, on ne trouve
que le seul nom du pape. La quatrième session après le
départ des Grecs n'eut lieu que le 5 févr. 1441 ; on y fit
pour les Jacobites ce qu'on avait fait précédemment pour
les Arméniens, un décret d'union, lequel fut accepté par
André, abbé de Saint- Antoine, présenté comme député de
Jean, patriarche des Jacobites . Il est assez difficile de dis-
cerner ce qu'il y avait de sérieux dans ces députations. Le
pape prétendit aussi avoir reçu une lettre apportée par un
nommé Nicodème, qui se disait abbé des Ethiopiens et qui
promettait que le roi, son maître, viendrait lni-même en
Italie pour s'unir à l'Eglise romaine. Ce roi ne vint jamais.
En définitive, les actes mis sur le compte des Arméniens et
des Jacobites eurent encore moins d'effets que le pacte con-
— 649 —
FLORENCE — FLORENSAC
clu avec les Grecs. — Le 26 avr. 1442 fut tenue à Flo-
rence une dernière session, dans laquelle le pape transféra
le concile à Rome. En cette ville, on réunit à l'Eglise les
Syriens, les Chaldéens et les Maronites. La bulle* qui fut
donnée pour cette dernière union, au mois d'août 4445,
dit que le concile œcuménique se tenait encore à Saint-Jean
de Latran. C'est le dernier document qui reste de cette
assemblée. — Les Italiens comptent le concile de Florence
comme seizième concile général, L'Eglise de France
attribuait ce rang au concile de Bâle, jusqu'à la vingt-
sixième session. En conséquence, la plupart des théologiens
et des canonistes gallicans contestaient à l'assemblée de
Florence la qualité de concile général, parce qu'elle avait
été tenue contrairement aux décrets de Bâle, et que les
évêques de la France et de plusieurs autres nations ne s'y
trouvaient point, leurs princes leur ayant défendu d'y assis-
ter, et que d'ailleurs on ne pouvait pas les y appeler cano-
niquement. Parmi ceux qui reconnaissaient ce concile comme
œcuménique, plusieurs lui déniaient ce titre, après le dé-
part des Grecs. E.-H. Vollet.
Bibl. : Perrens, Histoire de Florence; Paris, 1877-
1890, 9 vol. in-8. — Perrens, la Civilisation florentine
du xine au xvi° siècle ; 1893, in-8 (Collection de la Biblio-
thèque d'histoire illustrée). — Sismondi, Histoire des
républiques italiennes ; Paris, 5 vol. in-8.— Ch. Yriarte,
Florence; Paris, 1881," in-fol. — Taine, Voyage en
Italie; Paris, 1866, 2 vol. in-8. — Durand, la Toscane,
album pittoresque et archéologique ; Paris, 1868, in-32. —
L. Simonin, la Toscane et la mer Tyrrhénienne ; Paris,
1868, in-18. — Ch. Blanc, Histoire des peintres. Ecole flo-
rentine; Paris, 1874, in-fol. — G. Lafenestre, {a Peinture
italienne; Paris, 1888, in-8.— P. Mantz, les Chefs-d'œuvre
de la peinture italienne ; Paris, 1870, in-fol. — Eug. Muntz,
les Arts en Italie au temps de la Renaissance ; Paris,
2 vol. in-4. — Luigi Lanzi, Storia pittorica dell'Italia,
trad. de Mme Dieudé ; Paris, 1825, 5 vol. in-8. — Wolt-
mann und Wôrman, Geschichte der Malerei; Stuttgart,
in-8 (en cours de publication). — Bocchi, Le Bellezze di
Firenze, 1677.— G ori, MusseumFlorentinum, 1731-1762.—
Bartholo Righi, Annali délia città di Firenze; Mantoue,
1841. — Sieveking, Florentinische Geschichte von Cos-
mus I; Hambourg, 1844. — Napier, Florentine History to
the accession of Ferdinand III, duke ofTuscany; Londres,
1847. — Ad. Trollope, History of the common wealth of
Florence ; Londres, 1874, 4 vof. — Hartwig, Quellen und
Forschungen zur altesten Geschichte der Stadt Florenz ;
Marbourg, 1875, in-8. — Vannucci, I Primi Tempi délia
libertà fiorentina ; Florence, 1856. — G. Cavalcanti,
Istorie florentine ; Florence, 1866. — Passerini, Curiosità
slorico artisliche florentine ; Florence, 1866. — Capponi,
Storia délia repubblica di Firenze; Florence, 1876, 2 vol.
in-8. — R. del Bruno, Galeria reale di Firenze illustrala;
Florence, 1817-1831, 13 vol. in-8. — L. Bardi, Galleria Pitti
illuslrata; Florence, 1837-1842, 4 vol. in-fol. — A. Reu-
mont, Tavole chronologiche e sincrone delfistoria fioren-
tina dal 301 al 18b0; Florence, 1841. — L. Bruni Aretino,
Istoria delpopolo fiorentino ; Venise, 1476, in-fol. — Gio-
vanni, Matteo, e Filippo Villani, Le Storie florentine ;
Milan, 1729, in-fol.— Macghiavelli, DelVIstorie florentine
(1205-lk9k); Florence, 1532, in-4.— F. Guicciardini, Storia
fiorentina ; Florence, 1859, in-8. — G.-M. Bruti, Historiée
Florentins libr. VIII (1286-1^92) ; Lyon, 1562, in-4.— Pog-
gio Bracciolini, Historia? Florentins lib. VIII (1350-
lk5o); Venise, 1476, in-fol.— G. Carbone, Storia fiorentina
dagli Etruschi a noi; Florence, 1840, 6 vol. — Delécluze,
Florence et ses vicissitudes (1215-1190); Paris, 1837,
2 vol. in-8. — L. Orsini, Storia délie monete délia rep-
publica fiorentina ; Florence, 1760, in-4. — Florence et ses
environs, carte en 9 feuilles au 25,000e de Tlnstitut typo-
graphico-militaire de Florence. — Pour les conciles de
Florence, V. Schisme.
FLORENCE (Prov. de). La province de Florence fait
partie de l'ancienne Toscane ; elle a une superficie de
5,861 kil. q. et une population de 790,776 hab. (1881).
Elle comprend quatre circondarii qui ont pour chefs-lieux :
Florence, Pistoia, Rocca San Casciano et San Miniato.
FLORENCE. Ville des Etats-Unis, Etat d'Alabama, comté
de Lauderdale ; 1,500 hab. en 1887, 10,000 environ en
oct. 1889. Ville d'eaux minérales, située sur un plateau
dominant la rivière Tennessee, dans l'angle N. de l'Etat.
Siège d'un collège normal de l'Etat et de diverses écoles
publiques et privées ; université baptiste. Nombreuses ma-
nufactures établies en 1889, représentant un capital de
14 millions de dollars. Centre de ch. de fer. Dans le voi-
sinage, le canal latéral des Muscle Schoals (rapides du Ten-
nessee). Florence est, dit M. Elisée Reclus, l'une des cités
actives du « Nouveau Sud », après Rirmingham, du même
Etat.
FLORENCE de Worcester, chroniqueur anglais, mort
en 1118. C'était un moine de Worcester, qui, prenant
pour base la chronique du moine irlandais Marianus, mort
vers 1082, écrivit un Chronicon ex Chronicis, qu'il porte
jusqu'à 1117. Dans ce qu'il ajoute à son modèle, il s'occupe
surtout des affaires anglaises. 11 a eu lui-même plusieurs
continuateurs, si bien qu'un des neuf manuscrits connus
va jusqu'en 1295. La première édition du Chronicon date
de 1592 (Londres, in-4) ; une mauvaise réimpression en
fut faite à Francfort, avec les Flores Historiarum (1601,
in-fol.). B. Thorpe a édité la portion qui va de 1141 à
1295 pour YEnglish Historical Society (1849, 2 vol.
in-8). Enfin, une traduction anglaise en a été publiée par
T. Forester dans la Bibliothèque historique de Bohn
(1847) et par J. Stevenson dans ses Historiens de V Eglise
(Church Historians, 1853).
FLORENGIA (Francisco), fécond écrivain hispano-amé-
ricain, né dans la Floride vers 1620, mort à Mexico en
1695. Entré dans la Société de Jésus en 1643, il enseigna
avec succès la théologie et la philosophie au collège de
Saint-Pierre et Saint-Paul à Mexico. En 1688, il passa en
Europe comme procureur de sa province à Madrid et à
Rome, puis il demeura quelques années à Séville comme
procureur de toutes les provinces de la Compagnie en Amé-
rique. On a de lui :Menologio de los varones mds sena-
lados de la compania de Jésus de la provincia de
Nueva-Espana (Barcelone, 1661, in-4; 2e édit. augmentée
par J.-A. de Oviedo, Mexico, 1747, pet. in-4) ; Historia
de la provincia de la compania de Jésus de la Nueva-
Espana (Mexico, 1694, in-fol.), première partie seulement;
la seconde devait traiter des missions ; la troisième aurait
contenu comme le Menologio des notices sur les jésuites
américains les plus distingués. Il publia en outre des bio-
graphies des PP. Luis de Médina (Séville, 1673, in-4) ;
Nicolas de Guadalajara (Mexico, 1684, in-4); Gerônimo
Figueroa (id., 1689, in-4); des histoires et descrip-
tions des sanctuaires et images de Nuestra Senora de
losRemedios de Mexico (id., 1686; Séville, 1745, in-4);
Nuestra Senora de Guadalupe (Mexico, 1688 et J 741 ;
Madrid, 1785); S. Miguel de las Cuevas (Cadix, 4690);
Los Sopilotes de la provincia de Tlaxcala (1692); Ori-
g en de los mds insignes santuarios de la Nueva-Gali-
cia, obispado de Guadalajara (Mexico, 1694), concernant
l'image de Tzapopan et celle de San Juan de los Lagos,
qui a aussi été l'objet d'une publication à part (Mexico,
1796, et Madrid, 1801). Son Zodiaco Mariano : historia
gênerai de las imageries de la virgen Maria en la Ame-
rica setentrional fut édité par J. de Oviedo (Mexico, 1755).
Il donna aussi des panégyriques et des sermons. R-s.
FLORENSAC (Florentiacum). Ch.-l. de cant. du dép.
de l'Hérault, arr. de Réziers, près de la rive gauche de
l'Hérault; 3,752 hab. Cette localité, probablement romaine
d'origine, ne paraît pas dans les actes avant Pan 966 ;
après avoir appartenu aux vicomtes de Narbonne, elle passe
à ceux d'Agde; au début du xvie siècle, elle a pour
maître l'évêque d'Agde (transact. de 1219), puis est donnée
par Amauri de Montfort au sire de Lévis. Les habitants,
albigeois endurcis, sont excommuniés en 1222 ; un peu
plus tard la ville est occupée violemment par les officiers
royaux, qui ne la rendent à Gui de Lévis qu'en 1261 sur
un ordre spécial de la cour. Au xive siècle, la place est
prise successivement en 1361 par Séguier de Badefol, en
1371 par le bâtard de l'Ile, en 1380 par Renoît Chappa-
rel, et dévastée chaque fois. En 1563, Florensac, dont les
habitants sont en majorité protestants, est saccagée par les
troupes du vicomte de Joyeuse ; en 1625, la religion ca-
tholique y est rétablie à la suite d'une conversion en masse.
La seigneurie de Florensac avait été donnée à un puîné
de la maison de Lévis, Philippe (1279-1303), mari de
Réatrix de Lautrec. Un descendant de Philippe, Bernard,
FLORENSAG — FLORES
- 650 —
épousa l'héritière des seigneurs de La Roche-en-Régnier ;
il mourut en 1382 ; son arrière-petite-fille, Jeanne, porta
la seigneurie dans la famille des Crussol, plus tard ducs
d'Uzès. — L'église (chœur gothique), dédiée à saint Jean-
Raptiste, dépendait de l'abbaye de Saint-Thibéry. Couvent
de cordeliers détruit au xvie siècle. Débris insignifiants du
château des Crussol. Patrie du général Montbrun. Fa-
briques d'eau-de-vie. Plantations du mûriers, d'oliviers,
d'amandiers. Foires importantes en août. A. Molinier.
Bibl. : Le P. Anselme, VI, pp. 25 et suiv. — Donna-
dieu, Etudes historiques sur Florensac ; Paris, 1877, in-8.
FLORENT. Corn, du dép, de la Marne, arr. et cant. de
Sainte- Menehould; 602 hab.
FLORENT, saint alsacien du vne siècle, d'origine irlan-
daise, évêque de Strasbourg. Lorsque Dagobert II, exilé
en Irlande, fut rappelé en Austrasie après la mort de Chil-
déric II (674), le moine Florent le suivit, s'établit à Has-
lach, dans une vallée des Vosges, et y fonda un monastère.
Il succéda, en 679, à Arbogast sur le siège épiscopal, et
devint le fondateur de l'église Saint-Thomas, ainsi que d'un
monastère du même nom, qu'il peupla de quelques religieux
irlandais. Il mourut en odeur de sainteté en 693. Son
corps, d'abord enterré à Saint-Thomas, fut transféré plus
tard à Haslach. Sa fête est célébrée le 7 nov.
Bibl. : Légende de saint Florent, manusc. du xive siècle,
dans les archives de Saint-Thomas , publié par Ch.
Schmidt, Histoire du chapitre de Saint-Thomas; Stras-
bourg, 1860, pp. 261-262, 283-285. — Surius, Vîtes S. S.,
1618, XI, 184. — Berain, Mémoires fiistor. sur le règne
des trois Dagobert..., avec un abrégé de la vie de saint
Florent ; Strasbourg, 1717. — Histoire de la vie de saint
Florent, évêque de Strasbourg ; Strasbourg, 1772. — Wat-
tenbach, Deutsche Geschichtsquellen, 1873, I, 95 ; II, 359.
— Revue d'Alsace, 1862, pp. 203 et suiv. —Bull, de la Soc.
pour la cons. des mon. histor. d'Alsace^ I, p. 257, lre série.
FLORENT, comtes de Hollande (V. ce mot).
FLORENT (François), canoniste, né à Arnay-le-Duc
(Bourgogne) vers 4590, mort en 4650. Il fut avocat au
parlement de Dijon, puis professeur de droit à Orléans et
de droit canon à Paris. Il a composé sur le droit canon de
nombreux traités qui ont été recueillis par Doujat, son suc-
cesseur : F. Florentis Opéra juridica (Paris, 4679, in-4;
Venise, 4763, in-fol.).
FLORENT Bravonius (V. Florence de Worcester).
FLORENT-Lefebvre (Louis), homme politique français,
né à Beaumetz-les-Loges (Pas-de-Calais) le 26 mars 4821 ,
mort à Monchy-le-Preux (Pas-de-Calais) le 5 mai4887. Avo-
cat, il se présenta sans succès à une élection partielle pour le
Corps législatif dans le Pas-de-Calais (22déc. 4866), comme
candidat libéral, et de nouveau le 24 mai 4869. Il fut enfin
élu député d'Arras le 20 févr. 4876. Membre du centre
gauche, puis des 363, il ne fut pas réélu avec eux le 44 oct.
4877. Mais il reprit possession de son siège le 24 août 4884,
soutint la politique opportuniste et échoua aux élections du
4 oct. 4885. Il a écrit : De l'Avenir des sociétés mo-
dernes et du Socialisme (Paris, 4848, in-8) ; De la Dé-
centralisation (4849, in-8) ; Chemins vicinaux. De la
Prestation en nature et de la nécessité de modifier
cette taxe (4865, in-8) ; Subventions spéciales ou in-
dustrielles (4866, in-8).
FLORENT1A. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier ; cant. de Saint-Julien ; 75 hab.
FLORENTIN. Com. du dép. du Tarn, arr. de Gaillae;
cant. de Cadalen ; 4,484 hab.
FLORENTIN-la-Capelle. Com. du dép. de l'Aveyron,
arr. d'Espalion, cant. de Saint-Aman s-des-Cots ; 538 hab.
FLORENTIN (Miguel), sculpteur italien qui fut appelé
en Espagne au commencement du xvie siècle. Il exécuta
en marbre, en 4508-4540, le tombeau de l'archevêque
D. Diego Hurtado de Mendoza, placé dans la chapelle de
la Antigua, dans la cathédrale de Séville. Ce monument,
en forme d'arcade ouverte dans la muraille, se compose
de la statue gisante de l'archevêque, revêtu de ses habits
pontificaux, posée sur le tombeau, de quatre bas-reliefs
qui décorent le fond de la niche et de deux autres, for-
mant socle, avec des figures allégoriques. Des pilastres,
fermant les côtés de l'arcature, sont décorés également de
figures de saints et enrichis d'ornements d'un goût très pur.
L'ensemble de ce bel ouvrage appartient au style de la
Renaissance et présente un grand caractère de simplicité et
de perfection dans son exécution. Engagé par le chapitre
à prolonger son séjour à Séville, maître Miguel continua
de travailler à la cathédrale. En 4547 et 4548, il faisait
quelques figures pour le dôme ; en 4549, les statues de
Saint Pierre et de Saint Paul pour l'ancienne porte du
Pardon ; en 4522, le grand bas-relief représentant Jésus
chassant les marchands du temple, qui est au-dessus de
cette même porte, et enfin de 4523 à 4525 une partie des
figures de saints en terre cuite, de grandeur naturelle, qui
décorent extérieurement la grande chapelle. Postérieure-
ment à 1525, le nom de l'habile sculpteur cesse de paraître
sur les livres de compte du chapitre. Peut-être mourut-il à
Séville. — Son fils Antonio continua jusqu'en 4554 d'y
exercer l'architecture, la peinture et la sculpture. — Un autre
sculpteur italien, Domenico-Alexandro, et appelé aussi
Florentin, sans doute comme les précédents artistes à
cause de son origine florentine, est l'auteur du tombeau de
l'infant don Juan, placé dans l'église Saint-Thomas, à Avila,
et des dessins de celui du cardinal Ximenès de Cisneros,
dans la chapelle de l'université d'Alcalade Henarès, ouvrage
qu'il ne fit que commencer, car il mourut à Alcala en 4 51 8,
l'année même où il en avait passé le contrat. P. L.
FLORENTINE (Etoffe). Etoffe de soie fabriquée à Flo-
rence, et dont le secret fut importé en France sous Col-
bert. Les comptes du roi René la mentionnent sous le nom
de taffetas de Florence.
FLORENVILLE. Com. de Belgique, prov. de Luxem-
bourg, arr. de Virton, sur la Semoy ; 2,500 hab. Stat. du
chemin de fer de Bertrix à Virton ; grand commerce agri-
cole, scieries de bois, taillanderies.
. FLORES, ENDE ou MADGIRAI. Ile de la Sonde (Ma-
laisie), entre 7° 35' et 9° W lat. S. et 147° 35' et 420°
45/ long. E., à l'E. de Soembawa, à l'O. de Timor et au
S.-E. d'e Célèbes. Longue de 280 kil., large de 80 kil.,
elle est peu connue et paraît très montagneuse. Sur la
côte S.-È. se trouvent plusieurs volcans dont l'un, le
Lovotivo, est presque continuellement en activité. L'île
offre de bons ports, dont celui d'Ende, sur la côte S., est
le principal. Elle est fertile en grains, bois de santal, can-
nelle. On y élève des buffles, des chèvres, des cochons, des
volailles, des tourterelles et des abeilles. Exportation de
porcs, cire, nid d'oiseaux, ambre gris; importation de
pierres à fusil, poudre, balles, bouteilles, verres, coutel-
lerie. Le commerce se fait en général avec Célèbes, la Chine
et Timor. Les côtes de Fîle sont soumises à un radjah qui
réside à Laventouka et qui relève du sultan de Bima.
L'administration hollandaise est également établie à Laven-
toukav Meyners d'Estrey.
FLORES (Andrés), théologien espagnol, né à Torrijos
(Nouvelle-Castille) en 4484, mort en 4560. Il entra dans
l'ordre des dominicains, et, à la demande de Charles-Quint,
écrivit un catéchisme qui fut très répandu : De la Doc-
trina christiana (4552, in-8). Avec un curé des envi-
rons de Madrid, Pierre Ortiz, il écrivit aussi : 'Suma de
toda la escritura sagrada en verso heroyco castellano.
FLORES (Ildefonso-José, aussi appelé Alonso), lin-
guiste hispano-guatémalien, mort en 4772, Il appartenait
à l'ordre de Saint-François et il enseignait à l'université
de San Carlos, à Guatemala, la langue cakchiquel dont il
publia une grammaire : Arte de la languametropolitana
del reyno cakchiquel, con un paralelo de las lenguas
metropolitanas de los reynos kiche, cakchiquel y
tmtuhil (Guatemala, 4753, in-4). Il laissa en manuscrit
un traité dogmatique à l'usage des indigènes, intitulé Teo-
logia de los Indios. B-s.
FLORES (Venancio), général et président de la répu-
blique de l'Uruguay, mort à Montevideo le 49 févr. 4868.
Colonel dans l'armée uruguayenne, il contribua en 4853
au renversement du gouvernement légal, et le parti avancé
— 651 —
FLORES — FLORIAN
(Colorado), dont il était le chef, l'éleva à la présidence.
Renversé, en 1855, par une révolution militaire, il entra
au service de Buenos Aires en qualité de général de bri-
gade, et eut sa part à la victoire de Pabon, remportée sur
l'armée de la Confédération Argentine (17 sept. 1861) par
le général Mitre, qui devint par suite président de la répu-
blique. Soutenu par celui-ci, le général Flores débarqua,
le 19 avr. 1863, sur la côte orientale avec une poignée
d'hommes et appela l'Uruguay à l'insurrection. Battu par le
vieux général Médina à trois lieues de Montevideo, mais
appuyé par le Brésil, il s'établit en maître dans l'Ouest, puis
emporta d'assaut la Florida, s'empara de Durazno et de
S alto, et livra Paysandû au pillage. Enfin, le 23 janv.
1865, il entra triomphalement à Montevideo, prit le titre
de gouverneur provisoire de la république, constitua un
ministère, rouvrit la porte aux jésuites expulsés en 1859,
auxquels il accorda la permission de rétablir leurs maisons
d'éducation, et fit avec le Brésil et la République Argen-
tine un traité d'alliance offensive contre le Paraguay. Il se
mit à la tête de l'armée uruguayenne, remporta d'abord
quelques succès, mais, après l'échec subi par les alliés à
Curupayti (22 sept. 1865;, il rentra à Montevideo pour y
rétablir l'ordre moral singulièrement troublé. Dès lors, il
ne s'occupa que des affaires intérieures, développa rapide-
ment la prospérité matérielle du pays, et fit reviser tous
les codes, agissant toujours en dictateur, en l'absence de
toute représentation nationale. Il la fit élire enfin, sous la
pression de l'opinion publique, lui remit ses pouvoirs le
15 fèvr. 1868, et, quatre jours plus tard, il périt assas-
siné, victime du parti des « Blancs ». G. Pawlowski.
FLORES (Juan-José), fondateur et président de la répu-
blique de l'Equateur, né à Puerto Cabello (Venezuela) en
1801, mort à Guayaquil le 1er oct. 1864. Ami de Bolivar,
il fut son aide de camp pendant la guerre d'indépendance,
puis commandant de la province de Pasto (1823), et rem-
porta, le 25 févr. 1829, la victoire de Tarqui, où l'armée
péruvienne fut presque détruite. Principal promoteur de la
séparation de l'Equateur de la république de Colombie, il
fut le premier président du nouvel Etat (1831-1835) et
lui donna la forme de gouvernement qu'il a conservée jus-
qu'à présent. Chef du parti conservateur, il eut à compri-
mer en 1831 un mouvement révolutionnaire dirigé par
Rocafuerte, qu'il fit prisonnier à la bataille de Quito
(18 janv. 1835), mais auquel il céda le pouvoir en mai sui-
vant, pour ne garder que le commandement en chef de
l'armée. Il le remplaça à la présidence en 1839, et fit voter
une nouvelle constitution le 34 mars 1843. Réélu pour la
troisième fois en 1843, il fut renversé par les libéraux le
6 mars 1845, et fit de vaines tentatives pour ressaisir le
pouvoir. Lorsque, en 1859, les révolutionnaires eurent mis
à la tête du gouvernement le général Franco, Flores, investi
par les conservateurs du commandement en chef de l'armée,
battit son adversaire à Babahoyo (8 août 1 860) et fît éle-
ver à la présidence son gendre, le savant professeur Garcia
Moreno (8 juil. 1861), gardant pour lui-même les fonc-
tions de gouverneur de Guayaquil. La fin de sa longue
carrière guerrière fut marquée par une défaite désastreuse
qui lui fut infligée par le dictateur de la Nouvelle-Grenade,
Mosquera, à Cuaspud (6 déc. 1863). Celui qu'on appe-
lait « le père de la république équatorienne », et qui fut
toujours le plus ferme soutien de la prépondérance de
l'Eglise dans le gouvernement de son pays, mourut au
moment où il se préparait à marcher contre le général révo-
lutionnaire Urbina.
FLORES (Antonio), diplomate et publiciste équatorien,
né à Quito en nov. 1835. Fils du précédent, il fit ses
études au collège Henri IV à Paris, puis il suivit les cours
de droit à l'université de sa ville natale et se fit recevoir
avocat à Lima, où plus tard il devint professeur au célèbre
collège de San Carlos. En 1856, il publia dans hRevista
de Lima des articles sur la constitution du Pérou, pour
en signaler de graves défauts, qui furent par suite cor-
rigés. En 1859, il fit paraître une Historia antigua, qui
devint classique au Pérou, au Chili et ailleurs. Cette même
année, il alla défendre comme simple soldat l'intégrité
du territoire de sa patrie, et fut, de 1860 à 1863, ministre
plénipotentiaire de l'Equateur en France et en Angleterre.
Il ne réussit pas dans sa mission conciliatrice auprès du
dictateur Mosquera, pas plus que dans celle auprès le saint-
siège pour la réforme du concordat (1864). Après la mort
de son père, il se tint à l'écart de la politique. On lui doit
des poésies pleines de sentiment. G. Pawlowski.
FLORESSAS. Corn, du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Puy-1'Evêque ; 442 hab.
FLORESTAN Ier, prince de Monaco (V. Grimaldi).
FLORES CU (Jean-Emmanuel), homme politique rou-
main, né à Rimnicul-Vilcei en 1819. Après avoir fait ses
études au collège de Saint-Sabbas, à Bucarest, il passa
quelques années à l'Ecole d'état-major de Paris. Revenu en
Valachie, il fut aide de camp du prince Bibescu, dont il
épousa la fille. Il quitta le service en 1848, quand la
Révolution éclata. Nommé peu après professeur à l'Ecole
militaire, il devint général en 1849. Plusieurs fois ministre
de la guerre, le général Florescu contribua beaucoup à la
réorganisation de l'armée roumaine. Il joua un rôle assez
important dans le ministère conservateur de 1878. Mis en
retraite deux années plus tard, il fut un des chefs de
l'opposition pendant les douze années de régime libéral.
La chute des junimistes (9 déc. 1890) le porta à la prési-
dence du conseil dans le cabinet libéral -conservateur
qui arriva au pouvoir. Quand le parti se démembra, une
année plus tard, M. Florescu suivit dans l'opposition le
groupe libéral des vernescistes qui s'en détachèrent : il en
est un des chefs. N. Jorga.
FLOREZ (Henrigue), archéologue et numismatiste espa-
gnol, né à Valladolid le 14 févr. 1701, mort à Madrid le
20 août 1773. Depuis son entrée dans l'ordre de Saint-
Augustin, en 1715, il ne cessa de s'occuper de travaux
sur l'histoire et les antiquités de son pays. Ses publica-
tions sont nombreuses et importantes : Cursus theologiœ
(1732-38, 5 vol. in-4), professé à l'université d'Alcalâ;
Clave istorical (1743, in-4), ouvrage analogue à VArt de
vérifier les dates; La Espana sagrada, 6 teatro geogra-
fico-historico de la lglesia de Espana (1747-73,
29 vol. in-4), analogue à la Gallia Christiana, qui fut
continuée par les PP. Risco, Fernandez, etc. ; Espana
carpetana, medallas de las colonias, mnnitipios y
pueblos antiguos de Espana (1757-75, 3 vol. in-4);
Memorias de las Régnas Catolicas (1770, 2 vol. in-4) ;
enfin il publia un important commentaire sur l'Apocalypse,
de S. Beatus (V. ce nom).
Bibl. : Mendez, Noticia de la vida y escritos de H. Florez;
Madrid, 1780.
FLOREZ-Estrada (Àlvaro), publiciste espagnol, né à
Pola de Somiedo (Asturies) en 1769, mort en 1853. Il
entra dans la magistrature et fut investi, en 1808, des
fonctions de procureur général de sa province natale. Ar-
dent patriote et d'un caractère indépendant, il tint tête
d'abord à Napoléon Ier, puis à Ferdinand VII, auquel il
adressa de véritables remontrances, sous ce titre : Repré-
sentation hecha à S. M. C. el Sr D. Fernando VII en
defensa de las Cortes (1818). Depuis 1820, il dirigea le
journal oppositionniste de Cadix : El Tribuno del Pueblo.
Après la résurrection de l'absolutisme, en 1823, il dut se
réfugier en Angleterre, puis en France, où il ne s'occupa
plus que d'économie politique. On lui doit à cet égard un
ouvrage estimé en son temps : Curso de Economia poli-
tica (Londres, 1827-1828, 2 vol. ; 5e éd., Madrid, 1840 ;
trad. en franc., Paris, 1833, 3 vol.). G. P-i.
FLORIAC1ENS. Congrégation fondée par Joachim de
Flore (V. ce nom).
FLORIAN, saint de l'Eglise catholique, né à Zeiselmauer
(Basse-Autriche) vers 190, mort en 230. Il servit dans
l'armée romaine et sous le règne de l'empereur Dioclétien ;
il fut martyrisé à Laureacum (Lorch). Ses reliques, con-
servées à Linz, auraient été transportées à Rome, et de
FLORIAN — FLORIDE
652 —
là, en 1484, à Cracovie. Il devint l'un des patrons de la
Pologne. Il passe également pour préserver du feu. L'Eglise
célèbre sa fête le 4 août. L. L.
FLORIAN (Jean-Pierre Claris de), littérateur français,
né au château de Florian (Gard) le 6 mars 1755, mort à
Sceaux le 43 sept. 1794. Le père de Florian commandait une
compagnie de cavalerie et ne disposait que d'une fortune
médiocre; son mariage avec Gilette de Salgues, d'origine cas-
tillane, fut un simple mariage d'inclination et qui ne releva
point ses affaires : ainsi s'explique-t-on que les parents du
jeune Florian se soient débarrassés de lui, sans plus déforme,
sur un vieil oncle millionnaire et prodigue, lequel, du reste,
ne se préoccupa point autrement de son éducation et eut le
tort grave de mourir intestat. Florian fut mis en pension
à Saint-Hippolyte, d'où il entra comme page au service du
duc de Penthièvre. Elève de l'école d'artillerie de Bapaume,
capitaine de dragons à sa sortie, il revint près du duc de
Penthièvre, qui l'aimait beaucoup, et fit par l'à-propos et la
gentillesse de son esprit les délices de la petite cour d'Anet.
Ses débuts dans les lettres datent de 1782, où il donna au
théâtre une comédie en un acte et en prose : les Deux
Billets, qui fut suivie d'autres comédies et pastorales.
Vint ensuite Galatée (1783), conte romanesque à l'imi-
tation de Cervantes et qui eut le plus grand succès ; puis,
coup sur coup, le Bon Ménage (1782), comédie en un acte,
faisant suite aux Deux Billets; Ruth, églogue couronnée
par l'Académie (1784); Six Nouvelles (1784) ; YEloge
de Louis XII (1785); le Bon Père et la Bonne Mère
(1785), comédies en un acte; Numa Pompilius, roman
(4786) ; Eliézer et Nepthali (1787); Estelle, roman
(1788); Gonzalve de Cordoue, roman (1791); Fables
(1792), Nouvelles Nouvelles (1792), etc. Il fut reçu à
l'Académie française le 24 mai 1788. Sa traduction de
Don Quichotte jouit d'un succès mérité. Florian, que ses
vers et ses romans donneraient volontiers pour un homme
méditatif et doux, mena une existence bruyante de libertin
et de coureur de dots, où ses contemporains eux-mêmes
trouvèrent à reprendre. Emprisonné sous la Révolution et
délivré seulement au 9 thermidor, il traîna quelques mois
à peine et alla mourir à Sceaux où son buste est chaque an-
née, de la part des félibres parisiens, l'objet d'une démons-
tration toute en dehors. Il a été publié de Florian après sa
mort des Nouveaux Mélanges de poésie et de littérature
(1806) ; des Lettres à M. Boissy d'Anglas (1 807) ; la Jeu-
nesse de Florian ou Mémoires d'un jeune Espagnol
(1807), sorte d'autobiographie de l'auteur. Les œuvres com-
plètes de Florian ont été éditées par Raynouard en 1820
(16 vol.); il y faut ajouter quatre volumes d'oeuvres inédites,
publiées en 1824 par Guilbert de Pixérécourt. On attribue
enfin à Florian une adaptation d'une œuvre anglaise, publiée
l'année qui suivit sa mort : Henriette Stuart (1795) . Florian
eut de l'esprit, de la grâce et une certaine imagination ; mais
sa fadeur est insupportable ; on ne lit plus guère de lui que
des fables pour écoliers et quelques contes. Ch. Le Goffiç.
FLORIAN (Frédéric), graveur sur bois suisse, né à Saint-
Aubin en 1858. Il décora d'abord des pièces d'horlogerie,
puis s'exerça sans maître à la gravure sur bois qu'il étudia
ensuite à Paris sous M. Lepère. Il collabore à la Revue
illustrée, où il signe des pièces qui l'ont mis au nombre
des graveurs contemporains les plus estimés. On lui doit
des illustrations pour les Contes et Récits de M. Coppée,
pour les Contes de Paris et de Provence de M. Paul Arène
et pour plusieurs autres ouvrages de luxe.
FLORIANO (Flaminio), peintre vénitien du xvie siècle.
Sa vie est inconnue, et les Scènes de la vie de saint
Antoine qu'il avait peintes aux Frari de Venise ont dis-
paru. On ne connaît de lui qu'un tableau de sainteté, à
San Lorenzo, dans lequel semble se montrer l'influence du
Tintoret.
FLORIDA. Ville de l'Uruguay, ch.-l. dudép. de ce nom ;
2,500 hab. Reliée par un ch. de fer à Montevideo, elle se
trouve dans une région riche en bétail.
FLORIDA-Blanca (Joset Monino, comte de), célèbre
homme d'Etat espagnol, né à Murcie en 1728, mort à
Séville le 20 nov. 4808. Issu d'une famille noble, mais
. peu fortunée, il se fit avocat et acquit rapidement une
renommée telle qu'il fut nommé fiscal au tribunal du
conseil de Castille. Auteur du rapport concluant à l'expul-
sion des jésuites (1767), il fut plus tard chargé d'une
mission à cet égard auprès du pape Clément XIV (1772)
et s'en acquitta d'une façon supérieure, ce qui lui valut le
titre de comte. Le 19 févr. 1777, il remplaça le marquis
d'Esquilache à la tête du ministère. Rarement l'Espagne
eut un chef de gouvernement de cette valeur. A l'intérieur,
Florida-Blanca créa des routes et des canaux, protégea
l'agriculture et développa le commerce par l'établissement
de la Banque nationale, encouragea efficacement les sciences
et les lettres, et fit sentir dans toutes les branches de
l'administration l'ascendant de son génie. A l'extérieur, il
resserra les liens avec le Portugal, conclut un traité de
commerce avec le sultan et un traité politique avec Hyder-
Ali contre les entreprises éventuelles de l'Angleterre, et
dans la guerre qu'il soutint pendant cinq ans contre celte
puissance, il fit preuve des plus hautes qualités. Il bom-
barda Alger, réprima la piraterie et établit la liberté de
commerce avec l'Amérique. Charles III le maintint au pou-
voir jusqu'à la fin de son règne, et sous son successeur il
y resta encore trois ans. Disgracié ensuite et interné à
Pampelune (1792), puis remis en liberté, il fut mis à la
tête de la junte centrale de gouvernement dès l'invasion
napoléonienne, mais mourut peu de temps après. Ses écrits
politiques et autres furent réunis dans le t. LIX de la Bi-
blioteca de Rivadeneyra (1867), par les soins d'Antonio
Ferrer del Rio. G. P-i.
FLORIDE. Un des quarante-quatre Etats de l'Union
américaine. Situé entre 24° 30 et 31° lat. N. et entre 82° 20
et 90° long. 0., il occupe la presqu'île qui termine au S.-E.
le territoire des Etats-Unis et s'étend, en outre, vers le
N.-O., sur le golfe du Mexique jusqu'à la rivière Perdido.
Il est borné au N. par les Etats d'Alabama et de Géorgie,
àl'E., au S. et à l'O. par l'océan Atlantique et le golfe du
Mexique. AuN., la frontière suit le 31e degré depuis le Per-
dido jusqu'au Chattahoochee, descend le cours de ce fleuve
jusqu'à son confluent avec le Flint, se dirige en ligne droite
de ce point vers l'E. jusqu'à la source du petit fleuve Saint-
Mary's et longe ce cours d'eau jusqu'à son embouchure en
face de l'île Amelia. (Pour la géographie physique de la
Floride, V. Etats-Unis.) La Floride occupe, parmi les Etats
et territoires de la République américaine, le 22e rang pour
la superficie (151,981 kil. q.), le 32e rang pour la popu-
lation en 1890 (391,422 hab.), le 37e pour la densité kilo-
métrique de la population (25 hab.). Les villes principales
sont: Key West, 18,058 hab.; Jacksonville, 17,160;
Pensacola, 11,571 ; Tampa, 3,525; Fernandina, 3,207 ;
Saint-Augustine, 3,051 ; Apalachicola, 3,024; Tallahas-
see, capitale politique de l'Etat, 2,933.— La Floride fut oc-
cupée primitivement par les Espagnols qui y fondèrent Saint-
Augustine, la plus ancienne ville des Etats-Unis (1564).
La péninsule passa en 1763 sous la domination des Anglais,
mais fut reprise par les Espagnols en 1781, et le traité de
Versailles la laissa entre leurs mains. On disait alors les
Florides, une orientale et une occidentale. Pendant toute
la période coloniale, les Florides avaient offert un asile
commode à tous les ennemis des établissements de la Caro-
line du Sud et de la Géorgie, esclaves fugitifs et Indiens
de la nation Creek, surtout delà tribu des Séminoles. Après
de longues et laborieuses négociations, l'Espagne consentit
à céder la Floride aux Etats-Unis en 1819 (V. Etats-Unis
[Histoire]). Cette acquisition fut organisée en Territoire,
puis en Etat, le 30 mars 4845. La Floride, esclavagiste,
participa en 4864 à la formation de la confédération du
Sud, et fut réintégrée dans l'Union en 4868. Elle comptait
34,000 hab. en 1^830, 54,000 en 1840, 87,000 en 1850,
140,000 en 4 860, 187,000 en 1870, 269,000 en 1880
et 391,000 en 1890. Le gouvernement se compose d'un
gouverneur et de divers fonctionnaires exécutifs élus
pour quatre ans et de 76 représentants élus pour deux
ans. La limite de la session est de soixante jours. Le mon-
tant de la dette publique est de 4,275,000 dollars. Il
est levé dans l'Etat des taxes au montant de 368,000 dol-
lars pour les besoins de l'Etat et de 662,000 pour ceux des
comtés. La propriété imposable est évaluée à 76,614,000
dollars (pour 4886). Le taux de la taxation est d'envi-
ron 40 cents par 400 dollars, et sur les 40 cents, 40 sont
réservés aux écoles publiques. La constitution de l'Etat au-
torise une taxe de capitation de 4 dollar.
« La Floride, dit M. E. Reclus, se détache nettement
du corps continental pour s'avancer vers les Antilles, et,
par son mode de formation aussi bien que par son climat,
sa flore et même sa faune, sa pointe terminale appartient
au monde antillien. » Les lacs, les bayous, les forêts impé-
nétrables qui occupent de vastes étendues dans la moitié
méridionale (Y. Everglades) ont longtemps retardé la colo-
nisation. Le climat est mou, humide et convient peu aux
travailleurs ; en revanche, la douceur des hivers attire des
malades du Nord, au nombre de 60,000 chaque année, vers
quelques points du littoral. Aujourd'hui, sur 391,000 hab.,
près des deux tiers sont des noirs. Les principales indus-
tries agricoles sont la production des oranges et des noix
de coco et l'exploitation des bois d'ébénisterie. Jacksonville,
qui a 47,000 hab., est un rendez- vous à la fois de valétu-
dinaires et d'amateurs de sport. La ville est située sur la
rivière Saint-John, qui est le cours d'eau le plus important
de la Floride. Le lac George qu'il traverse reçoit sur ses
bords ombragés des milliers de visiteurs. Au S. de la pé-
ninsule, le travail de dessèchement des marécages a été
entrepris au moyen d'un canal débouchant dans le Caloo-
sahatchee, tributaire du golfe du Mexique. Le sol conquis
se couvre de plantations d'orangers, de cocotiers et de hene-
quen (sorte de chanvre). Entre les Everglades et l'Océan
vivent, à moitié civilisés, mais sans mélange avec les blancs,
quelques centaines d'Indiens, restes de la tribu des Sémi-
noles qui furent transportés en masse au delà du Mississippi
en 4842. A l'extrémité de la chaîne de récifs de corail
(Keys ou Cayos) qui prolonge au S.-O. la côte orientale de
la Floride jusqu'aux îles ïortugas, se trouve l'îlot de Key
West sur lequel s'est élevée la ville de même nom, la plus
peuplée de toute la Floride, excellent port, point d'escale
pour les paquebots qui remontent ou descendent le courant
par le canal de la Floride, lieu de refuge aussi pour les
proscrits de l'île de Cuba. Sur la côte occidentale se trou-
vent Tampa, puis Cedar Keys, à l'embouchure du Suwannee;
au N.-O., en retour sur le golfe du Mexique, une vieille
cité espagnole, Saint-Mark's, ruinée depuis 4704, port na-
turel de la petite capitale, Tallahassee. A l'O. encore, Apa-
lachicola, à l'embouchure du fleuve formé par la réunion du
Chattahoochee et du Flint; et près de la frontière occiden-
tale, Pensacola, port de commerce qui exporte les fontes
de Birmingham, principal centre métallurgique pour FAla-
bama et le Tennessee. La Floride a 2,000 kil. de côtes;
elle produit, outre les fruits et surtout les oranges, le maïs,
le riz, les patates, la canne à sucre et le coton Sea Island;
le sol convient à toutes les productions des tropiques, café,
indigo, arrowroot, tabac. Le gibier, le poisson abondent;
la végétation est magnifique. Une société anglo-américaine
a acheté en 4882 une superficie de 1,600,000 hect. et
entrepris le drainage des 4 millions et demi d'hect. du grand
lac Okeechobee. A. Motreau.
Bibl. : D.-C. Brinton, Guide-Booh to Florida. — Elisée
Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. XVI : Les
Elals-Unis. — Fairbanks, The History ofFlorida; Phila-
delphie, 1872. — Lanïer, Florida, Us scenery, climales.
— Barbour, Florida for tourists, invalids and selliers,
nouv. éd., 1881.
FLORIDÉES (Bot.) (V. Algue).
FLORIDOR (Josias de Soûlas, sieur de Prinefosse,
connu sous le nom de), comédien français (V. Soûlas).
FLORIEN, empereur romain en 276. M. Annias Flo-
rianus, frère de l'empereur Tacite, prit, après la mort de
celui-ci, le titre impérial (276) ; mais, au bout de deux
— 653 — FLORIDE — FLORIN
mois, il fut tué par les soldats, à Tarse en Cilicie. Sa Vie,
écrite par Vopiscus, fait partie de YHistoire Auguste.
FLORIGER10 (Sebastiano) , né à Udine, au début du
xvie siècle, mort après 4543. Il travailla, avec Luca Mon-
verde, Francesco et Antonio Floriani, sous la direction de
Pellegrino da San Daniele, dont il était le beau-fils. Il
peignit, en 4525, un tableau d'autel à Santa Maria di
Villanuova, près de San Daniele, et, pour la corporation
des cordonniers de sa ville natale, une Madone avec
V Enfant, entre saint Augustin et sainte Monique, ta-
bleau d'une ordonnance habile et sage, mais d'une couleur
très froide. Dans l'église San Giorgio d'Udine, on voit de
sa main un Saint Georges combattant le dragon } peint
en 4529, et remarquable surtout par le charme du paysage.
Florigerio se rendit ensuite à Padoue, où il séjourna jus-
qu'en 4533 ; il y peignit pour l'église San Bovo une Pietà,
Saint François, Saint Antoine et Saint Jean-Baptiste
(cette dernière figure est aujourd'hui à l'Académie de Ve-
nise). A la suite d'un duel où il tua son adversaire (4535),
il dut quitter Udine et se réfugia à Cividale, où il demeura
jusqu'en 4543. Il termina sa vie à Udine, en peignant
quelques portraits.
Bibl. : Vasari, Crowe et Cavalcaselle, North Italy,
II. — Perkins, Cyclopœdia of painters.
FLORIMO (Francesco), compositeur et critique, musi-
cien italien, né à San Giorgio Morgeto, près de Naples, le
42 oct. 4800. Elève de Zingarelli et de Tritta, il composa
d'abord des cantates et des messes. Une symphonie funèbre
pour la mort de Bellini fut exécutée aux funérailles de
Zingarelli. En 4826, il fut nommé archiviste du conserva-
toire de Naples. Sous sa direction, la bibliothèque est de-
venue une précieuse collection d'ouvrages sur la musique
et de manuscrits des maîtres napolitains. Il a publié sous
le titre Cenno storico sulla Scuola musicale di Napoli
(Naples, 4869, 2 vol.) un intéressant ouvrage sur le con-
servatoire de Naples. On lui doit encore une méthode de
chant estimée, une brochure intitulée Riccardo Wagner
ed i Wagneristi (Naples, 4876) et un grand nombre d'al-
bums de mélodies italiennes. Ch. Bordes.
FLORIMONT. Corn, du territoire de Belfort, cant. de
Délie; 387 hab.
FLORIMONT-et-Gaumier. Corn, du dép. de la Dordogne,
arr. de Sarlat, cant. de Domme; 544 hab.
FLORIN. C'est à Florence, vers le milieu du xme siècle
(4252), que furent frappées les premières monnaies d'or
portant le nom de florins ; elles étaient à la taille de 8 à
l'once d'or. Ces monnaies se répandirent rapidement, et la
faveur dont elles jouissaient les fit imiter un peu partout ;
de leur apparition jusqu'à la fin du xive siècle, on trouve
les florins ducats de Venise, les florins ducats de Gènes,
les florins ducats de la chambre apostolique ; en Allemagne,
les florins vieux, florins de bon poids, florins à la reine, etc.;
le pape Jean XXII en fit frapper à Avignon au commen-
cement du xive siècle ; plus tard, on trouve les florins de
Béarn, du Dauphiné, des ducs de Bourgogne, de Lorraine,
ceux de la république de Florence. En France, ils furent
fabriqués de Louis IX à Charles V, et on trouve ainsi les
florins à l'aignel, aux fleurs de lis, à la mape ; les titres
affaiblis sous le roi Jean sont rétablis sous Charles V.
Mais, petit à petit, le titre et le poids des florins vint à
diminuer, et on arriva à les remplacer par des florins d'ar-
gent, forme sous laquelle le florin fut longtemps et est
encore employé. Il existait dans nombre d'Etats, de pro-
vinces ou de villes commerçantes, comme monnaie réelle,
monnaie de compte ou monnaie de change, et quelquefois
simultanément dans un même lieu, et avec des valeurs dif-
férentes. A la fin du xvme siècle, voici quelles étaient les
places où le florin existait, avec les subdivisions alors
en usage (l'abréviation m. de cte signifiant monnaie de
compte) :
Amsterdam. — Florin argent = 3 4/2 escalins = 20 sols
= 40 gros = 320 deniers. Le florin d'or était compté
pour 4 4/2 florin ordinaire.
FLORIN
— 654
Augsbourg. — Florin argent = 15 batzen = 20 kaiser-
groschen = 60 kreutzers.
Bâle. — Florin argent =15 bons batzen = 20 gros
= 60 kreutzers.
Berne. — Florin argent = 4 batzen ou 8 sols.
Brunswick. — - Florin argent = 16 bons gros = 24 ma-
riengroschen = 192 pfennigs.
Bruxelles. — Florin argent = 20 sols = 40 gros = 320
deniers.
Cologne. — Florin d'espèce = 53 1/3 albus courants (Fai-
blis était la 80e partie du thaler d'espèce).
Cologne. — Florin courant — 52 albus. Il y avait aussi
comme monnaies de compte : florin de rone = 64 al-
bus ; florin des seigneurs — 40 albus ; florin de Co-
logne — 24 albus.
Dantzig. — Florin (m. de cte) = 30 gros.
Dunkerque. — Florin argent = 20 patars = 40 gros
= 320 pennings.
Francfort-sur-le-Main, Darmstadt, Mayence. — Florin
argent = 60 kreutzers = 240 pfennings.
Genève. — Florin argent = 12 sols = 48 quarts = 144
deniers.
Hanovre. — Florin or = 2 thalers.
Heidelberg. — Florin (m. de cte) = 60 kreutzer = 240
pfennigs.
Kœnigsberg. — Florin argent = 8 bons gros = 30 gros
= 90 escalins = 540 pfennigs.
Leipzig. — Florin or = 2 1/4 thalers.
— Florin d'espèce =zi6 bons gros.
Liebau, Mittau et Windau. — Florin argent = 30 gros
= 90 escalins = 540 pfennigs.
Munich. = Florin argent = 60 kreutzers = 240 hellers.
Munster. — Florin argent = 24 mariengrossen = 224
pfennigs = 448 hellers.
Nuremberg. — Florin or = 3 thalers 4 kreutzers courants.
— Florin (m. de cte) = 20 kaisergroschen = 60
kreutzers = 240 pfennigs.
Osnabruck. — Florin argent = 24 mariengroschen = 48
mathiers = 168 pfennigs = 336 hellers.
Pologne. — Florin (m. de cte) = 1/3 thaler = 30 gros.
Le florin de la Petite-Pologne était le double de celui
de la Grande-Pologne.
Prague. — Florin (m. de cte) = 20 gros = 60 kreut-
zers = 180 deniers blancs = 240 deniers.
Riga. — Florin (m. de cte) = 2/3 reichsthaler = 30 gros.
S* Gall. — Florin argent =10 escalins =15 batzen
= 60 kreutzers = 480 hellers.
Stralsund. — Florin argent = 12 gros = 24 escalins
= 288 pfennigs.
Strasbourg. — Florin argent = 2 livres tournois = 10
escalins = 60 kreutzers = 240 pfennigs.
Trieste. — Florin argent = 5 lire = 60 crazie =
100 soldi = 240 denari.
Ulm. — Florin argent = 15 batzen = 20 gros = 60
kreutzer = 240 pfennigs = 480 hellers.
Vienne. — Florin argent = 60 kreutzers.
Wurttemberg. — Florin (m. de cte) = 15 batzen = 60
kreutzer =168 pfennigs.
Zurich. — Florin (m. de cte) = 16 batzen = 40 escalins
= 60 kreutzers = 480 hellers. — Le florin d'Empire
valait 11/5 florin de Zurich.
Des monnaies si nombreuses et si différentes n'étaient
pas sans causer de réels inconvénients, et, en 1753, il
avait été adopté dans toute l'Allemagne, excepté la Prusse,
le Hanovre, Hambourg, Lubeck, le Holstein, la Poméranie
suédoise, un florin de convention à la taille de 20 au marc
de Cologne ; mais les anciennes monnaies subsistaient
quand même. Enfin en 1837 et 1838, et en même temps
que le thaler, deux types du florin furent adoptés comme
devant être seuls en usage : le florin de convention ou
d'Autriche, à la taille de 20, et le florin de l'Allemagne du
Sud, à la taille de 24 1/2 au marc de Cologne argent fin.
Une nouvelle convention plus générale fut signée le
24 janv. 1857, le florin de convention se trouvant dimi-
nué de 5 % environ ; le titre adopté était celui de 9/10, et
il devait être frappé par livre métrique, 52 1/2 florins de
l'Allemagne du Sud et 45 florins d'Autriche ou de conven-
tion. Pour l'Allemagne, le florin a disparu dans la réorga-
nisation monétaire établie par la loi du 4 déc. 1871. En
Autriche-Hongrie, le florin est toujours la monnaie effec-
tive, mais à peu près uniquement comme papier-monnaie,
les monnaies réelles n'entrant que très peu dans la circula-
tion. Cependant, au moment où ces lignes sont écrites
(mars 1892), des mesures sont prises pour revenir à une
circulation effective, l'étalon unique d'or étant définitive-
ment choisi. On ne sait encore sur quelles bases sera
effectué le remboursement du papier-monnaie, et il serait
difficile de prévoir les résultats de cette reprise des
payements en espèces. En Hollande, le florin est resté
aussi monnaie de compte et monnaie réelle. En 1816, le
florin avait été stipulé comme devant contenir 9^61 d'ar-
gent fin ; mais le rapport qui en résultait entre l'argent et
l'or (1 à 15 7/8) étant supérieur à celui pratiqué en
France, les monnaies d'argent s'exportaient de plus en
plus. Pour remédier à cet état de choses, la création du
florin de 10 gr. au titre de 945 fut faite en 1839 ; c'est
celui qui existe encore aujourd'hui. En Angleterre, on
désigne sous le nom de florin la pièce de 2 shillings.
- Voici les titres et poids des principales monnaies du
nom de florins depuis le xvme siècle :
Allemagne. — Florin de convention cou- ^
rant (1753) 14*03 à 833
Allemagne. — Florin de l'Allemagne du
Sud 10,60 à 900
Allemagne. — Florin de l'Allemagne du
Sud (1813, 1819, 1827) 12,72 à 750
Anhalt-Bernbourg. — Florin 13,06 à 995
Autriche. — Florin de Marie-Thérèse. . 14,02 à 833
— Florin de Joseph II 14,02 à 833
— Florin de convention. ... 12,34 à 900
— Florin de 1832 ...... 12,99 à 900
Bade. — Florin . . , . 12,71 à 752
— — 10,60 à 901
Bâle. — Florin or 3,18 à 695
Bàle. — Florin argent 14,07 à 868
Bavière. — Florin argent. ....... 10,00 à 900
Berg et Cièves (duché). — Florin. . . . 17,35 à 750
Brunswick. — Florin (1817-1834 . . . 13,12 à 993
— Florin -14,02 à 833
Francfort-sur-le-Main. — Florin .... 10,60 à 900
Hanovre. — Florin or 3,24 à 786
— FI. arg. ou pièce de 2/3 thaler. 13,06 à 993
— — — 13,23 à 993
— — — 13,10 à 993
__ __ 11 72 à 993
Hesse-Cassel. — Florin. ........ 14,02 à 833
Hesse-Darmstadt. — Florin ou 1/2 rixdale. 14,05 à 833
— Florin 10,58 à 900
Hesse-Hombourg. — Florin . 10,60 à 900
Hohenzollern-Hechingen 10,60 à 900
Hohenzollern-Sigmaringen. — Florin. . . 10,60 à 900
Hollande. — Florin 10,55 à 907
— - 10,23 à 913
— — . . 10,51 à 917
— — (1816) 10,76 à 893
— — 10,00 à 945
— — (colonies) ...... 10,70 à 914
— — — 10,00 à 945
Lucerne. — Florin 13,38 à 764
. — — .... 0 7,65 à 820
Mecklembourg-Schwerin. — Florin (1789). 17,30 à 755
— Florin nouv. . 17,40 à 750
Nassau. — Florin 10,52 à 900
— — 10,62 à 900
Palatinat du Rhin. — Florin 12,96 à 993
Pologne. — Florin onzlot 4,54 à 593
655 —
FLORIN — FLORIS
Prusse. — Florin de Brandebourg .... 17,05 à 753
Prusse. — Florin de Silésie ....... 14,71 à 750
Royaume Lombardo-Vénitien ....... 12,95 à 903
Saxe. — Florin 14,02 à 834
Saxe-Meiningen. — Florin 12,80 à 900
— — . 10,62 à 900
Schwarzbourg-Rudolstadt.— Florin. . . . 10,57 à 900
Stolberg-Gedern. — Florin. ....... 13,06 à 995
Toscane. — Florin de 1 2/3 lira. ..... 6,87 à 916
Wurttemberg. — Florin ........ 12,72 à 751
— — 10,60 à 900
Zurich. — Florin 12,75 à 844
G. François.
FLORINGHEM. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr.
de Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. de Heuchin; 561 hab.
FLORINSKY (Timothée), professeur et écrivain russe
contemporain, né vers 1 850. Il s'est particulièrement occupé
de l'histoire des Slaves méridionaux et est devenu profes-
seur d'histoire à l'université de Kiev. Il a collaboré à divers
recueils scientifiques et publié entre autres ouvrages : les
Actes duMont-Athos (Saint-Pétersbourg, 1 880); les Slaves
du Sud et Byzance à la fin du xive siècle (ib., 1882) ;
Annuaire slave (Kiev, 1884); la Législation du tsar
Douchan (Kiev, 1888).
FLORIN US (Henrik), écrivain finlandais, né à Pemar
ou Paimio en 1633, mort en 1705. Recteur de l'école de
Tavastehus (1664), il succéda à son père (1671 ) dans le
pastorat de Pemar, qu'il permuta (1689) contre celui de
Kimito ou Kemiœ, car Pemar était devenu une prébende
universitaire, et, lorsque celle-ci eût été attribuée (1699) à
l'un de ses fils qui étudiait à l'étranger pour devenir pro-
fesseur adjoint en théologie, il reprit l'administration de sa
première paroisse, après avoir cédé celle de Kimito à son
autre fils Henrik, qui fut exécuté en 1706, avec la femme
d'un bailli, dont il avait assassiné le mari. On doit au père
une édition revisée (1685) de la Bible finnoise de 1642 ;
le premier essai de dictionnaire finnois (Nomenclatura
rerum brevissima latino-sueco-finnonica; Âbo, 1678 ;
nouv. éd., 1683 ; remaniée sous le titre de Vocabularium
avec addition de l'allemand, Stockholm, 1695; nouv. éd.,
1708, 1733) ; un recueil de Vieux Proverbes finnois (Âbo,
1702), commencé par Tammelinus ; des écrits de théologie
et de piété en latin et en finnois ; enfin Oratio metrica de
poesi (Abo, 1652). ^ B-s.
FLORIO (John), écrivain anglais, né vers 1553, mort
en 1625. Son père, Michael-Angelo Florio, était un pro-
testant de Florence, réfugié en Angleterre, où il prêchait
et donnait des leçons. On a de lui quelques ouvrages de
linguistique et d'histoire en toscan. John Florio enseigna
aussi les langues étrangères et eut pour patrons les comtes
de Leicester, de Southampton et de Pembroke. En 1603,
la reine Anne le nomma son lecteur italien aux appointe-
ments de 100 livres sterling par an, et l'année suivante
il fut élevé aux fonctions de gentilhomme valet de chambre
du roi. A sa mort, il légua au comte de Pembroke tous
ses livres italiens, français et espagnols, au nombre de
trois cent quarante environ. Malgré son style fleuri et
emphatique, Florio fut un compilateur et un traducteur,
bien plus (ju'un écrivain original. Il fit connaître Montaigne
aux Anglais par sa traduction intitulée The Essayes on
Morall, Politike, and Millitarie Discourses (1603),
dont Shakespeare possédait un exemplaire. On a, en outre,
de lui : First Fruits, dialogues anglo-italiens, suivis de :
Perfect Induction to the Italian and English Touques
(1578), après lesquels il donna ses Second Fruits, suivis
du Garden of Récréation contenant six mille proverbes
italiens (1591), et A Worlde ofWordes, dictionnaire ita-
lien-anglais, son œuvre la plus considérable (1598), dont
une quatrième édition, revue et corrigée par J. Davis,
parut en 1688. ^ B.-H. G.
F LORIOT (Pierre), écrivain janséniste, né dans le
diocèse de Langres en 1604, mort en 1691. Il fut
d'abord préfet des petites écoles que les solitaires du Port-
Royal avaient établies à la ferme des Granges, puis curé
de Lays, près des Vaux-de-Cernay et, peu de temps après,
confesseur des religieuses de Port-Royal-des-Champs.
— OEuvres : Morale du Pater (Rouen, 1672, in-4), réim-
primée sous le titre : Morale chrétienne rapportée aux
instructions que Jésus-Christ a données dans l'Orai-
son dominicale (Paris, 4676, in-4 ; Rouen, 1741,5 vol.
in-12) ; Homélies morales sur les évangiles de tous les
dimanches de Vannée et sur les principales fêtes de
Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la Sainte Vierge
(Paris, 1677, 2 vol., in-4, 1681, 1687) ; Traité de la
messe de paroisse, où l'on découvre les grands mys-
tères cachés sous le voile de la messe publique et so-
lennelle (Paris, 1679, in-8) ; Recueil de pièces concer-
nant la morale chrétienne sur f Oraison dominicale
(Rouen, 1745, in-12). On attribue, en outre, à Floriotun
écrit sur les Paroles de la consécration.
Bibl. : Besoigne, Histoire de l'abbaye de Port-Royal ;
Cologne, 1752, 6 vol. in-12. — Sainte-Beuve, Port-Royal.
FLORIS (Frans de Vriendt, dit Frans), peintre fla-
mand, né à Anvers vers 1517, mort à Anvers en 1570.
Sous la direction de son père, Cornélis, qui était tailleur
d'images, il apprit d'abord la sculpture; puis il partit
pour Liège, où il travailla dans l'atelier de Lambert
Lombard, cet admirateur fanatique de l'Italie et de l'an-
tiquité, philologue et numismatiste autant que peintre.
Après s'être assimilé avec une habileté surprenante la
manière classique et théâtrale que trahissent les très
rares peintures de ce maître et les gravures que Cock
a données de quelques autres, Frans Floris fit un
voyage en Italie, où il copia des antiques et beaucoup de
figures dans les fresques de Michel- Ange. Il s'y lia avec
Yasari, qui le comble d'éloges et en fait le Raphaël des
Pays-Bas. Sa renommée le suivit à Anvers, où il revint
avant 1540, et fut admis aussitôt dans la gilde des pein-
tres. Il ouvrit une école, où il forma plus de 120 élèves,
dont les meilleurs furent Martin de Vos et les Francken.
Le prince d'Orange, les comtes d'Egmont et de Horn, toute
la noblesse des Pays-Ras lui rendait visite. Le luxe de sa
table était célèbre, et sa réputation de grand buveur lui
attira de toutes les Flandres des défis dont il sortit toujours
victorieux. Dans une rue d'Anvers qui prit son nom (Flo-
risslrasse, aujourd'hui par corruption, rue aux Fleurs),
il se fit bâtir une maison très riche, sur la façade de laquelle
il peignit sept figures allégoriques des arts libéraux. Sa faci-
lité merveilleuse lui permit de suffire jusqu'au bout à ces
prodigalités de grand seigneur. Il fut enterré dans l'église des
Récollets, où l'on pouvait lire autrefois l'épitaphe flamande
de toute la famille Floris. Ses œuvres les plus curieuses et
les plus personnelles sont de grandes scènes violentes et
tourmentées, telles que [le triptyque du Jugement der-
nier (1566), au musée de Bruxelles, et surtout la Chute
des Anges rebelles (1554), au musée d'Anvers. On y
trouve des détails monstrueux et grotesques qui sont bien
flamands, à côté d'attitudes compliquées, de raccourcis
savants, d'enchevêtrements inextricables, qui trahissent
l'imitation directe de Michel-Ange ; le dessin est énergique,
mais dur, et la couleur assez crue. Dans le Jugement der-
nier, Floris s'est représenté lui-même surgissant d'un
sépulcre dont le Temps lève la pierre. Avec ce que l'on sait
de ses débauches, on ne peut s'étonner que Floris, à
l'exemple de tant d'Italiens de son temps, ait aimé les su-
jets licencieux, qu'il choisit indistinctement dans la mytho-
logie ou la Bible ; tels sont : Mars et Vénus surpris par
Vulcain (galerie de Brunswick et musée de Berlin) ; Vénus
et Cupidon (Brunswick et Berlin) ; Loth et ses filles
(galerie de Dresde et Berlin), etc. Les têtes sont insigni-
fiantes, mais les chairs ont parfois un beau coloris. Quant
aux autres peintures de Floris, et surtout aux tableaux
religieux, ce sont en général des œuvres habiles et froides :
Adoration des Bergers (Anvers) ; les Neuf Muses, le
Christ et' les Enfants (Ryksmuseum d'Amsterdam) ;
V Adoration des Mages, terminée en 1571 par l'élève de
FLORIS - FLOTOW
656 —
F. Floris, Hieronymus Francken (Bruxelles); Caïnet A bel
(galerie de Copenhague); un Portrait de femme (à la
Pinacothèque de Munich) ; Adam et Eve devant V Arbre,
Adam et Eve chassés du Paradis, une Sainte Famille
(musée de Vienne) ; un Déluge et deux portraits (Madrid) .
Les tableaux les plus intéressants de cette série sont le
Saint Luc peignant la Vierge (Anvers), où l'artiste a
donné au saint les traits du peintre Rykaert Aertsz, et s'est
peint lui-même broyant les couleurs ;" un Christ au jardin
des Oliviers (Cassel), de très petites dimensions, mais
d'une lumière saisissante et d'une noblesse rare chez ce
peintre facile et vulgaire.
Les frères de Frans Floris se firent tous un nom dans
les arts : l'aîné, Cornélis, architecte renommé, construisit
à Anvers, entre autres monuments, l'hôtel de ville, qui,
terminé en 4560, fut brûlé en 4570, et reconstruit en
1581 dans le même style, mais par un autre architecte, tel
qu'on le voit aujourd'hui. — Le second, Jakob, fut un des
meilleurs peintres verriers de la Flandre (V. l'art, suiv.).
— Enfin, le troisième, Jean, fut si connu comme mode-
leur que Philippe II l'appela en Espagne où il mourut. — Les
deux fils de Frans Floris, Jean-Baptiste et Frans furent
également peintres tous les deux. Le premier fut tué fort
jeune à Bruxelles, dans une rixe avec des Espagnols ; le
second travailla à Rome, où il produisit des tableaux de
genre et des gravures à l'eau-forte. E. Bertaux.
Bibl. : Perkins, Cyclopœdia of Painters. — Waagen,
Ecoles allemande, flamande et hollandaise, liv. IV,
ch. ier. — Michiels, Histoire de la peinture flamande, t. V.
FLORIS (Jakob de Vriendt, dit), frère da précédent,
peintre verrier, mort à Anvers en 1581. Les douze vitraux
de la cathédrale de Tournai, avec des sujets tirés de l'his-
toire des rois mérovingiens, lui ont été longtemps attri-
bués, mais doivent être restitués à L. Adrians. Deux ver-
rières de sa main, placées autrefois, l'une au-dessus du
portail de Sainte-Gudule à Bruxelles, l'autre (une Adora-
tion des bergers) dans la chapelle dite des Pauvres à
Notre-Dame d'Anvers, ont aujourd'hui disparu. On ne sait
s'il faut l'identifier avec l'artiste du même nom qui a des-
siné des compositions décoratives gravées par Hieronymus
Gocks en 1567 et par Liefnnck en 1564. D'après les dates,
il est certain qu'il ne faut pas le confondre avec un autre
Jakob Floris, qui a peint les vitraux du monastère des
carmélites, à Anvers, de 1592 à 1615 : les sujets en sont
empruntés à l'histoire du prophète Elie.
Bibl. : Baron Reiffeinberg, la Peinture sur verre aux
Pays-Bas, dans les Nouveaux Mémoires de l'Académie
royale de Belgique, 1832.
FLORNOY. Com. du dép. la Haute-Marne, arr. etcant.
de Wassy; 156 hab.
FLORUS (Julius ou Gaius Annius), historien romain de
la première moitié du ne siècle ap. J.-C. On a voulu
l'identifier avec le rhéteur poète Publius Annius Florus. Il
a rédigé un abrégé de l'histoire romaine de Tite Live
(Epitomœ de Tito Livio bellorum omnium annorum
DUC libri duo). Le style est poétique et déclamatoire;
l'ouvrage a l'allure d'un panégyrique ; c'est une narration
philosophique. Les erreurs sont rares. Outre Tite Live qu'il
copie parfois mot à mot, Florus a utilisé d'autres sources.
Le premier livre va jusqu'au temps des Gracques ; le se-
cond raconte la fin de la République jusqu'à l'avènement
d'Auguste. Les meilleures éditions sont celles de Dukerus
(Leyde, 1722, 8 vol., souvent réimprimée), Jahn (Berlin,
4852) et Hahn (Leipzig, 1854).
Bibl. : Heyn, De Floro historico ; Bonn, 1866. — Spren-
gel, Die Geschichtsbiicher des Florus; Munich, 1861.
FLORUS Drepanius, diacre, puis prêtre de l'Eglise de
Lyon, mort vers 860. Quelques-uns de ses écrits sont inté-
ressants pour l'histoire des dogmes au moyen âge. Chez ses
contemporains, Florus était renommé non seulement pour
sa science, mais à cause d'une bibliothèque considérable
qu'il avait rassemblée. — OEuvres principales : Commen-
tarius sive Expositio in canonem missœ (Paris, 1548,
1589; Lyon, 1677). Dans ce traité, composé vers 834,
Florus combat la doctrine de la transsubstantiation expo-
sée par Radbert (V. Eucharistie). Liber de prœdestina-
tione , contra Johannis Scoti erroneas definitiones
(Lyon, 1677); Commentarius in omnes S. Pauli epis-
tolas (Baie, 1553 ; Cologne, 1612), longtemps attribué à
Bède ; De episcoporum electione (Paris, 4605, 1666);
Poésies latines (Paris, 1560), exprimant avec un senti-
ment assezprofond et des traits caractéristiques les misères
de l'époque ; Collection de décrets tirée du code Théodo-
sien et de divers conciles; Additions au Martyrologe de
Bède. La bibliothèque d'Avranches possède en manuscrit
(in-fol. n° 2428) une Histoire universelle attribuée à
Florus. E.-H. V.
Bibl. : Histoire littéraire de la France, t. V.
FLOTARD (Eugène), publiciste et homme politique fran-
çais, né à Saint-Etienne le 21 mars 1821. Après de fortes
études de droit, il fut en 1 848 attaché au parquet de Saint-
Etienne, démissionna après le coup d'Etat du 2 décembre
et devint administrateur de la Banque de France de Saint-
Etienne (1852) et conseiller municipal de cette ville. Ils'établit
à Lyon en 1855, collabora à divers journaux : le Progrès
de Lyon, le Temps, l'Avenir national, etc., et devint
conseiller de préfecture en 1870. Le 8 févr. de la même
année, il fut élu représentant du Rhône à l'Assemblée na-
tionale, où il siégea parmi les républicains modérés et où
il s'occupa surtout de questions financières. Il échoua aux
élections sénatoriales dans le Rhône, le 30 janv. 1876 et
le 8 janv. 1882. Un des fondateurs as l'Economiste fran-
çais (1861), M. Flotard a publié : Trois Lettres Èur le
Congrès (Lyon, 1841, in-8) ; la France démocratique
(Paris, 1850, in-8) ; Images et Pensées, poésies (1851,
in- 12) ; Etudes sur la théocratie (1861, in-8) ; la Be-
ligion primitive des Indo-Européens (1864, in-8) ; le
Mouvement coopératif à Lyon et dans le midi de la
France (1867, in-12); la Comédie moderne (1869,
in-12) ; Principes philosophiques et pratiques de droit
pénalJiSM, in-8), etc.
FLOTNER (Peter-F.), dessinateur et graveur sur bois
nurembergeois, mort le 23 oct. 1546. On le trouve men-
tionné pour la première fois dans un catalogue manuscrit
de Paul Behaim, au monogramme P F, et l'on ne sait rien
de sa vie. Il paraît s'être aussi occupé en petit de sculp-
ture. Ses gravures représentaient principalement des scènes
delà vie quotidienne ;mais ses œuvres les plus estimées, ce
sont les séries de modèles qu'il fournissait aux menuisiers,
damasquineurs et orfèvres. Une de ces séries a paru en
1549 à Zurich chez P. Wyssenbach.
FLOTOW (Friedrich-Ferdinand-Adolf, comte de), com-
positeur allemand, né à Teutendorf (Mecklembourg) le
27 ayr. 1812, mort à Darmstadtle 23 janv. 1883. Elève
de Reicha, il débuta comme musicien dramatique par quelques
morceaux écrits pour une pièce intitulée le Comte de Cha-
rolais et par Seraphina, opéra-comique, dont Frédéric
Soulié avait fait le poème, joué chez le marquis de Bellis-
sen, au château de Royaumont le 30 oct. 1836. Un autre
petit ouvrage de Flotow, Pierre et Catherine, sujet que
traita aussi Adolphe Adam, fut représenté par des amateurs
sur le théâtre de l'hôtel de Castellane ; il faut citer aussi
un air écrit pour une pièce du Vaudeville, la Champ-
meslé (1837). Le 3 avr. 1840, dans une soirée au béné-
fice des Polonais, des amateurs jouèrent la Duchesse de
Guise, opéra tiré par le comte de La Bouillerie du drame
d'Alexandre Dumas, Henri III, avec musique de Flotow.
Le musicien écrivit encore Bob-Boy, joué dans un château
près de Paris, un opéra allemand, Theodor Kôrners Berg-
knappen et la musique du drame le Naufrage de la Mé-
duse (1839), en collaboration avec Pilati. En 1840, il
donna le Forestier à l'Opéra-Comique ; en 1845, l'Esclave
du Camoëns et, à l'Opéra, un acte du ballet Lady Hen-
riette (les deux autres actes étaient de Burgmùller et Del-
devez). Le 30 déc. 1844, Alessandro Stradella, sur un
sujet que Niedermeyer avait déjà mis en musique, fut bien
accueilli à Hambourg ; le succès de l'ouvrage se renouvela
dans les autres grandes villes d'Allemagne et valut, dit-on,
657 —
FLOTOW — FLOTTE
à l'auteur, le titre de chambellan du duc de Mecklembourg.
En 4846, VAme en peine fut représentée à Paris; on a
prétendu que Flotow y avait utilisé sa musique du Fores-
tier, musique qui n'a jamais été gravée ; d'ailleurs, sous
le titre de Léoline, VAme en peine reparut à Londres en
1848. En 1847, Flotow écrivit et fit jouer à Vienne son
opéra-comique le plus célèbre, Martha ou le Marché de
Richemond, où il avait simplement fait reprendre et am-
plifier le sujet de Lady Henriette. La représentation vien-
noise est du 25 nov. 1847. Depuis, cet ouvrage agréable
et facile, mais dépourvu d'originalité et dont la seule mélo-
die pénétrante est un délicieux thème populaire irlandais
(dans la partition : Letzte Rose, etc.), a été joué avec
succès sur un grand nombre de théâtres en Allemagne, en
France et ailleurs. Une faveur très marquée a également
accueilli V Ombre, jouée à l'Opêra-Comique le 7 juil. 1870.
Les autres productions scéniques de Flotow sont : Veuve
Grappin (Paris, 1859) ; Pianella (Paris, 1860, sur le
sujet de la Serva Padrona) ; Un Conte d'hiver (Vienne,
1862); Indra (Vienne, 1864?); Zilda (Paris,1866) ; Am
Runenstein, en collaboration avec Richard Gênée (Prague,
1868) ; Naïda (Milan, 1873) ; Il Fior d'Harlem (Turin,
1876) ; Aima V Incantatrice (Paris, Théâtre-Italien, 1878)
et deux ballets, la Libellule (Vienne, 1866) et Tann-
konig (Darmstadt, 1867). D'autres ouvrages, la Grande
Duchesse, Albin, Riibezahl, écrits pour l'Allemagne, pa-
raissent n'avoir pas été représentés, ou ont passé complè-
tement inaperçus. On doit encore à Flotow quelques lieder,-
chants à quatre voix, romances, des duos pour violoncelle
et piano, des trios pour piano et cordes. Comme musicien,
Flotow n'était qu'un amateur de peu de savoir. Ses com-
positions sont parfois aimables, aisées, d'un certain en-
jouement et d'une sentimentalité mélodique tout extérieure,
mais nullement originales, sans accent vrai et sans valeur
réelle.^ Alfred Ernst.
FLÔTRE (Papet.). On désigne sous ce nom, dans la
fabrication du papier à la main, les feutres qui servent à
recevoir la feuille de papier humide au moment où elle
quitte la forme. Un certain nombre de feuilles de papier,
alternant chacune avec un fïôtre, composent la pile que
l'on met en presse, pour en extraire la plus grande quan-
tité d'eau contenue. Les flôtres doivent être lavés de temps
en temps à l'eau contenant du savon ou du sel de soude en
dissolution. Pour augmenter la durée des flôtres et leur
résistance à l'action permanente de l'humidité, on les passe,
avant emploi, dans une dissolution chaude de matières
tannantes. L'écorce de chêne sert généralement dans
ce but. L. K.
FLOTTAGE (V. Cours d'eau).
FLOTTAISON (Ligne de) (Mar.). Un navire enfonce
dans l'eau d'une certaine quantité (qu'il soit lège ou qu'il
soit en charge) jusqu'à ce qu'il ait déplacé un volume d'eau
dont le poids soit égal à son propre poids. Il est alors
dans un état d'équilibre ; il flotte, ayant une partie im-
mergée et l'autre au-dessus de l'eau. La ligne qui. sépare
ces deux parties est la ligne de flottaison, ligne tracée par
l'eau elle-même le long de la carène du navire. Il résulte
de ce que nous venons de dire que la ligne de flottaison
d'un bâtiment change constamment ; ne serait-ce que par
le charbon, les vivres, l'eau consommés chaque jour. Mais
deux cas seulement sont à examiner. C'est la ligne de flottai-
son lège et la ligne de flottaison en charge. Rappelons que le
poids du volume d'eau de mer contenue dans la tranche
comprise entre ces deux lignes s'appelle exposant de
charge (V. ce mot). C'est cet exposant de charge qui fera
connaître le poids que l'on peut mettre à bord, soit comme
marchandises, s'il s'agit d'un navire de commerce, soit
comme artillerie, charbon, etc., s'il s'agit d'un navire de
guerre, afin que le navire, une fois armé, soit dans des
conditions de flottabilité, de lignes d'eau prévues par le
constructeur. Remarque capitale au point de vue de la
vitesse, car le pas de l'hélice, la force de la machine ont
été calculés en vue de l'immersion en charge, afin de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
donner au bâtiment une vitesse prévue de tant de nœuds.
Il est bien évident que si l'immersion augmente, la résis-
tance à vaincre est plus grande, d'où perte de vitesse. Si,
au contraire, l'immersion est trop faible, l'utilisation de
l'hélice est moindre généralement ; de ce chef encore,
perte de vitesse, et à notre époque il ne faut pas oublier
que vitesse c'est temps et par suite argent.
FLOTTANTS (Corps) (V. Archimède [Principe d'1).
FLOTTE (V. Marine).
FLOTTE (Pèche). Pour soutenir les filets ou des empiles
attachées à une ligne de fond, on emploie des corps légers
que l'on attache à la tête de ces filets, en ayant soin de pro-
portionner le volume des flottes à la pesanteur des filets
qu'ils doivent soutenir ; les flottes peuvent être en liège,
en verre. Lorsque les filets sont très grands et, par con-
séquent, très pesants, comme les filets au hareng, au ma-
quereau, on soulage les flottes par l'emploi de bouées ou
de tonnelets vides dits quarts-à-poche. — On désigne aussi
sous le nom de flotte le flotteur qui sert dans la pêche à la
ligne en eau douce ; ces flottes, dont la forme est très va-
riée, peuvent se rattacher à trois systèmes principaux :
flottes verticales, flottes obliques, flottes horizontales.
FLOTTE (La). Corn, du dép. de la Charente-Inférieure,
dans l'île de Ré, arr. de La Rochelle, cant. de Saint-Mar-
tin-de-Ré ; 2,447 hab. La Flotte, autrefois Navigium,
possède un port de cabotage dont l'origine remonte au
moins à 1586 et qui peut recevoir des navires de 100 à
150 tonneaux. Al'E. sont les restes de l'abbaye des Châte-
liers, bâtie au xne siècle. G. R.
Bibl. : Dr Kemmerer, Histoire de Vile de Ré, 1868, 2 vol.
in-8, passim, et t. I, p. 188. — Ministère des travaux
publics. Ports maritimes de la France, 1883, t. V, p. 639
(notice de M. H. Bonneau).
FLOTTE (Pierre), chancelier de France, l'un des mi-
nistres de Philippe le Rel, mort à la bataille de Courtrai
le 11 juil. 1302. On sait jusqu'à présent peu de choses sur
ce légiste qui fut jusqu'à sa mort le principal ministre de
Philippe le Bel. Pierre Flotte (ou plutôt Floté) était origi-
naire d'Auvergne. « Chevalier du roi », on le voit chargé
de missions dès 1293 (Olim, II, 13) et siéger à la cour
du roi en 1298 (Olim, II, 397). A partir de 1297-98 au
plus tard, il fut mêlé aux grandes affaires : envoyé à Rome
au sujet de la canonisation de Louis IX (cf. une bulle de
Boniface VIII en sa faveur, datée du 8 juil. 1298, sous le
n° 2679 des Registres de Boniface V1IÏ), et comme am-
bassadeur en Allemagne. Les envoyés du roi d'Angleterre qui
menèrent au Louvre les négociations avec la France pendant
l'hiver de 1 299 nous ont conservé une relation détaillée de
leurs travaux (Public Record Office de Londres, Miscella-
neous Rolls, n° 473) ; on y voit Pierre Flote jouer le pre-
mier rôle et porter constamment la parole au nom de la
couronne. C'est, dit-on, P. Flote qui rédigea l'acte d'accu-
sation dans le procès de Bernard Saisset (V. ce nom), et
l'on remarque que l'un des témoins entendus dans le pro-
cès s'est fait l'écho de bruits bien peu flatteurs pour le
familier de Philippe le Bel : « Petrus Flote nihil sine
muneribus faciebat » (Preuves du Différend,.,, p. 632).
Ce serait P. Flote qui, suivant l'opinion généralement ad-
mise, aurait été chargé de résumer la bulle Ausculta, fili^
de manière à mettre en relief les prétentions de Boniface VIII
et à exciter l'indignation populaire ; ce serait encore lui
qui aurait rédigé la fameuse réponse : « Sciât tua maxima
fatuitas. » On sait enfin qu'il prononça, comme chancelier,
le 10 avr. 1302, devant les trois Etats de France réunis à
Notre-Dame de Paris, un grand discours dont le texte est
malheureusement perdu (cf. Histoire littéraire de la
France, XXVII, 372), mais dont on connaît la substance
et qui produisit un grand effet. Boniface VIII a lancé contre
Pierre Flote de terribles invectives ; il l'appelle dans ses
bulles Bélial, Achitophel, et il nous apprend qu'il était
borgne : « Semividens corpore, menteque totaliter excœ-
catus. » Le chancelier fut tué les armes à la main à la
bataille de Courtrai. — Pierre avait un frère , Géraud
Flote, qui fut bailli de Mâcon en 1 295 et de Périgord en
42
FLOTTE — FLOU
658 -
1299. Gomme la plupart des ministres de ce temps, il
fonda une grande famille féodale; la maison de Flote fut
peut-être au xive siècle la plus considérable des maisons
de noblesse ministérielle issues des légistes de Philippe le
Bel. — De Guillaume Flote, fils de Pierre, chevalier, sire
de Revel, on a une quittance datée du 19 juil. 1313 qui
mentionne un voyage diplomatique de ce personnage en
Angleterre; il fut plus tard, lui aussi, chancelier de France,
et combattit à Crécy. — Son fils, Pierre II, fut amiral de
France et épousa une fille de Gaucher de Châtillon. — Guil-
laume II, fils de Pierre, fut un très grand seigneur ; il
avait d'immenses possessions et beaucoup d'influence en
Auvergne; il vivait encore en 1413; il avait eu un fils,
Antoine, [dit Floton de Revel, qui fut tué prématuré-
ment, comme le fondateur même de la famille, en 1382, à
la bataille de Rosebeke. — La dernière héritière du nom et
des titres de cette maison fut Jeanne Flote, « la dame de
Revel », qui se maria trois fois, et mourut le 14 févr. 1431 ,
sans enfants. — Il y aurait lieu de faire des recherches sur
la biographie de Pierre Flote, que des documents inédits
permettraient certainement de préciser. Sur l'histoire de la
famille Flote au xive et au xv6 siècle, on consultera Y His-
toire généalogique du P. Anselme (VI, pp. 275 et suiv.);
et Fr. du Chesne {Histoire des chanceliers et des gardes
des sceaux de France; Paris, 1680, in-foL). Ch.-V. L.
FLOTTE (Etienne-Gaston, baron de), littérateur français,
né à Saint-Jean-du-Désert (Bouches-du-Bhône) le 26 févr.
1805, mort à Saint-Jean-du-Désert le 23 août 1882. Colla-
borateur assidu de la Mode, du Souvenir, de la Gazette du
Midi, de la Revue de Paris et autres périodiques, très lié
avec Méry, Autran, Barthélémy, il a écrit des poésies ani-
mées du royalisme et du catholicisme le plus ardents. Ci-
tons : Dante exilé et Souvenirs (Marseille, 1833, in-8);
Essai sur Vétat de la littérature à Marseille depuis le
xvne siècle jusqu'à nos jours (1836, in-8) ; Jésus-Christ,
poème (1841, in-18) ; la Vendée, poème (1847, in-18) ;
les Sectes protestantes (Paris, 1856, in-8); Révues
parisiennes. Les Journaux. Les Revues. Les Livres
(1860, in-12); Souvenirs, études, mélanges littéraires
(1865, in-12), auxquels il a joint la Correspondance de
Jean Reboul ; Souvenirs, poésies (1868, in-12) ; le Cen-
tenaire de Voltaire (1877, in-8).
F LOTT E (Paul-Louis-François-René, vicomte de) , marin et
homme politique français, né à Landerneau le lerfévr. 1817,
mort à Reggio (Italie) le 22 août 1860. Elève de l'Ecole de La
Flèche et de l'Ecole navale, il prit part aux expéditions de
la Vénus et de Y Astrolabe, servit aux Antilles (1840) et,
parvenu au grade de lieutenant de vaisseau (1843), se
lança tout à coup avec ardeur dans le socialisme et devint
un des apôtres les plus convaincus de la doctrine phalans-
térienne. Arrêté pour sa participation aux événements du
15 mai 1848, il fut interné à Belle-Isle d'où il essaya sans
succès de s'échapper. Condamné à un mois de prison pour
cette tentative d'évasion, on le laissa en liberté après l'ex-
piration de cette dernière peine. Le 10 mars 1850, sa can-
didature fut posée à une élection partielle dans le dép . de
la Seine, par le parti démocratique. Elu avec une grosse
majorité en même temps que Carnot et Vidal, de Flotte sié-
gea sur la Montagne. Expulsé à la suite du coup d'Etat du
Deux -Décembre, il s'établit en Belgique. Il eut ensuite une
existence fort aventureuse, revint en France sous un faux
nom et entra au service d'une compagnie de chemins de fer,
commanda un corps de volontaires français dans l'armée de
Garibaldi en Sicile, dirigea la flottille et fut tué en tentant
un débarquement en Calabre. On a de lui : la Souverai-
neté du peuple (Paris, 1851, in-8); Mémoires sur la
substitution de l'hélice aux roues du bateau à vapeur
(1843), etc.
FLOTTEMANVILLE. Corn, du dép. de la Manche, arr.
de Valognes, cant. de Montebourg; 262 hab.
FLOTTEMANVILLE-Hague. Corn, du dép. de la Manche,
arr. de Cherbourg, cant. de Beaumont-Hague; 402 hab.
FLOTTEMENT (Art milit.). Ondulation qui se produit
dans les rangs d'une troupe en marche, quand le pas n'est
pas uniforme, et principalement quand le guide sur lequel
se règle la marche ne suit pas une direction rigoureuse-
ment perpendiculaire à celle du rang.
FLOTTEUR. I. Mécanique. — Appareil destiné à indiquer
le niveau de l'eau dans une chaudière. Il se compose d'une
sphère ou d'une lentille creuse, fixée à l'extrémité d'un bras
de levier relié à un axe qui traverse la façade ou l'enveloppe
de la chaudière en passant dans un presse-étoupe. Cet axe
porte à l'extérieur un index, dont les différentes positions sur
un cadran, bien en vue du chauffeur, indiquent la hauteur
de l'eau à l'intérieur de la chaudière. Les positions extrêmes
de l'index correspondent au manque d'eau ou à un ni-
veau trop élevé ; elles sont accusées par l'ouverture d'un
sifflet à vapeur dont le bruit strident appelle immédiatement
l'attention du surveillant. On doit visiter assez fréquem-
ment le flotteur, car si sa densité change par suite de
dépôts à la surface, les indications ne correspondent plus
avec celles de la densité primitive; ces indications varient
aussi avec les changements de densité de l'eau de la chau-
dière. Son emploi, limité d'ailleurs aux chaudières fixes,
tend à tomber en désuétude ; on se sert aujourd'hui des
tubes de niveau d'eau qui remplissent le même but. L'in-
dicateur magnétique de Lethuillier et Pinel, très répandu
dans les usines, se compose d'un flotteur en forme de sphé-
roïde, dont la tige passe librement dans un piétement en
fonte terminée par une boîte carrée en cuivre fondu. Le
bout de la tige du flotteur porte un fort aimant magnétique.
Contre l'une des faces de la boîte en cuivre, il existe une
aiguille isolée de tout support mécanique et qui n'est main-
tenue que par l'attraction de l'aimant aujuel elle sert d'ar-
mure. Les positions de cette aiguille indiquent les fluctua-
tions du niveau intérieur : deux sifflets avertisseurs du
manque ou du trop d'eau sont mus automatiquement par
des taquets placés sur la tige des flotteurs. L. K.
IL Hydraulique (V. Vitesse des cours d'eau).
FLOTTILLE (Mar.). On appelle flottille la réunion en
nombre quelconque de petits bâtiments de guerre, tels
que : avisos de flottille, canonnières de différents types,
chaloupes-canonnières, torpilleurs, etc. La réunion d'une flot-
tille n'a lieu que dans certains cas déterminés, en première
ligne desquels il faut mettre : les opérations combinées
ou mixtes, c.-à-d. celles auxquelles prennent part l'armée
et la marine, telles que transporter et débarquer un corps
d'armée. Les grands navires étant forcés, par leur tirant
d'eau,, de ne pas dépasser au grand maximum les lignes
de 11 à 12 m. de profondeur, il en résulte que dans cer-
tains parages à fond plat (mer du Nord, Baltique, côte
d'Egypte, etc.), ils sont obligés de se tenir fort loin des côtes
(plusieurs milles). Dans ce cas, on comprend aisément que,
pour protéger le débarquement il faut avoir recours à des
navires plus petits, à moindre tirant d'eau, qui, de leur
artillerie, relativement très puissante, balayent la plage et
en éloignent l'ennemi. De même, quand il s'agit d'expédi-
tions à l'intérieur d'un pays, de remonter de grands
fleuves, comme dans les expéditions de Chine et du Tonkin,
il faut encore avoir recours à de petits bâtiments, calant
peu. d'eau, qui peuvent alors remonter très haut, servent
de transports, de remorqueurs, appuient les colonnes en
marche et sont une base puissante d'opérations, assurant
le ravitaillement et la retraite en cas d'échec ou de ren-
contre de forces supérieures.
FLOTTWELL (Eduard-Heinrich de), homme d'Etat
prussien, né à Insterburg (Prusse) le 23 juil. 4786, mort
à Berlin le 25 mai 1865. Il se fit remarquer comme pré-
sident supérieur de la prov. de Posen (1830-41), devint
ministre des finances^! 844-46), siégea à l'extrême gauche
du parlement de Francfort, fut encore président de la
prov. de Brandebourg (1850-58 et 1859-62) et momen-
tanément ministre de l'intérieur et président du conseil
(1858-59).
FLOU (Peint.). Excessive fluidité de pinceau, manière
délavée et inconsistante de poser la couleur dans un tableau.
659 —
FLOU — FLOURENS
Cette facture douce et un peu vague, qui convient parfai-
tement à certains sujets, présente en général plus d'incon-
vénients que d'avantages, surtout dans la peinture de
figures. Quelques artistes ont obtenu un succès générale-
ment éphémère, avec cette manière, plus appréciée du gros
public que des amateurs éclairés : Carlo Dolce, Alex. Gri-
mou, Raoux, Hamon fournissent les exemples les plus
connus de cette exécution que les Italiens appellent sfumata,
effumée.
FLOU DÈS. Corn, du dép. de la Gironde, arr. et cant.
deLaRéole; 200 hab.
FLOURE.Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcassonne,
cant. de Capendu; 248 hab.
FLOURENS. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. (S.) de Toulouse; 410 hab.
FLOURENS (Jean-Pierre-Marie), célèbre physiologiste
français, né à Thézau (Hérault) le 43 avr. 1794, mort à
Montgeron le 6 dée. 1867. Reçu docteur en médecine à
Montpellier en 1813, il vint l'année suivante à Paris avec
une recommandation de son maître de Candolle et fut reçu
avec bienveillance par Cuvier. La physiologie expérimen-
tale devint sa science favorite et il ne tarda pas à y passer
maître. Ses premières publications, en 1819, eurent un
grand succès; les leçons qu'il fit en 1821 à l'Athénée de
Paris sur la théorie physiologique des sensations ne furent
pas moins goûtées. En 1828, il fut élu membre de l'Aca-
démie des sciences dans la section d'économie rurale en
remplacement de Bosc, et Cuvier le chargea du cours d'his-
toire naturelle au Collège de France ; deux ans après il
lui confia le cours d'anatomie comparée du Muséum. En
1832, Flourens fut nommé titulaire de cette chaire et l'an-
née suivante il remplaça Dulong comme secrétaire perpé-
tuel de l'Académie des sciences ; enfin, en 1840, il fut élu
membre de l'Académie française en remplacement de Mi-
chaud. Elu député de l'Hérault en 1838, il devint pair de
France en 1846. Par son enseignement, comme professeur
de physiologie comparée au Muséum, par son talent d'écri-
vain, il sut rendre aimable une science des plus ardues et
la popularisa dans un public qui, sans lui peut-être, ne
l'eût jamais connue. Il s'éleva au-dessus de la sphère pure-
ment physiologique, surtout à partir de 4840, et publia
une série de traités philosophiques, scientifiques et litté-
raires qui lui valurent une réputation universelle. Nous ne
mentionnerons ici que ses principaux travaux : Analyse de
la philosophie anatomique, etc. (Paris, 1819, in-8);
Recherches expérimentales sur les propriétés et les
fonctions du système nerveux dans les animaux verté-
brés (Paris, 1824, in-8), suivi ^'Expériences sur le
système nerveux (Paris, 1825, in-8); dans ces duux ou-
vrages et dans des monographies sur le même sujet pré-
sentées à l'Académie des sciences ou publiées séparément, il
montre, en s'appuyant sur des expériences aussi ingénieuses
que hardies, les différences de fonctionnement des diffé-
rentes parties des centres nerveux, cerveau, cervelet,
bulbe, moelle, et établit leur rôle et celui des nerfs dans
les phénomènes d'ordre physiologique et d'ordre psychique ;
il détermine en particulier le rôle des hémisphères dans les
actes de sensibilité, d'intelligence et de volonté, celui du
cervelet comme coordonateur des mouvements, celui du
bulbe comme régulateur de la vie ; il existe, dit-il, « dans
la moelle allongée (bulbe), un point très circonscrit, lequel
est tout à la fois le point premier moteur du mécanisme
respiratoire, et le point central et vital du système ner-
veux » ; Cours sur la génération, Vovologie et V embryo-
logie, etc. (Paris, 1863, in-8, pi.); De VInstinct et de
l'intelligence des animaux (Paris, 1841, 1845, in-8);
Recherches sur le développement des os et des dents
(Paris, 1842, pi.); Mécanisme de la respiration des
poissons (Paris, 1843, gr. in-4,pl.); Anatomie générale
de la peau et des muqueuses (Paris, 1843, in-4, pi.);
Examen de la phrénologie (Paris, 1842, 1845, in-8);
Théorie expérimentale de la formation des os (Paris,
1847, in-8); Histoire de la découverte de la circulation
du sang (Paris, 1854, in-18); Recueil des éloges histo-
riques lus dans les séances publiques de V Académie des
sciences (Paris, 1856-1862, 2 vol. in-18); Cours de phy-
siologie comparée, DeV Ontologie, etc. (Paris,l 856, in-8);
De la Longévité humaine (Paris, 1856, in-12, 3e édit.),
De la Vie et de V intelligence (Paris, 1858, in-12); On-
tologie naturelle (Paris, 1861, in-18); De la Raison,
du génie et de la folie (Paris, 1861, in-18); Psychologie
comparée (Paris, 1864, in-18). Pour l'appréciation des
travaux scientifiques et littéraires de Flourens, V. les dis-
cours prononcés par Claude Bernard et par Patin à l'Aca-
démie française en 1869. Dr L. Hn.
FLOURENS (Gustave), homme politique français, né à
Paris le 4 août 1838, mort à Chatou le 3 avr. 1871, fils
du précédent. Suppléant de son père en sa chaire du Col-
lège de France en 1863, il eut des difficultés avec le gou-
vernement au sujet de ses cours, passa en Belgique, puis
en Grèce et en Crète où il prit part au mouvement contre
la Turquie (1866). Les Cretois le nommèrent membre de
l'Assemblée nationale et l'envoyèrent comme plénipoten-
tiaire au gouvernement grec. De retour à Paris, vers la fin
de 1868, il se jeta avec ardeur dans la politique et fit une
telle opposition à l'Empire qu'il fut condamné en 1869 à
trois mois de prison pour offenses à l'empereur. Il eut en-
suite un duel retentissant avec Paul de Cassagnac qui le
blessa grièvement. Après avoir soutenu la candidature de
Rochefort dans la première circonscription de Paris, après
avoir assisté Rochefort lors de l'enterrement de Victor
Noir, il participa à l'émeute du 7 févr. 1870 et fut con-
damné le 9 août à la déportation dans une enceinte forti-
fiée. Il se réfugia en Angleterre, passa en Allemagne, puis
en Grèce, accourut à Paris dès le 8 sept, et aussitôt rédigea
un plan de soulèvement général de l'Europe. Son plan n'étant
pas accepté, il tourna ailleurs son activité, forma cinq ba-
taillons à Belleville, créa un corps de tirailleurs et le 31 oct.
marcha avec lui sur l'Hôtel de Ville où il proclama la dé-
chéance du gouvernement de la Défense nationale et l'avè-
nement d'un comité provisoire de Salut public. Quelques
jours après il était arrêté et emprisonné à Mazas (7 déc).
Délivré par ses tirailleurs à la fin de janv. 1871, condamné
à mort par contumace (10 mars 1871), il fut élu membre
de la Commune le 26 mars par le XXe arrondissement,
devint membre de la commission militaire le 30 mars, et,
nommé colonel, livra le 3 avr. à la gare de Rueil un com-
bat désespéré. Ses troupes ayant été battues, il se réfugia
chez un aubergiste près du pont de Chatou, et, découvert,
fut tué par un capitaine de gendarmerie qui lui fendit la
tête d'un coup de sabre. Gustave Flourens a beaucoup
écrit. Collaborateur du Courrier d'Orient, fondateur à
Constantinople de Y Etoile d'Orient, à Athènes de Y Indé-
pendance hellénique, collaborateur à Naples du Popolo
d'italia, à Paris de la Marseillaise, du Dictionnaire La-
rousse, etc., il a encore laissé : Histoire de l'homme
(Paris, 1863, in-12), leçon d'ouverture de son cours au
Collège de France ; les suivantes ont été insérées dans la
Revue des cours scientifiques; Discours du suffrage
universel (Bruxelles, 1865, in-12); Ce qui est possible
(Paris, 1864, in-12); Science de l'homme (Bruxelles,
1865, in-12); Paris livré (Paris, 1871, in-12).
FLOU R EN S (Léopold-Emile), homme politique français,
né à Paris le 27 avr. 1841, frère du précédent. Auditeur
au conseil d'Etat de 1863 à 1868, avocat à la cour d'appel,
il rentra au conseil d'Etat comme maître des requêtes après
la réorganisation de cette assemblée le 10 sept. 1872.
Gendre de l'économiste Michel Chevalier, il faisait en même
temps un cours à l'Ecole libre des sciences politiques. Promu
conseiller d'Etat en 1879, il dirigea les cultes de 1877 à
1885, sauf pendant la période comprise entre nov. 1881
et mars 1882. En 1885 il fut appelé à présider la section
de législation, justice et affaires étrangères au conseil d'Etat.
Le 13 déc. 1886 il entrait comme ministre des affaires
étrangères dans le cabinet Goblet. Il eut à régler la délicate
affaire Schnœbelé (avr. 4887) dans un sens pacifique, ce
FLOURENS — FLUDD
— 660 —
qui lui fut d'autant plus difficile que le général Boulanger,
ministre de la guerre, était tout disposé à répondre par
une manifestation énergique à la provocation de l'Alle-
magne. En février déjà, M. Flourens avait réussi à empê-
cher son collègue d'écrire une lettre au tsar et son inter-
vention à ce moment avait été assez sévèrement interprétée.
Il conserva son portefeuille dans le cabinet Rouvier du
30 mai 1887, puis dans le cabinet Tirard du 12 déc. 1887.
Il eut notamment à régler le différend survenu entre les
Ho vas et M. Le Myre de Yilers résident général à Mada-
gascar (24 sept. 1887) et à signer les conventions relatives
aux affaires d'Egypte et aux Nouvelles-Hébrides (24 oct.
1887). Le 26 févr. 1888, il fut élu député des Hautes-Alpes
où il avait posé sa candidature tout en conservant ses fonc-
tions de ministre, attitude qui souleva une vive opposition
et détermina même le dépôt à la Chambre d'une proposi-
tion de loi interdisant aux ministres d'être candidats dans
les élections partielles, proposition dont l'urgence ne fut
repoussée que par 238 voix contre 221. Le 30 mars 1888
il tombait avec le cabinet Tirard sur la question de la revi-
sion constitutionnelle et était remplacé le 3 avr. par
M. Goblet. Membre du centre gauche, il combattit le bou-
langisme et il fut réélu le 22 sept. 1889 par la circons-
cription d'Embrun, avec 3,753 voix contre 1,090 à M. Bou-
chié-Debelle, royaliste. On a de M. Flourens : Organisa-
tion judiciaire et administrative de la France et de
la Belgique (Paris, 1875, in-8) ; il collabore à divers
journaux politiques et il a contribué à la fondation de la
Démocratie rurale (1889) et de la revue internationale
Globus Revue (1891).
FLOURNOIS (Gédéon) , polémiste genevois, né à Genève
en 1639 d'une famille originaire de la Champagne, mort en
Asie vers l'année 1700. Il devint ministre de l'Hôpital
en 1762 et fut l'un des écrivains les plus populaires parmi
les réformés de langue française. Trois ouvrages anonymes
lui sont attribués : Lettres sincères d'un gentilhomme
français (Cologne, 1681-82, 3 vol.); Réponses de quatre
gentilshommes protestants... et surtout les Entretiens
des voyageurs sur mer, roman de polémique religieuse,
plusieurs fois réédité en Hollande et en Allemagne.
FLOURSIES. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant.
d'Avesnes; 185 hab.
FLOUVE (Bot.) (V. Anthoxanthum).
FLOWER (Benjamin), publiciste anglais, né à Londres
en 1755, mort à Dalstonle 17 févr. 1829. Fils d'un com-
merçant, il lui succéda, mais ne fit pas de brillantes affaires.
Il devint vers 1785 voyageur de commerce, parcourut la
Hollande, l'Allemagne, la Suisse, séjourna assez longtemps
en France en 4791 et s'éprit des principes de la Révolu-
tion. Après avoir écrit un ouvrage sur la Révolution fran-
çaise (1792), il devint rédacteur en chef du Cambridge
Intelligencer dans lequel il prit vaillamment la défense de
la France et déclara que la guerre qu'on lui faisait était
absurde. Il publia encore un ouvrage dans les mêmes idées,
National Sins Considered (1796) et en 1799 se fit con-
damner à six mois de prison pour avoir attaqué l'évêque
Watson. Remis en liberté il dirigea une imprimerie à Har-
low (Essex) et fonda The Political Register (1807-1811).
On a encore de lui une vie de Robert Robinson, en tête
des œuvres de cet auteur, une sorte d'autobiographie, Sta-
tement offacts (1808) et quelques brochures. — Sa fille,
Eliza, née à Harlow le 19 avr. 1803, morte le 12 déc.
1846, a laissé une série de compositions musicales qui sont
pleines de talent. R. S.
FLOWER (Edward-Fordham), écrivain anglais, né à
Marden Hall (Hertfordshire) le 31 janv. 1805, mort à Lon-
dres le 20 mars 1883, neveu du précédent. Après avoir
passé sept ans dans l'Illinois avec son père, il fonda en 1832,
à Stratford- sur- Avon, une maison de banque, devint maire
de Stratforà et posa sans succès sa candidature à la Chambre
des communes à Coventry,enl865,et dans leNorth War-
wickshire en 1868. Il a laissé : A Few Words about bear-
ing Reins (1875) ; Bits and bearing Reins(i81% ; 7e éd.,
1886); Horses and Harness (1876); TheStones ofLon-
don (1880).
FLOXI CO U RT. Com. du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Molliens-Yidame ; 41 hab.
FLOYD (William), général américain, né à Suffolk (New
York) le 17 déc. 1734, mort à Western le 4 août 1821.
Au début de la guerre de l'Indépendance américaine il fut
nommé commandant du comté de Suffolk, et fut délégué
au premier congrès de Philadelphie; Les Anglais ayant tenté
d'envahir Long Island, il repoussa énergiquement et avec le
plus grand succès cette tentative. Réélu plusieurs fois au
congrès général, il devint sénateur de l'Etat de New .York
en 1777. Il fut en 1801 un des électeurs pour la prési-
dence et donna sa voix à Jefferson. La même année, il fut
élu membre de la convention qui revisa la constitution de
New York.
FLOYD (JohnBuchanan), homme d'Etat américain, né
à Montgomery en 1805, mort à Abingdon le 26 août 1863.
Avocat, il s'établit à Washington en 1839 et représenta
cette ville à la Chambre basse de l'Etat de 1847 à 1849.
Nommé en déc. 1849 gouverneur de l'Etat, réélu en 1855,
il obtint en 1857, du président James Buchanan le porte-
feuille de la guerre et démissionna en déc. 1860. Son ad-
ministration fut signalée par la dispersion des troupes sur
des points éloignés du territoire et le transfert d'un nom-
breux matériel de guerre des arsenaux du Nord dans ceux
du Sud. Accusé de concussion par le grand jury de Colom-
bie, il n'eut garde de comparaître. Au début de la guerre
civile, il servit dans l'armée confédérée avec le grade de
brigadier général. Il ne fut pas heureux : le 10 sept. 1861
il fut complètement battu par le général Cox et perdit ses
bagages et ses munitions. Assiégé en févr. 1862 par le
général Grant au fort Donelson, il abandonna brusquement
ce poste avec 3,000 hommes pour se réfugier dans le Ten-
nessee. Cette retraite fut fortement blâmée par le gouver-
nement confédéré, et Floyd n'obtint plus aucun emploi.
FLOYER (Sir John), médecin et polygraphe anglais, né
à Hintes (Stafford) en 1649, mort à Lichtfield le 1er févr.
1734. Il acquit une grande réputation dans sa profession,
et a laissé des ouvrages où l'originalité de l'esprit se
mêle à la science. Le premier, en Angleterre, il consulta
les battements du pouls d'une façon méthodique; il
préconisait les bains froids au point de vouloir qu'on
baptisât les enfants par immersion. Ses travaux sur
l'asthme et sur cette altération du poumon qu'on appelle
aujourd'hui emphysème sont restés classiques, et pourtant
il prit toutes ses observations sur une jument poussive.
Voici la liste de ses principaux écrits : 3>ap(xaxo-t?àaavoç,
or the Touchstone of Medicines (1687-1690, 2 vol.
in-8) ; Preternatural State of the Animal Humours
(1696); An Enquiry into the Right Use of Baths
(1697), souvent réédité depuis sous différents titres;
Treatise on the Asthma (1698), dont une traduction
française fut publiée à Paris en 1761 ; The Physiciaris
Puise Watch (1707-1710, 2 vol.); The Sybilline Ora-
cles, traduits du grec (1713); deux Essais sur la Créa-
tion et le Système mosaïque (Nottingham, 1717); An
Essay to restore the dipping of Infants in their Baptism
(1722); Medicina Geronomica, ou l'art de conserver la
santé des vieillards (1724) ; A Comment on Forty-two
Historiés described by Hippocrates in his « Epidémies »
(1726). B.-H. G.
FLOYON. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (S.)
d'Avesnes; 944 hab.
FLUCTUATION (Méd.). Signe diagnostique permettant
de reconnaître la présence dans les tissus d'une collection
liquide ; il consiste dans la sensation de mollesse et de
flot, de mouvements limités d'oscillation, dont la percep-
tion exacte exige de l'exercice. La fluctuation sert à faire
le diagnostic des abcès, des épanchements dans les cavités
séreuses, à reconnaître la nature de certaines tumeurs ou
kystes, etc. Dr L. Hn.
FLUDD (Robert) (Robertusde Fluctibus), polygraphe
— 661 —
FLUDD - FLUEGEL
anglais, né à Milgate, dans le comté de Kent, en 1574,
mort à Londres le 8 sept. 4637. Il appartenait à une
famille noble qui le destina au métier des armes. Mais il
abandonna de bonne heure cette carrière pour se livrer, à
Oxford, à l'étude de la philosophie, de la médecine, des
sciences naturelles, de l'alchimie et de la théosophie, et
devint l'un des érudits les plus célèbres de son temps. Il
entreprit, pour enrichir ses connaissances, une série de
voyages en France, en Espagne, en Italie et en Allemagne
pendant lesquels il se lia avec un grand nombre de savants
et entra en relation avec diverses confréries de rose-croix
et de kabbalistes. De retour en Angleterre (1601), il se
fit recevoir docteur en médecine à l'université d'Oxford et
se fixa à Londres pour y exercer sa nouvelle profession.
Adversaire des péripatéticiens et en général de toute la
philosophie païenne, Fludd importa en Angleterre la philo-
sophie de la nature et la théosophie de Paracelse et de
Cornélius Agrippa, grâce à une série d'ouvrages qui ne
forment pas moins de 8 vol. in-fol: Utriusque Cosmi me-
taphysica, physica atque technica historia (Oppenheim,
1617); Tractatus theologice philosophicœ (id., 1617,
in-4) ; Apologia compendiaria fraternitatem de Rosea-
Cruce suspicionis et infamiœ maculis aspersam abluens
(Leyde, 1617, in-8); Tractatus apologeticus (id., 1617,
in-8) ; De Supernaturali, naturali, prœternaturali et
contranatur ait microcosmi historia (Oppenheim, 1619-
21); Veritatis proscenium (Francfort, 1621); Mo-
nochordon lyrce symphonicum (id., 1622 et 1623);
A^atorniœ theatrum (id., 1623); DeNaturœ simia seu
technivu, macrocosmi historia (id.) 1624) ; Medicina
catholica (id., 1629); Philosophia sacra etverechris-
tiana (id., 1629) ; Sophiœ cum Moria certamen (id.,
1629); Summum Bonum (id., 1629), publié sous le
pseudonyme de Joachim Frizius; Integrum morborum
mysterium (id., 1631); Clavis philosophiœ et alchy-
miœ Fluddanœ (id., 1633); Philosophia mosaica
(Gouda, l638);Pathologiadœmoniaca(id., 1640). Dans
ces ouvrages, Fludd tente de condenser et de coordonner
en un vaste système les théories éparses des théosophes de
la Renaissance . Sa philosophie est un panthéisme matéria-
liste présenté sous des formules singulières et mystiques.
Deux principes, suivant lui, dominent dans la nature : la
haine et l'amour; Dieu en se condensant lui-même par
l'amour produit la lumière, l'être en acte, la volonté; en se
raréfiant par la haine, il produit les ténèbres, le vide, l'iner-
tie, la nolunté. Ces contraires s'unissent pour. former
l'âme du monde qui est proprement un intermédiaire entre
la matière et Dieu : c'est le Messie, le Verbe fait chair,
la pierre philosophale. De l'âme du monde sont issues les
âmes des hommes, dans lesquelles l'entendement, rayon de
la lumière incréée, s'unit à un corps au moyen de l'es-
prit vital. L'homme qui ouvre son âme à la lumière divine
est illuminé par elle ; il devient sage, heureux et s'identi-
fie avec Dieu ; sinon il demeure prisonnier dans la matière
et malheureux par sa propre faute. Th. Ruyssen.
Bibl. : Gassendi, Epistolica dissertatio, in qua prœci-
pua principia philosophiœ Rob. Fluddi deteguntur ; Pa-
ris, 1631, in-12, ou Examen philosophiœ Fluddanœ, t. III
des œuvres de Gassendi.
F LU E (Le bienheureux Nicolas de), de son nom de famille
Lewenbrugger, appelé aussi Frère Klaus ou Beatus Nico-
laus de Rupe, né à Sachseln (cant. d'Unterwalden) le
21 mars 1417, mort le 21 mars 1487. Il se distingua
comme soldat par sa bravoure autant que par sa bonté
et sa générosité, fut pendant dix-neuf ans un conseiller
et un juge intègre, et éleva ses cinq fils et ses cinq filles
dans la vertu et la piété. Le 16 oct. 1467, pieds nus et
tête découverte, il prit congé des siens et alla vivre dans
la solitude, au Ranft, gorge sauvage, aux environs de
Sarnen. La légende rapporte que pendant vingt ans il
ne prit d'autre nourriture que l'eucharistie. On venait le
consulter, et il put un jour empêcher une guerre civile sur
le point d'éclater. Ses compatriotes auraient voulu le faire
canoniser, mais le canton était trop pauvre pour payer les
frais du procès. Il fut béatifié par Clément IX (1669). Le
Piusverein de la Suisse a fait des démarches pour obtenir
sa canonisation. C. P.
Bibl. : Businger, Bruder Klaus und sein Zeitalter ;
Lucerne, 1827. — J. Ming, Der selige Bruder Nie. von der
Flue, seinLeben und Wirken; Leipzig, 1861-71, 3 vol.
FLUEGEL(Gustav-Lebrecht), orientaliste allemand, né
à Bautzenle 18 févr. 1802, mort à Dresde le 5 juil. 1870.
Il étudia d'abord à Leipzig, puis à Vienne, et enfin à Paris
où il fut un des disciples de l'illustre Silvestre de Sacy.
A l'âge de trente ans, il retourna dans son pays et fut
nommé professeur à l'école de Meissen, mais une cruelle
maladie l'obligea, en 1850, de se démettre de ses fonc-
tions. Le principal ouvrage publié par Fluegel est le dic-
tionnaire bibliographique de Hadji Khalfa, dont il a édité
le texte et donné une traduction latine sous le titre de
Lexicon bibliographicum et encyclopœdicum a Mus-
tafa ben Abdallah Katib Jelebi dicto et nomine Haji
Khalfa celebrato compositum (Leipzig et Londres,
1835-1858, 7 vol.). On lui doit, en outre, une excel-
lente édition du Coran, une concordance du Coran ayant
pour titre Concordaniiœ Corani arabicœ, ad litterarum
ordinem et verborum radices diligenter dispositœ
(Leipzig, 1842). Nous citerons encore de lui: Geschichte
der Àraber (Leipzig, 1832-1840, 3 vol.); Défini -
tiones viri meritissimi Sejjid scherif Dschordschani,
texte arabe (Leipzig, 1845); Al-Kindi, der Philosoph
der Araber (Leipzig, 1857); Die Krone der Lebens-
beschreibungen, enthaltend die classen der Hanefiten
von... Ibn Kuthûbugâ, texte arabe (Leipzig, 1862;
trad. ail., Leipzig, 1860); Die Grammatischen Schulen
der Araber (Leipzig, 1862); le Catalogue des manus-
crits arabes, persans et turcs de la Bibliothèque de la
cour impériale et royale de Vienne (Vienne, 1865-
1867, 3 vol.); enfin l'édition magistrale du Kitâb al-
Fihrist, une encyclopédie bibliographique et littéraire,
composée en 987 de notre ère et publiée après la mort de
l'éditeur, en 1871-1872, par MM. J. Rœdiger et A. Muller.
O. Houdas.
FLUEGEL (Gustav), compositeur et professeur de mu-
sique allemand, né à Dessau en 1 819. On a de cet artiste, qui
n'a pas obtenu le succès qu'il pouvait attendre, deux grandes
sonates pour piano, l'une en si majeur, l'autre en si mineur,
et une composition intitulée Phalœnen, qui contient deux
scherzi, une élégie et un allegro appassionnato remar-
quables. Les nombreux recueils de ses lieder sont aussi
pleins de sentiment et d'expression.
FLUEGEL (Otto), philosophe allemand contemporain,
né à Lûtzen le 16 juin 1842. Il a fait ses études au gym-
nase de Schulpforta et à l'université de Halle, est au-
jourd'hui (1893) pasteur évangéliqueà Wansleben, près de
Halle, et dirige la revue de philosophie fondée en 1861 par
Allihn et Ziller et qui paraît à Langensalza sous le titre
de Zeitschrift fur exacte Philosophie im Sinne des
neueren philosophischen Realismus. Dans les nombreux
articles qu'il a publiés dans cette revue et dans ses ouvrages,
M. Flûgel s'est fait le continuateur et l'interprète de la
philosophie réaliste d'Herbart qu'il oppose au monisme et
à l'idéalisme des successeurs de Kant. En théologie, il
recourt à la révélation pour transformer en certitudes les
probabilités auxquelles est réduite la spéculation en ce qui
concerne l'existence de Dieu. Il a écrit : Der Materialis-
mus vom Standpunkte der atomist.-mechan. Natur-
forchimg (Leipzig, 1865); Das Wunderund die Erkenn-
barkeit Gottes (id., 1869); Die Problème der Philos,
u. ihre Lôsungen, historisch-krit. dargestellt (Côthen,
1875; 2e éd., 1888; 3e, 1892); Die Seelenfrage (id.,
1878; 2e éd., 1888); Die spéculât. Théologie der Ge-
genw. (id., 1881 ; 2e éd., 1888); Ueberdas Seelenleben
der Thiere (Langensalza, 1885; 2e éd., 1886) ; Das Ich
u. die sittl. ldeen imLeben der Vôlker (id., 1885;
2e éd., 1888) ; RitscheV s philosophische Ansichten (id.*
1884; 2e éd.; 1892); Die Sittenlehre Jesu (id., 1887;
FLUEGEL — FLUM1NIC0LA
— 662 —
2e éd., 1889; 3e éd., 1892); Ueber die persônliche Un-
sterblichkeit (id., 1889 ; 2e éd., 1892). Th. Ruyssen.
FLUEGGEN (Gisbert), peintre allemand, né à Cologne
le 9 févr. 1841, mort à Munich le 3 sept. 1859. Il se
forma d'abord dans sa ville natale, puis à l'Académie de
Dusseldorf à partir de 1833, enfin à Munich où il se fixa
en 1835. IL n'est guère sorti des sujets de genre, et les
empruntait généralement au xvme siècle, en s'inspirant de
Greuze ou de Wilkie. Citons parmi ses meilleures œuvres :
les Serviteurs surpris (1839, musée de l'Ermitage à
Saint-Pétersbourg); les Joueurs d'échecs (chez le duc de
Leuchtenberg, lithographie par Kôhler); le Contrat de
mariage interrompu (1840, lithographie par Driendl);
le Joueur malheureux (1841, musée de Mayence); la
Mésalliance (4844); le Jugement du procès (1847); les
Captateurs de testament déçus (1848, musée de Ha-
novre); les Changeurs (4850, gravé parGeyer); la Saisie
(1854); les Fiançailles, etc. Ce sont pour la plupart des
scènes d'observation sentimentale, un peu lourdement des-
sinées et peintes, mais qui lui valurent le surnom de
« Wilkie allemand ». Il ne s'est essayé qu'une fois, avec
un particulier bonheur, au rendu de la vie contemporaine,
et a presque créé une page d'histoire dans les Derniers
Moments du roi Frédéric- Auguste de Saxe (chez le roi de
Saxe) . A la Nouvelle Pinacothèque de Munich est sa dernière
toile, restée inachevée, l'Antichambre d'un prince. P. L.
J3ibl.: F. Pecht, Geschichte der Mùnchenev Kunst
im neunzehnten Jahrhundert ; Munich, 1888, pp. 152-153.
FLU EGGEN (Joseph) , fils du précédent, peintre allemand,
né à Munich le 3 avr. 1842. Il se forma à l'Académie de
Munich, sous Piloty, qui en fit un coloriste et un costu-
mier comme lui. Le jeune peintre voyagea ensuite pour
compléter ses études, vers 1866, et visita Paris, Londres,
Bruxelles et Anvers, où il subit l'influence de Leys. Il
s'est voué aux portraits et aux sujets d'histoire, qu'il
traite un peu en scènes de genre : Elisabeth de Thuringe
en fuite avec ses enfants, surprise dans une hutte en
ruine (1867); la Fille de V Hôtesse (4869) ; Milton dic-
tant le Paradis perdu ; Regina Imhof(iSll); le Bap-
tême de V empereur Maximilien (4879), etc. C'est de
l'imagerie peinte à la Delaroche. P. L.
Bibl. : F. Pecht, Geschichte der Mùnchener Kunst
im neunzehnten Jahrhundert; Munich, 1888, p. 257, in-4.
FLUELA. Passage des Basses-Alpes grisonnes, qui con-
duit de la vallée de Davos dans la Basse-Engadine ; route
carrossable. Son point culminant est à l'ait, de 2,403 m.
Deux petits lacs s'aperçoivent sur le sommet.
FLUELEN. Village de Suisse, cant. d'Uri, à l'extré-
mité méridionale du lac des Quatre-Cantons, sur la belle
route de l'Axen ; 732 hab. Stat. de la ligne du Saint-
Gothard.
FLU ENTES (Math.) (V. Fluxion).
FLUEURS blanches (V. Leucorrhée).
FLUIDE (Phys.). Ce nom possède, en physique, deux si-
gnifications bien différentes : on entend souvent, par fluides,
les corps liquides et gazeux qui ont> un certain nombre de
propriétés communes ; on peut alors énoncer les lois rela-
tives à ces propriétés d'une façon plus générale en rempla-
çant les mots liquides ou gaz par le terme unique fluide :
ainsi le principe d'Archimède, applicable aux gaz et aux
liquides, s'énoncera : tout corps plongé dans un fluide
éprouve une poussée verticale de bas en haut égale au
poids du fluide déplacé. Ce sens du mot fluide est donc net
et précis ; il n'en est pas de même de l'autre : on a désigné
sous le nom de fluides impondérables, par opposition aux
précédents, des matières subtiles, hypothétiques, imaginées
par certaines théories pour expliquer à l'aide de l'existence
de ces fluides, auxquels on attribuait les propriétés néces-
saires, toute une série de phénomènes du même ordre; c'est
ainsi qu'on a imaginé un fluide calorifique, un ou deux
fluides magnétiques, un ou deux fluides électriques, un
fluide lumineux qui a reçu le nom particulier d'éther.
L'existence de ces divers fluides est aujourd'hui totale-
ment abandonnée; on conserve cependant encore, dans la
pratique, les mots de fluide boréal ou austral dans le ma-
gnétisme, d'électricité positive et négative en électricité,
parce que ce sont des expressions commodes qui évitent
souvent de longues périphrases. Mais on n'attache plus à
ces mots leur sens primitif, et si l'on a pu laisser sub-
sister ces mots pour les besoins de la pratique, il a fallu
remplacer pour la théorie par une autre hypothèse cette
conception des divers fluides. Cette nouvelle hypothèse,
c'est l'existence de l'éther, substance matérielle non pe-
sante, qui remplit les espaces intermoléculaires de tous
les corps, solides, liquides ou gazeux, et dont les vibrations
produisent tous les phénomènes lumineux, calorifiques,
électriques, etc. Cette conception revient, au fond, à rem-
placer les divers fluides imaginés avec leurs propriétés
spéciales par un fluide unique dont les propriétés, plus
générales, permettent d'expliquer tous ces phénomènes.
On avait vu, presque dès le début, l'étroite analogie des
phénomènes calorifiques et lumineux, ainsi que celle des
phénomènes électriques et magnétiques ; mais ces deux
grands groupes semblaient beaucoup plus éloignés quand
les expériences si remarquables de Hertz (V. Electricité)
sont venues leur donner un lien étroit. Pour plus de détails
et pour les propriétés de Véther, V. ce mot. V. aussi
aux mots Electricité et Magnétisme les théories des
fluides électrique et magnétique.
Les propriétés des fluides pondérables, c.-à-d. com-
munes aux liquides et aux gaz, sont les suivantes : grâce à
la mobilité des molécules des gaz et des liquides, toute pres-
sion exercée en un point dans un fluide sur un petit élé-
ment de surface est la même des deux côtés de cette sur-
face ; elle lui est normale et ne varie pas quand on fait
tourner dans tous les sens le petit élément de surface au-
tour du point considéré. Ce principe se nomme le principe
de l'égalité de pression. Si, renfermant un fluide dans un
vase, on exerce sur un petit élément de surface une pression,
on trouve que celle-ci est transmise dans tous les sens et
que partout elle est proportionnelle à l'étendue de l'élément
de surface considéré. C'est le principe de la transmission
égale des pressions. Toutes les conséquences de ces deux
principes se retrouvent quand on les applique soit aux gaz
soit à un liquide ; mais, quand on considère deux ou plusieurs
gaz en présence de deux ou plusieurs liquides, on trouve
certaines différences tenant à ce que tous les gaz sont mis-
cibles et que certains liquides ne le sont pas ; en outre, la
diffusion des gaz les uns dans les autres est beaucoup plus
rapide que celle des liquides ; il en résulte que certaines
expériences d'hydrostatique doivent être modifiées lorsque
l'on veut les appliquer aux gaz. A côté de ces ressem-
blances entre les liquides et les gaz qui les font réunir sous
le nom de fluide, il faut citer leurs différences qui ont fait
quelquefois désigner les premiers sous le nom de fluides
incompressibles et les seconds sous le nom de fluides
compressibles. Il y a, en effet, une différence considérable
sous ce rapport entre les deux états de la matière ; tandis
que lorsqu'on exerce sur de l'eau une pression de 40 at-
mosphères, la diminution de son volume n'est que de
quatre millionièmes et demi du volume primitif ; avec les
gaz la diminution représente les neuf dixièmes du volume
primitif. La différence des densités est aussi considérable
dans les circonstances ordinaires. Les liquides pèsent de 600
à 43,600 gr. par litre, les gaz de 0sr08 à 42 gr. par litre
sous la pression ordinaire. Une autre différence capitale
entre ces deux espèces de fluides, c'est la simplicité beau-
coup plus grande des lois qui s'appliquent aux gaz. Ainsi
tous les gaz ont même coefficient de dilatation, même coef-
ficient de compressibilité ; chaque liquide possède au con-
traire un coefficient spécifique de dilatation et de compres-
sibilité. A. Joannis.
FLU M ET. Corn, du dép. de la Savoie, arr. d'Albertville,
cant. d'Ugines; 943 hab.
FLUMINICOLA (Malac). Genre de Mollusques-Gasté-
ropodes, de l'ordre des Prosobranches-Tsenioglosses, édité
par Stimpson en 4865, offrant les caractères suivants ;
coquille imperforée ou perforée ovale, assez épaisse, à sur-
face lisse ; sommet obtus ; ouverture ovale ; bord columel-
laire calleux ; bord externe très avancé, un opercule corné
et spirescent. Sections : 4° Giîlia Stimpson 1865, coquille
presque perforée, bord externe non sinueux; ex. F. altilis
Lea; 2° Cochliopa Stimpson 1865, coquille conique dé-
primée à base concave, carénée, munie d'un ombilic large
et profond ; ex. : F. Rowelli Stimpson ; 3° Somatogyrus
Gill. 1863, coquille perforée, ouverture rliomboïdale ;
4° F. Isogonus Say, coquilles fluviatiles habitant les eaux
douces de l'Amérique du Nord. J. Mab.
FLUOR (Chim.). En 1771, Scheele démontra que le
spath fluor était un minerai calcaire, donnant avec l'acide
sulfurique un gaz, l'acide fluorique, attaquant le verre avec
énergie. Davy admit le premier que cet acide était une
combinaison d'hydrogène avec un radical métalioïdique,
auquel il donna le nom de fluor. L'acide fluorique de
Scheele est en effet de l'acide fluorhydrique, HF1, analogue
à l'acide chlorhydrique ; les fluates sont des fluorures,
analogues aux chlorures, avec lesquels ils sont isomorphes ;
le spath fluor, fluorine des minéralogistes, est du fluorure
de calcium. De nombreuses tentatives ont été faites pour
isoler le fluor. Davy, Linné, les frères Knox, Louyet ont
essayé de décomposer par le chlore certains fluorures, no-
tamment ceux d'argent et de mercure. Fremy a soumis à
l'électrolyse le fluorure de potassium fondu ; il a obtenu
au pôle positif un gaz odorant, décomposant l'eau à froid,
déplaçant l'iode des iodures, etc. C'était évidemment le
fluor ; mais, dans cette expérience, faite à une haute tem-
pérature, l'électrode en platine, plongeant dans le fluorure
fondu, était rapidement attaqué, et l'appareil, en quelques
instants, était hors de service. Des résultats analogues ont
été obtenus par Gore au moyen du fluorure d'argent. Ré-
cemment, Moissan est arrivé plus facilement au but en
électrolysant simplement le fluorure de potassium, dissous
dans l'acide fluorhydrique. Pour que cette expérience
Appareil Moissan.
réussisse, il faut opérer dans un vase en platine et en
dehors du contact de l'eau ou de tout autre matière sus-
ceptible d'être attaquée notablement par le fluor. A cet
effet, on met dans un tube en platine à deux branches de
l'acide fluorhydrique anhydre, tenant en dissolution du
fluorure de potassium absolument sec ; les électrodes, en
platine iridé, passent à travers des bouchons de spath
fluor, ces derniers fermant hermétiquement l'extrémité de
chaque branche de l'appareil ; enfin, au-dessous de ces
bouchons, deux ajutages de platine, disposés au-dessus du
niveau du liquide, permettent aux gaz de s'échapper au
dehors. On refroidit fortement l'appareil avec du chlo-
rure de méthyle et on fait passer un courant électrique,
produit au moyen d'une vingtaine d'éléments de Bunsen,
montés en série. La réaction est très simple, semblable à
celle qu'on obtient avec les chlorures, les bromures et
— 663 — FLUMINiCOLA — FLUORANTHÈNE
les iodures : le fluorure se dédouble en ses deux élé-
ments :
F1K = F1+K
Le fluor se dégage au pôle positif, tandis que le métal
se rend au pôle négatif, où il attaque l'acide fluorhydrique
en dégageant de l'hydrogène et en le transformant en
fluorure de potassium :
HF1 + K = KF1 + H.
Voici, d'après Moissan, les propriétés du fluor :
C'est un gaz incolore, légèrement jaunâtre sous une
grande épaisseur, doué d'une odeur pénétrante, désa-
gréable, rappelant celle de l'acide hypochloreux ; il est
irritant et attaque vivement les muqueuses. 11 est encore
liquide à —95° ; sa densité est de 1,265 (théorie : 1,316).
Il se combine à froid avec l'hydrogène, même dans l'obs-
curité. Il enflamme le soufre, le sélénium, le tellure, le
phosphore ; l'iode s'y combine avec une flamme pâle, et
l'arsenic en poudre, ainsi que l'antimoine, avec incandes-
cence. Le silicium cristallisé y brûle avec beaucoup d'éclat,
avec formation de fluorure de silicium ; il en est de même
du bore adamantin, du potassium et du sodium, qui pro-
duisent des fluorures ; les autres métaux sont également
attaqués, mais moins vivement ; l'or et le platine n'éprou-
vent pas d'action sensible à la température ordinaire.
^ Les sels halogènes, chlorures, bromures et iodures, sont
décomposés, avec dégagement de chlore, de brome ou
d'iode; l'eau est décomposée à froid en fournissant de
l'acide fluorhydrique et de l'oxygène ozonisé. Enfin les
corps organiques sont vivement attaqués : l'alcool, l'éther,
la benzine, les essences prennent feu, le liège est carbo-
nisé, etc. En résumé, le fluor est doué d'affinités extrême-
ment énergiques, supérieures à celles du chlore. On remar-
quera que les halogènes, fluor, chlore, brome, iode, ont
des affinités qui sont en raison inverse de leurs équivalents,
comme l'indique le tableau ci-dessous :
Fluor 19
Chlore 35,5
Brome 80
Iode 127
Ed. Bourgoin.
FLUORANTHÈNE (Chim.). Form. \ Jg;;; g^0
Le fluoranthène est un carbure d'hydrogène trouvé par
Fittig et Gebhard dans les produits du goudron de houille
qui ne distillent qu'à une haute température. On utilise
les carbures solides, qui contiennent surtout du pyrène et
on sépare les deux carbures en passant par leurs combi-
naisons picriques, qu'on fait cristalliser un grand nombre
de fois. D'après Goldschmiedt, le même carbure se ren-
contre dans les dépôts (Stupp) qui se forment dans les
chambres de condensation du mercure à Idria, d'où le
nom àHdryle.-— Le fluoranthène cristallise dans l'alcool
en aiguilles minces ou en tables monocliniques, fusibles à
109°, bouillant à 250-251°. Il est un peu soluble dans
l'alcool froid, davantage dans le sulfure de carbone,
l'éther, l'acide acétique glacial. A l'oxydation, il fournit
un quinon, C30H804, puis un acide monobasique, C28H806;
en solution chloroformique, il donne avec le chlore un dé-
rivé trichloré, C30H7Cl3 ; dissous dans le sulfure de car-
bone, il fournit avec le brome un dérivé dibromé,
C30H8Br2, puis un dérivé tribromé, C30H7Br3. Le fluo-
ranthène trinitré, C30H7(Az04)3, obtenu avec l'acide
nitrique fumant, cristallise en aiguilles jaunes, fusibles au-
dessus de 300°. — Le dérivé picrïque, C30H10C12H3
(Az04)302, qui se prépare en mélangeant à chaud des so-
lutions alcooliques de carbure et d'acide picrique, est en
aiguilles rouges, fusibles à 182-183°. Ed. Bourgoin.
Bibl. : Fittig et Gebhard, Sur un Nouveau Carbure
d'hydrogène, dans Soc. c/i., t. XXX, 548 ; t. XXXII, 239. —
Goldschmiedt, Sur l'Idryle, id., t. XXXV, 31. — Goldsch-
miedt et Schmidt, Recherches sur le Stupp fett. zd.,
t. XXXVI, 508.
FLUORÈNE — FLUORESCENCE — 664 —
FLUORÈNE ou Diphénylméthylène (Chim.).
Form* | Atom... C«H«>
Carbure contenu dans le goudron de houille, découvert
par M. Berthelot, étudié depuis par MM. Barbier et Fittig.
11 se présente en lamelles cristallines, incolores, fusibles à
113°, bouillant à 305°. L'acide chromique le change en
un dérivé aldéhydique, C26H802. Le brome fournit des
produits substitués. Il forme avec l'acide picrique un com-
posé cristallisé. M. B.
FLUORESCÉINE(Chim.).Form. \ *g[;; ^oRf
La fluorescéine, découverte par Baeyer, est la phtaléine
de la résorcine. E. Fischer la prépare en chauffant 1 p.
d'anhydride phtalique avec 2 p. de résorcine, à une tempé-
rature de 200° ; la masse solide est épuisée par l'eau et le
résidu est converti à chaud en dérivé acétique, au moyen
de l'anhydride acétique ; en ajoutant de l'alcool au produit
de la réaction, il se précipite des lamelles jaunes d'une
fluorescéine diacétylée, qu'on saponifie par la potasse alcoo-
lique. Elle cristallise dans l'alcool en cristaux microsco-
piques, d'un rouge brique ; dans l'esprit de bois, en
aiguilles jaunes, groupées en étoiles. Elle ne peut être
fondue ; chauffée graduellement, elle se décompose sans
passer à la distillation. Sa propriété la plus caractéristique
est sa magnifique fluorescence verte. Elle se comporte
comme un acide faible, ou plutôt comme un diphénol, car
ses sels sont très instables ; saturée par un acide, la dis-
solution sodique abandonne la fluorescéine sous forme d'un
précipité jaune, floconneux, retenant une molécule d'eau.
Le mélange nitrosulfurique fournit un dérivé dinitré,
C40Hi0(Az04)2010. Avec le brome, on obtient successive-
ment des dérivés mono, bi et tétrabromés. Ce dernier, qui
a pour formule C40H8Br40i0, constitue Yéosine. Ed. B.
FLUORESGENCE(Phys.). Ce nom aété donné par Stokes
à des phénomènes qu'il a observés avec certains échantillons
de spath fluor, mais qui avaient été déjà aperçus autrefois
par Monarde sur une infusion de bois de santal bleu, puis
par Musschenbrock sur le pétrole. Voici en quoi consistent
ces phénomènes : si l'on fait tomber normalement sur un
cristal de spath fluor un rayon de faisceaux lumineux et
que l'on place l'œil dans le plan même de la face illuminée,
on constate que sa surface est devenue superficiellement
lumineuse ; elle émet des rayons lumineux analogues à
ceux des corps phosphorescents. Ces deux ordres de
phénomènes sont d'ailleurs très voisins. La différence
principale consiste en ce que les corps phosphorescents
conservent cette propriété pendant un temps appréciable
après leur exposition à la lumière, tandis qu'il résulte des
expériences de Becquerel que la fluorescence n'a pas une
durée appréciable au phosphoroscope qui permet cepen-
dant d'apprécier un dix millième de seconde. Pour étudier
ce phénomène, il y a lieu de remarquer la nature de la
lumière qui produit la fluorescence ainsi que celle de la
lumière émise de cette façon. Disons d'abord que c'est un
phénomène très général ; les dissolutions de sulfate de qui-
nine, d'esculine, de gaïac, le pétrole, le verre d'urane, les
platinocyanures métalliques possèdent cette propriété à un
degré remarquable ; mais avec des procédés suffisamment
sensibles, on a pu constater des phénomènes de fluorescence
avec tous les corps que l'on a examinés, sauf avec le
quartz et le sel gemme (Lallemand). Pour étudier l'in-
fluence de la nature de la lumière qui produit la fluores-
cence, on fait tomber sur un corps fluorescent un spectre
solaire et on regarde par la tranche ainsi illuminée. On
constate alors que ce sont surtout les rayons chimiques
violets ou ultraviolets qui ont l'action la plus considérable;
la flamme s'illumine véritablement dans la partie violette
du spectre et même dans la partie invisible qui devient,
alors manifeste et qui apparaît avec les raies noires qui y
existent, mais que l'œil n'aperçoit pas sans cela et que la
photographie a fait découvrir. L'apparition de lumière dans
la partie intraviolette peut faire deviner que les rayons
qu'émet la substance fluorescente ne sont pas les mêmes
que ceux qu'elle reçoit ; en effet, les rayons que reçoit la
partie ultraviolette du spectre n'impressionnent pas notre
rétine, tandis que ces mêmes rayons reçus et transformés
par la substance fluorescente deviennent visibles. Ce ré-
sultat a été formulé de la façon suivante, et il porte le nom
de loi de Stokes : la réfrangibilité des rayons émis par
fluorescence est moindre que celle des rayons excitateurs,
ou tout au plus égale. On le vérifie de la façon suivante :
on forme, à l'aide d'un écran percé d'une fente verticale,
un faisceau lumineux que l'on reçoit sur un prisme dont
l'arête réfringente est dirigée perpendiculairement à la
grande dimension de la fente, c.-à-d. horizontalement ; on
forme ainsi un spectre que l'on dirige sur une substance
fluorescente ; il apparaît sous forme d'un spectre déve-
loppé verticalement, très étroit, mais très brillant et assez
peu pur ; on le regarde à travers un second prisme d'arête
réfringente verticale. S'il n'y avait pas de substance fluo-
rescente, mais un simple écran à la place, on obtiendrait,
d'après l'expérience des prismes croisés, un spectre incliné,
et, si les deux prismes étaient identiques comme angle et
comme substance, le spectre serait incliné à 45°. En effet,
le premier prisme dévie davantage et vers le bas, par
exemple les rayons les plus réfrangibles, les violets. Ce
spectre vertical dont le violet est en bas, regardé avec le
second prisme, va être dévié par exemple vers la droite ;
ici encore, le violet va être plus dévié que le rouge, de
sorte que la partie la plus basse du spectre va être déviée
plus à droite que la partie haute ; le nouveau spectre ira
donc de gauche à droite quand on le regardera de haut en
bas ; il sera donc incliné. Considérons un point quelconque
M dans le premier spectre, dans le bleu par exemple. Le
second prisme donnera en W, sur le spectre incliné, l'image
de M, et il n'y aura de lumière ni à droite ni à gauche de
M' parce que en M il n'y avait que de la lumière bleue qui a
été déviée en W parle second prisme. Mais si au lieu d'un
écran on reçoit sur une substance fluorescente le premier
spectre, on constate qu'il y a de la lumière à gauche du spectre
incliné ; si nous considérons encore en particulier le point
M' et que par ce point nous menions une horizontale, nous
apercevons d'abord du bleu en M', puis, en parcourant
l'horizontale vers la gauche, nous trouvons successivement
du vert, du jaune et, en un mot, des couleurs moins ré-
frangibles ; il y avait donc, dans ce cas, au point M du
premier spectre, reçu par le corps fluorescent, non seule-
ment émission de lumière bleue que l'on voit en M', mais
émission de radiations moins réfringentes. Cela montre
qu'un corps fluorescent, éclairé par une lumière mono-
chromatique, au lieu d'absorber ou de laisser passer sim-*
plement cette lumière, la transforme en rayons d'une
réfrangibilité différente et toujours plus faible, comme l'a
remarqué Stokes.
Nous avons vu dès le début que la fluorescence n'était
produite que dans le voisinage immédiat de la surface ;
cette particularité montre que les rayons lumineux qui
produisent cette fluorescence sont absorbés par une très
faible épaisseur de la substance ; ainsi, si l'on fait tra-
verser à un faisceau lumineux une cuve, même étroite,
remplie d'une substance fluorescente, la lumière qui en
sort et qui nous semble à peine affaiblie par ce passage,
parce que ce sont surtout ces rayons ultraviolets, invisibles,
qui ont été absorbés, est incapable de produire la fluo-
rescence. On peut faire avec les corps fluorescents diverses
expériences très frappantes : l'écorce de marronnier d'Inde
placée dans de l'eau au soleil fournit un liquide d'une
belle fluorescence verdâtre ; il suffit pour cela de placer
l'eau au soleil et de faire flotter à sa surface un morceau
d'écorce ; l'eau dissout de l'esculine en donnant une solu-
tion plus lourde que ce liquide qui descend au fond de l'eau
par longs filets fluorescents qui apparaissent verts et lu-
mineux au milieu de l'eau. Le phénomène devient encore
plus brillant si on interpose entre le soleil et Feau une
plaque de verre d'un violet foncé qui laisse passer les
— 665 —
FLUORESCENCE — FLUORURE
rayons violets, c.-à-d. ceux qui produisent le phénomène,
tout en arrêtant les rayons verts, jaunes et rouges qui
masquent en partie la fluorescence. Si on remplace ensuite
le verre violet par un verre jaune, la fluorescence dispa-
raît aussitôt parce que ce verre a arrêté les rayons violets
qui peuvent produire la fluorescence. L'expérience sui-
vante est aussi très remarquable : avec une dissolution de
sulfate de quinine on trace sur un morceau de papier un
dessin quelconque. Cette dissolution étant incolore, rien
ne paraît ; la feuille a un aspect absolument uniforme. Mais
si on Téclaire avec une lumière- riche en rayons violets,
comme la lumière électrique, la lumière du magnésium,
en ayant soin d'interposer un verre violet, le dessin appa-
raît ; en effet, partout où se trouve du papier, la lumière
violette reçue est diffuse et renvoyée à l'œil avec sa nuance
violette peu éclairante. Partout où il y a du sulfate de
quinine, la lumière violette est absorbée, transformée en
rayons d'une réfrangibilité moindre et d'un éclat plus
grand pour notre œil, et le dessin apparaît en vert sur un
îbnd sombre violacé.
Quand on fait passer des décharges d'induction dans
des tubes de Geissler, c.-à-d. dans des tubes contenant
des gaz à de faibles pressions, on constate que les parois
deviennent fluorescentes. Si dans ces tubes on en introduit
d'autres contenant des substances vivement fluorescentes,
comme les sels d'urane, le sulfate de quinine, etc., on
obtient des effets lumineux très beaux et très variés. On
a essayé d'utiliser les effets que produit le verre d'urane
dans ces conditions pour s'éclairer dans les mines sans
craindre les explosions de grisou. — Les phénomènes
de fluorescence ont été utilisés aussi pour l'étude de la
partie violette des spectres : cette étude peut se faire à
l'aide de la photographie qui donne une image intense
de la partie violette et ultraviolette qui n'ont sur notre
œil qu'une action faible et nulle ; elle peut aussi se faire
par la fluorescence qui transpose en quelque sorte cette
image ultraviolette écrite dans le spectre dans une gamme
trop haute, c.-à-d. en vibrations trop rapides, en une autre
dont les vibrations, plus lentes, affectent notre œil. Pour
cela, M. Soret dispose au foyer de la lunette d'un spectros-
cope une lame mince en verre d'urane qui devient fluores-
cente dans la partie ultraviolette du spectre et la rend visible
avec tous ses détails, avec les raies fines et noires qu'elle
contient quand la lumière reçue dans le spectre est celle
du soleil. Pour mieux apercevoir la fluorescence, l'oculaire
est disposé, en général, un peu sur le côté. On donne à
cette réunion d'une plaque fluorescente et de l'oculaire le
nom d'oculaire fluorescent. A. Joannis.
* FLUORHYDR1QUE (Acide) (Chim.).
Favm S EquW FlH
Form' ! Atom FlH.
L'acide fluorhydrique est un hydracide qui a été préparé
par Gay-Lussac et Thénard en faisant réagir, dans une
cornue en plomb, l'acide sulfurique sur le fluorure de
calcium :
2CaFl + S2H208 = S2Ca208 + 2HF1 .
A cet effet, on calcine fortement du spath fluor pur,
réduit en poudre fine ; on l'introduit avec 3 p. d'acide
sulfurique dans une capsule en plomb sur laquelle on visse
un dôme de même métal, muni d'une allonge dont l'extré-
mité recourbée est refroidie dans un mélange de glace. On
lute toutes les jointures avec du kaolin et de la graine de
lin, puis on élève graduellement la température, mais sans
dépasser 200 à 250°. Pour avoir de l'acide anhydre,
Fremy commence par faire de l'acide fluorhydrique ordi-
naire, qu'il transforme en fluorhydrate de fluorure de po-
tassium ; on dessèche ce sel complètement et on le distille
dans des vases en platine. Il reste dans la cornue du fluo-
rure de potassium. — L'acide fluorhydrique pur est ga-
zeux à la température ordinaire ; dans un mélange de
glace et de sel marin, ce gaz se condense en un liquide
fluide, incolore, donnant d'épaisses fumées au contact de
l'air, ayant pour densité 0,988, bouillant vers 19°. Il se
dissout avidement dans Feau, en dégageant beaucoup de
chaleur. La solution est un liquide incolore, fumant, très
acide, à odeur piquante, corrosif. Aussi ne doit-elle être
maniée, surtout si elle est concentrée, qu'avec une grande
prudence, car elle occasionne sur la peau des altérations
profondes, de véritables brûlures ; laisse-t-on tomber dans
l'eau quelques gouttes d'acide anhydre, il se produit un
bruit strident, analogue à celui que produit un fer rougi
Appareil pour la préparation de l'acide fluorhydrique.
plongé dans l'eau. Mélangé d'acide chlorhydrique, l'acide
fluorhydrique fournit un réactif plus énergique que l'eau
régale, capable d'attaquer le silicium. Il attaque les mé-
taux, excepté l'or, le platine et l'argent ; il a peu d'action
sur le plomb ; on le conserve dans des vases en argent ;
à leur défaut, dans des bouteilles en plomb ou en gutta-
percha.
L'une des réactions les plus importantes de ce puissant
hydracide, c'est celle qu'il exerce sur la silice et les sili-
cates, et, par suite, sur tous les verres, qui sont des
silicates. Avec la silice, dès la température ordinaire, il y
a formation d'eau et de fluorure de silicium :
SiO2 + 2HF1 = H20* + SiFl2.
Au contact de l'eau, le sel est détruit avec production
d'acide hydrofluosilicique, qui reste en dissolution. Cette
réaction est utilisée pour la gravure sur verre. Il suffit,
par exemple, de recouvrir le verre d'une couche de vernis
et d'enlever avec un stylet d'acier tous les points qui doi-
vent être attaqués. Au lieu d'employer l'acide libre, on
met dans une cuvette en plomb du fluorure de calcium pul-
vérisé et de l'acide sulfurique ; on chauffe légèrement et on
expose la plaque préparée au-dessus des vapeurs qui se
dégagent ; après cinq à six minutes d'action, on enlève le
vernis avec un linge ou par un lavage à l'essence de téré-
benthine : il reste un dessin opaque, alors que les traits
sont transparents avec l'acide fluorhydrique liquide ; dans
ce dernier cas, on applique avec un pinceau l'acide étendu
de sept à huit fois son poids d'eau. — L'acide fluorhy-
drique est ordinairement employé dans les laboratoires
pour doser la silice dans les terres, les poteries, les
verres, etc. Il sert à caractériser les fluorures ; comme le
verre est légèrement attaqué par l'acide sulfurique, il est
préférable, dans ce cas, de remplacer le verre par du
quartz, qui ne subit aucune altération. Ed. Bourgoin.
FLUORINE (V. Calcium [Fluorure de]). -
FLUORURE. I. Chimie. — 4° Protofluorures. Fluo-
rhydrates de fluorures. Ils répondent à la formule MF1 ou
MFl.HFl et prennent naissance par l'action de l'acide
fluorhydrique sur les protoxydes ou les carbonates corres-
pondants. La dissolution s'effectue avec dégagement de cha-
leur ; avec la soude et l'acide, en solutions étendues, par
exemple, à équivalents égaux, il se dégage -+- 46c^3, alors
que l'acide chlorhydrique dans les mêmes conditions ne
dégage que 13cal7 (Thomsen). Les fluorhydrates se for-
ment toujours en présence d'un excès d'acide. Ils sont
ordinairement solubles, cristallisables, transformables par
la calcination en fluorures neutres ; toutefois, s'ils sont
FLUORURE - FLUTE
- 666
hydratés, on obtient un mélange de fluorure et d'oxyde ou
un oxyfluorure. Ce sont des fondants énergiques, qui atta-
quent rapidement les oxydes et peuvent remplacer l'acide
fluorhydrique dans la préparation des fluosels.
2° Sesquifluorures. Ils résultent de l'action de l'acide
fluorhydrique sur les sesquioxydes. Avec l'alumine cal-
cinée, on obtient une dissolution, une liqueur qui laisse à
l'évaporation un résidu qu'on distille dans un courant
d'hydrogène. Ce fluorure d'alumine. APF13, cristallise en
rhomboèdres, groupés en trémies, inattaquables par l'acide
sulfurique, même à chaud. Mêmes réactions avec le ses-
quioxyde de fer, avec le sesquioxyde de chrome, etc.
3° Fluorures acides. Fluosels. Les oxydes acides,
comme les acides titanique et antimonique, les fluorures
acides de silicium, de titane et d'étain, sont attaqués par
l'acide fluorhydrique et donnent, en présence des fluorures
alcalins ou des protofluorures métalliques, des combinai-
sons cristallisées qui ont été étudiées par Berzelius et
Marignac. L'action de l'hydracide est surtout remarquable
avec îa silice et les silicates ; s'il est anhydre, l'attaque est
nulle avec le verre ; mais, en présence de l'eau, elle est
immédiate et il y a finalement formation d'acide hydro-
fluosilicique :
SiO2 + 3HF1 =H20*+ (SiFP.HFl).
Les fluosilicates, fluotitanates, fluostannates, fluozirco-
nates alcalins sont isomorphes et répondent aux formules
suivantes :
2MFLSi2Fl4
2MFl.Ti2Fl4
2MFLSn«El*
2MFl.Zr2Fl4.
Les acides niobique et tantalique se dissolvent dans
l'acide fluorhydrique et fournissent également avec les fluo-
rures alcalins ou métalliques des fluoniobates, des fluotan-
talates, dont quelques-uns sont isomorphes avec les com-
posés correspondants du titane, du zirconium et du
tungstène, tandis que l'acide tungstique et les tungstates
n'engendrent que des fluoxytungstates. Ces relations d'iso-
morphisme sont importantes, car elles permettent de fixer
les formules des composés oxygénés correspondants (Mari-
gnac). Ed. Bourgow.
IL Industrie. — La préparation des fluorures n'est
pas l'objet d'une industrie spéciale. Cela tient à ce que
le seul employé en quantité notable est un produit na- .
turel. La fluorine ou fluorure de calcium, d'aspect
original, sert à fabriquer des objets décoratifs ; la métal-
lurgie s'en sert également comme fondant, surtout dans
l'industrie du cuivre. Ainsi que l'acide fluorhydrique, les
fluorures alcalins et surtout les fluorhydrates de fluorures
MHF12 corrodent le verre ; cette propriété les fait employer
dans la gravure (V. Gravure sur verre). Enfin les pro-
priétés antiseptiques de l'acide fluorhydrique ayant fait
employer cet acide pour combattre la tuberculose, M. Effront
eut Fidée d'utiliser ce caractère pour détruire les bactéries
qui, en distillerie et en brasserie, sont un ennemi si redou-
table de la levure alcoolique et de la diastase. Cette ingé-
nieuse application est un des plus grands progrès accomplis
dans cette branche de l'industrie pendant ces dernières
années (V. Diastase, Fermentation). Pour préparer les
fluorhydrates de fluorures, on divise un volume d'acide
fluorhydrique en deux parties égales ; on neutralise exacte-
ment l'une et on la mélange à l'autre. Le liquide refroidi
ne tarde pas à cristalliser. Ch. Girard.
FLUOSILICATE(ïndustr.) (V. Durcissement).
FLUQUIÈRES.Com.du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-
Quentin, cant. de Vermand; 764 hab.
FLUSHING. Ville des Etats-Unis, Etat de New York
sur la côte N. de Long Island, à quelques kil. à l'E. de
Brooklyn. Nombreuses'villas, jardin botanique; 6,700 hab.
FLUSTRELLARIA (V. Membranipora).
FLÛTE (Mus.). Instrument à vent, en bois ou en métal,
dont l'invention remonte, chez tous les peuples, à l'antiquité
la plus reculée. Primitivement, la flûte a dû être faite d'un
simple roseau creux, ouvert aux deux bouts, dans lequel
une colonne d'air vibrait sous l'action du souffle humain,
ou bien d'un assemblage de tubes simples ainsi formés, per-
mettant d'obtenir de la sorte plusieurs sons différents ; c'est
la syrinx, c'est la flûte de Pan de la légende grecque.
Puis, on eut l'idée de pratiquer des trous le long du ro-
seau, du bois creux, de la corne ou de l'os évidés qui
constituaient le corps de l'instrument. Une même flûte put
ainsi donner des sons divers, suivant le trou obturé par le
doigt du joueur. De telles flûtes ont été retrouvées en des
monuments fort anciens, et même parmi les débris décou-
verts aux grandes stations préhistoriques d'Europe, celles
par exemple de la Vézère. En Orient et en Grèce, la flûte
prit une grande importance musicale : selon son origine,
son rôle, la perce de ses trous et, par conséquent, la na-
ture de son échelle sonore, on en distingua de nombreuses
variétés. Ainsi la double flûte paraît être d'origine phéni-
cienne ; l'Egypte connut les flûtes Man et Sebi , et la Chine
la flûte Yo. Les Grecs classèrent leurs flûtes d'après les
types suivants . Monaule, Calamaule, Plagiaule, Ly-
siode, Chorikê, Diopé, Elymé, Paratritès, Hemiopé,
Lotos ou Photingè, Andrié, Bombykos, Paranié, Kitha-
ristris, Parthené, Hypotretè, Adonime, Skytalé, Spon-
dia, Gingrine, Embaraterié, Pykné, d'après les particu-
larités de la construction. A d'autres points de vue, ils les
classaient en flûtes thébaines, béotiennes, phrygiennes,
argiennes, égyptiennes, libyennes, lydiennes, doriennes,
grecques, pythiennes, dactyliques, tragiques, nuptiales. La
flûte, encore assez en usage au ve siècle (d'après Cassiodore),
et au viie siècle (si l'on s'en rapporte au témoignage d'Isi-
dore de Séville) tombe en désuétude pendant la plus grande
partie du moyen âge, où seuls les musiciens ambulants
continuent parfois de l'employer, surtout en Allemagne et
en Suisse. Au xvie siècle, les flûtes d'Allemagne, flûtes
traversières, flûtes suisses, sont connues et appréciées;
on cite un traité italien, publié à Venise en 4535, qui est
une véritable méthode de flûte. On construit alors des
flûtes petites et grandes, donnant des échelles sonores de
différentes hauteurs, et appelée flûte de déchant, flûte
alto, flûte ténor, flûte basse. C'est en France qne l'on a
percé pour la première fois sept trous au lieu de six, le
septième comportant une clef. La coutume naquit ensuite de
diviser la flûte en trois parties démontables, et, un peu
plus tard, en quatre. En 1752, le virtuose Quantz inventa
la vis de tête, qu'il nomma bouchon à vis et qui se peut
rapprocher ou éloigner de l'orifice de l'embouchure. Le
même Quantz, en \ 726, avait pourvu la flûte d'une deuxième
clef; Hoffmann en ajouta une nouvelle en 4740, et les per-
fectionnements continuèrent ainsi jusqu'à Gordon et Boehm.
Boehm modifia profondément la construction de la flûte : tout
d'abord, il remplaça le bois d'ébène par le bois plus^ dur
de cocotier après étude des instruments dont se servait le
virtuose anglais Nicholson, et construisit même des flûtes
en métal, construction devenue aujourd'hui ^ d'un ^ usage
courant et qui dérive de ce fait général que l'intensité des
sons émis par la flûte augmente avec la dureté de la matière.
Il modifia le calibrage intérieur de la flûte, jusqu'alors tantôt
courte et conique, tantôt longue et cylindrique ; d'une façon
générale il adopta, en la perfectionnant, la construction de
Denner, comportant des dimensions moyennes et une forme
légèrement conique vers la tête; de plus, il fit ses flûtes
cylindriquement calibrées avec une légère dilatation dans le
voisinage de l'embouchure, et obtint de la sorte des sons
excellents, surtout en appliquant cette forme à sa flûte mé-
tallique. La perce des trous fut également améliorée, spé-
cialement par l'augmentation du diamètre de ces ouvertures.
Enfin, sacrifiant f ancien doigté, il réalisa un jeu nouveau
de clefs d'obturation, et inventa les clefs annulaires,
dont l'anneau de métal s'applique sur le trou, de manière
à en diminuer l'ouverture, et que l'application d'un tampon
actionné par le doigt peut aussi fermer entièrement.
Cet historique de la flûte résume en même temps sa
667
FLUTE - FLUXION
construction et sa forme. La flûte traversière, c.-à-d. tenue
transversalement par l'exécutant dans une position presque
perpendiculaire à celle qu'occuperait une clarinette ou un
hautbois, est la seule en usage aujourd'hui. L'échelle sonore
de la flûte actuelle part de Y ut inférieur de la clef de sol
(lre ligne supplémentaire au-dessous de la portée) et embrasse
trois octaves avec tous les degrés chromatiques intermé-
diaires. Le son de la flûte, généralement doux, de timbre
« blanc » comme disent quelquefois les musiciens, est très
agréable à l'oreille, encore qu'il laisse souvent à désirer sous
le rapport de la justesse rigoureuse. Use modifie beaucoup
dans le registre grave. La petite flûte, flûte beaucoup plus
courte que la flûte ordinaire ougrande flûte, est aussi appelée
p iccolo; elle a des sons aigus très perçants. Le son fondamen-
tal de la petite flûte est plus élevé d'une octave que celui de
la grande flûte, mais la notation s'écrit à la même hauteur,
bien que devant être transposée à l'octave au-dessus. On
a construit des flûtes en mi bémol et mi bémol aigu,
en fa et fa aigu, mais ces instruments « transpositeurs »
ne sont employés que dans les orchestres militaires. D'autres
flûtes, demeurées sans usage, ont été faites en sol et en si
bémol (flûtes d'amour). Actuellement, dans l'orchestre de
symphonie ou de drame lyrique, on se sert de deux grandes
flûtes ou de trois (ce nombre est habituel à Richard Wagner,
dans ses dernières œuvres), et d'une petite flûte, rarement
de deux,
Flûte à bec ou flûte douce. — Instrument à vent en
bois, percé de sept trous, dont l'embouchure comportait
une fente étroite, et qui fut très usité aux xive et xvne
siècles. Ce bec de la flûte était adapté à une partie plus
large, le noyau, où aboutissait, de l'autre côté, le tube so-
nore de l'instrument ; le souffle venait se briser partielle-
ment sur les bords amincis de l'orifice du tube dans le
noyau, et il en résultait un timbre tout spécial. L'échelle
ordinaire de la flûte à bec allait du fa inférieur de la clef
de sol au sol des lignes supplémentaires au-dessus de la
portée ; mais on construisait plusieurs espèces de ces flûtes,
à des hauteurs diverses.
Flûtes. — « Voix » de l'orgue, dépendant surtout du Ma-
nuel, qui présentent une certaine analogie de son avec les
flûtes de l'orchestre, et qui sont surtout employées à réa-
liser des parties accompagnantes élevées, de timbre doux,
au-dessus d'un chant principal. Les tuyaux affectés à ces
voix sont ordinairement en bois de poirier, rarement en
métal, de forme conique droite ou renversée. Les variétés
et les mesures en sont si nombreuses qu'il faut de toute
nécessité renvoyer le lecteur aux traités spéciaux intéres-
sant la facture des orgues. Alfred Ernst.
Bibl. iMendel, Musikalisches Conversations-Lexicon;
Berlin, 1873, t. III, in-8. — F.-J. Fétis, Histoire générale
de la, musique; Paris, 1869-1876, t. I, in-8. — H. Lavoix,
Histoire de l'instrumentation; Paris et Bruxelles, in-4.
FLÛTEAU (Bot.) (V. Alisme).
FLUVIA. Petit fleuve d'Espagne (Catalogne), qui descend
du col de Oria (600 à 700 m.) situé dans les montagnes
du Grao de Olot (4 ,500 m.), contrefort des Pyrénées orien-
tales, coule de 10. à l'E., baigne San Esteve den Bas
(442 m.), Olot (424 m.), Castellfollit, Besalû, Bascara et
débouche, après un cours d'environ 80 kil.,dans le golfe de
Rosas, près de San Père Pescador. C'est un véritable gave,
ni navigable ni flottable.
FLUVIOGRAPHE (Phys.). Sorte de marégraphe sim-
plifié installé sur les rivières canalisées, auprès de chaque
barrage, pour enregistrer les variations de niveau de la
retenue. C'est en même temps un appareil d'avertissement
pour les barragistes qu'il prévient, par une sonnerie spé-
ciale, aussitôt que le niveau s'abaisse ou s'élève au
delà des limites fixées pour éviter, soit l'échouage des
bateaux, soit la submersion des propriétés riveraines ;
ces avertissements dispensent les agents d'une surveillance
assidue, pénible pendant la nuit, tandis que les diagrammes
fournis par l'appareil permettent de contrôler leur service.
Le fluviographe se compose d'un flotteur, logé dans une
gaine en planches pour le soustraire au clapotement de
l'eau ; le fil auquel le flotteur est suspendu s'enroule sur
une poulie, puis s'attache à un chariot porte-crayon. Le
crayon inscrit les mouvements du flotteur sur un papier
fixé, soit sur un cylindre, soit sur un disque, entraîné par
un mouvement d'horlogerie. L'appareil à cylindre est em-
ployé pour les indications hebdomadaires, l'appareil à
disque pour les indications journalières. Le chariot est muni
d'un taquet qui, par son contact avec des lames flexibles,
donne passage à un courant électrique et actionne la son-
nerie placée dans la chambre du barragiste. Ces lames, au
nombre de deux, sont placées de façon à enfermer les va-
riations de la retenue dans des limites fixées d'avance à
0m50 environ. Les inscriptions du fluviographe ne dépas-
sent pas ces limites, les seules nécessaires pour le règle-
ment des retenues formées par les barrages mobiles.
L'appareil est simplement fixé sur deux consoles, contre
la face amont de la culée du barrage, dans une boîte en
chêne fermée par des glaces sur trois côtés, recouverte
d'une toiture et protégée par un rideau mobile en toile ;
on la rentre en magasin lorsque les eaux atteignent le
couronnement de la culée. L. K.
FLUX. I. Physique. — Flux de force. —-Considérons
une surface dans un champ magnétiquelimitée par un contour
déterminé. On appelle flux de force .à travers ce contour l'in-
tégrale / FndS étendue à toute la surface limitée par le con-
tour considéré et dans lequel dS est un élément infiniment
petit de cette surface et Yn est la composante du champ ma-
gnétique en ce point dirigée suivant la normale à l'élément
de surface c£S. Dans le cas particulier où le champ magné-
tique est uniforme, il résulte de cette définition que le
flux de force à travers une surface plane est proportionnel
à l'étendue de cette surface et à la composante de l'inten-
sité suivant la normale à la surface, ou, si l'on veut, il est
proportionnel au produit de cette surface par l'intensité
du champ magnétique et par le cosinus de l'angle que fait
la normale à la surface avec la direction des lignes de
force. A. J.
IL Astronomie et Hydrographie.— Flux et Reflux
(V. Marée).
FLUXION. I. Mathématiques. — Le calcul des
fluxions imaginé par Newton est l'algorithme employé par
ce savant pour exposer l'analyse infinitésimale ; le calcul des
fluxions n'est plus ni enseigné ni usité aujourd'hui, les géo-
mètres préférant faire usage de l'algorithme différentiel de
Leibnitz, qui est infiniment plus commode. Le calcul des
fluxions n'est que le développement d'un cas particulier de la
méthode de Roberval pour mener les tangentes aux courbes.
Considérons une courbe rapportée à deux axes rectangu-
laires; soient #, y les coordonnées d'un point mobile décrivant
la courbe. Newton admet que nous avons intuitivement la
notion de vitesse ; alors il appelle fluxion de x et désigne
par x la vitesse avec laquelle croît x ; il définit d'une façon
analogue la fluxion y de y, et il trouve alors pour coeffi-
cient angulaire de la tangente en x ; y à la trajectoire du
mobile % , en définitive % est la dérivée -^ et la repré-
/Y* rp \XtAs
sente partout; les quantités #, y portent dans la théorie
de Newton le nom de fluentes. Bien qu'à la rigueur il soit
possible de dégager la théorie des fluxions de cette notion
de vitesse et par suite de la notion étrangère du temps, ses
notations sont loin de présenter les avantages et la simplicité
de celles du calcul différentiel qui a prévalu. C'est à l'art.
Différentiel que l'on a exposé les avantages que présente
ce dernier calcul sur celui des fluxions. H. Laurent.
IL Médecine. — L'élément fluxion est une modalité
pathologique élémentaire de l'unité vivante, en vertu de
laquelle l'équilibre habituel de distribution des liquides
dans l'économie est rompu au profit d'un organe donné
ou d'une série d'organes (Grasset). Hippocrate et Galien
considéraient la fluxion comme un mouvement par lequel
FLUXION — FLY
— 668 —
les humeurs (le sang en particulier) s'accumulent dans
telle ou telle partie. Cette doctrine fut obscurcie par la
théorie et la métaphysique entre les mains de leurs succes-
seurs et des Arabes et fut rétablie encore par la clinique,
sous le patronage de Bressot, Fernel et Laurent Joubert,
au XVIe siècle. Aux xvne et xvme siècles, le mécanicisme, le
solidisme, l'animisme défigurent la fluxion et semblent se
substituer toutes les trois à l'humorisme ancien. Les iatro-
mécaniciens voient l'accumulation humorale dans un or-
gane, mais ils méconnaissent la contrefluxion et ne l'envi-
sagent que comme un phénomène purement physique et
hydraulique. Les solidistes ne considèrent dans la fluxion
que l'état local réalisé naturellement ou artificiellement et
n'ont pas la notion de ce mouvement antérieur qui est le
fondement même de la vraie fluxion. Les animistes ad-
mettent le mouvement fluxionnaire, mais ils attribuent à
sa cause une intelligence qui en fausse entièrement la con-
ception. Vient Barthez et l'école de Montpellier. Il appelle
fluxion tout mouvement qui porte le sang ou toute autre
humeur sur un organe particulier avec plus de force ou sui-
vant un autre ordre que l'état naturel, et il distingue la déri-
vation et la révulsion, pose les grandes règles qui doivent
présider à leur emploi et les énonce en cinq propositions.
De plus, Barthez considère la fluxion comme un élément
de la maladie. C'est dans cette notion seulement qu'est la
clef de tout l'enseignement clinique de l'école de Montpel-
lier. De nos jours, la tendance générale est d'augmenter
de plus en plus l'importance de la lésion locale dans les
maladies, grâce aux progrès de l'histologie et de l'anatomie
pathologique. Les travaux sur la congestion, l'anatomie et
la physiologie pathologique ont peu à peu absorbé l'atten-
tion ; on n'a plus vu que les conséquences locales de la
fluxion, et peu à peu la fluxion a été identifiée avec la
congestion. On peut considérer avec Grasset : des fluxions
physiologiques, pathologiques ou symptomdtiques, cri-
tiques, thérapeutiques . Les quatre grandes actions thé-
rapeutiques de la médication fluxionnante dont on peut
facilement déduire les indications, peuvent se formuler
ainsi : provoquer ou faciliter des fluxions physiologiques
ou critiques, détourner une fluxion pathologique, spolier
l'économie par les flux qu'elle provoque.
Traitement de la fluxion. Il ne faut pas combattre les
fluxions pathologiques ou critiques. Ce sont des actes utiles,
les uns au maintien, les autres au rétablissement de la
santé. Les fluxions thérapeutiques anciennes doivent être res-
pectées chez les individus atteints de fluxions pathologiques
redoutables (contre-indication de la suppression des cau-
tères chez les vieux catarrheux). On peut quelquefois, bien
que dans une mesure restreinte, combattre directement
une fluxion pathologique et essayer de la réduire par des
moyens thérapeutiques appropriés. Mais le plus souvent
on emploie une méthode plus efficace, qui consiste à pro-
voquer sur un autre point une fluxion thérapeutique, une
contre-fluxion qui détruira la fluxion vicieuse.
Dr A. Coustan.
Fluxion dentaire (V. Dent, t. XIV, p. 437).
III. Art vétérinaire. — Fluxion périodique. —
Maladie inflammatoire de l'œil des solipèdes, caractérisée,
comme son nom l'indique, par un afflux sanguin du côté des
yeux, afflux auquel succède après quelques jours le trouble
des humeurs, et par la périodicité de ses accès; maladie
grave, se terminant toujours par la perte d'un œil ou des
yeux. La fluxion périodique sévit principalement dans les
pays bas et humides, à sous-sol argileux et marécageux,
sur les chevaux mous, lymphatiques, dont l'œil petit, cou-
vert, renfoncé dans l'orbite, fait dire qu'ils ont la vue
grasse. L'émigration, le transport des animaux d'un pays
chaud et sec dans un pays froid et humide, et l'hérédité,
telles sont les causes principales, prédisposantes ou déter-
minantes de la fluxion périodique.
La fluxion débute par de la tristesse et de la fièvre ;
l'animal est abattu ; ses paupières se gonflent et se con-
gestionnent; la conjonctive devient rouge et ses vaisseaux
se remplissent de sang ; l'œil est chaud, douloureux et
laisse écouler des larmes en grande abondance ; il perd sa
transparence et la cornée s'obscurcit de la circonférence
vers le centre, puis, au fur et à mesure que l'inflammation
gagne l'intérieur de l'œil, on y voit peu à peu les symp-
tômes extérieurs de conjonctivite et de gonflement des pau-
pières diminuer et s'amoindrir sensiblement. A la seconde
période, tous les phénomènes se concentrent dans l'inté-
rieur de l'œil ; les humeurs se troublent et deviennent
opaques ; des petits flocons nébuleux apparaissent dans
l'humeur aqueuse et bientôt se précipitent dans la chambre
antérieure sous forme de segment jaunâtre à concavité
supérieure aucjuel on a donné le nom tfhypopion. Cette
deuxième période dure de quatre à cinq jours. A la troi-
sième période, l'hypopion, après être resté stationnaire pen-
dant quelques jours, change de coloration et prend une
teinte verdâtre, cul-de-bouteille ou feuille morte ; puis il
commence à se résorber; la cornée s'éclaircit, et l'œil peu
à peu reprend ses caractères primitifs, surtout lorsqu'il n'a
encore subi qu'une seule attaque. Après le premier accès
qui, généralement, ne frappe qu'un œil à la fois, et après
un temps variable écoulé, un mois, deux mois et six mois
parfois, un nouvel accès apparaît, laissant après lui des
traces de son passage ; l'œil est plus petit, les paupières
moins ouvertes, la transparence de la cornée a diminué et
dans le cristallin apparaissent des points blancs, indice
d'une cataracte commençante. L'œil finit par se perdre
entièrement ; tantôt les accès sont bien déterminés et
se manifestent par des symptômes caractéristiques ; d'autres
fois, et, le plus souvent, l'œil demeure sensible à la lumière,
douloureux à la pression, sans cesse larmoyant ; insensi-
blement, le travail de destruction s'accomplit et s'achève,
et il s'achève par la perte irrémédiable de l'œil qui reste
frappé pour toujours soit de cataracte, soit d'amaurose, ces
deux inévitables terminaisons de la fluxion périodique. Six
ou sept accès sont généralement nécessaires pour entraîner
la perte de la vue. Si les deux yeux ont été frappés, le
cheval est aveugle ; si le mal n'a frappé que sur un seul,
il peut arriver que le second reste indemne, si, surtout,
les conditions de température et de milieu qni ont favorisé
l'éclosion de la fluxion ont été modifiées, soit par le trans-
port de Tanimal dans un pays plus sain, soit par une
bonne alimentation, soit par des soins hygiéniques bien
compris. Maladie des plus redoutables, la fluxion pério-
dique des yeux était, sous la loi du 2 mai 4838, rangée
au nombre des vices rédhibitoires. La loi du 2 août 4884
l'y a maintenue. Le délai pour intenter l'action est de trente
jours francs. L. Garnier.
FLUY. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Amiens, cant.
de Molliens-Vidame ; 351 hab.
FLUYXENCH y Trell (Manuel), peintre catalan con-
temporain, né à Tarragone et élève de l'école des beaux-
arts de Barcelone. Après un court séjour à Rome, il revint
à Barcelone et y obtint la place de professeur de peinture
à l'école des beaux-arts. Ses principaux ouvrages, exposés
à Madrid, à Londres et à Barcelone de 1 858 à 1866, sont :
la Mort de saint Bruno, Fête populaire dans les envi-
rons de Tarragone, Pénitence du roi David, Humilité
et Charité, l'Amiral Ramôn de Cortada racontant à
Pierre III d'Aragon la victoire remportée sur les Génois
et les Pisans, Mosén Juan Fivaller allant au nom de
la ville de Barcelone haranguer le roi Ferdinand
d'Antequera; il est aussi l'auteur de divers portraits de
personnages illustres catalans qui ornent les salles du palais
de la Députation provinciale. Il a fourni quelques dessins
à la belle édition du Don Quichotte, publiée à Barcelone
en 1862. P. L.
Bibl. : Ossorio y Bernard, Galeria biografica des ar-
tistas espanoles delsiglo XIX; Madrid, 1868.
FLY. Fleuve de la région méridionale de la Nouvelle-
Guinée et le plus grand cours d'eau connu de cette île ; il se
jette dans le golfe de Papoua, vers 8° 40' lat. S., 141°
long. E. L'exploration de ce fleuve date d'une époque
relativement récente. Les reconnaissances les plus sé-
rieuses ont été faites par M. d'Albertis en 1875-1877 et
par W. Mac Grégor en 1890. Le cours d'eau a été remonté
en bateau par ces explorateurs jusqu'à 1,000 kil. environ
de son embouchure. Il a été reconnu navigable pour des
embarcations calant 5 à 6 pieds. Les rives du fleuve sont
occupées par de vastes et épaisses forêts vierges, habitées
par des populations sauvages, très hostiles aux blancs. Les
nombreux îles et îlots, à l'entrée du fleuve, sont de forma-
tion allu vienne, très fertiles, mais inhabitables pour les
Européens. P. Lemosof.
FLYGARE (Mme Emilie), romancière suédoise (V.Carlén
[Mme]).
FLYSCH (GéoL). Sous ce nom, emprunté aux géologues
suisses, on désigne un puissant ensemble de schistes et de
grès fissiles ne renfermant d'autres empreintes que des
traces de fucoïdes, et spécialement développés sur les flancs
des chaînes tertiaires méditerranéennes. D'un bouta l'autre
de la grande chaîne alpine en particulier et jusque dans
les Carpates, ce flysch se poursuit toujours identique à
lui-même, en dessinant une zone extérieure étroite, bien ho-
mogène et bien continue au point de vue orographique ;
malgré cette remarquable continuité et ses caractères cons-
tants dans toute cette étendue, il est loin d'être du même
âge. Longtemps considéré comme un faciès arénacé propre
aux chaînes alpines appartenant exclusivement à l'éocène
supérieur, on sait maintenant qu'il en est tout autrement;
sans doute, ce flysch est surtout tertiaire, notamment dans
l'Ouest ; mais, dans la Suisse orientale, ainsi que depuis
Vienne jusqu'à Salzbourg en Autriche (grès de Vienne), il
devient crétacé ; dans les Carpates occidentales, il descend
jusqu'au gault, tandis que dans l'E. de cette région il
envahit, sous le nom de grès des Carpates, tout le cré-
tacé et le tertiaire. Ch. V.
FO. Nom du Bouddha en Chine (V. Bouddha).
FOA (Eugénie), romancière française, née à Bordeaux
vers la lin du xvur3 siècle, de juifs espagnols, morte à
Paris en avr. 1853. Son nom de famille était Gradis.
Elle se maria fort jeune, mais se trouva délaissée presque
tout de suite, sans ressources et dans la nécessité de ga-
gner sa vie. Elle se fit romancière, publia le Bidouschim
(Paris, 1830, 4 vol. in-12); la Juive, histoire des temps
de la régence (Paris, 1835, 2 vol. in-8), etc. Sa vocation
n'était point là ; elle s'en aperçut et s'attacha exclusive-
ment à la littérature instructive et morale. On a d'elle,
dans ce genre, les Mémoires d'un polichinelle (Paris,
1839, in-8); le Petit Robinson de Paris (Paris, 1840,
in-18) ; le Vieux Paris, contes historiques (Paris, 1840,
in-16),etc. C'était une des collaboratrices les plus assidues
du Journal des enfants, du Journal des demoiselles et du
Dimanche des enfants; elle publia aussi quelques nou-
velles dans les quotidiens du temps sous le pseudonyme de
Maria Fit%-Clarence. On lui trouvait de la grâce, du
sentiment et de l'esprit. Ch. Le G.
FOA ME IX. Coin, du dép. de la Meuse, arr. de Verdun-
sur-Meuse, cant. d'Etain ; 173 hab.
FOC (Mar.). Voile triangulaire placée à l'avant du bâti-
ment, sur le mât de beaupré. A bord des navires à voiles,
les focs sont au nombre de quatre ; le plus en dedans
(voile de gros temps) s'appelle la trinquette ; puis vien-
nent : le petit foc, le grand foc, et enfin, tout à fait à
l'extrémité du bout-dehors, le clin-foc qui, lui, est une
voile de beau temps et ne se hisse, généralement, que
quand les cacatois (V. ce mot) sont établis. Ces quatre
voiles diffèrent entre elles et par leurs dimensions et par
l'épaisseur de la toile. Les focs sont plutôt des voiles
d'évolution que des voiles de marche. On le comprendra
aisément par cette considération : un bâtiment évolue,
tourne autour de son centre de gravité, qui est toujours
placé sur l'axe longitudinal et à peu de distance du centre
de figure. Les focs étant placés à l'extrémité du bras de
levier ont nécessairement plus d'action que les autres
voiles de l'avant plus rapprochées dudit centre de gravité.
— 669 — FLY — FOCAL
Pour être utilisées, ces voiles n'ont besoin que de trois
points d'attache, contrairement aux voiles carrées, qui,
elles, sont tendues ou enverguées tout le long des vergues.
Ces trois points sont : le point d'amure fixé sur le beau-
pré, qui ne bouge jamais (sauf sur les focs à rocambeau) ;
le point de drisse qui est le point par lequel on hisse le
foc, et enfin le point d'écoute qui sert à tendre plus ou
moins la voile au vent suivant l'allure à laquelle le bâti-
ment court. Cependant pour que les focs établissent
mieux , ils sont fixés sur un cordage rigide appelé draille
(V. ce mot), sur lequel la voile se meut au moyen d'an-
neaux ou de bagues comme un rideau sur la tringle. Pour
compléter le gréement nécessaire à la manœuvre de ces
voiles, nous citerons encore le haie-bas qui, ainsi que son
nom l'indique, sert à faire descendre le foc le long de sa
draille ; c'est l'opposé de la drisse. Enfin, à bord des grands
bâtiments, une cargue étouffe la toile en son milieu et per-
met, en dé ventant le foc, de s'en débarrasser plus facilement,
en diminuant le frottement des bagues sur la draille lors-
qu'on le haie-bas. Il va sans dire que, quand on agit sur
cette vcargue, il faut filer l'écoute à la demande. *
FOCA ou FOTCHA. Ville de Bosnie (cercle de Mostar),
ch.-l. de cant., sur la rivière Drina; 4,360 hab., pour la
plupart mahométans. On y fabrique des armes damasquinées
et des tapis.
FOCAL. I. Mathématiques: — (V. Congruence). On
appelle focales d'une conique le lieu des points tels que
leurs distances aux points de la courbe soient des fonctions
rationnelles des coordonnées de ces points; ce sont des
coniques qui passent par les foyers.
On appelle foyer d'une surface le sommet d'un cône
isotrope (ou d'une sphère de rayon nul) doublement tangent
à la surface; c'est un point d'où l'on peut mener deux
plans tangents isotropes à la surface. — On appelle
focale d'une surface le lieu de ses foyers; ce lieu
est en général une ligne. On démontre facilement que la
focale d'une surface est la ligne double de la développable
isotrope circonscrite à la surface. — Deux surfaces homo-
focaies sont deux surfaces ayant les mêmes focales. — Les
focales de l'ellipsoïde
Xl + f A-%1 — A
a^b^c* ~~
sont au nombre de trois ; elles ont respectivement pour
équations :
a*
b2-
Z>2-
-, + 1 = 0,0 = 0;
- + l=:0,y = 0;
c2 — b<
+ 1 = 0, % = 0 ;
la première (en supposant a > b > c) est imaginaire, la
seconde est une hyperbole, la troisième est une ellipse.
Surfaces focales, Points focaux d'un faisceau ou d'une
congruence (V. ce mot). H. L.
II. Physique. — Lignes et plans focaux. — On dé-
montre, dans la théorie des lentilles et des miroirs, que
l'image d'une droite est une droite, que l'image d'un plan est
un plan, quand on emploie des lentilles ou des miroirs d'une
faible ouverture et que l'on néglige des quantités du second
ordre. On appelle plan focal conjugué d'un plan donné l'image
de ce plan fournie par une lentille ou un miroir ; il mérite
ce nom de conjugué parce que l'on démontre, parla théorie
et l'expérience, que 1 on peut permuter l'objet plan qui,
devant un miroir ou une lentille, donne une image sur un
écran avec cet écran. Dans cette nouvelle position inverse
de l'écran et de l'objet, l'image est encore nette, de telle
sorte qu'à chaque plan il en correspond un autre conjugué,
et la position de ces deux plans est telle que chacun d'eux
peut être considéré comme l'image de l'autre. Il en est de
même des lignes ; à chaque ligne en correspond une autre,
dite ligne focale conjuguée, et chacune d'elles peut être
considérée comme l'image de l'autre. On appelle plan focal
FOCAL — FOEHN
— 670
principal d'un miroir ou d'une lentille le plan conjugué
d'un plan situé à une distance infinie. Ce plan passe par
le foyer (V. ce mot) de la lentille ou du miroir. A. J.
Bibl. : Mathématiques. — Salmon, Géométrie analy-
tique, trad. française de Résal et Vaucheret.
FOCE. Corn, du dép. de la Corse, arr. et cant. de Sar-
tène; 445 hab.
FO-CHAN (V. Fat-Chan).
FOCICCHIA. Com. du dép. de la Corse, arr. de Corte,
cant. de Piedicorte-di-Gaggio ; 193 hab.
FOCILLON (Adolphe- Jean), naturaliste français, né à
Paris le 41 oct. 1823, mort le 27 sept. 4890. Il débuta,
en 4845, comme préparateur du cours d'histoire naturelle
au Collège de France, professa de 4846 à 4868 les
sciences physiques et naturelles au lycée Louis-le-Grand
et fut ensuite, pendant près de vingt ans, directeur de la
nouvelle école municipale Colbert, à Paris. Il a été le col-
laborateur de Le Play (V. ce nom) pour l'organisation des
expositions universelles de 4855 et de 4867. Il est surtout
connu par le Dictionnaire général des sciences théo-
riques et appliquées (Paris, 4864-69, 2 vol. in-8 ; 3e édit.,
4880), dont il a, avec Privat-Deschanel, dirigé la publica-
tion, et par ses ouvrages de vulgarisation scientifique :
Expériences et instruments de physique (Tours, 4884,
in-8); les Grandes Inventions des temps modernes
(Tours, 4885, in-8); le Spectacle du Ciel (Tours, 4888,
in-8), etc. Il a en outre écrit un grand nombre de petits
traités d'histoire naturelle, de physique et de chimie pour
les écoles primaires et l'enseignement secondaire. On lui doit
enfin une traduction du livre d'A. Vogt : les Aliments
(Paris, 4875, in-46) et quelques mémoires originaux d'en-
tomologie parus dans les Comptes rendus de l'Académie
des sciences de Paris (4850-52) et dans Revue et Ma-
gazin de.zoologie (4850). L. S.
Bibl. : Le Temps, n° du 29 sept. 1890.
FOGKEDEY (Jean-Jacques), homme politique français,
né à Dunkerque le 45 févr. 4758, mort à Marcq-en-Barœul
le 42 mai 4853. D'une famille d'origine anglaise, il se fit
recevoir docteur es arts à Douai, puis docteur en médecine
à Montpellier et exerça la profession de médecin à Dun-
kerque. Député du Nord à la Convention, il y siégea parmi
les modérés et, dans le procès de Louis XVI, vota pour la
détention. Le 3 avr. 4793, il donna sa démission, se retira
à Dunkerque où il fut arrêté le 2 frimaire an II, et remis
quelques semaines après en liberté. Le reste de sa vie
s'écoula dans l'obscurité. On a publié d'intéressants extraits
de ses mémoires dans les Documents pour servir à l'his-
toire de la Révolution, par Ch. d'Héricault et Gustave
Bord (Paris, 4885, in-8, 2e série). F.-A. A.
FOCO MÈTRE. C'est un instrument destiné à mesurer
la distance focale principale d'une lentille ; il a été ima-
giné par Silbermann et il est fondé sur le principe sui-
vant : lorsqu'un objet se trouve situé à une distance d'une
lentille convergente égale au double de sa distance focale
principale, son image, située à une distance de la lentille
égale à la précédente, a exactement les mêmes dimensions
que l'objet. Le focomètre de Silbermann se compose d'une
règle divisée sur laquelle peuvent glisser deux petits cercles
*de verre dépoli portés par des pieds. Sur chacun de ces
cercles se trouve tracé un diamètre horizontal qui les divise
en parties égales \ la partie supérieure de l'un porte une
division en traits équidistants, tandis que la partie infé-
rieure de l'autre porte une division exactement semblable
dont les traits ont même écartement que ceux de l'autre.
Entre ces deux verres dépolis, dont l'un va jouer le rôle
d'objet et l'autre d'écran, on place la lentille que l'on
étudie ; l'image de la première graduation se fait sur la
seconde, et, lorsqu'elles sont confondues, l'objet et l'image
ont même grandeur ; on écarte les deux verres dépolis de
part et d'autre de la lentille, de façon que l'on obtienne
ce résultat. Lorsqu'il est atteint, la distance des deux verres
dépolis est le quadruple de la distance focale cherchée. Le
verre dépoli servant d'objet est fortement éclairé par une
lampe ; souvent on interpose une lentille entre les deux
pour éclairer la division d'une façon plus uniforme, et l'on
regarde le second verre dépoli à l'aide d'une loupe qui
permet d'apprécier avec plus d'exactitude la coïncidence des
deux divisions. On peut employer cet instrument pour la
mesure de la distance focale principale des lentilles diver-
gentes. Pour cela, à la lentille divergente que l'on étudie, on
en ajoute une autre convergente de distance focale prin-
cipale connue ou que l'on mesure comme on vient de le
voir ; cette lentille doit être telle que l'ensemble qu'elle
forme avec la lentille divergente soit convergent ; à l'aide
du focomètre, on mesure la distance focale <p de ce sys-
tème, les deux lentilles se touchant, ce qui est possible,
puisque le système est convergent. Si l'on désigne par fia
distance focale principale de la lentille convergente et par
x celle de la lentille divergente, on déduit cette dernière
delà relation/*— x =z 9. A. Joannis.
FOCSANI. Ville de Roumanie, sur le Milcov, district de
Putna, dép. de Gurile-Bilesci ; 20,000 hab. Préfecture,
lycée, 24 églises. Les Russes y furent battus par les Turcs
le 34 juin 4789.
FODDA (Oued). Rivière d'Algérie, qui prend sa source
au S.-O. de Teniet-el-Hâd, passe au pied de la haute cime
de POuarensenis proprement dit (4,985 m.), serpente à
travers des gorges profondes et pittoresques, baigne le
centre de FOued-Fodda et se jette dans le Chélif par la rive
gauche, après un cours d'environ 400 kil. La rivière, ayant
une masse énorme d'eau en hiver et même à l'étiage
748 litres par seconde, on a commencé à faire à la sortie
des gorges un grand barrage-réservoir pouvant retenir
45 millions de m. c. et permettre d'irriguer la plaine sur
une vaste étendue. Un sanglant combat, dit de l'Oued-
Fodda, a été livré par Changarnier le 46 sept. 4842 aux
Beni-bou-Khamous. E. Cat.
FODÉRÉ (François-Emmanuel), médecin français, né à
Saint- Jean-de-Maurienne (Savoie) le 8 janv. 4764, mort
à Strasbourg le 4 févr. 4835. Il étudia à Turin, puis ser-
vit dans l'armée française pendant la campagne d'Italie ;
en 4844, il fut nommé au concours professeur de médecine
légale et d'hygiène à l'Ecole de médecine de Strasbourg.
Fodéré a laissé une trace géniale dans la science ; il peut
être considéré comme le fondateur de la médecine légale.
Une statue lui a été érigée dans sa ville natale. Ouvrages
principaux : Traité du goitre et du crétinisme (Turin,
4789, in-8 ; Paris, 4800, in-8); les Lois,., ou Traité
de médecine légale et d'hygiène publique (Paris, 4798,
3 vol. in-8 ; Paris, 4845, 6 vol. in-8) ; Essai de phy-
siologie positive (Avignon, 4806, 3 vol. in-8) ; Traité
du délire (Paris, 4847, 2 vol. in-8) ; Leçons sur les
épidémies et V hygiène publique (Strasbourg, 4822-24,
4 vol. in-8) ; Essai historique et pratique de pneuma-
tologie humaine (Strasbourg, 4829, in-8), etc.
FODLI. Tribu arabe du Hadhramaout, a FE. de la baie
de Seilân; 46,000 hab.
FOE (Daniel de) (V. Defoe).
FOÉGY. Com. du dép. du Cher, arr. de Bourges, cant.
de Mehun-sur-Yèvre ; 4,745 hab.
FŒHN (Météor.). On appelle ainsi, en Suisse, un
vent tempétueux, sec et brûlant, qui, vers la fin de
l'hiver et le début du printemps, descend des sommets
dans les vallées, éveillant les torrents et faisant crouler
les avalanches. C'est lui qui débarrasse les hautes vallées
de leurs neiges : « Sans le fœhn, dit un proverbe des Gri-
sons, le bon Dieu ni le soleil d'or n'y peuvent rien. » Il
coïncide toujours avec une baisse notable du baromètre.
Ce paradoxe d'un vent très chaud descendant de sommets
glacés a vivement excité la curiosité des savants. On a voulu
y voir un contre-courant supérieur de l'alizé de N.-E. ou
un vent chaud dévié du Sahara ; ces deux opinions sont
insoutenables. L'explication de M. Hann est bien plus près
de la réalité : un vent de S.-O., appelé par le centre d'une
dépression barométrique, monte le versant S. des Alpes,
par conséquent se dilate, se refroidit et dépose son humi-
— 671 —
FOEHN - FOERSTER
dite ; en descendant le versant opposé, il se condense et,
comme il est plus sec, il devient plus chaud- qu'il n'était
avant l'ascension. Cette explication, d'accord avec la théorie
mécanique de la chaleur, est excellente pour la partie essen-
tielle du phénomène. Reste à rendre compte de ce double
l'ait que le fœhn souffle d'ordinaire en tempête et qu'il com-
mence par se montrer (grâce aux lambeaux de nuages en-
traînés) fort au-dessus des montagnes pour descendre ensuite
jusqu'aux sommets, puis jusqu'aux vallées : cela ne peut
s^expliquer que par l'existence d'un tourbillon violent qui
planerait en ce moment-là dans les régions moyennes de
l'atmosphère et qui, n'étant pas horizontal, abaisserait gra-
duellement vers la terre son quadrant de vents de S.-O. Le
fœhn est un vent chaud de la même famille que le sirocco,
le simoun, le khamsin, l'harmattan, le pampero ; on le
retrouve, sous d'autres noms, dans tous les déserts,
parfois aussi dans les pays à riche végétation tels que
l'Inde, et jusqu'en Islande. E. Durand-Gréville.
FŒHR. Ile de la mer du Nord, sur la côte 0. du Sles-
vig; 72 kil. q.; 4,200 hab. Longue de 43 kil., large de 8,
protégée par les îles de Sylt et d'Amrum, elle a peu souf-
fert de la mer. Elle est partagée par moitié entre les ma-
rais et le terrain sec, tous deux très fertiles. La population,
de race frisonne, est très énergique ; le cabotage, la pêche,
l'élevage des huîtres, la chasse aux oiseaux, sont des res-
sources notables. Le chef-lieu est Wyk.
Bibl. : Wergelt, Die nordfriesischen Insein; Ham-
bourg, 1873, 2« éd.
FŒ1L (Le). Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Brieuc, cant. de Quintin; 1,520 hab.
FŒ-1SPAN. Nom magyar du premier magistrat de
chaque comitat de Hongrie, en allemand Obergespann. Le
mot paraît venir du slave joïipan.
FŒLDVÂR. Nom qui signifie forteresse de terre, et
qui appartient à plusieurs villages de Hongrie : Tisza-
Fœldvâr, Iasz-Fœldvâr, Duna-Fœldvâr.
FŒLSING, pédagogue allemand, né en 1816, mort le
18 juil. 1882. Elève de l'Ecole normale de Friedberg, ins-
tituteur à l'école de la garnison de Darmstadt (1843), il
créa un institut pour former des institutrices spécialement
destinées à l'enseignement des tout petits enfants. Cet ins-
titut, de 1843 à 1880, a fourni plus de 600 maîtresses
d'école à l'Allemagne du Sud. Fœlsing n'admettait pas la
théorie de Frœbel où, d'après lui, le jeu avait une part trop
considérable; son enseignement était borné, mais essentiel-
lement pratique, et il fit faire un progrès considérable à
l'instruction élémentaire en transformant en véritables
écoles les anciennes garderies.
FO EN E (Pèche). Cet engin consiste en un harpon en fer
à plusieurs branches, emmanché d'une longue perche et re-
tenu à la main par une cordelette ; il sert à transpercer le
poisson. La foëne change de forme suivant les pays ; l'en-
gin typique consiste en une fourchette à plusieurs dents
barbelées ; en certains points des côtes de Bretagne, on se
sert d'un trident ; la foëne en lance, à une seule dent, est
parfois employée par les pêcheurs de la Méditerranée ; en
Norvège, la foëne à anguilles se compose d'un grand
nombre de dents peu espacées et terminées en crochet à
leur extrémité ; dans les pays Scandinaves, on emploie
une foëne composée de dents assemblées en cercle, for-
mant comme un bouquet ; pour la pêche des poissons plats,
on se sert dans les mers de Norvège du plomb-foëne, engin
qui, comme son nom l'indique, consiste en un plomb de
sonde à chaque angle duquel se trouve une pointe barbe-
lée. En France, la foëne est principalement employée dans
la Méditerranée pour la pêche des anguilles dans les étangs
salés, et pour la pêche au feu, en mer, du commencement
de mai à fin-octobre ; l'engin ne doit pas avoir plus de
sept dents écartées les unes des autres de 25 millim.
FŒNUM Gr^cum (Bot.). Nom spécifique de la Trigo-
nelle fenu-grec, vulgairement Fenu-grec (V. Trigonelle).
FŒNUS (Fœnus Fabr.) (Entom.). Genre d'Hyménop-
tères-Térébrants, delà famille desEvaniides, dont les repré-
sentants sont caractérisés par le corps long et étroit, les
antennes courtes et épaisses, le prothorax rétréci en forme de
cou, les pattes postérieures fortement élargies à l'extré-
mité et l'abdomen allongé, terminé par une tarière très
longue. L'espèce type, F. jaculatorL., est répandue dans
toute l'Europe ; elle vit en parasite dans les nids d'Hymé-
noptères mellifères, notamment de VOsmia bicornis Latr.
Une autre espèce, F. affectator Fabr., a été rencontrée
dans les nids de VOsmia tridentata L. Ed. Lef.
FŒRE (Léon de), homme politique et publiciste belge,
né à Thielt en 1787, mort à Bruges en 1851. Il devint
prêtre en 1810 et, dès 1815, fonda à Bruges le Specta-
teur belge, excellente revue encyclopédique, destinée à
réveiller l'esprit national. Un groupe de jeunes gens dis-
tingués y publia des travaux très remarqués sur la philo-
sophie, la linguistique, l'histoire et bientôt sur les affaires
intérieures du royaume des Pays-Bas. Ces articles politiques
brouillèrent de Fœre avec le gouvernement hollandais et, en
1817, il fut poursuivi « pour avoir provoqué à la révolte
contre le roi ». Malgré ses énergiques protestations, il fut
condamné à deux ans de prison par un tribunal extra-
ordinaire. En 1830, les électeurs de Bruges se souvinrent
de cet abbé qui avait si vaillamment donné l'exemple de
la résistance légale, et ils l'envoyèrent au Congrès. De Fœre
défendit dans cette assemblée les mesures les plus libérales
et préconisa éloquemment l'alliance de la religion et de la
liberté. C'est lui qui conduisit à Londres la députation
chargée d'offrir la couronne de Belgique au prince Léo-
pold de Saxe-Gobourg (V. ce nom). Après la dissolution
du Congrès, il siéga pendant dix-huit ans à la Chambre
des représentants et y professa toujours les doctrines
unionistes d'où était sortie la révolution de 1830. E. H.
Bibl.: Huyttens de Terbeco, Discussions du Congrès
national de Belgique ; Bruxelles, 1844, 5 vol. in-4.— Ttio-
imissen, Histoire du règne de Léopold Ier; Louvain, 1861,
3 vol. in-8. — T. Juste, Histoire de la révolution belge de
1830; Bruxelles, 1872, 2 vol. in-8. — L. Hymans, Histoire
parlementaire de la Belgique ; Bruxelles, 1878-1882, 5 vol.
FŒRNER (Christian), facteur d'orgues allemand, né à
Wettin en 1610, mort à Wettin en 1678. Il construisit
plusieurs orgues, dont deux existent encore, à Halle et à
Weissenfels. On le regarde comme l'inventeur de la ba-
lance pneumatique.
FOERSOM (Peter-Thun), acteur et écrivain danois, né
à OEster-Lindet (diocèse de Ribe) le 20 févr. 1777, mort
à Aarhus le 24 janv. 1817. Il quitta l'enseignement pour
le théâtre (1798), où son zèle pour l'art, son intelligence
des rôles, sa mimique et sa diction parfaite le firent appré-
cier dans plusieurs pièces de Shakespeare et d'Oehlenschlae-
ger et en général dans les comédies de caractère. On lui doit
une remarquable traduction en vers de diverses Tragédies
de Shakespeare (Copenhague, 1807-16, 4 vol. in-8 ; conti-
nuée par P.-F. Wulff, t. V-IX, 1 81 8-25 ; nouv. éd. , 1845-51 ,
11 vol.) ; des Poésies, publiées d'abord dans des calen-
driers et des revues, mais réunies après sa mort (Digte,
1818, 2 vol., avec son portrait et sa biographie, par
OEllgaard) ; des recueils d'Anecdotes (1812) et de mor-
ceaux de Lecture (1812, 1813-14 ; 3e éd., 1839), et des
remarques Sur les Collections de mots patois, de cou-
tumes, de particularités et de superstitions jut landaises
(édition posthume par Chr. Molbech, 1820). — • Il ne faut
pas le confondre avec son homonyme Christen-Martin
Foersom, né à Odense le 7 août 1794, mort le 2 déc. 1850,
également acteur distingué qui parut dans trois cents rôles,
parlés et chantés, surtout comiques et burlesques. B-s.
FŒRSTER (Friedrich), écrivain allemand, né à Miin-
chengrosserstadt le 24 sept. 4791, mort à Berlin le
8 nov. 1868. Engagé volontaire, puis officier en 1813. Ses
poésies patriotiques le firent connaître ; révoqué pour un
article libéral en 1817, il entra dans le journalisme. Ses
poésies ont été réunies (Berlin, 1838, 2 vol.). On cite en-
core son drame historique, Gustav-Adolf (Berlin, 1832),
une continuation du Peter Schlemihl de Chamisso (Leipzig,
FOERSTER
— 672-—
1849, 2e éd.) ; plusieurs ouvrages historiques : Der Feld-
marschall Blûcher und seine Umgebungen (Leipzig,
4821, 2e éd.); Friedrichs der Grossen Jugendjahre
Bildung and Geist (Leipzig, 1822); Albrecht von Wal-
lenstein (Berlin, 1828-29, 3 vol.); Preussens Eelden
im Krieg und Frieden, Die Hœfe undKabinette Europas
im XVHlten Jahrh. (Berlin, 1836-39, 3 vol.), etc.
FŒRSTER (Christian-Friedrich-Ludwig), architecte alle-
mand, né à Baireuth le 8 oct. 1797, mort aux bains de
Gleichenberg, en Styrie, le 16 juin 1863. Fils de Chris-
tophe Fœrster, inspecteur des forêts et ingénieur en chef
des principautés d'Ansbach et de Baireuth, qu'il eut le
malheur de perdre en 1809, une fois ses études termi-
nées au gymnase d'Ansbach, il alla à l'Académie de Mu-
nich, en 1816, et y commença l'architecture ; puis, après
deux ans de séjour, se rendit à Vienne, au printemps de
184 8, et s'y fixa désormais, ayant trouvé dans Peter No-
bile, directeur des travaux d'architecture à l'Académie, un
chaud protecteur. Nommé par lui correcteur d'architecture,
il garda cette place jusqu'en 1826, puis se lança dans
diverses entreprises industrielles, publia quelques livres
(ldeen ilber dussere architektonische Ornamentik;
Sammlung von Eandzeichnungen alter Meister aus
der Albertina in Wien), et enfin, en 1836, réalisant un
projet qu'il rêvait depuis longtemps, fonda une revue spé-
ciale d'architecture, YAllgemeine Bauzeitung , qu'il a
dirigée jusqu'à sa mort, et qui lui donna une grande im-
portance en Allemagne et à l'étranger. C'est en quelque
sorte l'œuvre maîtresse de sa vie. De 1843 à 1846, il fut
professeur d'architecture à l'Académie de Vienne. Les
dignités, les honneurs lui furent prodigués. Mis à la tête
de l'Association des ingénieurs autrichiens en 1855, Fôrster
a beaucoup contribué par sa parole et ses écrits aux em-
bellissements et à l'agrandissement actuel de Vienne. Son
plan avait été parmi les trois couronnés en 1858. Comme
architecte, il a construit l'église protestante de Gum-
pendorf (faubourg de Vienne), celle du quartier de Ma-
riahilf à Vienne (1849), la synagogue de Leopoldstadt
(1858), le pont Elisabeth (1854), la fabrique d'armes et les
ateliers de canons à l'Arsenal, oii il collabora avec son gendre
Hansen (1849-55), sans compter grand nombre de maisons
particulières, depuis la maison Pereira et l'hôtel Daum
(1842), jusqu'à la maison Todesko et le bazar du Haar-
markt (1863). Ses constructions sont généralement dans
le style de la Renaissance italienne et d'effet somptueux.
FŒRSTER (Ernst-Joachim), peintre et écrivaind'art alle-
mand, né à Mùnchengrosserstadt sur la Saale (Saxe) le
8 avr. 1800, mort à Munich le 29 avr. 1885, frère de
Friedrich Fœrster (V. ci-dessus). Il se voua d'abord à
l'archéologie, fréquenta les universités d'Iéna (1818) et
de Berlin (1819), où une dissertation de lui, De Expe-
ditione Bacchi, fut couronnée en 1822. Cependant,
l'instinct de l'art le tourmentait déjà. Il étudia à Berlin
sous Zimmermann et W. Schadow, puis à Dresde, enfin à
Munich entra dans l'école de Cornélius en 1823. Ce fut le
fait décisif de sa carrière de peintre, du reste peu prolongée.
Il travailla sous la direction du maître aux fresques de la
Glyptothèque ; puis, sous celle d'Hermann, à la fresque de
la Théologie, dans Faula de l'Université de Bonn (1824-25).
Quelques-unes des peintures consacrées à l'histoire du peuple
allemand, sous les arcades du Hofgarten, à Munich, sont
également de lui (1828). Son alliance avec la famille de
Jean-Paul, dont il avait épousé la fille, le ramena aux tra-
vaux littéraires. Il mit en ordre les manuscrits laissés par
son beau-père, et publia divers écrits posthumes de sa main
ou ouvrages le concernant : ainsi, sa Correspondance avec
Otto ; Wahrheit aus Jean-PauVs Leben, dont il continua
la publication après la mort du premier éditeur (Breslau,
1826-33) ; Politische Nachklânge von Jean-Paul (Hei-
delberg, 1832) ; Jean-PauVs literarischer Nachlass
(Berlin, 1836-38, 5 vol.) ; enfin, plus tard, Denkwilr-
digkeiten aus Jean-PauVs Leben (1863). Entre temps,
des voyages répétés en Italie l'inclinent de plus en plus
vers les études d'art. Chargé, en 1832, par le prince héri-
tier Maximilien de Bavière d'y recueillir tout ce qu'il pour-
rait de dessins d'après des œuvres inédites de peinture ou
de sculpture du moyen âge, il amassa ainsi d'innombrables
matériaux pour ses écrits futurs. A son retour, en 1833, il
reprend encore une fois le pinceau pour exécuter, d'après
les cartons de Kaulbach, des peintures à fresque ou à l'en-
caustique dans les appartements de la reine, au Konigsbau
ou nouveau palais de Munich. On lui doit également quelques
tableaux à l'huile : la Grèce délivrée; Giotto et Cimabue;
Portraits du duc d'Altenburg, de la duchesse et de
leurs enfants.
Mais c'est surtout comme écrivain d'art qu'il s'est fait
un nom. Il commence par décrire lui-même les peintures
du bâtiment où il a collaboré : Leitfaden zur Betrachtung
der Wand-und Deckenbilder des neues Kônigsbaues
in Milnchen (Munich, 1834). Viennent ensuite les Bei-
trage zur neueren Kunstgeschichte (Leipzig, 1835), qui
lui valent le titre de doctor philosophiœ à l'Université de
Tubingue. En 1837, il découvre les intéressantes fresques
d'Altichieri et de Jacopo d'Avanzi, dans la chapelle Saint-
Georges de Padoue, et, après les avoir restaurées, publie
sur les peinturés de cette chapelle un ouvrage important
avec gravures : Die Wandgemâlde der Saint-Georgenka-
pelle zu Padua (Berlin, 1841 ; traduction italienne, 1846).
Les livres d'art se succèdent nombreux à partir de cette
époque. Citons parmi les principaux : Briefe ùber Malerei
in Bezug auf die Gemâldesammlungen zu Berlin,
Dresden und Milnchen (Stuttgart, 1838) ; Milnchen, ein
Eandbuch fur Fremde und Einheimische (Munich,
1838 ; nombreuses éditions et traduction française) ; Eand-
buch fur Reisende in Italien (Munich, 1840; nombreuses
éditions ; traduction française) ; Eandbuch fur Reisende
in Deutschland (Munich, 1847 ; 2e éd., 1852) ; GenelWs
Umrisse zum Eomer mit erlâuterndem Text (Stuttgart,
1844) ; Joh. Georg Mutiler, ein Dichter-und Kûnstler-
leben (Saint-Gall, 1851) ; la Geschichte der deutschen
Kunst, un excellent livre de vulgarisation (Leipzig, 1851-
1860, 5 vol. avec gravures, dont les deux derniers ont paru
également séparés sous le titre de Geschichte der neuen
deutschen Kunst; Leipzig, 1863) ; Leben und Werke des
Fra Beato Angelico da Fiesole (Ratisbonne, 1859) ; Ver-
mischte Scriften (Munich, 1862) ; Reise durch Belgien
nach Paris und Burgund (Leipzig, 1865) ; Rafaël, sein
Leben und seine Werke (Leipzig, 1867-69, 2 vol.);
Geschichte der italienischen Kunst (Leipzig, 1869-78,
5 vol.) ; Denkmale der italienischen Malerei (Leipzig,
1869-82, 4 vol.) ; Peter von Cornélius (Berlin, 1874,
2 vol.); Peter von Cornélius' Entwurfzu den Fresken
derLoggien der Pinakothekzu Milnchen (Leipzig, 1874,
avec grav.). Un de ses ouvrages les plus considérables
est Denkmale der deutschen Baukunst, Bildnerei
und Malerei (Leipzig, 1855-69, 12 vol. in-fol.), précieux
pour la suite nombreuse de gravures qu'ils contiennent. Il
en existe une traduction française moins complète et autre-
ment disposée (Paris, Renouard). Collaborateur de la Kunst-
blatt, de YAllgemeine Zeitung et de beaucoup d'autres
journaux ou revues d'art allemands ou étrangers, il a, dans
une vie très activement occupée et remplie, produit, outre
ses livres, une quantité innombrable d'articles. On lui doit
une traduction allemande de Vasari (Stuttgart, 1843-49,
6 vol.). Son rôle fut de premier ordre en histoire de l'art,
dans la génération des Schorn, des Kugler et des Waagen, et
mérite encore aujourd'hui considération. Paul Leprieur.
FŒRSTER (Heinrich), prince-évêque de Breslau, né à
Grossglogau le 24 nov. 1800, mort à Johannisberg (Au-
triche^ le 6 oct. 1875. Prédicateur remarquable et cham-
pion déclaré de l'orthodoxie romaine, député au parlement
de Francfort, il devint, en 1853, évêque de Breslau. Il
fut un instrument aux mains des jésuites et des ultra-
montains menacés en Silésie par le mouvement catholique
allemand. Il sévit contre Baltzer. Cependant, au concile du
Vatican, il vota contre le dogme de l'infaillibilité et signa
— 673 —
FOERSTER — FOETUS
la protestation du 17 juil. 1870. Il se soumit bientôt et
censura la faculté de théologie catholique de Breslau qui
résistait. Au moment de la lutte contre les lois de Mai, il
excommunia les prêtres qui se soumettaient à l'Etat. Les
démonstrations ultramontaines dont son jubilé de prêtrise
(17 avr. 1875) fut l'occasion le firent poursuivre ; il se
réfugia à Johannisberg, dans la partie autrichienne de son
diocèse, et fut déposé pour la Silésie prussienne, le 6 oct.
1875. Ses sermons ont été réunis (Kanzelvortrœge;
Breslau, 1854, 6 vol.).
Bibl. : Franz, Heinrich Fœrster, F ùrstbischof von
Breslau ; Breslau, 1875.
FŒRSTER (August), anatomo-pathologiste allemand,
né à Weimar le 8 juil. 1822, mort à Wurtzbourgîe 15 mars
1865. Privat-docent à Iéna (1849), professeur extraordi-
naire à Gottingue (1852), il obtint en 1858 la chaire
d'anatomie pathologique à Wurtzbourg et enrichit les col-
ection de cette université. L'anatomie et l'histologie patho-
logique et la tétratologie lui sont redevables de grands pro-
grès. Fœrster a été en quelque sorte le médiateur entre les
écoles de Berlin et de Vienne, entre Virchow, représentant
de la pathologie cellulaire, et Rokitansky, dont les descrip-
tions se bornaient trop aux caractères macroscopiques. Ses
publications sont très nombreuses ; citons seulement : Lehr-
buch der pathol. Anatomie (Iéna, 1850, in-8, et nom-
breuses édit. ; trad. fr., par Kaula; Strasbourg, 1853,
in-8) ; Atlas mikroskop. pathol. Anatomie (Leipzig,
1854-59, gr. in-4) ; Die Missbildungen des Menschen^
avec atlas (Iéna, 1861, gr. in-4) ;Handb. derpatholog.
Anatomie (Leipzig, 1854-58, et autres édit.). Dr L. Hn,
FŒRSTER (Wilhelm), astronome allemand, né à
Grtinberg (Silésie) le 16 déc. 1832. Elève d'Argelander,
il a été de 1855 à 1865 astronome adjoint à l'observa-
toire de Berlin. Depuis la mort d'Encke, il dirige cet
établissement ainsi que la publication de YAstrono-
mischeJahr buch. Ses travaux, qui ont plus particulière-
ment porté sur les petites planètes, dont il a donné des
éphémérides, sur les comètes, sur les aurores boréales, et
aussi sur la réorganisation et l'unification des poids et
mesures en Allemagne, ont paru, sous forme de mémoires,
dans les Astronomische Nachrichten, dans le Berliner
astronom. Jahrbuch et dans quelques autres recueils scien-
tifiques. Il a en outre publié à part un grand nombre d'ou-
vrages : Keppler und die Harmonie der Sphdren (Berlin,
4862, in-8) ; Metronomischen Beitrdgen (Berlin, 1870-
82) ; Die unverânderlichen Tafeln des astronomischen
und chronolog. Theils des preussischen Normalkalen-
ders (Berlin, 4 872 à 4879, in-8) ; Wahrheitund Wahr-
scheinlichkeit (Berlin, 1875, in-8); Sammlung ivissen-
schaftlicher Vortràge (Berlin, 1876, in-8); Sammlung
populàrer astronomischer Mittheilungen (Berlin, 1878,
m-8; 2e éd., 1884) ; Alex, von Humboldt (Berlin, 1883,
in-8); Ortszeit und Weltzeit (Berlin, 1884, in-8);
Sammlung von Vortrâgen und Abhandlungen (Berlin,
1886-87, 2 vol. in-8); Studienzur Astrometrie (Berlin,
1888, in-8), etc. L. S.
FŒRSTER (Wendelin), philologue allemand, né en
Bohême en 1844. Etudiant à l'université de Vienne,
M. W. Fœrster s'occupa d'abord de philologie latine, mais
ne tarda pas à se tourner vers la philologie romane. Une
bonne édition d'un ancien roman français, Richars li Biaus,
attira l'attention sur lui et lui valut la place de professeur
extraordinaire à l'université de Prague (1874), puis la suc-
cession de l'illustre Friedrich Diez à l'université de Bonn,
où il enseigne actuellement. M. W. Fœrster a fondé en
1879 YAltfranzœsische Bibliotek, où ont paru sous sa
direction, et parfois par ses soins, d'intéressants monu-
ments des anciennes littératures française et provençale, et
qui se continue en dehors de lui; puis, en 1889, la Ro-
manische Bibliothek. Parmi ses nombreuses publications
isolées, nous citerons: Li Dialogue Grégoire lo pape
(Halle, 1876); Aiol et Mirabel (Heilbronn, 1876); Elle
de Saint-Gille (Heilbronn, 4882) ; Li Chevaliers as deus
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
espees (Halle, 4877); Las Mocedades del Cid (Bonn
4878); une édition des œuvres complètes de Chrétien de
Troyes (Halle, 4883 et suiv.), qui n'est malheureusement
pas terminée, etc. Ant. T.
FŒRTSCH (Johann-Philipp), poète, compositeur et mé-
decin allemand, né à Wertheim (Franconie) le 44 mai
1652, mort à Lubeck vers 1708. Il fut un des premiers
auteurs d'opéras allemands, et fit jouer à Hambourg, de
1684 à 1690, neuf opéras dont il avait écrit les paroles et
la musique, et dans lesquels il paraissait comme chanteur.
Forcé par des événements politiques d'abandonner la car-
rière artistique, il chercha des moyens d'existence dans
l'exercice de la médecine, qu'il avait étudiée dans sa jeu-
nesse, et devint médecin de l'évêque d'Eutin, puis médecin
et conseillera Lubeck. M. Br.
FŒTUS. I. Anatomie, Physiologie et Pathologie. —
Lorsque l'embryon a acquis la forme générale de son
espèce et tous les organes qui constituent son corps, ceux-ci
n'ayant plus qu'à grandir dans la suite, il prend le nom
de fœtus. Dans l'espèce humaine l'embryon atteint son
stade fœtal vers la fin du troisième mois (V. Embryologie).
Du fœtus au troisième mois. La tète et le ventre
forment un contraste, en raison de leur volume, avec le
reste du corps. La tête forme le tiers de la longueur du
corps et présente de vastes fontanelles et de larges su-
tures. La face est fort peu développée encore ; cependant
elle est déjà moins écrasée qu'au deuxième mois de la
vie intra-utérine. La peau commence à acquérir ses ca-
ractères; elle cesse d'être une membrane visqueuse et
transparente pour devenir rosée. Quoique mince encore,
elle ne laisse plus apercevoir les viscères au travers d'elle.
Les yeux, relativement très gros, sont fermés par les
paupières qui viennent de naître et s'agglutinent aussitôt
l'une contre l'autre. Les points lacrymaux sont visibles.
Le nez est à peine dégagé de la face. Les lèvres ne sont
point encore renversées et laissent voir entre elles un
petit mamelon rougeâtre qui n'est autre chose que la
langue. Le menton est déjà bien dessiné. La conque de
l'oreille n'est encore qu'ébauchée et à proprement parler il
n'y a pas encore de pavillon. L'anus est ouvert et séparé
des organes génitaux par un pont membraneux, le périnée.
Le sexe est dès lors reconnaissable. Les membres supé-
rieurs sont relativement plus longs que les membres infé-
rieurs. Les articulations des doigts et des orteils sont
visibles, et les ongles commencent à paraître. Le cordon
s'insère un peu au-dessus du pubis. Le duodénum con-
tient du méconium de couleur carton mâché. Le cœcum
est placé en avant du rein droit et n'a pas commencé sa
descente. Le foie est volumineux et remplit presque tout
le ventre à lui seul. La moelle épinière commence son
mouvement ascensionnel, et l'écorce du cerveau acquiert
le pli sylvien. Les villosités choriales ne persistent qu'en
un point de la surface de l'œuf où elles prennent un grand
développement et forment le placenta. Les arcs neuraux
se soudent dans la région dorsale et l'on voit apparaître
des points d'ossification dans l'occipital, le sphénoïde, le
temporal, l'unguis, les os propres du nez, le maxillaire
supérieur, l'ischion ; l'épine de l'omoplate s'élève. Les
muscles acquièrent peu à peu leurs caractères. Au com-
mencement du mois l'œuf est gros comme un œuf d'oie,
et le fœtus, long de 6 à 10 centim., pèse 60 à 80 gr.
Du fœtus au quatrième mois. Toutes les parties se
perfectionnent. La peau se couvre d'un duvet soyeux
(lanugo) et commence à se doubler de tissu adipeux.
La tête n'a plus que le quart de la longueur du corps ;
la face prend peu a peu l'aspect qu'elle aura chez le nou-
veau-né. Les membres pelviens commencent à devenir
plus longs que les membres thoraciques, et les ongles
prennent une consistance cornée. L'insertion du cordon
s'éloigne de plus en plus du pubis. Les capsules surrénales
sont plus volumineuses que les reins. Le méconium de-
vient jaune verdâtre et gagne le commencement du jéju-
i num. Il y a des points d'ossification dans l'astragale, le
43
FOETUS
674 —
sternum, l'ethmoïde. Le fœtus a de 12 à 20 centim. et
pèse de 125 à 200 gr.
Du fœtus au cinquième mois. Les formes générales
se dessinent de plus en plus ; les cheveux sont plus abon-
dants et plus longs, et, les cils et les sourcils commencent
à paraître. La peau est toujours ridée ; rougeâtre à la
face, à la plante des mains et des pieds, elle commence à
se recouvrir d'une matière blanchâtre, onctueuse, que
déversent à sa surface les glandes sébacées qui viennent
de naître. Le scrotum a une coloration rouge vif ; il est
toujours vide. Les grandes lèvres, très saillantes, sont
écartées par le clitoris toujours volumineux. Les fonta-
nelles sont moins larges et les sutures se rapprochent. La
membrane pupillaire existe toujours, les dents temporaires
s'ossifient, le côlon commence à acquérir ses bosselures,
et le vagin et l'utérus se délimitent l'un de l'autre. Les
glandes génitales (ovaire ou testicule) sont toujours dans
la région lombaire. Il y a des points d'ossification dans le
calcanéum. Le fœtus mesure de 18 à 28 centim. et son
poids varie en moyenne de 250 à 350 gr.
Du fœtus au sixième mois. La peau s'épaissit et ac-
quiert de plus en plus ses caractères spécifiques. L'intestin
grêle s'est allongé et a de cinq à six fois la longueur de la
bouche à l'anus ; le cœcum descend vers la fosse iliaque
droite et le méconium envahit le gros intestin. Les testi-
cules descendent vers le canal inguinal. Le fœtus mesure de
28 à 35 centim. et son poids moyen varie de 400 à 700 gr.
Du fœtus au septième mois, La forme du corps et
des organes se perfectionne. La membrane pupillaire a
disparu et les paupières commencent à s'ouvrir. — La
longueur de l'intestin grêle égale huit fois la distance de
la bouche à l'anus ; les testicules sont engagés dans l'an-
neau; parfois même ils ont gagné le scrotum. L'insertion
du cordon atteint presque le centre du corps, à 2 ou
3 centim. près. Un point d'ossification apparaît dans la
dernière vertèbre du sacrum. La longueur du fœtus est de
35 à 38 centim. et son poids de 1,200 à 1,500 gr..
Du fœtus du huitième mois à la fin de la grossesse.
Dans les huitième, neuvième et dixième mois, le fœtus
s'achève et acquiert peu à peu les caractères qu'il présen-
tera à la naissance. Au huitième mois les ongles arrivent à
l'extrémité des doigts ; la longueur ordinaire est de 40 à
45 centim. et le poids de 2 à 3 kilogr. Au dixième mois
lunaire enfin, il a en moyenne 50 centim. de long et un
poids de 3 kilogr. Il esta remarquer que les variations des
longueurs et des poids sont extrêmement nombreuses ;
que la progression en longueur est surtout accentuée pen-
dant les six premiers mois ; que le poids qui quadruple du
troisième au quatrième mois, triple du quatrième au cin-
quième, et double ensuite dans les mois suivants jusqu'au
huitième pour augmenter encore de 600 gr. environ dans
les deux derniers mois. Enfin, d'après les recherches de
Hecker, Matthews Duncan, Wernich, on peut dire que le
poids des nouveau-nés augmente avec l'âge de la mère
jusqu'à vingt-neuf ans, et leur longueur jusqu'à quarante-
quatre ans ; que tout produit d'une grossesse répétée dé-
passe en poids et en longueur les précédents ; que l'âge
aussi bien que le nombre des accouchements favorisent le
développement du fœtus et de ses annexes; que les mères
menstruées très tard donnent le jour à des enfants moins
gros que les mères menstruées de bonne heure.
Si on cherche là composition chimique comparative du
fœtus à terme etde l'adulte, on voit, d'après les recherches
de Fehling, que, tandis que les éléments constituants du
corps de l'adulte contiennent : eau, 58,5 °/0, et substances
fixes (cendres, graisse, albumines, etc.), 41,5 °/0, ceux du
fœtus renferment : eau, 74,4 °/0, et substances fixes,
25,6 °/0. Le corps du fœtus est donc beaucoup plus riche
en eau que celui de l'adulte, d'où la viscosité et la mol-
lesse de ses tissus et de ses organes.
Du fœtus à terme. La peau est blanc rosé, générale-
ment recouverte du vernix caseosa et doublée d'une
épaisse couche graisseuse. La tête est ovoïde ; la face est
peu développée dans sa partie sous-frontale ; le ventre est
proéminent et le cordon s'insère un peu au-dessous de la
longueur du corps. Les mamelles contiennent souvent, et
dans les deux sexes, un liquide lactescent ; le scrotum
renferme d'ordinaire les testicules, et les ongles dépassent
l'extrémité des doigts, mais non pas celle des orteils. Le
foie est très volumineux et occupe la plus grande partie de
la cavité abdominale ; les poumons sont rouges, denses,
appliqués contre la colonne vertébrale. La longueur de
l'intestin grêle égale douze fois la distance de la bouche
à l'anus. Le méconium, poisseux et d'un vert d'épinard,
occupe la fin du gros intestin.
La maturité du fœtus n'a aucun caractère pathognomo-
nique. Pour affirmer qu'un fœtus est à terme, il faut se
baser sur l'ensemble des caractères que nous avons donnés,
car même le point d'ossification du centre de l'épiphyse
inférieure du fémur ne saurait à lui seul permettre une
telle diagnose. C'est ainsi que les recherches de Hecker et
Hartmann ont montré que si ce noyau osseux, d'un volume
de 5 millim. de diamètre en moyenne, chez le fœtus de dix
mois lunaires (280 jours), existe le plus ordinairement,
102 enfants à terme ne le présentaient cependant que 90 fois,
et que d'autre part 40 fœtus de huit mois l'ont présenté
2 fois, 62 de neuf mois, 16 fois, et 46 de dix mois, 27 fois.
Situation et attitude du fœtus dans la matrice. On
sait que le fœtus est en attitude accroupie dans l'utérus.
Cette attitude est en rapport avec l'adaptation du fœtus à
la cavité utérine. Pendant les six premiers mois de la
grossesse, la tête du fœtus occupe le fond de la matrice ;
dans les trois derniers mois, la tête gagne le plus souvent
le segment inférieur de l'utérus et y séjourne, cela en
vertu de l'accommodation du fœtus à son contenant (forme
de l'utérus, pelotonnement du fœtus, tonicité et contraction
de l'utérus, etc.). C'est pourquoi 95 fois sur 100 la pré-
sentation a lieu par la tête.
Nutrition du fœtus. Dans l'organisme fœtal il n'y a ni
digestion ni absorption alimentaires. C'est le placenta qui
est l'organe de la nutrition du fœtus ; c'est à travers cet
organe, par diffusion et endosmose, que se font les
échanges liquides et gazeux entre le sang de la mère et
celui du fœtus. Aucune particule solide, aucun élément
figuré, à part quelques microbes, ne passe (Hoffmann et
Langerhans, Jassinsky, Fehling, Cl. Bernard, Davaine,
Brauell et Bôllinger); seules traversent les substances
solubles dans les humeurs du corps (Benicke, Gusserov,
Zweifel et Fehling, Max Runge) et les gaz (Zweifel et Feh-
ling). Le fœtus se nourrit donc à la façon d'un animal à
qui on injecterait les aliments directement dans le sang.
Respiration du fœtus. Les anciens, avec Authenrieth,
Bichat, Muller, Bischoff, Longet, etc., niaient la respira-
tion du fœtus. Mais Zweifel, à l'aide de l'examen spectros-
copique, a péremptoireznent établi Fhématose placentaire,
que Bohn et Hoboken les premiers avaient soupçonnée en
remarquant que la couleur du sang était différente dans la
veine que dans les artères ombilicales. Le fœtus absorbe
donc de l'oxygène par l'intermédiaire du placenta et se
débarrasse de son acide carbonique. Il puise l'oxygène
dans les globules sanguins de la mère comme ceux-ci le
puisent dans l'air extérieur pendant la respiration pulmo-
naire. Seulement l'hématose est très faible chez le fœtus,
ce qui explique en grande partie sa résistance à l'asphyxie.
Circulation du fœtus. L'homme, comme les autres
mammifères placentaliens, possède successivement trois
circulations dans le cours de son existence. La première
est la circulation omphalo-mésentérique, circulation
embryo-vitelline ou de la vésicule ombilicale (V. Embryon
et Vésicule ombilicale) ; la seconde est la circulation
placentaire qui diffère de la circulation de l'adulte par
l'existence du placenta et des vaisseaux ombilicaux (V. Pla-
centa et Circulation), par l'existence du trou de Botal,
du canal artériel de Botal et du canal veineux
d'Aranzi; la circulation définitive enfin s'établit après
la naissance par la suppression de la circulation placen-
6Î5
FOETUS — FOGGÎA
taire et rétablissement de la respiration pulmonaire qui
aboutit à l'oblitération du trou de Botal, du canal artériel
et du canal veineux (V. Circulation).
Sécrétions du fœtus. La peau du fœtus sécrète le ver-
nis caséeux qui recouvre le nouveau-né ; la muqueuse intes-
tinale sécrète du mucus qui, mélangé à la sécrétion du
foie et du pancréas, fournit le méconium. Les reins enfin
sécrètent de l'urine, sans qu'on soit encore absolument
certain que cette urine se déverse dans les eaux de l'amnios.
Innervation du fœtus. Le fœtus est excitable ; il exé-
cute spontanément des mouvements, et ces mouvements on
peut les provoquer par certaines manœuvres extérieures.
Pour qu'il naisse viable le fœtus doit avoir des organes
déjà suffisamment développés pour être aptes à fonctionner.
Or, si la loi reconnaît la viabilité à partir du sixième mois,
les accoucheurs ne l'acceptent qu'à partir de sept mois.
Avant cette époque, presque tous les accouchements ne
donnent lieu qu'à des mort-nés. Ch. Debierre.
IL Tératologie (V. Monstre [Tératologie]).
F06 (Bruun-Juul), théologien et prédicateur danois, né
à Stege le 11 mars 1819. Après avoir enseigné à partir
de 1843, il fut nommé pasteur à Nestelsœ (1847), puis
chapelain de l'église de Holmen à Copenhague (1857), pré-
vôt de son canton (1867), ensuite évêque d'Aarhus (1881) ;
enfin, le 15 avr. 1884, il succéda à Martensen sur le siège
épiscopal de Sélande. Son éloquence, sa pénétration psycho-
logique et sa finesse dialectique font de lui un des meilleurs
prédicateurs du Danemark. Il avait pris Descartes pour
sujet de sa thèse de doctorat en philosophie (1857), et fit
des conférences à l'université (1859-62) sur Y Etude de la
théologie (1861). Il a, en outre, publié des Prêches de
Noël au Carême (1867) et des Discours religieux (1888).
FOGA. Village du Soudan égyptien, sur le tracé de la
ligne télégraphique d'El-Obéid à El-Fâcher, sur le khôr
Omm-Deghig, à une ait. de 600 m. Région boisée; bons
pâturages. Près de Foga, vaste étang, qui se dessèche pen
dant quelques mois de l'année.
F06AR (El). Oasis et village du Fezzan (Tripolitaine), à
100 kil. environ O.-N.-O. de Mourzouk, dans l'Ouâdi el-
Gharbi. L'oasis est habitée par des marabouts touaregs,
les Ihéhaouen.
FOGA RAS. Comitat de la Hongrie méridionale, limi-
trophe de la Roumanie. Le sol est très montagneux; les
sommets pittoresques des Karpathes de Fogaras, le Negoj,
le mont du Roi, dépassent 2,800 m. Ces sommets sont
dénudés ; les vallées possèdent des forêts diffficiles à exploi-
ter. Les habitants de ce comitat, Roumains pour la plupart,
vivent surtout de l'élève du bétail. — Le chef-lieu de cet
assez pauvre pays s'appelle aussi Fogaras : simple bourg
de 5,300 hab., qui est pourtant le siège d'un évêché grec-
uni. Rethlen-Gabor y bâtit un château en 1610, et le général
Bem y fut battu par les Russes en 1849.
FOGARASSY(Jean), philologue et jurisconsulte hongrois,
né à Kesmark en 1801 , mort à Budapest le 11 juin 1878.
Très actif, il sut mener de front, pendant toute sa vie, deux
carrières, qui toutes deux ont laissé d'importantes traces
littéraires. Légiste spécialisé dans le droit commercial,
tout en remplissant d'importantes fonctions au conseil de
commerce, puis à la cour suprême, il a écrit sur les lois
hongroises, sur la banque hongroise. Mais il est surtout
connu comme le plus laborieux des lexicographes de son
pays. Son dictionnaire magyar-allemand (Pest, 1836) est
fort répandu ; mais son grand travail, entrepris sur l'ordre
de l'Académie par Czuczor et par lui, terminé par lui seul,
est le Grand Vocabulaire (Budapest, 1861-1874), véri-
table thésaurus de la langue magyare. E. S.
FOGDE (du latin advocatus). Fonctionnaire suédois
qui était autrefois procureur du roi, mais qui depuis le
xviie siècle est devenu, sous le titre de kronofogde, rece-
veur des contributions et officier de police. — En Norvège,
le foged a, dans les campagnes, • à peu près les mêmes
attributions ; dans les villes, sauf la capitale, le by foged
est en même temps juge de première instance, mais rare-
ment chef de la police. — En Danemark, le by foged dans
les villes, le herreds foged dans les cantons et le kongens-
foged à Copenhague (avec son substitut le under foged
jusqu'en 1845) sont également chargés de juger en pre-
mière instance, d'exécuter leurs propres sentences, sauf en
matière correctionnelle, d'opérer les saisies et de lever les
amendes. B-s.
FOGELBERG (Bengt-Erland), célèbre sculpteur suédois,
né à Gœteborg le 8 août 1786, mort à Trieste le 22 déc.
1854. Fils d'un fondeur en cuivre, il travailla d'abord avec
lui, puis à Stockholm (1803) avec l'habile ciseleur Rung,
et, tout en étant compagnon, il étudia à l'Académie des
beaux-arts qui lui décerna plusieurs médailles et l'élut
agréé (1812). Une bourse de voyage pour trois ans lui
permit de se rendre à Paris (1820). Il se perfectionna dans
la peinture sous la direction de Guérin et il modela dans
l'atelier de Bosio. Au bout d'un an il partit pour Rome, où
il s'établit, n'ayant visité sa patrie qu'en 1845 et 1854.
Sa première œuvre importante fut un Mercure ( 1 825 ; en
marbre, 1827), qui avait à peu près l'attitude de celui de
Thorvaldsen et qui lui valut les applaudissements du grand
artiste. Dès lors, sa réputation était fondée. Il exécuta peu
après un Paris (1827) non moins apprécié, et le gracieux
Amour à la coquille (1827, dont il donna une reproduc-
tion en 1836). Le roi Charles XIV, qui avait remarqué à
l'exposition de l'Association gothique (1818) ses trois sta-
tues de dieux eddaïques, le chargea (1828) de les exécuter
en marbre (Odin, 1831 ; Thor et Balder, 1842), et, dès
lors, ses commandes suffirent à occuper l'artiste à qui l'on
doit encore : V Amour vainqueur (1831), Venus Victrix
et Apollo citharœdus (1839) ; Charles XIII ((832), le
tout en marbre ; les statues suivantes coulées en bronze à
Munich : Charles XIV (1835-38), à l'université d'Upsaia;
Gustave-Adolphe (1849), sur la place de la Bourse à
Gœteborg (un premier exemplaire, qui avait été submergé
près de Heligoland, fut repêché et érigé à Brème) ; Birger
Jarl (1853), sur la place de Riddarholm à Stockholm ;
sans parler de beaucoup d'esquisses ou de plâtres. On voit
par cette simple nomenclature combien est variée l'œuvre
de Fogelberg; il traitait aussi habilement les sujets anciens
et mythologiques que les sujets historiques et modernes .
Savant archéologue, possédant de belles collections artis-
tiques et numismatiques, il sculptait à la manière antique
sans cesser d'être original en même temps qu'il créait des
types admirés de divinités septentrionales. Il savait exprimer
la grâce et l'élégance aussi bien que la force et la majesté.
Aussi, lorsqu'il retourna en Suède pour la seconde fois
(1854), lors de l'inauguration de ses trois dernières sta-
tues nationales, lui rendit-on rdes honneurs extraordinaires
qui juraient avec sa modestie et la simplicité de ses goûts.
La moindre subvention eût bien mieux fait son affaire trente
ans auparavant, alors que la maladie et la pauvreté ren-
daient sa situation si pénible. On avait mis longtemps à
reconnaître ses mérites ; il ne fut élu membre de l'Académie
des beaux-arts de Stockholm qu'en 1832 et nommé pro-
fesseur de dessin qu'en 1839 ; chevalier, puis commandeur
de l'Etoile polaire qu'en 1842 et 1854. On lui éleva un
beau monument au cimetière de Gœteborg, où ses restes
avaient été transportés. Ses collections et ses modèles ont
été achetés pour le compte de l'Etat et déposés au musée
national de Stockholm. Beauvois.
Bibl. : L'Œuvre de Fogelberg, notice sur lui par Casimir
Lecomte, avec son portrait et 37 pi. gravées sur cuivre ;
Paris, 1856. — B. von Beskow, Eloge, dans Svenska Aka-
demiens handlingar, 1856, t. XXVIII. — G. Planche, dans
Revue des Deux Mondes, 15 juin 1855. — A. Sohlman, No-
tice, dans Svenskt biografiskt lexihon; Œrebro, 1861-62;
nouv. sér., t. IV, pp. 331-362 ; aussi à part. — J. Bœttiger,
B.-E. Fogelberg, not. esthétique et biogr. jusqu'à l'année
1822 ; Gœteborg, 1880.
FOGGIA. Ville de l'Italie méridionale, ch.-l. de la prov.
du même nom appelée aussi Capitanate (V. ce mot);
44,000 hab. Stat. du chem. de fer d'Ancône à Brindisi et
important embranchement sur Naples. Foggia est construite
de maisons basses, qui n'ont pour la plupart qu'un rez-de-
FOGGIA - FOGOLINO
— 676
chaussée à cause du tremblement de terre de 1731 . Elle eut
une grande importance au moyen âge, surtout au temps de
l'empereur Frédéric II, qui y résida souvent. Son fils Man-
fred fut couronné dans la cathédrale de Foggia, détruite
par le tremblement de terre. Il ne reste debout comme sou-
venir du xme siècle qu'un arc monumental, jadis porte
d'entrée du palais de l'empereur. Foggia est un très grand
marché et la seconde ville de tout l'ancien Etat napolitain.
Son commerce consiste en blés et en bestiaux. Toute la
plaine environnante, entièrement dépourvue d'arbres, connue
sous le nom de tavoliere délia Fuglia, est utilisée comme
pâturages pendant l'hiver, les moutons passant l'été sur
les hauteurs.
FOGGIA (Prov. de) (V. Gàpitanâte).
FOGGIA (Francesco), compositeur italien, né à Rome
en 1604, mort à Rome en 1707. Elève de Cifra, Nanini
et Agostini, il fut attaché successivement au service de
l'électeur de Cologne, de l'électeur de Bavière et de l'ar-
chiduc Léopold. De retour à Rome, il devint maître de cha-
pelle à Saint- Jean-de-Latr an, puis à Sainte-Marie-Majeure.
Ses œuvres, consistant en nombreuses messes et motets à
plusieurs voix, sont estimées pour la pureté de leur har-
monie. M. Br.
FOGG1N1 (Pietro-Francesco), historien et antiquaire ita-
lien, né à Florence en 1713, mort le 31 mai 1783. Il était
prélat romain et préfet de la bibliothèque du Vatican. Il
publia, en 1736, des Thèses historiques et polémiques
contre les quatre articles du clergé de France de 1682. Ses
principaux ouvrages sont les suivants : De Primis Flo-
rentinorum apostolis exercitatio singularis (1740,
in-4) ; De Romano Domini Pétri itinere et episcopatu
ejusque antiquissimis imaginibus ( 1 741 , in-4) ; La Ver a
istoria di S. Romulo, vescovo e protettore di Fiesole
(1742, in-4) ; P. Virgilii Maronis codex antiquissimus
a Rufio lurcio Aproniano distinctus et emendatus
(Florence, 1741, in-4), ouvrage célèbre qui ouvrit à Fau-
teur les portes delà plupart des académies italiennes.
FOGGO (James), peintre anglais, né à Londres le
11 juin 1790, mort à Londres le 14 sept. 4860. Venu de
très bonne heure à Paris, avec son père, avocat célèbre
qui avait été obligé de quitter l'Angleterre, il s'adonna
immédiatement à l'étude des arts. A son retour à Londres
(1815), il exposa à laBritish Institution Agar et Isrnaël,
une grande toile qui le fit remarquer. Son frère étant venu
le rejoindre en 1819, ils se mirent à travailler tous deux à
de vastes compositions, empruntées pour la plupart à des
épisodes de la Bible. Sa peinture est médiocre ; mais Foggo
ayant toujours été un bon professeur, son dessin, quoique
assez banal, est toujours très consciencieux. F. T.
FOGGO (George), peintre anglais, frère du précédent,
né le 14 avr. 1793, mort le 26 sept. 4869. Il collabora à
la plupart des travaux de son frère et exécuta nombre de
dessins et de lithographies d'après des cartons de Raphaël.
On lui doit en outre une Lettre à lord Brougham sur
l'Histoire et le caractère de la Royal Academy (1855) ;
un Rapport sur les nouvelles écoles de dessin et un Ca-
talogue de la National Gallery avec des notes critiques
(1847). n F. T.
FOGHÂ. Vallée d'Afrique qui débouche perpendiculai-
rement sur le cours du Niger (direction N.-S.) dans le
royaume de Gando,à lOOkil. environ en amont de Gombê.
On y exploite des dépôts salins pendant la saison sèche : la
vallée se remplit à l'époque des pluies. Elle sert de limite
ethnographique à la race haoussa à l'E., à la race son-
ghaï à l'O. On peut y citer les villages de Kallioul et de
Silétchollé.
FOGHÂ (El). Bourgade de la Tripolitaine, dans la petite
oasis du même nom, à égale distance de Sôkna et déZella,
vers le S.; 400 hab. de race berbère et de mœurs douces.
FOGLAR (Ludwig-Stephan), poète autrichien contempo-
rain, né à Vienne le 24 déc. 1819.11 fit ses études à Vienne
et entra au service de la compagnie de navigation du Danube.
Il a publié un grand nombre de poésies, la plupart d'un
caractère lyrique : Cypressen (Vienne, 1842 ; 2e éd.,
1846) ; Strahlen und Schatten, qui rappelle le titre
d'un volume de Victor Hugo (Leipzig, 1846) ; Ein Stûck
Leben (Pesth, 1847) ; Clara von Wissegrad (ibid.,iMl);
Freiheits Br évier (ibid., 1848) ; Neuere Gedichte
(Vienne, 1859 et 1883); Still und bewegt (Prague,
1860); Ein poetisches Pilgerbuch (Pest, 1861) ; Reli-
quien eines Honveds (Hambourg, 1861); Novellenbuch
(Vienne, 1863, 2 vol.); Minriehof (Vienne, 4864);
Freudvoll und leidvoll (Leipzig, 1867); Geschichten
und Gedenkblœtter in Versen (Vienne, 1883). L. L.
FOGUANI (Luigi), compositeur et écrivain musical
italien, né à Modène à la fin du xve siècle, mort vers 1540.
Il est auteur d'une Musica theorica (Venise, 4529). Le
recueil Frottole, publié par Petrucci de Fossombrone, à
Venise, de 1504 à 1508, contient plusieurs pièces à quatre
voix de Fogliani. Ch. Bordes.
FOGLIETTA (Uberto), historien italien, né à Gènes en
1518, mort le 5 sept. 1581. Le seul événement important
de sa vie dont fassent mention les biographes est son ban-
nissement de la ville de Gênes, dont il a cependant infati-
gablement narré les gloires ; on ignore la cause de cette
singulière rigueur. Réfugié à Rome, il y passa les der-
nières années de sa vie, sous la protection du cardinal
Hippolyted'Este. Ses opuscules historiques, publiés d'abord
séparément, ont été réunis sous ce titre : Huberti Folietœ
Opéra subseciva, opuscula varia, de linguœ latinœ usu
et prœstantia, clarorum Ligurum elogia (Rome,
1579, in-4) ; on les trouve également dans le Thésaurus
Antiquitatum de Grsevius, lequel contient aussi son His-
toire des Génois, antérieurement imprimée à Gênes en
1585: Historiée Genuensium libri XII (in-fol.). Autres
ouvrages de Foglietta : De Causis magnitudims Turca-
rum imperii, dont la meilleure édition est celle que donna
David Chytrseus (Rostock, 1594, in-8) ; De Sacro Fœdere
in Selimum libri IF, necnon variœ expeditiones in
Africam cum Melitœ obsidione (Gênes, 1587, in-4) ;
Conjuratio J.-L. Flisci; TumultusNeapolitani ; Cœdes
P.-L. Farnesi, Placentiœ ducis (Naples, 1571) ; De
Philosophiœ et juris civilis inter se comparatione
libri III (Rome, 1586, in-4). R. G.
Bibl. : Spotorno, Storia let ter aria délia Liguria ; Gênes,
1824-1826, 4 vol. in-8.
F0GN1. Gros village du Soudan occidental (royaume de
Ségou) sur la rive droite du Niger, à 40 kil. en amont de
Ségou-Sikoro ; population de piroguiers qui font le com-
merce entre Ségou-Sikoro et Yamina.
FOGO (Ilha do). Ile de l'archipel portugais du Cap-Vert
(île du Feu), d'une circonférence de 60 kil. environ;
12,000 hab. Climat très salubre; sol d'une admirable fer-
tilité. L'île est agitée quelquefois par les éruptions du volcan
le Pico. La dernière éruption a eu lieu en 1847. Le prin-
cipal port est Nossa Senhora da Luz.
FOGOLINO (Marcello), peintre et graveur vénitien de
la première moitié du xvie siècle. Né dans le Frioul, il fit
son apprentissage à Vicence, vécut quelque temps à San
Vito et travailla à Pordenone et à Trente. Son œuvre la
plus ancienne est une Adoration des Mages, signée en
toutes lettres, provenant de l'église Saint-Barthélémy de
Vicence, et aujourd'hui au palais de justice de la ville. On
y retrouve encore la manière de Speranza ; dans les sui-
vantes se montre l'influence de Raphaël : telles sont la
Vierge couronnée par les anges, dans l'église de la
Santissima Trinita, à Trente; une Madone avec des
Saints dans l'église de Bovo, près de Trente ; une autre à
San Biagio dans la petite ville de Pordenone, où l'on voit
également dans la cathédrale un Saint François, entre
Daniel et saint Jean-Baptiste; enfin au musée de Berlin
une Madone avec l'Enfant, entourée de saints. On, sait
également que Fogolino exécuta en 1526 les décorations
pour l'entrée du roi Ferdinand. Comme graveur, il est
connu par trois épreuves remarquables, conservées au
cabinet des estampes de Dresde ; elles représentent une
677 —
FOGOLINO — FOI
Femme nue, la main appuyée sur l'épaule d'un enfant,
la Statue équestre de Marc-Aurèle, et une Statue de
femme antique, sans bras. Les tailles en sont courtes et
inégales, mêlées de pointillés.
Bibl. : Perkins, Cyclopsedia ofpainters. — Crûwe et
Cavalcaselle, History of painting, dans North Ilaly,l.
— Bartsch, le Peintre graveur, XÏI1.
FOHMANN (Vincent), anatomiste belge, d'origine alle-
mande, né à Assmannstedt en 4794, mort à Liège le
25 sept. 4837. Il étudia à Heidelberg où il fut professeur
au Théâtre anatomique et passa en 4827 à Liège pour y
occuper la chaire ordinaire d'anatomie et de physiologie.
Il a laissé des travaux importants, principalement sur les
Vaisseaux lymphatiques (Heidelberg, 4824 ; Heidelberg
et Leipzig, 4827, pi. ; Liège, 4832; Liège, 4833).
FOHR (Karl-Philipp) , peintre allemand, né à Hei-
delberg le 26 nov. 4795, mort à Rome le 29 juin 4848.
Il vint de bonne heure à l'Académie de Munich, mais se
forma surtout d'après la nature et les maîtres. Contempo-
rain de Rottmann, d'Ernest Fries et de toute cette géné-
ration que hanta le souvenir de Poussin, il se voua au
paysage historique et rêva de faire grand. Rome, qu'on
regardait alors en Allemagne comme la ville sainte où
Fart devait se renouveler, se retremper à des sources pures,
était le séjour obligé pour achever de préciser son rêve.
Il s'y rendit; mais une mort aussi prématurée qu'impré-
vue l'arrêta dans ses espérances. Il se noya en prenant un
bain dans le Tibre. Ses œuvres sont relativement rares.
On en voit aux musées de Karlsruhe, de Darmstadt et à
l'Institut Staedel de Francfort-sur-le-Main. P. L,
Bibl. : Dieffenbagh, Leben des Malers Karl Fohr;
Darmstadt, 1823.
FOI. I. Philosophie. — La foi est un acte d'adhésion de
l'esprit à certaines propositions, qui, analogue par quelques
côtés à la croyance et à la certitude, en diffère cependant,
et qu'il est assez malaisé de définir sans risquer d'offenser
ceux qui font profession d'avoir une foi. Les philosophes
et les logiciens peuvent bien faire des distinctions entre la
certitude et la foi. Ceux qui ont la foi n'accorderont jamais
qu'ils ne sont pas certains, que leur foi n'enveloppe pas
la certitude. Il semble cependant que tout le monde peut
admettre que, si la foi atteint la certitude, elle y arrive
par d'autres chemins que la science proprement dite ou la
raison. Avoir foi en un homme, en une institution, en une
idée, en un système ; avoir foi dans l'avenir ; avoir une
foi politique ou religieuse, toutes ces expressions supposent
et impliquent que l'esprit fait usage d'autre chose que de
la raison pour atteindre la vérité, qu'il est éelairé d'une
autre lumière que celle qui brille pour la seule intelligence.
Ceux qui ne veulent pas convenir du caractère subjectif et
personnel de la foi expliquent l'adhésion pleine et entière
qu'ils donnent à la vérité qui leur apparaît soit par un
hasard heureux, par une sorte d'intuition ou de divination,
soit plutôt par l'action exercée sur eux par un être bienveil-
lant et bon, par une faveur, par un privilège, par une
grâce, surtout, comme il arrive pour la foi religieuse, la
foi par excellence, par une révélation. Une telle doctrine
diffère d'ailleurs du mysticisme, puisque la distinction entre
le sujet et l'objet, entre l'homme et Dieu, est maintenue.
D'autres ne font pas difficulté d'avouer que le sentiment et
même la volonté sont pour beaucoup dans la production
de la foi. Loin de voir dans l'intervention de ces mobiles
subjectifs une cause d'infériorité ou un motif de suspicion,
ils revendiquent pour le cœur, pour « les raisons que la
raison ne connaît pas », le privilège d'atteindre bien plus
sûrement que la raison raisonnante à la vérité absolue. Il
faut, disent-ils avec Platon, croire avec l'âme tout entière.
La vérité (du moins, la vérité morale, la seule qui soit, à
proprement parler, objet de foi) ne se découvre pas à qui
ne la cherche pas : il faut aller au-devant d'elle, l'aimer,
la vouloir, s'offrir à elle. Mais si, dans cette doctrine, la
foi est autre chose que la raison, elle n'en est pas séparée.
Les vérités qui sont objet de foi sont démontrées, au moins
partiellement, par la raison. La foi ne se substitue pas à
la raison, comme dans le fidéisme, mais elle achève l'œuvre
commencée par la raison. La démonstration rationnelle,
pour rigoureuse qu'elle soit, est incomplète ; elle laisse
place à quelque obscurité ; elle n'obtient pas pleinement
le consentement, quoiqu'elle force l'assentiment. A la foi
seule il est donné d'aller plus loin, d'arriver à la pleine
lumière qui échauffe en même temps qu'elle éclaire et qui
réjouit le cœur en même temps qu'elle satisfait définitive-
ment l'esprit.
Soit que l'on considère la foi comme essentiellement
opposée à la raison par son origine, soit qu'on la regarde
comme une sorte d'extension de la raison, provenant, selon
l'expression de Malebranche, de ce que « nous avons du
mouvement pour aller plus loin, » la foi diffère de la
raison et, dès lors, se pose un problème inconnu à l'an-
tiquité, mais qui, après l'avènement du christianisme et
depuis l'époque où saint Anselme intitulait un de ses livres :
Fides quœrens intellectum, a préoccupé la plupart des
philosophes. Quels doivent être les rapports de la raison et
de la foi ? Une première réponse est faite à cette question
par les partisans exclusifs de la foi : la raison doit être
entièrement subordonnée ; elle est une esclave et doit obéir.
Ainsi, certains penseurs se sont complu à humilier, à froisser
la raison humaine ; ils ont triomphé de ses contradictions
et de ses faiblesses. Plusieurs même, comme on le voit par
le célèbre Credo quia absurdum de Tertullien, sont allés
jusqu'à faire un argument en faveur de la foi de son oppo-
sition à la raison. Il s'en trouve encore de tels aujourd'hui.
Cependant, une solution si violente ne pouvait rallier les
esprits philosophiques. Aussi beaucoup de penseurs, sur-
tout au xviie siècle et, au premier rang parmi eux, Leib-
nitz, se sont-ils donné pour tâche de concilier la raison
et la foi, l'ordre de la nature et celui de la grâce. On peut
dire qu'ils ont épuisé leur génie à chercher la solution de
ce difficile problème. Mais il est impossible de contester que
leurs théories soulèvent encore un grand nombre de diffi-
cultés. Signalons en passant une doctrine trop peu connue
d'un penseur qui fut le plus rationaliste de tous, le plus
âprement attaché à l'évidence mathématique, Spinoza, et
qui trouva moyen de faire place dans son système, ou
plutôt à côté de son système, à la foi et même à la révé-
lation, considérant la foi et la piété comme une sorte
d'équivalent à la portée des humbles et approprié à leur
degré de culture des hautes vérités que la raison démontre.
De nos jours, semble- t-il, la question se pose tout autre-
ment, et les termes en sont pour ainsi dire renversés. La
science et la raison, après tant de progrès accomplis et de
vérités définitivement acquises, loin de s'incliner devant la
foi, ou même de consentir à traiter d'égal à égal avec elle,
ont plutôt une tendance marquée à l'exclure, à la dédai-
gner, à la tenir pour non avenue. C'est une disposition
assurément trop répandue chez nos contemporains, qui les
porte à ne tenir compte que de ce qui est démontré ou
plutôt (car la foi a la prétention de reposer sur des démons-
trations) de ce qui est vérifiable par l'expérience. Il semble
cependant, du moins aux esprits sans parti pris, qu'il y ait
là un fâcheux excès. Après une période d'enthousiasme, de
confiance illimitée dans la science, et en quelque sorte
d'ivresse, presque tout le monde reconnaît aujourd'hui que
la science ne peut suffire à tout ; qu'il y a nombre de ques-
tions qui, par leur nature, lui échappent et probablement lui
échapperont toujours ; qu'elle est absolument impuissante à
donner la solution de certains problèmes, surtout de ceux
qui intéressent et inquiètent le plus la société moderne,
les problèmes moraux et ceux que la sociologie s'est donné
pour tâche d'éclaircir. D'ailleurs, la science n'atteint jamais
que des abstractions. Elle est toujours relative. De plus,
elle repose sur des principes qui, au fond, ne sont que des
actes de foi : même on a pu soutenir, par de forts bons
arguments, que toutes nos affirmations, quelles qu'elles
soient, renferment un élément de croyance très analogue à
la foi. La métaphysique essaye bien, aidée des seules forces
de la raison, d'apercevoir l'être même dans sa réalité
FOI — FOIE
678 —
concrète et absolue. Mais c'est une question de savoir si
elle y parvient, et cette question est l'objet d'éternelles dis-
putes. En tout cas, les moyens dont la métaphysique dispose
sont limités, et elle n'est pas à la portée de la foule. De
quel droit enfin interdirait-on à l'humanité de trouver dans
la foi les consolations et les espérances que la science et
la métaphysique sont impuissantes à lui donner? Après
tout, la science et la métaphysique elle-même reposent sur
ce postulat implicite que le fond de l'être est intelligible,
que rien n'existe qui ne soit accessible et pénétrable à la
pure intelligence. Mais ce postulat lui-même peut être con-
testé. Il y a peut-être dans l'absolu comme en nous autre
chose que de la pensée. C'est pourquoi ceux-là semblent
les mieux inspirés qui, à l'exemple de Kant et de ses dis-
ciples, commencent par circonscrire nettement le domaine
de la raison, par tracer sévèrement, non pas arbitraire-
ment, mais à la suite d'analyses précises et approfondies,
les limites qu'elle ne doit et ne peut franchir, mais n'inter-
disent pas à la foi de dépasser ces limites à ses risques et
périls, pourvu qu'elle ne donne jamais que pour ce qu'elle
est et ne prétende pas se confondre avec la science. La foi
n'a rien à perdre ; elle a tout à gagner à éditer les conflits
et même les rencontres avec la science. Dans cette sphère
qui lui appartient en propre, ses droits sont respectés,
sa légitimité est proclamée, son influence heureuse peut
s'exercer en toute liberté. C'est ainsi, non par une péné-
tration réciproque, comme le voulait encore Leibnitz, mais
au contraire par une distinction précise que la raison et la
foi peuvent coexister sans se nuire et que peut se résoudre
le problème tant discuté des rapports de la raison et de
la foi. Victor Brochard.
IL Théologie. — La première des trois vertus théologales
(V. Espérance et Charité). VEpître aux Hébreux la dé-
finit : « Une représentation vive, Ô7tdoxaatç,des choses qu'on
espère, une démonstration, ïXs-^çoç, de celles qu'on ne voit
pas. » (XI, 4.) Il s'agit ici d'un phénomène d'ordre essen-
tiellement religieux, d'une puissance ou d'une vertu faisant
apparaître devant la pensée des choses qu'on ne voit pas et
produisant une certitude au moins égale à celle qui résulte
de l'attestation des sens ou des opérations du raisonnement.
La foi ainsi définie est nécessairement un fait subjectif,
une image produite dans la pensée du croyant et qui ne
peut représenter que ce à quoi il pense. Non seulement on
ne croit pas aux choses auxquelles on ne pense pas; mais,
pour croire, il ne suffit pas de se soumettre à telle ou telle
formule, de la répéter ou de la souscrire ; il faut que cette
formule saisisse et convainque la pensée. A défaut de cette
conviction, il peut y avoir acte de docilité et d1 obéissance ,
il n'y a jamais acte de foi réelle. De là, l'étonnement
des profanes assistant aux palinodies des prélats qui ac-
ceptent aujourd'hui, comme dogmes nécessaires au salut,
les opinions qu'ils réprouvaient hier comme erronées et
dont ils attribuaient la consécration et la promulgation à
la connivence d'une majorité d'insensés, ferœomnes, comme
disait un archevêque de Paris, à l'occasion du dogme de
l'infaillibilité des papes, défini au concile du Vatican. —
Cependant les théologiens catholiques distinguent deux sortes
de foi: la foi explicite, qui aperçoit l'objet particulier qu'on
lui propose, et la foi implicite, qui admet d'avance, en
bloc et sans y avoir jamais pensé, tout ce que l'Eglise dé-
clare ou déclarera être un article de foi. A un ordre d'idées
fort voisin appartient la distinction entre la foi habituelle
et la foi actuelle. La première est une disposition surna-
turelle de l'entendement, produite par la grâce prévenante
et incitant à croire tout ce que Dieu a révélé et tout ce que
l'Eglise propose comme tel. La seconde consiste dans les
actes, extérieurs ou intérieurs, résultant de cette habitude
de la foi. La foi vive est celle qui est animée de la charité,
laquelle donne la vie à l'âme et engendre les bonnes
œuvres ; la foi morte reste stérile en ces œuvres, n'étant
point accompagnée de la charité. La foi vive est la seule qui
procure la justification et le salut. Les scolastiques appel-
lent foi formée celle qui est complétée par la grâce sanc-
tifiante, et foi informe celle du chrétien qui est en état de
péché. — La foi est nécessaire, d'une nécessité de pré-
cepte. En effet, Jésus-Christ a dit : « Celui qui croira et
sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera
condamné. » [Saint Marc, XVI, 16.) Le précepte ne portait
alors que sur un seul point, essentiel et résumant toute la
foi des chrétiens de ce temps-là. Longtemps après, les
théologiens ont découvert qu'il est affvrmatif, en ce qu'il
oblige tous les chrétiens à croire, non seulement tout ce
que Dieu a révélé, mais tout ce que l'Eglise propose en son
nom. Il serait aussi, suivant eux, négatif, parce qu'il en-
joindrait de rejeter toutes les doctrines que l'Eglise a con-
damnées. — On est astreint, dans l'Eglise catholique, à
croire explicitement tous les articles de foi qu'elle
déclare fondamentaux. Ainsi, tous ceux qui ont atteint
l'âge de raison sont tenus, sous peine de péché mortel,
d'apprendre, de savoir et de professer, au moins quant à
la substance, le symbole des apôtres, les commandements
de Dieu et de l'Eglise, tout ce qui concerne les mystères de la
Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption, le nombre,
la nature et les effets des sacrements, surtout du Baptême,
de la Pénitence et de l'Eucharistie. Pour les autres articles,
moins accessibles aux simples fidèles, il suffit à ceux-ci de
les croire implicitement, c.-à-d. de ne pas les repousser
quand ils leur seront présentés. E.-H. Vollet.
Exposition de la foi (V. Ecthesis).
Confession de foi (V. Confession, t. XII, p. 382).
Règle de la foi (V. Eglise, t. XV, p, 646).
ïiï. Droit féodal. — Foi et hommage (V. Fief).
IV. Art héraldique. — Figure naturelle composée de
deux mains entrelacées symbolisant l'alliance ou l'amitié et
ordinairement posée en fasce. La foi parée est celle dont les
poignets sont couverts d'une étoffe d'émail particulier. Les
deux mains doivent être dextres.
FOIBLAGE (V. Faiblage).
FOIE. I. Anatomie. — Dans toute la série animale
on trouve annexé au tube digestif et dans des rapports
plus ou moins directs un organe que l'on désigne sous le
nom de foie. Il y a toutefois lieu de faire remarquer que
l'identité de fonction des organes ainsi dénommés en ana-
tomie comparée n'est pas démontrée. Chez les cœlentérés,
les vers, les insectes, le foie se présente sous la forme
d 'un épithélium en connexion avec la cavité digestive, puis
tend à devenir indépendant ; il existe alors sous forme de
glandes tubuleuses enchevêtrées, s'ouvrant soit indivi-
duellement, soit par un canal collecteur dans l'intestin.
La forme tubuleuse disparaît enfin chez les animaux plus
élevés dans l'échelle, à tel point qu'il est difficile de re-
connaître la structure glandulaire. Nous ne parlerons ici
que du foie des mammifères, le seul dont la fonction ou
plutôt les fonctions sont à peu près connues.
Le foie est constitué par une série d'organites que l'on
désigne sous le nom de lobules. Chacun des lobules présente
une disposition identique et qui est caractéristique de la
texture du foie. Examiné à un faible grossissement sur une
coupe, on aperçoit au centre du lobule, qui affecte lui-même
une section polyédrique, la lumière d'un vaisseau : c'est la
veine sus-hépatique ou veine intra-lobulaire de Kiernan ; de
la veine sus-hépatique partent des capillaires radiées.
Entre ces capillaires et en contact direct, on trouve les
cellules propres du foie, les cellules hépatiques, mais celles-
ci ne forment pas une masse contiguë : elles présentent
entre elles des espaces lacunaires qui constituent le réseau
d'origine des voies biliaires. Ces réseaux, au lieu de pré-
senter une direction convergente vers le centre du glo-
bule, comme c'est le cas dans les glandes en général, se
dirigent vers la périphérie. Chaque lobule est limité par
des branches de la veine porte, entourées d'une gaine con-
jonctive. C'est à cette branche qu'aboutissent les capillaires
émergeant de la veine sus-hépatique, et c'est dans sa gaine
conjonctive que se forment les tissus biliaires.
La structure du foie, telle que nous venons de la décrire
d'après les auteurs classiques, indique une différence
679 —
FOIE
notable avec les glandes. Au lieu d'un canal excréteur cen-
tral, c'est une veine qui constitue le centre du système
lobulaire. Aussi peut-on dire que le lobule hépatique n'est
pas une unité glandulaire, mais une unité vasculaire. Ce
qui frappe encore dans cette histologie du foie, c'est l'absence
de membrane basale entre les cellules hépatiques et les
vaisseaux ; l'existence d'un endothélium à l'origine du ré-
seau biliaire jadis affirmée est aujourd'hui totalement aban-
donnée. Robin, qui avait été frappé de l'analogie de la
structure du foie avec les glandes vasculaires sanguines,
s'appuyant sur les indications de la physiologie, fait entre
le foie et la rate un parallèle original. « Dans l'hypocondre
gauche, dit-il, le pancréas et la rate forment, le premier
une glande en grappe, la seconde une glande vasculaire
sanguine qui reste distincte du pancréas et ne s'enche-
vêtre pas avec lui, bien qu'elle lui soit reliée par du tissu
conjonctif, des vaisseaux et des nerfs. Que voyons-nous
du côté droit ? le foie biliaire, glande en grappe, et le foie
glycogénique, glande vasculaire sanguine ne se séparant
pas ; au lieu de former deux organes distincts, ils restent
confondus et nous n'avons à droite qu'un seul viscère,
représentant les deux viscères séparés du côté gauche. C'est
à ce titre qu'il est permis de dire que le foie est une
glande mixte ou double. »
Les vues exposées si nettement par Robin sont des plus
exactes; le foie est un organe à fonctions multiples, et sa
structure même a dû être modifiée en vue de ces diverses
fonctions. Le foie est en effet une glande vasculaire san-
guine, c.-à-d. une glande dans laquelle le sang subit
certaines modifications, pour la plupart d'entre elles jus-
qu'ici inconnues, qui font que le sang à sa sortie de l'or-
gane présente une composition différente de celle qu'il
avait à son entrée; mais, outre cette fonction, qui ne com-
porte aucun canal excréteur, le foie est chargé de sécréter
la bile. Il rentre donc de ce côté dans les glandes ordinaires
du canal excréteur, dont il diffère cependant en ce que les
cordons des cellules de son parenchyme sont orientées par
rapport aux vaisseaux, qu'ils sont anastomosés entre eux
et n'ont pas de membranes propres.
L'anatomie comparée et l'embryogénie, confirmées d'ail-
leurs par l'anatomie pathologique, montrent que le foie est
formé de glandes en tubes (cirrhose biliaire, adénome hépa-
tique, foie de la couleuvre). Par suite de l'organisation
de ces cordons hépatiques, on ne peut le comparer aux
glandes ordinaires, mais à une glande toute spéciale, le
poumon. Pilliet a résumé très clairement la conception
ingénieuse de Sabourin.
Le lobule a pour centre un espace porte. Il est délimité
à sa périphérie par une surface brisée passant par les
veines sus-hépatiques qui l'entourent immédiatement. Il
est donc composé de quatre segments égaux pris chacun
sur un des quatre lobules hépatiques qui entourent l'es-
pace porto-biliaire. Chacun de ces segments forme une
nouvelle division du lobule, c'est l'acinus biliaire, qu'on
peut regarder comme formé d'un seul tube pelotonné et
anastomosé, s'abouchant par un canal biliaire au canal
qui occupe l'espace porte et recevant deux branches vascu- ;
laires, l'une de la veine porte, et l'autre de l'artère hépa-
tique. Le foie se trouve ainsi logiquement assimilé, non
pas aux autres glandes, comme le voulaient les anciens
anatomistes , mais à une autre glande en particulier, le
poumon. Le canal excréteur correspond à la bronche intra-
lobulaire, la veine porte et l'artère hépatique à l'artère
pulmonaire et à l'artère bronchique ; enfin la circula-
tion veineuse périphérique se trouve représentée dans le
foie par les veines sus-hépatiques et dans le poumon par
les veines pulmonaires. L'acinus biliaire correspond rigou-
reusement à l'acinus pulmonaire. Le problème qui préoccu-
pait tant les anciens est ici résolu, grâce au choix heureux
de l'organe qui sert de terme de comparaison. Pourtant il
faut noter que le poumon est disposé en vue de modifica-
tions à faire subir au sang et non en -vue de sécrétions
excrémentitielles ; c'est en grande partie une glande vas-
culaire sanguine, et sa circulation n'est pas rigoureuse-
ment comparable à celle des glandes salivaires.
II. Physiologie. — Le foie exerce des fonctions mul-
tiples que nous étudierons séparément, bien qu'il existe
nécessairement des connexions intimes entre elles : sécrétion
de la bile, formation du sucre, formation de la graisse, for-
mation d'urée, fonction hématopoiétique, action antitoxique.
Formation de la bile (V. Biliaire).
Formation du sucre (V. Glycogénie).
On voulait autrefois considérer dans le foie deux organes
distincts, ayant des éléments histologiques propres. A la
cellule hépatique était dévolue la fonction glycogénique ;
c'était leur agglomération qui constituait le foie gly-
cogénique ; aux cellules tapissant les canalicules biliaires
était réservée la sécrétion biliaire, l'ensemble de ces cana-
licules constituant le foie biliaire ; mais les recherches
actuelles, comme nous l'avons vu, ont montré que les pré-
tendues cellules des canalicules biliaires n'existaient pas,
que ces derniers étaient fermés par l'écartement des cel-
lules hépatiques, la face formant les parois des canali-
cules étant simplement épaissie pour former une cuticule.
Les cellules hépatiques exercent donc directement leur
fonction connexe : glycogénique et biligénique. On peut,
dans certains cas, déceler la matière colorante biliaire dans
les cellules hépatiques. Beaunis admet que la sécrétion de
la bile exige, outre les cellules hépatiques, l'intervention
des glandes en grappe que l'on observe sur les canaux
biliaires. Les substances spéciales à la bile, matières colo-
rantes, cholestérine, acides biliaires, seraient élaborés par
la cellule hépatique, tandis que l'eau et les sels provien-
draient des glandes en grappe. Les glandes en grappe ne
seraient donc que des appareils de filtration analogues au
rein par exemple, alors que les cellules hépatiques élabo-
reraient du sang les principes spécifiques de la bile.
Production de la graisse. — Les observations cliniques
démontrent la fréquence de la dégénérescence graisseuse
du foie. Normalement, le foie formerait en même temps
que de la glycose aux dépens du glycogène une graisse
très oxydable (graisse de l'huile de foie de morue), utile
par suite à la thermogenèse, surtout quand l'oxygénation
est faible. L'anatomie comparée montre en effet * que les
animaux à respiration faible ont un foie volumineux, tandis
que ceux à respiration active (oiseaux) ont cet organe très
réduit. Pendant la grossesse et la période de lactation le
foie est toujours très riche en graisse.
Fonction hématopoiétique. — L'existence dans la bile de
dérivés de l'hémoglobine (bilirubine) indique qu'il doit se
produire une certaine destruction des globules sanguins.
On considère donc le foie comme un centre de destruction
des globules, mais il est possible, très admissible même,
que de nouveaux éléments figurés prennent naissance dans
cette glande. Le fer perdu par l'hémoglobine transformé
en bilirubine ne passe pas dans la bile en quantité appré-
ciable et doit donc être fixé de nouveau.
Formation d'urée. — Meissner a considéré le foie comme
l'organe principal de la formation de l'urée ; toutefois, ce
n'est pas aux dépens du tissu hépatique lui-même, mais du
sang qui l'irrigue que se formerait ce produit de déchet.
Dans l'atrophie aiguë du foie, on voit l'urée disparaître
totalement de l'urine. C'est la seule observation en faveur
de cette opinion ; en effet, chez les grenouilles privées de
foie, on trouve de l'urée ; le sang des veines sus-hépatiques
n'est pas plus riche en urée que le sang veineux général.
Que le foie produise cette substance, le fait est probable ;
mais, à poids égal, il n'est certainement pas plus actif que
les muscles en travail.
Action antitoxique. — Le foie joue contre les intoxica-
tions, que les agents toxiques soient introduits dans l'or-
ganisme ou qu'ils y prennent naissance, un rôle des plus
importants : en accumulant certains principes toxiques,
pour les déverser peu à peu dans le torrent circulatoire,
où leur petite quantité les rend inoffensifs, ou encore
en les éliminant par la sécrétion biliaire (?) ; tels le
FOIE
680 -
cuivre, le plomb, l'arsenic, la nicotine, la quinine, la
strychnine, la cocaïne, les peptones, les poisons putrides.
Mais ces produits ne sont pas tous simplement retenus
par le foie ; ils y subissent des modifications chimiques,
modifications qui se produiraient, d'après Roger, par l'ac-
tion du glycogène. Quand cet organe en effet est privé
de glycogène, son action antitoxique est supprimée. On
sait du reste que le glycose modifie in vitro les alca-
loïdes (Tanret), en diminuant l'intensité des fermentations
intestinales, grâce à l'action antiseptique de la bile. Cette
action antiseptique, bien que très faible, douteuse même
pour Rohmann, serait due en grande partie à l'acide cho-
lalique. Dr P. Langlois.
III. Pathologie. — Le rôle considérable que les anciens
attribuaient au foie dans la physiologie humaine avait pour
conséquence forcée un rôle presque aussi important en pa-
thologie. Hippocrate signale les troubles fonctionnels aux-
quels, selon lui, ses maladies donnaient naissance, et Galien
met sous sa dépendance la plupart des maladies de l'ap-
pareil circulatoire, l'anémie, la pléthore, l'hydropisie,
la cachexie, etc. ; à la bile jaune se rattachaient les mala-
dies aiguës fébriles; à la bile noire les maladies chro-
niques, et surtout la mélancolie et les troubles intellectuels.
Les idées de Galien eurent créance jusqu'à l'époque où
Aselli et Pecquet découvrirent les vaisseaux chylifères et
le canal thoracique, mais la réaction qui se produisit alors
contre elles fut telle que l'on dénia au foie toute autre
fonction que celle de former la bile, et que l'étude de sa
pathologie resta stationnaire. C'est seulement depuis les
travaux de Morgagni, de Sénac, de Haller, de Portai, etc.,
qu'elle fut reprise, et c'est depuis ceux, plus récents, de
Cruveillier, d'Andral et de Rokitansky, que nos connais-
sances en cette matière acquérirent une véritable précision.
Dans ces dernières années, des recherches histo logiques
jetèrent une nouvelle lumière sur la structure du foie et
nous firent envisager sa pathologie d'une façon plus précise.
Congestion du foie. — Elle peut reconnaître une origine
inflammatoire ou être la conséquence d'un trouble méca-
nique de la circulation. La première se voit au début de la
plupart des maladies chroniques du foie (surtout quand
elles ont une intoxication pour cause), dans certains états
diathésiques et au cours de la plupart des maladies infec-
tieuses ; elle paraît être le résultat de l'action des agents
infectieux ou toxiques sur la circulation hépatique et sur la
nutrition du parenchyme. La seconde est due le plus sou-
vent à la gêne de la circulation cardio-pulmonaire, et la
plupart des maladies chroniques du cœur et du poumon
peuvent la déterminer; dans tous les cas, les lésions
cardiaques, comme les lésions pulmonaires, ne provoquent
la stase veineuse dans le foie qu'en ralentissant la circu-
lation du sang veineux dans le cœur droit et en s'opposant
à la déplétion de la veine cave inférieure dans l'oreillette
droite. La congestion passive du foie est la seule dont
l'étude soit actuellement complète ; on ne connaît guère en
effet les altérations dont s'accompagne l'hyperémie conges-
tive. Le foie, dont la congestion dépend d'une affection du
cœur, est augmenté de volume et offre à la coupe un aspect
marbré dû à la coloration rouge du centre des lobules oc-
cupé par la veine sus-hépatique dilatée et à une apparence
jaunâtre de leur périphérie envahie par la graisse. Peu à
peu sous l'influence du contact prolongé avec le sang vei-
neux les cellules qui entourent la veine centrale deviennent
granuleuses et s'atrophient, indice d'une nutrition incom-
plète ; ce phénomène peut déterminer une atrophie de l'en-
semble de l'organe. Peu de symptômes accompagnent cette
congestion ; ils peuvent se borner à une augmentation de
. volume du foie et à des douleurs sourdes ; l'ictère se ren-
contre rarement, mais au contraire il est fréquent quand la
congestion est sous la dépendance d'un trouble de l'inner-
vation, ou d'une fluxion irritative.
Cirrhoses du foie (V. Cirrhose).
Ictère. — C'est un syndrome morbide qui apparaît dans
la plupart des maladies du foie et qui se caractérise par une
coloration jaune des tissus et des liquides de l'organisme
et par la résorption des sels biliaires. La pathogénie de
l'ictère est encore assez mal précisée; le plus souvent il est
dû à la résorption de la bile, les canaux biliaires étant
obstrués par un obstacle mécanique ou par un spasme. La
bile versée à flots dans le tube digestif peut aussi être
reprise par les vaisseaux sanguins qui le tapissent. Gubler
a décrit sous le nom d'ictère hémaphéique un pseudo-ictère
dont la coloration est beaucoup moins franche et où l'urine
ne laisse apparaître aucune trace de pigment biliaire sous
l'influence des réactifs ; il paraît dû à la coloration des
tissus par l'hématosine des globules sanguins détruits. La
coloration de la peau imprégnée par les pigments biliaires
varie du jaune clair au vert et au brun foncé; les mu-
queuses et surtout la conjonctive sont coloréesles premières;
cette imprégnation s'accompagne d'un prurit parfois insup-
portable. La coloration des milieux de l'œil ou plutôt un
trouble des centres nerveux détermine quelquefois de la
xanthopsie ou vision des objets colorés en jaune. Les cra-
chats et le lait sont souvent colorés en jaune ; l'urine prend
une teinte rouge brune qui passe au vert par l'addition de
quelques gouttes d'acide nitrique nitreux. Par suite d'une
intoxication, soit du pneumogastrique, soit des ganglions
moteurs du cœur par les sels biliaires résorbés, le cœur
se ralentit, devient irrégulier et laisse entendre temporai-
rement des souffles au niveau des valvules mitrale et tri-
cuspide. L'état saburral des voies digestives et la décolo-
ration des matières fécales accompagnent toujours l'ictère.
L'ictère survient dans bon nombre de maladies infec-
tieuses bénignes ou graves par suite de l'action exercée sur
le foie par des produits infectieux et toxiques. Sous le nom
à'ictère catarrhal, on désigne une fièvre saisonnière endé-
mique avec ictère de courte durée ; sous celui àHctère grave
on range les cas, où le foie étant profondément atteint, sa
désorganisation se traduit extérieurement par un ictère très
coloré. Ces formes graves d'ictère reconnaissent des causes
diverses où l'infection et l'intoxication jouent toujours le
principal rôle ; ils sont donc le symptôme d'affections diffé-
rentes par leur étiologie, mais semblables par leurs effets. Les
empoisonnements par l'arsenic, le phosphore, l'antimoine,
des conditions miasmatiques inconnues, des agents patho-
gènes peuvent leur donner naissance. Les cellules du foie
subissent une dissociation qui aboutit à leur destruction et
à l'atrophie de l'organe; les voies biliaires sont enflammées,
la rate est tuméfiée, le sang diffluent et noirâtre, le cœur
mou et graisseux. L'affection débute par des symptômes
généraux graves, des vomissements, de la diarrhée, puis elle
s'affirme par de l'ictère de plus en plus accusé, par des
hémorragies multiples et par des troubles nerveux, délire,
état typhoïdique, dyspnée et coma. La durée de ces états ne
dépasse guère huit jours, et la mort est presque toujours la
règle, produite probablement par la suppression des fonc-
tions du foie et l'accumulation dans le sang des produits
excrémentitiels.
Hépatite diffuse. Abcès du foie. — C'est surtout une
maladie des pays chauds qui n'était guère connue en
France avant la campagne d'Alger ; elle paraît être le ré-
sultat d'actions microbiennes sur le foie et se montre sur-
tout à la suite de la dysenterie, par suite de la pénétration
des germes pathogènes, soit dans les voies biliaires, soit
dans les vaisseaux portes. Des excès de nourriture et sur-
tout l'alcoolisme aident à ce résultat. La maladie débute
insidieusement par des symptômes de congestion du foie et
par de l'embarras gastrique avec ictère ; la fièvre manque
souvent et il peut y avoir un début tout à fait latent. Dès
que la suppuration commence à se faire, elle s'accompagne
de frissons d'une durée d'une heure environ chaque soir;
la température peut atteindre 40° ; le malade maigrit,
s'affaiblit et les symptômes généraux peuvent prédominer
au point de faire méconnaître l'état local. Plus souvent, les
signes locaux occupent le premier rang : douleur hépatique
vive, dyspnée, toux sèche et quinteuse, gastrite, ictère et
augmentation de volume du foie. L'abcès est souvent unique
681
FOIE
et siège de préférence à la face convexe du lobe droit ; il
paraît débuter vers les régions centrales et s'étendre peu
à peu vers la convexité ; son volume peut atteindre celui
d'une grosse orange. Sa forme est arrondie ; il esf quel-
quefois cloisonné et contient un pus fétide quand son ori-
gine est intestinale. Ces abcès peuvent se résorber ou
s'ouvrir spontanément, mais en général on est amené à les
vider, soit par l'aspiration ou par le trocart, soit par l'in-
cision au bistouri.
Le foie peut être le siège d'abcès d'une autre origine ;
abcès métastatiques dans l'infection purulente et à la suite
de plaies ; abcès prenant leur point de départ dans les voies
biliaires, parangiocholite suppurée ; abcès consécutifs à des
kystes hydatiques. Les symptômes qu'ils provoquent dif-
fèrent selon la cause qui leur donne naissance, mais
rentrent par leurs grandes lignes dans le cadre que nous
venons de tracer.
Cancer du foie. — Il fut signalé pour la première fois par
Baillie en 1812; bien que sa fréquence soit grande, ses
causes sont aussi mal connues que celles des autres can-
cers ; mais il est fort rare qu'il soit primitif, et il n'atteint
le foie que secondairement. Ce cancer se présente sous la
forme de tumeurs d'un blanc jaunâtre, de nombre et de
volume variables ; celles qui font saillie à la surface de
l'organe sont évidées à leur centre en forme de cupules
par suite du ramollissement des parties centrales. L'exa-
men microscopique de ces parties d'un nodule ne montre
plus rien qui rappelle la structure des lobules, les élé-
ments de néoformation cancéreuse ayant tout envahi ;
mais à sa périphérie on assiste au travail d'extension du
cancer et à la prolifération active des conduits biliaires,
des vaisseaux portes et du tissu conjonctif interlobulaire.
Cliniquement, le cancer du foie a souvent une marche
insidieuse et ne détermine d'abord que de l'amaigrisse-
ment par suite de troubles digestifs; plus tard apparais-
sent de la pesanteur puis de la douleur dans l'hypocondre
droit, et la palpation du foie dénote l'hypertrophie et la
présence à sa surface de bosselures marronnées, dures et
inégales. L'ictère et l'ascite se rencontrent avec une égale
fréquence, mais seulement quand il existe de la compres-
sion des voies biliaires ou de l'obstruction de la veine porte.
La marche de ce cancer est continue et aboutit rapidement
à la mort ; un traitement palliatif ne peut même guère la
retarder.
Syphilis du foie. — C'est une localisation de la syphilis
assez rare chez les adultes, mais relativement fréquente
chez les enfants dans la syphilis héréditaire. Dans ce der-
nier cas le foie peut devenir énorme, de façon à représen-
ter 1/15 ou 1/12 du poids total du corps au lieu de 1/25,
en même temps que la rate présente une hypertrophie ana-
logue. Chez l'adulte, il y a plutôt une tendance à l'atrophie
par suite de la formation, soitdegommes qui amènent autour
d'elles de la rétraction fibreuse, soit de syphilomes diffus
aboutissant aussi à de la sclérose. Peu de symptômes tra-
duisent ces lésions dont le diagnostic est difficile ; c'est par
la marche des accidents et l'ensemble des phénomènes
morbides qu'on arrive à le faire. La confusion se fait sur-
tout avec la cirrhose atrophique, et la syphilis du foie ne
peut guère être séparée d'elle qu'en tenant compte de la
mobilité avec laquelle l'ascite apparaît et disparaît, et de
la présence assez fréquente de l'ictère, alors qu'il est rare
dans cette cirrhose ; mais le traitement spécifique est sou-
vent la seule pierre de touche du diagnostic.
Tuberculose du foie. — Elle ne se voit guère que dans la
tuberculose généralisée ou dans la tuberculose à marche
très lente. Les tubercules du foie sont fort petits et se
montrent comme de petits grains perlés situés au milieu
du parenchyme, dans le voisinage immédiat des vaisseaux
sanguins. Leur présence détermine de la congestion hépa-
tique, mais ne peut que rarement être décelée par la cli-
nique. Dans le cours delà tuberculose on observe très souvent
la dégénérescence graisseuse du foie, caractérisée par un
dépôt de gouttelettes de graisse dans les cellules de la
périphérie des lobules. Pareille chose se voit du reste au
cours de la plupart des maladies infectieuses et paraît être
la conséquence de l'action des toxines sur les cellules
hépatiques.
Kystes hydatiques. — Le taenia échinocoque, auquel
sont dus les kystes hydatiques du foie, vit sur le chien
à l'état complet de développement ; qu'un de ses œufs
soit absorbé par l'homme , il se segmente rapidement
et donne naissance à un embryon exacanthe qui perfore les
parois de l'intestin et se laisse entraîner jusque dans le
foie par le sang de la veine porte. Il s'y fixe et se trans-
forme en une vésicule qui devient rapidement une poche à
paroi épaisse dont la surface interne, appelée membrane
germinative, donne naissance à des échinocoques. Ce sont
de petits corps où l'on distingue une tête et une vésicule
caudale séparée de la tête par une portion rétrécie au col.
La tête représente la tête d'un taenia échinocoque et porte
les crochets caractéristiques. D'abord pédicules et appen-
dus à la membrane germinative, les échinocoques finissent
par devenir libres dans le liquide qui remplit le kyste.
Les kystes hydatiques siègent, de préférence, dans la
partie convexe du lobe droit du foie ; on peut en rencon-
trer trois et quatre sur le même sujet. Autour d'eux ils
déterminent une inflammation qui aboutit à la formation
d'une coque fibreuse qui les isole. Leur contenu est un
liquide très clair tant que l'hydatide vit ; il devient albu-
mineux et louche dès qu'elle est morte, et peut même ac-
quérir une consistance caséeuse.
Leur présence peut rester ignorée pendant toute la du-
rée de l'existence ; il n'en est pas de même quand ils de-
viennent volumineux ; ils déterminent alors les troubles
digestifs communs à la plupart des affections du foie, de
la pesanteur persistante et quelquefois de l'ascite et de
l'ictère quand ils compriment des vaisseaux sanguins ou
des canaux biliaires. Les seuls symptômes qui permettent
d'affirmer le diagnostic sont une voussure limitée à la ré-
gion hépatique et un frémissement particulier appelé hy-
datique, perçu parla palpation et la percussion simultanées
du foie. Ces kystes peuvent se rompre et s'ouvrir, soit dans
le thorax, soit dans l'abdomen ; dans le premier cas ils
s'ouvrent dansla plèvre ou, plus souvent, dans les bronches;
dans le second, ils se vident par ordre de fréquence dans
l'estomac ou l'intestin, les voies biliaires ou le péritoine. La
rupture du kyste est une complication presque toujours
mortelle quand elle se produit avant la formation d'adhé-
rences; mais, dans le cas contraire, elle est assez favorable,
sauf quand elle a lieu dans le péritoine ou dans les voies
biliaires. Le traitement médical basé sur l'emploi de l'io-.
dure de potassium, des mercuriaux ou même de l'électrolyse
donne des résultats incertains. Il est préférable d'avoir
recours à la ponction capillaire qui guérit souvent d'em-
blée, ou, si elle ne suffit pas, à l'ouverture du kyste au
moyen des caustiques ou d'un trocart volumineux.
Sous le nom de kystes hydatiques alvéolaires on décrit
une variété de tumeurs à échinocoques dans laquelle les
hydatides se disséminent irrégulièrement dans le paren-
chyme du foie. C'est une affection rare et qui ne se ren-
contre guère qu'en Allemagne.
Lithiase biliaire. Coliques hépatiques. — Des calculs se
forment fréquemment dans les voies biliaires et provoquent,
lorsqu'ils opèrent leur migration, des accès douloureux
d'une intensité et d'une durée variables. C'est dans la vési-
cule, plutôt que dans les canaux, qu'ils prennent naissance ;
ils peuvent acquérir le volume d'une noix, et quand ils sont
nombreux au lieu d'être arrondis ils sont taillés à facettes
par suite du frottement ; leur couleur est blanche quand
ils ne contiennent que de la cholestérine, brune quand ils
contiennent du pigment biliaire. Chacun d'eux est consti-
tué par un noyau central dû à du mucus concrète, par une
zone radiée formée par des cristaux de cholestérine puis
par une couche externe stratifiée. Les acides biliaires entrent
pour une faible part dans leur composition ; la cholestérine
constitue leur majeure partie. La formation des calculs
FOIE — FOIN
— 682 —
paraît être sous la double influence d'un catarrhe des
voies biliaires qui permet le dépôt du mucus et du pigment,
et d'un excès, dans la bile, des acides gras et de la chaux
qui en se combinant forment des savons insolubles. La
lithiase biliaire est plus fréquente chez les gens sédentaires
que chez les autres et s'observe surtout à l'âge adulte. Elle
peut ne jamais se manifester par des symptômes bruyants,
et son existence n'est ordinairement décélée que lorsqu'un
calcul s'engage dans le canal cystique pour cheminer jus-
qu'au duodénum et détermine par sa migration un accès de
colique hépatique. Celle-ci est caractérisée par une douleur
vive, paroxystique, localisée d'abord dans Fhypocondre
droit, puis s'irradiant au creux épigastrique, à l'omoplate
droite et dans la fosse iliaque ; elle s'accompagne de fris-
sons, de nausées et de vomissements, et parfois de phéno-
mènes nerveux réflexes tels que convulsions, paralysies,
syncope, palpitations de cœur, etc. L'ictère est fréquent et
se produit, soit par suite du spasme des voies biliaires, soit
quand le calcul oblitère le canal cholédoque ; il n'est jamais
très prononcé. L'accès se termine brusquement quand le
calcul tombe dans le duodénum après une durée de quelques
heures à quelques jours; sa cause paraît donc résider
dans l'irritation mécanique de la muqueuse biliaire par le
calcul qui provoque des contractions réflexes des fibres
musculaires de la paroi du canal et met en jeu la sensibi-
lité des plexus nerveux qu'elle renferme.
Des complications nombreuses peuvent survenir : 1° les
unes accompagnent la migration des calculs dans les con-
duits biliaires : syncope, rupture de la vésicule, actions
nerveuses sur le poumon ou sur le cœur ; 2° les autres
sont produites par l'arrêt des calculs et l'obstruction des
conduits, rétention biliaire, abcès du foie, fièvre intermit-
tente hépatique, fièvre hépatalgique ; 3° les dernières sont
le résultat de la migration des calculs hors des voies natu-
relles et leur passage dans les cavités voisines.
Le traitement de la colique hépatique repose sur deux
indications principales : faciliter la marche du calcul et
calmer les douleurs qu'elle provoque. La première indica-
tion est remplie par l'emploi de purgatifs et surtout d'huile
d'olive à la dose de 12 à 45 cuillerées à soupe ; son absorp-
tion est souvent suivie d'une disparition complète des
symptômes de la colique. La médication calmante s'adresse
surtout à la seconde, bains prolongés, belladone, opium et
surtout injections de morphine répétées. Dans l'intervalle
des accès il faut employer un traitement général s'adressant
à la lithiase, et qui comporte l'emploi des eaux alcalines ,
en particulier celles de Vichy, et un régime alimentaire
dont sont exclus les féculents, les graisses et les épices.
Dr Georges Lemoine.
IV. Art culinaire. — Foie de boeuf, de porc, de
veau. — Le foie de ces animaux se mange généralement
coupé en tranches que l'on fait revenir dans du beurre
avec un assaisonnement de sel, poivre, persil haché, auquel
on ajoute un filet de vinaigre. C'est un aliment assez indi-
geste. — Les foies de mouton, d'agneau et des autres ani-
maux du même genre peuvent s'accommoder comme
ci-dessus.
Foies de volailles. — On les emploie comme garnitures,
surtout pour les pâtés. Après avoir retiré le fiel on les
laisse entiers et on les fait blanchir un instant dans de
l'eau bouillante. Puis on les met dans une casserole avec
un peu de bouillon, du vin blanc, un bouquet garni, du
poivre et du sel. Après un quart d'heure d'ébullition, on
enlève le bouquet, on dégraissé avec soin, on lie la sauce
avec de la farine et on sert.
Pâtés et terrines de foies gras (V. Pâté).
Bibl. : Claude Bernard, Œuvres, 1853-1872. — Sghiff,
Sulla Glicogenia animale, 1866. — Sabourin, Recherches
sur Vanalomie de la glande biliaire; Paris, 1888. — Roger,
Action du foie sur' les poisons; thèse, Paris, 1887. —
Pilliet, les Conceptions modernes sur la structure du
foie, dans Tribune médicale, 1889.
FOIGNET (Charles-Gabriel), professeur, compositeur
et directeur de théâtre français, né à Lyon vers 1750,
mort à Paris en 1823. Il vint se fixer à Paris aux environs
de 1780, et y devint ce qu'on appelait alors professeur de
goût de chant, en même temps qu'il publiait quelques pe-
tites compositions pour la voix. La Révolution ayant établi
la liberté complète des théâtres, Foignet en profita d'abord
pour écrire la musique d'un grand nombre d'opéras-co-
miques qu'il fit représenter sur les théâtres lyriques secon-
daires qui se fondaient de tous côtés, ensuite pour se faire
lui-même directeur de spectacle. Vers 1797, en effet, il
prit la direction du gentil petit théâtre des Jeunes-Artistes,
situé à l'angle des rues de Bondy et de Lancry, et, y dé-
ployant une véritable intelligence et une activité extraor-
dinaire, il en fit bientôt l'une des petites scènes musicales
les plus aimables et les plus fréquentées de Paris. Un peu
plus tard, il s'empara aussi du théâtre des Victoires-Na-
tionales, récemment construit rue du Bac, qu'il géra con-
jointement avec celui-ci, et comme si cette double direc-
tion n'était pas encore assez pour lui, il prit une part dans
celle du théâtre Montansier (Variétés actuelles) et devint
l'un des cinq administrateurs associés de ce théâtre. Pen-
dant ce temps il ne cessait de composer, et l'on pourrait
citer plus de vingt-deux pièces de lui, dans la forme dé la
première : la Boiteuse, un acte (en société avec Simon,
musicien, qui n'est autrement connu que par la jolie ro-
mance : 11 pleut, bergère, écrite par lui sur des paroles
de Fabre d'Eglantine ; théâtre Montansier, 1791). Voici les
titres de ses opéras les plus connus : V Apothicaire, le Mont
Alphéa, le Pèlerin, Michel Cervantes, les Petits Mon-
tagnards, les Deux Charbonniers, les Divertissements
de la Décade, les Jugements précipités, Robert le Bossu,
les Brouilleries, les Sabotiers, l'Antipathie, V Heureuse
Rencontre, les Prisonniers français en Angleterre,
l'Orage, le Cri de la Vengeance. Quand l'Empire eut
supprimé la liberté des théâtres, ceux de Foignet furent
fermés et il ne fit plus parler de lui. — Son fils aîné, Fran-
çois, né vers 1780, mort à Strasbourg le 22 juil. 1845,
se fit connaître comme acteur dans les théâtres dirigés par
son père. Il jouait les Arlequins avec beaucoup de grâce,
de finesse et de légèreté, et, après s'être borné à introduire
quelques morceaux de sa composition dans diverses pièces,
il écrivit ensuite la musique d'un certain nombre d'opéras-
comiques dans lesquels il remplissait généralement le rôle
principal. Après le décret restrictif de 1807, il passa eh
province et finit par mourir de misère, à l'hôpital de Stras-
bourg, à l'âge de soixante-cinq ans. Arthur Pougin.
FOIN. Sous le nom de foin, on désigne les plantes her-
bacées, séchées à l'air par l'opération du fanage. Il y a tout
d'abord lieu de distinguer le foin ordinaire, provenant des
prairies naturelles, et le foin de trèfle, de luzerne, etc.,
provenant des prairies artificielles. Le foin est le type de
l'aliment complet des animaux herbivores ; son importance
est donc considérable.
Foin des prairies naturelles. — L'aspect et la nature
nutritive du foin varient beaucoup suivant la prairie où il
a été récolté et la nature des plantes qui le constituent.
Celui que produisent les prairies sèches ou élevées est fitf,
odorant et très nutritif, parce qu'il renferme des plantes
graminées à tiges déliées, comme la fétuque, hcrételle, le
paturin des prés, etc., et des légumineuses peu élevées
comme le trèfle blanc et violet, \è lotier corniculé, etc.
Il doit son excellent arôme aux plantes labiées (Flouve odo-
rante, Pimprenelle, etc.). Le foin produit sur les prairies
d'altitude moyenne est long, moins fin et moins aromatique.
Les prairies basses donnent en général un foin grossier,
sans arôme et de qualité médiocre. En France, le rende-
ment moyen des prairies naturelles est de 3,600 kilogr.
de foin par hectare.
Le bon foin, fait remarquer M. G. Heuzé, se distingue
par des tiges fines, déliées, flexibles, garnies de feuilles ;
une couleur légèrement verte et uniforme ; une saveur douce,
un peu sucrée et agréable ; une odeur un peu sensible qui
plaît à l'odorat. Le foin qui est sec, blanchâtre, insipide,
sans odeur, provient des prairies marécageuses ; il doit être
683 —
FOIN
regardé comme inférieur au premier. Le foin ordinaire n'a
que des effets favorables sur les animaux, lorsque ceux-ci
en consomment une quantité rationnelle. Il est nutritif,
digestif et entretient la santé. La viande des animaux
engraissés au foin est de bonne qualité, savoureuse, et le
suif est ferme et abondant. Le lait que produisent les vaches
nourries au foin de prairies naturelles et de bonne qualité,
est excellent et riche en beurre, mais il n'est pas très abon-
dant. Le foin nouveau se distingue : du foin de première
qualité, récolté l'année précédente, par sa couleur d'un
vert plus vif, plus foncé, et par son odeur très forte, aro-
matique, pénétrante. Le foin nouvellement récolté conserve
ordinairement ces caractères pendant trois mois environ s'il
est bien conservé. A dater de cette époque sa couleur devient
plus pâle et son odeur moins vive. Le foin nouveau n'est
pas un excellent aliment. Il est échauffant, irrite les organes
digestifs et détermine parfois des gastrites, des vertiges, etc.
Le foin vieux, celui qui n'a pas été consommé pendant les
six mois qui suivent la récolte qui succède à celle où il a
été obtenu, acquiert une teinte blanchâtre ou jaunâtre, et
il perd presque complètement son odeur et sa saveur. Il
devient sec, cassant, se brise avec facilité lorsqu'on le froisse
entre les mains, et produit beaucoup de poussière. Le foin
vieux est peu alimentaire ; il nourrit mal le bétail, agite
le flanc des chevaux et les rend poussifs.
Les foins de deuxième, troisième et quatrième coupes,
qu'on fait en août, septembre ou octobre, sont appelés
regains. Ils sont plus verts, plus flexibles, et constituent
un bon fourrage. Le foin provenant d'une même prairie n'a
pas tous les ans la même composition et la même valeur ali-
mentaire. Dans les années où les printemps sont secs, les
plantes qui exigent de l'humidité font défaut et le foin change
de nature. De plus, les pluies, les arrosages et les engrais
rendant plus active la végétation herbacée, celle-ci change
également de nature. C'est ce qui explique pourquoi les ma-
tières azotées contenues dans le foin fourni par une prairie
peuvent varier d'une année à l'autre de 5 à 7 %. La nature
botanique des plantes n'est pas la seule cause qui fait
varier la qualité des foins des prairies naturelles. Le mode
de récolte et les procédés de conservation exercent aussi
une grande influence. Lorsqu'on fauche trop tardivement,
on a un fourrage moins aromatique, plus dur et moins
nutritif. [1 en est de même lorsque l'herbe a été mal fanée
et quand le fanage a été contrarié par des pluies. Enfin la
nature du foin et sa qualité varient encore avec la compo-
sition du terrain sur lequel est établie la prairie où il a été
récolté, les plantes qui croissent sur un terrain calcaire,
par exemple, n'étant pas les mêmes que celles qui croissent
sur un terrain argileux ou silicieux. C'est pourquoi le foin
est loin d'offrir toujours exactement la même composition,
comme le montrent d'ailleurs le premier tableau de la col.
suiv. Mais avant nous devons donner la composition
moyenne du foin de prairie naturelle de bonne qualité
d'après M. Boussingault (elle peut être considérée comme
la composition type) :
Matières azotées 7,20
(soit en azote) 1,16
Amidon, sucre 44,20
Ligneux, cellulose 24,20
Corps gras 3,80
Cendres 7,60
Eau 13,00
Les 7.60 de cendres renferment :
Silice t 2,56
Chaux 1,55
Potasse, soude 1,31
Magnésie 0,46
Acide phosphorique 0,40
Soufre, fer, alumine, chlore, etc.. 1,32
Comme on peut le voir, il y a des différences assez mar-
quées ; mais les écarts sont bien plus grands encore lors-
qu'on compare les chiffres extrêmes qui résultent des ana-
lyses faites par divers auteurs sur des foins de différentes
qualités. C'est ainsi que d'après J. Kùhn, on voit les pro-
portions varier :
Pour les matières azotées entre
Pour les glyclosides
Pour le ligneux
Pour les corps gras
Pour l'eau
5,8 et 18,5
22.6 — 50,7
19.7 — 39,9
1,4 — 5,6
10.8 — 21,7
Le regain est un peu plus riche en azote que le foin
proprement dit.
Composition de différents foins
ÉLÉMENTS
CONSTITUANTS
SANSON
AUTEURS
GRANDE AU
GAROLA
Matières azotées...
Glycosides
8.50
38.30
29.30
3.00
6.02
14.30
10.11
40.90
25.52
2.34
6.54
14.59
8.40
41.00
26.80
2.90
6.70
14.20
Ligneux, cellulose.
Corps gras
Sels minéraux
Eau. ,
Foin brun. Le foin brun est obtenu en fanant l'herbe
en meules ; il a d'abord été préparé en Allemagne par Klap-
mayer. Pour faire du foin brun, on met l'herbe en tas,
immédiatement après le fauchage ; l'essentiel est de faire
de fortes meules. Ce procédé est surtout recommandable
dans les contrées humides et les années pluvieuses. Le foin
brun, bien préparé, quoique visqueux au toucher, d'une
odeur forte et d'une couleur brune, doit être considéré
comme de bonne qualité. Il est plus sapide, plus facile à
digérer et plus nutritif que le foin ordinaire, surtout lors-
qu'on y incorpore du sel marin, ce qui se fait d'ailleurs
le plus souvent. De plus, il entretient mieux les chevaux
et fait donner aux vaches beaucoup de lait.
Foin des prairies artificielles. — Les plantes les
plus généralement cultivées en vue de donner des fourrages
verts ou du foin, appartiennent pour la plupart à la famille
des légumineuses. Elles donnent en général du foin plus
riche en azote et plus nutritif; cependant il contient moins
de corps gras, moins de glycosides et surtout moins d'acide
phosphorique que le foin des prairies naturelles. Il y a d'ail-
leurs des différences de composition assez notables suivant
les plantes qui fournissent ce foin. C'est ce que montre le
tableau suivant qui résume les analyses de M. Grandeau :
DESIGNATION
Matières azotées . . .
Glycosides
Ligneux, cellulose..
Matières grasses...
Sels
Eau
FOINS DE
14.76
34.65
24.08
3.02
8.42
15.07
12.97
36.16
24.45
2.18
5.86
18,38
14.85
35.77
26.42
2.50
6.20
14.26
14.60
33.20
26.20
3.30
6.00
16.70
15.97
35.56
22.41
3.50
8.95
13.61
17.60
29.75
26.45
• 2.30
9.00
14.90
Ces foins sont considérés comme très nutritifs ; tous les
auteurs reconnaissent qu'il en faut moins que de foin ordi-
naire pour former une ration. Cette opinion est confirmée
jusqu'à un certain point par les analyses chimiques. Et,
cependant, le foin de luzerne, comme celui du trèfle, est
moins estimé que le foin des prairies naturelles, et ce n'est
qu'en l'associant à d'autres aliments qui rétablissent une
relation nutritive favorable qu'on peut l'utiliser pour l'alimen-
tation du bétail, sans être exposé à donner une ration qui
peut rester insuffisante dans certains cas, et qui dans
d'autres peut n'être pas convenablement utilisée. Les ani-
FOIN — FOISSAC
— 684 —
maux se dégoûtent assez vite du foin des prairies à base de
légumineuses, et, lorsqu'il est nouveau, il est échauffant, et se
digère assez mal. Le foin des légumineuses doit être réservé
pour les ruminants et pour les chevaux employés à des
services n'exigeant pas des allures rapides, pour les che-
vaux de labour et les bœufs de trait , par exemple ; mais
il ne doit pas former leur nourriture exclusive. Il faut le
donner associé dans une juste proportion avec d'autres
fourrages.
Altération des foins. — De toutes les denrées alimen-
taires destinées aux herbivores, le foin est celle qu'on
trouve le plus souvent altérée ; alors, non seulement il n'a
plus ses qualités nutritives, mais encore il a des propriétés
acres, irritantes, qui en font un aliment nuisible. Les causes
d'altération sont nombreuses : outre la présence dans le
foin de plantes nuisibles, épineuses ou vénéneuses, il faut
citer le foin vase, c.-à-d. ayant été inondé au printemps
par des eaux limoneuses. Ce foin est sec, cassant, poudreux ;
il répand beaucoup de poussière et dégage une mauvaise
odeur. Il est susceptible de provoquer des altérations du
sang chez les animaux qui s'en nourrissent; il vaut donc
mieux s'en servir comme litière. Si on est obligé de l'em-
ployer, il faut le battre et l'agiter énergiquement hors des
habitations et l'arroser avec de l'eau salée. Le foin mal
récolté ou conservé dans des endroits humides se couvre
parfois de moisissures ; ce foin moisi a un vilain aspect ;
de plus, il dégage une odeur sut generis détestable, et en
général les animaux, guidés par leur instinct, le refusent.
Le foin rouillé, c.-à-d. composé de tiges et de feuilles
de graminées couvertes de taches rouges ou jaunes pulvé-
rulentes, est acre et irritant; il doit être rejeté.
Conservation des foins. — Les foins sont conservés en
vrac ou bottelés, soit en meules permanentes, soit dans des
fenils, soit dans les greniers. Les meules définitives sont
faites dans les prairies ou dans un endroit voisin de la
ferme ; on leur donne généralement une forme allongée ;
le foin repose non pas sur la terre nue, mais sur un sous-
trait de fagots ; la meule est recouverte de paille de seigle
qui abrite le foin contre la pluie. Le bottelage (V. ce mot)
ne se pratique guère que pour les foins de prairies natu-
relles qui doivent voyager. Mais le foin des prairies artifi-
cielles doit être conservé de préférence en bottes parce que
les feuilles des légumineuses se détachent facilement. Ces
derniers foins étant beaucoup plus hygrométriques que
ceux de prairies naturelles doivent être conservés dans des
locaux très sains, des greniers par exemple. De plus,
comme ils se décolorent facilement, on doit les tasser for-
tement, qu'ils soient bottelés ou non. Conservés dans des
locaux humides, les foins des prairies artificielles moisissent
beaucoup plus rapidement que ceux des prairies naturelles.
— Dans quelques départements du Nord-Est, ainsi qu'en
Suisse, au moment de l'engrangement des foins, on répand
de 1 à 2 kilogr. de sel marin par 1,000 kilogr. de foin.
Cette salaison assure sa conservation et accroît sa valeur
nutritive.
Commerce du foin. — On comptait, en 1889, en France,
4,822,261 hect. de prairies naturelles produisant environ
160 millions de quintaux de foin et 33 millions de cjuintaux
de regain. Il y avait 2,600,000 hect. de prairies artificielles.
Le prix du foin varie, suivant les années, entre 6 fr. 50 et
13 fr. 50 le quintal. Nous importons année moyenne
20 millions de kilogr. de foin, soit une valeur totale d'en-
viron 1,200,000 fr., tandis que nous en exportons en
moyenne 70 millions de kilogr. , soit une valeur de
4,500,000 fr. Albert Larbalétrier.
Bibl. : Magne et Baillet, Traité d'agriculture pratique,
1883, t. III. — G. Heuzé, les Pâturages, les Prairies natu-
relles ; Paris, 1884, in-18.
FOINARD (Frédéric-Maurice), théologien catholique, né
à Conches (Normandie) vers 1680, mort le 19 mars 1743. Il
fut curé de Calais. Ses traductions et commentaires de la
Genèse (Paris, 1732, 2 vol. in-12) et des Psaumes (Paris,
1742, in-12) n'ont plus qu'un intérêt historique ; mais
son Breviarium ecclesiasticum, etc. (Embrick, 1726,
2 vol. in-8) préparé par le Projet pour un nouveau bré-
viaire, etc. (Paris, 1720, in-12) a servi de mine où se
sont enrichis tous les bréviaires parus depuis lors.
FOIRE (V. Marché).
Conservateurs des foires (V. Conservateur, t. XII,
p. 530).
Théâtre de la foire (V. Comédie).
FOIROLLE (Bot.) '(V. Mercuriale).
FOI SC H ES. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Rocroi,
cant. de Givet, sur un plateau dominant la Meuse ; 204 hab.
Mines de fer. Carrières de marbre.
FOISONNEMENT des remblais. L'excédent de rem-
blai que donne 1 m. c. de déblai, mesuré par le vide produit
dans la masse fouillée, est très variable ; il dépend de la
nature du terrain, de la manière dont le déblai et surtout
le remblai sont faits. GraëfF cite des exemples dans lesquels
I m. c. de déblai de roc massif a donné lm50 à lm60
de remblai ; mais lorsqu'on y ajoutait le produit d'un autre
déblai fait dans la terre, celle-ci garnissait les vides et
dans l'ensemble on n'avait guère que mètre pour mètre.
II arrive quelquefois (terre fine, parfaitement damée et
tassée par le passage des hommes et des brouettes) qu'on
constate un foisonnement négatif. On voit par là com-
bien il est délicat d'indiquer des foisonnements dans les
projets de travaux. M. Pontzen, dans ses Procédés géné-
raux de construction (Paris, 1891) donne des rensei-
gnements intéressants sur diverses constatations faites à
l'étranger : M. Specht (Californie) a trouvé que pour de la
terre lourde, le remblai étant mesuré trois semaines après
son achèvement, le foisonnement était inférieur à 1 %
(0,75) ; que pour le sable très argileux il variait entre
3 et 4 1/2; que pour l'argile très compacte avec des par-
ties sablonneuses il s'élevait à 9 1/2. Dans l'Indoustan,
où les terrassements pour les grandes digues de réservoirs
sont encore exécutés à l'aide de paniers, de 0m03 de ca-
pacité, et où le tassement est assuré par le passage des
porteurs et par le pilonnage (pilons de 5 à 6 kilogr.), où de
plus on arrose quelquefois les terres pour rendre le rem-
blai plus compact, M. Flynn affirme que les tassements
ultérieurs sont nuls et qu'il n'y a généralement pas de foi-
sonnement. Un ingénieur américain, M. Elhvood Morris,
opérant sur des terres légères, exécutant les remblais par
couches et arrêtant les travaux en hiver, a trouvé comme
M. Graèff un foisonnement négatif (10 °/0)- Sur la terre
mélangée de gravier, la réduction a encore été de 8 % .
M. de Kaven, ingénieur allemand, admet pour les travaux
de routes et chemins de fer : dans les marais et les argiles
tendres, 2 °/0 de réduction, dans le grès tendre &°lo,
dans F'argile dure 5 °/0. Un autre ingénieur allemand,
M. Hentz, trouve que le volume du remblai donne une
augmentation de 1 à 12 % suivant les terrains. « L'eau
répandue sur la terre légère ou sur le sable fin doit néces-
sairement, dit M. Pontzen, en entraînant les petites par-
ticules dans les vides, amener une réduction considérable
du volume des remblais. Qui ne connaît l'effet d'un seau
d'eau jeté sur un tas de sable : il fait son trou. » D'après
le même auteur, on admet en France que le foisonnement
est de 1/15 à 1/1 0 pour les terrains sablonneux ou la terre
ordinaire, du l/7e au l/5e pour l'argile compacte ou les
terres crayeuses, du 1/4 pour les blocailles. En Autriche,
on ne compte que 70 centièmes pour le rapport du déblai de
rocher au remblai neuf, exécuté sans soins particuliers ; ce
rapport atteint 80 % quand le remblai est fait par assises.
M.-C. L.
Bibl. : Pontzen, Procédés généraux de construction
(Travaux de terrassement, Tunnels, Dragages et Déro-
chements), dans l'Encyclopédie des Travaux publics ;
Paris, 1891.
FOISSAC. Com. du dép. de FAveyron, arr. de Ville-
franche— de— Rouergue, cant. d'Asprières ; 635 hab.
FOISSAC. Com. du dép. du Gard, arr. d'Uzès, cant. de
Saint-Chaptes ; 196 hab.
— 685 —
FOISSIAT — FOIX
FOISSIAT. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Bourg, cant.
de Montrevel; 2,530 hab.
F01SSY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Sens, cant.
de Villeneuve-F Archevêque ; 388 hab.
FOISSY-lès-Vézeiay. Com. du dép. de l'Yonne, arr.
d'Avallon, cant. de Vézelay; 412 hab.
FOIX (Fuxum). I. Ville. — Ch.-l, du dép. de l'Ariège,
sur la rivière de ce nom, station de la ligne de Toulouse à
Aix-les-Bains ; 7, 568 hab. Cette ville paraît devoir son origine
à une abbaye dédiée à saint Volusien, évêque de Tours au
ve siècle. La fondation de cette abbaye a été attribuée sans
preuve à Charlemagne ; elle existait certainement au ixe siècle
et fut donnée par Charles le Chauve (en 858 ou 859) à
l'abbaye de Saint-Thibéry au diocèse d'Agde ; vers 964 , elle
est encore mentionnée, mais le château de Foix est nommé
pour la première fois à notre connaissance dans le testa-
ment de Roger le Vieux, comte de Carcassonne (vers 4 002),
qui le donne avec le Savartès et le Fuxense à son fils
puîné Bernard. L'histoire de Foix reste assez obscure jus-
qu'au xme siècle; pendant la guerre des Albigeois, le
château est sans succès assiégé par Simon de Montfqrt,
puis remis au légat du pape par le comte Raimond-Roger,
qui le recouvre quelques années plus tard. Philippe le
Hardi l'assiège dans les règles en 4 272 et oblige les dé-
fenseurs à se rendre, sous peine de voir s'écrouler la col-
line, qu'il a fait miner. Les habitants ont cependant obtenu
des libertés de leurs seigneurs ; une charte de 4244 recon-
naît à la communauté le droit d'élire ses consuls (l'acte en
nomme sept), et déclare tous les membres de ladite com-
munauté exempts du servage. L'éloignement des comtes,
qui à dater de la fin du xme siècle résident le plus souvent
dans leurs Etats de Béarn, favorise le développement des
libertés municipales. Au xvne siècle encore, les consuls
avaient conservé la juridiction criminelle, qu'ils exerçaient
au nom des deux coseigneurs, le roi-comte et l'abbé de Saint-
Volusien. Les magistrats municipaux étaient au nombre de
quatre, renouvelés tous les ans le 25 mars par le conseil de
la ville. Au xvie siècle, la ville est fort éprouvée par les
guerres de religion. En 4 561, les religionnaires sont maîtres
de la ville; l'abbaye de Saint- Volusien est saccagée et les
religieux expulsés. Peu après, le château leur est enlevé
par le sieur de Pailhès, dont l'agent, le juge Abbatia,
terrorise la ville pendant deux ans. En 4582, nouvelle
émeute, catholiques et protestants se battent dans les rues.
Fortement occupée par les troupes royales, la ville ne
prend du reste aucune part aux troubles qui agitent le
nord du comté jusque vers l'année 4628. Le tiers état
prit à Foix une part active à la préparation du mouvement
de 4789 ; malgré les réclamations de Pamiers, cette ville
devint le chef-lieu du dép. de l'Ariège (déc. 4789), mais
c'est à Pamiers que siégea le tribunal révolutionnaire, qui
fit malheureusement tant de victimes. — L'industrie est peu
développée à Foix ; citons toutefois quelques forges et des
fabriques de faux et de limes, où l'on emploie le fer de
Vicdessos.
Les seuls monuments de Foix sont le château comtal,
l'église Saint- Volusien et le vieux pont sur l'Ariège ; ce
dernier existait dès le xne siècle; il fut reconstruit au xve,
à peu près tel qu'il existe aujourd'hui. Le château, cons-
truit sur un monticule, au confluent de l'Ariège et du Lar-
get, se compose de trois tours, deux carrées, qui peuvent
remonter au xne siècle, une autre, ronde, renfermant six
étages voûtés. On a attribué la construction de ce beau
"donjon à Gaston -Phéb us, mais beaucoup de bons juges le
datent du milieu du xve siècle. L'église Saint- Volusien fut
consacrée en 4425 ; la nef est romane, à un seul vaisseau ;
les voûtes ont été refaites au xive siècle ; de ce dernier
temps date également le chœur, voûté d'ogive et entouré
de neuf chapelles. Les anciens bâtiments de l'abbaye ser-
vent aujourd'hui de préfecture ; au second étage du bâti-
ment est installée la bibliothèque municipale (40,000 vo-
lumes). On conserve également à la bibliothèque quelques
objets d'art recueillis dans le pays. Le musée départemental
(au palais de justice), fondé tout récemment, renferme de
curieux débris trouvés dans les grottes de l'Ariège : quel-
ques sculptures antiques de l'époque romane, des inscrip-
tions, etc. — Pour terminer, quelques mots sur l'ancienne
abbaye de Saint- Volusien. D'abord dépendante de celle de
Saint-Thibéry, cette maison, de l'ordre de Saint-Augustin,
fut indépendante dès le xe siècle, mais le premier abbé
connu, Amélius, vivait en 4404. Détruite par les reli-
gionnaires, l'abbaye fut restaurée par l'abbé Louis de
Bassompierre, évêque de Saintes (4658), qui reconstruit
les bâtiments et y installa les chanoines réguliers de France.
Elle subsista jusqu'en 4790.
II. Comté. — Province de l'ancienne France, com-
prise aujourd'hui tout entière dans le dép. de l'Ariège. On
connaît mal l'histoire de ce pays jusque vers le xe siècle de
notre ère ; les débris nombreux et fort curieux, que des
fouilles récentes ont mis au jour, permettent d'affirmer
qu'habité anciennement par des populations pastorales, il
fut ensuite occupé par les Ibères, puis par les Volsques
Tectosages, enfin par les Romains. Mais aucun texte an-
tique ne parle expressément de ces hautes vallées, et
c'est par une erreur évidente que certains érudits locaux
ont voulu placer à Vicdessos la tribu aquitanique des
Sotiates, vaincue par le jeune Crassus, lieutenant de
César. Dépendant de la civitas Tolosana, le futur comté
de Foix fut évangélisé au ine et au ive siècle par les suc-
cesseurs de saint Saturnin et incorporé au diocèse de Tou-
louse dont il ne fut séparé que neuf cents ans plus tard.
Portion du comitatus Tolosanus, ce pays comprenait le
Savartense suburbium ou Savartès ; sous ce nom, que
rappelle encore l'église de Notre-Dame de Sabart, près de
Tarascon-sur-Ariège, on paraît avoir compris la vallée de
l'Ariège, des Pyrénées au Pas de la Barre, un peu au N.
de Foix, et les vallées secondaires qui se greffent sur cette
artère centrale. Ce suburbium ne tarda pas à se subdi-
viser ; on y trouve successivement le Lordatense minis-
terium (Lordat), YOlm.ense (Villeneuve et La Roque
d'Olmès), le Coliense (Queille), le Ckercorbes (Chercorb),
le Dunense (Dun), enfin la terra Fuxensis, à laquelle
on rattacha plus tard quelques anciennes vigueries ou
ministeria de la plaine du Nord : Agarnagense (entre
l'Ariège et l'Hers), Potamianès (à l'O. du précédent),
Cortineme (vers Lézat), le Daumazanès, enfin le Volvestre
(Montesquieu- Volvestre). La plupart de ces petits pays
appartenaient, vers la fin du xe siècle, au comte de Car-
cassonne, Roger le Vieux, et furent par lui attribués à son
fils cadet, Bernard, qui prit, étant de race comtale, le titre
de comte et fonda ainsi une nouvelle principauté dans le
midi de la France.
L'histoire du nouveau comté reste, en somme, assez
obscure jusqu'à la guerre des Albigeois ; les souverains qui
le possèdent passent leur temps à guerroyer contre leurs
voisins ; tantôt alliés, tantôt ennemis de leurs suzerains
naturels, les comtes de Toulouse, ils évitent d'en reconnaître
expressément l'autorité , sauf pour quelques places du
N., dont celle de Saverdun. Au xiue siècle, la disparition
des grandes familles féodales du Midi et le mariage de l'un
des comtes avec l'héritière de Béarn accroissent la puis-
sance de ces vassaux éloignés de la couronne de France.
Ils ont reconnu la suzeraineté de celle-ci en 4263 pour le
pays auN. du Pas de la Barre (vers Foix), en 4272 pour
l'ancien Savartès, mais ils savent se maintenir à demi
indépendants, et la guerre de Cent ans favorise leurs
prétentions. Gaston-Phébus reste à peu près neutre entre
les deux partis et administre librement ses vastes domaines
sans permettre aux officiers royaux de le surveiller de trop
près. Le comté de Foix a le même sort que les autres do-
maines de la famille ; il passe successivement des mains
des Foix-Grailly à celles des Foix-Navarre, puis des Albret
pour devenir une partie du vaste apanage de la maison de
Bourbon. Henri IV, dernier comte de Foix, réunit le pays
au domaine royal. Dans cette longue suite de siècles, le
comté a éprouvé bien des malheurs. Ravagé par les bandes
FOIX
- 6S6
de Simon de Montfort au xme siècle, envahi un peu plus
tard par les soldats de Philippe III, puis au xrve siècle par
les troupes du connétable de Sancerre, au xvie il est agité par
les luttes religieuses. Sous Jeanne d'Albret et sous son fils
Henri IV, beaucoup d'habitants et de nobles se sont con-
vertis au protestantisme, et les deux partis se disputent
l'autorité avec ardeur. Chaque ville importante est tour à
tour occupée et pillée par l'un ou par l'autre. L'édit de
Nantes rétablit la paix pour un temps ; les troubles re-
prennent sous la régence de Marie de Médicis et se termi-
nent un peu plus tard, en 4629, par la pacification du
pays, à la suite d'une rude campagne du prince de Condé,
et grâce à une sanglante répression. Plus tranquille durant
tout le xvme siècle, le comté de Foix devait de nouveau
être assez agité lors de la Révolution, mais l'histoire de
ces derniers troubles appartient à celle du dép. de YAriège
(V. ce mot) dans lequel l'ancien gouvernement avait été
incorporé en 1790.
Le comté de Foix comprenait depuis le xme siècle la
vallée de l'Ariège, de l'Hospitalet au confluent de l'Hers.
A l'E. il avait perdu la seigneurie de Mirepoix (cantons
actuels de Lavelanet et de Mirepoix) et le Donezan (cant.
de Quérigut). A l'O. il s'étendait jusqu'aux limites des
cantons actuels de Vicdessos, Foix, La Bastide-de-Sérou
et renfermait la majeure partie des cant. du Mas-d'Azil et
du Fossat et quelques communes de la Haute-Garonne vers
Montesquieu-Volvestre. Le pays formait anciennement une
sénéchaussée comtale (siégeant à Foix), et seize châtellenies
(Foix, Mérens, Ax, Montaillou, Lordat, Castelverdun, Quié,
Tarascon, Saint-Paul-de-Jarrat, Montgaillard, La Bastide-
de-Sérou, Camarade, Le Cariât, Saint- Ybars, Saverdun et
Varilles). On doit y ajouter les cours de Mazères et de
Pamiers, paréages entre le comte d'une part, l'abbé de
Boulbonne et l'évêque de Pamiers de l'autre, et le lieu de
Lézat qui ne relevait d'aucune châtellenie. Au xvne siècle,
la sénéchaussée de Foix devint siège royal, avec titre
de présidial; en 1746, elle fut transportée à Pamiers. Le
comté fut toujours du ressort du parlement de Toulouse.
En 1706, il fut, au point de vue administratif, rattaché à
l'intendance de Roussillon. Au point de vue spirituel, des
130 paroisses du comté, 123 dépendant de l'ancien diocèse
de Toulouse faisaient partie depuis le xive siècle, 30 de celui
de Rieux, 1 de celui de Mirepoix, le reste de celui de
Pamiers ; 7 paroisses relevaient de Saint-Lizier ou Couse-
rans. On y comptait 5 abbayes : Saint- Volusien de Foix,
le Mas-d'Azil, Boulbonne, Lézat et Combelongue.
La configuration physique du pays, avec ses petites
vallées bien délimitées, avait dû faciliter la formation de
petites seigneuries indépendantes. Les comtes de Foix par-
vinrent toutefois assez aisément à leur imposer leur suze-
raineté, mais la noblesse du pays garda toujours une
grande influence et prit une part effective avec le tiers
état à l'administration du pays. A la tête de cette classe
figuraient au xie et au xne siècle les comtors de Villemur,
Marquefave, etc. Plus tard, la première place fut occupée
par les représentants des branches cadettes ou illégitimes
de la maison comtale. Les Etats du comté, qui fonctionnent
régulièrement dès le xive siècle, se composaient de trois
ordres : 1° l'évêque de Pamiers, président, et les 5 abbés
des monastères plus haut nommés ; 2° le baron de Rabat,
les 4 premiers barons (Saint-Paul, Arignac, Mauléon de
Durban et Durfort) et 66 seigneurs ; 3° 4 villes maîtresses :
Foix, Mazères, Tarascon et Saverdun, 16 villes, dont
Pamiers, et" 23 villages ; le tiers état comptait dans les
Etats 120 représentants. Ceux-ci administraient le pays,
répartissaient les impôts, surveillaient les travaux publics,
en un mot, malgré les progrès de l'autorité royale, le pays
jouissait d'une indépendance relative.
Les sources manuscrites de l'histoire du comté sont au-
jourd'hui bien dispersées ; le chartrier de la tour de Foix
a été incendié au début de ce siècle ; fort heureusement,
Colbert en avait fait copier une partie notable (auj. à la
Bibl. nat., coll. Doat). Les archives des Basses-Pyrénées
renferment beaucoup d'actes sur ce pays, principalement
pour les xive, xve et xvie siècles. Les archives départemen-
tales de l'Ariège, dont l'inventaire n'a pas encore paru,
sont plus pauvres ; on y trouvera, néanmoins, beaucoup de
documents précieux pour l'histoire des derniers temps de
l'ancien régime. Enfin, on pourra consulter les ouvrages
imprimés, nombreux, mais de valeur fort inégale cités dans
ja bibliographie ci-dessous. A. Molinier.
Bibl. : De Marca, Histoire de Béarn; Paris, 1640, in-fol.
— D. Vaissète, Hist. de Languedoc (nouv. éd.), passim,
et notamment, t. IV, pp. 848-850.— Castillon, Histoire du
comté de Foix ; Toulouse, 1852, 2 vol. in-8. — Jacques de
Lescazes, le Mémorial historique ; Toulouse, 1644, pet.
in-4. — Congrès archéologique de VAriège (1886); Foix,
1886, in-8.— C. Barrière-Flavy, Dénombrement du comté
de Foix sous Louis XIV {1610-161^); Toulouse, 1889, in-8.
— Enfin, les publications locales de la Société historique
de VAriège, et notamment les Mémoires de M. F. Pasquief,
archiviste du département.
FOIX (Comtes de). Famille féodale de la France méri-
dionale, issue de celle de Carcassonne-Comminges (V. Car-
cassonne). On a vu plus haut dans quelles circonstances
avait été créé le comté de Foix. La suite des premiers
comtes est assez bien connue, grâce à D. Vaissète, mais
quelques-unes des dates proposées par le savant bénédictin
semblent encore peu sûres. Bernard-Roger, fils de Roger
le Vieux, comte de Carcassonne, a pour enfants (de Gar-
sinde de Bigorre, suivant D. Vaissète) Boger 1er et Pierre.
Roger épouse Amicia et meurt sans enfants, vers 1064.
Il a pour héritier son frère Pierre, mari de Ledgarde
(1064-1071), que remplace le fils de Pierre, Roger II
(1072-v. 1124), qui se croise en 1095. — Roger III
(1124-1148) épouse Chimène de Barcelone. •— Roger-
Rernard Ier, fils du précédent, s'allie à plusieurs reprises
au roi d'Aragon contre le comte de Toulouse. Il meurt en
1188, laissant de sa femme Cécile, fille de Raimond Tren-
cavel, vicomte de Carcassonne, Raymond-Roger. Celui-ci se
croise en 1190, a de longs démêlés avec le vicomte de Cas-
telbon, son beau-frère, qui le fait prisonnier en 1203. De
1209 à 1223, il lutte énergiquement contre les Montfort
et se montre allié fidèle des comtes de Toulouse. Grand
batailleur, habile capitaine, il meurt en avr. 1223; son nom
est souvent cité avec éloge par le poète anonyme, auteur
de la Chanson des Albigeois, et par les troubadours du
temps. De sa femme, Philippe, il laissait deux fils et deux
ûlies.—Roger-RernardII, dit le Grand, fils aîné du précé-
dent, suit la politique de son père et embrasse la cause de
Raimond VII ; en 1229, il se soumet à l'Eglise, ce qui ne
le sauve pas d'une nouvelle excommunication en 1237. Il
meurt en mai 4241. De sa femme, Ermesinde de Castel-
bon, il avait eu un fils, qui lui succéda, et une fille. Sa
seconde femme, Ermengarde de Narbonne, lui donna une
fille. — Roger IV (1241-1265) abandonne la cause de
Raimond VII et devient vassal direct de la couronne pour
la terre au N. du Pas de la Barre. Il a guerre en Catalogne
contre le roi d'Aragon et le comte d'Urgel, Alvare, son
beau-frère. De sa femme Brunesinde de Cardonne, il laisse
un fils et cinq filles. — Roger-Rernard III (1265-
1302) se révolte contre Philippe le Hardi qui marche
contre lui en 1272, occupe le comté et enferme le comte à
Carcassonne. Mis en liberté en 1273, il se brouille ensuite
avec le roi d'Aragon et est fait une seconde fois prisonnier
par ce prince (1280). En 1285, il accompagne le roi de
France en Catalogne. En 1290, il se brouille avec le comte
d'Armagnac, son beau-frère, touchant la succession de
Béarn ; le parlement de Paris évoque l'affaire qui se ter-
mine en 1295 par un combat singulier entre les deux
prétendants, combat qui a lieu en présence du roi. Il avait
épousé Marguerite de Béarn, principale héritière du dernier
vicomte Gaston VII. — Gaston Ier, fils du précédent
(1302-1315) (V. ce nom). — Gaston II, fils du précédent
(1315-1343) (V. ce nom). — Gaston III Phébus (1343- .
1390) (V. ce nom). — Le comté de Foix fait ensuite retour
à la couronne, en vertu d'une donation expresse de Gaston-
Phébus. Mais le duc de Berry, gouverneur de Languedoc,
— 687 —
FOIX — FOL
décide le roi à le céder à Mathieu, vicomte de Castelbon
(déc. 4394), descendant de Gaston Ier. Ce prince meurt
sans enfants en 4398. Le comté est alors réclamé par
Isabelle, sœur de Mathieu, épouse d'Archambaudde Grailly,
captai de Buch ; les officiers du roi et notamment le conné-
table de Sancerre lui font opposition ; après une guerre assez
vive, Isabelle et Archambaud abandonnent le parti anglais,
se soumettent à la France et prennent possession du comté
en mars 4404. Archambaud de Foix-Grailly meurt en
4442, laissant cinq fils, dont l'aîné, Jean, lui succède dans
les comtés de Foix et de Bigorre et dans les vicomtes de
Béarn et de Castelbon. — Jean de Foix-Grailly (4442-
4436) (V. ce nom). — Gaston IV, fils du précédent
(4436-4474) (V. ce nom). De sa femme Eléonore, fille de
Jean^ roi d'Aragon et de Navarre, il avait eu plusieurs
enfants, dont Gaston, mort en 4470, Jean, vicomte de
Narbonne, et Pierre, cardinal de Foix. — A Gaston IV
succède son petit-fils, François-Phébus, fils de Gaston et
de Madeleine de France, sœur de Louis XI. Les comtes de
Foix deviennent alors rois de Navarre, et le comté passe,
en même temps que ce royaume, aux familles d'Albret,
puis de Bourbon. Le dernier comte de Foix est Henri IV,
dont les Etats patrimoniaux sont réunis au domaine royal.
Le nom de Foix devait d'ailleurs subsister longtemps
encore. A cette famille se rattachent plusieurs branches
que nous allons énumérer rapidement : 4° vicomtes de
Castelbon et seigneurs de Moncade, issus de Roger-Ber-
nard Ier, fils de Gaston Ier ; ils s'éteignent dans la per-
sonne de Mathieu, comte de Foix, en 4398 ; 2° ducs de
Médina-Cœli, issus, dit-on, d'un fils illégitime de Gaston-
Phébus, qui serait devenu comte de Médina et aurait épousé
Isabelle de La Cerda, fille et héritière de Louis d'Espagne,
dit de La Cerda ; 3° derniers vicomtes de Narbonne, issus
de Jean, fils puîné de Gaston IV et père du célèbre Gaston
de Foix ; 4° derniers vicomtes de Lautrec et de Villemur,
issus de Pierre, fils puîné de Jean de Foix-Grailly ; il eut
pour petit-fils le célèbre Odet de Foix-Lautrec, mort en
4528 ; la fille d'Odet, Claude, épousa successivement Gui,
comte de Laval, puis Charles de Luxembourg ; 5° comtes
de Bénauges, d'Astarac, de Candale, captaux de Buch,
issus de Gaston, fils puîné d'Archambaud, qui, partisan de
l'Angleterre, épousa la comtesse de Candale, d'où le titre
de ses descendants ; le nom de Candale, éteint dans la per-
sonne de Henri de Foix, tué à Sommières en 4572, fut
repris par les d'Epernon ; 6° de Jean, fils de Gaston et
petit-fils d'Archambaud, sortent les vicomtes de Meilles,
comtes de Gurson et de Fleix, ducs de Randan, éteints en
4744; 7° et 8° barons de Douazit, branche illégitime des
Foix-Candale, et barons du Lau, branche légitime des
Douazit ; 9° seigneurs de Gerderest, issus d'un fils naturel
de Jean de Grailly, éteints au xvie siècle.
De la maison de Foix sortent encore les barons, puis
comtes de Rabat. On les croit issus de Loup de Foix, fils
naturel de Raimond-Roger, nommé dès 4229 ; ce nom de
Loup reparaît plusieurs fois et la famille donne plusieurs
branches; l'une d'elles prend, au xvne siècle, le titre de
comte de Foix, et des Rabat descendent également les barons
de la Gardiole et de Canté, qui prendront plus tard le titre
de marquis de Foix, les seigneurs de Mardogne et vicomtes
de Couserans au xvie siècle, qui, en 4588, se fondent dans
la famille de Mauléon. Les Foix portaient d'or, à trois
pals de gueules. Le comté fut érigé en comté-pairie par
Charles VII en 4458. A. Molinier.
Bibl. : Le P.Anselme, t. III.— D. Vaissète (nouv. éd.),
passim, et principalement, IV, note 22, et les ouvrages
cités à l'article précédent.
FOIX (Pierre de), dit le Vieux, cardinal et archevêque
d'Arles, né en 4386, mort en 4464. Cinquième fils
d'Archambault, captai de Buch, il était déjà évêque de Les-
cars, à l'âge de vingt-deux ans (4408). Benoît XIII (Pierre
de Luna) le créa alors cardinal, pour attirer dans son parti
les comtes de Foix. Au concile de Constance, Pierre de
Foix abandonna la cause de cet antipape, prit part à l'élec-
tion de Martin V (nov. 4447) et fut confirmé par celui-ci
dans son titre de cardinal. En 4429, il fut envoyé en Ara-
gon pour extirper les restes du schisme, et il réussit, dans
un concile tenu à Tortosa, à obtenir la démission de Gilles
de Munoz, antipape sous le nom de Clément VIII. Nommé
archevêque d'Arles en 4450, il présida deux conciles à Arles
et Avignon et résigna ses fonctions en 4462. Il avait fondé
à Toulouse le Collège de Foix, qu'il dota de vingt-cinq
bourses pour les étudiants pauvres. E.-H. V.
FOIX (Thomas de), seigneur de Lescun (V. Lescun).
FOIX (Gaston de) (V.Gaston).
FOIX (Françoise de) (V. Chateaubriand [Mme de]).
FOIX (François de), comte de Candale (V. ce nom).
FOIX (Paul de), jurisconsulte, prélat et diplomate fran-
çais, né dans le midi de la France, en 4528, mort à Rome
le 29 mai 4584. Il était fils de Jean de Foix, comte de
Carmain, et de Madeleine de Caupène. Après avoir étudié à
Paris, puis à Toulouse, il obtint, dès 4547, une charge
de conseiller-clerc au parlement de Paris. Arrêté en 4559
avec Anne de Bourg, puis absous par arrêt du 8 févr. 4560,
il se démit de sa charge en 1564. Il fut dès lors succes-
sivement ambassadeur en Angleterre (4564), à Venise
(4568), à Florence (4573), puis à Rome (4575). Chargé
en 4576 d'une mission auprès du roi de Navarre pour
amener une pacification, il accompagna Catherine de Médi-
cis en Guyenne, en 4578, pour revenir à Rome comme
ambassadeur en 1579. Il y resta jusqu'à sa mort. Paul
de Foix avait été fait archevêque de Toulouse en 4577;
il était, de plus, abbé d'Aurillac. Une faible partie de sa
correspondance a été publiée par Auger de Mauléon sous le
titre de Lettres à Henri III (Paris,' 4628 et 4638, in-4).
Esprit net et ferme, lié avec du Ferrier (V. ce nom), pro-
tecteur de tfOssat (V. ce nom), Paul de Foix n'a pas été
seulement un des diplomates les plus remarquables du
xvie siècle, il a été aussi un des membres les plus influents
du parti des politiques et il a contribué pour sa part à la
pacification des guerres civiles. Louis Farges.
Bibl. : Gallia Christiana. — Muret, Oraison funèbre de
Paul de Foix ; Paris, 1584, in-8.
FOIX (Louis de), architecte et ingénieur français de la
fin du xvie siècle. D'une famille originaire du comté de
Foix et né à Paris vers 4530, Louis de Foix vécut long-
temps en Espagne où, si l'on ne peut prouver qu'il eut
quelque part à la création de l'Escurial, on sait au moins,
par une cédule de Philippe II, datée de 4564 (Bermudez,% II,
76-77), qu'il fit des modèles de machines pour alimenter
d'eau du Tage les quartiers élevés de la ville de Tolède.
De retour en France, il visita, avec Thomas Gaudouin, en
4580, la ville de Caen en vue d'y créer un havre, et combla
l'ancien canal de l'Adour, près de Bayonne, en creusa un
nouveau et aménagea le port de cette ville vers 4579.
Mais l'œuvre la plus remarquable de Louis de Foix fut la
célèbre tour ou phare de Cordouan, bâtie, de '1585 à 4644,
sur un écueil à l'embouchure de la Gironde, à six lieues
de Bordeaux (V. une vue de cette tour telle que l'avait
fait édifier Louis de Foix et comme les deux premiers étages
subsistent encore, à l'art. Cordouan, t. XII, p. 957). On
croit que cet architecte fit aussi élever le château de Vayres
en 4590. Charles Lucas.
FOJNICA. Ville de Bosnie (cercle de Sarajevo);
4,562 hab. Elle possède un monastère franciscain qui a
été pendant plusieurs siècles le centre politique de la vie
catholique en Bosnie.
FO-KIEN (V. Fou-Kien).
FOKSANY (V. Focsani).
FOL (Hermann), savant français, né près de Paris en 4845
de parents genevois, présumé mort en mars 4892. Il
descendait de Gaspard Fol, gentilhomme de laTouraine, réfu-
gié à Genève en 4590 pour cause de religion. Il prit son grade
de docteur en médecine à Berlin en 4869, puis s'adonna à
l'étude de la zoologie. C'est dans ce but qu'il fit plusieurs
voyages en Norvège, aux Canaries, au Maroc, en Sicile, etc.
Ses principaux travaux sont ses monographies des cténo-
FOL — FOLENGO — 6
phores, des appendiculaires, ses études sur le dévelop-
pement des mollusques, sur la profondeur atteinte par la
lumière dans l'eau et surtout ses recherches sur la fécondation
et la division des cellules. M. Fol a fondé, à Villefranche, près
de Nice, un laboratoire zoologique. Il a été professeur ordi-
naire à l'université de Genève pendant neuf ans. Parti au
printemps de 4892 avec son yacht V Aster pour accomplir
une mission scientifique du gouvernement français en Grèce,
Turquie et Tunisie, on n'a plus eu dès lors aucune nouvelle
de lui. Il est à craindre que Y Aster ne se soit perdu corps
et biens. Emmanuel Kuhne.
FOLARD (Le chevalier Jean-Charles de), écrivain
militaire français, né à Avignon le 13 févr. 1669, mort à
Avignon le 23 mars 1752. De famille noble, il embrassa
à seize ans la carrière des armes en s'engageant. Son
père, mécontent de sa décision, le dégagea et le fit
enfermer dans un couvent d'où il s'échappa. Sous-lieu-
tenant à dix-neuf ans, le chevalier Folard servit dans un
corps de partisans en Italie, devint aide de camp du duc
de Vendôme (1702), puis suivit le grand prieur qui com-
mandait l'armée de Lombardie, devint son familier et son
conseiller et fut cause de la prise de Révéré, puis d'Hos-
tiglia, enfin de la Cassine de la Bouline en 1705. Ce der-
nier exploit valut au chevalier Folard la croix de Saint-Louis
et une pension de 400 livres. Il fut grièvement blessé à Cas-
sano, servit ensuite en Flandre, fut fait prisonnier après la
bataille de Malplaquet, et passa alors au service du roi de
Suède, Charles XII ; il s'y couvrit de gloire, notamment au
siège de Friderikshall. De retour en France, Folard fit sa
dernière campagne en 1719 comme mestre de camp. Il a
écrit des ouvrages militaires fort estimés pendant tout le
xvme siècle : Nouvelles Découvertes sur la guerre (1 724) ;
le Commentaire sur Polybe (Paris, 1727-1730, 6 vol.
in-4). Ce dernier ouvrage a été longtemps classique. Les
ouvrages de Folard ont été vivement critiqués par le roi
Frédéric II, qui en a fait lui-même un résumé. Le maréchal
de camp de Rohan-Chabot a publié un bon Abrégé des
CommentairesdeM.de Folard (Paris, 1754, 3 vol. in-4).
Bibl. : Mémoires pour servir à V histoire de M. le che-
valier de Folard ; Ratisbonne [Paris], 1753, in-12. — Fré-
déric II, Esprit du chevalier de Folard, dans les Œuvres
du grand Frédéric.
FOLARD (Hubert, chevalier de), diplomate français, né
à Avignon le 29 juin 1709, mort vers 1799, neveu du
précédent. Employé aux conférences qui précédèrent la
diète d'élection de l'empereur Charles VII en 1741, Folard
fut ensuite envoyé comme ministre auprès de l'évêque de
Wurzbourg et du cercle de Franconie (1742). Il remplit
eusuite les mêmes fonctions auprès de la diète germanique
à Ratisbonne (1749). En 1755, l'électeur de Ravière, mani-
festant le désir de reprendre les relations avec la France,
interrompues depuis le départ du comte de Raschi (1750),
Folard fut chargé de cette négociation pour laquelle il reçut
en juin une instruction, et conclut avec la Ravière le traité
d'alliance et de neutralité du 21 juil. 1756. Au moment
de la guerre de Sept ans, il reçut une nouvelle instruction
(2 oct. 1756) pour obtenir le concours militaire de l'élec-
teur. Folard réussit à amener ce prince à participer à la
guerre d'Empire. Il ne fut, du reste, rappelé que sur sa
demande en sept. 1776 et eut pour successeur le chevalier
de La Luzerne. Pendant la Révolution, il vécut dans une
assez grande détresse et le Directoire et le premier consul
vinrent en aide soit à lui, soit à sa famille. Dans les
demandes qu'il leur adressait, il prenait le titre de con-
seiller d'Etat. Il avait épousé, à Munich, Marie-Agnès de
Mantica, de laquelle il eut sept enfants. Sa correspondance
est conservée aux archives des affaires étrangères.
Bibl. : A. Lebon, Rec. des Instructions aux amb. et min.
de France en Bavière; Paris, 1889, in-8.
FOLATIÈRE (La). Corn, du dép. de l'Isère, arr. de La
Tour-du-Pin, cant. de Pont-de-Reau voisin ; 593 hab.
FOLCARD ou F0ULCARD, hagiographe anglais qui flo-
rissait au milieu du xie siècle. Flamand de naissance, il
vint en Angleterre sous le règne d'Edouard le Confesseur
et entra au monastère de « Holy Trinity » ou de « Christ
Church », à Canterbury. Son érudition était profonde et
s'étendait jusqu'à la musique. Il dirigea pendant seize ans
l'abbaye de Thorney, dans le comté de Cambridge ; mais
un dissentiment survenu entre lui et l'évêque de Lincoln
eut pour conséquences sa retraite et, probablement, son
retour en Flandre. On a de lui plusieurs vies de saints
(de saint Rertin, de saint Orner et de saint Oswald de Can-
terbury), qui sont précieuses pour l'histoire de son temps.
Bibl.: Mabillon, Acta sanctorum ordinis S . Benedicti.
FOLCARDE, Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. de Villefranche-de-Lauragais ; 166 hab.
FOLCUIN (Saint), évêque de Thérouane vers 816, mort
le 14 déc. 855. Il était le petit-fils de Charles-Martel. Sa
vie a été écrite au xe siècle par son arrière-neveu Folcuin,
moine de Saint-Rertin et abbé de Lobbes.
Bibl. : Mabillon, Acta SS. O.S. B.(1677), t. IV, part. I,
pp. 622 et suiv.
FOLCUIN, chroniqueur et hagiographe, moine à Saint-
Rertin en 948, abbé de Lobbes le 25 déc. 965, mort en
990. Reaucoup de biographes ont distingué le moine de
Saint-Bertin qu'ils faisaient mourir dans son couvent vers
975, de l'abbé de Lobbes, mais il est établi aujourd'hui que
ce n'est qu'un seul et même personnage. On lui doit :
1° une vie de son grand-oncle saint Folcuin, évêque de Thé-
rouane, publiée en 1677 par Mabillon (Acta SS. ord. S.
Ben., t. IV, part. I, p. 624) ; 2° une chronique de l'ab-
baye de Saint-Rertin, mélange de chartes et de notes his-
toriques depuis l'origine de l'abbaye jusqu'en 962 ; elle a
été publiée par R. Guérard sous le titre de Cartulaire
de V abbaye de Saint-Bertin (Paris, 1840, in-4, Coll.
des documents inédits; cf. un supplément dû à F. Mo-
rand, Appendice au Cartul. de Vabb. de S. Berlin,
Paris, 1867, in-4, même coll.), et depuis en un meilleur
texte, mais sans les documents diplomatiques, par Holder-
Egger, sous le titre de Gesta abbatum S. Bertini Li-
thiensium (Monumentagermaniœ, Scriptorum,l$8\,
t. XIII) ; 3° une histoire des abbés de Lobbes jusqu'en
980 Gesta abbatum Lobiensium, publiée en 1841 par
Pertz (Monum. germ. SS., t. IV). A. G.
Bibl. : W. Wattenbach, Deutschlands Geschichts-
quellen, 1885, 5° éd., t. I, p. 355.
FOLEMBRAY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Coucy-le-Château ; 1,833 hab. Verrerie à bou-
teilles.
Traité de Folembray (janv. 1596). — Il fut conclu
entre Henri IV et le duc de Mayenne, chef de la Ligue, et
termina l'œuvre de pacification si bien commencée durant
les années précédentes par la soumission successive des
provinces du Centre, de l'Est, du Midi, de Paris enfin. Le
traité de Folembray stipulait l'oubli du passé en faveur de
tous ceux qui, dans un délai de six semaines, feraient
adhésion au roi ; à Mayenne était accordée, mais pour six
ans seulement, la jouissance de trois places de sûreté,
Soissons, Seurre et Chalon-sur-Saône. L. Marlet.
FOLENGO (Giovan-Rattista), théologien italien, né à
Mantoue en 1490, mort à Rome le 5 oct. 1559. Rénédic-
tin, il fut abbé du monastère de Sainte-Marie, dans la
Marche trévisane. 11 fit quelque bruit par un ouvrage inti-
tulé Commentaria in psalmos (Râle, 1557), dans lequel
on crut voir des tendances luthériennes et qui fut mis à
l'index par le pape Paul IV. L'auteur se soumit, et un autre
pape, Grégoire XIII, fit réimprimer ces commentaires, pur-
gés de tous les passages suspects (Rome, 1585).
Bibl. : Bettinelli, Délie Lettere e délie arti manto-
vane; Mantoue, 1774, in-4.
FOLENGO (Hieronymo), poète italien, né à Mantoue
le 8 nov. 1491, mort près de Rassano le 9 déc. 1544.
Entré dans l'ordre de Saint-Renoît en 1507, il s'enfuit avec
une femme et, après une dizaine d'années de vie de bohème,
rentra dans un monastère bénédictin au promontoire de
Minerve (royaume de Naples), passa ensuite à ceux de
Santa Maria délia Ciambra (Sicile), San Martino (Palerme)
et Santa Croce di Campese, près de Rassano. Durant sa vie
— 689 —
FOLENGO — FOLIE
mondaine, il composa des poésies macaroniques dont il est
le premier auteur réellement connu, et un ouvrage plus
étendu qui popularisa le nouveau genre burlesque ; il fut
publié à Venise (1520, in-8) sous le titre Opus Mer Uni
Cocaii Macaronicorum. Ce fut une des sources de Rabe-
lais. Il en existe une édition revisée par Folengo converti
(Venise, 4561, in-42), une traduction française, Histoire
rnacaronique de Merlin Coccaye(?ms, 4606, in-42), etc.
Citons encore une parodie du Roland furieux, Orlan-
dino (Venise, 4526, in-8). Quant aux œuvres précises
par lesquelles Folengo tenta de faire oublier les scandales
de sa jeunesse, elles ne valent rien : Chaos del tri peruno
(Venise, 4527, in-8) ; UUmanita del Figliulo di Dio
(Venise, 4533, in-8) ; Dialogi (4533, in-8).
Bibl. : Bettinelli, Délie Lettere e délie arli manto-
vane ; Mantoue, 1774, in-4.
FO LEY (Paul) , homme politique anglais, né dans le comté
de Worcester vers 4645, mort le 43 nov. 4699. Elu
en 4679 par la ville d'Hereford à la Chambre des com-
munes, il la représenta pendant sept parlements consécutifs.
Tory renforcé, très versé dans les questions de finances et
d'une scrupuleuse honnêteté, il fut élu speaker le 44 mars
4695 et occupa ces fonctions avec la plus grande distinc-
tion jusqu'en 4698. En 4696, il fit de grands efforts pour
créer un crédit foncier national, mais son plan échoua.
FOLEY (Sir Thomas), amiral anglais, né en 4757, mort
à Portsmouth le 9 janv. 4833. Entré dans la marine en
1770, il servit à Terre-Neuve, à la Jamaïque, combattit
contre les Espagnols en 4780, servit en Amérique, aux
Indes, à la Dominique, prit part aux opérations devant
Toulon en 4793-4795, se distingua brillamment à la ba-
taille du Nil (4798), sous Nelson, et, passé à l'escadre de
la Baltique en 4804, assista aux opérations devant Co-
penhague. Nelson avait été si satisfait de ses services qu'il
désira l'avoir comme capitaine d'état-major lorsqu'il prit
le commandement de la flotte de Cadix (4805), mais l'état
de santé de Foley ne lui permit pas d'accepter cet hon-
neur. Promu contre-amiral en 4808, vice-amiral en 4842
et amiral en 4825, il fut nommé commandant en chef à
Portsmouth en 4 830. R. S.
Bibl. : J.-B. Herbert, Life and -Services of admirai
sir Thomas Foley; Cardiff, 1884.
FOLEY (John-Henry), sculpteur anglais, né à Dublin le
24 mai 4848, mort à Londres le 24 août 4874. Après avoir
l'ait ses premières études artistiques dans sa ville natale, il
vint a Londres en 4834 et compléta son éducation à l'Aca-
démie royale. A partir de 4 839, ses œuvres figurèrent régu-
lièrement aux expositions annuelles. Les deux statues par
lesquelles il débuta, l'Innocence et Abel mourant, lurent
très remarquées. On loua la puissance d'imagination et
l'originalité de son talent, sa pureté et sa vigueur d'exé-
cution ; ces qualités se retrouvent dans presque toutes ses
œuvres. On peut citer comme les principaux de ses groupes,
statues et bustes-portraits, les suivants : le Roi Lear et
Cor délia (1844) ; Prospero racontant ses aventures à
Miranda (4843) ; Egérie (4856) ; le tombeau de Jacques
Stuart à Ceylan ; les statues de /. Kampden à West-
minster, de Goldsmith au collège de la Trinité ; les statues
équestres du Vicomte Hardinge et du Général Ontram
à Calcutta, du Prince Albert à Birmingham. En 4858,
J.-H. Foley avait été élu membre de l'Académie royale.
FOLEY (Mme Margaret), sculpteur américain, née à New
Hampshire, morte à Menau (Tirol) en 4877. Cette artiste
de talent est l'auteur de nombreux médaillons et bustes
qui ont fondé sa réputation en Amérique. Son principal
ouvrage est la statue du Général Jackson, décorant une
fontaine à Chicago. On cite aussi son gracieux bas-relief,
le Christ et le Passereau, inspiré par une poésie de
Longfellow; et le buste du poète Bryant. Ad. T.
FOLGOËT (Le). Corn, du dép. du Finistère, arr. de
Brest, cant. de Lesneven, près de l'Abervrac'h ; 4,079 hab.
Commerce de chevaux ; église Notre-Dame, but d'un pèle-
rinage célèbre et l'un des plus beaux édifices gothiques du
Finistère : il s'y rattache une légende du xive siècle, celle
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. ■— XVII.
du Fou du bois (foll, coat), d'où le nom de la localité.
C'est sur l'emplacement de la fontaine où se baignait ce
pauvre solitaire, honoré comme saint en Bretagne, que
l'église fut bâtie par les ducs Jean IV et Jean V, de 4364
à 4423. On y remarque les deux tours, dont l'une à flèche
élancée (50 m.) ; le portique dit des Douze Apôtres,
décoré de sculptures admirables ; plusieurs autels et des
Jubé de l'église Notre-Dame, à Folgoët.
statues du xve siècle ; c'est sous le maître-autel que jaillit
la fontaine légendaire; enfin, le jubé, véritable merveille;
autels et jubé sont exécutés en kersanton. Le doyenné
servit de résidence à la duchesse Anne. Ces édifices sont
classés dans les monuments historiques. Les bâtiments de
l'ancienne collégiale, aujourd'hui mairie et école, ont été
reconstruits à la- fin du xvne siècle. A Lannuzien, tom-
beau du saint. Au voisinage du Folgoët, manoir de Gic-
quelleau, des xve et xvie siècles. Ch. Del.
Bibl. : De Fréminville, Antiquités du Finistère, 1832,
t. J, p. 124 et 1835; t. II, p. 253. — Taylor, Voy.pitt. dans
l'anc. BreL, 1847, t. II, pi. 94 à 99.
FOLIE. Sous cette qualification on pourrait faire l'étude
de toutes les maladies mentales, car le mot folie, qui ap-
partient beaucoup plus au langage vulgaire qu'à la méde-
cine, est souvent employé à la place du mot délire et sert
à désigner la plupart des formes d'aliénation. Nous ren-
voyons le lecteur aux art. Aliénation et Délire, et nous
ne parlerons ici que de certaines formes de maladies
mentales dont la dénomination comprend toujours le vocable
folie. A leur place il sera parlé des diverses formes de
folie, manie, mélancolie, monomanie, délires variés, etc.
Folie avec conscience. — On range habituellement dans
cette catégorie la folie du doute, l'hypocondrie morale
avec idées de suicide, les impulsions homicides avec cons-
cience, l'agoraphobie.
4 ° Folie du doute. Elle est caractérisée par l'impossi-
bilité où sont les malades de se convaincre même par l'évi-
dence ; ils peuvent répéter plusieurs fois de suite le même
acte sans être pour cela sûrs de l'avoir bien exécuté ; ils
éprouvent le besoin de diriger leur pensée vers les mêmes
idées ou de se poser des problèmes insolubles. Les uns se
demandent le pourquoi des choses les plus inexplicables;
d'autres le pourquoi des choses les plus insignifiantes. A
côté de ces chercheurs se placent ceux qui doutent d'eux-
mêmes, qui reviennent plusieurs fois sur leurs pas pour
s'assurer que la porte qu'ils ont fermée n'est pas restée
ouverte, qui décachètent une lettre plusieurs fois de suite
pour vérifier son contenu ; puis les scrupuleux pour les-
quels tout devient matière à scrupule; enfin les compteurs
qui ne peuvent se dispenser de compter mentalement tous
les objets qui se présentent à eux. Napoléon Ier comptait
par couples les fenêtres des maisons devant lesquelles il
passait. Tous ces malades se rendent parfaitement compte
de leur état et le dissimulent pendant de longues années,
mais il peut arriver un moment où cela leur devient im-
possible et où ils éprouvent des crises angoissantes très
FOLIE — FOLIES-BERGÈRE
— 690
pénibles et durables quand ils ne peuvent plus vaincre leurs
doutes. A cette période la maladie prend un symptôme très
particulier, le délire du toucher, caractérisé par des soins
de propreté ridicules et par la crainte de se salir ou de
contaminer les autres en touchant certains objets. Plus
tard, bien que la conscience de leur état persiste, ces ma-
lades finissent par s'isoler et même par ne presque plus
parler, absorbés par leurs idées délirantes et par les pra-
tiques qui en découlent, mais ils n'arrivent jamais à la
démence. La folie du doute se voit surtout dans les familles
où il y a eu des aliénés, chez des individus prédisposés, et
il suffit de la moindre cause occasionnelle pour la faire
naître ; son pronostic est grave à moins qu'on ne puisse
obtenir du malade qu'il ne soit jamais oisif et qu'on lui
ôte le loisir de penser à lui.
2° Mélancolie avec idées de suicide. Elle commence
par une indifférence complète et un dégoût de tout plaisir
ou de toute occupation; plus tard elle amène des idées de
ruine ou la crainte de maladies et surtout de maladies
mentales. Comme dans toutes les formes de ce genre, le
malade se rend compte de l'inanité de ses préoccupations,
mais il ne peut les éloigner ; aussi a-t-il souvent peur de
devenir aliéné. J'en ai connu un qui jouissait d'une belle
fortune et que la crainte de la mal gérer jeta dans une tris-
tesse profonde ; il chercha par trois fois à se suicider pour
échapper à ce tourment. Cet état est paroxystique, et pen-
dant les accès le suicide est à craindre, mais dans leurs
intervalles la santé morale peut être complète. Ces malades
n'ont jamais d'hallucinations, jamais de délire, car leurs
idées ne sont pas absurdes, en elles-mêmes ; elles le sont
seulement par leur ténacité et par les circonstances dans
lesquelles elles se produisent. La guérison est fréquente,
mais les rechutes sont assez ordinaires.
3° Impulsions homicides avec conscience. Les ma-
lades rejettent loin d'eux l'idée de commettre un crime,
mais l'impulsion peut être irrésistible et ils peuvent tuer
malgré eux et en sachant fort bien qu'ils commettent un
acte de folie. On cite de nombreux cas de malades qui de-
mandaient qu'on les mît dans l'impossibilité de nuire quand
ils sentaient venir leur accès impulsif. Ce sont presque
toujours des héréditaires, et leur guérison reste douteuse,
alors même que les impulsions ont cessé de se montrer
depuis longtemps (V. Responsabilité légale des aliénés).
Folie circulaire ou à double forme. — C'est sous ce
nom que Falret et Baillarger ont décrit un type de vésanie
caractérisé par des alternances de dépression et d'excitation.
Le plus souvent ces deux états se remplacent avec régula-
rité et sans alternance ; quelquefois ils sont séparés par une
période très courte de lucidité (folie alternante), ou de du-
rée plus ou moins considérable (folie à double forme). Les
accès de manie et de mélancolie, qui se succèdent à tour de
rôle, offrent cette différence avec la manie et la mélancolie
ordinaires, qu'ils coexistent avec une conservation à peu
près complète de l'intelligence et présentent le type raison-
nant. Les malades se rendent compte de leur état, et même
dans la plus grande excitation n'ont pas les idées incohé-
rentes des maniaques ; leur délire repose toujours sur des
faits ou des idées d'ordre vraisemblable, particulièrement
les idées de grandeur et derichesse. « Ces malades étonnent
même par l'activité et la fécondité de leurs idées, parleur
esprit et leur imagination pleine de ressources, mais ils
frappent également par la violence de leurs sentiments et
de leurs impulsions instinctives, ainsi que par le désordre
et la bizarrerie de leurs actes.» (Falret.) A cette surexcitation
s'ajoutent souvent de la dipsomanie et de la perturbation
des instincts sexuels. Pendant tout ce temps la santé phy-
sique est parfaite, sauf un peu d'insomnie ; il peut même y
avoir augmentation du poids du corps. La période de dé-
pression qui survient ensuite peut atteindre aussi une
intensité plus ou moins grande ; elle présente des symp-
tômes diamétralement opposés aux précédents, tristesse,
indifférence, humilité excessive, affaissement des facultés
et surtout de la volonté, idées enfantines, etc. Cet état
peut aller jusqu'à la stupeur et s'accompagne d'amaigrisse-
ment et de déchéance physique. La durée de chaque accès
est fort variable, mais elle présente en général une grande
régularité sur le même sujet. Son pronostic est grave,
beaucoup plus que celui de la manie et de la mélancolie
prises isolément; on n'obtient guère que des rémissions et
bien rarement la guérison complète. Dr Georges Lemoine.
FOLIE. Ce nom a été appliqué au xvme siècle aux petits
hôtels que les gens riches faisaient aménager auprès de
Paris afin de s'y ébattre librement. Il y en eut de célèbres,
et plusieurs ont laissé leur nom aux quartiers construits
depuis sur leur emplacement ou dans les environs : Folie-
Méricourt, Folie-Beaujon, Folie-Regnault (La Ro-
quette), etc. Récemment ce nom a été ressuscité et appliqué
à la fastueuse installation édifiée dans l'isthme de Panama
par l'ingénieur en chef Dingler. Elle coûta plus de vingt
millions. Il est vraisemblable que l'étymologie des folies
du xvme siècle fut la même.
FOLIE (La). Corn, du dép. du Calvados, arr. de Bayeux,
cant. d'Isigny; 277 hab.
FOLIE (François -Jacques -Philippe), mathématicien
belge, né àVenloo (auj. Limbourg holl.) le 14 déc. 4833.
Ancien professeur et ancien administrateur de l'université
de Liège, il est actuellement (4893) directeur de l'obser-
vatoire de Bruxelles et membre de l'Académie des sciences
de Belgique. Outre de nombreux mémoires et notes parus
depuis 4865 dans les recueils scientifiques belges, dans le
Journal de mathématiques de Liouville* dans les Comptes
rendus de l'Académie des sciences de Paris, etc.,
il a écrit : Théorie nouvelle du mouvement d'un corps
solide (Bruxelles, 486o-67, 3 part, in-8) ; Fondements
d\me géométrie supérieure cartésienne (Bruxelles et
Paris, 4872, in-4) ; Sur le Calcul de la densité moyenne
de la Terre (Bruxelles, 4872, in-8); le Commencement
de la fin du monde (Bruxelles, 4873, in-8) ; Petite Cli-
matologie (Bruxelles, 4877, in-42) ; Recherches de géo-
métrie supérieure (Bruxelles, 4878, in-8); Eléments
d'une théorie des faisceaux (Bruxelles, 4879, in-8);
douze Tables pour le calcul des réductions stellaires
(Bruxelles et Paris,4883, in-4), etc. Il a aussi donné des
éditions d'ouvrages de J.-B. Brasseur et de Meyer et une
traduction des célèbres travaux de Clausius (Y. ce nom)^ sur
la mécanique. ^. S.
FOLIES. Corn, du dép. de la Somme, arr. de Montdi-
dier, cant. de Rosières; 294 hab.
FOLIES- BERGÈRE. Les Folies-Bergère sont un éta-
blissement dramatique, chorégraphique, acrobatique et...
galant, qui a été construit en 4869 sur l'emplacement
occupé jusque-là, rue Richer, par un immense magasin
de literie dont l'enseigne, si notre mémoire est bonne,
était : Aux Colonnes d'Hercule. Quelques années aupa-
ravant, l'auteur glorieux du Désert, le compositeur Féli-
cien David, avait conçu la pensée de faire élever sur cet
emplacement une vaste salle de concerts dans laquelle il
aurait donné de grandes séances de musique symphonique
et vocale, classique et moderne. Ce projet n'avait pas
abouti, et ce fut alors qu'on mit à exécution celui d'un
vaste café-concert ou café-spectacle auquel on donnerait,
vu la proximité de la rue de Trévise, le nom de Folies-Tré-
vise. Mais les héritiers du duc de Trévise, irrités à la seule
pensée d'une telle profanation de leur nom patronymique, s'y
opposèrent de toutes leurs forces et obtinrent un jugement
qui donnait complètement raison à leur susceptibilité. Les
entrepreneurs de l'établissement nouveau donnèrent donc
définitivement à celui-ci la dénomination de Folies-Bergère
et en firent l'inauguration le 4er mai 4869. Cette première
soirée comprenait deux opérettes, une pantomime dans la-
quelle on voyait le fameux pierrot Paul Legrand, et divers
intermèdes dont l'un produisait deux mandolmistes très
habiles, M. et Mme Armanini.
Les Folies-Bergère furent bientôt classées à leur genre
dans la série abondante des divertissements parisiens. Ceux
qui voulaient du spectacle, spectacle composé d'opérettes,
_ 691 — FOLIES-BERGÈRE — FOLIES-DRAMATIQUES
de vaudevilles, de pantomimes et d'une foule d'exhibitions
de tout genre : clowns, acrobates, danseurs de corde,
phénomènes, dompteurs de bêtes féroces, etc., ceux-là ne
sortaient pas de la salle et restaient tranquillement assis
dans leur fauteuil. Les autres, gandins et donzelles , dé-
sœuvrés des deux sexes, chercheurs d'intrigues et de
plaisirs plus épicés, ceux qui venaient pour rire, pour
coqueter, pour flirter, avaient à leur disposition un vaste
promenoir où la mère n'aurait certainement pas conduit sa
fille, et où les conversations, aussi décolletées que les cor-
sages, n'auraient pas été de mise dans une réunion de
famille. C'est précisément là ce qui a fait une partie de la
fortune des Folies-Bergère, ce qui leur a formé une clien-
tèle tout à fait à part, clientèle composée non pas seule-
ment de Parisiens, comme on pourrait le supposer, mais
aussi de nombreux étrangers qui ne croiraient pas connaître
Paris s'ils n'allaient aux Folies-Bergère comme ils vont à
l'Opéra et à la Comédie-Française, comme leurs devanciers
allaient jadis au Prado, à Mabille ou à la Grande-Chau-
mière.
Si on veut considérer les Folies-Bergère non au point
de vue de leur atmosphère morale et du rôle qu'elles jouent
dans la galanterie parisienne, mais sous le rapport du
genre de spectacle qu'elles offrent à leur public, on constate
que ce spectacle, chevaux exceptés, se rapproche beaucoup
de celui qu'on contemple dans nos grands cirques. C'est
surtout le haut acrobatisme; ce sont les curiosités, les
excentricités de toute sorte, les clowns, les baladins, les
gymnastes, les phénomènes, les jongleurs étranges, les
dompteurs de fauves ou d'animaux savants qui en font les
plus grands frais. On a bien joué là, depuis plus de vingt
ans, nombre d'opérettes dont la musique était signée des
noms de MM. Hervé, Métra, Robillard, Désormes, Edé,
Géraldy, Walsh, Georges Lamothe, Hubans, Ben Tayoux ;
on y a bien représenté une foule de ballets et divertisse-
ments dont les danses étaient joliment réglées par Mlle Ma-
riquita; on y a bien applaudi souvent un orchestre qui
avait successivement pour chefs MM. Robillard, Olivier
Métra, C. Desormes et Hubans; mais ce n'était pas là ce
qui attirait les curieux d'émotions et d'excentricités pas-
sionnantes. Ce qui amenait la foule aux Folies-Bergère,
c'étaient les exploits merveilleux d'Achille, l'homme-canon,
de « la vraie Zazel, la femme-obus », du docteur Carver,
le premier tireur du monde, ou du « nouveau Guillaume
Tell » ; c'était l'exhibition des fauves du belluaire Belliam
ou du dompteur nègre Delmonico, des éléphants savants
d'Harrington ou de sir Edmunds, ou du taureau dompté et
dressé par je ne sais plus quel patient professeur ; c'étaient
les exercices véritablement étonnants des frères Reynor,
virtuoses grotesques, des Phoïtes, clowns des deux sexes,
des Girard, clowns horriblement disloqués, des Jockos,
clowns habillés en singes et qui semblaient donner raison
aux doctrines de Darwin, d'Holtum, dit « l'Ecartelé »;
c'étaient les tours prodigieux du vélocipédiste Léonati, de la
troupe Brown, qui en comprenait plusieurs, et des Elliot,
les bébés vélocipédistes ; c'étaient les Geretta, équilibristes
et charmeurs de pigeons, et les Tsiganes musiciens, et la
troupe japonaise de Yeddo, et le « spectre de Paganini »,
et le jongleur-équilibriste Dalvini, et le jongleur de cou-
teaux, et le jongleur de baïonnettes, et l'homme-protée,
et l'homme-poisson, et tant d'autres qu'il serait bien im-
possible de rappeler. Voilà ce qui fait des Folies-Bergère
un spectacle curieux, sinon d'un goût très relevé, et ce
qui, avec l'appoint que nous avons indiqué, leur a conservé
jusqu'à l'heure présente la vogue des premiers jours.
Arthur Pougin.
FOLIES-DRAMATIQUES (Théâtre des). Ce théâtre, dont
la vogue fut ininterrompue pendant les vingt-cinq premières
années de son existence, alors qu'il était placé sous la direc-
tion de Mourier, doit, comme celui du Palais-Royal, son
existence à la révolution de 1830. Le privilège fut concédé
à Allaux aîné, ancien directeur du défunt Panorama-Dra-
matique, qui décida de l'élever sur l'emplacement de l'an-
cien Ambigu-Comique, incendié en 4827 et réédifié alors
sur le boulevard Saint-Martin. Il fut donc construit entre le
Cirque Olympique et la Gaîté, au n° 78 du boulevard
du Temple, par les soins de l'architecte Allaux, qui était
aussi un peintre de talent. Il était de proportions modestes
et pouvait contenir environ 1,200 spectateurs. Bien que le
privilège fût au nom d' Allaux aîné, c'est sous la direction
d'un auteur dramatique nommé Léopold qu'il fit son ouver-
ture, le 22 janv. 1831, par un prologue intitulé les Fous
dramatiques et un mélodrame qui avait pour titre les
Quatre Parties du monde.
Bientôt l'administration changea de mains et passa dans
celles de Mourier, ancien commerçant qui était devenu auteur
dramatique et qui faisait représenter ses pièces sous le pseu-
donyme de Valory. Il avait, avec le sens du théâtre, les qua-
lités d'un administrateur modèle. Il eut la chance, deux mois
à peine après l'inauguration du théâtre, de rencontrer un
succès éclatant avec un drame-vaudeville des frères Cogniard,
la Cocarde tricolore, qui fit courir tout Paris et obtint plus
de deux cents représentations. Mourier pourtant était un peu
hésitant sur le genre des pièces qu'il devait accueillir, et tâta
le public pendant deux ou trois ans, essayant du mélodrame
pur, du vaudeville grivois, parfois même de la parade, jus-
qu'au jour où il comprit que le vaudeville anecdotique et le
drame intime mêlé de chant étaient ce qui convenait le mieux
à sa clientèle. Les auteurs qui alimentèrent tout d'abord son
répertoire étaient Théodore et Hippolvte Cogniard, Rouge-
mont, Alexis de Camberousse, Ponet, Benjamin Antier,
Décour, Francis, Anicet-Bourgeois, Paul de Kock, Maurice
Alhoy, Michel Masson, Emile Vanderbuck, Lubize, Simo-
nin, Théaulon, F. de Courcy, Lockroy, Jaime, Th. Muret,
Brisebarre, Carmouche, Dennery, Grange, etc. Parmi les
pièces qui furent le mieux accueillies dans ces premiers
temps, il faut citer : la Laitière de Belleville, le Fils du
joueur, le Parc aux cerfs, les Factions, les Factieux et
les Factionnaires, le Fils de l'empereur, le Jour aux
aventures, Gig-Gig, et surtout la Courtepaille, dont le
succès fut retentissant.
En 1834, Frederick Lemaître, ayant quelques démêlés
avec la Porte-Saint-Martin, vient jouer aux Folies Robert
Macaire, avec lequel il attire la foule pendant trois mois.
Mais ce n'était là qu'un caprice de grand artiste. Un an
après, c'est Odry, le fameux comique des Variétés, qui vient
faire une apparition à ce théâtre, où il joue Coquelicot,
des frères Cogniard, et l'Homme à femmes, « odryade »
en cinq chants, de Dupeuty et Fr. de Courcy. Puis, c'est Ber-
nard-Léon, qui, lui aussi, vient donner une série de repré-
sentations. La troupe ordinaire s'était d'ailleurs complétée
et améliorée par d'utiles recrues, au nombre desquelles il
faut citer Mlle Nathalie, qui, après avoir passé par les Va-
riétés, devint ensuite sociétaire de la Comédie-Française;
Rébard et Neuville, qu'on vit aussi plus tard aux Variétés ;
Villars, qui devait, quelques années après, appartenir au
Gymnase; Lajarriette, MmeHoudry, quelques autres encore.
Ces noms divers prouvent que Mourier avait le talent de
savoir choisir ses artistes ; mais, d'autre part, il n'était
pas homme à faire, pour les retenir, des sacrifices que ne
comportait pas la nature modeste de son exploitation. Il
comprenait très bien que son théâtre était devenu comme
une espèce d'école pratique pour de jeunes artistes qui,
fatalement, devaient le quitter un jour pour des scènes plus
relevées. Aussi, il s'était fait une loi de ne jamais dépasser
un maximum de 4,000 fr. par an pour ses premiers sujets.
Lorsqu'un théâtre plus important offrait à l'un de ceux-ci
des appointements plus considérables, lui-même l'engageait
à accepter, ne pouvant, disait-il, dépasser le chiffre extrême
qu'il s'était fixé. Mais comme il s'efforçait d'avoir une
excellente troupe d'ensemble, le départ d'un artiste ne lui
était pas préjudiciable, et le vide que celui-ci laissait était
bientôt comblé par un autre, prudemment tenu en réserve.
C'est ainsi que, pendant la longue direction de Mourier, on
vit nombre de ses pensionnaires passer sur telle ou telle
scène plus importante. En dehors de ceux qui viennent
FOLIES-DRAMATIQUES — 692
d'être cités, il faut encore rappeler les noms deMme Judith,
qui, comme Nathalie, devint sociétaire de la Comédie-Fran-
çaise, de Mme Pauline Jarry, qu'on vit à la Gaîté, de Péla-
gie, qui passa aux Variétés', ainsi que Lassagne, Christian
et Heuzey, tandis que Charles Potier s'en allait au Gym-
nase, M. Calvin au Palais-Royal, M. Paul Boisselot au
Vaudeville, Manuel à la Gaîté, Leriche, Mmes Thaïs Petit,
Àngélina Legros ailleurs encore. On voit que c'était là une
scène bien intéressante, et un théâtre non seulement
agréable au public, mais fort utile à ses grands confrères.
Mourier, qui, nous l'avons dit, était un administrateur
d'une rare habileté, avait fait de son théâtre un des mieux
achalandés et des plus fréquentés de Paris. Des spectacles
variés, une troupe en son genre excellente et la modicité
du prix des places y attiraient un public nombreux et spé-
cial de petits bourgeois, de petits rentiers, d'employés,
d'ouvriers qui venaient passer là, pour une somme modique,
une soirée agréable. C'était un théâtre populaire dans le
bon et vrai sens du mot, et tel qu'il n'en existe plus au-
jourd'hui. En dehors des avant-scènes, les places les plus
chères : stalles et balcons de face, étaient à 2 fr. 50, et
il y en avait à 60 cent. (2e galerie) et même à 40 (3e gale-
rie) ; le parterre était à 75 cent., et à 4 fr. les quelques
centaines de stalles d'orchestre qui s'étendaient derrière
l'orchestre des musiciens. En dehors même du grand public,
les Folies avaient une clientèle locale, si l'on peut dire, qui
se recrutait dans le faubourg du Temple et dans le quartier
du Marais, et certaines familles de bons bourgeois avaient
pris l'habitude de venir là régulièrement une fois par se-
maine. Lorsque Mourier s'en fut aperçu, il prit lui-même
la coutume, pour ne pas fatiguer cette clientèle de quasi-
abonnés par la vue trop fréquente du même spectacle, de
ne jamais jouer une pièce plus de trente fois de suite, quel que
fût d'ailleurs son succès, quitte à la reprendre à l'occasion,
ce qui ne manquait jamais lorsque la pièce avait fait plai-
sir. Ce procédé avait pour lui deux avantages : d'abord, de
lui conserver un public assidu ; ensuite d'avoir toujours, en
cas d'insuccès, un répertoire très riche de pièces non usées
dans lequel il pouvait puiser à loisir pour parer d'une façon
heureuse à tout événement fâcheux. La continuité de la
vogue de son théâtre suffit à prouver combien il était bien
inspiré eu agissant comme il le faisait.
Parmi les pièces qui furent le plus heureuses au temps
de sa direction, il faut citer particulièrement : l'Agnès de
Belleville, les Aventures de Jovial, la Révolte des
modistes, les Cuisinières, le Retour du conscrit, la
Fille de V air, Blanche et Blanchette, les Bretelles, Sans
cravate, les Fumeurs, laFilledufeu, Minai* A Isacienne,
Pauvre Jeanne, le Royaume des Femmes, le Mari d'une
grisette, Une Allumette entre deux feux, Paris qui
s'éveille, Une Mauvaise Nuit est bientôt passée, les Ingé-
nues de Pontoise, la Vie de carnaval, le Père Jean, la
Chasse aux grisettes, la Pompadour des Porcherons,
les Dévorants, la Gamine de Paris, la Bouquetière des
Champs-Elysées, la Belle Bourbonnaise, Amour et
Amourette, l'Espionne russe... Vax instants et pour parer
à certaines crises accidentelles, Mourier appelait à lui un
acteur célèbre dans de grands théâtres et libre d'engage-
ment pour venir donner aux Folies une série de représen-
tations. C'est ainsi qu'on y vit Lepeintre aîné dans Mon-
sieur Botte, Mathias l'Invalide, l'Ami intime, Ferville
dans Aînée et Cadette, la Lectrice, etc. Quant aux auteurs
qui avaient succédé à ceux de la première heure, c'étaient
Rochefort père, Nézel, Honoré, Couailhac, Marc-Leprévost,
Lambert-Thiboust, Albert Monnier, Saint-Yves, Guénée,
Choler, Michel Delaporte, Delacour, Raymond Deslandes,
Laurencin, Varin, Elie Sauvage, Marc Michel, Clairville,
N. Fournier, Henry Thierry.
Mourier étant mort subitement le 44 oct. 4857, le pri-
vilège fut transféré à M. Tom Harel, fils adoptif de l'ancien
directeur de la Porte-Saint-Martin et neveu (d'autres disent
fils) de la grande tragédienne Mlle Georges. La direction
Harel ne fut pas heureuse, malgré le très grand succès
d'un grand vaudeville intitulé les Canotiers de la Seine.
Lors de la suppression inepte de la partie du boule-
vard du Temple sur laquelle étaient situés les théâtres et
de la destruction de ceux-ci, les Folies durent, comme leurs
confrères, songer à déménager. Une nouvelle salle fut cons-
truite à leur intention au n° 40 de la rue de Bondy, sur le
terrain des anciennes Caves centrales, et l'inauguration s'en
fit, le 30 janv. 4862, avec un prologue de Henri Thierry :
Bonheur de se revoir, et les Fables de La Fontaine,
pièce en quatre actes de Henri Luguet. Mais les frais occa-
sionnés par la construction de cette salle avaient ruiné la
direction Harel. La situation, d'ailleurs, avait bien changé
par suite du déplacement ; les dépenses journalières avaient
doublé, et l'on ne pouvait songer à suivre les errements
de Mourier. M. Harel, peu expérimenté, passa la main à
M. Dépy, qui eut bientôt lui-même pour successeur M. Mo-
reau-Samti. Après quelques essais et quelques tâtonnements,
celui-ci se décida à changer complètement le genre du
théâtre et à abandonner le vaudeville pour l'opérette, alors
en vogue. Il obtint d'abord en ce genre quelques gros suc-
cès, avec VOEU crevé, Chilpéric, le Petit Faust, de
M. Hervé, le Canard à trois becs, de M. Emile Jonas,
puis, par suite de divers incidents, fut obligé de se retirer.
Il fut remplacé par M. Cantin qui lança définitivement le
théâtre dans la nouvelle voie où on l'avait engagé. A partir
de ce moment, les Folies-Dramatiques devinrent un rival
actif et sérieux des Bouffes-Parisiens et des Variétés; l'opé-
rette y fut maîtresse absolue, et c'est à peine si, de loin
en loin, on y vit se risquer, comme jadis, un vaudeville à
couplets ou une revue de fin d'année. Il est vrai que, dans
le nouveau genre qu'elles avaient adopté, elles obtinrent
quelques succès retentissants, qui, comme avec la Fille de
Mme Angotâe M. Charles Lecocq et les Cloches de Corneville
de M. Planquette, se prolongèrent parfois jusqu'à cinq, six
et sept cents représentations.
Depuis vingt ans environ, les Folies-Dramatiques ont fait
une énorme consommation de pièces de ce genre, parmi les
plus heureuses desquelles il faut citer, outre les deux pré-
cédentes : Héloïse et Abeilard, deLitolff, la Foire Saint-
Laurenl, Madame Favart, la Fille du Tambour -major,
d'Offenbach ; la Princesse des Canaries, de M. Charles
Lecocq ; Fanfan la Tulipe, les Petits Mousquetaires, la
Fille de Fanchon la vielleuse, de M.Varney; Rip, Sur-
cou f, de M. Robert Planquette ; François les Bas-Bleus,
de Bernieat ; la Fauvette du Temple, de M. Messager ;
le Petit Parisien, de M. Léon Vasseur ; Boccace, de Suppé ;
Jeanne, Jeannette et Jeanneton, Pâques fleuries, de
M. Lacome, etc. Il va sans dire que le personnel du théâtre
avait dû se modifier en vue des nouvelles conditions de son
exploitation ; l'ancienne troupe fut peu à peu renouvelée
dans son entier, et l'on vit paraître successivement sur la
scène des Folies-Dramatiques toute une série d'actrices
aimables qui, si elles n'étaient point des cantatrices au
vrai sens du mot, étaient douées d'une jolie voix dont elles
se servaient pour la plupart avec grâce et avec goût :
Mmes Ferdinand Sallard (celle-ci une vraie chanteuse, qui
avait passé par l'Opéra-Comique), Paola Marié, Desclauzas,
Juliette Max-Girard, Van Ghel, Gélabert, Matz-Ferrare,
Marguerite Ugalde, Montbazon, Elisa Frandin, Blanche et
Jeanne Thibault, Prelly, puis Rose Méryss, Caroline Julien,
Mily-Meyer,Tondouze, Jeanne- Andrée, Dar court, Dharville,
Berthe Stuart, Jane May, Noémie Vernon... Pour les
hommes, c'était Mario Widmer, Luco, Milher, Plet, Simon
Max, Maugé, Vois, Puget, Lepers, Gabel, Montaubry fils,
Morlet, Bouvet, Sujol, Gothi, Paul Ginet, Gobin, Riga,
Péricaud, Vauthier, Fusier, Dekernel, Alexandre, Larbau-
dière, Guyon, Colombey, Montrouge, etc.
Après quelques années d'une administration exception-
nellement prospère, M. Cantin avait quitté la direction des
Folies-Dramatiques pour prendre celle des Bouffes-Parisiens.
Il eut pour successeur, en 4878, M. Blandin, qui fit place
en 4883 à M. Louis Gautier, lequel se retira au bout
de deux ans. Les Folies passèrent alors aux mains de
- 693 — FOLIES-DRAMATIQUES — FOLIES-NOUVELLES
MM. Micheau et Brasseur, déjà associés pour la direction
des Nouveautés, et qui conduisirent ainsi les destinées des
deux théâtres. A la mort de Brasseur, M. Micheau resta
seul jusqu'en 4890, époque à laquelle il fut remplacé par
M. Albert Yizentini, ancien chef d'orchestre et directeur
de la Gaîté. Arthur Pougin.
FOLIES-MARIGNY. Aux premières heures du second
Empire, un prestidigitateur nommé Lacaze avait obtenu
l'autorisation de faire construire dans les Champs-Elysées,
au carré Marigny, une sorte de petite salle, ou plutôt de
grand pavillon, dans lequel il donnerait des séances de phy-
sique amusante. Il donna à ce petit établissement le nom de
salle Lacaze, et fit appel au public ; mais le public vint
peu, et médiocre fut le résultat delà spéculation. Bref, la
salle Lacaze était inoccupée lorsqu'en 1855 le compositeur
Offenbach obtint le privilège d'un nouveau théâtre qu'il
devait consacrer au culte de l'opérette et qu'il baptisait du
nom de Bouffes-Parisiens. Il s'empara de cette salle mi-
gnonne, assurément trop petite pour un vrai théâtre, mais
avec l'idée bien arrêtée de ne s'y installer que provisoire-
ment, et seulement en attendant mieux. C'est donc là que,
le 5 juil. 4855, les Bouffes-Parisiens firent leur inaugura-
tion, avec un spectacle ainsi composé : Entrez ! mes-
sieurs, mesdames, prologue de Méry ; Une Nuit blanche
et les Deux Aveugles, opérettes d'Offenbach, et Arlequin
barbier, pantomime. Le succès fut éclatant, et pendant
dix-huit mois les Bouffes-Parisiens continuèrent leur car-
rière aux Champs-Elysées; ce n'est que le 29 déc. 4856
qu'ils prirent possession, au passage Choiseul, de la salle
qui, depuis près de quarante ans, était occupée par le théâtre
Comte, et où ils résident encore aujourd'hui.
Mais la salle Lacaze ne resta pas longtemps inoccupée.
Charles Debureau fils obtint à son tour l'autorisation d'y
établir un nouveau petit théâtre d'opérette et de panto-
mime, auquel il donna son nom : théâtre Debureau, et
qu'il ouvrit en 4858. Les interprètes de la pantomime
étaient Debureau, Derudder, Négrier, Willemot, Mlles Anna,
Roger, Ballotte, Wolff, Cracovie, Maurice ; ceux de l'opé-
rette, Hervé, Montreuil, Holzé, Joly, Alexandre, Julien,
Mmes Fanolier, de Ribancourt, Dargis, Gabrielle, Léopol-
dine. Dans le genre de l'opérette, on joua : I Pifferari,de
Nargeot, Un Duo de capons, les Do de la rue, de Rosem-
boom; M. et Mme Robinson, de Quesnel; Il Signor Cas-
carelli, de Pilati ; le Magot de Jacqueline, de Paul Bla-
quière ; Ohé ! les grands agneaux, de Ventéjoul ; la
Chasse aux rats, Femme et Femme, le Voiturin, la
Dette de Jacquot; comme pantomimes, c'étaient Pierrot
conscrit, Pierrot coiffeur, les Deux Jocrisses, V Amour
au tambour, le Duel de Pierrot, Cependant le théâtre ,
Debureau, ayant médiocrement réussi, disparut au bout de
quelques mois, et la salle Lacaze demeura vide jusqu'à ce
que Mme Lionel de Chabrillan (Céleste Mogador) vînt la
rouvrir sous le titre de Théâtre des Champs-Elysées. Le
malheur est que Mme de Chabrillan y faisait jouer et y
jouait elle-même ses pièces, ce qui n'était pas pouraffrian-
der le public. Au bout d'un an, elle céda la place à un
auteur et compositeur dramatique, Eugène Moniot, qui fit
comme elle et ne fut pas plus heureux. C'est alors que
M. Montrouge, que la destruction des théâtres du boulevard
du Temple avait chassé des Délassements-Comiques (4862),
prit la direction de ce petit théâtre, auquel il donna le
titre définitif de Folies-Marigny, et qu'il conserva jusque
vers 4869. On joua alors le vaudeville, et surtout l'opé-
rette : Ondines au Champagne, le Baiser à la porte,
Liline et Valentin, le Cabaret de Ramponneau, de
M. Charles Lecocq ; Dans le Pétrin, de J. Nargeot ; Chez
les Montagnards écossais, les Virtuoses du pavé, l'Hé-
ritage du postillon, d'Auguste Léveillé, chef d'orchestre
du théâtre; Gredin dePigoche, deM. Vogel; les Gammes
d'Oscar, de M. Georges Douay ; la Revanche de Fortu-
nia, de M. Robillard ; la Vipérine, de Débillemont ; Un
Pierrot en cage, l'Orphéon de Fouilly-les-Oies,deKvÏQ-
sal, etc. On voyait aussi aux Folies-Marigny des revues
et des « pièces de femmes », telles que Bu... qui s'avance
et les Canards l'ont bien passé.
Lorsque M. Montrouge, qui avait su rendre et mainte-
nir florissante sa petite entreprise, l'eut quittée pour
prendre la direction de l'Athénée, les Folies-Marigny pas-
sèrent successivement dans une foule de mains sans pou-
voir retrouver le succès dont elles avaient joui pendant
quelques années. Elles eurent pour directeurs tour à tour
le ténor Montaubry, qui avait fait les beaux jours de
rOpéra-Comique et qui ne craignit pas de monter sur cette
petite scène, puis MM. Garnier, Leduc, Mme Gaspari,
MM. Vasse, Vech, Decamp, Lacombe, Fitte. Mais ce théâtre
était très difficile à mener, en raison de l'exiguïté de ses
ressources, et la plupart de ses administrations se termi-
naient par une catastrophe. Il faut dire qu'au point de vue
de l'art, il allait toujours s'abaissant, et devenait absolu-
ment nul. Il finit enfin par disparaître, et en 4884 on le
démolit pour construire sur son emplacement un vaste pa-
norama. Arthur Pougin.
FOLIES-NOUVELLES (Théâtre des). Voici un petit
théâtre charmant, dont l'existence, sous cette appellation,
a été courte, mais brillante en son genre, et qui offrait une
originalité qu'on n'a pas retrouvée depuis. Les Folies-Nou-
velles, devenues, depuis longtemps déjà, le théâtre Déjazet,
renouvelaient en quelque sorte, au xixe siècle, le spectacle
plein de grâce, de piquant et d'imprévu que cent ans au-
paravant les gentils théâtres des foires Saint-Germain et
Saint-Laurent offraient au public parisien. On y voyait
trôner la pantomime, l'opérette et le vaudeville, agré-
mentés d'intermèdes de danse, de chant, de tours de phy-
sique et autres curiosités qui variaient à plaisir les repré-
sentations et tenaient sans cesse en éveil la curiosité du
spectateur. Un mime de premier ordre, Paul Legrand, le
vrai successeur de Debureau, le pierrot qui faisait courir
tout Paris, Vauthier le polichinelle, qui avait été la gloire
des Funambules, des acteurs excellents, parmi lesquels un
bouffon épique, Joseph Kelm, un chanteur merveilleux,
Darcier, un comique qui depuis lors a fait la fortune des
Variétés, José Dupuis, de gentilles actrices, tout un essaim
de danseuses charmantes, avec cela un orchestre peu nom-
breux, mais choisi, solide et expérimenté, voilà les éléments
avec lesquels s'offraient au public les pantomimes de Paul
Legrand, de Durandeau, de Maurice Sand, de Cham, de
Ch. Bridault, et les opérettes tout aimables dont la musique
était écrite par Hervé, Offenbach, Darcier, Laurent de Rillé,
Léo Delibes, Pilati, Adolphe Nibelle, Frédéric Barbier,
Montaubry et bien d'autres.
C'est en 4852 qu'un chanteur comique nommé Mayer
eut l'idée d'installer, au n° 44 du boulevard du Temple,
à côté du passage Vendôme, dans le local qui formait jadis
le jeu de paume du comte d'Artois, plus tard Charles X,
une sorte de concert quotidien qu'il appela les Folies-Mayer,
et dans lequel on chantait des airs d'opéra, des romances
et des chansonnettes. L'entreprise dura peu, et bientôt
Mayer ferma sa salle, qui fut rouverte, aussi peu de temps
et sans plus de succès, par le prestidigitateur Bosco. C'est
alors que le compositeur Hervé, qui venait d'obtenir le
privilège d'un nouveau théâtre autorisé à jouer des opé-
rettes à deux personnages et des pantomimes, choisit ce
local pour y loger son théâtre, auquel il donna le nom de
Folies-Concertantes et qu'il ouvrit à la fin de 4853. Il
avait arraché le pierrot Paul Legrand aux Funambules,
l'arlequin Delaquis au Petit-Lazary ; il amenait avec lui son
compère Joseph Kelm, et c'est avec ses premiers éléments
de succès qu'il entama sa campagne. Tour à tour machi-
niste, décorateur, auteur, compositeur, chanteur et chef
d'orchestre, M. Hervé, dont l'intelligence et l'activité étaient
d'ailleurs indiscutables, sut, à l'aide d'efforts inouïs, faire
de ce petit spectacle le rendez-vous d'une certaine société
légère, écrivant lui-même les paroles et la musique de la
plupart des pièces qu'il y faisait représenter, en jouant sou-
vent le principal rôle, et se mettant à la tête de l'orchestre
lorsqu'il n'était pas occupé sur la scène. Il donna ainsi
FOLIES-NOUVELLES — FOLIOLE
— 694 —
plusieurs petites pochades musicales, d'une fantaisie éche-
velée quant aux paroles, d'un tour assez aimable quant à
la musique, qui obtinrent un succès fou et commencèrent
la fortune de ce petit théâtre. Ces saynètes, vraiment déso-
pilantes parfois, s'appelaient la Perle de V Alsace, Un
Drame en 1779, la Belle Espagnole, Vadé au cabaret,
la Fine Fleur de l'Andalousie, le Compositeur toqué,
Fifl et Nini. Les pantomimes avai&nt pour titre Arlequin
ravisseur, Jean Gilles, Pierrot amoureux, etc.
Cependant, au bout de quelques mois, M. Hervé cédait
son privilège et son entreprise, qui passaient aux mains
de deux associés, MM. Louis Huart, directeur du Chari-
vari, et Altaroche, ancien directeur de l'Odéon. Les nou-
veaux directeurs transformèrent la salle de la façon la plus
heureuse, renforcèrent la troupe, attirèrent à eux les jeunes
auteurs et les jeunes compositeurs, et changèrent la déno-
mination du théâtre, qu'ils appelèrent désormais les Folies-
Nouvelles et qui jouit, sous leur direction, d'une véritable
vogue. L'inauguration des Folies-Nouvelles se fit le 21 oct.
1854, par un spectacle ainsi composé : les Folies-Nou-
velles, prologue en vers, de Théodore de Banville, la Fine
Fleur de l'Andalousie, saynète musicale, paroles et mu-
sique de M. Hervé, et V Hôtellerie de Gaultier-Garguille,
pantomime de Durandeau.
Les nouveaux directeurs obtinrent du ministère la fa-
culté d'introduire trois et même quatre personnages dans
leurs opérettes, au lieu dé deux primitivement permis. Cela
permettait de véritables petites pièces, à la place de simples
saynètes auxquelles il était bien difficile de donner un véri-
table intérêt. Les auteurs alors ne firent pas défaut au
théâtre : c'étaient Paul de Kock, Pol Mercier, Edouard Four-
nier, Jules Viard, Ernest Alby, René Lordereau, Henry de
Kock, Jules Moineaux, Mahiet de La Chesneraye, Commer-
son, Furpille, Charles Bridault... Quant aux musiciens,
c'étaient presque tous de jeunes compositeurs, bien doués
pour la plupart, qui, ne pouvant réussir à se faire jouera
l'Opéra-Gomique ou au Théâtre-Lyrique, étaient heureux
de se présenter au public même dans ces conditions mo-
destes. Les Folies-Nouvelles, qui faisaient une grande con-
sommation d'opérettes, donnèrent successivement Tribly,
Aimé pour lui-même, Bel-Boul, le Jugement de Paris,
Achille à Scyros, le Moulin de Catherine, la Demoiselle
de la Hoche-Tromblon, le Sultan Mysapouf, de M. Lau-
rent de Rillé; Freluchette, la Perruque de Cassandre,
Vendredi, d'Edouard Montaubry; le Loup-Garou, les
Filles du Lac, de M. Adolphe Nibelle ; le Pacha, Fran-
castor, le Page de Mme Malbrough, le Faux Faust, le
Docteur Tam-Tam, de Frédéric Barbier ; les Doublons
de ma ceinture, le Roi de la Gaudriole, Pornic le
hibou, de Darcier ; Jean le sot, Une Devinette, Trois
Dragons, Vile de Calypso, Peau d'âne, Ignace le re-
tors, de Pilati; Un Duo de serpents, la Revanche de
Vulcain, de Cottin ; Zerbine, Madame Mascarille, A la
Brune, de Bovery; Estelle et Némorin,Jean et Jeanne,
Un Iroc, d'Aucessy; Polkette, Nous n'irons pliis au
bois, P'titfi, pHit mignon, de Bernardin ; Toinette et
son carabinier, Femme à vendre, V Alchimiste, la Dent
de Sagesse, le Pommier ensorcelé, de M. Hervé ; Deux
Sous de charbon, de Léo Delibes ; Oyayaye, d'Ofienbach ;
Huis clos, de M. Charles Lecocq ; la Peau de l'ours, de
M. Samuel David ; Une Minute trop tard, de M. Ville—
bichot ; Fra Diavolino, de Roques; le Quart iï heure de
Rabelais, de Bazzoni ; la Recherche de V inconnu, de
Mangeant ; Bon Nègre, d'Alfred Musard ; le Moujik, de
Lindheim ; etc., etc. Parmi les comédiens appelés à inter-
préter ces petits ouvrages, nous citerons les noms de
Joseph Kelm, Darcier, José Dupuis, Tissier, Camille, Dou-
chet, Gourdon, et de Mmes Géraldine, Darcy, Pellerin,
Lestrade, Rameau, Caroline, Julien, Méneray, Ferney.
La pantomime contribuait pour sa très grande part au
succès du théâtre, grâce surtout au talent exquis de Paul
Legrand, très heureusement secondé par Vauthier, Delquis,
Laurent, Cossard, Charltonn, Laplace, Saqui, et quelques
gentilles danseuses, Mlles Suzanne Senn, Lebreton, Sophie,
Zélia, Mélina, Pélagie, Julienne. Il y en avait d'intimes,
comme Pierrot bureaucrate , Une Razzia galante, les
Statues vivantes ; de dramatiques : Pierrot Dandin, la
Sœur de Pierrot ; de féeriques : le Petit Cendrillon, le
Grand Poucet; de burlesques : le Nouveau Robinson,
les Carabins, Ni hommes ni femmes, tous Auvergnats;
d'autres encore, comme Pierrot quaker, Pierrot qui rêve,
Mort et Remords, Après la noce, les Jeux innocents...
Quelques-unes étaient signées des noms de Maurice Sand,
Cham, Durandeau, puis Paul Legrand, Pol Mercier, Charles
Bridault, etc. Tout cela, pantomime et opérette, constituait
des spectacles charmants, spectacles qui réunissaient ré-
gulièrement quatre pièces par soirée, souvent entremêlées
d'intermèdes de danse ou de chant, dont certains affolaient
le public, comme la légende burlesque du Sire de Franc-
Boisy , que Joseph Kelm rendit si fameuse et qui lui
valait un succès inouï. Les Folies-Nouvelles offraient vrai-
ment ainsi, comme nous le disions, un ressouvenir de ces
gentils théâtres de la foire, qui avaient fait jadis la joie
de nos pères et qui depuis près d'un siècle avaient si com-
plètement disparu. Et pourtant, en dépit de leur incontes-
table vogue, celles-ci ne durèrent que peu d'années. A la
fin de 1859, MM. Huart et Altaroche, satisfaits des résul-
tats de leur exploitation, jugèrent à propos de se retirer
et cédèrent à leur tour leur privilège, dont^ Eugène Déjazet,
le fils de la grande comédienne, se rendit acquéreur. Ce
dernier, au lieu de suivre les errements de ses prédéces-
seurs, changea bientôt le genre du théâtre, qui dut d'abord
au talent de Virginie Déjazet et aux premières pièces de
M. Victorien Sardou, Monsieur Garât, les Premières
Armes de Figaro, les Prés Saint-Gervais, une certaine
continuité de succès, mais qui, lorsque ces deux éléments
lui firent défaut, et lorsque, d'autre part, il eut complète-
ment perdu l'originalité qui naguère avait fait sa fortune,
tomba au rang d'une scène de cinquième ordre. C'est grand
dommage, et l'on n'a pas, jusqu'à ce jour, remplacé les
gentilles Folies-Nouvelles. Arthur Pougin.
FO Ll G N 0. Ville d'Italie, ch.-l. de circondario de la prov.
de Pérouse (Ombrie), très importante jonction des lignes
du chern. de fer venant d'Ancône et de Florence vers
Rome, dans la vallée du Topino, affluent de la rive gauche
du Tibre ; 9,000 hab. Elle à beaucoup souffert de fréquents
tremblements de terre en 1739, 1833 et 1854. Les prin-
cipales industries sont celles de la tannerie, de lacorroirie,
de la confiturerie et de la stéarinerie. C'est un évêché.
Elle a plusieurs églises dont une belle cathédrale et Sant'
Anna pour laquelle Raphaël peignit sa célèbre Madone de
■ Foligno. Le peintre Niccolè Alunno y est né. Dans l'anti-
quité la ville appartenait à l'Ombrie et s'appelait Fulgi-
nium. En 1281 elle fut détruite par les Pérugins, passa
plus tard sous la domination de la famille des Trinci et
fut annexée aux Etats pontificaux en 1439.
- FOLIO. Le folio se compose dans les imprimés et manus-
crits de deux pages dont la première s'appelle recto et la
deuxième verso. \e même nom s'applique au chiffre que
l'on place en haut de chaque page d'un livre et au milieu
de la ligne, ou seul, ou entre deux parenthèses, deux tirets
ou deux vignettes légères quand l'ouvrage est sans titres
courants. Dans le cas contraire, on rejette le folio à l'ex-
trémité de la ligne, du côté de la marge extérieure. Les
préfaces, introductions, avant-propos, etc., prennent une
pagination particulière en chiffres romains, mais du même
caractère que les chiffres arabes du folio du texte. Dans les
ouvrages à deux colonnes qui portent deux folios, Je folio
impair se met à la première colonne et le folio pair à la
seconde de chaque page.
In-folio (V. Format).
FOLIOLE (Bot.). Petite feuille. On désigne particuliè-
rement sous le nom de folioles les divisions articulées des
feuilles composées (V. Feuille) ou encore les bractées qui
constituent l'involucre du capitule dans la famille des
Composées.
- 695 —
FOLIUM - FOLK-LORE
Folium de Descartes.
FOLIUM de Descartes (Math.). Courbe du 3e degré
qui a pour équation en coordonnées rectangulaires :
x3 -+• y3 — 3axy = 0,
a désignant une constante.
Cette courbe a un point double
à l'origine et une asymptote
perpendiculaire à son axe de
symétrie ; elle est unicursale.
FOLK ES (Martin), numis-
matiste et érudit anglais, né
à Londres le 29 oct. 4690,
mort le 28 juin 4754. Il de-
vint membre de la Royal So-
ciety à vingt-trois ans seu-
lement, puis membre de la
Société des antiquaires de Londres dont il fut président.
C'était un homme d'une grande érudition. Il a publié : A
Table ofEnglish Gold coins from the 1Bth year ofKing
Edtuard III (Londres, 4736, in-4) ; A Table of English
Silver coins from the Norman Gonquest to the Présent
Time (4745, in-4). J.-A. Bl.
FOLKESTAD (Halvor-Olsen), prédicateur norvégien, né
à Bœ (Bas-Thelemarken) le 28 nov. 4807, mort à Hamar
le 30 sept. 4889. Autodidacte, il quitta la charrue pour
devenir maître d'école ambulant, reçut des leçons de la fille
du pasteur du lieu qui devint sa femme (4838), entra à
l'université de Christiania (4831), enseigna pendant dix ans
et devint pasteur de Mo (4844), de Hviteseid (4849), de
Frederikshald(4859), premier titulaire de l'évêché rétabli
à Hamar (4864), membre du gouvernement intérimaire
pendant l'absence du roi Oskar II (4875). S'étant beaucoup
occupé de l'instruction populaire, il fut appelé à siéger dans
la commission qui prépara la loi du 46 mai 4860 sur les
écoles primaires. C'était un ecclésiastique éminent et un
puissant orateur de la chaire. Cinq de ses Prêches ont été
publiés (4867-4883). Beauvois.
FOLKESTONE. Ville maritime d'Angleterre, comté de
Kent, sur le Pas de Calais; W,000 hab. Située au débou-
ché d'une étroite vallée, le long des pentes de laquelle
grimpent ses rues et au-dessus de laquelle est jeté le viaduc
du chemin de fer, elle a un excellent port muni de jetées
et d'entrepôt et accessible aux navires d'un tort tonnage.
Ce port, construit en 4845 par la compagnie du chem. de
fer, avait en 4884 un mouvement de 4,460 navires, jau-
geant 252,000 tonnes ; la valeur des importations dépas-
sait 225 millions, celle des exportations 92 millions. Le
commerce se fait surtout avec Boulogne auquel Folkestone
est relié par un service quotidien de vapeurs. C'est une des
deux grandes voies de communication entre la France et
l'Angleterre (Douvres-Calais, Boulogne-Folkestone). La va-
leur du commerce est supérieure, mais le nombre des pas-
sagers moindre que par la voie de Douvres.
FOLKETHING (V. Constitution, t. Xli, p. 687).
FOLK-LORE. Ce terme, que nous avons emprunté aux
Anglais et qui désigne aujourd'hui la science de la littérature,
des traditions et des usages populaires, est, chez nos voisins
même, de formation assez récente : il apparaît pour la pre-
mière fois, selon M. dePuymaigre (Folk-lore, p. 4), dans le
numéro du 22 août 4846 de Y Athenœum. Mais la chose
est beaucoup plus ancienne que le mot et remonte même
plus haut qu'on ne le croit généralement : il s'est trouvé à
toutes les époques des esprits indépendants et délicats qui
ont été sensibles au charme naïf de la poésie populaire ; au
nom de Montaigne, qui fut chez nous le premier en date
de ses amis, on pourrait ajouter celui de Molière (car c'est
bien lui-même qui semble parler par la bouche d'Alceste
dans une scène fameuse du Misanthrope). En Angleterre,
dès 4740, Addison, dans les numéros 70 et 74 de son
Spectator, exprimait une admiration très vive, dont peut-
être l'amour du paradoxe lui faisait outrer l'expression,
pour la ballade de Chevy-Chase, qu'un de ses amis avait
recueillie de la bouche d'un mendiant aveugle. Il serait
injuste d'oublier, parmi les précurseurs des études folk-
loriques, deux de nos compatriotes : Ballard, qui publia
plusieurs recueils de chansons puisées dans la tradition
orale (Brunettes ou Petits Airs tendres, 4744 ; Rondes
à danser, 4724), et Moncrif, qui fit plusieurs de ses
complaintes sur des thèmes populaires. Cependant, c'est
en Angleterre que ces études obtinrent pour la première
fois droit de cité. En 4760, Macpherson, alors âgé de
vingt ans, publiait ses Fragments of ancient poetry,
réellement traduits, avec une fidélité relative, de chants
populaires écossais; en 4765, Percy faisait imprimer
ses Reliques of english poetry. La rude simplicité et
la couleur réaliste de ces pièces charmèrent une géné-
ration rassasiée d'élégances factices et de raisonnements
abstraits : ce fut alors, en faveur de la poésie populaire, un
engouement dont bénéficièrent les fameux pastiches de Mac-
pherson (4762-63) et de Chatterton (4778) et qui fut pour
beaucoup dans la vocation littéraire de Walter Scott : on
sait, en effet, que celui-ci préluda à la composition de ses
romans par la publication du Minstrelsy of the scottish
border, ou Chants populaires des frontières écossaises
(4802-4803).
En Angleterre, le mouvement folk-lorique conserva long-
temps le caractère littéraire qu'il devait à ses origines ;
c'est en Allemagne qu'il prit d'abord une direction scienti-
fique : c'est surtout grâce à Herder, philosophe et critique
autant que poète, que l'enthousiasme un peu factice des
premiers jours se changea en une admiration réfléchie et
que des recherches méthodiques furent entreprises. En même
temps que Herder initiait le grand public au charme de la
poésie populaire en publiant des traductions de morceaux
empruntés à celle des différentes nations de l'Europe et
même de quelques peuplades sauvages (Stimmen der Vol-
ker in Liedern, 4778), il essayait d'en préciser le carac-
tère et d'en définir les beautés dans un Essai sur Ossian
et les chants des anciens peuples. Ces deux ouvrages
eurent le plus beau succès que l'auteur pouvait en espérer :
ils suscitèrent une foule de travaux sur les mêmes sujets
ou des sujets voisins. Il suffit de citer les recueils de contes
de Musaeus (Volksmàrchen der Deutschen, 4782-4786),
qui crut malheureusement devoir les recouvrir d'un vernis
littéraire, et surtout des frères Grimm (4842-4845, 4re éd.,
en 2 vol. ; 4849-4822, 2e éd. augmentée, en 3 vol.; le 3e a
une importance capitale dans l'histoire du folk-lore, parce
qu'il a inauguré la méthode des rapprochements). Depuis
Herder et les frères Grimm, les véritables pères du folk-
lore scientifique, l'Allemagne n'a pas cessé d'être au pre-
mier rang dans ce domaine par le nombre et la valeur de
ses publications.
Bien que les plus anciens précurseurs du folk-lore soient
des Français, le mouvement se communiqua assez tard à la
France, qui fut même précédée par les autres pays latins :
c'est au Portugal que revient l'honneur d'avoir le premier
recueilli ses poésies nationales : le Roman ceiro d'Almeida
Garrett parut en 4839 (4863, 2e éd.) ; puis vint l'Italie,
qui vit se succéder assez rapidement les recueils de Tom-
maseo (4834), de Marcoaldi (embrassant toutes les pro-
vinces de la péninsule, 4855), de Nigra (Chants pié-
montais, 4858-4864), de Tigri (Chants toscans, 4860), et
enfin l'Espagne (Romancero gênerai, de D. Agostin Duran,
4854 ; Primavera y flor de romances, de F.-J. Wolf et
C. Hofmann ; Berlin, 4856). Pour nous, comme si notre
esprit était trop classique ou trop timide pour goûter les
grâces souvent négligées de la poésie populaire, c'est par
des traductions que nous commençâmes à nous y intéresser,
parce qu'il arrive souvent qu'une traduction voile les ru-
desses de l'original. Le public fit bon accueil aux Chants
populaires de la Grèce moderne, de Fauriel (4825),
qui durent peut-être un peu de leur succès aux préoccupa-
tions politiques d'alors, aux Chants populaires d'Ecosse,
d'Artaud (traduits du recueil de Walter Scott, 4826), aux
Chants populaires de V Allemagne, de M. de Saint-Albin
(4844), aux Chants populaires du Nord, de X. Mar-
inier (4842). Ce fut le Barzaz-Breiz, de M. de La Ville-
FOLK-LORE
696 —
marqué (1840; 2e éd. augmentée, 1846), qui nous ouvrit
les yeux sur nos richesses nationales ; ce n'était rien moins
qu'un recueil sincère, car le remaniement y touche souvent
à la falsification, mais on ne saurait être sévère pour un
ouvrage qui provoqua un mouvement de curiosité si salu-
taire. Cette curiosité était, du reste, entretenue par quelques
écrivains qui parlaient avec sympathie de la poésie du peuple
et allaient jusqu'à en insérer quelques spécimens dans leurs
œuvres (George Sand, passim ; E. Souvestre, la Bretagne
pittoresque, les Derniers Bretons, 1835-1837, le Foyer
breton, 1844 ; P. Féval, les Contes de Bretagne, 1844 ;
la Fée des grèves, 1851 ; G. de Nerval, les Filles du feu,
1854 ; la Bohème galante, 1855). Un instant on put
croire que le gouvernement allait entreprendre la publica-
tion d'un corpus général de notre poésie populaire : le
13 sept. 1852, le président Louis-Napoléon, à qui cette
idée avait été suggérée durant son exil en Suisse par Féru-
dit allemand Firmenich, faisait rendre par son ministre
H. Fortoul un décret prescrivant la formation d'un recueil
de nos chansons, « grand et complet monument, disait le
ministre, élevé au génie anonyme et poétique du peuple ».
Une fouie de communications furent «adressées, de tous
les points du pays, à la section de philologie du comité de
la langue, de l'histoire et des arts de la France, chargée
de les centraliser ; mais la prétendue difficulté de classer
les matériaux en fit ajourner indéfiniment la publication.
On finit par les déposer à la Bibliothèque nationale, où ils
sont, depuis le mois de févr. 1877, à la disposition du pu-
blic (fonds français, ms. 3338-40). Désespérant de voir
paraître le recueil promis, des amateurs se mirent à l'œuvre
isolément, et bientôt la plupart de nos provinces eurent
leur recueil de chants populaires. Les premiers et les plus
zélés de ces explorateurs furent MM. de Coussemaker {Chan-
sons populaires des Flamands de France, 1856), de Beau-
repaire (Etudes sur la poésie populaire en Normandie,
1856), D. Arbaud (Chants populaires de la Provence,
1862), Tarbé (Romancero de Champagne, 1863, t. II), de
Puymaigre (Chants populai?*es du pays messin, 1861- et
1881), Bujeaud (Chants populaires du Poitou, 1865), à
côté desquels il faut nommer maintenant MM. Luzel et
Le Braz (Chansons populaires de la Basse-Bretagne,
1874-1890), Bladé (Poésies populaires de la Gascogne,
1 882) , Guillon (Chansons populaires de F Ain, 1 883) , etc.
Depuis une dizaine d'années, le nombre des folk-loristes
ou « traditionnistes », comme quelques-uns préfèrent qu'on
les appelle, va sans cesse en augmentant, et surtout leur
activité prend des proportions vraiment inquiétantes. Le
folk-lore est un des domaines où la production est aujour-
d'hui le plus abondante, et il est à peu près impossible,
même aux plus actifs, de se tenir au courant. Il n'est guère
de région en Europe dont on n'ait recueilli les contes et les
chansons, et les travaux du même genre commencent à être
nombreux pour les autres parties du monde. Il ne peut
entrer dans notre plan de dresser de ces sortes d'ouvrages
un catalogue qui serait forcément incomplet aujourd'hui et
arriéré demain ; nous croyons qu'il suffira d'indiquer, à
côté des noms des maîtres de la science, les sociétés qui se
sont vouées aux études de folk-lore et les recueils où elles
consignent les résultats de leurs recherches.
Ce sont les pays du Nord qui ont depuis une trentaine
d'années fourni les travaux les plus solides. Il suffit de citer
pour l'Angleterre les noms de Max Mùller, A. Lang, Jacobs ;
pour l'Allemagne, de Th. Benfey, Ad. Kùhn, W. Schwartz,
W. Mannhardt, R.Kôhler, F. Liebrecht; pour la Russie, de
Vesselofski ; pour la Finlande, de Julius Krohn et de son fils
M. Kaarle Krohn; pour le Danemark, de Svend Grundtvig.
En Angleterre, la Folk-lore Society de Londres, fondée
(1878) par M. A. Lang, a pour organes le Folk-lore
Record (1878 et suiv.) et le Folk-lore Journal (1883) ;
à côté d'elle s'est formée récemment la Gypsy-lore Society,
dirigée par M. Leland, qui s'est fait une spécialité de la
littérature populaire des Tsiganes ; enfin, M . Campbell a fondé
une collection consacrée au folk-lore gaélique d'Ecosse.
L'Amérique anglaise ne se montre pas moins active. Depuis
1878, le Bureau d'ethnologie, qu'une décision du Congrès
a annexé à l'institut Smithson, de Washington, publie des
Rapports annuels, et une Société de Folk-lore, présidée
par M. Child (qui est en train d'élever un monument
capital à la littérature populaire de la métropole dans ses
Englishand Scotlish Popular Ballads ; Boston, 1885 et
suiv.), publie depuis 1888 le Journal of American Folk-
lore. En Allemagne, M. H. Weinhold dirige la Zeitschrift
des Vereins fur Volkskunde, qui fait suite (1892) aux
vingt volumes de la Zeitschrift fur Vôlkerspsychologie
und Sprachwissenschaft, et M. Veckensted a fondé, en
1888, la Zeitschrift fur Volkskunde. En Russie, le gou-
vernement a organisé des missions ethnographiques et sta-
tistiques qui ont publié de volumineux Rapports, Depuis
1888, M. J. Karlowicz, à Varsovie, et M. Anton Hermann, à
Budapest, dirigent respectivement la Wisla et les Ethnolo-
gische Mittheilungen aus Ungarn, revues de folk-lore
local; en Finlande, la Société finno-ougrienne, fondée en
1886 par MM. Krohn, fait au folk-lore une large place dans
ses travaux, dont les résultats ont été publiés en sept vo-
lumes. En pays latin, il semble que les travailleurs se soient
surtout préoccupés d'amasser des matériaux ; parmi ceux
qui ont essayé de les coordonner et d'ébaucher au moins
quelques parties de l'édifice futur, on ne peut guère citer
en France que MM. G. Paris (le Petit Poucet et la Grande
Ourse, 1875 ; les Contes orientaux dans la littérature
française, 1875 ; les Chants populaires du Piémont,
1890, etc.) et Gaidoz (articles et comptes rendus dans
la Mélusine), en Italie, que MM. d'Ancona (la Poesia
popolare italiana, 1878) et Nigra (préface de la nou-
velle édition des Canti popolari del Piemonte, 1888).
En revanche, les textes et les observations de tous genres
se multiplient à l'infini. A côté de la Mélusine, fondée par
MM. H. Gaidoz et E. Rolland (1877, 1884 et suiv.),
M. Sébillot dirige la Revue des traditions populaires
(1885), et la Société la Tradition, dirigée par MM. E. Blé-
mont et H. Carnoy, publie, outre une revue, la Collection
internationale de la tradition (1888); divers éditeurs
se sont mis à la tête de vastes collections (les Littéra-
tures populaires de toutes les nations, chez Maison-
neuve, 1881 et suiv. ; Collection de contes et chansons
populaires, chez Leroux, 1881) ; enfin, les principales
revues de philologie ou de patois ont autrefois publié ou
publient encore fréquemment des textes populaires (Roma-
nia, Revue des langues romanes, Revue des patois
gallo-romans, Revue de philologie française et proven-
çale). En Belgique s'est fondée tout récemment (1891) la
Société de Folk-lore wallon, qui publie à Liège un Bulletin
de Folk-lore. En Italie, MM. d'Ancona et Comparetti dirigent
la collection des Canti e Racconti del Popolo italiano
(1870 et suiv.), qui compte actuellement neuf volumes ;
le folk-lore de la Sicile a trouvé en MM. G. Pitre et S. Salo-
mone-Marino des explorateurs d'un zèle infatigable : le pre-
mier dirige la Biblioteca délie tradizioni popolari sici-
liane(\81\ et suiv.), qui en est arrivée à son 23e volume,
et, depuis 1885, une collection de Curiosità délie Tradi-
zioni popolari (s'étendant à toute la péninsule), qui en
compte dix ; enfin, M. Sabatini a l'intention de consacrer
au folk-lore romain une série de volumes (Volgo di Roma),
dont deux ont paru (1890). L'Espagne a sa Biblioteca de
las Iradiciones espanolas, fondée par M. Machado y Al-
vares (Demôfilo) en 1881. En Portugal, MM. Coelho, Braga,
Leite de Vasconcellos ont publié de nombreux travaux, spé-
cialement dans la Revista dJethnologia e de glottologia
ou dans la Revista lusitana.
La vogue subitement obtenue par les études de folk-lore
ne s'explique pas seulement par une facilité (plus apparente
que réelle) qui permet au premier venu de s'improviser
auteur, mais aussi par la variété de leurs aspects, par le
nombre et l'intérêt des problèmes qu'elles posent; elles en
ont posé en effet jusqu'ici plus qu'elles n'en ont résolu, et
il semble bien que la vague étendue des horizons où elles
— 697
FOLK-LORE — FOLLE
invitent à se mouvoir soit pour quelque chose dans l'espèce
de fascination qu'elles exercent sur certains esprits. Elles
peuvent, en effet, suivant les préoccupations ou les apti-
tudes qu'on y apporte, intéresser également l'artiste, le
psychologue et l'historien. La préoccupation esthétique,
dominante autrefois, et d'où est sorti le mouvement folk-
lorique, est peut-être actuellement trop négligée. Il n'est
guère de recueils de contes ou de chansons, parmi ceux qui se
publient tous les jours, qui ne contiennent des pièces d'une
charmante naïveté d'expression ou d'une rare intensité de
sentiment : MM. G. Vicaire et M. Bouchor ont montré tout
récemment le parti qu'un art savant et délicat en pouvait
tirer. Le côté psychologique séduit aujourd'hui un grand
nombre d'esprits. Mais trop de folk-loristes s'obstinent
encore dans la chimère de vouloir retrouver dans les œuvres
qu'ils publient l'empreinte du caractère national ou local ;
c'est là une erreur qui devrait être dissipée depuis que
l'on a constaté l'existence de textes quasi identiques sous
tant de latitudes. Ce que la psychologie peut demander au
folk-lore, ce sont des documents sur l'état d'esprit de popu-
lations arrivées ou restées à un certain degré de culture,
sur leurs besoins religieux, moraux ou poétiques, sur leur
faculté d'observation ou même de création (et encore ne
saurait-on être, sur ce dernier point du moins, trop cir-
conspect, car il est impossible de nier l'influence de la litté-
rature savante sur certaines œuvres populaires, et bien diffi-
cile d'en déterminer les limites). C'est surtout à l'histoire
que le folk-lore peut rendre les services les plus étendus.
Ce n'est point qu'il faille lui demander, comme on l'a essayé
dans la première moitié de ce siècle, la solution de pro-
blèmes d'ethnographie ou de mythologie préhistoriques : on
a renoncé à trouver dans les contes populaires le dernier
écho de mythes primitifs et comme une transposition poé-
tique des idées religieuses des Aryâs de l'Asie centrale
(V. à l'art. Conte l'exposition du système de Grimm et de
M. Millier) ; il est même assez chimérique d'y chercher,
comme M. Lang, l'incarnation d'idées communes aux sau-
vages de toutes les races, et de les considérer, par consé-
quent, comme un document authentique sur la psychologie
de l'humanité à l'état sauvage. Le folk-lore, même en res-
treignant le champ de ses ambitions, a une part assez belle
encore et il est probable que, plus ses prétentions seront
modestes, plus les résultats seront rapides et assurés. Ainsi,
en déterminant exactement la part de l'élément populaire
dans les littératures savantes, il jettera une lumière nouvelle
sur l'histoire de celles-ci et aidera à mieux comprendre
l'originalité de chacune d'elles. Mais son principal objet
nous paraît être l'explication des usages, des institutions,
des croyances, des rites, dont il faut rechercher les origines
dans les régions les plus humbles et les milieux les plus
divers ; voilà pourquoi le folk-lore aujourd'hui ne se con-
tente plus de rassembler des textes poétiques, mais recueille
aussi, avec les contes et les légendes, les prières populaires
qui conservent des traces évidentes d'anciennes croyances,
les pratiques superstitieuses ou celles qui sont attachées
aux principales circonstances de la vie (naissance, mariage,
mort) et jusqu'aux jeux et formulettes enfantines où peuvent
se cacher des allusions symboliques ou des souvenirs plus
ou moins inconscients de principes ou de rites abolis.
Le folk-lore serait donc, comme le disait tout récemment
l'un des savants qui portent dans ces études la plus grande
lucidité d'esprit et la critique la plus rigoureuse, moins une
science à part qu'une méthode de recherches, consistant
à considérer l'objet à expliquer (croyances, institutions,
usages) « non dans la cristallisation complète, mais à ses
débuts, à le suivre à tous les degrés de son développement,
à tenir compte de toutes les influences qu'il peut avoir
subies et en même temps à mettre en parallèle toutes les
formations analogues qui ont pu se produire... Il faut
chercher, souvent dans divers pays et en divers peuples,
les anneaux épars de la chaîne qu'on veut reconstituer...
Le naturaliste ne fait pas autrement lorsque, voulant res-
tituer une espèce éteinte, un animal d'une époque préhis-
torique, il en cherche les fragments épars sur un vaste
continent. Faute d'un spécimen conservé complet, il est
nécessaire de placer ces fragments les uns près des autres
pour en induire le plan de l'être disparu. Telle est, à notre
avis, la méthode des études du folk-lore. Mais elle s'ap-
plique à un domaine où la masse des matériaux est immense,
car il s'agit de l'homme, de. tout l'homme ! » (H. Gaidoz,
dans Mélusine, V, 34.) Ces quelques lignes montrent quelles
difficultés présentent et quelle préparation supposent les
études de folk-lore quand elles ne se bornent pas à la cons-
tatation des faits ; elles exigent des connaissances très
variées (en histoire, en linguistique, en ethnographie) et sur-
tout une grande rigueur de méthode et de critique ; le folk-
lore scientifiquement pratiqué est donc tout autre chose
qu'une branche de la littérature facile. A. Jeànroy.
Bibl. : V., pour les matériaux, les différents recueils de
documents populaires ; pour la critique, les ouvrages des
savants cités dans le corps de l'article, particulièrement
de M. Muller, Benfey, M annhardt, Schwartz, Lang, etc.
FOLKUNGS (Folkunga-setten). Dynastie suédoise, issue
de Folke, très noble personnage qui vivait vers 1100 et
qui avait épousé Ingegerd, fille du roi de Danemark saint
Canut. Son fils, Bengt, fut père : 1° de Birger Brosa, jarl
(duc) de Suède et de Gœtaland (f 1202), marié à Birgitta,
fille de Harald Gillé, roi de Norvège, et veuve du roi de
Suède, Magnus Henriksson ; leur fille Ingegerd épousa le
roi Sverker Carlsson et eut pour fils Johan Ier, roi de
Suède (f 1222); 2° Cari Dœfue, jarl, mort dans une
expédition en Esthonie (1220), père du jarl Ulf Fasi
(f 1248); 3° Magnus Minneskœld, père du célèbre Bir-
ger jarl (f 1266) qui eut de Ingeborg (f 1254) : Valde-
mar, roi de 1250 à 1278 (f 1302), et Magnus Ladulâs,
roi en 1275 (f 1290). De la comtesse Helvig de Holstein,
ce dernier eut entre autres enfants : 1° Birger, né en 1 280,
roi de 1290 à 1319 (f 1321), marié à Margareta, fille du
roi de Danemark, Erik Glipping ; 2° Valdemar, duc de
Finlande (f 1318); 3° Ingeborg, mariée à Erik Menved,
roi de Danemark ; 4° Erik, duc de Suède (f 1318). Ce
dernier eut d'Ingeborg, fille de Hâkon, roi de Norvège :
1° Eufemia, née en 1317 (f vers 1370), mariée à Albert
l'Ancien, duc de Mecklembourg (f 1379), père d'Albert,
roi de Suède de 1364 à 1389 (f 1412); 2° Magnus
Eriksson (1316-1371), roi de Suède de 1319 à 1365,
roi de Norvège à partir de 1319, qui, de son mariage avec
Blanche de Namur, eut: 1° Erik XII (1339-1359), roi de
Suède en 1356 ; 2° Hdkon (1340-1380), roi de Norvège
en 1355, de Suède en 1362, qui épousa la Grande-Mar-
guerite, fille de Valdemar III, roi de Danemark, et fut père
à'Olaf, roi de Danemark et de Norvège (f 1387). B-s.
Bibl.: Fant, De génie Folkungica; Upsala, 1815, in-4.
— Strinholm, Svenska folkets historia ; Stockholm, 1852-
1854, t. IV, V, in-8. — Autres sources citées par Warm-
holtz, Bibl. histor. sveo-qothica.; Stockholm, 1790, n°3 2636-
2711, t. V, in-8.
FOLLAIN VILLE. Corn, du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Mantes, cant. de Limay; 518 hab.
FOLLE. I. Artillerie. — Pièce folle. Pièce de canon
dont l'âme irrégulièrement forée imprime au projectile une
direction inattendue et nullement en rapport avec ce qui
devrait résulter du pointage de la pièce.
IL Mécanique. — Poulie folle (V. Poulie).
III. Pêche. — Filet constitué par une nappe simple
tendue de manière à faire des plis dans tous les sens, plis qui
forment des poches dans lesquelles le poisson s'embarrasse ;
les mailles doivent avoir 110 millim. de côté dans le pre-
mier arrondissement maritime, 120 dans le second, 130
dans le troisième ; la tête du filet est bordée par une
ralingue garnie de flottes ; le pied est pourvu de lest, con-
sistant, le plus souvent, en pierres. On tend toujours par
fond, soit sur le sable, soit entre les rochers. Les demi-
folles ne diffèrent des folles que par l'étendue de la tessure,
qui est moindre. On nomme ces filets rieux sur les côtes
de Picardie, parce qu'on les emploie à la pêche des
raies, et bretelières sur les côtes de Normandie où elles
servent surtout à prendre des roussettes ou chiens de mer.
FOLLE — FOLLEVJLLE
— 698
Ces filets sont sédentaires et garnis de flottes et de câ-
blières, ainsi que les folles ; étant beaucoup moins grands
que ces dernières, on peut les tendre en tout temps," même
en vives eaux, principalement du commencement de février
en mai. On désigne sous le nom àejets, aux environs de
Saint-Val ery-en-Somme, des sortes de demi-folles ayant
de 20 à 25 brasses de longueur sur 3 brasses de chute,
dont le bas est plombé et dont on arrête les extrémités
à des pieux ; cette pêche se fait avec de petits bateaux ;
on prend surtout des poissons plats, tels que flets et car-
relets. Les picots des côtes de Normandie sont sédentaires,
flottés et plombés ; ils ont de 40 à 50 brasses de long sur
2 ou 3 de chute et s'établissent par fond de travers à la
marée ; les pêcheurs, brouillant le fond à l'aide d'une
grosse câblière, relèvent le filet en réunissant les deux
ralingues, de telle sorte que le poisson reste engagé dans
le milieu, qui forme poche. Les cibaudières, pentières,
sont des variétés de la folle. E. Sauvage.
FOLLE-Avoine (Bot.) (V. Avoine).
FOLLE-Blanche (Vitic). La Folle blanche, qui porte
encore les noms de Erangeat, Plant-Madame, Grosse-
Chalosse, Grais, R ébauche, Piquepouille, est le cépage le
plus important de toutes les régions viticoles qui pro-
duisent les grandes eaux-de-vie françaises. Il forme la base
presque exclusive des vignobles des deux Charentes, du
Gers (Armagnac), de la Vendée, d'une partie de la Dor-
dogne. C'est une vigne d'une très grande vigueur et très
productive. Son vin acide a peu de valeur par lui-même,
mais, distillé, il donne des eaux-de-vie d'une finesse incom-
parable ; les cognacs et les armagnacs sont obtenus par les
vins de Folle-Blanche. La production de ce cépage est en
moyenne de 30 hectol., mais elle s'élève souvent (Bois et
Borderies des Charentes) à 100 et 150 hectol. à l'hectare.
C'est dans les sols crayeux, de calcaires tendres, surmonté
d'un sol peu riche et peu profond, que la Folle-Blanche
donne les eaux-de-vie qui ont le plus de cachet et le plus
de finesse. Ses fruits sont assez précoces et mûrissent à la
deuxième époque. — La Folle-Blanche, à cause de sa grande
vigueur, peut être conduite à tous les systèmes de taille;
on la conduit cependant, d'une façon générale, à la taille
en gobelet, à coursons et à trois yeux francs. Elle est d'une
résistance relative aux diverses maladies cryptogamiques et
surtout au mildiou. — Sa souche est forte, les sarments
sont gros, à mérithalles courts, de couleur brun roussâtre,
ses feuilles moyennes sont quinquelobées, à sinus latéraux
profonds et peu ouverts, à face inférieure blanchâtre par
suite du tomentum assez abondant. La grappe est grosse,
cylindrique, serrée, à gros grains sphériques, d'un vert
blanchâtre, à peau épaisse, juteux et d'un goût acidulé.
FOLLE-Enchère (V. Enchère).
FOLLE-Farine (V. Meunerie, Boulangerie).
FOLLE-Noire (Vitic). La Folle-Noire ou Dégoûtant est
un cépage charentais, à raisins rouges, qui était peu cul-
tivé dans les deux Charentes et dans la Vendée et qui est
à peu près entièrement abandonné aujourd'hui.
FOLLEN (Adolf-Ludwig-August), poète allemand, né à
Giessen le 21 janv. 1794, mort à Berne le 26 déc. 1855.
Combattant de 1814, répétiteur de droit, journaliste, pour-
suivi et emprisonné (1819-21) pour ses articles démocra-
tiques de VAllgem. Zeitung d'Elberfeld, il se fixa en
Suisse . Ses poésies patriotiques furent remarquées et en
dernier lieu ses six sonnets An die gottlosen Nicfitswû-
teriche (Heidelberg, 1846) provoquèrent de vives polé-
miques. — Son frère Karl, néàRomrod (Hesse) le 3 sept.
1795, mort dans l'Atlantique le 13 janv. 1840 ; volontaire
de 1814, privat-docent à Iéna, il fut poursuivi comme dé-
mocrate, expulsé de France (1820), puis de Suisse (1824),
passa aux Etats-Unis, devint professeur d'allemand à l'uni-
versité Harvard de Boston. Il périt dans l'incendie d'un na-
vire entre Boston et New York. Il a écrit des poésies patrio-
tiques assez médiocres, une Practical Grammar of the
german language (Boston, 1848, 13e éd.); sa veuve publia
ses œuvres complètes (Boston, 1842, 5 vol.). — Les deux
Follen, dont le premier fut un vrai poète, sont intéressants
parce qu'ils représentent l'état d'âme de la jeunesse alle-
mande après 1815, au temps de la Burscheschaft. Dans
leur lyrisme, l'influence de Klopstock se combine avec le
romantisme et l'exaltation patriotique.
Bibl. : Comtesse de Reichenbach, Arndt und Follen ;
Leipzig, 1862.
FOLLES. Corn, du dép. de la Haute- Vienne, arr. de
Bellac, cant. de Bessines; 1,678 hab.
FOLLET (Feu) (Météor.) (V. Feu follet).
FOLLETAGE (Vitic.). Le folletage ou apoplexie est une
maladie non parasitaire de la vigne qui fait parfois des
dégâts considérables. On observe en pleine végétation,
surtout en juillet et août, des ceps qui meurent instanta-
nément au milieu d'une plantation. Les feuilles se fanent,
ternissent et sèchent ; les rameaux et même les bras subis-
sent le même sort. En quelques minutes les vignes peuvent
périr. Il est bien rare qu'elles repoussent quand on les
recèpe, ou qu'elles reprennent l'année suivante, malgré
tous les soins qu'on pourra leur donner, une vigueur suf-
fisante qui leur permette de se relever. Ce ne sont que des
ceps isolés, exceptionnellement nombreux dans une vigne,
qui sont atteints par cet accident ; il ne se manifeste jamais
sur une surface continue. Des rameaux entiers ou même
des bras isolés d'une souche sont détruits quelquefois, sans
que les autres rameaux ou bras soient altérés. — Les cas
de folletage ont été constatés plus souvent sur les vignes
greffées. Cette maladie se produit dans tous les milieux,
mais plus fréquemment dans les sols profonds, frais ou
humides. La présence d'une couche d'eau dans le sous-sol
est une cause prédisposante à cet accident. C'est à la suite
de fortes pluies ou pendant les grandes chaleurs, lorsque,
dans les années humides, soufflent des vents chauds, qu'on
a surtout à le redouter. Il semble que le folletage vienne
d'une rupture d'équilibre entre la transpiration par les
feuilles et l'absorption par les racines. ' P. Vialà.
FOLLETIÈRE (La). Corn, du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Bouen, cant. de Pavilly ; 92 hab.
FOLLETIÈRE-Abenon (La). Corn, du dép. du Calvados,
arr. de Lisieux, cant. d'Orbec ; 244 hab.
F0LLEV1LLE. Corn, du dép. de l'Eure, arr. de Bernay,
cant. de Thiberville ; 29 1 hab.
FOLLEVILLE. Corn, du dép. de la Somme, arr. de
Montdidier, cant, d'Ailly-sur-Noye, surun plateau; 214 hab.
Jadis chef-lieu d'une seigneurie qui fut successivement
possédée par les Lannoy, les Gondi, les Sericourt et les
Mailly. Jolie église des xve et xvie siècles, dont la nef est
voûtée en bois, et le chœur (construit de 1513 à 1519
par Jeanne de Poix, en exécution du testament de Raoul de
Lannoy, son mari), est voûté en pierre. On remarque,
dans cette église, plusieurs monuments curieux, entre
autres une chaire en bois du xvne siècle du haut de laquelle
saint Vincent de Paul a prêché sa première mission ; une
belle vasque baptismale en marbre blanc du xvie siècle ;
le magnifique tombeau de Raoul de Lannoy (mort en 1513)
et de Jeanne de Poix, son épouse, dont les statues funé-
raires en marbre blanc ont été exécutées et signées par
Àntonino de Porta, de Milan, et son neveu Paxio ; celui
de François de Lannoy, fils du précédent (mort en 1548)
et de Marie d'Hangest-Genlis, sa femme, également en
marbre blanc, avec les statues agenouillées des défunts et
les quatre vertus cardinales en bas-relief; enfin, quelques
vitres peintes du xvie siècle. Ruines intéressantes de l'an-
cien château, construit, sans doute, au xve siècle, de forme
quadrangulaire, avec une tour circulaire à chacun des
angles, et une cinquième au milieu d'un des grands côtés,
cette dernière d'une structure assez curieuse, fort élevée et
contenant un bel escalier à vis. G. Durand.
Bibl. : B. Taylor et Ch. Nodier, Voyages pittoresques
et romantiques dans l'ancienne France, Picardie, av. pi.
— Goze, Notice sur le village, le château, les seigneurs,
l'église et les tombeaux de Folleville ; Montdidier, 1865 ,
in-8, av. pi. — Bazin, Description de l'église et des
ruines du château de Folleville ; Amiens, 1869, in-8, avec
pi. — V, pe Beauvillé, Recueil de docurnents inédits.
699 —
FOLLEVILLE — FOLLIET
concernant la Picardie, 5 vol. in-4, passim, av. pi. — •
G. Durand, Folleville, notice historique, dans Y Annuaire
du département de la Somme, 1892, pp. 407 à 428.
FOLLEVILLE (Daniel de) (V. Daniel).
FOLLEVILLE ( Anne - Charles - Gabriel , marquis de),
homme politique français, né au château de Manancourt
(Somme) le 44 juil. 1749, mort au château de Manancourt
le 6 mai 4835. 11 était lieutenant-colonel d'infanterie quand
il fut élu, le 5 avr. 4789, député suppléant de la noblesse
aux Etats généraux par le bailliage de Péronne. Il vint
siéger le 26 déc. par suite de la démission de M. de Mailly-
Nesle. Il fut un des membres les plus ardents de la droite
et se signala aux côtés de l'abbé Maury et de Mirabeau-
Tonneau. Il combattit toutes les mesures libérales, notam-
ment l'admission des juifs aux droits de citoyen (48 janv.
4794). Et. Ch.
FOLLEVI LLE (Pierre-François-Jean-Louis-Gabriel Guil-
lot ou Guyot de), dit Vévêque d'Agra, né à Saint-Servan ou
à Saint-Malo (suiv. Levot) le 30 oct. 4760, mort à Angers
le 5 janv. 4794. Fils d'un commissaire-ordonnateur de la
marine de Saint-Malo, il fit quelques études de droit, songea
à obtenir un siège au Châtelet, mais la Révolution ayant
éclaté, il tourna ses vues vers l'Eglise. Docteur en théo-
logie, il se fit élire curé de Doi le 2 avr. 4790. Un an
après, il rétractait solennellement le serment constitutionnel
qu'il avait prêté de fort bonne grâce (23 oct. 4794). Cette
volte-face soudaine déplut à ses paroissiens qui, à force de
menaces, l'obligèrent à se démettre de sa cure. ^Folleville
vint à Paris (1792). Les événements du 40 août l'obli-
gèrent à se réfugier à Poitiers. Il mena en cette ville une
existence des plus bizarres. Fréquentant chez les Filles
de la Sagesse, il se donnait pour une victime du nouvel
ordre de choses, prétendait avoir été nommé évêque d'Agra
par le pape, si bien que les bonnes religieuses, séduites
par ses grâces câlines, sa belle prestance, son éloquence
enflammée, n'étaient pas loin de le considérer comme un
martyr, et dans leur correspondance avec les missionnaires
de Saint-Laurent-sur-Sèvre, ne parlaient de Msr d'Agra
qu'avec des transports d'enthousiasme. Cependant Guillot
suivait assidûment les séances de la Société des Amis de la
Liberté et de l'Egalité, y présentait les motions les plus
révolutionnaires, étalait sans vergogne sa carte d'affilié au
club des Jacobins de Paris. Bien mieux, il ne faisait nul
mystère de ses relations avec une jeune fille de la ville,
dont il se montrait fort amoureux et avec laquelle il échan-
geait une correspondance des plus tendres, voire même des
vers du dernier galant. Enfin il collaborait à un journal
souvent grivois, la Correspondance du département de
la Vienne. Les autorités de Poitiers finirent par concevoir
des doutes sur le caractère sacré de ce singulier prêtre. Elles
estimèrent qu'il possédait toutes les qualités nécessaires à
un bon soldat et lui enjoignirent de s'enrôler dans un régi-
ment ou dans la garde nationale. Folleville se fit donner
le plus bel habit de volontaire qu'on put découvrir et il
faisait partie de la garnison de Thouars lorsque cette ville
fut prise parles Blancs (3 mai 4793). Il se trouva que
Villeneuve de Cazeau avait été son ami de collège. Folle-
ville conduit, sur sa demande, au chef royaliste, fut reçu
par lui à bras ouverts lorsqu'il affirma qu'on l'avait enré-
gimenté de force. Il fut présenté à l'état-major avec le titre
d'évêque d'Agra. Il était déjà connu comme tel par les reli-
gieux de Saint-Laurent. Personne ne parut se soucier de
faire la moindre enquête sur son compte. Folleville suivit
donc l'armée, remplissant ses devoirs sacerdotaux, relevant
le moral des soldats après les déroutes, les fanatisant avant
les attaques. Il devint bientôt populaire : les Vendéens
étaient enthousiasmés d'avoir parmi eux un si bel évêque.
Le 4er juin 4793, les commandants généraux des armées
vendéennes mettaient à* la tête du conseil ecclésiastique de
Saint-Laurent-sur-Sèvre « M§r l'évêque d'Agra, vicaire apos-
tolique ». Bientôt ils lui confiaient la présidence du conseil
d'administration et de justice installé à Châtillon-sur-
Sèvre. Le curé de Saint-Laud, Fambitieux Bernier, qui
voulait gouverner ce conseil supérieur, s'arrangea pour en
expulser l'intrus. La proclamation du 1er juin avait été
transmise à Rome. Grâce à l'abbé Maury, les intrigues de Ber-
nier eurent plein succès. En un bref daté du 34 juil. 4793,
Pie VI déclara qu'il n'existait pas d'évêché d'Agra et que
le charlatan qui en avait pris le titre n'était qu'un usur-
pateur. Ce bref parvint aux armées le 47 oct. 4793, après
le désastre de Cholet. Les généraux, réunis en conseil,
décidèrent d'étouffer le scandale pour ne point démora-
liser davantage leurs troupes à la veille du passage de la
Loire. Guillot de Folleville demeura donc sans conteste
évêque d'Agra jusqu'à la fin de la campagne. Il prêcha
encore l'assaut au pied des remparts de Granville et il
présida le dernier conseil des généraux au Mans le 14 déc.
Ses dépouilles épiscopales, trouvées dans les bagages après
la déroute finale du Mans, furent envoyées à la Convention
par Westermann le 48 nivôse an IL Abandonné à Ancenis
le 46 déc. 4793, Guillot erra quelques jours dans la cam-
pagne et finit par se livrer à une patrouille de républicains.
Transféré à Angers le 5 janv. 4794, il y fut reconnu, et,
condamné à mort le 46 nivôse an II par la commission mi-
litaire, fut exécuté le même jour sur la place du Rallie-
ment. C'est une figure énigmatique que celle de l'évêque
d'Agra : le peu de renseignements qu'on possède sur sa
vie ne permet pas de dégager nettement le motif de ses
actions. Peut-être n'était-ii qu'un aventurier spirituel et
sans scrupules, se recommandant du roi ou de la Révolu-
tion, suivant les circonstances. Peut-être avait-il été, comme
le croit M. Chassin, « inventé par les plus habiles des pré-
parateurs de la guerre de Vendée pour entretenir l'exal-
tation religieuse des paysans en armes ». Il n'existe aucune
raison péremptoire qui puisse décider le choix entre l'une
ou l'autre hypothèse, et nous penchons plutôt pour la
première. R. S.
Bibl. : Levot, Biographie bretonne ; Paris, 1852, t. I,
in-4. — Mme de La. Rochejacquelein, Mémoires. — Muret,
Guerres de Vendée. — E. Veuillot, les Guerres de Ven-
dée ; Paris, 1853, in-12, — Chassin, la Préparation de la
guerre de Vendée; Paris, 1892, t. III, pp. 557 et suiv. —
Eug. Bossard, l'Invention de Vévêque d'Agra; Angers,
1893, in-8.
FOLLEVILLE (Louis- Jean- André de), homme politique
français, né à Morainville (Eure) le 12 nov. 1765, mort
à Lisieux le 8 juil. 1842. Conseiller au parlement de Rouen,
il émigra au moment de la Révolution et ne rentra en France
que sous le Consulat. Le 22 août 1815 il fut élu député
du Calvados, figura dans la majorité de la Chambre introu-
vable et, réélu le 4 oct. 1816, se montra ultra-royaliste
acharné. Il ne reparut plus dans une assemblée législative
après 1821.
FOLLI (Sebastiano), peintre siennois, né vers 1568,
mort en 1620. On sait qu'en 1618 il travailla à la déco-
ration de l'église Saint-Sébastien, avec Rutilio Manetti. Ses
figures sont maniérées et ses fonds surchargés d'architec-
tures savantes. Jacopo Florino a gravé d'après ses dessins
des vues de monuments.
FOLLICULE. I. Rotanique.— Carpelle sec, polysperme,
déhiscent par sa suture ventrale ; les follicules, souvent
rangés en verticille, forment en général des fruits composés
(V. Fruit).
II. Anatomie (V. Glande).
F0LL1CULITE (V. Vulve).
FOLLIET (André-Eugène), homme politique français,
né à Saint-Jean-de-Maurienne le 18 mars 1838. Avocat à
Paris (1862), il posa sa candidature à l'Assemblée natio-
nale dans la Haute-Savoie le 8 févr. 1871 , échoua et fut élu
peu après (2 juil.) par le même département lors d'une élec-
tion complémentaire. Membre de la gauche, il combattit le
cabinet de Rroglie et échoua à Thonon le 20 févr. 1876
aux élections pour la Chambre des députés. La Chambre
ayant invalidé M. de Roigne, son concurrent heureux,
M. Folliet fut élu député Te 21 mai 1876, fit partie des
363, fut réélu avec eux le 14 oct. 1877, puis le 21 août
1881, le 4 oct. 1885 et le 22 sept. 1889. Il fut membre
FOLLIET — FOLTZ
— 700 —
de la gauche républicaine, soutint généralement la politique
opportuniste et combattit le boulangisme. A la Chambre, il
s'est surtout occcupé des questions d'impôts et de droit
administratif. Il déposa notamment en 1880, avec Pascal
Duprat, un projet de loi municipale dont il fut rapporteur,
et, en 1888, une proposition sur la réforme de l'impôt des
boissons, une autre sur la réforme de la prestation, etc.
Collaborateur de la Revue de Paris (1865), de la Revue
moderne et autres périodiques, M. Folliet a publié : la
Presse italienne et sa législation (Paris, 4869, in-8) ;
Piévolution française, les Volontaires de la Savoie
(1887, in-42) ; De la Décentralisation administrative
(1861, in-8) ; les Députés savoisiens aux assemblées de
la Révolution (1884, in-8). Il a terminé et complété l'ou-
vrage de Joseph Dessaix sur le Général Dessaix, sa vie
politique et militaire (4879, in-8).
FO LLI G N Y. Corn, du dép. de la Manche, arr. d'Avranches,
cant. de La Haye-Pesnel; 527 hab.
FOLLIN (Elias), érudit suédois, né dans l'OEstergœtland
le 8 oct. 1746, mort le 18 déc. 1819. Ordonné prêtre en
1771, il devint pasteur d'Oxie (1780), de Helsingborg
(1785), prévôt du cant. de Luggude (4805). II laissa une
importante collection de manuscrits qui appartient à l'uni-
versité de Lund. Son Histoire de Helsingborg a été éditée
par P. Wieselgren (Upsala, 1851). B-s.
FOLLIN (François-Anthime-Eugène), chirurgien fran-
çais, né à Harfleur le 25 nov. 1823, mort à Paris le 21 mai
1867. Après de nombreux succès dans le cours de ses
études, il fut nommé prosecteur à la faculté de Paris en
1849, chirurgien du Bureau central et agrégé en 1853. Le
premier il a introduit en France les nouveaux moyens
d'exploration de l'œil ; aussi la faculté lui confia-t-elle le
premier cours complémentaire de clinique ophtalmologique.
Il renonça à ces fonctions au bout de trois ans, pour em-
brasser la chirurgie dans toutes ses parties. Pendant quinze
ans, il dirigea les Archives générales de médecine (par-
tie chirurgicale) et il donna d'excellents articles au Dic-
tionnaire encyclopédique des sciences médicales. En
1866, l'Académie de médecine le reçut dans son sein. Fol-
lin était chirurgien habile, écrivain distingué, professeur
disert. Ses publications sont extrêmement nombreuses.
Bornons-nous à citer : Traité élémentaire de pathologie
externe (Paris, 1862, 1. 1, II [lre partie], in-8), ouvrage
continué par Duplay ; Leçons sur V exploration de Vœil
Paris, 1863, in-8); Dr L. Hn.
FOLLIOT (François), comte de Crenneville (Y. ce nom).
FOLNEGOV1C (Franjo), littérateur croate contemporain,
né à Slanovac en 1848. Il fit ses études à Agram et à Graz ;
depuis 1875 il a été à diverses reprises député à la diète
de Croatie; il a collaboré à un grand nombre de journaux,
dirigé la revue Vienac et le journal la Liberté, publié des
nouvelles estimées, des études économiques et politiques, etc.
FOLO (Giovanni), graveur italien, né à Bassano en 1764,
mort en 1836. Elève de Volpato, il se fit remarquer plus
par le nombre que par la qualité de ses estampes. Il s'ef-
força néanmoins d'interpréter de son mieux des maîtres
tels que Baphaël, Titien, Guido Reni, Corrège, Rubens,
Poussin, etc. " G. P-ï.
FOLQUET de Lunel, troubadour, originaire, selon toute
vraisemblance, de la ville dont il porte le nom, néversl240,
mort dans les premières années du xive siècle. On sait qu'il
fréquenta la cour du comte de Rodez, Henri II, un des
derniers protecteurs de la littérature provençale. Il a laissé
quelques poésies lyriques et un poème moral intitulé La Mon-
dana Vida ; le tout se trouve dans l'édition de ses œuvres
donnée à Berlin, en 1872, par M. Eichelkraut. Ant. T.
FOLQU ET de Marseille, célèbre troubadour, né à Mar-
seille, d'un marchand génois établi dans cette ville vers
le milieu du xne siècle, mort évêque de Toulouse le 25 déc.
1231. La carrière de Folquet de Marseille se divise en
deux parties qui semblent n'avoir aucun point commun.
Maître à la mort de son père d'une brillante fortune, le fils
du marchand marseillais fréquenta le monde et se concilia
la faveur du vicomte de Marseille Barrai par son talent
poétique, puis celle d'autres grands seigneurs du Midi, tels
que Raymond V, comte de Toulouse, et Guillaume VIII,
seigneur de Montpellier, à la cour desquels il dut faire de
fréquents séjours. Il fut longtemps amoureux d'Adélaïde,
femme de Barrai, et composa beaucoup de chansons en son
honneur ; il célébra également Eudoxie, femme de Guil-
laume VIII de Montpellier et fille de l'empereur Manuel
Comnène, et d'autres dames du Midi, notamment de Nîmes.
Ses poésies amoureuses tranchent sur la banalité du genre
par un accent de sincérité très personnel. La mort de
Barrai (1192) affecta vivement Folquet: le troubadour lui
consacra un planh qui est l'un des plus beaux que nous
ait laissés la poésie provençale. Le comte de Toulouse
suivit dans la tombe le vicomte de Marseille (1194) ;
d'autres deuils atteignirent sans doute encore Folquet de
Marseille, si bien qu'il tourna vers le ciel l'ardeur dont il
avait brûlé jusque-là pour les beautés terrestres et entra
dans l'ordre de Cîteaux. Abbé du Toronet, au diocèse de
Fréjus, dès 1198, il devint évêque de Toulouse en 1205
et poursuivit les nombreux hérétiques de son diocèse
avec une passion fanatique qui le fit s'associer sans pitié à
la croisade contre les Albigeois, dont le succès final fut dû
en grande partie à son énergie farouche. Les gens de
l'époque ne se firent pas faute de jeter à la tête de Y évêque
les souvenirs peu édifiants de sa vie de troubadour : ces
souvenirs mêmes contribuèrent certainement à augmenter
son intolérance et son ascétisme. L'auteur de la Chanson
des Albitjeois le traite d'antéchrist, mais l'Eglise catho-
lique le met au rang des vénérables, et Dante lui a fait une
place dans son Paradis. Comme troubadour, Folquet de
Marseille peut aller de pair avec les plus grands, Bernard
de Ventadour et Giraud de Borneil ; il leur est peut-être
même supérieur par le style et par l'art du développement
littéraire. Ses poésies, au nombre d'une trentaine, n'ont
malheureusement pas encore été l'objet d'une édition cri-
tique. A. Thomas.
Bibl. : Hugo Pratsch, Biographie des Troubadours,
Folquet de Marseille; Gœttingue, 1878.
FOLQUET de Romans, jongleur et troubadour, né à
Romans (Drôme) dans la seconde moitié du xne siècle. Il
paraît avoir fréquenté surtout la cour des marquis de Mont-
ferrat ; il s'y rencontra avec un trouvère français, qui était
en même temps un grand seigneur, Hugues de Berzé ou
Berzy (V.ce nom). Mais, quand le trouvère invita le trou-
badour à suivre Boniface de Montferrat à la quatrième
croisade (1201), celui-ci se déroba. On a de lui une quin-
zaine de poésies lyriques (notamment une belle prière à la
Vierge, en forme à'alba, parfois attribuée à Folquet de
Marseille), dont on n'a pas encore d'édition critique.
FOLTZ (Philipp), peintre allemand, né à Bingen le
14 mai 4805, mort à Munich le 5 août 4877. D'abord
élève de son père, Ludwig Foltz, il alla en 4826, à Munich,
étudier sous la direction *de Cornélius, et fut employé à la
peinture des fresques de la Glyptothèque. Plus tard, il exé-
cuta dans la Nouvelle Résidence de nombreuses peintures
dont les sujets sont tirés de poésies de Schiller et Btirger.
En 4832, il dessina son célèbre carton représentant le
Prince Othon partant pour prendre possession du trône
de Grèce. Il séjourna ensuite à Rome, devint en 4839 pro-
fesseur à l'Académie de Munich, et en 4865 directeur des
Galeries royales. C'est le romantisme qui domine dans ses
œuvres, du faire le plus plat. Il fit revivre dans ses tableaux
des scènes de la guerre d'indépendance de la Grèce, des
combats dans le Tirol, des légendes des bords du Rhin, etc.
Il exécuta pour leMaximilianeum plusieurs grandes peintures
à l'huile : Frédéric Ier Barberousse, Henri le Lion, le
Siècle de Périclès. Il fournit aussi des illustrations pour
les éditions des classiques allemands de la librairie Cotter
à Stuttgart.
FOLTZ (Ludwig), architecte et sculpteur allemand, né à
Bingen, en 4809, mort à Munich en 4867, frère du précédent.
Il fut mis très jeune dans l'atelier de l'architecte Arnold à
Strasbourg, où il travailla à la restauration de la cathé-
drale ; puis il eut comme maîtres successivement Lassaulx
à Coblentz, le sculpteur Scholl à Mayence, enfin Schwan-
thal à Munich. Tout en étudiant la sculpture, il poursuivit
ses travaux d'architecture ; la restauration du château
historique du ministre Armansperg, et l'achèvement de la
villa que le roi Max se faisait construire à Ratisbonne
dans le style gothique, le mirent hors de pair. Nommé
professeur d'ornement à l'Ecole polytechnique de Munich,
il restaura le Residenztheater, termina le château de Taxis
en Wurttemberg, bâtit le château de Braunenburg, la cha-
pelle funéraire de la princesse Léopoldine à Steppen. Par
ses œuvres et ses enseignements il contribua beaucoup à
remettre le gothique en honneur. — Comme sculpteur, il
s'est consacré presque uniquement à la décoration de l'église
de la Vierge à Munich, où il a exécuté ou dessiné les
Douze Apôtres, trente autres statues de pierre, quarante
figurines en bois, cinq autels, etc., dans le style du
xive siècle. Il a également donné à l'industrie un grand
nombre de modèles.
FOLZ (Hans), poète allemand de la seconde moitié du
xve siècle. Il mourut vers 1515 ; on croit qu'il était natif
de Worms. Il était barbier et chirurgien à Nuremberg, et
il appartenait à la corporation des maîtres-chanteurs de
cette ville. Ses œuvres se composent de meistergesœnge,
de sentences, de contes et de jeux de carnaval. C'est par
ses jeux surtout qu'il s'est fait une réputation ; ce sont des
scènes d'un comique trivial et qui n'ont pu plaire qu'à une
époque barbare. Une partie des œuvres de Folz ont élé
réimprimées dans les Fastnachtspiele de A. von Keller
(Stuttgart, 1851-1859, 3 vol. et un supplément) et dans les
Erzœhlungen aus altdeutschen Handschriften du même
auteur (Stuttgart, 1855). A. B.
FOMENTATION. Application sur une partie du corps,
dans un but thérapeutique, de substances diverses, solides
ou liquides, dont la température a été élevée artificielle-
ment. Par extension (en contre-sens avec le mot fomenta-
tion), on appelle parfois ainsi des applications froides. Pour
faire des fomentations, on se sert de linges, de compresses,
de flanelles, d'épongés imbibées du liquide médicamenteux
(fomentations humides), ou de pièces de linge ou de fla-
nelle chauffées, ou encore de petits sacs de toile renfermant
des matières pulvérulentes telles que sable, son, poudres
de plantes, etc. (fomentations sèches). Les fomentations
demi-liquides constituent les cataplasmes (V. ce mot).
On donne encore le nom de fomentation au liquide même
qu'on emploie et à cet égard on distingue les fomentations
simples faites avec des liquides simples et les fomentations
composées faites avec des liquides renfermant une sub-
stance médicamenteuse en solution. Enfin on désigne les
fomentations humides soit d'après la nature du liquide :
aqueuses, vireuses, vinaigrées, huileuses, etc., soit d'après
la nature de la substance dissoute : émollientes, narco-
tiques, aromatiques, toniques, astringentes, résolutives,
antiseptiques, diurétiques. Le degré de température a
son importance; s'il est élevé, la fomentation est exci-
tante. Les fomentations s'emploient dans les maladies
cutanées, l'érysipèle, les fluxions, engorgements, tumeurs,
ophtalmies, etc. Dr L. Hn.
FOMEREY. Corn, du dép, des Vosges, arr. et cant.
d'Epinal; 165 hab.
FOMINE (Alexandre-Ivanovitch), historien russe, né
dans le gouvernement d'Arkhangelsk en 1713, mort en
1802. En 1789 il fonda à Arkhangelsk une société qui avait
pour objet de recueillir des documents scientifiques et de les
transmettre à l'Académie des sciences. Il devint correspon-
dant de cette Académie et directeur du gymnase d'Arkhan-
gelsk. On lui doit un grand nombre de travaux historiques,
publiés les uns dans les Travaux de la Société savante
adjointe à l'université de Moscou (1774-1783), les
autres dans Y Ancienne Bibliothèque russe. Il a écrit en
outre une Description de la mer Blanche (Saint-Péters-
bourg, 1797). L. L.
— TOI — FOLTZ — FONÇAGE
FOMPERRON. Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay, cant. de Ménigoute; 845 hab.
FONBEAUZARD. Coin, du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. (N.) de Toulouse; 129 hab.
FONB LAN QUE (John de Grenier), jurisconsulte anglais,
né en 1760, mort à Londres le 4 janv. 1837. Fils d'un
Français naturalisé Anglais et grand banquier de Londres,
il fit ses études à Oxford et se fit inscrire au barreau de
Londres en 1783. Il acquit bientôt une réputation consi-
dérable en plaidant surtout de grosses affaires commer-
ciales. Del802 à 1806, il représenta Camelfordàla Chambre
des communes. Conseil du roi (1804), Fonblanque était
un ami personnel du prince de Galles. Il a publié avec de
considérables additions le Treatise on equity, de Henry
Ballow (Londres, 1820, 5e éd.) et écrit A Serions Exhor-
tation to the Electors of Great Britain (1791) et Doubts
as to the expediency of adopting the recommendation
of the Bullion Commutée (1810).
FONBLANQUE(John-Samuel-Martin de Grenier), juris-
consulte anglais, né à Londres en mars 1787, mort à Brig-
ton le 3 nov. 1865, fils du précédent. Il fit ses études à
Cambridge où il fut un des fondateurs de V Union Debating
Society, s'engagea dans la ligne, servit à Cadix, à Gibral-
tar, en Italie, puis en Amérique où il assista à la prise de
Washington, à la bataille de Baltimore et à la défaite de
la Nouvelle-Orléans, où il fut fait prisonnier. Après Water-
loo il fit partie de l'armée d'occupation. Revenu en Angle-
terre en 1816, il s'inscrivit au barreau de Londres et
devint commissaire de la cour des faillites. Il a laissé :
Médical Jurisprudence (Londres, 1823, 3 vol.) en colla-
boration avec J. -A. Paris; Observations on the bill for
the consolidation and amendment of the laws relat-
ing toBankrupts (1824). Il a été l'un des fondateurs de
The Jurist (1 827), revue de jurisprudence et de législation.
FONBLANQUE (Albany-William), publiciste anglais,
né en 1797, mort à Londres le 13 oct. 1872. Colla-
borateur du Morning Chronicle, puis de Y Examiner,
il y défendit, pendant près de trente ans, les doctrines
du parti libéral, et devint directeur de ce journal. Il le
quitta après sa nomination au poste de chef de la statis-
tique au ministère du commerce. Fonblanque, qui avait
une haute réputation de l'autre côté du détroit, a laissé
un ouvrage : England under seven administrations
(Londres, 1837).
FO N Ç A G E. L Mines.— Foncer un puits peut être le travail
le plus simple et le plus difficile ; quelquefois les difficultés
s'élèvent jusqu'à l'impossibilité. Il faut, en effet, non seu-
lement excaver le sol, mais soutenir les parois sur des
hauteurs considérables ; il faut traverser tous les terrains
qui peuvent se présenter; il faut, enfin, dominer, masquer,
autant que possible, les eaux des terrains aquifères. Les
puits de mines sont appelés fosses lorsqu'ils débouchent
au jour, et bures ou beurtas lorsqu'ils sont renfermés
à l'intérieur. On désigne sous le nom d'avaleresse un puits
en fonçage, particulièrement lorsque l'opération est très
gênée par les eaux (V. Avaleresse, t. IV, p. 839). La
hauteur des puits peut varier depuis les chiffres les plus
minimes jusqu'à l'énorme profondeur de 1,100 m. ; la
section affecte diverses formes (V. Puits). Si le terrain est
suffisamment solide, le fonçage des puits ne présente
aucune difficulté, on n'a qu'à exécuter successivement les
opérations de l'abatage et du boisage. Après avoir effectué
le fonçage, sur la hauteur jugée convenable, on pose un
cadre porteur au pied de cette travée, et, sur cette base, on
élève des cadres successifs, en les mettant, autant que
possible, en serrage contre la roche pour soulager le cadre
porteur : c'est le mode montant. Si, au contraire, le
terrain ne peut être laissé à nu que sur de très faibles
hauteurs, on emploie le mode descendant; on commence
alors à poser pour la première travée un cadre de super-
ficie qui déborde largement sur les dimensions de la
section, de manière à porter sur la roche, et pour les
suivants un cadre porteur enclavé dans des potelles. On
FONÇAGE
- 702 -
se rattache alors à ce point d'appui en suspendant les uns
aux autres, au moyen d'écrans, les cadres successifs, chaque
fois que l'on s'est approfondi suffisamment pour la pose
d'un nouveau cadre. On procède dans cette méthode, comme
dans les exemples suivants, par niveau bas, c.-à-d. en
épuisant les eaux au fur et à mesure de leur venue. Si le
terrain est inconsistant, sans être encore aquifère, on
franchit cette passée au moyen du poussage, comme pour
les galeries de mines (V. Bouclier [Mines], t. VII, p. 578),
en remarquant qu'ici le front de taille se trouvant hori-
zontal et placé sous les pieds de l'ouvrier, il est inutile
d'introduire la complication du bouclier. Il reste à consi-
dérer le cas d'un terrain sérieusement aquifère. Nous ren-
verrons, pour les détails de l'opération du fonçage, à un
autre article (V. Avaleresse, t. IV, p. 839).
Avec les méthodes précédentes, on risque d'avoir à do-
miner de telles venues d'eau que tous les efforts y échouent
et que l'on est obligé d'abandonner le fonçage. Avec le
système à niveau plein, on supprime l'épuisement et on
évite l'affouillement du massif environnant par les terrains
souterrains qui alimentent la venue d'eau dans le puits,
en y entraînant toutes les parties meubles. On rattache à
ce principe quatre méthodes distinctes : le système de la
trousse coupante, les procédés Triger, Chaudron et Pœtsch.
On emploie le procédé de la trousse coupante pour tra-
verser des terrains que leur manque de consistance rend
impraticables. Le cuvelage se construit alors hors de terre
par anneaux successifs, au fur et à mesure que l'on déter-
mine son enfoncement dans le sein de la terre. Pour aider
cette descente, on munit la couronne inférieure d'un sabot
tranchant qui coupe le terrain en le refoulant dans le sens
de son biseau, vers l'intérieur, d'où on l'extrait directe-
ment avec des dragues. L'enfoncement est provoqué par le
poids de la trousse, du cuvelage et, s'il le faut, de poids
supplémentaires. On contrôle incessamment la verticalité
à l'aide d'un fil à plomb ; lorsque la trousse tend à se dé-
verser d'un certain côté, on contient sur des tiges reliées
à la surface la partie qui prend cette accélération et l'on
agit du côté opposé, en affouillant par dessous et pressant
sur le sommet, de manière à redresser le cuvelage. Quand
l'opération est terminée et le cuvelage assis sur sa base,
on le trouve ordinairement trop fatigué pour offrir des
chances suffisantes de durée ; on ne le considère alors que
comme une défense provisoire et l'on élève avec soin, à
son intérieur, une tour définitive en maçonnerie.
Dans la méthode Triger, on conserve l'appareil de la
trousse coupante et on lui adjoint l'emploi de l'air com-
primé ; on arrive ainsi à tenir les eaux basses, en leur
opposant une tension égale à la pression hydrostatique qui
est due à leur niveau extérieur. Les hommes travaillent
alors au pied de la trousse, sans pourtant qu'on ait besoin,
en principe, d'extraire aucune quantité d'eau. Un cuvelage
métallique, muni d'un sabot tranchant, s'accroît à la partie
supérieure par l'adjonction de viroles successives. Des cloi-
sons placées dans ce cuvelage y ménagent deux comparti-
ments fermés ; le premier, appelé la chambre du travail, se
trouve au fond du puits et constamment soumis à la ten-
sion du compresseur, dont il reçoit l'air par un tube
débouchant au plafond. Le second compartiment porte le
nom de sas à air; on le met en équilibre de pression, tan-
tôt avec la chambre de travail, tantôt avec l'air extérieur.
L'air comprimé lui est fourni au moyen d'une tubulure
insérée sur le tuyau précédent. Deux trappes, qui ne seront
jamais ouvertes à la fois, servent à ménager ces commu-
nications alternatives. Le fonçage à l'air comprimé ne
pourra être employé que lorsque la hauteur d'eau à main-
tenir ne dépassera pas 30 m., les ouvriers ne pouvant
travailler sans danger dans une atmosphère comprimée à
plus de trois atmosphères effectives. Il devra être préféré
toutes les fois que, sur une hauteur de quelques mètres,
on aura à traverser des terrains très inconsistants.
Le procédé Chaudron peut s'appliquer au plus grand
nombre des cas, mais il n'est économique et par conséquent
indiqué que lorsque les morts-terrains aquifères atteignent
des profondeurs supérieures à 30 m. On y doit distinguer
deux parties essentielles, le sondage à niveau plein (V. Son-
dage) et l'établissement du cuvelage. Le cuvelage s'accroît
à son sommet par l'adjonction de viroles successives ; il
est soutenu par six tringles de suspensions filetées en vis
à leur partie supérieure et passant dans des écrous sup-
portés par une charpente. En tournant ces derniers, on
fait descendre les tringles d'une longueur égale à la hau-
teur d'une virole ; seulement, il est évident que, sans l'em-
ploi de moyens détournés, il n'y aurait pas de charpente
capable de supporter des cuvelages métalliques ; c'est ici
que s'introduit une des deux créations essentielles de
M. Chaudron : le tube d'équilibre. Supposons que le cuve-
lage soit complètement fermé par une cuvette à la partie
inférieure, ce sera un navire qui finira par flotter libre-
ment sur l'eau, quand il s'y sera enfoncé de la quantité
que l'on appelle le déplacement et qui se mesure par un
nombre de mètres cubes égal au nombre de tonnes de son
poids ^ Arrivé à ce point, le cuvelage refusera d'enfoncer,
mais il n'exercera plus de pression sur les tringles. Pour
le faire filer plus bas, il faudra le charger de lest. A cet
effet, la cuvette inférieure, réduite à une simple couronne
annulaire évidée en son centre, porte un tube s'allongeant
par le haut comme le cuvelage lui-même. L'eau y prend
son niveau naturel, et il suffit, pour l'introduire en quantité
voulue dans l'espace annulaire, en vue d'accroître le lest,
d'ouvrir des robinets ménagés à travers des viroles succes-
sives de ce tube. Lorsque les écrous ont été tournés de
manière à déterminer un enfoncement du cuvelage égal à
la hauteur d'une virole, il devient nécessaire d'ajouter une
couronne de plus au sommet. On soutient le cuvelage sur
une clef de retenue ; on démonte les tringles ; on amène
la virole que l'on assemble à la dernière, et l'on y rattache
les tiges qui ont été remontées dans leurs écrous. Il ne
reste alors plus qu'à enlever légèrement tout l'ensemble,
pour dégager la clef que l'on retire ; après quoi, Ton re-
prend la descente. Le système arrive ainsi au fond, mais
rien n'assure encore l'étanchéité du joint avec la roche.
C'est ici que se place la seconde conception de M. Chau-
dron : la boîte à mousse. On a commencé, avant la des-
cente, par disposer à la base du cuvelage une virole spé-
ciale appelée numéro zéro et faisant partie du système qui
porte le tube d'équilibre. A un niveau inférieur à celui de
la cuvette se trouve une cornière annulaire à travers
laquelle sont passés des boulons suspendus par leurs têtes,
mais susceptibles de remonter quand ils y seront sollicités
par dessous. Pour le moment, ils contiennent la boîte à
mousse, c.-à-d. un cylindre d'un diamètre un peu moindre
que celui du cuvelage et capable d'y glisser en remontant,
s'il s'y trouve provoqué. Entre son collet inférieur et celui
du numéro zéro, on a accumulé une quantité suffisante de
mousse comprimée et retenue sur le pourtour par un filet
pour empêcher qu'elle ne se disperse pendant la descente.
Quand le cuvelage arrive au fond, c'est la boîte à mousse
qui porte la première ; la colonne continue son mouvement
en comprimant la mousse. Ce n'est que lorsque cette der-
nière aura acquis un degré de tension élastique, capable
d'équilibrer ce poids gigantesque, que celui-ci s'arrêtera ;
on comprend, d'après cela, que la mousse pénètre dans
les moindres interstices. Il est nécessaire d'unir le cuve-
lage à la roche, dont il est séparé par un jeu nécessaire
pour éviter les frottements à la descente ; on y parvient à
l'aide de béton descendu dans des cylindres appelés cuillers.
Au fond se trouve un piston par-dessus lequel on tasse le
béton, et, la cuiller descendue au fond dans la position
renversée, on tire plusieurs fois, de manière à chasser le
contenu au dehors, tant par sa propre secousse que par
celle du piston.
Le procédé Pœtsch repose, pour le fonçage des puits,
sur la congélation. On congèle la masse du terrain sur une
épaisseur suffisante pour maintenir la pression hydrosta-
tique environnante pendant le temps nécessaire pour effec-
703 -
FONÇAGE — FONCINE
tuer le fonçage et exécuter le muraillement. M. Pœtsch,
dans ce but, enfonce, en ceinture autour du puits, une
série de vingt-trois tubes creux en fer de 0m20 de dia-
mètre, munis à leur partie inférieure d'un sabot tranchant.
Une fois arrivés au ferme, on les obstrue à la base avec
une fermeture de plomb, de ciment et de goudron ; puis
on descend dans leur intérieur d'autres tubes plus petits
percés de part en part, coifiés de chapeaux à tubulures et
permettant d'y distribuer un liquide réfrigérant qui arrive
du jour par un tuyau conique. Le courant pénètre dans
chaque tube central sous la pression d'une pompe foulante
et remonte tout autour jusqu'au chapeau ; tous ces cou-
rants de retour sont eux-mêmes réunis et renvoyés à la
surface dans un autre tuyau conique. Le liquide froid sou-
tire le calorique du terrain, en s'en chargeant par lui-
même, et retourne s'en dépouiller sous l'action d'une ma-
chine frigorifique à ammoniaque. Le fluide est une solution
de chlorure de calcium à 40° Baume et la machine frigo-
rifique l'envoie dans la profondeur à une température de
— 25° ; il en ressort à — 19° pour être de nouveau
refroidi et refoulé d'une manière continue. On a ainsi
obtenu, au bout de trente jours de congélation, une masse
qui excédait de 1 m. environ les dimensions de la section
du puits et l'on jugea son épaisseur suffisante pour la tra-
verser par le fonçage. Plusieurs puits ont été foncés par
cette méthode qui, en réalité, doit plutôt se ranger dans
les méthodes de sondage à niveau bas. L'inventeur retire
de ce procédé une grande certitude dans les résultats, en
ramenant les conditions les plus compliquées des terrains
aquifères au cas simple d'une masse solide de dureté
moyenne et en évitant les soutènements immédiats, ainsi
que les dépenses qu'entraîne l'épuisement des eaux. L. IL
IL Travaux publics (V. Fondation).
FONCEGRIVE. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Selongey; 121 hab.
FONCEMAG NE (Etienne Lauréault de), érudit et litté-
rateur français, né à Orléans le 23 mai 1694, mort à
Paris le 26 sept. 1779. Il entra d'abord dans la con-
grégation de l'Oratoire et professa les humanités à Sois-
sons, mais le mauvais état de sa santé le força à aban-
donner l'enseignement et à retourner dans la maison
paternelle. Il renonça alors à la carrière ecclésiastique. Le
duc d'Antin le prit sous sa protection, l'appela à Paris et
créa pour lui, en 1723, à l'imprimerie royale, une place
d'inspecteur. Foncemagne occupa ce poste jusqu'en 1737. En
1733, il avait succédé à Félibien comme gardien de la salle
des Antiques du Louvre. Il dut se démettre de cette charge
lorsqu'il eut été choisi, en 1752, par le duc d'Orléans pour
être le sous-gouverneur de son fils, le duc de Chartres. Il
n'accepta d'ailleurs ces fonctions qu'après une longue ré-
sistance et les résigna, en 1758, après la mort de sa
femme, Violette de Beaumarchais. En 1722, il était entré
à l'Académie des inscriptions et belles-lettres et, en 1737,
à l'Académie française. Foncemagne passa les dernières
années de sa vie « dans un état de souffrance presque con-
tinuel ». Son éloge fut prononcé par Dupuy, à l'Académie
,des inscriptions, dans la séance de Pâques 1780 (Hist. de
l'Acad. des iriser., 1793, t. XLV, pp. 73-84). Foncemagne
a composé de nombreuses dissertations sur différents points
de l'histoire de France. Elles sont toutes imprimées dans
V Histoire et mémoires de V Académie. Nous citerons :
la Déesse Laverne (V, 10); Mémoires pour établir
que le royaume de France a été successif, hérédi-
taire dans la première race (VI, 680; VIII, 464);
Grégoire de Tours ne peut être V auteur de la Vie de
saint Yrier (VII, 278) ; Sur le Partage du royaume de
France dans la première race (VIII, 476); Si les filles
ont été exclues de la succession au royaume, en vertu de
la loi salique (VIII, 490) ; Sur l'Etendue du royaume
sous la première race (VIII, 504) ; Examen d'une opi-
nion de M. le comte de Boulainvilliers sur V ancien gou-
vernement de France (X, 525) ; Vues sur les tournois
et la Table ronde (XVIII, 311) ; Remarques sur deux ins-
criptions concernant le chancelier de V Hôpital (XVIII,
372) ; Observations sur la tradition touchant le voyage
de Charlemagne à Jérusalem (XXI, 149) ; Eclaircisse-
ments sur quelques circonstances du voyage de
Charles VIII en Italie et particulièrement sur la ces-
sion que lui fit André Paléologue du droit qu'il avait
à l'empire de Constantinople (XVII, 539) ; Examen des
différentes opinions proposées sur l'origine de lamaison
de France (XX, 548) ; Mémoire sur l'origine des armoi-
ries (XX, 579). Foncemagne a composé, en outre, une
Dissertation sur la fable du royaume d' Yvetot, qui a été
imprimée par dom Toussaints du Plessis, dans sa Descrip-
tion de la Haute-Normandie (Paris, 1740, t. I, p. 173,
in-4). Il a enfin défendu avec raison contre Voltaire l'authen-
ticité du Testament politique du cardinal de Richelieu.
Les lettres qu'il publia à ce sujet ont été plusieurs fois
réimprimées. C. Couderc.
FONCHES. Corn, du dép. de la Somme, arr. de Mont-
didier, cant. de Roye; 210 hab.
FONCHETTE. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Montdidier, cant. de Roye; 39 hab.
FONCIER (Crédit) (V. Crédit foncier).
Impôt foncier (V. Contributions directes, Impôt).
FONGIN (Pierre), historien, géographe et inspecteur
général de l'Université, né le 2 mars 1841 à Limoges, où
son père était censeur des études. Elève tour à tour dans
les divers collèges ou la carrière administrative amena son
père, il acheva brillamment ses études à Amiens, puis vint
comme élève de Sainte-Barbe refaire sa rhétorique à Louis-
le-Grand, où il eut en 1860 le prix d'honneur au con-
cours général. Entré à l'Ecole normale cette même année,
il en sortit agrégé d'histoire en 1863, enseigna sucessi-
vement aux lycées de Carcassonne, de Troyes, de Mont-
de-Marsan et enfin de Bordeaux (1869-1876). Docteur
es lettres en 1 876 avec ces thèses : Pagus Garcassonnensis,
et Essai sur le ministère de TurgotÇm-S), il fut nommé
aussitôt professeur de géographie à la Faculté des lettres
de Bordeaux. En avr. 1879 il devint recteur de l'académie
de Douai. Paul Bert l'appela le 17 nov. 1881 à la direction
de l'enseignement secondaire ; mais il tomba avec ce mi-
nistre, et fut nommé le 9 févr. 1882 inspecteur général
de l'instruction publique. En dehors de ses thèses, M. Fon-
cin a publié : Guide à la cité de Carcassonne (Carcas-
sonne, 1866, in-4 6) ; les Alliés à Troyes et en Cham-
pagne (Troyes, 4867, in-8) ; le Département des Landes,
dans la collection Joanne (4868); Textes et Récits d'his-
toire de France (Paris, 1873, in-16), souvent réédités ;
un cours élémentaire de Géographie en quatre années
(cartes en regard des leçons) (Paris, 1874-1889); Géo-
graphie historique, Géographie générale, Atlas (sans
texte) (Paris, 1885-90) ; Géographie de la France (ibid.,
1894). Ces ouvrages d'enseignement, très répandus, ne
représentent qu'une partie de l'activité de M. Foncin :
plein d'initiative et doué d'un rare esprit d'organisation,
il a attaché son nom à plusieurs œuvres et^fondations
utiles, au service desquelles il a mis sa parole et sa plume,
depuis la Société des lettres, arts et sciences de Mont-de-
Marsan (1867) jusqu'à l'Alliance française (pour la pro-
pagation de notre langue à l'étranger) dont il est secré-
taire général depuis sa fondation en 1883, et dont il dirige
le Bulletin. La Société de géographie commerciale de
Bordeaux, avec ses nombreuses sections, lui doit la meil-
leure part de son développement si utile (1874 à 1879).
L'Union géographique duNord lui doit sa fondation (1880),
et il a contribué à celle de l'Ecole coloniale, dont il pré-
side le conseil d'administration. Enfin il a beaucoup écrit
dans les revues, surtout sur l'Algérie et la Tunisie, qui
ont fait de sa part l'objet d'un rapport remarqué au Con-
grès colonial national de 1890. C'est un des collaborateurs
de la Grande Encyclopédie. H. M.
FONCINE-le-Bas. Com. du dép. du Jura, arr. de Po-
ligny, cant. des Planches-en-Montagne ; 519 hab.
FONCINE-le-Haut. Com. du dép. du Jura, arr. de
FONCINE — FONCTION — 704 —
Poligny, cant. des Planches- en-Montagne, au fond de la
vallée de la Sène, près de la source de cette rivière;
4,142 hab. La paroisse ne remonte qu'au xvir3 siècle,
mais le territoire qu'elle comprend formait depuis long-
temps une seigneurie relevant de Château- Vilain.
FONCQUEVILLERS.Com.dudép.duPas-du-Calais,arr.
d'Arras, cant. de Pas ; 698 hab.
FONCTION. I. Physiologie (V. Physiologie).
II. Mathématiques. — Autrefois on appelait fonctions
d'une quantité les diverses puissances de cette quantité.
Depuis, le sens du mot fonction a été changé, et aujourd'hui
on dit que deux quantités sont fonctions l'une de l'autre
quand l'une prenant des valeurs déterminées l'autre prend
des valeurs déterminées. — En d'autres termes : deux
quantités variables sont fonctions l'une de l'autre quand
l'une restant constante l'autre reste constante; par exemple
x2,\Jx sont fonctions de x; (x-hy)3 est fonction de x + y;
mais xy n'est pas fonction de x + y parce que x -f- y
restant constant il n'en est pas de même forcément de xy.
— Une quantité A est fonction de plusieurs autres quand
celles-ci restant constantes A reste constante.
Fonctions analytiques, empiriques. — Une fonction
analytique est celle que l'on peut faire connaître au moyen
des signes employés en analyse; telle est la fonction
\tx2 -f- y2 -f- z2 àex,y,z. Une fonction qui n'est pas
analytique est empirique; par exemple la température d'un
lieu est fonction empirique du temps.
Fonctions implicites, explicites. — Une fonction ana-
lytique est explicite quand on en donne l'expression immé-
diate; #4, x-\-y2... sont des fonctions explicites; une
fonction est implicite, quand elle est l'inconnue d'une ou
de plusieurs équations non actuellement résolues : y est
une fonction implicite de x si l'on a x2 -f- y2 = 4 ; elle
devient explicite quand on la tire de cette équation et que
l'on pose y •= %ji — x2.
Fonctions continues, discontinues. — Si nous désignons
par la notation f(x) une fonction de x et par f (a) la va-
leur qu'elle prend pour x ~ a, on peut dire que f (x) est
continue pour x = a, si x subissant à partir de a un ac-
croissement infiniment petit quelconque, il en résulte pour
f(a) un accroissement toujours infiniment petit (V. Continu) .
Fonction croissante, décroissante (V. Croissant).
Fonctions simples . — Fonctions de fonctions. — Fonc-
tions composées. — Les fonctions simples sont celles dont
on fait usage pour former les autres ; il est impossible d'en
donner une définition précise, la simplicité étant une chose
tout à fait relative ; toutefois on considère comme simples
les fonctions xm, a00-, sin x, auxquelles il faut joindre une
foule de transcendantes qui ne peuvent pas s'exprimer au
moyen de celles-ci, par exemple la fonction V (x) d'Euler
et de Legendre. — Si u est fonction de v, si v est fonction
de w, ... et si y est fonction de x on dit que u est fonc-
tion de fonction de x. — Soient w, v, w des fonctions de x
en nombre quelconque, soit F (w, t>, w) une fonction de u,
v, w, on dit que F est fonction composée de x.
Fonctions entières, rationnelles, algébriques, trans-
cendantes. — On appelle fonctions {entières (V. ce mot)
les polynômes entiers, fonctions rationnelles, les quotients
de deux fonctions entières ou réductibles à cette forme.
Si y peut être définie comme racine d'une équation de la
forme f {x, y) = 0, où /"désigne une fonction entière de
x et y, on dit que y est une fonction algébrique. Toute
fonction qui n'est pas algébrique est transcendante.
Fonctions génératrices (V. Génératrices).
Fonctions homogènes. — On appelle fonctions homo-
gènes les fonctions de plusieurs variables x,y,z...,t qui
se trouvent multipliées par une puissance de k quand on
change x, y,... t en kx, %,... kt; l'exposant de cette
puissance de k est le degré de la fonction (V. Homogène).
Fonctions symétriques, alternées. — On appelle fonc-
tion symétrique de x,y,z,... t une fonction qui ne change
pas de valeur en permutant ses variables \x-\-y-\-z, xyz
sont des fonctions symétriques àex, y, z (V. Symétriques).
Une fonction alternée est une fonction qui change simple-
ment de signe quand on permute deux lettres; le carré d'une
fonction alternée est évidemment symétrique (V. Alterné).
Fonctions de variables imaginaires, Monodromes, Mono-
gênes, Synectiques, Holomorphes, Méromorphes, Uni-
formes, Multiformes. — On appelle en général fonction
de x -f y V — - 1 une expression de la forme X + Y y/ — 4
où X et Y sont fonctions de x et y. Mais un grand nombre
de géomètres ne considèrent X-j-Yy/^1 comme fonction
de x -f- y \/ — 1 que si X + Y \J — 1 a une dérivée unique,
nn v t 4 '. dl-i-dY>J~l
en d autres termes que si - — — — ~^ ou
dx-
-4
dX
dx
dx-
dX
■v/"
\-dysl~-
(dY dY 7 \
\Txdx+diïdy)
dx -f- dy y — 4
a une valeur indépendante de -p. On voit facilement que,
pour qu'il en soit ainsi, il faut et il suffit que
dX_dY dX___dY
dx dy* dy dx''
ou que ldy-{-YdxetXdx — Ydy soient des différentielles
exactes. On dit quelquefois avec Cauchy que les fonctions
possédant une dérivée unique sont monogènes.
Une fonction est uniforme quand elle n'a qu'une valeur
pour chaque valeur de sa variable; elle est multiforme
dans le cas contraire ; x2 est une fonction uniforme de x,
\Jx est multiforme ; quelques géomètres remplacent le mot
uniforme par monodrome. Mais il convient d'entrer dans
quelques détails au sujet de ces définitions qui sont incom-
plètes. On représente, comme l'on sait (V. Imaginaires)
la quantité x+ysj — 1 au moyen d'un point qui a pour
coordonnées rectangulaires x et y. Ceci rappelé, traçons
dans le plan des xy un contour fermé qui ne se coupe pas,
ou mieux, considérons une aire continue A, nous dirons
que la fonction u de z = x-+-y \l — i est monodrome
ou uniforme dans cette aire A, si, faisant parcourir au
point £une courbe fermée C quelconque contenue dans cette
aire, la fonction u reprend la même valeur aux mêmes
points de la courbe C ; pour justifier cette définition un peu
étonnante au premier abord, nous allons montrer qu'il y a
des fonctions non monodromes. — Considérons par exemple
la fonction \l z = v x •+• y y — 4; si nous posons
x ~ r Cos Q,y — r Sin 6, r sera le module de z ; 0 sera son
i\/« = r^Cos|+\/-4Sm|y
argument, et l'on aura «
et aussi \l~z = — r2 fCos ^ + \/^Ti Sin ?Y
Considérons l'une de ces valeurs
,2 /,
Cos ^ + si — 4 Sin
in J).
Si nous faisons décrire au point z un cercle ABCD de rayon
R autour de l'origine 0 en partant de A, son argument Ô
représenté par l'angle koz variera en croissant de 0 k 2rc;
A
£ variera alors de 0 à tu, si bien que le point z revenant
en A, 6 qui en partant avait la valeur 0, aura maintenant
la valeur iz; \j z aura donc la valeur
r2 l Cos 7c -f- y — 4 Sin tc ) ou — r2 en arrivant, tandis
i
que, en partant de A, il avait la valeur + f2. Nous ne
saurions entrer dans plus de détails sans donner à cet
— 705
FONCTION — FONCTIONNAIRE
article un développement trop considérable ; ce que nous
venons de dire suffira pour faire comprendre qu'il y a des
fonctions qui ne sont
pas monodromes.
Une fonction est
synectique ou ho-
lomorphe à l'inté-
rieur d'une aire A,
quand sa variable
restant contenue
dans cette aire, elle
reste finie, continue,
monodrome et mo-
nogène. Une fonc-
tion méromorphe
dans une aire A est
celle qui, abstrac-
tion faite de certains points de cette aire où elle devient
infinie, reste liolomorphe dans cette aire.
Fonctions périodiques. — Une fonction est périodique
et admet la période w, quand elle ne change pas de valeur,
quand sa variable croît de w (V. Période).
Fonctions circulaires ou trigonométriques (V. Circu-
laire), F. elliptiques (V. ce mot); F. hyperboliques
(V. ce mot); F. de Bessel, d'Enter (V. ces noms); F. géné-
ratrices, sizygétiqnes, caractéristique, principale, sphé-
riques (V. ces mots).
Fonction des forces ou fonction potentielle. —
Lagrange dit que dans un système il existe une fonction
des forces, lorsque le travail virtuel des forces qui sollicitent
ce système est une différentielle exacte ; l'intégrale de cette
différentielle est alors la fonction des forces. — Cette
fonction des forces porte le nom de potentiel ou de fonction
potentielle (on ne voit pas pourquoi) lorsque les forces
proviennent de l'action mutuelle des points du système et
varient en raison inverse du carré des distances et propor-
tionnellement aux masses enjeu (V. Force vive).
H. Laurent.
Bibl. : La théorie des fonctions de variables imaginaires
a été créée par Cauchy, c'est dans les œuvres de ce grand
géomètre qu'il convient de l'étudier. — V. Jordan, Cours
d'analyse, t. II. — Laurent, Traité d'analyse, t. III. — Le
commencement de la Théorie des fonctions doublement
périodiques deBRiOT et Bouquet.— Le Cours lithographie
de M. Hermite, à la Sorbonne, etc.
FONCTIONNAIRE. Dans l'art. Administration (t. I,
pp. 581 et suiv.) on a exposé, avec tous les développements
nécessaires, l'organisation générale de l'autorité adminis-
trative et du personnel administratif, aussi bien dans
l'antiquité que dans les temps modernes, aussi bien à
l'étranger qu'en France. Nous ne reviendrons donc point
ici sur ces questions déjà élucidées, non plus que sur celles
relatives à l'admission aux fonctions publiques, à leur col-
lation, au cautionnement, au cumul, aux incompatibilités,
aux pensions de retraites, etc., qui sont traitées sous des
rubriques spéciales (V. Age, Cautionnement, Concours,
Constitution, Cumul, Incompatibilité, Pension). Nous trai-
» terons uniquement de la qualité, des droits, des obligations,
de la responsabilité et des garanties des fonctionnaires.
I. France. — Il n'existe point de définition suffisamment
claire et compréhensive du mot fonctionnaire public , et ce
manque de précision a donné lieu souvent à de graves dif-
ficultés juridiques. On peut, d'une manière très générale,
ranger sous ce terme toutes les personnes qui sont chargées
d'assurer la marche des services publics, qui détiennent, à
ce titre, une portion si minime soit-elle de l'autorité pu-
blique et qui émargent au budget de l'Etat, du départe-
ment ou de la commune. Cette définition, quoique impar-
faite, explique bien pourquoi les employés des caisses
d'épargne, les avocats, les notaires même, les experts, les
officiers ministériels, les commissaires-priseurs, les huis-
siers, les secrétaires de mairie, etc., ne sont pas consi-
dérés comme fonctionnaires, tandis que les députés et les
sénateurs, les préfets et les maires le doivent être. Il y a
grande encyclopédie. — XV/1,
toujours eu doute sur le point de savoir si les ministres
de divers cultes sont ou non des fonctionnaires.
Pour être fonctionnaire- en France, il faut être Français,
avoir un certain âge (V. ce mot), remplir certaines con-
ditions de capacité qui varient suivant les administrations
et sont généralement constatées par des examens souvent
très simples, parfois très ardus, présenter un casier judi-
ciaire intact et avoir satisfait aux obligations des lois mili-
taires. Exception est faite pour les fonctions des agents
diplomatiques et des préfets qui peuvent être confiées, sans
la moindre justification préalable d'aptitude, aux personnes
dont le gouvernement juge le concours utile. Les fonction-
naires sont nommés par le président de la République soit
directement, soit par délégation. Les nominations qui ne
sont pas faites directement par lui le sont soit par les mi-
nistres, soit par les présidents des deux Chambres, par les
préfets, etc. Enfin, pour en terminer avec ces généralités,
mentionnons les conditions que doivent remplir les fonc-
tionnaires avant d'avoir le droit d'exercer leurs fonctions ;
ce sont : la prestation d'un serment professionnel (V. Ser-
ment), le serment politique ayant été aboli en 1870, une
réception officielle, le dépôt d'un cautionnement (V. ce
mot), le visa ou l'enregistrement des commissions.
Les rapports de commandement et d'obéissance existant
entre fonctionnaires du même ordre ou du même corps sont
réglés par la hiérarchie (V. ce mot); les rapports entre
fonctionnaires de corps différents sont réglés par les lois
de préséance (V. ce mot) ; les rapports qui doivent exister
entre eux dans une cérémonie publique sont réglés par la
loi des honneurs (V. ce mot)'. De même le port du cos-
tume a été institué pour faciliter l'action des fonctionnaires
dans leurs rapports avec le public et pour établir entre eux
de nettes distinctions fort utiles au point de vue de la
hiérarchie. Les ecclésiastiques sont astreints au port du
costume sacerdotal (V. Habit ecclésiastique) , les pro-
fesseurs au port d'une robe d'étamine noire rehaussée d'une
chausse et d'une bordure, les membres de cours ou tribu-
naux au port du costume d'audience ; de même ceux de la
cour des comptes, les préfets et sous-préfets, les secré-
taires et conseillers de préfecture. Les officiers de la police
judiciaire et les agents sous leurs ordres, les agents des
postes et télégraphes, les officiers et soldats des armées de
terre et de mer portent un uniforme (V. ce mot). Les
maires et adjoints portent l'écharpe tricolore. Les gardes
champêtres doivent avoir au bras une plaque de métal où
sont inscrits les mots la Loi, le nom de la commune et le
nom du garde. Les sénateurs et les députés ont des insignes
(V. ce mot). L'usurpation du costume ou de l'uniforme est
punie par le code pénal (art. 259).
Les fonctionnaires reçoivent un traitement fixe, payable
par mensualité. C'est la règle générale. Elle comporte
quelques exceptions : 1° les conseillers généraux, les con-
seillers d'arrondissement, les conseillers municipaux, les
maires, les adjoints, les juges au tribunal de commerce ne
reçoivent point de traitement ; 2° les conservateurs des
hypothèques, les receveurs des contributions et de l'enre-
gistrement, les percepteurs sont payés par remises propor-
tionnées aux recettes qu'ils font ; 3° les greffiers des tri-
bunaux, les chanceliers des missions diplomatiques reçoivent
un traitement fixe et un traitement éventuel ; 4° les curés
ont un casuel (V. ce mot) ; 5° les officiers ont une solde
(V. ce mot). Aux traitements viennent s'ajouter certaines
indemnités. Ainsi un grand nombre de fonctionnaires sont
logés par l'Etat (V. Logement), chauffés et éclairés par lui
ou bien ils reçoivent des indemnités de logement ; certains,
comme les agents des douanes, touchent des primes spé-
ciales (V. Douane) ; les archevêques et évêques touchent
des indemnités de premier établissement ; les officiers géné-
raux, les trésoriers-payeurs généraux, les préfets ont des
fonds spéciaux alloués pour leurs frais de bureau. Enfin,
les fonctionnaires directement rétribués par l'Etat ont droit
à une pension de retraite pour laquelle ils subissent une
certaine retenue sur leur traitement (V. Pension). Sont dis-
45
FONCTIONNAIRE
— 706
pensés de la retenue : les ministres, les sous-secrétaires
d'Etat, les membres du conseil d'Etat, les préfets, les sous-
préfets, les militaires, les ecclésiastiques. Les traitements
ne peuvent être saisis que jusqu'à concurrence du cinquième
(V. Saisie-Arrêt, Opposition).
Les fonctionnaires étant répartis par grades subdivisés
en classes, l'avancement d'une classe à la supérieure ou
d'un grade au supérieur se traduit par des augmentations
de traitements qui constituent des récompenses pour les
bien méritants : cet avancement n'est pas un droit ; un
fonctionnaire peut être maintenu indéfiniment dans sa classe
ou dans son grade par mesure disciplinaire. Les règles de
l'avancement varient suivant les administrations. Un exemple
pris dans l'administration intérieure du Sénat : Les chefs
de service sont divisés en quatre classes, aux traitements
de 8,000 à 11,000 fr. ; les sous-chefs en quatre classes,
aux appointemnts de 5,000 à 6,500 fr. ; les commis prin-
cipaux en quatre classes, aux appointements de 3,600 à
4,200 fr. ; les commis ordinaires en six classes, de 2,200
à 3,200 fr. d'appointements. Le passage d'une classe à
la classe supérieure s'opère, pour les chefs de service, à
raison de 1,000 fr. et par période de trois ans; pour les
sous-chefs, à raison de 500 fr. et par période de trois
ans ; pour les commis principaux et les commis ordinaires,
à raison de 200 fr. par période de deux ans. Pour passer
d'un grade à un autre, il faut avoir au moins deux ans
de service dans le grade inférieur et l'avancement se fait
toujours au choix.
Des règles analogues sont applicables à l'armée, au corps
des mines, à celui des ponts et chaussées, etc. Cependant
dans l'armée l'ancienneté est, dans une certaine mesure, un
droit à l'avancement. Jadis les gratifications aux employés
étaient en quelque sorte un usage ayant force de loi. Elles
n'ont point complètement disparu. Les ministres en dé-
cernent toujours pour travaux extraordinaires ou sous
d'autres prétextes. Les employés des Chambres en reçoivent
lors des renouvellements des membres du Parlement. Mais,
en somme, les gratifications sont devenues plus rares et
surtout plus restreintes. Comme récompenses éventuelles,
on peut encore citer l'admission dans la Légion d'honneur,
les diverses décorations, Yhonorariat (V. ces mots). Il
est admis que les fonctionnaires ont droit chaque année à
des vacances ou à des congés, mais ces mesures sont accor-
dées en principe à titre exceptionnel et elles ne doivent
jamais interrompre les services publics. C'est pourquoi les
vacances et congés sont soumis à l'autorisation préalable
des fonctionnaires de l'ordre le plus élevé en procédant
hiérarchiquement (V. Congé).
Les fonctionnaires sont de par leur qualité même soumis
à certaines obligations spéciales. Ils doivent exercer en per-
sonne les fonctions qui leur sont confiées, résider dans le
lieu assigné à l'exercice desdites fonctions, et d'une manière
générale avoir une conduite régulière, une tenue convenable
et faire preuve de courtoisie à l'égard du public. Les mili-
taires en activité de service ne peuvent se marier sans l'au-
torisation du ministre de la guerre, de même les employés
des contributions indirectes (service actif) sans l'autorisa-
tion de leur directeur, de même enfin les agents des bri-
gades de douanes sans l'agrément du directeur départemen-
tal. Il y a quelques exceptions à la rigueur des obligations
ci-dessus. Les professeurs de l'enseignement supérieur, les
évêques, les maires peuvent se faire suppléer par des sup-
pléants, des coadjuteurs, des adjoints, les trésoriers géné-
raux par des fondés de pouvoirs agréés par le ministre des
finances.
Les infractions des fonctionnaires à leurs devoirs les
exposent à des peines disciplinaires (pour l'armée et la ma-
gistrature, V. Discipline; pour l'église, V. Culte et Appel
comme d'abus). Pour l'instruction publique, le ministre dis-
pose des moyens suivants : réprimande devant le conseil
académique, censure devant le conseil supérieur de l'ins-
truction publique, mutation d'emplois sur avis du conseil
supérieur, suspension sans privation de traitement, et sus-
pension avec privation de traitement prononcée par le con-
seil académique ou le conseil supérieur en appel. Les préfets
qui nomment les instituteurs et institutrices peuvent pro-
noncer contre eux la révocation, mais à la suite seulement
d'un avis motivé du conseil départemental, et le déplace-
ment sur la proposition de l'inspecteur d'académie. Dans
les autres administrations, les peines disciplinaires consistent
dans l'avertissement, la réprimande, la privation d'avan-
cement, l'amende, la privation de traitement, la destitution.
Les plus graves de ces peines ne peuvent être infligées que
par le ministre et sur l'avis du conseil d'administration.
Les crimes commis par les fonctionnaires dans l'exercice de
leurs fonctions (vols, concussions, corruption, abus d'au-
torité, etc.), sont considérés comme forfaitures (V. ce
mot) et punis de la dégradation civile.
Mais si la loi punit plus durement les fonctionnaires que
les particuliers, elle leur accorde d'autre part des garan-
ties exceptionnelles. Ainsi le président de la République,
les ministres qui auraient commis des crimes dans l'exer-
cice de leurs fonctions ne sont justiciables que du Sénat
constitué en haute cour de justice. Les autres fonctionnaires,
les membres de la magistrature ne peuvent être poursuivis
devant les tribunaux judiciaires que s'il s'agit de faits
personnels et non d'actes administratifs. Même certains
hauts fonctionnaires, en cas de délits correctionnels, com-
mis en dehors de leurs fonctions, sont soustraits à la
juridiction correctionnelle et traduits en assises. Tels sont
les généraux commandant une région ou subdivision, les
archevêques et évêques, les présidents de consistoire, les
membres de la cour de cassation et de la cour des comptes,
les préfets.
Les fonctionnaires ne sont pas responsables des dommages
qu'ils commettent, en dehors bien entendu de toute faute
personnelle. C'est l'Etat qui en répond pour eux. Enfin, les
outrages, violences et diffamations commises contre les
fonctionnaires exerçant légitimement leurs charges, sont
punies par les lois. Toute attaque, toute résistance avec vio-
lence et voies de fait envers les gardes champêtres ou fores-
tiers, la force publique, les employés des contributions et
des douanes, les agents de la police administrative et judi-
ciaire est qualifiée crime ou délit de rébellion et punie
des travaux forcés, ou de la réclusion ou d'emprisonne-
ment et d'amendes. Les magistrats de Tordre administratif
ou judiciaire disposent contre tout outrage ou violence à
leur égard d'un arsenal de pénalités fort dures. Les offenses,
diffamations commises envers les fonctionnaires par la voie
de la presse sont également réprimées par une législation
spéciale (V. Presse).
Les fonctionnaires perdent leurs fonctions soit par décès,
soit par suppression d'emploi, soit par démission, soit par
mise à la retraite. Le décès de certains fonctionnaires (offi-
ciers généraux, ministres, anciens ministres et tous autres
considérés comme dépositaires publics) entraîne l'apposition
des scellés (V. ce mot) ; la démission doit être acceptée
pour être effective. Le code pénal qualifie forfaiture et pu-
nit de la dégradation civique les fonctionnaires qui auraient
arrêté de donner des démissions dont l'objet ou l'effet serait
d'empêcher ou de suspendre soit l'administration de la po-
lice, soit l'accomplissement d'un service quelconque; l'admis-
sion à la retraite a lieu soit sur la demande des fonction-
naires, soit à une époque fixée par les règlements des diverses
administrations, mais si les chefs de service le jugent né-
cessaire. Certains fonctionnaires sont mis de plein droit à
la retraite à un âge déterminé (V. Age et Retraite). Il
existe encore quelques causes mettant fin aux fonctions
publiques, par exemple la perte de la nationalité française,
celle des droits civils, la dégradation civique, la déchéance,
la suspension, la destitution, la révocation, etc.
Nous empruntons au rapport de M. Ballue à la Chambre
des députés (1886, n°1314) l'intéressante statistique ci-
après relative au nombre des fonctionnaires civils fran-
çais, et aux traitements qu'ils reçoivent soit de l'Etat, soit
des départements ou des communes.
— 707 —
FONCTIONNAIRE
DESIGNATION
des
MINISTÈRES ET SERVICES
Ministère des finances
Postes et télégraphes
Justice
Instruction publique (non compris
les instituteurs qui figurent à
Fart. Communes)
Cultes
Beaux-arts
Agriculture
Commerce et industrie
Marine
Colonies
Total
10.915
8.677
247.943
65.436
51.938
10.916
16.864
37.870
1.659
7.067
1.267
317
93
460.962
22.397.500
15.590.000
210.580.000
105.121.500
65.648.000
30.884.000
40.075.000
40.931.000
3.400.000
10.106.000
2.931.000
1.061.000
306.000
549.031.000
Sous l'ancien régime, les fonctions, émanant d'un pou-
voir personnel absolu qui les distribuait à son gré, il ne
pouvait être question de droits et de garanties pour les
fonctionnaires. Leur nomination, leur avancement, leur
révocation dépendaient uniquement du bon plaisir du roi
et de ses représentants. La constitution du 3 oct. 1791 a
proclamé en principe que tous les citoyens doivent avoir un
droit égal à devenir fonctionnaires sans d'autres motifs de
préférence que l'aptitude et le mérite (V. Constitution).
Seulement la réalisation pratique et complète de ce prin-
cipe n'a jamais été obtenue. Les ministres ont un trop grand
intérêt politique à disposer aussi largement que possible
des emplois publics pour se laisser enchaîner par des lois :
ils ont été grandement favorisés dans la voie de la résis-
tance par les membres des assemblées législatives qui ont
les mêmes intérêts électoraux à pousser leurs protégés dans
l'administration. Pourtant des tentatives ont été faites à
diverses époques pour régler définitivement et uniformé-
ment les conditions d'admission et d'avancement dans les
fonctions publiques. En 1843, à la Chambre des députés,
Bignon, rapporteur de la commission du budget de 1844,
proposait de régler, par une ordonnance royale insérée au
Bulletin des lois, l'organisation centrale de chaque ministère.
Cette proposition fut bien votée, mais elle ne fut jamais
exécutée. En 1844, la Chambre fut saisie d'une proposition
ayant pour objet de faire fixer dans une loi des règles pour
l'admission et l'avancement dans les fonctions publiques :
rapportée avec le plus grand talent par Dufaure, cette pro-
position fut rejetée le 6 févr. 1845 par 157 voix contre
156. En 1846, M. de Gasparin reprit la même proposition
qui fut repoussée par la commission nommée pour l'exami-
ner. En 1848, Desiongrais soumit à l'Assemblée constituante
un projet de loi tendant à faire régler par des dispositions
légales l'admission et l'avancement dans les fonctions pu-
bliques. Il ne put aboutir. Une nouvelle proposition fut
portée par Mortimer-Ternaux devant l'Assemblée législative
4e 4 avr. 1849. Adoptée difficilement après trois délibéra-
tions, considérablement réduite et amoindrie, elle fut enfin
votée le 5 juil. 1850. Elle ne consistait plus que dans la
mesure suivante : « Des règlements d'administration pu-
blique détermineront les conditions d'admission et d'avan-
cement pour tous les services publics où ces conditions ne
sont pas réglées par une loi. Ces règlements seront insérés
au Bulletin des lois et au Moniteur. » Cette loi ne fut
jamais appliquée malgré les réclamations réitérées des com-
missions du budget. En 1871 , l'Assemblée nationale nomma
une commission chargée de reviser les services publics. Le
rapport de M. Jozon déposé le 22 juil. 1873 fut renvoyé
au conseil d'Etat d'où il n'est plus sorti. En 4882, un ar-
ticle de la loi de finances réclama de nouveau la réforme
textuellement inscrite dans la loi du 24 juil. 1843 : « Avant
le 14 janv. 1884, l'organisation centrale de chaque minis-
tère sera réglée par un décret rendu dans la forme des
règlements d'administration publique et inséré dans le Jour-
nal officiel. » Les ministres de la justice, de la marine et
des finances finirent par se conformer à ces prescriptions.
La réforme paraissait devoir se borner à ce commencement
d'exécution, lorsque M. Marcel Barthe présenta au Sénat,
le 16 juil. 1885, une proposition de loi fort étudiée sur les
conditions d'admission et d'avancement dans les fonctions
publiques. Cette proposition a eu le sort de toutes les pré-
cédentes. Les autres ministères se sont bornés à publier à
l'Officiel les règlements d'administration publique concer-
nant leur personnel. En sorte qu'aujourd'hui encore on peut
répéter avec M. Marcel Barthe: « En lisant les débats légis-
latifs concernant la question des fonctionnaires, on remarque
que depuis 1843 sous tous les régimes les ministres ont
approuvé la pensée d'une loi réglant les coiiditions d'admis-
sion et d'avancement dans les emplois publics ; qu'il est
reconnu qu'elle serait juste, utile, même nécessaire ; mais
que néanmoins, toutes les fois qu'un projet bien conçu, bien
étudié, a été sur le point d'être voté après une discussion
approfondie, ces mêmes ministres ont eu recours à des
moyens détournés, d'abord pour le faire ajourner et en der-
nière analyse pour le faire rejeter. »
IL Etranger. — Allemagne. Le corps des fonctionnaires
allemands est fortement organisé, soumis à des règlements
assez sévères, mais il jouit, par contre, de garanties plus
sérieuses que dans tous les autres Etats de l'Europe . Sans
compter les fonctionnaires appartenant aux administrations
locales, il faut distinguer les fonctionnaires de l'Empire et
les fonctionnaires des différents Etats.
Les fonctionnaires de l'Empire sont ceux qui ont été
nommés par l'empereur et qui sont obligés par la consti-
tution à obéir aux ordres de l'empereur. Ils sont nommés
à vie (sauf une réserve formelle, insérée dans l'acte déno-
mination) et doivent prêter serment de remplir tous les
devoirs de leurs fonctions. Leur traitement est payé par mois
et par avance; leur veuve ou leurs descendants légitimes
ont droit à l'intégralité de leur traitement pendant le tri-
mestre qui suit leur mort (Gnadenquartal). Tout fonc-
tionnaire est responsable de la légalité de ses actes ; il doit
avoir une tenue convenable, même en dehors de ses fonc-
tions ; il est tenu strictement au secret professionnel, même
après avoir cessé d'être fonctionnaire ; il doit refuser de
déposer comme témoin, sur les faits venus à sa connais-
sance par suite de ses fonctions, à moins d'autorisation
spéciale de ses chefs. Il lui est défendu d'accepter des gou-
vernements étrangers, sans autorisation de l'empereur, un
titre, un présent, une décoration, etc., d'accepter un em-
ploi ou une occupation accessoires auxquels est attachée
une rémunération permanente, d'exercer aucune industrie,
sans autorisation préalable de l'administration supérieure,
d'entrer dans le conseil de direction, d'administration ou
de surveillance de sociétés financières. La mise en dispo-
nibilité avec traitement spécial (Wartegeld) est applicable
à tous les fonctionnaires, par suite de suppression d'em-
ploi. L'empereur peut en outre mettre en disponibilité à
tout moment les fonctionnaires suivants : chancelier de
l'Empire, président de la chancellerie de l'Empire, chef de
l'amirauté impériale, secrétaire d'Etat aux affaires étran-
gères, directeurs et chefs de division à la chancellerie de
l'Empire, au département des affaires étrangères et dans les
ministères, les conseillers principaux et auxiliaires des
affaires étrangères, les intendants des armées de terre et
de mer, les agents diplomatiques y compris les consuls.
Les fonctionnaires de l'Empire ont droit à une pension de
retraite, qui varie des 20/80 aux 60/80 du traitement.
Tout fonctionnaire qui devient incapable d'exercer ses fonc-
tions doit être mis à la retraite. S'il ne le demande pas lui-
même, l'administration lui notifie qu'il se trouve dans le
cas où la retraite doit être notifiée. S'ilpersisteàne pas la
demander, on procède comme s'il l'avait demandée ; s'il ré-
clame, l'administration supérieure décide s'il y a lieu de
donner suite à sa réclamation. Le fonctionnaire a droit
d'appel devant le Conseil fédéral. Les peines disciplinaires
FONCTIONNAIRE
- 708
sont : l'avertissement, la censure, l'amende, la privation
d'emploi. Cette dernière peine peut consister soit en un chan-
gement d'emploi ayant un caractère pénal, soit en renvoi de
service, qui entraîne la perte du titre et celle du droit à
une pension. La privation d'emploi ne peut être prononcée
qu'à la suite d'une procédure disciplinaire en forme pro-
voquée par l'autorité supérieure. Elle comprend une ins-
truction écrite et un débat oral. Il y a deux degrés de ju-
ridiction disciplinaire, des chambres de discipline et une cour
de discipline.
Quant aux fonctionnaires qui ont été nommés à titre d'es-
sai, sous la réserve de dénonciation d'engagement, ou sous
celle de révocation, ils sont renvoyés par les personnes qui
ont procédé légalement à la nomination.
Nous donnerons quelques renseignements particulière-
ment intéressants sur la situation des fonctionnaires dans
plusieurs des Etats allemands.
Prusse. Les candidats aux fonctions administratives
doivent justifier qu'ils ont étudié, pendant trois ans au moins,
le droit et les sciences administratives dans une université
et fournir en outre un certificat d'admission aux deux exa-
mens suivants: 1° examen de droit (droit public, droit
privé, histoire du droit, principes d'économie politique) ;
2° grand examen d'Etat, passé devant la commission d'exa-
men pour la réception des fonctionnaires supérieurs de
l'administration. Avant de passer le second, il faut faire un
stage de deux années dans des fonctions judiciaires et de deux
années dans des fonctions administratives. Toutes ces forma-
lités accomplies, le candidat est nommé référendaire du gou-
vernement par le président du district dans lequel il devra
être fonctionnaire. Il peut être employé dans une mairie de
ville et doit l'être dans une administration de cercle ou
dans un tribunal administratif de district, ou enfin dans une
administration du gouvernement. Ses supérieurs hiérar-
chiques doivent constater son aptitude à subir les épreuves
du deuxième examen. Ces épreuves subies avec succès, le
candidat est nommé assesseur du gouvernement et peut
aspirer aux fonctions administratives supérieures. Les fonc-
tionnaires de l'administration provinciale nommés par la
diète sont soumis aux obligations des fonctionnaires de
l'Etat et ont les mêmes droits qu'eux. Il est défendu à tous
les fonctionnaires de participer comme fondateurs ou ad-
ministrateurs aux sociétés de commerce et d'industrie.
Bade. Les fonctionnaires inscrits au tableau des traite-
ments incorporé au budget sont dits fonctionnaires régu-
liers. Pendant les cinq années qui suivent leur nomination,
ils peuvent être révoqués à volonté. Ce stage peut s'étendre
jusqu'à sept ans. Après cette période, les employés devien-
nent inamovibles. La révocation ne peut être prononcée que
pour des motifs graves et entourée de formalités. Les ma-
gistrats et les fonctionnaires assimilés sont inamovibles dès
leur inscription au tableau. Les fonctionnaires doivent pré-
venir leur supérieur, lorsqu'ils se proposent de contracter
mariage ; certains d'entre eux ne peuvent se marier sans
autorisation préalable. Le traitement comprend des appoin-
tements fixes, l'indemnité de logement, des appointements
accessoires, des rétributions variables, des rétributions en
nature ou indemnités proportionnées, enfin des indemnités
pour dépenses occasionnées parle service, par exemple un
déménagement. Les peines disciplinaires sont : la répri-
mande, l'amende, la rétrogradation, la révocation. En cas
de négligence, on peut donner aux fonctionnaires et à leurs
frais des auxiliaires pour hâter l'expédition des affaires.
Wurttemberg . Les fonctionnaires sont ceux qui sont
nommés à des emplois publics par le roi ou par les auto-
rités supérieures de l'Etat, sauf les militaires et les insti-
tuteurs primaires. Les fonctionnaires sont nommés à vie
ou temporairement ou pour une période non déterminée,
mais avec faculté de révocation. Les peines disciplinaires
sont: la censure, l'amende, la prison, le changement d'em-
ploi, la révocation absolue. Les autres dispositions rela-
tives à l'autorisation de contracter mariage, aux appointe-
ments, à la mise en disponibilité, à la retraite, à la pension
sont analogues à celles qui existent en Prusse et dans le
grand-duché de Bade.
Hesse. La situation des fonctionnaires au point de vue
disciplinaire est particulièrement bien déterminée dans le
grand-duché de Hesse. La révocation d'un fonctionnaire
est entourée de garanties beaucoup plus sérieuses que dans
la plupart dès autres pays. Le fonctionnaire qui viole les
obligations de sa charge ou qui, soit dans l'exercice, soit
en dehors de ses fonctions, se montre indigne de la consi-
dération et de la confiance qu'exige sa mission, encourt les
peines disciplinaires suivantes : avertissement, réprimande,
amendes, destitution. Les trois premières sont infligées par
les autorités supérieures, mais l'employé a le droit de s'ex-
pliquer par écrit ou de vive voix, sur la faute qui lui est
imputée et, d'autre part, la peine administrative doit être
justifiée par écrit. La destitution doit être précédée d'une
procédure disciplinaire dans les formes légales qui doit con-
sister en une enquête préparatoire écrite et un débat oral.
Le tribunal qui prononce en première et unique instance
est le. tribunal administratif supérieur (Verwaltungsge-
richtshof). Cette cour disciplinaire doit juger d'après sa
conviction puisée dans l'ensemble des débats et des preuves,
jusqu'à quel point l'accusation est fondée. Si l'accusation
n'est pas fondée, elle déclare l'accusé libre ; si elle l'est,
une simple peine administrative peut être prononcée.
Grande-Bretagne. En raison même de l'application fort
étendue du principe du self-government, l'organisation
administrative de la Grande-Bretagne est extrêmement com-
pliquée (V. Administration, Constitution, Angleterre).
La situation du personnel administratif présente les mêmes
complications. Longtemps le recrutement des fonctionnaires
s'est fait au moyen du 'patronage, c.-à-d. qu'ils étaient
exclusivement nommés à la faveur, par les ministres et les
chefs de service. Depuis environ quarante ans, on y a subs-
titué le système des examens qui n'a jamais été appliqué
dans toute sa rigueur, mais qui, du moins, a introduit dans
l'administration anglaise le principe de l'avancement au
mérite. De chaque administration centrale est distraite la
section du personnel chargée de pourvoir à la nomination,
à l'avancement et à la destitution des fonctionnaires. Un
bureau est ainsi formé qui se nomme Civil Service Com-
mission. Il comprend 2 commissaires et! secrétaire, 3 exa-
minateurs, 1 adjoint et plusieurs commis. Chaque ministère
a son genre d'examen spécial, variant suivant le désir du
candidat, de servir dans le service de bureau ou dans le
service actif. Les examens pour l'administration de l'Inde
sont très difficiles et exigent de très sérieuses capacités.
La plupart des fonctionnaires anglais reçoivent des traite-
ments assez élevés. Les commis rédacteurs ont au moins
400 £ ; ils avancent régulièrement tous les deux ans jus-
qu'à 300 £. Passé ce chiffre, l'avancement se fait au choix
et souvent à la suite de concours. Le Public Bodies cor-
rupt practices act de 1889 punit très durement la cor-
ruption des fonctionnaires. Quiconque agrée l'offre d'un
présent pour déterminer un fonctionnaire public à l'effet
d'accomplir un acte de sa fonction ou de s'en abstenir est
coupable de misdemeanour et puni d'un emprisonne-
ment de deux ans au maximum, avec ou sans travail
forcé et d'une amende de 500 £. La récidive est punie
de l'incapacité perpétuelle d'exercer aucune fonction pu-
blique et de l'incapacité pour sept ans de voter aux élec-
tions.
Canada. Les nominations aux emplois du Civil Service
n'ont lieu qu'après un examen préparatoire suivi d'examens
d'aptitudes. Un bureau de trois membres, nommés par le
gouverneur, procède à ces examens et délivre les certificats
de capacité. Le service est partagé en deux divisions :
1° l'administration intérieure comprenant les chefs de dé-
partements, les officiers relevant d'une profession spéciale
ou technique, les premiers commis, les commis de 1 re, 2e
et 3e classe, les messagers, emballeurs et trieurs ; 2° l'ad-
ministration extérieure , comprenant les employés des
douanes, du revenu de l'intérieur, des postes, les inspec-
709 -
FONCTIONNAIRE
teurs des pénitenciers. En principe, tous les fonctionnaires
sont révocables ad nutum.
Etats-Unis d'Amérique. Le recrutement des fonction-
naires aux Etats-Unis a toujours été des plus simples. Les
magistrats et chefs de service importants ne pouvaient être
nommés qu'avec l'agrément du Sénat ; quant à la foule
des employés subalternes, elle était nommée par le prési-
dent des Etats-Unis ou par ses chefs de service . D'ordi-
naire ces choix étaient uniquement inspirés par la politique,
en sorte qu'à chaque changement de président un grand
nombre d'employés recevaient leur congé et étaient rempla-
cés par des créatures du nouveau président. Cela s'appelait
le système des dépouilles (spoils System). Ce système
ayant produit des résultats déplorables (désorganisation
administrative, dépenses inutiles, concussions, etc.), à di-
verses reprises on essaya d'entraver ces abus par des lois.
Ce n'est qu'après de longues luttes qu'a été votée le
16 janv. 1883 la loi pour la régularisation et l'améliora-
tion du service civil. Cette loi institue une commission du
Civil Service nommée par le président et dotée à peu près
des mêmes attributions que celle de l'Angleterre. Des con-
cours sont créés; tous les emplois font l'objet d'un clas-
sement général et attribués suivant le rang obtenu par les
candidats dans les épreuves de concours. Une période de
stage précède toute nomination définitive. Des mesures
sévères sont prises pour interdire aux fonctionnaires de
participer à des souscriptions politiques, de rendre des ser-
vices politiques. « Aucune personne adonnée à un usage
excessif des boissons enivrantes ne peut être nommée à un
emploi. » Les examinateurs ne devront prendre en consi-
dération aucune recommandation d'un membre du Sénat
ou de la Chambre des représentants. Une loi de l'Etat de
New York (1890) spécifie que tout fonctionnaire public
qui recevra des émoluments illégaux ou quelque récom-
pense, propriété ou avantage personnel pour accomplir ses
fonctions , sera coupable de félonie et passible d'une
amende de 4,000 dollars maximum ou d'un emprisonne-
ment de dix années au plus ou de ces deux peines.
Espagne. Tous les Espagnols sont admissibles aux em-
plois publics selon leurs mérites et capacités. Les emplois
civils sont conférés par le roi. Les gouverneurs de province
donnent l'investiture aux fonctionnaires provinciaux. Les
employés municipaux dépendent des ayuntamientos qui les
nomment, les dirigent, les révoquent. Ils sont surveillés et
dirigés par les alcades qui ont le droit de suspension d'em-
ploi et de solde pour trente jours au maximum et proposent
la destitution à l'ayuntamiento. Les employés de l'Etat ne
peuvent remplir leurs fonctions dans les provinces où ils
sont nés ou dans celles où ils ont fixé domicile deux années
avant leur nomination, ou dans celles où. ils possèdent des
biens ou exercent une industrie ou un commerce quelconque.
Sont exceptés de ces obligations les employés dont le trai-
tement n'excède pas 1,50(T pesetas, ceux qui appartiennent
à l'administration centrale et à la province de Madrid, les
gouverneurs, les secrétaires des universités et des conseils
de l'instruction publique. On distingue les catégories sui-
vantes de fonctionnaires : chefs supérieurs, chefs d'admi-
nistration, chefs de bureau, commis, auxiliaires. L'insti-
tution des concours existe pour l'admission aux emplois,
des titres scientifiques ou littéraires peuvent être exigés des
candidats ; pour les promotions, on tient compte des bons
services et surtout de l'ancienneté. Les mêmes règles exis-
tent pour les colonies espagnoles.
Italie. Rien de particulier à signaler en ce pays, si ce
n'est une tendance à restreindre le nombre des fonction-
naires proprement dits et à faire expédier la besogne admi-
nistrative par des auxiliaires travaillant à la tâche. Un pro-
jet de loi réorganisant les bases générales de toutes les ad-
ministrations publiques a bien été discuté à diverses reprises
par' les deux Chambres, mais les circonstances n'ont pas
permis jusqu'ici (1893) son adoption définitive. Ce projet
étant fort intéressant nous en donnerons un court aperçu.
Il consiste à créer dans l'Etat trois catégories de fonction-
naires : 1° les rédacteurs qui devraient être pourvus du
certificat d'études dans une université ou dans un établis-
sement d'enseignement scientifique supérieur; 2° les comp-
tables, qui devraient présenter un diplôme de comptable
obtenu dans un établissement de l'Etat ou un établisse-
ment assimilé ; 3° les commis d'ordre qui devraient fournir
un diplôme de licence gymnasiale ou d'école technique, ou
bien un certificat d'engagement comme sous-officier dans
l'armée ou la marine. Malgré le certificat les employés de-
vraient passer un concours, et une fois admis faire un
stage de six mois. Les emplois leur seraient ensuite distri-
bués par ordre de classement au fur et à mesure des va-
cances, et on ne pourrait les déplacer que par suite d'une
promotion ou sur leur demande. Les peines disciplinaires
seraient : la censure, la suspension avec retenue de trai-
tement, la révocation, la destitution. Actuellement les con-
cours et les examens n'ont lieu que pour les fonctionnaires
supérieurs. Ces concours sont fort sérieux et exigent des
connaissances étendues ; par exemple, un vice-secrétaire
aux finances, dont le traitement de début n'est que de
1,500 lires, doit présenter le diplôme de licence lycéale
et passer des examens sur le droit international, l'histoire
politique, scientifique et littéraire de l'Italie, la géographie
physique et politique, la langue française, anglaise ou alle-
mande, le droit public administratif, le code civil, le droit
commercial et maritime, l'économie politique.
Grèce. Les fonctionnaires ne peuvent être destitués
hors les cas prévus par le code pénal qu'après avoir subi
deux peines disciplinaires ou si pendant un mois ils se sont
abstenus du service ou pour infirmité dûment constatée ou
pour incapacité ou inconduite notoire ou pour suppression
d'emploi. C'est le conseil des ministres qui prononce la
révocation sur le rapport du ministre compétent.
Autriche. Les fonctionnaires civils de l'Etat ont une
organisation presque militaire. Ils portent un uniforme dans
les cérémonies publiques et dans toutes les circonstances
extérieures du service. Ils sont répartis en onze classes.
La première classe ne comporte qu'un seul titulaire, le pré-
sident du conseil des ministres ; la seconde classe com-
prend les autres ministres, le premier président et la cour
supérieure de justice, le président de la cour des comptes,
le président de tribunal de l'Empire, et le président de la
cour suprême administrative, etc. Les fonctionnaires des
services provinciaux portent la couleur des costumes de
l'administration centrale à laquelle ils ressortissent. Les
fonctionnaires en uniforme se doivent réciproquement le
salut à la manière militaire : l'inférieur salue le premier.
Tous les fonctionnaires publics sont, dans le cercle de
leurs attributions, responsables de l'observation des lois
constitutionnelles; ils prêtent un serment et jurent l'obser-
vation inviolable des lois constitutionnelles. En dehors
du traitement personnel, augmentant à l'ancienneté d'une
manière continue, les fonctionnaires des quatre premières
classes ont droit à un supplément de fonctions qui
n'est qu'une sorte d'indemnité de représentation. Les
fonctionnaires des sept autres classes touchent également
une indemnité de séjour, ou supplément d'activité. En cas
de déplacement il est alloué à tous les fonctionnaires une
indemnité de voyage. Le traitement fixe est soumis à une
retenue pour la retraite et à l'impôt sur le revenu. Outre
les onze classes de fonctionnaires supérieurs il y a trois
classes de sous-agents qui composent le personnel inférieur.
Hongrie. Le système hongrois est encore plus compli-
pliqué. 11 distingue vingt et une sortes de fonctionnaires
entre lesquels il existe encore des subdivisions infinies. Des
examens sont exigés à l'entrée dans la carrière administra-
tive et ils varient selon les catégories de fonctions. D'autre
part, les comitats et les villes assimilées jouissant d'une
autonomie considérable sont les grands rouages de l'admi-
nistration du pays. Sauf certaines hiérarchies de fonction-
naires spéciaux relevant de l'Etat, l'administration est
presque tout entière entre leurs mains. Les nominations
sont faites pour six années par l'assemblée du municipe
FONCTIONNAIRE — FOND
— 740 —
Pendant six ans les fonctionnaires ne peuvent donc être
révoqués sauf au cas où ils mènent une vie immorale et
scandaleuse ou violent leurs devoirs. D'autre part, ils sont
soumis à des réélections fréquentes. Ils peuvent être pour-
suivis disciplinairement ; les peines sont : la réprimande,
l'amende, la destitution, les dommages-intérêts.
Bulgarie. L'assiduité des fonctionnaires est assurée au
moyen de registres de pointage. Le ministre seul peut pro-
noncer les peines disciplinaires qui sont : l'avertissement,
la censure, la réduction de traitement, la rétrogradation.
La destitution doit être prononcée sur l'avis d'un conseil
de discipline soit pour négligence grave et habituelle, soit
pour désobéissance persévérante, soit pour inconduite no-
toire, ou à la suite d'une condamnation à la prison, etc.
Les fonctionnaires bulgares jouissent donc d'une sorte d'ina-
movibilité.
Turquie. Toutes les nominations aux fonctions publiques
doivent avoir lieu conformément aux règlements. Il est
exigé des candidats la preuve de leur mérite et de leur ca-
pacité. Tout fonctionnaire régulièrement nommé ne peut
plus être révoqué ni même changé s'il n'est pas prouvé que
sa conduite justifie légalement sa révocation, s'il n'a pas
donné sa démission ou si « sa révocation n'est pas jugée
indispensable par le gouvernement ». Tout fonctionnaire
est responsable dans la limite de ses attributions.
Russie. La nomination, la discipline, l'avancement de
fonctionnaires sont déterminés par des règles calquées sur
celles qui régissent l'armée. Les employés civils ont des
grades qui équivalent à ceux de caporaux en remontant
l'échelle hiérarchique jusqu'au grade de général aide de
camp. Une loi récente (29 mars 1883) exige dans l'état
de service du fonctionnaire l'insertion des condamnations
pour crimes ou délits judiciaires qu'il a. encourues. Il est
d'usage d'honorer la carrière administrative longue et bien
remplie des dignitaires de l'Etat par la célébration de l'an-
niversaire de leur entrée en fonctions. L'Etat profite géné-
ralement de cette cérémonie pour récompenser particuliè-
rement ses agents. C'est aussi une occasion pour les
subordonnés d'exprimer à leurs chefs leurs sentiments de
respect. Cependant le jubilé des fonctionnaires ne peut
avoir lieu qu'avec la permission de l'autorité supérieure.
Cette autorisation n'est accordée qu'aux fonctionnaires qui
ont été sans interruption depuis vingt-cinq ans à la tête
d'une administration ou aux militaires qui comptent cin-
quante ans de service comme officiers.
Norvège. Ne peuvent être nommés aux emplois publics
que les citoyens norvégiens parlant la langue du pays. Les
membres du conseil du roi, les juges, les fonctionnaires
ecclésiastiques, les professeurs de l'université (faculté de
théologie), les instituteurs primaires publics, les institu-
teurs libres, le directeur d'écoles d'enseignement supérieur,
les hauts fonctionnaires civils doivent faire profession de
la religion officielle de l'Etat. Jadis tous les fonctionnaires
devaient prêter serment. La loi du 22 mai 4 875 a dispensé
de cette formalité un très grand nombre d'employés ou d'of-
ficiers publics.
Bibl. : Block, Dictionnaire de L'administration fran-
çaise.— Dalloz, Répertoire.— Bernard, De la Responsa-
bilité des fonctionnaires publics ; Paris, 1878, in-8. —
Robert, Responsabilité pénale et civile des fonctionnaires
de l'Etat, 1877, in-8. — Farcinet, Classification des fonc-
tions administratives ; Paris, 1879, in-8. — Delafond,
Responsabilité des fonctionnaires publics devant les tri-
bunaux ; Agen, 1882, in-8. — Lacanal, Responsabilité des
fonctionnaires publics envers les simples particuliers,
1884, in-8. — Thévenot, De la Situation des fonction-
naires subalternes en France ; Troyes, 1871, in-8. — Zed-
litz-Neukirch, Das Gesetz ùber aie Rechtsverhaltnisse
der Reichsbeamten ; Berlin, 1874, 2 vol. — Kanngiesser,
Das Recht der deulschen Reichsbeamten ; Berlin, 1874. —
Thudichum, Das Reichsbeamtenrecht ; Leipzig, 1876. —
Bûnnecke, Der Reischs-und Staatdienst ; Leipzig, 1889.
Beltrami, La Nuova Guida per gliuffizi comunali; Turin,
1871, 3 vol. in-8. — Blonski, Die œsterreichische Civil-
Staadstdienst; Vienne, 1882, in-8. — Wintersperger, Der
Staadsdienst,in Œsterreich; Vienne, 1883,. in-8.— Gonse,
Etude sur le recrutement des fonctionnaires aux Etats-
Unis, dans Bulletin de législation comparée de 1869. —
Colmeiro, Derecho administrativo espanol ; Madrid,1876,
2 vol. in-8. — Soler y Castello, Derecho administrativo
espanol ; Madrid, 1886, in-8.
FONCTIONNEL. Déterminant fonctionnel (V. Détermi-
nant). Calcul des équations fonctionnelles (V. Equation).
— On appelle quelquefois l'analyse infinitésimale calcul
fonctionnel.
FOND. I. Marine. — Cette expression indique, en ma-
rine, la hauteur de l'eau. Ainsi, quand un bâtiment entre dans
une passe, les sondeurs placés de chaque bord indiquent
cette hauteur de la façon suivante : Fond, 30 m.; tri-
bord, 30 ! — Dans le cas contraire, si la ligne de sonde
n'est pas arrivée au fond : 35 m., bâbord; 35, pas de
fond ! La notation du fond diffère suivant les cartes marines
des diverses puissances. C'est ainsi que la France emploie
le mètre et, sur les vieilles cartes, la brasse, qui vaut
4m624. L'Angleterre emploie le fathom valant 4m829, ou
le foot valant 0m305 ; l'Espagne la brazza valant 4m672;
la Russie la sagène valant 2m134, etc. Sur les cartes, à
côté du chiffre indiquant la hauteur du fond, se trouvent
certaines lettres qui en indiquent la nature et qu'il est bon
de connaître. En voici la nomenclature :
France
Angleterre
Roche . . .
r.
Rock . . .
r.
Pierres . . .
P-
Stones . .
st.
Corail . . .
cor.
Coral . .
cri.
Coquilles . .
coq.
Shells . .
sh.
— brisées
coq. br.
Broken shells
. brk. sh.
Gravier . . .
gr-
Gravel . .
. J.\
Argile . . .
a.
Clay. . ,
Vase . . .
V.
Mud. . .
m.
Vase dure . .
v. d.
Stiff. Mud .
sff. m.
Vase molle. .
v. m.
Soft Mud .
sft. m.
Herbier . . .
h.
Weed . .
wd.
Sable . . .
s.
Sand . .
s.
— fin . .
s. f.
— fine .
s. f.
— gros . .
s. g.
— coarse .
s. c.
— jaune. .
S. J.
— yellow
s. y.
— rouge .
s. r.
— red .
s. r. d
— noir . .
s. n.
— black.
s. blk.
Au mot fond se rattachent aussi deux expressions em-
ployées en marine : haut-fond et bas-fond. Bas-fond indique
un endroit où la mer est peu profonde, mais où cependant
on peut passer sans toucher. Haut-fond, au contraire,
signifie place où le peu de profondeur de l'eau ne permet
pas le passage du navire.
Double fond (V. Double).
II. Archéologie. — Fond de coupe. Le fond de coupe
est la portion intérieure, décorée, des patères et des coupes
Fond de coupe (antiquité chrétienne).
de verre antiques. Au point de vue de leur technique déco-
rative, ils se rapportent à trois types : ceux à fond d'or,
ornés de dessins tracés à la pointe sur une feuille cTor ;
— 741
FOND - FONDATION
ceux décorés d'intailles de pâtes de verre soudées en cercles
concentriques autour d'un sujet principal, enfin ceux qui
sont gravés à même le verre. Les sujets qu'ils représentent
indiquent les usages auxquels ils étaient destinés ; ils
peuvent se diviser en cinq catégories : ceux destinés aux
agapes de naissance, aux agapes nuptiales, aux agapes
funèbres, aux agapes des fêtes de saints, enfin aux sou-
venirs personnels de la vie de famille, comme dans la
figure que nous donnons et qui représente deux époux,
ayant devant eux leurs deux enfants, Pompeianus et Theo-
dora, auxquels ils souhaitent longue vie. Tous ces fonds de
coupe remontent à une assez haute antiquité. Buonarotti
les attribue au 11e, au me et au commencement du ive siècle.
M. de'Rossi en restreint la période aux 111e et ive siècles.
Aussi, malgré le sentiment artistique païen qui laisse sur
nombre d'entre eux sa marque indiscutable, il est peu de
monuments qui offrent, précisément par les usages privés
auxquels ils étaient destinés, une aussi grande importance
pour l'archéologie chrétienne. F. de M.
III. Architecture. — Ce terme reçoit diverses acceptions,
suivant les différentes industries du bâtiment. Ainsi, en
construction, dans un sens général, le fond d'un bassin,
d'une niche, d'un chêneau désigne la partie la plus éloi-
gnée de la surface ouverte et on dit qu'un bâtiment ou
qu'une partie de construction monte de fond lorsque ce
bâtiment ou cette partie de construction, reposant sur des
fondations, s'élève jusqu'à la partie supérieure de l'ensemble
de l'édifice ; en maçonnerie, un fond de cuve est une
cavité dont les angles sont arrondis dans tous les sens ;
en menuiserie, h fond de parquet est le bâti ou le
panneau destiné à recevoir une glace ; en peinture, on
appelle couches de fond les premières couches sur les-
quelles viendront s'appliquer les ornements et sur lesquelles
sera peint un décor, bois ou marbre ; enfin, dans le papier
de tenture, le fond est le ton uni ou travaillé, le champ
sur lequel se détachent les dessins du papier. Ch. L.
IV. Peinture. — Derniers plans de la composition dans
un tableau, champ qui entoure un objet peint. Le choix et
l'exécution de cette partie d'une peinture ont une importance
beaucoup plus grande que celle qu'on serait tenté de lui
assigner tout d'abord ; le fond doit ou rester absolument
neutre pour laisser tout l'intérêt se porter sur le sujet prin-
cipal du tableau ou faire valoir ce sujet d'une manière plus
active, par un habile contraste de lignes ou de tons. Un
fond neutre ne doit comporter ni lignes se coupant per-
pendiculairement, ni valeurs présentant de brusques oppo-
sitions de lumières et d'ombres, ni tons violents ou
juxtaposés de manière à attirer l'œil. 11 doit être peint
d'une touche douce, égale et légère. Lorsque le fond
est destiné à prendre une part plus active dans l'ensemble
par ses lignes, ses valeurs et ses tons, il doit être conçu
cependant de manière à ne pas venir en avant ; dans ce
cas, c'est surtout le goût de l'artiste et son sentiment de
la perspective qui lui dicteront les moyens d'arriver à un
juste effet. Ad. T.
V. Gravure (V. Gravure).
VI. Photographie (V. Photographie).
VIL ThéAtre (V. Théâtre).
Bibl. : Archéologie. — Le moine Théophile, Diversa-
rum artium schedula, trad. PEscalopier; Paris, c. xm et
suiv., in-4.— Buonarotti, Osservazionisopra alcunifram-
menti di vasi antichi di vetro, ornati di figure, trovati
nei cimiteri di Roma ; Florence, 1716, in-4. — Garucci,
Vetri ornali di figure in oro, trovati nei cimiteri dei cris-
tiani primitivi di Roma ; Rome, 1858, in-fol. — J.-B. de'
Rossi, Bull, d'archéologie chrétienne, 1882 et passim. —
Du même, dans Archives de l'Orient latin ; Paris, 1884,
in-4, t. II, lro partie, pp. 439 et suiv.
FOND-du-Lac. Ville des Etats-Unis, Etat de Wisconsin,
à l'extrémité méridionale du lac Winnebago, d'où sort la
rivière Fox qui va se jeter dans la baie Verte (lac Michi-
gan). Nombreuses fabriques de papier, dont les produits
sont expédiés en grande partie directement à l'E. parle port
de Sheboygan. Fondée en 1763 par un Français, Charles
de Langlade, la ville de Fond-du-Lac compte aujourd'hui
12,000 hab., dont beaucoup d'Allemands. La population
a plutôt légèrement diminué depuis 1870. La prospérité de
Fond-du-Lac a été éclipsée par celle de la ville d'Oshkosh,
sa voisine, située sur le même lac, à l'embouchure de la
rivière Wolf, centre d'un énorme commerce de bois scié et
travaillé. *
FONDAMENTAL. Le mot fondamental a été employé,
surtout par les géomètres allemands, dans un grand nombre
de cas. Nous ne pouvons énumérer toutes les circonstances
dans lesquelles on le rencontre; nous croyons toutefois
devoir dire ce que l'on est convenu d'appeler un système
« de lacets fondamentaux, cette locution ayant été em-
ployée par plusieurs géomètres. Considérons une fonction
algébrique et soient yL, y%,**.ym ses diverses valeurs en
un point x0. Considérons un lacet permutant deux valeurs
quelconques yL et î/2, puis un lacet permutant y± ou y.2
avec une autre valeur î/3, puis un lacet permutant yi9 y2
ou y3 avec une nouvelle valeur yA de y et ainsi de suite,
ces lacets formeront un système fondamental; on peut
toujours passer d'une valeur de y à une autre en suivant
exclusivement des lacets fondamentaux. H. L.
FONDAMENTALE (Basse) (Mus.) (V. Basse [Mus.]).
FON DANT. I. Métallurgie. — On nomme fondant toute
matière ajoutée à un lit de fusion pour obtenir la sépara-
tion de la gangue d'avec la matière utile. Ainsi, dans la
métallurgie du fer au haut fourneau, le carbonate de chaux
ou castine est un fondant destiné à fournir de la chaux au
silicate qui doit constituer le laitier. Dans le traitement de
certains minerais de cuivre oxydés, le sulfate de chaux est
un fondant apportant le soufre qui doit produire la matte
ou sulfate de cuivre et de fer. Il est rare que l'on soit
obligé de se servir de la silice comme fondant ; les mine-
rais et les cendres du combustible en apportent générale-
ment en excès ; on est conduit à ajouter plutôt des bases
pour la scorie, comme la chaux, la magnésie, la baryte, ou
certains éléments spéciaux comme le soufre, l'arsenic, qui
doivent se combiner au métal que l'on veut obtenir. L. K.
IL Céramique. — Matière vitrifiable, incolore, qu'on
ajoute aux oxydes métalliques ou aux métaux pour les
faire adhérer aux excipients et les glacer (Brongniart) ;
8le fondant donne le corps aux couleurs, les rend inatta-
quables aux agents extérieurs en leur servant de couverte
en même temps qu'ils les incorpore. Il doit avoir plusieurs
qualités : 1° être général, c.-à-d. pouvoir servir à toutes
les couleurs et entrer en fusion au même moment ; 2° in-
corporer parfaitement les couleurs et les faire adhérer uni-
formément à la surface à décorer ; 3° être clair, transpa-
rent, inattaquable aux acides et ne contenir aucune matière
qui puisse modifier les couleurs pendant la cuisson. Le fon-
dant est la base de tous les émaux. Il est quelquefois appelé
à tort roquette; mais c'est prendre la partie pour le tout,
car la roquette se combine avec le tarse pulvérisé pour
faire la fritte, substance vitreuse, base de tout verre, qui
doit être elle-même fondue avec du plomb calciné ou de
la chaux de plomb (minium), pour fournir le fondant apte
à recevoir la coloration. F. de Mély.
III. Confiserie (V. Bonbon, t. VII, p. 272).
Bibl. : Céramique. — Cyprian Piccolpassi, les Troys
Libvres de l'art du potier (trad. par Claudius Popelin) ;
Paris, 1861, in-4.— J.-P. FERRAND,TAr£ dufeuoude peindre
en émail; Paris, 1721, in-12. — D'Arclais de Montamy,
Traité des couleurs pour la peinture en émail et sur por-
celaine; Paris, 1765, in-8. — Brongniart, Traité des arts
céramiques; Paris, 1844, in-8. — Glaudius Popelin,
l'Email des peintres ; Paris, 1861, in-8.
FO N D ATI 0 N . I . Architecture. — Partie inférieure d'un
édifice, établie dans le sol ou dans l'eau, souvent par des
procédés tout spéciaux, et servant d'assiette ou de base à la
partie supérieure de la construction, celle dite en élévation.
L'importance, au point de vue de la durée d'un édifice, de la
solidité de sa fondation et les divers modes d'établir cette
fondation en rapport avec la nature du sol et avec les don-
nées principales de la construction de cet édifice, ont, dans
tous les temps, occupé l'attention des constructeurs : aussi
les auteurs de traités d'architecture, à commencer par
FONDATION
— 712
Vitruve, rappelant au ier siècle de notre ère des procédés de
fondation employés depuis l'antiquité la plus reculée, jus-
qu'à Jacques-François Blondel, qui professait à l'Académie
royale d'architecture au milieu du siècle dernier, et en pas-
sant par Léon-Baptiste Alberti, qui écrivait à l'aurore delà
Renaissance italienne ; tous ces auteurs ont-ils fait, au com-
mencement de leurs traités, une large place à l'indication
des diverses natures du sol, ainsi qu'à l'étude des méthodes
spéciales à employer pour en combattre les défectuosités
et les inconvénients : méthodes encore en partie en usage
de nos jours.
Des plus remarquables à certaines époques de l'antiquité
et surtout vers la fin de la république romaine, où les fon-
dations consistaient en blocages composés de débris de ma-
tériaux résistants formant une masse homogène et comme
un roc factice grâce à leur liaison par un excellent mor-
tier, l'art de fonder, qui assura alors aux édifices des
chances de durée presque éternelle, tomba en décadence avec
les invasions des peuples germains et ne se releva guère en
Europe, après les premiers siècles de l'art roman, que vers
le xiie siècle, lorsque les maîtres es œuvres des châteaux
forts et plus tard des églises, les architectes laïques qui,
écrit Yiollet-Le-Duc (Dict. de l'architecture, V, p. 325),
« avaient vu tant de constructions romanes s'écrouler, par
f* ute de fondations, ou par suite de la poussée des voûtes
mal contrebutées, voulurent faire en sorte d'éviter ces
sinistres, et, à cet effet, mirent un soin particulier à éta-
blir des fondations durables et à rendre leurs constructions
assez élastiques pour que les tassements ne fussent plus à
craindre. » En effet, ajoute Viollet-Le-Duc, « les fonda-
tions des constructions gothiques, au lieu d'être faites en
gros blocages, jetés pêle-mêle dans un bain de mortier,
comme celles des constructions romanes, sont, au contraire,
souvent revêtues de parements de pierres de taille (libages),
posées par assises régulières et proprement taillées; les
massifs sont maçonnés en moellons bloqués dans un excel-
lent mortier. Ces fondations sont (quand les ressources ne
manquaient pas) très largement empattées et s'appuient sur
des sols résistants. » Mais, depuis la Renaissance, les ar-
chitectes ont eu recours à des méthodes très différentes, soit
imitées de l'antiquité et du moyen âge, soit suggérées par
la nature même du sol et de la construction à élever :
aussi, laissant de côté les fondations toutes spéciales des
ponts et, en général, tous travaux de fondation exécutés à
même la masse d'eau, anse ou bras de mer, port ou cours
d'un fleuve, nous examinerons brièvement les principales
méthodes employées pour fonder les édifices dans les ter-
rains de constitutions diverses qui s'offrent le plus habi-
tuellement à la science du constructeur.
Les terrains peuvent se diviser en plusieurs groupes sui-
vant leur nature : les terrains secs, roches crayeuses ou
schisteuses, graveleuses ou sablonneuses, mais incompres-
sibles et constituant un bon sol ou au moins un sol que l'on
peut considérer comme suffisant dans la plupart des cas ;
les terrains de même nature, mais dans lesquels des infil-
trations peu importantes, dues à une cause accidentelle,
nécessitent un simple épuisement, et enfin les terrains mou-
vants et compressibles, tels que ceux composés en grande
partie de glaise, de tourbe, de terres rapportées, etc. Pour
les premiers terrains, ceux incompressibles, il suffit de faire
' une fouille peu profonde, avec peu d'empattement, d'en
dresser le fond et d'établir dessus les fondations de l'édi-
fice projeté ; mais, dans le cas où le sol inégal présenterait
une certaine pente, il y a lieu d'établir les fondations par
gradins. En outre, pour les terres graveleuses ou sablon-
neuses , qui n'offriraient pas une résistance- suffisante, il
faudrait pousser la fouille plus profondément, lui donner
plus d'empattement et en remplir le fond de couches de sable
ou de béton de mortier et de cailloux bien pilonnées.
Lorsque le terrain considéré comme bon sol n'est qu'à une
faible profondeur du niveau inférieur des fondations proje-
tées, il y a lieu d'enlever la couche intermédiaire et de des-
cendre les fondations sur le bon sol ; mais si le bon sol est
à une trop grande profondeur, il faut alors l'aller chercher
à l'aide de puits que l'on remplira de béton pour former
ainsi des piliers sur lesquels reposeront les fondations, ou
encore fonder sur pilotis, comme pour les terrains mou-
vants ou compressibles (V. plus loin). Pour les terrains dans
lesquels se produisent, au moment de la construction, des
infiltrations accidentelles et peu importantes, il suffit d'épui-
ser l'eau par les moyens ordinaires ou à l'aide de pompes
spéciales ; mais si ces infiltrations étaient causées par une
nappe d'eau persistante, comme à Paris, l'ancien ru de
Ménilmontant traversant certains quartiers de la rive droite
de la Seine, il y aurait lieu de recourir à divers moyens,
tels que la fondation à l'aide de caissons, de tubes faisant
le vide ou de l'air comprimé, tous moyens employés dans
la fondation des piles de pont et dans les travaux mari-
times (V. Caisson, Pont, Travaux maritimes).
Pour les terrains mouvants et compressibles sur lesquels
on veut élever des constructions, on augmente au préalable
la résistance de ces terrains, à l'aide de puits remplis de
béton ou à l'aide de pilotis. Les puits, de formes variées,
circulaire, ovale, carrée ou rectangulaire, sont creusés ou
descendus jusqu'à la profondeur jugée suffisante, au-des-
sous des principaux points d'appui ou trumaux de l'édifice
à construire, mais en ayant bien soin de blinder au fur et à
mesure le pourtour de ces puits de boiseries maintenues
par des cercles en fer, et on remplit ensuite ces puits de bé-
ton de mortier et de cailloux pilonnés par couches de faible
hauteur. En outre, ces puits sont reliés entre eux, à leur
partie supérieure, par des arcs en maçonnerie d'une épais-
seur suffisante et qui reçoivent les parties de construction
en élévation montées entre deux trumeaux. Dans le cas où,
pendant le forage des puits, se décèleraient des cavités in-
térieures ou poches, on remplirait ces vides de maçonnerie
sèche, afin d'assurer aux puits la forme qu'ils doivent avoir
pour recevoir le béton. — Les fondations à l'aide de pilotis
ou mieux sur pilotis, consistent en pieux de bois, ferrés ou
non. Dans ce dernier cas, si les pieux sont de bois de
chêne, il suffit d'en faire durcir la pointe au feu. Ces pieux,
disposés en quinconce, sont enfoncés à coups de mouton
par le battage à la sonnette ; après quoi, on en coupe l'ex-
trémité supérieure à la hauteur voulue pour recevoir un
grillage en charpente disposé suivant le plan des maçonne-
ries de l'édifice à construire. Parfois aussi on enlève les
pieux au fur et à mesure qu'ils sont enfoncés, et on remplit
les cavités ainsi formées à l'aide de sable ou de béton de
sable (V. Grillage, Prise, Sonnette). — Les anciennes
coutumes et, depuis la promulgation du code civil, les nom-
breux commentateurs des articles de ce code relatifs aux
servitudes et spécialement à la mitoyenneté des murs, in-
diquent les conditions d'établissement des fondations et la
part de frais afférente à chaque propriétaire dans la cons-
truction des murs mitoyens, et l'on ne saurait trop, sur ce
sujet, renvoyer à ces différents auteurs et aussi consulter
la jurisprudence actuelle. Charles Lucas.
Fondation des ponts (V. Pont).
II. Droit administratif. — Ce terme, pris lato sensu,
désigne toute donation entre vifs ou testamentaire faite à
un établissement public ou religieux. Mais on entend plus
particulièrement par fondation toute libéralité en faveur
d'un bureau de bienfaisance, d'un hospice ou hôpital, d'une
commune, d'une école, d'une fabrique, à la charge de dis-
tribuer des aumônes aux pauvres, de créer des lits nou-
veaux dans un hospice ou hôpital, des bourses dans une
école, d'établir des maisons d'éducation, des établissements
de bienfaisance, des communautés religieuses. Sous le ré-
gime de la féodalité, les fondations étaient très nombreuses ;
presque toutes les paroisses en avaient au moins une.
Elles devaient être approuvées par lettres patentes et de-
venaient alors irrévocables. Bien que plusieurs édits (V. no-
tamment l'édit d'août 1749) aient réglementé sévèrement
les conditions et formes de ces libéralités, beaucoup d'abus
se produisirent. Les fondations furent supprimées successi-
vement, pendant la période révolutionnaire, par la loi du
— 713 —
FONDATION
12 juil. 1790, les décrets des 10 févr. et 26 sept. 1791
et 13 brumaire an IL Tous les biens affectés, à quelque
titre que ce fût, à l'acquit des fondations, furent déclarés
propriétés nationales. La plupart des immeubles provenant
de ces actes furent vendus. Le concordat rétablit les fon-
dations, a l'exception, toutefois, de celles dont l'actif avait
été aliéné, et permit d'en établir de nouvelles (art. 13 et
15). Celles dont les biens étaient restés entre les mains de
l'Etat furent remises, soit aux établissements de bienfai-
sance, soit aux fabriques, à la charge de payer aux curés,
desservants ou vicaires, selon le règlement du diocèse, les
messes, obits ou autres services auxquels lesdites fonda-
tions donnaient lieu (loi du 4 ventôse an IX ; décr. des
22 fructidor an XIII et 19 juin 1806).
Les fondations se divisent, suivant leur objet, en reli-
gieuses, séculières ou mixtes. Toutes sont soumises, quant
à l'instruction et au mode d'autorisation, aux mêmes règles
que les autres libéralités. Les fondations faites au profit
d'un établissement de bienfaisance sont autorisées par un
arrêté du préfet, sur l'avis du sous-préfet (décr. du 25 mars
1852, tab. A, n° 42); celles faites en faveur d'un établis-
sement religieux, par un décret rendu en conseil d'Etat,
sur l'avis préalable de l'évêque (C. civ., art. 910, et or-
donn. du 2 avr. 1817, art. 1). Les deux autorisations
sont nécessaires quand il s'agit de fondations mixtes. Les
fondations ainsi autorisées sont acceptées comme en ma-
tière de dons et legs (ordonn. du 2 avr. 1817, art. 3).
Spécialement, les fondations de services religieux sont
acceptées par la fabrique. Mais il n'est pas toujours facile
de distinguer le cas où il y a fondation et, par conséquent,
lieu à acceptation de la part des fabriques. On consultera
utilement, à cet égard, les avis du conseil d'Etat des 29 mai
et 17 oct. 1838 et 12 déc. 1839, ainsi qu'une lettre mi-
nistérielle du 18 sept. 1865.
Les fondations doivent être exécutées dans le temps,
dans le lieu et en la manière prescrite par le fondateur.
Cette obligation est de droit étroit, la fondation constituant
plutôt un contrat commutatif qu'une véritable libéralité.
Les fondations religieuses ont surtout fait l'objet d'une ré-
glementation spéciale, dans le décret du 30 déc. 1809,
dont nous extrayons les dispositions suivantes. Les mar-
guilliers sont chargés de veiller à ce que toutes fondations
soient fidèlement acquittées et exécutées conformément à
l'intention des fondateurs, sans que les sommes puissent
être employées à d'autres charges. Au commencement de
chaque trimestre, le tableau des fondations est affiché dans
un lieu apparent de la sacristie, avec les noms du fonda-
teur et de l'ecclésiastique qui doit acquitter chaque fonda-
tion. Il est rendu compte, à la fin du trimestre, par le curé
ou desservant, au bureau des marguilliers, des fondations
acquittées pendant le cours dudit trimestre. Les annuels
emportant une rétribution quelconque sont donnés de pré-
férence aux vicaires, à moins qu'il n'en ait été autrement
ordonné par les fondateurs (art. 26 et 31). Si l'acquit de
la fondation ne peut être continué dans le lieu fixé par le
fondateur, par suite d'un événement de force majeure,
l'évêque peut désigner l'église ou la chapelle dans laquelle
la fondation sera désormais acquittée (cour de Paris,
24 janv. 1840). Il peut arriver aussi que les sommes don-
nées ou léguées par le fondateur ne soient pas suffisantes
pour l'exécution des charges prescrites. Dans ce cas,
l'évêque a le droit de réduire les services dans une juste
mesure (décr. du 30 déc. 1809, art. 29). Cette réduction
peut encore être motivée par la perte accidentelle d'une
partie du capital affecté à la fondation ou la diminution
de la valeur du numéraire. Ce principe, déjà admis très
anciennement, a été reconnu par un arrêt de la cour
de Nancy, en date du 24 févr. 1877, aux termes duquel
« l'acceptation, même sous l'empire du code civil, d'une
fondation perpétuelle, ne constitue pas un engagement irré-
ductible et à forfait ». Dans le cas où les services sont irré-
ductibles, il appartient aux tribunaux de prescrire un nou-
vel emploi des revenus, en se conformant à la volonté
présumée des fondateurs. Si le capital a péri par des causes
indépendantes de la fabrique, celle-ci n'est plus tenue d'ac-
complir les charges. Si, au contraire, le revenu de la fon-
dation a augmenté, les charges ne sont pas accrues, à
moins que cette augmentation n'ait été formellement pres-
crite par le fondateur. Il n'y a pas lieu à réduction quand
la diminution du revenu provient de la négligence de la
fabrique.
Les fondateurs, leurs descendants et leurs héritiers ont
qualité pour faire contraindre en justice les marguilliers à
exécuter la fondation. Cependant, le débiteur de la rente
destinée à la servir ne peut en refuser le prix sous le pré-
texte qu'elle n'est pas acquittée (Affre, Traité de Vadm.
temp. des par., p. 210). Un arrêt de la cour de cassation
a même décidé qu'il appartient aux tribunaux, jugeant en
fait, de déclarer que le retard apporté à la célébration d'un
service religieux ne constitue pas une dérogation à l'inten-
tion des parties, ni un titre constitutif, et que, dès lors, ils
peuvent refuser de prononcer, à raison de ce retard, une
condamnation à des dommages-intérêts (Roullier, 22 mai
1876). On ne saurait non plus se baser sur l'exécution
des fondations pour refuser d'en payer le revenu. En ré-
sumé, les fondations doivent être acquittées et la rente en
être payée. Jules Forestier.
III. Droit ecclésiastique. — Quoique le nom géné-
rique de fondation convienne aux deux espèces, la plupart
des canonistes et les édits de nos rois faisaient une dis-
tinction entre Y établissement et la fondation. Ils appe-
laient particulièrement établissements les dispositions ayant
pour objet la fondation d'églises, de chapitres, collèges,
séminaires, maisons ou communautés religieuses (même
sous prétexte d'hospice), congrégations, confréries, hôpitaux
ou autres corps et communautés, soit ecclésiastiques (régu-
lières ou séculières), soit laïques, et même toute érection
de chapelles ou autres titres de bénéfices. Dans le dernier
état de notre ancien droit, aucun établissement ne pouvait
être formé qu'avec l'approbation du roi donnée par lettres
patentes. Le terme de fondations ou fondations particu-
lières était ordinairement réservé aux donations ou legs
faits à des églises ou communautés établies et ayant pour
objet la célébration de messes ou obits, la subsistance
d'étudiants, l'assistance des pauvres (ecclésiastiques ou
laïques), le mariage des filles pauvres, le soulagement des
prisonniers ou des incendiés et autres œuvres pies de même
nature. Il n'était point nécessaire d'obtenir de lettres pa-
tentes pour ces fondations ; il suffisait de faire accepter par
l'autorité ecclésiastique les actes qui les contenaient et de
les faire homologuer par les parlements et conseils supé-
rieurs. Ceux-ci, chacun en son ressort, devaient pourvoir
à l'administration des biens destinés aux fondations et aux
comptes qui en seraient rendus (édit d'août 1749, art. 3).
— Une fondation faite en faveur des pauvres, sous dési-
gnation particulière, appartenait au bureau de charité. Un
curé pouvait être contraint par saisie de son temporel d'ac-
quitter les messes de fondation. En principe, il doit être
satisfait exactement à toutes les conditions imposées par
l'acte constitutif : temps, lieu et manière ; mais lorsque les
messes de fondation étaient devenues si nombreuses, qu'on
ne pouvait plus les dire précisément aux jours marqués ou
lorsque les aumônes affectées à leur célébration devenaient
si faibles, qu'on ne trouvait plus facilement de personnes
qui voulussent les dire, le concile de Trente (Ses. XXV,
De Reform. c. VI) avait autorisé les évêques, après exa-
men dans leur synode diocésain, les abbés et généraux
d'ordre, dans leurs chapitres généraux, à réduire les fon-
dations. En conséquence de l'art. 3 de l'édit d'août 1749,
cité précédemment, cette réduction se trouva soumise au
contrôle des parlements.
Le décret du 23 oct. 1790, ordonnant la vente des biens
nationaux, parmi lesquels étaient compris les biens du
clergé et des séminaires diocésains, excepta de cette vente
les biens des fabriques, des fondations religieuses, des
séminaires-collèges, des collèges, des établissements d'étude
FONDATION — FONDERIE
714 —
ou de retraite ou destinés à l'enseignement public, des
hôpitaux, des maisons de charité et des ordres religieux-
militaires. Dans l'art. 13 du concordat de 1801, le pape
déclare que les droits et revenus attachés aux biens ecclé-
siastiques aliénés demeureront incommutables entre les
mains des acquéreurs ou celles de leurs ayants cause ; mais
l'art. 15 stipule que le gouvernement prendra des mesures
pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent,
faire des fondations en faveur de l'Eglise. Un arrêté du
7 thermidor an XI porte : « Les biens des fabriques non
aliénés, ainsi que les rentes dont elles jouissaient et dont
le transfert n'a pas été fait, sont rendus à leur destination
(art. 1). Les biens des fabriques des églises supprimées
seront réunis à ceux des églises conservées, et dans l'ar-
rondissement duquel elles se trouvent (art. 2).» Un arrêté
du 25 frimaire an XII, confirmé et étendu par un avis du
conseil d'Etat du 21 frimaire an XIV, un décret du 22 fruc-
tidor an XIII et un autre du 19 juin 1806, remirent aux
fabriques les biens, rentes et fondations chargés de messes
anniversaires et de services religieux. Les fabriques nou-
velles doivent acquitter les services religieux anciennement
fondés, qui sont la condition tacite et inséparable de la
restitution des biens et rentes qui y étaient affectés. —
(Pour les règlements administratifs concernant l'acquitte-
ment et exécution des fondations, V. le § précédent.) —
L'art. 8 de la loi du 18 germinal an X déclare communes
aux Eglises protestantes les dispositions portées par les
articles organiques du culte catholique, sur la liberté des
fondations, et sur la nature des biens qui peuvent en être
l'objet. E.-H. Vollet.
FONDE (Cour de la) (V. Cour, t. XIII, p. 79).
FONDÉ de pouvoir (Jurispr.). On nomme ainsi la per-
sonne qui reçoit le pouvoir de faire quelque chose pour une
autre personne et au nom de cette dernière. On l'appelle
aussi mandataire et, plus rarement, procureur fondé
ou simplement procureur. Le pouvoir donné constitue le
mandat; celui qui le donne prend le nom de mandant.
Le consentement des parties suffit pour la validité du man-
dat. Le mandat peut être donné par acte public, par acte
sous seing privé, et, même, verbalement, ou d'une manière
tacite. Dans certains cas, cependant, le mandat doit être
authentique, comme pour les actes de l'état civil (C. civ.,
art. 36), les oppositions au mariage (iM.,art. 66) et les
acceptations de donation (ibid., art. 933). Le mandat en-
gendre des obligations entre le mandant et le mandataire et
les oblige tous les deux à l'égard des tiers. Mais nous ne
pouvons donner ici les développements que comportent
tous ces principes ; on les trouvera au mot Mandat (V. aussi
Percepteur, Receveur particulier et Trésorier-Payeur
général). Jules Forestier.
FONDERIE.-— I. Technologie. —Les fonderies sont
les usines où l'on fond les métaux en vue de leur utilisa-
tion dans les arts et métiers et, en raison de l'importance
considérable de cette application des produits de la fon-
derie, on a dû spécialiser les genres de fonderies, et chacun
d'eux est l'objet d'une industrie de premier ordre. Les
fonderies de fonte de fer sont les plus importantes ; nous
nous en occuperons tout d'abord . La résistance de la fonte
tant à l'écrasement qu'à la flexion et la facilité avec la-
quelle elle peut passer à l'état liquide ont donné naissance
à la fonderie. La majeure partie de nos pièces de machines,
beaucoup de nos constructions métalliques sont en fonte
moulée. La fonderie emploie plus spécialement la fonte
grise, qui a une grande fluidité, de la résistance au choc
et de la douceur quand on la travaille à l'outil. La fonte
blanche serait trop pâteuse et trop fragile. La fonte truitée
n'est qu'une qualité intermédiaire entre la fonte blanche
et la fonte grise ; on ne l'obtient pas en marche courante
ordinaire, et d'ailleurs elle est, comme la fonte blanche,
très dure et quelquefois même impossible à travailler aux
outils. On ne l'emploie donc qu'exceptionnellement, pour
des usages spéciaux. Parmi les variétés de fonte grise, dé-
signées par les nos 1 à 4, en descendant l'échelle, de la
fonte la plus noire à celle qui se rapproche de la fonte
truitée, la fonte la plus communément employée dans la
fonderie mécanique et d'ornement est la fonte n° 3. La
fonte n° 1, la plus chargée en graphite, la plus noire et
celle qui a le plus gros grain, manque de fluidité ; elle est
un peu pâteuse, par suite de l'excès de carbone non dis-
sous; de plus elle a une structure poreuse ; d'ailleurs .c'est
la plus chère à produire ; on ne l'emploie donc qu'en mé-
lange et on la recherche pour permettre la fusion des bo-
cages et débris de vieilles fontes que leur oxydation
superficielle transformerait en fonte blanche. Le type de
la fonte du moulage est la fonte n° 3, mais on l'obtient le
plus souvent par un mélange de fontes n° 1 et n° 2 et de
vieilles fontes plus ou moins blanches. Il y a deux manières
de réaliser la qualité de fonte la plus convenable au mou-
lage : la première fusion, qui se fait en prenant la fonte au
haut fourneau même et ménageant, dans ce but, une allure
régulière de l'appareil ; la deuxième fusion, la plus em-
ployée et qui se fait au four à réverbère et plus générale-
ment au cubilot (V. ce mot, t. XIII, p. 547). Autrefois,
on se servait d'un appareil appelé calebasse, dont l'usage
est encore répandu en Belgique, qui a beaucoup de ressem-
blance avec le cubilot et qui peut remplacer ce dernier
lorsqu'on n'a besoin que de petites quantités de fonte et
par intervalles irréguliers. Cet appareil était employé en
France dès le commencement du siècle dernier, mais il y
est aujourd'hui fort peu répandu. Il y a deux espèces de
calebasses : les calebasses ambulantes à poche et celles qui
sont fixes ou à demeure ; ces dernières peuvent marcher au
coke ou à la houille crue. Quant aux dimensions des cale-
basses, elles varient d'après la quantité de fonte qu'on veut
liquéfier en une seule opération ; il y a de petits fourneaux
ambulants dans lesquels on ne fond que quelques kilo-
grammes de métal, et les dimensions des fourneaux à
demeure peuvent être telles qu'elles permettent de liqué-
fier jusqu'à 500 kilogr. de fonte en une seule chaude.
Dans une calebasse fixe, on distingue le fourneau, la souf-
flerie et la cheminée. Les parties du fourneau" sont : le
creuset, aussi appelé calebasse, d'où vient le nom qu'on
a donné à l'appareil tout entier, et la cuve ou le tour de
feu. L'une et l'autre sont en tôle forte, revêtue intérieu-
rement d'argile ; mais le creuset, qui n'est qu'une poche
ordinaire de mouleur, peut aussi être en fonte. On élève le
fourneau le long d'un mur, en tournant la cuve de manière
que le mur ferme le vide qu'elle présente latéralement et
achève ainsi le cylindre. On assemble les deux parties
du fourneau l'une sur l'autre avec un lut argileux ; on
réunit de même le tour de feu au mur et on enduit tout
l'intérieur d'argile, en donnant au vide du fourneau une
forme à peu près cylindrique ou semblable à celle du vide
d'un cubilot. Pour conserver la chaleur, on enterre le
creuset dans du sable que l'on élève un peu au-dessus du
cercle de jonction de la calebasse avec le tour de feu et
que l'on contient en bas, à droite et à gauche, par deux
petits massifs en brique. La tuyère qui amène le vent
passe par le mur et rase le bord du creuset. Enfin le
fourneau est surmonté d'une hotte d'environ 2m50 de hau-
teur, pour diriger les produits de la combustion à l'exté-
rieur. Dans la calebasse au coke qui reçoit le vent peu
comprimé d'un ventilateur, la tuyère en tôle ordinaire et
de forme tronconique n'a pas de saillie ; l'inclinaison est
telle que le vent frappe juste au milieu de la section
supérieure du creuset. Dans la calebasse à la houille, la
tuyère, plus inclinée, lance le vent au milieu du fond du
creuset. Un vent moins plongeant exercerait une action
plus faible sur la fonte, mais ne réchaufferait pas autant
et occasionnerait une plus forte consommation de combus-
tible. Le calebassier doir régler l'inclinaison de la tuyère
d'après le résultat qu'il veut obtenir.
Les diverses qualités que l'on peut demander à la fonte
de moulage sont la fluidité et la résistance. La fluidité per-
met aux moindres détails des moules d'être reproduits. On
l'obtient par un numéro convenable de carburation; on
— T45 —
FONDERIE
peut l'augmenter par la composition chimique de la fonte.
Les fontes phosphoreuses sont éminemment fluides, tandis
que les fontes sulfureuses sont généralement pâteuses. C'est
avec des fontes très chargées en phosphore que l'on fait
ces moulages très fins et très délicats dont Berlin a eu, jus-
qu'à présent, la spécialité (V. Bijouterie, t. VI, p. 824).
La résistance de la fonte est maximum dans la fonte truitée,
mais elle peut être influencée également par la composition
chimique. Les fontes pures ou légèrement siliceuses sont
très résistantes, tandis que les fontes phosphoreuses don-
nent des moulages fragiles. La douceur à l'outil qui se ma-
nifeste, soit dans l'ébarbage, soit dans le travail d'ajustage,
est une des conditions à remplir par les fontes mécaniques ;
elle est maximum dans les fontes n° 1 et minimum dans
les fontes blanches. En première fusion, ces diverses qua-
lités s'obtiennent par le mélange convenable de minerais et
l'allure du haut fourneau ; en seconde fusion, on les réa-
lise par le mélange des fontes. Ces préliminaires étant posés
relativement à la qualité de la fonte de moulage, il nous
reste à traiter la question de la fonderie proprement dite.
Elle comprend : le moulage, la coulée, l'ébarbage.
Le moulage s'obtient au moyen de sable siliceux, auquel
est incorporée de l'argile, pour donner du liant à la pâte.
Le mélange destiné à produire le sable de moulage le plus
convenable se fait par des broyages et des tamisages. Quand
on a une argile non calcaire, qui se trouve dans le voisi-
nage de la fonderie, on l'amaigrit avec du sable siliceux
ou du poussier de coke ou de charbon de bois. On appré-
cie l'humidité que doit avoir le sable en le maniant et le
formant en boule ; il ne doit pas mouiller la main et cepen-
dant il doit conserver la forme qu'on lui imprime. Comme
dans la coulée, il se dégage du gaz au refroidissement, le
sable doit être assez poreux pour leur donner issue, et c'est
dans ce but qu'on y incorpore du sable siliceux et du pous-
sier de charbon. On doit éviter la présence de la chaux qui
foisonnerait en présence de l'eau si elle était cuite, ou qui
se cuirait au contact de la fonte. Pour la même raison, il
faut éviter les alcalis et les oxydes métalliques, qui pro-
duiraient une fusion partielle et gâteraient la surface des
pièces. Les grains de sable doivent être homogènes, autant
que possible, sans poussière trop menue qui amènerait des
tassements irréguliers. Le moule est généralement en bois,
et pour tenir compte du retrait en se solidifiant et se refroi-
dissant, il doit avoir des dimensions linéaires de 4/95 à
1/98 plus grandes que la pièce à obtenir. Il est utile de
vernir les modèles en bois, pour empêcher le gonflement
par l'humidité. Les modèles en fonte ou en autres métaux
sont employés lorsqu'on a à couler un grand nombre de
pièces semblables. Le moulage se fait de deux manières
principales : à découvert ou en châssis. Dans quelques cas
spéciaux, comme lorsqu'il s'agit de la fonte dure, dont on
veut obtenir la trempe partielle ou totale, on moule en co-
quilles, c.-à-d. dans des moules en fonte. Le moulage à
découvert s'emploie quand une partie des faces seulement
de la pièce doit être conforme au modèle, les autres faces
pouvant être plus ou moins nettes et plus ou moins planes.
Ainsi, par exemple, une plaque de dallage de forme carrée
doit avoir une face unie ou portant une empreinte nette,
tandis que la face opposée n'a besoin que d'être à peu près
plane, puisque c'est celle qui sera placée sur terre. Il suf-
fira donc d'appliquer le modèle sur du sable égalisé au préa-
lable et de l'enfoncer à la profondeur que doit avoir la
pièce ; on amènera ensuite la fonte liquide dans la cavité
ainsi formée et, en lui ménageant un déversoir en une partie
du contour, on aura une partie supérieure suffisamment
nette dans la plupart des cas. Le moulage à découvert, ainsi
obtenu, porte aussi le nom de moulage en sable vert, parce
qu'on n'use d'aucun artifice pour communiquer au moule
une dureté spéciale; on emploie le sable dans son état naturel.
On se sert du moulage à découvert toutes les fois qu'on n'a
pas besoin d'une grande précision, parce qu'il est très écono-
mique. Dans le moulage en châssis, qui est le plus usité, on
découpe le moule en plusieurs parties séparées par des plans
horizontaux, et chacune de ces parties est moulée à part, puis
réunie au moment de la coulée. On obtient ainsi un creux
complexe qui se démoule facilement et dont toutes les faces
sont conformes au modèle. Prenons comme exemple simple
une sphère creuse. On emploiera un premier châssis qui
portera l'empreinte en creux de la moitié de la sphère et
on bourrera du sable autour du modèle. On opérera de
même avec un autre châssis qui portera l'empreinte de
l'autre moitié de la sphère et le trou par lequel arrivera la
fonte. En superposant ces deux châssis, on aura la sphère
complète. Naturellement, cette superposition devra être
faite avec soin et elle sera rendue immuable au moyen d'un
clavetage. Les châssis sont des cadres en fonte ayant en
général la forme carrée ou rectangulaire et dont quelques-
uns portent des traverses entre deux faces pour maintenir
le sable. Ce sont des sortes de boîtes en fonte, sans cou-
vercle et souvent sans fond, et que l'on ajuste les unes au-
dessus des autres, au moyen d'oreilles percées de trous et
dans lesquelles peuvent passer des clavettes. Quand on a
un grand nombre de pièces semblables à faire, les châssis
se rapprochent de la forme à obtenir ; on a moins de sable
à tasser dans ce cas et moins de main-d'œuvre. Aussi
l'outillage d'une fonderie demande -t-il un matériel de
châssis considérable pour opérer économiquement et avec
précision.
Le moulage en sable étuvé ne diffère du moulage en
châssis ordinaire que par une forte dessiccation du moule,
que l'on obtient généralement dans des étuves à air chaud.
On arrive ainsi à une solidification du sable qui permet de
supporter plus facilement la pression du métal en fusion
quand le simple tassement serait insuffisant. Quelquefois
l'étuvage du moule s'opère à feu nu, en suspendant chaque
châssis au-dessus d'un feu de cqke, mais cette manière
simple d'opérer amène une assez grande consommation de
combustible. Il est préférable d'employer un courant d'air
chaud qui n'amène jamais de frittage de la surface du
moule et permet ainsi d'obtenir de meilleurs résultats. Le
moulage est une industrie de tours de main où l'esprit ingé-
nieux des ouvriers peut se donner carrière ; aussi les mou-
leurs sont-ils, en général, habiles et intelligents. Chaque
pièce à obtenir est un problème qu'il s'agit de résoudre
aussi adroitement et aussi économiquement que possible.
Quand le moule a donné son creux dans le châssis, on sé-
pare la surface intérieure en projetant une pluie d'eau et
tamisant au-dessus du noir fin, composé de houille maigre
en poudre impalpable. On passe ensuite des outils polisseurs
de formes variées et l'on sépare avec soin les écornures
qui ont pu se produire, soit dans l'étuvage, soit dans les
manipulations du châssis. Quand certaines parties doivent
venir de fonte avec des creux, on ménage ceux-ci au
moyen de noyaux. Ce sont des parties solides, étuvées à
part à cause de leurs faibles dimensions et que souvent le
manque de dépouille empêcherait d'obtenir dans une pre-
mière empreinte. Pour les pièces qui sont répétées un
grand nombre de fois, on a imaginé des simplifications
intéressantes. Ainsi, par exemple, pour le moulage des
projectiles cyiindro-coriiques, où il faut ménager les parties
qui doivent recevoir les ailettes, on emploie des moules
métalliques démontables une fois le moulage obtenu. Le
moule peut alors s'extraire du châssis sans craindre c[ue
les parties en saillie puissent s'arracher. On supprime
ainsi l'emploi de noyaux difficiles à poser, ou bien, au
contraire, on facilite leur pose, suivant les systèmes em-
ployés. En un mot, le moulage est une industrie délicate
qui a fait de grands progrès depuis vingt ans. Quand il
s'agit du moulage en coquilles, la question se complique,
car il s'agit d'obtenir une trempe d'une certaine épaissenr,
tout en ayant une grande résistance. L'épaisseur de la
coquille, tout en amenant un refroidissement plus ou moins
rapide, vient aussi jouer un rôle important. Cependant,
pour la solution des problèmes de ce genre, la composition
et le mélange des fontes jouent le rôle principal.
La coulée ne présente pas autant d'intérêt que la question
FONDERIE
746 —
du moulage ; cependant, pour obtenir de bonnes pièces bien
saines, certaines précautions sont indispensables. La fonte
doit couler très fluide et ne jamais être près de son point de
solidification ; exception doit être faite pour les moulages
en fonte dure où la trempe réussit mieux avec une fonte peu
chaude. Quand la fonte doit être reçue dans une poche, ce
qui est le cas le plus général, celle-ci doit être chauffée au
préalable. Pour assurer le dégagement des gaz en dissolution
dans la fonte, on pratique dans l'intérieur des moules des
trous avec de grandes aiguilles et on allume ces gaz pen-
dant la coulée au moyen de bouchons de paille enflammés.
Quand on veut éviter les soufflures produites par le déga-
gement des gaz après le refroidissement de la surface, on
emploie ce qu'on appelle des masselottes. Ce sont des par-
ties cylindriques ou coniques qui surmontent le moule et
doivent exercer simplement sur les parties inférieures une
pression proportionnelle à sa hauteur. Cette partie du
moulage devra être enlevée plus tard à l'ébarbage. La
masselotte a encore pour but d'empêcher le retassement
dans les moulages très volumineux. Si la communication
entre le moulage et la source liquide venait à être inter-
rompue avant la solidification de la partie centrale, le
retrait se ferait de l'extérieur à l'intérieur et il se produi-
rait un vide dans le milieu. Pour obvier à cet inconvénient,
on cherche, par un large orifice de coulée et par un certain
volume de métal placé au-dessus, à alimenter le moule au
fur et à mesure que se produit la contraction de volume au
refroidissement. La masselotte agit de même et empêche le
retassement central. Pour faciliter encore son action^ il
est de bonne pratique, en fonderie, de pousser la masse-
lotte avec une tige de fer; on cherche, par un mou-
vement de va-et-vient, à briser les croûtes solides qui
pourraient interrompre la communication entre le mou-
lage qui se refroidit et la masselotte encore liquide. Quel-
quefois même, quand on voit baisser le niveau de la
fonte au sommet de la masselotte, on ajoute vivement de
la fonte liquide pour parachever le remplissage du moule
et l'abreuver. Pour éviter le blanchiment de la fonte dans
les parties minces, il faut employer des moules bien secs,
mais la composition chimique de la fonte est surtout, sur
ce point, la partie importante. On évite ce blanchiment des
parties minces, parce qu'il est généralement accompagné de
fragilité et, en tout cas, d'une'fragilité qui résiste aux ou-
tils même trempés. Le manganèse facilite le blanchiment,
tandis que le silicium s'y oppose, parce que le premier
augmente la proportion de carbone combiné et que le second
la diminue ; tels sont les principaux éléments chimiques
sur lesquels on peut agir dans la composition des mélanges
soit au haut fourneau, soit au cubilot, pour éviter le blan-
chiment des moulages. L'ébarbage est une opération qui a
pour but d'enlever aux moulages la terre adhérente et les
bavures que le métal, en s' infiltrant entre les châssis mal
joints, a pu produire. Il est aussi nécessaire quand plu-
sieurs pièces sont coulées dans le même châssis et com-
muniquent ensemble par un jet de métal. Ce travail se fait
à la masse et au ciseau ; on frotte ensuite les pièces avec
des brosses métalliques.
L'acier, plus encore que la fonte, possède la propriété
précieuse de pouvoir donner des moulages résistants et d'une
grande utilité dans l'industrie. Il est incontestable que les
premiers aciers coulés sans soufflures furent faits en Alle-
magne ; on est arrivé aujourd'hui en France à produire
des aciers qui ne le cèdent en rien aux meilleurs aciers alle-
mands. Il existe entre le moule pour fonte et le moule pour
acier quelques différences qui proviennent de la nature de
ces deux métaux. L'acier est coulé plus chaud que la fonte ;
il est moins fluide ; sa solidification est beaucoup plus ra-
pide ; le retrait est plus considérable, les retassures ou affais-
sements sont plus importants ; les gaz qui se dégagent du
métal dans le moule même atteignent une pression plus
forte à cause de la*chaleur intense et de la facile absorp-
tion des gaz par l'acier fluide. Les précautions que prennent
les fondeurs pour établir le moule à acier sont nombreuses
et justifiées. Les petites pièces d'acier sont démoulées
presque aussitôt après la coulée ; les pièces de poids plus
considérable sont démoulées le plus vite possible et, tout
chauds encore, les moulages sont introduits dans un four
à recuire où on les maintient pendant plusieurs jours. Le
four Martin-Siemens convient parfaitement pour la pro-
duction du bon métal de moulage. Il est nécessaire, pour
éviter autant que possible les actions oxydantes, de mener
lestement l'opération ; il faut, pour obtenir ce résultat, em-
ployer un four qui chauffe bien. Un four Martin-Siemens
de capacité moyenne peut faire trois coulées en vingt-
quatre heures et produire de 25 à 30 tonnes d'acier. On
corrige l'oxydation du bain par une addition de manganèse
qui ramène les oxydes de fer à l'état métallique, tandis que
le manganèse est scorifié et passe dans le laitier. Les souf-
flures sont aussi combattues par l'addition du manganèse et
du silicium, dont l'action est toute-puissante. Il faut em-
ployer des substances pures par elles-mêmes et pratiquer
un simple affinage, qui a pour but de brûler complètement
le silicium, le carbone et le manganèse ; on ajoute ensuite,
pour la recarburation, la proportion de fontes spéciales né-
cessaires pour donner un métal à composition déterminée.
Jusqu'à ces dernières années, la fabrication des moulages
moyens, c.-à-d. du poids de 30 à 100 kilogr., était de-
meurée difficile : le four Martin produisait trop de métal et
le creuset n'en coulait pas assez. Les petits convertisseurs
du système Clapp et Griffith n'ont donné que des résultats
médiocres; le cubilot- convertisseur Robert paraît au con-
traire avoir résolu le problème du moulage des pièces
moyennes. Le principe de l'appareil réside dans le soufflage
latéral qui détermine un mouvement giratoire capable d'af-
finer le métal. L'acier obtenu, recarburé à dose convenable,
est très chaud et, par suite, très fluide et parfaitement ho-
mogène. Dans les ateliers, peu importants, où l'on n'a pas
encore adopté le cubilot-convertisseur Robert, on continue
à se servir des creusets pour l'obtention des petits mou-
lages. La fabrication de l'acier au creuset est parfaitement
connue (V. Acier, t. I,p. 399) et n'a pas subi depuis long-
temps de modifications bien appréciables. Le four à vent
de Benjamin Huntsmann a été remplacé par les fours à gaz
du système Siemens. Au creuset on n'obtient, en général,
dans la marche courante du travail, que des aciers durs ou
demi-durs, à l'exclusion des aciers doux. Depuis quelques
années, on obtient des moulages d'acier qui doivent leurs
propriétés particulières à l'action d'un métal étranger. Tels
sont les aciers au manganèse contenant de 10 à 15 °/0 de
manganèse, aciers excessivement durs, inusables. Une
faible quantité d'aluminium ajoutée à l'acier fondu donne
de la fluidité à ce métal, ce qui permet de couler des mou-
lages extra-doux, analogues au métal métis de M. Norden-
field. Nous ne parlerons pas des fonderies de bronze, pour
lesquelles nous renverrons à un autre article (V. Bronze,
t. VIII, p. 139). L. Knab.
Fonderie de caractères (V. Caractère, t. IX, p. 271).
II. Artillerie. — Usine appartenant à l'artillerie et
servant à fabriquer les bouches à feu. Quand les canons
en bronze étaient en service dans l'armée et les canons en
fonte dans la marine, le principal objet des fonderies était
de produire des blocs de bronze ou de fonte de bonne
qualité. Aujourd'hui l'acier ayant remplacé le bronze et la
fonte, l'armée et la marine ont renoncé à fabriquer elles-
mêmes les blocs d'où sont tirés les canons : elles se bor-
nent à les recevoir fondus, forgés, alésés, tels que les
produisent les usines métallurgiques privées, particulière-
ment celles du Creuzbt et les aciéries des environs de
Saint-Etienne, dans la Loire. Les établissements de Bourges
et de Ruelle, qui ont conservé leur ancienne dénomination
de fonderies, achèvent la fabrication de canons fondus
ailleurs : ils ne répondent plus à leur titre primitif qui se
rapportait à la production directe des métaux sous forme
de lingots à canon. La fonderie de Bourges a été bâtie en
1864, à l'époque où le matériel de l'armée française était
constitué exclusivement de canons en bronze. Cet établis-
— 717 —
FONDERIE
sèment fut construit à grands frais, afin de remplacer les
trois fonderies séculaires instituées à Strasbourg, à Douai
et à Toulouse qui furent supprimées à cette époque. La
substitution de Tunique fonderie de Bourges aux trois an-
ciennes fonderies devait unifier la méthode de fabrication
des bouches à feu et rendre homogène le bronze en pro-
venant, au moment où la transformation du matériel d'ar-
tillerie lisse en matériel rayé provoquait le perfectionne-
ment des procédés de fabrication du bronze et l'amélioration
des procédés de rayage en vigueur depuis 1858. Après la
guerre franco-allemande, la fonderie de Bourges a exécuté
la fabrication du matériel de Refïye en bronze, canons dits
de 7 , de 5, de 1 38 . Ce furent les derniers travaux de fonderie
de sérieuse importance auxquels se livra cet établissement.
Depuis cette époque, la fonderie de Bourges s'est livrée à
des recherches longues et coûteuses afin de mettre en œuvre
des sortes nouvelles de bronze, susceptibles d'être mandri-
nées et même d'être trempées de façon à acquérir, à l'ins-
tar du bronze Uchatins, une dureté et une élasticité supé-
rieures à celles des anciens alliages et analogues à celles
qui font le mérite de l'acier comme métal à canon. Dans
cet ordre d'idées, il a été proposé en 1880 un type de
canon de 120 en bronze et un type de canon de 155 à
grande puissance, également en bronze, qui, après des
essais de laboratoire féconds en promesses, n'ont pu être
fabriqués d'une manière courante par la fonderie de Bourges.
Il faut rapporter aux mêmes efforts la fabrication de mor-
tiers rayés du calibre de 27 centim. en bronze mandriné,
tentée en 1881, sans que les résultats pratiques de ces
essais aient permis d'utiliser la moindre part du stock
énorme de bronze devenu disponible par le déclassement
des bouches à feu en service avant l'adoption des canons
en acier. Actuellement la fonderie de Bourges a renoncé à
fabriquer des canons en bronze susceptibles de rivaliser
avec les canons en acier. La halle aux fontes qui consti-
tuait la partie essentielle de l'établissement tel qu'il fut
créé en 1864 est devenue inutile depuis que ses fours se
sont refroidis. Cette halle est affectée à divers usages acces-
soires, après avoir été utilisée au tubage des canons de
19 cent., tant que la fabrication de ces bouches à feu était
obtenue au moyen d'un corps en fonte tube d'acier.
Les opérations actuelles de la fonderie de Bourges con-
sistent dans l'usinage des blocs d'acier expédiés par les
usines métallurgiques privées, de façon à finir les canons
et à y adapter les diverses pièces de la culasse qui doivent
les rendre propres au service. Indépendamment de ces tra-
vaux qui exigent des machines lourdes et coûteuses, par-
ticulièrement lorsqu'il s'agit des canons du calibre de
24 centim. et de 27 centim., la fonderie de Bourges est
pourvue d'un service d'expériences et de contrôle sou-
mettant les aciers fournis par l'industrie privée à des
épreuves de traction et à des essais chimiques permettant
d'apprécier les plus importantes qualités physiques du
métal et de comparer, au point de vue de l'homogénéité,
les divers aciers fournis par l'industrie privée. On a renoncé
à l'idée d'installer à la fonderie de Bourges des ateliers
métallurgiques permettant de couler l'acier. Cette addition
aurait entraîné des dépenses exorbitantes. Dans cette hypo-
thèse, le personnel d'officiers experts dans la fabrication
métallurgique serait à créer, ce qui constituerait une diffi-
culté des plus graves, pour ne pas dire un obstacle presque
insurmontable. En effet, le service des essais chimiques au
point de vue métallurgique n'a jamais pu être assuré d'une
façon satisfaisante à la fonderie de Bourges par le per-
sonnel des officiers d'artillerie. Il a fallu par la force des
choses que le service de l'artillerie recourût à la compétence
d'ingénieurs civils, anciens élèves de l'Ecole centrale, qui
occupent le poste technique de chimistes. Il en a été de
même pour le service des machines à la fonderie, et la dif-
ficulté serait encore plus manifeste dans le cas où les exi-
gences du département de la guerre réclameraient la créa-
tion de hauts fourneaux ressortissant à la fonderie et
coulant eux-mêmes l'acier à canons. Une addition de ce
genre serait des plus dispendieuses ; aussi semble-t-elle
ne pas devoir être réalisée.
Sauf l'exception signalée plus haut au sujet des essais
chimiques et des machines, les principaux emplois d'ingé-
nieurs de la fonderie de Bourges sont occupés par des
officiers en activité de service. Le directeur, officier du
grade de lieutenant-colonel ou de colonel, est secondé par
deux officiers supérieurs ou capitaines en premier, prenant
les titres de directeur adjoint ou de sous-directeur. Une
dizaine de capitaines en second se répartissent les divers
ateliers. Ces officiers ne possèdent aucune pratique de l'usi-
nage de l'acier à canon quand ils entrent dans cet établis-
sement ; ils font leur apprentissage tout en dirigeant les
ateliers qui leur sont confiés. Le séjour de ces officiers à la
fonderie ne dépasse généralement pas trois années, temps
à peine suffisant pour connaître complètement les pratiques
métallurgiques ; aussi les gardes d'artillerie et les ouvriers
d'état placés sous leurs ordres exercent-ils la direction
effective des ateliers dont les capitaines en second sont
titulaires. La création d'un corps spécial d'ingénieurs mili-
taires proposée en 1887 sous forme de projet de loi sur la
réorganisation de l'armée avait pour but de parer aux
inconvénients de cet état de choses. Il sera difficile d'assu-
rer à la fonderie de Bourges une gestion économique com-
parable à celle des établissements de l'industrie privée, tant
que la direction appartiendra à des ingénieurs empruntés
aux régiments, devant y rentrer à bref délai et par consé-
quent médiocrement préparés aux difficultés de la gestion
industrielle. Quoi qu'il en soit, la fonderie de Bourges
constitue un établissement de premier ordre, tant par l'im-
portance de son budget annuel que par le fini des pièces
qui en sort. Elle ne fait d'ailleurs aucune sorte de travaux
qui ne puisse être opérée couramment dans les ateliers
similaires de l'industrie privée, au cas où le besoin l'exi-
gerait. Pour les raisons précédemment indiquées, le prix
de revient est moins élevé dans ces derniers ateliers, à
cause du meilleur marché de la main-d'œuvre et de sa plus
parfaite utilisation.
Ce qui a été dit plus haut de la fonderie de Bourges
peut s'appliquer dans une large mesure à la fonderie de
Ruelle qui ressortit au département de la marine et qui
est le dernier survivant des établissements qui produi-
sent des canons pour la marine, les fonderies de Saint-
Gervais (Isère) et de Ne vers ayant été fermées successive-
ment dans les dernières années et leur matériel ayant été
transporté à Ruelle pour les raisons analogues à celles
qui ont provoqué en 1864 la concentration à Bourges des
fonderies du département de la guerre. Les fourneaux de
Ruelle ont coulé des canons en fonte jusqu'en ces dix
dernières années, tant que l'adoption de l'acier n'excluait
pas l'usage de la fonte pour le corps des canons des calibres
de 19 centim., de 24 centim., de 27 centim. Présente-
ment, l'emploi exclusif de l'acier pour le corps du canon
aussi bien que pour les tubes et pour les frettes a provo-
qué le chômage des fourneaux de Ruelle. La fonderie de
Ruelle, avec des frais généraux inférieurs à cause de la
fonderie de Bourges, satisfait à des besoins semblables :
elle peut usiner des canons du calibre de 32 centim. et de
calibre supérieur, tandis qu'à Bourges les bancs de forage
et de rayage ne permettent pas l'usinage de ces énormes
bouches à feu. La fonderie de Ruelle n'a pas dans ses
attributions la confection des projectiles et des corps fusées
qui encombre une partie notable des ateliers de la fonderie
de Bourges et gène l'usinage des canons. Si l'on compare
l'état actuel des fonderies de Bourges et de Ruelle à ce
qu'elles étaient il y a vingt ans, l'on constate des agran-
dissements considérables et quantité de bâtiments nou-
veaux. La cause en est à la complication de la confection
des bouches à feu actuelles par rapport aux canons de
cette époque. Loin d'être définitif, l'état actuel de la fabri-
cation représente un fort médiocre avancement vers les
progrès énormes qu'exigera de l'acier l'application aux
bouches à feu des poudres puissantes procurant des vitesses
FONDERIE — FOND!
- 718
initiales supérieures de moitié à celles qui sont pratiquées
par les bouches à feu de 80 ou de 90, de 120 ou de 155.
IL faut considérer comme constamment ouverte la phase de
transformations où est placée l'artillerie française depuis
les événements de 1870 : le période des agrandissements
imposés depuis vingt ans aux fonderies de Bourges et de
Ruelle n'est pas près d'être close : elle exigera de gigan-
tesques efforts pécuniaires et l'adoption de procédés de
fabrication beaucoup plus perfectionnés que ceux de la
fabrication actuelle.
FON DETTES. Corn, du dép. d'Indre-et-Loire, arr. et
cant. (N.) de Tours; 2,138 hab. Stat. du ch. de fer d'Or-
léans, ligne de Tours à Vendôme. Le village est à 4 kil.
de la station. Fabrique de vermicelle. Eglise en partie
du xme et en partie du xve siècle, dont le portail est inté-
ressant.
FONDEUR. I. Métallurgie. — Ouvrier qui fond les
métaux pour la fabrication des moulages d'art et d'industrie,
des canons, des cloches, des caractères d'imprimerie, etc.
(V. Fonderie et Bronze, t. VIII, p. 139). Autrefois, les
fondeurs ne travaillaient pas toujours dans une fonderie ;
on les appelait alors calebassiers, allant d'un village à
l'autre pour fondre de petits objets, tels que poids d'hor-
loge, poids de balance, barreaux de grille, dragées à
giboyer, etc. Cette industrie a presque disparu en France
depuis que les fonderies se sont multipliées, mais elle
existe encore dans les pays moins avancés en métallurgie.
L'outillage du calebassier se compose d'une simple casse-
role garnie d'argile servant de creuset et d'une portion de
poêle d'appartement faisant la fonction de tour de feu ;
celui-ci est un cylindre complet ; il n'y a pas de mur ni
de cheminée, comme dans la calebasse fixe, et le fourneau
se monte en plein air. Il est difficile d'imaginer un appa-
reil plus simple. Le vent est donné par deux petits souf-
flets à main dont les buses se réunissent dans une même
tuyère formée d'un tuyau de fer, ou, ce qui toutefois n'est
pas aussi avantageux, se rendent dans deux tuyères oppo-
sées. D'après le témoignage de Réaumur, on faisait déjà
usage de ces calebasses, en France, au commencement du
siècle dernier. Pour y fondre du fer cru, on plaçait le
creuset sur un châssis en fer pourvu d'une anse mobile,
qu'on pouvait lever ou abattre. Après avoir placé le tour
de feu ou cuve sur le creuset, on y jetait d'abord quelques
charbons de bois incandescents ; on remplissait ensuite tout
le fourneau de ce combustible et l'on faisait agir les souf-
flets. A mesure que le charbon descendait, on introduisait
de nouvelles charges dans la cuve, jusqu'à ce que les parois
extérieures fussent rouges de feu ; c'est alors seulement
qu'on chargeait le métal concassé en petits fragments. On
faisait varier le poids des charges d'après l'aspect de la
tuyère : si les matières vues à travers ce trou étaient très
blanches, on augmentait la dose de fer cru ; on la dimi-
nuait si la couleur était rougeâtre. La fonte se figeait quel-
quefois dans le creuset, et alors on avait beaucoup de peine
à la remettre en fusion. Lorsqu'on s'apercevait que toute
la poche était remplie, on laissait descendre les charges,
on enlevait la cuve, on retirait les scories de la fonte, on
soulevait par l'anse toute la partie inférieure, y compris
le châssis et on versait le métal dans des moules. La même
marche est encore suivie aujourd'hui.
En Chine, on rencontre de nombreux fondeurs parcou-
rant les villages. Les Chinois font un grand usage pour la
cuisine de vases circulaires en forme de marmites et en
fonte mince. Ces marmites servent surtout à cuire le riz et
d'autres légumes ; leur principal mérite, aux yeux des Chi-
nois, consiste dans leur faible épaisseur qui permet de
consommer très peu de bois pour faire bouillir l'eau. Des
marmites aussi minces sont très sujettes à se briser ou
à se fêler ; on en confie la réparation à des ouvriers qui
portent leurs attirails dans des paniers, sur l'épaule. On
trouve fréquemment ces fondeurs dans les rues en Irain
de réparer des marmites non seulement fêlées, mais aux-
quelles il manque des morceaux. L'ouvrier commence par
gratter le bord de la cassure avec un ciseau, puis il le
frotte avec un morceau de brique ; après quoi, il retourne
le vase sur un trépied peu élevé, de manière à pouvoir
promener facilement les mains à l'intérieur et à l'extérieur.
A côté de lui se trouvent sa boîte d'outils et divers autres
objets de son métier. Il prend un petit creuset de la gros-
seur d'un dé à coudre dans lequel il met un petit frag-
ment de fonte ; le creuset est placé à son tour dans un
petit fourneau à peu près aussi grand que la moitié d'un
verre à boire ordinaire ; l'ouvrier remplit ce fourneau de
charbon de bois et, au moyen d'un soufflet, il produit une
chaleur intense qui fait fondre la fonte après quelques ins-
tants. Alors, il fait couler le métal sur un morceau de
feutre couvert de cendre ou de poussière de charbon de
bois qu'il introduit de la main gauche dans l'intérieur du
vase renversé, en le pressant contre la partie qu'il s'agit
de souder. Au même moment, il frappe avec un petit rou-
leau de feutre couvert également de cendre le métal fondu
qui suinte par le trou ou par la fêlure. Il répète cette
opération jusqu'à ce que le joint de la marmite soit bou-
ché. Ensuite, il enlève à la main les parties raboteuses ou
en saillie et frotte la surface soudée avec un morceau de
tuile ou de brique cassée, de façon à l'unir autant que
possible. Si le raccommodage est suffisant, ce qu'il essaye
en mettant de l'eau dans le vase, il retourne près du
client qui lui paye de 0 fr. 30 à 0 fr. 40 par vase. Le souf-
flet est très puissant; il est tout en bois, sauf la garniture
et les charnières des soupapes qui sont en fil de fer ; il
consiste principalement en une caisse rectangulaire renfer-
mant un piston qui se meut horizontalement. Le fourneau
est un petit vase de tôle, cylindrique, peu profond, de
0°M5 de diamètre au sommet et de 0m15 de hauteur, revêtu
à l'intérieur d'argile réfractaire, et muni de quelques petits
barreaux qui forment grille, et au-dessous de laquelle est
injecté le vent. On pourrait difficilement citer un trait plus
caractéristique de l'ingéniosité mécanique des peuples de
l'Orient : ce procédé n'a pu naître que dans un pays
dressé, depuis plusieurs siècles , au traitement des mé-
taux. L. Knab.
IL Artillerie. — Praticien qui, à l'époque où les
canons étaient en bronze, s'adonnait spécialement aux ma-
nipulations du cuivre et de l'étain, de manière à produire
dans de bonnes conditions de proportions, de température,
de moulage, le bronze destiné aux lingots à canon. Le rôle
du fondeur a graduellement diminué d'importance avec la
substitution de l'acier au bronze dans la fabrication des
diverses bouches à feu de l'artillerie française de cam-
pagne, de siège et de place. L'art du fondeur militaire se
borne présentement à fabriquer de menus attirails en
bronze. Les plus importants sont les boîtes de roues et les
moyeux métalliques qui ont remplacé les moyeux en bois
dans la confection des roues employées par les diverses
voitures de l'artillerie. Les corps de fusée en bronze sont
toujours fondus à la fonderie de Bourges. Dans la marine
où les canons en fonte furent pourvus" de frettes, puis de
tubes en acier, avant que le corps du canon lui-même
devînt d'acier, l'acier a complètement éliminé la fonte, ce
qui a annulé le rôle du praticien qui préparait les fontes
de seconde fusion employées pour les canons de la marine.
FONDI. Ville d'Italie, prov. de Caserte (Italie cen-
trale), à égale distance de Gaëte et de Terracine, sur une
hauteur, à 10 kil. de la mer Tyrrhénienne ; 7,520 hab. C'est
le Fundi des anciens ridiculisé par Horace {Sat. I, v. 34),
mais apprécié pour les fameux crus du Cœcube que Ton
récoltait dans les coteaux avoisinants. La voie Appienne
passait à travers Fondi et constitue encore aujourd'hui la
principale rue de la ville. L'ancien couvent des Dominicains
est encore représenté par une chapelle où saint Thomas
d'Aquin enseigna la théologie. Le château, très délabré, fut
saccagé deux fois par les pirates barbaresques en 1534 et
en 1594. Cette ville, placée aux confins des Etats pontifi-
caux et du royaume de Naples, fut longtemps un centre de
brigandage. Là, le chef de bandes Marco Sciarra accorda
719 —
FONDI — FONDREMAND
sa protection avec un sauf-conduit au Tasse. Là parut sou-
vent le redouté Michel Pozza, populaire sous le nom deFra
Diavolo, qui infesta la contrée de 1799 à 1806. A quelques
kilomètres à l'O. de Fondi se trouve le lac de Fondi que
les anciens appelaient aussi lacusAmyclanus, du nom d'une
ancienne cité, Amyclœ, fondée, disait-on, par des Laconiens
fugitifs.
FONDOIR (Techn.). Bâtiment qui fait ordinairement
partie d'un abattoir et où l'on fait fondre la graisse et le
suif ; souvent aussi les fondoirs sont séparés des abattoirs
qui leur fournissent les matières premières. Pour isoler
les corps gras des membranes et des autres matières étran-
gères, on coupe en morceaux le suif brut et on le fait
fondre ; on a parfois recours, et avec raison, à des meules
pour broyer les cellules et les déchirer, opération qui facilite
la liquation du suif. L'action de la chaleur a pour effet de
détruire les cellules et de fondre les particules de graisse
qui peuvent ainsi se rassembler. A l'origine, et ce procédé
est encore très répandu, la fusion du suif s'opérait à sec
par la seule action de la chaleur portée à plus de 100°
pour éviter des pertes de matières trop considérables. Dans
ce procédé, les matières grasses, coupées en petits mor-
ceaux, sont jetées dans des chaudières ou caques chauffées
à feu nu. La dilatation des liquides qui s'échauffent fait
éclater la plus grande partie des cellules ; il se forme un
liquide laiteux qui se bonifie peu à peu au fur et à mesure
que la chaleur évapore l'eau des cellules ou la petite pro-
portion de ce liquide qu'on a ajoutée. On chauffe jusqu'au
moment où les membranes, ayant perdu toute leur eau,
paraissent raccornies, dures et ne laissent plus couler
de graisse. A ce moment on diminue le feu, tout en lui
laissant assez d'intensité pour maintenir le suif liquide à la
partie supérieure ; on le décante et on le coule à travers
un tamis, dans des moules cylindro-coniques, où il passe à
l'état de suif en pain. Le résidu du traitement, qui porte le
nom de boulée, est passé à chaud et donne encore une
petite quantité de suif plus coloré et de qualité inférieure.
En général, on retire par la fusion 80 à 82 °/0 de suif en
pain et de 10 à 15 °/0 de résidu. Ce mode de traitement
primitif s'est conservé malgré ses inconvénients dans les
petits fondoirs. Les résidus de la fusion conservent, en
effet, ainsi toute leur valeur comme engrais, et leur dessic-
cation sous l'action de la chaleur permet d'en séparer faci-
lement le suif. Cet avantage se trouve d'ailleurs largement
compensé par la difficulté de conduire le feu et l'inconvé-
nient que présente le dégagement d'odeurs intolérables pour
le voisinage. On comprend dès lors l'importance des pro-
cédés qui permettent d'obtenir un rendement plus avanta-
geux et de supprimer l'odeur des anciens fondoirs.
La méthode de d' Arcet a pour point de départ l'action de
J'acide sulfurique étendu sur le suif; il se produit à la fois
une décomposition chimique et une désorganisation des
cellules. On ajoute, par 100 kilogr. de suif, 20 kilogr. d'eau
additionnée de 500 à 1,500 gr. d'acide sulfurique concen-
tré. Au bout de deux heures et demie d'ébullition, la sépa-
ration de la graisse et des cellules est complète et l'on peut
soumettre les résidus à la pression. Le suif décanté est
additionné d'une faible quantité d'alun dissous et abandonné
à lui-même pendant quelques heures pour permettre aux
matières gélatineuses de se déposer. Le procédé de d'Arcet
peut s'appliquer aux chaudières à feu nu, mais il est pré-
férable d'opérer dans des chaudières fermées, à la tempé-
rature de 105°, soit qu'on fasse agir la vapeur intérieu-
rement comme dans les appareils de Tarlet, soit qu'on
l'injecte dans la matière grasse elle-même, comme dans
l'appareil de Champy. La méthode de Lefébure, qui repose
sur le même principe que celle de d'Arcet, consiste à faire
macérer le suif à froid pendant trois ou quatre jours dans
un bain contenant, pour 100 kilogr. de suif, 1 kilogr. d'acide
sulfurique, azotique ou chlorhydrique et à opérer ensuite la
fusion du suif dans de l'eau pure. Evrard recommande de
fondre 100 kilogr. de suif en branche avec 200 kilogr. d'eau
renfermant 1 kilogr. de soude rendue caustique par la calci-
nation du carbonate avec la chaux ; la dissolution s'opère
avec un courant de vapeur. Le travail de fusion par voie
humide, dans lequel les matières des cellules se décom-
posent et entrent en dissolution, ne laisse pour ainsi dire
pas de résidu solide. D'autre part, il ne développe que des
odeurs faibles quand on opère sur des suifs de qualité
moyenne ; mais il n'en est pas de même pour ceux de qua-
lité inférieure. Aussi a-t-on souvent cherché à supprimer
ces matières odorantes soit en les brûlant, soit en les con-
densant. Déjà d'Arcet, dans ses installations pour le travail
à feu nu, avait proposé de diriger ces vapeurs à volonté
dans le foyer ou dans la cheminée. Dans les installations
de Foucou, les vapeurs de diverses chaudières se rendent
dans un carneau commun et, sous l'action d'une cheminée
d'appel, traversent la flamme d'un foyer spécial. D'après
Stein, on parvient à faire disparaître toute odeur en re-
couvrant la chaudière avec un grillage chargé de quelques
centimètres de noir et de chaux éteinte. Ce filtre doit natu
rellement former une fermeture complètement étanche ; les
matières désinfectantes doivent être renouvelées à chaque
chargement. L. Knab.
FONDOLO (Gabrino), seigneur de Crémone, mort à
Milan en 1425. Général et premier ministre d'Ugolino
Cavacalbo, tyran de Crémone, il profita d'une compétition
entre celui-ci et son cousin Carlo Cavalcabo, pour les atti-
rer dans une forteresse, sous prétexte de conciliation et là
les faire massacrer durant un somptueux repas. L'armée et
le peuple ratifièrent le crime, saluèrent Fondolo seigneur
de Crémone. En 1413, le pape Jean XXIII et l'empereur
Sigismond, lors des pourparlers qui précédèrent la réunion
du concile de Constance, visitèrent Fondolo, mais leur
visite fut brève ; ils se sentaient peu en sûreté et quittèrent
Crémone subrepticement. Fondolo se chargea plus tard de
justifier ces soupçons. Etant entré dans une ligue contre
Filippo-Maria Visconti, duc de Milan, il fut battu parFran-
cesco Carmagnola, obligé à un traité désastreux, puis, en
1425, enlevé de Crémone par trahison, et condamné à la
décapitation. Sur l'échafaud, aux exhortations à se repen-
tir que lui faisait son confesseur, il répondit : « Oui, je me
repens, en effet, d'une irréparable faute. J'ai tenu à ma
merci le pape et l'empereur, au haut de mon clocher de
Crémone, et je ne les ai pas précipités en bas. J'en eus la
pensée, j'accordais ainsi guelfes et gibelins et je rendais
ma mémoire impérissable. Je me repens d'avoir lâchement
laissé échapper une telle occasion. » R. G.
Bibl. : Andréa Billius, Histovia mediolanensis et lom-
bardicsi. — Sismondi, Histoire des Républiques ita-
liennes, t. VIII.
FONDOUCK (Le). Village d'Algérie, dép. et arr. d'Al-
ger, à 32 kil. S.-E. de la ville d'Alger, à une ait. de
100 m., sur les premières pentes de l'Atlas, près de l'en-
droit où la rivière Hamise débouche dans la plaine. En
1839, il y avait là un poste militaire, autour duquel se
groupèrent quelques colons : ils eurent beaucoup à souf-
frir des fièvres, et le village, malgré la fertilité du sol, n'a
guère prospéré. La création à 7 kil. au S. d'un grand bar-
rage-réservoir dans les gorges de la Hamise, pouvant re-
tenir 1,500,000 m. c. d'eau, a amélioré la situation ;
mais le manque de débouchés et l'isolement, loin des routes
que suit le mouvement commercial, sont des obstacles per-
sistants au développement de ce centre. Il a une superficie
de 8,500 hect. avec une pop. de 4,729 hab. (avec son an-
nexe Bou-Hamedi), dont seulement 720 agglomérés ; il y
a 339 Français et 497 étrangers européens (Espagnols et
Maltais). E. Cat.
FONDREMAND. Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr.
de Vesoul, cant. de Rioz, sur la Romaine; 294 hab. Car-
rières de pierres à bâtir. Voie antique dite Chemin des
Piomains. Eglise de l'époque de transition avec dalles
tumulaires du xme et du xve siècle. Croix de pierre et
cloche du xvi° siècle. Ruines du château féodal. La sei-
gneurie appartenait, au moyen âge, à une famille de Fon-
dremand ; Louis XI la donna à Jean de Neuchâtel en 1482 ;
FONDREMAND — FONDS
720
du xvie siècle au xvur3, les marquis de Rosières-Sorans en
furent possesseurs.
FONDRIÈRE (Art niilit.). Comme tous les obstacles du
terrain, les fondrières, c.-à-d.les endroits où le sol n'est pas
assez solide pour permettre aux troupes de manœuvrer et de
combattre, sont appelées à jouer leur rôle à la guerre à un
moment donné et doivent entrer dans le calcul du général.
A ce titre elles doivent être soigneusement notées dans les
rapports de reconnaissance. Telle fondrière réputée infran-
chissable a pu donner parfois passage à l'ennemi et déter-
miner la défaite de l'armée qui se croyait en sécurité en
s'appuyant sur elle. On peut parfois, lorsque l'on a les
matériaux sous la main, consolider les fondrières par des
troncs d'arbre ou des fascines.
FONDS d'abonnement. La rémunération du personnel
des bureaux et un certain nombre des dépenses matérielles
de ^l'administration sont à la charge des préfets et des sous-
préfets, qui, par, contre, ont à leur disposition des res-
sources spéciales qui constituent le fonds d'abonnement.
C'est sous le Consulat (arrêté du 26 ventôse an VIII) que
ce système commença à être établi, les dépenses faites
étant réglées chaque année par les consuls sur le rapport
du ministre de l'intérieur. Sous l'Empire (décret du 16 juin
1806), un abonnement fixe fut substitué au règlement an-
nuel, la quotité étant variable suivant l'importance des
préfectures et sous-préfectures. Des décrets et règlements
ultérieurs modifièrent à plusieurs reprises l'importance et
la répartition du fonds d'abonnement ; actuellement, les
fonds alloués sous cette rubrique forment deux chapitres
distincts : la partie destinée au personnel des bureaux, de
beaucoup la plus importante, dont les préfets et sous-pré-
fets ne peuvent plus disposer librement et sont obligés de
rendre compte ; la seconde partie est destinée aux dépenses
matérielles, et les bonis appartiennent aux titulaires. Ces
dépenses à effectuer sur ce fonds ne peuvent être limitât i-
vement établies ; le règlement de comptabilité du 30 nov.
1840 porte que « l'autre portion du fonds d'abonnement,
matériel, est affecté, à titre d'abonnement, aux dépenses
de papier et d'impression, aux frais de ports de lettres et
paquets, d'éclairage et de chauffage des bureaux de toute
espèce, aux réparations locatives de l'hôtel de préfecture
et des bâtiments accessoires, aux frais de bureau du pré-
fet dans l'étendue du département et aux frais des assem-
blées du conseil général ». On peut citer ainsi parmi les
frais à prélever sur le fonds d'abonnement: les frais d'im-
pression d'affiches pour la publication des lois d'impôt ;
les arrêtés préfectoraux convoquant les électeurs ; l'abon-
nement au Journal officiel, l'affichage des dépêches du
gouvernement dans les arrondissements; les frais de reliure
des listes du tirage au sort ; les frais d'impression des
formules de citation pour la convocation des jurés ; les
frais d'impression d'arrêtés de convocation des électeurs
consulaires; les frais de tournée du secrétaire général
remplaçant le préfet pendant la revision ; les frais de mis-
sion d'un conseiller de préfecture ; les frais d'enquête élec-
torale, etc. En cas de changement dans le cours d'un exer-
cice, le successeur prend le fonds d'abonnement tel qu'il
est, mais le fonctionnaire qui quitte sa résidence doit lais-
ser les fournitures et imprimés achetés en vue du service.
Le successeur ne peut en refuser le payement que si l'ap-
provisionnement était exagéré ou la valeur calculée au-
dessus du prix de revient. G. François.
FONDS de chancellerie. Le décret du 14 août et l'ins-
truction du 8 oct. 1880 réglementent le rôle des chan-
celiers et drogmans-chanceliers et déterminent l'étendue de
leurs responsabilités pour la gestion des deniers qu'ils per-
çoivent pour le compte de l'agent comptable des affaires
étrangères. Ces ressources se sont élevées pour l'exercice
1887 à la somme de 200,000 fr. Depuis l'ordonnance du
23 août 1 833 qui a fait entrer pour la première fois les
droits de chancellerie dans la nomenclature des impôts
autorisés, les recettes effectuées servaient tout d'abord à
l'acquittement des frais généraux des chancelleries, et l'ex-
cédent formait un fonds commun qui était employé à com-
pléter le minimum des remises accordées aux chanceliers
sur les droits perçus par eux. Les restes disponibles de ces
fonds faisaient retour au Trésor public. La taxe des pas-
seports qui constituait le plus important denier des fonds
de chancellerie ayant été supprimée en 1861, ce compte,
loin de présenter un reliquat disponible, dut être pourvu
jusqu'en 1871 d'une subvention annuelle fournie par le
budget des affaires étrangères. Le rétablissement des pas-
seports en 1871 produisit à nouveau des excédents de re-
cette qui s'élevèrent en 1873 à 497,294 fr., mais leur
suppression, en 1874, amena dans ce compte une insuf-
fisance de recettes ; aussi la loi du 29 déc. 1877 stipulâ-
t-elle un crédit de 43,101 fr. qui fut inscrit au budget de
1 879 pour solder le découvert. A partir de cette époque,
les recettes et dépenses des chancelleries ne figurèrent plus
seulement au budget de l'Etat sous la forme d'excédent ou
de découvert, elles y entrèrent pour leur intégralité en
crédit et en débit.
Un décret du 16 janv. 1878, complété par une ins-
truction du 24 avr. suivant, a constitué en agents per-
cepteurs des deniers de l'Etat les chanceliers des postes
diplomatiques et consulaires, les drogmans-chanceliers et
les chanceliers intérimaires ou substitués, de même aussi
les agents vice-consuls rétribués et les gérants de vice-
consulats. De ce chef ils encourent toutes les responsabilités
qui atteignent tous les comptables du Trésor public et ils
adressent au chef de la direction des fonds au ministère
des affaires étrangères le relevé de toutes leurs opérations,
de manière de permettre à ce haut comptable d'effectuer la
centralisation et de présenter à la cour des comptes, dont
il est justiciable, le compte général de cette administra-
tion. L'agent comptable des chancelleries diplomatiques et
consulaires est seul responsable de la gestion de tous les
chanceliers assimilés ; il est tenu de verser un cautionne-
ment de 20,000 fr.; il est soumis au contrôle de la comp-
tabilité publique et aux vérifications de l'inspection géné-
rale des finances. Aux termes du décret du 16 janv. 1877,
toutes les recettes des chancelleries figuraient parmi les
recettes de l'Etat, en sorte que l'emploi des fonds ne pou-
vait être fait par les agents de perception qui étaient forcés
d'avancer les dépenses sur leurs deniers personnels et en
étaient remboursés seulement tous les trois mois au moyen
d'une ordonnance, laquelle leur bonifiait 2 % d'intérêts.
Sous ce régime, les fonds ne sortaient de la caisse des
comptables que pour être transformés, lors de la liquidation
trimestrielle, en une traite en monnaie française, à l'ordre
du caissier-payeur central du Trésor.
Pour parer aux inconvénients résultant pour nos fonc-
tionnaires à l'étranger de la nécessité d'effectuer des
avances en vue d'assurer le service, le décret du 14 août
1880 a stipulé, dans son article 37, que les recettes réa-
lisées dans les postes diplomatiques ou consulaires seraient
affectées au payement des frais de service et de chancel-
lerie. L'art. 84 du même décret dispose que l'excédent des
recettes fera l'objet de traites envoyées par les chefs de
mission, les consuls et les vice-consuls rétribués à l'agent
comptable qui les transmet au caissier-payeur central du
Trésor public. La liquidation s'opère non plus par trimestre,
mais mensuellement ; c'est donc à la fin de chaque mois
que sont payés les traitements (même décret, art. 5). Des
avances en comptes courants, au moyen de traites sur le
Trésor public, peuvent être faites aux chanceliers diploma-
tiques et consulaires qui ont choisi l'agent comptable des
affaires étrangères pour leur mandataire (même décret,
art. 67). Des facilités analogues sont accordées pour les
dépenses intéressant le ministère de la marine aux chefs
de mission et consuls qui peuvent se procurer les fonds
nécessaires en négociant sur place pour le compte du dé-
partement de la marine les traites qui leur sont envoyées
par le Trésor. Victor de Swarte.
FON DS de commerce. On désigne sous la qualification de
fonds de commerce l'ensemble des choses dont se compose
un établissement commercial, de quelque nature que ce
soit. Un fonds de commerce comprend généralement trois
éléments distincts : 1° les marchandises" existant en maga-
sin et le matériel d'exploitation ; 2° l'achalandage, qui
comprend d'abord les relations existant entre l'établisse-
ment et ses clients, et, en outre, le nom, le titre, l'en-
seigne, les marques et tous les signes distinctifs sous les-
quels l'établissement est connu du public ; 3° le droit au
bail des lieux où s'exploite le commerce. De ces trois élé-
ments, le seul qui constitue essentiellement le fonds de
commerce c'est l'achalandage. On peut concevoir la vente
d'un fonds de commerce sans marchandises et sans maté-
riel et aussi, quoique plus difficilement, sans droit au bail
des lieux où s'exerce le commerce cédé ; mais, sans acha-
landage, il n'y a plus, à proprement parler, de fonds de
commerce ; il y a uniquement des marchandises ou un droit
au bail.
Le contrat de vente d'un fonds de commerce est soumis,
en général, aux règles du droit commun. Dans l'usage, les
conventions relatives à la vente d'un fonds de commerce
s'établissent d'une manière distincte sur l'achalandage, sur
les marchandises et sur le droit au bail. Mais, à défaut de
stipulation expresse, la vente d'un fonds de commerce com-
prend tout à la fois l'achalandage, les marchandises avec
le matériel et le droit au bail. En conséquence, l'acquéreur
a le droit : 1° de prendre l'enseigne et les attributs de son
vendeur, sans toutefois pouvoir faire usage, sur ses pros-
pectus et factures, sans le consentement du vendeur, des
médailles et des titres scientifiques conférés à ce dernier ;
2° de s'annoncer comme le successeur de son vendeur ;
3° de se servir, même sans autorisation expresse, du nom
de son vendeur ou même du nom de l'un de ses prédéces-
seurs, à condition, bien entendu, de n'employer ce nom
que suivant les usages du commerce et pendant le délai
nécessaire pour assurer la transmission de la clientèle;
toutefois l'acquéreur ne peut employer le nom de son ven-
deur seul : il doit y ajouter le sien comme successeur. Ces
diverses solutions sont généralement admises par la juris-
prudence.
Quelles sont les obligations qu'impose aux parties la
vente d'un fonds de commerce? Le vendeur est d'abord tenu
d'opérer la livraison du fonds de commerce cédé. Il ne
pourrait s'y refuser et demander la résiliation de la vente,
en cas d'insolvabilité de l'acquéreur, que si cette insolvabi-
lité était survenue depuis la vente et le mettait en danger
de perdre le prix. Il doit, en outre, garantir à l'acquéreur
la paisible possession et jouissance du fonds de commerce
vendu. Doit-on considérer cette obligation de garantie
comme entraînant pour le vendeur l'interdiction de faire un
commerce similaire dans le lieu où il exploitait précédem-
ment le fonds cédé ? La jurisprudence est divisée sur cette
question. Certains tribunaux, se fondant sur le principe
de la liberté du commerce et de l'industrie proclamée par
la loi des 2 et 17 mars 1891, ont admis, d'une manière
absolue, que le vendeur, qui n'a pris aucun engagement
contraire, conserve le droit d'exploiter dans la même loca-
lité un commerce similaire. D'autres tribunaux ont, au
contraire, refusé au vendeur, d'une manière absolue, le droit
de créer dans la même localité un établissement rival. Un
système mixte, qui a l'avantage de concilier la liberté du
commerce avec les droits de l'acheteur, a été admis par la
majorité des tribunaux. D'après ce système, la création par
le vendeur d'un établissement similaire au fonds vendu ne
peut ni être prohibée, ni être permise d'une façon absolue ;
il y a là non une question de principe, mais une simple
question de fait, celle de savoir si, d'après les circonstances
de la cause et notamment d'après la distance séparant l'éta-
blissement vendu du nouvel établissement créé, ou d'après
le laps de temps écoulé entre la vente et la création du
nouvel établissement, il y a pour l'acheteur un dommage
certain, un trouble réel à la libre jouissance dont le ven-
deur lui doit la garantie. Si le vendeur s'est formellement
réservé le droit de créer un établissement similaire, il ne
GRANDE ENCYCLOPÉDIE, — XVII.
721 — FONDS
peut néanmoins rien faire qui soit de nature à détourner
la clientèle attachée au fonds vendu. Ainsi il ne peut ni se
servir des mêmes enseignes, ni adresser des circulaires à
son ancienne clientèle, ni conserver l'indication de son
ancienne demeure sur ses prospectus et factures. D'autre
part, le vendeur peut, dans le contrat, s'engager formelle-
ment, soit à ne pas se rétablir dans le même commerce,
soit tout au moins à ne pas se rétablir dans un périmètre
déterminé. Cette dernière clause, fort en pratique dans les
usages du commerce, emporte pour le vendeur l'interdic-
tion d'accepter un emploi dans une maison rivale. Mais elle
ne peut être étendue en dehors des termes du contrat et
de l'intention des parties, et, en cas de doute, il y a lieu
de décider en faveur de la liberté du commerce : c'est ainsi
qu'il a été jugé que la vente d'un fonds de commerce de
détail laisse au vendeur la faculté d'établir une maison de
gros. — Quant à l'acheteur, son obligation principale con-
siste à payer son prix à l'échéance convenue. Ce prix peut
toutefois être réduit, lorsque l'estimation des marchandises
ou du matériel a été exagérée. Il est d'usage, à Paris, de
publier les ventes de fonds de commerce dans les journaux
d'annonces et d'accorder, à partir de cette publication, un
délai de dix jours aux créanciers du vendeur pour faire entre
les mains de l'acheteur opposition au payement du prix.
L'inexécution par le vendeur ou l'acheteur de leurs obli-
gations réciproques donne lieu à la résiliation de la vente.
On considère généralement la vente d'un fonds de commerce
comme constituant un acte de commerce qui rend les par-
ties justiciables du tribunal de commerce. Les ventes de
fonds de commerce sont, en général, passibles du droit
proportionnel de 2 °/0 établi pour les mutations de meubles
à titre onéreux par l'art. 69 de la loi du 22 frimaire an VII.
Ce droit de 2 °/0 est perçu sur le prix de l'achalandage, sur
le prix de cession du bail et sur le prix des objets" mobi-
liers ou des immeubles par destination servant à l'exploita-
tion du fonds vendu. Georges Lagrésille.
FONDS de concours. Comme leur nom l'indique, les
fonds de concours s'entendent des sommes versées par les
particuliers, les communes ou les départements, pour
concourir, avec les versements de l'Etat, à des dépenses
d'intérêt public. Il en est ainsi lorsque les travaux entre-
pris ont pour certains particuliers, pour certaines villes
ou certaines régions, un intérêt tel qu'il importe de mettre
le Trésor à même de les achever le plus promptement pos-
sible. Ces versements se présentent sous forme de subsides
non remboursables, ou sous la forme d'avances rembour-
sables à une époque ou dans une période déterminées.
Conformément à l'art. 13 de la loi du 6 juin 1843, article
reproduit par l'art. 52 du décret du 31 mai 1862, les
crédits ouverts par décrets, pour un montant égal à celui
des sommes versées comme fonds de concours, viennent
se confondre avec les crédits législatifs, et sont soumis aux
mêmes justifications et aux mêmes contrôles. Antérieure-
ment à 1863, les versements étaient portés directement en
recette dans les produits divers du budget, ayant pour
contre-partie les crédits égaux ouverts aux ministres.
Mais il en résultait forcément des reports d'un exercice à
un autre, et ces chevauchements, sans grande importance
tant que les fonds de concours n'avaient pas dépassé un
demi-million, compliquaient singulièrement la comptabilité
et faussaient les situations budgétaires alors que, comme
en 1863, ces fonds arrivaient au total de 11,568,671 fr.
Le ministre des finances prit alors un arrêté prescrivant
l'ouverture d'un compte spécial, sous le titre de Fonds de
concours pour dépenses d'intérêt public, compte qui
est crédité de tous les versements faits pour ce motif, et
débité du montant des crédits ouverts au fur et à mesure
que les dépenses prévues sont effectuées. Afin d'assurer
l'exécution des engagements de ce genre pris avec l'Etat,
chaque ministre, depuis 1888, établit annuellement l'état
des conventions de fonds de. concours, enregistrées aus-
sitôt qu'elles se produisent, en mentionnant les actes
constitutifs ou approbatifs des conventions, les époques
46
FONDS
in —
d'exigibilité, et le montant des recettes et des restes à
recouvrer. Les comptables des finances sont ainsi mis à
même de faire exécuter en temps utile les engagements
pris envers le Trésor. G. François.
FONDS des salaires. La théorie du fonds des sa-
laires est, comme bien d'autres , une exagération et une
déviation des idées d'Adam Smith due à ses successeurs de
l'école anglaise. Adam Smith avait dit (Richesse des na-
tions, I, ch. vm) que « la demande de ceux qui vivent
des salaires ne peut augmenter qu'à raison de l'accroisse-
ment des fonds destinés à payer des salaires ». Cette pro-
position était banale, mais correcte. Ses disciples, notamment
James et surtout Stuart Mill, ont entendu ce fonds d'une
quantité fixe d'approvisionnements existant dans un pays
irréductible et inextensible. Ils en concluaient que toute
grève est absurde, car les salaires étant déterminés par le
chiffre du fonds des salaires d'une part, le chiffre de la
population laborieuse d'autre part, on ne pouvait songer à
élever le quotient de la division sans augmenter le divi-
dende (fonds des salaires, wage fund) ou diminuer le di-
viseur (le chiffre de la population laborieuse). Mais ce qui
était absurde, c'était de considérer ces deux quantités comme
fixes, alors que, non seulement d'année en année, mais
dans une période de temps très courte, elles peuvent varier
soit par la volonté des capitalistes (diminution des jouis-
sances, emprunts à l'étranger), soit par celle des travail-
leurs (émigration, diminution de l'armée de réserve opérée
par les soins des Trade's Unions) . Thornton, dans On Labour
(1888), a réfuté ces erreurs, et Stuart Mill s'est déclaré
convaincu. Cairnes a essayé, mais sans succès, de sauver
cette doctrine répudiée par Stuart Mill. H. Saint-Marc.
Bibl. : Maurice Block, les Progrès de la science éco-
nomique depuis Ad. Smith, t. II, pp. 269-276. — Ch. Gide
Principes d'économie politique, 1891, pp. 538-537, 3° édit1
FONDS de secours. Comme le nom l'indique, les fonds
de secours ont été institués pour permettre au gouverne-
ment de venir en aide aux individus nécessiteux subissant
des pertes extraordinaires pour diverses causes. Jusqu'en
1818, les fonds de secours étaient prélevés sur les fonds
de non-valeurs, institués par le décret-loi des 29 sept.-
14 oct. 1791 ; mais, à partir de 1819, les fonds de secours
furent constitués d'une façon distincte, par l'application
d'un centime au principal des contributions foncière et
personnelle mobilière, produisant une somme nette de
2 millions et demi environ. Les secours sont distribués
par les préfets, après constatation des dommages, en écar-
tant tout ce qui a rapport aux êtres collectifs (communes,
hospices, communautés, etc.), à ceux dont la situation ne
se trouve pas sensiblement affectée, ou aux réclamants
riches, aisés ou assurés. La quotité allouée a subi de nom-
breuses variations, mais sans jamais dépasser 6°/0 ; depuis
1880, elle est maintenue à 5%. D'après les règlements
généraux sur la comptabilité publique, les fonds de secours
non employés dans un exercice sont reportés à l'exercice
suivant avec la même affectation. G. François.
FONDS de subvention. Anciennement, le fonds de sub-
vention portait le nom de fonds commun des départe-
ments ; la création en remonte à la loi du 11 frimaire
an VII (art. 16) qui portait que chaque département impo-
serait « sous le nom de fonds commun des départements,
un nombre pareillement déterminé de centimes addition-
nels pour constituer des ressources supplémentaires aux
départements auxquels le produit des centimes ordinaires
et le fonds de supplément ne suffiraient pas pour couvrir
la totalité de leurs dépenses ». Ce fonds de supplément
devait, en outre, pourvoir à des dépenses auxquelles il est
maintenant pourvu par les fonds de secours et de non-
valeurs. Jusqu'en 1838, la détermination du nombre et
l'affectation des centimes avait laissé à désirer ; la loi du
10 mai 1838, en déterminant les attributions des conseils
généraux et des conseils d'arrondissement, divisa le bud-
get départemental en six sections, dont les deux premières
comprenant l'une les recettes et dépenses ordinaires,
l'autre les recettes et dépenses facultatives, étaient seules
expressément déterminées par le législateur, les quatre
autres résultant d'une instruction ministérielle du 24 juil-,
1838. Chaque section était dotée de ressources propres,
et les virements étaient interdits. Or les dépenses de la
première section étant obligatoires, en cas d'insuffisance
de recettes, il pouvait y être pourvu au moyen de sommes
à prélever sur le fonds commun; l'autre partie de ce fonds
était destinée à être distribuée aux départements à titre de
secours, les affectations étant faites par ordonnance royale
insérée au Bulletin des lois. Bientôt des abus se produi-
sirent et les réclamations ne tardèrent pas à être présen-
tées ; les départements qui versaient la plus forte part du
fonds commun n'en retiraient qu'une somme insignifiante,
alors que d'autres exagéraient l'usage des centimes facul-
tatifs pour obtenir sur le fonds commun une part plus con-
sidérable. En 1866, on décida la suppression de ce fonds
et son remplacement par un fonds de subvention, à la
charge exclusive de l'Etat. La répartition de ce nouveau
fonds devait être faite par décret rendu au conseil d'Etat.
Ce mode de répartition subsista jusqu'à la loi du 10 août
1871, qui décida que le fonds de subvention serait réparti
conformément à un tableau annexé à la loi de finances,
qui en déterminerait en même temps le montant. La somme
destinée à ce fonds, qui était, en 1886 et 1887, de 4 mil-
lions, n'a plus atteint que 3,600,000 fr. dans les bud-
gets suivants. G. François.
FONDS publics (V. Rente sur l'Etat).
FONDS secrets. On appelle fonds secrets les crédits
mis à la disposition de certains ministres dans l'intérêt de
la défense du pays ou de la sûreté intérieure, et dont l'em-
ploi échappe aux règles delà comptabilité publique et à tout
contrôle, qu'il soit d'ordre parlementaire, judiciaire ou ad-
ministratif. Cependant le ministre qui dispose de fonds
secrets doit en rendre compte au chef de l'Etat à la fin
de chaque exercice financier ou lorsqu'il quitte le pouvoir.
1° France. — Sous l'ancien régime, il ne peut être ques-
tion de fonds secrets au sens actuel du mot, puisque le roi
n'était soumis pour la gestion des finances du royaume à
aucun contrôle parlementaire. Toutefois, dans le compte
général des revenus et dépenses au 1er mai 1789, dressé
par Necker, on remarque une affectation de 30,000 livres
pour dépenses secrètes. Il y avait donc des dépenses dont le
gouvernement ne fournissait pas de justification à ses comp-
tables. Il faut bien remarquer que cette faible somme doit
être augmentée de 66,000 livres qui figurent sous la ru-
brique « soins de police de toute nature » et du total in-
connu des dépenses réalisées pour recherches ou opérations
ordonnées directement par les ministres et prises sur des
fonds particuliers dont le roi autorisait l'emploi. Lors delà
création du ministère de la police générale (1797), les cré-
dits ouverts pour fonds secrets atteignirent 1,600,000 fr.;
en 1807, ils dépassèrent 6,000,000 fr., en 1815, ils arri-
vèrent à leur apogée (7,900,000 fr.). Ils étaient prélevés
en partie sur les taxes d'autorisation de journaux, sur
les droits qui frappaient les maisons de jeux et les maisons
de tolérance, si bien qu'on les appelait plaisamment sous la
Restauration Caisse des jeux et des ris. Cette caisse produi-
sait, en 1809, 381 ,254 fr. 54, et, en 1819, 388,090 fr. 76.
Villèle ramena les fonds secrets au chiffre de 2,200,000 fr.
et, à partir de 1830, ils furent inscrits régulièrement dans
les budgets, sous des articles spéciaux (intérieur, affaires
étrangères, guerre) ; en 1840, l'organisation de l'Algérie
nécessita, paraît-il, la création d'un chapitre de dépenses
secrètes (250,000 fr.) qui a été réduit depuis, mais qui
n'a pas cessé de figurer au budget. Les ministres rendaient
compte au roi de ces dépenses, et Louis-Philippe faisait col-
lection des états annuels qui furent retrouvés aux Tuileries
en 1848. Les dépenses du ministère de la guerre^ se com-
posent de dépenses des divisions territoriales de l'intérieur
et de dépenses de l'Algérie. Les premières sont presque
toutes des sommes mises à la disposition des commandants
des divisions militaires et renferment l'indication de mis-
— 723 —
FONDS
sions secrètes à l'étranger. Dans les dépenses de l'Algérie,
les unes, acquittées en Afrique, sont une répartition de fonds
mis à la disposition des officiers généraux ou supérieurs
chargés de commandements ; les autres, acquittées en France,
passent pour la plupart entre les mains « d'Arabes fran-
çais ».
Pour les affaires étrangères, les dépenses sont fort éle-
vées, mais elles n'apparaissent que sous la dénomination de
bons du ministre, sans autre justification.
Pour l'intérieur, deux registres sont ouverts : l'un de-
meure entre les mains du ministre et nul n'en reçoit com-
munication ; c'est là que se trouve établie l'affectation dé-
taillée de chaque payement ; l'autre appartient au caissier
et sert à la comptabilité. On remarquera les intitulés des
deux chapitres : Traitements et indemnités pour services
secrets et particuliers. — Dépenses imprévues pour le main-
tien de l'ordre public. Ces sommes s'appliquent tantôt à
des hommes de lettres qui avaient acquis une certaine cé-
lébrité dans la presse ministérielle et dont on reconnaissait
ainsi le dévouement, tantôt à des fonctionnaires de l'ordre
le plus élevé dont on escomptait la démission pour satisfaire
à des impatiences parlementaires devenues pressantes,
tantôt à des députés qui révélaient à ces feuilles secrètes
le secret de leur conscience. On y voit des suppléments de
traitement refusés par les Chambres, des traitements en-
tiers pour des fonctions non consenties par le Parlement,
des indemnités pour logements supprimées, des indemnités
pour équipages affectés toute l'année à des employés supé-
rieurs ; des indemnités pour des femmes tristement célè-
bres, pour des auteurs complaisants, pour une infinité
d'agents administratifs ou littéraires qui grossissent la cour
des ministres (analyse du Rapport de Théodore Ducos à la
Constituante ; 1848, t. II, pp. 304 et suiv.). Donnons comme
exemple la répartition des fonds secrets du ministère de
l'intérieur pour 4836 (22 févr. au 6 sept.). Les crédits se
montaient à 2,465,500 fr. M. Thiers avait rendu compte au
roi le 24 févr. de sa gestion, soit 458,097 fr. 43.M. de Mon-
talivet rendit compte d'une dépense de 1,499,884 fr. 70
ainsi distribuée :
Francs
Frais de police de la préfecture de police. . 168 . 000 »
Frais de police des fonctionnaires publics
dans les départements 147.504 68
Frais de police militaire et de police ju-
diciaire 54.333 34
Traitements ou indemnités pour services
secrets ou particuliers 224. 306 81
Traitements des employés attachés au
service des fonds spéciaux 41 .359 82
Secours à divers titres 48 . 947 99
Secours aux gens de lettres, savants,
artistes et à leurs veuves 41 . 071 34
Dépenses extraordinaires pour maintien
de l'ordre public 774.300 72
Total 1.499.884 70
La République de 1 848 était fort mal disposée à l'égard
des fonds secrets ; elle en médita la suppression, mais les
membres du pouvoir exécutif en sollicitèrent de nouveaux
avec des arguments irrésistibles. « En présence, disaient-
ils, des partisans de la royauté qui ne sont pas tous inac-
tifs ; en présence des anarchistes qui eux aussi font les
affaires du royalisme, l'autorité manquerait à son devoir
si elle ne se mettait en mesure d'écraser les manœuvres d'un
double ennemi et de faire prévaloir la cause du peuple. »
(5 juin 4848.) Les fonds secrets furent maintenus, mais
fortement réduits. De plus, le ministre de l'intérieur dut
rendre compte de leur emploi à une commission spéciale
désignée par l'Assemblée nationale. Ce contrôle fonctionna
jusqu'à l'avènement de l'Empire et ne donna lieu à aucune
indiscrétion. Il ne s'agissait en l'espèce que des dépenses
de sûreté générale, mais les ministres de la guerre deman-
dèrent eux-mêmes à rendre compte de leurs dépenses
secrètes à une commission analogue. Th. Ducos constata
au début de 1848 certaines irrégularités qu'il attribue au
désordre qui avait nécessairement suivi le changement de
régime politique. Ainsi 123,000 fr. avaient été affectés
pour éloigner de Paris 12 à 14,000 ouvriers allemands,
italiens et polonais ; beaucoup d'allocations étaient attri-
buées à des commissaires du gouvernement envoyés dans
les départements; on avait prélevé sur les fonds secrets
des dépenses d'habillement pour la garde nationale et la
garde civique, des frais de nourriture pour des soldats,
des ouvriers, des gardes nationaux, des agents du minis-
tère de l'intérieur ; des subventions pour missions extra-
ordinaires, pour frais de voyage et de route, des dépenses
d'impressions, des petits secours accordés aux ouvriers
sans travail, etc.
Le second Empire fit une grande consommation de fonds
secrets : plus de 3,000,000 defr. par an en moyenne ; encore
ne suffisaient-ils pas toujours aux besoins ; en ce cas, on
recourait à la caisse particulière de l'empereur. Dans les
papiers saisis aux Tuileries en 1870, on a trouvé quelques
détails relatifs à l'emploi de ces crédits. Les frais de police
de la préfecture s'élevaient à 600,000 fr., les frais de po-
lice des préfets à 223,400 fr., les frais de police militaire
et judiciaire à 67,600 fr. ; le service de la presse coûtait
297,540 fr. ; les indemnités pour secours et subventions
particulières se montaient à 255,860 fr. ; les mandats sou-
mis périodiquement pour engagements à 78,850 fr., et il
restait encore à la libre disposition du ministre 476,750 fr.
Les crédits attribués aux ministres des affaires étrangères
et de la guerre étaient comme toujours employés à rétri-
buer de précieux services diplomatiques et à payer les ren-
seignements sur les dispositions et les armements des Etats
étrangers. Plusieurs journaux allemands émargeaient à la
caisse impériale : par exemple la Coblenzer Zeitung rece-
vait 4,000 fr. par an ; la Rheinische Zeitung, de 22 à
23,000 fr. ; la Speyer Zeitung de 8 à 9,000 fr. etVEcho
der Gegenwart, 5,000 fr. Les dépenses électorales absor-
baient des sommes considérables. Quelques jours avant les
élections générales de 1869 (6 avr.), le ministre de l'inté-
rieur, M. de Forcade de La Roquette, ayant épuisé les fonds
secrets dont il pouvait disposer, tira sur la caisse de l'Em-
pereur et en reçut cinq bons de 100,000 fr. chacun sur
MM. de Rothschild. Son reçu porte la justification suivante :
« Pour dépenses secrètes de sûreté générale. »
Le 24 sept. 1870, Gambetta supprima par arrêté les fonds
secrets : cette décision fut purement platonique, car l'Assem-
blée nationale rétablit l'ancien ordre de choses. On pour-
rait même dire que les crédits n'ont fait que s'accroître.
Ce n'est pas que les Chambres les votent sans protestation.
En 1888, le rapporteur du ministère de l'intérieur, M. Pi-
chon, fit rayer au budget le titre ancien de dépenses se-
crètes de sûreté publique pour le remplacer par celui
d'agents secrets de sûreté générale. « Le but de cette déci-
sion, disait-il, est de faire disparaître du budget de la Répu-
blique les dépenses secrètes qui peu vent servir à une besogne
de corruption et de laisser subsister un fonds de police
pour les renseignements nécessaires à la sécurité publique,
au bon ordre et au respect des lois. » C'était une réforme
bien anodine que le gouvernement accepta sans difficulté ;
mais il ne voulut pas consentir, comme le proposait la com-
mission, à abaisser le chiffre des fonds secrets de 2,000,000
à 800,000 fr. ; il abandonna pourtant 400,000 fr. et le
chiffre définitif de 1,600,000 fr. ne fut voté que par
248 voix contre 220 le 23 févr. 1888. Un nouvel effort tenté
par M. Gaussorgues le 3 juil. 1889 aboutit cette fois à la
suppression totale des fonds secrets au budget de 1890. Ils
furent rétablis peu après par une loi spéciale (26 déc. 1889).
La question des fonds secrets a toujours passionné l'opi-
nion publique, probablement à cause de ce caractère mys-
térieux qu'ils n'ont qu'en apparence : elle préoccupe et
inquiète toujours les partis d'opposition, car c'est une arme
que le gouvernement ne se fait nul scrupule d'employer
contre leurs agissements ; elle attriste enfin les républicains
FONDS
— 724 —
sincères qui ne croient guère à l'efficacité de la corruption
systématique dans une démocratie bien ordonnée et qui
constatent d'ailleurs qu'elle n'a jamais sauvé un gouverne-
ment aux heures critiques d'une révolution. Laissons de
côté les crédits mis à la disposition des ministres des
affaires étrangères, de la guerre et de la marine dans l'in-
térêt supérieur de la défense nationale — encore que leur
utilité pratique n'en soit pas très clairement démontrée —
il faut bien reconnaître que les 2 millions inscrits chaque
année au budget de l'intérieur ne sont que pour une très
faible part employés en dépenses secrètes réelles, c.-à-d.
en frais de sûreté générale. C'est un fait notoire qu'ils servent
à provoquer et à alimenter les sympathies ministérielles, à
subventionner des journaux auxquels les lecteurs manquent,
à pensionner des publicistes douteux, à encourager d'au-
dacieux monteurs d'affaires qui parfois viennent échouer
sur les bancs de la cour d'assises, à stimuler le zèle des
comités électoraux, à payer des traitements ou des supplé-
ments de traitements supprimés ou non autorisés par les
Chambres. On conçoit donc que de bons esprits réclament
avec une insistance croissante leur radiation définitive du
budget de la France.
CRÉDITS AFFECTÉS AUX DÉPENSES SECRÈTES DEPUIS LÀ
RESTAURATION
Affaires étrangères
1822 à 4828 700.000 fr. par an.
1832 à 1848 650.000 —
(De 1828 à 4831, il y eut pour 8,927,433 fr.de dé-
penses secrètes extraordinaires; en 1839, 30,000 fr.;
en 1844, 300,000 fr.; en 1848, 270,000 fr.).
1849 400.000 fr.
1850 339.827
1851 319.973
1855 1.150.000
1856 à 1869 550.000 fr. par an.
1870 650.000
■2871 550.000
1872 à 1883 500.000 fr. par an.
1884 >. 486.260
1885 500.000
1886-1891 700.000 fr. par an.
1893 1.000.000 de fr.
Guerre
1823..
. 6.624.832 fr.
4846..
4.042.736 fr
1824. .
485.584
1848..
828.222
1825..
366.474
4849..
924,324
1826..
4.060.695
4854..
4.049.592
1829...
1. 346. 849
4855..
473.641
1830..
4.524.815
4860...
210.675
1834...
4.344.476
4866...
255.672
1835...
873.395
4867...
437.433
(Jusqu'en 4868, le chapitre se compose de dépenses acci-
dentelles, temporaires et secrètes. On y comprend par
exemple les dépenses des ordres de Saint-Louis et du Mérite
militaire, soit 3,022,970 fr. de 4825 à 4834 ; les dépenses
motivées par la guerre d'Espagne de 4823, soit plus de
6 millions de fr. ; les dépenses administratives faites en
Afrique de 4830 à 4834 ; le montant des traitements tempo-
raires et de réformes, la subvention aux fonds de retraite).
4868.
4869 à 4874 .
4872
49.700 fr.
50.000 fr.
400.000
par an.
4873-4874 200.000 fr. par an.
4875 250.000
4876 à 4882 300.000 fr. par an.
4883-4885 550.000 —
1886-4889 700.000 —
4890 500.000
4894-4893 600.000 fr. par an.
Marine
Depuis le budget de 4884. . . . 65.000 fr. par an.
1840
4849
4854
4858
4859-4894.
4893
Algérie
250.000 fr.
200.000
450.000
50.000
80.000 fr. par an.
420.000
Intérieur
4833 à 4836 2.465.000 fr. par an.
1837 3.265.500
4842 à 4847 4.932.000 fr. par an.
4848 4.996.245
4849 865.324
4854 •.... 1.532.000
4852 1.800.000
1853 à 4857 2. 000. 000 de fr. par an
4858 3.200.000 fr.
4860 3.300.000
4868 à 4887 2. 000. 000 de fr. par an.
4888 à 4893 4.600.000 fr. —
Le préfet du Rhône dispose de quelques fonds secrets.
C'est une irrégularité contre laquelle la cour des comptes
a protesté à plusieurs reprises.
En somme, au budget de 4893, les fonds secrets figurent
pour 3,385,000 fr. ainsi répartis :
Affaires étrangères 1 .000. 000 de fr.
Guerre 600.000 fr.
Marine 65.000
Algérie 420.000
Intérieur 1.600.000
Total ' 3.385.000 fr.
2° Etranger. — La plupart des grands Etats étrangers
emploient des fonds secrets, mais il n'est pas très facile
d'en connaître le chiffre exact par l'examen de leurs bud-
gets; de plus, ce chiffre même ne peut que servir d'indica-
tion, car il doit être presque toujours majoré des revenus
de certains fonds spéciaux. Ainsi l'Angleterre n'inscrit que
300,000 fr. environ à son budget des affaires étrangères,
la Belgique 80,000 fr. au budget de la justice, l'Espagne
95,000 fr., le Portugal 112,000 fr. à l'intérieur et
9,600 fr. aux affaires étrangères, l'Autriche -Hongrie
650,000 fr. pour les deux pays et 300,000 fr. pour les
pays cisleithans, l'Italie 100,000 fr. aux affaires étrangères
et 1 million à l'intérieur. En Allemagne, on trouve (bud-
get de 1892-93) 93,000 marks sous la rubrique : Dispo-
sitions fonds fur allgemeine politische Zivecke; 500,000
marks au budget des affaires étrangères ; ce chapitre
n'était, depuis 1870, que de 48,000 marks, mais en 1892
on Fa majoré fortement sous le simple prétexte que
« d'autres Etats employaient en dépenses secrètes des
sommes vingt fois plus élevées », enfin 34,500 marks à la
guerre et de la charge de la Prusse. L'ensemble ne don-
nerait que 784,375 fr. environ. Mais il faut tenir compte de
la caisse des Reptiles (Reptilien fonds). En 1848, M. de
Manteuffel organisa en Prusse, auprès du ministère de l'in-
térieur, un bureau de la presse qui fut doté de plus de
200,000 fr. de fonds secrets. La Chambre ayant supprimé
le traitement du directeur en 1866, le service n'en subsista
pas moins, et son chef fut directement payé sur les fonds
secrets. Le bureau littéraire forçait fort habilement l'en-
trée des rédactions de journaux des Etats allemands, de
la France, de l'Angleterre, des Etats-Unis, et leur four-
nissait des articles favorables à la Prusse. Ces articles
étaient traduits en allemand et passaient en Allemagne pour
exprimer le jugement sincère des Français, des Anglais,
des Américains, sur la politique prussienne. M. de Bis-
marck excella à façonner par ces moyens l'opinion de
l'Europe au début de chacune des grandes entreprises de
la Prusse. Avant l'annexion du Slesvig, les journalistes
subventionnés firent passer à l'étranger pour factieux les
patriotes qui ne voulaient pas se séparer du Danemark. La
— 725 —
FONDS — FONS
guerre contre l'Autriche fut de même précédée d'une série
de manœuvres de presse, et personne n'a oublié le rôle
joué par la fameuse dépêche d'Ems dans l'histoire de la
guerre franco-allemande. Comme on l'a vu, le budget du
bureau littéraire fut d'abord modeste. En 4866, les Cham-
bres prussiennes ne lui affectèrent que 31,000 thalers
(116,252 fr.) ; l'allocation fut portée un peu plus tard à
70,000 thalers (262,500 fr.). Mais les fonds guelfes lui
procurèrent d'énormes ressources. Le roi Georges de Ha-
novre avait été dépouillé de 19,000,000 de thalers
(71,250,000 fr.); la confiscation de la fortune personnelle
de l'électeur de Hesse ajouta à cette disponibilité 400,000
thalers de rente (1,500,000 fr.). Cet argent, déclara le
prince de Bismarck, doit être employé à « contrecarrer les
intrigues ourdies contre la Prusse », et, lors des débats par-
lementaires qui s'ouvrirent à ce sujet, il dit « qu'il était
condamné à poursuivre jusque dans leurs repaires des
reptiles malfaisants afin de déjouer leurs projets » (30 janv.
1869). Les Berlinois s'empressèrent dès lors de qualifier
les fonds secrets fonds des Reptiles et depuis appliquè-
rent le mot reptiles aux employés du bureau de la presse
et aux journalistes allemands et étrangers émargeant à ces
fonds. Auparavant on les appelait les bourbeux (Schlamm-
bader).
FONDU (Impress.). L'impression sur étoffe, comme elle
se fait en général, main, rouleau ou perrotine, ne donne
qu'une seule couleur. On est arrivé par des moyens détour-
nés à produire avec une planche unique, non seulement la
dégradation d'un ton, mais encore plusieurs couleurs diverses
se fondant l'une dans l'autre, comme dans l'arc-en-ciel. On
donne à ce genre d'impression le nom de fondu. Le fondu
à la planche se fait au moyen de l'agencement suivant :
supposons que l'on veuille imprimer un rouge foncé allant
en dégradations au rose clair, puis celui-ci passant au vert
clair pour terminer par du vert foncé, on préparera une
série de couleurs présentant ces divers tons par des cou-
pures différentes. Il est évident que la composition de ces
couleurs devra être telle que l'une ne nuise pas à l'autre.
Au lieu de garnir le châssis avec la brosse, comme le tireur
le fait d'ordinaire, on installe une série d'autant de godets
longs qu'il y a de couleurs. Dans ces godets on plonge une
planche, munie de fils métalliques ou de lames, qui prennent
la couleur disposée dans les godets ; ces fils ou lames servent
à transporter les couleurs sur le châssis. Pour former alors
le fondu, on promène sur le drap une sorte de rouleau-
tampon garni de feutre et formé d'autant de petits rouleaux
qu'il y a de couleurs. En tamponnant la surface du châssis,
on fait varier la marche du rouleau de quelques centimètres
soit à droite* soit à gauche, et de cette façon on les égalise et
on obtient ainsi le fondu sur le châssis. Pour l'obtenir sur
l'étoffe, on le prend au moyen de la planche à imprimer et
on le dépose sur l'étoffe. La marche du tampon se règle
d'après le fondu à faire ; si ce fondu est à faire en longueur,
le tampon ne fonctionnera pas dans le sens rectiligne ; s'il
doit former des festons, il faudra aller en ondes ; que le
» fond soit à faire en cercle, il faudra tourner le tampon
suivant une circonférence avec une des extrémités comme
centre et le tampon formant rayon, mais, de toute façon,
s'arrangera ne mélanger que les couleurs voisines. Le fondu
au rouleau s'obtient par la gravure ; plus celle-ci est pro-
fonde, plus la couleur est intense. Le fondu au rouleau à
plusieurs couleurs nécessite plusieurs cylindres. Cependant
on est arrivé à le produire avec un seul. Les fondus à
la perrotine se font d'une façon analogue à ceux de la
planche.
FONDUE (Art cul.). Sorte d'entremets composé d'œufs
et de fromage, que l'on prépare en mélangeant dans une
casserole, sur un feu doux, six jaunes d'œufs, 20 centil.
de crème et 250 gr. de fromage de gruyère coupé en
petits dés. Quand le fromage commence à fondre, on en
ajoute de nouveau 250 gr. et l'on continue à tourner sur
le feu en ayant soin de ne pas faire bouillir la fondue.
Quand elle est bien liée et de consistance un peu ferme, on
la verse dans une croûte à flan toute chaude et déposée
sur un plat.
FONFRÈDE (Henri), publiciste français, fils de J.-B.
Boyer-Fonfrède (V. ce nom), né à Bordeaux le 21 févr. 1 788,
mort à Bordeaux le 23 juil. 1 841 . Ne pouvant, à cause de sa
santé, exercer la profession d'avocat, il dirigea quelque temps
une maison de commerce avec son oncle Armand Ducos, frère
du girondin, puis se jeta dans les luttes politiques en fondant
à Bordeaux (1820) la Tribune, journal d'opposition libérale
qui fut supprimé après plusieurs procès retentissants, mais
qu'il remplaça quelques années après par Y Indicateur,
feuille hardie, dont l'influence dépassa bientôt les limites
de la région du Sud-Ouest. En 1830, Henri Fonfrède pro-
testa énergiquement contre les ordonnances de Charles X
et donna l'exemple de la résistance. Après la révolution, il
fut envoyé à la Chambre par un des collèges de la Gironde,
mais n'y put siéger parce qu'il n'était pas éligible. Il fit
longtemps partie du conseil général de son département,
écrivit encore avec éclat dans divers journaux (l'Indica-
teur, le Mémorial, la Paix, le Journal de Paris, le
Courrier de Bordeaux, qu'il fonda en 1837) et défendit
le gouvernement de Juillet aussi ardemment qu'il avait
attaqué celui de la Restauration. Citons parmi les ouvrages
qu'il a publiés : Réponse à la brochure de M. de Cha-
teaubriand intitulée : De la Nouvelle Proposition rela-
tive au bannissement de Charles X et de sa famille
(Paris, 1831, in-8); Du Gouvernement du roi et des
limites constitutionnelles de la prérogative parlemen-
taire (Paris, 1839, in-8). Une édition de ses Œuvres a
été donnée en 1844 (Bordeaux et Paris, 10 vol. in-8).
FON GALOP. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Sarlat, cant. de Belvès; 204 hab.
FONGRAVE. Corn, du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Villeneuve-sur-Lot, cant . de Monclar ; 568 hab.
FONGNEUSEMARE. Corn, du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. du Havre, cant. de Criquetot-Lesneval;
254 hab.
FONGUS (Anat. pathol.). On donnait anciennement ce
nom à certaines tumeurs dont la forme extérieure rappelle
plus ou moins celle d'un champignon : fongus de la dure-
mère, du testicule ; fongus hématode (c.-à-d. très vascu-
laire). Ce sont des productions généralement envahissantes,
de nature histologique variable (épithéliomes, sarcomes, etc.)
et ne constituant pas une espèce définie dans la série des
néoplasmes (V. Tumeur).
FONNEREAU (Thomas-George), écrivain anglais, né à
Reading le 25 août 1789, mort à Haydon Hill, près de
Bushey (Hertfordshire), le 13 nov. 1850*. Descendant d'une
famille française établie en Angleterre à la suite de la ré-
vocation de l'édit de Nantes, il pratiqua quelque temps
comme avoué à Londres. Très répandu dans le monde
artistique et littéraire, il a écrit quelques ouvrages qui ne
manquent pas d'agrément : A Practical View of the ques-
tion of parliamentary Reform (Londres, 1831) ; Memo-
ries of a tour in Italy (Londres, 1840) ; The Diary of a
dutiful Son (1849; nouv. éd., 1864).
FON NES BEC H (Christian -Andréas), homme politique
danois, né à Copenhague le 7 juil. 1817, mort le 17 mai
1880. Après s'être préparé à la carrière judiciaire, il se fit
agriculteur (1843). Député au Folkething (1858) qui l'élut
membre du Rigsraad (1861 ), il discuta avec compétence les
questions économiques et financières, devint ministre des
finances dans le cabinet Frijs (6 nov. 1865), puis de l'in-
térieur (28 mai 1870) dans le cabinet Holstein-Holstein-
borg, enfin président du conseil (14 janv. 1874-11 juin
1875). Il étendit le réseau des chemins de fer et des télé-
graphes, fit voter des lois sur le rachat du cens (1872) et
l'inspection des manufactures (1873). Ses tergiversations
avaient fini par lui faire perdre une grande partie de l'auto-
rité qu'il avait gagnée par ses talents. B--s.
FONROGUE. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Bergerac, cant. d'Eymet; 354 hab.
FONS ou FQNTUS, dieu des sources dans la mythologie
FONS — FONSECA
— 7£6 —
romaine, fils de Janus et de Juturna. L'importance de son
culte était grande dans la Rome primitive, très mal par-
tagée au point de vue de l'eau potable ; partout oix jail-
lissait une source continue, l'esprit religieux concluait à
l'existence d'une divinité ; on y élevait des autels; on apai-
sait le génie du lieu par des offrandes qui consistaient
généralement en vin, fleurs ou jeunes victimes animales.
Il était impie de souiller une source et, dans certains cas,
de la franchir ou d'en détourner le cours. La grande fête
des sources à Rome, appelée Fontinalia, se célébrait le
13 oct. ; il était d'usage ce jour-là d'orner les fontaines
de guirlandes et d'y jeter des fleurs. Les Fontes, personni-
fications masculines des sources, ont pour pendant les
Nymphes (V. ce nom) ; ces deux ordres de divinités avaient
un pouvoir prophétique qui motivait, au moins autant que
leur caractère utilitaire, la vénération dont elles furent
l'objet. Le culte des sourcas est un de ceux qui se défen-
dirent le mieux contre l'invasion du christianisme.
FONS. Corn, dudép. de l'Ardèche, arr. de Privas, cant.
d'Aubenas; 253 hab.
FONS. Com. du dép. du Lot, arr. et cant. (0.) de
Figeac; 932 hab.
FONS-outre-Gardon. Com. du dép. du Gard, arr. de
Nîmes, cant. de Saint-Mamert ; 417 hab.
FONS-sur-Lussan. Com. du dép. du Gard, arr. d'Uzès,
cant. de Lussan ; 387 hab,
FONSAGRADA. Village d'Espagne, prov. de Lugo (Ga-
lice), qui n'a que quelques centaines d'habitants, mais est
le chef-lieu d'une commune d'une trentaine de paroisses
ou hameaux très rapprochés et ayant 15,916 hab. C'est
aussi le chef-lieu d'un district comprenant quatre grosses
communes. E. Cat.
FONSECA (Golfe de). Sur la côte occidentale de l'Amé-
rique centrale, entouré par les Etats de Salvador, Hondu-
ras et Nicaragua, point terminus du chemin de fer interocéa-
nique projeté du Honduras.
FONSECA (Pierre de), jésuite, surnommé l'Aristote
portugais, né en 1528 àGortèzadaou Ruenza Nova, mort
en 1599. 11 avait étudié à l'université d'Evora, sous Bar-
thélémy des Martyrs ; il professa la philosophie à l'univer-
sité de Coïmbre, que le roi Jean avait cédée aux jésuites.
Non seulement il parvint aux plus hautes dignités de son
ordre, où il exerça les fonctions de vicaire général et celles
de père visiteur de la Lusitanie, mais il fut ministre du
Portugal, quand Philippe II devint maître de ce royaume
(1582). Il fut aussi chargé de plusieurs missions par le
pape Grégoire XIII. Continuant l'œuvre commencée par
Jacques Ledesma et François Toletus, il contribua puis-
samment à la renaissance de la scolastique, par ses com-
mentaires sur Aristote et ses études sur la dialectique.
Dans l'histoire de la théologie, il est resté célèbre, à côté
de Molina, par la doctrine de la science moyenne, scientia
média, destinée à concilier la prédestination et l'infailli-
bilité de la prescience divine avec la liberté de l'homme.
D'après cette doctrine, l'homme reste libre ; mais en vertu
d'une science moyenne, c.-à-d. distincte de la science de
vision et de la science de simple intelligence, Dieu pré-
voit ou plutôt sait d'avance comment l'homme se décidera
dans les diverses circonstances où il sera placé pendant sa
vie. En conséquence de cette prévision, ex consensu ho-
minis prœviso, il donne ou retire la grâce nécessaire, et
il prononce sur le salut ou la damnation des hommes, selon
qu'il prévoit que chacun sera bon ou pervers. — OEuvres
principales : Institutionum dialecticarum libri octo
(Lisbonne, 1564; Rome, 1567; Cologne, 1567, 1605,
1616; Venise, 1575, 1611 ; Lyon, 1625); Commentant
in libros metaphysicorum Aristotelis (Rome, 1577,
1580, 1589, 4 vol. in-4 ; Strasbourg, 1594; Francfort,
1599) ; Isagoge philosophica (1591). E.-H. Vollet.
Bibl. : K. Werner, Franz Suarez und die Scholastik
der letzten Jahrhunderte ; Ratisbonne, 1861, 2 vol. in-8. —
Ribadaneira et Alegambe, Bibliotfieca scriptorum Socie-
tatis Jesit, 1643.
FONSECA (E. de) (V. Enriqïjez).
FONSECA Soares (Ant. da) (V. Chagas).
FONSECA (Manoel de Silveira Pinto de) (V. Chaves
[Marquis de]).
FONSECA (Manoel-Deodoro da), général et le premier
président de la république des Etats-Unis du Brésil, né à
Alagôas le 5 août 1827, mort à Rio de Janeiro le 23 août
1891. Troisième fils d'un lieutenant-colonel, Manoel-Mendes
da Fonseca (mort en 1859), il entra à l'Ecole militaire de
Rio le 6 mars 1843 et en sortit sous-lieutenant d'artillerie
en 1849. Lieutenant en 1852, capitaine en 1856, il avait
ce grade lorsque éclata, en 1864, la guerre entre le Brésil
et le gouvernement de Montevideo, suivie bientôt de la
longue lutte contre le dictateur du Paraguay, Solano Lopez
(1865-70). Le capitaine Deodoro fit la campagne de l'Uru-
guay, puis toutes celles du Paraguay, auxquelles prirent
également part cinq de ses frères. Nommé major en 1866,
il mérita le grade de lieutenant-colonel (1 867) pour sa vail-
lance à la tête d'un bataillon de volontaires ; il se signala
par son intrépidité dans plusieurs batailles et fut blessé à
celle d'Itororô (8 déc. 1868). Promu colonel (1869), il fut
chargé du commandement d'une brigade d'infanterie, mais
ne reçut le grade de général de brigade que le 14 oct. 1874.
Au bout de quelques années, il devint maréchal de camp
(général de division). Depuis la guerre, il exerça plusieurs
commandements militaires, et, en 1886, il fut nommé, par
le ministère conservateur du baron de Cotegipe (V. ce nom),
gouverneur de la province de Rio Grande do Sul. Cette même
année commença au Brésil l'agitation qui, trois ans plus
tard, amena la chute de l'empire. Pour bien s'expliquer les
causes réelles de cette révolution, accomplie sous la direction
apparente du maréchal Deodoro, il ne faut point oublier que,
dans l'Amérique latine, le rôle de l'armée dans la société et
le devoir militaire sont compris tout autrement qu'en Eu-
rope. Les exemples que fournissent constamment à cet égard
les annales des républiques hispano-américaines ne pou-
vaient laisser d'influencer l'élément militaire du Brésil. A la
faveur d'une constitution extrêmement libérale, des officiers
brésiliens s'arrogeaient le droit de s'occuper de politique,
de discuter dans la presse les actes de leurs supérieurs et
même de protester contre ceux du ministre de la guerre.
Plusieurs libéraux et conservateurs ont exploité tour à tour,
depuis 1886, dans le but d'user et de renverser des minis-
tères, l'esprit de révolte qui se répandait dans l'armée et
la marine, et qui était admirablement servi par un profes-
seur à l'Ecole militaire, le lieutenant-colonel Benjamin-
Constant Botelho de Magalhâes, un fervent adepte des
doctrines philosophiques d'Auguste Comte. I]'autre part,
les républicains, qui eurent toutes les facilités, sous le
régime paternel, et aussi quelque peu anarchique des
deux dernières années de l'empire, pour s'organiser et
battre en brèche le gouvernement, ne manquèrent pas de
tirer parti de cette situation en appuyant toutes les récla-
mations des militaires. Le général Deodoro s'étant cons-
titué ouvertement leur défenseur, le baron de Cotegipe,
alors chef du cabinet, après lui avoir fait observer (1er nov.
4866) « qu'une armée délibérante était incompatible avec
la liberté civile de la nation», le fit révoquer de ses fonc-
tions de gouverneur et de commandant militaire de Rio
Grande do Sul. Rappelé dans la capitale et nommé direc-
teur du service du matériel de l'armée, le général n'en
continua pas moins d'encourager l'insoumission des offi-
ciers. Le ministre de la guerre, Alfredo Chaves, ayant
voulu empêcher la continuation des actes d'indiscipline, ne
fut point soutenu par ses collègues, et il démissionna.
L'empereur, atteint d'une grave maladie, se trouva pen-
dant plusieurs mois hors d'état de s'occuper d'affaires gou-
vernementales. A ce moment, les généraux vicomte de
Pelotas, sénateur, appartenant au parti libéral, et Deo-
doro da Fonseca, qui se réclamait toujours du parti con-
servateur, publièrent (14 mai 1887) un manifeste « au
Parlement et à la Nation » pour la défense des « droits
politiques » des officiers, manifeste qui fut un véritable
— 727 —
FONSECA
ultimatum à l'adresse du cabinet. Le baron de Cotegipe
voulut résister, mais plusieurs membres de l'opposition
libérale au Sentit, parmi lesquels MM. Silveira Martins et
Alfonso Celso (V. ce nom), vicomte d'Ouro-Preto , l'en
dissuadèrent. Le ministère, dans l'impossibilité d'instruire
l'emppreur de la gravité de la situation, se laissa faire et
accorda à l'opposition ce qui était exigé par les deux géné-
raux. Dès lors, l'influence du maréchal Deodoro ne fit que
grandir dans l'armée. L'opposition libérale le porta même
candidat dans une élection sénatoriale à Rio ; il échoua,
cependant. Des conflits s'étant produits, en 4888, dans les
, rues de la capitale, entre des militaires et la police, à
propos de l'emprisonnement d'un officier de marine en re-
traite, la princesse impériale régente (l'empereur, malade,
était parti pour l'Europe en juin 1887 et ne rentra au
Brésil qu'en août 4888) prit le parti des militaires contre
le préfet de police, et le ministère Cotegipe fut remplacé
par un autre cabinet conservateur, présidé par M. Corrêa
d'Oliveira (V. ce nom). Le général Deodoro eut avec lui
d excellents rapports ; il déclara même que, s'étant beau-
coup compromis dans l'agitation militaire, il désirait quitter
Rio. On lui confia alors le commandement d'un corps
d'armée d'observation aux frontières de Matto Grosso, où
il se rendit le 27 déc. 1888. Cependant, dans la capitale,
à Sâo Paulo et à Minas Geraes, la propagande républicaine,
dirigée depuis longtemps par un journaliste d'un talent
incontestable, M. Quintino Bocayuva, rédacteur en chef du
journal 0 Paiz, de Rio, devenait de plus en plus active,
surtout depuis l'adoption de la loi abolissant définitivement
l'esclavage au Brésil (13 mai 1888). En présence de la
scission des conservateurs, l'empereur confia au vicomte
d'Ouro-Preto, du parti libéral, la tâche de former un nou-
veau cabinet (7 juin 1889). La Chambre des députés fut
dissoute et les élections donnèrent une énorme majorité
aux libéraux. D'autre part, différents actes du nouveau
ministère, au lieu de calmer, irritèrent encore plus les mi-
litaires. Le général Deodoro da Fonseca, rappelé de Matto
Grosso, arriva à Rio le 13 sept. 1889. Un grand journa-
liste et orateur, M. Ruy Barbosa, jusqu'alors libéral, s'était
déclaré contre le cabinet Ouro-Preto, qu'il combattait à
outrance, ne trouvant pas satisfaisant son projet d'exten-
sion de l'autonomie provinciale : il réclamait l'établisse-
ment du régime fédéral complet, déjà demandé en 1885
par M. Joaquim Nabuco , dont la propagande à ce sujet
avait trouvé un grand nombre de partisans dans toutes les
provinces.
M. Ruy Barbosa, dans les colonnes du Diario de No-
ticiaSi secondait l'action dissolvante de M. Bocayuva contre
le cabinet et en faveur des prétentions des officiers, conflit
que le lieutenant-colonel Benjamin-Constant poussait à un
état aigu. C'est lui qui organisa la levée immédiate de
boucliers, vainquit les hésitations du général da Fonseca
et le décida à prendre la direction du mouvement, qui se
fit dans la matinée du 15 nov. Une partie de la garnison
de Rio prit les armes contre le gouvernement qui réunit
1 aussitôt des troupes plus nombreuses pour combattre l'in-
surrection. Tous les ministres, excepté celui de la marine,
se trouvaient réunis au ministère de la guerre, bâtiment
formant l'une des faces d'un vaste carré dont les autres
côtés sont occupés par des casernes. Le maréchal de camp
Floriano Peixoto, chef de l'état-major général, était auprès
du gouvernement, mais M. d'Ouro-Preto accepta l'offre
du général Almeida Barreto de se mettre à la tête des
troupes. Celui-ci appartenait au parti conservateur, et
le cabinet, pour des raisons politiques, l'avait révoqué d'un
commandement quelques mois auparavant. Ils'était entendu,
la veille du mouvement, avec Deodoro da Fonseca, son en-
nemi personnel, en vue de renverser le ministère. Il ne
tenait qu'à Almeida Barreto d'écraser la petite colonne d'in-
surgés qui s'avançait par une longue voie, facile à balayer ;
mais il les attendit sans broncher, et dès que Fonseca eut
pris position en face du ministère de la guerre, il se mit à
ses ordres, chose dont il se glorifia ensuite. A partir de
ce moment, toutes les troupes de terre et de mer fraterni-
sèrent et les ministres restèrent prisonniers des insurgés.
Les seuls commandants qui soient demeurés fidèles furent
le colonel Pego, commandant la forteresse de Santa Cruz,
et le colonel Fausto de Souza, directeur de l'arsenal de
guerre. Le contre-amiral baron de Ladario, ministre de la
marine, venu pour se joindre à ses collègues, trouva déjà
le ministère au pouvoir des insurgés. Sommé de se rendre,
il tira un coup de revolver et tomba grièvement blessé
par la décharge d'un peloton de carabiniers. Ce fut le seul
sang versé dans cette affaire. L'intention du général Fon-
seca parait n'avoir été que de renverser le ministère ; du
moins il le déclara aux ministres, en les assurant qu'il irait
solliciter de l'empereur la formation d'un nouveau cabinet.
Mais il céda aux conseils de Benjamin-Constant et des chefs
civils du parti républicain. On proclama alors la déposition
de la dynastie impériale et l'établissement de la république.
Un gouvernement provisoire, se déclarant « constitué par
l'armée et la flotte au nom de la nation » fut formé sous la
présidence du général Fonseca. M. Aristides Lobo eut le
portefeuille de l'intérieur ; M. Ruy Barbosa, celui des
finances; M. Campos Salles, celui de la justice; M. Bo-
cayuva, celui des affaires étrangères ; M. Benjamin-Cons-
tant Botelho de Magalhâes, celui de la guerre ; le contre-
amiral Wandenkolk,' celui de la marine; enfin, M. Demetrio
Ribeiro, celui de l'agriculture, du commerce et des travaux
publics. Le conseil d'Etat fut aboli et le Sénat, ainsi que
la Chambre dea députés, dissous. L'empereur, revenu à la
hâte de Pétropolis, fut gardé à vue dans son palais, puis
invité à quitter le territoire brésilien, avec toute sa famille,
dans le délai de vingt-quatre heures. Dans sa réponse au mes-
sage du général Fonseca, il déclara céder « à l'empire des
circonstances », en faisant des vœux ardents pour la gran-
deur et la prospérité de la patrie, et il fut transporté, le 17,
à trois heures du matin, à bord d'un croiseur, et de là sur
un paquebot qui arriva le 7 déc. à Lisbonne. L'empereur
ayant refusé une donation faite par décret du gouvernement
provisoire, et le vicomte d'Ouro-Preto ayant publié à Lisbonne
un manifeste, où il déclarait que dom Pedro II n'avait pas
abdiqué et que ses droits subsistaient tant que la nation , libre-
ment consultée, n'avait pas confirmé l'avènement de la ré-
publique, le gouvernement provisoire rapporta son premier
décret et prononça le bannissement de la famille impériale
(20 déc. 1889). Ainsi s'accomplit ce grave événement pro-
voqué par une révolte militaire qui aboutit à une révolu-
tion. Englobant toute la force armée, elle ne put rencon-
trer aucune résistance et fut consacrée par l'enthousiasme
des uns et l'assentiment passif des autres.
Pendant un an, le gouvernement provisoire, ainsi que les
gouverneurs des provinces, exerça des pouvoirs dictato-
riaux. Toutes les réformes, telles que la séparation de l'Eglise
et de l'Etat (24 janv. 1890), le mariage civil obligatoire, la
grande naturalisation, la loi électorale, etc., furent décré-
tées dictatorialement et ratifiées ensuite par le Congrès.
On s'efforça, en général, de copier les institutions poli-
tiques des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, à l'exemple
de plusieurs républiques hispano-américaines. Les élections
au Congrès fédéral se firent dans les conditions anormales
de l'état de siège et de la presse réduite au silence (les
délits politiques et de presse étaient justiciables d'une
commission militaire) ; aussi près des deux tiers des
électeurs s'abstinrent-ils de prendre part au vote (15 sept.
1890). Toutefois, un grand nombre d'anciens chefs du
parti conservateur et du parti libéral se rallièrent promp-
tement à la république. La constitution provisoire sou-
mise à l'examen du Congrès réuni à Rio le 15 nov. fut
profondément modifiée et promulguée définitivement le
24 févr. 1891. La forme du gouvernement adoptée fut le
fédéralisme basé sur l'autonomie complète des Etats et
sur le suffrage universel, à l'exclusion des sous-officiers,
des soldats et des religieux. L'ancien régime parlementaire
fit place à une république présidentielle où le chef seul est
responsable et où les ministres, dont les fonctions sont
FONSECA
— 728 —
incompatibles avec le mandat législatif, ne relèvent point
du Congrès et n'ont pas avec lui de rapports directs. Le
nouveau drapeau national a pour emblème un losange
jaune sur un champ vert, chargé d'une sphère bleue, semée
de vingt et une étoiles, représentant autant d'Etats, et tra-
versée obliquement par une bande blanche avec la devise :
Orclem e Progressa. Les armes de la république offrent
héraldiquement une forme étrange affectant celle d'un osten-
soir ; elles consistent en une étoile verte, jaune et rouge,
ayant au centre une sphère bleue avec les cinq étoiles de
la croix du Sud, sphère bordée d'un cercle bleu, semé de
vingt et une étoiles d'argent. Derrière ces armes passe un
glaive placé verticalement, et, sur les côtés, elles sont
accompagnées de deux branches de café et de tabac.
Dès 1890, des changements avaient eu lieu dans le gou-
vernement provisoire. M. Aristides Lobo, se trouvant en
désaccord avec le dictateur, quitta le ministère de l'inté-
rieur et de l'instruction publique et y fut remplacé par
M. Benjamin-Constant de Magalhâes, qui avait été acclamé
général de brigade. Le portefeuille de la guerre fut confié au
général Floriano Peixoto. M. Demetrio Ribeiro abandonna
le ministère de l'agriculture et fut remplacé par M. F. Gly-
cerio. Après la mort du général Magalhâes (23 janv. 1891),
M. Cesario Alvim lui succéda au ministère de l'intérieur.
Mais dès le mois suivant des dissensions profondes entre le
cabinet et le chef du pouvoir amenèrent la retraite de tous
les ministres. Le général Deodoro chargea de la reconsti-
tution du cabinet le baron de Lucena, son ami person-
nel, ancien conservateur devenu un fervent adepte de la
république. Le nouveau ministère, qu'on croyait réaction-
naire, fut accueilli avec méfiance par le Congrès. Malgré
cela, le 25 févr. 1891, le général Deodoro da Fonseca fut
élu président de la république par 129 voix contre 97 don-
nées à un candidat civil, M. Prudente de Morâes, président
du Congrès, et \ 0 bulletins blancs, outre 22 abstentions. Le
général Floriano Peixoto fut élu vice-président par 153 voix
contre 57 données à son concurrent le contre-amiral Wan-
denkolk.
Au mois de mai 1891, une lutte s'engagea entre le Con-
grès et le gouvernement. Le président Fonseca, usant à
chaque instant de son droit de veto, refusait de sanction-
ner des lois votées par le Congrès. Sur cette lutte politique
se greffa la question des banques d'émission, et le général,
qui n'avait pas le droit de dissoudre le Congrès, prononça
néanmoins sa dissolution le 4 nov. 1891. La dictature fut
ainsi rétablie, mais ne dura que peu de jours. Dans l'Etat
de Rio Grande do Sul l'armée et la population se soule-
vèrent sous la conduite du général Ozorio. Le gouverneur
de Para, Lauro Sodré, refusa de reconnaître ce coup d'Etat.
Dans la nuit du 22 au 23 nov., la marine à Rio de Janeiro,
dont le contre-amiral Custodio de Mello, député, prit le com-
mandement, se révolta. Plusieurs congressistes qui étaient
dans le secret de ce mouvement, parmi lesquels M. Serze-
delloCorrea, s'unirentaux marins. Deodoro da Fonseca acquit
la conviction qu'il ne pouvait compter que sur la fidélité d'une
portion de la garnison. L'imper ator acclamé le 15 nov.
1889, se voyant abandonné, se résigna et remit le pouvoir
suprême au vice-président de la république, le général
Peixoto. Depuis lors, presque toujours malade, il ne joua
aucun rôle politique. Il garda seulement une vive rancune
à l'armée qui ne l'avait pas soutenu dans sa dernière aven-
ture ; il ne revêtit plus jamais son uniforme, et, quelques
jours avant sa mort, il déclara qu'il ne voulait point rece-
voir les honneurs militaires dus à son grade et recommanda
expressément d'être mis au tombeau revêtu d'un simple
habit civil.
Deodoro da Fonseca fut un brave officier et rien de plus.
Il n'était nullement préparé au rôle politique que les évé-
nements lui firent jouer. Sujet à des entraînements irréflé-
chis, contradictoire dans ses actes, il subissait toujours l'in-
fluence de son entourage occasionnel. Ses apologistes le
comparaient à Washington, dont il ne fut que l'antithèse
à tous égards; mais, dans un article remarquable publié
après la mort du dictateur, M. Bocayuva conclut plus jus-
tement que celui-ci fut « une force inconsciente au service
delà révolution brésilienne ».
Les six frères de Deodoro da Fonseca, tous natifs d'Ala-
gôas, ont plus ou moins marqué dans les fastes militaires
de leur pays. L'aîné, Hermès, né en 1824, mort à Rio de
Janeiro le 8 févr. 1891, se signala dans les campagnes de
1848 à Pernambuco, de 1864-1865 dans l'Uruguay, et de
1866 à 1870 au Paraguay, où il fut blessé à la bataille
d'Itororé. Parvenu au grade de maréchal de camp, il com-
mandait les troupes à Bahia au moment de la proclamation
de la république, et il refusa de suivre son frère. Il ne se
rallia au nouveau régime qu'après l'acceptation générale des
faits accomplis, et, en 1890, il occupa pendant quelques
mois le poste de gouverneur de Bahia. — Le second, Seve-
riano da Fonseca, baron d'Alagôas, né en 1825, mort à Rio
le 19 mars 1889, prit également une part brillante à la
guerre du Paraguay. Parvenu au grade de lieutenant géné-
ral, il jouit d'un grand prestige dans l'armée. — Paulino
da Fonseca, né en 1829, promu colonel honoraire en 1889,
exerça ensuite les fonctions de gouverneur de l'Etat d'Ala-
gôas, et fut élu sénateur en 1890. — Hippolyto da Fon-
seca, né en 1831 , fut tué à l'assaut de Curupaity (Paraguay)
le 22 sept. 1886, à la tête du 36e bataillon de volontaires
qu'il commandait. — Eduardo da Fonseca, né en 1833,
fut tué à la bataille d'Itororô, le 6 déc. 1868, à la tète
du 40e bataillon de volontaires. — Le plus jeune, Joao-
Severîano da Fonseca, né en 1835, fit la campagne du
Paraguay en qualité de médecin militaire. Il publia un ou-
vrage intéressant sur ses excursions dans l'intérieur du pays
(Viagem ao redor do Brazil; Rio, 1880, 2 vol. in-8).
Elu sénateur par la ville de Rio de Janeiro en 1890, il rési-
gna son mandat en 1892. G. Pawlowski.
Bibl. : Mello Moraes, dans Brazil historico, 1868, t. III,
pp. 82-91, 2e série. — J.-J. de Carvalho, Primeiras Linhas
da Historia da Repiiblica do Brazil; Rio, 1889. — Max
Leclerc, Lettres du Brésil; Paris, 1890. — Campos Porto,
Apontamentos para a historia da Republica dos Estados-
Unidos do Brazil ; Rio, 1890. — C. Ottoni, 0 Advento
da Republica no Brazil; Rio, 1890. — Frederico de S.
(Eduardo Prado), Fastos dadictadura militar no Brazil;
Paris, 1890. — Joachim Nabuco, Respsta as mensagens
do Recife e Nazareth; Rio, 1890. —Du même, Porquecon-
tinuoa ser monarchista; Londres, 1890. — Anfriso Fialho,
Historia dafundaçào da Republica no Brazil; Rio, 1891.
Vicomte d10uRO-PRETO, Advento da diclatura militar no
Brazil; Paris, 1891. — Alberto de Carvalho, Imperio e
Republica dictatorial; Rio, 1891. — Silva Jardim, Mémo-
nas e viagens ; campanha de um propagandista, 1887-1890;
Lisbonne, 1891. — Teixeira Mendes, Benjamin Constant;
esboço de uma apreciaçao sintetica da vida i da obra do
Fundador da Republica brazileira; Rio, 1892. — Vicomte
d'Ourém, Constitution de la Rèp.des Etats-Unis du Brésil;
Paris, 1892.
FONSECA (Antonio-Manoel da), peintre portugais con-
temporain. On cite de lui : Enée portant Anchise, le
Christ chassant les vendeurs du temple, les portraits
du roi Ferdinand de Portugal et de plusieurs princes de
la famille royale. Il a également exposé un groupe en
marbre, Adonis blessé par le sanglier.
FONSECA-Benevides (Francisco da), physicien et écri-
vain portugais, né à Lisbonne le 28 janv. 1835. Fils d'un
médecin, il a débuté dans la marine comme aspirant en
1851, et, à sa sortie de l'école navale, a été successive-
ment nommé : en 1854, professeur de physique à l'insti-
tut industriel de Lisbonne, dont il a par la suite organisé
et dont il dirige encore l'important musée technologique ;
en 1855, professeur adjoint de mécanique et d'artillerie à
l'école navale. Il est devenu titulaire de cette dernière
chaire en 1865. L'Académie des sciences de Lisbonne l'a
élu membre en 1866. Délégué par son gouvernementaux
diverses expositions internationales, il a personnellement
été récompensé à celle de Paris, en 1878, pour quelques
appareils scientifiques de son invention. Il est depuis
1884 inspecteur des écoles industrielles du Portugal
et il a, à ce titre, effectué à travers l'Europe un long
voyage d'études. Il a publié de nombreux ouvrages, dont
quelques-uns sont écrits en français et dont les plus inté-
729 —
FONSECA — FONTAINE
ressants ont pour titres: Curso de artilheria (Lisbonne,
1850, in-fol.); Curso de physica (Lisbonne, 4863,
2 vol. in-8) ; Relatorio sobre a exposiçâo de Paris em
1867 (Lisbonne, 4867, in-8); Principios de optica
(Lisbonne, 1868, 2 vol. in-8); 0 Fogo (Lisbonne, 4869,
in-8) ; Noçôes de physica moderna (Lisbonne, 4870,
in-8; 2e édit., 4880); Elementos de balistica (Lis-
bonne, 4872, in-8; 2e éd., 4882); As Raïnhas de Por-
tugal (Lisbonne, 4878-79, 2 vol. in-4); Mémoire sur la
vitesse de propagation des flammes (4880). Il est en
outre l'auteur de nombreux mémoires, notes et articles
parus dans le Jornal das sciencias mathematicas e phy-
sicas de Lisbonne, dans YArchivo pittoresco, dans le Jor-
nal do Commercio, dans la Revista militar, etc. L. S.
Bibl. : Le Cosmos, du 4 déc. 1869. — Silva, Diccionario
bibl. portuguez; Lisbonne, 1870, in-8, t. IX, p. 291.
FONSEGR1VE (Georges-Pierre Lespinasse), professeur
et philosophe français, né à Saint-Capraise de Lalinde (Dor-
dogne) le 49 oct. 4852. Il fit ses études au petit séminaire
de Bergerac, fut quelques mois instituteur, un an maître
d'étude, prit sa licence es lettres à Bordeaux (juil. 4874),
enseigna l'histoire au collège de Blaye, puis la philosophie
au collège de Bergerac (1875 à 4880). Reçu cette année-là
agrégé de philosophie, il a été professeur tour à tour aux
lycées deMontauban, Pau, Angoulême et Bordeaux (4887) ;
il l'est depuis oct. 4889 au lycée Buffon, à Paris. L'Aca-
démie des sciences morales a décerné en 4885 le prix du
budget à son mémoire sur le Libre Arbitre, sa théorie et
son histoire (Paris, 4887, in-8). Il a publié depuis des
Eléments de philosophie (Paris, 4894-4892, 2 vol. in-
18). Il a fourni des articles à divers recueils, surtout à la
Revue philosophique, et il est un des collaborateurs les
plus actifs de la Grande Encyclopédie, principalement
pour les questions de logique. H. M.
FONSOMMES. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant.
de Saint-Quentin ; 70 1 hab.
FONSORBES. Corn, du dép. delà Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Saint-Lys ; 864 hab.
FONSSAGRIVES (Jean-Baptiste), médecin français, né
à Limoges le 14 mars 1823, mort à Auray (Morbihan) le
22 nov. 1884. Entré de bonne heure dans le corps de ser-
vice de santé de la marine, il y a conquis tous les, grades
depuis celui d'aide-chirurgien* en 1840, jusqu'à celui de
médecin en chef en 1856. Il s'est occupé surtout d'hygiène
et de thérapeutique. Docteur en médecine en 1852, pro-
fesseur à l'Ecole de médecine navale de Brest dès 1853, il
fut nommé en 1864 professeur d'hygiène à la faculté de
médecine de Montpellier, à la mort du professeur Ribes.
Après avoir été chargé de la clinique spéciale des vieillards
et des enfants, il succéda à Fuster comme professeur de
thérapeutique. Travailleur infatigable, il est l'auteur de
plus de deux cents ouvrages, mémoires ou articles. Plu-
sieurs de ces ouvrages, récompensés par les académies,
adoptés par le ministère de la marine, ont contribué à la
légitime notoriété de leur auteur. Nous citerons entre
autres : Traité d'hygiène navale (1856); Thérapeutique
de la phtisie pulmonaire (1866); Du Rôle des mères
dans les maladies des enfants (1868 ; plus, édit.); Prin-
cipes de thérapeutique générale (1875); Traité de thé-
rapeutique appliquée (1878, 2 vol. ; 2e éd., 1882). Il était
correspondant de l'Académie de médecine . D r A . D ureau .
FONT-Romeu. Ermitage de la Cerdagne (Pyrénées-Orien-
tales), arr. de Prades, com. d'Odeillo, but d'un pèlerinage
célèbre dans ces contrées. Les foules s'y rendent les jours
de fête, notamment le 8 sept., pour vénérer une image de
Notre-Dame. La chapelle n'est pas très ancienne ; mais la
madone paraît remonter au xne ou xur3 siècle. Font-Romeu
possède, en outre, une belle Vierge en marbre due au ciseau
d'Oliva. Les goigs ou cantiques de l'ermitage ont une
tournure archaïque remarquable. Le calvaire domine un
panorama d'une rare beauté. Au g. Brut ails.
Bibl. : Abbé Emile Rous, Histoire de Notre-Dame de
Font-Romeu ; Lille, 1890.
FONTAIN. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. (S.)
de Besançon; 481 hab.
FO NTAI N E. I. Archéologie. — La fontaine est le vase
dans lequel on conserve l'eau destinée aux usages d'une
maison et principalement celle pour se laver les mains. Au
moyen âge, la fontaine occupait une place importante dans le
mobilier civil. On la posait soit sur une crédence, soit au mur,
en l'accostant d'un rouleau de bois pour la serviette (fig. I).
Lorsque la céramique prit sa place dans le mobilier, on
remplaça les fontaines de métal par des fontaines de terre
; c'est surtout au xvnr3 siècle que les fabriques
Fig. 1. — Fontaine en cuivre jaune repoussé et gravé.
françaises créèrent les modèles les plus élégants, les uns
en forme de vase, les autres d'applique. — La fontaine était
également un riche vase d'orfèvrerie que l'on plaçait au
milieu de la table pour contenir le vin, l'hypoeras ou
d'autres ligueurs : véritables monuments d'orfèvrerie qui
représentaient des châteaux complets, avec leurs cheva-
liers et leurs hommes d'armes. D'autres plus petites étaient
à surprises, comme celle de l'album de Villard de Hon-
necourt, surmontée d'une colombe qui laissait conti-
nuellement couler, sans qu'on sût par quel artifice, du vin
par le bec. F. de Mély.
II. Technologie. — La fontaine ou vase dans lequel
on conserve l'eau destinée aux usages domestiques, se fai-
sait autrefois en cuivre étamé, sans filtre, ce qui n'était pas
sans danger, car l'étamage n'empêche pas le vert-de-gris
de pénétrer tôt ou tard jusqu'à l'eau. On en fit plus tard
en plomb, en étain, qui n'étaient pas non plus sans incon-
vénients. C'est en 1745 que furent construites les premières
fontaines domestiques filtrantes ; on employait des coffres de
bois entièrement revêtus de plomb laminé et divisés en
compartiments, dans lesquels l'eau passait à travers du
sable et des éponges. Aujourd'hui les fontaines filtrantes
se composent d'un ou de deux éléments principaux : une
substance poreuse que l'eau traverse et qui retient les
impuretés solides; une substance absorbante, charbon ou
autre agent désinfectant, opérant l'épuration chimique.
FONTAINE
730.
Dans un grand nombre de fontaines, on n'opère que la pu-
rification mécanique, et la matière filtrante est le plus sou-
vent un diaphragme en pierre calcaire ou en grès poreux.
Dans un autre appareil, appelé fontaine Ducommun, du
nom de son inventeur, la plaque de grès poreux est rem-
placée par un diaphragme horizontal au milieu duquel est
pratiqué un orifice bouché par un tampon d'épongés que
l'eau doit traverser, et à la suite duquel elle passe dans une
couche de charbon de bois, puis une couche de sable qui
en effectuent la purification complète. D'autres fontaines
ménagères sont en usage (V. Filtration, t. XVII, p. 477).
III. Architecture. — Les fontaines ont, à toutes les
époques et dans toutes les civilisations, joué un grand rôle
dans la décoration des villes et des habitations de plaisance :
aussi, en dehors des fontaines proprement dites, dans les-
quelles des Happes et des jets d'eau constituent seuls toute
la beauté des effets qu'on y admire, a-t-ii été souvent, de-
puis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, fait appel
au talent de l'architecte et à celui du sculpteur pour enca-
drer d'une façon monumentale et pour agrémenter de figures
et de motifs d'ornement les efiets ou seulement les conduits
d'eau amenés par la science de l'ingénieur hydraulicien. —
On ne peut douter que les anciens édifices de la Ghaldée, dont
la construction massive témoigne un tel souci de ménager
aux voyageurs des renfoncements pourvus d'ombre, n'aient
compris une ou plusieurs fontaines, tant à l'extérieur qu'à
l'intérieur de leur enceinte, et M. de Sarzec (Découvertes
en Chaldée; Paris, 1883, p. 16, dem.-fol.) a retrouvé
encore en place, en avant de la grande façaae N.-E. du
palais chaldéen de Tello et au milieu d'une plate-forme
dallée, un bassin de pierre remarquable par les bas-reliefs
dont il est orné, bas-reliefs représentant une suite de
figures de femmes debout, les bras étendus et tenant de
chaque côté, dans leurs mains réunies, un vase d'où
s'échappe un double flot de liquide qui retombe ensuite
en bouillonnant jusqu'à terre. — Du monde oriental où
elle s'est perpétuée et a trouvé des encouragements dans
les prescriptions du Coran, la tradition des fontaines mo-
numentales a gagné la Grèce, et Pausanias (Corinthie;
Paris, 1814, t. I, passim) donne l'origine et une trop
courte description de nombreuses fontaines encore exis-
tantes au commencement du ne siècle de notre ère, entre
autres, à Corinthe : la fontaine Pirène, ornée de marbre
blanc et dans laquelle étaient pratiquées des loges en
forme de grottes d'où l'eau coulait dans un bassin décou-
vert, et la fontaine de Lerne, qui était entourée de colonnes
et où étaient disposés des sièges pour ceux qui voulaient
y venir prendre le frais pendant l'été. — Rome fut, plus
que toute autre ville de l'antiquité, la ville des fontaines
monumentales et des fontaines ornées de sculptures, et
les anciennes fontaines de cette ville pouvaient se répartir
en trois classes : les vastes châteaux d'eau (V. ce mot)
construits à l'arrivée des nombreux aqueducs amenant
Peau de sources souvent lointaines ; les fontaines jaillis-
santes et enfin les fontaines à bassin ou abreuvoirs. Pline
l'Ancien (Hist. nat., XXXVI, 15 et 24) rapporte à ce sujet
qu'Agrippa qui, pendant son édilité, donna une attention
toute particulière à la mise en état des travaux hydrau-
liques de la ville de Rome, n'y fit pas construire ou réparer
moins de 700 bassins, de 105 fontaines jaillissantes et de
130 châteaux d'eau, et on doit croire, autant d'après de
nombreuses traditions que d'après les ruines que l'on ren-
contre fréquemment en Italie, en Gaule et dans les autres
provinces de l'Empire, que tout le monde romain avait suivi
l'exemple de la capitale.
Les traditions de l'antiquité romaine se perpétuèrent
longtemps en Gaule, et Viollet-le-Duc [Dict. de t' Archi-
tecture, V, 527) n'hésite pas à reconnaître ces traditions
dans le programme, presque toujours le même, des plus
anciennes fontaines établies pendant le moyen âge au bord
des routes : il cite notamment, en dehors de Poitiers, le
long du Clain, une fontaine placée en contre-bas de la route
et remontant au xive siècle, mais restaurée en 1579. Cette
fontaine se compose d'une niche en maçonnerie abritant le
bassin de puisage, niche surmontée d'une statue et ornée
des armoiries du fondateur. Des bancs, en prolongation des
côtés de la niche, invitent à se reposer, et un escalier,
établi le long d'une des parois, permet de descendre de la
route au niveau du bassin. Dans les villes, les plus an- ,
ciennes fontaines isolées, presque les seules que l'on déco-
rât à cette époque, consistaient en un bassin peu profond,
élevé au-dessus du sol et au milieu duquel une colonne,
parfois ornée et surmontée d'un chapiteau et peut-être d'une
statue, recevait intérieurement les tuyaux de distribution
d'où l'eau s'échappait par des sortes de gargouilles en pierre
ou en métal. Plus tard, la colonne ou le faisceau de co-
lonnes fut remplacé par un pinacle orné de sculptures,
comme on le voit à la fontaine dite de laPucelle, à Rouen,
laquelle date du milieu du xve siècle. — C'est surtout de
la colonne surmontée d'une statue et s'élevant au milieu
d'un bassin que procèdent une grande partie des fontaines
isolées que la Renaissance vit s'élever à profusion dans cer-
taines villes de Suisse, d'Italie, d'Allemagne et de France ;
les fontaines de Berne entre autres, lesquelles sont entre-
tenues avec un soin pieux par l'éa'ilité de cette ville, doivent
à la statue surmontant leur colonne centrale les noms de
fontaines de l'Ogre, de l'Ours, de l'Arbalétrier, de l'Arque-
busier, du Banneret, du Héraut, du Joueur de cornemuse,
de Samson, de Moïse, de Berthold V, d'Anna Seiler, de la
Justice, etc. Cependant, sous la Renaissance, dans les fon-
taines soit isolées, soit adossées à des constructions, l'ar-
chitecture tendit à reprendre une plus grande place, et Pa-
ris, par exemple, vit s'élever, en 1550, la fontaine des
Innocents, d'abord composée de trois travées disposées à
l'angle de la rue aux Fers et de la rue Saint-Denis, plus
tard complétée lors de son transport, en 1788, à son em-
placement actuel, d'une quatrième travée et offrant d'élé-
gantes arcades ornées de chaque côté de deux pilastres
corinthiens encadrant des bas-reliefs ; de même aussi la fon-
taine Mèdicis, élevée dans les jardins du Luxembourg et
transportée à sa place actuelle en 1861, se distingue par
une masse imposante comme architecture et bien mise en
valeur par l'allée d'arbres et le bassin qui la précèdent.
Mais, malgré le grand luxe de fontaines qui décorèrent à
la fin de cette période les jardins et les palais de plusieurs
villes d'Italie, fontaines dans lesquelles les statues faisaient
corps et s'harmonisaient avec les vasques, les rochers et
les motifs d'une architecture souvent tourmentée dans ses
lignes, c'est à Versailles que furent obtenus, sous Louis XIV,
les effets les plus splendides et les plus variés de cette ar-
chitecture spéciale de fontaines monumentales, et c'est à
Versailles aussi que la plus innombrable quantité de jets
d'eau, l'élément par excellence des fontaines, a été mise en
œuvre pour donner la vie à des ensembles vraiment inimi-
tables.
Depuis le commencement de ce siècle, les fontaines offrent
la plus grande variété de formes et aussi de motifs décora-
tifs, les unes et les autres, il est vrai, empruntés aux mo-
dèles du passé, et, soit adossées, soit isolées ou parfois
élevées en vue de rendre hommage à un homme illustre ou
de perpétuer le souvenir d'un grand événement, les fon-
taines font toujours appel à la sculpture ou à l'architec-
ture, souvent un peu au détriment des effets d'eau, mais avec
une telle liberté de composition qu'il serait difficile de les
classer, comme le faisait Quatremère de Quincy à la fin du
dernier siècle, en fontaines de sculpture, fontaines d'archi-
tecture et fontaines composées de sculpture et d'architec-
ture. Au reste, les plus beaux exemples de fontaines mo-
dernes sont donnés, dans le cours de cet ouvrage, au nom
des villes qui les ont vu élever, et il suffit, en dehors des
fontaines isolées, adossées, en encoignure et m renfon-
cement, fontaines dont les noms expliquent la situation,
de rappeler, avec quelques détails, les noms le plus généra-
lement donnés aux fontaines eu égard à leur forment à leur
décoration. — Fontaine à bassin. Fontaine consistant en
un bassin adossé ou isolé, de forme polygonale ou circu-
731 —
FONTAINE
laire et dans lequel un jet d'eau, une statue ou même un
groupe de figures sert à amener l'eau : souvent, dans les
fontaines de ce genre placées au milieu des places publiques,
une ou plusieurs vasques reçoivent l'eau à la partie supé-
rieure de la fontaine et la déversent en nappes dans le bas-
sin proprement dit. — Fontaine à coupe. Fontaine qui
comprend au-dessus de son bassin une seule vasque portée
par un motif central et aont la forme, en calotte sphérique,
rappelle les coupes antiques. — Fontaine couverte ou dé-
couverte. Noms donnés aux fontaines adossées ou isolées
suivant que tout leur ensemble est protégé par une cons-
truction ou laissé à découvert. — Fontaine en buffet.
(V. Buffet d'eau et fig.). — Fontaine en demi-lune, en
grotte ou en niche. — Fontaine élevée sur un plan demi-
circulaire et en partie comprise dans un renfoncement de
même forme et dont la décoration simule une grotte ou se
compose d'une simple niche. — Fontaine en pyramide.
Fontaine dans laquelle plusieurs vasques, disposées l'une
sur l'autre et diminuant de diamètre à mesure qu'elles s'é-
lèvent, permettent à l'eau de tomber en nappes successives
mais de façon à former une nappe unique entourant le
corps de la fontaine d'urïfcône ou d'une pyramide liquide.
— Fontaine en portique. Sorte de château d'eau (V. ce
mot) rappelant par son dessin les arcs de triomphe an-
tiques. — Fontaine rustique, satyrique ou statuaire.
Noms divers donnés aux fontaines suivant les éléments qui
entrent dans leur décoration : bossages, rocailles et coquil-
lages; thermes, faunes, satyres, mascarons et grotesques
ou simplement figures sculptées. — Fontaine symbolique.
Cette dernière fontaine doit son nom à l'intention, révélée
par les figures ou les attributs qui la décorent, de rappeler
et de perpétuer des souvenirs personnels à son fondateur ou
telle circonstance mémorable. Charles Lucas.
IV. Travaux publics. — Fontaines publiques. —
On a désigné parfois, sous le nom de fontaines publiques,
tout l'ensemble du service d'eau d'une ville. C'est ainsi que
Darcy a décrit la belle distribution d'eau qui lui est due
dans un ouvrage intitulé les Fontaines publiques de la
ville de Dijon. Mais le plus souvent le mot est pris dans
un sens beaucoup plus restreint et s'applique aux appareils
qui débitent l'eau sur la voie publique ou dans les pro-
menades pour
l'usage des habi-
tants ou l'agrément
des promeneurs.
C'est un terme gé-
néral sous lequel
on confond les ap-
pareils de puisage
et les fontaines dé-
coratives.
Le type primitif
de la fontaine pu-
blique de puisage
est cet appareil
qu'on rencontre
aux carrefours des
villages et qui se
compose d'un ori-
fice fournissant
l'eau à jet continu au-dessus d'une auge servant à la fois pour
l'abreuvage du bétail et le lavage du linge et où les ménagères
viennent remplir leurs seaux. Sous des formes diverses ce
même appareil se retrouve dans la plupart des villes qui du-
rant des siècles n'ont pas connu d'autre mode de distribution
de l'eau : seulement l'auge est supprimée assez souvent et,
pour économiser l'eau, l'écoulement est rendu discontinu
par l'interposition d'une soupape ou d'un robinet. A Paris,
jusqu'au commencement de notre siècle, l'eau ne parvenait
aux habitants que par l'intermédiaire des fontaines pu-
bliques de puisage : aussi avaient-elles reçu souvent une
ornementation en rapport avec leur importance, qu'elles
fussent adossées comme la fontaine de Jarente, ou isolées
Fig. 2. — Fontaine banale à écoule-
ment continu.
comme la fontaine de Birague. Dans certaines localités on
rencontre des puits publics, plus rarement des citernes pu-
bliques comme à Venise, où la cour du palais des Doges en
compte deux dont les margelles sont richement ornées. Dans
les villes modernes, où l'eau est amenée jusque dans l'in-
térieur des habita-
h-g tira*, fcy
I*: //ni/if'
Fig. 3. — Fontaine de Jarente.
tions, les appareils
de puisage n'ont
plus une utilité
aussi grande : il
convient néan-
moins de les mul-
tiplier encore afin
de mettre partout
l'eau à la portée de
ceux qui ne sont
point abonnés;
mais ils prennent
alors un aspect
plus modeste et en
rapport avec le rôle
très restreint qu'ils
sont appelés à jouer
désormais. Ce sont
le plus ordinaire-
ment de simples
bornes - fontaines
en fonte, isolées ou
adossées contre un mur et dont la hauteur est calculée
de façon que l'orifice se trouve précisément au niveau con-
venable pour servir au remplissage de seaux placés sur le
trottoir, c.-à-d. à 0m60 ou 0m70 du sol. L'écoulement,
presque toujours
discontinu, est com-
mandé par un ro-
binet à vis, à con-
trepoids ou à re-
poussoir, disposé
autant que possible
de manière à éviter
les coups de bélier.
Il est réglé de ma-
nière à remplir un
seau ordinaire de 6
à 10 litres en vingt
secondes environ ,
ce qui correspond
à un débit normal
de 1/2 litre par se-
conde. Les bornes-
fontaines sont d'ail-
leurs placées à des
intervalles assez
rapprochés pour que
le parcours néces-
saire à l'effet d'at-
teindre l'appareil le
plus voisin ne dé-
Fig. 4. — Fontaine de Birague.
passe jamais une longueur raisonnable fixée d'avance et
qui varie suivant les localités.
Depuis quelques années on a introduit à Paris un type
Fig. 5. — Citerne de la cour du palais des Doges,
à Venise.
nouveau de fontaine publique, qui convient particuliè-
rement aux villes où la distribution est double et qui est
FONTAINE
— 732 —
destiné à fournir spécialement Feau de bonne qualité réservée
pour la boisson, de telle sorte que les passants puissent
s'y désaltérer en toute sécurité. Elles sont connues sous le
nom de fontaines Wallace, parce que sir Richard Wal-
lace a fait installer de ses deniers les cinquante premières,
en fonte ornementée, d'une forme assez élégante, avec
écoulement continu d'un mince filet d'eau. Depuis on en a
augmenté le nombre et d'autres types ont été créés, dont
un applicable aux promenades
se compose d'une borne de
petite dimension munie d'un
robinet à repoussoir. Des go-
belets nickelés , suspendus
par des chaînettes, servent à
la fois au puisage et à la
boisson. L'espacement des
fontaines de ce genre peut être
beaucoup plus grand que celui
des bornes-fontaines, car elles
ne répondent pas à un besoin
aussi impérieux, et, d'ailleurs,
l'eau qu'on y puise étant con-
sommée sur place, il n'y a
pas à se préoccuper de la lon-
gueur du transport.
Dans la plupart des villes on
,, trouve des fontaines publiques
fcflï"! TBft décoratives, qui ne servent
— BËJ BBlL . pas au puisage et n'ont d'autre
Fig. 6.— FontaineWallace. objet que d'orner un carrefour,
une place, une promenade,
d'y répandre la fraîcheur, de charmer les yeux par des
effets d'eau heureusement combinés, ou l'oreille par le mur-
mure que produit l'écoulement et la chute de l'eau. Jadis
l'eau était rare et, par suite, dans les anciennes fontaines
publiques de ce genre, la part de l'architecte et du sculpteur
l'emportait de beaucoup sur celle de l'hydraulicien : tel est
le cas de la fontaine des Innocents, de la fontaine de Mé-
dicis à Paris. Les distributions d'eau modernes, beaucoup
plus abondamment pourvues et fournissant l'eau à haute
pression, ont permis d'obtenir des effets d'eau plus variés,
comme ceux qu'offrent aux regards la fontaine Saint-Mi-
chel, les fontaines de la place de la Concorde et de l'avenue
Fig. 7. — Fontaine de la place de la Concorde à Paris.
de l'Observatoire à Paris. Souvent même l'eau fait seule
les frais de l'ornementation ; toute disposition architectu-
rale a disparu, et de simples ajutages disposés au milieu de
vastes bassins lancent dans les airs des jets d'eau élancés
ou des gerbes gracieuses qui retombent en belles nappes
blanches écumantes où se joue agréablement la lumière.
Quelquefois on groupe dans un ensemble complexe une
série d'effets divers pour obtenir de grandes pièces d'eau
comme la fontaine de Trevi à Rome, les grandes eaux de
Versailles et de Saint-Cloud, la cascade du Trocadéro à
Paris, etc. G. Bechmann.
V. Physique. — Fontaine de compression. — Cet appa-
reil se compose d'un vase en métal dans lequel on met de
l'eau ; sur l'ouverture du vase peut se visser un tube plon-
geant jusqu'au bas de l'appareil et muni à sa partie supé-
rieure d'un robinet. Celui-ci étant ouvert et le tube étant
vissé sur le réservoir, on envoie de l'air dans l'appareil à
l'aide d'une pompe de compression ; cet air pénètre dans le
vase en traversant l'eau. On ferme ensuite le robinet; on
retire la communication avec la machine de compression et
on visse sur le tube un ajutage de forme convenable, à un ou
plusieurs trous. On ouvre alors le robinet ; la pression de l'air
enfermé dans l'appareil, notablement supérieure à celle de
l'atmosphère, presse le liquide qui jaillit à l'extérieur à une
hauteur d'autant plus grande que la pression intérieure du
gaz est plus considérable.
Fontaine de Héron (V. Air, 1. 1, p. 4036).
Fontaine intermittente. — On désigne sous ce nom, en
physique, divers appareils destinés à reproduire dans leurs
traits essentiels les caractères des fontaines intermittentes
naturelles. On sait qu'il existe un certain nombre de sources
qui jaillissent de terre à intervalles assez réguliers ; on a
expliqué ce phénomène de la façon suivante : supposons
qu'il existe sous le sol une cavité qui reçoive des eaux
par infiltration ; cette cavité communique avec l'extérieur
par un canal en forme de V renversé ; supposons au début
la cavité vide ; l'eau qui arrive continuellement élève peu
à peu le niveau dans cette sorte de réservoir et dans la
Fig. 8. — Fontaine intermittente.
première branche du canal en A ; mais Peau ne s'écoule
pas ; au moment où l'eau, montant toujours, atteindra
dans le canal le sommet du A, celui-ci fonctionnera comme
un siphon qui se trouve subitement amorcé et l'eau jaillira
au dehors à une hauteur variable en rapport avec les
dimensions du A. Si le débit de ce canal est plus grand que
celui des sources qui alimentent la cavité, celle-ci se trouvera
vide plus ou moins rapidement ; le siphon sera désamorcé
et les mêmes phénomènes se reproduiront indéfiniment. On
réalise en physique une fontaine intermittente de la façon
suivante : on prend un vase muni d'une tubulure inférieure;
dans cette ouverture, on fait pénétrer un tube replié en
forme de siphon (fig. 8) et on fait arriver dans le vase un
mince filet d'eau ; on a ainsi réalisé les diverses conditions
dont nous avons parlé et bientôt le siphon donne passage
à un jet d'eau qui ne tarde pas à cesser. La fig. 9 repré-
sente une disposition souvent adoptée et désignée sous
le nom de vase de Tantale. Une petite figurine représen-
tant ce personnage occupe le milieu du vase ; à l'intérieur
de la petite statuette est dissimulé un siphon qui s'amorce
avant que Peau n'atteigne le niveau de la bouche du
— 733 —
FONTAINE
personnage, de sorte que le vase se \ïde par le pied
sans que l'eau mouille les lèvres de Tantale. Une autre
disposition de fontaine intermittente consiste en un vase
contenant de l'eau et de l'air ; l'eau peut s'échapper par
de petits ajutages dans un bassin ; celui-ci peut se vider,
mais lentement, par de petits orifices. L'air du premier vase
communique avec l'extérieur par un tube qui vient s'ouvrir
presque au fond du bassin, de telle sorte que, lorsque
celui-ci contient de l'eau, la
communication de l'air du
vase avec l'extérieur se
trouve interrompue ; aussi,
bientôt l'écoulement de l'eau
qu'il contient s'arrête ; mais
le bassin continuant à se
vider, il arrive un moment
où le bas du tube de com-
munication se trouve de
nouveau dans l'air ; celui-ci
pénètre alors dans le pre-
mier vase, y rétablit la pres-
sion atmosphérique; l'eau
s'écoule de nouveau dans
le bassin, supprime encore
la communication avec l'air
et les mêmes phénomènes
se reproduisent tant qu'il
reste de l'eau dans le vase.
A. Joannis.
Fontaine lumineuse. —
L'Exposition universelle de 1889 a popularisé les fontaines
lumineuses qui avaient déjà fait leur apparition en Angleterre
Vase de Tantale.
Fig\ 10. — Fontaine lumineuse (coupe, éclairage des gerbes
et jets verticaux, et jets paraboliques).
en 1884. Le principe en est dû à un savant physicien de Ge-
nève, Colladon, qui a communiqué en 1842 à l'Académie des
sciences la description d'un appareil au moyen duquel il était
parvenu à illuminer une veine liquide. Dans les grandes appli-
cations qui en ont été faites, les effets d'eau verticaux produits
par des ajutages multiples et composés de minces filets re-
tombant en gouttelettes, sont vivement éclairés par dessous
à travers une dalle en verre : des verres de couleur inter-
posés sur le trajet des rayons lumineux permettent de les
colorer à volonté. Au Champ de Mars on est parvenu à
éclairer de même des veines paraboliques de gros diamètre,
grâce à une disposition imaginée par M. Bechmann, ingé-
nieur en chef des eaux de l'Exposition de i 889, et qui con-
siste à introduire la lumière au centre d'un jet d'eau creux
produit par un ajutage annulaire» Tous les appareils sont
d'ailleurs disposés souterrainement ou masqués par des
écrans de manière que l'illusion soit complète et que le
spectateur croie apercevoir des gerbes de feu brillantes et
colorées comme les fusées d'un feu d'artifice.
Le déplacement des verres de couleur obtenu d'abord à
la main, pour chaque appareil séparément, sous la direc-
tion du colonel Bolton à Londres en 1884, a été perfec-
tionné par MM. Galloway and Sons, qui, à Manchester en
1887, ont ingénieusement groupé plusieurs séries de verres,
de telle sorte qu'on pût les manœuvrer d'ensemble au
moyen d'un seul appareil de commande par série. Des le-
viers, placés à distance dans un kiosque surélevé et disposé
comme un poste d'aiguillage sur les lignes de chemin de
fer, permettaient de manœuvrer en même temps les clapets
placés sur les conduites d'amenée de l'eau et de modifie»' à
l'infini l'aspect delà gerbe lumineuse. A Paris, en 1889,
le même procédé mécanique mettait dans la main d'un seul
homme les effets d'eau multiples qui composaient la grande
gerbe et les séries de verres au moyen desquels on modifie la
coloration des faisceaux de lumière produits par 48 foyers
électriques de 40 et de 60 ampères. L'ensemble des fon-
taines lumineuses du Champ de Mars, qui ont été conser-
vées après l'Exposition et qui fonctionnent chaque dimanche
pendant l'été, comprend près de trois cents ajutages débi-
tant 350 litres d'eau par seconde, sous une pression de
40 m., et il ne faut pas moins de 300 chevaux de force pour
fournir le courant électrique nécessaire. G. Bechmann.
VI. Géologie (V. Source).
VII. Histoire religieuse.— Congrégation de la fon-
taine jaillissante. — L'origine de cette congrégation
remonte à l'institution des Frères de la vie commune ébau-
chée, dès 1381, à Deventer, par Gérard de Groote. 11 s'agis-
sait alors d'une association de jeunes gens pieux qui se
consacraient, sans prononcer de vœux, à la copie des manus-
crits de la Bible et des Pères et à l'instruction des clercs
pauvres. Bientôt après, ils se rattachèrent à un monastère
fondé à cet effet et soumis à la règle de Saint-Augustin.
D'autres maisons furent établies pour le même objet; celles
de Munster, de Cologne et de Wesel s'unirent ensemble et
formèrent une congrégation de chanoines, qui fut approu-
vée en 4439 par Eugène IV, sous le nom de Congregatio
Fontis salientis. Elle recevait trois sortes de personnes :
des frères perpétuels, des chanoines et des domestiques.
E.-H. V.
FONTAINE. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Vervins; 925 hab.
FONTAINE. Corn, du dép. de l'Aube, arr. et cant. de
Bar-sur-Aube ; 288 hab.
FONTAINE. Corn, du dép. du Doubs, arr. de Baume-
les-Dames, cant. de Clerval; 483 hab.
FONTAINE» Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble,
cant. de Sassenage, au confluent de l'Isère et du Drac ;
1,349 hab. Carrières de pierre exploitées, les unes à ciel
ouvert et d'autres en galeries. Aux hameaux des Balmes,
curieuses grottes qui s'ouvrent dans une muraille de ro-
chers à pic de 100 m. environ de haut.
FONTAINE. Corn, du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. d'Ay, sur la Livre; 196 hab.
FONTAINE ou BRUNN. Ch.-i. de cant. du territoire de
Belfort: 372 hab.
FONTAINE
- 734 —
FONTAINE-au-Bois. Corn, du dép. du Nord, arr.
d'Avesnes, cant. de Landrecies ; 949 hab.
FONTAINE-au-Pire. Corn, du dép. du Nord, arr. de
Cambrai, cant. de Carrières ; 2,240 hab.
FONTAINE-Bellenger. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Louviers, cant. de Gaillon ; 245 hab.
FONTAINE-Béthon (V. Béthon [Marne]).
FONTAINE-Bonneleau ou sous-Cateux. Com. du dép.
de l'Oise, arr. de Clermont. cant. de Crèvecœur; 356 hab.
Stat. du ch. de fer du Nord. A quelque distance de ce
village se trouvent des eaux minérales qui ont joui d'une
certaine vogue au siècle dernier. Dans l'église, du xvie siècle,
lambris sculpté du même temps. Souterrain-refuge., Car-
rières, fabriques de laine.
FONTAlNE-CHALENDRAY.Com. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. de Saint-Jean-d'Angély, cant. d'Aulnay;
748 hab.
FONTAINE-Couverte. Com. du dép. de la Mayenne,
arr. de Château-Gontier, cant. de Saint-Aignan-sur-Roë ;
855 hab.
FONTAINE-Denis. Com. du dép. de la Marne, arr.
d'Epernay, cant. de Sézanne, près de la forêt de La Tra-
conne; 709 hab. Ruines d'un ancien château féodal.
FONTAINE-d'Ozillac. Com. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. et cant. de Jonzac ; 626 hab.
FONTA1NE-en-Beauce. Com. du dép. de Loir-et-Cher,
arr. de Vendôme, cant. de Savigny ; 727 hab.
FONTAINE-en-Bray. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Saint-Saens ;
223 hab.
FONTAINE-en-Dormois. Com. du dép. de la Marne, arr.
de Sainte-Menehould, cant. de Ville-sur-Tourbe, à la source
d'un affluent de la Dormone; 106 hab. Château.
FONTAINE-en-Duesmois. Com, du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Châtilion, cant. de Baigneux-les- Juifs, près de la
rivière de la Laigne ; 328 hab. Eglise, sous le vocable de
saint Germain, gothique et de la Renaissance. Restes de
l'enceinte. M. P.
Bibl. : Courtépée, Description générale et particulière
du duché de Bourgogne, éd. 1848, t. IV, p. 266.
FONTAINE-en-Sologne. Com. du dép. de Loir-et-Cher,
arr. de Blois, cant. de Bracieux ; 935 hab.
FO NTA1 N E-Etoupefour. Com. du dép. du Calvados, arr.
de Caen, cant. d'Evrecy, sur l'Odon; 461 hab. Eglise du
xive et du xve siècle, mais dont la façade curieuse remonte
au xue. Beau château seigneurial de l'époque de Louis XII,
auquel aboutissent de superbes avenues. Les corps de logis
en arrière de la cour ont été édifiés au xvme siècle.
FONTAINE-Fourche. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Provins, cant. de Bray-sur-Seine; 700 hab.
FONTAINE-Françajse. ChU. de cant. du dép. de la
Côte-d'Or, arr. de Dijon, sur un étang; 1,004 hab. Haut
fourneau. La seigneurie appartint à la maison de Vergy
jusqu'en 1379; elle fut vendue à la maison de Longwy,
d'où elle passa, par mariage, dans celle de Chabot. Phi-
lippe le Bon, duc de Bourgogne, dispensa les habitants de
la gabelle et de toute imposition sur leurs denrées, en leur
accordant, en outre, le privilège de négocier partout sans
payer de redevances. Eglise sous le vocable de saint Sul-
pice. Château des xvie et xvne siècles. Au Pré-Moreau,
restes d'un monument commémoratif de la victoire rem-
portée par Henri IV le 5 juin 1595 sur le duc de Mayenne
et les Espagnols. M. P.
Bibl. : Courtépée, Description générale et particulière
du duché de Bourgogne, éd. 1847, t. II, p. 195.
FONTAINE-Guérard. Ancienne abbaye de filles de
l'ordre de Citeaux, au diocèse de Rouen, fondée en 1136
par Amaury de Meuient. Il en subsiste de pittoresques
ruines sur le territoire de la commune de Radepont
(Eure).
FONTAINE-Guérin. Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Baugé, cant. de Beaufort-en- Vallée, sur le Couas-
non ; 1,127 hab. Nombreuses usines. Plusieurs dolmens.
Eglise en grande partie romane dont la nef est recouverte
de lambris peints. Ancienne motte féodale du tertre Mou-
ron. Château de la Tour-du-Pin en ruine, auprès duquel
a été édifié au xvie siècle un autre château restauré de nos
jours.
FONTAINE-Henry. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Caen, cant.de Creully, sur la Mue ; 335 hab. Eglise (mon.
hist.) dont le chœur roman est orné extérieurement d'une
galerie aveugle à colonnettes élégantes. La façade, la tour
et la nef sont modernes et sans intérêt. Beau château de
la Renaissance auprès duquel s'élève une intéressante cha-
pelle du xme siècle.
FONTAINE-Heudebourg. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Louviers, cant. de Gaillon ; 150 hab.
FONTAINE-l'Abbé. Com. du dép. de l'Eure, arr. et
cant. de Bernay ; 508 hab.
FONTAINE-la-Gaillarde. Com. du dép. de l'Yonne,
arr. et cant. de Sens; 333 hab.
FONTAINE-là-Guyon. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Chartres, cant. de Courville; 540 hab.
FONTAINE-la-Louvet. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Bernay, cant. de Thiberville ; 553 hab.
FONTAINE-la-Mallet. Com. du dép. de la Seine-In-
férieure, arr. du Havre, cant. deMontivilliers, à la source
de la Fontaine, affluent de la Lézarde ; 682 hab. Eglise
dont le chœur et le clocher sont du xie siècle ; les piliers
du clocher sont surmontés de curieux chapiteaux ; les cha-
pelles du transept sont du xvie siècle, la nef moderne.
Château d'Eprémesnil, construction du xvme siècle dans
une belle situation.
FONTAINE-la-Rivière. Com. du dép. de Seine-et-
Marne, arr. d'Etampes, cant. de Méréville ; 111 hab.
FONTAINE-la-Soret. Com. du dép. de l'Eure, arr. de
Bernay, cant. de Beaumont-le-Roger, sur la Rille ; 463 hab.
Au hameau de La Ri vière-Thibou ville, stat. du ch. de fer
de l'O., ligne de Serquigny à Rouen. Ce hameau était au
moyen âge le ch.-l. d'une importante seigneurie, dont le
château fut pris en 1417 par le duc de Clarence. Il en
subsiste la chapelle du style de transition. Près delà s'élève
un beau château construit à la fin du xvme siècle par le
fermier général d'Augny. L'église de Fontaine-la-Soret est
de l'époque romane avec une intéressante tour carrée.
FÛNTAINE-Lavaganne. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Marseille-le-Petit ; 350 hab. Stat. du
ch. de fer du Nord. Ce lieu a pris son nom d'une famille
Vagan qui en était propriétaire dès le xne siècle. Il pos-
sédait une forteresse qui joua un rôle important pendant
les guerres du xve siècle. Elle fut assiégée, prise et rasée
par les Anglais en 1419 ; mais on la reconstruisit peu après.
Ce château fut encore pris par les ligueurs d'Amiens en
1589, puis il servit ensuite de refuge en 1592, au sieur
de Boufflers, chef de la Ligue à Beauvais. Il existe encore
en partie, ainsi que les fossés. L'église est du xvne siècle.
On y voit le tombeau de Jean de Pisseleu, seigneur de
Fontaine, qui mourut en 1508, âgé de cent quinze ans.
Fabrique de bonneterie . C. St-A.
FONTAINE-le-Bourg. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Rouen, cant. de Clères, sur le Cailly ;
1,434 hab. Filatures de coton ; minoteries, distillerie.
Eglise à abside romane ; la nef et le clocher sont du
xvie siècle, le chœur est moderne ; elle renferme des fonts
baptismaux du xvie siècle. Le ruisseau de Fontaine-Nour-
rice alimente une ancienne fontaine de la fin du xvie siècle,
surmontée d'un groupe colossal représentant une Pietà
et où l'eau sortait de la blessure du flanc du Christ. An-
ciennes constructions de la sénéchaussée (xvie siècle).
FONTAINE-le-Comte. Com. du dép. de la Vienne, arr.
et cant. (S.) de Poitiers ; 669 hab.
FONTAINE-le-Dun. Ch.-l. de cant. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot ; 452 hab. Rouenneries. Eglise de
diverses époques (xne-xvie siècles) ; fonts baptismaux sculp-
tés du xve siècle. Dans le cimetière, pierre tumulaire du
xive siècle ; croix de 1547.
FONTAINE-le-Pin. Com. du dép. du Calvados, arr. de
735
FONTAINE
Falaise, cant. de Bretteville ; 305 hab. Ancienne comman-
derie du Temple de Voixmer, fondée au milieu du xne siècle,
convertie en ferme. Il en subsiste les ruines d'une chapelle
servant de hangar, à l'intérieur de laquelle sont encore
plusieurs pierres tombales.
FONTAINE-le-Port. Corn, du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Melun, cant. du Ghâtelet; 271 hab.
FONTAINE-le-Puits (La). Com. du dép. de la Savoie,
arr. et cant. de Moutiers; 482 hab.
FONTAINE-les-Bassets. Com. du dép. de l'Orne, arr.
d'Argentan, cant. de Trun; 203 hab.
FÔNTAINE-les-Boulans. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. de Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. de Heuchin;
199 hab.
FONTAINE-lès-Cappy. Com. du dép. de la Somme,
arr. de Péronne, cant. de Chaulnes; 103 hab.
FONTAINE-les-Clercs. Com. du dép.. de l'Aisne, arr.
de Saint-Quentin, cant. de Saint-Simon ; 349 hab.
FONTAINE-les-Cornus (par corruption les Corps-
nuds). Com. du dép. de l'Oise, arr. de Senlis, cant. de
Nanteuil, sur la Nonette ; 355 hab. La seigneurie apparte-
nait au moyen âge à une très ancienne et très noble famille
Cornu, de laquelle le village a pris son surnom. Elle rele-
vait de l'abbaye de Saint-Denis. Au xvme siècle, elle appar-
tint à la maison Davêne, puis elle passa au duc de Valmy
et enfin au comte Bordesoulle, pair de France. L'église, du
xie siècle, a été remplacée par une autre construite au com-
mencement de ce siècle parle duc de Valmy. — Four cher et
(Fulcheretus) est une vieille ferme aux champs, où l'on
remarque encore beaucoup de restes gothiques. L'abbaye
de Châlis (Chaalis, Chaslis, Calisium, Karolilocus) était
située sur le territoire actuel de Fontaine. Elle fut fondée
le 9janv. 1136 par Louis le Gros, en mémoire de son frère
Charles, à la place d'un ancien prieuré de Saint-Benoist,
qui existait au lieu dit aujourd'hui La Chapelle. Louis VII
le Jeune lui donna une charte en 1138. Ces deux rois
firent de grandes libéralités aux moines de Cîteaux qui
vinrent s'y établir. En 1258, saint Louis confirma la fon-
dation de Châlis et Philippe de Valois agit de même en 1348.
Ce monastère devint un des plus considérables du royaume.
Il tomba en commende en 1541 et malgré ses grandes
richesses, les quatre moines qui restaient à Châlis en 1789,
au moment de sa suppression, laissèrent 600,000 livres
de dettes. Plusieurs abbés de Châlis jouèrent un rôle im-
portant. L'église, fondée en 1202, fut dédiée le 20 oct. 1219
parGuérin, évêquede Senlis, assisté des évêques de Chartres
et de Toulouse. Cet édifice, richement décoré à l'intérieur,
était orné de tableaux précieux, de statues, de bas-reliefs
et de nombreuses sépultures, parmi lesquelles les tombes
de beaucoup d'évêques de Senlis et de grands personnages
du pays. Il a été détruit pendant la Révolution. Les restes
qui sont encore debout sont néanmoins très intéressants
et maintenant à l'abri, grâce aux soins de la famille Hain-
guerlot, propriétaire du monastère reconstruit au xvnr3 siècle
et transformé aujourd'hui en une magnifique habitation.
Cette église appartenait au style gothique ; le chœur repo-
sait sur de grosses colonnes avec chapiteaux ornés. Près
de la grande église se trouve une petite chapelle du
xme siècle, parfaitement conservée sous le titre de Notre-
Dame. — Montlignon (Mont-Laignon, Muleinum), an-
cienne commune, est depuis 1825 un simple hameau de
Fontaine-les-Cornus. Le portail de l'église est du commen-
cement du xie siècle. Il y avait en ce lieu un pèlerinage
fréquenté. C. St-A. '
FONTAINE-lès-Croisilles. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. d'Arras, cant. de Croisilles ; 481 hab.
FONTAINE-lès-Dijon. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. et cant. (N.) de Dijon; 488 hab.
FONTAINE-le-Sec. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. d'Oisemont; 327 hab.
FONTAINE-les-Grés. Com. du dép. de l'Aube, arr.
de Nogent-sur-Seine, cant. de Romilly ; 451 hab.
FONTAINE-les-Hermans. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. de Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. de Heuchin;
124 hab.
FONT MNE-lès-L\jxe\jil (Fontana). Com. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Saint-Loup-sur-
Semouse ; 1,560 hab. Stat. de la ligne d'Aillevillers à
Lure. Tourbières. Carrières de grès bigarré. Moulins, pape-
terie, tissage, poteries, briqueteries, fours à chaux. Traces
de voies antiques. Prieuré de bénédictins, supprimé à la
Révolution et dont les bâtiments subsistent en partie.
FONTAINE-les-Ribouts. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Dreux , cant. de Châteauneuf-en-Thymerais ;
215 hab.
FONTAINE-les-Sèches. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Châtillon-sur-Seine, cant. de Laignes ; 125 hab.
FONTAINE-lès-Vervins. Com.du dép. de l'Aisne, arr.
et cant. de Vervins ;• 925 hab.
FONTAINE-l'Etalon. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. d'Auxy-le-Château ;
207 hah.
FONTAINE-l'Evêque. Ville de Belgique, prov. de Hai-
naut, arr. de Charleroi ; 5,700 hab. Stat. du chem. de fer
de Mons à Charleroi ; coutelleries, ferronneries, clouteries,
exploitation de carrières. — Fontaine-l'Evêque fut donné
à l'abbaye de Lobbes (V. ce nom) par Carloman en 743.
Cette ville fit pendant. des siècles l'objet de contestations
entre les comtes de Hainaut et les princes-évêques de Liège ;
en 1759 Marie-Thérèse la fit occuper par ses troupes.
L'église de Saint-Christophe, construite dans le style ogival
dujcv6 siècle, est remarquable. Les armoiries de Fontaine-
l'Evêque sont : d'or, a V aigle de sable, lampassée et
onglée de gueules, à une cotice de gueules brochant
sur le tout.
FONTAINE-Luyères. Com. du dép. de l'Aube, arr.
et cant. d'Arcis-sur-Aube; 81 hab.
FONTAINE-Milon. Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Baugé, cant. de Seiches; 476 hab.
FON TAlNE-NoTRE-DAME.Com. du dép. de F Aisne, arr.
et cant. de Saint-Quentin ; 650 hab.
FONTAINE-Notre-Dame. Com. du dép. du Nord, arr.
et cant. (0.) de Cambrai; 2,106 hab.
FONTAINE-Raoul. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr.
de Vendôme, cant. de Droué; 678 hab.
FONTAINE-Saint-Georges (V. Fontaine-les-Grès) .
FON TAINE-Saint- Lucien. Com. du dép. de l'Oise,
arr. de Beauvais, cant. de Nivillers ; 163 hab.
FONTAINE-Saint-Martin. Com. du dép. de la Sarthe,
arr. de La Flèche, cant. de Pontvallain, à la source de la
Vezanneet à la lisière de la forêt de Courcelle; 721 hab.
Belle fontaine décorée d'un portique avec une colonnade de
marbre.
FONTAINE-Simon-la-Ferrière. Com. du dép. d'Eure-
et-Loir, arr. de Nogent-le-Rotrou, cant. de La Loupe ;
639 hab.
FONTAINE-sous-Jouy. Com. du dép. deFEure, arr. et
cant. (S.) d'Evreux ; 424 hab.
FONTAINE-sous-Montaiguillon. Com. du dép. de Seine-
et-Marne, arr. de Provins, cant. de Villiers-Saint-Georges ;
189 hab.
FONTAINE-sous-Montdidier. Com. du dép. de la
Somme, arr. et cant. de Montdidier ; 219 hab.
FONTAINE-sous-Préaux. Com. du dép. delà Seine-
Inférieure, arr. de Rouen, cant. de Darnetal ; 173 hab.
FONTAINE-sur-Coole. Com. du dép. delà Marne, arr.
de Chalons, cant. d'Ecury-sur-Coole ; 108 hab. Eglise du
xie siècle.
FONTAINE-sur-Maye. Com. du dép. delà Somme, arr.
d'Abbeville, cant. de Crécy; 285 hab.
FONTAINE-sur-Somme (Fontanœ). Com. du dép. de
la Somme, arr. d'Abbeville, cant. d'Hallencourt, sur la
Somme ; 821 hab. Jadis chef-lieu d'une seigneurie qui,
après avoir appartenu à la famille de ce nom, passa suc-
cessivement à celles d'Ailly, d'Auxy, de Mailly, de Mon-
sures et de Boencourt. Jolie église du xvie siècle en style
FONTAINE
— 736 —
gothique flamboyant, avec voûtes en pierre fort riches, avec
liernes, tiercerons et clefs pendantes ; élégant portail laté-
ral, haute flèche en pierre, fragments de vitraux de la
même époque, cuve baptismale en pierre de la Renaissance,
avec curieux couvercle en bois. G. Durand.
Bibl. : Prarond, Histoire de cinq villes et de trois
cents villages ; Paris et Abbeville, 1861, in-12, l™ partie,
pp. 308 à 332. — A. Le Sueur, Fontaine-sur-Somme (Notice
historique), dans les Mémoires de la Société des anti-
quaires de Picardie, 1891, in-8, t. I, 4e série (XXXI delà
collection), pp. 189 à 292, av. pi.
FONTAINE-Uterte. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de
Saint-Quentin, cant. de Bohain ; 247 hab.
FONTAINE (Charles), poète français, né à Paris le
43 juil. 1513, mort après 1588. Ami de Clément Marot,
de Ronsard et des poètes de la pléiade, il a laissé lui-même
quelques livres de vers qui ne manquent pas d'agrément.
Citons : la Contf Amye de Court (1541, in-8); Es-
treines à certains seigneurs et dames de Lyon (Lyon,
1546) ; le Quintil Horatian (i 551 , in-12); les Ruisseaux
de Fontaine (1555, pet. in-8); une traduction des
Epîtres d'Ovide (4 556, 2 vol. in-16); les Dicts des Sept
Sages (1557, in-8); Odes, énigmes et épigrammes
(1557, in-8). Tous ces volumes sont rares.
FONTAINE (Nicolas), théologien janséniste, né à Paris
en 1625, mort en 1709. A l'âge de vingt ans, il entra à
Port-Royal, où il fut d'abord employé à réveiller les soli-
taires et à leur apporter de la lumière ; il leur servit en-
suite de secrétaire et finalement fut attaché à Lemaistre de
Sacy. En 1666, il fut arrêté avec lui et conduit à la Bas-
tille ; il y fut détenu pendant deux ans. Après la mort de
son maître, il se retira à Saint-Mandé, à Viris près de Cor-
beil, puis à Melun. — OEuvres principales : Abrégé de
saint Jean Chrysostome sur le Nouveau Testament
(Paris, 1670, in-8) ; Abrégé de saint Jean Chrysostome
sur V Ancien Testament (Paris, 1688, in-8) ; Histoire
de V Ancien et du Nouveau Testament, avec des expli-
cations édifiantes, tirées des SS. Pères, par le sieur
de Royaumont, prieur de Sombreval (Paris, 1674,
in-4 ; nombreuses réimpressions ; cet ouvrage , connu
aussi sous les noms de Figures de la Bible et de Bible
de Royaumont, a été longtemps attribuée à Lemaistre de
Sacy) ; Explication du Nouveau Testament, tirée de
saint Augustin et des autres Pères latins (Paris, 1675,
4 vol. in-8 ; 1685, 2 vol. in-4) ; la Vie des saints pour
tous les jours de Vannée (Paris, 1679, 4 vol. in-8 et
in-fol. ; édit. très augmentée, Paris, 1714, 4 vol. in-fol.) ;
Vies des prophètes* avec des réflexions tirées des
saints Pères (Paris, 1693, in-8) ; Mémoires pour servir
à Vhistoire de Port-Royal (Utrecht, 1736, 2 vol. in-12).
Nombreuses traductions, parmi lesquelles celle des Homé-
lies de saint Jean Chrysostome sur les épîtres de saint
Paul, accusée de tendance nestorienne par des jésuites et
condamnée par M. de Harlay, archevêque de Paris.
E.-H. V.
FONTAINE (Jacques), dit de la Roche, appelé aussi
par les contemporains La Roche-Fontaine, gazetier jan-
séniste, né en 1688 à Fontenay-le-Comte, mort en 1761.
En 1729, il se chargea de la direction et de l'impression
des Nouvelles ecclésiastiques. La publication de ces Nou-
velles avait commencé vers 1727, à l'époque de la crise la
plus aiguë du jansénisme ; elle avait consisté d'abord en
feuilles manuscrites, contenant la relation des faits les plus
intéressants pour le parti, accompagnée de commentaires
attaquant à outrance les acceptants, et défendant de la
même manière la cause, les actes et les hommes de l'oppo-
sition à la bulle Unigenitus. Il se débitait régulièrement
une de ces feuilles chaque semaine. On se les arrachait,
le mystère en augmentant la valeur. La Roche-Fontaine,
se soumettant à la plus stricte retraite, avait établi ses
presses dans un bateau sur la Seine. Le 9 févr. 1731, le
Parlement condamna les cinq premières feuilles de cette
année à être lacérées et brûlées par le bourreau. A Rome,
plusieurs feuilles furent brûlées de la même manière. Les
évêques de Laon, de Marseille, de Chartres censurèrent
les Nouvelles ecclésiastiques. En 4732, M. de Vintimille,
archevêque de Paris, fit contre elles un mandement ; mais
vingt-deux curés de Paris refusèrent de le publier, et, dans
les paroisses où il fut lu, les partisans de la gazette s'en-
fuirent pour ne point participer à cette condamnation.
L'archevêque fit signifier de nouveau son mandement aux
curés, leur enjoignant de le publier. Ils persistèrent dans
leur refus, à l'exception d'un seul, et se pourvurent au
Parlement. Le Parlement reçut et approuva leur appel,
malgré un arrêt du conseil et malgré l'exil infligé à plu-
sieurs de ses membres. Plus de cent cinquante conseillers
avaient donné leur démission pour les soutenir. — La
publication de cette gazette fut continuée jusqu'en 1803,
par Guénin, dit Vabbé de Saint-Marc, et par Mouton.
E.-H. Vollet.
FONTAINE (Pierre-François-Léonard), architecte fran-
çais, né àPontoise le 20 sept. 1762, mort à Paris le 10 oct.
1853. Fils d'un entrepreneur de construction et élève
d'André de Peyre le jeune et de Heurtier, Fontaine obtint
le second grand prix d'architecture, en 1785, sur un projet
de chapelle sépulcrale, et une pension d'élève de l'Académie
à Rome où, dès 1786, il se lia intimement avec Percier
(V. ce nom), son camarade de l'atelier Peyre. Les deux
artistes furent dès lors associés dans de nombreux travaux
jusqu'en 1814, époque où Percier cessa d'exercer active-
ment la profession d'architecte. C'est ainsi que, à son retour
de Rome en 1792, Fontaine étant allé à Londres où il fit
des dessins industriels, Percier, qui venait de succédera
Paris comme directeur des décorations de l'Opéra, le rap-
pela pour se l'adjoindre dans l'exécution de nombreux
décors, puis dans la restauration de l'hôtel Chauvelin, où
ils firent la connaissance du peintre David qui les présenta
au général Bonaparte. Percier et Fontaine restaurèrent
ensemble les châteaux de la Malmaison, de Saint-Cloud,
de Compiègne et les résidences impériales de Belgique,
d'Allemagne et d'Italie. Ils firent élever, au palais du
Louvre, un bel escalier qui fut démoli lors de la jonction
du Louvre aux Tuileries sous le second Empire, puis l'arc
de triomphe du Carrousel, une partie de la galerie près du
pavillon de Marsan sur la rue de Rivoli, et le monument
de Desaix, place Dauphine. On leur doit aussi des projets
de résidences impériales à Lyon, dans le quartier Perrache,
et à Paris, sur les hauteurs du Trocadéro. Resté seul en
activité, Fontaine, conservé dans ses fonctions d'architecte
par les souverains qui se succédèrent, fit élever la Cha-
pelle expiatoire, rue d'Anjou-Saint-Honoré, la galerie
d'Orléans, au Palais-Royal, dirigea les aménagements in-
térieurs du palais du Louvre et des Tuileries, du château
de Versailles et fit construire l'hôtel-Dieu de Pontoise. Il
avait exposé à de nombreux Salons, de 1791 à 1810 et fut
nommé membre de l'Institut en 1811. Fontaine a publié,
en collaboration avec Percier, les ouvrages suivants : Pa-
lais, maisons et autres édifices de Rome moderne
(Paris, 1802, in-fol., pi.); Choix des plus célèbres mai-
sons de plaisance de Rome et des environs (Paris,
1809-1813, in-fol., pi.); Descriptions de cérémonies et
de fêtes, etc. (Paris, 1807 et 1810, 2 vol. in-fol., pi.) ;
Résidences des souverains, Parallèle, etc. (Paris, 1833,
texte in-4, atlas, in-fol.). Fontaine a publié seul Y Histoire
du Palais-Royal (Paris, in-4, pi.). Charles Lucas.
FONTAINE (Emile), littérateur français, né près de
Bergerac en 1814. Après avoir collaboré à plusieurs jour-
naux politiques parmi lesquels nous citerons le Globe, la
France, la Gazette de France, l'Union, il se consacra
plus particulièrement au théâtre et écrivit des drames et
des vaudevilles qui ont obtenu du succès. Mentionnons :
Un Neveu du Faubourg (1840, in-8) ; Louisette ou la
Chanteuse des rues (1840, in-8); Rifolard (1840, in-8);
Qui se ressemble se gêne (1842, in-8); le Nourrisson
(1842, in-8); la Chasse du roi (1843, in-8); l'Epicier de
Chantilly (1844, in-8), la plupart en collaboration avec
Marc Michel ; Sarah la Juive (1838), en collaboration
737 —
FONTAINE — FONTAINEBLEAU
avec Deschamps ; une comédie en cinq actes, les Spécu-
lateurs, représentée à la Comédie-Française. Il a collaboré
à d'autres pièces avec Dumersan et Siraudin (V. ces
noms).
FONTAINE de Resbecq (Adolphe-Charles-Théodore),
littérateur français, né à Fives (Nord) le 3 avr. 1813,
mort à Paris en janv. 1865. Chef de bureau au ministère de
l'instruction publique, il a écrit, outre une série de volumes
édifiants, des manuels utiles comme : Notice sur le doc-
torat en droit (Paris, 1857, gr. in-8) ; Notice sur V en-
seignement et les études dans les neuf facultés de droit
de V Empire (1858, in-8); Guide administratif et sco-
laire dans les facultés de médecine (1860, in-18). Mais
l'ouvrage qui a le plus contribué à lui acquérir quelque
notoriété est une intéressante bibliographie écrite sous
forme de lettres à un bibliophile de province et intitulée
Voyages littéraires sur les quais de Paris (Paris,
1857, in-18; 2e éd., 1-864, in-12).
FONTAINE de Resbecq (Eugène-Hippolyte-Marie-Théo-
dore de), littérateur français, né à Paris en 1837. Fils du
précédent, il fut comme lui employé dans les bureaux du
ministère de l'instruction publique. Parmi ses écrits, nous
citerons : l'Abbaye royale de Faremoutiers (Paris,
1863, in-12); la Grande Chartreuse (Lille, 1859, in-12);
la Famille de Marignan (Limoges, 1865, in-12); Voyage
a Botany Bay (1865, in-12); les Héros de Mentana
(Lille, 1868, in-12); les Zouaves pontificaux (1874,
in-12); Histoire de V enseignement primaire avant
i789 (1878, in-8); les Projets de loi sur renseigne-
ment primaire (1881, in-18), etc. Il a signé plusieurs
de ses ouvrages du pseudonyme d'E. de Walincourt. —
Son frère Louis est l'auteur de De la Transmission entre
vifs de la propriété foncière (Paris, 1864, in-8).
FONTAINE des Bertins (Alexis), géomètre français,
né à Bourg- Argental (Loire), et non à Claveyson (Drôme),
vers 1705, mort à Cuiseaux (Saône-et-Loire) le 21 août
1771. Destiné par sa famille au barreau, il s'appliqua
aux mathématiques, qu'il vint étudier à Paris, se lia avec
Clairaut, attira bientôt sur lui l'attention par quelques
solutions de problèmes et quelques méthodes ingénieuses et
fut reçu en 1733 membre de l'Académie des sciences de
Paris. Il vécut retiré sur sa terre d'Anel, près de Com-
piègne, et, sauf les soins donnés à ce domaine, ne connut
d'autres préoccupations que ses recherches mathématiques.
En 1765, il cessa tout travail et alla finir ses jours à Cui-
seaux. « Ses solutions, dit Condorcet, sont dues à des
vues fugitives... On n'a de lui que des essais. » On lui
doit cependant une méthode de résolution des problèmes de
maxima, une étude remarquable du fameux problème des
tautochrones (V. ce mot), étude qui, sans épuiser la ques-
tion, lui fit faire un grand pas, une méthode d'approxima-
tion pour les équations déterminées, la découverte des
conditions d'intégralité d'une fonction différentielle du pre-
mier ordre à plus de deux variables. Il a également cherché
une méthode générale d'intégration des équations différen-
tielles ; naturellement, il n'a pas trouvé, mais plusieurs
théorèmes qu'il a posés au cours de ses tentatives ont exercé
une heureuse influence sur l'avenir du calcul intégral. Il
est enfin l'auteur de la notation qui porte son nom et qui
est usitée pour la représentation des dérivées partielles
d'une fonction de plusieurs variables. — Il a publié dans
le recueil de l'Académie des sciences de Paris une douzaine
de mémoires, qui se trouvent presque tous réunis en un
volume (Paris, 1764, in-4). Léon Sàgnet.
Bibl. : Condorcet, Eloge de M. Fontaine, dans Hisl.
de l'Acad. des sciences de Paris, année 1771, in-4, p. 105.
— A. Rochas, Biographie du Dauphiné; Paris, 1856-60,
in-8, t. I.
FONTAINE-Malherbe (Jean), écrivain français, né près
de Coutances vers 1740, mort en 1780. Il collabora aux
principaux recueils littéraires du temps, entre autres à
VAlmanach des Muses, et fut pendant plusieurs années
inspecteur de la librairie et censeur royal. Comme poète, il
écrivit des héroïdes, des discours en vers, des épîtres, des
grande encyclopédie. — XVII.
fables, etc. Son poème sur la Rapidité de la vie (Paris,
1766, in-8) et son Epître aux pauvres (Paris, 1768,
in-8) furent couronnés par l'Académie française. Il donna
aussi dansl'« éloge », genre fort à la mode dans la seconde
moitié du xvme siècle, et publia pour sa part V Eloge de
Charles Vanloo et l'Eloge de M. Deshayes. On lui doit
enfin un certain nombre de pièces dramatiques sans valeur
appréciable : Argillan ou le Fanatisme des croisades,
tragédie en cinq actes et en vers (Paris, 1769, in-8) ; les
Noces d'un fils de roi ou le Gouverneur, drame en trois
actes (Amsterdam [Paris], 1770, in 8) ; le Cadet de fa-
mille ou V Heureux Retour, V Ecole des Pères, les Ma-
riages assortis, etc. Il collabora en outre à la traduction
des œuvres de Shakespeare, de Letourneur. Ch. Le G.
FO NTAI N EA (Fontainea Ileck.) (Bot.). Genre d'Euphor-
biacées, du groupe des Jatrophées, dont l'unique espèce (F.
Pancheri Heck.) est un arbre de moyenne taille, à feuilles
alternes, à fleurs dioïques, blanches, très odorantes, for-
mées d'un calice gamopétale à quatre ou cinq dents et
d'une corolle à trois ou six pétales charnus. Dans les fleurs
mâles, les étamines sont centrales et en nombre indéfini ;
dans les fleurs femelles, l'ovaire devient, à la maturité,
une drupe oliviforme, dont la graine non arillée est pour-
vue d'un albumen abondant et oléagineux. Le F. Pancheri
croît à la Nouvelle-Calédonie dans les terrains calcaires,
principalement à l'île Nou et dans les environs de Nouméa.
Le tronc laisse découler, par incisions, un suc laiteux
jaune orangé, chargé de résine, qui devient rouge pourpre
par la dessiccation. On extrait des graines une huile douée
de propriétés drastiques extrêmement énergiques.
FONTAINEBLEAU. Ch.-l. d'arr. du dép. de Seine-
et-Marne, entouré d'une forêt, à 3 kil. de la Seine
(pont de Valvins), sur la voie ferrée de Paris à Lyon;
• 14,222 hab. (non compris la population militaire qui est
de 3,300 individus). Ce fut d'abord un rendez-vous de
chasse que les rois de France possédaient au milieu de la
giboyeuse forêt de Bierre. Son nom, qu'on a voulu attri-
buer à une fontaine «belle eau » ou à l'épisode d'un chien
nommé Blaud, lui vient plus probablement d'un nom d'homme
dont l'origine et l'histoire sont inconnus. Ce fut Louis VII
qui le premier donna plus d'importance à Fontainebleau,
en y tenant sa cour et en y édifiant une chapelle dédiée à
saint Saturnin, que consacra Thomas Becket, archevêque
de Canterbury, alors réfugié en France. Cette localité dé-
pendait du Gâtinais français, réuni au domaine royal par
Philippe Ier, de la paroisse d'Avon et de l'archevêché de
Sens. Le château primitif, construction fort peu impor-
tante, paraît avoir occupé une partie des édifices qui en-
tourent la cour Ovale actuelle, et l'entrée devait être à
l'endroit où se trouve aujourd'hui la porte Dorée; des
fossés tout à l'entour en défendaient l'accès. Les rois qui
préférèrent le séjour de Fontainebleau furent Philippe-
Auguste, Louis IX, qui donna la chapelle à l'ordre des reli-
gieux mathurins ; Philippe IV, qui y naquit et y mourut ;
Charles V, qui y fonda une bibliothèque, et François Ier qui
fit agrandir, embellir et orner le château par des maîtres
chargés de le transformer.
François Ier avait le goût du beau et savait dépenser sans
compter. Il s'adressa aux grands artistes de l'Italie ; mais
Michel-Ange resta sourd à ses propositions ; Léonard de
Vinci ne vint guère en France que pour y mourir, André
del Sarto, entraîné par une fatale passion pour une femme
infidèle, abusa de la confiance du roi qui l'avait chargé
d'acheter en Italie des objets d'art pour une somme consi-
dérable, et n'osa plus reparaître à la cour. En 1527,
on se décida à raser à peu près complètement le manoir
féodal, et l'année suivante fut dressé le devis général des
nouvelles constructions à élever. On utilisa cependant quel-
ques vieilles tours d'enceinte. Les religieux mathurins
restituèrent, pour une somme d'argent assez ronde, les
terrains voisins qui leur avaient été jadis concédés, et l'hon-
neurde l'entreprise revint en grande partie à un architecte
parisien, Gilles Le Breton. D'après les plus récents travaux,
47
FONTAINEBLEAU
— 738 -
cet architecte serait l'auteur, en dehors du plan général,
d'une partie de la façade sur la cour du Cheval-Blanc, de
la galerie de François Ier, de la galerie de Henri II, de la
nouvelle chapelle Saint-Saturnin, du péristyle de la cour
Ovale. Deux contemporains, Pierre Chambiges et Pierre
Girard (dit Castoret) se seraient partagé l'honneur de bâtir
le reste du palais, le premier ayant élevé les bâtiments de
pierre et de brique qui garnissaient la cour du Cheval-Blanc
et dont un seul côté subsiste aujourd'hui ; le second ayant
construit le corps de bâtiment fermant la cour de la Fon-
taine et l'ancien théâtre. Les travaux durèrent pendant tout
le règne et furent continués, sous le suivant, par Philibert
Delorme. Mais, à côté de ces architectes français, il y eut
toute une pléiade d'artistes italiens qui prirent une part
active et considérable à la construction et surtout à la dé-
coration du nouveau palais. LePrimatice, le Rosso, Nicolo'
dell' Abbate et Sébastien Serlio formèrent une école qui a
conservé le nom à' école de Fontainebleau. Pour son sé-
jour préféré, le roi avait rêvé un luxe inusité et permanent:
fresques, marbres, stucs, boiseries l'ornèrent à l'envi. On
fit de magnifiques préparatifs pour la réception de Charles-
Quint à Fontainebleau, en 1540 ; on fit des fêtes somp-
tueuses à l'occasion du baptême du futur roi François II,
et deux ans après, en 1545, pour le mariage d'Elisabeth,
fille de Henri II, avec Philippe II d'Espagne. Le Primatice,
qui fut nommé surintendant des bâtiments de Fontaine-
bleau après la mort du Rosso, son rival, exécuta la déco-
ration de la porte Dorée et entreprit celle de la galerie
d'Ulysse, qui dura de longues années; mais aujourd'hui
on ne peut réellement le juger que d'après les peintures,
d'ailleurs plusieurs fois retouchées, de la salle de Bal ou
galerie Henri II, la merveille du château. L'art de cette
époque a multiplié à Fontainebleau l'image de Diane, la
déesse chasseresse, et de ses attributs, pour complaire à la
maîtresse du roi, Diane de Poitiers, protectrice des arts et
des lettres. Les croissants de la duchesse de Valentinois alter-
nent partout avec la salamandre, emblème de François Ier.
La bibliothèque royale de Blois fut transportée en 1544
à Fontainebleau et s'augmenta de nombreuses acquisitions
de manuscrits faites en Italie par ordre du roi, à l'insti-
gation de Janus Lascaris et de Guillaume Budé ; mais elle
ne devait pas demeurer longtemps dans ce château où elle
occupait le deuxième étage de la galerie François Ier ; elle
fut transportée à Paris. Les maître et gardes de la librairie
royale à Fontainebleau furent Guillaume Budé, Pierre
Duchcstel, Pierre de Montdoré, Mellin de Saint-Gelais,
Mathieu La Bisse et Jean Gosselin.
Le pavillon central de la cour du Cheval-Blanc date du
règne de Charles IX. De la même époque était le premier
escalier auquel succéda le célèbre escalier en fer à cheval
construit par l'architecte Lemercier sous Louis XIII ; de la
même époque aussi le cabinet de la Reine, dit aussi des
Empereurs, parce que les douze césars y étaient repré-
sentés à cheval, avant que Louis XIII ne l'eût fait entière-
ment modifier. Mais bientôt l'art fut délaissé et fit place
à la politique. La cour vint, il est vrai, au palais, mais
c'était pour y amener à sa suite les soucis et les luttes intes-
tines. C'est à Fontainebleau que se tint, le 21 août 1560,
une assemblée de notables, provoquée par la reine mère
pour calmer les haines religieuses, et où l'amiral de Coli-
gny, présent, demanda la tolérance pour les partisans de
la nouvelle religion réformée. C'est à Fontainebleau qu'eut
lieu l'entrevue de Catherine de Médicis et de Charles IX,
le 31 janv. 1564, avec les ambassadeurs du pape, de
l'empereur, du roi d'Espagne et autres princes catholiques,
chargés de demander que le gouvernement de la France
revînt sur l'édit de pacification d'Amboise ; après la récep-
tion solennelle eurent lieu de magnifiques réjouissances,
festins et tournois.
Délaissé pendant près de quarante ans, Fontainebleau
reprit une nouvelle vie sous Henri IV qui y venait fréquem-
ment, soit avec Gabrielle d'Estrées, soit plus tard avec la
reine Marie de Médicis. Henri IV fit faire de grands em-
bellissements et de nouvelles constructions; il y dépensa,
de 1593 à 1609, la somme énorme de 2,500,000 livres.
Entre autres travaux, il fit faire la grande galerie de Diane,
la cour des Offices, les bâtiments de la place d'Armes, le dôme
élevé au-dessus de la porte de la cour Ovale et appelé depuis
le Baptistère de Louis XIII, parce que ce prince y fut baptisé
solennellement le 14 sept. 1606, les bâtiments de la cour
des Princes, et le pavillon Sully, destiné spécialement à son
surintendant des finances. Il fit agrandir les jardins, creuser
le grand canal de 1,200 m. de long sur 39 de large, cons-
truire le réservoir voûté qui fournissait l'eau au château et
transformer le jardin du Roi, qui devint le jardin du Tibre,
à cause d'une grande figure placée sur un rocher et coulée
en bronze, le tout sous l'habile direction de l'ingénieur ita-
lien Francini. Henri IV fit orner la chambre où naquit le
dauphin de tableaux d'Ambroise Dubois et de paysages de
Paul Bril ; à l'endroit où se trouvait le lit de Marie de
Médicis se voit aujourd'hui la première glace apportée en
France et offerte par les Vénitiens au roi. C'est au palais
de Fontainebleau que fut arrêté et détenu le maréchal de
Biron, accusé de trahison, avant d'être emmené à la Bas-
tille où il fut exécuté. C'est là que se tint une célèbre
conférence entre le cardinal Du Perron, alors évêque
d'Evreux, et Duplessis-Mornay, au sujet d'un livre publié
par ce dernier pour soutenir les droits de la religion ré-
formée. C'est là aussi que fut reçu, en 1608, l'ambassa-
deur d'Espagne, don Pedro de Tolède.
Au début du règne de Louis XIII, une nouvelle pléiade
d'artistes fut invitée, par ordre du surintendant Sublet de
Noyers, à décorer les parties neuves ou remaniées du châ-
teau. Les peintures de la galerie des Cerfs furent confiées
au peintre Pierre Poisson ; les ouvrages de sculpture de
la grande chapelle furent faits par Barthélémy du Tremblay
et par son gendre Germain de Gissey, tandis que toute la
décoration fut l'œuvre de Martin Fréminet. En même temps,
Claude d'Hoey fut chargé des peintures et dorures de la
chapelle basse. Pendant l'été de 4625, le roi reçut à Fon-
tainebleau le cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIII,
venu pour arranger les affaires de la Valteline ; l'année
suivante s'y dénoua l'intrigue de cour qui coûta la vie au
malheureux Henri de Talleyrand, comte de Chalais. La
reine d'Angleterre, Henriette de France, y fit un court
séjour en 1644; deux ans après vint le comte de La
Gardie, ambassadeur de la reine Christine de Suède, et, en
1657, cette reine elle-même, qui jeta le trouble dans cette
paisible résidence par une tragique et funèbre histoire, le
meurtre de son secrétaire Monaldeschi, à laquelle fut invo-
lontairement mêlé le père Lebel, supérieur des mathu-
rins et desservant la chapelle du château. Un fils na-
quit à Louis XIV, dans le château de Fontainebleau, le
lei\nov.!661.
Fontainebleau reçut encore la visite de quelques ambas-
sadeurs ; des fêtes s'y donnèrent fréquemment ; mais déjà ce
n'était plus le séjour ordinaire de la cour. Louis XIV fit
transformer Saint-Germain et construire Versailles. Fon-
tainebleau demeurera seulement la maison de plaisance d'au-
tomne, où le roi et sa suite viendront surtout pour se
livrer aux plaisirs de la chasse et assister aux représen-
tations des opéras et des tragédies en vogue. A la fin du
xvne siècle, la veuve de Scarron, maîtresse du grand mo-
narque, fut la véritable reine à Fontainebleau. Louis XIV
lui fit aménager une série de pièces à son usage particulier,
entre la salle des Gardes et la galerie Henri II. Elles ont
conservé le nom d'appartements de Maintenon. A Fontai-
nebleau fut signée, le 22 oct. 1685, la révocation de l'édit
de Nantes ; à Fontainebleau moururent, à quelques mois
d'intervalle, le prince de Conti et le prince de Condé. On
y reçut solennellement, en 1695, la princesse Adélaïde de
Savoie, fiancée du jeune duc de Bourgogne; on y célébra,
avec une magnificence inouïe, en 1697, les noces d'Elisa-
beth-Charlotte d'Orléans, nièce du roi, avec le duc Léopold
de Lorraine. Les travaux faits au château à cette époque,
dont on possède la trace dans les Comptes des bâtiments,
— 739
sont importants en raison des dépenses, mais beaucoup
moins en raison des résultats ; il n'y a guère lieu de se
féliciter des modifications introduites dans l'aménagement
général du palais pendant la seconde partie du xvue siècle.
On restaura toutefois et on entretint.
En 1717, le tsar Pierre Ier alla visiter Fontainebleau
que la cour délaissait, mais qui redevint le séjour ordinaire
d'automne, pour le roi et son entourage, à partir de 1725,
année où Louis XV épousa, dans la chapelle de la Trinité,
la princesse Marie Leczinska, fille de Stanislas de Pologne.
Mais le goût était bien modifié et tout fut sacrifié au con-
fortable : c'est là un des effets du progrès. Aussi vit-on
alors détruire l'admirable galerie d'Ulysse, dont les pein-
tures nous ont été conservées par les gravures de Van
Thulden, et que remplaça la très disgracieuse aile gauche
(dite aile Louis XV) de la cour du Cheval-Blanc ; aussi vit-
on doubler sur le jardin de Diane le bâtiment où se trouve
la galerie de François Ier, autrefois éclairée par des fenêtres
sur ses deux façades, pour augmenter le nombre des appar-
tements. Il fallait satisfaire aux exigences des courtisans qui
augmentaient de jour en jour. Au mois d'oct. 1745, Mme de
Pompadour prenait possession des logements qu'avait occu-
pés, au dernier voyage, la duchesse de Châteauroux. Vers
la même époque, la salle de la Belle-Cheminée fut trans-
formée, à grands frais, en salie de spectacle. Les repré-
sentations succédaient aux représentations, les fêtes aux
fêtes. Voltaire y vint plusieurs fois surveiller l'interpréta-
tion de ses pièces. Rousseau y vint à son tour en 1752, à
l'occasion de la première audition de son opéra, le Devin
du village, qui obtint un grand succès. Le lendemain on
devait présenter l'auteur au roi ; mais Rousseau prit peur,
s'enfuit sans crier gare, et perdit ainsi la pension qui lui
était promise. En 1768, Christian VII, roi de Danemark,
qui voyageait en France, visita Fontainebleau et y vit jouer
Tancrède. En 1771 et 1773, de nouvelles et brillantes
fêtes furent données au palais à l'occasion du mariage du
comte de Provence et du comte d'Artois avec les princesses
de Savoie. La tradition des voyages annuels à Fontaine-
bleau se continua sous Louis XVI jusqu'en 1786; Marie-
Antoinette affectionnait particulièrement ce séjour; le roi
y chassait et s'y occupait de serrurerie artistique qui cons-
tituait son plaisir favori. Le 31 janv. 1784, le roi dota
la ville d'une administration, composée d'un maire, de
deux échevins, d'un procureur-syndic, d'un secrétaire-
greffier et d'un receveur. Ainsi se complétait l'organisation
de la localité, devenue paroisse seulement en 1661. Le
premier maire, entièrement dévoué aux intérêts de la ville,
fut le comte de Montmorin, massacré dans la prison de
l'Abbaye le 12 sept. 1792.
La ville s'était grandement transformée pendant le cours
du xvme siècle, depuis l'incendie du 9 juin 1702 qui fit
d'énormes dégâts et coûta 200,000 livres de réparations,
jusqu'au jour où le palais, devenu propriété nationale, se
vit dépouillé de beaucoup de ses objets d'art, aux dépens
de la capitale et du musée constitué aux Petits-Augustins.
Auprès du parc s'était élevé l'hôtel Pompadour, construit
par ordre du roi sur les dessins de l'architecte Gabriel, et
devenu de nos jours successivement la propriété de Michel
Ephrussi et du comte de Gramont ; l'hôtel de Foix était
devenu la surintendance des bâtiments ; l'hôtel du Maine
allait être converti en maison commune, qui se transforma
en 1865 pour devenir le bel hôtel de ville actuel ; l'hôtel
des Quatre-Secrétaires fut acquis en 1666 ; l'hôtel de la
Coudre fut occupé par diverses manufactures royales ;
l'hôtel de Guise fut converti en bureaux pour les contrô-
leurs des bâtiments; l'hôtel de Conti devint la petite
écurie du roi ; l'hôtel de la Vieille-Poste fut réservé aux
officiers du dauphin ; l'hôtel du Grand- Ferrare aux officiers
du duc d'Orléans ; l'hôtel d'Ecosse et l'hôtel de Villequier
aux compagnies des gardes du corps. L'hôtel de Sens
appartenait aux princes de Condé ; l'hôtel de Schomberg
aux Rohan-Soubise. Pour les agrandissements du château
et de ses dépendances, le roi avait acheté l'hôtel d'Aibret
FONTAINEBLEAU
jadis habité par le cardinal de Richelieu, l'hôtel d'Armagnac,
l'hôtel de Chevreuse, l'hôtel de Bassompierre et l'hôtel
d'Estrées dont le dernier propriétaire fut le maréchal de
Noailles. Dans les rues avoisinantes se trouvaient encore
les hôtels de Toulouse, d'Eu, de Rohan, de Béthune, de
Charost, de La Vrillière, de Biron, de Maillebois, de La
Rochefoucauld, d'Humières, etc. L'hôtel de Madame Eli-
sabeth .était devenu l'hôtel Guérin. L'ancien hôtel de Mar-
tigues avait fait place à la maison de la Mission, construite
en 1663 et donnée aux lazaristes. L'hôtel de Brionne est
devenu aujourd'hui la maison des sœurs de Saint- Vincent-
de-Paul. Un hôtel-Dieu avait été créé par Anne d'Autriche,
en 1646, pour recevoir les pauvres femmes et filles de la
ville; un autre hôpital, dit de la Sainte-Famille ou du
Mont-Pierreux, et qui existe toujours, avait été fondé par
Mme de Montespan, en 1686, pour les orphelins et les
vieillards. Signalons enfin, pour être complet, l'érection
d'une chapelle de Bon-Secours, sur la route de Paris, au
xvue siècle, en mémoire d'un miracle arrivé en ce même
lieu à Dauberon, capitaine au régiment de Conde.
La Révolution, en modifiant absolument l'état de choses
établi de tout temps à Fontainebleau, en éloigna pour tou-
jours les vieilles familles attachées à la cour, et fit dispa-
raître en partie les serviteurs dévoués à la royauté, de père
en fils, depuis deux siècles, les Dubois, les Dorehemer,
les Chabouillé, les Desboutz, les Nivelon, les Jamin :
un descendant des Jamin devint maire de Fontainebleau
en 1800. A cette époque, la ville eut à lutter contre Ne-
mours, sa voisine, qui ambitionnait de devenir sous-pré-
fecture ; Fontainebleau finit par l'emporter. Napoléon, à
peine devenu empereur, reprit cependant les traditions
de la cour. En même temps qu'il affectait l'aile neuve du
palais à l'Ecole militaire, qui ne devait pas tarder à être
transférée à Saint-Cyr, il ordonna les réparations les plus
urgentes, et remeubla avec luxe les appartements qu'il
occupait, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, avec
l'impératrice Joséphine. La première fois que le pape Pie VII
vint en France, pour le couronnement de l'empereur (nov.
1804), celui-ci alla au-devant de son hôte en forêt jusqu'à
la croix de Saint-Hérem, et les premières entrevues eurent
lieu dans l'appartement des Reines-Mères, au château. La
seconde fois (juin 1812), Pie VII revint en prisonnier ;
l'arrivée fut moins triomphale et le séjour se prolongea
dix-neuf mois.
Le 31 mars 1814, le jour même où l'empereur de Russie
et le roi de Prusse entraient à Paris, Napoléon gagnait Fon-
tainebleau ; le 5 avr. , il y signait son abdication sur un
guéridon devenu historique et religieusement conservé.
Après des adieux touchants à ses vieux soldats de la garde
douloureusement émus, dans la cour du Cheval-Blanc,
l'empereur se décida à partir et quitta le palais le 20 avr.,
à destination de l'île d'Elbe. Louis XVIII et Charles X vin-
rent peu au château ; Louis-Philippe s'y plaisait, au con-
traire, beaucoup, et fit exécuter, notamment dans la galerie
de Diane et dans la galerie des Assiettes, de nombreux
aménagements et d'importantes restaurations, pour lesquels
il a été dépensé une somme de 3 millions et demi ; en gé-
néral, les anciennes peintures retouchées ont perdu de leur
originalité, par exemple dans la galerie de Diane où le
peintre Alaux travailla de longues années, et les décora-
tions nouvelles se ressentent du funeste et déplorable goût
de cette époque, dont Abel de Pujol et Blondel ont été à
Fontainebleau les tristes interprètes. C'est au palais que fut
reçue en grande pompe la princesse Hélène de Mecklem-
bourg, fiancée du duc d'Orléans. Le 30 mai 1837, au
milieu de fêtes superbes, le mariage civil fut célébré dans
la galerie Henri II, le mariage catholique dans la chapelle
de la Trinité, et le mariage protestant dans la salle qui
s'étend sous la galerie Henri IL La cour de Napoléon III
a fréquemment visité Fontainebleau, qui disputait à Com-
piègne l'honneur d'être choisi pour la résidence d'automne.
On y donna des fêtes nombreuses et brillantes et l'on y
construisit la gracieuse salle de spectacle située à l'extré-
FONTAINEBLEAU
— 740
mité de l'aile neuve de la cour du Cheval-Blanc, et due à
l'architecte Lefuel. Les deux hôtes étrangers de marque
qui vinrent à Fontainebleau furent le grand-duc Constantin
de Russie et le roi de Bavière. L'impératrice prit un grand
intérêt à la création et à l'organisation du musée chinois,
formé par de précieux objets enlevés à Pékin par le général
Palikao et installé dans un pavillon donnant sur la cour de
la Fontaine.
Après la guerre de 1870 et la perte de la ville de Metz,
l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie fut installée
à Fontainebleau, et la cour des Princes, isolée pour ainsi
dire du reste du palais, fut affectée aux différents ser-
vices de cette école, qui tend d'ailleurs chaque jour à
s'agrandir et à empiéter sur les parties avoisinantes. L'ad-
ministration des beaux-arts n'a pas négligé, de nos jours,
les restaurations devenues nécessaires au château. La ga-
lerie des Cerfs a été rétablie dans son état primitif par
l'architecte Paccard ; les peintures du Primatice et du
Rosso ont été refaites par le peintre Brisset, et, en 4885,
enfin, a été achevée la réparation de la chapelle Saint-
Saturnin et la restitution du clocheton qui surmontait au-
trefois l'abside de cette chapelle, du côté du parc, et qui,
ayant disparu, lui enlevait son caractère. Une partie des
appartements compris dans l'aile Louis XV ont été amé-
nagés récemment pour recevoir l'été au palais M. Carnot,
président de la République, sa famille et sa maison mili-
taire, depuis 1888 ; le chef , de l'Etat y vit sans faste et
sans luxe, recevant simplement ceux qui lui demandent
audience ou avec qui il désire s'entretenir. Le roi de Grèce
et quelques autres princes étrangers y sont venus lui rendre
visite dans le cours de ces dernières années.
Le palais est en grande partie ouvert au public chaque
jour, et, malgré les modifications subies dans l'ameuble-
ment et dans la décoration au fur et à mesure que des
besoins impérieux l'exigent, paraît-il, il n'en demeure pas
moins un merveilleux musée d'art que l'on ne se lasse pas
d'admirer et de visiter. Des insinuations malveillantes ont
bien été lancées, il y a peu de temps, dans le public et
dans certains journaux de Paris, contre l'administration du
château ; mais on doit convenir qu'avec les frais d'entre-
àmamm
Château de Fontainebleau (d'après une photographie).
tien votés chaque année par les Chambres, — somme dé-
risoire, — pour l'entretien du plus vieux de nos palais
nationaux, le conservateur actuel, M. Carrière, ne reste
pas au-dessous de la lourde tâche qui lui incombe. Tel qu'il
nous apparaît aujourd'hui, le château de Fontainebleau est
formé de nombreux bâtiments construits à des époques bien
éloignées, imposants par leur grandeur, confus dans leur
disposition générale, disparates dans leur architecture, mais
dont la diversité même est un objet d'admiration pour nos
yeux éblouis.
Il ne nous est pas possible de donner ici une des-
cription même sommaire des diverses pièces du palais,
telles que l'étranger les visite, et à énumérer les plus
précieuses œuvres d'art qui les ornent. On y remarque,
notamment dans les appartements de Maintenon, dans l'es-
calier de stuc, et dans les appartements du Pape, de ma-
gnifiques tapisseries des Gobelins représentant entre autres
Y Histoire de Psyché, les Triomphes, d'après N. Coypel,
les Saisons, d'après Le Brun ; Y Histoire cVEsther, les
Chasses de Louis XV, les Eléments, d'après Audran. On
y remarque les curieuses toiles d'Oudry, représentant
des chasses, et une série de tableaux de toutes les écoles
et de toutes provenances, déposées par le musée du Louvre
pour former galerie. On y remarque de superbes pendules-
gaines de Boulle, de l'époque Louis XIV, et d'autres de
l'Empire ; des commodes et des bureaux de Boulle et de
Riesener ; des appliques, consoles et ciselures de Gouthière ;
de curieux cabinets et crédences de la Renaissance, en
ébène ou en noyer ; le lit de Marie-Antoinette, le trône
de Napoléon et le berceau du roi de Rome ; le char-
mant salon du Conseil peint par Boucher et Vanloo ; de
précieuses lanternes en bronze doré de l'époque Louis XV,
parmi lesquelles une de Philippe Caffieri; les plafonds peints
par Barthélémy ; le cabinet des glaces installé pour Marie-
Antoinette ; de nombreux vases de Sèvres, des marbres,
des sculptures, des curiosités de toute espèce. On peut
compter, parmi les curiosités peu artistiques, la galerie des
Assiettes, ainsi nommée parce qu'elle est ornée, depuis le
règne de Louis-Philippe, de cent dix -huit assiettes de
Sèvres, représentant des vues de châteaux nationaux, ou
reproduisant des faits historiques qui ont eu le château de
Fontainebleau pour témoin.
La cour du Cheval-Blanc ou des Adieux est ainsi nommée
à cause du cheval en plâtre moulé sur celui de la statue
741
FONTAINEBLEAU
de Marc-Aurèle à Rome, qui y avait été placé et fut détruit
en 1626. Elle mesure 152 m. de longueur sur 14 2 de lar-
geur. Quatre pavillons à toits aigus et à deux étages, reliés
entre eux par des bâtiments à un seul étage, forment la
façade principale. Ces pavillons, à partir du Jeu de paume,
qui est à gauche du spectateur, s'appellent pavillon de
l'Horloge, pavillon des Armes, pavillon des Peintures, et
pavillon des Poêles ou des Reines-Mères. Toute cette façade
était primitivement en grès ou en brique; sous Charles IX
on fit revêtir de pierre et orner de pilastres les pavillons
des Peintures et des Poêles. Au centre se développe l'escalier
du Fer à cheval, qui manque de proportions avec la petite
porte qui le surmonte et qui donne accès dans les appar-
tements du premier étage. A gauche, l'aile des Ministres,
qui date de Louis XV, présente un aspect imposant malgré
sa simplicité; à droite, l'aile neuve, qui date de Louis-
Philippe, est banale et sans caractère. — La cour de la
Fontaine est moins hétérogène ; pilastres, fenêtres, chemi-
nées, lucarnes forment un ensemble harmonieux sur lequel
se détache très heureusement la terrasse qui s'étend le
long de la galerie de François Ier. Non loin de là, la porte
Dorée, dont les voûtes ornées de caissons dorés justifient
le nom qu'elle a reçu, est malheureusement défigurée par
les lourdes restaurations du peintre Picot sous lesquelles
on a peine à reconnaître l'œuvre primitive du Primatice ou
du Rosso. — La cour Ovale, si charmante avec sa façade
de la galerie Henri II, et ses deux rangs de vastes arcades
superposées, avec le portique situé vis-à-vis et la galerie
qui règne au rez-de-chaussée, presque tout autour de cette
cour, plaît infiniment, mais exigerait une sérieuse restau-
ration qui, il faut l'espérer, ne se fera pas trop longtemps
attendre ; elle n'a point subi de transformations depuis
Baptistère de Louis XIII (d'après une photographie).
l'époque où a été construit le pavillon des Chasses, à la fin
du xvie siècle, et le lourd et bizarre Baptistère qui en ferme
l'entrée du côté méridional, au commencement du xvne.
Le jardin de Diane, situé entre les bâtiments de la cour
des Princes et les pavillons principaux, s'appelle ainsi à
cause d'une statue en bronze, fondue par les Keller, de
cette déesse chasseresse, élevée au-dessus d'une fontaine
ornée de têtes de cerf en bronze, d'où l'eau s'échappe et
tombe dans un bassin de marbre blanc. C'est sous Louis XV
qu'ont été dénaturées la plupart des constructions qui en-
tourent ce jardin ; on détruisit alors la galerie des Che-
vreuils dont la façade était parallèle à celle de la galerie
des Cerfs, et l'orangerie qui reliait ces galeries et fermait
le jardin. On apercevait encore, au milieu de ce siècle,
dans ce jardin, la trace des fossés du vieux château pri-
mitif. Au-dessus de la galerie des Cerfs s'étend et prend
jour la galerie de Diane, devenue la bibliothèque du palais
dont les principaux conservateurs ont été, dans ce siècle,
Aug. Barbier, Vatout, Champollion-Figeac, Octave Feuillet
et J.-J. Weiss, le dernier. — A droite de l'étang des carpes
s'étend le jardin anglais, tracé sous le règne de Napoléon Ier,
sur l'emplacement du jardin des Pins, et d'où l'on peut
aller visiter ce qui reste de la fameuse grotte des Pins :
quatre figures colossales de thermes, formées de blocs de
grès à peine dégrossis, encadrant au fond d'une cour de
service trois arcades maintenant bouchées. A gauche de
l'étang a été dessiné le parterre, belle esplanade plantée
d'arbres qui encadrent quatre massifs de fleurs et un bassin
carré. A l'extrémité se trouve une pièce d'eau en forme
de fer à cheval, au centre duquel existe le bassin du Tibre.
On a derrière soi le pavillon Sully, actuellement habité par
le commandant en second de l'Ecole d'application, devant
soi l'allée de Maintenon qui conduit en forêt. Versl'E., le
parterre se termine par une terrasse dominant le beau canal
de 1,200 m. de long, accompagné de chaque côté de plu-
sieurs rangées d'arbres séculaires, et s'étendant jusqu'au
village voisin d'Avon. Le parc est vaste et plein d'ombra-
geux bosquets ; on ne manque pas d'aller y admirer, le
long d'une belle muraille exposée en plein midi, la fameuse
treille du roi, importée des environs de Cahors sous le
règne de François Ier et qui produit annuellement jusqu'à
4,000 kilogr. d'excellent chasselas.
Fontainebleau est aujourd'hui une ville de villégiature et
de plaisir ; les distractions y sont nombreuses, surtout pen-
dant l'automne et pendant l'hiver où sont organisés, deux
fois par semaine au moins, des rallyes et des chasses à
courre auxquelles prennent part les membres de la colonie
étrangère, de l'aristocratie et un certain nombre d'officiers.
Les courses de chevaux, organisées par la Société de Sport
de France, n'ont plus lieu que deux fois par an; elles
étaient plus fréquentes autrefois; la première eut lieu à
Fontainebleau en 1776. L'animation est toujours grande
en ville, même aux saisons les moins agréables, par suite
de la présence des élèves et des professeurs de l'Ecole d'ap-
plication, d'un régiment de cavalerie légère, d'un régiment
de ligne, de plusieurs escadrons d'artillerie, de génie et de
remonte qui sont installés soit dans la ville elle-même, soit
aux Héronnières et dépendances, sur la lisière de la forêt,
du côté d'Avon, et des écoles à feu auxquelles se rendent
tantôt l'Ecole de Saint-Cyr, tantôt l'Ecole d'artillerie de Ver-
sailles. — La principale industrie est la céramique d'art,
qui a toujours été fort en faveur à Fontainebleau et aux
environs. Le principal commerce consiste en bois, et la fa-
brication de petits objets de luxe et de tabletterie en bois
de genévrier (provenant de la forêt) est spéciale au pays.
La ville possède une belle halle couverte, un petit théâtre,
une bibliothèque, une chapelle protestante et une synagogue.
Une association savante, la Société historique et archéo-
logique du Gâtinais, y a été fondée en 1883. On y, voit la
statue du générai Damesme, enfant du pays, et le buste
du peintre Decamps, qui y séjourna longtemps. D'autres
célébrités ou des bienfaiteurs du pays ont leurs noms
attribués à des rues : tels Dancourt, que Ton suppose
y être né, le conventionnel Geoffroy, le sculpteur Adam-
Salomon, et le maire Guérin, qui est resté plus de trente
ans pendant ce siècle à la tête de l'administration com-
munale.
Forêt de Fontainebleau. — La forêt de Bierre ou de
Fontainebleau, qui entoure la ville de tous côtés et
jouit d'une réputation européenne, a une contenance, d'a-
près la triangulation calculée en 1840, de 17,091 hect.
47 ares, dont 173 hect. 71 ares en routes et chemins. Le
pourtour est de 80 kil. Elle est traversée par la voie
ferrée au N.-E., entre Bois-le-Roi et Moret, et au N.
FONTAINEBLEAU — FONTAINES
742 —
entre Moret et Bourron ; l'aqueduc des eaux de la
Vanne, qui va des environs de Sens à Paris, la coupe en
plusieurs endroits. Quelques enclaves ont été réservées
pour les maisons forestières, au nombre de vingt-neuf,
pour le réservoir des eaux de la ville de Fontainebleau, la
pompe à feu, l'abattoir et le cimetière. En outre, diverses
concessions temporaires du sol domanial ont été faites en
forêt : un champ de manœuvres de plus de 22 hect., dans
la plaine du Mont-Morillon, pour les troupes de la garni-
son ; un polygone ou champ de tir, entre le Mont-Morillon
et le Mont-Merle, coupant la route de Nemours, pour les
exercices à feu de l'artillerie ; un champ de courses, dans
la vallée de la Solle ; un restaurant et ses annexes à Fran-
chard, dans les ruines de l'Ermitage.
Un grand maître de l'Ile-de-France ou grand forestier,
placé sous les ordres du souverain grand maître et réfor-
mateur des eaux et forêts de France, fut créé en 4534.
avec résidence à Fontainebleau, qui devint par la suite
également le siège d'une capitainerie des chasses royales.
Parmi les titulaires de l'importante fonction de maître
particulier de Fontainebleau, on peut citer MM. d'Augas,
de L' Hôpital- Vitry, de Souvray, de Monlmorin de Saint-
Hérem, qui ont tous laissé leur nom à des croix monu-
mentales élevées en différents carrefours de la forêt.
Le sol, entièrement sablonneux, est coupé par de
longues chaînes de roche, évaluées à 4,000 hect., qui s'élè-
vent jusqu'à 100 m. au-dessus du niveau de la Seine, et
marchent parallèlement avec elle, presque en ligne droite,
de l'E. à l'O.; entre elles s'allongent des gorges déchirées
et profondes, d'un aspect sauvage et tourmenté. La forma-
tion sableuse n'est complète que dans les parties où elle est
protégée par le calcaire lacustre supérieur qui la recouvre.
On remarque souvent, dans les parties supérieures, des
bancs d'un grès généralement dur, présentant une surface
ondulée, de nombreuses fissures, et recouverts d'un peu de
terre végétale aride et improductive; le grès n'est autre
que du sable solidifié par un ciment siliceux. L'attention
des promeneurs est plus spécialement attirée par des cris-
taux de grès ayant les formes polyédriques du carbonate
de chaux et produits par la présence de cet élément dans
le ciment qui a agglutiné les sables quartzeux. Le commerce
et l'exploitation du grès, pour le pavage, et du sable blanc,
pour les verreries et manufactures de glace, occupent un
grand nombre d'ouvriers. Les plantations de la forêt se
composent surtout de hêtres, de chênes, de charmes, de
bouleaux, de pins, de genévriers. Le chêne surtout y atteint
une hauteur et une largeur considérables ; quelques-uns de
ces vieux chênes ont acquis une véritable célébrité et ont
reçu les noms de Charlemagne, Clovis, François Ier, Henri IV,
Sully. Les plus belles futaies sont, dans le voisinage de la
route de Paris, le Bas-Bréau, du côté de Barbison, le Gros-
Fouteau, la Tillaie. Les points dé vue du camp de Chailly,
de la vallée de la Solle, du Long-Rocher, du rocher Saint-
Germain, de la Tour-Denecourt sont, dans la belle saison,
visités par un nombre considérable de touristes ; mais les
endroits les plus fréquentés sont toujours Franchard, jadis
prieuré dépendant de Saint-Euverte d'Orléans et dont il
reste des ruines, au milieu de gorges et de plâtrières dont
le site est magnifiquement pittoresque et d'un effet saisis-
sant ; les gorges d'Apremont, solitudes désolées où l'œil
n'aperçoit de toutes parts que blocs de grès accumulés,
abrupts et arides, dont la teinte grisâtre, à peine tamisée
par le rideau des pins environnants, prend des formes tour-
mentées et fantastiques; la gorge aux Loups, au S., aux
chemins encaissés et aux zigzags capricieux, avec une
grande variété de sites agréables qui contrastent avec les
autres parties sauvages de la forêt. Le système des routes
qui la traversent date du règne de Louis XIV; des amélio-
rations successives ont été opérées depuis et l'entretien en
est excellent. Une mention spéciale est due à la route ronde
qui va de Thomery à La Rochette (Table du roi) et réunit
entre eux tous les carrefours importants. Quant aux sen-
tiers qui sillonnent en tous sens, et permettent au touriste
de parcourir à pied, sans danger et sans perte de temps,
les coins les plus abrupts et les moins abordables, ils sont
en grande partie l'œuvre de Denecourt, surnommé le Syl-
vain de Fontainebleau, qui a consacré sa vie et sa fortune
à étudier la forêt dans toutes ses parties, de 4844 à 1877,
à en signaler les innombrables curiosités, à en faciliter
l'accès et à tracer des signes indicateurs qui empêchent
de s'égarer. C'est à lui que l'on doit la véritable révélation
de la forêt ; son œuvre est aujourd'hui continuée par son
successeur, M. Colinet, dont le zèle est soutenu par les
subventions administratives et les généreuses offrandes des
particuliers. On reproche à la forêt de Fontainebleau de
manquer d'eau et d'oiseaux ; les oiseaux, en effet, y sont
peu nombreux, et les quelques mares, plus pittoresques
qu'agréables, qu'on y voit, ne sont guère faites pour les attirer.
Par contre, l'orvet, la couleuvre et même la dangereuse
vipère n'y sont pas rares ; la chasse à la vipère constitue une
petite industrie qui consiste à vendre ces animaux vivants aux
curieux, morts aux pharmaciens. Le plus grand fléau de la
forêt, après les hivers rigoureux qui, comme celui de 1879-
1880, ont causé des ravages considérables dans les plus
belles futaies, est l'incendie toujours redoutable sur un
sol sec et recouvert de bruyères. Sous l'ancien régime,
de nombreuses ordonnances furent rendues pour éviter
d'y allumer du feu et punir les incendiaires ; les sinistres
s'y succédèrent néanmoins avec rapidité ; l'on cite parmi
les plus graves ceux de 4726, 4858, 4870 et 4890. Les
derniers, dus en partie à la malveillance, ont fait des
dégâts très importants au rocher d'Avon et au rocher Saint-
Germain. C'est à Fontainebleau qu'a été entièrement cons-
truit le très remarquable pavillon de l'administration des
forêts à l'Exposition universelle de 4889. H. Stein.
Ecole d'application de Fontainebleau (V. Ecole, t. XV,
p. 443).
Bibl. : Le Père Dan, le Trésor des merveilles de la mai-
son royale de Fontainebleau, contenant la description de
son antiquité; Paris, 1642, in-fol. — L'abbé Guilbert, Des-
cription historique du château, bourg et forêt de Fontai-
nebleau; Paris, 1731, in-12.— A.-L. Castellan, Fontaine-
bleau, études pittoresques et historiques ; Paris, 1840, in-8.
— J.Vatout, Souvenirs historiques des résidences royales
de France (palais de Fontainebleau); Paris, s. d., t. IV,
in-8. — Jamin, Fontainebleau, précis historique; Fontai-
nebleau, 1854, in-8. — J.-J. Champollion-Figeac, le Palais
de Fontainebleau, ses origines, son histoire ; Paris, 1866,
in-fol. et pi. — R. Pfnor, Monographie du palais de Fon-
tainebleau; Paris, 1873, 2 vol. in-fol. — Du même, Guide
artistique et historique au palais de Fontainebleau; Paris,
1889, in-8 et pi. — H. Valentino, le Palais de Fontaine-
bleau, histoire et description ; Fontainebleau, 1889, in-12.
— C. Colinet, Indicateur de Fontainebleau, palais, forêt,
environs (Guide-Denecourt) ; Fontainebleau, 1888, in-32,
17e éd., — J. Androuet du Cerceau, les Plus Excellents
Bastiments de France, nouv. éd. par H. Destailleur ; Paris,
lo65, 2 vol. in-fol. — L. Palustre, la Renaissance en
France; Paris, 1884, t. I, in-fol. — P. Perret et Eug.
Sadoux, les Châteaux historiques de la France ; Paris,
1890, 2« série, t. I, in-fol. — Baltard, Galerie de la Reine,
dite de Diane, peinte par A. Dubois en 1600, sous le règne
de Henri IV; Paris, 1858, in-fol.— Th. Van Thulden, la
Galerie du château représentant les travaux d'Ulysse;
Paris, 1633, in-fol. — E. Williamson, les Trésors d'art du
garde-meuble national; Paris, 1882, 2 vol. in-fol. — Revue
française [Nouvelle], t. V, VI etX (art. de A. Poirson).—
Gazette archéologique, 1889 (art. deEm.MoLiNiER etL. Pa-
lustre). — Eug. Mûntz et Em. Molinier, (e Château de
Fontainebleau au xvir3 siècle, d'après des documents iné-
dits, dans les Mémoires de la Soc. de l'histoire de Paris et
de V Ile-de-France, 1885, XII, pp. 255-358. — H. Omont, Ca-
talogue des monuments grecs de Fontainebleau sous Fran-
çois Ier et Henri II; Paris, 1889, in-fol. — E. Quantin-
Bauchart, la Bibliothèque de Fontainebleau et les livres
des derniers Valois a la Bibliothèque nationale ; Paris,
1891, in-8.— E. Bourges, Quelques Notes sur le théâtre de
la cour à Fontainebleau (lldl-1181); Paris, 1892, in-16. —
P. Domet, Journal de Fontainebleau {1189-1199) ; Fontai-
nebleau, s. d., 2 broch. in-8. — Du même, Histoire de la fo-
rêt de Fontainebleau ; Paris, 1873, in-12. — Annales de la
Société historique et archéologique du Gâtinais, années
1883 et suiv. — U Abeille de Fontainebleau (57e année), 1892.
FONTAINES. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Wassy, cant. de Chevillon ; 352 hab.
FONTAINES. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Mont-
médy, cant. de Dun-sur-Meuse ; 237 hab.
743 —
FONTAINES - FONTAN
FONTAINES {Fontanœ). Corn, du dép. de Saône-et-
Loire, arr. de Chalon-sur-Saône, cant. de Chagny, sur la
Thalie et près le canal du Centre; 1,541 hab. Stat. de la
ligne du chemin de fer de Paris à Lyon. Carrières de
pierres. Fours à plâtre et à chaux. Tuilerie. Moulins. Hui-
lerie. La seigneurie a été le berceau de la maison de Fon-
taines, importante au moyen âge. A la mort de Guillaume,
en 1275, le roi la vendit à Guillaume du Blé, évêque de
Chalon. Eglise des xive-xve siècles, à bas côtés ettriforium ;
chœur du xvie siècle. Ruines du prieuré bénédictin de
Saint-Hilaire. L-x.
Bibl.: L. Lex, Inventaire des archives communales de
Fontaines, antérieures à 1790; Mâcon, 1892, in-8.
FONTAINES. Corn, du dép. de la Vendée, arr. et cant.
de Fontenay, au bord du Marais ; 784 hab. Eglise avec
façade romane et voûte en ogive. Chapelle ancienne des
Sept-Chemins.
FONTAINES. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Joigny,
cant. de Saint-Fargeau ; 962 hab.
FONTAINES-Saint-Martin. Corn, du dép. du Rhône,
arr. de Lyon, cant. de Neuville-sur-Saône ; 721 hab.
FONTAINES-sur-Marne. Corn, du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Wassy, cant. de Chevillon; 352 hab. Cu-
rieuse pyramide nommée la Haute-Borne , haute de près
de 7 m., portant une inscription latine. Longtemps prise
pour un monument mégalithique, elle a été reconnue de
nos jours pour un monument romain appartenant à un
aqueduc.
FONTAINES-sur-Saône. Com. du dép. du Rhône, arr.
de Lyon, cant. de Neuville-sur-Saône ; 1,235 hab.
FONTAINES (Pierre de), jurisconsulte français du
xme siècle, probablement originaire du Vermandois, mort
vers 1289. Il fut bailli de Vermandois en 1253. Vers cette
époque, il rédigea son principal ouvrage, Conseil de
Pierre de Fontaines, le plus ancien ouvrage de droit
coutumier que nous possédions. Chargé par Louis IX, dont
il était conseiller, d'instruire son fils dans l'art de bien
gouverner, ce fut vraisemblablement à cette occasion qu'il
écrivit cet ouvrage ; le titre en a été emprunté à la ru-
brique du chap. ii, dont les premiers mots sont: Ci com-
mence li conseulz que Pierres de Fontaines done à son
ami. Quelques auteurs avaient attribué à tort le Conseil
à un certain Guido ou à Guy Foulquois. Ce qui caractérise
l'œuvre de Pierre de Fontaines, c'est, de même que les
Etablissements de saint Louis, le rapprochement qui y est
fait entre le droit romain et le droit coutumier ; l'auteur
a cherché à fusionner et à mettre en harmonie les deux
législations et, s'il a donné des paraphrases des textes du
droit romain, c'est pour mettre en lumière des principes
sur lesquels puisse s'appuyer le droit coutumier, mais il
ne s'est guère préoccupé que des coutumes du Vermandois.
L'ouvrage comprend trente-cinq chapitres, dont le premier
est un prologue. Dans le second, l'auteur énonce quelques
préceptes de religion et de morale. Puis il parle de la pro-
cédure et du mode de preuve, et il expose successivement
les principes des obligations et les règles relatives aux vices
du consentement, à la compétence civile et criminelle, aux
incapables ; il traite ensuite des testaments, de la quotité
disponible, des donations faites par le père à son enfant,
enfin de la possession et des actions possessoires. La ré-
daction est souvent sous forme de questions. Les textes
romains auxquels il se réfère sont ceux du Digeste et du
Code. Il est à remarquer que les citations ne sont pas faites
dans un ordre arbitraire ; elles suivent celui du Code,
auquel elles rapportent les textes du Digeste, selon l'usage
des Sommes du Code. Les textes du Digeste que Pierre de
Fontaines a rapprochés du Code sont précisément ceux
qu'avait empruntés Vacarius pour les joindre à sa Summa
Codicis. Une compilation intitulée le Livre la Roine a
été attribuée à Pierre de Fontaines. Il y a une grande ana-
logie entre cet ouvrage et le Conseil ; il est croyable cepen-
dant que le Livre la Roine n'est pas de Pierre de Fon-
taines, mais qu'il a été composé en partie de ses ouvrages
et en partie des œuvres d'autres jurisconsultes anonymes
qui vivaient de son temps. Le Conseil de Pierre de Fon-
taines a été édité par Du Cange, d'après un manuscrit qui
existait à Amiens, à la suite de la Vie de saint Louis,
par le sire de Joinville (Paris, 1668, in— fol.) ; il a été
édité plus tard par Marnier (1846, in-8). Cette dernière
édition, bien supérieure à la précédente, a été faite d'après
une copie manuscrite conservée à la bibliothèque de Troyes,
et qui avait appartenu d'abord à Pierre Pithou, puis aux
oratoriens de Troyes. Pierre de Fontaines fut maître au
Parlement, c.-à-d. conseiller, en 1260, et ii assista, en
cette qualité, à un jugement qui fut rendu pour le roi contre
l'abbé de Saint-Benoît-sur-Loire. Son nom est mentionné
deux fois dans le vol. I des Olim, sous les dates de 1258
et de 1266. Il paraît avoir été une seconde fois bailli de
Vermandois, en 1289, et il fut remplacé par Philippe de
Beaumanoir. Gustave Regelsperger.
Bibl. : H. Hardouin, Notice sur Pierre de Fontaines ;
Amiens, 1841, in-8. — A.-J. Marnier, le Conseil de Pierre
de Fontaines ; Paris, 1846, in-8, introduction. — Histoire
littéraire de la France, 1838, t. XIX, p. 131 (notice de Petit-
Radel) ; 1847, t. XXI, pp. 544 (notice de Félix Lajard) et
844 (notice d'Edouard Laboulaye).
FONTAINES (Des), poète dramatique et romancier
français, né à Rouen dans les premières années du
xvne siècle. On connaît de cet auteur : la Vraie Suite du
Cid, tragédie-comédie (1638) ; Bélisaire, trag.-com.
(1641); l'Illustre Comédien ou le Martyre de saint
Genest (1645). Parmi ses romans, nous citerons : les
Heureuses Infortunes de Céliante et de Marilinde,
veuves pucelles (Paris, 1663) (sous des noms supposés,
l'auteur raconte les aventures de plusieurs personnages
illustres de son temps : les deux veuves pucelles sont
Mmes de Charny et de Marigny ; Cambises n'est autre
que Louis XIII et Protésilas désigne assez clairement
M. le Prince) ; F Inceste innocent (1644) ; l'Illustre
Amalazonthe (1645), etc.
FONTAINES (Guyot, abbé des) (V. Desfontaines).
FONTAINIEUX (Source des) (V. Drôme, t. XIV,
p. 1121).
FONTAINS. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Provins, cant. de Nangis; 243 hab.
FONTAN. Com. du dép. des Alpes-Maritimes, arr. de
Nice, cant. de Breil; 1,158 hab.
FONTAN (Louis-Marie), littérateur français, né à Lorient
le 4 nov. 1801, mort à Thiais, près de Paris, le 10 oct.
1839. D'abord commis de la marine à Lorient, il fut ré-
voqué en 1820 pour participation à un banquet offert à
M. Villemain lors du changement de la loi électorale, vint
à Paris et fit du journalisme d'opposition dans les lablettes
et dans V Album. Ce dernier journal ayant été supprimé
par M. de Corbières, Fontan qui avait débuté dans la poé-
sie en 1823 par une ode libérale intitulée V Aigle et le
Proscrit, puis par un recueil de vers politiques intitulé
Odes et Entres (Paris, 1 827, in-1 2), utilisa ses loisirs dans
la composition d'un certain nombre de pièces de théâtre
dont la plupart furent représentées à l'Odéon : l'Actrice
ou les Deux Portraits, comédie en un acte, en vers, avec
Ader (1826) ; V Homme entre deux âges (1827); Per-
kins Werbec; V Espion (1828), etc., en collaboration avec
divers. L' Album ayant reparu en 1828, Fontan y inséra
un article d'une violence inouïe pour l'époque : le Mouton
enragé, où il s'en prenait directement à Charles X et à
sa famille ; Y Album fut saisi seulement et Fontan redoubla
dans le numéro qui suivit. Sûr, cette fois, d'une condam-
nation, Fontan voulut la prévenir et s'enfuit en Belgique.
On l'en expulsa de force et il ne trouva pas un meilleur ac-
cueil dans la Hollande, la Prusse et le Hanovre. En déses-
poir de cause le malheureux regagna Paris et se constitua
prisonnier. Il avait été condamné par contumace au maxi-
mum de la peine : cinq ans d'emprisonnement, cinq ans
de surveillance et 10,000 francs d'amende. On le traita
d'abord avec quelque ménagement, et, comme Harel voulait
jouer à l'Odéon son drame de Jeanne la folle, on permit
FONTAN — FONTANA
- 744 —
même aux acteurs de venir conférer avec lui. Mais cette
douceur relative allait avoir un triste revers : une nuit il
fut enlevé de Sainte-Pélagie et expédié sur Poissy où on le
soumit au régime du pénitencier avec les voleurs de grand
chemin. Vainement ses amis Frédéric Soulié et Jules Janin
insistèrent-ils auprès de lui pour qu'il consentît à signer un
pourvoi en grâce : Fontan refusa. Il ne sortit de Poissy
qu'après les journées de Juillet. Harel en profita pour mettre
à la scène son drame de Jeanne la folle qui fut joué au
milieu d'un enthousiasme considérable. On a de lui un grand
nombre de pièces ; la plupart sont politiques ou contiennent
des allusions directes au régime tombé auquel Fontan ne par-
donnait pas. Il faut citer la Bossue, un acte en vers, avec
Ader ; Gillette de Narbonne, vaudeville en trois actes, avec
Ch. Desnoyer et Ader; André le chansonnier (sorte
d'autobiographie dramatique), avec Ch. Desnoyer; le Ma-
réchal Brune, drame en cinq actes, avecDupeuty (1830);
le Moine, drame en quatre actes en prose (1831) ; Jacques
ou le Voyage de la liberté, vaudeville politique en quatre
actes avec Desnoyer et Muller (1831); surtout le Procès
d'un maréchal de France, drame en trois actes avec
Dupeuty, qui mettait en scène le procès de Ney et les prin-
cipaux acteurs de cette lamentable affaire dont la plupart
étaient encore vivants. La pièce fut interdite le soir même de
la première représentation. On a encore de Fontan : Jero-
nimo ou le Dominicain, drame en trois actes, avec Che-
valier; le Barbier du roi d'Aragon, drame en trois actes,
avec Ader et Dupeuty (i 832) ; le Fils de l'empereur, vau-
deville en deux actes, avec les frères Cogniard et Dupeuty ;
la Camargo, vaudeville en quatre actes, avec Dupeuty;
le Pauvre Idiot, drame en cinq actes, avec Dupeuty
(1838); Arthur, drame -vaudeville en deux actes, avec
Dupeuty et d'Avrigny (1838); la Mexicaine, drame-
vaudeville en deux actes, avec Laurencin et Mallian (1839) ;
enfin le Massacre des Innocents, drame en cinq actes,
avec Mallian (1839). Fontan avait de la verve, de l'esprit,
mais un peu dur et âpre ; ce fut, du reste, un caractère
fort estimable, encore que trop entier peut-être. Dédai-
gneux de toute compromission, il ne savait envelopper sa
pensée d'aucune réticence et parlait, écrivait, comme il
agissait, en homme travaillé d'une idée fixe et soucieux
seulement de la faire triompher, fût-ce à ses dépens.
Ch. Le Goffic.
FONTANA (Prospero), peintre italien, né à Bologne en
1512, mort à Bologne en 1597. Il fut successivement l'élève
d'Innocenzo d'Imola, de Vasariet dePerino del Vaga. Il tra-
vailla quelque temps à Bologne, où l'on voit de sa main à
l'église délie Grazie une Adoration des mages, qui, pour
la magnificence des costumes, rappelle les Véronèse. Mais
son amour de l'argent et du luxe l'empêcha de mettre assez
de soin dans ses grandes compositions, et ses meilleures
œuvres sont ses portraits. C'est comme portraitiste que
Michel- Ange le présenta à Jules III, qui l'attacha à la cour
pontificale et lui fit décorer sa villa. P. Fontana ouvrit une
école renommée, dont le meilleur élève fut sa propre fille,
Lavinia, également connue comme peintre de portraits.
Cette école disparut devant la vogue croissante de celle des
Carrache, et le maître mourut assez pauvre. On peut voir
parmi ses œuvres une Mise au tombeau (Galerie de Bo-
logne), une Visitation (Galleria Estense, Modène), une
Annonciation (Brerade Milan), une Sainte Famille (Ga-
lerie de Dresde).
Bibl. : Vasari, Le Vite dei Pittori. — Charles Blano
Ecole bolonaise. — Boni, Biografia degliarlisti.
FONTANA (Gianbattista), peintre et graveur italien, né
à Ala, dans le Tirol, vers 1525, mort en 1584. Il passa
la première partie de sa vie à Vérone où il eut pour maître
Giovanni Carotto et travailla quelque temps à Venise. Ap-
pelé à la cour de Vienne parle prince impérial Ferdinand,
il y mourut. On connaît de lui soixante-huit estampes, dont
les plus remarquables sont : des Scènes de VEnéide, le
Prophète Ezéchiel ayant la vision du jugement der-
nier, Saint Martin à cheval, l'Histoire de Romulus, la
Bataille du Cadore, entre les Vénitiens et l'empereur,
Saint Pierre martyr, d'après le fameux tableau du Titien.
Bibl. : Bartsch, le Peintre graveur. — Bernasconi,
Studj sopra la storia délia scuola veronese ; Vérone, 1864.
FONTANA (Orazio), peintre de majoliques italien, né à
Urbin, mort en 1571. Il est le plus célèbre d'une dynastie
d'artistes, qui commence avec son père, Guido de Castel-
Durante, dit Fontana, et continue avec son wevmFlami-
nio, qui travailla à Florence pour le grand-duc Cosme Ier.
Il est impossible de préciser la part de chacun dans les
.œuvres nombreuses sorties de la « boutique » fondée par
maître Guido : Fatto in Urbino in bottega di M0 Guido
da Castel Durante. Sans parler des pièces dispersées dans
les musées et les collections d'Europe, c'est aux artistes
de cette famille que l'on doit presque tous les vases, au
nombre de 380, qui sont conservés dans la pharmacie de
la Santa Casa, à Lorette. Beaucoup des dessins de ces ma-
joliques sont empruntés à Baphaël et aux estampes de Marc-
Antoine ; d'autres furent donnés par les artistes qu'attira
à Urbin le duc Guidobaldo II (après 1540), Raphaël del
Colle, Battista Franco, Federigo Zucchero. Quant à Orazio
Fontana lui-même, il a travaillé moitié pour Guidobaldo,
qui envoyait de ses œuvres au roi d'Espagne et à l'empe-
reur, moitié pour le duc Philibert de Savoie (vers 1565),
pour lequel il peignit un service complet. Les pièces signées
de son nom (Fatto in Urbino in bottega de Orazio Fon-
tana) ou de son monogramme (0 seul, ou 0 entrelacé avec
un double F et un R) sont très rares. On peut citer parmi
les plus belles, r Enlèvement d'Europe, le Massacre des
Innocents (musée duXouvre), Un Repas public à Rome
(collection A. de Rothschild), les Exploits de Jules César
(South Kensington Muséum), la Mort de Virginie (col-
lection Soltykoff), le Jugement de Paris (Urbin). Pour
le fondu des couleurs et la perfection de la glaçure, ces
pièces sont irréprochables : malheureusement, Orazio ne se
contente pas de faire des œuvres décoratives, il prétend
faire de vrais tableaux ; ses successeurs voudront l'imiter,
mais leur talent ne sera pas à la hauteur de leur ambition
et les dernières productions de la famille, mollement dessi-
nées et pauvrement modelées, n'ont plus rien d'une œuvre
d'art. E. Bertaux
Bibl. : Passeri, Histoire des peintures sur majoliques
faites à Pesaro et dans les lieux circonvoisins, tr. H. De-
lange, 1853. — Campori, Notizie storiche e artistiche délia
Majolica e délia Porcellana di Ferrara, 1873. — Fort-
num, Catalogue du musée de South Kensington. — Jac-
quemart, Histoire de la céramique, 1884.
FONTANA (Giovanni), architecte italien, néàMili, sur
le lac de Côme, en 1540, mort à Rome en 1614. Il alla très
jeune étudier l'architecture à Rome, où son frère Domenico
(V. ci-dessous) le rejoignit. Il aida ce dernier dans la plu-
part de ses grands travaux et donna lui-même les plans du
palais Giustiniani. Le pape le nomma architecte de Saint-
Pierre et, une fois revêtu de ce titre honorifique, il s'oc-
cupa exclusivement de travaux hydrauliques. Il "surveilla
le curage du Tibre à Ostie, régla, au moyen d'un canal, le
cours du Velino, conduisit YAqua Algida prise à Frascati
dans les villas du Belvédère et de Mondragone, enfin res-
taura la Cloaca Maxima. C'est encore lui gui bâtit des
aqueducs à Lorette et à Recanati et qui établit les murs et
les parapets autour des cascatelles du Teverone, à Tivoli.
Enfin le pape l'envoya à Ferrare et à Ravenne pour indi-
quer le cours du Pô. La maladie le prit dans ce voyage et
il revint à Rome pour y mourir.
FONTANA (Domenico), architecte italien, né à Mili, sur
le lac de Côme, en 1543, mort à Naples en 1607. A vingt
ans, il alla retrouver à Rome son frère aîné Giovanni, qui
achevait dans cette ville ses études d'architecture. Au mi-
lieu des chefs-d'œuvre de l'antiquité et de la Renaissance
savante, il se forma rapidement, et fut bientôt remarqué
du cardinal Montalto, qui lui commanda la chapelle dite
del Presepio, à Santa-Maria Maggiore, et, dans le voisi-
nage de cette église, le palazzetto appelé depuis villa
Negroni. Mais la fortune du cardinal n'était pas. à la hau-
teur de ses ambitions, et le pape Grégoire XIII ayant pris
745 —
FONTANA
prétexte de ces entreprises magnifiques pour supprimer la
pension qu'il lui servait, Montalto se voyait obligé de re-
noncer à ses projets, quand Fontana le tira d'embarras en
continuant les constructions à ses frais ; il y consacra mille
écus. Ce sacrifice devait être magnifiquement récompensé.
Eu effet, à la mort de Grégoire XIII, le cardinal Montalto
devint pape sous le nom de Sixte-Quint. Aussitôt l'argent
afflua dans les mains de Fontana ; les édifices commencés
furent rapidement achevés, et l'artiste reçut le titre d'ar-
chitecte pontifical. Le nouveau pape conçut alors un gigan-
tesque projet: il s'agissait de transporter sur la place Saint-
Pierre et d'y dresser en face de la basilicjue neuve un obé-
lisque antique, haut de 407 palmes, qui avait été apporté
à Rome sous Caligula, avait un moment orné le Grand
Cirque, et depuis longtemps gisait misérablement au milieu
de décombres, le long de l'ancienne sacristie de Saint-
Pierre. C'était une entreprise difficile et périlleuse, car il
fallait retrouver des méthodes et des machines complètement
oubliées ; mais le pape tenait à cette œuvre à cause de sa
difficulté même. Il voulut faire appel à tous les talents et
demanda officiellement l'avis des meilleurs mathématiciens
et architectes de l'Europe entière ; il arriva plus de 500 pro-
jets, parmi lesquels celui de Fontana, cmi tranchait sur
tous les autres par sa hardiesse et son originalité. Le pape
en fut frappé et l'adopta, après en avoir vu l'essai fait sur
un obélisque plus petit ayant appartenu au mausolée d'Au-
guste. D'abord, par prudence, il voulut adjoindre à Fon-
tana deux architectes renommés, Giacomo délia Porta et
Bartolomeo Ammanati. Mais l'artiste, qui ne pouvait ac-
cepter l'idée de partager avec d'autres sa gloire, représenta
au pape que nul ne pouvait appliquer l'invention aussi bien
que l'inventeur. Sixte-Quint l'autorisa à courir seul les
risques de l'entreprise. A partir du 7 mai 1506, on roula
lentement sur un remblai recouvert de poutres l'obélisque
revêtu de planches et on le fit avancer ainsi jusqu'au centre
delà place. L'érection eut lieu solennellement le 10 sept.
Le pape avait défendu d'entrer dans l'enceinte ou de trou-
bler le travail par un cri, sous peine de mort. 900 ouvriers
et 140 chevaux furent employés aux poulies et aux cabes-
tans; enfin l'obélisque se redressa lentement entre les
quatre tours de bois élevées d'avance et fut mis en place,
au milieu d'un enthousiasme immense. Le pape nomma
l'heureux architecte patrice et chevalier, lui fit une pen-
sion de 2,000 écus, et lui donna, outre 6,000 écus en or,
tous les matériaux et agrès qui avaient servi à l'opération,
représentant une somme de 20,000 écus. Dans la suite,
Fontana éleva encore trois obélisques à Rome ; celui du
mausolée d'Auguste, devant Santa Maria Maggiore, et deux
autres, l'un devant Saint- Jean de Latran, l'autre sur la
place voisine de la Porta del Popolo. Les plus magnifiques
commandes lui vinrent en foule ; il revêtit la façade de
Saint-Jean de Latran d'un portique en travertin, et près de
cette basilique construisit pour le pape le grand palais
apostolique et la loggia à arcades d'où le souverain pon-
tife bénit la foule. Il édifia la nouvelle bibliothèque du Va-
tican, achevée sous Clément VIII, et termina le palais ponti-
fical du Quirinal. Le pape le chargea encore de transporter
des Thermes de Dioclétien sur la place du Monte Cavallo
les deux statues équestres colossales des Dioscures, de res-
taurer les colonnes Antonine et Trajane, et de dresser sur
l'une la statue de saint Paul, sur l'autre celle de saint
Pierre. Enfin, pour lutter avec les anciens même dans
leurs œuvres les plus colossales, Sixte-Quint fit construire
par Fontana l'aqueduc de l'Acqua Felice, long de 5 lieues,
de Frascati au Monte Cavallo. A cet aqueduc, qui fournit
d'eau non seulement le palais du pape, mais tous les mo-
nastères et plusieurs palais, furent employés jusqu'à
4,000 ouvriers. Mais ces travaux et ces succès suscitèrent
à l'architecte beaucoup d'envieux. Lorsque son grand pro-
tecteur fut mort et eut été remplacé par Clément VIII,
Fontana fut accusé de détournements de fonds. Disgracié
par le pape, il accepta les propositions du comte Miranda,
vice-roi de Naples, qui lui donna les titres de premier ar-
chitecte et ingénieur du roi des Deux-Siciles. En 1592, il
se rendit à Naples et s'y maria. Après avoir ouvert des
canaux pour préserver la Terre de Labour des inondations
et avoir pratiqué la route de Chiaja le long de la mer, il
entreprit un de ses ouvrages capitaux, le Palais du roi,
que des travaux postérieurs devaient complètement défigu-
rer. Il avait dessiné de grands projets pour doter Naples
d'un port et d'un grand môle, quand la mort l'arrêta, à
cinquante-quatre ans. Comme ingénieur, c'est un esprit
hardi et fécond et un véritable créateur ; comme architecte,
il répète avec moins de pureté et de liberté les formules de
San Gallo et de Michel-Ange. Domenico Fontana a laissé
un livre important pour la connaissance de son œuvre :
Del modo tenuto nel trasportare Vobelisco Vaticano et
délie fabriche faite da IY.-S. Papa Sixto V (Rome,
1589, in-fol.). Le frontispice contient un portrait de l'au-
teur tenant à la main un petit modèle de l'obélisque ; les
planches sont belles et curieuses. E. Bertâux.
Bibl. : Boni, Biografîa degli artisti. — Journal des Sa-
vants, déc. 1760 et janv. 1761.
FONTANA (Lavinia), peintre italien, née à Rologne
en 1552, morte à Rome en 1614. Sans occuper le pre-
mier rang dans la liste des femmes peintres, Lavinia Fon-
tana a donné des preuves d'un talent très réel. Son père,
Prospero Fontana, fut son maître et trouva en elle une
imitatrice tout à fait docile. Jeune fille, elle peignait déjà
des tableaux religieux achevés avec une très grande dou-
ceur de pinceau. Dans son livre sur Bologne, Gualandi
enregistre soigneusement les tableaux que possèdent encore
les églises de la ville. On retrouve à San Giacomo Maggior
la Vierge et l'Enfant; à la Trinité, la Naissance de la
Vierge ; àla Madonna del Baraccano, une Sainte Famille;
aux Mendicanti, la Multiplication des pains. A ces pein-
tures, il faut, pendant qu'on est à Bologne, ajouter celle
que possède la Pinacothèque et qui représente Saint
François de Paule bénissant le fils de Louise de Savoie,
Ce tableau, d'une exécution très caressée, est signé Lavi-
nia Fontana de Zappi facieb MDLXXXX. Cette signa-
ture doit être expliquée. Lavinia avait épousé Gio-Paolo
Zappi, fils unique d'un riche citoyen d'Imola. Depuis lors,
elle ajouta à son nom celui de son mari. Les peintures,
toujours soignées, parfois un peu dévotes, de Lavinia,
obtenaient du succès à Bologne et dans les villes voisines.
Cependant, sans renoncer aux sujets religieux, l'artiste
s'en inspira plus rarement et se consacra peu à peu au
portrait où elle réussissait mieux encore. Elle était bien
connue à Rome où elle avait de grands amis. Baglione,
dont la chronologie est toujours un peu flottante, déclare
que Lavinia arriva dans la ville des papes sous le pontificat
de Clément VIII, c.-à-d. un peu après 1592. Mais cette
indication est très discutable, car Lavinia Fontana était
déjà protégée par Grégoire XIII, qui était Bolonais comme
elle et pour qui la Saint-Barthélémy fut un jour de fête.
D'un autre côté, soit qu'elle ait prolongé son séjour, soit
qu'elle soit venue plusieurs fois, Lavinia était à Rome en
1609, comme on le "voit par une lettre à laquelle Bottaria
donné place dans le recueil des Lettere pittoriche. Aux
dernières années de sa vie, elle faisait surtout des portraits,
et la noblesse romaine, qui a toujours aimé à être peinte,
la traitait en enfant gâtée. Les églises considéraient aussi
comme un honneur de posséder quelque peinture de cette
main savante. On voyait à Saint-Paul-hors-les-Murs une
Lapidation de saint Etienne ; à San Maria délia Pace,
une Sainte Claire. Les œuvres de Lavinia Fontana ne
sont pas rares en Italie. Nous avons déjà cité celles que
Bologne a conservées. Aux Offices de Florence, nous retrou-
vons, outre son portrait par elle-même, celui du prédica-
teur Panigaro la, et l'Apparition de Jésus-Christ à la
Madeleine, tableau signé Lavinia Fontana de Zappis
faciebat 1581 ; au palais Pitti, un portrait de femme. A
Milan, au musée Brera, nous avons sept portraits réunis
dans un même cadre. Malgré l'intérêt que peuvent pré-
senter les peintures religieuses de Lavinia, ce sont les
FONTANA — FONTANE
— 746 —
portraits surtout qui restent intéressants. On y remarque de
grandes recherches d'exactitude dans le rendu des cos-
tumes, et, pour les carnations, un modelé attentif bien
conforme aux méthodes du xvr3 siècle, sérieuse époque à
laquelle Lavinia Fontana appartient encore. P. M.
Bibl. : Baglïone, le Vite de' pittori ; Rome, 1649. —
Malvasia, Felsina pittrice ; Bologne, 1678 — Gualandi,
Tre Giorni in Bologna, 1865.
FO NTA N A (Flaminio) , peintre de majoliques du x vie siècle
(V. Fontana [Orazio] .
FONTANA (Giuho-Cesare), architecte italien, fils de
Domenico (V. ci-dessus). Il hérita des biens considérables
de son père et de son titre d'architecte du roi de Naples.
La plus célèbre de ses constructions est Y Université, ou
palais des Studj, aujourd'hui converti en musée.
FONTANA (Francesco), astronome italien, né à Naples
vers 4580, mort à Naples en juil. 1656. Il étudia d'abord
le droit, se fit recevoir docteur, puis s'appliqua aux mathé-
matiques et à l'astronomie. Il perfectionna divers instru-
ments d'optique et prétendit assez invraisemblablement,
dans ses Novœ cœlestium et terrestrium rerum observa-
tiones (Naples, 1646, in-4), avoir inventé dès 4608 le
télescope astronomique. L. S.
Bibl. : Lorenzo Crasso, Elogj d'huomini letterati;
Venise, 1656, in-4, t. II. — Montugla, Hist. des mathéma-
tiques; Paris, an VII, t. II, in-4.
FONTANA (Carlo), architecte et archéologue italien, né
à Brusciato, près de Côme, en 1634, mort à Rome en 4 74 4.
On ne sait pas s'il est de la même famille que les autres
architectes du même nom. Il alla à Rome, dans l'atelier du
Bernin, dont il devint le meilleur élève et fut chargé, très
jeune encore, de commandes importantes, comme les palais
Grimazzi et Bolognetti, le mausolée de la reine Chris-
tine à Saint-Pierre, les fontaines de Saint-Pierre et de
Santa Maria a Trastevere. Innocent XI lui fit construire
l'église de San Michèle a Ripa et le palais de Monte
Citorio, Clément IX le portail de Santa Maria a Tras-
tevere, la bibliothèque de la Minerve, la villa Visconti à
Frascati. Malgré le maniérisme et la lourdeur de ses cons-
tructions, il avait une grande réputation, même à l'étranger,
car le chapitre de Fulda lui demanda un modèle de cathé-
drale, et l'empereur différents dessins pour le palais de
Vienne. C. Fontana a laissé des ouvrages techniques et ar-
chéologiques remarquables : Il Tempio vaticano esua ori-
gine, con gli edijici più cospicui antichi e moderni
(4694) ; Utilissimo Irattato délie acquecorre7iti(16\)6);
VAnfiteatro Flavio (1725).
FONTANA (Gaëtano), astronome italien, né àModène,
en 1645, mort à Vérone le 25 juin 1719. Il professa
diverses sciences à Rome, à Padoue, à Vérone et à Modène,
dans des maisons de l'ordre des théatins, dont il faisait
partie, mais s'appliqua surtout à l'astronomie et fut en
correspondance suivie avec Dominique Cassini. Plusieurs
de ses observations se trouvent consignées dans les recueils
de l'Académie des sciences de Paris (années 1701 à 4706).
Il a en outre publié : Institutio physico-astronomica
(Modène, 4695, in-4); Ânimadversiones in historiam
sacro-politicam (Modène, 1718, in-4). L. S.
FONTANA (Felice), physiologiste et naturaliste italien,
né à Pomarole (Tirol) le 15 avr. 1730, mort à Florence
le 9 mars 1805. Ses études terminées, l'empereur Fran-
çois Ier, alors grand-duc de Toscane, le nomma professeur
de philosophie rationnelle à Pise ; plus tard, l'empereur
Léopold II appela Fontana à Florence et lui confia la direc-
tion du célèbre muséum d'histoire naturelle de cette ville ;
il voyagea beaucoup pour augmenter ces collections et exé-
cuta des préparations en cire qui font encore aujourd'hui
l'ornement du cabinet de Florence. Fontana était un ami
enthousiaste de la France, ce qui lui valut pas mal de per-
sécutions delà part des Autrichiens. Ouvrages principaux;,
Nuove Osservaz. sopra i globetti rossi del sangue
(Lucques, 1766, in-8) ; Dei Moti del iride (Lucques,
1767, in-8) ; Rie. filos. sopra ilveleno délia vvpera
(Lucques, 1767, in-8) ; Traité sur le venin de la vipère,
sur les poisons américains, sur le laurier-cerise, etc.,
on y a joint des observations sur la structure primi-
tive du corps animal, etc. (Florence, 1781, 2 vol. in-4,
fig., trad. de J. Gibelin) ; c'est un ouvrage remarquable,
dont le texte italien a paru à Naples, 1787, 4 vol. pet.
in-8 ; Choix d'observations physiques et chirurgicales
(Paris, 1785, in-8).
FONTANA (Gregorio), mathématicien italien, frère du
précédent, né à Villa de Nogarola, près de Rovereto
(Tirol), le 7 déc. 1735, mort à Milan le 24 août 1803.
Entré de bonne heure dans l'ordre des Ecoles pies, il
professa à Rome, à Sinigaglia, à Bologne, fut nommé en
1763 directeur de la bibliothèque de Pavie et succéda en
1768 à Boscovich dans la chaire de mathématiques trans-
cendantes de l'université de cette ville. Bonaparte le nomma
membre de la Consulta de la république cisalpine. Ses
écrits se composent de quelques ouvrages publiés à part :
Analyseos sublimions opuscula (Venise, 1763), Memo-
rie matemaliche (Pavie, 1796, in-4), etc. ; d'une soixan-
taine de mémoires de mathématiques et de physique insérés
dans les Atti de l'Académie de Sienne (1774 à 1781),
dans les Memorie délia Societa italiana (1782 à 1802),
dans la Biblioteca fisica d'Europa, dans le Giornale
fisico-medico de Pavie, dans les recueils de l'Académie
de Turin, dans YAstronomische Jahrbuchde Bode; de
traductions annotées d'ouvrages de Bossut, d'Atwood,
d'Euler et de Moivre. L. S.
FONTANA (Mariano), mathématicien italien, né à Casai
Maggiore (Tirol) le 48 févr. (?) 1746, mort à Milan le
4 8 nov. 1808. Entré à seize ans dans l'ordre des barnabites,
il professa d'abord la philosophie à Bologne (1774) et à
Livourne, puis les mathématiques à Mantoue (1780), à
Milan, à Pavie (1785). C'était en outre un bibliographe et
un critique d'art distingué. Il était membre de nombreuses
sociétés savantes. Il a laissé un traité très estimé : Corso
di dinamica (Pavie, 1790-95, 3 vol. in-4), et a consigné
dans les Atti de l'Institut de Pavie (t. I et II) de curieuses
observations intéressant l'histoire des sciences. L. S.
FONTANA (Francesco-Lodovico), cardinal italien, né à
Casai Maggiore, dans le Milanais, le 28 août 1750, mort à
Rome le 19 mars 1822. Il entra dans la congrégation des
barnabites, dont il devint en 1804 le supérieur général.
Comme la plupart des autres généraux d'ordres religieux,
il accompagna le pape Pie VII à Paris. Il fit partie, en 1 809,
de la commission instituée pour étudier les affaires de
l'Eglise, puis, peu de temps après,fut emprisonné àVincennes,
à la suite de la découverte de papiers compromettants. La
Restauration le délivra. De retour à Rome, il fut nommé
cardinal (1846), placé à la tête de la congrégation de l'In-
dex, puis de la congrégation de la Propagande (1818).
C'était un érudit et un helléniste de premier ordre, mais,
outre quelques vers grecs, quelques Eloges académiques,
il n'a rien laissé d'un peu important que son édition en
15 vol. in-4 des œuvres du cardinal Gerdil. R. G.
Bibl. : L'Ami de la Religion, 1822.
FONTANA (Pietro), graveur italien, né à Bassano en
1762, mort à Rome en 1837,. Il apprit la peinture avec
Mingardi et la gravure avec Raphaël Morghen. Ses es-
tampes les plus connues sont les quinze planches qu'il
grava pour l'ouvrage de Hamilton, Schola italicœ picturœ;
les Sibylles, d'après le Dominiquin; Hérodiade, d'après
Guido Reni ; Judith, Jupiter et Sémélé, une Mise au
tombeau, d'après le Corrège ; le Christ devant Pilate,
d'après Ludovico Caracci ; Hercule et Ajax, d'après Ca-
nova; les Apôtres, d'après Thorwaldsen.
FONTANA, poète italien contemporain, né à Milan le
30 janv. 1 850 . Il a mené une vie d'aventures et de voyages, a
collaboré à de nombreux journaux. Ses poésies sont remar-
quables; nous citerons ses poèmes : Il Canto deWodio,
Il Convento, Il Socialismo; ses pièces en patois mila-
nais : El Barchett de Buffalora et La Statua del sor
Incioda dont le succès fut très vif; ses livrets d'opéra et
de ballets, etc.
- 747 — *
FONTANE — FONTANES
FONTANE (Theodor), écrivain allemand, né à Neurup-
pin, dans la marche de Brandebourg, le 30 déc. 1819. A
treize ans, il entra à l'Ecole industrielle de Berlin, et il se
rendit ensuite à Leipzig pour étudier la chimie. Peu à peu
il se mit en relations avec des groupes d'écrivains et de
journalistes. En 1841, il fit son premier voyage en Angle-
terre; il étudia les vieilles ballades anglaises dont l'influence
est visible dans le recueil de poésies qu'il publia au retour
(Dessau, 1849). On y remarque surtout une série de bal-
lades intitulées Von der schœnen Rosamunde, d'un style
élégant et d'un rythme facile. Fontane fit encore plusieurs
voyages en Angleterre et s'établit ensuite à Berlin. En 1 860,
il entra comme collaborateur à la Nette Preussiche Zei-
'tung. Il suivit les armées allemandes pendant la guerre
de 1870, fut fait prisonnier par les francs-tireurs au mo-
ment où il visitait la maison de Jeanne d'Arc à Domrémy,
fut interné à l'île d'Oléron et enfin rendu à la liberté sur
l'ordre de Gambetta. Il a raconté ses aventures de guerre
dans Krieg sgefang en (Berlin, 1871). A son retour, il ré-
digea le feuilleton théâtral de la Vossische Zeitung. Il a
écrit l'histoire de la guerre du Slesvig (Der Schleswig-
Holstenische Krieg; Berlin, 1866), de la guerre entre la
Prusse et l'Autriche (Der Krieg gegen OEsberreich; Ber-
lin, 1870, 2 vol.) et de la guerre franco-allemande (Der
Krieg gegen Frankreich; Berlin, 1876, 2 vol.). Les résul-
tats de ses voyages furent : Ein Sommer in London
(Dessau, 1854), Aus Englancl (Stuttgart, 1860) ; Jenseit
des Tweed (Berlin, 1 860) et Wanderung durai die Mark
Rrandenburg (Stuttgart, 1861, 4 vol.). Dans les derniers
temps il a publié, avec un succès moindre, le roman Vor
dem Sturm (Berlin, 1878, 4 vol.) et une série de nou-
velles. A. B.
FONTANE (Marius), littérateur français, né à Marseille
le 4 sept. 1838. Voyageant en Orient pour le compte d'une
maison de commerce de Marseille, il y rencontra M. Fer-
dinand de Lesseps dont il devint le secrétaire ; il travailla
dans les bureaux du canal de Suez comme chef d'exploi-
tation, puis comme secrétaire général, et, par la suite, fut
nommé administrateur de la Compagnie du canal de Pa-
nama. C'est en cette qualité qu'il a été impliqué dans les
poursuites intentées en déc. 1892 aux administrateurs du
Panama et condamné, le 10 févr. 1893, à deux ans de
prison. On a de M. Marius Fontane une Histoire uni-
verselle (Paris, 1881 et suiv., in-8) qui doit comprendre
seize volumes et dont sept seulement ont paru : l'Inde vé-
dique, les Iraniens, les Egyptiens, les Asiatiques, la Grèce,
Athènes et Borne. Outre cette œuvre volumineuse, citons :
les Marchands de femmes (Paris, 1863, in-12); Confi-
dences de la vingtième année (1863, in- 12); la Tribu
des Chacals (1864, in-12); Selim V égorgent (1865,
in-12); la Guerre d'Amérique (1866, 2 vol. in-12) ;
Zaïra la rebelle (1866, in-12); De la Marine mar-
chande (1868, in-8); le Canal maritime de Suez
(1869, gr. in-8); Essais de poésie védique (187 6, in-16);
Voyage pittoresque à travers l'isthme de Suez (s. d.,
in-fol.), etc.
FONTANELLA (Juan-Pedro), jurisconsulte espagnol, né
à Olot (Catalogne) en 1576, mort à Barcelone en 1660. Il
acquit une grande célébrité comme avocat, fut député de
Barcelone aux Cortès en 1622, chef des jurats à l'époque
où la ville fut prise par les troupes royales, commandées
par le marquis de Vêlez. Il a laissé quelques ouvrages : De
Pactibus nuptialibus, sive capitulis matrimonialibus
tractatus (Barcelone, 1512, 2 vol. in-fol., réimprimé quatre
fois, à Gènes et à Venise) ; Sacri senatus Cataloniœ De-
cisiones (Barcelone, 2 vol. in-fol., réimprimé trois fois à
Gènes et à Venise). E. Cat.
FONTANELLA (Francesco), philologue italien, né à
Venise le 28 juin 1768, mort le 22 mars 1827. Il ensei-
gna la grammaire, l'éloquence latine, l'hébreu et le grec,
mais la dernière chaire qu'il occupait à Venise, au sémi-
naire, ayant été supprimée, il se trouva réduit à gagner sa
vie comme correcteur d'épreuves. Parmi ses nombreux
ouvrages, on remarque : La Ortografia del nomeJohannes
(Venise, 1790) ; Prosodia latina (Venise, 1812) ; Ad-
denda ad grozcam grammaticen (Milan, 1819); La
Paleortoepia délia lettera greca H (Venise, 1819) ;
Limen grammaticum (Venise, 1819-1821), grammaire
grecque en deux parties ; Vocabolario greco-italiano ed
italiano-greco (Venise, 1821) ; Vocabolario ebraico-
italiano ed italiano-ebraico (Venise, 1824) ; Lettera
alla nazione Ebrea per eccitarla allô studio (Venise,
1827), etc. Il a raconté lui-même sa vie dans l'autobio-
graphie intitulée Vita di Francesco Fontanella, prête
veneûano, scritta da lui medesimo (Venise, 1825, in-8),
FONTANELLE (V. Crâne).
FONTANES. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Belcaire; 183 hab.
FONTANES. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Mont-
pellier, cant. de Claret; 127 hab.
FONTANES. Com. du dép. delà Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant. de Saint-Héand; 440 hab.
FONTANES. Com. du dép. de la Hâùte-Loire, arr. et
cant. de Brioude ; 637 hab.
FONTANES. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Lalbenque ; 592 hab.
FONTANES. Com. du dép. de la Lozère, arr. de Mende,
cant. de Langogne ; 388 hab,
FONTANÈS-de-Légues. Com. du dép. du Gard, arr. de
Nîmes, cant. de Sommières; 538 hab.
FONTANES-Lunegarde. Com. du dép. du Lot, arr. de
Gourdon, cant. de La Bastide-Murat ; 536 hab.
FONTANES (Louis, marquis de), écrivain et homme
d'Etat français, né à Niort le 6 mars 1757, mort à Paris
le 17 mars 1821. Catholique par sa mère, issu par son
père d'une famille protestante originaire d'Alais (Lan-
guedoc), Fontanes fut élevé chez les oratoriens de Niort,
et, se trouvant sans fortune, accepta les fonctions d'ins-
pecteur des manufactures qu'il exerça successivement à
Sâint-Gaudens, à Niort et aux Andelys. Son père mourut
en 1774, et comme Turgot, qui le connaissait et l'appré-
ciait, venait d'être nommé contrôleur général des finances,
il fit profiter le fils de l'intérêt qu'il avait porté au père et
lui accorda une pension de 800 livres. Cette pension lui
ayant été supprimée en 1777 à la suite des mesures d'éco-
nomie décidées par Necker, Fontanes vint à Paris pour
solliciter sa réintégration sur la liste des pensionnés de la
couronne. Il ne l'obtint pas et pendant plusieurs années
vécut dans une situation fort précaire. Le séjour de Paris
l'aida du moins à se faire connaître et apprécier des prin-
cipaux écrivains du temps. Il s'était senti poète dès l'ado-
lescence ; il eut vite fait de marquer sa place dans les
recueils littéraires à la mode; on goûta pour leur mélodie
et leur pureté des pièces comme : le Jour des Morts dans
une campagne, la Forêt de Navarre, la- Chartreuse de
Paris, les fragments du poème sur les Montagnes, etc.
La traduction de YEssai sur V homme de Pope (1783)
frappa moins par elle-même que par sa préface où les idées
et le style révélèrent un prosateur de mérite. En 1788,
parut le Verger, poème descriptif dans la manière de De-
lille et de Saint-Lambert et qui, avec YEssai sur l'Astro-
nomie et YEpître sur l'édit en faveur des non-catho-
liques (1789), acheva de classer Fontanes au premier rang
des poètes contemporains. La Bévolution trouva dans Fon-
tanes un partisan convaincu, comme en témoigne le Poème
séculaire sur la fédération de 1790 ; mais les excès
qui suivirent refroidirent sensiblement son zèle. En atten-
dant il fondait le Modérateur, journal dont le titre est
tout un programme, et qui n'eut qu'une durée éphémère.
Il se trouvait à Lyon, où il avait contracté en 1791 un
_ mariage qui lui assurait pour l'avenir une entière indépen-
dance, quand eurent lieu le siège et la prise de cette ville.
Témoin des indignes cruautés de Collot d'Herbois, il osa
rédiger une protestation que trois ouvriers lyonnais assistés
de Changeux de Bourges portèrent le 20 déc. 1793 à la
FONTANES — FONTANIEU
748 —
barre de la Convention. Proscrit lui-même pour cet acte
de courage, il échappa à Fouché et ne sortit de la retraite
qu'après le 9 thermidor. On le retrouve en 1795 à Paris
où il est nommé de l'Institut (classe de littérature),
presque en même temps qu'on lui confie la chaire de
belles-lettres à l'ancien collège des Quatre-Nations trans-
formé en école centrale. Le 48 fructidor refit un proscrit
de Fontanes ; son crime, aux yeux du Directoire, était
d'avoir collaboré au Mémorial de La Harpe et de l'abbé
de Vauxcelles. Durant son exil en Angleterre, il se lia avec
Chateaubriand, proscrit comme lui, et avec lequel, La Harpe,
Esménard et de Bonald, il fonda à son retour après le
48 brumaire un journal politique et littéraire qui prit l'an-
cien nom de Mercure de France. C'est à cette époque qu'il
connut Lucien Bonaparte qui se l'attacha pendant quelque
temps au ministère de l'intérieur et le chargea de prononcer
aux Invalides l'éloge funèbre de Washington. Son intimité
avec Elisa Bonaparte ne le servit pas moins auprès du pre-
mier consul : celui-ci le nomma membre du Corps légis-
latif, dont il devint président en 1804. Dans l'intervalle
il avait été réintégré dans son fauteuil de l'Institut où
Cailhava l'avait remplacé quelque temps; en 1801, il
s'était fait le promoteur du rétablissement de l'Empire.
En 1808, Napoléon l'appelait à la tête de l'Université réor-
ganisée; en 1810, il entrait au Sénat. Créé pair de France
et membre de la commission préparatoire de la Charte en
1814, il se dérobait, lors des Cent-Jours, aux sollicitations
de l'empereur et s'en voyait récompensé au retour de
Louis XVIII par le titre de ministre d'Etat et son élévation
au conseil privé. Fontanes fut cependant un des juges qui
se refusèrent à voter la mort du maréchal Ney. Cette atti-
tude, tout à son honneur, ne l'empêcha pas, en 1817,
d'être créé marquis par Louis XVIII, auprès duquel, il
demeura l'orateur officiel de la Chambre des pairs, comme
il avait été celui du Corps législatif et du Sénat auprès de
Napoléon. Fontanes venait d'être investi en 1821 de la
présidence delà Société des bonnes lettres quand sa santé,
altérée déjà par la mort de son lils adoptif, M. de Saint-
Marcellin, déclina brusquement : il mourut peu après.
Outre les poèmes et traductions dont nous avons déjà parlé,
on doit à Fontanes des Extraits critiques du Génie du
Christianisme, un poème de la Grèce délivrée, un autre
intitulé le Vieux Château, une ode sur les Tombeaux de
Saint-Denis, des stances, des épîtres, un choix de mor-
ceaux de critique littéraire et de discours qui ont été réunis
par les soins de Sainte-Beuve (OEuvres de Fontanes;
Paris, 1839, 2 vol. in-8). Ch. Le Goffic.
FONTANES (Ferdinand), prédicateur protestant, né à
Nîmes le 15 mai 1797, mort à Nîmes le 9 janv. 1862.
Sauf un court ministère à Tonneins (1822-1826), il a
consacré toute sa vie à l'Eglise de Nîmes. Il fut l'un des
chefs du libéralisme protestant du second tiers de ce siècle,
fortement attaché au surnaturel, ennemi de toute autorité
extérieure. Il publia presque à lui seul, de 1837 à 1860,
VEvangéliste, journal bi-mensuel, et plusieurs brochures
intéressantes pour l'histoire interne du protestantisme de
son temps. F. -H. K.
FONTANEY (A.), littérateur français, mort en juin 1837.
« Si nous ne disons pas son prénom, écrit M. Ed. Four-
nier dans ses Souvenirs poétiques de V école romantique,
c'est que jamais on n'en a connu que l'initiale. On croit qu'il
était de Paris et du même âge à peu près que Victor Hugo,
qui fut son guide et son dieu. Il fit partie du cénacle. » Il
publia en 1829 un premier volume de vers, le seul qu'il
ait signé de son nom, Ballades, mélodies et poésies
diverses. On le retrouve à la Revue des Deux Mondes
presque dès sa fondation, en 1832, où il débute par un
article sur les Romans de Victor Hugo; il écrivit égale-
ment dans la ^Revue de Paris. Il fut chargé à plusieurs
reprises de la chronique littéraire et politique dans le pre-
mier de ces recueils. Tendre aux hommes, il était particu-
lièrement dur pour les femmes-écrivains et fut en son
temps la terreur des bas-bleus. Le duc d'Harcourt l'ayant
attaché, en 1833, à l'ambassade de Madrid, Fontaney rap-
porta d'Espagne une ample provision de croquis et de sou-
venirs dispersés d'abord dans les revues et réunis plus tard
dans un volume intitulé Scènes de la vie castillane et
andalouse (1835). Fontaney s'occupa aussi de la vie an-
glaise. On a de lui des études sur Washington Irving et
sur Wordsworth, une Histoire du Parlement anglais
en 1835 et les Exhibitions artistiques à Londres en
1836. Volontiers mystérieux sur lui-même, il signa presque
toutes ses œuvres des pseudonymes de Lord Feeling et de
O'Donnoz. Sa fin, selon Ch. Asselineau, fut un roman dou-
loureux, dont le t. IX de Y Histoire de ma vie par George
Sand « nous a livré à demi le secret ». Ch. Le Goffic.
FONTANGES (V. Coiffure, t. XI, p. 860).
F0NTANGES. Corn, du dép. du Cantal, arr. de Mauriac,
cant. de Salers ; 849 hab. La seigneurie appartenait à la
famille de ce nom, dont la dernière héritière, Guilielmine de
Fontanges, la porta par mariage en 1616 à Louis de Sco-
raille. Leur fille, Marie- Angélique , fut la belle duchesse
de Fontanges, un moment aimée de Louis XIV. — Eglise
commencée en 1468 avec un tableau curieux ; ruines du
château et de la chapelle de Beauclair ; château de Palmont
(xve siècle, restauré de nos jours). Les curiosités naturelles
sont très nombreuses et ont donné à la vallée de Fontanges
une réputation locale méritée ; citons en particulier : les
sources minérales de la Bastide, les gorges et les cascades
de la forêt du Bois-Noir, les cascades de Chavaroche, la
cascade et les grottes creusées de main d'homme de Cuzol,
la grotte tapissée d'efflorescences de sulfate de fer et ren-
fermant deux arbres fossiles de la Peyre-del-Cros, la cas-
cade de Pissa-del-Coin, etc. L. F.
FONTANGES (Marie-Angélique de Scoraille de Rous-
sille, duchesse de), maîtresse de Louis XIV, née en 1661,
morte au monastère de Port-Royal le 28 juil. 1681. Elle
appartenait à une ancienne famille du Rouergue et fut placée
comme fille d'honneur auprès de Madame. Louis XIV fut
séduit par sa beauté, et Mme de Montespan, qui redoutait
l'influence de Mme de Maintenon, vanta elle-même au roi
les charmes de Mlle de Fontanges. Mais celle-ci, ayant
promptement acquis une grande influence sur le roi, n'eut
que des dédains pour Mme de Montespan et se livra à de
folles prodigalités. Louis XIV lui avait donné le titre de
duchesse de Fontanges. Elle avait eu du roi un fils qui
mourut peu après sa naissance ; à ce moment, son état de
langueur l'obligea de quitter la cour et elle se retira à
Port-Royal, où elle mourut peu de temps après.
FONTANGY. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Semur, cant. de Précy-sous-Thil ; 445 hab.
FONTAIN1ÈRE. Com. du dép. de la Creuse, arr. d'Au-
busson, cant. d'Evaux ; 803 hab.
FONTANIER (Victor), voyageur français, né à Saint-
Flour le 23 sept. 1796, mort à Cività Vecchia le 26 mai
1857. Elève de l'Ecole normale (promotion de 1814), il
dut démissionner à cause de ses opinions libérales et entra
en 1819 à l'Ecole des naturalistes voyageurs. De 1822 à
1829, il voyagea en Orient pour le compte du gouverne-
ment français et publia le compte rendu de ses missions.
Il entra ensuite dans la carrière consulaire et il était
en 1840 consul par intérim lorsqu'il fut mis d'office à
la retraite pour avoir rompu de son propre chef avec
l'Angleterre. Il redevint en 1846 consul à Singapour et
mourut consul à Cività Vecchia. Il avait été élu membre
correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres le 23 déc. 1846. On a de lui : Voyage en Orient
{1821-1829), Turquie d'Asie, Constantinople, Grèce
•(Paris, 1829, 2 vol. in-8) ; Voyage en Orient (1831-32)
(Paris, 1834, in-8); Voyage dans Vlnde et dans le
golfe Persique (1844-47, '3 vol. in-8) ; Voyage dans
F archipel Indien (1852, in-8).
FONTANIEU (Gaspard-Moïse), marquis de Fiennes,éru-
dit et collectionneur français, né en 1693, mort à Paris,
au « petit hôtel de Conty », paroisse de Saint- André des
Arcs, le 26 sept. 1767. Il fut intendant de Grenoble de
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FONTANIEU -- FONTARABIE
1724 à 4740, et suivit en cette qualité l'armée qui entra
en Italie, en 1733. Il devint ensuite conseiller d'Etat ordi-
naire et contrôleur général des meubles de la couronne.
Il avait formé une très belle bibliothèque et réuni une
énorme quantité de pièces, tant imprimées que manus-
crites, sur l'histoire et le droit public de la France. Il
vendit toutes ses collections au roi, par acte du 27 août
1765, moyennant le payement, à sa mort, d'une somme
de 90,000 livres et une rente viagère de 8,000 livres.
Elles sont aujourd'hui à la Bibliothèque nationale. Les
imprimés et les estampes n'ont pas été gardés à part. Les
seules séries qui aient conservé leur intégrité sont les deux
suivantes : 1° Les Portefeuilles dans lesquels sont rangés
suivant l'ordre chronologique, pour la première partie, et
suivant l'ordre méthodique pour la seconde, la copie ou
l'analyse d'environ 100,000 pièces. Ils ne comprennent
pas moins de 881 numéros. Les volumes 876-88 1 ne con-
tiennent que des pièces originales. Un catalogue sommaire
en a été publié dans la Bibliothèque historique du père
Lelong (éd. 4 768-78, t. IV, 2e partie, pp. 1-11). 2° Un
recueil de pièces fugitives tant imprimées que manuscrites
qui comprend 366 vol. in-4 et 10 vol. de tables. Il est
conservé à la Réserve du département des imprimés.
Les manuscrits anciens ou modernes que Fontanieu pos-
sédait, ses ouvrages personnels et les papiers de ses inten-
dances de Dauphiné et de l'armée d'Italie furent insérés
dans le Supplément français (nos 4779 à 4987), dans
le Supplément latin (nos 890-929) et dans le fonds des
Cartulaires (nos 143-145). Ils ont été fondus depuis dans
le fonds français et dans le fonds latin. Le seul des ou-
vrages de Fontanieu qui ait été imprimé est le suivant :
la Rosalinde, imitée de V italien (La Haye [Paris], 1732,
2 vol. in-12). Nous ne pouvons énumérer ici les nombreux
travaux personnels de Fontanieu qui sont restés manuscrits.
Le père Lelong a mentionné les principaux dans sa Biblio-
thèque historique.
FONTANIL (Le). Coin, du dép. de l'Isère, arr. et cant-
(N.) de Grenoble, dans la vallée du Graisivaudan ; 465 hab.
Fontaine de la Lutinière, vaste grotte au fond de laquelle
un puits profond donne naissance à un torrent. Au sommet
du rocher du Cornillon, qui domine le village, vestiges
romains, ruines d'un château féodal et de constructions du
xvie siècle.
FONTANIN1 (Giusto), littérateur et professeur italien,
né à Saint-Daniel (Frioul) le 30 oct. 1666, mort à Rome
le 17 avr. 1736. Elève des jésuites de Goritz, puis biblio-
thécaire du cardinal Renato Imperiali, Fontanini vint à
Rome en 1697 et, nommé professeur d'éloquence par Clé-
ment XI, fit preuve parfois d'un certain libéralisme et
aussi de singuliers emportements, mais toujours d'un grand
dévouement pour la cause de la papauté, ce qui lui valut,
après une courte disgrâce sous Innocent XIII, les faveurs
de Benoît XIII et le titre d'archevêque d'Ancyre. Mais,
disgracié à nouveau par Clément XII, Fontanini ne s'oc-
cupa plus que d'accroître la longue liste de ses œuvres
littéraires et juridiques dont les dernières furent publiées
à Venise par son neveu et biographe, Domenico Fontanini.
On doit à Giusto Fontanini, entre autres publications, de
nombreux mémoires touchant les droits temporels du pape,
tant sur la ville de Commachio (Rome, 1709 et 1711,
in-fol.), que sur les duchés de Parme et de Plaisance
(1720, in-fol.); le catalogue de la bibliothèque du cardinal
Imperiali (Rome, 1711, in-fol.); une édition des décrets
de Gratien (Rome, 1724, 2 vol. in-fol.) ; des traités de
morale, une histoire littéraire du Frioul restreinte malheu-
reusement à la seule ville d'Aquilée, etc.
Bibl. : Domenico Fontanini, Vita ciel Fontanini ; Ve-
nise, 1755. — Liruti, Notizie délie vite ecl opère scritte da
letterati del Friuli ; Venise, 1760, in-4. — Fabroni, Vita-
rum Italorum doctrina excellentium{êd. 1778-1804), t. XIII,
p. 202. — Baseggio, dans Tipaldo, Biografia degli Itaitani
illustrati, t. VII, p. 438.
FONTANNES. Corn, du dép. de la Haute-Loire, arr. et
cant. de Rrioude ; 623 hab.
FO NTAN 0 N (Antoine), jurisconsulte français du xvie siè-
cle, né en Auvergne. Suivant Lacroix du Maine, il vivait
encore en 1584. 11 étudia le droit à Rourges et fut avocat
au Parlement de Paris. Il entreprit, avec l'aide de Pierre
Pithou, de Bergeron et d'autres jurisconsultes, de faire un
recueil des ordonnances des rois de France qui parut sous
ce titre : les Edits et ordonnances des roys de France,
depuis saint Loys jusqu'à présent (Paris, 1580, 4 vol.
in-fol.). Gabriel-Michel de La Rochemaillet revit cet ou-
vrage, sur l'ordre du chancelier de Sillery, et en donna
une nouvelle édition augmentée (Paris, 1611, 3 vol. in-
fol.). Les ordonnances recueillies par Fontanon ont été,
depuis, insérées dans la collection publiée par de Laurière
et ses continuateurs, sous ce titre : Ordonnances des rois
de France de la troisième race (Paris, 1723-1849,
21 vol. in-fol.). Fontanon a fait une traduction française
de la Pratique de Masuer (Paris, 1577, in-4) ; une der-
nière édition a été augmentée par Pierre Guenois (Paris,
1620, in-4). On doit aussi à Fontanon des notes sur un
ouvrage d'Azo. G. Regelsperger.
Bibl. : Taisand, les Vies des plus célèbres juriscon-
sultes; Paris, 1721, p. 268. — De Laurière, Ordonnances
des rois de France de la troisième race; Paris, 1723,
préface.
FONTANS. Corn, du dép. delà Lozère, arr. de Marve-
jols, cant. de Serverette; 821 hab.
FONTANT (Antoine), maître d'oeuvre et sculpteur fran-
çais du commencement du xvie siècle. Fontant travailla
pendant dix ans, de 1528 à 1538, au château de La
Rochefoueault (Charente) et y fut l'auteur de la grande vis
ou escalier de cent huit marches au haut duquel il sculpta
son buste, puis de deux autres parties de bâtiments, d'une
galerie à jour et peut-être de la chapelle. On attribue
aussi à Fontant la chapelle du prieuré de Saint-Florent.
Bibl. : L'abbé Michon, Statist. monum, de la Charente;
Angoulême, in-4, fig.
FONTARABIE. Ville d'Espagne, (en espagnol Fuenter-
rabia), ch.-l. de la prov. de Guipiizcoa ; 3,200 hab. Celte
ville est située près de l'embouchure de la Ridassoa, au
pied d'un contrefort du Jaizquibel. Fontarabie, connue des
anciens sous le nom à'OEaso, et désignée en latin moderne
sous celui de Fons Rapidus, tire son nom du basque et
signifie gué des sables. Les magnifiques écussons sculptés
sur quelques-unes des maisons de la Galle Mayor, ou
grand' rue de Fontarabie, témoignent de l'importance qu'eut
autrefois cette ville, aujourd'hui ruinée et appauvrie. Son
château, maintenant délabré, fut construit par le roi de
Navarre, Sanche le Fort, au xe siècle, et rebâti par
Charles-Quint. Fontarabie fut plusieurs fois assiégée, no-
tamment en 1521 par François Ier, et en 1638 par Condé
et par l'archevêque de Rordeaux qui ne purent s'en empa-
rer. C'est à Fontarabie que le mariage de Louis XIV avec
Marie-Thérèse d'Autriche fut signé par procuration le
2 juin 1660. Cette ville fut de nouveau assiégée en 1719
par Rerwick qui s'en rendit maître. Les murailles de Fon-
tarabie ont été en grande partie démolies par les canons
français en 1794. En 1808, 1813 et 1837, elle fut encore
prise ou reprise. Au N. de la ville est le petit faubourg
moderne de la Magdalena, habité par une population de
pêcheurs et fréquenté par les étrangers comme station de
bains de mer. G. Regelsperger.
Ra taille de Fontarabie. — Gagnée par Moncey sur les
Espagnols le 1er août 1794. Ayant réussi à chasser les
Espagnols de la vallée de Raztan, Moncey rassembla à Le-
saca environ 1,200 hommes, afin d'attaquer Fontarabie.
Son mouvement, commencé dès le 31 juil., ne put être
achevé que le 1er août, tant le brouillard était épais. Les
postes que l'ennemi avait établis sur le mont d'Aya furent
emportés presque sans résistance. Les Espagnols s'étant re-
tirés sur Oyarzun, le poste dTrun fut pris, découvrant ainsi
Fontarabie qui ne possédait que 600 hommes de garnison
et capitula à la première sommation. L'armée française
trouva dans la place une quantité énorme de munitions et de
vivres; en outre, elle fit 2,000 prisonniers, prit 250 ca-
FONTARABIE — FONTE
— 750 —
nons, 5 drapeaux et un nombre considérable d'effets mili-
taires.
Bibl. : André Favyn, Histoire de Navarre ; Paris, 1612.
FONTARÈCHE. Corn, du dép. du Gard, arr. d'Uzès,
can»t. de Lussan ; 253 hab.
FONTCLAIREAU. Com. du dép. delà Charente, arr. de
Ruffec, cant. de Mansle ; 441 hab..
FONTCOUVERTE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de
Narbonne, cant. de Lézignan : 541 hab.
FONTCOUVERTE. Com. du dép. de la Charente-Infé-
rieure, arr. et cant. (N.) de Saintes ; 607 hab. Fontcou-
verte est près delà source du Morillon, affluent de droite
de la Charente. Elle possède une église du xie ou du
xiie siècle, et, ce qui lui a valu son nom, un aqueduc ro-
main qui portait les eaux du Douhet à Saintes.
Bibl. : R.-P. Lesson, Fastes historiques du dép. de la
Charente-Inférieure, 1842-45, t. II, p. 45. — Recueil de la
Commission des arts et monuments historiques de la
Charente-Inférieure, 1886, 1. 1, p. 12, 3e série.
FONTCOUVERTE. Com. du dép. de la Savoie, arr. et
cant. de Saint-Jean-de-Maurienne ; 1,287 hab.
FONTE. I. Chimie. — La fonte est le produit immédiat
de la réduction des minerais de fer, c.-à-d. du fer uni à du
carbone, du silicium, et, ordinairement, à de faibles quan-
tités de phosphore, de soufre, de manganèse, d'arsenic.
Les aciers sont également des fers carbures, mais ce qui
les distingue de la fonte, c'est qu'ils jouissent de la pro-
priété de recevoir la trempe. Le fer et l'acier se distin-
guent de la fonte par leur malléabilité, propriété qui fait à
peu près défaut dans cette dernière. Le carbone n'est pas
le seul corps capable d'influer d'une manière aussi ex-
traordinaire sur les propriétés physiques du fer doux ; le
silicium et le manganèse sont dans le même cas. Au com-
mencement du siècle, on pensait que l'acier était un car-
bure de fer pur, tandis que la fonte renfermerait, en outre,
du silicium, du phosphore, du chrome, du manganèse, etc.
Le carbone donne au fer la dureté, la ténacité, la malléabi-
lité, l'élasticité, les qualités de la trempe, mais seulement
dans des limites spéciales. Aussi, ne peut-on fonder une
distinction précise et baser une classification des aciers et
des fontes sur la composition chimique. Lorsqu'ils ne ren-
ferment que du fer et du carbone, 0,15 °/0 de carbone
suffit pour que le métal commence à posséder la faculté
d'être trempé ; une teneur de 1,50 % est une limite au delà
de laquelle le fer carburé cesse d'être malléable. On admet
dans la pratique que le métal qui renferme moins de 0,15 %
de carbone est du fer doux; entre 0,15 et 1,50 °/0 vien-
nent prendre place les aciers ; au delà de cette dernière
quantité, le métal est de la fonte. Il résulte de ce qui pré-
cède que la fonte décarburée doit donner successivement
de l'acier et du fer doux : c'est ce que l'expérience con-
firme (V. Acier, 1. 1, p. 394).
II. Métallurgie.— Les fontes portent différents noms
suivant l'aspect de leur cassure et leur composition chimique.
Les fontes grises sont d'une teinte foncée et le carbone en
excès s'y est séparé à l'état de graphite; aussi leur donne-
t-onle nom de fontes graphiteuses. Une partie seulement du
carbone qu'elles renferment se trouve à l'état combiné, l'autre
s'est séparée de la masse au moment de la solidification. Les
fontes blanches renferment le carbone à l'état combiné.
Les fontes truitées sont un intermédiaire entre les fontes
blanches et les fontes grises ; c'est un mélange des deux
qualités. Tantôt c'est la fonte blanche qui domine et alors
la fonte grise disséminée en petites sphères se présente
sous la forme de taches circulaires noires résultant de
l'intercession du plan de la cassure avec les sphères de
fonte grise. Ou bien, quand la fonte grise domine, la
fonte blanche se présente sous forme de taches blanches
sur le fond gris de la cassure. Dans le premier cas, on
dit que la fonte est truitée blanche et, dans le second cas,
on l'appelle fonte truitée grise. Le mot truite a été appli-
qué à cette nature de fonte parce que sa cassure rappelle
l'aspect de la peau de la truite. Les fontes se classent
dans le commerce en numéros qui indiquent leur nature.
Les fontes les plus graphiteuses, les plus grises, portent le
n° 1 ; elles sont généralement tendres à l'outil, mais l'excès
de carbone qu'elles renferment leur donne peu de fluidité
et peu de résistance. Le n° 3 est le type de la fonte de
moulage, facile à couler et assez résistante. Le n° 2 est
intermédiaire. Le n° 4 est à grain très serré; on n'y
aperçoit guère de points noirs de graphite, c'est la plus
résistante des fontes. Pour les numéros supérieurs, la clas-
sification varie avec les pays et les usines. Généralement,
les nos 5 et 6 sont de nuance truitée ; au delà ce sont des
fontes blanches. Les fontes blanches se divisent en fonte
lamelleuse, correspondant à une allure du haut fourneau
relativement chaude ; fonte grenue, moins carbonée que
la précédente ; fonte caverneuse, présentant des soufflures
résultant de la réaction de l'oxyde de fer du minerai sur
le carbone combiné, avec production d'oxyde de carbone,
qui est resté emprisonné dans la masse. Un des corps que
renferme fréquemment la fonte, c'est le silicium ; les fontes
qui en ont une proportion de plus de 1 °/0 sont appelées
fontes siliceuses. Elles ont été mises en lumière par l'opé-
ration Bessemer où elles jouent un rôle important. Le sili-
cium qu'elles renferment est un élément calorifique pré-
pondérant qui se transforme en silice pendant l'affinage.
Au contraire, dans le puddlage et l'affinage au bas foyer,
on évite la présence du silicium, car il retarde la décarbu-
ration et cause un déchet supplémentaire par la grande
quantité de silice qu'il produit. Les fontes Bessemer doi-
vent renfermer au moins 1,5 °/o de silicium, pas plus de
2 millièmes de soufre et moins de 1 millième de phos-
phore. Les fontes Thomas, destinées à la déphosphoration,
doivent contenir au plus 1 °/0 de silicium, moins de 2 mil-
lièmes de soufre et près de 2 °/0 de phosohore. Le man-
ganèse dans la proportion de 1 à 2 °/0 semble un auxiliaire
très utile.
La fonte étant chauffée se dilate, et si on développe
l'action du feu elle entre en fusion. Elle possède à ce mo-
ment une propriété d'expansion telle que, liquide, elle peut
s'étendre partout où elle trouve des issues. C'est pourquoi
les contours des objets coulés les plus délicats sont atteints
et formés avec une perfection d'autant plus grande que le
métal coulé est plus chaud et plus liquide. La contraction
que les fondeurs appellent le retrait de fonte est d'autant
plus prononcée que la fonte est plus blanche. Ce phéno-
mène est en raison inverse de l'expansion. La résistance de
la fonte grise dépasse de 1/2 à 1/3 celle de la fonte blanche.
La fonte grise, refroidie lentement et à l'abri du contact
de l'air extérieur, conserve toute sa qualité ; mais si, au
contraire, elle est maintenue en bain et soumise à l'action
d'un courant d'air, elle se couvre d'une couche oxydée,
devient poreuse, perd de sa résistance et subit un déchet
considérable. La fonte, exposée à l'air humide, s'oxyde et
se recouvre plus ou moins rapidement d'une couche jau-
nâtre appelée rouille. Ces quelques notions préliminaires
sur les fontes étant données, nous parlerons des fontes
spéciales rencontrées fréquemment dans l'industrie.
On donne les noms de fonte miroitante, fonte spécu-
laire, fonte à facettes, à la fonte renfermant une propor-
tion de manganèse supérieure à 4 ou 5 °/0. Cette qualité
de fonte est blanche, très carbonée, car elle renferme
jusqu'à 6 °/0 de carbone combiné, sans aucun graphite, et
sa cassure est tout à fait différente de celle des autres
fontes. Elle se brise en grandes lamelles, toujours irisées
quand elles se sont produites à chaud, mais qui peuvent
être d'un blanc brillant quand la cassure a été obtenue à
froid. C'est de ce nom que vient le nom de fonte spéculaire,
ou miroitante, en allemand spiegel-eisen. On donne le
nom de fonte trempée à la fonte durcie superficiellement
par un refroidissement rapide au contact d'un corps froid.
La fonte grise devient blanche par la trempe et acquiert de
la fragilité ;• aussi on ne s'en sert que dans des cas spé-
ciaux et on l'évite dans la fonderie des pièces mécaniques
ordinaires. La trempe de la fonte semble due au passage,
à l'état combiné, de tout le carbone que renferme celle-ci ;
donc, toute autre cause qui empêchera la dissolution du
carbone empêchera, en même temps, la trempe de la fonte ;
c'est ainsi que les fontes siliceuses sont peu propres à la
trempe, tandis que les fontes manganésifères la favorise-
ront. Il existe plusieurs procédés pour obtenir la fonte
trempée ; nous allons les passer en revue. En se servant
du cubilot, on fait des mélanges de fonte grise à grain
serré et de fonte truitée ou blanche. On recherche, dans
ce but, les fontes au bois faites à l'air froid pour éviter le
silicium. Avant la coulée des pièces, on rassemble la fonte
liquide dans une poche, et on ne l'introduit dans les moules
en fonte que lorsque sa température s'est notablement
abaissée. L'épaisseur et le volume du moule en fonte,
appelé coquille, influent sur le degré de trempe. Celle-ci
semble d'autant plus forte que la fonte est moins chaude
par rapport à la température de la coquille. Ce fait, qui
est le contraire de ce qu'on observe dans la trempe de
l'acier, tient sans doute à ce que les rapports de masse
sont différents dans les deux cas. On trempe généralement
l'acier en objets relativement petits, dans une masse liquide
assez grande et où les surfaces en contact sont renouvelées.
La fonte se trempe, au contraire, en grandes masses rela-
tivement aux moules qui les renferment, et réchauffe ceux-
ci d'autant plus que sa température initiale est plus élevée.
La fonte trempée s'obtient aussi par la fusion au cubilot
d'un mélange de fonte et de fer. On prend de la bonne
fonte grise, aussi peu siliceuse que possible, en y mélan-
geant des ferrailles de bonne qualité ; on arrive ainsi à une
teneur en silicium très faible et les fontes obtenues peu-
vent être très denses, sans cependant manquer de résis-
tance. On obtient enfin les fontes trempées par la fusion
au four Siemens, d'un mélange de fonte et d'acier. Par
cette méthode, on peut employer des fontes siliceuses sans
inconvénient, car le mélange avec les ribions d'acier plus
ou moins oxydés fait disparaître presque totalement le
silicium introduit.
En ayant soin de prendre des échantillons fréquents
pendant la fusion, on peut opérer avec beaucoup de certi-
tude et obtenir des produits plus réguliers que par les
autres procédés. Au lieu de débris d'acier, on peut ajouter
de la fonte mazée, ce qui a également l'avantage de ne pas
incorporer de silicium dans le mélange à fondre. La fonte
trempée ne servait guère qu'à la fabrication des cylindres
de laminoirs pour tôles minces, lorsque dans ces dernières
années, surtout en Allemagne et en Angleterre, on a trouvé
des débouchés nouveaux à cette matière. Un industriel de
Magdebourg, M. Gruson, a beaucoup travaillé la fabrica-
tion et les applications de la fonte trempée ; il y a même
quelques années on avait donné le nom de métal Gruson à
la qualité qu'il avait réussi à produire et qui présentait,
à la fois, de la dureté et de la résistance. On a fait sur-
tout des croisements et des changements de voie en fonte
trempée ; mais, sous le choc répété des trains, il finit par
se produire des fissures. Un emploi important du métal
Gruson, c'est l'application aux fortifications permanentes.
Ajoutons que, sous les coups multipliés de l'artillerie, la
fonte trempée se fissure et finit par se pulvériser. En
4867, à l'Exposition universelle, M. Gruson montrait des
projectiles en fonte trempée qui avaient percé d'épais blin-
dages de fer ; ces projectiles, ogivo-cylindriques, n'étaient
trempés et blanchis que dans l'ogive, le corps cylindrique
restant gris, à texture serrée. En tir normal, ces projec-
tiles se comportaient bien, tandis qu'en tir oblique ils tom-
baient en morceaux. Gruson en Allemagne, Gradatz en
Styrie, Gregorini en Lombardie,Finspong en Suède, Wool-
wich en Angleterre, Commentry et autrefois Terre-Noire
en France, telles sont les meilleures marques de projectiles
en fonte dure et trempée, fonte qu'on remplace actuelle-
ment par l'acier chromé. Il existe à Budapest un centre
important de fabrication de fonte trempée pour cylindres
de meunerie.
Il nous reste à parler de la fonte malléable. Il est pro-
bable que, dès le xve siècle, on a cherché à adoucir la
754 — FONTE
fonte moulée au moyen d'opérations qui étaient restées plus
ou moins secrètes. La première publication sur ce sujet est
due à Réaumur dans VArt de convertir le fer forgé en
acier et VArt d'adoucir le fer fondu, paru en 4722; il
a jeté les bases de l'industrie de la fonte malléable. En
4863, il ne se produisait guère en France que 4,500 tonnes
de fonte malléable par an et à peu près autant en Alle-
magne, tandis qu'en Angleterre il s'en faisait près de
30,000 tonnes. Actuellement, ces chiffres se sont beau-
coup augmentés et le bon marché des objets ainsi obtenus
en a développé l'usage. Beaucoup de pièces que l'on fabri-
quait autrefois en fer forgé s'obtiennent maintenant en
fonte malléable, au détriment parfois du consommateur,
car la fragilité du métal n'a pas toujours entièrement dis-
paru. La base de l'industrie de la fonte malléable, c'est le
recuit des objets moulés en fonte en présence de matières
neutres ou oxydantes. La première opération, c'est d'obtenir
un moulage bien net; et, comme la fluidité de la fonte ne
doit pas tenir à une cause étrangère, comme la présence
du phosphore, par exemple, il faut que la fonte soit très
chaude, ce qu'on n'obtient sûrement que par la fusion au
creuset. Cette fusion se fait, soit dans des petits foyers à
coke, comme ceux que l'on emploie à Sheflield pour l'acier
à outils, ou chez Krupp, à Essen, pour l'acier à canons ;
soit, ce qui est plus économique, dans des creusets chauf-
fés au gaz par le système Siemens. On arrive ainsi à une
fluidité au moins aussi grande en ne consommant que de
la houille et, de plus, comme le creuset n'est pas en con-
tact avec les cendres des combustibles, il peut encore ré-
sister à des fusions répétées. La meilleure matière pour le
creuset est le graphite; il est complètement réfractaire et
n'introduit pas de silicium dans la fonte comme lorsque la
pâte est argileuse, et nous verrons qu'on évite la pré-
sence du silicium dans la fonte destinée à être rendue
malléable. Pour les pièces plus volumineuses et dont la
qualité est plus négligée, on se contente de la fusion au
cubilot avec un excès de coke. Le moulage doit être fait
avec soin, les fontes employées ayant un retrait de 2 %
et se refroidissant assez vite. Il faut éviter les épaisseurs
supérieures à 3 ou 4 centim . et n'employer que les angles
arrondis. La fonte étant bien fluide, on procède à la coulée.
Dès que le métal est solidifié, on démoule rapidement pour
éviter la production des fentes dans les parties minces,
au point où elles sont reliées anx parties plus épaisses.
On ébarbe et on nettoie avec soin, ce qui est une opération
délicate, amenant beaucoup de rebuts. La fonte étant plus
ou moins blanche est assez fragile et le détachage des jets
de coulée peut amener des ruptures par un coup frappé
à faux. Avant de disposer les pièces dans les caisses à
recuire, on les enduit quelquefois d'une couche de blanc
d'Espagne en suspension dans du sel ammoniac. On évite
ainsi les collages, les adhérences pendant le chauffage. La
fonte recherchée pour la fabrication des objets malléables
est en général sans soufre ni phosphore et peu siliceuse.
On l'obtient surtout dans le Cumberland et le Lancashire
avec des hématites rouges de première qualité. On repasse
dans la fusion les pièces manquées, les jets de coulée en
proportion plus ou moins forte suivant la qualité que l'on
cherche à obtenir. La fonte réellement graphiteuse est
écartée ; on se contente de fontes d'un gris clair pour les
objets les plus volumineux ou dont la qualité est moins
soignée ; en général, on n'emploie que des fontes blanches
chaudes ou truitées blanches, afin d'éviter la présence du
graphite, autant que possible, tout en conservant de la
fluidité. Ces fontes ont, de plus, l'avantage de renfermer
peu de silicium, puisqu'elles sont produites à une tempé-
rature relativement basse et que le silicium se réduit sur-
tout en présence d'un excès de chaleur dans le haut
fourneau. Ces précautions de n'employer au moulage des
pièces qui doivent être transformées en fonte malléable
que de la fonte peu siliceuse et peu graphiteuse, sont le
résultat de la pratique, mais elles sont parfaitement justi-
fiées par l'étude scientifique des transformations chimiques
FONTE
— 752 —
que subit le métal pendant le recuit. On a étudié ce que
deviennent les difîérents éléments de la fonte pendant cette
opération Dans un exemple cité par Davenport, on a les
résultats suivants :
DÉSIGNATION
Avant
' Après
un premier
recuit.
Après
un deuxième
recuit.
Carbone
Silicium
Soufre
0,465
0,585
0,105
0,280
0,585
0,430
0,614
0,147
0,290
0,616
moins de 0, 1
0,614
0,162
0,290
0,575
Phosphore
Manganèse
Quoique le carbone n'ait pas été distingué en carbone
graphiteux et carbone combiné, ces résultats sont intéres-
sants. Le silicium, le phosphore et le manganèse ne sont
pas modifiés, et le soufre est un peu augmenté par l'in-
fluence du combustible employé au chauffage. Seul le car-
bone est éliminé sérieusement sous la forme gazeuse de
l'oxyde de carbone probablement; tandis que les autres
éléments ne pouvant donner lieu qu'à des composés solides
et non volatiles à la température à laquelle on opère, ils
ne sauraient diminuer ; ils n'ont donc pour efiet que d'agir
défavorablement sur la résistance du produit. Dans une
étude qui a paru en 4881 (Annales de chimie et de
physique), M. Forquignon a publié le résultat de ses
recherches sur les effets que produisent sur la fonte les
différents recuits. Quand on recuit la fonte dans une
matière inerte, comme le charbon, voici ce qui se produit :
par la seule action d'une température élevée, il y aurait
changement d'état du carbone combiné ; il se formerait une
espèce de carbone amorphe d'une nature spéciale, se sépa-
rant du fer et lui laissant alors une douceur plus grande.
Ce qui est plus probable encore, c'est qu'il se forme un
nouveau carbure de fer, moins riche en carbone, tandis
que l'excès de celui-ci se sépare et forme de petites agglo-
mérations disséminées plus ou moins irrégulièrement. La
présence du manganèse entrave cet adoucissement, sans
doute à cause de la grande affinité de ce corps pour le car-
bone. Quand on recuit la fonte dans une matière oxydante,
comme c'est le cas dans l'industrie de la fonte malléable,
les choses se passent différemment. Le carbone est éliminé
de proche en proche, en commençant par la couche super-
ficielle ; le graphite de la couche suivante se combine avec
le fer de la couche décarburée et disparaît ensuite par l'ac-
tion oxydante, etc., et l'opération continue jusqu'au mini-
mum de carburation possible. C'est l'inverse de ce qui se
passe dans la cémentation où le fer se charge, de proche
en proche, de carbone, en commençant par la surface exté-
rieure. La matière oxydante employée actuellement dans le
recuit pour la fonte malléable est l'oxyde rouge de fer ou
peroxyde anhydre ; c'est lui qui aide le plus facilement
son oxygène à se transformer en oxyde magnétique. Cet
oxyde s'emploie plutôt en grains fins qu'en poudre. L'oxyde
de fer est stratifié par couches minces avec les objets en
fonte qui sont généralement de petite dimension, clefs de
serrure, boucles de harnais, éperons, etc.; leur diamètre
ne doit pas dépasser 10 à 12 centim., autrement l'action se-
rait incomplète ; la décarburation ne pénétrerait pas jus-
qu'au centre et il faudrait plusieurs recuits. Le tout est
placé dans des vases clos empilés dans un foyer en forme
de four. On évite soigneusement l'action de l'air sur les
pièces à recuire, ce qui s'obtient par une bonne fermeture
des caisses et leur lutage avec de l'argile. Ces caisses
durent très peu et se font généralement en fonte de même
nature que celle que l'on doit rendre malléable. La fonte
grise se ramollit et donne lieu à des déformations. Le four
à recuire employé est un four de galère, ayant des grilles
sur toute la longueur du grand côté du rectangle et qui
porte, sur un massif central élevé au-dessus du niveau de la
houille, une série de caisses cylindriques de 30 à 35 centim.
de diamètre sur environ autant de hauteur ; il y a quatre
rangées de ces caisses. Lorsque le four est rempli, on
allume le feu et on fait progresser lentement la tempéra-
ture qui atteint le rouge vif au bout de vingt-quatre heures ;
on l'y maintient' pendant trente-six à quarante-huit heures ;
puis on cesse d'alimenter les grilles en bouchant les cen-
driers. Le refroidissement dure de trente-six à quarante-
huit heures, après quoi on passe au défournement. La
consommation de houille est assez forte avec un sem-
blable mode de chauffage. Un type de four à recuire très
usité en Angleterre est le four du système Siemens, qui
permet de régler facilement la température; mais, pour
' qu'il soit économique, il faut que les gazogènes soient réu-
nis et desservent un ensemble de plusieurs fours. La fonte
malléable est poreuse et de densité assez faible, 7,10 au
lieu de 7,7 à 7,8 que possèdent l'acier et le fer. Quand la
malléabilisation a été bien faite, le métal- est devenu mou
et flexible à froid ; il est rare cependant qu'il ne reste pas
un noyau central un peu fonte ux. La fonte malléable peut
atteindre une résistance à la traction de 35 kilogr. par
millimètre carré, mais avec peu ou point d'allongement.
Après le recuit, les pièces qui ont 3 ou 4 millim. d'épais-
seur sont assez minces pour être considérées comme suffi-
samment décarburées ; quand l'épaisseur atteint 10 à
20 millim., il faut deux recuits, et de 20 à 30 ou
40 millim., au moins trois recuits. Les pièces, recuites
sont placées dans des tonneaux tournants remplis de sable
pour enlever le minerai et le sable de moulage qui peuvent
adhérer. Les objets rendus malléables sont ensuite livrés
aux ouvriers pour leur donner le fini demandé.
La production des fontes s'est élevée en France, en 1891 ,
à 1,919, 185 tonnes, en diminutionde43,011surl890.Sur
le total, il y a 1,888,985 tonnes de fonte au coke, 11,631
tonnes de fonte au charbon de bois et 18,567 tonnes au
mélange des combustibles. A un autre point de vue, le total
se partage en 1,497,751 tonnes de fontes d'affinage,
421,431 tonnes de fonte de moulage ou de fonte moulée
en première fusion. La Meurthe-et-Moselle a produit
1,076,632 tonnes, soit plus de la moitié du total ; après
vient le Nord pour 220,470; Saône-et-Loire pour 87,158 ;
le Pas-de-Calais, qui était troisième en 1890, ne vient en
1891 qu'en quatrième lieu avec 82,382 tonnes. Nous don-
nons en détail la fabrication des fontes à l'art. Haut
Fourneau. L. Knab.
Bronzage de la fonte (V. Bronzage).
III. Travaux publics (V. Charpente et Construction
métalliques).
IV. Beaux- Arts. — Historique. — Les Grecs, qui
ont entouré de légendes merveilleuses l'invention de tous
les arts, faisaient remonter la découverte de l'art de fondre
les métaux, et en particulier le cuivre pur ou le bronze,
à des êtres mythiques qu'ils appelaient Cabires ou Dac-
tyles. La révélation de cette technique se serait faite à
la suite d'un vaste incendie qui, embrasant des forêts en-
tières sur les montagnes, aurait fondu des blocs de mi-
nerai et fait couler sur les pentes le métal liquéfié. Quoi
qu'il en soit de cette tradition, les découvertes modernes
ont confirmé la haute antiquité de l'emploi du cuivre pur
ou allié avec l'étain et le plomb, et une longue période de
l'histoire des premières civilisations humaines est aujour-
d'hui nommée l'âge du bronze. Mais pendant longtemps le
métal fut simplement coulé par plaques, qui étaient ensuite
travaillées au marteau. Les armes étaient battues, puis
probablement trempées, comme le sont aujourd'hui les
armes de fer ; les objets mobiliers ou décoratifs étaient for-
més de plaques travaillées au repoussé et assemblées au
moyen de clous. Même les plus anciennes statues étaient
formées, si l'on en croit Pausanias (III, 17, 6), de lames
soudées ou rivées. Tel est encore l'état de l'industrie hel-
lénique du métal, à l'époque homérique (Iliade, XVIII,
378, etc.). Mais, longtemps auparavant, les Egyptiens, ces
grands initiateurs, avaient fait le progrès décisif, en sub-
stituant au travail du marteau la fonte dans un moule. Les
monuments les plus anciens de cette nouvelle technique
— 753 —
FONTE — FONTENAY
sont la virole du sceptre du roi Pdpi (VIe dynastie), au
British Muséum, et deux statuettes de moyenne grandeur,
ayant fait partie de la collection Posno, et que Longpérier
attribue à la période memphite. Le plus remarquable, c'est
que, tandis que les bronzes archaïques de la Grèce et de
l'Etrurie sont pleins, ces bronzes égyptiens sont encore
remplis du sable qui avait formé le noyau. L'Egypte pra-
tiquait donc la fonte creuse dix-huit siècles av. J.-C. Elle
produisit par la suite un nombre immense de figurines en
bronze dont on a retrouvé de véritables dépôts destinés au
commerce, et qui se répandirent, par l'intermédiaire des
Phéniciens, dans l'archipel et la péninsule grecque. Les
Grecs ne croyaient avoir connu la fonte à noyau qu'au
vme siècle, époque où, disent-ils, Rhœkos et Theodoros de
Samos l'inventèrent : on sait que lorsque, à propos des ori-
gines de leur art, les historiens grecs parlent d'invention,
il faut lire importation. Mais l'introduction même des œuvres
égyptiennes doit être reportée plus haut et, sans parler des
statuettes venues de Sidon, la ville riche en bronze (izokû-
XaXxoç) et connues à l'époque homérique, on a trouvé
en Crète (4885) des boucliers votifs, de fabrique phéni-
cienne, remontant au ixe siècle, et, auprès, des cratères de
fabrique indigène, en bronze coulé. Ce qui est certain, c'est
que l'art de la fonte, une fois connu dans la Grèce, y fit
de rapides progrès. Sicyone y devint, dès le vme siècle, un
centre d'art et d'industrie très important pour le bronze, et
au vie siècle, nous trouvons des œuvres comme V Apollon
de Piombius (au Louvre), qui, pour la finesse de la fonte
et la perfection du finissage, ne laissent rien à désirer. Les
grands bronziers de l'antiquité, parmi lesquels il suffit de
citer Polyclète et Myron, opéraient eux-mêmes la fonte de
leurs œuvres, comme feront à la Renaissance Ghiberti et
Benvenuto Cellini. Le procédé employé était la fonte à la
cire perdue, d'un seul jet. Quant au "procédé de la fonte
par pièces rapportées, il était certainement employé dès les
premiers temps au moins pour les objets mobiliers.
Tandis que la Grèce portait ainsi l'art du bronze à sa
perfection, les pays celtiques, qui étaient restés à l'âge de
bronze, apprenaient aussi, peut-être de l'Orient, l'art de
couler le métal dans des moules. On a même retrouvé de
ces moules à haches en Angleterre (1779) et à Quettetot
en Normandie (1827).
Au moyen âge, les fondeurs exécutèrent à profusion des
cloches et des objets décoratifs (le trône de Dagobert, at-
tribué à saint Eloi ; les fonts baptismaux, les portes et
les colonnes d'Hildesheim, etc.), mais, en revanche, très
peu de statues. On sait comment l'art de la fonte monu-
mentale fut ressuscité à l'époque de la Renaissance par les
plus grands artistes. Qu'il suffise de citer le tabernacle
d'Or San Michèle, par Orcagna ; les portes du Baptis-
tère (chaque tableau fondu à part), par Ghiberti, et de la
sacristie de San Lorenzo, par Donatello ; la statue
équestre de Gattamelata, par Donatello ; celle du Col-
leone, œuvre de Verrocchio, fondue par le célèbre Véni-
tien Alessandro Leopardi,ie Persée dont Cellini a raconté la
fonte émouvante, les innombrables plaquettes de bronze, etc.
On sait que les admirables médailles des Pisanello, des
Sperandio, etc., sont toutes fondues à la' cire perdue, et
non frappées. Depuis le xvie siècle, on peut citer parmi les
fontes célèbres : les bronzes exécutés aux environs de 1540
par Guillaume Durant, Pierre Bontemps, J. Le Roux dit
Picart, Cardin du Monstier, P. Beauchêne, J. Challuau,
sur les moulages d'antiques envoyés de Rome par le Pri-
matice (la plupart sont aujourd'hui au Louvre) ; la statue
équestre de Louis XIV, par Girardon, de 21 pieds de
haut, coulée d'un seul jet, en 1699, par Jean-Balthasar
Relier ; celle de Louis XV, par Bouchardon, fondue de
même en 1758 par Gor; la statue équestre de Pierre le
Grand, masse de 1,500,000 kil., fondue à Saint-Péters-
bourg par Falconnet, après douze ans de travail ; la co-
lonne Vendôme, fondue en 425 plaques, de 1806 à 1810,
par J.-B. Launay ; la colonne de Juillet, par Soyez; le
Lion de Barye, aux Tuileries, fondu d'un seul jet par Ho-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
noré Gonon ; le bas-relief colossal de M. Dalou, les Etats
généraux, 23 juin 1189, aujourd'hui à la Chambre
des députés, fondu de même par le fils d'Honoré,
Eugène Gonon (V. ce nom), etc. On sait que cet artiste
revint au procédé de fonte à cire perdue ; il en a indiqué
tous les détails dans un manuscrit déposé en 1876 au
ministère des beaux-arts. Pendant longtemps, les procédés
ne furent pas conservés par une tradition écrite, si bien qu'en
1758, par exemple, le souvenir de la technique des Keller
s'étant perdu, on dut tout réinventer sur nouveaux frais.
Cependant, comme, le principe étant donné, les principales
applications s'ensuivent logiquement, il n'y a que des dif-
férences de détail entre les procédés7 employés depuis le
xvie siècle et les procédés actuels (pour les détails complé-
mentaires, V. l'art. Bronze, t. VJII, p. 144). E. Bertaux.
Bibl. : E. Guillaume, art. Bronze, dans Dictionnaire
de V Académie des Beaux-Arts.— Perrot et Chipiez, His-
toire de l'art dans Vantiquité, I, II, V. — Collignon, la
Sculpture grecque, I. — Archœologia, Y.— E. Guillaume,
la Sculpture en bronze, conférence faite en 1868. — Lau-
rent-Daragon, V Art du bronze.— Barbey deJouy, les
Fontes du Primatice.
FONTEBUONI (Anastasio), peintre italien, né à Flo-
rence vers 1576, mort en 1610. Elève du chevalier Pas-
signano, fixé de bonne heure à Rome, il y exécuta de
nombreuses peintures dans les églises de Santa Bibiana,
San Giacomo degli Spagnuoli, Santa Prisca, San Paolo et
San Giovanni dei Fiorentini. — Son frère, Bartolommeo,
étudia également la peinture ; s'étant fait jésuite, il fut
envoyé comme missionnaire dans l'Inde et y exécuta des
fresques dans l'église de Goa.
FONTEIA (Gens), famille plébéienne de l'ancienne Rome,
originaire de Tusculum. Ses membres portaient les noms
(cognomen) à' Agrippa, Balbus et Capito. Les principaux
furent :
T. Fonteius, légat de Cornélius Scipion en Espagne
(212 av. J.-C), prit le commandement après la mort des
deux Scipions, mais se vit préférer par les soldats un officier
inférieur, L. Marcius.
M. Fonteius, propréteur de la Gaule narbonnaise, de
75 à 73 av. J.-C. De retour à Rome, il fut accusé de con-
cussion sur la plainte des Gaulois. Cicéron le défendit (69)
dans un plaidoyer que nous ne possédons que par frag-
ments, mais qui fournit de curieux renseignements sur la
façon dont on comprenait alors à Rome l'administration
provinciale.
P. Fonteius, jeune plébéien qui serait de père adoptif
du patricien Clodius, quand il prit fantaisie à celui-ci de
passer dans les rangs de la plèbe (V. Clodius).
C. Fonteius Capito. a, consul en 12 ap. J.-C, procon-
sul d'Asie ; — b, consul en 59 ap. J.-C
Fonteius Agrippa, proconsul d'Asie (69 ap. J.-C),
gouverneur de Mésie (70) où il fut tué par les Sarmates.
FONTEIUS (V. Fonteia [Gens]).
FONTELAYE(La). Corn, du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Dieppe, cant. de Tôtes ; 77 hab.
FONTENAILLES.Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Melun, cant. de Mormant ; 680 hab.
FONTEN AILLES. Corn, du dép. de l'Yonne, arr.
d'Auxerre, cant. de Courson; 174 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. d'Ecos ; 250 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de l'Indre, arr. d'Issoudun,
cant. de Vatan ; 356 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de la Manche, arr. et cant.
de Mortain ; 440 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de la Manche, arr. de Va-
lognes, cant. de Montebourg ; 432 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. et
cant. de Charolles ; 83 hab.
FONTENAY. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. de La
Flèche, cant. de Brûlon; 543 hab.
FONTENAY (Le). Corn, du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. du Havre, cant. de Montivilliers ; 422 hab. Intéres-
48
FONTENAY
754
santé église, moderne mais qui a conservé un clocher du
xiie siècle, une chapelle seigneuriale et des fonts de la
Renaissance. Château féodal de Tôt-sur-1 a-Mer. Château
d'Epréménil.
FONTENAY. Corn, du dép. des Vosges, arr. d'Epinal,
cant. de Bruyères; 506 hab.
FONTE NÂY-aux-Roses. Corn. du dép. de la Seine, arr.
et cant. de Sceaux ; 2,652 hab. Stat. du chemin de fer
de Paris à Limours (embranchement de Bourg-la-Reine à
Sceaux). Cette localité est connue depuis le xne siècle ;
elle appartenait alors à l'abbaye de Sainte-Geneviève de
Paris qui en posséda la seigneurie principale jusqu'à la
Révolution. La culture des roses y est bien moins impor-
tante aujourd'hui qu'il y a deux siècles, époque à laquelle
le lieu commença à recevoir le surnom qu'il a gardé ;
jusque-là, on le trouve toujours nommé Fontenay-sous-
Bagneux. L'Ecole normale supérieure d'institutrices (V.
Ecole, t. XV, p. 378) est située à Fontenay-aux-Roses,
ainsi que le petit collège Sainte-Barbe, connu sous le nom
de Sainte-Barbe-des -Champs.
Bibl. : L'abbé Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris,
t. III, pp. 559-565 de redit, de 1883.
FONTENAY-de-Bossery. Com. du dép. de l'Aube, arr.
et cant. de Nogent ; 109 hab. Vestiges d'une voie ro-
maine. Eglise du xne siècle.
FONTENAY-le-Comte. Ch.-l. d'arr. du dép. de la
Vendée, sur le versant d'une colline dominant la Vendée ;
9,864 hab. Collège communal, bibliothèque publique.
Fabriques importantes de chapeaux. Par la Vendée se fait
un commerce assez actif de céréales, bois de construction
et de chauffage, merrains, œillards, charbons de bois,
houille, chanvre, cordes, lin, etc., dirigés sur Marans en
vue de l'exportation. L'importation consiste en vins, en-
grais, bois du Nord, etc.
Le site de Fontenay était, dès l'époque préhistorique,
un centre habité, ainsi que l'ont démontré des découvertes
successives de silex taillés, de poteries ; il s'y développa
plus tard une ville gauloise, comme en témoignent des
monnaies et des instruments de bronze qui y ont été
trouvés. On y a mis au jour également d'assez nombreux
vestiges de l'époque gallo-romaine, et notamment des subs-
tructions sur le rocher au pied duquel jaillit la fontaine
à laquelle la ville doit son nom, et les ruines de plusieurs
villas. Dans l'une d'elles, les fouilles ont amené, en 4843,
la très curieuse découverte de la sépulture d'une femme
peintre du me siècle, enterrée avec de nombreux instru-
ments de son art. A l'époque mérovingienne, Fontenay
acquit une certaine importance par suite de l'atelier moné-
taire de la villa de Thiversay (Theodeberciacus) , où
furent frappées un grand nombre de monnaies mérovin-
giennes. Plus tard,' les comtes de Poitou construisirent à
Fontenay un château dont subsistent un pan de muraille
dominant la rivière, deux arcades romanes, une partie de
la terrasse du S.-O. et deux poternes du xive siècle. Ce
château passa successivement plus tard aux maisons de
Mauléon, puis de Lusignan. Louis IX l'enleva à cette der-
nière, en 1242, pour le donner à son frère Alfonse de Poi-
tiers, sous lequel la ville devint la capitale du Bas-Poitou ;
c'est depuis lors qu'à l'ancien nom de Fontenay s'est ajoutée
la spécification de le Comte. Le traité de Brétigny céda la
ville aux Anglais ; elle fut reconquise par Duguesclin en
1372. Pendant les guerres de religion, Fontenay fut jus-
qu'à sept fois prise et reprise par les protestants et les
catholiques. En 1568, un des lieutenants de Coligny, Plu-
viant, s'en étant emparé, un capitaine catholique, Haute-
combes, se jeta avec sept bourgeois dans le château et ne
se rendit que lorsque les assiégeants eurent mis le feu aux
portes. En 1570, La Noue et Pluviant revinrent après la
bataille de Sainte-Gemme attaquer la place qui se rendit
au moment où les assiégeants allaient abandonner leur
entreprise. En 1574, la ville fut enlevée par surprise,
pendant la nuit du mercredi des Cendres, par les protes-
tants Saint-Etienne et Dessay. Enfin le duc de Montpen-
sier, après une première tentative inutile, vint assiéger la
ville le 1er sept, de cette même année ; elle se rendit le 21 ,
après une vigoureuse résistance. Le 20 juin 1616 fut
signée à Fontenay entre Louis XIII et le prince de Condé
une trêve qui précéda de quelques semaines l'ouverture des
conférences de Loudun. En 1621, la place fut démantelée.
Devenu, en 1790, ch.-l. du dép. de la Vendée, Fontenay
eut beaucoup à souffrir des guerres vendéennes ; le 1 6 mai
1793, les républicains y battirent les Vendéens et s'établi-
rent dans la ville ; mais, le 25 mai, Bonchamps, Lescure,
Cathelineau, d'Elbée et La Rochejaquelein, à la tête de
35,000 hommes, la reprirent au général Chalbos. Le
10 août 1806, le chef-lieu du dép. de la Vendée fut trans-
féré à LaRoche-sur-Yon.— Fontenay, qui était au xvie siècle
un centre littéraire, artistique et scientifique, a donné le
jour à un grand nombre d'hommes célèbres, parmi lesquels
il faut citer les jurisconsultes Tiraqueau, Imbert et Bris-
son, le médecin Brissot, le mathématicien Fr. Viète, le
poète Rapin, l'historien Besly, le physicien Brisson. Rabe-
lais vécut à Fontenay de 1508 à 1524 et y reçut des leçons
de grec et de latin du père Amy.
Monuments. — L'église Notre-Dame (mon. hist.), qui,
dans son ensemble, est une construction du xvne siècle, a
conservé plusieurs parties d'édifices antérieurs successive-
ment détruits, et notamment une crypte romane composée
de trois nefs. Le clocher, surmonté d'une flèche octogo-
nale, haute de 79 m., a été reconstruit en style gothique,
vers 1700, par Leduc de Toscane. La sacristie est un joli
édifice de la Renaissance. L'église Saint- Jean, reconstruite
en 1604 après sa destruction par les protestants, est éga-
lement surmontée d'une flèche de style gothique élevée au
xvn6 siècle. La grande fontaine est un monument de la
Renaissance. Le marché aux Porches est bordé au S. par
une suite de maisons à arcades des xvie et xvne siècles.
Les maisons ou hôtels du xvie siècle sont encore assez
nombreux ; il faut citer l'hôtel de La Rochefoucauld où
l'auteur des Maximes passa son enfance, l'hôtel de Terre-
Neuve, construit pour Nicolas Rapin et restauré par le
graveur 0. de Bochebrune, et enfin sur les bords de la
rivière des maisons à étage en surplomb d'un aspect très
pittoresque. La place Royale est une promenade établie sur
l'emplacement du petit bois des Amourettes. Buste du
général Belliard, élevé en face de la maison où il est né,
sur une place à laquelle on a donné son nom.
Bibl. : B. Fillon, Recherches historiques et archéolo-
giques sur Fontenay-le-Comle; Fontenay, 1847, in-8.
FONTENAY-le-Fleury. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. et cant. de Versailles ; 565 hab.
FONTE NAY-le-Marmion. Com. du dép. du Calvados,
arr.' de Caen, cant. de Bourguébus ; 549 hab. Eglise en
partie romane, dont le chœur est du xme siècle, et la nef
refaite à différentes époques. Dans le chœur et près de la
nef s'élève une belle tour romane à plusieurs étages d'ar-
cature. Vestiges de l'ancien château des Marmion, souvent
cité par Robert Wace dans le Roman de Rou. Il en
subsiste la motte qui supportait le donjon et quelques
constructions des xve et xvie siècles. Au N.-O. du village,
débris d'un vaste tumulus en pierres sèches, où les fouilles
ont amené la découverte de plusieurs caveaux funéraires
contenant avec des ossements, des poteries et des huches
en pierre verte.
FONTENAY-le=Pesnel ou sur-Seulles. Com. du dép. du
Calvados, arr. de Caen, cant. de Tilly-sur-Seulles ; 682 hab.
FONTENAY-lès-Briis- Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Rambouillet, cant. de Limours ; 553 hab.
FONTENAY-les-Louvets. Com. du dép. de l'Orne, arr.
d'Alençon, cant. de Carrouges ; 618 hab.
FONTE NAY-lès-Louvres. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Pontoise, cant. d'Ecouen ; 555 hab.
FONTENAY-le-Vicomte. Com. du dép. de Seine-et-
Oise, arr. et cant. de Corbeil; 278 hab.
FONTENAY-Mauvoisin. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Mantes, cant. de Bonnières; 178 hab.
- 755 -
FONTENAY — FONTENELLE
FONTENAY-près-Chablis. Corn, du dép. de l'Yonne,
arr. d'Auxerre, cant. de Chablis; 284 hab.
FONTENAY-près-Yézelay. Corn, du dép. de l'Yonne,
arr. d'Avallon, cant. de Yézelay; 560 hab.
FONTENAY-Saint-Pèue. Corn, du dép. de Seine-et-
Oise, arr. de Mantes, cant. deLimay; 603 hab.
FONTENAY-sous-Bois. Corn, du dép. de la Seine, arr.
de Sceaux, cant. de Vincennes ; 5,836 hab.
FONTENAY-sous-Fouronne. Com. du dép. de l'Yonne,
arr. d'Auxerre, cant. de Coulanges-sur-Yonne ; 204 hab.
FONTENAY-sur-Conie. Corn, du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Châteaudun, cant. d'Orgères; 490 hab.
FONTE NAY-sur-Eure. Corn du dép. d'Eure-et-Loir, arr.
et cant. (S.) de Chartres; 561 hab.
FONTENAY-sur-Loing. Com. du dép. du Loiret, arr. de
Montargis, cant. de Ferrières; 580 hab.
FONTENAY-sur-Orne. Com. du dép. de l'Orne, arr. et
cant. d'Argentan; 277 hab.
FONTENAY-Torcy. .Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Songeons; 258 hab. L'église est en
grande partie gothique, avec une façade du xvie siècle et
de curieux lambris sculptés de la même époque ; le clocher
carré et central est roman et antérieur au xn° siècle. Ha-
meaux : Torcy, Bec-aux-Vents, etc. Fabrique de miroite-
rie et de lunettes. C. St-A.
FONTENAY-Trésigny. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Coulommiers, cant. de Rozoy, sur un affluent de
l'Yères; 1,473 hab. Eglise du xme siècle avec un remar-
quable clocher, des fonts baptismaux du xYie siècle et des
restes intéressants de vitraux. Fossés et murailles d'une
ancienne enceinte fortifiée. Ruines d'un château royal de
la Renaissance, et au hameau du Yivier restes d'une autre
résidence royale du xrve siècle (mon. hist.).
FONTENAY (Julien), graveur français (V. Codoré).
FONTENAY (François du Val, marcmis de), plus connu
sous le nom de Fontenay-Mareuil, diplomate, homme de
guerre et historien français, né vers 1594, mort à Paris
le 25 oct. 1665. D'abord enfant d'honneur de Louis XIII,
il accompagna Mayenne en Espagne, puis Nevers à Ratis-
bonne, après un voyage en Italie. 11 passa ensuite en Hol-
lande et en Angleterre, et, mestre de camp du régiment de
Piémont depuis le 8 oct. 1616, il participa au siège de
Soissons sous Boisdauphin en 1617. Il assista ensuite à la
campagne de Normandie (1619), à l'affaire des Ponts-de-Cé
(1620), aux sièges de Saint-Jean-d'Angély, Clérac, Mon-
tauban (1624), Saint-Antoine et Montpellier (1622). Après
être resté à Metz de 1624 à 1626, il assista à l'affaire de
l'île de Ré (1627) et au siège de La Rochelle (1628), où
il se distingua, puis à ceux de Privas et d'Alais (1629).
Chargé d'annoncer au duc de Savoie la prise de La Ro-
chelle, puis de conduire à la cour Mlle de Montpensier et
de traiter avec Rohan, il fut envoyé comme ambassadeur
en Angleterre en 1630. Il en revint en mai 1633 et,
nommé maréchal de camp le 22 avr. 1635, servit à l'armée
d'Allemagne aux sièges de Spire et de Vaudemont (1635).
Il est à Corbie en 1636, à l'armée de Champagne en 1637,
au siège de Saint-Omer en 1638. Nommé ambassadeur à
Rome en 1640, il y resta jusqu'en 1650. Ses mémoires
ont été publiés dans la collection Petitot, lre série, t. LI
(Paris, 1826, in-8). Louis Farges.
FONTENAY (Jean -Baptiste Belin de [et non Blin]),
peintre français, né à Caen le 9 nov. 4 653, mort à Paris
le 12 févr. 1715. Fils du peintre Louis Belin, qui appar-
tenait à la religion calviniste, il abjura la religion de sa
famille, et se forma sous la direction de Monnoyer, peintre
de fleurs renommé, dont il épousa la fille (1687). Louis XIV
l'employa à la décoration des principaux palais royaux, lui
donna un logement au Louvre, et le fit entrer à l'Académie
des beaux-arts. La légèreté de ses fleurs et le velouté de
ses fruits témoignent d'une habileté comparable à celle des
Saint- Jean et des Van Huysum. — Il eut un fils, Jean-
Baptiste, né en 1688, mort en 1730, qui continua quelque
temps sa tradition, mais avec bien moins de talent.
FONTENAY (Louis-Abel de Bonaeous , abbé de), écri-
vain et jésuite français, né à Castelnau-de-Brassac, près de
Castres, en 1737, mort à Paris le 28 mars 1806. Profes-
seur au collège de Tournon, il se fixa à Paris après la sup-
pression de son ordre et, sous le nom d'abbé de Fontenay,
y rédigea pour une grande part les Affiches de province
et le Journal général de France, Ardent royaliste, il
passa à l'étranger au 10 août et rentra en France après le
1 8 brumaire. Fontenay n'a aucun talent : c'est un compi-
lateur, sans plus. On a de lui : Antilogies et fragments
philosophiques (Paris, 1774, 4 vol. in-12) ; Diction-
naire des artistes (Paris, 4777, 2 vol. in-8); Abrégé de
la vie des peintres (Paris, 1786, in-fol.); l'Ame des
Bourbons ou Tableau historique des princes de V au-
guste maison des Bourbons (Paris, 1783-1790, 4 vol.
in-12); le texte presque tout entier de la Galerie du
Palais-Boyal (1786-1808, 59 livr. in-fol), sans compter
des éditions et des traductions d'histoires et de géographies
françaises et étrangères. Ch. Le G.
FONTENAY (Jean-Baptiste-Léonard Daligé de Fontenay
de Saint-Cyran, connu sous le nom de), acteur français,
né à Chaillot (Paris) le 21 avr. 1786, mort à Neuilly (Seine)
le 23 avr. 1874. Issu d'une famille que ruina la Révolu-
tion, il avait à peine seize ans lorsque, en 1802, il dé-
buta au petit théâtre Mareux, situé rue Saint- Antoine. Il
alla passer ensuite quelque temps en province, puis fut
engagé au théâtre des Jeunes-Elèves de la rue de Thionville
(Dauphine), d'où il passa, lors de la fermeture de ce théâtre
par suite du décret de 1807, à celui du Vaudeville, qu'il
ne devait plus quitter jusqu'à sa retraite, en 1841. Il y
conquit bientôt une situation prépondérante, d'abord dans
l'emploi des premiers comiques, ensuite dans celui des
financiers et des pères nobles. Il se retira, en 1841, avec
une pension du Vaudeville. — Une fille de cet artiste, Lise
Fontenay, devenue plus tard Mme Blanche, fit partie pen-
dant plusieurs années, avec son père, du personnel de la
troupe du Vaudeville. A. P.
FONTENAY (Alexis Daligé de), fils du précédent, peintre
français, né à Paris le 29 avr. 184 3. Elève de Watelet et de
Hersent, il entra à l'Ecole des beaux-arts en 4 831 ; mais, au
lieu de se livrer à l'histoire, il se tourna vers le paysage,
et exposa au Salon de 1841 une Vue prise sur la route
de Grimsel. Il voyagea dans plusieurs de nos colonies
d'Amérique, puis dans les Pyrénées et en Suisse. Il en rap-
porta beaucoup d'esquisses assez remarquables par l'exacti-
tude des paysages qui plurent au public et le mirent en vue.
Il a exposé les Environs de Luz (1 844) ; la Grande Sou-
frière (4845); Port-Boyal (1847); Vues de VOberland
bernois (1848); la Boute de Bastiaà Ajaccio (1852); la
Ferme et le Château (1855) ; Lauterbrilnnen (1855) ;
le Wetterhorn dans la vallée de Grindelwald (1861) ;
Vue du château d'Unspunnen ; Vue prise des hauteurs
de VOberland bernois (1863) ; Vue prise près dlln-
terseen ; les Buines du Château-Gaillard (4 864) ; Vil-
lage d'Unterseen en Suisse; l'église de Saint-Ber-
trand-de-Comminges (1866); Village de Vezillon, en
Normandie ; la Montée du flot entre le Havre et la
côte de Honfleur (1868) ; les Bords de la Seine entre
Bouen et le Havre (1869); Ferme en Picardie (1882) ;
les Falaises à Puy, près de Dieppe (1883); la Mon-
tagne « le Niesen » (1 884) ; Chemin du Grand-Saint-
Bernard (1885); le Pic du Midi (1887); Vue prise
sur le chemin de la Handeck (1889) ; les Femmes et
le Secret (1892). Challamel.
FONTENAY-Mareuil (marquis de) (V. Bastard [Denis
de]).
FONTENELLE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Châ-
teau-Thierry, cant. de Condé-en-Brie ; 278 hab.
FONTENELLE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Ver-
vins, cant. de La Capelle ; 633 hab.
FONTENELLE. Com. du territoire de Belfort, cant, de
Belfort; 83 hab.
FONTENELLE
756 —
FONTENELLE. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Fontaine-Française; 304 hab.
FONTENELLE (La). Gom. du dép. d'Ille-et- Vil aine,
arr. de Fougères, cant. d'Antrains; 4,098 hab.
FONTENELLE (La). Com. du dép. de Loir-et-Cher,
arr. de Vendôme, cant. de Droué; 606 hab.
FONTENELLE-Montby. Com. du dép. du Doubs, arr.
de Baume-les-Dames, cant. de Rougemont; 224 hab.
FONTENELLE (Guy-Eder de La), capitaine français, sup-
plicié le 47 sept. 4 602. On ignore et la date et le lieu précis
de sa naissance. On sait seulement qu'il vit le jour en Bre-
tagne, qu'il fut élevé à Paris, au collège de Boncourt, et qu'il
y montra, aux dépens de ses condisciples, l'humeur turbu-
lente à laquelle les événements allaient lui permettre de
donner libre carrière sur un plus vaste théâtre. En effet, à la
mort de Henri III, lorsque l'anarchie, régnant déjà depuis
dix-sept ans sur la France, fut a son comble, il vendit ses
livres et jusqu'à ses habits pour s'acheter des armes, puis
s'empressa de rentrer dans son pays natal. Fermes incen-
diées, châteaux pillés, Lannion, Paimpol, Landerneau ran-
çonnés ; Penmarc'h, alors la rivale commerçante de Nantes,
ruinée pour jamais ; le « plat pays » changé en désert :
paysans torturés à plaisir, femmes violées ; tel est son bilan
de 1589 à 4602. Ce sera l'éternelle honte du duc de Mer-
cœur, chef de la Ligue en Bretagne, de ne s'être pas débar-
rassé, coûte que coûte, de ce bandit, bien plus d'avoir accepté
son appui pour soutenir les droits qu'il revendiquait sur
la souveraineté de la province comme époux de Marie de
Luxembourg, descendante directe du comte Charles de Blois,
le concurrent malheureux de Jean de Montfort : de tels auxi-
liaires compromettent les meilleures causes. C'est cepen-
dant à cette dernière circonstance que La Fontenelle doit la
glorieuse place que les descendants de ses victimes lui ont
gardée dans leur mémoire, oubliant généreusement ses
crimes pour ne se souvenir que de ses prétendus efforts
en faveur de leur indépendance. Il convient, du reste,
d'ajouter qu'il était pourvu du singulier prestige que l'on
a coutume d'attribuer aux mauvais sujets sur le sexe faible.
Une riche héritière, Marie de Koadelan, qu'il avait enlevée
dès le bas âge et qu'il épousa (de gré ou de force, la chose
est restée incertaine), à peine eut-elle quatorze ans, se
prit pour lui d'un amour éperdu. Bref, quand Henri IV
l'envoya expier sur la roue toute une vie de forfaits, il n'y eut
qu'une voix pour déplorer la fin tragique du « capitaine-
voleur », tout à coup transformé dans l'opinion générale en
un héros, en un martyr, dont les bardes populaires célèbrent
encore aujourd'hui les hauts faits. Léon Marlet.
Bibl. : Louis Grégoire, la. Ligue en Bretaqne ; Paris,
1856, in-8, ch. iv.
FONTENELLE (Bernard Le Bovier de), écrivain fran-
çais, né à Rouen le 44 févr. 1657, mort à Paris le 9 janv.
4757. Il était fils d'un avocat au parlement et de Marthe
Corneille, sœur de Pierre et Thomas. A treize ans, au
collège des jésuites de Rouen, il concourut avec éloges au
prix des Palinods et il traduisit peu après en vers' fran-
çais quelques pièces latines du père Commire ; il plaida
une cause et renonça au barreau. Honoré d'un accessit par
l'Académie en 4675, il donna au Mercure galant diverses
pièces trop ingénieuses, notamment F Amour noyé et His-
toire de mes conquêtes où il s'est lui-même dépeint joli-
ment. Sa tragédie à'Aspar (4684) tomba lourdement;
mais les opéras de Psyché et de Bellérophon, dans les-
quels il avait mis beaucoup du sien, eurent du succès sous
le nom de Thomas Corneille. Etabli à Paris, il donna coup
sur coup : les Dialogues des morts (1683), où il faisait
Platon galant et Pliryné moraliste ; le Jugement de Plu-
ton (4684), critique des dialogues et réponses aux cri-
tiques; les Lettres du chevalier d'Her... (4685), badi-
nage un peu sec ; même année, un Eloge de M. Corneille,
qu'il étendra en 4742, en y joignant deux autres pièces
(Histoire du théâtre français jusqu'à Corneille, curieuse
par un goût assez vif du théâtre du moyen âge et de la
poésie spontanée des trouvères ; Réflexions sur la poé-
tique, à rapprocher de sa Description de l'empire de la
poésie, 4678, et du morceau intitulé Sur la Poésie en gé-
néral); les Entretiens sur la pluralité des mondes
(4686), mélange délicat, et qui réussit à souhait, d'astro-
nomie et de bel esprit, de physique cartésienne, de ré-
flexions morales et d'ironie ; même année, les Doutes sur
les Causes occasionnelles , critique courtoise du système
du P. Malebranche; Y Histoire des oracles (4687), tout
son bagage pour l'Académie des inscriptions à laquelle il
sera associé en 4708; abréviation libre d'un ouvrage du
Hollandais Van Date, où il se complaisait à réfuter quelques
théologiens, tout en préludant à la satire des anciens ; les
Poésies pastorales (4688), trop spirituelles, avec un Dis-
cours sur Vèglogue et une Digression sur les anciens
et les modernes dans laquelle il donnait aux modernes
assez d'avantage et à l'idée du progrès assez d'appui pour
déplaire à l'Académie : elle le refusa quatre fois et ne le
reçut qu'en 1694; elle avait couronné en 4687 son Dis-
cours sur la patience. L'opéra de Thétis et Pelée réus-
sit en 4689, Enée et Lavinie beaucoup moins en 4690.
Citons un Parallèle de Corneille et de Piacine (4693).
Plus encore que sa préface pour l'Analyse des infiniment
petits du marquis de l'Hôpital (4696), ses Entretiens sur
la pluralité des mondes le tirent choisir comme secré-
taire de l'Académie des sciences, renouvelée en 4699; et
ses Eléments de la géométrie de l'infini (1727, in-4)
ont moins fait pour la gloire de cette assemblée que son
Histoire de l'Académie royale des sciences, avec deux
préfaces, recueil contenant des extraits des mémoires des
savants et les éloges des académiciens morts ; en 1702,
l'Histoire depuis l'année 1699 ; en 1733, depuis l'an-
née 1666. Par ses éloges académiques, Fontenelle a ma-
gistralement ouvert la voie à d'Alembert, Condorcet, Cu-
vier, Arago, etc. En 1752, il publia deux volumes conte-
nant une tragédie et six comédies, avec préface; même
année la Théorie des tourbillons cartésiens, avec des
réflexions sur l'attraction newtonienne. L'édition de ses
œuvres de 1766 donne en outre divers morceaux : De
V Existence de Dieu, Du Bonheur, De l'Origine des
fables, Sur l'Instinct, Sur l'Histoire, et trois frag-
ments : Traité de la raison humaine, De la Connais-
sance de l'Esprit humain, enfin ce qu'il appelait Ma
République.
Le « prudent » et « discret » Fontenelle est taxé par un
contemporain d'orgueil approbateur, traité d'homme im-
passible qui louait pour être loué, d'homme indulgent par
vanité, attentif à sa gloire et à ses moindres gestes. Ce fut
une façon de sage occupé de son bonheur, mais bienveil-
lant et même secourable. Son intelligence souple et lucide
a très bien servi les lettres et surtout les sciences, qu'il
sut excellemment rendre accessibles et même attrayantes
en gardant l'exactitude. La qualité d*homme de lettres fut
relevée par la brillante considération attachée à la per-
sonne de cet académicien qui ne fut rien de plus, quoique
familier du duc d'Orléans et de Fleury. Comme Voltaire,
il exerça la royauté littéraire et mondaine, et, comme lui,
il eut une sorte d'universalité, à la fois causeur fêté, poète
badin et dramatique, philosophe, critique, historien des
idées et géomètre. Ses vues sur la philosophie en poésie,
sur l'amour et l'intérêt au théâtre, sur l'histoire, sur le
progrès sont attachantes ; et, comme dit Trublet « la main-
d'œuvre est toujours bonne chez Fontenelle », quand il ne
se travaille pas trop. Fontenelle donna lui-même trois édi-
tions de ses œuvres (1724, 1742, 1752-1757). Nous cite-
rons encore : Œuvres diverses (La Haye, 1728-1729,
3 vol. in-fol.; 3 vol. gr. in-4); OEuvres complètes (Paris,
1758-1866, 11 vol. in-12 ; 1818, 3 vol. in-8; 4790,
8 vol. in-8 ; 4824-4825).
Bibl. : L'abbé Trublet, Mémoire sur la vie et les
œuvres de Fontenelle; Amsterdam, 1759, in-12, et l'article
Fontenelle, du même, dans le Dictionnaire Moreri de 1759.—
Voltaire, Siècle de Louis XIV et Correspondance. —
Mercure de France, 1756, 1757, 1758. — Ses éloges par
Grandjean de Fouchy, Mémoire de l'Académie des
— 757
FONTENELLE — FONTENU
sciences, 1757 \ par Le Beau, Mémoire de l'Académie des
inscriptions, t. XXVII ; par Le Cat ; Rouen, 1759 ; par
d'Alembert, Garât, etc. — Grimm, Correspondance lit-
téraire. — Cuvier, Leçons sur l'histoire des sciences natu-
relles, 2° partie. —Charma, Biographie de Fontenelle ;
Paris, 1846. — P. Flourens, Fontenelle ou de la Philoso-
phie moderne, etc.; Paris, 1847. — France littéraire, t. III,
154. — Œuvres de Fontenelle, Etude sur sa vie, etc; Paris,
1852, in-12.— Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. III et la
table. — Faguet, Dix-huitième Siècle; Paris, 1890.
FONTENELLE (Granges de) (V. Granges).)
FONTENELLE de Vaudoré (Armand-Désiré de La),
historien français, né à Saint-Jouin-de-Milly (Deux-Sèvres)
en 1784, mort à Poitiers en 1847. La Fontenelle de Vau-
doré a été conseiller à la cour d'appel de Poitiers (1813)
et correspondant de l'Académie des inscriptions (1838).
On lui doit : Vie et correspondance de Duplessis-Momay
(avec Auguis) (1822-42, 12 vol. in-8) ; Histoire d'Oli-
vier de Clisson (4826, 2 vol. in-8); Philippe de Co-
mynes en Poitou (1836, in-8) ; Chroniques fontenai-
siennes (1841, in-8) ; Histoire des rois et des ducs
d'Aquitaine et des comtes de Poitou (1842, in-8) ;
Histoire du monastère et des évêques deLuçon (1847,
2 vol. in-8).
FONTEN ELLES (Les). Corn, du dép. du Doubs, arr.
de Montbéiiard, cant. du Russey; 482 hab.
FONTEN ERMONT. Corn, du dép. du Calvados, arr. de
Vire, cant. de Saint-Sever; 246 hab.
FONTEN ET. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. et cant. de Saint-Jean-d'Angély ; 627 hab.
FONTEN ILLE. Com. du dép. de la Charente, arr. de
Ruffec, cant. de Mansle ; 514 hab. On a trouvé aux envi-
rons divers monuments préhistoriques. Près de Fontenille,
on remarque les ruines du château de Renau, sur la Cha-
rente.
FONTENILLE. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Melle, cant. de Chef-Boutonne ; 334 hab.
FONTEN ILLES. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Sarlat, cant. de Villefranche-de-Belvès; 277 hab.
FONTEN ILLES. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Muret, cant. de Saint-Lys ; 637 hab.
FONTENIS. Com. du dép. de la Haute*-Saône, arr. de
Vesoul, cant. de Rioz; 64 hab.
> FONTENOIS-ia-Ville. Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Lure, cant. de Vauvillers ; 514 hab.
FONTENOIS-lès-Montbozon (Fontinetum). Com. du
dép. de la Haute-Saône, arr. de Vesoul, cant. de Mont-
bozon; 441 hab. Carrières de pierres de taille. Ruines d'un
château féodal détruit parles Suédois au commencement du
xviie siècle. Eglise moderne contenant des pierres tumu-
laires anciennes. Très vieille croix de pierre.
FONTENOTTE. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant.
de Baume-les- Dames; 90 hab.
FONTEN OU ILLES. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de
Joigny, cant. de Charny; 551 hab.
FONTE NO Y. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Vie- sur-Aisne; 482 hab.
FONTENOY. Com. de Belgique, prov. de Plainaut, arr.
de Tournai ; 800 hab. Célèbre par la sanglante bataille qui
y fut livrée le 11 mai 1745 par les Français aux Anglais,
Autrichiens et Hollandais coalisés (V. ci-après).
Bataille de Fontenoy. — Le 11 mai 1745, l'armée fran-
çaise commandée par le maréchal de Saxe rencontra, dans
la plaine comprise entre le bois de Bary et l'Escaut, l'armée
anglo-hollandaise sous les ordres de Cumberland. Le ma-
réchal s'appuya sur trois points en forme d'équerre : Antoing
à droite, Fontenoy au centre, et à gauche deux redoutes
qu'il fit élever sur le front et le flanc droit du bois de Bary.
Les ennemis étaient près de Vezon. L'engagement com-
mença à quatre heures du matin. De huit heures à deux
heures de l'après-midi, la situation demeura indécise. Par
de nombreuses charges de cavalerie le maréchal empêchait
ses adversaires de se porter sur Fontenoy, le point capital.
Enfin, il rallia lui-même l'infanterie qui avait plié et se
porta sur le flanc droit de l'ennemi pendant que la maison
du roi, la gendarmerie et les carabiniers, conduits par le
duc de Richelieu, fonçaient l'épée à la main sur le centre.
Cette action fut décisive ; la colonne d'attaque, prise en
écharpe, ne forma bientôt plus que des monceaux de mou-
rants et de blessés. Les Anglais et les Hanovriens, qui
possédaient encore un effectif de 10,000 hommes, aban-
donnèrent le champ de bataille et une partie de leur artil-
lerie. La victoire de Fontenoy eut un retentissement énorme.
Louis XV et le dauphin y assistaient et, durant les quatre
heures où le succès demeura douteux, ils firent preuve du
plus grand calme et du plus grand courage. Maurice de
Saxe s'acquit une gloire immortelle. Les ennemis avaient
53,000 hommes effectifs et nous en avions à peine 40,000.
Ils perdirent environ 7,000 hommes (tués), 2,500 prison-
niers, 40 canons ; les Français eurent environ 3,000 tués
et 3,600 blessés. A la suite de cette bataille, Tournai,
Gand, Bruges, Audenarde, Dendermonde, Ostende et Nieu-
port tombèrent entre nos mains. C'est à Fontenoy que fut
prononcé le mot célèbre : Messieurs les Anglais, tirez
les premiers. Nous empruntons au général Pajol (les
Guerres sous Louis XV, t. III), le récit exact de cet épi- *
sodé : « Un régiment des gardes anglaises de Campbel et
du Royal-Ecossais marchait en tête, commandé par le comte
d'Albemarle et M. de Churchil, petit-fils naturel du duc
de Marlborough. Les officiers anglais saluèrent les Fran-
çais en ôtant leurs chapeaux ; les Français leur rendirent
leur salut. Milord Charles Hay, capitaine aux gardes an-
glaises, s'étant avancé hors des rangs, le comte d'Aute-
roche, lieutenant des grenadiers, ne sachant ce qu'il vou-
lait, fut à lui : Monsieur, lui dit Charles Hay, faites
tirer vos gens. — Non, monsieur, répondit le comte
d' Auteroche , à vous l'honneur. »
FONTENOY-en-Puisaye (Fontanetum) . Com. du dép.
de l'Yonne, arr. d'Auxerre, cant. de Saint-Sauveur, sur
un affluent de l'Ouanne ; 703 hab. Poteries, tuyaux de
drainage. Le territoire de cette commune fut le théâtre de
la bataille à laquelle beaucoup d'historiens donnent abusi-
vement le nom de Fontanet ou de Fontenailles, et qui con-
sacra le démembrement de l'empire carolingien. Les armées
de Charles le Chauve et de Louis le Germanique se trou-
vèrent, le 25 juin 841, en présence de celle de leur frère,
l'empereur Lothaire, qui prétendait les obliger à recon-
naître son autorité. Après un combat assez court, mais
sanglant, Lothaire fut complètement battu et s'enfuit aban-
donnant aux vainqueurs un immense butin. Un obélisque
monolithe, élevé en 1860, rappelle le souvenir de la ba-
taille.
FONTENOY-la-Joute. Com. du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. de Lunévilie, cant. de Baccarat ; 558 hab.
FONTE NO Y-le-ChAteau. Com. du dép. des Vosges, arr.
d'Epinal, cant. de Bains; 2,170 hab. Broderies, fréfilerie
de la Pipée; fabrique d'ustensiles en fer battu. Kirsch.
Eglise gothique renfermant le tombeau de la princesse
Yolande de Ligne. Ruines d'un château féodal. Chapelle
du Bois-Béni, but d'un pèlerinage fréquenté.
FONTE NO Y-sur-Moselle. Com. du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. et cant. (N.) de Toul ; 217 hab.
FONTENU. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. deClairvaux ; 171 hab. Le lac de Chalain,
d'une superficie de 220 hect., est situé dans cette commune.
A l'une des extrémités de ce lac se dresse un château dont
la construction première, due aux seigneurs de Fontenu de
la maison de Marigny, remonte au xme siècle et qui, re-
construit probablement au commencement duxvie, est d'un
aspect des plus pittoresques. Ce lieu est visite chaque année
par de nombreux touristes.
FONTENU (Louis-François de) , archéologue français, né
au château de Lilledon, en Gâtinais, le 16 oct. 1667, mort
à Paris le 3 sept. 1759. Après quelques années passées
auprès de son oncle, M. de Buzenval, évêque deBeauvais,
il fut envoyé', à douze ans, au collège de Grassins, à Paris ;
puis il entra au séminaire de Saint-Magloire que son état
FONTENU — FONTEVRAULT
— 758 —
de santé l'obligea à quitter. Une s'engagea pas dans les ordres
au delà du diaconat. Un voyage en Italie avait accru le goût
qu'il avait eu dès sa jeunesse pour les études de l'antiquité.
Admis en 1714 à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en qualité d'élève, il passa dans la classe des asso-
ciés en 1716. Les mémoires qu'il a écrits ont tous été
publiés dans Y Histoire ou dans les Mémoires de l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres. Ils sont relatifs
pour la plupart soit à la mythologie et particulièrement aux
cultes primitifs, soit aux monuments gallo-romains et parti-
culièrement aux camps dits de César, soit encore à la numis-
matique. Les recherches de Fontenu ayant porté sur des
sujets dont l'étude a été entièrement renouvelée, ses disser-
tations ne sont plus guère consultées. Il paraît inutile d'en
rapporter ici les titres ; on les trouvera dans la Table géné-
rale et méthodique des mémoires contenus dans les
recueils de V Académie des inscriptions et belles-lettres,
rédigée par MM. E. de Rozière et Chatel. On lui attribue
une traduction de Théagène et Chariclée, publiée à Paris,
en 1727, 2 vol. in-12.
Bibl. : Le Beau, dans Histoire de l'Académie des ins-
criptions et belles-lettres, t. XXIX, p. 349.
FONT EN Y. Gom. du dép. du Jura, arr. de Poligny, cant.
de Salins; 105 hab.
FONTENY (Pierre Bizot de) (V. Bizot de Fonteny).
FONTERS-du-Razès. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de
Castelnaudary, cant. de Fangeaux; 210 hab.
FONTES (Art milit.) (V. Selle).
FONTES. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Béziers,
cant. de Montagnac; 823 hab.
FONTET. Corn, du dép. de la Gironde, arr. et cant. de
La Réole ; 692 hab.
FONTETTE. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Seine, cant. d'Essoyes ; 508 hab.
FONTEVRAULT (Fons Ebraldi). Corn, du dép. de
Maine-et-Loire, arr. et cant. (S.) de Saumur, dans un vallon
au milieu d'une forêt ; 2,698 hab. Maison centrale de dé-
tention, établie depuis 1811 dans les bâtiments de l'ancienne
abbaye. Poteries , corderies , rouenneries ; fabriques de
toiles, de boutons, de ressorts de voitures, de chaussures ;
vannerie, bijouterie, ébénisterie ; bois de charpente. La
ville doit son origine à la célèbre et puissante abbaye fondée
vers 1099 par Robert d'Arbrissel, sur ce territoire qui ap-
partenait aux seigneurs de Montreuil-Bellay. Après avoir
habité des cabanes ou des grottes creusées dans le tuf, la
communauté fit construire dès le début du xne siècle une
vaste abbaye dont l'église fut consacrée en 1119 par le pape
Calixtell. Les Plantagenets, devenus roi d'Angleterre, en-
Abbaye de Fontevrault (d'après une photographie).
richirent considérablement l'abbaye de Fontevrault, et plu-
sieurs d'entre eux voulurent être enterrés dans son église.
L'église (mon. hist.), désignée sous le nom de Grand Mou-
tier, a été bâtie de 1101 à 1119 ; elle a subi des dégrada-
tions considérables, des restaurations et des appropriations
qui lui ont été plus funestes encore. C'est un vaste édifice
à coupoles assez analogue à la cathédrale d'Angoulême ;
une seule de ces coupoles, celle du transept, subsiste telle
qu'elle était au xne siècle. Le tombeau de Robert d'Arbris-
sel, dégradé en 1793, est situé dans la sacristie de la cha-
pelle des détenus. Les tombeaux des rois d'Angleterre étaient
autrefois dans la nef ; il n'en subsiste que quatre statues
d'un intérêt exceptionnel pour l'histoire de l'art du xne siècle,
qui, après avoir subi bien des vicissitudes et avoir failli plu-
sieurs fois passer en Angleterre, sont aujourd'hui déposées
dans une petite chapelle sombre au fond du transept à
droite. Ce sont celles de Henri II, d'Eléonore de Guyenne,
de Richard Cœur de Lion et d'Isabelle d'Angoulême; trois
de ces statues sont en tuf et de dimensions colossales, celle
d'Eléonore de Guyenne est en bois et de grandeur naturelle.
Le cloître roman, restauré au xvie siècle, sert de préaux aux
prisonniers. La salle capitulaire, de style gothique, a con-
servé des peintures intéressantes. A l'extrémité du réfec-
toire s'élève une bizarre construction du xne siècle, la
tour d'Evrault. C'est un édifice pyramidal qui s'élève sur
trois plans successifs, octogone, carré, puis octogone, sur-
monté d'une flèche terminée par une lanterne. Il est dé-
montré aujourd'hui que c'étaient les cuisines de l'abbaye.
On en trouvera la description accompagnée d'illustrations
au mot Cuisine (V. t. XIII, p. 575). L'église Saint-
Benoît, avec son cloître particulier, est une petite cons-
truction du xne siècle, qui s'élève près des anciens dortoirs.
La fontaine Saint-Robert, protégée par une construction
circulaire, fournit de l'eau en abondance. La chapelle Sainte-
Catherine (mon. hist.) est un édifice du xme- siècle, sur-
monté d'une tour pyramidale terminée par une lanterne.
L'église paroissiale de Saint-Michel, construction gothique
angevine, a recueilli plusieurs objets d'art de l'abbaye.
Ordre monastique de Fontevrault ( Ordo Fontis
Ebraldi). — Le fondateur de cet ordre était né vers 1045
à Arbrissel (diocèse de Rennes), de parents pauvres ; il mou-
rut en 1117. Vers 1074, il alla à Paris%et y fut promu à
la maîtrise en théologie. En 1 085, Sylvestre de La Guierche,
évêque de Rennes, le rappela auprès de lui et lui conféra
la dignité- d'archiprêtre et celle d'official. A la mort de cet
évêque (1089 ?) Robert d'Arbrissel se trouvant en butte
aux ressentiments des chanoines, qu'il s'était efforcé de
réformer, quitta le diocèse et alla enseigner la théologie à
— 759 —
FONTEVRAULT
Angers. Mais il se dégoûta tellement du siècle, à cause de
la corruption qui y régnait et dont lui-même, paraît-il, avait
subi quelques pernicieuses atteintes, qu'il se retira avec un
seul compagnon dans la forêt deCraon. Il y vivait d'herbes
et de racines, couchant sur la terre nue et portant une
tunique de poils de porc, afin de rudement affliger sa chair.
Une pareille discipline devait attirer auprès de Robert
beaucoup d'admirateurs ; il en retint plusieurs et les sou-
mit à la règle de Saint-Augustin (4094). Le comte de Craon
fit bâtir pour eux dans la forêt, en un lieu appelé le Roé,
une abbaye dont Robert fut le premier supérieur. — Chargé
par le pape Urbain de prêcher la croisade, il s'en alla pieds
nus, non seulement par les villes, mais par les bourgs et
les villages, exhortant ceux qui n'étaient point capables de
combattre en Terre sainte, à tout abandonner pour servir
Dieu sous sa conduite. Il fréquentait même les lieux de
prostitution pour sermonner les pécheresses : Quadamdié,
cum venisset Rotomagum, lupanar est ingressus, se-
densque ad focum pedes cale facturas , a meretricibus
circumdatur, œstimantes eum causa fornicandi esse
ingressum : Sed prœdicante eo verba vitœ, ac miseri-
cordiam Christi eis promittente. . . (extrait d'un manus-
crit de l'abbaye des Vaux-de-Cernay, daté de 4210). Il fut
bientôt suivi d'une multitude d'hommes et de femmes ;
pendant les deux années que dura cette première prédica-
tion, il les garda près de lui, les nourrissant des aumônes
qui lui étaient abondamment offertes partout où il passait.
Pour leur assurer une retraite où ils pussent travailler à
leur salut, il s'établit sur les confins de l'Anjou et du Poi-
tou, près de Candes (Indre-et-Loire) , en un endroit nommé la
Fontaine-d'Evrault (Fons Ebraldi). Il y avait là de vastes
terrains incultes; Robert y fit disposer des cabanes pour
abriter ses disciples Cl 099), séparant celles des hommes et
celles des femmes par un fossé garni d'une haie ; en cha-
cune des deux enceintes, un oratoire spécial pour éviter
toute occasion de réunion. L'unique occupation des femmes
était de chanter les louanges de Dieu : les hommes devaient,
après les exercices spirituels, défricher et cultiver la terre
ou travailler à quelque métier, pour la subsistance des deux
espèces de communautés. Tous ceux qui se présentaient
étaient admis, jeunes ou vieux, valides ou invalides, même
les lépreux.
Afin de consolider l'œuvre, plusieurs monastères furent
bâtis à Fontevrault. Trois pour les femmes: le Grand
Moutier, dédié à la sainte Vierge et qui devait renfermer
trois cents religieuses, vierges ou veuves ; Saint-Lazare,
pour les infirmes et les lépreuses, au nombre de cent
vingt; la Madeleine, pour les pécheresses. Le couvent
des hommes était dédié à saint Jean VEvangéliste. Une
grande église fut construite pour les quatre monastères.
Tous ces établissements furent placés sous la direction su-
prême d'une proche parente du comte d'Anjou, Herlande de
Champagne, veuve du seigneur de Montsoreau, à qui fut
adjointe, comme assistante et coadjutrice, Pétroniile de
Craon, veuve du baron de Chemillé. Le fondateur lui-
même se soumettait à ces femmes. La règle était celle de
Saint-Benoît. En 4406, l'évêque de Poitiers sollicita et ob-
tint dePaschal II l'approbation de cette institution, appro-
bation qui fut renouvelée et étendue en 4443, par une bulle
spécifiant que, comme Jésus-Christ, sur la croix, voyant sa
mère et, près d'elle, saint Jean, ledisciple qu'ilaimait, avait
dit à sa mère: Femme, voilà ton fils, et au disciple : Voilà
ta mère, l'abbesse et les religieuses auraient autorité sur
les religieux. La supérieure générale devait toujours être
choisie parmi des femmes élevées dans le monde « parce
qu'une religieuse de cloître, ne connaissant que les choses
spirituelles et la contemplation, ne saurait gouverner les
affaires extérieures et se reconnaître au milieu du tumulte
du monde ». En 4224, Honoré III exempta formellement
l'ordre de Fontevrault de la juridiction des ordinaires. — Cet
ordre se développa avec une rapidité merveilleuse. Après
avoir pourvu à la construction et à l'administration des
monastères de Fontevrault, Robert se remit en chemin pour
prêcher la pénitence et amener à la retraite monastique
ceux et surtout celles qu'il convertirait. Il retira de l'ab-
baye de Roé, pour les associer à son œuvre, Vital de Mor-
tain, Raoul de La Futaye et Bernard d'Abbeville : ces dis-
ciples devaient s'occuper des hommes, tandis que lui-même
prendrait soin des femmes. En 4407 et 4408 furent fondés,
dans l'Anjou, le Poitou et la Touraine, les monastères de
Chaufournois, de La Puye, des Loges, de Relay, de
VEncloître, de Gaisne et de Gironde; en 4440, dans le
diocèse de Bourges, celui à'Orsan; en 4442, trois dans les
diocèses d'Orléans et de Poitiers : La Lande-en-Beauchêne,
Tyron et La Madeleine d'Orléans, dans le diocèse de
Chartres, La Haute-Bruyère, et en 4444, Boubon et La
Gasconnière, dans le Limousin ; Cadouin, dans le Périgord,
et Lespinasse. D'autres maisons furent établies en divers
endroits. On en compta bientôt trente en Bretagne. En
4145, Suger écrivait au pape Eugène III que les reli-
gieuses étaient au nombre de cinq mille . Il y en avait
neuf cents dans le seul monastère de Blessac, au diocèse
de Limoges. Des établissements furent aussi fondés en
Espagne et en Angleterre par des religieuses de l'ordre de
Fontevrault.
Cependant les contemporains étaient fort loin d'être
unanimes en l'admiration de l'œuvre et des procédés de
Robert d'Arbrissel. En 4640, l'auteur des Concilia anti-
qua Galliœ, le P. Sirmond, jésuite, publia, d'après un
manuscrit de l'abbaye de La Couture, une lettre dans laquelle
Geoffroy, abbé de Vendôme, avertissait Robert des bruits
répandus sur sa conduite et de l'inconvenance de cette
conduite. On l'accusait de partager le lit de ses religieuses,
non, il est vrai, pour en mal user, mais pour s'exercer à com-
battre les plus vives tentations et à en triompher ensemble .
Fœminarum quasdam, ut diciiur, nimis familiari-
ter tecum habitare permittis, et cum ipsis et inter
ipsas, noctu fréquenter cubare non erubescis. Hoc si
modo agis vel egisti, novum et inauditum sed infruc-
tuosum martyrii genus invenisti... Mulierum qui bus-
dam, sicut fama sparsit et nos ante diximus, sœpe
privatim loqueris, et earum accubitu novo martyrii
génère cruciaris. La même accusation est exprimée dans
une lettre attribuée à Marbodus, écolâtre de l'église d'An-
gers, puis évêque de Rennes, laquelle se trouvait dans la
bibliothèque de Saint- Victor à Paris, parmi les lettres de
Hildebert, évêque du Mans, puis archevêque de Tours.
Marbodus ou Hildebert blâme, en outre, Robert d'avoir
fait prendre trop légèrement l'habit de nonne à des jeunes
filles fort peu vierges et lui rappelle les accidents qui s'en-
suivirent : Taceo de juvenculis, quas sine examine re-
ligionem professas, mutata veste, per diuersas cellulas
inclusisti. Hujus igitur facti tementatem exituspro-
bat. Alice enim, urgeniepartu, fractis ergastulis elapsce
sunt, alice in ipsis ergastulis pepererunt. Cette lettre
témoigne aussi qu'on reprochait à Robert de se faire suivre
en ses courses missionnaires de beaucoup de femmes et
d'en distribuer un grand nombre dans les hôpitaux et les
cabarets, pour servir les pauvres et les voyageurs. Cette
charité avait produit assez d'enfants pour qu'on la jugeât
coupablement imprudente. Le P. Viguier, de l'Oratoire, affir-
mait avoir eu entre les mains un écrit de Pierre d'Autun,
moine de Saint-Florent, mentionnant des faits du même
genre ; il rapportait, de plus, que devant un concile tenu
à Albi, les hérétiques avaient invoqué l'exemple de Robert,
pour se justifier de mener des femmes avec eux : Sic nos
docuit Christus Dominus, sic nos docuit magister nos-
ter Robertus, qui nuper conventum virginum insti-
tua. Au dire d'Abailard, Roscelin doit être pareillement
compté parmi les censeurs de Robert d'Arbrissel.
Il est vraisemblable que, dès le commencement, les clercs
et les moines critiquèrent la suprématie attribuée aux
femmes dans le gouvernement de l'ordre mixte de Fonte-
vrault contrairement au précepte de saint Paul ; mais nous
ne connaissons aucun document contemporain énonçant
cette réprobation. Plus tard, les religieux des autres ordres
FONTEVRAULT — FONTJONCOUSE
— 760 —
ne se faisaient point faute de railler les fontevristes de ce
que leur royaume était tombé en quenouille ; à quoi les
fontevristes répondaient très catholiquement que le royaume
des cieux y est aussi tombé, puisque l'Eglise a donné à la
sainte Vierge les titres de reine des cieux et de reine des
anges. Néanmoins, ils tentèrent à diverses reprises de
s'affranchir de cette domination. Soumis d'abord à la règle
de Saint-Benoît, ils avaient pris le titre de chanoines régu-
liers et adopté la règle de Saint- Augustin. Ils parvinrent
même pendant quelque temps à réduire l'abbesse à leur
surveillance. Ces tentatives d'émancipation furent répri-
mées sous les gouvernements des abbesses Marie de Bre-
tagne (1459-, Anne d'Orléans (1475-1504), Jeanne-
Baptiste de Bourbon (1641) ; par les statuts de réforme
approuvés en 1475, par décret de Sixte IV ; par un arrêt
du grand Conseil (1520). par des bulles de Clément VII et
d'Urbain VIII, par un airêt du 8 oct. 1641. La formule
des vœux que les religieux devaient prononcer était ainsi
conçue : « ... proposant servir aux servantes de Jésus-
Christ jusqu'à sa mort, avec la révérence de soumission
due, je promets stabilité, conversion de mes mœurs, chas-
teté pure, pauvreté nue et obéissance, selon les statuts de
la réformation de l'ordre de Fontevrault ordonnés au pré-
sent monastère, par décret du pape Sixte IV en l'honneur
de notre Sauveur, de sa très digne Mère et de saint Jean
l'Evangéliste, en votre présence, mère pieuse de ce monas-
tère. » En plusieurs endroits, on substitua aux religieux
des chapelains, des directeurs et des confesseurs à gage,
pour servir les monastères de filles. Asservis aux heures,
aux coutumes et aux besoins spirituels de ces monastères,
ils dépendaient des religieuses pour la nourriture et la sub-
sistance et ils ne pouvaient sortir ni s'éloigner sans l'agré-
ment des supérieures. — Les statuts de réformation de
1475 permettaient aux religieuses deux robes blanches
avec une coule noire, un surplis sur leur habit blanc avec
une ceinture noire ou de fil. En fait, leur costume plus ou
moins conforme à la règle se composait d'une robe blanche,
d'un rochet plissé en batiste, bas et souliers blancs, cein-
ture noire et voile noir. Quand elles sortaient, elles por-
taient une longue robe d'étamine noire. Tous les jours,
depuis le dimanche des Rameaux jusqu'à Pâques, elles de-
vaient recevoir la discipline de la main de la prieure, qui
la recevait elle-même de la main d'une sœur. L'habillement
des religieux consistait en une tunique ou robe noire, une
ceinture de laine, une chape et par-dessus un chaperon
ou grand capuce, auquel étaient attachés deux roberts,
c.-à-d. deux pièces de drap de la largeur d'une main,
l'une par devant, l'autre par derrière. Ils recevaient la
discipline, des^mains de leurs confesseurs, le même jour que
les sœurs.
Robert avait voulu appeler les multitudes dans son
ordre ; mais en y soumettant les hommes aux femmes et
en prescrivant que les supérieures fussent choisies parmi
des femmes élevées dans le monde, il y avait introduit deux
dispositions qui devaient aristocratiser cet ordre et le ré-
server aux filles de haute famille. Dès 1248, le nombre
des religieuses était réduit à sept cents, en 1360 à cinq
cents. En même temps que ce nombre diminuait, la richesse
des monastères augmentait. L'usage s'établit d'envoyer à
Fontevrault les filles de France pour y être élevées. Parmi
les abbesses, on compte jusqu'à seize princesses, dont cinq
de la branche royale de Bourbon. — L'ordre était réparti
en quatre provinces : France, Aquitaine, Auvergne et
Bretagne, La première avait quinze prieurés, la seconde
quatorze, la troisième quinze, la quatrième treize. En 1789,
l'abbesse de Fontevrault était la baronne de Pardaillan
d'Antin, arrière-petite-fille de Mme de Montespan. L'abbaye
comptait alors cent cinquante femmes et soixante hommes ;
les rêve us étaient évalués à 100,000 livres, en vue de la
perception des décimes, évaluation fort inférieure à la réa-
lité. L'ordre de Fontevrault, supprimé à l'époque de la
Révolution, n'a point été rétabli. Il n'en reste plus que des
bâtiments très laïquement affectés à une maison centrale
de détention et un chapitre curieux d'histoire monastique.
E.-H. Vollet.
Bibl. : G.MALiFAUD,rA6baye de Fontevrault, notice his-
torique et archéologique ; Angers, 1866, in-8. — L. Cou-
rajod, Sépulture des Plantagenets à Fontevrault; Paris,
1867, in-8.
Ordre monastique de Fontevrault. — Constitutions
de Vordre de Fontevrault; Paris, 1643. — Jean de La
Mainferme, Clypeus nascentis Fontebraldensis ordinis ;
Paris, 1684-1692, 3 vol. — Ménage, Histoire de Sablé. —
Dissertation apologétique pour le bienheureux Robert oVAr-
brissel; Anvers et Amsterdam, 1701, in-12. — Hélyot et
Bullot, Histoire des ordres monastiques ; Paris, 1714-
1721, 4 vol. in-4, fig.
FONTFROIDE. Abbaye de l'ordre de Gîteaux, au dio-
cèse de Narbonne qui paraît avoir été fondée à la fin du
xie siècle, vers 1093, à 10 kil. au S.-O. de la capitale du
diocèse ; d'abord soumise à la règle de Saint-Benoît, elle
fut plus tard affiliée à Tordre de Gîteaux et placée sous la
dépendance de l'abbaye de Grandselve au diocèse de Tou-
louse. Comblée de bienfaits par les princes du pays, elle
devient à son tour la mère de beaucoup de monastères sur
les deux versants des Pyrénées. Elle possédait de grands
biens dans tous les pays- environnants, en Narbonnais et en
Roussillon. Parmi ses abbés et ses moines, on doit citer
le célèbre Pierre de Castelnau, le cardinal Arnaud Novelli
et le neveu de ce dernier, Jacques Fournier, plus tard pape
sous le nom de Benoît XII. Au xvie siècle elle était en
pleine décadence; la commende y avait été établie dès
1476 ; en 1764, le titre d'abbé fut réuni à celui d'évêque
de Perpignan. La maison en 1789 ne comptait plus que
7 religieux ; encore considérables, malgré beaucoup d'alié-
nations, les revenus s'élevaient à plus de 63,000 livres, que
les derniers habitants de la maison dépensaient aisément.
L'abbaye disparut en 1791. Les bâtiments ont en grande
partie subsisté. On y remarque l'église en partie ancienne,
une salle capitulaire du xme siècle, avec colonnes et cha-
piteaux en marbre, et un cloître du même temps, bien
conservé et admirablement construit. Grands agriculteurs,
les moines de Fontfroide avaient défriché une partie des
collines environnantes et desséché plusieurs marais. Les
archives de l'abbaye sont aujourd'hui bien dispersées :
M. Gauvet a pu toutefois en retrouver une portion notable,
qu'il a utilisée dans l'ouvrage indiqué plus bas.
A. Molinier.
Bibl. : D.Vaissète, Histoire de Languedoc (nouv. éd.),
t. III, passim et t. IV. — Gallia Christiana, t. VI. —
E. Cauvet, Etude historique sur l'abbaye de Fontfroide ;
Paris, 1875, in-8.
FONTGOMBAULT (Fous Gombaldï). Corn, du dép. de
l'Indre, arr. du Blanc, cant. de Tournon, sur la Creuse ;
450 hab. Colonie et pénitencier agricole installé par les
trappistes dans les bâtiments de l'ancienne abbaye. Celle-ci,
à laquelle la ville doit son origine, avait été fondée à la fin
du xie siècle par Pierre de l'Etoile. Il en subsiste une vaste
église romane (mon. hist.) bâtie de 1110 à 1142 et consi-
dérablement restaurée de nos jours. Les parties anciennes
sont : la façade, le transept, le chœur et les murs laté-
raux. L'église paroissiale a recueilli quelques sculptures
provenant de l'abbaye.
FONTGUENAND.Com. du dép. de l'Indre, arr. de Châ-
teauroux, cant. deValençay; 472 hab.
FONTICULE (V. Cautère et Exutoire).
FONT1ENNE. Corn, du dép. des Basses-Alpes, arr. de
Forcalquier, cant. de Saint-Etienne-les-Orgues ; 133 hab.
FONTIERS-Cabardès. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de
Carcassonne, cant. de Saissac ; 368 hab.
FONTIÈS-d'Aude. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de
Carcassonne, cant. de Capendu ; 298 hab.
FONTJONCOUSE. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de
Narbonne, cant. de Durban ; 280 hab. Village insigni-
fiant aujourd'hui, mais dont on peut suivre l'histoire de-
puis la première origine. Il date de la fin du vme siècle.
Fontjoncojiise fut donné par Louis le Pieux, roi d'Aqui-
taine, à l'un de ses fidèles, un Espagnol nommé Jean, qui
s'était distingué dans des combats contre les Sarrasins d'Es-
pagne. Cent ans plus tard, il est cédé par un certain
Jean, descendant du premier, à l'archevêque de Narbonne,
Àimeri, sous réserve de l'usufruit, sa vie durant. Cet acte,
daté de 963, nous apprend que la seigneurie de Fontjon-
couse était encore un alleu. Un peu plus tard, au xne siècle,
on cite le château de Fontjoncouse, qui est tenu à titre de
fief des archevêques par un certain Roland, fils de Ban-
garde. Vers le début du siècle suivant, les archevêques
avaient définitivement racheté la seigneurie et l'avaient unie
à leur domaine. A.Molinier.
Bibl. : Cartulaire de Fontjoncouse, publié dans le Bul-
letin de la, commission archéologique de Narbonne, 1877,
pp. 107-141. — E. Cauvet, Mémoire, ibid., pp. 478 et suiv.
FONTOY (Ad Fontes, 959, en allem. Fentsch). Ch.-l.
de cant. de la Lorraine allemande, arr. de Thionville,.sur
le chem. de fer de Thionville à Sedan ; \ ,082 hab. Bras-
serie, tannerie, moulin, carrières, autrefois hauts four-
neaux. Au pied du château féodal, construit sur les fonde-
ments d'une forteresse romaine et ruiné par les Suédois en
1635, sortent les sources de la Fentsch, affluent de la
Moselle. La seigneurie de Fontoy appartenait, au moyen
âge, aux comtes de Luxembourg, faisait partie plus tard
des Trois-Evêchés et fut réunie à la France en 1643. C'est
près de Fontoy que l'armée républicaine, le 19 août 1792,
livra le premier combat aux alliés, commandés par le duc
de Brunswick. D'après les préliminaires de Versailles,
cette ville devait rester à la France ; elle fut annexée à
l'empire d'Allemagne par le traité de Francfort de 1874 .
— Patrie de Jean-Pierre Gama, un des premiers profes-
seurs de médecine au Val-de-Grâce.
Bibl.: Jean Bertholet, Hist. du duché de Luxem-
bourg; Luxembourg, 1741, VI, pp. 261 et suiv. — Bull, de
la Soc. d'archéol. et d'hist. de la Mos., VI, pp. 73 et suiv.
— Austrasie, II, pp. 241 et suiv. — H. Kiepert, Der Ge-
bietsaustausch zwischen Frankreich und Deutschland,
clans Zeitschr. d. Ges. f. Erdhunde, 1877, pp. 277 et suiv.
FONTPÉDROUSE. Corn, du dép. des Pyrénées-Orien-
tales, arr. de Prades, cant. de Montlouis, sur la Têt,
642 hab. Minerai de cuivre. Au ham. de Saint-Thomas,
sources thermales. Un petit établissement y a été élevé
en 1842.
FONTPERTUIS (Adalbert Frout de), publiciste fran-
çais, né à Rennes en 1825. Après avoir servi dans l'ar-
tillerie de marine, il obtint en 1851 un emploi dans les
bureaux de la préfecture d'Ille-et- Vilaine, devint chef de
division de la préfecture d'Eure-et-Loir en 1853 et exerça
ces fonctions jusqu'en 1865. Collaborateur de nombreux
périodiques, entre autres de Y Economiste, de la Revue
scientifique, de la Nature, etc., il a écrit : De V Organi-
sation générale des bureaux de préfecture (Le Puy,
1856, in-8) ; Considérations sur la propriété commu-
nale et les biens communaux (1856, in-8) ; Etude
critique sur les moyens de combattre la misère (1856,
in-8) ; Etudes sur les enfants assistés (1860, in-8) ;
Etudes de littérature étrangère (1859, in-8) ; les
Français en Amérique. Le Canada (Paris, 1867, in-12);
les Etats-Unis de l'Amérique septentrionale (1873,
in-8) ; l'Etat économique moral et intellectuel de l'Inde
anglaise (1875, in-8) ; Chine, Japon, Siam et Cam-
bodge (1882, in-12) ; les Etats latins de l'Amérique
(1883, in-12), etc.
FONTRABIOUSE. Corn, des Pyrénées-Orientales, arr.
de Prades, cant. de Mont-Louis, dans la vallée du Capcir;
248 hab. Elle possède une fontaine abondante qui a donné
son nom au village.
FONTRAILLES.Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Tarbes, cant. de Trie ; 503 hab.
FONTRAILLES (Louis d'AsTARAc, vicomte de), mar-
quis de Marestang, sénéchal d'Armagnac, né dans les pre-
mières années du xvne siècle, mort le 25 juil. 1677. Il
s'attacha d'abord au comte de Soissons et prit part à
divers complots contre la vie 'de Richelieu. En 1642, il
joua le rôle d'intermédiaire entre Cinq-Mars, Monsieur et
le duc de Bouillon. Il alla en Espagne, de la part de Mon-
sieur, pour signer, avec le comte-duc d'Olivarez, le traité
secret de Madrid (13 mars). Apprenant que la conspira-
— 761 — FONTJONCOUSE — FONTS
tion était découverte, il se réfugia en Angleterre (août). Il
ne revint en France qu'après la mort de Louis XIII, et
dut prendre des lettres d'abolition. Il entra dans la cabale
des Importants, prit part à la Fronde, et fut blessé d'un
coup de pistolet le jour des Barricades. Le Parlement ren-
dit un arrêt contre lui, le 23 mai 1650. Excepté nomina-
tivement de l'amnistie du 21 oct. 1652, il dut prendre
de nouvelles lettres d'abolition. — Il a laissé une courte
Relation... des choses particulières de la cour pendant
la faveur de M. le Grand, qui parut, avec les Mémoires
de Montrésor, dans un Recueil de plusieurs pièces...
(Cologne, 1663, in-12). Le P. Le Long (Bibl. hist., t. III,
p. 102) signale un recueil de lettres de Fontrailles, datées
du 13 juil. 1643 au 24 oct. 1649, qui appartenait à M. de
Bouthillier, évêque de Troyes. H. Hauser.
Bibl. : Relations de Fontrailles (Petitot, 2e série,
t. LIV; Michaud, 3e série, t. III). — Mémoires de Montré-
sor, Retz, Joly, etc.
FONTS baptismaux. I. Archéologie. — On nomme fonts
baptismaux le grand vaisseau qui sert à conserver l'eau du
baptême. Ils étaient autrefois en dehors de l'église, dans
le baptistère; aujourd'hui on les place dans une chapelle
spéciale, appelée chapelle des fonts, placée près de la
grande porte d'entrée, sur la gauche. Lorsque l'Eglise
ordonna d'administrer ce sacrement dans un lieu uniquement
destiné à cet usage, des cuves spéciales furent consacrées à
cette cérémonie. Le baptême par immersion (V. Baptême),
le plus fréquent à l'origine, nécessita de grandes cuves dans
lesquelles le néophyte devait entièrement se plonger. Elles
remplaçaient les piscines des anciens baptistères et de-
vaient être de pierre, symbolisant ainsi le Christ, comparé
dans récriture sainte à un rocher, non poreuses et fermées
par un couvercle pour que l'eau s'y conservât pure. Ce
n'est que dans le cas d'impossibilité d'avoir un vaisseau de
pierre convenable que le concile de Lérida, en 524, auto-
risa les prêtres à se servir de cuves en métal ; il existe
encore quelques-unes de ces dernières, en plomb et en
bronze, qui datent du xne siècle. Lorsqu'on abandonna
l'usage de plonger les catéchumènes dans un bassin et que
le baptême par infusion fut passé dans les rites, on ferma
la cuve par un couvercle, et à travers une étroite ouver-
ture on puisa l'eau nécessaire au sacrement. Cette modifica-
tion conduisit à diminuer la grandeur de la cuve : au xve siècle
on la divisa en deux parties, l'une pour contenir l'eau, l'autre
pour servir de piscine et recueillir l'eau qui coulait sur le
front du baptisé. Un trou qui traversait le pied de la cuve
conduisait l'eau jusque dans la terre. Ce sont les fonts encore
en usage de nos jours.
Les fonts furent de formes bien différentes. A l'origine
on fit usage des cuves en granit et en marbre qui dans l'an-
tiquité servaient aux bains publics. On dut même faire
usage de sarcophages antiques, sur lesquels furent copiés
plus tard les fonts de forme longue, comme ceux d'Amiens,
de Sainte-Trophime d'Arles, de Saint-Caunat près d'Aix,
d'Espondeillan, qui d'ailleurs rappelaient, parleur destina-
tion primitive, la sépulture mystique, symbolisée par le
baptême. On trouve aussi de grandes cuves antiques trans-
formées en cuves baptismales, comme celles du baptistère
de Saint- Jean in fonte de Borne. Il y en avait en forme
de croix ; d'autres étaient rondes, entourées de colonnettes,
comme celles de Chartres ; carrées, comme celles de Chignac
(Dordogne) ; octogones, comme celles de Jugazan (Gironde).
Les fonts reposaient directement sur terre. Ceux à pied,
semblables à des vasques, tout aussi anciens, comme nous le
montre l'antique peinture de Sainte-Pudentienne de Borne,
furent cependant d'un usage restreint jusqu'au xvie siècle.
A ce moment les fonts deviennent, en Allemagne et en Prusse
principalement, de véritables monuments; le couvercle est
en effet presque un édifice, haut souvent de plusieurs
mètres. Quelques princes furent baptisés dans des baptistères
spéciaux. Le vase qui a servi aux enfants de saint Louis et à
d'autres enfants de France, actuellement au musée du Louvre,
est un bassin arabe du xme siècle. Le fils de Napoléon III fut
FONTS — FONVIELLE
— 762
baptisé dans une vasque de porcelaine de Sèvres, large de
6 pieds. Dans beaucoup d'églises, les anciens fonts ont été
transformés en bénitiers, mais il est facile de les reconnaître
Fonts baptismaux de la cathédrale de !Sion.
aux sculptures symboliques dont ils sont généralement
ornés (la passion et le baptême du Christ), et aux traces de
ferrures du couvercle qui a disparu lors de leur nouvelle
destination. F. de Mély.
IL Liturgie. — La bénédiction des fonts baptismaux se
fait solennellement deux fois par an : la veille de Pâques
et la veille de la Pentecôte. Ce qu'on bénit ainsi, c'est l'eau
destinée aux baptêmes. Les cérémonies et les oraisons em-
ployées sont toutes relatives à l'ancien usage de baptiser les
catéchumènes en ces jours-là.
Bibl. : Archéologie. — Albert Lenoir, Architecture
monastique; Paris, 1856, in-4. — L'abbé Van Drival, Etudes
sur les fonts baptismaux, dans la Revue de l'art chrétien,
1858, t. 11. — A. de Caumont, Architecture religieuse; Caen,
1867, in-8. — L'abbé Corblet, Histoire du sacrement du
baptême; Paris, 1882, in-8. — L'abbé Van de Vyvère, Etude
sur les fonts baptismaux des Flandres, clans Bull, de la Com-
mission d'archéologie de Belgique, 1885. — Camille Enlart,
Etudes sur quelques fonts baptismaux du nordde la France,
dans Bull, archéologique du Comité, 1890.
FONTVANNES. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Troyes,
cant. d'Estissac, aux sources de la Vannes; 347 hab.
L'église renferme un curieux retable du xvie siècle en bois,
orné de bas-reliefs représentant la Résurrection.
FONTVIEILLE. Corn, du dép. des Bouches-du-Rhône,
arr. et cant. (E.) d'Arles; 2,591 hab. Stat. du chem. de
fer dép. d'Arles à Salon. Importantes carrières de pierres
connues sous le nom de pierres d'Arles. Source thermale
qui a donné son nom à la ville. Au lieu dit les Forges,
bas-relief antique taillé dans le roc (mon. hist.) repré-
sentant un taureau paré de bandelettes auprès d'un
autel votif.
F0NV1ELLE aîné (Bernard-François-Anne, dit le che-
valier de), littérateur français, né à Toulouse vers 4759,
mort en juin 1837. Commis de la régie à Perpignan quand
éclata la Révolution française, il s'en montra d'abord un
des plus chauds partisans ; son enthousiasme tomba net
tout d'un coup, et il n'y eut pas de plus ardent royaliste;
on le vit bien à Lyon, où il fut un des fomenteurs de
l'insurrection de 1793 ; mais sa prudence égalait pour le
moins ses convictions : il sut disparaître à temps et gagner
la Suisse avant que la ville fût prise. Même jeu à Marseille,
d'où il gagne l'Espagne, puis l'Italie. Même jeu encore à
Lyon entre le 9 thermidor et le 13 vendémiaire. Il avait
réussi entre temps à se faire admettre au nombre des agents
secrets de Louis XVIII. Mais le Consulat détermina chez
lui une volte-face complète; l'Empire l'en récompensa en
le nommant chef de bureau au ministère de la guerre ; il
passa de là à la Banque de France, lança des affaires, etc.,
et se trouva sur le pavé à la Restauration. Ses dernières
années s'écoulèrent dans la misère la plus profonde. Il n'en
persistait pas moins à se décorer des titres les plus ron-
flants et les plus bizarres : chevalier de l'Eperon d'or, se-
crétaire fondateur de l'Académie des ignorants, etc. Picard,
suivant un on-dit, se serait souvenu du personnage qu'il
aurait peint dans son Gil Blas de la Révolution sous le
nom du perruquier gascon Giffard de Quissac. Les livres,
pamphlets, poèmes, odes, fables, comédies, tragédies, etc.,
du chevalier de Fonvielle sont innombrables. Cela va d'un
Essai sur F état actuel de la France au Ier mai 1796
à une tragédie lyrique à'Agar au désert, en passant par
les Trois Fonvielle ramenés à leur honorable et inva-
riable unité, ou Justification éclatante du chevalier de
Fonvielle, affermi pour jamais dans ses incontestables
droits aux bontés du roi, à l'intérêt des ministres de
Sa Majesté, a V estime des honnêtes gens, etc. (Paris,
1825, in-8). — Sa femme ne laissait pas que de faire sa
partie avec quelque agrément. On a d'elle le Dernier Cri
d'une famille royaliste ruinée par la Restauration
(Paris, 1825, in-8). C'est dans le ton du reste. Ch. Le G.
FONVIELLE (Wilfrid de), publiciste et savant fran-
çais, né à Paris en 1828. Ancien professeur de mathéma-
tiques, M. de Fonvielle collabora de bonne heure à un grand
nombre de journaux et de revues scientifiques et s'occupa
plus particulièrement d'aérostation. Il fit lui-même plusieurs
ascensions dont deux sont demeurées célèbres : l'une en
4858, où il demeura deux jours pleins dans les airs entre
Paris et Compiègne; l'autre en 4 869, avec M. Gaston Tis-
sandier, où le ballon que montaient les deux aéronautes
fit 90 kil. en trente-cinq minutes. M. de Fonvielle a publié
un nombre considérable de volumes. Comme publiciste po-
litique, onade lui : le Souverain (Jersey, 4853); V En-
trevue de Varsovie (1 860); la Croisade en Syrie (1 860) ;
la Foire aux candidats ou Paris en juin 1871 (1 871 ); les
Dernières Causeries de M. H. Roche fort (1871) ; la Ter-
reur ou la Commune de Paris en 1871 dévoilée (1871);
Paris en flammes (1871) ; la République sans phrases
(1872); les Dialogues républicains (1873); Amédée Ier
et la République espagnole (4873); la Politique an-
glaise dans le passé et dans l'avenir (4874), etc. Comme
savant, on lui doit : V Homme fossile (4865); les Mer-
veilles du monde invisible (4 865) ; Eclairs et tonnerres
(4866) ; V Astronomie moderne (4868), ainsi que de nom-
breux livres et opuscules sur l'aérostation. Enfin M. de
Fonvielle a écrit, sur le plan des romans de Jules Verne,
un certain nombre d'ouvrages pour la jeunesse, parmi les-
quels nous nous plaisons à signaler : la Conquête du pôle
nord (4877); le Glaçon du «Polarisa (4877); Néridah
(4880); VÉspion aérien (4884); les Affamés du pôle
nord (4885) ; les Endormeurs (4887) ; le Pôle sud, etc.
FONVIELLE (Ulrich de), publiciste français, né à Paris
en 1833. M. Henri Rochefort ayant été élu député de la
première circonscription de Paris au mois de nov. 1869,
M.Llrichde Fonvielle fut désigné, avecMM. Paschal Grous-
set, Malon, Flourens, Casse, Francis Enne, etc., par la
. réunion publique des électeurs du quartier de La Villette,
pour faire partie de la rédaction du journal chargé de sou-
tenir la politique de M. Rochefort, la Marseillaise, qui
parut le mois suivant. Le 10 janv. 1870, choisi avec Victor
Noir par M. Paschal Grousset pour aller porter au princse
Pierre Bonaparte un cartel motivé par les attaques du
journal l'Avenir de la Corse, qu'inspirait directement le
prince, contre la rédaction de la Revanche, autre journal
— 763 —
FONYIELLE — FOOT-BALL
corse dont M. Grousset était le représentant à Paris ,
M. Ulrich de Fonvielle eut à essuyer à deux reprises le feu
du prince qui venait de blesser à mort Victor Noir (V. ce
nom). M. de Fonvielle affirma, lors du retentissant procès
auquel donna lieu cette déplorable affaire, que le prince avait
fait feu sans aucune provocation de sa part ni de celle de
Victor Noir; le prince prétendit le contraire et fut ac-
quitté. Précédemment, à l'enterrement de la victime, M. de
Fonvielle s'était avancé devant la fosse et avait juré qu'il
disait la vérité et qu'il tirerait vengeance de l'attentat du
prince. Le nom de M. Ulrich de Fonvielle n'a été mêlé de-
puis lors à aucune polémique importante. Ch. Le G.
FOOT-BALL. C'est un jeu de balle au pied, fort popu-
laire en Angleterre, mais qui parait avoir une origine fran-
çaise, et qui depuis quelques années a repris chez nous
une grande vogue. On le nomme aussi la bavette. Les
règles de ce jeu ne sont pas absolument fixes : il y a
même des différences assez marquées entre la méthode
anglaise et la méthode française, mais ces différences
portent surtout sur les détails, et le règlement que nous
donnons peut être considéré comme un règlement classique.
Le nombre des joueurs est variable, de dix à quarante
et plus, mais il doit toujours être pair. On forme deux
camps égaux dont chacun est commandé par un capitaine.
Le terrain est une esplanade sur laquelle on dessine avec
des cordes, des pieux ou des guidons, soit même avec
de simples raies tracées sur le sol, un parallélogramme de
150 m. sur 6o. Au milieu de chacun des petits côtés du
rectangle on marque par une paire de poteaux plantés à
5m50 l'un de l'autre les buts. D'un poteau à l'autre on
tend horizontalement une corde à environ 4 m. du sol.
C'est par-dessus cette corde que l'on doit lancer le ballon
pour qu'un coup soit considéré comme bon. Les lignes
qui marquent les deux petits côtés du parallélogramme
sont les lignes de but. Celles qui marquent les deux grands
côtés sonf les lignes de touche. L'intervalle délimité par
les lignes s'appelle le champ.
Ligne
de touche.
Ligne de but.
Le ballon, oubarette, est ovoïde ; il a 0m30 de diamètre
sur 0m38. Il doit être extrêmement solide et il est d'ordi-
naire formé d'une vessie de caoutchouc ou d'une vessie de
porc enfermée dans une forte gaine de gros cuir.
Les deux camps une fois formés, les capitaines tirent au
sort le choix du côté (le côté du vent étant le meilleur),
puis les deux partis se placent en avant de leur but res-
pectif, en ordre dispersé, chacun ayant une avant-garde,
un centre et une arrière-garde. Il faut envoyer la barette
entre les poteaux et par-dessus la corde du but adverse,
ce qui compte un point. La partie se compose de plusieurs
reprises de trois points dans un temps fixé. Bien entendu,
les conventions peuvent être différentes. Voici, brièvement
résumées, les conditions du jeu. Le ballon ne doit jamais
être lancé avec les mains, mais il peut être saisi, em-
porté et déposé au but. On peut le lancer de trois façons :
1° en le posant à terre dans un petit creux et prenant un
élan pour le frapper du pied ; 2° en le laissant tomber et
le frappant du pied avant qu'il ait touché terre ; 3° en le
laissant tomber à terre et le frappant du pied après un
premier bond. Les joueurs étant en place, le capitaine du
camp qui n'a pas eu le choix du côté pose la barette au
milieu du champ et d'un coup de pied l'envoie yers le but
adverse. Jusqu'à ce moment l'avant-garde des deux armées
doit demeurer à au moins 40 m. de la barette. Mais dès
qu'elle a quitté le sol, les évolutions sont libres. Quand le
ballon, du premier coup, franchit la ligne de touche, le
coup est nul et doit être recommencé si la partie adverse
l'exige. Il en est de même s'il est saisi par un adversaire
derrière le but avant d'avoir touché terre. Le ballon une
fois lancé correctement, chaque joueur doit s'efforcer de le
faire passer derrière les deux poteaux de l'adversaire ou
tout au moins derrière la ligne de but. Tous les moyens
sont bons : on a le droit de lancer le ballon d'un coup de
pied ou de le saisir et de l'emporter vers l'autre. Les ad-
versaires, de leur côté, poursuivent le ravisseur, tentent de
lui couper le chemin, de l'arrêter. La poursuite dégénère
souvent en pugilat, en véritables luttes corps à corps. Il
est de tradition en France que celui qui atteint le fugitif
se contente d'effleurer la barette en criant : Touché! Alors
tout le monde s'arrête, le ballon est posé à terre et l'avant-
garde des deux partis se plaçant en rond autour de lui,
épaule contre épaule, laiace vers le centre, forme le cercle.
Le cercle se resserre, on pousse à qui mieux mieux, mais
il est interdit de frapper volontairement le ballon avec le
pied ou de le saisir avec les mains jusqu'à ce qu'il sorte en
roulant de la masse compacte des joueurs. Dès qu'il est
sorti, s'en empare qui peut et tâche de l'envoyer au but.
Les joueurs doivent toujours se tenir entre la barette et
leur camp, sans quoi on crie En place! et c'est un nouveau
cas de cercle. Lorsqu'un joueur s 'enfuyant avec le ballon
et sur le point d'être pris, le lâche ou le lance autrement
qu'avec le pied, on crie A faux! et le camp adverse a droit
à un coup franc. À cet effet, un des joueurs de ce camp
prend la barette et la frappe du pied, debout sur le sol,
tous les autres restant à 6 m. de distance au moins. Pour
faire le but d'emblée, en courant avec le ballon, il faut
l'envoyer d'un coup de pied entre les poteaux à la hauteur
voulue, ou bien il faut contourner le but et venir déposer
le ballon entre les poteaux. Généralement, le coureur qui
emporte le ballon n'arrive qu'à lui faire toucher terre
au delà de la ligne du but. Ce faisant, il gagne un avan-
tage, car il acquiert le droit de frapper un coup franc vers
le but. Lorsque la barette a passé la ligne de but, chacun
s'efforce de la saisir et de lui faire toucher terre le premier
ce qui donne droit au coup franc. Si le joueur qui l'a sai-
sie appartient au camp de ce côté, il fait vingt-cinq pas vers
le camp ennemi et frappe son coup dans le même sens. Au
cas contraire, on marque seulement quinze pas et le coup
est envoyé vers le but auquel on a tourné le dos en mar-
quant ces quinze pas. Si le ballon est lancé hors de la
ligne de touche, qui peut le relève et le place au point où
il a franchi la ligne. Tous les joueurs de son parti se
rangent face à face devant lui sur deux rangs, de manière
à former une sorte de couloir. Lui, choisissant bien son
moment fait toucher terre au ballon et l'envoie vivement à
l'un de ses partisans, ou encore, après une feinte, il l'em-
porte en courant vers le but tandis que les adversaires
surveillent les joueurs qui forment couloir. Tout joueur
qui saisit et arrête la barette au vol a droit à un coup
franc. Pour compter un point, il faut que le ballon ait
passé correctement le but ; s'il a passé plus bas que la
hauteur convenue on marque seulement une touche, ce qui
correspond à un quart de point. Généralement, les deux
camps changent de côté au milieu du temps assigné pour
la partie.
Le capitaine a la haute direction de ses compagnons ;
lui seul a le droit de parler au nom de l'équipe qu'il corn-
FOOT-BALL — FOPPA
764 —
mande, d'élever des réclamations, de discuter un coup, d'en
appeler aux arbitres (dans les matchs les équipes désignent
chacune un arbitre). Pour les autres, le silence est de règle.
D'autre part, le jeu exige une abnégation complète de
soi-même ; on joue pour son camp et non dans l'espoir, qui
serait vain la plupart du temps, de briller personnellement.
Le foot-ball fait partie du programme des épreuves du
Lendit. Il donne lieu à des matchs animés entre les dif-
férentes écoles françaises et même à des luttes internatio-
nales. En avr. 1892 et 1893, l'équipe du stade français a
lutté avec désavantage contre l'équipe anglaise de Ros-
slyn Park, venue sous les auspices de l'ambassadeur
d'Angleterre, lord DufFerin.
On a imaginé de jouer le foot-ball dans des piscines.
Les règles sont à peu près les mêmes que pour le foot-
ball terrestre. Mais forcément les circonstances amènent
des détails nouveaux. Ainsi on peut en plongeant et en
nageant dans l'eau dissimuler le ballon, le porter vivement
vers le camp ennemi, ou tromper les adversaires en le tenant
entre les jambes et en s'avançant lentement vers le but.
FOOTE (Samuel), acteur et auteur dramatique anglais,
né à Truro (Cornouailles) en 4720, mort à Douvres le
21 oct. 1777. Issu d'une famille influente de Truro, il se
fit remarquer , dès le collège , par ses extravagances. Il
eut \ïte dévoré son patrimoine et il songea alors à tirer
parti de ses dispositions naturelles pour le théâtre. Sifflé
à Londres, il fut mieux reçu à Dublin et put se montrer
bientôt sur le théâtre de Drury Lane.En 1747, il ouvrit le
théâtre de Haymarket où il ne joua que la farce; il était en
plein succès lorsque ses représentations furent interdites par
l'autorité, gardienne de la morale publique. Pendant quelques
mois, il organisa chez lui des séances privées, puis il rou-
vrit le Haymarket, où il donna des comédies satiriques de
sa composition, fit un héritage qu'il courut dissiper à Paris,
et reparut à Drury Lane comme auteur et comme acteur,
avec des succès fort divers. En 1756, il est au théâtre
de Covent Garden, jouant dans sa pièce The Englishman
returned from Paris. L'année suivante, on le revoit à
Dublin. Engagé dans la troupe de Garrick, à Covent Garden,
il lui emprunte de l'argent et fait une tournée en Ecosse,
où il inaugure les « matinées». Son activité comme acteur
et comme écrivain était extrême ; mais ses pièces, dont
l'idée première et le plan général sont ordinairement em-
pruntés, durent surtout leur vogue aux caricatures de per-
sonnages, vivants alors, dont elles sont pleines. Cette ma-
nière diffamatoire et scandaleuse de comprendre la liberté
de la scène finit, malgré l'habileté et la souplesse de Foote,
par lui faire des ennemis puissants qui lui suscitèrent des
démêlés désagréables avec la justice. Fatigué et découragé,
il allait prendre quelque repos dans le midi de la France ;
mais la fièvre le saisit à Douvres et il y mourut.
Parmi les très nombreuses pièces qu'il a laissées, on
peut citer le Devil upon two Sticks ou Diable Boiteux,
The Matcl of Bath, The Trip io Calais, TheBankrupt.
On a encore de lui quelques écrits comme A Treatise on
the Passions so far as they regard the Stage (1747) ;
The Roman and English Comedy consider'd and com-
parai, etc. On a publié plusieurs recueils de bons mots et
d'anecdotes qui lui sont attribués, William Cooke a écrit
sa vie : Memoirs of Samuel Foote esq. (1805, 3 vol.).
FOOTE (Andrew-Hull), amiral américain, né à New
Haven (Connecticut) le 12 sept. 1806, mort à New York
le 26 juin 1863. Le commodore Foote, avec une flottille de
canonnières, participa à la campagne du général Grant contre
les forts Henry (sur le Tennessee) et Donelson (sur le Cum-
berland) en févr. 1862. Après la prise de ces deux places,
il réunit toutes ses canonnières à Cairo, descendit le Mis-
sissippi et força le général confédéré Polk de se retirer sur
Memphis. Avec l'aide du général fédéral Pope, il s'empara
en avril de l'île n° 10. Le 10 mai il parut devant le fort
Pillow, le rendit intenable aux confédérés, et les poursuivit
jusqu'à Memphis, où il détruisit la flotte de canonnières de
l'armée sudiste. Les bateaux de Foote ne furent arrêtés que
par la forteresse de Vicksburg. Ces succès lui valurent le
grade de contre-amiral. L'année suivante il fut désigné par
le ministre de la marine Gedeon Weiles pour remplacer
l'amiral Dupont qui venait d'échouer dans une attaque contre
Charleston. La maladie empêcha l'amiral de prendre son
commandement ; il mourut la même année. Aug. M.
FOPPA (Vincenzo) ou FOPPA le Vieux, peintre italien,
né à Brescia dans les premières années du xve siècle, mort
en 4492. La nationalité de Foppa, un instant douteuse,
est aujourd'hui déterminée ; un des tableaux du maître est
signé Vincencius Brixensis (on l'a parfois confondu avec
Vincenzo Civerchio [V. ce nom]), et, d'autre part, nous
possédons des documents dans lesquels les citoyens de
Brescia le traitent de compatriote. Foppa est donc né à
Brescia, et non à Milan, comme le croyait Lomazzo, mais
il est certain qu'il a fait un long séjour dans cette dernière
ville et qu'il y a tenu une école qui fut florissante et
suivie. Pour cette première partie de sa carrière, les dates
sont rares. Il était surtout peintre à fresque. On a la
preuve qu'il a travaillé à l'ancienne église de Santa Maria
di Brera, et c'est, en effet, d'une des murailles de cet édi-
fice qu'a été détaché le Saint Sébastien percé de flèches
qu'on peut voir aujourd'hui dans la salle d'entrée de la
galerie Brera à Milan. C'est une belle œuvre fortement
marquée du caractère un peu rude de la première école
milanaise, de celle qui ne songe pas encore à Léonard de
Vinci et que ce grand artiste doit transformer. Foppa exé-
cuta à Milan d'autres peintures importantes et qui ont
malheureusement péri. Comme son contemporain Mantegna,
il aimait les sujets et les types de l'antiquité, passion
essentielle de l'art renaissant. C'est dans ce goût qu'il
décora le palais que Francesco Sforza donna, en 1456, à
Cosme de Médicis et qui, changeant de nom, est devenu
le palais Vismara. Les peintures ont disparu ; on sait
qu'elles comprenaient une série de médaillons représentant
les douze Césars. C'est à propos de ces travaux que Vasari
a parlé sommairement de Foppa que, par une distraction
de plume, il appelle Zoppa. Slorza employa aussi l'artiste
à l'embellissement de l'Ospedale Maggiore. Foppa y avait
représenté, avec de nombreux portraits, les cérémonies
relatives à la fondation et à l'inauguration de ce merveil-
leux hôpital. Il occupait à Milan une situation très en
lumière, et les autres villes de l'Italie du Nord eurent sou-
vent recours à son pinceau. Des documents récemment
publiés prouvent qu'en 1461 la confrérie de Saint-Jean-
Baptiste l'appela à Gênes pour décorer une des chapelles
de la cathédrale. Vers 4465, Foppa se maria à Pavie. Il
travailla aussi à Bergame et à Crema. Bientôt, il se lassa
de cette vie un peu errante et, en 1489, il résolut de
retourner à Brescia où il avait conservé des amis. On con-
naît la requête qu'il adressa au conseil de ville et dans
laquelle il expose qu'il désire revenir à Brescia avec sa
famille pour y exercer son art et instruire les jeunes gens
dans la pratique du dessin et de l'architecture. On fit bon
accueil à cette demande. Le texte de la délibération muni-
cipale, tout à fait honorable pour Foppa, le traite de conci-
toyen et lui accorde une pension annuelle. En 1491 , le peintre
sollicita et obtint la permission de se rendre à Pavie pour
soutenir un procès auquel avait donné lieu la succession de
sa femme. Foppa mourut à Brescia et fut enterré au cloître
de SanBarnabas. L'inscription tumulaire, aujourd'hui per-
due, lui donnait le titre de Civis Brixiœ.
Foppa a été essentiellement un fresquiste, et ses œuvres
ont péri pour la plupart. Il reste pourtant de lui quelques
rares tableaux. On en retrouve deux au musée de Bergame.
Le premier, qui a fait partie de la galerie Lochis, est un
Saint Jérôme en prière, sur un fond de paysage. Il est
signé Opus Vincentii Foppa. Le second, infiniment plus
remarquable, provient de la collection Carrara, et Bottari
nous a conservé le texte de la lettre en date du 22 déc.
1759 dans laquelle l'amateur annonce l'acquisition de cette
peinture, Christ crucifié entre les deux larrons. Cha-
cune des figures est placée sous une arcade. Dans les
765
FOPPA — FORAGE
angles formés par le cintre est un médaillon d'empereur
romain, étudié avec le sentiment d'une archéologie farouche
à la Mantegna, ce qui ne veut pas dire que les deux
maîtres se soient connus, mais qu'ils ont travaillé en vue
du même idéal. L'expression douloureuse des têtes est
inspirée par la même préoccupation et se précise par une
recherche réaliste que caractérise une sauvagerie savou-
reuse. Ce tableau est prodigieux pour l'énergie et l'intensité
des colorations. Il est signé : 1456. Mensis Aprilis Vin-
cencius Brixensis pinxit. Comme beaucoup de touristes
ont la coupable habitude d'aller de Milan à Vérone sans
s'arrêter à Bergame, cette peinture est peu connue ; nous
la considérons comme une des œuvres maîtresses de Vin-
cenzo Foppa. Paul Mantz.
Bibl. : Stefano Fenaroli, Dizionario degli artisti Bres-
ciani; Brescia, 1877. V. aussi la lettre de G. Carrara
(22 déc. 1759) dans les Lettere pittoriche, 1822, t. IV. —
E. Muntz, Histoire de l'art pendant la Renaissance^. I, II.
FOPPA (Ambrosio) (V. Caradosso).
FOPPENS (Jean-François), historien et bibliographe
belge, né à Bruxelles le 17 nov. 1689, mort à Malines le
16 juil. 1761. Il entra de bonne heure dans les ordres et
professa la théologie à Bruges, puis il fut nommé archidiacre
et censeur des livres à Malines. Il consacra ses loisirs à la
rédaction de nombreux ouvrages historiques et bibliogra-
phiques qui sont encore consultés aujourd'hui. Les plus
importants sont : Historia episcopatus antverpiensis
(Bruxelles, 1717, in-4); Historia episcopatus Sylvœ-
ducensis (Bruxelles, 1721, in-4); Bibliotheca Belgica,
sive virorum in Belgio vita scriptisque illustrium
catalogus (Bruxelles, 1739, 2 vol. in-4). E. H.
FOR-l'Evêque. Siège primitif de la juridiction tempo-
relle de l'évêque (archevêque depuis 4622) de Paris, rue
Saint-Germain-l'Auxerrois; reconstruit en 16£2 : la juri-
diction épiscopale fut alors transférée près de Notre-Dame,
dans la première cour de l'archevêché; mais For-V Evoque
continua à servir de prison jusqu'à la déclaration du
30 août 4780, « portant établissement de nouvelles pri-
sons pour dettes et autres » ; les prisonniers qui y étaient
fort resserrés et dans les conditions les plus contraires à
l'hygiène et à la décence furent distribués (art. 3) entre
la Conciergerie et le Grand-Châtelet. For-1'Evêque fut
alors détruit. H. Monin.
Bibl. : Isambert, Anciennes Lois françaises, t. XXVI,
pp. 376-379. — Dulaure, Histoire de Paris ; Paris, 1839,
nouv. éd. par Belin • t. II, pp. 86-87 ; VU, 18 ; VI, 193-194, in-8.
F0RAB0SC0 (V. Ferrabosco).
FO RAGE. I. Industrie. — Opération qui consiste à percer
dans une pièce métallique un trou cylindrique, avec un
outil appelé foret. Cet outil doit être animé à la fois de deux
mouvements : un mouvement de rotation afin de décrire la
surface de révolution demandée et un mouvement d'avance,
afin d'opérer le trou sur toute la longueur de la pièce. De
ces deux mouvements, celui de rotation est en général re-
latif : la pièce tourne et le foret ne fait qu'avancer en ligne
droite; de cette façon, s'il venait à dévier de sa direction,
on' en serait averti par les oscillations de la barre porte-ou-
til. Unemachineà forer est donc le plus généralement cons-
tituée par la combinaison d'un tour horizontal, quelquefois
même vertical et d'un banc de forage en fonte dressée pa-
rallèlement à l'axe du tour et dans son prolongement. Sur
le banc glisse dans une coulisse un chariot porte-outil :
le mouvement de ce chariot est pris sur la poupée du tour
et on peut, en changeant les engrenages, faire varier à vo-
lonté le rapport des vitesses. Le même banc de forage peut
également servir à l'alésage, c.-à-d. à l'agrandissement
d'un trou déjà percé.
Dans son acception générale, le forage est l'opération qui
a pour but de creuser un puits; on en trouvera l'exposé à
ce dernier mot (V. Puits), et nous ne retenons ici que ce
qu'on entend par forage ou mine forée dans l'exploitation
des mines. Le forage d'un trou de mines peut se faire à la
main ou avec des moteurs ; dans le premier cas, on se sert
de tarière donnant une rotation continue, ou de barres
agissant par choc. Les tarières ne sont admissibles que
dans les roches relativement tendres ; on les met en jeu à
l'aide d'une sorte de vilebrequin et, si le trou de mine doit
être foré dans un angle, on lui substitue le criquet. On fa-
cilite beaucoup l'emploi de la tarière par l'usage de châs-
sis portatifs qui constituent les perforateurs rotatifs à la
main ; le plus répandu est le perforateur Lisbet qui se
compose d'un montant, dont les deux parties peuvent jouer
à coulisse l'une dans l'autre ; la portion inférieure se pique
dans le sol à l'aide d'une pointe fixe ; la seconde s'y adapte
à l'aide d'une broche. On complète le serrage avec une vis
qui commande la pointe supérieure pour la piquer dans le
plafond ; le porte-outil est mobile le long du montant et
s'y fixe en divers points, de manière à procurer aux trous
de mine toutes les situations. Le palier, taraudé k l'inté-
rieur, sert d'écrou à une vis qui est elle-même creuse et
traversée par la vis de la tarière ; un manchon à griffe s'em-
braye et se désembraye suivant que l'on tire ou que l'on
pousse sur la manivelle pendant la rotation pour rendre la
tarière et la vis à volonté solidaires ou indépendantes ; par
ce dispositif, on gradue la vitesse d'avancement suivant la
nature de la roche. Quand on emploie le choc, on se sert
de la barre à mine ou trépan que l'ouvrier soulève et laisse
retomber par son poids ; toutes les fois que l'on dispose de
la place nécessaire pour forer de grands coups de mine,
sans se préoccuper de la solidité des parois, on manoeuvre
des barres à mine à deux hommes, plus longues et plus
lourdes. Mais le moyen classique de forage des trous de
mine consiste dans l'emploi du fleuret, sorte de grand
ciseau en fer armé à son extrémité d'un biseau aciéré un
peu courbé afin que les angles ne soient pas brisés et un
peu plus large que le diamètre de la tige, afin que le trou
soit plus grand qu'elle. Le mineur frappe sur le fleuret
avec une masse, en tournant après chaque coup son fleuret
d'un douzième à un sixième de circonférence. Avec la ma-
chine à camouflets, on peut pratiquer à l'intérieur même
des galeries et à peu près dans toutes les directions, des
forages de 0,20 de diamètre avec une longueur de 5 à 6 m.
et plus. La grande tarière qui exige pour sa manœuvre
une équipe de six hommes et un espace assez large se com-
pose : d'un couple de tarières et cuillers pontées et mu-
nies d'un galet directeur, l'une tournant à gauche, l'autre
à droite, d'une tige de manœuvre sur laquelle s'applique
un tourne-à-gauche, d'un jeu d'allonges en fer à section
carrée avec olives directrices, d'un volet muni d'un treuil
de traction, d'un pieu à vis destiné à fournir un point d'ap-
pui au volet de manœuvre, d'un refouloir, d'un jeu d'al-
longes de refouloir munies d'olives à raclettes, d'une cu-
rette. Enfin on emploie beaucoup, depuis quelques années,
le forage mécanique qui se fait à l'aide de perforateurs
mécaniques (V. Perforateur). L. K.
II. Génie. — On appelle mines forées ou forages des
conduits cylindriques de diamètre variant avec l'outil em-
ployé, à l'extrémité desquels on place une charge de poudre,
soit dans le forage lui-même, soit dans une cavité ou
chambre d'un diamètre plus grand. L'idée des forages re-
monte à une certaine époque. Les Turcs, en effet, l'avaient
mise en pratique au siège de Candie ; dans les travaux
des mines, on faisait déjà usage de petites machines à
forer, telles que les sondes et les trépans, mais ce ne fut
guère qu'à partir de 4830 que les mines forées firent leur
apparition réelle dans les travaux du génie. L'importance
de cette invention, surtout à son début, fut fortement exa-
gérée. Après les premiers perfectionnements apportés à son
outillage, on parvint à faire rapidement et sans déviations
sensibles des forages d'une vingtaine de mètres de longueur,
de sorte que les contremines parurent perdues, parce qu'il
semblait que tous les dangers courus par le mineur de l'at-
taque disparaissaient avec ces instruments à longue portée.
Cependant les succès des forages ne furent pas toujours
aussi certains ; une petite .pierre, le moindre obstacle suffi-
saient pour arrêter la cuiller ; le casse-pierre était souvent
impuissant, et la plupart des essais oh l'on tenta de briser
FORAGE
766 —
l'obstacle par une petite explosion avaient presque toujours
pour résultat la destruction du forage. Le mode d'attaque
par les forages fut, à la suite du siège de Sébastopol, re-
connu incertain, applicable seulement dans quelques cas
particuliers, où l'on pourrait du reste s'en garantir par
des tranchées remplies de pierres sèches et placées de dis-
tance en distance au-dessus du système de contremines.
Néanmoins, grâce à de nombreux perfectionnements ap-
portés à l'ancien outillage, grâce à la dynamite, et aujour-
d'hui à la mélinite dont les efiets tout à fait locaux per-
mettent : 1° de briser les obstacles que rencontre la tarière
sans détruire le forage; 2° de transformer en forages à
grand diamètre les forages à petit diamètre obtenus avec les
barres à mine de création relativement récente ; 3° d'éta-
blir à l'extrémité des forages des chambres à poudre d'une
capacité voulue sans détruire le forage; grâce à ces diverses
causes, les mines forées reprennent depuis quelques années
leur première importance et sont appelées, à notre avis,
à un avenir considérable.
Les appareils à forer existant actuellement dans les poly-
gones du génie sont de deux sortes: 1° les appareils à grand
diamètre, dits aussi appareils à rotation ; 2° les appareils
à petit diamètre dits aussi appareils à percussion. Les appa-
reils à grand diamètre sont les suivants : 1° le trépan,
sorte de tarière en fer de 0m12 de diamètre; cet instru-
ment muni de dix rallonges en fer est mû par un ou deux
hommes et produit un forage de 0m13 à 0m15 de dia-
mètre, pouvant atteindre une longueur de 4 m. ; 2° la pelle
d'Arras, formée, d'une pelle carrée ou louchet dont les
ailes sont recourbées en un demi-cylindre de 0m48 de
diamètre. Cet outil muni de rallonges en bois est ma-
nœuvré comme le trépan, et fournit un forage de 0m20
environ de diamètre. Mais il n'est possible de l'employer
que dans des terrains de peu de consistance et de consti-
tution bien homogène ; 3° la machine à camouflets com-
prenant une tarière de 0ml 8 de diamètre, avec rallonges
mises en mouvement par deux hommes à l'aide d'un jeu
d'engrenages ; 4° la grande tarière, du colonel Bussière,
composée d'une cuiller pontée ou tarière de 0m20 de dia-
mètre, d'une série de rallonges en fer munies d'olives di-
rectrices, et le tout terminé par une tige de manœuvre sur
laquelle agissent, pour mettre l'appareil en mouvement, un
tourne-à-gauche muni de quatre bras pour la rotation, et
un appareil de traction comprenant une poulie à dents et
une chaîne de Gall pour la propulsion. Cet appareil produit
des forages de 0m22 de diamètre, et dans les conditions
les plus favorables permet un avancement de 2 m. environ
à l'heure jusqu'à 8 m. de profondeur. Il existe aussi une
tarière Bussière dont les différentes rallonges sont tubu-
laires ; cet appareil présente une force de pénétration plus
considérable que le précédent et permet d'attaquer le roc
et la maçonnerie. A citer pour mémoire les anciennes ta-
rières produisant des forages de diamètre considérable
variant de 30 à 50 centim., et exigeant jusqu'à 43 et
14 hommes pour leur mise en œuvre. Ces anciens outils
étaient arrêtés par le moindre obstacle, déviés par la plus
petite pierre et le résultat, quand on en obtenait un, était
plus que discutable. Ces outils étaient généralement suivis
dans leur trou par un mineur qui les aidait, les dirigeait,
et à l'aide de sa pioche, débarrassait leur chemin de toute
pierre gênante.
Les appareils de forage à petit diamètre sont les suivants :
1° la barre à mine et le pistolet de mine du carrier, que
tout le monde connaît et qui sont spécialement employés
au forage des roches pour en faire le pétardf ment ; 2° l'ap-
pareil Pitoy, composé d'une série de tubes vissés les uns
sur les autres et terminé par un tube crépine en forme de
flèche. Sur ces tubes sont serrés, par quatre boirons de
fer, les deux moitiés d'une tête de turc sur laquelle vient
frapper un mouton actionné par deux tiraudes supportées
par un haut trépied en fer. Le but de cet appareil est
d'atteindre avec la crépine la nappe d'eau souterraine ; ce
résultat obtenu, on visse une pompe aspirante sur l'extré-
mité supérieure du dernier tube et l'on a ainsi en
quelques instants de l'eau pure en abondance; 3° des
barres à mine de divers systèmes, dont le seul adopté
jusqu'à présent est la barre à mine de M. le commandant
Binet qui, en 1877, s'inspira de l'appareil Pitoy pour en
appliquer le principe à un appareil perçant des forages de
0m06 seulement de diamètre. En 1883, l'auteur, après de
nombreuses expériences, débarrassa son appareil de la
tête de turc et de son mouton, et constitua la barre à
mine existant aujourd'hui. Elle se compose d'un outil pro-
prement dit, portant le nom de pistolet, et dont la tranche
appelée à travailler présente la forme de deux ciseaux-
diamants en croix. Cet outil, de 0m26 de long et de 57
millim. de diamètre, est vissé sur une barre pleine dite
porte-pistolet de 0m70 de longueur, qui, elle-même, est
vissée sur une série de rallonges de 1 m. de longueur et
formées de tubes en acier étiré sans soudure de 0,034 de
diamètre intérieur et de 0,041 de diamètre extérieur. Pour
exécuter un forage à l'aide de cet appareil, on procède de
la façon suivante. Après avoir déterminé le point de départ
du forage et l'inclinaison qu'il doit avoir, on visse le pis-
tolet sur le porte-pistolet et sur le tout une rallonge.
Deux hommes, prenant à deux mains cet appareil, le pré-
sentent sur le point de départ en lui donnant l'inclinaison
voulue, et, à petits coups, entament la croûte du terrain.
Petit à^ petit l'outil pénètre, et, au fur et à mesure de
cette pénétration, les travailleurs lui impriment un mou-
vement de va-et-vient d'une amplitude de plus en plus
grande, et qui permet, par conséquent, d'avancer de plus
en plus vite. Quand l'amorce du forage ainsi obtenue a
atteint une profondeur de lm50 environ, on allonge la
barre d'une rallonge et on continue. A mesure de l'allon-
gement de la barre et de la résistance du terrain, le
nombre des travailleurs est augmenté et poussé jusqu'à
quatre.
Comme on vient de l'indiquer succinctement, cet appa-
reil procède par compression du terrain et, par consé-
quence, dispense complètement de l'extraction des déblais.
Or on facilite singulièrement son travail en introduisant
de l'eau dans le forage pour détremper le terrain autant
que possible au point où travaille l'outil; pour cela, il
suffit de verser de l'eau dans la barre, qui est creuse, et
dont le vide est continué par un petit canal percé dans le
porte-pistolet. Il est difficile d'indiquer une vitesse d'avan-
cement, même approximative, car cette vitesse dépend du
terrain dans lequel opère la barre. La nature de ce ter-
rain, sa consistance, sa composition, son homogénéité
essentiellement variables non seulement d'un forage à un
autre, mais aussi dans le même forage, sont autant d'élé-
ments qui entrent en ligne de compte et qui font de la
vitesse une quantité à laquelle il est bien difficile d'assigner
des limites bien déterminées. Tandis que, dans les condi-
tions les plus favorables, on aura pu forer jusqu'à 8 m.
.par exemple, en 5 ou 6 minutes, on rencontrera à cette
profondeur une pierre, ou même un banc de roche qui
exigera des heures entières pour se laisser traverser, et
qui même suivant son épaisseur pourra entraîner l'abandon
du forage. Un forage étant exécuté, il faut procéder au
chambrage pour permettre l'établissement d'un fourneau
(V. ce mot). Pour cela, on introduit à l'extrémité du fo-
rage une ou plusieurs cartouches de mélinite et on en dé-
termine l'explosion. Cette explosion a pourrésultat l'écar- •
tement des terres par compression et la formation d'un
globe ou chambre de forme généralement ellipsoïdale et
d'une dimension variant avec la charge employée. On ob-
tient des chambres de grandes dimensions, pouvant conte-
nir 500 kilogr. de poudre et même plus, à l'aide de deux
ou plusieurs élargissements successifs exécutés au même
point. Dans la chambre ainsi obtenue, on coule de la
poudre libre ou on introduit des gargousses chargées de
poudre, suivant l'inclinaison plus ou moins grande du fo-
rage ; le poids de cette charge varie suivant l'effet que
l'on veut obtenir et suivant l'épaisseur de la couche de
— 767
FORAGE
terrain mesurée de la surface de ce dernier au centre
de la charge, cette épaisseur étant la ligne de moindre
résistance ; on l'amorce, soit à l'aide d'un procédé pyro-
technique, soit à l'aide d'un procédé électrique, et le four-
neau est alors prêt à jouer pour le moment le plus oppor-
tun. Le bourrage (V. ce mot), lorsqu'il est nécessaire,
se fait avec des cylindres de terre argileuse façonnés au
moule ; pour les forages descendants, on emploie aussi
Fig. 1.
des boules d'argile, qui roulent d'elles-mêmes. La fig. 1
donne l'idée d'un forage vertical et d'un forage incliné.
Le forage a été assez peu employé jusqu'ici. Son uti-
lité est néanmoins indiquée dans une foule de circons-
tances à la guerre. Dans l'attaque d'un système de contre-
mines couvrant le point faible d'une place assiégée, l'at-
taque peut s'en servir pour tenter d'écraser les rameaux
que la défense a tout intérêt à pousser pour tourner les
attaques et les prendre à revers. Elle peut aussi s'en ser-
vir en tête des attaques pour produire quelques petites
explosions d'abord, ayant pour résultat le jeu prématuré
de quelques fourneaux de la défense, et, par suite lui per-
mettant d'établir rapidement et presque sans risques, à
l'aide d'autres forages, un ou plusieurs gros fourneaux
qui lui font gagner du terrain.
La défense, de son côté, peut, en peu de temps, à l'aide
de forages rapidement établis, bouleverser les entonnoirs
de l'attaque et lui reprendre ainsi tout ou partie du terrain
qu'ils lui avaient fait gagner. Des forages judicieusement
établis en éventail, dès le début d'une guerre souterraine,
à l'extrémité des galeries du système de contre-mines,
peuvent avoir pour résultat d'abord d'entendre les travaux
de l'attaque, de l'écouter venir, de prévenir ses explosions
et, au besoin même, de bouleverser le logement du
mineur et de l'obliger à l'établir plus loin, lui faisant
perdre ainsi un temps aussi long que précieux. Dans les
travaux d'approche d'un siège, a-t-on un abri à construire,
on fait un trou de barre à mine à l'emplacement de cha-
cun des montants qui supportent le ciel de l'abri ; on élar-
git chacun de ces trous, et simultanément, soit au cordeau
détonant, soit à l'aide d'un petit saucisson de mélinite, on
plante les montants, on coule du sable ou de la terre sèche
que l'on pilonne dans le vide restant, et il ne reste plus
qu'à les recéper à longueur. Du couronnement du chemin
couvert, on pousse un forage jusqu'à la contrescarpe qui
est bientôt enlevée. Si l'on a un remblai à enlever pour
couper une ligne ou une route, à l'aide d'un forage forte-
ment chambré, bien chargé, en quelques instants le rem-
blai n'existe plus. De même, on démolit une maison en
quelques minutes, au moyen d'un ou deux forages portant
des fourneaux sous ses fondations.
Si l'on a une position ou un ouvrage à défendre, on a
recours encore à la barre à mine, et l'on procède de la
manière suivante: on établit une, deux ou plusieurs lignes
de forages de 2 m. à 2m50 de profondeur, espacés les uns
des autres de 6 à 7 m., tandis que les lignes sont environ
à 10 m. les unes des autres; on chambre ces forages à 2
ou 3 cartouches de mélinite, et on les charge de 4 o, 20 ou
30 kilogr. de poudre suivant la nature du sol ; les forages
de chacune des lignes sont amorcés pour leur explosion
simultanée; tous les cordeaux, soit détonants, soit conduc-
teurs, installés pour la mise du feu, sont noyés dans des
petites tranchées de 0m40 de profondeur, et tous les bouts
aboutissent dans l'ouvrage ou derrière la ligne à soutenir.
Au premier mouvement offensif de l'ennemi, un immense
rideau de terre s'élève, retombe, fait de nombreuses vic-
times et jette le désarroi dans les rangs. L'ennemi se re-
forme, revient de son étonnement et tente un retour offen-
sif ; il est reçu par une deuxième ligne de fougasses. Y en
a-t-il d'autres, et combien ? Telle est la question qu'il se
pose et qui peut l'amener à renoncer à son entreprise. On
peut facilement juger de l'immense effet moral produit par
ces dispositions qui, pour leur établissement, exigent à
peine quelques heures. En effet, des expériences sérieuses
et suivies ont permis de constater que Cinquante hommes,
munis de deux barres à mine, ont mis en moyenne trois
heures pour forer, chambrer, charger, amorcer, noyer les
conducteurs dans leurs petites tranchées et mettre le feu, à
deux lignes de 25 fougasses chacune. Ce dernier résultat
indique qu'on pourrait utiliser ce mode de défense même
sur un champ de bataille dèfensif, à organiser en quelques
heures.
Un forage peut être aussi rapidement transformé en un
puits ou en une communication souterraine, suivant qu'il
est vertical ou horizontal, en y introduisant un chapelet
simple ou double de cartouches de mélinite et en en déter-
minant l'explosion. Ce genre d'opération, encore dans l'en-
fance, a besoin d'être étudié, expérimenté ou perfectionné.
En effet, les communications obtenues jusqu'ici avec .la dy-
namite étaient de formes très ir régulières, et aujourd'hui
la dynamite étant remplacée par la mélinite, ce dernier
explosif introduit un obstacle plus grave en imprégnant,
par son explosion, les parois de ces communications avec
de l'oxyde de carbone qui, refluant petit à petit, les ren-
dra inhabitables jusqu'à ce qu'un réductif puissant de ce
gaz toxique ait été trouvé et employé d'une façon simple
et pratique.
Comme on le voit par ce qui précède, l'utilité du forage
est incontestable, et la barre à mine est appelée à devenir
à la guerre l'instrument de tous les instants. Malgré
l'adoption de l'appareil Binet, de nouvelles expériences
ont été faites et se font encore; de nouveaux appareils
ont été présentés, et sont sur le point d'être expérimen-
tés, car l'importante question des forages ouvrira long-
temps encore peut-être un vaste champ d'études au cher-
cheur. Il est certain, en effet, que le forage rapidement
établi, un chambrage exécuté avec précision au point
même où l'on désirait faire jouer le fourneau qu'il est des-
tiné à recevoir, un chargement sûr et rapide dans une
direction et avec un explosif quelconque ; ou bien un élar-
gissement rapide, donnant avec des dimensions exactement
prévues une communication souterraine ou à ciel ouvert,
seront des faits de nature à modifier profondément non
seulement les opérations de l'attaque et de la défense des
places, mais même les opérations, les moyens d'action des
troupes sur le champ de bataille.
Les forages dans le roc et dans la maçonnerie sont ap-
pelés pétards (V. ce mot) .
III. Artillerie. — Opération consistant à percer, dans
l'axe du canon et dans le sens de sa longueur, un trou
cylindrique d'un diamètre inférieur à celui que doit avoir
l'âme et qui est ramené à ce diamètre par l'alésage.
Forage des bouches à feu. Pour les bouches à feu,
l'outil n'a qu'un simple mouvement de translation, et c'est
la pièce qui reçoit un mouvement de rotation. Ce procédé
a été reconnu plus avantageux pour constater les déviations
qui viendraient à se produire dans le perçage du trou,
dont le calibre est sensiblement inférieur à celui que doit
avoir la pièce achevée. La machine à forer est constituée
par un tour et un banc de forage, ce dernier supportant
un chariot qui possède un mouvement automatique d'aller
FORAGE — FORAIN
— 768 —
et de retour. Il suffit de changer les engrenages pour mo-
difier la vitesse de ce mouvement. La barre de forage ou
foret, en acier fondu, est fixée dans une cavité du chariot
placée exactement sur le prolongement de l'axe du tour;
un coussinet soutient cet outil près de la pièce. Le forage
des canons se chargeant par la culasse peut se faire : 4° en
allant de l'extrémité jusqu'au fond avec le même foret ;
2° en commençant successivement par les deux bouts,
que l'on ne fore que jusqu'au milieu du canon ; 3° en
attaquant la pièce par les deux bouts à la fois. L'amorçage,
ou commencement du travail, doit s'efîectuer avec les plus
grands soins, car de sa bonne exécution dépend la régu-
larité du travail du foret. On l'exécute à l'aide d'un chariot
spécial, manié à la main, et de forets de diverses espèces
qui sont différents pour l'acier et pour le bronze. Pour ce
dernier, dont le métal n'est pas homogène, la barre de
forage a une forme demi-cylindrique ; la tête porte une
lame tranchante, qui est destinée à enlever le métal (fig. 2).
Pour forer les canons en acier, on emploie un foret annu-
laire, appelé foret russe (fig. 3). La lame n'enlève qu'une
I
Fig- 2.
Fi-. 3.
Fig. 4.
partie du métal en forme de couronne en laissant au milieu
une tige cylindrique pleine qu'il est facile d'enlever en-
suite. Pour cela, la barre de forage et la tête porte-outil
sont creuses. Afin de rendre le travail encore moins pénible ,
l'outil tranchant ne mord le métal que progressivement,
par gradins. Cette façon de procéder économise beaucoup
de temps et de métal. Toutefois, la tige réservée au centre
ne peut avoir un diamètre de plus de 0m20,pour ne pas
dépasser la limite de résistance de la barre,, et il faut
alors enlever avec l'outil tout l'excédent du métal. Quand
il est nécessaire d'agrandir le trou primitivement percé, on
se sert d'une barre de forage dont la tête porte un rou-
leau cylindrique ayant le calibre du premier trou, et en
arrière une lame coupante ayant la saillie voulue. Cet ou-
til porte le nom de foret-rouleau. Après le premier forage,
les pièces sont soumises à des épreuves de résistance, à la
suite desquelles on leur donne leurs formes définitives, et
c'est alors qu'on alèse l'arme au calibre voulu. Telle est
la marche générale suivie pour le forage des canons ou
mortiers; on s'en écarte dans certaines pièces ou pour
certains métaux, pour employer des procédés qui ne dif-
fèrent des précédents que par des détails ou l'ordre dans
lequel ils sont exécutés.
Forage des canons de fusil. Le trou cylindrique que
l'on perce tout d'abord dans ces fusils n'est que peu infé-
rieur au diamètre définitif de l'arme. Des précautions mi-
nutieuses doivent être prises pour déterminer rigoureuse-
ment l'axe de figure du canon, dont le forage doit être
exécuté strictement suivant cet axe. Ce forage s'effectue à
l'aide de forets à deux tranchants, formant un angle de
120° environ (fig. 4) et disposés de manière à faciliter le
dégagement des copeaux. Le canon disposé verticalement
a ici un mouvement de rotation suivant l'axe, et l'outil
descend doucement suivant la direction de cet axe. L'amor-
çage doit également être fait avec les plus grands soins,
sur une profondeur de 0m06 environ, avec un diamètre de
1/40 de millim. supérieur à celui du foret proprement dit,
pour faciliter l'introduction de ce dernier. Pour achever le
forage, onse sert d'une machine à percer, dans laquelle le
foret est simplement maintenu par deux lames de ressort,
qui lui permettent de fléchir sans se fausser, et cette dis-
position limite les déviations, qui se traduisent par une
série de légères oscillations dans tous les sens. Après un
perçage d'environ 0ra0o, on retire le canon pour s'assurer,
au moyen d'un cylindre vérificateur, que le trou est bien
dans l'axe. Les légères déviations existantes sont redres-
sées à coups de marteau sur une enclume à table légère-
ment concave, de manière à amener la partie non encore
forée dans le prolongement de l'axe du foret. On s'assure
en outre que l'axe du trou coïncide avec l'axe de figure
du canon au moyen d'un instrument vérificateur spécial, et
l'on continue le forage par parties de 0m0o jusqu'à son
achèvement. On amène ainsi progressivement le canon à
son calibre définitif au moyen d'alésages successifs , qui
achèvent de donner à l'âme une forme parfaitement cylin-
drique.
VI. Droit féodal. — Le forage était une redevance due,
dans certains pays, au seigneur par les débitants vendant du
vin au détail. Les droits sur les boissons n'étaient pas réglés
au moyen âge d'une façon systématique ; leur quotité et
leur mode de perception variaient selon les localités, et ces
impôts prenaient en même temps des noms très divers. Le
forage tirait son nom de ce qu'il était perçu quand la pièce
était mise en perce et le foret placé au tonneau. Ce droit
ne semble pas être différent de Vafjorage (V. ce mot),
bien que de Laurière recommande de ne pas les confondre ;
les deux mots de forage et iïafforage sont souvent em-
ployés indifféremment l'un pour l'autre, sans qu'ils parais-
sent désigner des droits distincts. Dans quelques parties du
Berry, le même droit s'appelait jallage.
Bibl. : Droit féodal. — De Laurière, Glossaire du
droit français ; Niort, 1882, p. 244, nouv. éd.
FORAIN. I. Moeurs et coutumes. — On appelle .géné-
ralement forains les marchands et les bateleurs de toute
sorte qui fréquentent les foires ; mais la véritable étymo-
logie du mot, celle aussi qui répond le mieux au carac-
tère nomade de ces marchands, c'est foras qui signifie « qui
est étranger, qui vient du dehors ». Si haut qu'on re-
monte dans l'histoire, on trouve en effet, chez tous les
peuples, des individus isolés ou même des groupes d'indi-
vidus, impatients de toute règle et de toute contrainte so-
ciales, qui usent leur vie à voyager de pays en pays, s'ar-
rêtant à peine quelques semaines au même endroit pour
exercer une industrie primitive (forge, étamage) ou
donner des spectacles rudimentaires. Où qu'ils aillent ils
sont toujours du dehors; ils sont toujours des étrangers,
avec leurs coutumes bizarres, leur insouciance fataliste,
leur horreur du travail régulier, leur irrespect du bien
d'autrui, leur amour du bruit, des oripeaux, du clinquant.
Ils parlent toutes les langues, s'assimilent toutes les civi-
lisations ; ils n'ont point de patrie, point de home. Leurs
villes sont des bourgades de toiles , de mâts , de chariots ,
de planches qu'ils élèvent et qu'ils détruisent en peu
d'heures. Ils sont bien les descendants ataviques des races
qui, aux premiers âges de l'humanité, parcouraient, sans
autre4 but que l'attrait de l'inconnu, les forêts immenses et
les steppes désolés avec leurs tentes et avec leurs bêtes.
Dans l'Inde, rien de plus commun, depuis des temps
immémoriaux, que les jongleurs vagabonds, les ménétriers
errants faisant danser sur un rythme étrange des fillettes
lascives, les charmeurs de bêtes, les danseurs du diable
les diseurs de bonne aventure, les thaumaturges, les ven-
deurs de recettes contre toutes les maladies. Terre clas-
sique de la magie, berceau des sciences occultes, l'Inde a
produit naturellement le merveilleux comme une des fleurs
prodigieuses de son sol, dont les effluves semblent s'être
répandus sur le monde en suivant de mystérieux courants.
En Chaldée, en Egypte, en Chine, au Japon, on retrouve
ces colporteurs de merveilleux, inspirant comme en se
jouant aux peuples grossiers qu'ils traversent le frisson
de l'au-delà et le respect craintif de l'inconnu. Au Japon,
ils exhibent une chapelle portative, vendent des rosaires,
des talismans, des recettes médicales ; en Chine, ils courent
le pays en montrant des tigres, disent la bonne aventure
et vendent des philtres, des secrets, et jusqu'à du vent.
La Grèce et Rome les ont vus : les joueurs de gobelets,
les jongleurs, les devins, les astrologues, les hercules, les
danseurs de cordes, les promeneurs de chèvres savantes,
d'éléphants et de chameaux, les acrobates, les marchands
d'anneaux. contre la morsure des bêtes venimeuses portaient
le nom significatif de circulatores ou de circumforanei,
et ces forains étaient pour la plupart des Arabes, des Chal-
déens, des Egyptiens, des Juifs. On ne distinguait guère
d'eux les agyrtes, prêtres mendiants qui s'étaient infiltrés
dans le monde hellénique, puis avaient pénétré dans le
monde romain avec les dieux de l'Orient, accueillis par-
tout par la crédulité publique et une sorte de terreur reli-
gieuse, méprisés pourtant à cause de leurs pratiques et de
leurs mœurs dissolues. Ils conduisaient avec eux des bêtes
féroces apprivoisées, dansaient au son des flûtes, des tam-
bours et des cymbales, distribuaient des présages sous
forme de sentences écrites sur des tablettes, tirées d'une
urne par un jeune garçon, ou des secrets pour guérir, et
ne négligeaient jamais de faire la collecte,
A Rome, des Syriennes et des Gaditanes, par leurs danses
mystiques et leurs costumes étranges, attiraient les passants
aux abords du cirque, où toutes sortes de spectacles et
d'amusements sollicitaient d'ailleurs les oisifs. A Constan-
tinople, à la fin du ive siècle, l'Agora est toujours pleine
de charlatans, de sorcières, de devins, d'empiriques qui
proposent des remèdes contre la stérilité, de magiciens qui
se livrent aux incantations, de bateleurs, de montreurs de
bètes traînant parmi la foule des lions apprivoisés, de
mimes, de danseuses en robes bleues, d'acrobates, de fu-
nambules, volant comme des oiseaux, s'habillant et se
déshabillant dans l'espace, de jongleurs jouant avec des
épées et des coupes, d'équilibristes portant sur leur front
une perche au haut de laquelle sourient deux petits enfants,
de déséquilibrés faisant la roue en roulant les yeux d'une
manière effrayante, rongeant le cuir des vieilles chaus-
sures, s' enfonçant des clous dans la tête. En France, du
vne au xe siècle, les représentations foraines sont données
par des histrions qui élèvent de fragiles théâtres au milieu des
rues, dans les foires, et se font accompagner par des bouf-
fons, des mimes, des joueurs de cithares. Plus tard circulent
des jongleurs menant en laisse des ours, des singes, des ani-
maux fantastiques, sortes de salamandres à tête humaine et
à griffes acérées, des bateleurs, des funambules. D'abord les
jongleurs et ménestrels sont de vrais nomades qui vont de
ville en ville en jouant des tours de passe-passe. Puis, à la
fin de l'époque carolingienne, ils se mettent à chanter les
poèmes nationaux. Au xive siècle, ils retombent dans leurs
premiers errements : dansent à l'épée, montrent des truies
qui filent, des cochons savants déguisés en seigneurs et
châtelaines, des ours qui font le mort, des singes qui che-
vauchent, des chèvres qui jouent de la harpe. Ils se mêlent
aussi de sorcellerie et de médecine. Les mires et physi-
ciens étalent sur les places publiques des herbes, des
drogues, des philtres. Ils assemblent les passants par des
concerts d'instruments, des chansons, des tours, des ca-
brioles, la bizarrerie de leur accoutrement et des boni-
ments qui ne diffèrent guère de ceux des charlatans d'au-
jourd'hui, comme on en pourra juger par le spécimen
suivant : « Otez vos chaperons, tendez les oreilles, regar-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
- 769 - FORAIN
dez mes herbes que madame envoie en ce pays et en cette
terre ; et pour ce qu'elle veut que le pauvre en puisse avoir
aussi bien que le riche, elle me dit d'en faire bon marché,
car tel a un denier en sa bourse qui n'a pas cinq livres.
Et elle me commanda de prendre un denier de la monnaie
qui aurait cours dans la contrée où je viendrais. Je les
donne aussi pour du pain, pour du vin à moi, pour du foin,
pour de l'avoine à mon cheval, car qui sert l'autel doit vivre
de l'autel. — Et j'ajoute que s'il y avait quelqu'un de si
pauvre, homme ou femme qu'il ne pût rien donner, qu'il
vienne à moi, je lui prêterai l'une de mes mains pour Dieu,
l'autre pour sa mère, à condition que d'ici à un an il fera
chanter une messe pour l'âme de ma dame. Ces herbes,
vous ne les mangerez pas, car il n'y a si gros bœuf, ni si
vigoureux destrier qui ne mourût de maie mort, s'il en avait
seulement gros comme un pois sur la langue, tant elles
sont fortes et amères ; mais ce qui est amer à la bouche
est doux au cœur. Vous les mettrez dormir trois jours dans
du bon vin blanc ; si vous n'avez pas de vin blanc, prenez
du vermeil, et, si vous n'avez pas de vermeil, prenez de la
belle eau claire, car tel a un puits devant sa porte qui n'a
pas un bon tonneau dans son cellier. Vous en déjeunerez
pendant treize matins. C'est en cette manière que je vends
mes herbes et onguents ; celui qui en voudra qu'il en
prenne, et celui qui n'en voudra pas qu'il les laisse. » (Rute-
beuf.) Nous avons supprimé à dessein les quolibets énormes
et les obscénités qui agrémentent ce discours. Enfin, il y
avait les menestrandies, véritables bandes organisées, com-
prenant des poètes, des musiciens, des saltimbanques, des
farceurs, des chanteurs, qui faisaient des tournées sur tout
le territoire et à l'étranger.
Au xve siècle, les Bohémiens font une apparition sensa-
tionnelle. En 1417, on les avait vus dans les contrées qui
avoisinent l'embouchure de l'Elbe ; ils s'étaient portés vers
la Hanse teutonique, avaient gagné Hambourg, Lubeck,
Greifswald, au grand émoi des populations ; en 1418, on
les trouve en Saxe, puis en Suisse; en 1419, une horde
surgit en Provence, à Sisteron, en 1422, une autre est à
Bologne ; enfin, en 1427, ils se présentent sous les murs
de Paris. Quand ils furent à La Chapelle « on ne veit
jamais plus grand allée de gens à la bénédiction de la foire
du Landit qu'il n'en alloit de Paris, de Saint-Denis et d'ail-
leurs pour les veoir ». Et voici l'impression qu'ils pro-
duisent : « Et vray est que le plus ou presque tous avoient
les oreilles percées, et en chacune oreille un annel d'ar-
gent ou deux en chacune et disoient que c'estoit gentillesse
en leur pays. Item les hommes estoient très noirs, les che-
veux crespez ; les plus laides femmes que l'on peut voir
et les plus noires, toutes avoient le visage déplayé, cheveux
noirs comme la queue d'un cheval, pour toutes robbes, une
vieille flossoye, très grosse, d'un lien de drap ou de corde,
liée sur l'espaule, et dessus un pauvre roguet ou chemise
pour paremens. Bref, c'estoient les plus pauvres créatures
que l'on veit oncques venir en France d'aage d'homme et,
néanmoins leur pauvreté en la compagnie estoient sorcières
qui regardoient les mains des gens et disoient ce qu'advenu
leur estoit ou à l'advenir et meirent contens en plusieurs
mariages. Car elles disoient, ta femme t'a fait coup ; et
qui pis estoit en parlant aux créatures par art magique
ou autrement par l'ennemy d'Enfer ou par entreject d'ha-
bileté, faisoient vider les bourses aux gens et les mettoient
en leurs bourses, comme on disoit. » (Bourgeois de Paris,)
On sait que les bohémiens (V. ce mot), sont originaires
de l'Inde. Ce sont les forains par excellence. Errants et va-
gabonds, ils ont parcouru toute la terre. C'étaient eux les
colporteurs de merveilleux dont nous parlions tout à l'heure ;
c'étaient eux les Kaulis de Perse, les Uxiens d'Arménie, les
Massaliens de Thrace et de Bulgarie, les Bogomiles, les
Egyptians, les Zingares d'Italie, les Gypsies d'Angleterre,
les Tsiganes, les Romes,les Romanichels. Une légende, qui
ne tient pas compte des charmes de la vie d'aventures et de
la volupté de l'indépendance absolue, en fait les descen-
dants de l'inceste d'un frère et d'une sœur, condamnés à
49
FORAIN
— 770 —
errer sans cesse en punition du crime commis, mais .doués
aussi du don de divination, sans doute parce qu'ils ont
atteint la science parfaite en réalisant l'hermaphrodisme.
Depuis lors, il n'est point de fêtes foraines où n'assistent
les bohémiens ; il n'est point de village où ils n'aient campé
au bord d'une route dans leurs misérables charrettes grouil-
lantes d'enfants bruns ; maraudeurs décidés, ouvriers ha-
biles dans le travail des métaux, surtout dans l'étamage,
mais flâneurs incorrigibles ; préférant à tout l'exécution de
leur musique originale et exubérante et les danses hiéra-
tiques de leurs jeunes filles nues sur les peaux d'ours.
Effroi des paysans et du menu peuple, les vieilles bohé-
miennes qui se transmettent les secrets d'une savante chi-
romancie disent la bonne aventure, prédisent l'avenir,
guérissent les bestiaux malades, découvrent les objets volés,
composent des remèdes avec des simples, vendent des *
amulettes faites de pâte sans levain et chargées de figures
magiques, des pierres pour rendre heureux en amour et au
jeu, font sonner l'heure dans un verre. Les jeunes dansent
au son des tambourins. Malgré les ordonnances royales qui
les bannissent et les menacent des galères, les bohémiens
reviennent sans cesse ; c'est un genre chez les élégants de
la cour de Louis XIII d'aller admirer les belles Egyptiennes
qui dansent sur les places publiques et sur le parvis Notre-
Dame. Ce goût raffiné dure jusqu'en 4653. Gombaud écrit
en l'honneur de la fantasque Liance :
C'est la belle vagabonde
Qui n'est ny blanche, ny blonde,
Qui nous va tous consumer,
Qui ne vit que de rapine,
Qui n'use pour nous charmer
Que du fard de Proserpine.
Aux xviie et xvme siècles, le lieu d'élection des fo-
rains est le Pont-Neuf, où les charlatans de tous les pays
vendent des drogues, des baumes, de l'orviétan, de la thé-
riaque, où les bateleurs rivalisent d'adresse et d'agilité, où
se pressent les petits marchands ambulants de mercerie et
de quincaillerie. On voit d'extraordinaires arracheurs de
dents (spécialité qui tend à disparaître aujourd'hui), vêtus
du costume rutilant des pandours et débitant, à cheval,
des fioles de dentrifrices . D'autres, coiffés de gigantesques
panaches, occupent des estrades par permission de M. le
lieutenant de police ; d'autres possèdent des équipages somp-
tueux où, juché sur la capote, un orchestre polonais fait
rage, tandis que le maître, en uniforme brodé d'or, bran-
dit un grand sabre et vante avec conviction un élixir in-
dispensable. Les forains peuplent aussi les foires Saint-
Germain et Saint-Laurent où ils exhibent des léopards, des
tigres, des lions, des ours, des géants; l'un d'eux, génial,
amène en 4749 un rhinocéros qui fait courir tout Paris.
Et, avec les sauteurs, les bateleurs et les devins qui sont
éternels, viennent toujours les marchands de gâteaux, de
gaufres, d'épices, de confitures, d'orfèvrerie, de lingerie,
de mercerie, leurs frères nomades. Les saltimbanques par-
ticipent à toutes les fêtes. Après le sacre de Louis XV,
parmi les divertissements qui lui furent offerts à Villers-
Cotterets figurait une foire où l'on vit un bohème attirer
l'attention du roi et lui expliquer les différentes propriétés
des secrets qu'il possédait et dont il lui remit d'ailleurs la
liste. A partir de 4764, ils trouvèrent un nouveau champ
d'exploitation sur la place Vendôme, lors de l'ouverture
de la foire Saint-Ovide qui devint notre foire au pain
d'épices.
En somme, depuis l'origine jusqu'à nos jours, les forains
n'ont guère varié leurs exercices, et c'est toujours la même
énumération monotone qu'il nous faut reproduire, comme
si la foule de tous les temps était identique et s'amusait
des mêmes spectacles simples et enfantins.
Et cela est vrai des pays les plus différents comme mœurs
et comme climat. Ainsi, au Japon et en Chine, on retrouve
tout comme en Europe les hercules qui jonglent avec des
balles de riz au lieu de poids, ou forment des pyramides
humaines, les lutteurs, les jongleurs, les prestidigitateurs,
les équilibristes, les diseurs de bonne aventure, les astro-
nomes populaires, comme aussi les marchands de mort aux
rats, de beignets, de glaces frites, de confiseries.
C'est toujours l'attrait de l'inconnu qui nous pousse, le
désir de contempler une chose rare, l'ambition de dérober
au destin son secret, et les multiples déconvenues ne nous
découragent point. « Enferme 20 pieds carrés d'un rouleau
de toile et publie seulement que tu caches une merveille,
tout le monde la voudra voir. » (E. Ourliac.) C'est sur ce
sentiment bien humain que spéculent beaucoup de forains,
et ils en profitent pour ne nous rien montrer. Mais d'autres
sont plus consciencieux. Vers 4840, une foraine parfaite
devait posséder tous les instruments, trombone, trompette,
cor, tambour, violon, clarinette, caisse roulante, savoir
exécuter à fond les exercices de voltige, d'équilibre, de
ventriloquie, de physique amusante, être assez forte pour
enlever un cuirassier par les dents, avoir six doigts àchaque
pied, des ongles en griffes, du poil plein le corps, manger
de la viande crue et avaler des sabres. Aujourd'hui, on se
montre moins difficile ; on ne réclame plus il est vrai de
si nombreux talents, mais on exige des spécialistes extrê-
mement distingués, de véritables artistes.
Les grandes foires actuelles (entre autres celles de
Neuilly, la foire au pain d'épices, celle de Troyes, etc.)
sont toutes composées des mêmes spectacles, à de très rares
exceptions près. On y distingue d'abord les entresorts.
Ce sont les baraques où le spectacle est permanent, où le
public ne fait qu'entrer et sortir ; par exemple : les mu-
sées d'anatomie, où l'on peut considérer des monstres plus
ou moins authentiques, des spécimens assez peu ragoûtants
des désordres produits par les principales maladies, des
noyés verdâtres, et toujours — c'est la grande attraction —
un exposé indiscret des mystères de la génération ; — les
musées d'horreurs où l'on assiste aux supplices les plus
cruels et les plus compliqués : les victimes de cire étalent
avec un réalisme outré leurs membres torturés et leurs
visages angoissés ; et, par un contraste poétique, sous des
vitrines dorment de jolies nymphes dont les seins demi-nus
battent rythmiquement au souffle d'un Cupidon joufflu, qui
volète et darde une flèche ; tout autour sont rangés, dans
une pittoresque promiscuité, les portraits extraordinaire-
ment dissembîants des assassins célèbres et des hommes
d'Etat les plus honorables ; — les dioramas, toujours au
courant des crimes de l'année, des explosions et catastro-
phes sensationnelles; — l'enfer du Dante; — le musée du
Progrès où fonctionnent mécaniquement de minuscules re-
productions des exploitations industrielles; — les exhibi-
tions de nains (le général Mite, la princesse Paulina,Millie
Edwards) ; quelques-uns de ces petits forains ont eu une vé-
ritable célébrité, le général Tom Pouce entre autres; quel-
ques-uns sont morts tragiquement, victimes du devoir, comme
le nain Joseph, dévoré en 4882 par des chats, déguisés en
tigres au moyen d'une savante peinture, qu'il faisait ma-
nœuvrer dans une cage; — les exhibitions de puces savantes,
de phoques parlants, d'animaux fantastiques, de prodiges
de toutes sortes, etc., etc. Viennent ensuite les fosses mys-
térieuses. Ce sont les baraques, en général de petites di-
mensions, où l'on est admis à contempler des femmes
colosses (elles tendent à disparaître) ; de jolies filles légè-
rement vêtues qui s'appellent presque toutes la belle Fat-
mah ; des danseuses pseudo-orientales ou espagnoles qui
exécutent la danse du ventre ou le tengo- mieux que les
autochtones; des ondines aux cheveux flottants qui nagent
gracieusement dans un aquarium ; des femmes torpilles,
des femmes-chiens, des femmes à quatre jambes, des her-
maphrodites, etc. On peut compter au nombre des fosses
mystérieuses le manoir de la métamorphose, où grâce à des
combinaisons de miroirs et des variations d'intensité d'éclai-
rage, on voit une belle romanichelle se transformer en un
hideux squelette, qui devient à son tour un buisson de roses.
C'est un des plus attrayants spectacles de la foire, comme
aussi le musée des tableaux vivants dont les sujets ne sont
rien moins que les plus charmants modèles des grands ate-
liers de peintres.
Les théâtres sont, avec les ménageries et les cirques, les
établissements forains les plus considérables. On en ren-
contre de trois sortes : 1° les théâtres de chant qui don-
nent fort abrégé et fort' écorché le répertoire le plus ordi-
naire des cafés-concerts ; 2° les théâtres à grand spectacle
qui jouent le drame, la comédie, l'opérette; quelques-uns
(Marquetti, Emile Cocherie) se distinguent par un grand
luxe ; 3° les théâtres de physique amusante, dont le prin-
cipal (Delille) donne des représentations mêlées d'inter-
mèdes (clowns, gymnasiarques, danseuses, tableaux
vivants) qui soutiennent la comparaison avec celle des
théâtres du boulevard et fait des recettes supérieures.
Les ménageries (Bidel, Pezon, Nouma-Hawa, etc.), sont des
établissements de grand rapport, comme aussi certains
cirques — celui de Corvi entre autres — qui donne des
pantomimes curieuses dont tous les acteurs sont des ani-
maux (chiens, caniches, poneys, chèvres, cochons). Le
spectacle offert par ces établissements n'a guère changé
depuis l'antiquité, sauf en ce qui concerne les arènes où
nous ne voyons plus que des lutteurs bouffis et inélégants,
bornant leurs exercices à des pugilats de carrefour, au lieu
des athlètes harmonieux et savants delà Grèce (V. Cirque).
Avant de passer aux forains indépendants, ou du moins ne
rentrant dans aucune des catégories que nous venons de
distinguer, donnons une mention spéciale à la parade, qui
toujours fleurit, bien que les excellents bonisseurs soient
devenus bien rares. La parade (V. ce mot) est pour le
grand public l'attrait principal de la foire, le seul qui ne
cause point de désillusions : c'est l'apothéose des pitres
faméliques, des mélancoliques coureurs de grandes routes,
des mornes filles brunes et crasseuses, qui apparaissent
transfigurées dans l'éclat de leurs maillots de couleur vive,
dans la blancheur de leurs jupes de mousseline, dans les
feux de leurs parures de clinquant, sous les rayons éblouis-
sants de la lumière électrique ou du soleil des beaux
après-midi.
Innombrable est l'armée des petits forains. Les uns sont
des marchands nomades : pétrisseurs de guimauve, confec-
tionneurs de crêpes et de beignets si dorés et si malodorants,
commissionnaires en pain d'épices de Dijon, de Reims ou de
Paris, fabricants de pommes de terre frites, confiseurs, mar-
chands d'articles de Paris, glaciers, pâtissiers, photo-
graphes, bouilleurs de thé russe, gaufriers, merciers,
bonnetiers, quincailliers, marchands de porcelaine, de balais,
de toile, de saucissons et tutti quanti. Les autres sont
des teneurs de jeux : carrousels de chevaux de bois,
modestes ou d'un luxe effréné (le Palais de cristal, avec ses
glaces, ses dorures, ses rampes de gaz, ses orchestres, ses
orgues perfectionnés, a 80 fr. de frais par jour et fait sou-
vent des recettes de 4,000 fr.), billards, loteries, mail-
loches (ce sont ces têtes burlesques sur lesquelles on frappe
des coups de maillet pour mesurer sa force), vélocipèdes,
montagnes russes simples ou compliquées, massacres des
innocents, balançoires, ballons tournants, bateaux à vapeur
qui tournent en tanguant, chemins de fer, chevaux hygié-
niques, tirs à la carabine, à l'arbalète, aux pigeons, jeux
de couteaux, de palets, d'anneaux, de bonnets de coton,
de boules, bazars tournants, etc.
D'autres, les humbles, domptent et vendent des rats
blancs, dressent des oiseaux qui savent faire le mort et
choisir les destinées parmi de petits papiers, avalent
des sabres, dansent sur la corde, fracassent des bâtons
d'un coup de dent, absorbent et recrachent des cigares
allumés, jonglent avec des poids, lient une femme sur une
chaise jusqu'à ce qu'elle blêmisse et provoque parmi les
passants une admiration apitoyée qui se manifeste par une
pluie de gros sous, présentent en de misérables cahutes
des phénomènes : veaux à tête de boule-dogue et à queue
d'ours, rats à trompe, poulets apocalyptiques, cochons
monstrueux, lapins à six pattes, cobayes défigurés, etc.
Enfin, répandues çà et là sur le champ de foire, les mys-
térieuses somnambules, élèves de Mlle Lenormantou héri-
tières de la tradition bohémienne, dévoilent les destins en
— 774 — FORAIN
des voitures proprettes meublées d'un lit d'acajou recouvert
de la classique courte-pointe.
Il existe entre tous ces forains des distinctions assez dif-
ficilement saisissables pour le profane. La tribu des sal-
timbanques s'appelle la banque. Elle est composée d'indi-
vidus de toutes les nations ; les romanichels y dominent,
les Français n'y entrent que dans la proportion de 5 °/0.
La banque comprend les grands banquistes et les petits
banquistes. Parmi les grands, on peut citer Barnum(N. ce
nom), Bidel, Pezon, Cocherie, Marquetti, Delille, Corvi, etc.
La banque riche a de somptueuses voitures formant salon,
salle à manger, chambres à coucher, et possède même des
immeubles. On peut ranger dans cette catégorie les artistes :
écuyerset écuyères de panneau, gymnastes célèbres, clowns
(les Hanlon-Lees, les Hanlon-Volta, les Cragg), les tireurs
habiles, les dresseurs d'éléphants, etc., qui attirent la foule
dans les grands cirques des deux mondes, car ce sont essen-
tiellement des nomades : presque tous ont fait le tour de
la terre, et quelques-uns ont donné des représentations en
Chine. Les forains proprement dits sont les marchands et
les tenanciers de jeux.
Banquistes et forains ont des journaux spéciaux qui leur
permettent, en quelque lieu qu'ils se trouvent, de demeu-
rer en relation soit avec les directeurs de spectacles, soit
avec leurs camarades. Ce sont : The Era, fondé à Londres
en 1837, indicateur d'adresses, de 24 pages à 6 colonnes ;
The ]Sew York Mirror, qui donne les mêmes indications
et des portraits d'artistes ; Die Revue, créée à Berlin en
4885 ; Der Artist, créé à Dusseldorf en 4882, qui four-
nissent des adresses, des réclames, des notices biographi-
ques, des nécrologies, des récits d'accidents, etc. ; le Voya-
geur forain, fondé à Paris en 4882, bi-mensuel, organe
de la chambre syndicale des voyageurs forains, c.-à-d. de
la petite banque; Y Union mutuelle, créée en 4887, jour-
nal officiel de tous les industriels et artistes forains, organe
de la grande banque, indiquant toutes les foires du mois,
avec des remarques fort pratiques sur les chances des ventes
et les inconvénients des déplacements inutiles. De plus,
les grandes villes du monde ont leurs agents de banquistes,
qui perçoivent généralement 4 0°/o sur tous les engagements
qu'ils procurent. Un écuyer de cirque est payé en moyenne
2,000 fr. par mois, une bonne écuyère de panneau 2,000 fr.
également, un clown 4,500 fr. par mois, une famille d'acro-
bates de 3 à 4,000 fr., un artiste extraordinaire de 700 à
7,000 fr. et jusqu'à 4 5,000 fr. et plus par mois. Les forains
sont régis par les lois, règlements et ordonnances de police,
sur les marchés, halles et foires (V. Marché). R. S.
II. Administration. — L'autorité municipale, chargée
du maintien du bon ordre dans les lieux publics, peut
prendre toutes les mesures qu'elle juge nécessaires relative-
ment à l'arrivée, au séjour et à ia vente des marchands
forains sur les marchés et dans les rues. C'est ainsi que le
maire d'une commune a le droit de déterminer le lieu et le
jour où les marchands forains pourront y vendre leur mar-
chandise (Cass., 30 juil. 4829), de défendre aux boulan-
gers forains d'offrir leur pain ailleurs qu'au marché et de
le porter dans les rues, de les contraindre à avoir des
échoppes dressées dans la commune où ils viennent vendre
(Cass., 26 vendémiaire an XIII, 41 juin 1830, 22 juin
1832). La police exerce, en outre, un droit de surveillance
sur les forains : elle peut exiger la représentation de leur
patente, examiner leurs poids et mesures et vérifier la na-
ture et la qualité des objets qu'ils vendent. — On entend
aussi par forain celui qui n'habite pas la commune dans
laquelle il a des propriétés et qui participe à ses charges. Il
peut être inscrit sur la liste électorale de cette commune ;
il y est même éligible avec une restriction, toutefois (V. lois
des 40 août 4874, art. 6 et 47 et 5 avr. 4884, art. 44,
34 et 49). — On donne, enfin, le nom de débiteur forain à
celui qui n'a ni domicile , ni résidence dans la commune qu'ha-
bite son créancier. Il peut y avoir momentanément des effets.
Dans ce cas, le créancier, même sans titre, peut, sans
commandement préalable , mais avec la permission du
FORAIN — FORAMINIFÈRES
— 772 —
président du tribunal de première instance et même du
juge de paix, faire saisir les effets trouvés en la com-
mune qu'il habite, appartenant à son débiteur forain
(C. de procéd. civ., art. 822). C'est ce qui constitue la
saisie foraine.
[IL Instruction publique. — Elève forain (V. Elève).
Bibl. : Mœurs et coutumes. — A. Vaillant, lesRomes,
histoire vraiedes vrais bohémiens; Paris, 1857, in-8. — Cam-
pardon, les Sjoectacles de la foire ; Paris, 1877, 2 vol. gr.
in-8.— Escudier, les Saltimbanques ; Paris, 1874, gr. in-8.
— Fournel, les Rues du vieux Paris, 1879, gr. in-8.— H. Le
Roux, les Jeux du cirque et la, Vie foraine ; Paris, 1889, in-4.
FORAIN (Jean-Louis), caricaturiste français contempo-
rain, né à Reims en 1852. Cet artiste, qui a conquis de-
puis une demi-douzaine d'années une grande réputation,
n'eut pas de maître ; il reçut quelques conseils de Car-
peaux et étudia longtemps au Louvre. Mais malgré son
admiration pour les maîtres primitifs et spécialement pour
l'école de Sienne, les mœurs et les types du jour, les faits
et gestes de la bourgeoisie prudhommesque, du monde et
du demi-monde, hypocrite ou cynique, ne tardèrent pas à
absorber presque complètement son crayon ; les « repus »
les « satisfaits » et les « ventres » ont trouvé en lui un
illustrateur impitoyable dans sa satire, d'un réalisme amer
et désenchanté. On l'a déjà comparé à Daumier, mais,
comme son crayon est plus léger, plus réellement obser-
vateur, sa verve caricaturale porte aussi plus directement
sur l'actualité politique et sociale que celle de l'artiste de
Valmondois. Le Courrier français, le Journal amusant,
le Figaro et quantité d'autres publications moins impor-
tantes contiennent journellement des dessins de J.-L.
Forain. Ad. Thiers.
FORAMINIFÈRES. I. Zoologie. — Ordre très important
de l'embranchement des Protozoaires, classe des Rhizopodes,
caractérisé par l'existence d'un « test percé d'une grande
ouverture ou de nombreux pores, pour le passage des pseu-
dopodes ». La ressemblance du test de beaucoup de
Foraminifères avec les coquilles des Nautiles, formées aussi
de loges superposées, avait fait croire d'abord qu'ils
étaient produits par des animaux analogues, mais extrê-
mement petits ; aussi furent-ils considérés comme des
Mollusques Céphalopodes et comme des Nautiles micros-
copiques et dégradés, mais la découverte et l'étude d'es-
pèces vivantes fit bientôt voir qu'il s'agissait d'êtres infi-
niment plus simples en organisation et qu'on ne pouvait
classer ailleurs que parmi les Protozoaires. Le corps de
ces animaux est formé d'un protoplasme homogène, sans
enveloppe cellulaire, sans vésicule contractile d'ordinaire,
pourvu d'un noyau ; le test qui l'entoure est ordinairement
calcaire, mais il peut être chitineux ou arénacé. Tantôt la
coquille forme une seule chambre (Monothalames), ou bien
elle présente une série de cavités semblables, diversement
situées les unes à l'égard des autres, qui communiquent entre
elles par des pores percés dans les cloisons de séparation
(Polythalames) ; dans tous les cas, la coquille commence par
présenter une seule cavité, et l'augmentation progressive des
loges est une conséquence de son accroissement. La coquille
des Foraminifères présente la plus grande variété de formes ;
le plus souvent, elles sont de dimensions microscopiques,
mais, dans les terrains anciens, setrouvent des Foraminifères
de taille considérable, qui atteignent jusqu'à 6 centim. de dia-
mètre ; — c'est la dimension que présente, de nos jours, le
Cycloclypeus de la mer des îles de la Sonde ; de même, les
coquilles, calcaires pour la plupart, varient par leur texture ;
elles peuvent être blanches et opaques, compactes comme de
la porcelaine, ou hyalines et traversées d'innombrables pores
perpendiculaires à leur surface ; enfin, chez les types les
plus élevés, il se forme des dépôts calcaires homogènes
(in ter squelette), à la surface de la coquille ou dans son
épaisseur, en différents points. Les coquilles arénacées
commencent par être formées d'une membrane chitineuse
qui agglutine de petits grains de quartz et des corps variés
(coccolithes , débris de Foraminifères et de Mollusques,
spicules d'Epongés, etc.) ; on trouve d'ailleurs tous les
passages entre les coquilles calcaires normales et les coquilles
entièrement arénacées.
Les portions de protoplasme comprises dans les diffé-
rentes loges d'un individu restent en communication entre
elles par les canaux des cloisons : c'est, pour ainsi dire,
une même masse, sans discontinuité de substance, qui
remplit la carapace : le protoplasme émet, par les pores de
la coquille, des prolongements (pseudopodes) dont la forme
est très variable, qui peuvent revêtir entièrement la cara-
pace d'une couche continue au dehors et qui présentent
toutes les transitions, depuis la forme d'appendices lobés
jusqu'à celle de prolongements très grêles, réunis en réseaux
délicats ou disposés comme des rayons sans connexions
entre eux. — La reproduction de ces animaux et les phé-
nomènes du développement de leur coquille sont encore
très imparfaitement connus ; il en est de même de la valeur
des différences spécifiques et génériques dans beaucoup de
cas ; on peut dire même que, sur tous ces points, l'his-
toire de peu d'animaux présente autant d'obscurité. Les
Foraminifères sont marins ou habitent l'eau saumâtre pour
la plupart ; quelques-uns habitent l'eau douce. Ils vivent
partout réunis en grande quantité; aussi trouve-t-on, en
certains points des côtes, leurs carapaces accumulées après
la mort en nombre incalculable. Max Schulze, c'est là un
exemple classique, a évalué à 50,000 le nombre de coquilles
de Foraminifères que l'on peut compter dans un gramme
de sable pris au môle de Gaëte. R. Moniez.
IL Paléontologie. — Les Foraminifères étaient aussi
abondants dans les anciennes mers que dans les océans de
l'époque actuelle. Sur plus de 2,000 espèces décrites, les
deux tiers environ sont éteintes. On sait que l'on trouve
des passages entre les formes les plus diverses, de telle
sorte que ces chiffres ne sont qu'approximatifs, le genre
ayant ici à peu près la même valeur que l'espèce dans les
classes plus élevées. De là, des divergences considérables
dans la nomenclature suivant les auteurs. Les plus anciens
Foraminifères que l'on connaisse datent du silurien et
forment la famille des Receptaculidœ que l'on ne réunit
qu'avec doute à cet ordre ; mais dans le calcaire carboni-
fère on trouve des bancs entiers de Fusulina qui appar-
tiennent incontestablement aux Perforata. Les formes à
coquille siliceuse prédominent à cette époque : les genres
Lituola, Lagena, etc., encore vivants, sont représentés.
Les Globigérines apparaissent et forment presque en entier
le calcaire en plaquette de l'infralias de l'Echernthal.
Le lias de Lorraine est également riche en Foraminifères,
ainsi que l'oolithe de la même région ; les Lagenidœ sont
très abondants; les Orbitulites et Nummulites appa-
raissent dans le jurassique. Dans le crétacé, ce sont les
Rotalines et les Globigerinidœ; puis le genre Orbitolina
qui prennent de l'importance, ce dernier surtout dans l'ap-
tien, le cénomanien et même le turonien. Les Miliolides
(Imperforata) abondent dans la craie blanche et se con-
tinuent dans le tertiaire où elles prédominent bientôt avec
les Alvêolines (dans l'éocène). Parmi les Perforata, ce
sont les Orbitoïdes et surtout les Nummulites qui prennent
alors une grande extension, pour diminuer ou disparaître
dans le pliocène où les Amphistegina les remplacent :
les Textularidœ siliceuses sont aussi nombreuses que dans
le crétacé, et la faune de nos mers actuelles fait son appa-
rition. — Lituola, Lagena, Dentalina, Textularia, Val-
vulina, Pulvilunila, etc., peuvent être cités comme da-
tant du paléozoïque et vivant encore. Les Fusulinidœ, au
contraire, n'ont pas dépassé le dyas, les Parkeridœ, l'éo-
cène. A part Fusulinella (carbonifère), toutes les Pene-
roplidœ sont néozoïques ; Orbitolina est mézosoïque et les
Nummulitidœ ont eu leur plus grand développement dans
l'éocène. — Bien qu'on ne connaisse pas les parties molles des
Foraminifères fossiles, on peut admettre que c'est la famille
des Nummulites qui est la plus élevée en organisation parmi
les Perforata dont les Lagenidœ sont le type le plus
simple. Lès Imperforata forment une série inférieure,
mais parallèle à la précédente, dont les Cornuspiridœ
— 773 —
FORAMINIFÈRES — FORBES
monoloculaires peuvent être cités comme une des formes
primitives (V. Coccolithe). E. Trouessârt.
FORANT (Job), marin français, né à La Tremblade (Cha-
rente-Inférieure) en 1630, mort à Brest en août 1692. Il
se distingua de bonne heure, en 1641 ; près de l'embou-
chure du rio de la Plata, en 1658, il attaqua quatre bâti-
ments espagnols et s'empara de l'un d'eux ; il battait
(1664) cinq navires turcs sur les côtes du Portugal. Ca-
pitaine de vaisseau en 1665, il passa les deux années sui-
vantes en Hollande, occupé à surveiller, pour le compte de
Louis XIV, la construction de six vaisseaux. Dans la bataille
navale du 7 juin 1673 en vue de l'île Walcheren, sous
le comte d'Estrées, il eut la gloire de se mesurer avec le
grand Ruyter. Il se distingua encore sous Château-Renault
contre les Espagnols, en faisant de nombreuses prises, et
il assistait à l'action de Rantry (mai 1689). Il devint chef
d'escadre et il fut même anobli. Il était issu d'une famille
de marins protestants originaire de l'île de Ré. — Son père,
Jacques, mort en 1649, sous lequel il servit dans son
adolescence, fut amiral de Venise et de la flotte rochelaise.
Son aïeul, nommé aussi Job, périt victime de son dévoue-
ment, à la façon d'un d'Assas, après la défaite de Soubise
à Riez (16%%). La famille de Chasseloup-Laubat devint
alliée aux Forant parla femme de Job. Ch. Del.
BibL. : Levot et Doneaud, les Gloires maritimes de la
France ; Paris, 1866. — L. de Rïchemond, les Marins roche-
laiSi 1870. — L. Delavaud, Job Forant, dans l'Avenir de
la Ghar.-Inf., de 1881. — Lételié^ Fénelon en Saintonge...,
dans Arch. histor. de la Saintonge et de l'Aunis, 1885,
t. XIII. — Archiv. précéd., t. XI et XVI. —Bull, de la Soc.
de ces archives, 1884, 1885, 1887-89.
FORBACH (Furpac, xe siècle ; Forbacum, 1015).
Ch.-l. d'arr* de la Lorraine allemande, sur un affluent de
la Rosselle et le chem. de fer de Metz à Sarrebrïick ;
9,575 hab. (y compris une garnison de 1,309 h.). Fa-
briques de tabatières et d'articles en papier mâché, de cartes
à jouer, de dragées et de colle forte; verreries à vitres et
à bouteilles, tanneries, huileries, imprimerie qui publie la
Forbacher Zeitung, commerce de bois ; dans le voisi-
nage, plusieurs mines de houille ; école réale, collège de
jeunes filles (hôhere Tôchterschule) , hospice, église de
1686, temple protestant, château des comtes de Forbach
en style Renaissance ; sur le Kreuzberg, chapelle de 957.
— La ville de Forbach, autrefois fortifiée, doit son origine
au château féodal du Schlossberg, assis sur les fondements
d'un temple romain et détruit sous Louis XIV. Après le
démembrement de l'empire de Charlemagne, Forbach était
Tune des principales châtellenies du Westrich. Pendant
longtemps fief des ducs de Lorraine, cette seigneurie, éri-
gée en comté en 1717, fut accordée en 1757, avec le titre
de comtesse de Forbach, à la comédienne française Marie-
Anne Camasse, épouse morganatique du duc Christian IV
de Deux-Ponts, qui la garda jusqu'en 1792. Patrie du
général Houchard, exécuté en 1792. Forbach portait à'ar-
gents au lion de sable armé et lampassé de gueules.
Le 6 août 1870, Forbach tomba au pouvoir des Prussiens
après une lutte sanglante contre le 2e corps de l'armée du
Rhin commandé par le général Frossard qui dut se retirer
sous Metz.
Bibl. : E. d'Huart, Notice sur le comté de Forbach,
dans Mém. de VAcad. de Metz, XXIII, 112-130.
FORBERG (Friedrich-Karl), philosophe allemand, né à
Meuselwitz, près d'Altenbourg, en 1770, mort à Hild-
burghausen en 1848. Privat-docent (1792), puis professeur
adjoint de philosophie (1793) à l'université d'Iéna, il s'at-
tacha d'abord, à la suite de Reinhold, aux idées kantiennes
et c'est sous cette influence qu'il écrivit sa dissertation
inaugurale De JEsthetica transcendentali (Iéna, 1792,
in-8) et divers écrits: Ueb. die Grûnde und Gesetze freier
Handlungen (id., 1795); Fragmente (id., 1795);
Klatschroten (id., 1797) et de nombreux articles qui
parurent dans les Beitrâge de Fùlleborn (Zullichan et
Freystadt, 1796-99), dans le Phil. Journal de Niethammer
(1796) et dans lePsych. Magazin deSchmid(1796). Mais
peu à peu il se laissa séduire par la philosophie de Fichte
et écrivit dans le journal publié par Fichte et Niethammer
une série de « lettres » sur la nouvelle philosophie et un
article, Entwickelung des Begriffs der Religion, dont
Fichte écrivit la préface, Ueb. den Grund unseres Glau-
bens an eine gôttliche Weltordnung et qui valut aux
deux philosophes une accusation d'athéisme. Forberg ne
reconnaissait à la religion d'autre fondement que le désir
éprouvé par tout honnête homme de voir triompher dans
le monde le bien sur le mal ; il établissait que la croyance
à un ordre moral de l'univers était indépendante de la
croyance à l'existence d'un Dieu que ne découvrent ni l'ex-
périence ni la spéculation. Il se défendit contre l'accusa-
tion d'athéisme dans son Apologie seines angeblichen
Atheismus (Gotha, 1799, in-8). Mais il se retira bientôt
de la scène philosophique; il devint, en 1802, archiviste
et, en 1806, conseiller ordinaire de la chancellerie de Co-
bourg, enfin, en 1807, conservateur de la bibliothèque de
cette ville et se consacra entièrement à ces fonctions.
FORBES (William), évêque d'Edimbourg, né à Aber-
deen en 1585, mort le 12 avr. 1634. Professeur de logique
au Marischal Collège, il vint, en 1606, poursuivre ses
études dans les universités de Pologne, d'Allemagne et de
Hollande. Il s'y lia avec les savants du temps, entre autres
Grotius, Scaliger, Vossius. De retour en Ecosse, il entra
dans les ordres, devint ministre à Aberdeen en 1616, à
Edimbourg en 1621. Il soutint les articles de Perth avec
un zèle exagéré et souleva un tel mécontentement en vou-
lant rapprocher les doctrines de la Réforme de celles de
l'Eglise romaine qu'il dut démissionner et reprendre son
ancien siège d' Aberdeen. En 1633, il prêcha à Holyrood
devant Charles Ier, gagna ainsi la faveur du roi quf créa
en sa faveur l'épiscopat d'Edimbourg (févr. 1634). Forbes,
doué d'une remarquable intelligence et fort érudit, avait
excité la haine des presbytériens par ses tendances catho-
liques. Il a écrit : Considerationes modestœ et pacificœ
controversiarum, etc. (1658, plus, éd.) ; Animadver-
sions on the works of Bellarmine, dont le manuscrit a
été perdu. R. S.
FORBES (John), théologien anglais, né en 1593 &
Aberdeen, où son père était évêque, mort en 1648. Il
commença ses études dans sa ville natale et les compléta
à Heidelberg. A son retour en Ecosse, il entra à l'uni-
versité d' Aberdeen en qualité de professeur de théologie de
King's Collège. En 1629, il publia son premier ouvrage,
Irenicon pro ecclesiâ scotianâ, tentative de conciliation
entre les presbytériens et les partisans de l'Eglise angli-
cane. Mais, ces derniers ayant voulu introduire dans les
Eglises d'Ecosse la nouvelle liturgie établie par Laud,
Forbes fut expulsé de sa chaire par les covenantaires
(1640). Il se réfugia en Hollande, où il continua à se li-
vrer à l'étude et fit paraître son principal ouvrage, Insti-
tutiones historice-theologicœ (1645).
FORBES (Sir Arthur), premier comte de Granard, né
en 1623, mort au château de Forbes (comté d'Aberdeen)
en 1696. Son père ayant été tué en duel en 1632, il se
trouva, à peine âgé de dix-huit ans, obligé de défendre son
château de Forbes, au moment de la révolte de l'Irlande
(1641) et d'y soutenir un siège qui dura neuf mois. Il
servit ensuite en Ecosse où il soutint la cause de Charles Ier.
Fait prisonnier en 1645, il fut interné à Edimbourg. Remis
en liberté, il demeura fidèle aux Stuarts. A la Restaura-
tion, il fut nommé commissaire de la cour des requêtes
d'Irlande, représenta au Parlement de 1661 le bourg de
Mullingar, entra au conseil privé d'Irlande en 1670, fut
créé la même année maréchal et commandant en chef de
l'armée et devint lord justice en 1671 . Il rendit de grands
services à l'Eglise presbytérienne d'Irlande dont il était
membre. En 1675, il reçut le titre de baron Clanehugh et
vicomte Granard ; en 1684, il leva un régiment de ligne
et fut promu comte Granard. Jacques II lui enleva le com-
mandement de l'armée, parce qu'il refusa de s'employer en
faveur des catholiques. Furieux, les Irlandais l'assiégèrent
dans son château, mais sans succès. A l'avènement de
FORBES
— 774 —
Guillaume, il recouvra toute sa faveur. Mis à la tête d'une
armée de 5,000 hommes, il assiégea et prit Sligo. Il de-
meura ensuite dans la vie privée.
George Forbes, petit-fils du précédent, troisième comte
de Granard, né en 4685, mort en 1765, entra jeune dans
la marine, servit à Gibraltar, assista à la bataille de Ma-
laga, fit la croisière dans la Manche, prit part au siège
d'Ostende (4706), servit ensuite aux Indes, puis en Espagne,
fut blessé à la bataille de Yillaviciosa (1710). Après la
paix d'Utrecht, il commanda une escadre dans la Méditer-
ranée, fut nommé, en 1717, gouverneur de Saint-Philippe
à Minorque. En 1719, il fut chargé d'une mission à Vienne ;
en 1726-27, il défendit Gibraltar contre l'Espagne, devint,
en 1729, gouverneur des îles Sous-le-Vent et, en 1730,
proposa sans succès au gouvernement d'établir au lac Erié
une colonie pour entraver le développement du Canada.
Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la
tsarine Anne en 1733, il conclut un traité de commerce
avec la Russie. Il fut promu amiral en 1734. Il avait
représenté Queensborough à la Chambre des communes,
avant 1727, avait siégé ensuite à la Chambre des pairs
d'Irlande. Il joua encore un certain rôle politique comme
député d'Ayr aux Communes en 1741 et avait été nommé
membre de la commission d'enquête sur les agissements
de Robert Walpole.
John, fils du précédent, né à Minorque en 1714, mort
le 10 mars 1796, entra aussi dans la marine. Il servit aux
Indes, à Port-Mahon, prit part à Faction contre Toulon
(4744), figura comme témoin dans le procès de l'amiral
Lestock (1746) et promu contre-amiral en 1747, fut nommé
commandant en chef dans la Méditerranée en 1749. L'état
de sa santé le contraignit à refuser le gouvernement de
New York (1754). Incapable de prendre la mer au début
de la guerre contre la France (1755), il siégea à l'ami-
rauté (1756-1763) qu'il quitta un moment à la suite de
son refus d'autoriser les poursuites contre l'amiral Byng
(V. ce nom). Il fut promu amiral en 1781. Il avait repré-
senté le bourg de Saint-Johnstown au Parlement irlandais
en 1751, et Mullingar en 1764.
George, sixième comte de Granard, petit-fils du troi-
sième comte (V. ci-dessus), né le 14 juin 1760, mort à
Paris le 9 juin 1837, voyagea fort longtemps sur le conti-
nent, résidant de préférence à Vienne et à Paris. Revenu
en Angleterre, il s'occupa de politique et soutint les leaders
du parti libéral irlandais : Grattan, Curran, Charlemont.
Lieutenant-colonel en 1794, il se distingua à la bataille de
Castelbar (1798) et à celle de Ballinamuck. Il fut un des
adversaires les plus acharnés de l'union de l'Irlande avec
l'Angleterre et perdit son siège à la Chambre des lords lors-
qu'elle eut été réalisée. En 1806, il fut créé pair anglais
avec le titre de baron Granard et nommé clerc de la cou-
ronne en Irlande. En 1813, il fut promu lieutenant géné-
ral. Il soutint au Parlement l'émancipation des catholiques
et la réforme parlementaire. R. S.
Bibl. : Forbes, Memoirs of the earls of Granard ;
Londres, 1858.
FORBES (Alexander), lord de Pitsligo, né le 22 mai
■1678, mort le 21 déc. 1762. Venu jeune en France, il y
fit la connaissance de Fénelon, de Mme Guyon et d'autres
quiétistes qui l'inclinèrent au mysticisme. Partisan exalté
des Stuarts, il s'opposa à l'acte d'union, prit part à la
rébellion de 1715 et se réfugia en France après la retraite
de Mar. Revenu en Ecosse en 1720, il s'occupa uniquement
de religion jusqu'en 1 745, date à laquelle malgré son grand
âge il prit de nouveau les armes pour défendre la cause
des Stuarts. Après la défaite de Culloden il se tint caché
dans les environs de Pitsligo et réussit à échapper, déguisé
en mendiant, à toutes les recherches des Anglais. Ses
biens furent séquestrés. On a de lui : Essays moral and
philosophical (1734); Thonghts concerning maris con-
dition (1732). R. S.
FORBES (Duncan), magistrat écossais, né le 10 nov.
1685, mort le 10 déc. 1747. Il étudia le droit à Edim-
bourg, puis à Leyde et se fit inscrire au barreau d'Edim-
bourg en 1709. Peu après, il devint sheriff du Midlothian,
prit parti pour le gouvernement lors de la rébellion de
1715 et contribua à la prise d'Inverness. Nommé avocat de
la couronne en 1716, il fut élu au Parlement en 1722 pour
les bourgs d'Inverness et devint lord avocat en 1725. Il
exerça en cette qualité une partie des fonctions de secré-
taire d'Etat pour l'Ecosse. Promu, en 1737, lord président
de la cour de session, il occupa cette charge avec une haute
distinction et rendit de grands services lors de la rébellion
de 1745. Il protesta contre la cruauté de la répression et
s'attira l'animosité du duc de Cumberland qui le ridiculi-
sait en ces termes : « Cette vieille bonne femme qui parle
d'humanité ! » Il mourut des suites des fatigues qu'il avait
éprouvées durant cette période d'agitation. On a de lui
plusieurs ouvrages théologiques réunis sous le titre de
Works (s. d.). R. S.
Bibl. : Memoirs of the life of the laie Duncan Forbes,
1748.
FORBES (James), voyageur et écrivain anglais, né en
1749, mort à Aix-la-Chapelle en 4819. De 1765 à 1784,
il occupa les loisirs que lui laissaient ses fonctions d'employé
de la Compagnie des Indes, à accumuler des dessins et des
notes sur la faune, la flore, les antiquités, les religions et
les mœurs de l'Inde. De retour en Europe, il parcourut la
Suisse et l'Allemagne. Il était en France lorsque le décret
parut qui déclarait prisonniers tous les sujets anglais se trou-
vant sur le territoire. Relégué à Verdun, il ne fut autorisé
à retourner dans son pays qu'en 1804, malgré les démarches
du président de la Société royale, sir Joseph Banks, auprès
de Lazare Carnot. Il a raconté cet épisode de sa vie dans ses
Letters from France (1806). Il se consacra dès lors à la
rédaction et à la publication de ses Oriental Memoirs, qui
parurent en 4 volumes in-4, abondamment illustrés, de
1813 à 1815. — Sa fille avait épousé un émigré, Marc-René
de Montalembert, et de cette union naquit Charles deMon-
taîembert, qui devait avoir une si noble carrière d'orateur
et d'historien. Forbes prit soin de l'éducation de son petit-
fils, qui lui resta confié jusqu'en 1817, époque où il le
reconduisit à son père, alors ambassadeur de France à
Stuttgart. B.-H. G.
FORBES (Charles), homme politique anglais, né dans le
comté d'Aberdeen en 1774, mort à Londres le 20 nov.
1849. Après avoir terminé ses études à l'université d'Edim-
bourg, il passa aux Indes où il fonda à Bombay une impor-
tante maison de commerce. De retour en Angleterre il repré-
senta Beverley au Parlement de 4812 à 1818, fut ensuite
élu par Malmesbury qu'il représenta jusqu'en 1 832. Tory
renforcé, il appuya néanmoins l'émancipation des catho-
liques et il prononça un panégyrique ému de Wellington
au moment de sa plus forte impopularité. Il fut aussi l'avo-
cat le plus convaincu des droits politiques des femmes. Mais
il combattit avec la dernière énergie la réforme parlemen-
taire de 1832 et demeura dans la vie privée après son
adoption. Forbes durant son long séjour au Bengale avait
rendu les plus grands services aux habitants qui lui ont
élevé une statue à l'hôtel de ville de Bombay. R. S.
FORBES (John), médecin écossais, né à Cuttlbrse le
1 8 oct. 1787, mort à Whitchurch, près de Reading, le 1 3 nov.
1861. Il exerça à Penzance, puis à Chichester et en 1840
vint à Londres ; en 1841, il fut nommé médecin du prince
consort et de la maison de la reine; en 1854, il organisa
à Smyrne un hôpital pour les blessés de la guerre de Cri-
mée. Il fut médecin consultant à l'hôpital pour la phtisie
et membre de la Société royale de Londres. En 1832, il
commença avec Conolly et Tweedie la célèbre Cyclopœdia
of pract. medicine, achevée en 4835, puis fonda avec
Conolly le British and foreign Médical Review. Il s'ef-
força de vulgariser en Angleterre la pratique de l'ausculta-
tion due à notre Laënnec. Ennemi de tout charlatanisme, il
combattit vivement l'homœopathie, le mesmérisme et la
phrénologie, mais toujours en faisant la part du vrai ; enfin
il s'occupa avec succès de météorologie, de climatologie et
— 775 —
FORBES — FORBICINI
de géologie. De là un grand nombre d'ouvrages qu'il nous
est impossible d'énumérer. Dr L. Hn.
FORBES (Duncan), philologue anglais, né à Kinnaird
(comté de Perth) le 28 avr. 1798, mort le 17 août 1868.
Il prit ses grades à l'université de Saint-Andrews, fut
nommé en 1823 professeur à l'Académie de Calcutta, mais
dut revenir en Angleterre pour raisons de santé en 1826.
Après avoir été adjoint de John Borthwick Gilchrist, profes-
seur d'hindoustani, puis suppléant du Dr Arnot, il devint
en 1837 professeur de langues orientales au King's Col-
lège de Londres. Il occupa cette chaire jusqu'en 1861 . De
1849 à 1855, il fut un des administrateurs du British
Muséum où il catalogua un millier de manuscrits persans.
Il a écrit une quantité d'ouvrages qui manquent à la fois
d'originalité et de fond. Citons seulement : Observations
on the origin and progress of Cliess (Londres, 1855,
in-8); .The History of Chess (1860, in-8) ; A New
Persian Grammar (1828, in-8) en collaboration avec
S. Arnot ; An Essay on the origin and structure of
the Hindostanee longue (1828, in-8, plusieurs éd.);
The Hindustani Manual (1845, in-18) ; A Grammar of
the Hindustani Language (1846, in-8); A Dictionary
Hindustani and English (1848, 2 vol. in-8) ; A Gram-
mar of the Bengali Language (1861, in-8) ; A Gram-
mar of the Arabie Language (1863, in-8); Arabie
reading Lessons (1864, in-8). R. S.
FORBES (James-David), physicien et géologue anglais?
né à Edimbourg le 20 avr. 1809, mort à Clitton (comté
de Gloucester) le 31 déc. 1868. Elève de Brewster,
membre de la Société royale d'Edimbourg à dix-neuf ans, de
celle de Londres à vingt-trois ans, il fut nommé en 1833 pro-
fesseur de physique à l'université d'Edimbourg et conserva
cette chaire jusqu'en 1860. Il était correspondant de l'Aca-
démie des sciences de Paris depuis 1842. Il est surtout connu
par ses expériences fondamentales sur la polarisation de la
chaleur (1834) et par ses travaux sur les glaciers des Alpes
et de la Norvège, qu'il a explorés à plusieurs reprises
(1840 à 1851). Il fut l'un des fondateurs de la British
Association (1831). Il n'a publié à part que des relations
de ses voyages scientifiques : Travels through the A Ips
of Savoy (Londres, 1843, in-8 ; 2e éd., 1845) ; Norway
and its glaciers (Edimbourg, 1853, in-8; trad. allem.,
Leipzig, 1854). Mais il a donné à divers recueils scienti-
fiques de son pays et aux Comptes rendus de l'Académie
des sciences de Paris cent vingt-cinq mémoires ou notes
d'un très grand intérêt, parmi lesquels il convient de citer
plus particulièrement : On the Températures of hot
springs (Philosophical Transactions, 1836) ; Researches
on heat (Edinb. Roy, Soc. Transactions, XIII, XIV et
XV, 1836-40-44); On the Transparency of the atmo-
sphère (Philos. Trans., 1842) ; On the Viscous theory
of glacier motion (ib., 1843 et 1846); Experiments
on the température of the Earth {Edinb. Roy. Soc.
Trans., XVI, 1849); On the Volcanic Geology of the
Vivarais (ib., XX, 1853), etc. Léon Sagnet.
Bibl. : Shairp, Tait et Adams-Reilly, Forbes's life
and letters, 1873. — Tyndall, Forbes and his biogra-
phers, 1873. — Liste des mémoires signalés ci-dessus
dans le Catalogue ofseientific papers of the Royal Society ;
Londres, 1868, t. II, in-4.
FORBES (Edward), naturaliste anglais, né à Douglas
(île de Man) le 12févr. 1815, mort à Edimbourg le 18 nov.
1854. Il étudia à Edimbourg et à Paris, prit part en 1841
à une expédition scientifique en Syrie et en Asie Mineure,
fut nommé en 1843 professeur de botanique au King's
Collège à Londres, puis bibliothécaire et conservateur des
collections de la Société géologique, enfin, en 1845, prit les
fonctions de paléontologiste du musée géologique de Londres
et de professeur d'histoire naturelle à l'Ecole des mines.
En 1854, il passa à Edimbourg comme professeur. Forbes
a laissé des travaux remarquables sur la zoologie et la pa-
léontologie ; citons seulement : Malacologiamonensis, etc.
(Londres, 1858); History of British Star-Fishes, etc.
(Londres, 1841, pi.) ; Descript. of Fossil Invertebrates
from South-India (Londres, 1846) ; avecHanley : Hist.
of British Mollusca (Londres, 1853, 4 vol. in-8, pi.) ;
Zoology of the European Seas (Londres, 1859).
FORBES (David), géologue anglais, né à Douglas le
6 sept. 1828rmort le 5 déc. 1876. Surintendant des mines
à Espedal, il fit en 1857 un voyage dans l'Amérique du
Sud à la recherche de gisements de nickel et de cobalt,
de 1857 à 1860 un voyage d'études en Bolivie et au Pé-
rou, d'autres voyages dans les Cordillères, dans les îles de
la mer des Indes, en Europe et en Afrique (1860-1866).
Il avait été élu membre de la Société royale en 1856. Ses
études géologiques ont été publiées dans les recueils spé-
ciaux : le Geological Magazine, le Journal of the Che-
mical Society, les comptes rendus de la Société de géo-
logie, etc. Parmi les plus importantes on peut citer
Chemical Geology (Chemical News, 1867 et 1868) et
On the Chemistry of the premieval earth (Geological
Magazine, 1867).
FORBES (Archibald), journaliste anglais, né dans le
comté de Moray (Ecosse) en 1838, mort en 1891. Fils
d'un ministre presbytérien, il fit ses études à l'université
d'Aberdeen, s'engagea aux dragons et, après diverses aven-
tures, entra au Morning Advertiser comme correspondant
militaire au début de la guerre franco-allemande, puis au
Daily News où. il envoya des lettres remarquables republiées
l'année suivante. Il passa ensuite en Espagne au moment,
de l'insurrection carliste, partit aux Indes étudier les causes
de la famine du Bengale et revint en Espagne assister au
triomphe des alphonsistes. Toujours représentant le Daily
News, il accompagna le prince de Galles pendant son
voyage aux Indes, suivit la guerre russo-turque où il
courut de grands dangers, assista à l'occupation de Chypre,
aux premiers combats de l'Afghanistan et à la bataille
d'Ulundi dans le Zululand. Pour être le premier à en
envoyer la nouvelle en Angleterre, il franchit à cheval
110 milles en quinze heures. Un autre de ses tours de
force équestres fut de parcourir 280 milles en quatre-vingt-
seize heures pour apporter au général Wolseley à Pieter-
maritzburg des nouvelles du front d'opération. Forbes est
l'auteur d'un roman, Drawn from Life (1870), de plu-
sieurs esquisses militaires, Glimpses through the Cannon
Smoke (1880), Soldiering and Scribbling (1882), et
d'une vie de Chinese Gordon et de William of Germany
(1884 et 1889). Hector France.
FORBES (Edwin), peintre et graveur américain con-
temporain, né à New York en 1839. Elève du peintre
A. -F. Tait. Durant la guerre civile, il suivit (1862-64)
l'armée du Sud en qualité de dessinateur pour le compte
de l'éditeur Frank Leslie. Son tableau, Bataille dans le
désert, exposé en mai 1864 à l'Académie nationale de New
York, puis à l'Atheneum de Boston, fut très remarqué. A
l'exposition de Philadelphie, en 1876, il obtint un vif succès
avec ses Etudes de la vie de la Grande-Armée, série
d'eaux-fortes d'un intérêt considérable, parmi lesquelles se
distingue surtout une Marche de nuit. Postérieurement, il
se voua à la peinture de paysages et d'animaux. G. P-i.
FORBES (Charles-Stanhope), peintre américain contem-
porain, né à Genève de parents américains. Elève de Ca-
rolus Duran, cet artiste s'est fait connaître par les portraits
qu'il a exposés aux Salons de 1887, 1888, 1889 et 1891.
Ces portraits de jeunes filles, d'un dessin correct, d'une
touche large et grasse, ont été remarqués à l'Exposition
universelle de 1889 (section de la Grande-Bretagne),.
FORBICINI (Eliodoro), peintre italien du xvie siècle.
Eliodoro Forbicini, dont la vie n'est pas connue, est un
artiste de Vérone. Ticozzi le fait naître au commencement
du xvie siècle, mais il ignore la date de sa mort. Vasari,
qui le cite dans sa notice sur Michèle San Micheli, n'est
pas mieux informé. Il déclare que Forbicini, habile dans
tous les genres, excellait surtout dans l'art de peindre des
grottesche, c.-à-d. des ornements de fantaisie à la mode
de la Renaissance. Plusieurs peintres de Vérone ont eu
recours à son pinceau de décorateur pour encadrer des
FORBICINÏ — FORBIN
— T76 -
trophées, d'arabesques et de guirlandes leurs compositions
mythologiques. Ainsi, dans le palais du comte Girolamo da
Canossa, il travailla avec Bernardino, surnommé Vlndia,
dont la période laborieuse correspond à 4570 environ. Ces
peintures décoratives existaient encore à Vérone en* 1864.
Forbicini paraît, en outre, avoir fait un séjour à Vicence
et on voyait de lui des ornements dans la maison de Marc-
Antonio del Tiene. Il fut aussi le collaborateur de Felice
Brusasorci, mort en 4605. P. M.
Bibl. : Dal Pozzo, Vite de' pittori veronesi, 1718. —
Bernasconi, Studj sopra la storia délia pittura italiana,
1864.
FORBIN (De) . Originaire de Provence, la famille de Forbin
remonte à Jean Ier de Forbin, qui mourut en 4453. Des
trois fils qu'il eut de son mariage avec Isoarde Marin,
l'aîné, Jean II, seigneur de La Barberet, marié avec Mar-
thonne degli Pazzi, mort vers 1498, fut premier consul de
Marseille en 4488 ; les deux cadets, Palamède Qt Jacques,
furent la tige, l'un des seigneurs de Soliers, l'autre des
seigneurs de Gardanne. — Jean III, fils de Jean II, sei-
gneur de Janson, de Villelaure, des Trois-Emines, de Saint-
Etienne, de La Roque, d'Auteron et de Gontaut, fut, comme
son père, premier consul de Marseille (4506). — Son
petit-fils, Melchior, marquis de Janson en mai 4626, baron
de Villelaure, seigneur des Trois-Emines, deManez, etc.,
conseiller du roi en ses conseils et capitaine de cent hommes
d'armes de ses ordonnances, fut député de la ville d'Aix,
pour prêter serment de fidélité à Henri IV (4594) et viguier
de Marseille (4642). — Son fils, Gaspard, mestre de
camp d'infanterie (4 nov. 4625), commandant de la com-
pagnie d'ordonnance du duc d'Angoulême (8 août 4632),
mort à Béziers en 1 644 , fut également viguier de Mar-
seille (4627). — Le fils aîné, issu de son second mariage
avec Claire de Libertat, Laurent, viguier de Marseille
comme ses ancêtres (4653), fut mestre de camp du régi-
ment d'Auvergne (4655), gouverneur d'Antibes (4660) et
mourut le 2 juil. 4692. De son mariage avec Geneviève
Briançon de La Saludie, il eut de nombreux enfants, parmi
lesquels nous citerons : François-Toussaint, mort en
4740, qui entra dans les ordres sous le nom de frère
Arsène et établit la Trappe en Toscane (4705) ; Joseph,
maréchal de camp (V. plus loin) ; Jacques, qui fut arche-
vêque d'Arles en 4714. — Le fils aîné de Joseph, Michel,
fut mestre de camp du régiment de Bretagne-cavalerie et
gouverneur d'Antibes et de Grasse. Il avait épousé Fran-
çoise-Christine de Nicolaï. — La famille de Forbin a donné
naissance à plusieurs branches. — Le fondateur de celle
de Soliers, Palamède Ier, a joué un rôle politique impor-
tant. Vicomte de Martigues, seigneur de Peyruis, Pierrefeu,
Porquerolles, Puymichel et Soliers, conseiller et cham-
bellan du roi René, puis de son neveu et successeur Charles
d'Anjou, président de la chambre des comptes d'Aix, il
eut la part principale dans la décision par laquelle le der-
nier comte de Provence légua ses Etats au roi de France
(4484). Louis XI, en récompense, le nomma son lieutenant
et gouverneur général en ses comtés de Provence et de
Forcalquier, seigneuries de Marseille et d'Arles et îles
adjacentes et contiguës, gouverneur du Dauphiné (49 déc.
4484). Disgracié sous Charles VII, Palamède de Forbin
mourut à Aix en févr. 4508. — De son mariage avec Jeanne
de Castillon, il eut un fils, Louis, qui, premier président
de la chambre des comptes de Provence, conseiller et cham-
bellan du roi, fut ambassadeur de Louis XII au concile de
Latran et mourut après 4524. — Un autre de ses descen-
dants, Palamède II, défendit en Provence le parti de
Henri IV. — Le troisième fils de Jean II, Bernardin, fut
la tige des seigneurs de La Barberet. Le second fils, issu
de son mariage avec Melchionne de Cabanne, Vincent,
donna naissance à la branche delà F are d'Oppède. Parmi
ses membres, nous citerons : Louis, qui fut évêque de
Toulouse en 4664 et Jean-Baptiste, marquis d'Oppède,
seigneur de Bezaudun, LaFare,Peyrolles, LeRouvet, Saint-
Julien, Varages et La Verdière, né le 5 févr. 4648. Prési-
dent à mortier au parlement de Provence (4672), puis
intendant de la flotte de Messine (mai 4676), il remplaça
M. de Guénégaud comme ambassadeur en Portugal au com-
mencement de 4684. Sa mission fut marquée par l'extrême
âpreté qu'il apporta dans sa négociation. Remplacé à la fin
de 4683 par M. de Saint-Romain, il fut, après son retour,
nommé premier président au parlement de Provence. —
Ànnibal de Forbin, petit-fils de Jean III et frère cadet
de Melchior, fut la tige des seigneurs de La Roque. Il est
surtout connu par son duel au couteau avec Alexandre
du Mas de Castellane (4642), auquel aucun des adversaires
ne survécut. La branche des Forbin La Roque s'éteignit
avec son petit-fils, Melchior, qui ne laissa point d'enfants '
de son mariage avec Françoise d'Oraison. Louis Fakges.
Bibl. : Le P. Anselme, Hist. généalogique, t. VIII. —
Maury, Notice sur lamaison de Forbin ; Paris, 1815, in-8.
FORBIN (Claude de), marin français, né le 6 août 4656
au village de Gardanne (Bouches-du-Rhône), mort à Mar-
seille le 4 mars 4733. Il se fit remarquer dans son enfance
par la violence de son caractère, et, s'étant enfui de la
maison paternelle, il se réfugia chez son oncle, le com-
mandant de Forbin, qui le reçut comme cadet à bord de
la galère qu'il commandait et le recommanda ensuite au
maréchal de Vivonne. Il servit sous ce dernier, en 4675,
dans l'expédition de Messine. Après quelque temps passé
à l'armée de terre, il rentra dans la marine et fit, sous le
comte d'Estrées, la campagne.d' Amérique et de la Nouvelle-
Espagne; il prit part, en 4683, aux deux bombardements
d'Alger. En 4685, il fut nommé major de l'ambassade
envoyée auprès du roi de Siam, et il accepta de ce dernier
la charge d'amiral et de généralissime qu'il garda jusqu'en
4688. Rayé pour ce motif des listes de la marine, il y
rentra lors de la guerre avec l'Angleterre, en 4689, et
commanda une frégate avec laquelle il fit une croisière
dans la Manche. Après un sanglant combat devant l'île de
Wight, Forbin et Jean Bart furent pris et conduits à Ply-
mouth, d'où ils ne tardèrent pas à s'échapper. En 4690,
Forbin participa à un nouveau combat à la hauteur de File
de Wight avec Tourville ; puis, avec Jean Bart, il fit des
prises considérables sur les Hollandais. Au combat de La
Hogue (4692), Forbin commandait un des vaisseaux de
l'armée du comte de Tourville, et son vaisseau échappa au
désastre. A Lagos (4693), Forbin contribua puissamment
à la déroute des Anglais. En 4696, il accompagna le comte
d'Estrées au siège de Barcelone. Dans la guerre de la suc-
cession d'Espagne, il fit des croisières dans l'Adriatique
et se signala par des actions d'éclat. En 4706, il reçut le
commandement d'une escadre, et dans ses deux campagnes
de 4706 et de 4707, il fut mis à la tête d'une escadre
chargée de porter en Ecosse le prétendant Jacques Stuart,
mais il fut empêché de débarquer par une flotte anglais e
et ne dut qu'à son habileté de pouvoir regagner Dunkerque.
Forbin se retira alors du service. Il avait rédigé des Mé-
moires qui ont été revus et publiés par Reboulet (Ams-
terdam, 4729, 4730, 4748, 2 vol. in-42). Ils sont insérés
dans la Nouvelle Collection des Mémoires pour servir
a V histoire de France par MM. Michaud et Poujoulat,
t. IV. G. Regelsperger.
Bibl. : Righer, Vie du comte de Forbin ; Paris, 1816,
in-12, 4° éd.
FORBIN (Joseph de), marquis de Janson, général fran-
çais, mort à Antibes en janv. 4728. Il leva, le 20 oct.
4683, une compagnie, dans le régiment de Roquevieille,
mais elle fut réformée l'année suivante. 'Il en leva une
nouvelle dans le régiment royal le 20 août 4688 et fit les
sièges de Philipsbourg, Mannheim et Frankenthal. En juil.
4692, il obtint, à la mort de son père, le gouvernement
d'Antibes. Nommé en 4603 premier enseigne de la 4re
compagnie des mousquetaires, il combattit avec distinction
à Neerwinde et au siège de Charleroi. Brigadier de cava-
lerie en 1702, il est à Nimègue et à Eckeren (4703). Le
26 oct. 4704, il est fait maréchal de camp ; c'est en cette
qualité qu'il est blessé grièvement à la sanglante bataille
de Ramilies. Depuis il vécut dans son gouvernement. Ses
777
FORBIN — FÔRBONNAIS
armes -étaient d'or au chevron d'azur accompagné de
trois têtes de léopard arrachées de sable, lampassées
de gueules et posées deux en chef et une en pointe.
FORBIN (Loùis-Nicolas-Philippe-Auguste, comte de),
peintre et écrivain d'art français, né au château de La Roque
d'Antron (Bouches- du-Rhône) le 19 août 1777, mort à
Paris le 23 févr. 1841. Cadet de l'ancienne et célèbre fa-
mille de Forbin, il avait à peine seize ans lorsqu'il vit
périr sous ses yeux son père et son oncle, lors de l'insur-
rection delà ville de Lyon contre la Convention en 1793.
Dénué de ressources, il trouva asile auprès de Boissieu,
l'habile peintre lyonnais, et fortifia auprès de celui-ci son
goût déjà très vif pour les arts. Deux années se passèrent
ainsi ; puis sa mère ayant pu recueillir les débris de sa for-
tune, il revint enfin en Provence et se décida, pendant le
Directoire, à se rendre à Paris pour y compléter, dans les
ateliers de Demarne et de David, son éducation de peintre.
Très lié avec Granet, il gagna bientôt l'amitié d'autres
artistes, tels que Gérard, etc. Ses premiers tableaux pa-
rurent au Louvre, aux expositions de 1796, 1799, 1800,
1801, non sans être remarqués. Napoléon, qui cherchait à
reconstituer une cour, le nomma, en 1804, chambellan de
la princesse Pauline Bonaparte. DHme tournure élégante,
doué de toutes les qualités de l'homme du monde, le comte
de Forbin réussit aussitôt dans cette société. C'est lui,
dit-on, qui composa les paroles de la fameuse romance :
Partant pour la Syrie, dont la reine Hortense fit la mu-
sique. Chateaubriand, qui le vit à cette époque, en a fait
un portrait où on remarque ce sarcasme : « Le noble gen-
tilhomme, peintre par le droit de là Révolution, commen-
çait cette génération d'artistes qui s'arrangent eux-mêmes
en croquis, en grotesques, en caricatures. » La faveur
même dont il était comblé par la princesse excita des ja-
lousies qui le décidèrent à prendre du service dans l'armée.
Il fit les campagnes de Portugal, d'Espagne et d'Autriche,
rentra dans la vie privée après la paix de 1809, avec le
grade de lieutenant-colonel. Il alla se fixer à Rome et se
remit à la peinture en même temps qu'il écrivait un ro-
man sentimental : Charles Barimore. Revenu en France,
à l'époque de la Restauration, le comte de Forbin fut
nommé directeur des musées nationaux. Dans cet emploi,
qu'il conserva jusqu'à sa mort, il déploya des qualités
vraiment remarquables et qui, mieux que ses tableaux,
sont l'honneur de sa mémoire. Il réorganisa le musée du
Louvre à demi dépouillé par les armées de l'invasion, fit
acquérir d'importants chefs-d'œuvre, V Enlèvement des
Sabines et les Thermopyles de David, malgré de vives
oppositions, le Naufrage de la Méduse de Géricault, la
collection Borghèse, de précieuses antiquités, recueillies
par lui eh Grèce, en Syrie et en Egypte, durant un voyage
qu'il a retracé lui-même dans un bel ouvrage orné de
80 planches lithographiques : Voyage dans le Levant,
1817-1818 (Paris, 1819, in-fol.). C'est pendant sa direc-
tion que le Louvre s'enrichit de la Yénus de Milo , que
fut ouverte la galerie des antiquités étrusques et égyp-
tiennes, et que furent commencées les collections de sculp-
tures de la Renaissance. On ne doit pas oublier non plus
que c'est à son initiative que l'on doit la création du musée
du Luxembourg, destiné à recevoir les œuvres des artistes
contemporains.
Comme peintre, le comte de Forbin ne cessa d'exposer
de 18) 7 à 1840. Loin d'être opposé aux idées romantiques,
il les adopta avec ardeur, comme en témoigne son tableau
de la Procession de la Ligue partant de Saint-Ger-
main-V Auxerrois très remarqué en 1831. Sa Chamelle
dans le Colisée à Rome, qu'il exécuta en 1835, en colla-
boration avec son ami Granet, lequel d'ailleurs a peint sou-
vent des figures dans les compositions du comte de For-
bin, est aujourd'hui au musée du Louvre. Il faut signaler
aussi son Intérieur d'un ancien monument, dont un
personnage a été peint par Gérard (1800); V Eruption du
Vésuve (1806); Inès de Castro (1819), etc. En 1840, il
exposait encore trois tableaux ; mais depuis plusieurs années
sa main incertaine le trahissait, et ses amis essayaient en
vain de dérober au public ses erreurs séniles. Il peignait
encore quand une attaque de paralysie le foudroya. Il avait
été nommé membre libre de l'Académie des beaux-arts en
1816. V. Champier.
Bibl. : Comte Siméon, Notice historique sur M. le
comte de Forbin, lu à l'Académie des beaux-arts le
27 mars 1841.
FORBIN des Issarts (Joseph-Charles-Louis-Henri, mar-
quis de), général et homme politique français, né à Avi-
gnon le 25 août 1775, mort à Avignon le 12 févr. 1851.
Emigré, il fit dans la marine toutes les campagnes de
l'étranger contre la France et se distingua, en 1813, par
l'ardeur de son zèle en faveur de la cause royale. Nommé,
en 1814, lieutenant des gardes du corps, il suivit le roi à
Gand et à la seconde restauration fut promu colonel d'état-
major. Elu député de Vaucluse le 22 août 1815, réélu le
13 nov. 1820, il eût, en 4822, un duel retentissant avec
Benjamin Constant à la suite d'une polémique de presse.
Toujours ultra-royaliste, il fut encore réélu le 6 mars 1824
et fut créé pair de France le 5 nov. 1827. Il avait été
promu maréchal de camp le 17 août 1822 et nommé con-
seiller d'Etat en 1823. Il perdit toutes ces faveurs à la
révolution de Juillet et fut même exclu de la Chambre des
pairs. Il se tint alors dans la vie privée.
FORBIN-Jânson (Toussaint de), dit Janson, évêque de
Beauvais, né en 1625, mort en 1713. Chevalier de Malte
dès sa naissance, il entra dans les ordres et devint suc-
cessivement évêque de Digne, de Marseille et de Beauvais.
Ambassadeur en Pologne, il favorisa l'élection de Sobieski,
qui lui témoigna sa reconnaissance en le faisant élever au
cardinalat. Il représenta ensuite la France à Rome, sous
les pontificats d'Innocent XII et de Clément XL En 1706,
la charge de grand aumônier lui fut donnée en récompense
de ses services. La sévérité avec laquelle il traitait les
docteurs de la morale relâchée, dans une censure qu'il
publia contre Y Apologie des casuistes, lui valut les
louanges des jansénistes.
FORBIN -Janson (Charles-Théodore-Palamède-Antoine-
Félix, marquis de), homme politique français, né à Paris
le 14 juin 1783, mbrt à Paris le 4 juin 1849. Chambellan
du roi de Bavière, chambellan de Napoléon Ier, il devint,
en 1814, chef dé légion des gardes impériales de la Nièvre.
Considéré comme suspect par la Restauration, il fut pen-
dant les Cent- Jours colonel de cavalerie et pair de France
(2 juin 1815). Secrétaire de la Chambre des pairs, il pro-
testa violemment contre l'évacuation de Paris. Aussi fut-il
proscrit par Louis XVIII et ne rentra- t-il en France qu'en
1820. On a de lui: Examen impartial et solution de
toutes les questions qui se rattachent à la loi des sucres
(Paris, 1840, in-8). Il était entré le 6 mai 1845 à l'Aca-
démie de Marseille.
FO R B I N-Janson (Charles-Auguste-Marie- Joseph, comte
de), prélat français, né à Paris le 3 nov. 1785, mort près
de Marseille le 12 juil. 1844. Fils d'émigrés, ramené en
France en 1802, attaché comme auditeur au conseil d'Etat
(1805), il entra quelques années après dans les ordres
(1811), fut. en France, sous la Restauration, avec l'abbé
de Rauzan, ie principal organisateur de ces missions^ inté-
rieures, qui étaient une œuvre plus politique que religieuse,
et fut promu en 1824 à l'évêché de Nancy, où l'excès de son
zèle royaliste et ultramontain le rendit impopulaire. Il dut,
après les journées de Juillet 1830, se faire nommer un
coadjuteur, passa plusieurs années au Canada où il obtint,
comme missionnaire, d 'importants succès, revint en France
et mourut au moment de partir pour la Chine, où il se
proposait de se rendre au même titre. . A. Debidour.
FORBONNAIS (Francis-Véron Duverger de), le publi-
ciste financier français le plus instruit, le plus éclairé et le
plus important de l'ancien régime, né au Mans le 3 oct. 1 722 ,
mort en 1800. C'est grâce à ses divers ouvrages que l'on peut
se faire une certaine idée des finances de la France depuis
Henri IV jusqu'à Louis XVÎ. Issu d'une riche famille indus-
FORBONNAIS — FORCALQUIER
— 778 —
trielle, associé dans la maison d'un de ses oncles à Nantes,
Forbonnais put compléter ses études par de longs voyages
en Italie, en Espagne. Au retour de ses voyages il se mit
à écrire et débuta par un commentaire de YEsprit des lois.
Cet ouvrage, un séjour à Paris le firent connaître. Il publia
bientôt le Négociant anglais, à la suite duquel Y Encyclo-
pédie lui commanda les art. Champs, Commerce. Il prit
dès ce moment parti contre les physiocrates , Quesnay
notamment, dont il réfuta le tableau économique. Mais on
doit à Forbonnais deux ouvrages bien autrement importants
qu'il put mener à bien, grâce à ses relations avec la cour et
le duc de Choiseul, Considérations sur les finances de
l 'Espagne ('1753), et Recherches et considérations sur
les finances de la France. Ces deux ouvrages font le
plus grand honneur à Forbonnais. Non seulement il y
déploie une connaissance bien rare pour son époque, des
finances de l'Espagne et de la France, mais il propose des
réformes qui les auraient améliorées. Il devint inspecteur
général des monnaies, conseiller au parlement de Metz. Le
comité des finances de la Constituante l'appela auprès de
lui pour le consulter. Forbonnais reprit aussitôt la plume
et s'engagea dans les polémiques financières de 4789. Il
publia successivement : Prospectus des finances (1789) ;
Observations sur les assignats (1790) ; Aperçu sur la
circulation des denrées (1800). Devenu membre de l'Ins-
titut (section des sciences morales et politiques) il publia des
articles jusqu'à ses derniers jours. E. Fourmer de Flaix.
FORÇA DE (Théodore-Augustin), évêque français, né à
Versailles le 2 mars 1816, mort à Aix le 11 sept. 1885.
Evêque in partibus de Samos, vicaire apostolique du Ja-
pon (1846), évêque de la Basse-Terre (1853), il fut promu
au siège de Nevers le 18 mars 1861 et à l'archevêché d'Aix
le 21 mars 1873. On a de lui : Notice sur la vie de
sœur Marie Bernard (Bernadette de Lourdes) (Nevers,
1879, in-12). En 1879, il fut un des évèques qui protes-
tèrent le plus violemment contre les lois Ferry. La lettre
pastorale qu'il publia à ce sujet contenait de virulentes
attaques contre le gouvernement républicain : elle excita
l'enthousiasme de son clergé qui prit fait et cause pour lui.
FO RC AD E (Eugène), publiciste français, né à Marseille
en 4 820, mort à Billancourt le 7 nov. 1869. Fondateur
du Sémaphore de Marseille (1837), collaborateur assidu
de la Revue des Deux Mondes, il fut rédacteur en chef
de la Patrie, du Messager de rassemblée et de la Se-
maine financière. Il a laissé : Etudes historiques (Paris,
1853, in-12) ; Histoire des causes de la guerre d Orient
(1854, in-42).
FORCADE de Là Roquette (Jean-Louis- Victor-Adolphe
de), homme politique français, né à Paris le 8 avr. 1820,
mort à Paris le 15 août 1874. Avocat à la cour d'appel de
Paris en 1 841 , maître des requêtes au conseil d'État en
1852, il devint en 18n7 directeur général des forêts et
en 1859 directeur général des douanes et des contributions
indirectes. Le 26 nov. 1860, il remplaçait au ministère
des finances M. Magne créé ministre sans portefeuille. Il
eut à réaliser l'émission d'obligations trentenaires prépa-
rée par son prédécesseur et céda la place à Achille Fould
le 14 nov. 1861. Il fut, en compensation, pourvu d'un
siège au Sénat. Après avoir rempli une mission d'études
en Algérie, il fut nommé vice-président du conseil d'Etat
(1863) et pourvu du portefeuille de l'agriculture, du com-
merce et des travaux publics le 20 janv. 1867. Le 17 déc.
1868, il remplaçait à l'intérieur M. E. Pinard démission-
naire. En ce dernier poste il combattit la presse libérale
avec la dernière rigueur et prépara le triomphe de la
pression administrative aux élections de 1869 en organi-
sant savamment les circonscriptions électorales. Il fit à ce
sujet en pleine tribune l'apologie de la candidature offi-
cielle. Démissionnaire, avec ses collègues, le 12 juil. 1869
lors de la conception politique de l'Empire libéral, il ne
fit aucune difficulté pour reprendre le portefeuille de l'in-
térieur dans le ministère du 17 juil. 1869, qui céda la
place le 2 janv. 1870 au cabinet Emile Ollivier. LBientôt
même il devint libéral, et pour mieux servir le gouverne-
ment se fit élire député le 10 janv. 1870 par le Lot-et-
Garonne et fut un des leaders de la droite au Corps légis-
latif. Après la chute de l'Empire, il passa en Espagne. De
retour en France six mois après, il se présenta vainement
à plusieurs reprises aux élections pour le conseil général
de la . Gironde et même aux élections complémentaires
du 20 oct. 1872 pour l'Assemblée nationale. Il n'obtint à
ce moment que 47,641 voix contre 66,308 à M. Caduc,
républicain. On a de lui : Défense du traité de commerce
avec l'Angleterre (Paris, 1872, in-8); les Nouveaux
Traités de commence et la loi sur les matières premières
(1873, in-8).
FORCADEL (Etienne) ou FORCATU LUS, jurisconsulte,
historiographe et poète français, né à Béziers en 1534,
mort en 1574. Il fut professeur à Toulouse en 1554 ; on
a dit à tort qu'il avait été préféré à Cujas pour cette chaire*
Il a écrit des ouvrages, tombés aujourd'hui dans l'oubli,
comme : Tractatio dilucida rei criminalis in IV partes
digesta; Commentarius in titulum Digestorum de
justitia et jure. Quelques-uns avaient des titres ridicules :
Sphœra legalis, Necyomantia-, Cupido juris peritus,
Aviarium juris civilis, Penus juris avilis, sive de
alimentis tractatus. Parmi ses ouvrages d'histoire, on
cite : De Gallorum imperio et philosophia libri Vil
(Paris, 1569, in-4 ; Lyon, 1595, in-8) ; Montmorency,
gaulois, opuscule dédié à M. d'AnvilIe, maréchal de
France (Lyon, 1571, in-8), et parmi ses poésies : le Chant
des seraines (sirènes) (Lyon, 4548, in-8 ; Paris, 1548,
in-16). Après sa mort, son fils a fait paraître les Œuvres
poétiques de Estienne Forcadel (Paris, 1579, in-8).
Bibl. : Denis Simon, Nouvelle Bibliothèque historique
des auteurs du droit civil ; Paris, 1692-1695, t. I, p. 143. —
Albéric Allard, Histoire de la justice criminelle au
xvp siècle, 1868, p. 514„
FORÇAGE (Hortic). On désigne par ce mot les procé-
dés spéciaux de culture en usage pour obtenir des végé-
taux des produits qu'ils ne donneraient qu'en d'autres
saisons. Le forçage s'applique aux légumes, aux plantes à
fleurs et aux arbres fruitiers. On le pratique souvent sans
grandes dépenses, mais fréquemment aussi il exige des
soins, des frais et un matériel considérables, compensés
largement, il est vrai, par la haute valeur des produits
sur le marché. Aussi le forçage se répand-il de plus en
plus et jusqu'à une grande distance des villes autour des-
quelles il était d'abord restreint. Le forçage met en œuvre
les couches et le fumier, les cloches, les serres permettant
de fournir et retenir autour des plantes une somme de
chaleur suffisante pour les faire végéter, fleurir et fructi-
fiera contre-saison. L'emploi du fumier est très important
et avantageux. Après avoir fourni sa chaleur aux plantes
forcées, le fumier peut être utilisé pour les cultures ordi-
naires. Le forçage à l'aide du fumier se pratique aisément
et s'applique aux divers légumes, au melon, au fraisier.
Selon les exigences particulières de ces plantes, on les sème,
on repique sur des couches, ou bien, lorsqu'il est plus
avantageux ou nécessaire de les forcer sur place, on dis-
pose autour d'elles un coffre et un réchaud de fumier. Les
cloches, communément employées dans la culture potagère
en retenant la chaleur autour des plantes sur lesquelles
on les place, activent leur développement. La vigne et les
arbres fruitiers sont forcés dans des serres de formes et
de dimensions variées et dont on élève graduellement la
température, ou bien on les cultive en place sous des abris
vitrés et chauffés. C'est aussi dans des serres qu'on force
le lilas et beaucoup d'autres plantes à fleurs. G. Boyer.
FORCALQUEIRET-Garéoult. Com. du dép. du Var,
arr. de Brignolles, cant. de La Roquebrussanne ; 324 hab.
FORCALQUIER (Forum Neronis, Forcalquerium).
Ch.-l. d'arr. du dép. des Basses-Alpes, sur le versant
d'une colline calcaire, à laquelle la ville doit son nom ;
3,038 hab. Stat.du chem.de fer P.-L. -M., embranchement
de Saint-Maime à Forcalquier. Bibliothèque publique.
Athénée avec cours publics. Fabriques d'étoffes et de toiles.
779 —
FORCALQUIER — FORCE
Forcalquier existait dès l'époque barbare et était au ixe siècle
une ville fortifiée. La translation des reliques de saint
Mary, qui y furent apportées au commencement du xe siècle,
contribua à la prospérité de la ville. D'abord comprise dans
le comté de Sisteron, elle devint elle-même au xie siècle
le chef-lieu d'un comté particulier comprenant la plus
grande partie de la Haute-Provence, entre la Durance,
l'Isère et les Alpes. Possédé d'abord en coseigneurie par
Guillaume- Bertrand et Geoffroi, neveu de Geoffroi 1er,
comte de Provence, il fut apporté en dot par la fille de
Guillaume-Bertrand à Ermengaud IV, comte d'Urgel ; son
fils, Guillaume Ier, lui succéda en 1094 ; celui-ci laissa le
comté en 1129 à ses deux fils, Bertrand Ier et Guigues,
auxquels succédèrent, vers 1150, les fils de Bertrand Ier,
Guillaume II et Bertrand IL Après la mort de Guillaume II,
qui survécut à son frère jusqu'en 4209, le comté fut
réuni au comté de Provence dont les comtes joignirent dé-
sormais à leurs titres celui de comte de Forcalquier. La
ville de Forcalquier ne cessa plus dès lors de décroître.
La peste de 1630 y fit plus de 2,000 victimes.
L'église (mon. hist.), décorée au xine siècle du titre de
cathédrale, qu'elle partageait avec l'église de Sisteron et
qu'elle a conservé jusqu'à la fin de l'ancien régime, est un
édifice de diverses époques, en partie roman et en partie
gothique. Le portail du xni9 siècle est surmonté d'une
belle rose. Les bas côtés sont du xvie siècle. De l'ancienne
église, oti fut transféré au xe siècle le corps de saint Mary,
ne subsistent que d'informes débris. Sur une colline domi-
nant la ville s'élevait le château des comtes de Forcalquier,
démoli en 1601 à la requête des habitants. Sur son em-
placement a été élevée une chapelle de style roman sur-
montée d'une statue de la Vierge immaculée. La ville a
conservé des rues étroites et tortueuses ; les boulevards
des Cordeliers et de la Tourrette, ainsi que l'esplanade du
Bourguet, sont des promenades plantées d'arbres.
FORÇAT (V. Bagne).
FORCE. I. Philosophie. —La notion de force confine
à celle de cause. Elle y ajoute. L'idée de cause éveille celle
d'effet, de changement. L'idée de force évoque l'idée de résis-
tance ; les deux idées sont dès lors nettement distinctes
(V. Cause et Activité) . Toute force tend à produire un mou-
vement, un déplacement, par suite un changement. D'où il
résulte qu'il n'est pas de force qui ne soit une cause. La réci-
proque est-elle vraie? Toute cause doit-elle être conçue sur
le type de la force? Pas nécessairement. La notion de cause
joue un rôle prépondérant dans la métaphysique de Descartes.
La notion de force en est absente. Le dynamisme (V. ce
mot) est anticartésien. La notion de force est-elle d'origine
externe ou d'origine psychologique? C'est de quoi l'on dis-
pute. Le sens attaché au terme force dans les sciences de
la nature et qui varie avec l'objet de ces sciences donne-
rait gain de cause aux adversaires de l'origine psycholo-
gique, puisque à remplacer ce mot par un autre on ne per-
drait guère. Les savants ne sont pas très loin de craindre
précisément qu'à prendre ce mot au pied de la lettre on
imagine je ne sais quelles vertus occultes agissant à l'inté-
rieur des corps. Dire qu'une force réside quelque part,
n'est-ce pas considérer ce « quelque part » comme le siège
d'un esprit? Or, quand on parle des forces de la nature et
qu'on en parle entre savants, on n'entend rien de tel. Mais
c'est que peut-être on a dépouillé le terme force de ce qu'il
signifie essentiellement. Que signifie-t-il essentiellement ?
Il nous paraît signifier essentiellement la capacité de
vaincre une résistance, et de la vaincre par un déploiement
d'effort. Cette signification admise, on voit qu'il serait déplacé
d'affirmer la force là où manqueraient les raisons d'affirmer
l'effort. Et ces raisons manquent à leur tour là où font
défaut les signes extérieurs de la conscience. Tout effort
non senti et même non voulu semble contradictoire. Il
doit être voulu : car faire effort c'est en premier lieu se
résister à soi-même, c'est arrêter le cours spontané des
images ou des idées qui vont et viennent dans la conscience.
Ce pouvoir d'arrêt implique la volonté. L'effort doit être
senti, car, s'il n'a pas d'intensité, il n'a pas de réalité. Et
comment distinguer l'intensité d'un effet de l'intensité de la
conscience qui l'accompagne ? La notion de force est donc
une notion innée, si Ton appelle de ce nom tout ce qui pro-
vient de la connaissance prise par l'âme de sa propre acti-
vité.
Cette activité se manifeste : 1° dans l'action exercée sur
l'âme par l'âme même ; 2° dans l'action exercée par l'âme
sur le corps qui lui est adjoint (encore que l'on adhère au
matérialisme, ces deux sortes d'actions ne peuvent être
mises en doute ; le fait d'être matérialiste ou spiritualiste
conduit à les interpréter différemment, rien de plus). Une
discussion s'est élevée entre les philosophes pour savoir en
quoi l'action de l'âme sur le corps pourrait bien consister.
Faut-il dire qu'à un effort conscient correspond un chan-
gement corporel et que cette correspondance est l'effet d'une
harmonie ? Doit-on croire que l'âme communique au corps
quelque chose d'elle comme la bille qui en heurte une autre
a l'air de lui communiquer son mouvement? Si ce n'est
point là ce que pensent les défenseurs de la causalité tran-
sitive, il est bien difficile de donner à leur théorie une autre
signification, et par conséquent de ne pas déclarer leur con-
ception inintelligible. La notion de transit est liée à celle
d'un objet matériel que l'on fait mouvoir, passer d'un lieu
dans un autre. Se figurer sur ce type l'action du moral sur
le physique, et réciproquement, c'est tenter de se repré-
senter l'irréprésentable. Aussi la conception leibnizienne
qui ramène la causalité à une harmonie, trouve aujourd'hui
encore bon nombre de partisans. Cette harmonie ne semble
pas rendre compte de la nécessité de l'effort. Pour peu
que l'on y réfléchisse néanmoins on ne tarde pas à com-
prendre qu'une différence de degré dans l'antécédent doit
en déterminer une dans le conséquent, que la négation d'une
telle proportionnalité équivaudrait à celle de l'harmonie.
La difficulté consiste à maintenir cette proportionnalité sans
se laisser dominer par de fausses images. Et l'image de la
prétendue communication du mouvement, outre qu'elle ne
peut s'appliquer à rendre compte des faits d'action réci-
proque du moral et du mental, risque de nous rendre inca-
pables de comprendre le mouvement. Les mots mêmes de
« perte », de « gain », usités à propos du mouvement, ne sont
que des mots ; ils rendent compte d'une apparence, mais il
s'en faut que la réalité s'y conforme. Il s'en faut de tant, que,
loin d'être obligés de nier toute action à distance, aux yeux
d'un grand nombre de bons esprits, nous le sommes de nier
le contact, attendu que si les corps sont constitués par des
monades — l'hypothèse est permise — la nécessité que ces
monades jouissent d'une existence distincte leur impose non
pas d'être essentiellement impénétrables, mais de revêtir à tout
le moins le simulacre de l'impénétrabilité. Il y aurait donc
dans la sphère d'action de chaque monade une portion où
nulle autre qu'elle ne saurait agir. D'où l'impossibilité de
tout contact. Les défenseurs^de ces théories ne les donnent
point pour autres que ce qu'elles sont. Et ils se bornent,
pour la plupart, à en plaider la vraisemblance. La simple
possibilité que de telles théories trouvent des partisans
démontre à quel point un esprit qui se gouverne peut résis-
ter à la tyrannie des images les plus naturellement domi-
nantes, et, par suite, secouer le joug de la notion de cause
transitive. Les adversaires de cette notion ne sont pas,
comme on l'a pu croire, des esprits fermés à l'évidence
et auxquels il plaît de contester la réalité de l'effort. Cette
réalité, ils l'affirment. Mais ils ont leur façon à eux de
l'interpréter.
De même, on se fait aisément la réputation de tenir
cette réalité pour douteuse, lorsqu'on se refuse à conclure,
du sentiment de l'effort, la réalité objective dn monde exté-
rieur. Maine de Biran passe pour avoir, grâce à sa magis-
trale analyse de la notion de force, réduit à néant les pré-
tentions de l'idéalisme» Mais le réalisme et l'idéalisme sont
deux conceptions qui se sont formées en dehors de la psycho-
logie et qui, par conséquent, n'en sauraient être justi-
ciables. L. Dauriac.
FORCE
780
ïî. Mathématiques. — Force vive. — On entend par
force vive d'un point matériel le produit de sa masse par le
carré de sa vitesse. L'expression est impropre, car une telle
quantité n'est aucunement comparable à une force. La force
vive d'un système quelconque est la somme des forces vives
despointsqui le composent. Considérons un point de massem,
qui se meut sous l'action d'une force F. Celle-ci est égale, à
chaque instant, au produit de la masse par l'accélération
totale y. La projection de y sur la direction de la vitesse v
est l'accélération tangentielle j- ; la projection de la force
dv
sur la même direction est donc m -rr. D'ailleurs, le dépla-
ce
cernent dans le temps clt est égal à vdt. Le travail élémen-
taire de la force (V. ci-dessous, § Mécanique) est donc égal
à m -T-, X vdt, c.-à-d. à mvdu ou encore à - d (mv2). On
dt ' 1 x '
peut donc énoncer ce théorème fondamental : le travail élé-
mentaire de la force est égal à la différentielle de la demi-
force vive. En intégrant pour un déplacement fini, on voit que
le travail est égal à la demi-variation de la force vive. Pour
•un système quelconque de points matériels, le théorème
l'applique à chaque point pris séparément, et l'on en
conclut que : la demi-variation de force vive d'un système
quelconque à la suite d'un déplacement quelconque est égale
à la somme des travaux de toutes les forces. C'est le
théorème des forces vives. Quand il y a une fonction de
forces, la demi-variation de force vive est égale à la varia-
tion de cette fonction, et, chaque fois que la fonction
reprend la même valeur, il en est de même de la force
vive. C'est sur cette remarque que se base la démons-
tration de l'impossibilité du mouvement perpétuel
(V. ce mot). L. Lecornu.
III. Mécanique. — On comprend, en mécanique, sous le
nom de forces, toutes les causes capables de modifier l'état
de repos ou de mouvement des corps. Ces causes peuvent
être d'origine et de nature très diverses ; mais la méca-
nique ne se préoccupe pas de cette question : envisageant
les forces uniquement au point de vue des effets produits,
elle considère comme identiques deux forces qui, en toute
circonstance, agissent de la même façon. Voici, dès lors,
par quelle suite d'idées on parvient à définir mathématique-
ment la grandeur, la direction et le sens d'une force quel-
conque. Le mouvement élémentaire d'un corps solide peut
toujours être décomposé en deux parties : d'abord une
translation d'ensemble, faisant décrire à l'un des points sa
trajectoire réelle, puis une rotation autour du même point,
destinée à donner au corps son orientation réelle dans l'es-
pace. Si les dimensions du corps sont très petites, on peut
admettre que le phénomène du changement d'orientation
devient négligeable en présence de celui de la translation,
et l'on n'a plus à s'occuper que de ce dernier. Tout se passe
donc comme si la matière était concentrée dans un volume
infiniment petit : c'est ce qu'on appelle un point maté-
riel. Considérons un pareil point, et supposons qu'il ne soit
sollicité par aucune force. On admet que, si ce point est en
repos, il va y rester, et que, s'il est animé d'une certaine
vitesse, cette vitesse ne va pas être modifiée, ou, en d'autres
termes, le mouvement va être rectiligne et uniforme. Cette
hypothèse constitue le principe de l'inertie. L'influence
d'une force appliquée à un point matériel doit donc se tra-
duire par certaines variations dans la direction et la gran-
deur de la vitesse . Or, l'étude cinématique du mouvement
d'un point enseigne à définir et à mesurer très simplement
la variation de la vitesse au moyen de Y accélération totale
(V. ce mot). Il est donc naturel de prendre l'accélération
totale pour mesure de la force elle-même et de dire que la
force est numériquement égale au produit de l'accélération
totale par un certain coefficient m, arbitrairement choisi
mais constant pour un même point matériel. Si donc F est
la grandeur de la force et,y l'accélération correspondante,
on écrira : F — m -y. La direction et le sens de la force
sont en outre, par définition, identiques avec la direction et
le sens de l'accélération. Cette conception de la force sup-
pose nécessairement qu'une même force, agissant sur le
même point matériel, lui imprime toujours la même accé-
lération, quel que soit l'état de repos ou de mouvement du
point : c'est là un second postulatum que l'on est obligé de
joindre à celui de l'inertie. Du reste, l'observation des phé-
nomènes naturels montre que l'accélération totale est bien
l'élément dynamique par excellence: c'est elle qui, dans les
mouvements planétaires, varie en raison inverse du carré
de la distance au soleil ; c'est elle aussi qui reste constante
dans le mouvement d'un corps pesant à la surface de la
terre. Cependant on ne trouverait pas là une raison suffi-
sante pour mesurer la force au moyen de l'accélération plu-
tôt que du carré ou de toute autre puissance de l'accéléra-
tion. Ici intervient un troisième postulatum, qui est le
suivant. Quand plusieurs forces agissent simultanément sur
un point matériel, leurs effets se produisent indépendamment
les uns des autres, et l'accélération prise par le point maté-
riel est la résultante géométrique des accélérations dues à
chacune des forces agissant isolément. En particulier, s'il
n'y a que deux forces, et si ces deux forces sont dirigées
dans le même sens, l'accélération obtenue est la somme des
accélérations dues à chacune des forces. Dès lors, il est
clair que les forces doivent être simplement proportionnelles
aux accélérations correspondantes.
Le troisième postulatum conduit immédiatement à la
règle de composition des forces appliquées à un même point
matériel. Cette règle consiste en ce que toutes ces forces
peuvent être remplacées par une force unique, égale à leur
résultante géométrique. S'il n'y a que deux forces appliquées,
leur résultante est la diagonale du parallélogramme cons-
truit sur les deux composantes : c'est la règle du parallé-
logramme. Si les deux forces sont égales et directement
opposées, leur résultante est nulle ; l'accélération du point
s'annule également, et le point demeure en repos ou bien
conserve un mouvement rectiligne et uniforme : on dit
alors que les deux forces se font équilibre.
En somme, tant que l'on se borne à la considération d'un
seul point matériel, la notion dynamique de force ne dif-
fère de la notion cinématique d'accélération que par l'intro-
duction du coefficient constant arbitraire que nous avons
désigné par m. Cherchons maintenant à comparer les actions
d'une même force sur différents points matériels. Pour cela,
introduisons encore un postulatum qui pourrait s'appeler
le principe de l'unité de matière et qui consiste à dire
que tous les points matériels peuvent être regardés comme
formés par la réunion de molécules toutes identiques entre
elles, de telle sorte que les points se distinguent unique-
ment les uns des autres par le nombre de molécules cons-
tituantes. Convenons alors que, pour une molécule élémen-
taire, îe coefficient arbitraire sera pris égal à l'unité. Si un
point matériel se compose de m molécules, il faudra, pour
imprimer à chacune d'elles une accélération y, employer
une force numériquement égale à y. La force capable d'im-
primer la même accélération au point considéré sera donc
égale à my. On est ainsi conduit à regarder le coefficient
m, qui intervient dans l'expression générale de la force,
comme la mesure du nombre de molécules équivalent au
point matériel, et l'on donne en conséquence à ce coefficient
le nom de masse du point matériel. La masse est donc la
quantité de matière contenue dans chaque point. Bien
entendu, la grandeur absolue du nombre qui exprime
la masse est tout à fait arbitraire : la seule chose bien défi-
nie est le rapport des différentes masses à l'une d'elles
prise pour unité. Ceci posé, si une force donnée imprime
une accélération y à un point de masse m et une accélé-
ration Y à un Pomt ^e masse m'y on a évidemment
my=m'Y» D'oii ce théorème : les accélérations imprimées
par une même force à différents points matériels sont en
raison inverse des masses.
Pour définir mathématiquement la force et la masse,
nous avons été obligés d'admettre, chemin faisant, un cer-
— 784 —
FORCE
tain nombre de principes : ceux-ci se trouvent justifiés par
l'accord complet des théories mécaniques avec l'expérience.
Du reste, on constate sans peine, au début de la géométrie
elle-même, l'intervention de principes qui dérivent égale-
ment de l'observation du monde extérieur. Tel est le fameux
postulatum d'Euclide, et telle aussi cette propriété implici-
tement attribuée à l'espace, d'être partout identique à, lui-
même, ou bien encore celle d'avoir trois dimensions, et pas
davantage.
Considérons maintenant un système matériel quelconque.
Si l'on imagine que ce système soit décomposé en un grand
nombre de parties suffisamment petites, chacune de ces par-
ties peut être traitée comme un point matériel possédant
une certaine masse et soumis à l'action de certaines forces.
Mais pour avoir le mouvement de l'ensemble du système,
il faut tenir compte à la fois des forces appliquées en
chaque point et des liaisons auxquelles ce point est
soumis, soit par suite delà présence de corps étrangers tels
que lignes ou surfaces fixes, soit par suite des actions mu-
tuelles qui s'exercent entre les divers points du système
considéré. Ces liaisons, quelles qu'elles soient, peuvent
d'ailleurs être remplacées par des forces capables de pro-
duire les mêmes effets, et appelées pour ce motif forces de
liaison. C'est ainsi qu'une surface fixe sur laquelle un
point est assujetti à se mouvoir peut être remplacée parla
force de réaction de cette surface. La recherche du mou-
vement d'un système matériel, soumis à des forces données,
constitue l'objet essentiel de la dynamique. La statique
n'est qu'un cas particulier de la dynamique : c'est l'étude
des conditions auxquelles doivent satisfaire les forces appli-
quées à un système donné pour que celui-ci soit en équi-
libre. Une propriété fondamentale que l'on attribue aux
molécules d'un système quelconque, et qui constitue le der-
nier postulatum de la mécanique, est le suivant : étant don-
nés deux points matériels A et B, si A agit sur B avec une
certaine force dirigée suivant la ligne AB, réciproquement
le point B agit sur le point A avec une force égale. Ces
deux forces sont de sens contraires, c.-à-d. toutes les deux
attractives ou toutes les deux répulsives. C'est le principe
de l'égalité entre l'action et la réaction, énoncé pour la pre-
mière fois par Newton.
Unité de force. En vertu de la relation F = ray, si
l'on a numériquement m = 1 et y = 4 , l'on a aussi
F — 1. L'unité de force est donc la force qui, en agissant
sur une masse égale à l'unité, lui imprime une accélération
égale à l'unité. Comme, d'autre part, la valeur numérique
de l'accélération s'exprime en fonction des unités de longueur
et de temps, on voit que le choix de l'unité de force résulte
du choix des unités de masse, de longueur et de temps.
Dans le système CGS, l'unité de force est la force qui, en
agissant sur une masse égale à celle d'un centim. c. d'eau
distillée (gramme), lui fait parcourir, à partir du repos,
une longueur d'un 4/2 centim. dans la première seconde.
Car, sous l'action d'une force constante, en grandeur et en
direction, un point matériel prend un mouvement unifor-
mément accéléré et parcourt au bout du temps t> à partir
1 4
du repos, l'espace ez= -yt2, d'où, pour t = l,e=^ y.
L'unité de force ainsi définie est la dyne. En pratique, on
emploie ordinairement comme unité de force l'action de la
pesanteur s'exerçant dans des conditions données : on
prend, par exemple, le poids d'un kilogr. Mais il importe
de remarquer que, tandis que la masse d'un certain volume
d'eau est invariable, son poids change avec la latitude.
Moment d'une force. Le moment d'une force par rap-
port à un axe est le produit obtenu en projetant la force
sur un plan perpendiculaire à l'axe, et multipliant cette
projection par sa distance à l'axe. Ce moment est positif ou
négatif, suivant que la force tend à faire tourner son point
d'application dans un sens convenu autour de l'axe, ou en
sens contraire. Le moment d'une force par rapport à un
plan parallèle à cette force est le moment de la force par
rapport à un axe situé dans le plan et perpendiculaire à la force .
Travail d'une force. Le travail élémentaire d'une force
est, par définition, le produit de la force par le déplace-
ment du point d'application, projeté sur la direction de la
force. En d'autres termes, si F désigne la force et ds le
déplacement, le travail élémentaire" a pour expression:
Fds Cos (F ds). Le travail correspondant à un déplacement
fini est l'intégrale du travail élémentaire étendue à l'en-
semble de la courbe décrite par le point d'application. Quand
il s'agit d'un mouvement de rotation autour d'un axe fixe,
on vérifie sans peine que le travail élémentaire d'une force est
égal au moment de cet te force multiplié par l'angle derotation.
Composition des forces. Composer les forces appliquées
à un corps solide, c'est trouver les forces les plus simples
qui puissent être substituées à celles-là sans changer les
conditions d'équilibre ou de mouvement. Dans le cas d'un
solide entièrement libre, les forces données peuvent être
remplacées par trois forces appliquées en trois points arbi-
traires, ou bien par deux forces dont l'une est appliquée en un
point arbitraire, ou bien encore par une force et un couple.
Si le couple est nul, on obtient une résultante unique.
Un cas particulier important est celui où il s'agit de
composer des forces parallèles à une même direction. Si
l'on commence par considérer seulement deux forces, on
trouve qu'elles admettent une résultante unique, parallèle
à ces forces, et située dans le même plan. La résultante est
égale à la somme ou à la résultante des deux forces suivant
que celles-ci sont de même sens ou de sens contraires. En
outre, si les forces données, F et F', sont appliquées en
deux points A et B, la force résultante peut être regardée
comme appliquée en un point C, situé sur la droite A B, et
tel que les produits F X A C et F' X B C aient la même
valeur absolue. Quand les forces sont de même sens, le
point C est entre les points A et B ; quand elles sont de
sens contraires, il est sur le prolongement de la droite AB,
du côté de la plus grande force. Si les forces F et ¥ tournent
autour de leurs points d'application en restant parallèles et
conservant les mêmes grandeurs, la résultante tourne éga-
lement autour de son point d'application C. Dans le cas très
particulier où les forces F et W sont égales et de sens con-
traires, le point C est rejeté à l'infini, en même temps que
la résultante devient nulle : il n'y a plus alors, à vrai dire,
de résultante unique. Un pareil système constitue un
couple (V. ce mot). Supposons maintenant qu'on ait à
composer un nombre quelconque de forces parallèles. On
composera d'abord deux forces et on les remplacera ainsi
par une force unique, de même direction, qu'on composera
a son tour avec une autre force du système et ainsi de suite.
Finalement, on obtiendra une résultante unique, ou bien,
exceptionnellement, un couple. Lorsqu'il y a une résultante,
on peut, sans changer sa grandeur non plus que son point
d'application, faire tourner simultanément toutes les forces
autour de leurs points d'application respectifs, à condition
de conserver leurs grandeurs et leur parallélisme. Le point
d'application de la résultante s'appelle le centre des forces
parallèles.
Systèmes _ de forces équivalents. Deux systèmes de
forces sont dits équivalents quand ils peuvent être substi-
tués l'un à l'autre sans troubler les conditions d'équilibre
d'un corps solide. Si un corps solide est en équilibre sous
l'action de forces données, et si l'on partage celles-ci, d'une
manière arbitraire, en deux groupes distincts, l'un des
groupes est évidemment équivalent au système formé par
les forces de l'autre changées de signe. *
Fonction de forces. Soient x,y, % les coordonnées rec-
tangulaires de l'un des points matériels qui constituent un
système donné quelconque et soient X, Y, Z les compo-
santes de la force qui s'exerce en ce point. S'il existe une
fonction cp de toutes les coordonnées telle que l'on puisse
écrire :
X —
do
dx1
Y =
Z = ^
do
FORCE
782 —
on dit que le système admet une fonction de forces, égale
à ». Pour un déplacement élémentaire (dx, dy, dz) du point
considéré, le travail de laforceestégalàX<fcr-{-Ycfa/ -\-ldz.
Si l'on fait la somme V (Xdx -+■ Ydy -+- U%\ de tous
les travaux analogues on obtient le travail élémentaire total,
et l'on constate immédiatement qu'il est exprimé par la dif-
férentielle dy. Par conséquent, quand le système passe
d'une position à une autre, la somme des travaux de toutes
les forces est égale à la variation éprouvée par la fonction
de forces, et, dans les limites où celle-ci se comporte
comme une fonction uniforme, le travail total est indépen-
dant de la forme des chemins parcourus par les divers
points pour passer delà position initiale à la position finale.
Si le système revient finalement à sa position initiale, le
travail total est nul. La fonction de forces est souvent dési-
gnée sous le nom de potentiel (V. ce mot). L. Lecornu.
Force d'inertie (V. Inertie).
Force motrice. — On appelle force motrice toute force
capable d'être utilisée pour les usages industriels. Les forces
motrices naturelles sont les chutes d'eau, la force du vent,
la force musculaire de l'homme et des animaux. Les forces
motrices artificielles sont empruntées soit à la pression de
la vapeur d'eau, comme dans les machines à vapeur, soit
à la détonation d'un gaz sous l'action de la chaleur, comme
dans les machines à air chaud et à gaz, soit à l'énorme ten-
sion des gaz produits subitement dans une action chimique,
comme dans la conflagration de la poudre et des matières
explosives, soit enfin aux actions électriques, comme dans
les machines mues par les courants des piles. Les machines
employées dans l'industrie peuvent se répartir en deux
grandes classes. Les unes n'ont pas d'autre objet que de
produire du mouvement ou du travail : ce sont les ma-
chines motrices. Les autres, qui reçoivent le mouvement de
la machine motrice, servent à produire l'effet utile qu'on
veut obtenir: ce sont les machines-outils. Au point de vue
mécanique, la valeur dune machine motrice dépend de la
quantité de travail qu'elle est capable de produire dans un
temps donné, puisque c'est ce travail qu'utilisent les ma-
chines-outils. On sait que l'unité de travail est le kilo—
grammètre, travail nécessaire pour élever un poids de
1 kilogr. à 1 m. de hauteur; mais, ici, le temps est un
élément essentiel pour la détermination de la puissance
d'une machine motrice, car on conçoit qu'à la longue une
machine de très faible puissance finirait par produire un
nombre infini de kiiogrammètres. La puissance nominale
des machines, ou, suivant l'expression consacrée, leur force
nominale, se mesure donc d'après le nombre de kiiogram-
mètres qu'elles fournissent en une seconde. L'unité adoptée
en France est le cheval-vapeur : c'est la puissance d'une
machine capable de produire 7 5 kiiogrammètres par seconde.
Ainsi une machine produisant 375 kiiogrammètres par se-
conde sera dite d'une force de 5 chevaux. Il faut reconnaître
que le mot force est ici mal choisi ; on arrive à faire prévaloir
celui de puissance qui donne une idée beaucoup plus nette
de la quantité qu'il s'agit de mesurer (V. Cheval-vapeur,
t. X, p. 1136). Toutes les machines sont construites en
vue d'une allure et d'une pression déterminées, de façon
que leur rendement économique soit le meilleur possible
quand on les fait marcher dans les conditions prévues à
l'avance. C'est la puissance de la machine, quand elle
fonctionne dans ces conditions normales, qu'on appelle la
force nominale de la machine. La puissance nominale d'une
chute d'eau peut aussi s'évaluer en chevaux-vapeur. Mais
la machine hydraulique destinée à recueillir le travail pour
le transmettre à l'arbre moteur ne le transmettra jamais
tout entier, de sorte que la puissance de la machine sera
toujours inférieure à celle de la chute d'eau. Au point de
vue économique, la force motrice, ou plus exactement le
travail moteur, est une véritable marchandise que peut
vendre tout propriétaire de machine. Un pareil contrat
s'appelle une location de force motrice ; le locataire est
autorisé à faire mouvoir ses machines-outils en empruntant
le mouvement à l'arbre de la machine motrice du proprié-
taire ; il achète ainsi tout le travail consommé par ces ou-
tils pendant la durée de la location. Dans le même ordre
d'idées, on a cherché à subdiviser et à transmettre au loin
le travail d'un moteur. Le problème du transport de la
force motrice à distance a été en partie réalisé par l'em-
ploi des câbles télodynamiques (V. Transmission). Une
solution préférable est fournie par l'emploi de machines
dynamo-électriques, qui transforment le travail moteur en
énergie électrique au point de départ et, inversement, les
courants électriques en travail au point d'arrivée. Il n'est
pas téméraire de prévoir qu'à une époque peu éloignée, de
puissants courants électriques parcourront, dans les villes,
un vaste réseau de fils métalliques, apportant dans chaque
habitation, dans chaque atelier, la lumière, la chaleur et
la force motrice. L. Knab.
Loi des forces (V. Atwood [Machine d']).
IV. Physique. — Force ascensionnelle (V. Aé-
rostat).
Force centrifuge (V. Inertie).
Force centripète (V. Centripète).
Force coercitive. — On donne le nom de force coerci-
tive à la cause, inconnue d'ailleurs, qui s'oppose aux chan-
gements de magnétisme des corps; cette cause agit quand
on cherche soit à augmenter, soit à diminuer le magnétisme
d'un corps ; elle varie beaucoup d'intensité avec les divers
corps : le fer^doux est presque entièrement dénué de force
coercitive ; aussi il s'aimante facilement quand on le place
dans un champ magnétique, et il perd aussi facilement le
magnétisme qu'il a acquis lorsqu'on le soustrait à l'action
du champ. L'acier trempé, au contraire, n'acquiert que
lentement des propriétés magnétiques faibles, même lors-
qu'il est placé dans un champ magnétique puissant ; mais
ce magnétisme, une fois développé, persiste lorsque le
champ disparaît. La force coercitive nous apparaît donc
agir à la façon du frottement : un corps soumis à diverses
forces et placé dans un liquide visqueux ne prendra que
lentement sa position d'équilibre, et ces forces, venant à
disparaître, il ne reprendra que lentement sa nouvelle
position d'équilibre ; un corps plongé, au contraire, dans
un milieu sans résistance, prend aussitôt la position que lui
assignent les forces auxquelles il est soumis, et quelques-
unes de celles-ci, venant à disparaître, il reprend aussitôt
sa nouvelle position d'équilibre.
Non seulement la force coercitive varie avec les divers
corps, mais elle varie aussi avec certaines modifications
qu'on leur fait subir ; on peut dire aussi d'une façon géné-
rale que les causes qui augmentent la ductilité diminuent la
force coercitive. Ainsi la trempe de l'acier augmente de
beaucoup la force coercitive ; il en est de même" quand la
teneur en carbone de l'acier augmente. Le fer le plus pur
a une force coercitive très faible ; le fer pur martelé en a
une plus considérable. Les actions qui diminuent le frotte-
ment diminuent aussi la force coercitive ; ainsi on sait que
les chocs diminuent le frottement parce qu'ils substituent
dans les machines en équilibre le frottement de mouve-
ment au frottement de repos toujours plus considérable ;
ainsi, pour connaître la position d'équilibre d'un baromètre
à cadran, pour vaincre la paresse de l'instrument, c.-à-d.
pour diminuer les frottements, on lui donne une série de
petits chocs : toutes les pièces de l'appareil vibrent, et les
frottements au repos qui s'opposaient tout à l'heure à l'éta-
blissement de l'équilibre sont remplacés par des frotte-
ments de mouvement beaucoup moins considérables. De
même, une barre d'acier trempé placée dans un champ
magnétique puissant s'aimante beaucoup plus facilement
quand on lui imprime de légers chocs ou des vibrations.
Inversement, une barre d'acier trempé, fortement aimanté
à l'aide de ces chocs, conservera son magnétisme une fois
hors du champ magnétique, mais si on le soumet alors à
une nouvelle série de chocs, ou si on le laisse tomber, par
exemple, son magnétisme diminuera. Les propriétés ma-
gnétiques d'un aimant semblent donc consister en une
— 783 —
FORCE
orientation particulière des éléments magnétiques des corps,
orientation plus ou moins gênée dans certains corps par
une force analogue à un frottement, la force coercitive.
Force condensante (V. Condensation).
FOKCE DÉMAGNÉTISANTE (V. DÉMAGNÉTISANTE).
Force électromotrice (V. Constante des piles).
Force portative des aimants. — La force portative des
aimants dépend non seulement de la quantité de magné-
tisme qu'ils renferment, mais aussi de leur forme et de
celle du contact que l'on met en présence de leurs pôles. Les
aimants recourbés en forme de fer à cheval présentent des
phénomènes particuliers; leur force portative, lorsque le
contact est mis en présence des deux pôles, est plus du
double de celle d'un barreau droit de même section et de
longueur égale à leur développement. Quand on applique à
un barreau aimanté une armature de fer doux, on constate
que la quantité de magnétisme extérieur ne change pas :
un point extérieur éprouve de la part du barreau une action
moins considérable qu'avant la mise du contact, mais celui-ci
fait éprouver à ce point une action qui vient compenser
sensiblement cette diminution. Il n'en est pas de même
avec les aimants en fer à cheval . Jamin a constaté qu'un
aimant en fer à cheval, muni de son contact, n'a plus sur
les points extérieurs qu'une action très faible. Si l'on con-
sidère les aimants comme formés par une sorte de faisceau
de filets magnétiques dont les pôles sont aux extrémités,
on doit envisager les aimants en fer à cheval comme cons-
titués par l'ensemble d'un grand nombre de ces filets ayant
tous la forme d'un fer à cheval ; le contact que l'on met
vis-à-vis des deux pôles a pour effet de fermer tous les
filets dont les extrémités passent par les points de contact
de l'aimant et de son contact. Or, l'action d'un filet fermé
sur un point extérieur est nul ; on explique ainsi le peu
d'action qu'exerce sur les points extérieurs un aimant en
fer à cheval, même puissant, quand il est muni de son con-
lact. On a quelquefois désigné ce phénomène par l'expres-
sion de magnétisme dissimulé pour le rapprocher de ce que
l'on appelle l'électricité dissimulée dans la théorie de la
condensation électrique. Jamin a étudié les modifications
qu'éprouve le fer doux qui constitue le contact lorsqu'on
l'approche lentement des branches. du fer à cheval. Pour
une certaine distance entre l'aimant et le fer doux, ce
dernier se trouve aimanté par influence et possède des pôles
de noms contraires à ceux de l'aimant qui sont en regard;
puis, pour une distance plus petite, le fer doux est à l'état
neutre ; si on l'approche davantage, il s'aimante d'une
façon inverse de la première. Jamin a trouvé que si l'on
désigne par M la quantité de magnétisme dissimulé, par S
M2
la surface d'adhérence, la force portative est égale à -^-.
On a donc intérêt à prendre un contact pouvant dissimuler
la plus grande quantité de magnétisme possible. Par la
superposition de 50 lames d'acier aimantées séparément,
Jamin a pu obtenir un aimant portant 500 kilogr., soit à
peu près dix fois son poids.
Couple de forces (V. Couple).
Lignes de force. — Considérons un champ électrique,
c.-à-d. un espace dans lequel se trouvent des masses élec-
trisées. Le potentiel (V. ce mot) est variable aux divers
points du champ, mais il existe une infinité de points ayant
même potentiel ; le lieu de ces points se nomme une sur-
face équipotentielle. Etant donné un système de masses élec-
triques il existe une infinité de ces surfaces équipotentielles;
pour les représenter, on coupe le champ électrique par un
plan et l'on figure sur ce plan les traces des surfaces équi-
potentielles correspondant à des potentiels croissant ou
décroissant suivant les termes d'une progression arithmé-
tique. On aura alors un graphique analogue aux courbes
de niveau des cartes géographiques. On appelle lignes de
force les trajectoires orthogonales des surfaces équipoten-
tielles ; ces lignes jouissent delà propriété d'être tangentes
en chaque point à la direction de la force électrique en ce
point. On peut même avoir une valeur approchée de l'in-
tensité de la force ; en un point du graphique l'inten-
sité est sensiblement en raison inverse de la distance des
deux courbes équipotentielles qui comprennent le point,
distance comptée sur la ligne de force du point P. C'est
ainsi que sur une carte géographique où sont tracées des
lignes de niveau, la grandeur de la pente du terrain aux
divers points est d'autant plus considérable que les lignes
de cotes égales sont plus serrées. La construction de pa-
reils graphiques contenant les traces des surfaces équipo-
tentielles et les lignes de force est donc très utile dans
bien des cas. Nous reproduisons ici comme exemple le
F
Lignes de force.
graphique qui correspond à un champ électrique composé
de deux points M et N chargés d'électricités de signe con-
traire. A. Joannis.
V. Chimie. — Force de la poudre et des matières
EXPLOSIRLES (V. POUDRE et EXPLOSIF).
VI. Physiologie (V. Dynamogénie et Inhibition).
VII. Economie politique (V. Agents naturels).
VIII. Théologie (V. Ange).
IX. Jurisprudence. — Cas de force majeure (V.Cas).
X. Droit administratif.— Force publique. — On en-
tend par force publique la réunion des forces individuelles
organisées pour la défense du pays contre les attaques exté-
rieures et l'exécution des lois à l'intérieur. Elle se compose
de l'armée de terre, de l'armée de mer et de divers autres
éléments qui sont : les gardes forestiers, gardes cham-
pêtres, gardes particuliers ; les préposés du service actif
des douanes ; les officiers de paix, inspecteurs, gardes mu-
nicipaux, gardiens de la paix, appariteurs et autres agents
de police. Dans le cas de flagrant délit, toute personne peut
même devenir un agent de la force publique (C. instr. crim. ,
art. 106). Autrefois, la force publique comprenait aussi la
garde nationale. Le président de la République dispose de
la force armée (loiconst. du 25 févr. 4875, art. 3).
La force publique a donc été instituée dans un double
but : combattre l'ennemi de l'extérieur et maintenir l'ordre
à l'intérieur. La défense nationale a été confiée aux armées
déterre et de mer (V. Armée); la gendarmerie a été prin-
FORCE
— 784 —
cipalement chargée du maintien de Tordre. Ce corps a été,
en effet, créé pour veiller à la sûreté publique et pour
assurer l'exécution des lois dans toute l'étendue du teri-
toire (décr. du 1er mars 1854, art. 1). La gendarmerie
et les autres parties de l'armée peuvent être mises en mou-
vement par les autorités civiles, soit administratives, soit
judiciaires, au moyen de réquisitions. C'est là une des plus
graves et des plus importantes attributions du pouvoir
civil ; elle a donné lieu à bien des difficultés. La réqui-
sition et l'emploi de la force publique sont encore régis par
la loi du 40 juil. 1791, dans ses art. 9, 13, 17 et 19 du
titre III.
Ces articles expliquent la nature des rapports qui doivent
exister entre l'autorité civile et l'autorité militaire, en cas
d'action simultanée ; ils peuvent être résumés comme suit:
le pouvoir civil n'a pas le droit de donner des ordres di-
rects à l'armée ; il ne peut agir sur elle que par voie de
réquisition. L'autorité militaire est seule chargée des mou-
vements de troupes et des autres détails d'exécution. La
réquisition est adressée au général commandant la subdi-
sion du département ; en cas d'urgence, elle peut être re-
mise au chef militaire le plus voisin, Les commandants des
divisions et des subdivisions ont aussi la faculté de délé-
guer à leurs subordonnés leurs pouvoirs pour répondre
aux réquisitions, à la condition d'en rendre compte immé-
diatement au ministre de la guerre. L'autorité civile a le
droit, même après la transmission de ses instructions, d'in-
tervenir officieusement par des avis, des indications et des
conseils. Enfin, les chefs militaires sont tenus de veiller à
l'exécution des réquisitions, jusqu'à ce que les magistrats
civils leur aient notifié que leur tâche est terminée. Nous ajou-
terons que les réquisitions ne doivent jamais avoir qu'un
caractère temporaire et transitoire, en vue de maintenir ou
de rétablir l'ordre par des actes spéciaux et définis. S'il
s'agissait de mesures plus générales et plus durables, tels
que changements ou renforts de garnison, l'accord préa-
lable des autorités supérieures serait toujours indispen-
sable.
Le droit de requérir directement la force publique appar-
tient à tous les officiers de police judiciaire dans l'exercice
de leurs fonctions (G. instr. crim., art. 9 et 25). Il a été éga-
lement donné aux huissiers (décr. du 11 juin 181 1), aux
préposés des douanes, des contributions directes et indi-
rectes, des octrois, des postes, des eaux et forêts (loi du
6 août 1791, titre 13, art. 14 ; loi du 28 germinal an VI,
art. 133; arrêté du 27 prairial an IX, art. 9 ; décr. du
1er floréal an XIII, art. 34; ordonn. du 9 déc. 1814,
art. 65; décr. du 1er mars 1854, art. 459; C. for.,
art. 64 ; loi du 15 avr. 1829, art. 43)-. Ce pouvoir de ré-
quisitionner la force publique n'appartient qu'aux fonction-
naires auxquels il a été expressément conféré. Ainsi, le
président d'un conseil général, bien que chargé du main-
tien de l'ordre dans la salle des séances, n'a pas le droit
de requérir directement les agents de la force publique. Il
doit s'adresser au préfet, lequel a qualité pour agir (Cass.,
3 déc. 1874). Les commandants, officiers ou sous-officiers
de la force publique sont tenus d'agir, quand ils en ont été
légalement requis, sous peine d'emprisonnement et de ré-
parations civiles, s'il y a lieu (C. pén., art. 234).
Les règles que nous venons d'énoncer ne sont plus
applicables quand l'état de siège a été proclamé. Tous les
pouvoirs sont alors dévolus à l'autorité militaire, et c'est
le commandant de place qui est chargé du maintien de
l'ordre et de la police aux lieu et place des magistrats civils
(lois des 10 juil. 1791 et 24 déc. 1811). L'état de siège,
qui est essentiellement transitoire et ne doit être motivé
que par des circonstances graves, ne peut être déclaré que
par une loi (loi du 3 avr. 1878, art. 1).
Toute attaque, toute résistance avec violence et voies de
fait envers les agents de la force publique, dans l'exercice
de leurs fonctions, est qualifiée, suivant les circonstances,
crime ou délit de rébellion et punie des peines portées
aux art. 210 à 221 du C. pén. Les art. 224 et suivants
du même code prévoient le cas d'outrages envers lesdits
agents, par paroles, gestes ou menaces. - Jules Forestier.
Bibl. : Philosophie. — Sur la Notion de force, consul-
tez : Maine de Biran, Œuvres ; l'Essai vigoureux de
F. Magy : la Science et la Nature ; Paris, 1866, in-8. —
L. Dauriac, Des Notions de matière et de force dans les
sciences de la nature ; Paris, 1878, in-8. — Alexis Ber-
trand, la Psychologie de l'effort ; Paris, 1889.
FORCE (La). Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Castel-
naudary, cant. de Fangeaux ; 232 hab.
FORCE (La). Ch.-l. de cant. du dép. de la Dordogne,
arr. de Bergerac, sur une colline dominant la vallée de la
Dordogne; 1,248 hab. Orphelinat et asile d'idiots, d'incu-
rables et d'aveugles fondés par le pasteur John Bost. Tourbes.
Restes de^ l'ancien château de La Force, détruit en 1793.
FORCÉ. Corn, du dép. de la Mayenne, arr. de Laval,
cant. d'Argentré; 280 hab..
FORCE-Réal. Ruines d'une forteresse du dép. des Py-
rénées-Orientales, arr. de Perpignan, corn, de Millas. Elle
paraît avoir été bâtie par Sanche de Majorque ; elle est
citée pour la première fois en 1318 et résista, en 1389, à
des compagnies ; la tour a été démolie en 1438 ; le châ-
teau était en ruine en 1493. La tour faisait partie du
réseau à'atalayes qui servaient à la fois à surveiller le
pays et à transmettre les signaux. Près des restes de la
forteresse est un ermitage fondé à la fin du xvne siècle
par la baronne de Montclar. Le logis de l'ermite, grâce à
sa situation exceptionnelle et à la blancheur de sa paroi
orientale, est visible de la plaine du Roussillon et de la
mer. Aug. Brutails.
Bibl. : Alart, Notices historiques, t. I, pp. 114 et suiv.
— Président Aragon et abbé J. Tolra de Bordas, No-
tice sur Force-Réal; Perpignan, 1859.
FORCE (De La). Famille de Guyenne appartenant à la
branche de Castelnau, de la maison de Caumont. Elle prit
le nom de La Force lorsque la terre de ce nom passa dans
la famille par le mariage de François de Caumont, seigneur
de Castellane, avec Philippes de Beaupoil, dame de La Force.
François de La Force, né en 1524, embrassa le protes-
tantisme et fut tué à la Saint-Barthélémy avec son fils aîné,
Armand. Son fils cadet, Jacques, devint le premier maré-
chal de La Force (V. ci-dessous) et eut un fils, Armand,
qui fut aussi maréchal de France. — Parmi les autres
membres de cette famille, nous citerons : Armand, petit-
fils de Jacques, né vers 1615, mort à La Haye le 16 mai
1701, qui suivit la fortune de Guillaume III, fut gentil-
homme ordinaire de sa chambre, lieutenant général des
armées des Etats de Hollande et gouverneur de Naërden.
— Son petit-neveu, Jacques ou Henry, mort à La Bou-
laye, près d'Evreux, le 19 avr. 1699, fut persécuté à cause
de ses opinions religieuses par Louis XIV et enfermé deux
ans à la Bastille (1689-1691). — En revanche, son fils,
Henry, né le 5 mars 1675, mort à Paris le 20 juil. 1726,
enlevé à ses parents et élevé par les jésuites, persécuta ses
coreligionnaires. Colonel d'un régiment de son nom, membre
de l'Académie française (28 janv. 1715), président du
conseil des finances (1716) et membre du conseil de régence,
protecteur de l'Académie de Bordeaux, il se signala, sous
Law, par ses honteuses spéculations qui le firent poursuivre
et blâmer par arrêt du Parlement. Louis Farges.
Bibl.: Haag, la France protestante. —Le P. Anselme,
Hist. généalogique, t. IV.
FORCE (Jacques de Caumont, seigneur, ensuite duc de
La), maréchal de France, né le 30 oct. 1558, mort à Ber-
gerac le 10 mai 1652. Il était encore enfant, lorsqu'il
parvint à échapper au massacre de la Saint-Barthélémy
(1572), à la suite duquel il fut obligé de rester longtemps
caché. Henri IV étant monté sur le trône, Jacques de La
Force le servit brillamment à Arques (1589). Créé ensuite
gouverneur de Sainte-Foy et de Bergerac, il y servit avec
distinction. Après la mort du roi Henri, on le voit se jeter
avec ardeur dans le parti calviniste et se distinguer à
la défense de Montauban (4621), contre l'armée royale.
Condamné à mort pour rébellion, il fit l'année suivante
son accord avec la cour et fut créé maréchal de France le
785 —
FORCE — FORCEMENT
27 mai 1622. A l'armée de Piémont en 1630, il prit
Pignerol et battit les Espagnols à Carignan. Envoyé en
Lorraine (1634-1638) il s'y tit remarquer et remporta de
grands avantages. Louis XIII le nomma gouverneur de
Béarn, puis duc et pair. Armes : d'azur à trois léopards
d'or L'un sur Vautre, armés et lampassés de gueules.
FORCE (Armand-Nompar de Caumont, marquis de La),
maréchal de France, fils aîné du précédent, mort au châ-
teau de La Force le 16 déc. 1675. Capitaine de la compa-
gnie des gardes du corps du roi en 16 14, il fut cassé pour
avoir pris les armes en faveur des protestants (1620).
Rentré sous l'obéissance du roi en 1622, il fut créé maré-
chal de camp et se distingua à Carignan (1630). Maître de
la garde-robe du roi en 1632, il exerça ces fonctions pen-
dant cinq années et s'en démit volontairement (1637).
Envoyé entre temps en Lorraine (1634), il avait fait le
fameux siège de La Mothe, pris plusieurs autres places et
fait le siège de Corbie (1636). Nommé lieutenant géné-
ral en 1638, il servit au siège de Fontarabie et fut élevé à
la dignité de maréchal de France le 29 août 1652.
FORCE (Peter), publiciste américain, né en 1790, mort
en 1868. D'abord imprimeur à New York, il s'établit
à Washington, où il publia le National Journal (1823-
1830) et le National Calendar (1830-1836). Il avait
réuni une collection unique de livres et de documents rela-
tifs à l'histoire de l'Amérique. Il y puisa les matériaux de
ses American Archives (1837-1853), dont le dixième
volume n'a pas été imprimé, et de quatre volumes de Tracts
and other Paper s (1836-1847). Le Congrès acheta en
bloc cette collection, en 1867, pour 100,000 dollars. Force
fut maire de Washington pendant plusieurs années. Il a
laissé, en outre de ses compilations historiques, une étude
sur les aurores boréales: Record of auroral Phenomena
(1856) et un autre ouvrage intitulé Grinnell Land ( 1 852).
FORCE LLES-Saint-Gorgon {Ecclesia de Forcelle,
1176). Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Nancy, cant. de Vézelise, sur le chem. de fer de Nancy à
Lângres ; 222 hab. Eglise avec chœur et tour du xne siècle;
château ruiné. Le fief de Morcelles relevait du comté de
Vaudémont.
FORCELLES-sous-Gugney. Com. du dép. de Meurthe-
et-Moselle, arr. de Nancy, cant. de Vézelise ; 249 hab.
FORCELLINI (Egidio), célèbre lexicographe italien, né
à Fener, dans la Marche trévisane le 26 août 1688, mort
le 4 avr. 1768, C'est au séminaire de Padoue, alors
renommé pour les études classiques, qu'il apprit, déjà
avancé en âge, le latin et le grec. Ses premiers travaux
furent la re vision du lexique grec de Schrevelius, du voca-
bulaire d'Ambroise Calepino (Calepin) ; en 1718, il com-
mença de rassembler les documents du grand ouvrage qu'il
méditait, le Totius latinitatis Lexicon. Ce dictionnaire fut
terminé entièrement le 9 avr. 1753; on en commença alors
la revision et transcription qui ne demandèrent pas moins
de huit ans; en tout quarante- trois ans de travail. Forcel-
lini mourut avant d'avoir vu son œuvre imprimée ; elle ne
le fut qu'en 1771 (4 vol. in-fol), au séminaire de Padoue,
par les soins de Gaetano Cognolato et de Facciolati. Ce der-
nier passa longtemps pour avoir été le collaborateur assidu
de Forcellini, et le Lexicon fut souvent appelé de son nom ;
lui-même dut reconnaître que Forcellini seul, dont on pos-
sède d'ailleurs le manuscrit autographe en 12 vol. in-foi.,
en était l'auteur. Les principales éditions suivantes, plus ou
moins augmentées par divers reviseurs, furent celles de
Londres (1826, 2 vol. gr. in-4), Padoue (1827-1831,
4 vol. in-4), enfin Schneeberg, Saxe (1828-1835, 4 vol.
in-fol.), contrefaçon de la dernière édition de Padoue.
Bibl. : Ferrari, Vita di Forcellini ; Padoue, 1792, in-4.
FORCELLINI (Marco), littérateur italien, frère du pré-
cédent, né à Campo, dans la Marche trévisane, en 1711,
mort à San Salvador en 1794. Il a laissé les ouvrages
suivants : Le F este Triuigiane d'amore (Venise, 1745) ;
Lettere famigliari (Venise, 1835), publiées par Gamba ;
Le Opère di Sperone Speroni (Venise, 1740,5 vol. in-4);
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Le Opère di Mons. délia Casa (Venise, 1752, 3 vol. in-4) ;
La Biblioteca italiana di Fontanini (Venise, 1758).
Bibl.: Ricordi délia provincia di Treviso e Belluno ;
Bellune, 1«86, in-8.
FORCEMENT des projectiles (Artill.). On verra, dans
l'étude de la trajectoire, que le projectile ne peut se frayer
un passage dans l'air qu'en le déplaçant, mais qu'il use
ainsi à chaque instant la force de projection dont il est
animé et perd peu à peu sa vitesse. On a remédié à cet
inconvénient dans la mesure du possible : 1° en donnant
au projectile une forme cylindro-ogivale, qui offre moins
de résistance à l'air par sa forme et par sa masse ; 2° en
imprimant à ce projectile un mouvement de rotation autour
de son axe, pour que cet axe reste constamment dans la
direction du mouvement ou s'en écarte fort peu, car, si ce
projectile était animé uniquement d'un mouvement de pro-
jection suivant la ligne de tir, il n'aurait ni portée, ni jus-
tesse, ni pénétration. Divers procédés ont été étudiés pour
obtenir le mouvement de rotation, mais on reconnut que
le meilleur consistait à créer cette rotation pendant le
trajet du projectile dans l'âme de la bouche à feu, et l'on
arriva de la sorte aux armes rayées dont l'emploi est au-
jourd'hui général. Mais, pour forcer le projectile à suivre
la direction des rayures, on a employé d'abord le système
à ailettes, avec les premières bouches à feu rayées (1858),
qui se chargeaient par la bouche. Vers la même époque, la
marine adoptait, au lieu d'ailettes, des projectiles munis
d'une couronne de tenons directeurs s'engageant dans les
rayures, et d'une couronne de plaques isolantes s'appuyant
sur les cloisons. L'adoption du chargement par la culasse
pour toutes les armes rayées, portatives ou non, a permis
d'obtenir le forcement direct du projectile dans l'âme du
canon. Dans ce cas, il faut que le projectile, ou au moins
la partie qui doit entrer dans les rayures, soit d'un métal
moins dur que celui de l'arme à feu. Ainsi, dans les armes
portatives, la balle, qui est en plomb, a exactement le
diamètre de l'âme entre les cloisons. Au moment de l'ex-
plosion, sa partie postérieure reçoit brusquement une pres-
sion énorme, qui lui fait subir une compression par l'effet
même de l'inertie. Dans ces conditions, la balle s'épanouit
dans les rayures, qui n'ont qu'un quart de millimètre de
profondeur, et elle prend le mouvement de rotation en hé-
lice qui lui est communiqué dans l'âme du canon et qu'elle
conserve dans son trajet dans l'air, où elle suit ainsi une
marche régulière.
Chemise de plomb. Pour appliquer le même principe
aux projectiles des canons, on imagina d'abord de recouvrir
la fonte de ces projectiles d'une chemise de plomb, allant
du culot à la naissance de J'ogive, en présentant parfois
une interruption sur sa partie moyenne.
Cette chemise, d'un diamètre égal à
celui des rayures, présente un certain
nombre de bourrelets d'un diamètre
égal, ou même un peu supérieur à celui
de l'âme au fond des rayures. Ces pro-
jectiles sont introduits par l'arrière dans
une chambre lisse raccordée avec la
partie rayée par une portion tronconique
destinée à faciliter leur pénétration. Le
forcement se produit à peu près de la
façon indiquée pour la balle. C'est ainsi
que sont faits les projectiles des canons
de 7 et de 138 millim. (fig. 1). Mais
on reconnut bientôt que la chemise de
plomb présente les inconvénients sui-
vants : 1° elle est assez fréquemment
arrachée du projectile ; 2° elle ne convient pas aux canons
à rayures progressives, reconnues indispensables pour obte-
nir les grandes vitesses initiales ; 3° elle fonctionne médio-
crement sous les énormes pressions que le projectile a à
supporter; 4° elle emplombe l'âme, malgré l'emploi d'une
matière grasse logée entre les bourrelets et destinée à faci-
liter le mouvement.
50
Fig. 1.
FORCEMENT - FORCEPS
786
Ceinture de cuivre. Pour remédier aux inconvénients
signalés et obtenir les avantages recherchés, on adopta,
après de nombreuses expériences, l'emploi de deux cein-
tures fixées l'une près de l'ogive, l'autre près du culot de
projectile. La première, formée par une surépaisseur de
fonte, a un diamètre égal à celui de l'arme entre les cloi-
sons et sert simplement d'appui à la partie antérieure de
l'obus. La ceinture d'arrière, faite d'un anneau de cuivre
rouge, encastrée dans la fonte pendant la coulée, est seule
forcée. Au début, on la faisait tronconique avec inclinai-
son vers l'avant, pour faciliter l'introduction du projectile
dans la chambre et rendre le forcement progressif. C'est
la forme qu'ont les ceintures des obus de 95 millim. et de
19 centim., dans lesquelles étaient creusées une rainure
pour les premiers et pour les derniers deux rainures rem-
plies de graisse, destinées à recevoir le métal refoulé et à
lubrifier l'âme de la pièce. On a reconnu que ces rainures
étaient plutôt nuisibles qu'utiles et on les a supprimées, en
même temps qu'on a donné à la ceinture la forme cylin-
drique, pour les obus de 80 mil-
lim., 90 millim., 120 millim.,
155 millim. et 24 centim. Cette
ceinture de cuivre a un diamètre
supérieur de 4 à 6 dixièmes de
millimètres à celui du fond des
rayures et elle n'a qu'un centi-
mètre de largeur environ. Dans
ces conditions, au départ -du
coup, la ceinture est facilement
entamée par l'acier des cloi-
sons, et le projectile est ainsi
guidé et forcé de suivre les
rayures, qui lui communiquent
le mouvement de rotation voulu
(fig. 2). Etant admis que les
dimensions de l'âme des bou-
ches à feu et celles des projec-
tiles ne comportent que des
tolérances très faibles, le for-
cement au moyen de ceintures
de cuivre a réalisé les avantages suivants : 1° une plus
grande justesse du tir, par le centrage plus régulier du
projectile ; 2° une plus grande portée, par la suppression
complète du vent rendant impossible toute déperdition des
gaz de la poudre; 3° une organisation meilleure de la
pièce, par l'emploi de rayures plus nombreuses et par suite
moins profondes.
Systèmes à expansio?i.Dm$hs systèmes à expansion,
employés avec les pièces se char-
geant par la bouche, la partie qui
doit se mouler dans les rayures
n'acquiert le diamètre exigé par
le forcement qu'au moment du
départ, par l'effet de la pression
des gaz. Comme dans le cas pré-
cédent, les divers projectiles de
ce genre peuvent se ramener à
deux types : celui à chemise et
celui à ceinture. Dans le premier
type, représenté dans le projectile
Hotchkiss, employé aux Etats-
Unis, le corps de l'obus se ter-
mine à l'arrière par une partie
cylindrique qui s'emboîte dans un
culot creux (tig. 3). Le projectile
n'est pas enfoncé à fond dans ce
dernier, et la position relative de
ces parties est maintenue par une
chemise de plomb qui se trouve
refoulée dans les rayures par le
culot au moment du tir et produit ainsi le forcement. Les
formes les plus perfectionnées de la ceinture expansive ont
été trouvées par la maison Armstrong, et nous citerons à ce
Fig. 2.
Fig. 3.
Fig. 4.
sujet le projectile des fameux canons de 100 tonnes, adoptés
en 1876 par l'artillerie italienne. Toute la partie cylin-
drique de ce projectile a un diamètre plus petit que celui
des cloisons. du canon, de manière qu'on ne soit pas obligé
de la tourner. En avant
est ménagé un renfle-
ment tourné au dia-
mètre voulu et rem-
plissant le rôle de
ceinture d'appui. La
ceinture forçante pré-
sente deux parties à
angle droit , l'une ,
plane, est fixée au cu-
lot par douze vis;
l'autre, cylindrique,
entoure l'arrière de ce
projectile et est taillée
en dents de scie (fig. 4).
La surface intérieure
de cette partie cylin-
drique vient s'incruster
dans ces dents de scie,
et sa surface extérieure s'engage dans les rayures, en im-
primant au projectile un mouvement de rotation. La seule
différence sensible entre la ceinture en cuivre et la ceinture
forçante, c'est que celle-ci est généralement adjacente au
culot, tandis que, dans les autres, elle peut en être à une
distance plus ou moins grande.
FORCEPS. Le forceps est essentiellement une pince à
deux branches séparées et croisées, destinée à saisir le
fœtus pour l'extraire des parties maternelles. Il fut décou-
vert au xvne siècle par Peter Chamberlan,fils d'un huguenot
français qui avait été obligé de se réfugier en Angleterre
pour causes de religion. Celui-ci le garda longtemps secret
pour l'exploiter à
son profit et à celui
de quelques mem-
bres de sa famille.
Plus tard, il le
vendit à Roonhuy-
sen d'Amsterdam,
et ce fut de ce mo-
ment que le for-
ceps commença
d'être connu et em-
ployé. Le forceps
de Çhamberlan ,
dont on a retrouvé
quelques spéci-
mens, se composait
de deux branches
à cuillers fenê-
trées, croisées et
articulées. Il ne
présentait qu'une
courbure destinée
à saisir la tête du
fœtus. Abandonné
en France, on en
retrouve le type
dans le forceps
unicourbe de
Simpson, assez
employé en Angleterre. En 1747, Levret en France, et, en
1749, Smellie en Angleterre, eurent l'idée de faire décrire
à l'instrument une courbe qui reproduisît la direction du
bassin. Le véritable forceps était dès lors trouvé, car, à
part certaines modifications de détail, le forceps de Levret
est celui qui est resté dans la pratique obstétricale. La
modification la plus importante a été introduite en 1877
par Tarnier qui, aux deux courbures du forceps fran-
çais, en a joint une troisième, la courbure céphalique.
Forceps de Levret.
787 —
FORCEPS — FORCES
Le forceps français, dit forceps de Levret, se compose de
deux branches dont l'une reçoit le nom débranche gauche,
mâle ou à pivot, et l'autre de branche droite, femelle ou à
mortaise. Chaque branche comprend : 1° une cuiller;
2° un manche ; 3° une articulation. La cuiller est évidée
en son centre ; les bords en sont aplatis et courbés ; la face
externe est convexe : c'est elle qui se met en rapport avec
les parois du bassin ; la face interne est concave : elle
s'applique sur la tête fœtale. De plus, chaque cuiller est
courbée suivant Taxe antéro-postérieur, de façon que, le
forceps posé à plat, l'extrémité des cuillers s'élève à
87 millim. au-dessus de la ligne horizontale. C'est la cour-
bure pelvienne. Le manche se termine par une extrémité
recourbée : au bout du manche gauche est une boule oli-
vaire qui masque un crochet aigu : l'autre manche se dévisse
en son milieu de manière à découvrir une pointe acérée.
Dans le forceps de Levret, le manche est métallique ; dans
d'autres forceps, en particulier dans ceux de Smellie, de
Stolz, de Nœgele, les manches sont garnis de plaques de
bois pour donner plus de prise à la main de l'accoucheur.
A la rencontre de la cuiller et du manche est l'articulation
consistant pour la branche gauche en un pivot destiné à
s'introduire dans une mortaise
dont est creusée la branche
droite. La longueur du forceps
de Levret est de 0ra45 et le plus
grand écartement des cuillers est
de 54 millim. Pajot a cherché à
en diminuer la longueur de deux
manières, soit en réduisant toutes
les dimensions, donnant ainsi à
l'instrument 0m32 de largeur et
43 millim. de courbure cépha-
lique, ou bien encore en cons-
truisant chaque branche en deux
parties, s 'articulant en leur mi-
lieu. Le forceps de Stolz est
également moins long; il n'a
que 42 centim. de longueur;
mais le plus grand écartement
des cuillers est de 7 centim. Les
manches en sont garnis de bois
et présentent, un peu au-dessous
de l'articulation, des saillies des-
tinées à appliquer l'index et le
médius ou l'annulaire pendant
l'extraction. Ces saillies sont
mobiles, de manière à être re-
levées contre les manches ou
abaissées à volonté.
Le forceps de Tarnier ne dif-
fère de celui de Levret que par
: 1° par la présence d'une vis
de pression placée à côté de l'articulation, pour suppléer
à l'action des mains en maintenant l'instrument fermé ;
2° par l'addition de deux tiges mobiles, destinées a trans-
mettre la traction ; 1 3° par un manche de traction qui
s'adapte aux tiges précédentes et qui dessine la courbure
périnéale. Ces différentes modifications ont pour but de
permettre de tirer dans l'axe génital et de laisser à la tête
toute sa mobilité. Nous ne citerons que pour mémoire les
forcées à branches parallèles dont l'usage n'a pas prévalu,
le léniceps de Mattei, le rétroceps de Hamon, le sériceps
de Poullet, les forceps de Baumers, de Sloan, de Belluzzi
et différents appareils de traction destinés à s'adapter au
forceps ordinaire, tels que ceux de Chassagny, Joulin,
Pros, Delore, Poullet.
L'action du forceps est double : c'est d'abord une action
dynamique qui se manifeste par l'augmentation des dou-
leurs existantes, ou par la provocation des contrations sus-
pendues pendant un temps plus ou moins long ; cette action
si évidente quelquefois, qu'elle s'exerce dès l'application
d'une seule cuiller, peut manquer, et l'on voit même l'arrêt
Forceps de Tarnier.
trois points principaux
des douleurs être la conséquence de l'application d'une ou
deux branches. L'autre action est mécanique ; elle est pro-
duite par un effort de traction seule et non de compression,
car en effet le forceps ne doit comprimer la tète qu'autant
que cela est nécessaire à la préhension. En faire un agent
de compression est le détourner de son but et le transfor-
mer en un instrument des plus dangereux. Son application
est assujettie à des conditions dont on ne saurait s'écarter
sans porter préjudice soit à la mère, soit à l'enfant. C'est
ainsi que l'orifice du col utérin doit être suffisamment dilaté
ou dilatable pour laisser pénétrer les cuillers, que la poche
des eaux doit être rompue et les membranes assez retirées
pour que le forceps soit appliqué directement sur la partie
foetale. La tète du fœtus doit pouvoir être saisie, et il n'en
sera ainsi que dans le cas où elle sera engagée dans le
bassin et où elle y sera solidement fixée. Il faut enfin que
les rapports de la tête et du bassin soient tels que l'extrac-
tion soit possible, et l'on admet généralement que le forceps
ne doit plus être employé au-dessous d'un diamètre sacro-
pubien de 7 centim. 11 va sans dire que toute application
de forceps suppose la connaissance exacte de la présentation
et de la position du fœtus.
Toutes ces conditions réunies, il ne reste plus qu'à con-
naître les indications générales de l'emploi du forceps :
elles sont de deux genres, des indications d'urgence et des
indications laissées à la libre appréciation de l'accoucheur.
Dans les premières se comprennent, du côté de la mère,
l'éclampsie, les hémorragies graves, par exemple, dans
l'insertion vicieuse du placenta, les menaces d'asphyxie
dans les maladies des organes respiratoires ; du côté de
l'enfant, la procidence du cordon, l'expulsion du méconium
en dehors d'une présentation du siège, le ralentissement
des battements du cœur. Pour les secondes, ce sont l'inertie
utérine ou l'insuffisance des forces expulsives, la dispro-
portion entre le fœtus et le bassin, la présence de hernies
chez l'accouchée, l'impossibilité de dégager assez vite la
tête avec les doigts dans les présentations du siège.
Les contre-indications résultent nécessairement des no-
tions précédentes ; c'est ainsi que le forceps n'étant destiné à
saisir qu'une des trois présentations de l'ovoïde céphalique
(sommet, front, face) ne saurait être d'aucun usage dans
les présentations du thorax ou de l'abdomen ; qu'il est de
toute nécessité, si l'on ne veut s'exposer à des déchirures
et à des ruptures du segment inférieur, que le col soit
dilaté ou dilatable, et qu'enfin, en cas de rétrécissement, le
diamètre sacro-pubien ne soit pas inférieur à 7 centim.
Dans les cas faciles, c.-à-d. quand il n'y a pas de dispro-
portion entre le fœtus et les voies génitales ou quand cette
disproportion est peu marquée, et si, par ailleurs, l'appli-
cation en est faite en temps opportun par une main exercée,
le forceps est un instrument parfait, exempt de tout dan-
ger pour la mère et pour l'enfant. Cependant, malgré son
innocuité dans ces conditions, on ne saurait en faire une
opération de complaisance, et son application doit toujours
être subordonnée à la marche du travail. L'accoucheur ne
s'y doit déterminer que s'il acquiert la conviction que la
nature est désormais impuissante et qu'une plus longue
attente deviendrait nuisible ou à la mère ou à l'enfant. C'est
qu'en effet, et on en a la preuve dans les cas difficiles, le
forceps n'est pas toujours sans danger : du côté maternel
il peut occasionner des déchirures du périnée, des contu-
sions des parties molles des voies génitales, des fistules,
des inflammations de la matrice et de ses annexes, de la
paralysie du col vésical, voire des paralysies des membres
inférieurs, par suite de la pression "exercée sur les gros
troncs nerveux qui se trouvent à la région postérieure du
bassin ; du côté du fœtus, des fractures et des enfonce-
ments du crâne, le décollement du cuir ch lu, le déchire-
ment des sutures, des plaies des tégument, l'hémiplégie
faciale, la paralysie complète ou incomplète du bras par
compression des branches du plexus brachial à leur sortie
des vertèbres cervicales. Dr Donon.
FORCES. I. Technologie. — - Grands ciseaux dont les
FORCES — FORD
- 788
deux branches sont unies par une portion de cercle qui
fait l'office de ressort et en facilite ainsi le jeu. Ils servent
à tondre les draps. On les appelle aussi tondeuses (V. ce
mot).
11. Blason. — Figure artificielle représentant l'instru-
ment dont se servent les tondeurs. Il est ordinairement
posé en pal et la pointe en haut.
FO RC £V I L LE. Com. du dép. de la Somme, arr . d'Amiens,
cant. d'Oiseinont ; 239 hab.
FORCEV1LLE. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Doullens, cant. d'Acheux ; 426 hab.
FORGEY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. d'Andelot ; 246 hab.
FORCHHAMMER (Johann-Georg), géologue danois, ne
à Hu&um (Slesvig) le 24 juil. 1794, mort à Copenhague
le 14 déc. 4863. il lit des voyages scientifiques, fut pro-
fesseur de chimie et de minéralogie à l'Institut polytech-
nique de Copenhague (1829), à l'Université (1850),
membre de l'Académie des sciences (1825) et plus tard son
secrétaire perpétuel. Il a fait progresser la géologie et la
minéralogie ; en 1850, il entreprit avec Steenstrup et
"Worsaœ des publications relatives à l'anthropologie pré-
historique, genre d'études qui a acquis depuis une impor-
tance considérable dans la région du Nord. Ouvrages
principaux : Lœrebog istoffemes amincie lige chemic (Co-
penhague, 1834-35, in-8) ; Krislallographie{id., 1833) ;
Danmarks geognostike forhold (ici., 1835, gr. in-4) ;
Skandinaviens geognostike natur (id. , 1 843), Dr L. Hn.
FORCHHAIMER (Peter-Wilhehn), archéologue alle-
mand, frère du précédent, né à Husum le 23 oct. 1803.
Il fit en 1830 et 1838 des voyages en Italie, en Grèce,
en Asie Mineure et en Egypte. 11 devint professeur à l'uni-
versité de Kiel en 1837. Il a publié de nombreux travaux
sur la topographie et la mythologie antiques : llellenika
(1837, 1. 1) ; Topographie von Athen (Kiel, 1841 ) ; Be-
schreibung der Ebene von Troja (Francfort , 1 850) ;
Topographia Thebarum heptapylarum (Kiel, 1854) ;
Halkyonia (Berlin, 1857), Ueber die Reinheitder Bau-
kunst (Hambourg, 1856), importantes recherches sur l'ori-
gine et le développement des styles d'architecture ; Die
cyldopischen Mauern (Kiel, 1847) ; Ueber den Ursprung
der Mythen, dans le Philologus (année 1860) ; Achitl
(Kiel, 1853) ; Daduchos (Kiel, 1875). Forchhammer a
secondé Jahn dans l'établissement du musée archéologique
de Kiel. De 1871 à 1873, il a été représentant au Reichs-
tag allemand dans le parti progressiste. J.-A. Bl.
FORCHHEIM. Ville de Bavière, prov. de Haute-Fran-
conie, sur la Regnitz ; 4,500 hab. Eglise gothique, avec
tableaux de Wohlgemuth et sculptures de Veit Ston ; vieux
château. A l'E. de la ville, le château de Jaegersburg. —
Forchheim parait au ixe siècle sous le nom de Forachevm
comme résidence de Charlemagne et de ses successeurs ;
plusieurs diètes y furent tenues, notamment celles qui
élurent Louis l'Enfant et Conrad, celle qui déposa Henri IV
(1077) et élut à sa place Rodolphe de Souabe. Henri II
l'avait donnée à l'évèché de Bamberg à qui Henri III la
reprit, mais Henri IV la rendit. Dévastée en 1 552 par le
margrave Albert-Alcibiade de Brandebourg, elle se défendit
avec succès dans la guerre de Trente ans ; le 8 août 1796,
les Français y vainquirent les Autrichiens. Elle passa à la
Bavière en 1802. Ses fortifications turent rasées en 1838.
Bataille de Forchheim. — Gagnée par Kléber contre
Warten&leben, le 8 août 1796. Kléber, commandant en
chet l'armée par suite d'une grave indisposition du géné-
ral Jourdan, se mit en marche le 7 août pour aller atta-
quer l'ennemi qui occupait les rives de la Regnitz, entre
Ebermaniistadt^orchhàmet Hocht>t3edt. L'attaque eut lieu
le 8. La division Lolaud, qui était à Bamberg, reçut Tordre
de marcher sur Forchheim. L'ennemi occupait la plaine et
les hauteurs. L'avant-garde française, que Ney comman-
dait, reçut une formidable décharge de canon à laquelle
elle ne put répondre que faiblement, n'ayant que deux
pièces d'artillerie légère. Mais elle soutint néanmoins le
combat qui fut terrible et parvint à refouler les Autrichiens
dans la place. Ney se mit à leur poursuite et, arrivé à
portée de canon de la ville, envoya un parlementaire pour
la mettre en demeure de se rendre, ce qu'elle ht du reste
sur-le-champ. On y trouva soixante-deux canons, ainsi
qu'une grande quantité de munitions et de vivres. Ney,
qui avait montré dans cette journée une grande bravoure
et une rare intelligence, fut nommé générai de brigade sur
le champ de bataille.
Bibl. : Hûbsch, Chronih der S tadt Forchheim ; Nurem-
berg, 1867.
F0RC10LI (Dominique), homme politique français, né
à Ajaccio le 6 avr. 1838. Avocat à Constantine, il se pré-
senta sans succès aux élections législatives dans cette cir-
conscription le 21 août et le 4 dec. 1881. 11 avait un pro-
gramme radical. Le 7 oct. 1883, il fut élu sénateur de
Constantine. Membre de l'extrême gauche du Sénat, il ap-
puya le boulangisme et fut battu par M. Lesueur au renou-
vellement triennal du 5janv. 1888. Le 5 oct. 1885, sans
se démettre de son mandat sénatorial, il s'était porté aux
élections pour la Chambre sur la liste radicale du dép. de
Constantine. 11 n'avait obtenu que 5,698 voix sur 11,918 vo-
tants. H se représenta le 22 sept. 1889 et fut élu député
avec un programme où il réclamait la revision de la cons-
titution et la suppression du Sénat. Il obtint 4,029 voix
contre 1,600 partagées entre cinq concurrents (deux bou-
langistes, deux radicaux et un royaliste). Il a écrit une bro-
chure politique : Jules Ferry est-il coupable? Oui (Pa-
ris, 1885), ou il blâmait l'expédition du Tonkin.
FORCI OLO. Com. du dép. de la Corse, arr. d'Ajaccio,
cant. de Saiute-Marie-et-Sicche; 395 hab.
FORCI PRESSURE (V. Pince).
F0RCKENBECK (Max de), homme politique allemand, né
à Munster le 21 oct. 1821, mort à Neuwahlen le 21 févr.
1887. Membre du parti démocratique, il siégea à la Chambre
des députés de Prusse de 1858 à 1873, fut un des chefs
des progressistes lors du conflit avec le roi (1862-66), puis
un des fondateurs du parti national-libéral (1866) et devint
après la réconciliation président de la Chambre. Il entra,
en 1873, à la Chambre des seigneurs. Député au Reichs-
tag depuis 1867, il le présida de 1874 à 187y, démissionna
à propos de la loi du tarif des douanes ; en 1881, il sortit
du parti national-libéral avec les sécessionnistes et se rallia
aux progressistes. 11 fut, à partir de 1878, bourgmestre
de Berlin.
F0RCLAZ (La). Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr.
de Thonon, cant. du Biot ; 290 hab.
F0RCRAND (Hippolyte-Robert), chimiste français, né à
Paris le 31 août 1856. D'abord préparateur au Collège de
France (1882-84), puis maître de conférences à la Faculté
des sciences de Caen, il est, depuis 1887, professeur de
chimie à la Faculté des sciences de Montpellier. On lui
doit d'intéressants travaux de thermochimie, portant plus
particulièrement sur les alcoolates et les phénates alca-
lins. Les résultats s'en trouvent consignés dans une cen
taine de mémoires originaux, notes et articles publiés
depuis 1878 par les Comptes rendus de l'Académie des
sciences de Paris, les Annales de chimie et de phy-
sique^ la Revue générale des sciences, etc. Il a, en outre,
collaboré à Y Encyclopédie chimique de Fremy, pour
laquelle il a écrit les art. Lithium, Rubidium, Cœsium,
Argent, etc. L. S.
FORD (Emanuel), littérateur anglais du xvie siècle.
Imitateur de la manière espagnole, il a écrit quelques ro-
mans dont la vogue a été considérable. Citons : Parismus,
the renowned prince of Bohemia (Londies, 1598), dont
la seconde partie parut Tannée suivante sous le titre de
Parismenos (Londres, 1599); cet ouvrage a été très sou-
vent réimprimé; The Most Pleasant History ofOrnatus
and Artesia (Londres, 1607) ; The Famous History of
Montelion, Knight of the Oracle (Londres, 1633).
FORD (John), auteur dramatique anglais, né à Llington
(Devonshire) en avril 1586, mort vers 1640. Avocat du
- 789 -
FORD - FORELAND
« Middle Temple » depuis 1602, il paraît avoir débuté dans
la littérature par la publication d'une élégie sur la mort
du comte de Devonshire : Famé' s Memoriall (1606 ,
in-4). On a de lui d'autres poésies et un traité de mo-
rale intitulé A Line of Life (1620). Ses pièces de
théâtre n'ont pas été toutes imprimées. Ses tragédies, dont
le sujet est souvent scabreux, valent mieux que ses comé-
dies Les œuvres de Ford ont été recueillies par Weber
(1811, 2vol.) et par Gifford (1827, 2 vol.). Cette dernière
édition a été revue par Dyce (1869, 3 vol.). B.-H. G.
FORD (Sir Edward), mécanicien et officier anglais, né
à Harting (Sussex) en 1605, mort en Irlande le 3 sept. 1 670.
Il fut haut sheriff de Sussex et reçut en 1642 le grade de
colonel dans l'armée de Charles Ier (V. t. X, p. 688),
qui le créa en outre chevalier l'année suivante. Fait pri-
sonnier en 1644 par les parlementaires et enfermé dans la
Tour de Londres, il s'en échappa deux mois après. De
nouvelles poursuites furent exercées contre lui en 1647,
sous l'accusation d'avoir aidé le roi à s'évader du château
de Hamptoncourt ; mais de puissantes protections lui firent
obtenir sa grâce en 1649. En 1656, il inventa et cons-
truisit, sur l'invitation de Croniwell, une machine pour éle-
ver l'eau de la Tamise dans les hauts quartiers de Londres ;
le principe en fut reconnu excellent et elle fut bientôt
employée dans diverses contrées pour le dessèchement des
terres et l'épuisement des mines. On lui doit encore quel-
ques autres engins hydrauliques et une machine à frapper
la monnaie. Il s'occupa enfin de questions économiques. Il
a publié : A Design for bringing a river to St. Gyles
(Londres, 1641, in-4; 2e éd., 1720); Expérimentée,
Proposais how the king may hâve money (Londres,
1666, in-4). L. S.
FORD (Richard), écrivain anglais, né en 1796, moitié
1er sept. 1858. Il prit ses grades au Trinity Collège d'Ox-
ford, se fit inscrire à Lincoln's Inn, et reçu avocat ne pra-
tiqua pas. Il vint en Espagne en 1830 et parcourut ce
pays pendant quatre ans. De retour en Angleterre, il col-
labora à la Quarterly Review, à Y Edinburgh Review et
autres périodiques, où il donna de remarquables critiques
d'art. On a de lui : The Handbook for travellers in Spain
(Londres, 1845 2 vol.), véritable trésor d'érudition et de
renseignements, qui fut accueilli avec une faveur marquée
et qui a été réimprimé plusieurs fois, mais considérable-
ment réduit; Ristorical Enquiry into the unchangeable
character of a war in Spain (1837), etc.
FORD (Samuel), peintre anglais, né à Cork le 8 avr. 1 805,
mort le 23 juil. 1828. Malgré sa faible constitution, encore
altérée par les privations, il réussit par sa persévérance à ap-
prendre le latin, le français et l'italien, età se faire connaître
dans l'école de dessin de sa ville natale, où il travaillait à côté
de Maclise. En 1828, il fut nommé professeur à l'Institut
d'arts et métiers de Cork. Cette situation lui permit enfin
de se donner librement à la peinture. Il exposa le Génie
de la Tragédie, et commençait un grand carton de la Chute
des Anges, quand il mourut d'une pneumonie.
FORDE (Thomas), littérateur anglais du xvne siècle. On
ne possède aucun détail sur sa vie. Parmi ses ouvrages
nous citerons -: The Times anatomized in several cha-
racters (Londres, 1647); Lusus Fortunce (Londres,
1 649) ; Virlus rediviva or A Panegyrick on the late
King Charles I (1660); Love' s Labyrinth (1660);
A Théâtre of Wits ancient and modem (1660) ; Fœnes-
tra in pectore (1660); Fragmenta poetica (1660).
FORDUN (John de), chroniqueur écossais de la fin du
xive siècle. On ne sait guère rien de lui, sinon qu'il était
dans les ordres, probablement attaché à la cathédrale d'Aber-
deen. On a de lui : Chronica Gentis Scotorum et Gesta
Annalia. Le Scotichronicon de Walter Bower est, dans
sa première partie du moins, une reproduction des écrits
de John de Fordun. Ils ont été édités savamment par
M. Skene, dans The Historians of Scotland (1871-72).
FORDYCE (David), moraliste écossais, né à Aberdeen en
1711 , mort en 1751 . Il professa la morale à Marischal Col-
lège (Aberdeen) où il avait été élevé. On a de lui : Dia-
logues concerning Education (1745-48, 2 vol.) ; The
Eléments of Moral Philosophy (1 754), écrits d'abord pour
le Modem Preceptor de Dodsley. Parti en 1750 pour visiter
le continent, il périt dans une tempête sur les côtes de
Hollande. Son frère (V. ci-dessous) a publié après sa mort
Theodorus, dialogue sur l'éloquence (1752), et The
Temple of Virtue; a Dream (1757). B.-H. G.
FORDYCE (James), prédicateur écossais célèbre, frère
du précédent, né à Aberdeen en 1720, mort à Bath le
1er oct. 1796. Après avoir fait ses études à l'université
d 'Aberdeen, il entra dans la carrière ecclésiastique. La
haute portée de ses sermons et son talent d'orateur lui
valurent, de la part de l'université de Glasgow, le titre de
docteur en théologie. A Londres, où il remplit les fonc-
tions pastorales pendant une vingtaine d'années (1762-
1782), il obtint aussi les plus grands succès oratoires. Il
publia un grand nombre de sermons parmi lesquels on cite
surtout : Sermons to young women (1765); Addresses
to young men (1777). Il est en outre l'auteur d'un vo-
lume de poésies .
FORE1GN OFFICE. Nom donné au ministère des affaires
étrangères (littéralement : bureau étranger) du Royaume-
Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Le ministre prend
le titre de Secretary of State for Foreign A flairs. Le
marquis de Salisbury est, dans ce siècle, le seul ministre
des affaires étrangères qui ait été à la tête du cabinet, en
qualité de Prime Minister ; cette dignité va le plus' sou-
vent avec celle de premier lord de la Trésorerie. Voici la
liste, dans Tordre de leur succession, des titulaires du
Foreign Office depuis 1783 : Grenville, Hawkesbury,
Harrowby, Mulgrave, Ch.-J. Fox, vicomte Howick, G. Can-
ning, Bathurst/Wellesley, Castlereagh, G. Canning, Dud-
ley, Aberdeen, Palmerston, Wellington, Palmerston, Aber-
deen, Palmerston, Gran ville, Malmesbury, J. Russell,
Clarendon, Malmesbury, J. Bussell, Clarendon, Stanley,
Clarendon, Granville, Derby, Salisbury, Granville, Salis-
bury, Roseberv, Iddesleigh, Salisbury, Jlosebery.
FOREIRO (Francisco), en latin Forerius, dominicain
portugais, né à Lisbonne au commencement du xvie siècle,
mort au couvent d'Almada (près de Lisbonne) le 10 janv.
1581. Membre du concile de Trente, il y fit partie des
commissions qui rédigèrent le Catéchisme et Y Index libr.
prohibitorum. Puis^ il fut prédicateur et confesseur du
roi Joào III et devint provincial de son ordre. Il publia un
commentaire sur Isaïe (Venise, 1563 ; Anvers, 1565 et
1567; Londres, 1660, dans les Critici sacrù t. V) et
une Oratio ad Patres Tridentini, etc. (Brescia, 1563).
FOREL (François- Alphonse), savant suisse, né à Morges
le 2 févr. 1 841 . Docteur en médecine, professeur à l'uni-
versité de Lausanne, il a écrit de nombreux travaux dans
les publications médicales de la Suisse romande, mais la
principale branche de son activité concerne l'étude des lacs
suisses et surtout du lac Léman. On lui doit plus de 150 mé-
moires relatifs à ce lac, au régime de ses eaux, leur tem-
pérature, leur hauteur, les seiches, les taches d'huile, la
faune profonde, etc. — Son frère, Auguste Forel,
médecin et naturaliste, est né à Morges le 1er sept.
1848. Docteur en médecine, il est aujourd'hui professeur
de psychiatrie à Zurich et directeur de l'asile d'aliénés de
ce canton. On lui doit, outre de nombreux travaux médi-
caux, entre autres sur l'hypnotisme, un remarquable ou-
vrage sur les Fourmis de la Suisse (Genève, 1874),
couronné par la Société helvétique des sciences naturelles
et l'Académie des sciences de Paris.
FORELAND. On appelle cap North et cap South Fore-
land, deux caps de la côte de Kent, en Angleterre. Le North
Foreland (51° 21' 28" lat. N., et 0° 53' 21" long. 0.),
entre Margate et Ramsgate, est à l'extrémité de la pres-
qu'île qui ferme au S. l'estuaire de la Tamise. Le South
Foreland, à 26 kil. au S. du précédent (51° 8' 23" lat.
N. et 0° 57' 47" long. 0.), près de Douvres, fait face aux
cap Gris-Nez de l'autre côté du pas de Calais. Ces deux
FORELAND - FORESTIER
— 790 -
caps sont signalés chacun par un phare très important.
FORENS. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Nantua, cant.
de Châtillon-de-Michaille ; 350 hab.
FOREN VILLE. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (E.)
de Cambrai ; 81 hab.
FORERIE (Artill.). Atelier où est opéré l'usinage des
canons. Une forerie se compose d'une douzaine de bancs sur
chacun desquels est disposé un des hlocs d'acier à forer.
Le banc atteint une longueur de 40 m. quand il doit per-
mettre le forage de canons du calibre de 27 centim. Le
forage des canons comprend un nombre variable de passes
suivant le calibre : la prise du foret va en diminuant à
chaque passe jusqu'à la passe finale qui emporte seulement
quelques centièmes de millimètres et produit le forage par-
fait. Cette passe est suivie immédiatement du rayage, opé-
ration qui est exécutée sur des hancs spéciaux appelés
machines à rayer. Chacune des rayures du canon est opé-
rée successivement : pour chacune d'elles, il y a lieu à
plusieurs passes. La forerie comprend aussi le dégrossis-
sage extérieur du canon, de manière à donner à celui-ci
son profil définitif, à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur.
FOR EST (La). Com. du dép. du Finistère, arr. de
Brest, cant. de Landerneau, près de la forêt de Lander-
neau, sur la rive droite de l'Elorn ; 620 hab. Ruines du
château de Joyeuse-Garde, fameux dans les Chroniques
de la Table-Ronde; il n'en reste qu'un souterrain voûté et
une arcade gothique, moins ancienne (xne siècle).
Bibl. : De FréminvIlle, Antiquités du Finist., 1832, 1,
p. 267.— Taylor, Voy.vitt. dans l'anc. France; Bretagne,
1847, t. II, pi. 22 et 23.
FOR EST. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Landrecies ; 1,430 hab.
FOR EST. Com. du dép. du Nord, arr. de Lille, cant.
de Lannoy ; 718 hab.
FOR EST (Le). Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Béthune, cant. de Carvin ; 1,790 hab. Houillères de la So-
ciété de l'Escarpelle. La seigneurie appartint, jusqu'au
xvie siècle, à la maison de Luxembourg et passa ensuite
successivement aux familles de Contay, de La Tramerie, de
Croy et de Calonne.
FOR EST (Le). Com. du dép. de la Somme, arr. de Pé-
ronne, cant. de Combles ; 86 hab.
FOR EST. Com. de Belgique, prov. de Brabant, arr. de
Bruxelles; 5,500 hab. Stat. du chem. de fer de Bruxelles
à Paris. Fabriques d'indiennes, de toiles cirées ; teintureries,
brasseries.
FOREST-l'Abbàye. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Abbeville, cant. de Nouvion-en-Ponthieu ; 392 hab.
FOREST-Saint-Julien (Le). Com. du dép. des Hautes-
Alpes, arr. de Gap, cant. de Saint-Bonnet ; 522 hab.
FOR EST (Pierre de La) (V. La Forest).
FOR EST (Jean-Baptiste), peintre français, né à Paris
en 1636, mort à Paris en 1742. Après lui avoir donné les
premières notions artistiques, son père l'envoya en Italie,
où il se mit sous la direction de J.-F. Mola. Son talent,
tourné surtout vers le paysage, porta l'empreinte indélé-
bile de ce maître ; on ne voit dans ses tableaux que sites
sauvages, rochers tourmentés et dénudés, violentes oppo-
sitions de lumières et d'ombres, comme dans ceux de Sal-
vator Rosa. Reçu à l'Académie royale en 1674, il en fut
exclu comme protestant et y fut enfin réintégré en 1699.
Esprit fier et indépendant, il avait refusé de travailler pour
Louis XIV et cette déclaration avait grandement contribué
à lui attirer l'attention et les commandes du public. Ses
œuvres sont rares, excessivement poussées au noir, et
connues surtout par les gravures qu'en ont faites Bernard,
Pierolesi et Coëlmans. Le Louvre possède de lui un seul
dessin : Une Vue des bords de la mer, ornée de fabriques.
Le portrait de J.-B. Forest a été peint, en 1704, par son
gendre Largillière. Ad. T.
FOREST de Belidor (Bernard) (V. Belidor).
FORESTE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-
Quentin, cant. de Vermand; 374 hab.
FORESTI (Giacomo-Filippo), aussi connu sous le nom
de Philippus Bergamensis , historien italien , né près
de Bergame en 1434, mort le 15 juin 1520. Il entra, dès
l'âge de dix-sept ans, dans l'ordre des ermites de Saint-
Augustin, où il devint prieur, fonda des bibliothèques en
divers couvents qu'il dirigea, et écrivit les ouvrages sui-
vants, qui sont plutôt curieux que bien sérieusement docu-
mentés : Supplementum chronicorum orbis, ab initio
mundi ad annum 1485 (Brescia, 1485, et Venise, 1500,
in-fol.) ; De Claris Mulieribus chrislianis commentarius
(Ferrare,1497,in-foL), réimprimé par J.-RavisiusTextor,
dans la compilation intitulée De Memorabilibus et Cla-
ris Mulieribus aliquot diversorum scriptorum opéra
(Paris, 1521, in-fol.) ; Confessionale, seu interrogato-
rium aliorum novissimum (Venise, 1487, in-4, et 1500,
in-8). Dans le De Claris Mulieribus, Foresti a rassemblé
d'amusantes fables, des légendes telles que l'histoire de la
papesse Jeanne. R. G.
Bibl. : Doriato Calvi, Scena letteraria degli scrittori
Bergamaschi ; Bergame, 1660, in-4.
FORESTIER (Pierre-Jacques), homme politique fran-
çais, né à Vichy le 30 juil. 1739, mort à Genève le
31 mai 1823. Avocat, il acheta en 1783 la charge de
maire de Vichy, qu'il transmit bientôt à une autre' per-
sonne. Procureur-syndic du district de Cusset (1790), il
fut élu député de l'Allier à la Convention le 6 sept. 1792.
Il siégea à la Montagne, vota la mort du roi, remplit plu-
sieurs missions dans l'Allier. Arrêté après les événements
de prairial an III et ju^é par la commission militaire , il
fut condamné à la réclusion et incarcéré jusqu'au 4 bru-
maire. Il rentra alors dans la vie privée, s'occupa d'agri-
culture. Exilé comme régicide au début de la Restauration
(1816), il fut conduit à Genève où il mourut presque
misérable.
Bibl. : Docteur Cornillon , Pierre- Jacques Forestier;
Vichy, 1887. — Du môme, le Bourbonnais sous la Révolu-
tion française; Vichy, 1888-1892, 4 vol.
FORESTIER (Mlle Anne-Marie- Julie), peintre français,
née à Paris en 1789. Elève de David et de Debret, cette
artiste, d'un talent estimable, mais froid, exposa successi-
vement : Minerve, déesse de la Sagesse et des Beaux-Arts
(S. 1804); Renaud et Armide (S. 1809); Sacrifice à
Minerve (S. 1 81 2) ; la Princesse de JSeuers à l'abbaye de
Gravite (S. 1814); les Filles de Milton faisant la lec-
ture à leur père aveugle (S. 1819). On lui doit aussi
quelques portraits, entre autres celui du poète dramatique
chartrain Gaillard, au musée de Chartres.
FORESTIER (Henri-Joseph de), peintre français, né à
Saint-Domingue en 1790, mort à Paris en 1868, Elève de
Vincent, il remporta le grand prix de Rome en 1813 avec
la Mort de Jacob. En 1819, il exposa pour la première
fois ; son tableau, Ecce homo, fut loué pour la simplicité
pleine de grandeur dans lequel il était conçu. La plus
connue de ses œuvres est le Jésus-Christ guérissant un
possédé (S. 1827), qui a figuré au Louvre. Cette compo-
sition, comme presque toutes celles qui sont sorties de son
pinceau, est théâtrale, emphatique ; si le dessin en est
correct et académique, le coloris en est glacial et dénué
d'harmonie. Fougueux républicain, H.-J. Forestier prit
part, comme colonel de la 6e légion de la garde nationale,
au mouvement insurrectionnel de juin 1849 ; arrêté et
traduit devant la haute cour, il fut acquitté. Il exposa pour
la dernière fois en 1 855 ; le sujet de ce dernier tableau
était les Funérailles de Guillaume le Conquérant.
•FORESTIER (Benoît- Auguste), ingénieur français, né
à Ambert (Puy-de-Dôme) le 26 oct. 1811, mort le
28 juin 1873. Il appartenait au corps des ponts et chaus-
sées, et a exécuté de grands travaux de ports maritimes.
Il est connu pour un grand mémoire sur la Conservation
des bois à la mer (Annales, 1868), qu'on consulte encore
avec fruit. — Son fils, Benoît-François-Georges, est au-
jourd'hui (1893) inspecteur général des ponts et chaussées.
FORESTIER de Boinvilliers (V. Boinvilliers).
- 791
FORESTIÈRE — FORÊT
FORESTIÈRE (La). Corn, du dép. de la Marne, arr.
d'Epernay, cant. d'Esternay ; 423 hab.
FORESltliO^llEHS (Forestense monasterium)Xom.
du dép. de la Somme, arr. d'Abbeville, cant. de Nouvion,
à l'extrémité occidentale de la forêt de Crécy ; 562 hab.
Ancienne abbaye d'hommes, de Tordre de Saint-Benoît,
fondée au vne siècle par saint Riquier.
Bibl. : Gallia Christiana, t. X, col. 1307 à 1310.
FORET. I. Technologie. — Outil qui sert à percer les
métaux, la pierre ou le bois. La partie travaillante du foret
est en acier trempé ; elle présente la forme d'une pointe
plus ou moins obtuse à biseau généralement double ou quel-
quefois simple. Ces pointes doivent être assez aiguës pour
pénétrer facilement dans le métal et assez obtuses pour ne
pas se briser. L'angle des arêtes coupantes varie de 70 à
80° et il est plus élevé pour la fonte et l'acier en raison de
leur dureté que pour le fer et le bronze. Pour obtenir un
angle de coupe suffisamment aigu, on ménage habituelle-
ment sur les flancs du foret deux gorges cylindriques tan-
gentes au plan de coupe et dont les génératrices sont pa-
rallèles aux arêtes coupantes. Les forets ont généralement
au-dessus de la pointe un diamètre supérieur à celui du
corps pour faciliter le dégagement des copeaux ; toutefois
cette disposition présente cet inconvénient que l'outil est
moins bien guidé. Les forets sont commandés à la main à
l'aide d'un archet et d'un vilebrequin, ou ils servent d'ou-
tils dans des machines à percer. Les forets conduits à l'aide
d'un archet sont animés d'un mouvement de rotation alter-
natif; ils doivent être à un double biseau, et ils sont mu-
nis d'une pointe qui sert à guider l'outil et qui doit être
placée bien au centre pour que le trou soit exactement rond.
Les forets à vilebrequin travaillent en tournant d'un mou-
vement continu de rotation et ils sont appuyés par la pres-
sion de l'ouvrier qui les conduit, ou mieux par une vis
de pression spéciale qui appuie la tête du vilebrequin et
sert en même temps à le guider. Les forets des machines-
outils sont guidés par des porte-outils spéciaux qui doivent
les maintenir parfaitement dans l'axe de l'arbre ; ces forets
sont, en général, à double biseau avec gorge d'évidement,
mais on applique fréquemment aujourd'hui le type hélicoï-
dal connu sous le nom de foret américain. Cet outil est
formé d'une tige cylindrique en acier terminée par une
pointe en biseau et creusée d'une rainure hélicoïdale, dis-
position qui présente l'avantage d'assurer un angle de coupe
bien constant sur toute la longueur de l'hélice. Avec la plu-
part des métaux on peut faire agir le foret à sec, mais avec
le fer ou l'acier, il est nécessaire de le lubrifier d'une ma-
nière continue. L. K.
IL Chirurgie. — On donne le nom de forets à des tiges
métalliques à extrémités de formes diverses ; les tiges
s'adaptent à des manches ou au corps d'autres instruments,
de façon que les chirurgiens puissent s'en servir pour per-
forer les os. Middeldorpfles utilisait pour le diagnostic des
affections du crâne et des maladies intra-osseuses. Ces
forets varient de formes et de dimensions suivant les cas.
Middeldorpf recommande le foret en cuiller pour découper
la lame vitrée sans la briser en éclats. — Pour la suture
des os on se sert d'un perforateur composé d'un arbre mis
en mouvement par une roue à angle, arbre auquel s'adap-
tent des forets de formes différentes ; les uns sont percés
d'un chas à leur bec pour recevoir le fil métallique après
avoir traversé les os ; les autres sont armés d'un crochet
pour attirer une anse métallique ; d'autres sont perforés
dans toute leur longueur. Suivant l'indication à remplir,
on se sert de l'un ou de l'autre de ces forets qui sont
assez rarement employés aujourd'hui. Dr Coustan.
FORÊT. I. Sylviculture. — On nomme forêt une sur-
face boisée d'une grande étendue. Les surfaces boisées peu
étendues sont dites bois. La destination principale des forêts
étant de produire du bois, les réunions d'arbres destinés à
l'agrément ou à donner des fruits ne sont pas des forêts. Une
forêt dans laquelle on laisse les arbres .atteindre de grandes
dimensions et où la reproduction se fait par les semences,
graines ou fruits des arbres, se nomme futaie. La futaie
est régulière quand l'ensemble du peuplement est uniforme
et complet, et les arbres d'âges gradués. Elle est dite irré-
gulière dans le cas contraire, lorsque le peuplement est
inégal et incomplet, les âges mal gradués. La futaie prend
les noms de fourré, lorsque les jeunes tiges sont encore
ramifiées dès la base ; gaulis, quand les tiges se dégar-
nissent de leurs branches inférieures; perchis, quand les
tiges atteignent 0m10 de diamètre environ. La durée des
révolutions dans les futaies est longue; elle varie de
cinquante à deux cent cinquante ans et elle est le plus
souvent de cent vingt ans. Le capital représenté par les
forêts soumises à ce mode de traitement s'accroît vite; le
taux, au contraire, va diminuant et la rente s'accroît len-
tement. On les exploite quand elles donnent le maximum
d'utilité ou lemaximumd'argentdansun temps déterminé,
mais elles ne donnent jamais le maximum de revenu qu'on
peut attendre des taillis. Ceux-ci sont des forêts ou bois
exploités à de courtes révolutions dont la durée est com-
prise le plus souvent entre douze et vingt-cinq ans. Le
taillis est simple si chaque coupe enlève tous les rejets ; il
est composé si des tiges sont réservées pour parcourir une
ou plusieurs autres révolutions. Les jeunes réserves se
nomment baliveaux; on appelle modernes et anciens
les réserves plus âgées. Une mesure importante à prendre
pour assurer le bon développement et la conservation des
forêts, consiste à y interdire l'accès des troupeaux. On les
met ainsi en défens pendant un temps déterminé, jus-
qu'au moment où le sommet des tiges est assez élevé pour
échapper à la dent du bétail. En France, les forêts appar-
tiennent aux particuliers, aux communes, aux établisse-
ments publics, à l'Etat, et couvrent une surface de plus
de 9 millions d'hect., 46 °/0 du territoire, soit, en chiffres
ronds, 4 million d'hect. pour l'Etat, 2 millions pour les
communes et établissements publics et, pour les particu-
liers, environ 6 millions. Les forêts de l'Etat, celles des éta-
blissements publics et des communes sont soumises au ré-
gime forestier ; l'administration forestière les régit. Les
forêts sont inégalement réparties en France. Elles sont
nombreuses dans les Vosges, les plaines du centre, le
Morvan, les Landes, les Maures et l'Esterel. D'autres ré-
gions comme la Normandie, la Champagne, sont presque
dépourvues de bois. Certaines forêts couvrent des surfaces
considérables : la forêt d'Orléans, 35,000 hect. ; celles de
Fontainebleau, 47,000 hect.;deChaux (Jura), 45,000 hect.;
de Compiègne, 4 4,500 hect.; de Rambouillet, 43,000 hect.;
de Tronçais (Allier), 40,400 hect.; de la Grande-Char-
treuse, 6,200 hect. Ces forêts appartiennent à l'Etat. On
compte en Algérie environ 2,350,000 hect. de forêts et
bois. Les pays les plus boisés sont : l'Allemagne, 24 °/0
du territoire"; la Russie, 40 °/0; la Scandinavie, 80 °/0,
chiffre sans doute trop élevé. L'Italie comprend proportion-
nellement autant de bois que la France, tandis que la surface
boisée n'occupe que 6 °/o du territoire en Portugal, 3 °/0
en Espagne, et 2 % seulement en Angleterre (V. Europe
et les articles consacrés à chaque pays ou subdivision,
département, comté, etc.).
Les produits principaux des forêts sont : 4° les bois de
feu, comprenant rondins, bois de quartier, fagots, bour-
rées, bois à charbon ; 2° les bois d'oeuvre, distingués en bois
de service employés aux constructions, et en bois de travail
utilisés après la fente ou le sciage. Les forêts fournissent
encore les produits de la chasse, l'écorce pour le tan-
nage des cuirs, des fruits (faînes), des essences (essences
de thym, de lavande), etc. D'autre part, les forêts
exercent une influence heureuse sur le climat ; elles régu-
larisent le régime des eaux, retiennent les terres sur les
pentes des montagnes. L'influence des forêts sur le climat
local est incontestable. Il suffit d'un simple rideau d'arbres
pour modifier le développement des végétaux qu'il abrite
ou même pour en rendre la culture possible. L'eau tom-
bée sur les terrains boisés ne ruisselle pas à la surface ;
elle est retenue par l'humus, les feuilles, les débris, et
FORÊT
m —
s'infiltre lentement à travers le sol pour sortir plus loin
à l'état de sources. Les forêts régularisent la ion te des
neiges, arrêtent les avalanches; elles s'opposent au ravi-
nement des terrains en pente, empêchent la formation des
torrents, en provoquent l'extinction ou en diminuent la
violence. G. Boyer.
II. Droit administratif.— Les bois et forêts, c.-à-d.
les espaces plantés d'arbres non fruitiers formant masse,
constituent une partie importante de la richesse d'un pays. Le
sol forestier delà France, y compris la Corse, compte aujour-
d'hui 9,1 85,310 hect.,dont4,070,477appartiennentàï'Etat
et 1,915,370 à des communes ou établissements publics.
Mais, plus que toute autre, cette richesse veut être ména-
gée, à raison de la lenteur avec laquelle elle se forme et se
développe, de la rapidité avec laquelle elle s'épuise lors-
qu'on en laisse la libre disposition aux propriétaires, à
raison enfin de l'influence considérable que les forêts
exercent sur le climat et la salubrité d'un pays et sur le
régime de ses eaux.
Aussi, et dès les temps les plus reculés, les forêts ont-
elles été soumises à une législation spéciale et gérées par
une administration distincte. Parmi les monuments de
cette législation, on doit citer au passage les édits ou or-
donnances de 1319 et de 1376 sur les forêts royales,
de 1515 et de 1583 sur les eaux et forêts royales, de
1515 et de 1583 sur les eaux et forêts, le célèbre édit
d'août 1669, œuvre de Colbert et qui a servi de modèle à
la législation moderne, la loi du 19 sept. 1791, enfin le
code forestier du 31 juil. 1827, complété par l'ordonnance
d'exécution du 1 er août de la même année. Le code a lui-
même été modifié et complété parles lois du 18 juin 1869,
sur le défrichement, du 4 avr. 1882, sur le reboisement
des montagnes, du 23 nov. 1883, sur l'affouage.
En droit, les deux termes bois et forêts sont synonymes,
quoique, dans le langage courant, le mot forêt désigne une
étendue plus grande que le mot bois. Mais, ainsi que nous
l'avons dit, la législation spéciale forestière ne s'applique
qu'aux arbres formant masse : ceux qui constituent les buis-
sons, bocqueteaux, parcs, jardins ou prés-bois, sont régis
par les dispositions du droit civil ordinaire.
En principe, les particuliers ont un droit de propriété
absolu sur les bois ou forêts qui leur appartiennent ; ils
peuvent donc les exploiter, les couper comme bon leur
semble sans être soumis à aucun contrôle de l'administra-
tion forestière. Deux restrictions seulement sont apportées
à ce principe : d'une part, les bois qui appartiennent par
indivis à un particulier et à une commune sont soumis,
comme s'ils appartenaient exclusivement à la commune,
au régime forestier tel que nous l'exposerons plus loin ;
d'autre part, les bois des particuliers sont assujettis à des
règles particulières en ce qui concerne leur défrichement,
c.-à-d. leur transformation en terres arables. D'après
l'art. 219 du C. forest., aucun particulier ne peut ar-
racher ou défricher ses bois qu'après en avoir fait la
déclaration à la sous-préfecture, au moins quatre mois
avant le commencement des travaux ; pendant ce temps,
l'administration peut s'opposer au défrichement : cette
obligation ne s'applique ni aux jeunes bois, pendant les
vingt premières années qui suivent leur semis ou planta-
tion, ni aux parcs et jardins clos attenant aux habitations,
ni aux bois clos d'une étendue au-dessous de 10 hect.,
lorsqu'ils ne sont pas situés sur le sommet ou la pente
d'une montagne. En résumé, donc, doivent seuls faire la
déclaration : les propriétaires de bois âgés de plus de vingt
ans, d'une étendue supérieure à 10 hect., non clos et n'at-
tenant pas aux habitations; les propriétaires de bois
moindres de 10 hect., mais faisant partie d'un bois qui
complète cette contenance; les propriétaires de bois
moindres de 10 hect., mais situés sur le sommet ou la
pente d'une montagne. Si, dans les quatre mois qui suivent
la déclaration du propriétaire à la sous-préfecture, l'admi-
nistration n'a fait aucune opposition, le défrichement peut
avoir lieu. Dans le cas contraire, il faut attendre qu'une
décision ministérielle intervienne sur l'opposition de l'ad-
ministration : cette décision ministérielle levant ou confir-
mant l'opposition doit être rendue dans les six mois qui
suivent le jour où l'administration a fait notifier son oppo-
sition au propriétaire : ce délai passé sans que le ministre
ait fait connaître sa décision, le défrichement peut avoir
lieu, comme au cas où l'opposition n'est pas confirmée.
D'après l'art. 220, l'opposition ne peut être formée que
pour les bois dont la conservation est reconnue nécessaire :
1° au maintien des terres sur les montagnes ou sur les
pentes ; 2° à la défense du sol contre les érosions et les
envahissements des fleuves, rivières ou torrents ; 3° à
l'existence des sources et cours d'eau ; 4° à la protection
des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et
l!envahissement des sables ; 5° à la défense du territoire,
dans certaines limites fixées par les décrets des 31 juil.
1861, 3 mars 1874 et 8 sept. 1878. Le propriétaire qui
défricherait sans déclaration préalable ou nonobstant une
opposition administrative est condamné à une amende de
500 fr. au moins, de 1,500 fr. au plus par hect. défriché,
et le ministre peut de plus exiger qu'il rétablisse les lieux
défrichés en nature de bois dans un délai qui ne peut excé-
der trois ans.
La seconde et très grave restriction au droit de pro-
priété résulte d'une loi du 4 avr. 1882 relative à la res-
tauration et à la conservation des terrains en montagne.
On sait que le déboisement des montagnes a comme eflet
direct de favoriser les inondations : les ravages de certains
cours d'eau en Savoie, dans les Hautes et Basses-Alpes,
dans le Var, n'ont pas d'autre cause. Pour remédier à ces
fléaux, il est pourvu à la restauration des terrains en mon-
tagne au moyen de travaux exécutés par l'Etat ou par les
propriétaires avec subvention de l'Etat: l'utilité de ces tra-
vaux est déclarée par une loi qui fixe le périmètre dans
lequel ils doivent être exécutés. Ils le sont par les soins de
l'administration et aux frais de l'Etat qui acquiert à
l'amiable ou par expropriation les terrains nécessaires.
Toutefois, les particuliers peuvent éviter cette expropria-
tion en s'engageant à exécuter les travaux dans le délai
fixé, avec ou sans indemnité, et à pourvoir à leur entre-
tien, sous le contrôle et la surveillance de l'administration
forestière. Les bois ainsi créés bénéficient pendant trente
ans de l'exemption d'impôts établie par l'art. 226 du
C. forest. Si les terrains n'exigent pas actuellement des
travaux de restauration, mais seulement des mesures de
conservation, l'administration des forêts provoque leur
mise en défens, qui est prononcée par un décret en conseil
d'Etat, et qui ne peut durer plus de dix ans. Pendant ce
temps, les particuliers, les communes ou établissements
publics ne peuvent plus exercer leurs droits de pâturage :
cette privation de jouissance est d'ailleurs compensée par
une indemnité fixée, soit à l'amiable, soit, en cas de désac-
cord, par le conseil de préfecture. De plus, pendant la
durée de la mise en défens, l'Etat peut exécuter, sur les
terrains interdits, tels travaux que bon lui semble, sous
la seule condition de ne pas changer la nature du sol, et
sans qu'aucune indemnité de plus-value soit due parle pro-
priétaire, à raison des améliorations que ces travaux ap-
portent à son bien. Les délits ou contraventions commis
sur les terrains mis en défens sont constatés et poursuivis
comme ceux commis dans les bois soumis au régime forestier.
Les bois et forêts qui font partie du domaine de l'Etat,
ceux des communes ou sections de commune, ceux des éta-
blissementspublics (hospices, bureaux de bienfaisance, etc.),
enfin ceux dans lesquels l'Etat, les communes, sections de
commune ou établissements publics ont des droits indivis,
sont soumis à des règles particulières touchant leur déli-
mitation, leur aménagement, leur exploitation, les servi-
tudes dont ils peuvent être grevés : l'ensemble de ces règles
constitue le régime forestier. Ce régime est appliqué aux
bois que nous venons d'énumérer, par l'administration fo-
restière, et, pour indemniser l'Etat des frais qu'il entraîne,
il est payé au Trésor sur les produits principaux et accès-
— 793 —
FORÊT
soires 5 cent, par franc en sus du prix principal de leur
adjudication ou cession et, pour les produits délivrés en
nature, le vingtième de leur valeur, laquelle est définitive-
ment fixée par le préfet. Moyennant cette allocation, toutes
les opérations de conservation et de régie, les poursuites,
l'arpentage, le récolement, etc., sont effectués parles agents
de l'Etat. Cette combinaison, qui a pour effet d'asburerune
meilleure exploitation des richesses forestières de la France,
présente pour les communes un intérêt considérable, puis-
qu'elles n'ont plus aucun soin à prendre de leurs bois, et
qu'elles se déchargent de toute administration au moyen
d'une sorte d'abonnement.
Le bornage, qui a pour but de fixer matériellement les
limites des bois qui seront soumis au régime forestier, peut
être demandé soit par l'Etat ou les communes, soit par
les propriétaires voisins ; il se fait à l'amiable ou, à défaut
d'accord, judiciairement par les tribunaux civils, seuls com-
pétents pour toutes les questions de propriété. Toutefois,
l'administration peut éviter de procéder au bornage en dé-
clarant que, dans le délai de six mois, elle opérera une déli-
mitation générale de la forêt ; celle-ci se fait par les agents
forestiers et devient exécutoire après avoir été homologuée
par décret.
On appelle aménagement une division de la forêt en un
certain nombre de lots sur lesquels les coupes seront effec-
tuées à tour de rôle et annuellement, de telle sorte qu'elles
porteront toujours sur des arbres en pleine valeur et qu'un
même canton de la forêt soit mis en coupe périodiquement,
tous les vin^t ans par exemple. L'aménagement, duquel dé-
pendent la conservation de la forêt et son exploitation fruc-
tueuse, est réglé et modifié pour chaque forêt par un décret,
rendu sur la proposition de l'administration forestière qui
met ensuite les coupes en adjudication successivement et dans
l'ordre déterminé. Aucune coupe extraordinaire, c.-à-d. au-
cune coupe non prévue par l'aménagement, aucune coupe
intervertissant Tordre établi par l'aménagement, ou faite
par anticipation, ou portant sur des bois désignés pour croître
en futaie (qu'on appelle massifs ou quarts en réserve), ne
peut être autorisée que par un décret spécial. Ce décret,
qui fixe l'aménagement, étant un acte de pure administra-
tion, n'est susceptible d'aucun recours, ni devant les tribu-
naux judiciaires, ni mêmedevantles tribunaux administra-
tifs, toutefois, il n'est pas abandonné à l'arbitraire absolu
de l'administration, et l'ordonn. du 1er août 1827 rendue
pour l'exécution du C. forest., indique quand, comment
et suivant quelles règles techniques il doit être fait (art. 68
et suiv.). Pour l'exploitation des bois soumis au régime
forestier, la vente des coupes se fait toujours par adjudica-
tion publique, par-devant les préfets, sous-préiets, maires,
selon l'importance et la situation des coupes. Toute vente
qui ne serait pas faite par adjudication publique, ou
qui, bien que faite par adjudication publique n'aurait
pas été précédée d'affiches l'annonçant (art. 17), est nulle
et expose celui qui y a procédé à une amende de 1 ,000 à
6,000 fr. Pour assurer la sincérité de ces ventes, la loi
considère comme incapables de devenir adjudicataires
certaines catégories de personnes (art. 21) et frappe des
peines de l'art. 412 du C. pén. toute association ou ma-
nœuvre entre les marchands de bois tendant à nuire aux
enchères et à obtenir la coupe à plus bas prix. Ces règles
sont applicables aux adjudications de glandée, panage et
paisson, c.-à-d. du droit d'introduire des porcs dans une
forêt pour leur faire manger sur place les glands, faînes et
autres produits tombés à terre ; les adjudicataires de ces
droits n'ont pas, en effet, la faculté de cueillir ces pro-
duits et de les emporter hors de la forêt pour en faire la
nourriture de leurs animaux à l'étable.
Aucune coupe ne peut être commencée, même en vertu
d'une adjudication régulière, avant que l'agent forestier
local en ait donné l'autorisation, sous peine, pour l'adjudi-
cataire, d'être considéré comme délinquant pour tous les
bois coupés par lui. Cette autorisation une fois accordée, il
peut commencer ses travaux, mais en se conformant stric-
tement à son cahier des charges, tant pour le nombre, la
qualité et l'espèce des bois à abattre, que pour le nombre
et l'espèce de ceux qui sont marqués du marteau et qu'il
doit réserver, sans pouvoir jamais invoquer aucune com-
pensation entre les manquants. Toute fraude, toute erreur
même involontaire donne lieu contre lui à une amende
triple de la valeur des bois abattus à tort. Chaque adjudi-
cataire doit faire agréer à l'administration un garde-coupe,
ou facteur, chargé de la surveillance de la coupe, et ayant
dans l'étendue de celle-ci le droit de dresser des procès-
verbaux, soit dans l'étendue même de la' vente, soit à
F « ouïe de la cognée », c.-à-d. dans un rayon de 250 m.
des limites de la coupe. Les procès- verbaux des gardes-
vente sont soumis aux mêmes formalités que ceux des
gardes forestiers, mais ils ne font jamais foi que jusqu'à
preuve contraire. A dater du permis d'exploiter, et jusqu'à
ce qu'ils aient obtenu leur décharge, les adjudicataires sont
responsables de tout délit forestier commis dans leurs
ventes et à l'ouïe de la cognée, si leurs facteurs ou gardes-
vente n'en font leurs rapports, lesquels doivent être remis à
l'agent forestier dans les cinq jours. Ils sont de plus, confor-
mément au droit commun, responsables des délits ou con-
traventions commises, soit dans les coupes, soit en dehors,
par leurs commis ou employés. Dans les diverses opérations
de leur exploitation les adjudicataires doivent se conformer
aux art. 301 et suiv. du C. forest., et aux indications de
l'administration : c'est ainsi qu'ils ne peuvent pasécorcer les
arbres sur pied, ni établir de charbonnière ailleurs qu'aux
endroits qui leur sont indiqués, ni sortir des chemins dési-
gnés au cahier des charges, ni prolonger la coupe au delà
des délais fixés, ni déposer dans la vente d'autres bois que
ceux provenant de la coupe, etc. Dans les trois mois qui
suivent le jour fixé pour la vidange de la coupe, l'adminis-
tration doit procéder par ses gardes et agents et en pré-
sence de l'adjudicataire, au réarpentage et au récolement,
c.-à-d. à une double vérification qui a pour but d'établir
l'étendue de la coupe et de constater si l'adjudicataire a
exploité conformément à son contrat. Après que ces deux
opérations ont été faites et si le procès-verbal ne mentionne
aucune contravention, ou si l'administration ne fait pas ce
réarpentage et ce récolement dans le délai d'un mois à par-
tir de la mise en demeure qui peut lui être signifiée par
l'adjudicataire, celui-ci est définitivement déchargé, et on
ne peut plus le rechercher à raison d'aucun délit ou con-
travention commis dans sa vente et à l'ouïe de la cognée.
Les bois et forêts appartenant à l'Etat font partie de son
domaine privé, et ils sont aliénables, conformément aux
règles applicables aux aliénations du domaine privé. Il en
est autrement, toutefois, des grandes masses de forêts,
c.-à-d. de celles qui dépassent 150 hect. et qui sont éloi-
gnées des autres bois de moins de 1 kil. Ces grandes masses
ne peuvent être aliénées qu'exceptionnellement et en vertu
d'une loi spéciale. Dans l'ancien droit, les forêts royales
étaient souvent l'objet de servitudes considérables qui en
réduisaient beaucoup la valeur. Actuellement, ces servitudes
sont très limitées, et le code forestier en favorise autant que
possible la disparition.
On appelle affectation le droit qui était reconnu à cer-
taines exploitations industrielles et à quelques paroisses
de prendre chaque année, gratuitement, une quantité de
bois déterminée dans les forêts de l'Etat. Ces affectations,
qui s'étaient introduites par abus, sont prohibées pour
l'avenir par l'art. 60 du C. forest. Quant à celles qui
existaient au moment de sa promulgation, elles ne devaient
plus avoir qu'une durée de dix ans à partir de cette date,
à moins que les concessionnaires n'eussent obtenu un juge-
ment déclarant que, malgré les dispositions nouvelles, leurs
droits étaient irrévocables: les décisions ont été très rares,
et il n'existe pour ainsi dire plus aujourd'hui d'affectations.
Tous les bois soumis au régime forestier sont frappés d'une
servitude dite de martelage, en vertu de laquelle l'admi-
nistration de la marine peut marquer de son marteau et se
réserver les bois qu'elle juge propres à son service ; mais,
FORÊT
— 79-4 —
bien entendu, elle en paye le prix, de telle sorte qu'en
définitive le droit de martelage est plutôt un droit de
préemption ; d'ailleurs, l'administration de la marine pré-
fère le plus souvent ne pas l'exercer, et se fournir de bois
de commerce.
L'art. 62 du C. forest. interdit de créer dans les fo-
rêts de l'Etat aucun droit d'usage, de quelque nature et
sous quelque prétexte que ce soit; quant aux droits
d'usage qui existaient lors de la promulgation du G. forest.,
celui-ci en facilite la restriction et l'extinction. D'abord,
l'administration forestière a toujours le droit de réduire
l'exercice de ces servitudes, suivant l'état et la possibilité
des forêts, et sans aucune indemnité au profit des usagers;
cependant, et pour éviter les abus d'une restriction arbi-
traire, ceux-ci peuvent recourir au conseil de préfecture
pour faire vérifier la possibilité de la forêt. En second lieu,
l'administration a le droit de réglementer l'exercice de
l'usage ; pour les droits de pacage, paisson ou panage, elle
en fixe la durée qui ne peut être supérieure à trois mois
par an ; elle ne les tolère que dans les bois ou portions de
bois déf ensables i c.-à-d. qui, par leur âge et leur essence,
peuvent se défendre de la dent des animaux. Elle indique
les chemins que ceux-ci devront suivre, sous peine de con-
travention et d'amende ; elle fixe le nombre de ces animaux.
Ceux-ci doivent porter au cou une clochette, être marqués
d'un signe spécial ; de plus ils doivent être gardés par un pâtre
commun qui est responsable des dégâts. L'usager en bois
est également soumis à certaines prescriptions destinées à
éviter l'abus et le pillage des forêts. En principe, les usa-
gers, particuliers ou communes, ne peuvent jamais abattre
et façonner eux-mêmes le bois auquel ils ont droit : ce
bois leur est fourni par l'adjudicataire des coupes, après la
délivrance faite par les gardes forestiers. Parfois la déli-
vrance se fait en concédant une coupe aux usagers ; dans
ce cas, ils ne doivent pas l'exploiter eux-mêmes, mais faire
agréer un entrepreneur unique par l'administration. S'il
s'agitde bois de charpente, ils ne sont jamais délivrés qu'après
que leur emploi a été justifié par les plans du bâtiment à
construire, et ils doivent être mis en œuvre dans les deux
ans de l'abattage, passé lequel délai l'administration fores-
tière est en droit de s'en emparer. Il est interdit aux usa-
gers de vendre ou d'échanger les bois qui leur sont déli-
vrés et d'en changer la destination. Le droit reconnu aux
usagers de ramasser le bois mort ne peut s'exercer que sur
le bois gisant à terre, et il est défendu d'employer aucun
instrument ou crochet, etc. Enfin, et c'est la troisième
manière de restreindre les usages forestiers, l'administra-
tion peut les éteindre définitivement en les rachetant aux
titulaires ; le prix est fixé de gré à gré, ou, en cas de dé-
saccord, par les tribunaux : cette faculté de rachat s'ap-
plique indistinctement à tous les usages ; mais, en ce qui
concerne le droit de pâturage, elle ne peut pas s'exercer
lorsque ce pâturage est absolument indispensable aux habi-
tants d'une commune. Les droits d'usage qui s'exercent sur
le bois peuvent, de plus, être éteints par le cantonnement.
On appelle ainsi une opération particulière qui consiste à
transformer le droit d'usage en un droit de pleine propriété
sur une portion ou canton de la forêt : c'est une sorte
d'échange que seule l'administration peut demander, et qui
se règle de gré à gré, ou par l'intermédiaire des tribunaux,
esquels ont habituellement recours à une expertise. A côté
des droits d'usage que nous venons de parcourir et qui
s'exercent dans les bois de l'Etat, les habitants d'une com-
mune ont un droit particulier sur les bois et forêts de cette
commune : c'est ce qu'on appelle le droit d'affouage qui
consiste à prendre chaque année et gratuitement une cer-
taine quantité de bois de chauffage dans les forêts commu-
nales (V. Affouage).
L'administration a encore pour mission de constater et de
poursuivre les délits forestiers et les délits de chasse qui
leur sont assimilés, lorsque ces infractions ont été com-
mises dans des bois soumis au régime forestier. Les prin-
cipaux délits forestiers sont : l'enlèvement de produits du
sol forestier (art. 144), le passage en forêt avec instruments
prohibés (146), avec voitures (147), avec bestiaux (199),
la coupe ou la mutilation d'arbres (192), les délits des
adjudicataires de coupes (30) et des usagers (67), enfin, la
construction de certains bâtiments et usines à proximité
d'une forêt et dans un rayon prohibé (151). La constatation
matérielle de ces diverses infractions appartient aux gardes
et agents forestiers. D'après les art. 8 et 9 du C. d'instr.
criin., les gardes forestiers sont des officiers de police judi-
ciaire chargés de constater par procès- verbaux les délits et
contraventions commis dans les bois soumis au régime
forestier, dans l'arrondissement du tribunal devant lequel
ils ont prêté serment.
Ils ont de plus le droit de procéder à des saisies soit
pour garantir le payement des dommages-intérêts qui pour-
ront être dus, soit pour confisquer les instruments qui ont
servi à commettre un délit, ou pour restituer à l'adminis-
tration les bois coupés à son préjudice. Les saisies sont
réelles si le garde s'empare effectivement des objets saisis;
elles sont virtuelles s'il se borne à en prendre une des-
cription exacte tout en les laissant aux mains du délinquant.
Ils peuvent également procéder à des visites domiciliaires
quand les bois de délit ont été transportés dans une habi-
tation ou dans ses dépendances ; mais, pour l'exercice de
ce droit de perquisition, les gardes doivent être accompa-
gnés du juge de paix, de son suppléant, du maire ou de
l'adjoint. On admet toutefois que le procès-verbal dressé
par le garde à la suite d'une visite domiciliaire à laquelle
il a procédé seul n'est nul que si le propriétaire de la mai-
son s'est opposé à l'envahissement de son domicile ; au cas
contraire, on le considère comme ayant renoncé aux ga-
ranties de la loi, et le procès-verbal est valable. A la suite
d'une saisie réelle, le garde forestier met l'objet saisi en
séquestre, c.-à-d. qu'il en confie la garde à un tiers choisi
par lui et présentant des garanties de solvabilité. Le sé-
questre prend l'objet en charge et en devient responsable,
mais par contre il a droit à une indemnité proportionnelle
aux soins qu'il donne à la chose confiée à sa vigilance. Sur
le procès- verbal même de saisie , le garde mentionne la
mise en séquestre et dépose une expédition de cet acte au
greffe de la justice de paix. La mise en séquestre ne peut
s'appliquer, d'aprèsl'art.161 duC. forest., qu'aux bestiaux
trouvés en délit, aux voitures et attelages, et aux instru-
ments du délit : ces derniers sont définitivement perdus
pour le délinquant, à qui on les confisque; ils sont vendus
alors par le receveur des domaines, et le prix entre dans la
caisse du Trésor. Au contraire, les bestiaux, voitures et
attelages peuvent être restitués au délinquant, s'il les ré-
clame dans les cinq jours du procès-verbal, et si, après
avoir payé les frais, il donne caution bonne et valable. Si
ces conditions ne sont pas remplies, le juge de paix ordonne
la vente des animaux au marché le plus voisin ; le produit
sert tout d'abord à payer à l'administration les frais,
amendes, dommages-intérêts, et le surplus, s'il y en a, est
remis au délinquant. Pour faciliter leur mission, les gardes
forestiers ont le droit de se faire prêter main-forte par la
force publique qu'ils réquisitionnent à cet effet. Les com-
mandants de la force armée sont tenus d'obtempérer à
cette réquisition, sous les peines de l'art. 234 du C. pén.
Enfin, mais en cas seulement de flagrant délit, les gardes
forestiers peuvent procéder à l'arrestation du contreve-
nant et le conduire devant le juge de paix ou le maire
(G. forest., art. 163).
Ces divers droits de saisie, de séquestre, de visite domi-
ciliaire, de réquisition à la force armée et d'arrestation
appartiennent non seulement aux gardes de l'administra-
tion dans les bois soumis au régime forestier, mais encore
aux gardes particuliers et aux gardes champêtres, dans les
bois des particuliers et des communes ; nous signalerons
seulement deux différences : c'est que les gardes particu-
liers et les gardes champêtres ne peuvent requérir la force
publique que par l'intermédiaire du maire, et que, en cas
de vente de bestiaux saisis, le prix, défalcation faite des
- m
FORÊT
frais et amendes, est versé à la caisse des dépôts et consi-
gnations. Nous pensons que ces mêmes droits appartiennent
aussi aux agents forestiers qui sont chargés comme les
gardes, par l'art. 460, de rechercher et de constater par
procès- verbal les délits et contraventions commis dans les
bois soumis au régime forestier.
En principe, les procès-verbaux sont écrits en entier par
le garde ou l'agent, sur papier libre ; toutefois, en cas d'em-
pêchement absolu, ils peuvent être écrits par une autre
personne, pourvu qu'ils soient signés du garde ou de
l'agent, après que, pour éviter toute fraude, le juge de paix
en a donné lecture. Ainsi écrit, daté et signé, le procès-
verbal n'est pas encore parfait; il doit être affirmé devant
le juge de paix, le maire ou l'adjoint, au plus tard le len-
demain de sa clôture : cette affirmation est simplement
la déclaration sous serment que le procès-verbal est l'ex-
pression de la vérité. Les procês-verbaux émanant des
agents en sont dispensés. Enfin, tout procès-verbal doit
. être enregistré dans les quatre jours qui suivent l'affirma-
tion, pour ceux qui y sont soumis, ou la clôture, pour les
autres. L'enregistrement se fait en débet, pour les procès-
verbaux des gardes ou agents de l'administration ; ceux
des gardés particuliers, au contraire, acquittent les droits.
Une fois toutes ces formalités (qui sont prescrites à peine de
nullité) remplies, les procès-verbaux font foi jusqu'à ins-
cription de faux des constatations matérielles qu'ils ren-
ferment, à condition qu'ils aient été dressés et signés par
deux agents ; s'ils n'ont été dressés que par un seul, ils
font foi jusqu'à inscription de faux si la contravention ouïe
délit n'entraînent pas une condamnation totale de plus de
• 400 fr. ; sinon, ils ne font foi que jusqu'à preuve contraire.
D'ailleurs, le procès-verbal n'est pas le seul mode de prouver
une infraction en matière de forêts ; des poursuites peuvent
- encore se justifier, soit par la preuve par témoins, soit par
l'aveu du délinquant lui-même. Mais, pour exciter la vigilance
des gardes, l'art. 6 du C. forest. les rend responsables des
délits et dégâts qui ont lieu dans leurs triages, lorsqu'ils ne
les ont pas régulièrement constatés, alors même qu'ils n'au-
raient commis aucune négligence ; mais il est évident que
cette rigueur absolue est tempérée dans la pratique, et que
l'administration ne poursuit contre les gardes la réparation
d'un délit qu'ils n'ont pas constaté, qu'autant qu'on peut
leur reprocher une faute grave.
La constatation d'un délit forestier ou d'un délit de
chasse dans un bois soumis au régime forestier n'entraîne
pas toujours des poursuites devant les tribunaux de ré-
pression. L'administration a en effet, d'après l'art. 459,
la faculté de transiger avant tout jugement définitif. Cette
transaction est, en général, proposée par le délinquant qui
y trouve le double avantage de payer moins de frais et de
ne pas encourir une condamnation correctionnelle. La
somme, moyennant laquelle la poursuite est abandonnée, est
fixée, soit par le conservateur, soit par le vice-président du
conseil d'administration, soit par le ministre, suivant l'im-
portance du délit ; elle doit être payée dans les trente
jours, à peine de déchéance, et dès le moment qu'elle est
acquittée, ni l'administration, ni même le ministère public
ne peuvent plus exercer de poursuites à raison de ce fait.
A défaut de transaction, la justice répressive est saisie,
et le tribunal correctionnel est seul compétent pour con-
naître des délits et contraventions en matière de forêts et de
chasse, commis dans les bois soumis au régime forestier
(C. forest., art. 474). Quant aux délits ou crimes de droit
commun prévus par le code pénal, par exemple les incen-
dies volontaires et involontaires, ils sont jugés, soit par le
tribunal correctionnel, soit par la cour d'assises, confor-
mément aux règles ordinaires ; celles-ci s'appliquent encore
aux infractions commises dans les bois des particuliers. Mais
le tribunal correctionnel n'est compétent que pour le délit ou
la contravention, et il ne doit pas trancher les questions
d'étatoude propriété; notamment lorsqu'un individu pour-
suivi pour délit forestier soutient que le terrain sur lequel
s'est accompli le fait incriminé est sa propriété, tandis que
d'après l'administration il dépend des terrains soumis au
régime forestier, il y a là une question préjudicielle de pro-
priété, que les tribunaux civils seuls peuvent trancher ;
dans ce cas, le tribunal correctionnel doit surseoir jus-
qu'après la décision des juges civils. L'art. 482 du G. forest.
qui prévoit cette hypothèse détermine les règles suivant
lesquelles l'exception préjudicielle doit être admise et
jugée.
La poursuite est dirigée et le tribunal est saisi, soit par
le ministère public, comme en matière pénale, soit par
l'administration forestière, en la personne du garde géné-
ral, de l'inspecteur ou du conservateur. Le même droit de
citation directe, sans plainte préalable au parquet, appar-
tient encore à l'administration, mais par exception > pour
certains délits commis dans les bois non soumis au régime
forestier, notamment pour les infractions aux art. 249, en
matière de défrichement, 78 et 420, en matière de pâtu-
rage de moutons. Quand l'administration agit ainsi sans
l'intermédiaire du ministère public, c'est elle-même qui
rédige et fait délivrer par ses gardes au délinquant la cita-
tion qui l'appelle devant le tribunal ; c'est elle qui, par ses
agents, soutient la prévention et prend des conclusions et
qui, en un mot, joue le rôle du ministère public. Elle peut
aussi, et c'est la voie le plus généralement suivie, se bor-
ner à porter plainte au procureur de la République qui agit
alors selon les règles ordinaires.
L'action publique se prescrit par un laps de temps diffé-
rent selon que l'infraction a ou n'a pas été constatée par
un procès-verbal. Au premier cas, la prescription s'opère
par trois mois, si le nom du délinquant est énoncé au
procès-verbal, par six mois si ce nom n'y figure pas.
Quand il n'y a pas eu de procès- verbal, la prescription ne
s'opère que par les délais de droit commun, dix ans pour
les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les con-
traventions.
En même temps qu'elle poursuit la répression d'un fait
délictueux, l'administration peut se porter partie civile et
demander des dommages-intérêts pour la réparation du pré-
judice causé aux forêts dont elle a la garde : le ministère
public a d'ailleurs le même droit. Par dérogation aux règles
ordinaires, l'action civile survit, en matière de forêts, à
l'action publique, et lorsque celle-ci est éteinte par la mort
du délinquant, par prescription ou toute autre cause,
l'administration conserve le droit de réclamer des dom-
mages-intérêts devant le tribunal correctionnel et non pas
devant le tribunal civil. De même qu'elle a le droit de
transiger avant tout jugement, l'administration forestière
peut transiger, après jugement, sur le chiffre des condam-
nations pécuniaires prononcées par le tribunal. Cette tran-
saction peut être, soit une remise définitive d'une partie de
l'amende ou des dommages-intérêts, soit l'autorisation ac-
cordée au délinquant de se libérer au moyen de prestations
en nature consistant en travaux d'entretien ou d'amélio-
ration dans les forêts et sur les chemins vicinaux (art. °240).
C'est là, bien entendu, un acte de bienveillance auquel
l'administration peut mettre telles conditions qu'elle juge
convenables ; elle exige assez ordinairement que les pres-
tations soient faites immédiatement ou dans un délai déter-
miné. Enfin, à défaut de transaction, les peines se prescrivent
par les délais ordinaires : deux ans, pour les peines infé-
rieures à cinq jours de prison et 4o fr. d'amende, cinq ans
dans le cas contraire. Les jugements et arrêts rendus en
matière forestière sont susceptibles d'opposition, d'appel
et de pourvoi en cassation, d'après les règles ordinaires
dans lesquelles nous n'avons pas à entrer (V. Opposition,
Appel, etc.). F. Girodon.
III. Administration. — Direction des forêts. —
L'administration des forêts, chargée de gérer les forêts
de l'Etat, des communes et des établissements publics,
d'opérer les travaux de reboisement et de regazonnement
des montagnes et de la fixation des dunes, forme une
direction importante du ministère de l'agriculture.
Notions historiques. Les forêts firent partie du domaine
FORÊT
796
jusqu'à la fin du xme siècle, époque à laquelle fut créée
une administration spéciale des eaux et forêts qui subsista
jusqu'au 15 sept. 1791 (V. Domaine, t. XIV, p. 843).
Alors fut organisée une conservation générale des forêts
qui dépendit de la régie de l'enregistrement; le 16 nivôse
an IX (6 janv. 1801), elle fut affranchie de cette dépen-
dance et confiée à cinq administrateurs résidant à Paris ;
de nouveau rattachée à l'administration de l'enregistre-
ment et des domaines le 17 mai 1817, elle recouvra encore
son indépendance le 11 oct. 1820. D'autres modifications
furent apportées à ce régime le 26 août 1 824 : l'adminis-
tration des forêts fut confiée à un directeur général assisté
de trois administrateurs et rattachée au ministère des
finances. L'ordonnance du roi pour l'exécution du code
forestier (1er août 1827) maintint cette organisation.
Les places de directeur général et d'administrateurs furent
supprimées par l'ordonnance du 5 janv. 1831 qui stipula
que l'administration des forêts serait à l'avenir dirigée
par un directeur assisté de trois sous-directeurs formant
avec lui le conseil d'administration. Enfin, la direction
générale des forêts fut distraite le 15 déc. 1877 du mi-
nistère des finances et rattachée au ministère de l'agri-
culture et du commerce.
Organisation actuelle. Elle est réglée par le décret
du 14 janv. 1888. Le directeur des forêts dirige, sous
l'autorité du ministre de l'agriculture et dans les limites
le délégation qu'il lui donne, l'administration forestière. Il
a sous ses ordres trois administrateurs. Le conseil des
forêts, chargé d'assister le ministre, est composé du direc-
teur et des trois administrateurs. L'administration centrale
se compose : 1° D'un bureau du personnel intérieur des
forêts placé sous les ordres immédiats du directeur et
chargé des travaux suivants : Distribution du courrier
d'arrivée. Préparation du travail pour la nomination des
agents et préposés, mutations, intérims, congés, retraites,
missions. Feuilles de notes et renseignements sur le per-
sonnel. Avancement. Distinctions honorifiques. Mesures
disciplinaires. Répartition du fonds de secours. Indemnité,
organisation militaire. Nomination des officiers. Mobilisa-
tion. Ecole nationale forestière, école secondaire d'enseigne-
ment professionnel et Ecole des Barres. Affaires réservées.
— 2° Du premier hureau divisé en deux sections : A. Con-
tentieux, Acquisitions, où sont examinées les questions
de propriété, de servitude, d'usage et d'affectation. Bois
possédés à titre d'apanage et de majorât. Cantonnements
et rachats. Echanges, partages dans les bois domaniaux,
communaux et d'établissements publics. Instances adminis-
tratives et judiciaires. Instances correctionnelles. Remises
et modérations de condamnations. Dépaissance des bêtes
à laine. Concessions et tolérances dans les forêts doma-
niales. Suite des affaires de chasse devant les tribunaux.
Exécution des lois et règlements sur la chasse, la louve-
terie et la destruction des animaux dangereux ou nuisibles.
Conservation des espèces utiles. Etablissement et vérifi-
cation des créances concernant les frais d'instances et les
salaires dus aux conservateurs des hypothèques. Acqui-
sitions des terrains compris dans le périmètre de restau-
ration des terrains pouvant compléter ces périmètres.
Projets de contrats. Liquidation des acquisitions et expro-
priations. — B. Enseignement forestier. Matériel des
forêts : Secrétariat du conseil des forêts. Administrateurs.
Tournées spéciales. Examen des rapports de tournées et de
gestion des conservateurs et inspecteurs, des rapports
présentés aux conseils généraux et d'arrondissements.
Ecoles forestières. Indemnités et gratifications à l'occasion
d'incendies dans les forêts. Instructions et circulaires con-
cernant le service technique. Matériel forestier. Habille-
ment et équipement des chasseurs forestiers. Masse
d'entretien. Inspection d'armes. Bibliothèques forestières.
Marchés pour le transport d'objets de matériel. Fourni-
tures de bureau. — 3° Du second bureau également divisé
en deux sections : A. Aménagements : Préparation des
plans de campagne annuels pour études d'aménagements.
Aménagements domaniaux et communaux (partie forestière
et partie géodésique). Etats d'assiette. Coupe d'améliora-
tion, produits accidentels en bois, chablis, bois morts et
dépérissants, arbres mitoyens. Recépages, élagages, essar-
tements. Délimitation des bornages, délivrance de bois à
la marine, à la guerre et aux services publics. Délivrance
de bois de chauffage aux préposés, aux employés de divers
services publics. Travaux de régénération, de démasclage
et de mise en valeur des forêts de chêne-liège. Questions
économiques. Importations. Exportations. Mercuriales. Ré-
gime douanier. Industries utilisant les bois et les produits
divers des forêts. Statistique. Recherches et expériences
scientifiques. Météorologie forestière. — B. Exploitations :
Constitution et établissement du régime forestier domanial.
Affectation aux divers services publics (champs de tir, de
manœuvre, etc.). Régime forestier communal et des éta-
blissements publics. Soumission et distraction. Défriche-
ments et aliénations. Coupes extraordinaires. Vente des
coupes et produits de toute nature. Cahier des charges.
Concessions et locations : terrains, carrières, mines,
résines, écorces, lièges, alfa, menus produits. Amodia-
tion du droit de chasse dans les forêts de l'Etat. Location
de la pêche dans l'intérieur des forêts. Chasses réservées :
entretien et exploitation. Exercice de la dépaissance dans
les bois communaux et établissements publics et autres
tolérances dans ces bois. — 4° Du troisième bureau, divisé
en deux sections : A. Reboisement. Repeuplement. Dé-
frichement : Création et entretien des pépinières. Re vision
ou établissement de périmètres de restauration et de mise
en défens. Travaux et dépenses de toute nature. Subven-
tions. Réglementation des pâturages communaux. Défri-
chement des bois particuliers. — B. Travaux: Dunes,
travaux de mise en valeur d'entretien, de conservation et
de fixation. Routes, chemins, ponts, construction, restau-
ration, entretien. Subventions pour établissements de
voies de toute nature utiles à l'exploitation des forêts.
Expositions forestières. Concours régionaux. Emploi des
journées et fournitures obtenues au moyen de concessions
des menus produits ou d'impositions mises sur les coupes
dans les forêts de l'Etat. Relevé des travaux exécutés dans
les forêts communales et d'établissements publics par les
adjudicataires et entrepreneurs de coupes, les concession-
naires de menus produits et les préposés. Construction,
réparation et entretien des maisons forestières. Scieries et
bâtiments divers. Clôture et assainissement des forêts.
Curage des ruisseaux. Tranchées, précautions contre les
incendies. Assurances. Tableau général des propriétés de
l'Etat. Revision annuelle.
Services extérieurs. La France est divisée en 32 con-
servations forestières ainsi réparties : lre conservation
(Oise, Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise) ; 2e (Calvados,
Eure, Eure-et-Loir, Seine-Inférieure); 3e (Côte-d'Or);
4e (Meurthe-et-Moselle); 5e (Savoie, Haute-Savoie); 6e (Ar-
dennes, Marne); 7e (Aisne, Nord, Pas-de-Calais, Somme);
8e (Aube, Yonne); 9e (Vosges); 40e (Hautes-Alpes); 41e (Ar-
dèche, Drôme, Vaucluse); 12e (Doubs, Belfort); 43e (Jura);
44e (Isère, Loire, Rhône): 45e (Finistère, Ille-et-Vilaine,
Mayenne, Morbihan. Orne, Sarthe); 46e (Meuse); 47e (Ain,
Saône-et-Loire); 48e (Ariège, Haute-Garonne, Tarn-et-Ga-
ronne) ; 19e (Indre-et-Loire, Loiret, Loir-et-Cher, Loire-
Inférieure, Maine-et-Loire); 20e (Cher, Indre, Nièvre);
24e (Allier, Creuse, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne); 22e (Bas-
ses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées); 23e (Alpes-Maritimes,
Var); 24e (Charente, Charente-Inférieure, Deux-Sèvres,
Vendée, Vienne); 25e (Aude, Pyrénées-Orientales, Tarn);
26e (Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône); 27e (Gard, Hérault,
Lozère); 28e (Aveyron, Cantal, Corrèze, Lot, Haute-Loire);
29e (Gironde, Lot-et-Garonne, Landes); 30e (Corse);
34e (Haute-Marne); 32e (Haute-Saône). Pour les attribu-
tons des conservateurs, V. Conservateur des forêts, t. XII,
p. 533. Le service des aménagements est assuré par douze
inspecteurs répartis à Paris (4 re conservation), Nancy (4e),
Chambéry (5e), Epinal (9e), Gap (40e), Valence" (41e),
- 797 —
FORÊT — FORÊTS
Besançon (12e et 13e), Grenoble (14e), Toulouse (18e),
Pau (22e), Nice (23e), Carcassonne (25e); celui du reboi-
sement par 5 inspecteurs répattis dans les 5e, lUe, 14e,
22e et 23e conservations. Enfin, un service d'études d'amé-
liorations pastorales est installa dans la région des Alpes,
sous la direction d'un inspecteur en résidence àChambery.
Le service forestier de l'Algérie comprend trois conser-
vations (Alger, Oran, Constantine), avec des inspections
à Alger, Aumale, Médéah, Milianab, Orléansville, Mosta-
ganem, Mascara, Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Constantine,
Batna , Bône , Bougie , Djidjeli, Pbilippeville , Sétif et
une chefferie à La Galle. Il faut compter encore parmi les
services extérieurs l'Ecole forestière de Nancy et l'Ecole
des Barres (V. Ecole).
Outre les conservateurs et inspecteurs des forêts, le
personnel administratif comprend des gardes généraux,
des brigadiers, des gardes domaniaux et mixtes, des gardes
cantonniers, des préposés (V. Conservateur, Inspecteur,
Garde forestier). Le personnel de l'administration des
forêts entre dans la composition des forces militaires du
pays, Les préposés sont organisés suivant l'effectif des
compagnies, sections ou détachements de chasseurs fores-
tiers. Ces unités sont destinées à seconder en principe,
dans la région de leur service de paix, les opérations des
armées actives ou de la défense des places fortes. Les
conservateurs sont assimiles aux lieutenants-colonels de
réserve ou de territoriale, les inspecteurs aux chefs de
bataillon, les inspecteurs adjoints aux capitaines, les gardes
généraux aux lieutenants, les gardes généraux stagiaires
aux sous-lieutenants. Dès que l'ordre de mobilisation de
l'armée est dressé, le corps des chasseurs forestiers est à la
disposition du ministre de la guerre qui pourvoit à son
armement et au grand équipement ainsi qu'à la fourniture
du havresac et aux objets de campement. Le département de
l'agriculture assure l'habillement et le petit équipement
ainsi que l'entretien des armes en temps de paix. L'uni-
forme des chasseurs forestiers se compose d'une jaquette
ajustée en drap vert croisée sur la poitrine, collet droit
passepoiié en drap jonquille avec deux cors de chasse de
même couleur, d'un pantalon en drap gris bleuté clair avec
passepoils jonquille, d'un kepi en drap vert avec passe-
poils jonquille et cor de chasse sur le bandeau,* d'un collet
à capuchon en drap gris bleuté, d'une cravate en crêpe de
coton bleu de ciel foncé. Les brigadiers ont un galon de
soie verte sur fond argent, les gardes une tresse en
laine jaune et noire. L'uniforme des agents forestiers se
compose d'une tunique de drap vert foncé, col droit, avec
cor de chasse brodé argent mat, d'un pantalon en drap
gris bleuté orné de deux bandes en drap vert foncé. —
Pour les administrateurs et le directeur, le pantalon est
orné d'une bande en galon d'argent brodé, d'une capote-
manteau en drap vert foncé (sur le modèle des officiers
d'infanterie) avec cor de chasse en cannetille d'argent mat
brodé au collet, d'un képi en drap vert foncé toujours
avec le cor de chasse d'argent. Les gants sont en peau de
chevreau blanc (grande tenue) ou rouge brun (petite tenue) .
Les gardes généraux stagiaires ont comme insignes un
rang de soutache d'argent ; les gardes généraux, deux rangs ;
les inspecteurs adjoints, trois rangs; les inspecteurs, quatre
rangs ; les conservateurs, cinq rangs (le 2e et le 4e rang
en or) ; les administrateurs et le directeur portent au cof,
aux parements de la tunique et au képi, des broderies
argent encadrées de deux baguettes dentelées se regardant,
avec dents au passé. Le directeur porte une écharpe en
soie tricolore avec glands à grosses torsades d'argent.
Conservateur des forêts (V. Conservateur, t. XII,
p. 533).
IV. Art militaire. — Les forêts jouent un rôle impor-
tant à la guerre, soit qu'elles favorisent la marche d'une
armée en masquant ses mouvements, soit qu'on les utilise
comme obstacle dans la défense d'un terrain (V. Bois). On
sait le parti que Dumouriez sut tirer des collines boisées de
TArgonne pour cacher à l'ennemi l'audacieuse marche de
flanc qui décida du succès de la campagne. A Hohenlinden,
c'est au milieu d'une forêt que Moreau écrase les colonnes
de l'archiduc Jean qu'il a pu prendre entre deux feux,
gi'âce aux facilités que cette forêt lui a données, pour dé-
rober sa manœuvre tournante à l'ennemi. A Waterloo,
c'est grâce à la forêt de Soignes que Wellington, surpris à
Bruxelles par la nouvelle de l'approche de Napoléon, a pu
prendre ses dispositions à l'abri des regards de nos recon-
naissances. En 1870, les Prussiens que la connaissance
des aptitudes de leurs troupes rend très prudents et
qui aiment à dérober à la vue de l'ennemi une infanterie
qu'ils savent peu propre aux attaques à découvert, ont su
tirer un grand parti de nos bois et forêts, tandis que la
forêt d'Orléans mise à loisir et avec soin par nous en état
de défense, ne nous rendit pas les services que nous étions
en droit d'en attendre et cela par le manque de direction
dont souffraient nos armées à cette néfaste époque. La
forêt de Marchenoir, cependant, dont Chanzy avait su
faire le point d'appui de sa gauche, ne contribua pas peu à
la belle résistance de quatre jours qu'il oppo&a (7 au 10
déc.) aux troupes allemands de Mecklembourg et de Fré-
déric-Charles, sur les hauteurs de Yillorceau. Plus que
jamais, à cause des effets meurtriers des nouvelles armes,
on devra se servir des forêts, dans les campagnes de l'avenir.
Bibl. : Droit administratif. — Herbin de Halle, Petit
Manuel forestier, 1827. — Baudrillart, Code forestier,
1832. — Dupin, Code forestier, 1834. — Curasson, Code
forestier, 1836. — Coin-Delisle et Fréderich, Codé fores-
tier, 1839. — Meaume, Commentaire du Code forestier,
1845. — Puton, Législat ion forestière, 1876. — Des Chênes,
le Droit jpénal forestier, 1882.
FORÊT (La). Corn, du dép. du Finistère, arr. de Quim-
per, cant. de Fouesnant ; 1,858 hab. Petit port, dans une
anse au fond de la baie de la Forêt ; mouillage derrière le
cap Coz. Commerce de bois, pêche d'engrais calcaires ma-
rins. Chapelle du xvie siècle ; clocher léger, point de recon-
naissance pour les navires. Autrefois, châtellenie qui ap-
partint, en 4382, à Jeanne de Retz, passa aux ducs de
Rohan, puis fut réunie à la couronne. Ch. Del.
Bibl. : De Miniac, Notice, dans Ports marit. de Fr.,
1879, t. IV.
FORÊT. Corn, de Belgique, prov. et arr. de Liège, sur
la Vesdre; 4,000 hab. Stat. du chem. de fer de Liège à
Cologne. Forges, laminoirs à zinc, fonderies de plomb,
usines de canons à fusil, filatures et fabriques de draps.
FORÊT-Auvray (La). Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Ar-
gentan, cant. de Putanges ; 601 hab. Tissus de chanvre
et de coton. Ancien château féodal en ruine. Menhir.
FQRÊT-de-Tessé (La). Corn, du dép. de la Charente,
arr. de Ruffec, cant. de Villefagnan ; 6°24 hab.
F0RÊT-du-Pau (La). Corn, du dép. de l'Eure, arr.
d'Evreux, cant. de Saint-André ; 247 hab.
FORÊT-du-Temple (La). Corn, du dép. de la Creuse,
arr. de Guéret, cant. de Bonnat ; 464 hab.
FORÊT-la-Folie. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des An-
delys, cant. d'Ecos ; 459 hab.
FORÊT-le-Roi (La). Corn, du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Rambouillet, cant. de Dourdan ; 315 hab.
FORÊT-NOIRE (V. SCHWARZWALD, ALLEMAGNE, BADE,
Wurttemberg).
FORÊT-Sainte-Croix ou Saint-Nicolas (La). Corn, du
dép. de Seine-et-Oise, arr. d'Etampes, cant. de Mériville ;
U6 hab.
FORÊT-sur-Sèvre (La). Com. du dép. des Deux-
Sèvres, arr. de Bressuire, cant. de Cerisay, sur la Sèvre-
Nantaise ; 920 hab. L'ancien château de la Forêt-sur-
Sèvre fut bâti par Duplessis-Mornay qui y mourut en
1623. Démoli pendant la guerre de Vendée, le château a
été reconstruit depuis.
FORÊTS (Dép. des). Ce département fut formé lors de
la réunion de la Belgique à la France, le 9 vendémiaire
an IV (1er oct. 1795). 11 était borné : au N., par les dép.
de FOurthe, de Sambre-et-Meuse et du Rhin-et-Moselle ; à
TE., par ceux du Rhin-et-Moselle et de la Sarre ; au S.,
par ceux de la Moselle, de la Meurthe et des Ardennes ; à
FORÊTS - FORËY
— 798
l'O., par ceux des Ardennes et de Sambre-et-Meuse. Le
département des Forêts avait pour chef-lieu Luxembourg.
Il était divisé en 4 arrondissements (Neufchâteau, Luxem-
bourg, Bitbourg etDieckirch),en 28 cantons et en 383 com-
munes. D'après le dénombrement envoyé par le préfet au
ministre de l'intérieur, le 21 pluviôse an IX, sa population
était à cette époque de 218,404 hab. F. -A. A.
Bibl. : Charles Oudiette, Dictionnaire géographique et
topographique des 13 départements; Paris, 1804-1805, 2 vol.
in- 8.
FOREUSE (Mécan.). La plus simple des foreuses se
compose d'un C rigide dont la branche supérieure porte une
vis terminée par une pointe conique qui s'engage dans la
tête d'un vilebrequin solide, en fer, muni d'une mèche. La
branche inférieure du C est formée de deux pattes que l'on
fixe sur ou contre l'objet à percer. La pression sur la mèche
est exercée au moyen de la vis dont la tète en boule est
percée de quatre trous, ce qui permet de la serrer avec une
broche. Si le trou à forer est de dimension assez grande
Foreuse à moteur.
pour que l'effort de l'ouvrier ou le vilebrequin ne soit pas
suffisant, on remplace ce dernier par un fût à vis que l'on
maintient dans la direction voulue,. avec sa mèche, à l'aide
de cales ; la partie inférieure du fût est dentée et reçoit
une clef dite clef à rochet, dont la longueur du levier, ou
manche, varie avec la dimension du trou. Lorsque dans les
ateliers le nombre de trous à forer est considérable, on em-
ploie des machines mues par une transmission ; le mouve-
ment communiqué à la mèche est ainsi beaucoup plus rapide
et les trous sont percés plus vite. Ces machines sont de
formes très diverses; nous n'en décrirons que quelques
types. La machine à percer comprend un socle solide en
fonte, scellé sur une fondation et surmonté d'une colonne
sur laquelle est enclaveté un bâti en U, à branches iné-
gales, qui porte les divers agencements de la machine. La
commande de la machine, placée entre ces deux bran-
ches, se compose d'un mouvement de tour ; sur l'extré-
mité de l'arbre porteur du cône, on voit un engrenage
conique qui imprime un mouvement de rotation au porte-
outil ; celui-ci est guidé par deux forts colliers ajustés sur
la face avant de la longue branche du bâti supérieur. Le
mouvement de serrage de l'arbre porte-mèche peut être
effectué automatiquement à l'aide d'une vis réunie à la
partie supérieure de cet arbre, et ayant pour écrou la che-
ville d'une roue d'engrenage. Le pignon qui commande cette
roue est monté à l'extrémité supérieure d'un arbre verti-
cal à la main de l'outil ; sur ce même arbre sont placés
un rochet fixe et un levier à douille libre qui porte à l'une
de ses extrémités un cliquet qui peut commander le rochet,
et son autre extrémité s'articule avec le levier d'un excen-
trique que porte la douille du pignon qui fait tourner le
porte-mèche. A chaque tour de la mèche, l'excentrique fait
faire au levier une oscillation et par suite une fraction de
tour du rochet qui commande ainsi le serrage. La table de
la machine est mobile autour de la colonne et peut être
élevée ou abaissée en mettant en jeu la vis commandée par
des clefs à rochet. L'un des côtés de cette table est formé
d'un plateau sur lequel on peut poser l'objet à percer ;
l'autre porte des mors entre lesquels l'objet peut être saisi.
Lorsque les pièces sont de trop grandes dimensions pour
pouvoir être convenablement placées sur le plateau d'une
machine à colonne, on fait usage d'une foreuse dite radiale ;
un socle en fonte porte boulonné un pivot autour duquel
peut tourner toute la machine, et le chariot porte-mèche
peut occuper n'importe quelle position sur toute la longueur
d'un bras horizontal.
Pour la construction des navires en fer, les tôles doivent
être percées d'un grand nombre de trous ; on fait usage à
cet effet d'un banc à forer. Cette machine-outil se compose
d'un banc horizontal actionné par une machine à vapeur ou
par une transmission ; sur cet arbre on cale autant d'en-
grenages coniques que l'on veut mener de forets à la fois.
Des désembrayages appropriés permettent d'employer le
nombre de forets que l'on désire. Pour cette même construc-
tion et principalement pour la liaison des plaques du blin-
dage avec le bordé, le perçage des trous est parfois diffi-
cile ; on fait alors usage d'une invention américaine connue
sous le nom d'arbre flexible, qui permet le forage dans une
position gênée, grâce aux contours que l'on peut faire éprou-
ver à cet arbre. Lorsqu'il s'agit de percer des pièces d'une
matière moins résistante que les métaux, comme le bois,
par exemple, on emploie des vrilles ou des tarières; mais,
dès que le nombre des trous devient un peu considérable,
il faut avoir recours à des procédés plus perfectionnés. On
se sert alors de mèches que l'on peut mouvoir, soit à l'aide
d'un arçon qui leur imprimera un mouvement de rotation
alternatif très rapide, soit en les emmanchant à l'extrémité
d'un vilebrequin analogue à celui dont on se sert pour les
métaux. L. Knab.
FOREY (Elie-Frédéric), maréchal de France, né à Paris
le 5 janv. 1804, mort à Paris le 20 juin 1872. Sorti de
l'Ecole militaire de Saint-Cyr en 1824, il fut nommé sous-
lieutenant au 2° léger et n'eut d'abord, malgré la part qu'il
prit à nos premières campagnes d'Afrique, qu'un avance-
ment assez lent. Il ne devint capitaine qu'en 1835. Sa
belle conduite pendant la retraite de Constantine (1836) et
à l'affaire des Portes de Fer (1839) lui valut d'être appelé
en 1840 au commandement d'un bataillon de chasseurs à
pied, à la tête duquel il se distingua de nouveau et conquit
rapidement sous Bugeaud le grade de colonel (4 nov. 1844).
Rentré en France, il fut, après la révolution de Février et
par la protection de Cavaignac, nommé général de brigade.
Il n'en fut pas pour cela plus fidèle à la République. Gagné
secrètement, comme plusieurs autres généraux, par Louis-
Napoléon, il seconda de toute son énergie le coup d'Etat du
2 décembre 1851 et réprima sur les boulevards de Paris,
avec une grande rigueur, dans la journée du 4, la résis-
799 —
FOREY — FOREZ
tance des citoyens qui s'étaient armés pour la défense
de la constitution. Aussi devint -il divisionnaire peu de
jours après (22 déc). Placé en 1854 à la tête de la division
de réserve de l'armée d'Orient, il exerça quelque temps
par intérim et sans succès le commandement des troupes
de siège devant Sébastopol. La faveur de Napoléon III ne
l'abandonna pourtant pas. Chef de la première division de
l'armée de Paris (1857), il fit, à ce titre, deux ans plus
tard, partie du 1er corps de l'armée des Alpes, eut l'hon-
neur de culbuter l'avant-garde autrichienne à Montebello
(20 mai 1859), dut à ce succès le grade de grand-croix
de la Légion d'honneur et, à la fin de la campagne, fut
élevé à la dignité de sénateur (16 août).
La guerre du Mexique ayant éclaté à la fin de 1861 et
n'ayant pas été tout d'abord très heureuse pour nos armes,
Forey fut mis, en juil. 1862, à la tète du corps expédition-
naire qui, sous le générai de Lorencez, venait d'échouer
devant Puebla. Pourvu de puissants moyens d'exécution,
que n'avait pas eus son prédécesseur, nommé ministre plé-
nipotentiaire, investi d'une autorité civile aussi étendue
que ses pouvoirs militaires, il commença par assurer pu-
bliquement la nation mexicaine qu'il ne venait pas attenter
à sa liberté et qu'elle resterait maîtresse de se donner un
gouvernement de son choix. Mais en même temps il frappait
de séquestre les biens des Mexicains qui résisteraient aux
armes et aux vues du gouvernement français (sept. 1862).
Ses opérations militaires, qu'il ne put commencer que
quelques mois plus tard, eurent bientôt pour résultat la
prise de Puebla (17 mai 1863) et la soumission de Mexico,
où Forey se hâta d'instituer de sa propre autorité un trium-
virat qui allait préparer les voies à Maximilien (V. ce
nom). Récompensé de ses derniers services par le bâton de
maréchal (2 juil.), il ne tarda pas à repartir pour la
France (1er oct. ), où il reçut le commandement du
2e corps d'armée (24 déc. 1863) et plus tard (1867) celui
du camp de Châlons. Mais à dater de cette dernière époque
il fut atteint de paralysie. Aussi ne put-il prendre aucune
part à la guerre de 1870-1871, qui ne précéda que de
peu de temps sa mort. A. Debidour.
FOREZ (Forisium, comitatus Forensis ou Forisien-
sis, Four ays, Forey s, Forets). Ancienne province de la
France. Son nom vient du nom latin de son ancienne capi-
tale Feurs (Forum Segusiavorum). Les armes de la pro-
vince étaient : de gueules, au dauphin d'or.
Histoire territoriale du Forez. — Le Forez occupe
l'ancien territoire des Ségusiaves et pendant la domination
romaine fit partie de la circonscription dont Lyon était le
chet-lieu. Après les invasions et la formation du royaume
burgonde, il fut incorporé au pagus Lugdunensis et divisé
en trois parties : Yager Forensis avec Feurs pour capi-
tale, qui s'étendait sur les archiprêtrés de Mostbrison, de
Pommiers, de Néronde et de Courzieux ; Yager Rodanensis
ayant Roanne pour centre, et Yager Garensis, depuis le
pays de Jarez s'étendant sur le bassin du Gier. A la mort
de Gondicaire, le Forez appartint avec le Lyonnais au
royaume de Gondebaut jusqu'à la conquête franque de
534 ; uni ensuite au royaume de Provence créé pour Charles,
troisième fils de l'empereur Lothaire, incorporé à la Lo-
tharingie, puis au royaume de Bourgogne que Boson cons-
titua en 870, il forma avec le Lyonnais, à partir de Louis
l'Aveugle, un comté qui comprenait la portion de l'ancien
pagus Lugdunensis située sur la rive droite de la Saône et
du Rhône. Cette union dura jusqu'au xie siècle, où, à la
suite de discussions entre le comte et l'archevêque, ce der-
nier garda seul la possession de la ville de Lyon. Les comtes
qui avaient successivement pris pour capitale Feurs et Ise-
ron s'établirent avec Guillaume III définitivement à Mont-
brison. Le royaume de Bourgogne avait été rattaché à l'Em-
pire ; le comté de Forez reconnut le roi de France pour
suzerain. La lutte entre les comtes et les archevêques de
Lyon se termina en 1173 par une transaction qui contient
F « acte de naissance du comté de Forez ». L'archevêque
gardait la ville de Lyon, le territoire de Vienne, une partie
de la vallée de la Saône et le district de Saint-Chamond ;
le nouveau comté se composait de tout le territoire situé au
N. de Nervieux, Amions, Urfé, Cervières et Thiers. Néan-
moins ses frontières étaient encore vagues ; le diocèse de
Mâcon l'entamait et s'étendait jusqu'à la rive gauche de la
Loire avec les paroisses de Briennon et le Charluois ; un arrêt
de 1222 passé entre Guy IV, Renaud et Ulrich, enfants du
comte de Mâcon, rattacha au Forez la châtellenie deCrozet
et ses appartenances. Un acte de 1223 conclu entre le
même comte et Marie de Bourgogne, dame de Semur,
arrêta le Brionnais à Changy et à Semur. En 1222, Guy IV
et flumbert VI de Beaujeu fixent les limites entre le Forez
et le Beaujolais, limites qui s'étendent depuis le ruisseau
de Ganz au port de Roanne et à la voie Sayette. Enfin par
une convention signée en 1317 entre Jean Ier et le sieur
de La Roue, la frontière entre le Forez et le Livradois fut
marquée par deux cents bornes, et cette frontière fut la
même que celle qui sépare encore aujourd'hui le dép. de
la Loire et celui du Puy-de-Dôme ; par celle de 1368 entre
Louis Ier et Jeanne, comtesse du Velay, on adopta comme
séparation entre les deux provinces l'embouchure de la
rivière d'Anse. Le Forez augmenté, sous le gouvernement
de Jean et par son mariage avec Alix de Viennois, de toute
la partie du diocèse de Vienne qui se trouvait sur la rive
droite du Rhône, partie qui forma plus tard le bailliage de
Bourg -Argental, ensuite de la vicomte de Thiers qu'il per-
dit au xiii8 siècle et momentanément de la seigneurie de
Beaujeu, resta circonscrit dans ces limites jusqu'au moment
où il passa à la maison de Bourbon, puis fut réuni à la
couronne. Il forma ensuite avec le Lyonnais la généralité
de Lyon, sous la Révolution le dép. de Rhône-et-Loire
(V. ce mot), et aujourd'hui, avec la majeure partie de
l'ancien Beaujolais, le Jarez, quelques parcelles du Lyon-
nais, du Maçonnais, de la Bourgogne, et le Charluois, le
dép. de la Loire.
Histoire politique des comtes et du comté de Forez.
— Le Forez et le Lyonnais, détachés du royaume de Bour-
gogne, furent sous les Carolingiens gouvernés par des fonc-
tionnaires, des comtes, que La Mure et Aug. Bernard ont
voulu considérer comme la souche des comtes héréditaires
du Forez. Ceux-ci n'apparaissent qu'avec Guillaume Ier
institué par Louis l'Aveugle et vivant en 913. Son fils Guil-
laume II, vivant vers 923, mourut sans enfants et laissa le
gouvernement à son frère Artaud Ier (945-960) dont l'au-
torité devint à peu près souveraine. Son fils, Gérard IGV
(960-990), lui succéda. L'histoire de ces comtes est assez
obscure et leur nom n'apparaît que dans les suscriptions
de donations ou de fondations religieuses. Avec Artaud II,
mort vers 999, les traits de leur vie politique se précisent.
C'est sous son gouvernement que commence à Lyon la
lutte entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, lutte
qui devait aboutir à la création du comté de Forez. Conrad,
roi de Bourgogne, avait fait élire en 979 son fils naturel,
Burchard, archevêque de Lyon, et lui conféra d'importants
privilèges, tels que le droit de battre monnaie et d'exercer
une autorité absolue sur la ville de Lyon et sa banlieue.
L'exercice de la souveraineté devenant impossible à Ar-
taud II, il émigra à Feurs et à Iseron. En mourant il laissa
deux fils mineurs, Artaud et Gérard ; leur mèreThéodeberge,
usufruitière du comté, se remaria avec Ponce de Gévaudan
qui prit pendant quelque temps le titre de comte de Forez ;
enfin, à la majorité à' Artaud III, décédé vers 1017, Gé-
rard II, son frère, lui succéda et essaya vainement, à la
mort de Burchard, de lui donner son fils comme successeur;
il fut chassé de Lyon par les soldats de l'empereur. Ar-
taud IV, fils de Gérard (10S0-1079), continua la guerre
contre l'église de Lyon ; le pape Grégoire Vît l'excommu-
nia au concile de Worms de 1076.* Après lui vint Guil-
laume III, dit Guillaume l'Ancien, très pieux, qui fonda
l'hôpital de Montbrison peu de temps avant de partir pour
la première croisade à laquelle il prit part avec les évêques
du Puy et d'Avranches, et Gérard, comte de Roussillon ; il
fut tué dans un assaut au siège de Nicée en 1097. Son
FOREZ
800 -
fils, Guillaume IV, mort en 1107, déclara officiellement
Montbrison capitale du comté.
Avec lui s'éteint la lignée des comtes de la première race.
Ceux de la seconde race, issus des dauphins de Viennois,
vont gouverner jusqu'en 1372.
Après la mort de Guillaume IV, le comté échut à son cousin,
Guy Ier, fils de Guy-Raymond d'Albon et d'Ida Raymonde,
sœur de Guillaume III. Sous son fils, Guy 7/(1135-1210),
la vieille querelle entre les comtes et les archevêques reprit
plus active. Tandis que les archevêques de Lyon se tour-
naient du côté de l'empereur et qu'Héracle venait en 1157
taire à Arbois, à Frédéric Barberousse, hommage en échange
duquel l'empereur lui donna d'importants privilèges par la
Bulle d'or, les comtes de Forez se ralliaient à la cause de
la monarchie capétienne, et Guy Ier avait reçu à Montbrison
le roi Louis le Gros, allant guerroyer dans le Velay, et lui
fit hommage de son comté. En mourant il recommanda son
fils en bas âge à Louis le Jeune ; celui-ci le fit élever à la
cour et le renvoya comblé de bienfaits. Héracle, fort de
l'appui impérial, entreprit de dépouiller Guy II et l'attaqua
dans Iseron. Celui-ci écrivit pour demander du secours à
Louis VII occupé à soumettre la seigneurie de Polignac ;
le roi en Forez et sa présence fit tout rentrer dans Tordre.
Il lui concéda même en route la garde de tous les grands
chemins dans toute l'étendue du comté et des terres qui en
dépendaient, concession qui fut confirmée par Philippe-
Auguste en 1198. La lutte se termina par un accord fait
en 1167 par lequel, tout, excepté la dîme, fut déclaré com-
mun dans Lyon entre les deux pouvoirs. Cet acte était la
source de trop de conflits pour qu'il pût durer. Louis VII
intervint auprès d'Alexandre III qui ménagea en 1173 une
autre transaction par laquelle la séparation entre Lyon et
le comté fut prononcée et des limites lurent tracées. Guy II
se croisa en 1182; après quelques succès dans l'Escia-
vonie, il revint en Forez en 1184 et se retira au monas-
tère de La Bénissons-Dieu qu'il avait fondé et où il mourut.
On lui doit aussi rétablissement des hospitaliers à Chazelles
et à Montbrison, et la fondation de l'abbaye de Beaulieu près
de Roanne qu'il donna à l'ordre de Fontevrault. Guy III
d'Outremer (1198-1202), son fils, mourut avant lui. Il prit
part à la quatrième croisade ; mais, laissant le gros de l'armée
aux prises avec les Vénitiens, il alla droit en Palestine où
il mourut; il fut enterré à Nicée. Guy IV (1202-1241)
n'avait que quatre ans à la mort de son père et eut pour
tuteur son oncle Renaud dont l'élection au siège de Lyon
avait mis définitivement fin aux luttes séculaires entre le
Forez et le Lyonnais. Son gouvernement fut très impor-
tant, car c'est avec lui que se fixent les frontières du
Forez et que commence le mouvement communal dans le
comté, mouvement qu'il favorisa. Il guerroya contre le
seigneur de Thiers et le comte d'Auvergne et se fit re-
marquer par son attachement à la couronne de France.
Pendant que Philippe-Auguste gagnait la bataille de Bou-
vines, il remportait une victoire contre Ferdinand, oncle de
Ferdinand de Portugal, qui avait envahi le bassin du Rhône,
et l'amena prisonnier à Paris. Il octroya des chartes de
franchises et des privilèges à Montbrison (nov. 1223), à
Saint-Rambert (1224), Sury-le-Comtal, Crozet (1236). Sur
la fin de sa vie, il se croisa en 1239 et mourut à son re-
tour sur les confins de la Pouille le 29 oct. 1241. Il se
signala par ses libéralités aux églises, fonda la collégiale
de Montbrison, et posa la première pierre de l'église de
Montbrison qui devint le lieu de sépulture des comtes. Il
avait épousé en premières noces Mahaut, fille de Guy de
Dampierre, comte d'Auvergne, et en 1225 la veuve du
comte de Nevers, Mahaut de Courtenay. Son fils, Guy V,
surnommé Guigonet (1241-1259), lui succéda après quel-
ques difficultés que lui suscita Guillaume de Baffie, le fils
d'une femme que son père avait répudiée ; il le jeta en pri-
son, puis obtint sa renonciation grâce à l'intermédiaire de
saint Louis (1244). Il prit part à la septième croisade et
mourut le 12 sept. 1259 sans enfants ; il accorda des fran-
chises à Villerest en 1252. Se voyant sans postérité, il
avait associé au gouvernement son frère Renaud qui lui
succéda. Marié en 1247 à Isabeau de Beaujeu, veuve de
Simon de Semur, il est désigné généralement sous le nom
de Henaud de Semur; il fit la dernière croisade et mourut
à Montbrison le 13 nov. 1270 des suites de ses fatigues ; il
concéda des franchises à Saint-Galmier (1266) et à Saint-
Haon-le-Châtel (1270). Son fils, Guy F/, meurt en 1278.
Avec Jean Ier (1278-1 333) le caractère de serviteurs de la
royauté française qu'avaient pris les comtes de Forez devient
plus net. Très jeune à la mort de Guy VI, il eut pour tuteur
Guy de Levis, et épousa Alix de Viennois en 1295, et, une
fois en possession de son comté, fut un de ses seigneurs à la
fois guerriers, diplomates et légistes tels que les aimait Phi-
lippe le Bel. Il prit part à la campagne de Flandre, repré-
senta plusieurs fois le roi à la cour des souverains pontifes,
contribua à la réunion de Lyon à la couronne et eut dans
cette ville, en 1316, la garde du conclave d'où sortit l'élec-
tion de Jean XXIII. Cependant, s'il ne prit pas part au mou-
vement de réaction féodale qui signala le règne de Louis X,
il ne fit rien pour empêcher les révoltes qui eurent lieu dans
le Forez et qui aboutirent à la ligue de protestation contre
le gouvernement du feu roi, dont les réclamations sont con-
tenues dans l'acte d'union entre les nobles de Bourgogne, du
Forez et de Champagne de 1325. Il acquit une grande faveur
sous Philippe le Long, fit partie du conseil étroit, jouit d'une
grande réputation comme administrateur et jurisconsulte;
il lut convoqué pour tenir les grands jours du Languedoc.
C'est lui qui acheta à Paris, en 1320, les maisons appel-
les depuis hôtel du Forez. Pour le récompenser de tous
ces services, Charles le Bel déclara par lettres de 1327 que
le comté de Forez ressortirait dorénavant du parlement de
Paris. Son fils, Guy VU (1313-1358), servit Philippe VI
dans sa lutte contre l'Angleterre au N. de la France, fut
désigné par lui comme un des chefs de l'armée qu'il donna
à Jean, roi de Bohême, pour l'aider à faire la conquête de la
Lombardie, expédition qui fut infructueuse, et porta le titre
de lieutenant général pour le roi en Touraine, Anjou,
Maine, Poitou, A unis et Saintonge. Après le désastre de
Poitiers, les Anglais sous la conduite de Robert Knolles
envahissent le Limousin; en face du danger prochain,
Guy VII s'unit au comte d'Auvergne et arrête les progrès
de l'étranger. Il mourut le 23 juin 1358 après avoir épousé
Jeanne de Bourbon. Son successeur, Louis Ier (1358-
1362), vit les ravages des Anglais dans le Forez, l'incendie
de Montbrison, et, après la paix de Brétigny, une fraction
des grandes compagnies, les Tard- Venus, pénétrèrent dans
le Lyonnais venant du Beaujolais ; les seigneurs coalisés
de la région les battirent à la bataille de Briguais (4 mars
1362) ou Louis fut tué et son frère Renaud fait prisonnier.
Le cousin de Louis, Jean II (1362-1372), lui succéda;
mais c'était un esprit faible et sa mère lui donna comme
tuteur son oncle Renaud récemment sorti de captivité.
Renaud mourut en 1368, laissant de fort mauvais souvenirs
de son administration ; pressé d'argent, il engagea le comté
de Forez au duc d'Anjou, roi des Deux-Siciles, pour
30,000 fr. d'or. Louis de Bourbon fut nommé tuteur de
Jean II, et, avant qu'il ait pris possession de sa charge,
Jean fit à sa mère Jeanne de Bourbon une donation de son
comté. Celle-ci voulut considérer l'acte comme valable,
malgré l'imbécillité de son fils, et Louis de Bourbon éprouva
de sérieuses difficultés qui se terminèrent en 1371 par une
convention dans laquelle Jeanne obtenait que son nom
figurât sur les actes publics à côté de celui de son fils. Louis
de Bourbon épousa à Arde en Auvergne, en 1368, Anne,
fille de feue Jeanne de Forez, sœur de Jean II, qui devait
apporter le comté dans sa maison . A la mort de Jean II,
la douairière renouvela ses prétentions à son héritage ; pen-
dant quelque temps il y eut deux gouvernements ; finalement,
Louis transigea en acceptant le conseil qu'elle avait choisi,
puis elle se désista de ses droits en 1 376 et mourut en 1402.
Avec Louis Ier de Bourbon, comte de Forez, commence
la troisième et dernière branche des souverains de ce pays.
Le nouveau comte débuta par faire exécuter en 1373 un
801 —
FOREZ
inventaire général par Pierre Gayand, secrétaire de la
chambre des comptes de Beaujolais, de tous les titres exis-
tant dans la chambre des comptes de Montbrison, puis en
1395 il fit renouveler tous les terriers. Louis, dont la chro-
nique a été écrite par Jean Cabaret d'Orville, fut avant
tout un chevalier. Il alla en Prusse combattre les Lithua-
niens (1374), en Espagne les Portugais (4387), en Afrique
les musulmans de Tunis (1391). Sous son administration
les ravages des Anglais recommencèrent en Forez ; chacun
se défendait. Le pays comptait plus de quarante villes
closes et autant de bourgades, et les envahisseurs furent
battus entre Roanne et Perreux au lieu dit cimetière des
Anglais. Louis mourut en 1410. Sa femme, Anne, resta
seule chargée d'administrer le Forez. Cette province qui
sous le premier comte de la maison de Bourbon possédait
encore quelque reste d'une vie propre, sous son succes-
seur Jean Ier (1410-1423) est définitivement rattachée au
Bourbonnais. Elle eut à souffrir delà guerre civile, fut dé-
vastée par les bandes bourguignonnes et tandis que le duc
de Bourbon reconnaissait Henri VI, un seigneur de Da-
nières équipa tous les hommes valides de son fief en 1422
et les amena au roi de Bourges. Son dévouement fut ré-
compensé par l'exemption à perpétuité pour lui et ses
hommes de toute espèce d'impôts : de là l'origine des exempts
de Dernières. Jean mourut en Angleterre en 1433. —
Charles Ier succéda à Jean ; il nomma son frère naturel
Guy de Bourbon son lieutenant général dans le Roannais ;
Charles prit parti pour le dauphin Louis pendant la révolte
de la Praguerie et Guy lui ouvrit les portes de Saint-Haon-
le-Châtel que Charles VII assiégea ; le pays fut pacifié lors
du mariage de Louis avec Charlotte de Savoie à Feurs
(1452). A Charles, mort en 1456, succède Jean II (1456-
1487). Il s'associa à la ligue du Bien public et provoqua
la campagne de Louis XI dans le Forez ; dans la suite il
resta fidèle à la cause royale et repoussa les Bourguignons
de Charles le Téméraire. — Pierre II (1487-1503), le
mari d'Anne de France, ne laissa qu'une fille, qui épousa
Charles de Bourbon, connu sous le nom de connétable de
Bourbon. Sa femme Suzanne avait fait un testament en
sa faveur, testament dont la validité fut attaquée par la
reine mère Louise de Savoie, descendante des ducs de Bour-
bon. La trahison du connétable permit de saisir le comté
de Forez qui fut réuni effectivement à la couronne, malgré
les stipulations du traité de Madrid par lequel Charles-
Quint assignait la restitution des biens du connétable. La
réunion officielle fut prononcée en 1531 et effectuée en
1 532 ; les réclamations des Bourbons-Montpensier furent
annulées en 1560.
Le Forez n'a dorénavant plus d'histoire ni d'institutions
propres. Au moment de sa réunion à la couronne, il était
administré par le bailli du Forez ou de Montbrison, dont
l'autorité s'étendait sur tout le comté. Sous le rapport judi-
ciaire, il avait sous ses ordres le bailliage de Bourg- Ar-
gental, ou d'au delà des bois, ou encore Entre-Forêts
(auparavant Malleval), au S.-E. ; au S.-O., le bailliage des
ressorts de Forez en Velay ou du Chauffour, et enfin le
bailliage de Saint-Ferréol. La cour présidiale siégeant à
Montbrison était tenue par le bailli et souvent par le juge
du Forez, lieutenant général des quatre baillis, assisté du
procureur général du comté. A cette cour aboutissaient les
appels. Au-dessous étaient trente-quatre châtellenies ; enfin
chaque mandement avait un sergent chargé de l'exécution des
ordres judiciaires. Auprès du comte était le chancelier. Sous
le rapport financier, une cour des comptes siégeait à Mont-
brison, un trésorier-receveur était assisté d'un contrôleur
et d'un secrétaire-greffier du domaine. Le Forez était un
pays de droit écrit. Après sa réunion à la couronne, le Fo-
rez devint l'apanage du duc d'Anjou, ensuite il fut donné
en jouissance à la reine Isabelle, veuve de Charles IX, puis
à Louise de Vaudemont, veuve de Henri III ; enfin, il fit partie
de l'apanage des reines mères Marie de Médicis et Anne d'Au-
triche jusqu'en 1 643, après quoi il resta dans le domaine tant
que dura l'ancienne monarchie. Maurice Dumoulin.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Bibl. : De La Mure, Histoire universelle, civile et ecclé-
siastique du pays de Forez; Lyon, 1674, in-4, suivi de
l'Astrée sainte. — Du même, Histoire des ducs de Bour-
bon et comtes de Forez; Paris, 1868, 3 vol. in-4. — Du
même, Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon ; Lyon,
1671, in-4. — Le Laboureur, les Mazures de l'isle Barbe }
Lyon, 1665, 2 vol. in-4. — Aug. Bernard, Histoire du Fo •
rez ; Montbrison, 1835, 2 vol. in-8. — Du même, Histoire
territoriale du Lyonnais, dans Recueil de mémoires et de
documents sur le Forez publié par la « Diana », t. I à V.
— Antoine, Histoire du Forez; Saint-Etienne, 1883, in-12.
— P. Gras, Armoriai du Forez; Saint-Etienne, 1874, in-8.
FOREZ (Monts et plaine du). Les monts du Forez
comprennent le vaste groupe montagneux qui sépare la
vallée de la Loire de celle de l'Allier et qui commence aux
environs du Donjon et de La Palisse. Il augmente graduel-
lement de hauteur et de largeur à mesure que l'on s'avance
vers le S., et sa base se trouve nettement limitée par deux
lignes droites divergentes, partant de l'embouchure de la
Besbre et allant l'une à TE. sur Montbrison et Saint-Mar-
cellin, l'autre à l'O. sur Issoire. Le massif atteint là son
maximum de largeur et il est borné par deux autres lignes
qui suivent le cours de la Loire et celui de l'Allier pour se
réunir à Pradelles où les deux cours d'eau ne sont séparés
que par une arête de 14 kil. d'épaisseur. De même que sa
largeur, son altitude augmente en allant du N. au S. ;
son point culminant est au mont Herboux ou Pierre-sur-
Haute (1,640 m. au-dessus du niveau de la mer et 1,270
au-dessus de la plaine du Forez). Son altitude moyenne
est de 1,300 m. — Vus de loin, les monts du Forez pré-
sentent l'aspect de croupes arrondies, s'abaissant en pentes
douces ; point de pics, nulle sommité saillante; ils sont ce-
pendant sillonnés transversalement par des vallées étroites
et profondes. Les monts du Forez se divisent en trois par-
ties : les monts du Forez proprement dits au centre,
orientés S.-S.-E., N.-N.-O.; les monts de la Madeleine,
parallèles aux premiers, et les monts de la Chaise-Dieu
plus connus sous le nom de monts de Livradois et dis-
tingués des monts du Forez par la plupart des géographes.
La chaîne du Forez proprement dite s'étend sur une lon-
gueur de 110 kil., et avec une épaisseur de 25 kil. de
Cusset sur l'Allier à Monistrol sur la Loire ; elle se com-
pose d'une succession de chaînons obliques essentiellement
granitiques. En allant du N. au S. on rencontre successi-
vement le chaînon des Bois-Noirs avec le puy de Monton-
celle(i^9^ m.) comme point culminant; celui du bois
la Faye au pied duquel passe, au col de Noirétable, la
ligne de Saint-Etienne à Thiers ; le chaînon de VHermitage,
couvert de bois ; le chaînon de Pierre-sur^ Haute (d'au-
cuns l'écrivent Pierre-sur- Autre), la cime la plus haute
de tout le système, et enfin la crête de Saint-Bonnet-le-
Château. — Les monts de la Madeleine constituent un
groupe à part, en majorité porphyrique, limité à l'O. par
la Besbre, à l'E. par la plaine de Roanne, et couvrant une
espace de 15 kil. sur 60. Ils naissent aux environs de
Saint-Just-en-Chevalet et se perdent au N. dans la plaine
aux environs du Donjon ; leur point culminant est aux
Bois de l'Assise (1,165 m.). Ils se rattachent aux monts
du Forez par le col de Saint-Priest-la-Prugne, au pied du
Montoncelle. Les monts de la Madeleine sont flanqués à
FO. de la plaine de Roanne, d'une longue crête s'étendant
de Saint-Martin d'Estreaux à la route de Roanne à Saint-
Just-en-Chevalet et connue sous le nom générique de la
Côte*
Aux pieds des monts du Forez s'étendent deux plaines
séparées par le plateau de Neulize que la Loire franchit
au saut du Pinay : la plaine du Forez et la plaine de
Roanne. La plaine du Forez commence au S. du plateau
triangulaire de Saint-Etienne accoté à la base N. du Pilât.
Elle est bornée à l'E. par les monts du Beaujolais, à l'O.
par les monts du Forez, au N. par le plateau de Neulize.
La Loire la divise en deux parties inégales; son ait.
moyenne est de 370 m. au-dessus du niveau de la mer.
Elle doit sa faible pente à l'horizontalité de ses bancs ter-
tiaires ; en quelques points, toutefois, surgissent, formés
par des couches redressées, de petits cônes d'origine vol-
51
FOREZ — FORFICULE
802 —
canique. A l'extrémité N. de la plaine du Forez se trouve
la plaine de Roanne formée au N. par les derniers escar-
pements des monts du Charolais. Ces deux plaines étaient
jadis, la première dans la partie qui avoisine Montbrison à
TE., la seconde dans sa partie N.-O., couvertes d'étangs
qui ont été asséchés. L'une et l'autre sont très fertiles,
principalement sur les points formés par les alluvions de
la Loire et qu'on nomme les chambons ; elles possèdent
de beaux pâturages, des prés d'embouche qui servent à
l'élève du bétail et atteignent des prix fort élevés.
Maurice Dumoulin.
FORFAIT. Convention faite entre deux parties, et d'après
laquelle un contrat doit être exécuté dans des conditions
déterminées, et sans que les bases n'en puissent être
ultérieurement discutées, quel que soit le résultat de l'opé-
ration. On appelle aussi forfait la négociation d'effets de
commerce, avec la convention que, en cas de non-paye-
ment, celui qui escompte (tireur ou endosseur) ne sera
soumis à aucune responsabilité ni recours. Cette convention
donne lieu à la perception d'une commission, variable avec
l'importance de l'opération et ; urtout avec la solvabilité du
payeur qui, dans presque tous les cas, devient pour l'es-
compteur le seul obligé. G. François.
Clause à forfait (V. Clause).
Forfait de communauté (V. Communauté convention-
nelle).
FORFAIT (Pierre-Alexandre-Laurent), ingénieur mari-
time et administrateur français, né à Rouen le 2 avr. 4752,
mort à Rouen le 9 nov. 1807. Nommé dès 1773 membre
de l'académie de Rouen, il obtint la même année une com-
mission d'ingénieur-construcleur surnuméraire au port de
Brest, fut envoyé en 4 783 devant Cadix, à bord du Ter-
rible, rendit dans cette circonstance de précieux services
et fut chargé en 1787 de construire des paquebots trans-
atlantiques pour les relations de la France avec ses colo-
nies et les Etats-Unis ; son type de 800 tonneaux réunit
tous les suffrages. Enl791, au retour d'une mission d'études
en Angleterre, il fut envoyé par le dép. de la Seine-Infé-
rieure à l'Assemblée législative. Il y siégea parmi les mo-
dérés. A l'expiration de son mandat, il ne fut pas réélu,
reprit les fonctions de directeur du service maritime du
Havre, qui lui avaient été confiées en 1789, et donna une
vive impulsion aux chantiers de construction de ce port,
pour lesquels il inventa une frégate d'un nouveau modèle :
la Seine. Inquiété durant quelques jours seulement sous
la Terreur, il reçut en 4795 le titre d'inspecteur général
des forêts, eut à la même époque le service d'approvisionne-
ment de Paris par la Seine, qu'il assura au moyen de lougres
exécutés d'après ses plans, et présenta en 4797 au premier
consul, au sujet de l'établissement d'un port militaire à
Anvers, un remarquable travail qui détermina la création
dans cette ville d'un grand arsenal. Ce fut encore lui qui,
après la victoire d'Augereau, reçut mandat d'aller prendre
possession de la flotte vénitienne et qui, lorsque l'expédition
d'Egypte eût été décidée, fut chargé de tous les détails de
l'organisation navale. Après le 48 brumaire, Bonaparte
l'appela au ministère de la marine et des colonies. Il con-
serva ce portefeuille jusqu'au 1er oct. 4804 et signala ses
vingt-trois mois d'administration par d'importantes réformes:
organisation du conseil des prises, création des préfec-
tures maritimes, etc. Nommé ensuite conseiller d'Etat, ins-
pecteur général de la flottille de débarquement en Angle-
terre, préfet maritime au Havre, -— d'où il repoussa à deux
reprises les Anglais, en 4798 et en 4805, — puis à Gênes,
il fut en butte durant les dernières années de sa vie à des
accusations calomnieuses qui aboutirent à sa disgrâce (4806).
Il était depuis 4784 membre de l'académie de marine et
depuis 4789 correspondant de l'Académie des sciences de
Paris. Outre de nombreux mémoires, articles et rapports
insérés dans les recueils des sociétés dont il faisait partie
et dans le Dictionnaire de marine de Y Encyclopédie métho-
dique, il a écrit : Traité élémentaire de la mâture des
vaisseaux (Paris, 1788, in-4). Léon Sagnet.
Bibl. : P. Levot, Notice biographique sur M. Forfait;
Brest, 1845, in-8.
FORFAITURE. En ancien droit on désignait ordinai-
rement sous ce nom une prévarication commise par un
officier public dans l'exercice de sa charge et pour laquelle
il encourt la destitution. D'après une ordonnance de Louis XI
du 24 oct. 4467, la forfaiture pouvait donner lieu à la
confiscation d'un office au- profit du roi, mais l'office ne
pouvait recevoir une nouvelle attribution qu'après que la
forfaiture avait été jugée. On appelait aussi forfaiture des
délits commis en matière d'eaux et forêts (ordonn. de
4669). Enfin, en droit féodal, on nommait quelquefois for-
faiture la félonie du vassal envers son seigneur ; forfai-
ture implique l'idée de déchéance, forts factura, mise
hors. Le fief était enlevé au vassal, soit pour toujours, soit
pour un temps limité. Les cas où cette déchéance était
encourue étaient nombreux et les seigneurs ne craignaient
pas, pour augmenter leurs revenus, de les multiplier
(V. Félonie et Fief). G. R.
Le code pénal qualifie forfaiture « tout crime commis par
un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions »
(art. 466). Toute forfaiture pour laquelle la loi ne pro-
nonce pas de peines plus graves est punie de la dégrada-
tion civique (art. 167). Les simples délits ne constituent
pas les fonctionnaires en forfaiture. Le forfaiture est pro-
noncée contre les magistrats qui auraient fait poursuivre
ou mis en accusation un ministre ou un membre des
Chambres ou du conseil d'Etat sans les autorisations pres-
crites par les lois de l'Etat ; contre les fonctionnaires qui se
seraient mis en grève ; contre les magistrats qui s'immis-
ceraient dans l'exercice du pouvoir législatif ou dans les
matières attribuées aux autorités administratives; contre
tout juge ou administrateur qui se serait décidé par fa-
veur pour une partie ou par inimitié contre elle.
FORFAR ou ANGUS. Comté d'Ecosse (V. .ce mot);
2,279 kil. ; 284,116 hab. Il touche à l'E. à la mer du Nord,
s'adosse à l'O. aux Highlands. Il s'étend entre les comtés
d'Aberdeen et de Kincardine au N. , de Fife, au S. et de Perth
à l'O. Il comprend quatre régions distinctes, auN. le Braes
d'Angus, région montagneuse couverte dé landes et de
marécages, coupée de belles vallées fertiles ; entre celle-ci
et la zone côtière, plaine riche et fertile, s'étendent des pays
de collines, le Strathmore, et les collines de Sidlaw. Le
principal sommet est le Glas Meal (4,067 m.); le plus
haut du district de Sidlaw, formé de grès, est le Kinpirnie
(346 m.). Le comté d'Angus est bien arrosé par un grand
nombre de cours d'eau parmi lesquels nous citerons le
Dean Water, l'Isla, l'Esk du S. et l'Esk du N. Les champs
occupent 40 °/0 de la superficie totale, les bois 6 °/0, les
prairies 5 °/0. On comptait, en 1885, 50,000 bœufs et
432,000 moutons. La chasse et la pêche (du saumon
surtout) sont fort productives. Les principales industries
sont la confection des draps et des toiles, qui occupent près
de 50,000 personnes. Le chef-lieu du comté est Forfar.
FORFAR (Archibald Douglas, comte de), né le 3 mai
4653, mort le 23 déc. 4712, fils d'Archibald, comte d'Or-
monde. Créé comte de Forfar après la Restauration (2 oct.
4664), il siégea au Parlement de 4670, fut un partisan
actif du prince d'Orange et servit avec zèle la couronne
dans les Parlements du règne de Guillaume III. Il fut lord
de la Trésorerie de 4 688 à 4707. — Son fils Archibald, né le
25 mai 4693, mort à Stirling le 3 déc. 4845, porta le
titre de lord Wandell jusqu'à la mort de son père. Nommé
colonel en 4743, il fut en 4744 envoyé extraordinaire
à la cour de Prusse, servit dans l'armée du duc d'Argyll
lors de la répression de la révolte de l'Ecosse en 1715,
et reçut une blessure mortelle à la bataille de Scheriffmuir
(13 nov.).
FORFICULE ou PERCE-OREILLES. I. "Zoologie. —
Placés primitivement par Fùssly (4775) parmi les Coléop-
tères, sous le nom de Coléoptères à pinces, les Forficules
forment, dans l'ordre des Orthoptères, un groupe spécial et
très remarquable, celui des Forficulides, qui correspond aux
803 —
FORFICULE — FORGACH
Labidoures de Duméril et Léon Dufour, aux Labiroïdes
d'Erichson, aux Dermaptères des auteurs anglais (Leach,
Kirby, Stephens), aux Dermatoptères de Burmeister et
d'Huxley, aux Euplexoptères de Westwood et aux Har-
moptères de Fieber.
Ces insectes ont un faciès des plus caractéristiques;
leurs couleurs varient entre le brun et le jaune testacé
pâle; ce n'est qu'exceptionnellement qu'elles présentent
un éclat métallique. Le corps est allongé, déprimé, avec la
tête dégagée, rétrécie postérieurement, en forme de cou,
le prothorax carré ou rectangulaire, et l'abdomen élargi,
terminé, dans les deux sexes, par une pince formée de
deux branches cornées, recourbées et mobiles, que Bur-
meister considère comme les homologues des cerques
anaux des Orthoptères proprement dits. La tête, dépourvue
d'ocelles sur le front, porte deux antennes filiformes, de
longueur variable, insérées entre les yeux et ayant de 42
à 40 articles. Les segments de l'abdomen, imbriqués obli-
quement sur les côtés comme chez les Guêpes, cachent les
stigmates. Les pattes sont courtes et exclusivement propres
à la course, et les ailes antérieures, lorsqu'elles existent,
sont des élytres coriaces, toujours beaucoup plus courtes
que l'abdomen, à suture droite et tout à fait analogues
aux élytres des Coléoptères du groupe des Staphylinides.
Quant aux ailes inférieures, elles ont une structure com-
pliquée et très remarquable. D'abord en éventail comme
dans les Orthoptères proprement dits, chacune d'elles se
replie ensuite deux fois en travers comme chez les Coléop-
tères, de sorte qu'au repos complet le bord supérieur dépasse
plus ou moins l'élytre sous forme d'une petite écaille colorée.
Les Forficules ne subissent qu'une demi-métamorphose.
Les femelles, dépourvues d'oviscapte, pondent leurs œufs
en tas dans de petites cavités
du sol, sous les pierres, dans
les lieux humides; elles les
surveillent, les transportent
au besoin çà et là afin qu'ils
aient toujours l'humidité né-
cessaire à leur évolution, et
paraissent même les couver.
Les jeunes larves et les nym-
phes ne diffèrent guère des
adultes que par la taille plus
petite, l'absence totale d'ailes
et le moindre développement
de la pince abdominale ; celle-
ci paraît constituer, pour les adultes, une arme défensive,
mais elle est peu redoutable, et il faut que les espèces soient
de bien forte taille pour qu'elle puisse entamer la peau
jusqu'au sang. Elle leur sert surtout à déployer leurs ailes
dont les replis sont si complexes.
Les Forficules sont des insectes lucifuges qui re-
cherchent les endroits obscurs. On les trouve, presque tou-
jours réunies en petites sociétés, sous les pierres, dans les
fissures des arbres ou des murs, sous lesécorces, dans les
excréments desséchés, dans les débris végétaux, souvent
même au milieu des feuilles enroulées par d'autres insectes
et dans les fruits fissurés ou gâtés. Elles sont très agiles
et courent avec rapidité dès qu'on a mis à découvert le
lieu de leur retraite ; leur nourriture est exclusivement
végétale; toutefois, renfermées ensemble sans aliments,
elles se dévorent les unes les autres. Depuis les temps les
plus reculés, on a affirmé, et l'on croit encore communé-
ment aujourd'hui, qu'elles pénètrent dans les oreilles des
personnes endormies, et qu'à l'aide de leur pince abdo-
minale, elles parviennent à s'introduire dans la tète ; d'où
leur nom vulgaire de Perce-Oreilles. C'est là une grosse
erreur qu'on ne doit pas se lasser de réfuter chaque fois
que l'occasion se présente. Il n'est pas impossible, sans
doute, qu'un de ces insectes pénètre fortuitement, pour
se cacher, dans le conduit auditif de personnes couchées
par terre, mais cette pénétration ne peut être que momen-
tanée ; car, arrêté par la membrane du tympan, l'insecte
Forficula auricularia mâle.
ne peut aller bien loin et il ressort vite de cette cavité. En
réalité, le nom de Perce-Oreilles vient simplement de la
ressemblance que présente leur pince anale avec l'instru-
ment dont se servaient autrefois les joailliers pour percer
le lobule auriculaire afin d'y placer un anneau.
Pour l'étude du groupe des Forficulides, il convient de
consulter surtout l'importante monographie ( Versuch einer
Monogr. der Dermaptoren) publiée par M. H. Dohrn
dans Stettin Entomol. Zeitung, 4863-1867. Ce groupe
a des représentants dans toutes les régions du globe, avec
prédominance du nombre des genres et des espèces dans
les pays chauds, suivant la loi la plus habituelle du dé-
veloppement organique. En Europe, l'espèce la plus répan-
due est le Forficula auricularia L., ou Grand Perce-
Oreilles de Geoffroy, au corps glabre, d'un blanc ferru-
gineux, avec les yeux noirs et quatre tubercules sur le
dernier segment de l'abdomen. Sa longueur varie entre
9 et 45 millim. Chez le mâle, la pince anale, aplatie et
dentée à sa base, est ensuite cylindrique, complètement lisse
et fortement infléchie en dehors vers son milieu ; celle de
la femelle est plus courte, à peu près droite et courbée en
dedans au bout. Cet insecte, extrêmement commun partout,
occasionne souvent de grands dégâts dans les jardins en
rongeant les boutons des pêchers en espalier, les tiges à
fleurs des œillets ou des auricules et les jeunes pousses
des dahlias. Ils attaquent également certains fruits mûrs,
comme les abricots, les prunes, les pêches, les poires, sur-
tout quand ils sont fissurés. Très souvent aussi on en trouve
dans les grappes de raisin. Pour s'en débarrasser, les jar-
diniers emploient divers moyens : les uns se servent d'er-
gots de mouton, de cornes de bœuf ou simplement de
cornets de papier; les autres, des tiges creuses de roseau,
du grand soleil (Heliantkus annuus L.), ou de quelque
grande ombellifère; d'autres, enfin, font des petits fagots
avec de la paille légèrement humectée ou des brindilles,
qu'ils suspendent le soir le long des espaliers ou autour
des œillets et des dahlias. Dès que le jour commence à pa-
raître, les Forficules viennent se réfugier dans ces abris
pour se mettre à l'abri de la lumière ; il suffit alors de les
secouer pour faire tomber les insectes que l'on écrase ou
que l'on brûle. Ed. Lefèvre.
II. Paléontologie. — On trouve des insectes de la fa-
mille des Forflcularidœ dans le lias inférieur de Schambe-
len (Argovie) : c'est le genre Baseopsis (Heer) qui indi-
querait des passages entre les Orthoptères et les Coléop-
tères. — D'autres, plus nombreux, se trouvent dans le
tertiaire, mais ne sont abondants nulle part. Le genre
Labiduromma (Scudder) est de l'oligocène de Florissant
(Colorado). Ce genre, remarquable par ses gros yeux, a
quelques espèces d'assez grande taille (V. Orthoptères
[Paléont.]). E. Trt.
FORFRY. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Dammartin; 477 hab.
FORG. Ville de la province de Laristan en Perse. Elle a
20,000 hab. qui exercent différentes industries, et est très
riche en plantations de dattiers. Elle est assez moderne ;
le nom pourtant se retrouve déjà dans les textes de Darius,
comme attaché à la montagne tout près de laquelle elle est
située, et nommée le mont Paraga.
FO R6AC H . Nom d'une grande famille hongroise, dont les
membres se sont signalés dans l'Eglise catholique, dans l'ar-
mée ou dans les hautes fonctions civiles. Les plus connus sont :
Biaise Forgâch,qui en 4 386 délivra la reine Marie de Charles
de Durazzo : dès lors, chaque fois qu'un Forgâch avait une
audience du roi de Hongrie, une épée nue devait se trouver
sur la table. — - François Forgâch (4506-4560), évêque de
Nagyvarad et annaliste. — Adam Forgâch (4604-4681)
qui gagna son titre de comte dans les guerres contre les
Turcs. — Le comte Ignace Forgâch (4702-4772), un des
bons généraux de Marie-Thérèse. — Le comte Antoine
Forgâch (4849-4885), savant juriste, administrateur et
financier, qui se montra dévoué à la maison d'Autriche
dans les années les plus difficiles. E. S,
FORGE
— 804
FORGE. I. Industrie. — On appelle forge l'établisse-
ment où se fabrique le fer. C'est dans cette acception que
Ton dit : forge à la catalane, forge comtoise ou à l' alle-
mande, forge à l'anglaise. On donne aussi le nom de forge
à l'opération par laquelle on communique au fer la forme
que réclament les besoins de l'industrie, et à l'atelier où
cette opération s'exécute (V. Forgeàge). Ici nous ne nous
occuperons que de la première acception du mot; nous
caractériserons chacun des genres de forge en nous éten-
dant un peu sur les forges à la catalane qui ont été les
premiers progrès réalisés sur les méthodes simples qu'em-
ployaient les peuples de l'antiquité dès l'âge du fer et que
nous retrouvons encore chez les peuplades sauvages. Le
minerai de fer est converti, dans une seule opération, en une
matière soudable et malléable, par Faction du charbon de
bois. La forge ou foyer catalan doit son nom d'une part à
sa forme, d'autre part à la Catalogne, où pendant des
siècles elle fut exclusivement employée. Le procédé catalan
a été, jusqu'au milieu du siècle, en grande faveur dans le
midi de la France, surtout dans le dép. de l'Ariège, séparé
de la Catalogne par les Pyrénées. Une forge catalane se
compose essentiellement d'un foyer ouvert, d'une soufflerie
et d'un lourd marteau ; si l'on emploie, pour donner le
vent, l'appareil appelé trompe^ la forge doit s'établir dans
une localité pourvue d'une chute d'eau d'au moins 3m50.
L'hématite brune, pas trop compacte, et les minerais spa-
thiques, sont les minerais ordinairement traités ; le com-
bustible est toujours le charbon de bois. Des documents
historiques prouvent que le procédé direct d'extraction du
fer était pratiqué dès \ 293 dans les Pyrénées françaises,
mais il est probable qu'il existait même avant cette époque.
A l'origine, il paraît avoir été établi sur une très petite
échelle, dans le genre des installations actuelles des Hin-
dous. Le creuset déjà en usage au xvne siècle dans les pro-
vinces espagnoles de la Navarre et du Guipuzcoa, ainsi
que sur la frontière française au bord de la Bidassoa, con-
sistait en une petite cavité ovale, plus large en haut qu'en
bas, de manière à présenter la forme d'un tronc de cône
aplati et renversé. Il n'y avait qu'une tuyère débordant à
l'intérieur et à l'extérieur, au-dessus et au milieu de l'une
des longues faces de l'ovale. Le creuset était en maçon-
nerie revêtue de bandes de fer et fixée dans une cuve en
cuivre qui le garantissait de l'humidité.
De nos jours le creuset, feu ou foyer, consiste simplement
en une cavité formée par quatre faces. Il est renfermé
dans une halle, sur un des murs de laquelle il s'appuie
toujours et dont il est seulement séparé par un petit mur.
Les dimensions ont varié dans les différentes forges, sou-
vent dans les mêmes, à diverses époques. C'est dans le
creuset que se fait la réduction du minerai ; au fond est un
mélange d'argile et de poussière de charbon de bois destiné
à protéger le sol contre la corrosion des scories produites.
Chaque paroi porte un nom particulier, la tympe, les
costières, la rustine ; une tuyère servait à introduire le vent.
Voici comment le travail se faisait dans les dernières années :
le minerai était, entassé sur le devant du creuset, les plus
gros morceaux au fond et les plus fins à la surface. Le
creuset étant rempli de charbon de bois, était chauffé par
le vent de la tuyère. Les gaz produits par cette combustion
agissaient sur le minerai et en préparaient la réduction.
En marche courante, le charbon de bois occupait le côté
de la tuyère et le minerai restait sur le devant. Au fur et
à mesure que la réduction se faisait, les morceaux de mi-
nerai entraient en fusion, le fer se carburait, passant à
Tétat de fonte et celle-ci s'affinait sous l'action oxydante
de la tuyère pour passer à l'état de fer aciéreux. Le fer
spongieux se rassemblait en une sorte de boule ou loupe
qui flottait sur un bain de scories. Lorsque l'opération
avait produit une boule de métal suffisamment volumineuse
et convenablement affinée, les ouvriers la soulevaient au
moyen de ringards ou leviers en fer, et, la saisissant avec
une grosse tenaille, la portaient sous un marteau puissant
mû mécaniquement et qui séparait les scories. Dans la
même opération, cette loupe était façonnée en une barre
plate ou carrée. Comme procédé métallurgique, la méthode
catalane n'était pas bien parfaite, car elle nécessitait en-
core, dans ces dernières années, plus de trois tonnes de
minerai à 60 °/0 de fer et tout autant de charbon de bois.
On chargeait donc environ 1,800 kilogr. de fer pour n'en
retirer que 1,000 kilogr. Ce qui constituait le véritable
progrès, c'était la diminution de la main-d'œuvre par
l'emploi de moyens mécaniques pour le soufflage et le
martelage. Le soufflage se faisait par la trompe, 'appareil
d'origine italienne (V. Trompe catalane), et le martelage
par des marteaux hydrauliques (V. Marteau).
Dans les contrées montagneuses, abondantes en minerais
riches et en bois propre à faire du charbon, le procédé
catalan a pu prospérer jusqu'en ces dernières années. Les
feux des Pyrénées espagnoles, les feux de la Finlande, de
la Suède, les feux liguriens des Alpes liguriennes, les feux
corses, les feux russes diffèrent peu des feux catalans ; la
méthode consiste toujours dans l'extraction directe du fer
des minerais sans passer par la fonte, en se servant du
foyer dont nous avons parlé plus haut. Dans cette méthode,
la température produite étant relativement faible et la
déperdition de la chaleur étant très grande à cause de la
nature du fourneau, on ne peut employer que des minerais
contenant au moins 40 °/o de fer ; mais le peu de frais d'éta-
blissement que nécessite son emploi a fait qu'elle s'est conser-
vée jusqu'à nos jours. Pourtant, nous l'ajoutons, elle aura
complètement disparu d'ici peu d'années devant les procédés
industriels nouveaux de fabrication du fer et de l'acier.
La forge comtoise obtient la réduction complète des mi-
nerais par le traitement au haut fourneau, tandis que, dans
la forge cajtalane, la gangue entraîne à l'état de silicate une
grande partie de l'oxyde de fer. On peut donc obtenir du
fer avec tous les minerais, riches ou pauvres, par la mé-
thode comtoise. La fonte, en sortant du haut fourneau, est
coulée en longs parallélépipèdes ou gueuses que l'on décar-
bure ensuite dans un bas foyer ou feu d'affinerie. Cet
affinage ou décarburation se fait, comme dans la méthode
catalane, en présence du charbon de bois et par l'action
oxydante d'une soufflerie également hydraulique, mais
moins primitive que la trompe.
La forge à l'anglaise permet de traiter tous les mine-
rais par le combustible minéral, généralement moins cher
et plus abondant que le combustible végétal. La forge à
l'anglaise comporte le haut fourneau, la finerie et le pud-
dlage. Dans le haut fourneau, le minerai est transformé
en fonte par le coke produit par la carbonisation de la
houille (V. Haut Fourneau). Dans la finerie ou mazerie,
la fonte subit un commencement d'affinage au contact du
coke et est transformée en fme-métaf ou fonte mazée
(V. Fine-métal), qui se distingue surtout de la fonte or-
dinaire en ce que la majeure partie du silicium de celle-ci
a disparu, ce qui facilite l'opération finale du puddlage. La
décarburation du fine-métal se fait sur la soie d'un four à
réverbère, chaufié par la combustion de la houille, mais
sans contact avec celle-ci (V. Puddlage). Le fer obtenu
sous forme de loupes ou d'épongés imprégnées de scories
est séparé de celles-ci par le cinglage (V. ce mot, t. XI,
p. 405). Le produit obtenu a la forme de prismes irrégu-
liers appelés blooms, que l'on transforme en barres plates
ou en billettes carrées par l'ébauchage et le finissage entre
. des cylindres de laminoirs cannelés. Le côté défectueux
des foyers à l'anglaise est le puddlage, opération pénible
pour l'ouvrier. L'introduction du puddlage mécanique n'a
guère donné de résultats satisfaisants ; il faut donc se féli-
citer de l'importance de plus en plus grande que prend la
fabrication de l'acier doux et de l'extension des applications
de ce nouveau métal partout où on employait le fer.
L. Knab.
IL Artillerie. — Voiture à quatre roues servant pour
le ferrage des chevaux en route et en campagne et pour
les menues réparations du matériel. Les forges en service
dans l'artillerie sont de quatre modèles différents, savoir :
— 805 —
FORGE — FORGEAGE
pour les batteries montées, la forge de 90 et la forge
modèle 4827 transformée; pour les batteries à cheval, la
forge de 80 et la forge modèle 1858 transformée. Toutes
sont formées de deux trains réunis à suspension. La forge
de 80 (V. fig. ci-dessous) a un avant-train semblable à
celui de la pièce ; le coffre qui le surmonte s'ouvre par le
haut et renferme, indépendamment des outils de forgeur qui
constituent son chargement régulier, les approvisionnements
en clous à cheval, fers forgés et fers en barre, ainsi que des
outils spéciaux pour le ferrage des chevaux. L'arrière-train
est suspendu et se compose essentiellement d'une plate-
forme constituée par deux brancards entretoisés et suppor-
tant une flèche. La plate-forme porte en avant l'âtre sur
lequel la bigorne et son bloc sont couchés pendant les
marches ; derrière l'âtre est un contre-cœur, plaque mé-
tallique formant écran , puis un soufflet à enveloppe métal-
lique et à double effet ; enfin, plus en arrière, se trouvent
deux coffres renfermant: le premier du charbon, le second
des outils de serrurier. En enlevant ce coffre d'outils, on
découvre une tablette qui peut servir d'établi aux ouvriers.
Une servante portée par la flèche de l'arrière-train permet
de maintenir la forge horizontale lors même qu'elle est
Forge de 80 de campagne. A, armon ; B, brancard ; C, coffre d'avant-train; C, caisse à charbon ; C", coffre d'outils de
serrurier ; D, côté d'âtre ; F, flèche ; G, bloc de bigorne ; H, contre-cœur -, I, soufflet à enveloppe métallique ; K, sabot
d'enrayage ; R, ressort de la suspension ; S, servante d'avant-train ; S', servante d'arrière-train ; T, timon.
séparée de son avant-train ; un sabot sert pour l'enrayage
de la voiture. La l'orge modèle 4827 transformée ressemble
à la précédente, mais ses parties essentielles sont en bois au
lieu d'être en tôle d'acier. L'une et l'autre ont une voie de
4m52, pèsent vides 1 ,270 kilogr. et chargées 1 ,830 kilogr. ,
et s'attellent à six chevaux. La forge de 80 ne diffère de
celle de 90 que par ses dimensions ; elle a une voie de 4m43,
pèse vide 990 kilogr. et chargée 4,480 kilogr., et s'attelle
à quatre chevaux. La forge modèle 4858 transformée a la
même organisation, mais, comme celle modèle 4827, elle
est construite en bois. Il existe une forge par batterie mon-
tée ou à cheval, par section de munitions et par section de
parc ; la section de parc n° 4 a en plus sept forges spécia-
lement destinées aux réparations ; enfin l'équipage de pont
de corps d'armée est doté de trois forges. Dans les batte-
ries de montagne, la forge n'est pas montée sur roues ;
elle est transportée à dos de mulet. La forge de montagne
modèle 4884 actuellement réglementaire est renfermée dans
deux caisses de transport contenant : l'une un soufflet à
enveloppe métallique et un âtre ; l'autre une bigorne et
son bloc, un seau et les outils de maréchal ferrant. Sur le
bât portant les caisses est brêlée une sacoche à charbon
chargée.
Service des forges. — L'Etat ne possède pas de forges
et a recours à l'industrie privée pour la fabrication des fers,
foutes, acier, projectiles, etc., nécessaires pour approvi-
sionner ses ateliers de construction et de réparations. Les
forges dans lesquelles ces matières sont produites, dissé-
minées sur toute l'étendue du territoire, ont été réparties,
pour la commodité du service, en cinq arrondissements ou
sous-inspections, dépendant du service de l'artillerie, savoir :
les sous-inspections du Nord, ch.-l. Mézières ; de l'Ouest,
ch.-l. Rennes; du Centre, ch.-l. Nevers; de l'Est, ch.-l.
Besançon ; du Midi, ch.-l. Toulon. Un colonel d'artillerie,
sous le titre d'inspecteur des forges, centralise le service des
cinq arrondissements. Il reçoit du ministre les commandes
et les répartit entre les arrondissements. Il réside à Paris.
A la tête de chaque arrondissement se trouve un officier
supérieur (lieutenant-colonel ou chef d'escadron) ayant le
titre de sous-inspecteur. Il est assisté d'un sous-inspec-
teur adjoint et a sous ses ordres le nombre d'officiers et
d'employés nécessaire. Les capitaines en second d'artillerie,
détachés de leurs régiments au service des forges, sont
d'abord envoyés à la sous-inspection du Centre où ils sont
initiés à ce service particulier. Le sous-inspecteur passe
les marchés de gré à gré afin de n'avoir affaire qu'à des
industriels éprouvés. Les marchés sont soumis à l'approba-
tion ministérielle. Dans chaque usine se trouve un ouvrier
d'état ou un garde d'artillerie secondé par des militaires
ou des civils ; cet employé est chargé de la réception des
objets fournis par l'usine et de leur expédition. Les sommes
dues aux maîtres de forges sont ordonnancées par le mi-
nistre. Les officiers appartenant au service des forges sont
aussi chargés de surveiller la fabrication du matériel
(bouches à feu, affûts, etc.) qui peut être demandé à des
établissements de l'industrie privée.
FORGE (La). Corn, du dép. des Vosges, arr. et cant.
de Remiremont ; 358 hab .
FORGE (Louis de La) (V. Delaforge).
FORGEAGE (Métall.). Le forgeage, fondé sur la mal-
léabilité du fer chauffé au-dessus de la chaleur rouge, se
fait presque exclusivement au marteau, c.-à-d. par^choc
d'un bloc métallique sur l'objet placé sur une enclume.
Quand il s'agit de pièces de petite dimension, le forgeage
se fait à la main au moyen de marteaux mus à bras
d'homme. C'est ainsi que se fait la petite et la grosse
serrurerie, en ce qui concerne la forme à donner aux
pièces avant le finissage et l'ajustage. Le feu de forge qui
sert à ce travail est un foyer soufflé. La petite forge se
compose d'une aire en brique surmontée d'une hotte en
tôle pour l'évacuation des produits de la combustion. A
l'extrémité de cette aire, du côté où s'élève la hotte, on
trouve une buse ou tuyère par laquelle pénètre le vent.
Ce vent est donné, soit par un soufflet à contrepoids,
comme dans les forges des maréchaux, soit au moyen d'un
ventilateur, quand plusieurs feux sont réunis dans le même
atelier. Devant la tuyère, on maintient un conduit, en
tassant de la houille menue et mouillée sur un mandrin
FORGEAGE — FORGER
- 806 -
que Ton retire ensuite. On empêche ainsi la concentration
du foyer trop près de la tuyère, le conduit ainsi formé se
carbonisant quand on allume du feu à son extrémité et
permettant à un moment donné d'avoir un plus grand
volume de foyer. Le conduit est recouvert de charbon
mouillé, et c'est à son extrémité que se place l'objet à chauf-
fer que l'on recouvre de combustible humide. Le charbon
étant en contact direct avec la pièce de fer que l'on
chauffe, il faut éviter qu'il renferme du soufre, autrement
celui-ci pourrait influencer la qualité du fer. Lorsqu'on a
de grosses pièces à manier, on emploie un feu de forge
ayant une forme circulaire, plus commode pour l'accès cje
tous les côtés et qui généralement n'a pas de hotte. 11
faut alors un atelier plus aéré, avec une lanterne ouverte
à la partie supérieure du toit pour faciliter l'écoulement
des produits de la combustion, qui autrement incommode-
raient les ouvriers. A côté de chaque feu de forge se
trouve une ou plusieurs grues servant à faciliter le ma-
niement des pièces. Pour le chauffage des petits objets,
comme les rivets, les chevillettes et qui a lieu générale-
ment en plein air, on se sert de forges portatives; ce
sont des caisses cylindriques ou prim astiques en tôle.
Dans la partie intérieure est le soufflet, mû par un levier
à mouvement alternatif ou par un petit volant que l'on
manœuvre d'une main. Dans la partie supérieure est la
plate-forme de chauffe et la buse qui amène le vent.
La grosse forge, qui agit sur des blocs quelquefois con-
sidérables, a un matériel tout différent. Le chauffage se
fait dans des fours à réverbère, souvent de dimensions
très grandes. Les blocs sont transportés par des grues
puissantes sous un marteau-pilon, disposé de manière à
laisser libre l'accès tout autour de la pièce. L'introduction
dans la grosse forge du marteau à vapeur ou marteau-
pilon (V. ce mot) a été un grand progrès. Il a seul
permis d'aborder le forgeage de pièces que les bras hu-
mains, quelque multipliés qu'ils fussent, n'auraieut pu
réussir. Les progrès croissants de l'emploi de l'acier sont
destinés à jeter une grande perturbation dans le forgeage.
Autrefois, les plus grosses pièces en fer se faisaient par le
soudage successif de mises de fer puddlé ; on pouvait donc,
avec une puissance de choc très limitée, obtenir des pièces
d'un poids considérable, puisqu'on accroissait petit à petit
le volume et le poids des pièces. L'acier se trouvant en
blocs ou lingots d'un seul morceau, il faut nécessairement
des marteaux beaucoup plus puissants pour étirer et façon-
ner de semblables masses. Aussi le forgeage au pilon s'ob-
tient actuellement avec des poids de marteaux de plus en
plus lourds. Dans quelques usines on emploie un mode de
forgeage qui n'est compatible qu'avec l'emploi de l'acier :
c'est le forgeage à la presse hydraulique qui se fait sans
choc et par compression lente (V. Presse hydraulique).
On l'applique surtout au matriçage des pièces d'un profil
compliqué ; il faut alors que les étampes, entre lesquelles
se trouve comprimé le métal, reproduisent avec une dé-
pouille convenable la forme désirée. Ce mode de forgeage
peu répandu d'abord prend depuis 4890 une extension con-
sidérable. L. Knab.
FORGEMOL de Bostquénard (Léonard-Léopold), géné-
ral français, né à Azeralbes (Creuse) le 17 sept. 4821.
Après avoir fait ses études au Prytanée militaire de La
Flèche, il entra à l'Ecole de Saint-Cyr en 1839 et en sortit
en 4844 dans le service d'état-major. Lieutenant le 9 janv.
4844, capitaine le 44 mars 4847, il ne tarda pas à être
envoyé en Algérie où il fit dès lors presque toute sa car-
rière. Il y prit part à de nombreuses expéditions, notam-
ment aux deux campagnes dirigées contre la Kabylie en
4854 et 4857. Nommé ensuite commandant supérieur du
cercle de La Galle, puis du cercle de Biskra, il se fit remar-
quer dans ces deux postes par sa connaissance des affaires
arabes, ce qui lui valut d'être appelé à Alger en 4866
comme sous-directeur du bureau politique du gouverneur
général. Dans l'intervalle, il avait été promu chef d'esca-
drons (44 août 4860) et lieutenant-colonel (47 juil. 4865).
Le 46 août 4870, au début de la guerre avec l'Allemagne,
il recevait le grade de colonel. Rappelé en France après
nos premiers revers, il fit la campagne de l'armée de la
Loire comme chef d'état-major du 47e corps, et fut nommé
général de brigade le 30 janv. 4874. Après la paix, il
commanda un moment la subdivision de l'Aisne, devint
chef d'état-major de l'armée de Versailles (4872-4874),
passa avec la même qualité au 7e corps (4874-78), puis
fut mis à la tête du dép. de Seine-et-Oise (4878-79). Le
4 mars 4879, il était nommé général de division et envoyé
de nouveau en Algérie, à Constantine. Il venait de répri-
mer une tentative d'insurrection dans le sud de la province,
lorsque surgirent les événements qui amenèrent l'occupa-
tion de la Tunisie par nos troupes. A la tête de 23,000
hommes qu'il avait reçu l'ordre de concentrer vers Bône,
le général Forgemol franchit la frontière tunisienne, tra-
versa les montagnes de la Kroumirie et occupa toute la plaine
de la Medjerdah (avril-mai 4884). Le nord de la Régence
était conquis. Mais quelques mois plus tard une grande
insurrection éclatait dans le Sud. On dirigea aussitôt
trois colonnes sur Kairouan, la ville sainte de la Tunisie,
centre de. la rébellion. Parties de trois points opposés,
Sousse, le Kef et Tébessa, les colonnes, dont l'une était
conduite par Forgemol, se réunirent devant Kairouan du
26 au 29 sept., à la suite d'un ensemble de marches qui
sont citées comme un modèle. La ville ouvrit ses portes et la
région fut promptement pacifiée. Depuis lors l'ordre n'a
cessé d'y régner. Le général Forgemol eut le commandement
du corps expéditionnaire jusqu'en oct. 4883, époque où
il fut appelé à commander le 4de corps d'armée. Un dé-
cret d'avr. 4886 l'ayant maintenu sans limite d'âge dans
le cadre d'activité, il garda ce poste jusqu'en févr. 4890.
A ce moment il quitta le service actif.
FORGEOT (Nicolas-Julien), auteur dramatique français,
né à Paris en juil. 4758, mort à Paris le 4 avr. 4798.
Reçu avocat, Forgeot abandonna le barreau pour entrer
dans l'administration des postes où il parvint au grade d'ins-
pecteur. Encore qu'il soit mort jeune, Forgeot fut un des
plus féconds auteurs dramatiques de son temps. Ses meil-
leures pièces sont : les Deux Oncles (4780); Lucette et
Lucas (4784); l'Amour conjugal (4784); les Rivaux
amis (4782) ; les Epreuves (4785) ; les Pommiers et le
Moulin (4791) ; le Double Divorce (1795) ; le Mensonge
officieux (1796). Toutes ces pièces sont en un acte et en
vers. Mais on a encore de Forgeot les Dettes (deux actes,
4787); le Rival confident (deux actes, 1788); la Res-
semblance (trois actes, 1796). Forgeot n'a écrit que des
comédies et des opéras-comiques. Ch. Le G.
FORGEOT (Jules-Etienne-Marie), général français, né
à Nantes, mort à Arcachon en mai 1877. Admis à l'Ecole
polytechnique en 1826, sous-lieutenant d'artillerie en 1828,
lieutenant en 1830, capitaine en 1837, il servit en Algérie
pendant la plus grande partie de sa jeunesse et s'y distingua.
Au moment de la guerre de Crimée il était colonel ; il prit
en cette qualité une part brillante aux opérations de l'ar-
mée d'Orient et obtint le grade de général de brigade à son
retour en France (1856). Après avoir commandé l'artille-
rie du i er corps pendant la campagne d'Italie, puis celle
de la garde impériale, il fut promu général de division
(1861) et appelé à faire partie du comité de l'arme avec
les fonctions d'inspecteur général. Il occupait encore cet
emploi lorsque éclata la guerre de 1870 ; il reçut alors le
commandement de l'artillerie du 1er corps, assista aux ba-
tailles de Reischoffen et de Sedan et suivit l'armée prison-
sonnière en Allemagne, Rentré en France après la paix, il
devint d'abord président du comité d'artillerie (1871), puis
commandant en chef du 10e corps (1873). En 1875 sa
santé l'obligea à quitter le service actif. Il mourut deux
ans après.
FORGER (Art vét.). Ce mot désigne une particularité
de l'allure de certains chevaux chez lesquels, pendant
l'allure du trot, les pieds de derrière viennent frapper les
pieds de devant. Ce défaut se remarque chez les chevaux
— 807 —
FORGER — FORGET
jeunes, ou trop courts, ou trop longs. Chez ces derniers,
la trop grande flexibilité de la colonne vertébrale s'oppose
aux mouvements harmoniques des membres, parce que
cette colonne, qui se plie au lieu de résister quand la pro-
pulsion de l'arrière à l'avant est communiquée par la
détente des ressorts postérieurs, tend par sa flexion exagé-
rée à rapprocher l'un de l'autre l'arrière et l'avant-main.
Quant aux chevaux trop courts, s'ils forgent, c'est Jqu'il
n'existe pas chez eux une distance suffisante entre les
membres du devant et ceux du derrière, et que ceux-ci,
arrivés à l'extrémité de leurs parcours, rencontrent les
membres de devant qui n'ont pas quitté leur place assez à
temps pour leur laisser le champ libre. — Empêcher la ren-
contre des pieds, ou en atténuer les effets, telle est l'indica-
tion à remplir pour combattre le vice de forger, et on y
parvient en diminuant autant que possible le volume des
parties percutantes et percutées dans les points mêmes où
elles sont susceptibles de se toucher, et, pour diminuer ce
volume, c'est à une ferrure raisonnée et méthodique qu'il
faudra recourir. On diminuera la longueur de la pince des
pieds de derrière et, sous ces pieds, on appliquera le fer
dit à pince tronquée, fer à deux pinçons latéraux qu'on
placera en arrière de la pince du pied proprement dit. En
avant, on appliquera des fers à courtes éponges, de manière
à éviter et le choc des fers l'un contre l'autre et le bruit
désagréable à l'oreille qui en est la conséquence. Une bonne
nourriture qui soutient et augmente les forces, le dévelop-
pement de l'animal avec l'âge, sont deux conditions encore
auxquelles résiste rarement le vice de forger. L. Gàrnier.
FORGERON (Métier). Ouvrier qui travaille le fer à
chaud. C'est un des métiers qui exigent le plus de force et
d'intelligence de la part de l'ouvrier. En effet, lorsqu'il
s'agit de manier sur une enclume, à l'extrémité de longues
tenailles ou au bout d'un ringard, un lopin de fer ou
d'acier, il faut avoir une poigne solide ; pour donner à ce
lopin la forme déterminée par un gabarit ou par un dessin
coté, il faut apprécier à l'œil la quantité de métal néces-
saire, prévoir l'épaisseur convenable pour que la pièce ne
garde pas de traces du feu si elle doit être polie, lui laisser
un excès de dimensions à chaud pour que, à froid, elle
possède juste les cotes du dessin ou la forme du gabarit,
toutes choses qui ne s'acquièrent que par une pratique
intelligente. Dans les forges où le marteau-pilon n'a pas
encore pénétré , les frappeurs , masseurs ou daubeurs
sont les aides du forgeron qui commande, pendant que le
marteau à devant du frappeur tombe en cadence sur la
pièce à étendre ou à souder. Dans ce dernier cas, les coups
sont moins rudes, mais plus rapides, les masseurs vont en
rabattant. La description des diverses opérations du for-
geron nous conduirait trop loin, contentons-nous de dire
que l'on distingue trois espèces de soudures : celle à chaude
portée, celle bout à bout et la soudure à gueule de loup.
Les principaux outils du forgeron sont : les tenailles, dont
la forme du mors caractérise le nom ; les marteaux et les
masses ; les tranches ; les chasses ; les dégorgeoirs ; les
poinçons et les matrices. L. K.
FORGES. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut, arr. de
Thuin ; 1,000 hab. Sur le territoire de Forges s'élève la
fameuse abbaye de la Trappe de Notre-Dame de Scour-
mont. On y a découvert des sépultures franques.
FORGES. Corn, du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Rochefort, cant. d'Àigrefeuille ; 906 hab.
FORGÉS. Corn, du dép. de la Corrèze, arr. de Tulle,
cant. d'Argentat; 906 hab.
FORGES (Les). Corn, du dép. de la Creuse, arr. de
Boussac, cant. de Jarnages ; 158 hab.
FORGES. Corn, du dép. d'Ille-et-Vilaine, arr. de Vitré,
cant. de Rhétiers ; 523 hab.
FORGES. Corn, du dép. de Maine-et-Loire, arr. de Sau-
mur, cant. de Doué ; 176 hab.
FORGES. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Montmédy,
cant. de Montfaucon ; 544 hab.
FORGES (Les). Corn, du dép. du Morbihan, arr. de
Ploërmel, cant. de Josselin ; 954 hab.
FORGES. Corn, du dép. de l'Orne, arr. et cant. (E.)
d'Alençon ; 206 hab.
FORGES. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de Fon-
tainebleau, cant. de Montereau ; 285 hab.
FORGES (Les). Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay, cant. de Ménigoute ; 336 hab.
FORGES (Les). Corn, du dép. des Vosges, arr. et cant.
d'Epinal; 1,596 hab.
FORGES-les-Bains. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Rambouillet, cant. de Limours, desservie par le
chemin de fer de Paris à Limours (4 kil. de Limours);
1,050 hab. Ce lieu, bien qu'ancien (l'église actuelle a con-
servé des parties du xme siècle) , n'a de réputation que par
son site pittoresque et l'établissement thermal qui s'y est
créé à notre époque. Les sources qu'on y exploite sont
riches en carbonates et s'utilisent surtout pour combattre
l'appauvrissement du sang, la chlorose, la scrofule. La ville
de Paris y a fondé, en 1859, un vaste hôpital où elle fait
soigner 200 enfants scrofuleux des deux sexes.
Bibl. : L'abbé Lebeuf , Histoire du diocèse de Paris,
t. III, pp. 437-441 de l'êdit. de 1883, et plusieurs monogra-
phies sur rétablissement thermal.
FORGES-les-Eaux. Ch.-l. de cant. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. de Neufchâtel, dans la forêt de Bray, sur
l'Andelle, 1,867 hab. Stat. du ch. de fer de l'Ouest, ligne
de Paris à Dieppe par Pontoise. Poteries ; fabriques de
produits chimiques, de céruse, de pipes. Cette localité doit
certainement son nom à l'exploitation des nombreux mi-
nerais de fer qui a dû y être faite dès l'antiquité. Les eaux
minérales découvertes en 1573 durent leur célébrité au
séjour qu'y firent Louis XIII et Anne d'Autriche qui,
n'ayant point d'enfants après dix-huit ans de mariage,
étaient venus demander aux eaux de Forges un remède
contre la stérilité. La vogue des eaux de Forges a duré
jusqu'au milieu de notre siècle ; elles ont été depuis lors
un peu délaissées. L'établissement thermal, entouré d'un
parc, est un bâtiment rectangulaire, dont le pavillon central
renferme une salie de fêtes, des salons de jeu et de lecture ;
les deux ailes sont occupées par des cabinets de bains et
des installations hydrothérapiques.
Eaux minérales. — Les eaux athermales, créosotées,
ferrugineuses faibles, carboniques faibles, s'administrent
en boisson, en douches et en bains chauds et froids. Elles
sont reconstituantes, diurétiques et sédatives et conviennent
dans l'anémie et la chlorose, la dyspepsie, la gravelle, les
névroses. Elles sont contre-indiquées chez les pléthoriques
et les apoplectiques. Dr L. Hn.
FORGET (Saint) (V. Ferréol).
FORGET (Pierre), sieur du Fresne, homme d'Etat fran-
çais, né vers 1 544, mort au mois d'avr. 164 0. Il était d'une
famille de Touraine. Il fut ambassadeur en Espagne en
1589, ministre secrétaire d'Etat sous Henri III et Henri IV,
intendant général des bâtiments du roi. Il accompagna
Henri IV en Savoie, lorsque le prince y alla traiter l'échange
du marquisat de Saluées et prît une part active à la rédac-
tion de l'édit de Nantes. Il mourut du chagrin que lui causa
l'assassinat de son maître en 1610. On lui a attribué : la
Fleur de lys, qui est le discours d'un Français, où Von
réfute la déclaration du duc de Mayenne (1593, in-8) ;
mais Arnauld d'Andilly assure que cet ouvrage est de son
père. Le recueil des Lettres de Forget était conservé à la
bibliothèque de Saint-Germain-d es-Prés. C. St-A.
FORGET (Pierre), sieur de Beau vais et de La Picar-
dière, diplomate et poète français, mort en 1638. Conseiller
d'Etat et maître d'hôtel ordinaire du roi, il fut plusieurs
fois envoyé en Allemagne en mission diplomatique et sé-
journa à Constantinople en qualité d'agent. Il avait été
nommé en 1609 historiographe de l'ordre de Saint-Mi-
chel. C'était un poète assez estimé de son temps. On cite
de lui : Hymne à la reine régente, mère du roi (Paris,
1613, in-4), réimprimée, avec d'autres pièces du même
FORGET — FORLI
— 808 -
auteur, dans les Délices de la poésie française (Paris,
1620) ; les Sentiments universels (Lyon, 4630, in-8 ;
Paris, 1630, in-fol. ; 1636, in-4). Ce sont des quatrains
politiques, philosophiques et moraux. C. St-A.
FORGET (Charles-Polydore), médecin français, né à
Saintes le 17 juil. 1800, mort à Strasbourg le 19 mars
1861. Ancien chirurgien de la marine, il fut agrégé de la
faculté de Paris (1832) et professeur de clinique interne
à Strasbourg (1836). Professeur hors ligne, clinicien dis-
tingué, penseur profond, Forget a laissé un grand nombre
d'ouvrages se référant à la philosophie médicale, à la thé-
rapeutique, à la pathologie, et reflétant tous cette idée maî-
tresse, c'est que, sans ordre et sans principes, il n'y a pas
de vraie science. Citons seulement : Médecine navale, etc.
(Paris, 1832, 2 vol. in-8); Influence de la médecine sur
le développement et le bien-être de l'humanité (Paris,
4836, in-4) ; De la Réalité delà médecine (Strasbourg,
1839, in-8) ; Statistique médicale de Strasbourg (Paris,
1839, in-4) ; Traité de V entérite folliculeuse (Paris,
1840, in-8 ; ouvrage capital) ; Prodrome de médecine
positive (Strasbourg, 1841, in-8); Clinique médicale
de la faculté de Strasbourg (Paris, 1843, in-8) •; Etudes
cliniques sur les maladies du cœur (Paris, 1844, in-8) ;
Du Mouvement médical au xixe siècle (Strasbourg, 1 847 ,
in-8) ; Précis,. . des maladies du cœur (Strasbourg, 1 851 ,
in-8) ; Principes de thérapeutique générale et spé-
ciale (Paris, 4860, in-8). DrL. Hn.
FORGUES. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Muret, cant. de Rieumes ; 270 hab.
FORGUES (Paul-Emile Daurand), littérateur français,
né à Paris le 20 avr. 1813, mort à Cannes en nov. 1883.
Il se fit recevoir avocat à Toulouse et vint exercer à Paris
où il fut attaché quelque temps au cabinet de Me Delangue ;
membre de la conférence des avocats, il prononça à la
séance de rentrée de 1836 un Eloge de Henrion de Pan-
sey. Il écrivait depuis 1830 dans un certain nombre de
feuilles politiques, entre autres la Charte de 1830. Mais
il n'abandonna définitivement le barreau pour la littérature
qu'en 1837. Il entra alors smJownaldu Commerce, où
il signa du pseudonyme iïOld Nick des chroniques litté-
raires qui le firent remarquer. Rédacteur à la Revue de
Paris, à la Revue des Deux Mondes, au National et au
Charivari, il dut quitter ce dernier journal à la suite d'un
article un peu vif sur les Bur graves de Victor Hugo. Sa
vraie place était à la Revue britannique où il entra en
1840 et dont il resta le collaborateur assidu. Forgues a
publié, en effet, plusieurs ouvrages sur l'Angleterre et tra-
duit ou adapté un certain nombre d'auteurs anglais. Citons
en ce genre : Originaux et beaux esprits de l'Angleterre
contemporaine; la Révolte des Cipayes; Histoire de
Nelson ({$60); puis la traduction, avec Ad. Joanne, de
V Histoire générale des Voyages^&v Desborough Cooley ;
les traductions, avec le même, de la Case de V oncle Tom
et de la Clef de la Case de l'oncle Tom; d'autres traduc-
tions, sans collaborateur, des Essais de Macaulay (1860);
des Voyages du capitaine Speke aux sources du Nil
(1865) et de différents romans de Currer Bell, de Natha-
niel Hawthorn, de mistress Norton, de Holme Lee, de
Wilkie Collins, etc. Comme ouvrages originaux on lui doit :
les Petites Misères de la Vie humaine, illustrées par
Gran ville (1843) ; la Chine ouverte, illustrée par Borget
(1845) et une part dans les Cent Proverbes anonymes,
illustrés par Granville (1846). Il publia encore les Nove-
lets ; Rose et gris; Elsie Venner; Gens de bohème et
Têtes fêlées .(1862) et fut chargé en 1854 par Lamennais
mourant de diriger l'édition complète de ses œuvres.
Forgues avait déjà édité la traduction de la Divine Comédie
(1855) et deux volumes de la Correspondance (1858),
quand un procès engagé par la famille de Lamennais arrêta
cette publication. Forgues avait également reçu en dépôt les
Mémoires de M. de Vitrolles. En 1848, lors des élections
générales pour la Constituante , il s'était présenté sans suc-
cès dans les Hautes-Pyrénées ; il ne fut pas plus heureux
dans le Gers à l'occasion d'une élection partielle. Retiré de
la vie politique à partir du coup d'Etat, il reprit sa place
dans le journalisme militant en 1859 et collabora active-
ment à la Presse jusqu'à l'arrivée de Girardin. Dès lors,
son nom ne parut plus que dans les recueils littéraires,
à la Revue britannique, à la Revue des Deux Mondes,
à Vlllustration et à Ylllustrated London News. Forgues
tenait beaucoup des humoristes anglais: il avait de l'ob-
servation, un esprit plus solide que brillant; il était sur-
tout connu sous son pseudonyme à'Old Nick qu'il conserva
toute sa vie. Ch. Le Goffic.
FORIE (La). Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. et
cant. d'Ambert ; 440 hab.
F0RI0S0. Famille desauteurs et danseurs de corde dont
le nom est resté célèbre dans les fastes de l'acrobatie. C'est
en 1801 et dans la salle du théâtre Louvois,que ces bate-
leurs fameux vinrent pour la première fois se présenter au
public parisien, auprès duquel leur succès fut formidable.
Forioso père, qui jadis s'était cassé une jambe dans ses
exercices, ne pratiquait plus alors, mais exerçait sa surveil-
lance sur toutes les parties du spectacle, dont les princi-
paux acteurs étaient ses trois fils et sa fille. Le second fils,
Pierre Forioso, né le 10 juin 1772, mort près de Bagnères-
de-Bigorre le 9 juin 1846, était le plus habile et le plus
agile de tous, et faisait avec sa sœur, sur une ou sur deux
cordes tendues, les exercices les plus surprenants, dansant
avec elle, entre autres, et sans balancier, une valse entraî-
nante. La famille Forioso revint à Paris à diverses reprises,
obtenant toujours d'énormes succès. Ce qui amena surtout
du bruit autour du nom de Pierre Forioso, ce fut l'espèce
de duel acrobatique qui eut lieu, en 1807, entre lui et un
autre danseur de corde fameux, nommé Ravel, qu'il avait
provoqué lui-même et par qui il fut vaincu, sur le jugement
rendu par les deux plus célèbres danseurs de l'époque, Ves-
tris et Paul Duport. Tout Paris s'entretint pendant plu-
sieurs jours de cette lutte mémorable, qui passionnait les
esprits à l'égal d'une campagne de Napoléon Ier.
F0RKEL (Johann-Nicolaus), compositeur de musique
et théoricien allemand, né à Meeder, près de Cobourg, le
22 févr. 1749, mort à Gœttingue le 17 mars 1818. En
1769, il entra à l'université de Gœttingue, où il com-
mença ses recherches sur l'histoire de la musique. En
1778, il obtint le titre de directeur de musique de l'Uni-
versité, et, deux ans après, celui de docteur en philosophie.
A la mort d'Emmanuel Bach, il sollicita la place de maître
de chapelle à Hambourg. Schwenke lui fut préféré. Il acheva
sa vie à Gœttingue. Forkel, bon organiste, était un com-
positeur médiocre. Mais comme théoricien, il mérite sa
grande réputation. Voici la liste de ses plus célèbres ou-
vrages : Ueber die Théorie der musik, etc. (Gôttin-
gen, 1774) ; Musikalisch-kritische Ribliothek (Gotha,
1774) ; Musikalischer Almanach fur Deutschland (Leip-
zig, 1782-83-84-89) ; Allgemeine Geschichte der Musik
(Leipzig, 1788-1801), son œuvre principale, attestant une
lecture immense et une érudition exceptionnelle; Allge-
meine Litteratnr der Musik (Leipzig, 1792), bibliogra-
phie musicale excellente, qui a servi de base aux travaux
de Lichtenthal et de Beeker. Forkel a publié une biogra-
phie de Bach, Ueber J.-S. RacKs Leben, Kunst und
Kunstwerke (Leipzig, 1802). Bach n'y est étudié que
comme organiste et compositeur pour l'orgue et le clavecin.
FORLANE (V. Danse, t. XIII, p. 866).
FORLÉANS. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant.
de Semur; 195 hab.
FORLI. I. Ville. — Ville d'Italie, ch.-l. de la prov. du
même nom, sur le Montoné, tribut, de l'Adriatique, à 26 kil.
S.-O. de Ravenne ; 44,000 'hab. Cette ville est l'ancien
Forum Livii fondé par M. Livius Salinator après la défaite
d'Asdrubal. Forliestune des étapes de la grande voie Emi-
lienne entre Bologne et Rimini. Ataulf y épousa Placidie,
sœur d'Honorius (410 ap. J.-C). Cité guelfe au moyen âge,
- elle passa successivement entre les mains des Ordelaffl jus-
qu'en 1480, puis de Jérôme Riario, de César Borgia et fut
— 809
FORLI — FORMABIAGE
enfin réunie aux Etats de l'Eglise en 4504. C'est la patrie
du poète Cornélius Gallus (f en 27 av. J.-C), de l'historien
Biondo Fiavio (xve siècle) , des peintres Fr. Melozzo, Fr. Min-
zochi et Marco Palmezzano (xve et xvie siècles), de l'anato-
miste Morgagni (f 1771) et du savant Carlo Mateucci
(f 4868). Près de Forli, à 4 kik S.-O., se trouve la
petite localité de Forlimpopoli (Forum Popilii des
anciens).
IL Province. — Cette province faisait partie de l'an-
cienne Emilie et des Etats pontificaux. Elle est boisée, en
partie couverte de forêts de châtaigniers et de egras pâtu-
rages. Sa superficie est de 4,879 kil. q. et sa population
de 267,374 hab. en 4894.
FORLI (Ansuino da), peintre italien du xve siècle, qui
fut, dit-on, l'élève de Squarcione, et travailla avec Man-
tegna au « Eremitani » de Padoue. On ne connaît de lui
qu'un dessin à l'Académie de Venise, signé : Opus Ansuine
pittoris forlivese.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la pein-
ture italienne, II.
FORLI (Melozzo da), peintre italien, né à Forli en 4438,
mort à Forli en 4494. Elève d' Ansuino da Forli, qui lui
transmit la tradition de Mantegna, il arriva à l'âge d'homme
au moment où l'influence de Piero délia Francesca devenait
prépondérante ; enfin il entretint des relations amicales
avec Giovanni Santi, le père de Raphaël. Il semble même
que ce soit par Santi qu'il fut connu du duc d'Urbin, le
magnifique Federigo da Montefeltro. Celui-ci, à son tour,
présenta Melozzo au pape Sixte IV, ce protecteur éclairé
des arts qui fit construire la chapelle Sixtine (1473), res-
taura la bibliothèque du Vatican (4475), les églises des
SS. Apostoli, de Saint-Pierre-ès-liens, de Saint-Sixte, et
fonda l'Académie de Saint-Luc, sur les registres de laquelle
Melozzo inscrivit de sa main: « Melotius pictor papalis ».
Devenu peintre officiel de la cour de Rome, Melozzo fut
chargé de représenter Platina , nommé directeur de la
Bibliothèque Vaticane, rendant hommage au pape, en-
touré des cardinaux Pietro Riario etGiuliano délia Rovere.
Cette fresque, composée avec une grande simplicité et dont
l'architecture dénote une science profonde de la perspec-
tive, a été transportée sur toile et est aujourd'hui au musée
du Vatican. Lorsque l'église des SS. Apostoli eut été restau-
rée, le cardinal Riario, neveu de Sixte IV, en confia la
décoration à Melozzo (4492). Il y peignit au-dessus de la
tribune une grande Ascension, dont les fragments, dis-
persés en 1744, se trouvent au musée du Quirinal et dans
la sacristie de Saint-Pierre. Les anges musiciens qui ont été
conservés ont une allure superbe, avec leurs draperies har-
diment jetées et leur type étrange, têtes brunes énergiques
et mâles, à la forte chevelure, gonflée en boucles épaisses.
Melozzo dut quitter Rome en 4480, lorsque la ville de Forli
se donna au pape et reçut comme gouverneur Girolamo
Riario, un des protecteurs du peintre ; il suivit sans doute
ce seigneur, dont il était l'écuyer, et resta jusqu'à sa mort
dans sa ville natale, où son épitaphe se lit encore dans l'église
de la Trinité. Il est étrange que cette ville n'ait conservé
de son enfant le plus célèbre qu'une œuvre insignifiante :
c'est une enseigne d'épicier, où le peintre a représenté,
avec un réalisme hardi, un Apprenti qui pile dans un
mortier (aujourd'hui au Collège). Dans la dernière période
de sa vie, Melozzo fut appelé à Urbin par Federigo da
Montefeltro qui lui commanda des personnifications des
Sciences, dont deux sont conservées à Londres et deux
autres à Berlin ; quant aux fameux portraits de savants
illustres, qui du château d'Urbin ont passé au Louvre
et dans la collection Barberini, ils sont en majorité de
Justus de Gand et aucun n'est de Melozzo. Après la mort
du peintre de Forli, son compagnon de travail, Marco
Palmezzano, qui vécut jusqu'en 4536, exécuta des œuvres
qui ont été souvent attribuées à Melozzo et dont quelques-
unes portent même la fausse indication : Marchas de
Melotius Foroliviensis, avec des dates postérieures à la
mort de l'artiste.
Bibl. : Crowe et Cavalcaselle, Histoire de la pein-
ture italienne, II. — E. Mùntz, Histoire de l'art pendant la
Renaissance, I et II. — Schmarzow, Melozzo da Forli ;
Berlin et Stuttgard, 1886.
FORMAGE (Bonneterie) (V. Bonneterie, t. VII, p. 335).
F0RMALE0N1 (Vincenzo) , historien et voyageur italien,
né à Venise en 4752, mort à Mantoue en 4797. Après de
malheureux essais littéraires, il voyagea en Egypte, en
Turquie, explora minutieusement le littoral de la mer Noire,
revint en Italie, fut forcé de s'expatrier en 4792, gagna
Paris. Là, accusé d'avoir fait connaître au gouvernement
vénitien certains projets secrets du gouvernement français,
il fut jeté en prison. Ayant réussi à s'échapper, il retourna
en Italie, où, pour une cause ignorée, la prison l'attendait
encore ; il mourut à Mantoue, sans avoir recouvré la
liberté. Ses ouvrages, pleins de documents curieux et nou-
veaux, sont les suivants : Descrizione topogra/ica e sto-
rica del Dogado di Venezia (Venise, 4777, in-8) ; un
abrégé de Y Histoire des Voyages de La Harpe et une con-
tinuation de cet ouvrage en 42 vol. in-8, avec une disser-
tation intitulée Illustrazione di due carte antiche délia
biblioteca di San Marco ch%dimostrano l'Isole Antillie
cognosciute prima délia scoperta di Cristoforo Colombo,
ce qui, malgré les cartes, semble assez paradoxal ; Storia
curiosa délie avventure di Caterino Zeno in Persia
(Venise, 4783), ouvrage traduit dans ['Encyclopédie mé-
thodique, qui oubliait de nommer l'auteur; Storia filoso-
fica e politica délia navigazione nel mare Nero
(Venise, 1788, 2 vol.), traduit en français par d'Hénin
(Venise, 4789) ; c'est le meilleur et même le seul ouvrage
sur ce sujet. R. G.
FORMALITÉS. Conditions que doit réunir un acte pour
être valable ; quoique ce mot serve parfois à désigner les
conditions intrinsèques de validité, c.-à-d. celles qui
tiennent à l'essence même de l'acte, comme la capacité, le
consentement, il désigne plus habituellement les conditions
extrinsèques, c.-à-d. celles qui servent à constater l'accom-
plissement des conditions intrinsèques, comme la rédaction
d'un écrit, la présence d'un officier public, la publication
par affiches, etc. (V. Exploit, Obligation, Nullité).
FORMAN (Simon), astrologue anglais, né en 4552,
mort en 4641. La mort de son père le laissa de bonne
heure sans ressources ; Jl n'en poursuivit pas moins ses
études dans les conditions les moins favorables, tantôt
commis marchand, tantôt sous-maître dans des écoles, jus-
qu'à ce que, en 4579, il se découvrit le don de lire dans
les astres, de prédire l'avenir et de guérir les maux. Nous
ne le suivrons pas dans toutes les aventures de son exis-
tence en Angleterre et sur le continent. Emprisonné plus
d'une fois, menacé d'un procès devant la Chambre étoilée,
il se distingua pendant la peste de 4592, et faillit être lui-
même victime de la contagion. Il finit, en 4603, par obte-
nir de l'université de Cambridge l'autorisation de pratiquer
la médecine. Il avait une clientèle féminine nombreuse, et
les dames de la cour recouraient fréquenftnen ta ses philtres
et à ses évocations magiques, non seulement pour la con-
servation de leur santé, mais aussi et surtout pour la réus-
site de leurs intrigues. Forman publia de son vivant un
ouvrage d'astrologie : The Grounds of Longitude (4594).
Il a laissé beaucoup de manuscrits conservés à la biblio-
thèque Bodléienne. M. Halliwell-Phillipps en a tiré un Diary
ou journal, plein de détails licencieux (4564-4602), qu'il
a fait imprimera petit nombre en 4849. B.-tl. G.
FORMANT1NE (Vicomte de) (V. Aberdeen).
FORMARIAGE (Dr. féodal). Mariage contracté par un
mainmortable, soit avec une personne franche, soit avec
une personne qui demeure hors de la seigneurie où il est
né. Lorsque de tels mariages étaient célébrés sans l'autori-
sation du seigneur duquel dépendait le mainmortable, le
seigneur percevait un droit, appelé droit de formariage, à
titre de peine. Ce droit consistait ordinairement dans une
amende de 60 sols. Lorsque le seigneur consentait au ma-
riage, la peine n'était plus encourue ; néanmoins, le seigneur
FORMARIAGE — FORME
— 810
prélevait la moitié, le tiers ou une autre portion des
biens de celui qui avait épousé une personne de condition
franche ou dépendant d'un seigneur étranger. Le droit de
formariage existait dans de nombreuses coutumes, notam-
ment dans celles de Bourgogne, Meaux, Troyes, Vitry,
Chaumont, Laon. D'après la coutume de Bourgogne, le
droit de formariage n'avait lieu que dans le cas où une fille
serve se mariait hors de la seigneurie où elle était née ;
dans ce cas, la femme perdait les héritages qu'elle possé-
dait dans le lieu de la mainmorte, ou leur valeur, si elle
aimait mieux conserver ses biens. Anciennement, les bâ-
tards et les aubains avaient été assujettis, dans quelques
coutumes, au droit de formariage ; cette rigueur avait été
expressément abolie par plusieurs coutumes, Laon, Reims,
Châlons. Le droit de formariage a été perçu dans le pays
de Verdun jusqu'en 1789. G. Regelsperger.
Bibl. : Encyclopédie méthodique, Jurisprudence, 1784,
t. IV, p. 579.
FORMAT. I. Librairie. — On donne le nom de format
aux dimensions d'un livre considéré sous le rapport de sa
hauteur et de sa largeur. Chaque format prend son nom
du nombre de feuillets que renferme chaque feuille im-
primée; la feuille pliée donne ainsi un nombre de pages
double du chiffre dont elle tire son nom. Ainsi l'in-
plano, employé pour les atlas et les estampes, n'a que deux
pages ; l'in-folio, quatre ; Fin-quarto, huit, etc. ; il n'est
pas toujours facile de déterminer à la vue le format d'un
ouvrage, car l'imprimeur employant quelquefois un papier
plus grand ou plus petit, on peut prendre un in-folio pour
un in-quarto, un in-douze pour un in-octavo et récipro-
quement. En général, c'est aux signatures des feuilles
qu'on reconnaît le format, bien que cette donnée ne soit
pas toujours d'une certitude absolue (V. Bibliographie,
t. VI, p. 628). On désigne encore par format oblong
tout format dont les pages, pour une raison quelconque,
ont plus de largeur que de hauteur. — Dans la papeterie, les
formats connus sont la couronne, la coquille, le raisin,
le jésus, le colombier, le grand aigle, etc. (V. Papier).
IL Beaux -Arts. — Dimension d'une oeuvre d'art;
cette expression, empruntée à la librairie, s'emploie plus
spécialement pour désigner les dimensions d'une œuvre
exécutée sur une surface plane, tableau, bas-relief, gra-
vure surtout. Le choix du format d'un tableau est loin
d'être indifférent : un sujet religieux ou épique demandera
de vastes dimensions ; une composition humoristique, gra-
cieuse, se traitera mieux en petit format. Un châssis ovale
sera préférable pour peindre le portrait en buste d'une
jeune femme ; une toile rectangulaire contiendra mieux à
un portrait d'homme. Il y a encore pour les toiles à
peindre, vendues dans le commerce, des formats spéciaux
adoptés dès longtemps par les artistes : le format figure,
le format paysagei le format marine, ainsi désignés pour
le rapport de leur hauteur avec leur largeur. Ad. T.
FORMATION (Art milit.). On appelle" ainsi la disposi-
tion donnée aux troupes, afin de rendre au plus haut de-
gré faciles, prompts et sûrs les mouvements qu'elles au-
ront à faire dans les marches ou dans les batailles. Les
formations ont varié en raison des transformations qui
s'opéraient dans l'armement; ainsi les effets de plus en plus
meurtriers des canons et des fusils ont amené un amincis-
sement progressif de l'ordre de bataille. Pour une même
époque, elles varient également suivant le caractère, les
aptitudes des différentes armées et aussi la nature du ter-
rain où Ton est appelé à combattre. Ainsi, au xvie siècle,
les Suisses, qui ont pour caractéristiques la taille, la soli-
dité et le sang-froid, se forment en ordre profond et cons-
tituent une masse inébranlable où viennent se briser les
efforts de l'ennemi, jusqu'à ce qu'ils chargent eux-mêmes
la pique basse et toujours à rangs serrés. Les troupes
françaises, agiles et pleines de vivacité et d'initiative, ont
toujours au contraire une forte proportion iï enfants per-
dus, c.-à-d. de soldats qui harcèlent l'ennemi et com-
battent en essaims. En Crimée, nos soldats se jettent
individuellement sur les positions russes, alors que les
Anglais, qui n'ont rien de cette furïa audacieuse due à
notre vieux sang gaulois,' restent formés sur trois rangs
et alignés pour marcher à l'ennemi. Une grave question se
pose en ce moment et préoccupe grandement les tacticiens :
quelle est la meilleure formation à adopter dans les ba-
tailles en face des nouveaux engins et de la poudre sans
fumée ? Jusqu'à présent nul n'a pu trouver à ce problème
une solution satisfaisante.
FORME. I. Philosophie. — Quand un être renferme
un certain npmbre d'éléments, la manière dont ces éléments
sont unis entre eux constitue la forme de cet être. Dans les
êtres matériels où les éléments sont séparables et peuvent
exister séparément, ces éléments constituent la matière
de l'être. De là vient que dans la philosophie d'Aristote et
dans la philosophie scolastique la forme est ordinairement
opposée à la matière. Dans la philosophie de Kant le mot
matière a même été employé ponr désigner les éléments
idéaux dont sont formés des êtres abstraits; c'est ainsi que
Kant a distingué une forme et une matière de la morale.
— Si nous considérons, en effet, un objet quelconque,
une table, par exemple, nous voyons tout de suite que
l'arrangement et la disposition des morceaux de bois qui
composent la table diffèrent de l'ordre et de la disposition
que prendraient les mêmes morceaux de bois si on avait
voulu en faire toute autre chose, un coffre, par exemple.
La forme de la table diftère donc de la forme du coffre par
l'ordre et la disposition des parties. Cet ordre et cette dis-
position constituent donc quelque chose de tout à fait dis-
tinct des parties elles-mêmes. C'est ce qu'Aristote a appelé
forme. La forme est donc la loi selon laquelle les éléments
sont unis. C'est la forme qui constitue l'essence la plus
intime de l'être; c'est elle que la définition (V. ce mot)
doit exprimer pour expliquer l'être. La forme dans la chose
correspond à l'idée qu'a eue l'auteur de la chose. La table
par sa forme réalise le plan du menuisier, l'idée qu'il avait
auparavant. La forme est donc ce que l'effet a retenu de la
cause. L'idée représentative de la forme future du coffre
doit exister dans la cause ; c'est cette idée que l'on a ap-
pelée cause formelle ou cause exemplaire. C'est ce que
voulait dire Platon quand il donnait les Idées pour causes
à tous les êtres de l'univers. — On voit donc qu'à chaque
être doit correspondre une forme. Quand cette forme est
liée à l'existence même de l'objet, de sorte que l'être existe
quand elle est réalisée et disparaît lorsqu'elle cesse elle-
même d'exister, cette forme est alors appelée substantielle,
elle est au contraire accidentelle lorsque l'être peut sub-
sister malgré un certain changement de forme. Ainsi le
carbonate de chaux n'existe que lorsque la formule chi-
mique CaO, CO2 est réalisée, la forme exprimée par
CaO, CO2 est donc une forme substantielle; mais le car-
bonate de chaux peut avoir tel ou tel poids, telle ou telle
figure; qu'il pèse 1 kilogr. ou 100 kilogr ., qu'il soit taillé
en parallélépipède ou en prisme, il demeure toujours carbo-
nate de chaux. La figure et le poids sont donc des formes,
mais des formes accidentelles et non substantielles. De là
vient que les scolastiques ne voulaient pas qu'on dise in-
différemment la forme ou la figure d'un chapeau ; la figure
en effet est bien une forme, mais une forme accidentelle.
G, Fonsegrive.
II. Mathématiques. — Une forme algébrique est
un polynôme homogène relativement aux variables qu'il
renferme. La forme est dite binaire, ternaire, quater-
naire, etc., suivant qu'elle renferme 2, 3, 4, etc., va-
riables. Le degré ou l'ordre de la forme n'est autre chose
que le degré du polynôme ; une forme est dite linéaire,
quadratique, cubique, biquadr atique quand elle est
du 1er, du lie, du 3e, du 4e degré. On a parfois occasion
de considérer les variables d'une forme comme constituant
plusieurs groupes distincts, ce qui conduit à l'emploi de
nouveaux termes. Par exemple, une forme est appelée bili-
nèaire (V. ce mot) quand elle est linéaire à la fois par
rapport à deux groupes de variables envisagés séparément.
Une forme est biternaire si elle renferme deux groupes
de trois variables, etc. En écrivant une forme, il est avan-
tageux de placer devant chaque terme un coefficient numé-
rique égal à celui qui figure dans le terme correspondant
d'une somme da même nombre de variables élevée à une
puissance de même degré. Par exemple, la forme cubique
binaire s'écrira :
ax3 -h 3bx2y + 3cxy2 + dy3.
L'objet principal de la théorie des formes est d'étudier
ce qui arrive quand on effectue sur les variables une sub-
stitution linéaire telle que :
X=:H +p.Y +VZ
(4) y = VX +u/Y +v'Z
s = )//X + [*//Y + v//Z.
(Nous supposons ici le cas de trois variables.)
Le déterminant des coefficients X, p., v... est souvent
appelé le module de la transformation et la transformation
est dite unimodulaire, quand ce module est égal à l'unité.
Deux formes sont équivalentes si elles peuvent se ramener
l'une à l'autre par une transformation unimodulaire. Le
module est toujours supposé être différent de zéro, de telle
façon que la transformation soit réversible, X, Y et Z pou-
vant s'exprimer linéairement en fonction de x, y, z. On
conçoit immédiatement l'intérêt de ce genre d'études si
l'on remarque qu'au point de vue géométrique, de pareilles
substitutions équivalent à un changement d'axes de coor-
données.
La première notion qui se présente est celle des inva-
riants. Considérons d'abord, pour plus de clarté, une forme
ternaire de degré quelconque. Cette forme, égalée à zéro,
représente, en coordonnées homogènes, une courbe géné-
ralement dépourvue de points doubles. Pour qu'il y ait un
point double, il faut que les coefficients soient liés par une
relation convenable ; en d'autres termes on aura la condi-
tion d'existence d'un pareil point en égalant à zéro une
certaine fonction © (a, b, c....) des coefficients de la forme.
Supposons maintenant qu'on vienne à changer d'axes. Les
coefficients a, b, c prennent de nouvelles valeurs af , l/, c',
et la condition obtenue devient <p (a'? if, c') = 0. Mais il
est clair qu'une pareille propriété subsiste indépendamment
de la position des axes. Les fonctions <p (a, b, c.) et
o {af , f/, cf...) doivent donc s'annuler simultanément pour
tous les changements d'axes possibles. Il faut pour cela, et
il suffit, qu'elles ne diffèrent que par un facteur numé-
rique, ou encore par une puissance quelconque du module
de la substitution (puisque celui-ci n'est jamais nul). On
désigne, d'une manière générale, par invariants de la
forme donnée les fonctions des coefficients qui possèdent
ainsi la propriété de conserver la même valeur, à une
puissance près du module, quand on effectue une substitu-
tion linéaire quelconque. L'invariant est dit absolu quand
la puissance du module est nulle, et quand par suite l'in-
variant n'éprouve aucun changement. Dès que l'on connaît
deux invariants ordinaires, 1 et J, correspondant à deux
puissances quelconques p et q du module, on peut en
déduire un invariant absolu : il suffit de prendre le quotient
de (1)2 par (J)p. Quand le module est égal à (— 1) et
figure à une puissance impaire, la substitution change le
signe de l'invariant sans changer sa valeur absolue : on dit
alors que Tin variant est gauche. Un invariant particuliè-
rement remarquable est le discriminant (V. ce mot).
Les invariants dépendent uniquement des coefficients
de la forme. Il existe certaines fonctions, renfermant à la
fois les coefficients et les variables, qui jouissent de la
même propriété, c.-à-d. qui se reproduisent à une puis-
sance près du module dans toute substitution linéaire. De
pareilles fonctions se nomment des co variants. Au point
de vue géométrique, un covariant d'une forme à trois
variables représente, si on l'égale à zéro, une courbe qui
possède, par rapport à la courbe donnée, une relation
indépendante de la position des axes. Le hessien (V. ce
mot à l'art. Déterminant) est en général un covariant ;
dans le cas particulier des formes quadratiques, c'est sim-
— 811 — FORME
plement un invariant. Les invariants et les covariants d'un
covariant sont en même temps des invariants et des cova-
riants de la forme primitive. 11 peut arriver qu'un covariant
renferme, en même temps que les variables et les coordon-
nées de la forme, les coordonnées a/, yf, %', a/', y", z" , etc.,
de divers points fixes, coordonnées qui doivent naturelle-
ment éprouver les mêmes substitutions linéaires que les
coordonnées variables. Par exemple, si l'on remplace dans
la forme donnée x, y et z respectivement par x + kœf,
y-\-ky' ', % + kzf et que l'on développe ensuite suivant
les puissances de /c, chacun des coefficients de k est un
covariant renfermant à la fois x, y, z et xf, yf, z'. Les
covariants obtenus par ce procédé portent le nom d'éma-
nants. Dans le cas d'une forme binaire dont x et y sont
les variables, on peut encore obtenir des covariants en
considérant la substitution x = X -f- XY, [xzrr Y et remar-
quant que la valeur d'un covariant doit rester la même,
soit qu'on introduise d'abord cette substitution dans la
forme, soit qu'on l'effectue dans le covariant lui-même. Ceci
posé, si l'on considère un polynôme homogène, d'ordre p,
en x et y, ayant pour premier terme Ax*, et si l'on sup-
pose que ce soit un covariant de la forme donnée, on
trouve, en écrivant que la condition précédente est rem-
plie, une série d'équations qui permettent de calculer tous
les coefficients du covariant en fonction de A et des coeffi-
cients de la forme. En raison de cette propriété, le terme A
est appelé source du covariant. On le désigne aussi sous
le nom de semi-invariant, ou bien encore de pénin-
variant.
Les contrevariants sont des formations invariantes
différant des covariants en ce que, au lieu des coordonnées
ponctuelles x, y, z, elles renferment des coordonnées
lignes ou coordonnées tangentielles, c.-à-d. les paramètres
u,v,w, qui figurent dans l'équation ux -{- vy -\- zw = 0
de la ligne droite. Dans la substitution linéaire (1), déjà
envisagée, la forme ux -+- vy + ivz se change identique-
ment en UX + VY + WZ, et l'on a les relations
U = lu H- \'v + \"w,
(2) V = \lu + {l'y + p."w,
W= vu +v^+ v"w ,
qui expriment une substitution appelée inverse de la pre-
mière. Les variables qui se transforment par la substitu-
tion (1) sont dites cogrédientes ; celles qui éprouvent la
substitution (2) sont dites contragrédientes. On étend le
nom de contrevariants à toutes les formations invariantes
qui renferment des variables contragrédientes associées
aux coefficients de la forme.
Etant donnée une forme <p d'ordre n, devenant <ï> à la
suite d'une substitution linéaire, si la même substitution
transforme ux -h vy -+- wz en UX + VY + WZ, la fonc-
tion 9 + k(ux 4- vy + wz)n, que nous appellerons <|>,
se change évidemment, quelle que soit la constante k, en
$ + &(UX + VY + WZ)W. Si l'on sait former un certain
invariant de la forme 9, on peut calculer l'invariant cor-
respondant de la forme ty. Exprimant alors que ce dernier
jouit de la propriété de l'invariance, on obtient une équa-
tion dont les deux membres sont des fonctions de k. Comme
k est arbitraire, on peut égaler séparément les coefficients
de ses différentes puissances, et l'on trouve ainsi que chaque
coefficient est une fonction invariante de u, v, w et des
coefficients de la forme <p ; c'est donc un contrevariant de
cette forme. Les contrevariants obtenus par ce procédé
portent le nom tfévectants. On remarque l'analogie du
procédé qui les fournit avec celui qui donne les émanents.
On appelle covariant mixte ou divariant une forma-
tion invariante qui renferme à la fois les coordonnées
ponctuelles et les coordonnées tangentielles. Si les coeffi-
cients n'y figurent pas, on dit que l'on a affaire à un
covariant identique ; telle est l'expression ux -\- vy-\-wz.
L'ensemble des invariants, des covariants, des contreva-
riants et des divariants constitue les concomitants de la
forme.
Au lieu d'une forme unique, on peut avoir à considérer
FORME
— 812 —
simultanément un ensemble de formes. Les divers conco-
mitants peuvent alors renfermer les coefficients de toutes
ces formes ; mais leur définition n'est pas autrement
modifiée. Si l'on égale à zéro n formes de n variables et
si Ton élimine entre ces n équations les rapports de n — 1
variables à la dernière, le premier membre de l'équation
résultante s'appelle le résultant ou bien Y éliminant du
système : c'est un invariant de ces n formes. Parmi les
invariants simultanés de plusieurs formes ©4, o2, <p3 ,
il y a lieu de distinguer en particulier ceux qui, en outre
de la propriété de l'invariance, possèdent celle de rester
inaltérés quand on remplace chacune des formes par une
combinaison linéaire telle que \ y± -f- X2 <p2 -f X3 cp3 + . . . ,
où X^, X2, X3 désignent des constantes arbitraires. Les
invariants de cette espèce se nomment des combinants;
on voit facilement que le résultant est un combinant.
Si Ton prend en particulier trois formes quaternaires
quadratiques, représentant, quand on les égale à zéro, trois
surfaces du second degré, il existe deux combinants remar-
quables, dont l'un s'annule si quatre des huit points com-
muns aux trois surfaces sont dans un même plan et dont
l'autre (appelé le tact-invariant) s'annule quand deux de
ces huit points coïncident. — Comme exemple de covariant
simultané, on doit citer le jacobien, autrement dit le
déterminant fonctionnel (V . Déterminant). Un exemple
de contrevariant simultané se rencontre dans la théorie des
formes ternaires quadratiques et correspond à la condition
pour que trois coniques données coupent une droite en six
points formant une involution.
Il existe des formes plus complexes que celles dont il a
été question jusqu'ici : ce sont les formes renfermant à la
fois des variables cogrédientes et des variables contragré-
dientes, analogues, par conséquent, aux divariants d'une
forme ordinaire. La forme étudiée peut, par exemple,
contenir à la fois trois coordonnées ponctuelles, x, y, z,
et trois coordonnées tangentielles, u, v, w. Si on l'égale
à zéro , on définit une certaine corrélation géométrique,
laquelle porte le nom de connexe (Y. ce mot). On démontre
que, quelle que soit la complication d'une forme, son étude
peut toujours être ramenée à celle d'un système simultané
de formes simples, c.-à-d. dont chacune renterme au plus
une série de coordonnées ponctuelles et une série de coor-
données tangentielles. Ce système possède les mêmes con-
comitants que la forme donnée, et l'on dit qu'il constitue
un système réduit équivalent à cette forme.
Un problème important et difficile est celui qui consiste
à trouver méthodiquement les concomitants d'une forme
donnée ou d'un système donné de formes. Nous devons
nous borner ici à de brèves indications. Pour les formes
binaires, une méthode féconde, due à M. Cayley, est basée
sur l'emploi des fonctions symétriques. La méthode sym-
bolique d'Aronhold et Ciebsch, dont le principe est indiqué
au mot Binaire, fournit également d'intéressants résultats.
Un autre principe, dû à Ciebsch, permet de déduire des
invariants d'une forme binaire certains contrevariants
d'une forme ternaire. C'est le principe de translation
qui s'énonce ainsi : « Si une droite est assujettie à couper
une courbe du nième ordre en un groupe de points qui
possède une propriété projective particulière, l'équation de
la courbe enveloppée par la droite s'obtient de la manière
que voici : on représente symboliquement l'invariant de la
forme binaire du nième ordre, dont l'évanouissement exprime
la propriété demandée et l'on remplace chaque déterminant
binaire qui s'y rencontre par un déterminant ternaire
(a, &, u) les u désignant les coordonnées lignes et les a,
b, ... des symboles de la forme ternaire demandée. »
Le nombre des invariants distincts d'une ou plusieurs
formes données est nécessairement limité. Car, en expri-
mant pour chacun d'eux la propriété de l'invariance, on
obtient une série d'équations renfermant uniquement, avec
les coefficients anciens et nouveaux du système, le déter-
minant de la substitution, et si le nombre de ces équations
dépassait une certaine limite, on pourrait éliminer le
déterminant de la substitution et les coefficients nouveaux
du système, de manière à obtenir certaines relations entre
les coefficients anciens du système : résultat évidemment
absurde. En particulier, le nombre des invariants d'une
forme unique est au plus égal au nombre des relations qui
peuvent exister entre les cofficients de cette forme et ceux
de sa transformée, augmenté d'une unité. Au sujet du
nombre des invariants, M. Hermite a encore fait connaître
la remarquable loi de réciprocité que voici : « Le nombre
des invariants du nième ordre par rapport aux coefficients
que possède une forme binaire de degré p est égal au
nombre des invariants de l'ordre p que possède une forme
de degré n, » Cette loi s'étend également aux co variants.
On dit qu'une forme est rendue canonique lorsque, par
des substitutions linéaires, on l'a simplifiée autant qu'il est
possible sans restreindre sa généralité. Voici quelques
exemples de formes canoniques (les lettres x, y, z, w, v
désignent ici des formes linéaires, qui sont, suivant les
cas, dépendantes ou indépendantes).
Forme quadratique binaire x2 -f- y2
— — ternaire ... x2 + y2 + z2<
— — quaternaire. ax2~\-by2-
— cubique binaire xs -»- ?'3
-cz&
ternaire x3 -f- yB -
— quaternaire ... x3-\-y3-\
-z*
— biquadratique binaire
— quintique —
— sextique —
— octique —
-du2r
\-§axyz.
-u3.
-r
6ax2y2.
#D + y* + zb.
x6 -+- y6 -+- z6 + axyz
(%— y)(y— *)(*—#).
x8 -h ys -+- zs + u8
4- ax2y2z2u2.
Toute forme binaire de degré impair %n — 1 peut être
réduite à une somme de n puissances de même degré ; la
réduction n'est possible que d'une seule manière. Toute
forme binaire de degré pair <2n peut être réduite à une
somme de n termes suivie d'un terme additionnel. Le coeffi-
cient de ce dernier terme porte le nom de catalecticant.
C'est un invariant dont l'annulation exprime que la forme
se réduit à la somme de n puissances. La réduction des
formes d'ordre pair est possible de plusieurs manières.
L'étude des formes quadratiques est particulièrement
intéressante, en raison de ses applications aux questions
de maxima et de minima, à la théorie des nombres, à la
géométrie des courbes et des surfaces du second degré, etc.
On démontre qu'une forme quadratique renfermant n va-
riables peut, d'une infinité de manières, être ramenée à la
somme algébrique de n carrés indépendants. Mais, quel
que soit le mode de décomposition adopté, pourvu que les
coefficients de la forme et ceux de la substitution soient
réels, on parvient toujours au même nombre de carrés
positifs, négatifs ou nuls. Cette proposition, due à Jacobi,
a été appelée par Sylvester loi de l'inertie. La forme est
dite définie quand tous les carrés y figurent positivement ;
elle est indéfinie dans le cas contraire. Si le hessien est
différent de zéro, la réduction donne réellement n carrés
indépendants. Si le hessien est nul, on est conduit à un
nombre de carrés inférieur à n. Le hessien est le seul
invariant que possède une forme quadratique. Si l'on dé-
signe par %, w2, u3, ... un les dérivées de la forme <p
relatives aux variables x±, #2, #3, xn qu'elle renferme,
et si l'on considère la substitution
efcp
dxi
do
dx9
dy
dx„
on obtient une nouvelle forme ^{u^ u2, ... u3) équiva-
lente à la première tant que le module de la substitution
n'est pas nul. La fonction ty est dite adjointe à la pre-
mière, et il est aisé de voir que c'est un contrevariant de
cette forme. Géométriquement, si cp = 0 représente une
conique en coordonnées ponctuelles, <\> = 0 est l'équation
tangentielle de la même conique. Deux formes quadratiques
peuvent être ramenées simultanément à deux sommes de
carrés par une même substitution. Le nombre des in va-
riants résultant de deux formes quadratiques d'ordre n est
au plus égal à n -f- 1 .
Dans certaines questions concernant la théorie des
nombres, on est conduit à envisager des invariants
arithmétiques qu'il ne faut pas confondre avec les inva-
riants algébriques dont il a été question jusqu'ici. Pour
les invariants algébriques, l'invariance a lieu quels que
soient les coefficients de la substitution; dans le cas des
invariants arithmétiques, l'invariance n'a lieu que si ces
coefficients sont entiers. En outre, on se borne générale-
ment aux substitutions dont le déterminant est égal à
l'unité. Une fonction linéaire telle que ax -+- by n'a pas
d'invariant algébrique ; elle admet, au contraire, des inva-
riants arithmétiques, tels que la série convergente double
y -, rr^ > où k est un nombre entier arbitraire,
£* (am -4- bnfh
mais fixe, tandis que m etn sont des entiers variant sépa-
rément de — ex: à -f- go, exception faite des valeurs
simultanées m = n = 0. L. Lecornu.
III. Botanique. — Formes végétales. — Les espèces
appartenant à un même groupe naturel, envisagé sur un ter-
ritoire restreint, présentent généralement entre "elles une
grande ressemblance ; ainsi la plupart des Labiacées de
France se ressemblent morphologiquement et par l'habitus,
à la taille près ; il en est de même de la plupart des Borra-
ginacées, des Scrofulariacées, etc. ; de plus on ne saurait
méconnaître (nie beaucoup de Labiacées, de Borraginacées,
de Scrofulariacées se ressemblent entre elles, ont une phy-
sionomie presque identique, présentent certains caractères
morphologiques communs. On conçoit donc la possibilité de
classer les plantes d'après leur port et certains caractères
extérieurs, non essentiels. La question mérite d'être exa-
minée de plus près.
Si par exemple on compare la flore de la plaine avec
celle de la vallée avoisinante ou avec celle de la montagne,
on est frappé de la ressemblance que présentent dans ces
régions voisines les espèces appartenant à un même genre
ou à une même famille, mais en même temps on observe
des différences qui ont précisément servi à établir la dis-
tinction des espèces. Pour expliquer les ressemblances, on
dira que les centres de création sont voisins l'un de l'autre ;
pour expliquer les différences spécifiques, on fera inter-
venir l'action du climat et des autres conditions physiques ;
mais on se défend difficilement de la pensée que ces espèces,
aujourd'hui si bien établies, ont pu dériver les unes des
autres, ou bien que des conditions physiques et biologiques
différentes, en agissantsur un même substratum, aient donné
naissance à ces espèces, tout en leur laissant la forme an-
cestrale générale. Malheureusement les intermédiaires font
défaut et toute affirmation serait hasardée dans l'état ac-
tuel de la science. Ailleurs, les espèces ou les genres d'une
même famille offrent un parallélisme remarquable dans
des régions très distantes, mais à climat semblable ; ainsi
aux mêmes latitudes dans les deux mondes correspondent
des espèces parallèles, qui se remplacent mutuellement en
quelque sorte ; le Platanus occidentalis L., par exemple,
remplace dans l'Amérique du Nord le PI. orientalis L. de
notre Orient ; ces espèces sont très voisines ; on peut sup-
poser qu'elles se sont formées dans des centres de création
différents, éloignés, mais où les conditions physiques et bio-
logiques étaient semblables ; il est peut-être préférable de
penser que les deux espèces sont issues d'une même espèce
tertiaire, le Platanus aceroides Gôpp., qui existait dans
tout l'hémisphère N. Nous observerons encore des faits
analogues en comparant les régions à climats analogues des
hémisphères boréal et austral; ainsi, si l'on compare le Cap
à l'O. de l'Europe, on constatera que dans les deux régions
les Ericacées, par exemple, sont représentées par des espèces
autres, mais semblables par leurs formes générales et par
le port. Ces ressemblances se retrouvent également chez
des plantes très éloignées dans le système naturel ; citons
comme exemples les Cactées du Mexique et les Euphorbes
813 — FORME
d'Afrique, dont les organes de nutrition sont absolument
semblables ; les deux groupes offrent des tiges succulentes,
conséquence de l'adaptation de ces plantes à un climat sec
et chaud. En revanche, si nous comparons nos Euphorbes
françaises à celles de l'Afrique tropicale, les différences de
formes sautent aux yeux ; dans nombre de familles il en
est de même ; les différences sont multiples et dépendent
généralement de la diversité des conditions dans lesquelles
les plantes se sont développées ; il arrive même qu'une
espèce donnée diffère de forme selon qu'elle se développe
dans un lieu sec ou un lieu humide ; ces formes ne sont
que des variétés (V. ce mot).
On voit par ce qui précède que les formes végétales
correspondent dans un grand nombre de cas à des groupes
naturels ; que, d'autre part, ces formes peuvent être sem-
blables dans des groupes très éloignés dans la série systé-
matique ; aussi plusieurs botanistes ont-ils eu l'idée d'éta-
blir un lien entre ces formes semblables et de constituer
une classification morphologique des plantes, un système
physionomique, selon l'expression de Humboldt, à qui l'on
doit du reste une tentative de ce genre. Mais ce ne peut
être qu'un système artificiel fondé sur des similitudes d'ha-
bitus ou de port, sur des caractères qui ne sont que l'ex-
pression de l'adaptation d'espèces souvent très éloignées
dans l'ordre naturel à des conditions biologiques sem-
blables, système ne tenant aucun compte des caractères
invariables tirés des organes de la reproduction. Grisebach,
à l'exemple de Humboldt et en tenant compte dans une
certaine mesure des caractères systématiques des plantes,
a distingué cinquante-quatre formes végétales qu'il serait
trop long d'énumérer ici ; pour donner une idée de cette
classification, citons seulement dans la division des plantes
ligneuses les formes de Palmiers, de Fougères, de Bam-
bous, de Conifères, de Lauriers..., d'Ericacées, de Myrta-
cées, de Protéacées..., d'arbustes épineux, etc. Drude a
considérablement réduit le nombre de ces formes. Une des
tentatives les plus récentes de classification de ce genre est
due à Wiesner, qui s'est appuyé à la fois sur les caractères
biologiques et systématiques et a distingué les catégories
suivantes : 4° les arbres, à cime large et à cime étroite
toujours verts ou à feuilles caduques ; 2° les arbustes,
soit verts, soit à feuilles caduques, les arbustes grimpants
et épineux, les genêts (forme Spartium), les Casuarinées,
les Protéacées ; 3° les arbrisseaux et sous-arbrisseaux,
verts ou à feuilles caduques ; 4° les plantes herbacées,
éphémères, annuelles, bisannuelles, à tige ligneuse, épi—
phytes, mousses ; 5° les plantes charnues ou succulentes,
soit à tige, soit à feuilles succulentes, les plantes à rosette
de feuilles; 6° les aérophytes; 7° les hydrophytes d'eau
douce ou des marais ; 8° les lichens ; 9° les saprophytes ;
4 0° les parasites verts ou privés de chlorophylle. — Kerner,
enfin, tenant compte du substratum, du mode de nutrition
et des caractères morphologiques, a établi des groupes tels
que ceux des plantes aquatiques, saxicoles, terricoles,
épiphytes, saprophytes, carnivores, parasites, commen-
sales (lichens), à feuilles planes, charnues, etc. Le défaut
général de toutes ces classifications, c'est qu'aucune ne re-
pose sur des caractères purement biologiques.
Dans certains cas, grâce à la similitude du port à d'autres
caractères extérieurs des plantes, les formes végétales
peuvent devenir le facteur prépondérant de certaines asso-
ciations ; mais le plus souvent celles-ci dépendent de
conditions multiples et complexes et l'on peut y trouver
côte à côte des végétaux de formes différentes (V. Asso-
ciation). Les associations naturelles résultant du groupe-
ment de ces formes végétales différentes ont reçu de Gri-
sebach, en 4835, le nom de formations. Un exemple
d'une formation naturelle, c'est la forêt avec ses arbres,
ses arbustes, ses plantes herbacées et ses mousses et
lichens, formant selon l'expression de Kerner, comme quatre
étages superposés. Il est évident que les formations natu-
relles sont les plus importantes et offrent le caractère de
constance le plus remarquable dans les régions où la main
FORME - FORMENT
- 844 —
de l'homme est le moins intervenue. Comme formations
naturelles, à côté des forêts, citons les prairies natu-
relles, les marais, les tourbières, les eaux, les éboulis,
les rochers, le littoral maritime, etc. L'homme, en mo-
difiant diversement le sol et les conditions biologiques par
la culture, a déterminé la production d'associations égale-
ment très constantes, qu'on peut nommer des formations
artificielles, telles que champs, jardins, vignobles, bords
des chemins, etc. Dr L. Hahn.
IV. Beaux-Arts. — Apparence sous laquelle les objets
solides se révèlent à notre œil et à notre tact ; cette appa-
rence est composée du contour, qui en limite l'étendue, et
du modelé^ qui en indique le relief. La reproduction de
la forme, par le contour et les ombres, sur une toile ou
une feuille de papier, est l'objectif du dessin ; le peintre
doit y ajouter le coloris qui donne à la forme l'apparence
de la vie. Le sculpteur reproduit la forme d'une manière
plus réelle et plus effective, au moyen de la terre ou du
marbre, mais son œuvre est privée du charme du coloris.
C'est évidemment pour cette raison que la forme est géné-
ralement rendue d'une manière plus sévère et plus cons-
ciencieuse dans les œuvres de sculpture que dans celles de
peinture. Ad. T.
V. Mobilier. — Siège d'honneur à plusieurs places et
surmonté d'un dais reposant sur le dossier. Dans le chœur
des églises et des abbayes, la forme était divisée en stalles
par des accoudoirs; mais, dans les salles des châteaux, elle
était souvent mobile et destinée à être occupée par le sei-
gneur et les .membres de sa famille qui présidaient les
banquets officiels. Devant la forme et faisant corps avec
elle, était placée une marche sur laquelle s'appuyaient les
pieds. Au-devant s'élevait la table supportée par des tréteaux
mobiles que Ton enlevait après le repas, pour organiser
les danses. Certaines salles capitulaires conservent des
formes à trois places de hauteurs différentes, dans les-
quelles s'asseyaient l'abbé et les prieurs. Les bancs d'œuvre
de nos églises ne sont que des formes empruntées aux anciens
mobiliers ecclésiastiques du moyen âge. On trouve dans les
musées et dans plusieurs églises un assez grand nombre de
ces sièges qui sont parfois d'un beau travail. Leur dossier
est orné de panneaux à fenestrages richement découpés ou
de rouleaux de parchemin déployés, tandis que sur le dais
règne une dentelure de fleurons détachés et séparés par des
pinacles élancés. Les formes disparurent du mobilier civil
vers l'époque de la Renaissance ; elles furent remplacées
par des sièges plus légers et moins encombrants, mais le
nom ne s'en perdit pas et pendant longtemps on persista à
l'appliquer à des bancs et à des banquettes qui ne rappe-
laient que par leur désignation les anciennes formes du
moyen âge. A. de Ch.
VI. Technologie. — On donne le nom de formes à
divers appareils servant à façonner, monter ou confection-
ner différents objets : tels sont les châssis garnis d'une
toile métallique employés dans la fabrication du carton et
du papier (V. ce mot) ; l'instrument en bois massif de la
grosseur de la tête dont se servent les chapeliers pour
enformer les chapeaux (V. ce mot) ; les moules coniques
en terre cuite dans lesquels on coule le sirop pour le faire
cristalliser et le réduire en pain (V. Sucre) . En typogra-
phie, on appelle forme toute composition renfermée dans
un châssis, ainsi que le châssis lui-même avec ses garni-
tures. Chaque moitié de feuille imposée (V. Imposition)
constitue généralement une forme : l'une se nomme côté de
première, l'autre, côté de seconde ou de deux, et chacune
contient le nombre de pages indiqué par le chiffre du for-
mat ; la forme in-octavo, par exemple, se compose de huit
pages. — La forme du cordonnier consiste en un morceau
de bois de hêtre ou de frêne imitant à peu près le pied et
sert à monter les souliers, les chaussons, les bottines, etc.
Les chaussures d'hommes se font sur deux formes, une
pour le pied droit et une pour le pied gauche ; celles des
enfants et une partie de celles des femmes sur une seule.
La chaussure étant terminée, afin de faciliter l'extraction
de la forme, celle-ci est divisée obliquement en deux mor-
ceaux dont l'une représente le cou-de-pied et se termine
en pointe vers le milieu du pied, l'autre représente le
talon, le gras du pied et les doigts. Pour les hottes on
emploie les embouchoirs qui ont de plus la forme de la
jambe. Quand on veut élargir des chaussures trop étroites,
on fait usage de formes particulières dites formes brisées
qui sont sciées dans toute leur longueur et dont les deux
morceaux peuvent, grâce à un mécanisme quelconque, être
écartées à volonté. — Les formes de la modiste sont de
deux sortes : ou bien c'est une tête en carton peint qui lui
sert à assembler et à épingler les différents plis d'une
coiffure pour permettre de juger de l'effet qu'elle produit,
ou c'est la pièce principale d'un chapeau, destinée 3. être
recouverte d'étoffes, ou garnie de rubans, de dentelles,
de plumes, de fleurs artificielles, etc.
VII. Marine. -- Formes de radoub (V. Bassin de ra-
doub).
VIII. Art vétérinaire.— ■ Les formes sont des tumeurs
osseuses ou exostoses qui se développent à la surface des
os du pied du cheval, paturon ou couronne, ou dans les
tissus du fibro-cartilage complémentaire de l'os du pied.
Les formes sont donc ou phalangiennes ou cartilagineuses.
Les coups, les heurts, les blessures, les javarts sont la cause
la plus commune de ces dernières ; les premières sont cau-
sées par la fatigue, l'excès de travail, l'usure, les tiraille-
ments exercés sur les ligaments articulaires, lesquels, inti-
mement liés au périoste, enflamment cette membrane et
provoquent à sa face interne une sécrétion exagérée de
matière osseuse, appelée, d'une manière générale, exostose,
et forme quand elle a son siège sur les phalanges. La forme
est un mal grave, en ce sens qu'il tare l'animal et lui
occasionne souvent une boiterie qu'il est difficile de guérir.
Les onguents fondants, le feu en pointes et l'application
d'un fer à planche si la forme a envahi les cartilages, tels
sont les moyens curatifs à employer pour la combattre.
L. Garnier.
Bibl. : Mathématiques. — Saumon, Leçons d'algèbre
supérieure, trad. Bazin; Paris, 1868. - Clebsch, Leçons
sur la géométrie, trad. Benoist; Paris, 1879. — H. Lau-
rent, Traité d'analyse; Paris, 1885, t. I.
FORMENT (Damian), sculpteur espagnol, né à Valence
vers 1480, mort à Huesca vers 4534. Il étudia son art en
Italie et, croit-on, auprès de l'un des élèves de Donatello.
Revenu en Espagne, il traitait, en 4541, avec le chapitre
de la cathédrale del Pilar, à Saragosse, pour l'exécution
du maître-autel de cette cathédrale, moyennant le prix de
4,200 ducats d'or. Le maître imagier disposa sa décora-
tion en trois parties juxtaposées, chacune d'elles se compo-
sant d'un haut-relief peuplé de nombreuses figures, sculptées
dans l'albâtre. Au centre, il prit pour motif Y Assomption
de la Vierge et, sur les côtés, la Naissance et la Purifi-
cation. Toute la décoration extérieure de style gothique
forme un riche encadrement à ces hauts-reliefs ; il est
peuplé lui-même d'un monde de statuettes entourées de
caprices décoratifs de l'exécution la plus exquise. Parmi
les grands ouvrages de sculpture que Forment entreprit à
Saragosse, l'un des plus importants est le retable en bois,
de l'église Saint-Paul, qui fut achevé vers 4547, et dont
les figures furent ensuite peintes au naturel par divers
artistes estof adores. Il se compose de nombreux hauts et
bas-reliefs, de statues de saints, avec l'image de saint Paul
au centre, encadrés par des pilastres et des motifs d'orne-
ments, des feuillages, dont le style est mi-parti gothique
et renaissance. Plusieurs fragments d'un retable "existant
autrefois dans l'église de la Magdalena, à Saragosse, et dont
la sculpture était attribuée à Forment, ont été utilisés dans
la décoration de la chapelle du Saint-Christ dans cette même
église. Ces reliefs, jadis peints en tons naturels, ont été
maladroitement recouverts d'une couche de peinture blanche.
Dans la chapelle Saint-Thomas d'Aquin, un groupe poly-
chrome, représentant le Christ mort, entouré de la
Vierge, de saint Jean et de la Madeleine, paraît égale-
ment pouvoir être attribué à Forment. On le regarde aussi
— 815 —
FORMENT — FORMICARIIDÉS
comme Fauteur du précieux retable d'albâtre, enrichi de
nombreuses sculptures, de l'église paroissiale de Velilla de
Ebro. En 4520, Forment commençait à Huesca le grand
retable de la cathédrale qu'il ne terminait qu'en 1533 et
qu'il décorait avec le même goût et la même profusion de
figures et d'ornements de style gothique mêlé de renais-
sance, qu'il avait précédemment employés à la cathédrale
del Pilar. Il fit en même temps, à Huesca, les sculptures
de deux petits retables pour les chapelles du Sagrario et
de Santa Anna, ouvrages d'une exécution admirable.
L'empereur Charles-Quint, à l'incitation de son sculpteur
Berruguete, qui avait collaboré avec Forment à quelques-
uns de ses ouvrages à Saragosse ou à Huesca, avait mandé
l'artiste auprès de lui pour lui confier des travaux de son
art. Mais celui-ci tomba malade à Huesca et y mourut peu
après l'achèvement de son superbe retable. Paul Lefort.
FORMENTERA (Ile) (V. Baléares).
FORMENT1N. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Pont-
PEvêque, cant. de Cambremer ; 275 hab.
FOR MENTOR .Pointe la plus avancée vers le N. de l'île
de Majorque (Baléares), partie terminale d'une longue et
étroite presqu'île qui ferme au N. la remarquable baie de
Pollenza.
FQRMER1E (Fromeriœ, Fourmeries). Ch.-l. de cant.
du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais; 1,365 hab. Stat. du
ch. de fer du Nord. C'était une des quatre baronnies du
vidamé de Gerberoy. Elle appartint dès une époque très
reculée aux Montmorency-Beaussault, puis passa par diver-
ses alliances dans les maisons de Roye, d'Estoute\ille et de
Sainte-Maure. Le dernier propriétaire de cette famille eut
pour héritier Antoine Duprat, seigneur de Nantouillet,
chancelier de France, puis cardinal, dont les successeurs
portèient le titre de barons de Formerie jusqu'en 1790.
L'église paroissiale a un clocher central du commencement
du xvne siècle. On a trouvé des substructions et des anti-
quités de l'époque romaine sur le territoire. Brasserie,
ateliers d'apprêts pour la bonneterie, teinturerie, bimbelo-
terie, verrerie, faïencerie. Commerce de bestiaux.
FOR MER ET (Archit.) (V. Arc, t. III, p. 595).
FORMEY (Jean-Henri-Samuel), littérateur allemand,
français par sa famille qui était protestante et avait quitté
la France après la révocation de l'édit de Nantes, né à
Berlin le 31 mai 1711, mort à Berlin le 8 mars 1797.
Il devint, en 1721, ministre de l'Eglise française réformée
de Brandebourg et, en 1736, pasteur de l'Eglise de Berlin,
fonction qu'il cumula avec celle de professeur d'éloquence
au Collège français. Adepte de Wolf, il publia, de 1741
à 1750, une manière de fantaisie philosophique en six
tomes, intitulée la Belle Wolfienne ou Abrégé de la
philosophie wolfienne et qui lui valut de faire partie,
dès son origine, de l'Académie de Berlin (1744). Nommé
en 1748 secrétaire perpétuel de cette compagnie, et, en
1789, directeur de la section de philosophie, il s'acquitta de
ses fonctions avec le plus grand zèle, une érudition consi-
dérable et un parfait mauvais goût d'écrivain. On lui doit
de nombreux éloges académiques, une Histoire de l' Aca-
démie des sciences de Berlin (1746) ; un recueil de ser-
mons intitulé le Philosophe chrétien (1750); des Mé-
langes philosophiques (1754); un Abrégé de V Histoire
de la philosophie (1760); les Souvenirs d'un citoyen
(1789), sans compter quelques compilations dans le genre
de la Bibliothèque critique ou Mémoires pour servir à
Vhistoire littéraire ancienne ou moderne (Berlin, 1746,
3 parties, in-12). Formey collabora aussi à X Encyclopédie
française, à V Encyclopédie d'Yverdun, au humai ency-
clopédique, etc. Ch. Le G.
FOR Ml A (Formies, autrefois Formiœ). Ville d'Italie,
prov. et circondario de Gaëte, à 7kil. N.-E. de cette ville,
appelée souvent à cause de cette proximité Mola di Gaeta;
8,565 hab. Beaucoup de voyageurs aiment mieux y sé-
journer que dans l'étroite forteresse de Gaëte, d'autant qu'on
y jouit d'une fort belle vue sur la campagne, sur le golfe de
Gaëte et sur Ischia. Les coteaux du voisinage produisent
un vin qu'Horace comparait au Falerne. On y trouve de
nombreux restes de villas construites jadis par les Romains
qu'attirait la beauté du site. La plus visitée est celle de
Cicéron. C'est là que le grand orateur se livra lui-même aux
émissaires d'Antoine.
F0RMIAmDE(Chim0.Form.jE:::SlY
Le formiamide ou formamide, découvert par Hof-
mann, est l'amide normal de l'acide formique :
C2H204AzH3 — H202 = C2H3Az02.
On le prépare en chauffant en tubes scellés, pendant
cinq heures et à 230°, du formiate d'ammonium, et en
distillant, de manière à recueillir lé liquide qui passe vers
190° (Hofmann). Le même corps prend naissance dans
plusieurs réactions : lorsqu'on chauffe à 100° de l'éther
formique saturé de gaz ammoniac; par l'action de l'hy-
drogène naissant sur le cyanate de potassium ; en chauf-
fant des formiates avec du sel ammoniac ; en abandonnant
à basse température un mélange d'acide cyanhydrique et
d'acide chlorhydrique. Le formiamide est un liquide inco-
lore, bouillant à 190°, et se décomposant un peu au-des-
sous de cette température en oxyde de carbone et ammo-
niaque :
C2H3AzO* = C202 + AzH3.
Il est très soluble dans l'eau, insoluble dans l'éther. Les
lessives alcalines dégagent de l'ammoniaque ; les déshy-
dratants, comme l'acide phosphorique, donnent de l'acide
cyanhydrique :
C2H3Az02 = H202 -f- C2AzH.
Il fournit plusieurs dérivés : avec l'acide chlorhydrique,
un produit d'addition cristallisé; avec le brome, un dérivé
de substitution ; avec les alcools, des dérivés de substitu-
tion, comme le méthylformiamide, l'éthylformiamide, le
diéthylformiamide, etc. Ed. Bourgoin.
Bibl. : Basarow, Soc. ch., t. IX, 250. — Berend, id.9
t. 1, 277. — Claison et Matthews, id., t. XL, 199.— -Hof-
mann, id., t. XXXVIII, 278. — Lorin, id., t. II, 207.
FORMICARIIDÉS (Ornith.). Les Passereaux qui cons-
tituent la famille des Formicariidés et qui appartiennent
tous à la faune du Nouveau-Monde ont été rapprochés par
les anciens auteurs, soit des Timéliidés asiatiques (V. ce
mot) auxquels ils ressemblent par leurs mœurs et aussi
par la nature de leur plumage, abondant et floconneux
sur les reins , soit des Laniidés (V. ce mot et Pie-
Grièche), qu'ils rappellent souvent par la forme de leur
bec, dont la mandibule supérieure est crochue et dentée.
Les Formicariidés, toutefois, comme l'ont montré d'Orbi-
gny, Ménétrier, le prince de Wied, Nitzsch, J. Millier et le
Dr Cabanis, offrent des caractères qui leur sont propres et
ont un faciès qu'on ne peut méconnaître. Ils ont tous les
tarses grêles, le doigt externe réuni au doigt médian à la
base, les ongles médiocrement développés, les ailes courtes
et arrondies, le plumage varié de brun, de noir ou de
blanc, cette dernière couleur se montrant assez fréquem-
ment, au moins chez les mâles, à la base des plumes de la
région interscapulaire.
Comme le dit M. Ph.-L. Sclater dans le travail très
étudié et très complet qu'il a consacré à cette famille (Cat.
B.Brit.Mus., 1890, t. XV, pp. 177 et suiv.), la subdi-
vision intérieure de Formicariidés présente de très grandes
difficultés, car si les formes extrêmes, telles que les Tham-
nophiles et les Grallaria, les premiers avec leur physionomie
de Pies-Grièches, les secondes avec leur physionomie de
Brèves, paraissent, au premier abord, suffisamment dis-
tinctes, on trouve néanmoins certaines formes qui établissent
la transition entre ces deux groupes et qui constituent la
tribu intermédiaire des Formicariidés.
Les Formicariidés sont très répandus dans les contrées
tropicales du Nouveau-Monde : on en connaît une ving
taine d'espèces dans l'Amérique centrale, une cinquantaine
dans la Guyane, au moins autant au Brésil et en Colombie
et près de cent au Pérou. Ils paraissent être sédentaires et
vivent dans les broussailles et les taillis. Les uns, comme
FORMICARIIDÉS — FORMIQUE
— 846 —
les Thamnophiles et certains Formicariinés, se perchent sur
les buissons, tandis que d'autres, comme les Grallaria,
courent sur le sol à la manière des Brèves (V. ce mot).
Ces Grallaria sont, en général, de la taille d'un Merle ou
d'une Grive et ont la, tête assez forte, le corps épais, les
ailes courtes, la queue très réduite, les pattes hautes et bien
dégagées. Des caractères analogues avec des dimensions
beaucoup plus réduites se retrouvent chez les Conopopha-
gidés que l'on réunissait autrefois aux Formicariidés, mais
dont on fait maintenant une famille distincte.
Les Thamnophiles , au contraire, ont, comme nous
l'avons dit, non seulement le bec mais les formes générales
des Pies-Grièches, tandis que beaucoup de Formicariidés,
avec leur queue de longueur moyenne, leurs ailes arron-
dies et leur bec assez grêle rappellent un peu les Fau-
vettes. Certaines espèces de Formicaridés ont, en dépit de
leur petite taille, un chant extrêmement sonore et plus ou
moins comparable au son d'une cloche. D'autres font en-
tendre un gazouillement harmonieux ou poussent au con-
traire des croassements désagréables. Le régime de ces
oiseaux est essentiellement insectivore. Ils se montrent
d'un naturel farouche et ne peuvent être conservés en cap-
tivité. Leur mode de nidification est encore assez mal
connu. On sait cependant que certains d'entre eux déposent
leurs œufs sur le sol, tandis que les Thamnophiles nichent
dans les buissons.
Dans les anciens traités d'ornithologie et dans les rela-
tions de voyages, les Formicariidés sont souvent désignés
sous le nom de Fourmiliers qui a été appliqué du reste
également à des Passereaux asiatiques (V. le mot Timé-
LIIDÉS). E. OUSTALET.
FORNICATION (V. Fourmillement).
FOR MIES. Ancienne ville d'Italie (Latium), sur la mer
Tyrrhénienne , près de Minturnes, dans le pays des
Volsques (V. Formia).
FORNIIGA. Ville du Brésil, dans l'Etat de Minas Geraes,
sur la rive gauche de la rivière du même nom, affluent du
Lambary, qui se déverse dans le rio Grande ou Paranâ
supérieur.
FORMIGÉ (Jean), architecte français, né au Bouscat
(Gironde) le 24 juil. 4845. Elève de Laisné et de l'Ecole
des beaux-arts. Entré, dès 4869, dans le service d'architec-
ture de la ville de Paris, il fut nommé inspecteur des tra-
vaux de reconstruction de l'Hôtel de Ville et chargé, suivant
les dernières volontés de feu Th. Ballu, de l'achèvement de
la décoration de cet édifice ; il est, en outre, architecte en
chef du service des promenades et plantations de la ville de
Paris. Attaché, depuis 4873, au service des monuments
historiques, M. Formigé a restauré plusieurs édifices dans
les dép. de la Vienne, du Lot et de l'Aveyron, le théâtre
antique d'Orange et les cathédrales de Meaux et de Laval.
Enfin, M. Formigé a fait élever, pour l'Exposition univer-
selle de 1889, les deux palais des Beaux-Arts et des Arts
libéraux sur les côtés du Champ de Mars ainsi que les
motifs extérieurs de décorations des terrasses et jardins.
FORMIGNY.Com. du dép. du Calvados, arr. de Bayeux,
cant. de Trévières, sur un affluent de l'Aure ; 556 hab. Le
18 août 4450, les Anglais commandés par Thomas Kyriel
y furent vaincus, après un combat très meurtrier, par le
comte de Clermont et le connétable de Richemont, victoire
décisive qui assura à Charles VII la conquête de la Nor-
mandie. Une chapelle, construite en \ 486, par le comte de
Clermont lui-même sur l'emplacement de la bataille au bord
de la rivière, a été restaurée sous le règne de Louis-Phi-
lippe. En 4834, la Société française d'archéologie fit éle-
ver sur la colline voisine une borne monumentale revêtue
d'une inscription commémora tive. Eglise (mon. hist.),
dont la nef est en partie romane, le chœur et la tour de
style gothique primitif.
Bibl. : E. Cosneau, le Connétable de Richemont ; Paris,
1886, pp. 407-413, in-8. On y trouvera avec un plan de la ba-
taille une bibliographie complète.
FORMIGUÈRES. Corn, des Pyrénées-Orientales, arr.
de Prades, cant. de Mont-Louis, dans la vallée du Capcir;
724 hab. Elle possédait un château où l'on prétend que
Sanche de Majorque mourut en 4324. Une église fut con-
sacrée à Formiguères en 874 et une autre en 4049 ; de
ces édifices il ne reste rien ou bien peu. Aug. Brutails.
FORMILLON (Techn.) (V. Conformâtes)]
FORMIQUE (Acide) (Chim.). Form. J jg;;; ™
L'acide formique, ainsi nommé parce qu'il a été retiré
des fourmis, est le plus simple de tous les acides orga-
niques. Il a été étudié par plusieurs chimistes, notamment
par Daniel Fischer qui l'a découvert (4670); Margraff,
qui l'a distingué de l'acide acétique (4749) ; Liebig, qui a
fixé sa composition (4834) ; Dumas et Peligot, qui ont établi
ses relations avec l'alcool méthylique (4835) ; Berthelot,
qui en a fait la synthèse, en partant de l'oxyde de carbone
et de l'eau (4856) :
C202 + H202 — C2H204;
réaction qui n'a pas lieu directement, mais qui s'effectue
sous l'influence d'un alcali. L'acide formique prend encore
naissance : en attaquant l'acide carbonique par le potas-
sium et la vapeur d'eau (Kolbe), ou en attaquant le carbo-
nate d'ammonium par l'amalgame de sodium; en oxydant le
gaz des marais indirectement (Dumas), ou l'alcool méthylique
(Dumas et Peligot); en oxydant brusquement l'acétylène
par l'acide chromique concentré (Berthelot) ; dans l'hydra-
tation de l'acide cyanhydrique par l'acide chlorhydrique
(Pelouze) ; en attaquant le chloral ou le bromal par des
solutions alcalines (Dumas). En général, l'acide formique
est l'un des produits ultimes de l'oxydation des matières
organique*; dans les liqueurs acides. Il existe dans les
fourmis, dans plusieurs insectes irritants, comme les che-
nilles processionnaires; dans l'ortie brûlante; dans les
aiguilles du sapin ; dans certains liquides de l'économie,
comme le sang, la sueur. On le prépare en chauffant dans
une cornue 4 kilogr. de glycérine avec 4 kilogr. d'acide
oxalique cristallisé et 450 gr. d'eau ; on chauffe vers 400°,
tant qu'il se dégage de l'acide carbonique ; on ajoute un
litre d'eau, puis 500 gr. d'acide oxalique, et on distille
pour recueillir 425 gr. de produit environ. On ajoute alors
une nouvelle quantité d'eau et d'acide oxalique, et on
continue la distillation en recommençant deux ou trois fois
la même opération. Pour obtenir l'acide pur, on passe par
le formiate de plomb, qu'on décompose par l'hydrogène
sulfuré à une température de 420° :
- C2JlPb04-f-SHz=SPb4-C2H204.
On recueille le produit de la réaction dans un récipient
bien refroidi.
L'acide formique est un liquide incolore, limpide, fu-
mant à l'air, odorant, caustique; sa densité est de 4,226
à 45°; il bouta 404° et cristallise vers zéro lorsqu'il est
chimiquement pur. Chauffé vers 260°, il se dédouble en
eau et oxyde de carbone, avec dégagement de chaleur
(Berthelot); la décomposition a lieu au-dessous de 400°
en présence de l'acide sulfurique, ce qui donne un bon
procédé pour préparer l'oxyde de carbone. Les corps
oxydants engendrent de l'eau et de l'acide carbonique :
C2H204 + 02 = C204 + H202.
Avec le chlore, il y a production d'acides carbonique et
chlorhydrique :
C2H204-f-Cl2 = 2HCl + C204,
tandis que les alcalis fournissent par fusion de l'acide
oxalique et de l'hydrogène (Peligot) :
2C2H204— C4H208 + H2.
L'acide formique est un réducteur énergique : il ramène
à chaud les oxydes d'argent et de mercure à l'état métal-
lique ; il réduit l'azotate d'argent, surtout en liqueur neutre,
ramène le sublimé à l'état de calomel, etc. Soumis à
l'électrolyse, il ne donne que de l'acide carbonique au pôle
positif (Bourgoin) :
4° Action fondamentale du courant :
2(C2H204) — 2(C2H03 + O) + H2
847 —
FORMIQUE — FORMOSE
2° Action secondaire (oxydation) :
2(C2H03 + 0) = C2H204 + C204.
C'est un acide énergique, saturant parfaitement les bases,
décomposant les carbonates avec effervescence, à la manière
de l'acide acétique. Il donne naissance à de nombreux
dérivés, notamment les suivants : 4° des sels neutres,
acides et même basiques, bien qu'il soit monobasique;
2° des éthers avec les alcools, comme l'éther méthylfor-
mique, l'éther éthylformique, etc. ; 3° des amides, comme
le formiamide, l'acide cyanhydrique. On ne connait ni le
chlorure formique, C2H02CI, ni l'anhydride formique
(C2H03)2,ni les anhydrides mixtes. Les formiates neutres
sont des sels cristallisables, solubles dans l'eau, insolubles
dans l'alcool; chauffés avec l'acide sulfurique, ils laissent
dégager de l'oxyde de carbone pur; ils réduisent à l'ébul-
lition les sels d'argent et de mercure. On les prépare en
saturant directement l'acide libre par les carbonates.
L'union de l'acide formique avec les bases dissoutes dégage
sensiblement autant de chaleur que celle qui répond à la
formation des azotates correspondants (Berthelot). Ed. B.
FORMIQUE (Aldéhyde) (Chim.).
« ( Equiv. . . C2H202.
Form- | Atom... CI1»0.
Valdéhyde formique, méthylal ou formaldéhyde a
été découvert en 4868 par Hofmann en faisant passer sur
une spirale de platine chauffée un courant d'air saturé
d'esprit de bois. Ce corps, qui n'a pas encore été préparé
à l'état de pureté, se forme encore dans la distillation
sèche du formiate de chaux (Lieben et Rossi), ou lorsqu'on
fait passer vers 400° un mélange d'éthylène et d'oxygène
en excès. C'est un gaz qui, en dissolution, réduit énergi-
quement le nitrate d'argent ammoniacal, avec production
d'un miroir métallique. Chauffé avec de la potasse, il se
résinifie; en présence de l'acide sulfhydrique, il engendre
une masse cristalline, feutrée, d'une blancheur éclatante,
fusible à 216°, le sulfaldéhyde méthylique, C2H2S2, qui
prend naissance d'après l'équation suivante :
C*H*0* -h S2H2 = H20* + C2H2S2.
Abandonnée à elle-même, la solution aldéhydique sulfurée
se polymérise spontanément pour former plusieurs dérivés,
dont le plus important est le trioxyméthyiène sulfuré :
3C2H2S* = C6H6S\
Il en est de même de l'aldéhyde formique, qui donne le
trioxyméthyiène, C6H606, corps cristallin, fusible à 453°,
isomérique avec l'acide lactique. Ed. Bourgoin.
FORMOBENZOYLIQUE (Acide) (Chim.).
P m S Equiv... Ci6H806
Form' (Atom... CW
L'acide for mobenzoy iique, benzylalo formique, phé-
nylglycollique ou mandélique, a été obtenu synthé-
tiquement en 4832 par Winckler en faisant réagir un
mélange d'acide cyanhydrique et d'essence d'amandes
amères, en présence de l'acide chlorhydrique :
C2AzH H- C14H602 + 2H202 z= AzH3 + C16H806.
C'est un acide-alcool qui prend encore naissance : lors-
qu'on fait bouillir l'acide phénylchloracétique, C16H7C104,
avec une lessive alcaline; ou encore, en chauffant au
bain -marie le dibromure d'acétophénone , C16H6Br202,
avec une solution étendue de potasse. On le prépare en
chauffant au bain de sable et au réfrigérant ascendant
une cornue contenant 45 litres d'eau, 400 gr. d'essence
d'amandes amères, un peu d'acide chlorhydrique et une
quantité d'acide cyanhydrique trois fois plus grande que
celle qu'indique la théorie; après vingt -cinq à trente
heures de chauffe, on évapore le liquide au bain-marie,
on reprend le résidu par l'éther, et ce dernier, à l'éva-
poration, fournit un produit qu'on purifie par de nouvelles
cristallisations. L'acide formobenzoy lique cristallise en
tables rhomboïdales, fusibles à 445°, assez solubles dans
l'eau, très solubles dans l'alcool et dans l'éther. A la
distillation ou soumis à l'action des oxydants, il donne
de l'essence d'amandes amères ; l'acide sulfurique en dé-
gage de l'oxyde de carbone, et les réducteurs le ramènent
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
à l'état d'acide a-toluique, C16fl804. D'après Lewkowitsch,
cet acide n'est neutre à la lumière polarisée que par com-
pensation : c'est un racémique, dédoublable par le Péni-
cillium glaucum en acides droit et gauche, ce dernier
étant détruit, tandis que le Saccharomices ellipsoidens
ne fournit que l'acide gauche. L'acide formobenzoylique
est à la fois monobasique et monoalcoolique. C'est un acide
énergique qui s'unit avec les alcalins, la soude par exemple,
en dégageant beaucoup de chaleur, soit 43cal8 pour des
solutions diluées (Berthelot). — Les sels alcalins et
alcalino-terreux sont cristallins. Le sel de cuivre est
un précipité bleu clair; le sel de plomb, un précipité
blanc, cristallin, fort peu soluble; le sel d'argent est
une poudre blanche, que l'eau bouillante abandonne en
lamelles brillantes, rhombiques, noircissant à la lumière.
FOR MO NT (Jean-Baptiste-Nicolas), né à Rouen, mort en
nov. 4758. Il n'est connu que par son amitié avec Voltaire
et les plus célèbres littérateurs et artistes du temps, et sa
liaison avec Mme du Deffand (V. ce nom). Formont com-
posait des poésies agréables dont quelques-unes figurent
dans les œuvres de Voltaire.
FORMOSA (Russie) (V. Cahulu).
FORMOSA. Ville du Brésil, dans l'Etat de Goyaz, sur
le plateau de Couros, à 4 kil. à l'O. du lac Feia. Elle se
trouve près des montagnes et plateaux qui séparent les
bassins du Tocantins, du Paranâ et du Sâo Francisco. On
l'a proposée pour la capitale du Brésil (4892). Formosa
s'appelait primitivement Arraial dos Couros. Sa fondation
date du commencement du xvme siècle.
FORMOSA (Lagoa). Quelques lacs du Brésil portent ce
nom. Le plus important se trouve dans l'Etat de Goyaz.
C'est dans ce lac que prend sa source la riv. Maranhâo,
affl. du Tocantins. Dans l'Etat de Sâo Paulo, district de
Sâo Joâo da Boa Vista, il y a aussi une lagoa Formosa.
FORMOSA (Bahia). Baie du Brésil, dans l'Etat de Para-
hyba (Brésil), entre le mont Sibahuma au N. et le cap
Bacopary au S. Cette baie a 5 milles de longueur N.-S.
et 2 milles de largeur. Bon mouillage au IN. du cap. Le
village de Formosa est dans la pointe N.-E.
FORMOSE. Grande île de la mer de Chine. Son nom
chinois est Taï-ouan ; ce sont les navigateurs espagnols qui
l'ont baptisée Hermosaou Formosa (la belle) à cause de ses
paysages enchanteurs. Sa superficie est de 38,803 kil. q. ;
sa population d'environ 3,000,000 d'hab. Elle est sé-
parée de la province de Fou-kien par le détroit des Pesca-
dores, des îles Bâchi (Philippines) par le détroit de For-
mose, du Japon par les îles Liou-kiou.
Côtes. — La côte 0. de Formose, à partir du cap Sud
jusqu'à la pointe Siao-ki, au N.-E. de l'île, est fermée
par une plaine, peu accidentée, qui n'est qu'un étroit cor-
don littoral du cap Sud jusqu'au port de Taï-ouan, qui
s'élargit considérablement ensuite pour redevenir une
bande étroite dans le N.-E., un peu au-dessous de Ke-
loung. On distingue sur cette côte, du S. au N., quelques
mouillages : Liang-kiau, Tang-kang, en face duquel se
trouve l'îlot de Lambay, Ta-kau-kon, le grand port de
Taï-ouan, qui fait face à l'archipel des Pong-hou ou Pes-
cadores , Paou-tan-chuy, Tyka, Tenkcham, Tam-soui et
Keloung. La côte E., qui esta peu près inconnue, est for-
mée de rochers arides, très escarpés et d'abords très dif-
ficiles. On n'y rencontre guère qu'un petit village de pê-
cheurs, Sao-o.
Montagnes. — La grande arête montagneuse qui sépare
ces deux côtes, dirigée du N.-E. au S.-O., est nommée Ta-
chan ou Grandes Montagnes. Elle présente des sommets
très élevés, entre autres le mont Morrison (3,300 m.)
et le mont Sylvia (3,600 m.). C'est une chaîne volca-
nique où l'on trouve de nombreuses solfatares et un petit
volcan en activité près de la ville de Kiaï-chan. Au reste,
toute cette région montagneuse qui forme l'E. de l'île est
peu connue.
Rivières. — Les rivières sont nombreuses, mais peu
importantes : elles mériteraient mieux le nom de torrents.
52
FORMOSE — FORMULAIRE
- 818 —
On peut citer le Taï-ouan-fou, le Black River qui aie cours
le plus considérable mais n'est point navigable , le Lo-
kan, le Taïka, le Tiou-kan, le Tonk-chan, enfin le Tam-
soui, navigable jusqu'à 3 milles dans l'intérieur et dont
les deux branches finales viennent former l'une le port
de Tam*soui, l'autre le port de Keloung. Près de Posia on
trouve le joli lac de Tsoui-sia-hai.
Climat. — 11 est très chaud en juin, juillet, août et
septembre, atteignant en moyenne 21° à 22°, et en janvier
10°. Des pluies abondantes tombent pendant lelnois de
janvier, février, mars et mai. La végétation est luxu-
riante ; les fleurs, surtout les orchidées, atteignent des
proportions et un éclat peu communs ; des forêts considé-
rables occupent toute la région de montagnes.
Habitants. — On peut les diviser en trois groupes :
1° des immigrants chinois qui habitent la plaine et se
livrent à l'agriculture; 2° des Hakkas qui habitent le
pays compris entre les possessions chinoises et celles des
aborigènes ; 3° les aborigènes, d'origine malaise, qui sont
cantonnés dans les montagnes et forment eux-mêmes deux
groupes distincts; les uns à demi civilisés, les Pepo-
hoans, les autres tout à fait insoumis et féroces, même
cannibales, si Ton en croit du moins les relations chi-
noises qui les nomment Sang-fan ou les sauvages.
Histoire. — Les Chinois ont connu Formose à une
époque reculée, mais ils ne l'ont pas occupée avant les
temps modernes ; ils se contentaient de la possession des
Pescadores. Signalée par les navigateurs espagnols au com-
mencement du xvie siècle elle ne fut pourtant envahie qu'en
1622, date à laquelle les Hollandais s'établirent à Taï-ouan
où ils construisirent un fort en 1634. Ils furent expulsés
en 1661 par le pirate Tchen-tching-kong. En 1683, For-
mose était rattachée à la Chine qui eut sans cesse à lutter
contre la rébellion des aborigènes qu'elle n'a pas encore
réussi à dompter. En 1874, les Japonais ont fait une expé-
dition dans la petite baie de Liang-kiao au S.-E. de l'île,
mais ils se sont retirés presque aussitôt, la Chine leur
ayant payé une indemnité en argent : le prétexte donné à
l'expédition était l'assassinat, par les tribus sauvages, de
quelques sujets japonais naufragés. En 1884, le gouverne-
ment français donna l'ordre à l'amiral Courbet d'occuper
Keloung. Il y entra le 1er oct. après avoir mis les Chinois
en pleine déroute, mais pendant ce temps l'amiral Lespès
éprouvait un échec à Tam-soui (2 au 8 oct.), où l'éner-
gique défense des Chinois l'obligea de battre en retraite.
Le 2 nov., l'ennemi tentait une attaque vigoureuse sur
Keloung ; elle fut repoussée après un combat acharné. Il y
eut d'autres engagements, mais faute d'effectifs l'amiral
fut condamné pendant deux mois à l'inaction. Il quitta For-
mose le 5 janv. 1885 pour remonter vers le Nord avec l'es-
cadre et occuper les Pescadores où il mourut le 11 juin.
Le blocus fut levé et l'île évacuée peu après.
Géographie politique. — Formose dépend de la province
chinoise de Fou-kien ; un gouverneur général réside à Taï-
ouan-fou, sa capitale. Dans chaque village appartenant
au territoire des Pepo-hoans, il y a un chef nommé par le
gouverneur. L'île est partagée en six districts : 1° Nord-
Formose qui comprend deux anciens districts réunis en un
seul en 1876 : Ko-mo-lan et Tam-soui; 2° Tchang-houa;
3° Kiaï ; 4° Taï-ouan ; 5° Fengchan ; 6° Penghou compre-
nant les îles du détroit de Fou-kien. Taï-ouan, la capi-
tale, a environ 120,000 hab. et une garnison chinoise de
10,000 hommes. Ses rues sont étroites, coupées à angle
droit, et remplies de petites boutiques regorgeant de produits
chinois ; on ne peut guère citer comme monuments qu'une
petite église construite par les Hollandais. Le port peut
recevoir 1,000 jonques; Tam-soui a environ 95,000 hab. et
un port bien situé où résident des consuls étrangers ; Takao
est une vdle douanière importante où résident également
des consuls : Keloung a 220,000 hab. A l'intérieur, il y a
quelques villes assez importantes : Chin-lo-san ; Tchang-
hoa (70,000 hab.), Teuk-cham; Banka (30,000 hab.).
Géographie économique. = Le sol de Formose est très
fertile; il produit du riz en abondance, ce qui a valu à l'île
le surnom de grenier de la Chine ; du blé, du millet, du
maïs, des truffes, des patates, des cannes à sucre, du
camphre, du thé, du poivre, de Tabès, des fruits, notam-
ment des oranges et des noix de coco ; un peu de café, de
coton et de soie. Les gîtes minéraux sont très importants :
il y a des mines de plomb, d'argent, de cuivre. L'exploi-
tation du charbon (dans le N. de l'île, à Keloung), du soufre
et du camphre donne lieu surtout à des transactions con-
sidérables. Les articles d'exportation, principalement en
Chine (province de Fou-kien), en Amérique, en Angleterre,
en Australie, sont le charbon, le camphre et le sucre.
L'importation comprend surtout de l'opium, des laines et
du coton. Le mouvement du commerce est d'environ
20,000,000 de fr. à l'importation et 18,000,000 à l'expor-
tation.
Bibl. : Candidius, A short Account of the island of
Formosa; Londres, 1704. — Grosier, Description de l'île
Taï-ouan ou Formose ; Paris , 1785. — Klaproth, Des-
cription de Formose, dans Nouvelles Annales des voyages,
de 1823. t. XX. — Swinhoe, Visit to Formosa : Londres, 1859.
— Morrison, Description of the island of Formosa, dans
Geographical Magazine de 1877.— Corner, A Tour through
Formosa, dans Proceedings of the R. G. Society, 1878.
^ FORMOSE, 114e pape, élu le 7 sept. 891, mort en avr.
896. Il était évèque de Porto depuis 864, lorsque il prit
ou fut accusé d'avoir pris part à un complot tramé par le
parti allemand contre Charles le Chauve et contre le pape
Jean VIII qui l'avait couronné. Il fut excommunié par le
pape et cette condamnation fut confirmée par des conciles
tenus à Ponthion et à Troyes. Il n'obtint l'absolution qu'à
la condition de se résigner à la communion des laïques, ab-
diquant toutes fonctions épiscopales et promettant de ne
jamais rentrer à Rome. En 883, le pape Marin (Martin II)
le releva de ce serment. Il se trouva ainsi rétabli dans ses
fonctions épiscopales, sous les pontificats d'Adrien III (884-
885) et d'Etienne V (885-891). A la mort de ce dernier,
il fut élu évêque de Rome, malgré les prescriptions du
XVe canon du concile de Nicée et du Ier canon du concile
de Sardique interdisant aux évêques de passer d'un siège
à un autre. En 896, obéissant aux exigences de sa situa-
tion et aux désirs du parti qui l'avait élu, il couronna em-
pereur Arnulf, roi de Germanie (V. Arnoul, t. III, p. 1077,
col. 1), qui était venu en Italie, pour le défendre contre
Guy de Spoiète. Celui-ci était mort avant l'arrivée d'Ar-
nulf ;mais Formose mourut bientôt après lui. Boniface,
qui lui succéda (11 avr. 896), ne survécut que quinze jours
à son élection. Etienne VI le remplaça (mai 896). Arnulf
ayant quitté Rome au mois de janv. 897, Etienne VI se fit
l'instrument des vengeances du parti du duc de Spoiète et
procéda sur le cadavre de Formose aux horribles repré-
sailles qui sont relatées au mot Etienne VI. Le prétexte de
la condamnation qui prétendait les motiver était que For-
mose, étant déjà évêque de Porto, s'était fait élire évêque
de Rome. Mais Etienne VI lui-même avait été évêque d'Ana-
gni avant d'être pape ; d'ailleurs le XIVe canon apostolique
permettait une élection de ce genre, en cas de nécessité et
sur les instances de plusieurs évêques. Dans une assem-
blée tenue à Rome en 898, Jean IX déclara Formose in-
nocent parce qu'il avait été promu par nécessité, de Porto
au siège apostolique, à cause des mérites de sa vie, et il
ordonna que les actes du concile qui l'avait condamné fussent
brûlés. E.-H. Vollet.
Bibl. : Dûmmeler, Auxilius und Vulgarius ; Leipzig,
1866, in-8.
FORM0SO. Cap d'Afrique formé par un puissant dépôt
de terres alluviales et qui constitue le point le plus sail-
lant du delta du Niger. Il sert de délimitation aux deux
golfes de Bénin et de Biafra.
FORMULAIRE. I. Histoire du droit. — On a composé
dans tous les temps et dans tous les pays, à l'usage des pra-
ticiens, des recueils de modèles d'actes, de lettres, de con-
trats, etc. Il nous en est parvenu qui remontent à l'anti-
quité romaine et un plus grand nombre qui datent du
moyen âge. Ces anciens recueils ont un grand intérêt pour
- 819 —
FORMULAIRE — FORMULE
l'histoire du droit et des institutions en même temps qu'au
point de vue de la critique diplomatique ; aussi les a-t-on
depuis longtemps recueillis et publiés. Ceux du haut moyen
âge en particulier ont été l'objet de nombreuses études. Il
en existe deux éditions complètes. Dans l'une, due à M.-E.
de Rozière (Recueil général des formules usitées sous
V empire des Francs du ve au xe siècle; Paris, 1861-
1871, 3 vol. in-8), toutes les formules ont été classées
d'après leur objet dans un ordre méthodique et juridique ;
un volume entier de tables donne la concordance avec les
anciens formulaires, avec les manuscrits et avec les an-
ciennes éditions. Dans l'autre, due à M. R. Zeumer (For-
mulée Merovingici et Karolini aevi (Hanovre, 1886,
in-4, dans la collection des Monumenta germaniœ), la
composition des anciens formulaires a été conservée, et ces
divers recueils ont été publiés les uns à la suite des autres.
Les formulaires postérieurs à l'époque carolingienne
ont été jusqu'ici moins étudiés parce que la multiplicité des
documents qui nous sont parvenus les rend moins inté-
ressants pour l'histoire et le droit que les recueils anté-
rieurs, mais ils n'ont pas moins d'importance au point de
vue diplomatique. On peut les classer en deux catégories :
les uns sont des formulaires de chancellerie, les autres
des recueils de modèles de contrats spécialement à l'usage
des notaires.
IL Jurisprudence. — * Recueil de modèles servant à
faciliter la rédaction des divers actes judiciaires et extra-
judiciaires. Ces modèles ou formules présentent pour les
praticiens la plus grande utilité. Ils énumèrent en effet
toutes les conditions intrinsèques et extrinsèques néces-
saires à la validité des actes ; de plus, et spécialement
pour les contrats, ils rappellent aux rédacteurs les clauses
qu'il est d'usage d'y inscrire, que l'expérience a fait recon-
naître utiles. Enfin, grâce à ces formules, les actes étant tou-
jours calqués sur un même modèle, les gens de loi qui ont
l'habitude de ces formules ne sont pas dans la nécessité
de lire la totalité d'un acte pour chercher telle ou telle
clause, mais ils savent de suite et à première vue dans
quelle partie de l'acte elle se trouvera. Les formulaires
étaient fort en usage dans notre ancien droit, où ils pre-
naient le nom de styles : c'est ainsi qu'il y avait le style
des huissiers, le style des procureurs, etc. Sous Louis XIV,
une déclaration du 19 mars 1673 décida que, pour main-
tenir l'uniformité des divers actes, il serait dressé des
formulaires. Cette prescription resta lettre morte, et nos
codes actuels ne contiennent pas non plus de formulaires,
mais seulement l'énutnération des diverses mentions qui
doivent se trouver dans les actes de procédure. Nos an-
ciens jurisconsultes terminaient volontiers leurs ouvrages
par un recueil de formules qui les complétait, mais cet
usage semble disparaître, et les formulaires ne se ren-
contrent plus que dans les manuels spéciaux aux divers
praticiens, huissiers, notaires, greffiers, avoués, etc.
III. Histoire religieuse (V. Jansénisme).
IV. Thérapeutique, — On donne en médecine le nom
de formulaire à un recueil de formules officinales et ma-
gistrales. Après avoir fait son diagnostic, le médecin doit
formuler ; le plus souvent les prescriptions consistent en
médicaments. Le codex (V. ce mot) met à sa disposition
tous les médicaments officinaux qui sont préparés par une
méthode invariable ; mais la forme pharmaceutique ayant
parfois une influence considérable, il convient d]approprier
le médicament à un usage spécial, et le médecin fait une
prescription magistrale. C'est la réunion des formules
usuelles ou consacrées par un long usage, comme la
décoction blanche, la tisane de Feltz, etc., qui constitue le
formulaire pharmaceutique. Mais on conçoit qu'on puisse
faire des formulaires spéciaux, un formulaire antiseptique,
un formulaire pour les injections, etc., à l'usage des mé-
decins et des spécialistes. Les formulaires subissent natu-
rellement toutes les fluctuations des doctrines médicales :
aussi se renouvellent-ils souvent. Il est indispensable au
praticien d'avoir un grand nombre de formules à sa dispo-
sition pour lui permettre de modifier, selon les circons-
tances, les formes des médicaments qu'il prescrit. Ordinai-
rement un formulaire comprend un résumé sommaire des
principales indications du traitement à suivre dans la plu-
part des maladies. Cette partie du livre prend le nom de
Formulaire thérapeutique. Ed. Bourgoin.
Bibl. : Histoire du droit.— A. Giry, Manuel de diplo-
matique, pp. 479-492. On y trouvera une bibliographie dé-
taillée.
FORMULE. I. Mathématiques. — On appelle formule
en mathématiques le tableau des opérations à faire sur des
quantités données pour en déduire les valeurs des quantités
que l'on cherche. Telle est la définition donnée par Lagrange
dans son traité des équations numériques. — Peut-être
serait-il plus clair de dire que les formules sont des équa-
tions, des congruences, des équipollences, des égalités ou
des inégalités.
II. Chimie. — Les formules chimiques représentent la
composition des corps, c.-à-d. leurs éléments constituants,
leurs proportions relatives et leurs équivalents. Soit le
sel marin. L'analyse, ainsi que la synthèse, démontre que
ce corps est uniquement formé de chlore et de sodium,
dans la proportion de 35,5 du premier pour 23 du
second ; la formule CINa représente donc : 1° la nature
des éléments du composé ; 2° la composition centési-
male ; 3° Téquivalent, qui est égal à 35,5 -+- 23. On
désigne d'ailleurs les équivalents des corps simples par
une lettre majuscule, qui est en général la première de
leur nom latin, et elle est suivie d'une minuscule lorsqu'il
existe plusieurs éléments commençant par la même lettre :
tel est le cas des mots carbone, cadmium, calcium,
chlore, cuivre, qu'on représente respectivement par les
symboles suivants : C, Cd, Ca, Cl, Cu. Pour fixer la for-
mule des corps minéraux ou organiques, il faut déterminer
la composition élémentaire et l'équivalent (V. ce mot).
Pour les corps organiques, le carbone se dose à l'état
d'acide carbonique ; l'hydrogène à l'état d'eau ; l'oxygène
par différence ; l'azote à l'état libre ou sous forme d'am-
moniaque; les autres corps simples, métaux ou métaltoï-
diques, d'après les méthodes usuelles (V. Analyse chimique).
L'analyse élémentaire d'un corps organique ne suffit pas
pour établir sa formule chimique : elle indique seulement
les rapports qui existent entre les poids des éléments qui
la composent, et plusieurs formules, multiples les unes
des autres, répondent aux résultats analytiques. Quelle
est celle qu'il faut adopter ? C'est en étudiant les diverses
combinaisons qu'il peut engendrer et les nouveaux dérivés
qu'il fournit par oxydation, réduction, substitution, etc.,
qu'on peut résoudre le problème. Ce n'est que lorsque le
principe immédiat a été étudié sous toutes ses faces, sur-
tout lorsqu'il se prête à un grand nombre de réactions
faciles à réaliser, que la formule adoptée présente toute
certitude. Prenons comme exemple l'acide acétique. Soumis
à l'analyse élémentaire, il donne les résultats suivants :
Hydrogène 6,67 )
Carbone 40 [ = 100.
Oxygène 53,33 ;
En divisant le poids de chacun de ces éléments par son
équivalent, on obtiendra des quotients qui seront néces-
sairement entre eux comme les nombres d'équivalents des
éléments simples qui existent dans le composé. On a :
Pour l'hydrogène -^fi == 6,670
— le carbone.
1
40
— l'oxygène.
. 6 "
53,33
8; :
: 6,666
: 6,666.
Ces trois quantités étant égales, l'acide acétique pur ren-
ferme équivalents égaux de carbone, d'hydrogène et d'oxy-
gène, et la formule la plus simple est évidemment CHO ;
mais les formules C2H202, C4H404, C6H606, C8H808, etc.,
FORMULE
— 820 —
représentent également bien les résultats analytiques. D'un
autre côté, l'analyse des acétates, notamment de l'acétate
d'argent, démontre que l'équivalent de l'acide acétique est
égal à 60; donc la formule de l'acide acétique est C4H404 :
C4 = 24 )
H4 = 4 [ = 60.
04 = 32 )
Une méthode analogue s'applique à la détermination de
la formule d'un alcali organique, d'un alcool, d'un éther, etc.
En thèse générale, toutes les fois qu'un principe immédiat
a été bien étudié, on fixe sa formule avec quelque certitude
en se fondant sur les données tirées des poids relatifs des
corps qui se combinent. Le corps peut-il se volatiliser sans
décomposition, le problème se simplifie, car les densités
gazeuses, qu'il s'agisse de corps simples ou de corps com-
posés, sont proportionnelles aux équivalents, ou du moins
dans un rapport très simple avec ces derniers. Pris sous
des poids équivalents, à l'état de vapeur, les composés or-
ganiques occupent le même volume; comme ce volume est
quadruple de celui qui représente l'équivalent de l'oxygène,
on exprime parfois ce fait en disant que les corps orga-
niques représentent quatre volume de vapeurs.
Déterminées par les considérations qui précèdent, les
formules chimiques représentent des formules brutes.
Les formules rationnelles ont été exposées et discutées
à l'art. Chimie (V. en outre Stéréochimie).
III. Pharmacie. — Les formules représentent, en phar-
macologie, les médicaments simples ou composés qui peuvent
être administrés aux malades. Elles sont magistrales ou
officinales, suivant qu'elles comprennent des médicaments
préparés à l'avance ou sur les indications du médecin ; les
premières peuvent varier à l'infini, tandis que les secondes
sont fixes et invariables. Ce sont ces dernières qui, réunies
en corps de doctrine, constituent le codex ou formulaire
légal. Ed. Bourgoin.
IV. Armée. — On donne ce nom à certains textes établis
d'une façon définitive par les lois, décrets ou instructions
ministérielles dont on doit se servir dans des cas déter-
minés. La plupart des formules sont imprimées à l'avance,
en laissant les blancs nécessaires pour y inscrire à la main
les indications éventuelles. Ces formules sont cataloguées
et numérotées par service dans des nomenclatures établies
au ministère de la guerre ; telles sont : les formules de la
justice militaire (ordres d'informer, de mise en jugement,
d'ordonnance de non lieu, etc.); celles de la comptabilité-
matières ; du service des marches, des transports, de l'ha-
billement, des fonds, des hôpitaux, du génie, de l'artil-
lerie ; en un mot, de tous les rouages militaires. Il est
également certaines formules inscrites dans les règlements
qui doivent être lues ou prononcées dans certaines circons-
tances et dont on ne peut s'écarter ; telles sont : les for-
mules de réception aux divers grades de la hiérarchie mili-
taire et de la Légion d'honneur ; les formules de prestation
de serment, etc.
Formules de salutation. Les correspondances mili-
taires se terminaient jadis par des formules différentes
suivant la qualité et la hiérarchie des personnes qui corres-
pondaient entre elles. On disait à un officier général : « Je
suis, avec un profond respect, votre très obéissant et tout
dévoué subordonné »; à son tour il répondait à son infé-
rieur, même à la suite d'un blâme ou d'une punition :
« Recevez, mon cher camarade, l'assurance de mes senti-
mente affectueux. » Une décision ministérielle du 28 mai
4880 a supprimé cette manière de faire. Toute correspon-
dance militaire doit actuellement (4893) porter en commen-
çant le nom de celui qui écrit, suivi de sa qualité, puis
la désignation et l'adresse du destinaire, par exemple :
« Le général X. . . , commandant la Ne. . . division d'infanterie,
à M. le colonel du Ne... régiment, à Paris. » La lettre doit
se terminer par le nom du signataire sans être précédé
d'aucune formule de salutation. Les formules ont été cepen-
dant conservées dans les correspondances des autorités
militaires avec la marine et les administrations civiles où
elles sont encore en usage.
V. Droit romain. — Acte de procédure par lequel le
magistrat (le plus ordinairement à Rome le préteur) expose
au juge les prétentions des plaideurs, lui renvoie l'affaire
et lui fait connaître sa mission. Sous le premier système
de procédure des Romains, celui des legis actiones, le
rôle du magistrat se bornait, en général, à assister à des
rites et à des pantomimes accompagnées de certaines pa-
roles de la part des plaideurs; quant au rôle du juge, des
décemvirs ou des centumvirs, il était tracé par les
cérémonies qui avaient été accomplies devant le prêteur. Ce
système de procédure des legis actiones fut supprimé en
partie par la loi iEbutia, en partie par les lois Julia, et il
fut remplacé par une nouvelle procédure connue sous le
nom de système formulaire, précisément parce que cette
nouvelle procédure reposait avant tout sur une formule que
rédigeait le magistrat. Dans quels termes devait être con-
çue cette formule? C'était précisément là l'objet du débat
qui s'élevait devant le préteur. Les parties pouvaient pré-
senter leurs observations en termes quelconques, sans être
soumises à aucunes paroles solennelles ; c'était ensuite au
préteur qu'il appartenait de rédiger un écrit, pour déter-
miner au juge, à l'arbitre ou au recuperator, la difficulté
à résoudre, et il devait, dans la rédaction de cet écrit,
suivre certaines formules, d'où le nom même de formule
donné à l'écrit. Dans ce second système de procédure, il
existe donc encore des certa et solemnia verba, mais ils
sont maintenant à la charge du magistrat, et les parties
sont débarrassées de tout rite gênant et dangereux. C'est
dans ce nouveau pouvoir que le préteur a trouvé la source
de son influence sur la justice et sur la jurisprudence. Dé-
sormais le préteur eut le soin de créer à l'avance des for-
mules spéciales, pour chaque classe de droits, et de les
insérer dans son édit pour les porter à la connaissance de
tous. Ce pouvoir lui donna aussi le moyen de créer, de sa
propre autorité, de nouvelles actions pour combler les
lacunes du droit civil. Quant à la question de savoir de
quelle manière s'est introduit le système formulaire, elle
est restée assez obscure. On admet assez généralement que
les formules existaient déjà sous le système des actions de
la loi pour les procès entre citoyens et étrangers ; elles
étaient délivrées par le préteur pérégrin chargé d'organiser
ces procès. Il semble bien aussi que la formule fonction-
nait déjà à cette époque, même entre citoyens romains, à
propos de l'action de certa re établie par la loi Calpur-
nia, et à défaut de la sponsio qui était employée dans
Faction de certa crédita pecunia. Ce n'est pas ici le lieu
d'exposer comment la formula se généralisa ensuite et
devint commune à toutes les actions (V. Procédure [Droit
romain]). On distingue dans les diverses formules des
actions jusqu'à quatre parties principales ; d'ailleurs le plus
souvent ces quatre parties ne sont pas réunies. On place
en tête de la formule la nomination du juge; mais elle
n'est pas considérée comme une pars formulée. Vient en-
suite la démonstration première partie de la formule, qui
a pour objet d'indiquer le point de fait à raison duquel les
plaideurs sont en procès; ellefest surtout destinée à faire
connaître le nom propre de l'action, car il pourrait très
bien arriver que le nom de l'action ou du contrat ne se
trouvât pas dans les autres parties de la formule. Exemple :
Quod Au lus Agerius Numerio Negidio hominem ven-
clidit; — Quod Aulus Agerius apud Numerium Negi-
dium hominem deposuit (Gaius, Commentaires, IV,
§ 40). Vient ensuite Vintentio, seconde partie principale
de la formule, qui fait connaître les conclusions du deman-
deur ; elle exprime les conséquences juridiques que le plai-
deur entend tirer des faits exposés dans la demonstratio.
Si l'action est réelle, on n'indique pas dans Vintentio le
nom du défendeur, mais il figure dans Vintentio de l'action
personnelle. Exemples : Si par et Numerium Negidium
Aulo Agerio sestertium decem millia dare oportere;
— Quiquid, paret Numerium Negidium Aulo Agerio
821
FORMULE
dare facere oportere; — Siparet hominem ex jure Qui-
ritiumAuliAyeriiesse (Gaius, Commentaires, IV, §41).
La condemnatio forme la troisième partie de la formule :
le préteur y donne au juge le pouvoir de condamner ou
d'absoudre, selon que les conclusions du demandeur, con-
tenues dans Yintentio, sont justifiées ou non. Mais le juge
ne peut jamais condamner qu'à une somme d'argent, et on
dit que la condemnatio est certœ pecuniœ ou incertœ
pecuniœ, selon que le préteur détermine au juge la somme
à laquelle il doit condamner ou abandonne cette somme à
son appréciation. La condemnatio est certaine ou incer-
taine, selon que Yintentio est elle-même certaine ou ne
l'est pas. La condemnatio incertœ pecunice est de deux
sortes : infinita, si le préteur ne fixe pas de maximum au
juge; cum taxatione lorsque le préteur, tout en laissant
au juge de la latitude pour l'appréciation, lui impose cepen-
dant certaines limites. Ex. : .Index Numerium Negi-
dium Aulo Agerio sestercium decem mil lia condemna;
si non paret, absolve. — Quanti ea res erit, judex
tantam pecuniam Numerium Negidium Aulo Agerio
condemnato. — Quidquid ob eam rem Numerium Ne-
gidium Aulo Agerio dare facere oportet, ex bona fide
ejus, id judex Numerium Negidium Aulo Agerio con-
demnato. La quatrième partie principale de la formule,
l'adjudication, ne se rencontre que dans les trois actions
divisoires, action en partage d'une hérédité (familiœ ercis-
cundœ), action en partage d'une chose indivise quel-
conque (communidividundo), action en bornage (finium
regundorum) ; elle donne au juge le pouvoir de trans-
férer la propriété et même de créer des droits réels dans
les opérations du partage ; ainsi le juge peut, s'il s'agit
d'un immeuble à partager, en donner la propriété par moitié
à chacun des deux coparta géants ou attribuer à l'un la
nue propriété de tout l'immeuble et à l'autre tout l'usufruit.
On a dit que, dans ces trois actions divisoires, la condem-
natio et Yadjudicatio étaient confondues. Mais cela ne
paraît pas exact, car le juge devait avoir, outre le droit de
transférer la propriété, celui de condamner à des souites
en cas d'inégalité dans les lots. Quant aux trois autres
parties principales de la formule, pour qu'on les rencontre
toutes dans une action, il faut que cette action soiUVi jus,
qu'elle soit in personam, qu'elle ne porte pas sur une
certa res. Ainsi la demonstratio et Yintentio se con-
fondent dans les actions in factum où pour mieux dire
dans ces actions Yintentio renferme tout ce que hdemons-
tratio pourrait contenir. Dans les actions réelles, il n'est
pas nécessaire de faire connaître la cause en vertu de
laquelle on est propriétaire ou titulaire d'un droit réel, et,
dans les actions personnelles qui tendent à une certa pe-
cunia, le motif de la prétention n'a pas besoin d'être indi-
qué. De là encore la suppression de la demonstratio. Il y
a même des actions dont la formule tout entière se réduit
à une intentio : ce sont les actions préjudicielles, c.-à-d.
celles qui ont pour objet d'établir un point de droit sans
qu'il puisse être question de condamnation ; telles sont les
actions relatives à l'état des personnes. Fort souvent ces
actions sont préparatoires : elles ont pour objet de faire
décider une question qui doit servir dans un autre procès^
Ainsi lorsqu'un patron se plaint d'avoir été assigné par son
affranchi, sans l'autorisation préalable du magistrat, et que
le demandeur répond qu'il n'est pas affranchi, mais ingénu,
le préteur commence par renvoyer devant le juge pour faire
statuer sur la question d'état. Toutefois il ne faudrait pas
croire que les actions préjudicielles aient toujours ce carac-
tère préparatoire ; il peut très bien arriver qu'elles fassent
l'objet unique du procès comme dans le cas où une personne
se prétend fils de telle autre. — Indépendamment de ces
parties principales, la formule peut aussi contenir cer-
taines parties accessoires, suivant les circonstances. Ainsi
les prœscriptiones étaient des clauses accessoires, insé-
rées dans l'intérêt de l'une ou de l'autre des parties et
placées en tête de la formule. La prescription était établie
dans l'intérêt du demandeur, lorsqu'il était créancier de
prestations successives, par exemple de cent sesterces par
an. Dans ces circonstances, s'il avait agi conformément au
droit commun, il aurait, en intentant son action, déduit
toute l'obligation en justice ; il aurait sans doute obtenu
tous les termes échus, mais non les termes à échoir et dans
la suite, lorsque ceux-ci seraient venus à échéance, s'il les
avait réclamés, il aurait été repoussé par Yexceptio rei in
judicium deductœ. Mais le créancier pouvait éviter ce
danger et réserver ses droits pour l'avenir, précisément au
moyen d'une prœscriptio par laquelle il limitait sa pré-
tention actuelle aux termes échus : ea res agatur cujus
dies fuit. De même celui qui revendiquait un bien pou-
vait, au moyen d'une prœscriptio, limiter son action à tel
mode d'acquérir, par exemple à une mancipation cju'il pré-
tendait invoquer à son profit, et il se réservait ainsi le droit
de faire valoir les autres modes d'acquérir antérieurs au
procès, pour le cas où il viendrait à en découvrir en sa
faveur. D'autres prescriptions, également établies en faveur
du demandeur, avaient pour objet, non plus de restreindre
la demonstratio, mais d'en tenir lieu, parce que cette der-
nière partie de la formule faisait défaut. Ainsi, lorsqu'une
personne en puissance, par exemple un fils de famille,
avait passé un contrat, donnant lieu à une actio certa et
que cette action était plus tard intentée par le paterf ami-
lias, Yintentio de la formule contenait bien le nom de
celui qui intentait l'action, mais on n'aurait pas su par
qui le contrat avait été passé si une prœscriptio n'avait
pas été placée à cet effet en tête de la formule : Ea res
agatur quod Primus Auli Agerii filius de Numerio
Negidio decem dari stipulatus est. De même, au com-
mencement de l'Empire, l'école proculienne avait fait accep-
ter une théorie suivant laquelle, toutes les fois que deux
personnes avaient passé une convention bilatérale sans
employer les formes des contrats, l'exécution par l'une des
parties de son engagement constituerait à son profit et
vis-à-vis de l'autre une causa civilis obligandi, de telle
sorte qu'il existait en sa faveur un contrat de bonne foi,
muni d'une action. Cette action était sans doute in jus,
mais elle tendait toujours et nécessairement à un incer-
tum, de sorte qu'elle aurait dû avoir une demonstratio,
mais cela était impossible, car dans la demonstratio
il fallait indiquer le nom du contrat et dans l'hypothèse
il s'agissait d'un contrat qui n'avait pas de nom légal dé-
terminé. C'est pourquoi on remplaçait h demonstratio par
une prœscriptio, qui précédait Yintentio et dans laquelle
on exposait les faits : Ea res agatur quod Aulus Age-
rius Numerio Negidio decem ea lege dédit ut Stichum
servum suum manumitteret. Quant aux prescriptions
dans l'intérêt du défendeur, elles avaient pour objet ou de
prévenir le juge de ne pas préjuger une question qu'on
entendait réserver, ou de soutenir que l'action était éteinte
par l'expiration du délai dans lequel elle aurait dû être
intentée. Il faut aussi faire rentrer, parmi les parties acces-
soires de la formule, les exceptions par lesquelles le défen-
deur, sans nier directement la prétention du demandeur,
entendait cependant la faire écarter, par exemple pour
cause de dol ou de violence ou comme contraire à une loi
ou à un sénatus-consulte. D'autres exceptions avaient seu-
lement pour objet de modifier la condamnation, et par
exemple de décider que, si le défendeur succombait, au lieu
d'être condamné pour le tout, il le serait seulement jus-
qu'à concurrence de son enrichissement ou dans la me-
sure qui lui permet de payer sans se mettre dans la misère
(in id quod facere potest). On trouve aussi la clause
nisi restituât arbitratu tuo placée avant la condemna-
tio dans les actions arbitraires. Cette clause fait allusion
au pouvoir qui appartient au juge dans ces mêmes actions
de donner un ordre au défendeur avant d'arriver à la con-
damnation, par exemple l'ordre de restituer la chose reven-
diquée, de sorte que le défendeur évite d'être condamné
s'il obtempère à cette injonction. Le juge a le pouvoir de
donner cet ordre dans toutes les actions réelles et par
exception seulement dans certaines actions personnelles
FORMULE — FORNELIUS
(action ad exibendum, action en bornage, action de dol,
action de violence, action de eo quod certo loco). Les
actions personnelles de bonne foi sont-elles aussi arbi-
traires lorsqu'elles tendent à obtenir une restitution maté-
rielle, un transport de propriété et d'une manière plus
générale une satisfaction qui ne consiste pas en argent et
que le défendeur peut fournir? L'affirmative n'est pas dou-
teuse si l'on admet que la formule de ces actions contient
aussi la clause accessoire nisi restituât. Mais le passage
de Gaius (Commentaires, IV, § 47), relatif à cette ques-
tion, est resté très obscur et les auteurs ne s'entendent pas
sur la manière de déchiffrer le manuscrit qui le contient.
VI. Diplomatique. — Les actes publics ont été de tout
temps soumis à des règles particulières de rédaction. Comme
on devait s'appliquer, notamment à exprimer les mêmes
clauses, toujours de la même manière, afin qu'il ne puisse s'y
trouver ni équivoques ni malentendus, il en est résulté une
recherche particulière des phrases toutes faites toujours re-
copiées d'actes antérieurs ou de recueils et qui constituent
les formules. La connaissance des formules qui devaient se
trouver dans les diverses catégories d'actes aux différentes
époques et dans les différents pays a naturellement une
grande importance pour permettre de discerner les actes
faux ; aussi la science de la diplomatique (V, ce mot) re-
pose en partie sur l'étude des formules.
On désigne également sous le nom de formules des actes
destinés à servir de modèles à d'autres actes, et réunis
dans des recueils nommés formulaires (V. ce mot).
VIL Procédure civile. — Formule exécutoire. Ordre
qui termine tous les jugements ou arrêts, les grosses et
expéditions des contrats notariés et tous autres actes sus-
ceptibles d'exécution forcée et par lequel le chef de l'Etat
prescrit aux agents de la force publique de veiller et au
besoin de concourir à cette exécution. D'après Fart. 545
du C. de procéd. civ., en effet, « nul jugement ni acte ne
pourront être mis à exécution s'ils ne portent le même
intitulé que les lois, et ne sont terminés par un mande-
ment aux officiers de justice, ainsi qu'il est dit à l'art. 146 ».
Cette formule, dont les termes ont varié avec les divers
régimes politiques, est aujourd'hui fixée par l'art. 2 du
décret du 2-8 sept. 4871 ; elle est ainsi conçue : « En con-
séquence, le président de la République française mande et
ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre ledit arrêt
(ou ledit jugement) à exécution, aux procureurs généraux
et aux procureurs de la République près les tribunaux de
première instance d'y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lors-
qu'ils en seront légalement requis. » Cette formule est
apposée sur les grosses et expéditions des jugements et
arrêts par le greffier, sur les grosses des contrats authen-
tiques par les notaires. Les arrêts du conseil d'Etat sont
également munis d'une formule exécutoire, mais celle-ci
diffère de celle que nous venons de reproduire ; elle est ainsi
conçue : « La République mande et ordonne au ministre
de (ajouter le département ministériel désigné par la déci-
sion), en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis,
en ce qui concerne les voies de droit commun contre les
parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente
décision. » (Décr. 2 août 1879, art. 25.) Les arrêtés des
conseils de préfecture peuvent être munis de la formule
exécutoire, mais celle-ci n'est pas obligatoire ; c'est ce qui
résulte d'un avis du conseil d'Etat du 5 févr. 1826, et,
malgré l'absence de cette formule, les arrêtés n'en sont pas
moins exécutoires. Par exception la formule est obligatoire
pour les arrêtés des conseils de préfecture en matière de
comptabilité des communes et établissements publics (Décr.
31 mai 1862 sur la comptabilité publique, art. 434, § 1).
VIII. Histoire religieuse. — Formule de concorde
(V: Confession, t. XII, p. 382, et Concorde).
Bibl. : Droit romain. — Rudoff, Rômische Rechts-
geschichte, t. II, § 27. — Bethmann-Holweg, Der rômische
Civilprocess, t. II, § 85, pp. 207 et suiv. — Kuntze, Cursus
des rômischen Rechts, §§ 215 et suiv. — Puchta, Institu-
tionen, t. II, §§ 80 et suiv. — Maintz, Cours de droit
romain, t. I, § 100. — Accarias, Précis de droit romain,
t. II, §§ 556 et suiv.
F0RNAR1 (Simone), littérateur italien, né à Reggio
(Calabre) vers 1500, mort en 1560. Il a écrit un commen-
taire sur le poème de l'Arioste, Sposizione sopra l'Orlando
furioso (Florence, 1549-1550, 2 vol. in-8) ; une Vitadi
Lodooico Ariosto, imprimée en tête AzVOrlando (Venise,
1566, in-4).
Bibl. : A. Zavarroni, Bibliotheca Calabria seu illus-
trium virorum Calabrise qui literis claruerunt elenchus;
Naples, 1753,in-4.
FORNARI (Giovanni-Battista), sculpteur italien, né à
Parme. Il travaillait dans cette ville dans la deuxième
moitié du xvie siècle. On connaît de lui deux bénitiers
pour Saint-Jean-l'Evangéliste, surmontés des statuettes de
marbre des deux saints Jean, et le buste d'Octave Farnèse,
placé sur son tombeau.
Bibl.: Bertoluzzi, Nuovissima Guida per osservare le
pitture... nelle chiese diParma.
FORNARI (Maria- Vittoria), religieuse italienne, née à
Gênes en 1562, morte le 15 déc. 1617. Mariée à Angelo
Strate, elle en eut cinq enfants qui tous entrèrent dans la
vie religieuse. Devenue veuve, elle fonda l'ordre des annon-
ciades célestes, qui se propagea rapidement en Italie et en
France, grâce peut-être au costume qui est formé d'une
robe blanche et d'un manteau bleu de ciel. On appelle égale-
ment ces religieuses les célestines. Il y en a encore en
France quelques maisons.
Bibl. : P. Ferdinando Melzi, Vita di M. Vittoria For-
nari ; Lyon, 1631, in-8. — P.-F.-A. Spinola, Vita Mariœ
Victoriœ Fornari ; Gênes, 1640, in-8.
FORNARI NE, maîtresse de Raphaël (V. ce nom).
FORNASIERO (Guilian), sculpteur italien (V. Guilian
[Fiorentino]).
FORNASINI (Nicolas), compositeur dramatique italien,
né à Bari le 17 août 1803, mort à Naples le 24 juin 1861 .
Après avoir fait ses études au Conservatoire de Naples, il
fit représenter quelques ouvrages dramatiques: Oh! quante
imposture, Un Matrimonio per medicina, UAdvocato in
Augustie, La Vedora Scaltra, Roberto di Costanzo.
Musicien médiocre, il possédait d'excellentes qualités comme
professeur.
FORNAZERIS (Jacques de), graveur français des xvie et
xviie siècles. On ne sait rien sur la vie de cet artiste qui
travailla entre les années 1594 et 1622 et qui fut un re-
marquable graveur de portraits, comme en témoignent
entre autres les portraits équestres de Henri IV et de
Charles-Emmanuel, duc de Savoie, ou ceux de Henri IV
et de Marie de Médicis assis an milieu de leurs courti-
sans et écoutant la leçonrécitée par le dauphin (1605).
Bibl.: Robert-Dumesnil, le Peintre-Graveur français,
t. X, pp. 172-197, et t. XI, pp. 105-106. — Renouvier, Des
Types et Manières des maîtres graveurs; Montpellier,
1856.
FORNELIUS (Lars), latiniste suédois, né à Fornâsa
en 1606 (OEstergœtland), mort à Upsala le 8 juil. 1673.
Après avoir étudié à Upsala (1624), où il fit un discours
en vers grecs (1626), puis à Leyde où il fut promu ma-
gister (1629), il suivit Gustave-Adolphe jusqu'à sa mort
(1632). La reine Christine le prit pour bibliothécaire
(1634), le nomma professeur de poésie à l'université
d'Upsala (1635) dont il fut deux fois recteur (1641,
1647), enfin professeur de théologie et pasteur de Gamla-
Upsala (1646). Il publia plusieurs poèmes en grec ou en
latin, notamment sur Upsala (1630); sur l'Horloge de
cette ville (1630), construite par Dasypodius; Gustavus
sago-togatus (1631), épopée sur les campagnes de Gus-
tave-Adolphe, remplie de réminiscences de Virgile à qui les
compatriotes de ce versificateur osaient le comparer. On
lui doit en outre dix dissertations (1642-52); un recueil
de Sermons, édité par E. Dryselius (Jœnkœping, 1697) et
une Poetica tripartita (Upsala, 1643), la première qui
ait été composée par un Suédois, peu originale d'ailleurs
et tirée principalement de Scaliger. — Son fils, Jonas-
Laurentii Fornelius (1635-1679), fut professeur à l'uni-
versité d'Upsala (1664). Il construisit les instruments
823 —
FORNELIUS — FORNOUE
astronomiques dont il se servait (Y. C.-J. Lénstrœm,
L. Fornelius, Sveriges fcersta œsthetiker ; Upsala,
1838). Beauvois.
FORNELL (Bror-Edvard), écrivain suédois, né à Eckran
(près Gœteborg) le 28 juil. 1 820, mort à Karlskrona le
22 mai 1869, avec le grade de lieutenant-colonel (1866)
du régiment de marine. Il publia sous le pseudonyme Jere-
mias Munter : des Etudes (4848) qui avaient paru dans
divers périodiques; Une Etincelle, roman (485-1) ; la
Bonne Fortune, nouvelle (1855); esquisses de V Italie
(1858), que l'on regarde comme sa meilleure production.
Une de ses trois Etudes dramatiques (1862) fut jouée
avec peu de succès. Ses ouvrages, écrits d'une plume alerte
et humoristique, se distinguent moins par l'imagination que
par le sentiment et la réflexion. B-s.
FORNELLA. Golfe sur la côte septentrionale de l'île
de Minorque (Baléares), parfaitement abrité contre les
vents d'E. et d'O. et fortifié, mais qui n'a que peu d'im-
portance.
FORNELLI (Nicolas), écrivain et pédagogiste italien, né
à Bitonto, province de Bari, le 23 mai 1843. Professeur
d'histoire à Rome, d'histoire du moyen âge à l'université
de Padoue, de pédagogie à l'université de Bologne, colla-
borateur à YUniversità, M. Fornelli a publié entre autres
ouvrages : SuW hisegnamento pubblico ne' tempi nos-
tri (Rome, 1881); Educatione moderna (Turin, 1884);
Vita pubblica (Chieti, 1885); Délie Laurec flloso fiche
(Bologne, 1888); Una Proprieta dei classici latini
(Rome, 1889).
FO R N E R (Juan-Pablo) , critique espagnol du xvme siècle,
né à Mérida (Estrémadure) en 1756, mort à Séville en
1798. Il remplissait dans cette ville les fonctions de fiscal
du conseil de Castille, employant ses loisirs à écrire sur
les lois et à faire des vers. Un opuscule qu'il fit paraître à
Madrid en 1786, Oracion apologetica por la Espanaysu
merito literario, appela sur lui l'attention, et, pendant
douze ans, il ne cessa de combattre l'affectation et la mo-
notonie où était tombée la poésie castillane. Ses écrits, gé-
néralement courts et dirigés conire les mauvais auleurs,
parurent presque toujours sous des pseudonymes comme
ceux de Tome Cécial, Varas, Bartolo ; les principaux sont
Sdtira contra los vicios introducidos en la poesia; Pre-
servativo contra et ateismo ; Nuevas Consideraciones
sobre la tortura ; La Corneja sin plumas. Ses poésies
sont d'une bonne langue, simple et vigoureuse ; on en trouve
éparses dans la Biblioteca selecta de Mendibil y Silvela
(Bordeaux, 1819) et dans les Poesias selectas, publiées
par Quintana. Un volume d'une édition de ses œuvres com-
plètes a seul paru à Madrid en 1843. E. Cat.
FORNEROD (Constant), homme politique suisse, né à
Avenches (Vaud) en 1820. Il étudia le droit à Lausanne,
en Allemagne et en France et revint en Suisse au moment
de la révolution vaudoise de 1845. Le parti radical le
porta au conseil d'Etat en 1848 ; il devint successivement
député au conseil des Etats, président de ce corps, conseil-
ler fédéral (1857) et président de la Confédération (1866).
Il fut délégué comme commissaire fédéral à Genève lors des
troubles de 1864. Il quitta bientôt le pouvoir exécutif pour
se lancer dans des affaires financières, où sombrèrent sa
réputation, et qui le conduisirent en 1874 au tribunal
correctionnel. Il a vécu dès lors très retiré. E. K.
FORNERON (Henri), historien français, né à Troyesle
16 nov. 1834, mort à Paris le 26 mars 1886. Inspecteur
des finances, il a laissé des études historiques importantes
auxquelles on peut reprocher toutefois de manquer d'im-
partialité. Nous citerons : les Amours du cardinal de
Richelieu (Paris, 1870, in-16); Histoire des débats po-
litiques du parlement anglais depuis la révolution de
1688 (1871, in-8) ; les Ducs de Guise et leur époque
(1877, 2 vol. in-8); Histoire de Philippe II (1880-82,
4 vol. in-8) ; Histoire générale des émigrés pendant la
Révolution française (1884-90, 3 vol. in-8) ; Louise de
Kéroualle, duchesse de Portsmouth (1886, in-18); Revi-
sion du procès d'Anne Boleyn (1879, in-8) ; Un Diplo-
mate sous François Ier, le cardinal de Grammont (Or-
léans, 1880, in-8).
FORNEX. Corn, du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. de Mas-d'Azil ; 308 hab.
FQRNIER de Saint-Lar y (Bertrand-Pierre-Dominique),
homme politique français, né à Saint-Lary (Hautes-Pyré-
nées) le 11 mars 1 763, mort à Montrejeau le 15 nov. 1847.
Délégué des Hautes-Pyrénées à la Fédération de 1790, ad-
ministrateur du même département, il fut élu député à
l'Assemblée législative le 2 sept. 1791 et siégea parmi les
royalistes. Depuis le 18 août 1792 jusqu'au 18 brumaire,
il se tint dans une retraite absolue. En 1811, il fut dési-
gné comme député des Hautes-Pyrénées au Corps législatif
où il se montra un partisan zélé de la Restauration. Il fut
encore réélu député des Hautes-Pyrénées le 22 août 1815,
le 4 oct. 1816 et le 13 nov. 1 820. Il fut quelque temps ques-
teur de la Chambre. — Son fils Gustave-Joseph-Glaire, né
à Tarbes le 4 févr. 1796, mort à Toulouse le 27 oct. 1870,
colonel d'état-major et chef de cabinet du ministre de la
guerre, général Rullière (1848-1849), fut élu député des
Hautes-Pyrénées le 1 3 mars 1849. Il siégea à droite et après
la législature ne reparut plus dans la vie politique.
FORNJOT (Antique géant, aborigène), roi légendaire
du Jôtland (pays des Sitones que Tacite plaçait au N. des
Suédois; les Hiides ou Hittolais des Finnois). Il vivait
de vingt à vingt-cinq générations avant la fin du ixe siècle
de notre ère. Son fils Logé ou Hdlogé s'établit dans le
Hâlogaland, au N. du golfe de Throndhjem ; l'arrière-
petit-neveu de celui-ci, Thorri, régnait sur le Gotland, la
Finlande et le Kvenland, situé des deux côtés du golfe de
Botnie, et était père de Nor et Gor, qui traversèrent la
chaîne du Kjœlen, prirent possession de la Norvège méri-
dionale, et furent les tiges de nombreuses dynasties. Parmi
les descendants de Gor, on cite Gaungu-Rolf, notre Rollon,
premier duc de Normandie ; parmi ceux de Nor, Harald
Hdrfagré, qui unifia la Norvège au ixe siècle, les Bud-
lungs, chefs des Saxons; les Niflungs ou Nibelungs,
d'où étaient issus les Gjûkungs ou enfants de Gifika :
Gunnar, Hœgné et Gudrune, chef des Burgondes au
ive siècle. De ce que les plus anciens de ces personnages
portent les noms des éléments et des phénomènes de la
nature, on a conclu qu'ils étaient purement mythiques ; mais
comme il en était ainsi des plus anciens noms connus de
la Finlande, c'est une raison de croire qu'il y a un fonde-
ment de vérité dans ces légendes (V. Découverte et colo-
nisation de la Norvège, dans Flateyjarbôk , t. I,
pp. 21-29 et 219-220. — Cf. Beauvois, Origine des
Burgondes; Dijon, 1869).
FORNOUE ou FORNOVO (Forum Novum). Bourg
d'Italie, prov. de Parme, situé au S.-O. de Parme, sur le
Taro, au débouché de l'Apennin.
Bataille de Fornoue. — Charles VIII, averti par Com-
mines qu'une ligue venait d'être conclue à Venise entre
la République, le pape, Ludovic, Maximilien, Alphonse
et les rois Catholiques , laissa Montpensier et d'Aubigny
dans le royaume de Naples (20 mai 1495), et traversa,
avec toute son artillerie et 9,000 soldats, le défilé qui va
de Pontremoli à Fornoue. L'armée confédérée, forte de
40,000 hommes, attendait, sous le commandement de Gon-
zague, sur la rive droite du Taro. Les Français occupèrent
Fornoue le 5 juil. Le lendemain, après des négociations
inutiles, leur avant-garde passa sur la rive gauche du
Taro. Pendant que Trivulce attirait les estradiots en leur
laissant piller le camp du roi, Charles VIII, avec 300 gens
d'armes, enfonçait en un quart d'heure le gros de l'armée
ennemie. Les Français perdirent 200 hommes, les con-
fédérés 3,500. Les Italiens furent épouvantés par la furia
francese, et laissèrent Charles VIII repasser les Alpes
(7 nov.). H. Hauser.
Bibl. : Andrelinus, De Neap. Fornoviensique Victoria ;
Paris, 1496, in-4. — M. Sanuto, La Spedizione cli G. VIII,
(R. Fulin); Venise, 1883, in-8. — Rosmini, Vita di J.-J. Tri-
vulzio; Milan, 1815, 2 vol. in-4.— Renier et Luzio, Fr. Gon-
FORNOUE — FORSELL
- 824 -
zaga alla battaglia di F., dans Archivio stor. itaL, 5° sér.,
t. VI, p. 205.
FORNOVO (Giusto), architecte italien de la fin du
xvie siècle. Fornovo donna les plans et fit commencer
l'exécution de la grande et belle église de l'Annunziata à
Parme dont le duc Ottavio Farnèse posa la première pierre
le 4 juin 1566.
FORNYRDALAG ou FORNYRDISLAG, c.-à-d. antique
assemblage de mots ou mètre archaïque, usité aux débuts
de la poétique norraine. Il ne comporte pas les assonances,
mais l'allitération y est de rigueur, c.-à-d. que dans chaque
distique deux ou trois mots doivent commencer par la
même consonne ou par une voyelle. Quelques-unes des
pièces les plus remarquables de l'ancienne poésie norvégo-
islandaise sont composées dans ce mètre fort simple dont
les variétés sont le kviduhdtt, le Ijôdahcitt et le mdlahdtt.
FOROGHÉ. Peuplade du Dar-For méridional établie entre
l'ouadi Kabasa et l'ouadi Ibra. Les Foroghé sont musul-
mans et tributaires du Dar-For.
FORREST, peintre sur verre anglais du xvme et du
xixe siècle. Elève de Jarvis, il collabora aux principaux
travaux de son maître, notamment aux verrières de la
chapelle Saint-Georges à Windsor. De 1792 à 1796, il
exécuta pour la même chapelle deux grands vitraux,
V Annonciation aux bergers et V Adoration des rois,
d'après les cartons de West. Ces œuvres estimables
pèchent cependant par le manque de vigueur et d'harmonie
dans les tons ; elles ne sont pas, du reste, placées dans un
cadre architectural qui puisse les faire valoir. On cite en-
core de cet artiste quelques verrières peintes en collabora-
tion avec Eginton à Birmingham.
FORREST (Edwin), tragédien américain, né à Philadel-
phie le 9 mars 1806. Dès l'âge de douze ans, dit-on, il
remplissait des rôles de femme sur différents théâtres de
cette ville, après quoi il fit partie d'une troupe que diri-
geaient dans l'Ouest MM. Jones et Collins. C'est après s'être
ainsi préparé qu'il aborda enfin New York, où il se fit re-
marquer par la largeur et la nouveauté de son interpréta-
tion des grands drames de Shakespeare. Il se produisit
ensuite avec un très grand succès dans la plupart des
grandes villes de la république américaine. Ses compatriotes
ne parlaient de lui qu'avec enthousiasme, et le comparaient
volontiers à notre Frédérik Lemaître. On assure pourtant
que Forrest avait plus de fougue et d'inspiration que de
goût et de mesure. Il obtint pourtant aussi de grands suc-
cès lorsqu'il vint à diverses reprises en Angleterre, no-
tamment en 1834, 1837 et 1844, et qu'il s'y montra aux
côtés de l'illustre Macready, auprès duquel son talent ne
pâlissait point. C'est en 1834 que Forrest épousait miss
Sainclair, fille d'un chanteur anglais, artiste elle-même
distinguée, et qui lui servit souvent de partenaire. Un pro-
cès en divorce, dont le retentissement fut énorme, brisa
cette union en 1852.
FORRESTER (Charles-Robert), littérateur anglais, né
à Londres en 1803, mort à Londres en 1850. Fils d'un
notaire auquel il succéda. Les loisirs et les gros émoluments
de sa charge lui permirent de suivre ses goûts littéraires.
Spirituel et érudit, sachant plusieurs langues, entre autres le
français et l'allemand, il publia sous différents pseudonymes
ou sous l'anonymat un grand nombre d'ouvrages amusants
que son frère illustra : Castle Baynard ; Sir Roland;
Absurdities in Prose and verse; The Ladies' Muséum ;
The Old Man's Plaint; Excentric Taies; M. Crocodile;
. The Battle of the Annuals; The lord Mayor's Fool, et
qui parurent sous le nom de Hall Willis,de W.-F. von
Kosewitz et même de Alfred Crowquill, pseudonyme de
son frère. Il collabora au New Monthly Magazine sous la
direction de Théodore Hook et au Bentley' s Miscellany,
par de nombreux articles réunis en deux volumes sous le
titre de Phantasmagoria of Fun. Hector France.
FORRESTER (Alfred-Henry), littérateur et dessinateur
anglais, plus connu sous son pseudonyme d'Alfred Crow-
quill, né à Londres le 10 sept. 1804, mort à Londres le
26 mai 1872. Il travailla jusqu'en 1839 dans l'étude de
notaire dirigée par son père. Collaborateur de The Rive et
du Mirror, dessinateur et graveur de talent, il donna de
nombreux dessins au Punch, à Ylllustrated London
News et illustra un grand nombre d'ouvrages et ses propres
œuvres qui sont: Guide to ivatering places (1839) ; A
Good Natural Hint about California(i849) ; A Missile
for papists (1850) ; Gold, a legendary Rhyme (1850) ;
A Bund of Crowquills (1854) ; Fun (1854) ; Taies oj
magie and meaning (1856) ; Picture Fables (1854) ;
Gruffel Swillendrinken (1856) ; The Little Pilgrim
(1856) ; Fairy Taies (1857); A New Story Book (1858);
Honesty and Cunning (1859) ; Kindness and Cruelty
(1859) ; The Red Cap (1859) ; The Two Sparrows
(1859) ; What Uncle sold us (1861) ; Taies for Chil-
dren (1863) ; The Two Puppies (1870) ; The Boys and
the Giants (1870); The Pictorial Grammar (1875), etc.
FORS de Béarn (V. Béarn, t. V, p. 989).
FORS. Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. de Niort,
cant. de Prahecq ; 690 hab. C'est au château de Fors que
fut enfermé le duc Jean de Bretagne, en 1419 ; Fran-
çois Ier, alors duc d'Angoulème, le fit restaurer pour sa
maîtresse, Anne Poussart. Assez bien conservé au com-
mencement de ce siècle, ce château est aujourd'hui ruiné.
Le marquisat de Fors a appartenu à une branche de la
famille Maboul ayant fourni, entre autres, Louis Maboul,
secrétaire du roi, et Jacques Maboul, évêque d'Alet et
orateur de, la chaire. G. R.
Bibl. : Léo Desaivre, la Famille Maboul et le château
de Fors, dans Mémoires de la Société de statistique du
dép. des Deux-Sèvres, 1889.
FORSBERG (Ulrika-Carolina), poétesse suédoise, née à
Stockholm le 24 nov. 1764, morte le 19 févr. 1841. Fille
d'un laquais de Gustave III, elle avait reçu une éducation
soignée qui, jointe à sa grâce et à son esprit, la mit à
même de frayer avec les beaux esprits de la cour. Mariée
avec le violoniste Widstrœm (1790), elle s'en sépara en
1810, devint veuve en 1812, et vécut en enseignant ou en
tenant un pensionnat à Mariestad à partir de 1830. Dès
1785, elle publia quelques poésies dans les journaux, mais
son premier recueil ne parut qu'en 1799 (Chants ero-
tiques, Stockholm, in-8). Elle donna plus tard les Soi-
rées d'automne (1811), traduisit des romans du français
et de l'anglais, une pièce de théâtre, et dramatisa Victor,
de Ducray-Duminil. Il y a de jolies pièces, simples et
émues, dans le Recueil de ses essais poétiques édité par
C.-J. Lénstrœm (1840, lre et 2e éd., avec une notice sur
elle par Franzén), qui lui valut une médaille de l'Académie
suédoise. B-s.
FORSBERG (Nils), peintre suédois, né à Riseberga
(Skanie) en 1841. D'abord ouvrier rural, puis peintre à
Gœteborg, il reçut une subvention (1867) pour étudier à
Paris sous Bonnat, servit dans les ambulances pendant le
siège et se fit remarquer à l'Exposition universelle de 1878
par un tableau d'un réalisme saisissant et d'une bonne
exécution, Une Famille d'acrobates (au musée de Gœte-
borg). Parmi ses autres œuvres, on cite la Mort d'un
héros (1888, au Musée national de Stockholm). B-s.
FORSELL (Cari af), ingénieur militaire et statisticien
suédois,né à Skôttorp (lsen de Skaraborg) le 1 8 mars!783,
mort à Stockholm le 25 oct. 1848. Il fut élève de l'Aca-
démie de Carlsberg, prit part en 1 809 au renversement de
Gustave IV, devint l'aide de camp du prince Christian-
Auguste, fut nommé en 1810 major dans le corps des ingé-
nieurs, adjudant de Bernadotte et professeur de mathé-
matiques de son fils, le prince Oscar, assista en 1813 aux
bataille de Grossbeeren, de Dennewitz, de Leipzig, fit la
campagne de Norvège (1814) avec le grade de lieutenant-
colonel, entra en 1817 à la Diète du royaume, fut promu
colonel en 1824 et reçut la même année le titre de direc-
teur général du cadastre. De 1809 à 1817 il avait levé
et dressé, pour le compte du gouvernement, une belle
carte de la Scandinavie ; mais il fut surtout connu à l'étran-
ger par les ouvrages de statistique qu'il publia à Stockholm
de 4830 à 1839 et qui contiennent de nombreux et inté-
ressants renseignements sur la géographie et sur l'état
économique de la Suède. L. S.
FORS ELLES (Jacob-Henrik), ingénieur et minéralogiste
finno-suédois, né à Strœmfors (Nyîand) le 27 déc. 4785,
mort à Stockholm le 43 juin 4855. Avant même d'avoir
achevé ses études, il construisit un bateau pour se rendre
de Finlande à Upsala (4840) et peu après il perfectionna
la roue hydraulique de manière à en doubler l'effet. Ins-
pecteur aux mines d'argent de Sala (4813), il en devint
ingénieur en chef (4847) et il y introduisit beaucoup
d'améliorations. Après avoir travaillé avec d'autres à
l'exploration géognostique de la Suède (4838-4850), il
proposa de dresser la carte géologique de ce royaume qui
fut mise sous presse en 4850. On lui doit en outre: Ex-
périences hydrauliques faites dans les mines de Fahlun
de 1811 à 1815, avec P. Lagerhjelm et G.-S. Kallste-
nius (Stockholm, 4848-24, 2 vol. in-8 avec 38 pi.);
Rapport sur les mines de Sala (ibid., 4848, in-fol. avec
6 cartes); Catalogue raisonné d'une collection des mi-
nerais répandus en Suède (4854). B-s.
FORSETT (Edward), écrivain anglais, mort vers 4630.
Juge de paix, il eut à s'occuper de la conspiration des
poudres et eut la garde de la Tour de Londres pendant
l'absence de W. Waad. On a de lui deux ouvrages poli-
tiques qui ont fait un certain bruit en leur temps. Ce sont :
A Comparative Discourse of the bodies natural and
politique (Londres, 4606, in-4) et A Defence of the
right of Kings (Londres, 4624, in-4).
FORSIUS, aussi HELSINGFORSIUS (Sigfrid-Aron),
astronome finno-suédois, né à Helsingfors vers 4550, mort
en 4627. Après avoir été précepteur du célèbre G. Horn et
avoir complété ses études dans les universités d'Allemagne,
il fut aumônier militaire dans les provinces baltiques (4599-
4600), puis l'un des explorateurs de la Laponie de Torneâ
(4 604). Avant son départ il avait reçu comme prébende le
pastorat de Nerpes ; à son retour (4602), il obtint celui de
Kimito. On ne sait si, pendant un nouveau voyage en Alle-
magne (4 605 ) , il avait réellement corn ploté contre Charles IX,
comme E. Tegel l'en accusa, mais il fut emprisonné pendant
un an (4606) etdépouillédesaprébende(4607).CharlesIX,
revenu de ses soupçons, l'indemnisa en lui donnant la chaire
d'astrologie à l'université d'Upsala (4608) et en le nommant
peu après pasteur de l'église de Riddarholm à Stockholm et
astronome royal (1642), avec privilège pour la publication
des almanachs (4643). Le chapitre de la cathédrale d'Up-
sala lui ayant vainement interdit les prédictions qu'il faisait
parfois avec succès, le suspendit (4645) et le fit révoquer
(4649). Forsius tomba dans la misère et dut se contenter
du plus petit pastorat de la Finlande, celuid'Ekenaes(4624).
Ses connaissances étaient très variées ; il écrivit une Chro-
nique de Finlande (perdue); deux Psaumes ; des Prêches ;
rédigea les Almanachs de 4608-10, 4643-45, 4647-49,
4624-24, les premiers qui aient été calculés sur le méridien
de Stockholm. Il publia en outre : Spéculum vitœ hu-
manœ (Greifswald, 4582; Stockholm, 4620) ; Mineralo-
gia en suédois (Stockholm, 4643, 4643). B-s.
Bibl. : Notice sur lui par S.Loenbom ; Stockholm, 1772,
in-8. — Pipping, Bidrag till Finlands calendariographi ;
Helsingfors, 1858-61.
FORSKÂL (Peter), célèbre naturaliste suédois, né à
Kalmar (Smâland) en 4736, mort de la peste à Djérim
(Arabie) le 44 juil. 4763. Il fit ses études à Gottingue et
les termina par la soutenance d'une thèse qui fit beaucoup
de bruit : Dubia de principiis philosophiœ recentioris.
Peu après, il publia en Suède une brochure : Pensées sur
la liberté civile (4759), qui le fit bannir; il se retira à
Copenhague et y devint professeur en 4759. En 4764, il
prit part à une expédition scientifique en Asie Mineure,
Egypte et Arabie ; il ne devait pas en revenir. Les dix-
huit mois qu'avait duré son voyage lui avaient suffi pour
recueillir plus de deux mille espèces de plantes, dont un
825 — F0RSELL — FORSSELL
quart absolument nouvelles, qu'il décrivit avec les noms
vulgaires grecs, turcs et arabes, sans compter la descrip-
tion d'une foule d'animaux qu'on retrouva dans ses papiers:
Descriptio animalium, avium, amphibiorum,piscium,
insectorum, verminum, quœ in itinere orientali ob-
servavit (Copenhagne, 4775, in-4) ; Flora œgyptiaco-
arabica,sive descriptiones plantarum... (Copenhague,
4775, in-4) ; Icônes rerumnaturalium, etc. (Copenhague,
4776, in-4). Dr L. Hn.
FORSKALIA (Zool.) (V. Siphônophores).
FOR S M AN (Georg-Zachris), historien et homme poli-
tique suédois anobli sous le nom de Yrjœ-Koskinen (V. ce
nom).
FORSMAN (Jacob-Oscar), juriste et publiciste finnois,
frère du précédent, né le 30 juil. 4839 au presbytère de
Lillkyrœ. Professeur de droit criminel à l'université de Hel-
singfors (extraordinaire 4 869 ; ordinaire 1879) ; doyen de
la faculté de droit (4 882) ; représentant de l'ordre du clergé
du diocèse de Kuopio depuis 4882, il a pris une part impor-
tante aux réformes législatives, surtout pénales, soit en les
discutant à la Diète, soit en en traitant dans divers pério-
diques suédois, allemands et surtout finnois, soit enfin dans
des publications à part : De la Sujétion à la contrainte
en droit criminel (Helsingfors, 4874) ; Remarques sur
le projet de code pénal (4878) ; les Vues divergentes
de nos contemporains sur la pénalité (4883) ; Du Code
pénal en préparation (4884); Addition au projet de
Code pénal soumis aux Etats (4885). Il a édité le Code
suédois de 1734, avec textes ou extraits des lois et ordon-
nances postérieures, le tout traduit en finnois par Cannelin
(4874, gr. in-8). — Son oncle, Cari-Rudolf Forsmm,né
à Œfvervetil le 45 août 4802, mort à Vasa le 29 juil.
4882, enseigna dans diverses écoles pendant vingt et un
ans (4834-52) et devint pasteur d'Ilmajoki (4850). Il
publia une Grammaire latine en suédois (4852) ; quelques
textes latins; Du Culte des saints en finnois (4859).
FORSSELL (Olof-Hansson), mathématicien suédois, né
à Jersœ (Helsingland) le 22 sept. 4762, mort à OEster-
Vâla le 9 nov. 4838. Adjoint (4794), puis lecteur en ma-
thématiques (4796) à l'Académie militaire de Carlsberg,il
contribua à la fondation de l'Académie des sciences mili-
taires et publia des manuels à' Algèbre et d'Arithmétique
qui furent en usage pendant un demi-siècle. Ayant reçu les
ordres en 4805, il devint pasteur de Hudiksvall (4808),
d'OEster-Vâla (4 825). — L'aîné de ses huit enfants, Johan-
Erik (4802-4877), pasteur et prévôt dans le diocèse mé-
tropolitain, publia Matricule de l'archevêché d'Upsala
(4840); Souvenirs des membres du corps enseignant
de Varchidiocèse, morts de 1843 à 1859 (4859).' — Un
second fils, Car l-Adolf (4807-4869), lecteur à Gefle, puis
pasteur et prévôt dans le diocèse de Strœngnses, publia
un traité d'algèbre (4842). — Le fils de ce dernier,
Hans-Ludvig, publiciste, économiste et homme politique
suédois, est né à Gefle le 44 janv. 4843. Après avoir été
docent en histoire à l'université d'Upsala (4866), il devint
secrétaire de divers comités administratifs, financiers et
politiques, et finalement de la banque nationale (4874) ;
chef du département des finances (44 mai 4 875-déc. 4880);
président de la chambre des comptes depuis 4880. Il repré-
sente le laen de Gefleborg à la première Chambre depuis
4879 et fait partie de l'Académie suédoise (4884), ainsi
que de la plupart des sociétés savantes de son pays. Outre
les articles parus dans de nombreux périodiques édités ou
dirigés par lui et réunis sous le titre d'Etudes critiques
(Stockholm, 4875, 4888), il a publié la Question moné-
taire en Suède, en Norvège et en Danemark (4872),
question qu'il a grandement contribué à résoudre par une
convention Scandinave ; et d'importants travaux d'érudition
historico-statistique : Histoire intérieure de la Suède
depuis Gustave Ier ', surtout aux points de vue admi-
nistratif et économique (ibid., 4869-75); la Suède en
1571, essai de description statistico-administrative (4872-
83) ; Notices sur l'agriculture en Suède au xvr9 siècle
FORSSELL - FORSTER
— 826 -
(4884), et d'amples biographies de : Anders Fryxell (Actes
de r Académie suédoise, 4882, t. LVII) ; Erik Benzelius
(ibid., 4883, t. LVIII) ; Gustaf af Wetterstedt (ibid.,
4889, t. III) ; enfin de HansJœrta, en tête des Œuvres
choisies de cet écrivain (4882-84). B-s.
FORSSELL (Christian- Didrik), graveur suédois distin-
gué, né à Helsinghorg le 22 avr. 4777, mort à Stockholm
le 49 oct. 4852. Etudiant à Zeist (Hollande) chez les frères
Moraves(4794-95),il servit d'interprète à Pichegru(4794),
puis il entra en apprentissage chez un graveur d'Amster-
dam, se fit remarquer en exécutant le sceau de la munici-
palité de cette ville, obtint du roi Louis une pension de
4,000 florins pour se perfectionner à Paris (4806-1840)
et fut élève de Bervic. Il devint bientôt maître à son tour,
après avoir publié des Têtes caractéristiques, gravé une
composition originale pour V Enfer de Dante et le beau
portrait de Fénelon (1808) . Il travailla aux planches de la
grande Description de l'Egypte, et combattit pour la dé-
fense de Paris dans les rangs de la garde nationale en mars
4844. Etant retourné dans sa patrie en 4846, après avoir
gravé les portraits de Ducis d'après Gérard, et de Louis X VIII
d'après Augustin, il fut nommé membre de l'Académie des"
beaux-arts à Stockholm (4847) et vice-professeur de des-
sin. Un portrait de Charles XIV, fait à la sépia (1848)
d'après le tableau de Gérard, plut tellement à ce monarque
qu'il en demanda la gravure, achevée en 4823. Il forma de
bons élèves : J. Cardon, Billmark, Maria Rœhl et Holm-
bergsson. Les cuivres de Une Année en Suède, gravés en
partie d'après les dessins de J.-G. Sandberg, avec texte
suédois par A. Grafstrœm (Stockholm, 4827-35 ; traduc-
tion française, 4 836 ; lithographie, 4 864), furent retouchés
par lui. On cite parmi ses autres œuvres : le Camoëns
d'après Gérard ; Pestalozzi d'après Mlle Rath (4844) ;
Tegnér d'après M. Rœhl (4830) ; De Geer d'après Sand-
berg ; Ptosenstein d'après Sergel (4838) ; Saint Pierre
d'après Moritz ; une Madeleine d'après Pieneman. Se rat-
tachant à l'école française, il allie, dans la gravure hachée,
la fermeté du dessin à l'élégance et à l'extrême finesse du
modelé, qui semblent parfois affectées ; aussi manque-t-il
de vigueur et de variété. Les mêmes défauts sont plus sen-
sibles dans ses rares gravures au pointillé. Il excellait dans
les dessins à la sépia, au crayon noir et au lavis (notice
sur lui par son gendre, T. -G. Rudbeck, 4864). B-s.
FORSSLUND (Jonas), peintre et sculpteur suédois, né
à Fors (Jsemtland) en 1754, mort à Stockholm le 9 mars
4809. Membre de l'Académie des beaux-arts de Stockholm
(4794), où il devint professeur, il fit beaucoup de por-
traits à l'huile (Gustave III avec la reine et son fils;
Gustave IV en promenade avec la reine) ; au pastel
(Nils Gyllenstjerna et la comtesse) ; des bustes (Linné,
en bronze ; M. Rosenblad, en plâtre) ; des médaillons en
biscuit et en plâtre. Ses tableaux valent mieux que ses
sculptures. B-s.
FORST (Jean-Bernard), chanteur allemand, né à Mies
(Bohême) en 4660, mort à Prague en 4740. Il fut un des
artistes les plus célèbres de son temps. Il voyagea en Italie,
puis en Allemagne, où il fut recherché avec empressement
par divers souverains, l'électeur de Bavière, l'électeur de
Saxe, et surtout l'empereur Léopold Ier d'Autriche. Ce der-
nier l'attacha à sa musique particulière, et lui témoigna une
telle faveur qu'elle excita la jalousie des musiciens italiens
de la chapelle, et qu'on accusa ceux-ci d'avoir voulu em-
poisonner Forst. Les suites de cet empoisonnement détrui-
sirent en partie l'étonnante puissance de sa voix, mais
sans diminuer la perfection de son chant. Forst retourna
à Prague et devint maître de chapelle à l'église de Saint-
Wenceslas et à celle de Tous-les-Saints. Lorsqu'il mourut,
son fils Wenceslas lui succéda dans la première de ces
fonctions.
FORSTER (Johann), orthographié aussi Fœrster ou
Vorster, latinisé en Forsthemius (c.-à-d. Forstheim),
hébraïsant et théologien luthérien, né à Augsbourg le
40 juil. 4495, mort à Wittenberg le 8 déc. 4556. Elève
de Reuchlin, il enseigna l'hébreu à Tubingue (4539-4544)
et à Wittenberg (depuis 4549). II mena d'ailleurs une
vie assez agitée et nomade à cause de la vivacité de son
caractère et de son ultra-luthéranisme. Sur son lit de
mort, il réussit à mettre la dernière main à son grand
ouvrage : Dictionarium hebraicum novum, non ex
rabbinorum commentis nec ex nostratium doctorum
stulta imitatione descriptum, sed ex ipsis thesauris
S. Bibl. et eorumdem accurata locorum collatione
depromptum (Bâle, 4557, in-fol.; nouv. éd., 4564).
Ce titre indique à la fois le caractère de Forster, le réel
intérêt de son livre, l'originalité et la faiblesse inévitable
de sa méthode. F. -H. K.
FORSTER (Georg), musicien et médecin allemand, né à
Amberg, mort à Nuremberg le 43 nov. 4568. Il est sur-
tout connu et estimé par sa'publication d'un grand nombre
de chansons allemandes, religieuses et profanes, à plu-
sieurs voix, des principaux compositeurs de son temps,
réunies et publiées par lui en cinq recueils imprimés à Nu-
remberg de 4539 à 4556, sous le titre Fin Auszugguter
alter und neuer Teutscher Liedlein, etc. Des chansons
de Forster lui-même figurent dans ses recueils, à côté de
celles de Ducis, Hofheimer, [saac, Mahu, Othmayer, Senfl,
Stoltzer et autres. M. Br.
Bibl. : Monatshefte fur Musikgeschichte, 1. 1. — Eitner,
Bibliographie der Musiksammetwerke ; Berlin, 1887, in-8.
FORSTER (Valentin), jurisconsulte allemand, né à
Wittenberg le 20 janv. 4530, mort à Melmstâdtle 28 oct.
1608. Après avoir étudié le droit, la philosophie et les
mathématiques et suivi les leçons de Luther et de Melan-
chthon, il se fit recevoir docteur en droit à Bourges et
retourna en Allemagne. Il professa à Ingolstadt et à Wit-
tenberg, puis fut nommé administrateur supérieur à Min-
den, dans le Hanovre; en 4569, il fut nommé professeur
à Marbourg, en 4580 à Heidelberg, et plus tard à Helm-
stâdt. Ses principaux ouvrages sont : Historia juris civilis
romani (Bâle, 4565, in-fol.; Cologne, 4594, in-fol.;
Mayence, 4607) ; de Juridictione romana (Lyon, 4586,
in-fol.) ; enfin, un recueil de traités de jurisprudence (Bâle,
in-fol. ; Francfort, 4565), dont plusieurs avaient été publiés
à part : De Pignoribus et hypoihecis (4580, in-4) ; De
Jurejurando (Heidelberg, 4584, in-4. — Son fils, Va-
lentin-Guillaume, né à Marbourg en 4574, mort en
4620, fut aussi professeur de droit à Wittenberg et publia :
Tractatio justinianea, Paratitla in Pandectas, De Jure
canonico, De Nuptiis, De Donationibus, De Substitu-
tionibus. G. R.
FORSTER (Nathaniel), érudit anglais, né à Stadscombe
(Devonshire) le 3 févr. 4747, mort le 20 oct. 4757. Après
avoir occupé plusieurs postes ecclésiastiques où son talent
et ses connaissances ne paraissent pas toujours avoir été
appréciés à leur valeur, il fut pourvu d'une prébende à
l'église de Bristol et, quelque temps après, nommé chapelain
de George II. Un riche mariage, qu'il contracta vers cette
époque (4757), allait le mettre à même de se consacrer
entièrement aux études d'érudition où il excellait, lorsque
la mort le surprit. Helléniste et hébraïsant de valeur, il
fit partie de la Société royale de Londres. On a de lui : Re-
flections on the Natural Foundation of the high Anti-
quity of Government, Arts, and Sciences in Egypt
(Oxford, 4743); une édition de cinq dialogues de Platon
(4745) ; des remarques sur le texte de Tite Live : Appen-
dix Liviana (4746) ; une édition de la Bible en hébreu,
sans points-voyelles (Oxford, 4750), des sermons et des
dissertations.
FO RSTER (Nathaniel), économiste et théologien anglais,
né vers 4726, mort en 4790. Entré dans les ordres, il
devint recteur de l'église de Tous-les-Saints, à Colchester,
chapelain de la comtesse douairière de Northington et rec-
teur de Tolleshunt Knights, dans le comté d'Essex. On a
de lui quatre sermons fort remarquables et plusieurs écrits
sur des questions d'économie politique, parmi lesquels on
peut citer An Enquiry into the Causes of the présent
827 —
FORSTER
High Pnce of Provisions (4767), publié sans nom d'au-
teur. B.-H. G.
FORSTER (George), voyageur anglais, au service de la
Compagnie des Indes, mort en 4792. Son voyage de Cal-
cutta en Russie, par le Cachemire, l'Afghanistan, Hérat
et le Khorassan, jusqu'à la mer Caspienne, qu'il traversa,
mérite de ne pas être oublié. La relation en a été publiée
en 4798 : A Journey from Bengal to England (2 vol.
in-4). Envoyé en ambassade chez les Mahrattes, il mourut
à Nagpore. Il avait publié un opuscule intitulé Sketches of
the Mythology and Customs of the Hindoos (4785).
FORSTER (Edward), polygraphe anglais, né en 4769,
mort en 4828. Entré tard dans les ordres, il se fit remar-
quer par son talent de prédicateur. En 4815, il vint se fixer
à Paris. Il prononça, à l'oratoire du Louvre et à la chapelle
de l'ambassade d'Angleterre, dont il se fit nommer chapelain,
plusieurs sermons, réunis plus tard en dix volumes par une
de ses filles, Lavinia (1828). Il est surtout connu par les
éditions luxueuses qu'il publia, avec des illustrations de
Smirke et d'autres artistes : Don Quixote (1804, 4 vol.) ;
The Arabian Nights (4802, 5 vol.); Anacreon (4802) ;
Rasselas (4805); The British Drama, The New Bri-
tish Théâtre, The English Drama, etc. En 4809, il fit
imprimer à petit nombre un volume de ses vers : Occa-
sional Amusements, Mais sa graude œuvre aurait été The
British Gallery of Engravings, avec texte en anglais et
en français, si les frais énormes de cette belle publication
ne l'avaient obligé à la suspendre après le premier volume
(4843). Il donnait ses soins à une édition de Plaute lors-
qu'il mourut. B.-H. G.
FORSTER (Thomas-Ignatius-Maria), naturaliste, astro-
nome et écrivain anglais, né à Londres le 9 nov. 4789,
mort à Bruxelles le 2 févr. 4860. Fils d'un botaniste
distingué, il étudia d'abord plus particulièrement les sciences
naturelles, fonda en 4805 un Journal of the Weather,
publia la même année un Liber rerum naturalium et,
en 4808, des Observations on the brumal retreat of the
Swallow (Londres, 4817, 6e édit., in-8), s'occupa ensuite
d'astronomie, mais négligea bientôt cette science pour le
droit, puis pour la médecine, puis pour la physique. De
4849 à 4834, il effectua sur le continent de nombreux
et longs voyages, au cours desquels il se livra à une
série d'observations scientifiques d'un certain intérêt. Il
était membre de la Société astronomique de Londres
depuis 4824. On lui doit de curieuses recherches relatives
à l'influence des spiritueux et à celle de l'atmosphère
sur la santé, la découverte d'une comète (4849), des
observations sur les couleurs des étoiles, sur le pouvoir dis-
persif de l'atmosphère, un calendrier perpétuel (4824), etc.
Il cultiva aussi la poésie et la musique. Il a écrit pour le
Philosophical Magazine et pour plusieurs autres recueils
scientifiques une trentaine de mémoires de météorologie
et d'astronomie. Il a en outre publié à part : Researches
about atmospheric phœnomena (Londres, 4842 ; 3e éd.,
4823) ; The Circle of the seasons (Londres, 1828) ; Beo-
bachtungen ilber den Einfluss des Luftdruckes aufdas
Gehôr (Francfort, 4835) ; Recueil de ma vie, autobiogra-
phie (Francfort, 4835); Philozoia (Londres, 4839); Elogio
e vita di Boecce (4839) ; Philosophiamusarum (4842) ;
Annales d'un physicien voyageur (4848) ; VAge d'or
(4848), etc., etc. Il a enfin donné des éditions annotées
d'Aratus (4843) et de Catulle (4846). Léon Sagnet.
Bibl. : Epistolarium Forsterianum; Bruges, 1845-50.
FORSTER (François), graveur français, né au Locle
(alors principauté de Neufchâtel), en Suisse, le 22 août
4790, mort à Paris le 27 juin 1872. Venu à Paris en
4805, il entra dans l'atelier du graveur P.-J. Langlois,
puis à l'Ecole des beaux-arts, et obtint le deuxième prix
de Rome en 4809, et le premier grand prix en 4844. Il
avait déjà exécuté nombre de planches pour le Musée Na-
poléon, pour le Musée royal, pour la Galerie de Flo-
rence, etc. Pendant son séjour en Italie, il s'appliqua à
graver des peintures d'histoire des vieux maîtres. Les es-
tampes qui lui valurent une place des plus honorables
parmi les graveurs du siècle vinrent tardivement; ce sont :
François 1er et Charles -Quint visitant V église de
Saint-Denis, d'après Gros (4833); la Vierge au bas-
relief, d'après Léonard de Vinci (4835) ; la Vierge de la
maison d'Orléans, d'après Raphaël (4838) ; Sainte Cé-
cile, d'après Paul Delaroche (4840); les Trois Grâces,
d'après Raphaël (4841). Il excellait également dans le
portrait, comme en témoignent ceux de Durer, de Ra-
phaël, de Humboldt, de Wellington, etc. Il fut élu
membre de l'Académie des beaux-arts le 44 sept. 4844, en
remplacement de Tardieu. * G. P-i.
FORSTER (Christian-Friedrich-Ludwig) (V. Foerster).
FORSTER (Charles), écrivain polonais, né à Varsovie
en 4800, mort en Allemagne vers 4870. Après avoir servi
comme fonctionnaire en Pologne, il quitta sa patrie en
4830 et vint s'établir à Paris; il y résida pendant dix-
sept ans, voyagea en Allemagne comme correspondant de
la Patrie et finit par s'établir à Berlin. Il a beaucoup écrit.
Ses principaux ouvrages français sont : la Vieille Pologne
(Paris, 4839); la Pologne (Paris, 4840, dans la collec-
tion de l 'Univers)', Souvenirs historiques (Paris, 4840);
Physiologie de l'étranger (Paris, 4844); Quinze Ans a
Paris (Paris, 4848). En polonais il a surtout écrit sur les
questions philosophiques et sociales et publié une Biblio-
thèque des sciences morales et politiques (Berlin, 4857-
4868,20 vol.) L. L.
FORSTER (Ernst-Joachim) (V. Foerster).
FORSTER (John), biographe et journaliste anglais, né
à Newcastle en 4842, mort à Londres le 4er févr. 4876.
Fils d'un boucher, il étudia le droit à Londres, fournit
des critiques littéraires à l'Examiner et des articles his-
toriques et biographiques à différentes revues. Ses bio-
graphies Statesmen of the commonwealth of England
parues d'abord dans Cyclopedia, puis réunies en volumes
(1844-44, 5 vol.), lui ouvrirent les cercles littéraires. En
4846, il succéda à Charles Dickens comme rédacteur en chef
du Daily News, puis retourna à l'Examiner, s'occupant
de nombreux travaux historiques parmi lesquels : Arrest
of the Five Members (4859); Debates on the Grand
Remonstrance (4860), épisodes du règne de Charles Ier.
Ses vies de Sir John Eliot (4864, 2 vol.) et Goldsmith
(4848, 2 vol.) passent pour des modèles du genre. Il faut
ajouter la biographie de Walter Savage Landor (4868,
2 vol.), et celle en trois volumes de son ami Charles
Dickens (4874-74, 3 vol.). Il avait commencé la vie de
Swift lorsque la mort l'interrompit au moment où il com-
plétait le premier volume. H. France.
FORSTER (William-Edward), homme d'Etat anglais,
né à Bradpole (Dorsetshire) le 44 juil. 4848, mort à
Londres le 5 avr. 4886. Fils d'un pasteur, élevé d'après
la rude discipline des quakers, il reçut une assez forte
instruction et débuta dans le commerce. En 1842, il devint
l'associé d'un fabricant de laine, William Fison, et réalisa
ainsi une certaine fortune. De bonne heure, il s'était occupé
de politique, et il avait de constantes relations avec Robert
Owen, Thomas Cooper, Denison, Sterling, Carlyle, etc. Il
suivit avec intérêt la révolution de 4848 en France, s'affi-
lia aux chartistes et commença à se faire connaître par les
conférences qu'il fit à Bradford ou à Leeds sur le paupérisme
et ses remèdes, les classes ouvrières, la réforme parlemen-
taire et l'esclavage. Le 44 févr. 4864 il était élu repré-
sentant de Bradford aux Communes et fut successivement
réélu par cette circonscription aux élections de 4865, 1868,
4874, 4880 et 4885. Libéral avancé, il prit une part con-
sidérable aux débats relatifs à la guerre de la Sécession, et
il se signala de prime abord comme un debater-d'un talent
vigoureux et persuasif. Il connaissait à fond la politique
anglaise et les questions sociales. Aussi entra-t-il en 4864
dans le cabinet Russell comme sous-secrétaire des colonies
en même temps que M. Goschen obtenait la vice-prési-
dence du bureau du commerce. C'était une concession
aux tendances libérales qui s'accentuaient de plus en
FORSTER — FORSYTHIA
— 828 —
plus. En 4867, il voyagea en Orient et à son retour il devint
vice-président du conseil dans le ministère Gladstone
(1868). Le 17 févr. 1870, il présentait le projet de loi qui
a organisé l'instruction publique en Angleterre. Sur tout le
territoire il instituait des School Boards (conseils des écoles)
auxquels il donnait tous pouvoirs de prendre les arrêtés
nécessaires pour assurer la présence à l'école des enfants
de cinq à douze ans. La plupart des écoles existantes étaient
conservées, même elles recevaient une subvention du gou-
vernement à condition de justifier de certaines garanties
pédagogiques, de se soumettre au contrôle des inspecteurs
du gouvernement, et* de dispenser les enfants de rensei-
gnement religieux si les parents le demandaient. Les dé-
penses nécessitées par la nouvelle loi étaient couvertes par
une taxe locale, une subvention de l'Etat et un prélèvement
sur les rémunérations scolaires dans les écoles payantes.
Des écoles absolument gratuites étaient instituées dans les
communes où les autorités locales jugeaient cette mesure
nécessaire. Attaqué sans merci par les non-conformistes, le
projet finit par être voté. Forster fut moins heureux avec
le bill sur le mode de scrutin qu'il présenta le 20 févr. 1871 .
Entre autres innovations jconsidérables, ce bill introduisait
le scrutin secret et supprimait l'action des agents électo-
raux. Il fut adopté par les Communes à une faible majorité
et rejeté par la Chambre des lords. A l'avènement de Dis-
raeli (1874), Forster fit un voyage aux Etats-Unis. Il faillit
remplacer Gladstone comme leader des libéraux : il se désista
en faveur de lord Hartington. En 1880, à la prière de
Gladstone, il accepta le poste de secrétaire chef de l'Ir-
lande : il essaya en vain de remédier aux souffrances des
tenanciers en faisant présenter le Compensation for
disturbance bill (1880) qui fut repoussé par la Chambre
des lords et il eut à batailler continuellement contre la
Land-League qui le rendait responsable de cet échec. Après
la suppression de la ligue et l'arrestation deParnell, sa vie
fut menacée. Il échappa miraculeusement à tous les atten-
tats et démissionna en mai 1 882 pour ne point contresi-
gner le fameux traité de Kilmainham. Il fut remplacé par
lord Frederick Cavendish qui, le 6 mai 1882, fut assassiné
à Phœnix Park. Il offrit aussitôt de reprendre son poste,
offre que le gouvernement n'accepta point. Depuis, il s'oc-
cupa surtout au Parlement des questions coloniales et no-
tamment des affaires d'Egypte et de l'Afrique du Sud. Sa
santé, gravement compromise en Irlande, ne fit que décliner
et il mourut après une saison à Baden-Baden. R. S.
Bibl. : Notice dans le Times du. 7 avril 1886.— Wemyss
Reid, Li/e of the R. H. W. E. Forster ; Londres, 1888.
FORSTER (Wilhelm), astronome allemand (V. Foerster).
FORSYTH (Joseph), écrivain écossais, né à Elgin le
18 févr. 1763. Il voyagea en Italie de 1801 à 1803,
époque à laquelle il fut envoyé prisonnier à Nîmes, au fort
de Bitche, puis à Verdun, à cause de la guerre entre la
France et l'Angleterre. Il fut libéré en 1814 et mourut le
20 sept. 1815. Ses Remarks on Antiquities, Arts and
Letters, during an excursion in Jtaly in the years
1802 et '1803, furent publiées à Londres en 1813. Il y
en eut d'autres éditions en 1816 et 1820. C'est un des
meilleurs ouvrages sur l'Italie publiés en Angleterre.
FORSYTH (Robert), écrivain anglais, né en 1766, mort
en 1846. Après avoir fait ses études à Glasgow, il se fit,
non sans peine, recevoir avocat en 1712 et n'obtint, à
cause de ses convictions socialistes, aucun succès dans cette
carrière. Il se tourna vers la littérature, collabora à YEn-
cyclopœdia Britannica et écrivit quelques ouvrages parmi
lesquels nous citerons : Principles and practwe of agri-
culture (Londres, 1804, 2 vol.) ; The Principles of
moral Science (1805); Political Fragments (1830);
Observations on the book of Genesis (1 846) ; The Beau-
ties ofScotland (1805-1808, 5 vol.); Remarks on the
Church of Scotland (1843).
FORSYTH (William), homme politique, juriste et litté-
rateur anglais contemporain, né à Greenock en 1812.
Avocat des plus éminents, il fit partie du conseil de la
reine en 1857. Elu député de Cambridge en 1858, il dut
renoncer à son siège comme quasi-fonctionnaire. Il fut
membre du Parlement, pour Marylebone, de 1874 à 1880.
En dehors de plusieurs ouvrages de droit, il publia de
nombreux travaux historiques et littéraires, tels que :
Napoléon at St-Helena and sir Hudson Lowe (1853);
The Life of Cicero (1864); The Novels and novelists
of the 18th century (1871); Essays critical and nar-
rative (1874); The Slavonic Provinces south of the
Danube (1876), et un drame : Hannibal in Italy (1872).
— Il était le frère aîné du diplomate sir Thomas-Douglas
Forsyth (V. ci-dessous).
FORSYTH (William), publiciste anglais, né à Turriff
(Aberdeenshire) le 24 oct. 1818, mort le 21 juin 1879.
Il fit des études médicales, exerça quelque temps et aban-
donna tout à fait cette carrière pour la littérature. Rédacteur
de Ylnverness Courier (1842), il s'occupa très activement
de la préparation de la Chambefs Encyclopœdia, passa
en 1843 à Y Aberdeen Herald, en 1848 à VAberdeen
Journal; il y rendit de grands services au parti des
conservateurs-libéraux. On a de lui : A Letter on lay
patronage in the church of Scothnd (1867) ; The Day
of open questions (1868); The Province and workof
voluntary charitable agencies in the management of
the poor (1877); The Martyrdom of Kelavane (1861);
Idylls and Lyrics (1872), etc.
FORSYTH (Sir Thomas-Douglas), administrateur an-
glais, né à Birkenhead le 7 oct. 1827, mort à Eastbourne
le 17 déc. 1886. Entré au service de la Compagnie des
Indes, il devint, en 1 849, vice-commissaire du Pendjab et
fut promu, peu après, commissaire adjoint à Simla. Après
avoir occupé divers autres postes, il était, en 1857, à Um-
balla où il rendit d'importants services au commencement de
la grande révolte de l'Inde. Secrétaire d'Outram, de Mont-
gomery, puis de Wingfield, il fut nommé, en 1860, com-
missaire du Pendjab. En 1867, il négocia un traité de
commerce aveclefurkestan et réussit à engager un mouve-
ment commercial entre l'Inde, les provinces de l'Asie cen-
trale et la Russie. Lord Mayo le chargea d'une mission à
Saint-Pétersbourg, relative à la délimitation des posses-
sions de l'émir de Caboul. Au retour de ce voyage, il fut
envoyé en députation à l'émir de Yarkand (1869). Il fut
chargé, en 1872, de réprimer une insurrection, à carac-
tère religieux, qui avait pris naissance à Malair Kotla. Il
entra en conflit à ce sujet avec Cowan, le commissaire de
Loodiana, et tous deux furent destitués par le gouvernement.
Forsyth revint bientôt en faveur et fut envoyé, en 1873,
à l'émir de Kashgar pour conclure un traité de commerce.
Il s'acquitta heureusement de cette mission et fut encore
employé, en 1875, à négocier, avec le roi de Birmanie, la
neutralisation des Etats frontières entre la Birmanie et les
possessions anglaises. Il revint définitivement en Angleterre
en 1876, et s'occupa de la direction des compagnies de
chemins de fer de l'Inde. Forsyth a laissé des mémoires,
publiés par sa fille sous le titre de Autobiography and
Réminiscences of sir Douglas Forsyth (Londres, 1887).
FORSYTH (James), voyageur anglais, né en 1838, mort
à Londres le 1er mai 1871. Conservateur des forêts de
l'Inde, attaché à l'état-major de l'armée du Bengale, il
voyagea en cette qualité dans toutes les provinces centrales
de l'Inde (1862-64). On a publié après sa mort le compte
rendu de ses explorations, sous le titre de The Highla?ids
of central India (Londres, 1871). Outre cet ouvrage
fort intéressant et fort détaillé, il a laissé : Sporting
rifle and its projectiles (1862).
FORSYTHIA (Forsythia Wahl). Genre de plantes de la
famille des Oléacées et du groupe des Syringées, dont on
connaît seulement deux espèces : le F. vwidissima Linàl. ,
de la Chine, et le F. suspensa Lieb., du Japon. Ce sont
des arbustes à feuilles opposées, à fleurs opposées et axil-
laires, s'épanouissant avant les feuilles. Ces fleurs sont
tétramères avec un calice court, une corolle campanulée.
de couleur jaune et deux étamines insérées dans la corolle.
829 —
FORSYTHIA — FORT
L'ovaire, supère, devient à la maturité une capsule locu-
licide dont les graines sont pourvues d'un albumen charnu.
Les deux espèces sont fréquemment cultivées en Europe
comme ornementales. Ed. Lef.
FORT (Temps) (Mus.) (V. Mesure).
FORT. On donne le nom de fort à un ouvrage unique
de fortification permanente, construit dans un but impor-
tant et bien déterminé, ne renfermant pas de population
civile et pouvant en général se suffire à lui-même. Ce n'est
pas autre chose qu'une petite forteresse (V. ce mot) ; elle
doit donc être construite dans des positions et dans des
conditions lui permettant de résister à tous les genres
d'attaque. Suivant le rôle que ces forts ont à jouer, on les
désigne sous des acceptions particulières : les forts déta-
chés sont ceux qui sont construits autour d'une grande for-
teresse pour mettre le noyau de celle-ci à l'abri d'un bom-
bardement, et qui font ainsi partie de la ligne principale
de défense de cette forteresse. Dans ces conditions, la par-
tie tournée vers l'intérieur de la place (la gorge) est consi-
dérée comme ne pouvant être l'objet d'attaques régulières,
en raison de la protection qu'elle peut recevoir de l'artil-
lerie du noyau. Les forts isolés sont, au contraire, com-
plètement livrés à eux-mêmes, sans avoir à compter sur
le concours d'aucun autre ouvrage ; aussi, comme ils
peuvent être attaqués de tous les côtés, il y a lieu, en
principe, sauf les conditions du terrain , de leur assurer
sur toutes les faces une force suffisante. On leur donne
aussi le nom de forts d'arrêt, parce que généralement ils
ont à intercepter une ou plusieurs voies de communication
importante. Mais cette dénomination pouvant s'appliquer
également aux forts détachés ou aux forts de liaison dans
bien des cas, il est préférable de ne parler que du titre de
forts isolés, comme distinction absolue. On a construit en
certaines positions dangereuses ou un peu en dehors du
rayon d'action de la place, des forts pour empêcher l'en-
nemi d'occuper lui-même ces positions, par exemple à Giro-
magny, devant Belfort, à Dampierre, près deLangres, etc.
On les appelle forts d'occupation, en raison de leur situation
saillante ; ils reçoivent à la rigueur une certaine protection
de la place du côté de la gorge, qui peut, comme dans les
forts détachés, être tenue moins forte. Enfin, on a donné
le nom de forts ds liaison ouàeprotectionkdes ouvrages
plus ou moins nombreux construits pour relier ensemble
deux places ; ils se prêtent ainsi un appui réciproque et
tiennent jusqu'à un certain point des forts détachés. Tels
sont les forts de la Meuse entre Toul et Verdun (Génicourt,
Troyon, des Paroches, Camp des Romains, Gironville,
Jouy), ceux de la Haute-Moselle entre Epinal et Belfort (des
Arches, Remiremont, Rupt, Château-Lambert, Ballon de
Servance et Giromagny). Les forts d'occupation et les forts
de liaison n'étant que des intermédiaires entre les forts
détachés et les forts isolés, nous nous occuperons donc
uniquement de ces deux dernières catégories.
Forts détachés avant 1885. — Un fort détaché devant
pourvoir à sa propre défense et au flanquement de ses fos-
sés doit être disposé de manière à présenter sa plus grande
résistance de front et sur ses faces latérales, la gorge étant
organisée simplement de manière à préserver contre les
surprises. Leur but général et les conditions précédentes
permettent d'en déduire la forme générale, en tenant
compte en outre de la position et du terrain. Le front don-
nant sur la campagne ou front de tête, doit présenter un
assez grand développement de feux d'artillerie pour battre
le terrain des attaques et la ligne d'investissement, ainsi
que pour soutenir la lutte d'artillerie. Sa crête est en gé-
néral légèrement brisée en avant, pour mieux battre le
terrain ; quelquefois elle est rectiligne, dans le cas d'un
petit fort ou pour avoir une caponnière de moins. L'obliga-
tion pour ces forts de se soutenir mutuellement a conduit
à donner aux faces latérales, ou flancs, une direction sen-
siblement perpendiculaire à celle des côtés adjacents du
polygone défensif, ou autrement dit une direction permet-
tant de battre les intervalles jusqu'aux forts voisins. Ces
flancs sont presque toujours en ligne droite, et ils doivent
faire avec les faces du front des angles de 420° au moins,
en vue de supprimer le secteur privé de feux à l'angle
d'épaule. Ces trois fronts principaux doivent être construits
de manière à résister aux projectiles les plus puissants
auxquels ils sont exposés. Le front de gorge, ou simple-
ment la gorge, n'est fortifié que d'une manière suffisante
pour assurer la fermeture de l'ouvrage et la sécurité des
défenseurs. Elle est rarement en ligne droite, mais affecte
en général la forme bastionnée. Tout en tenant le plus
grand compte, pour le choix de l'emplacement des forts
détachés, des positions naturelles qu'offre le terrain, il est
indispensable dans ce choix de ne pas perdre de vue les
considérations suivantes, au sujet de la distance des ou-
vrages au noyau ou entre eux.
La raison d'être des forts détachés étant de tenir l'as-
siégeant suffisamment éloigné pour que le noyau central
n'ait rien à craindre d'un bombardement, il reste à déter-
miner jusqu'à quelle distance l'artillerie la plus puissante
peut lancer des projectiles pouvant encore exercer une
action efficace. Cette portée étant de 7,000 à 8,000 m.,
et l'artillerie puissante des ouvrages détachés tenant l'as-
saillant à 4,500 ou 2,000 m. de distance, on peut ad-
mettre que les forts seront placés entre 5,500 et 6,500m.
Plus leur éloignement du noyau serait grand, non seule-
ment plus serait grande la sécurité contre le bombarde-
ment, mais encore plus s'augmenterait la zone d'action de
la défense mobile, ainsi que les difficultés de l'investisse-
ment et du siège. Mais il en résulterait également un plus
grand développement du périmètre de la^ ligne principale
de défense, déjà considérable, et par suite de la surface à
défendre, ainsi que de la garnison. Ainsi, avec un noyau
de faibles dimensions, ce périmètre avec une distance de
6,000 m. pour les forts, serait de 36 kil. au moins. Aussi,
sans rien préciser d'une manière absolue et en tenant
compte dans la mesure du possible de la configuration du
sol, on peut admettre un minimum de 5,000 m., sans
qu'il y ait un maximum. Mais il faut remarquer que, jus-
qu'à 6,000 m., les ouvrages détachés ont l'avantage de
pouvoir être protégés par l'artillerie du noyau central.
Donc, en principe, les forts devront être tenus entre 5,000
et 6.000 m. de ce dernier, et si l'occupation de certaines
positions en dehors de ces limites était commandée par les
formes du terrain, il y aurait lieu d'établir des ouvrages
d'un genre particulier que nous avons indiqué sous le nom
de forts d'occupation. De même, il faut y être absolument
contraint par les positions pour descendre au-dessous de
5,000 m., sous peine de voir les projectiles ennemis atteindre
le noyau. Dans ces conditions, on constate que la principale
ligne de défense doit former un polygone aussi régulier que
possible, ne présentant ni saillants trop prononcés facile-
ment enveloppables, ni rentrants caractérisés, qui augmen-
teraient le périmètre à défendre, sans aucun avantage.
L'écartement de deux ouvrages consécutifs se déduit de
la nécessité de se soutenir réciproquement, tout en proté-
geant la défense mobile, afin que les forts ne puissent être
tournés par la gorge ou que des troupes ennemies ne
puissent circuler dans leurs intervalles sans pouvoir être
atteintes par leur artillerie à bonne portée. Celle-ci, pour le
tir à mitraille, étant admise de 3,000 m., il s'ensuit que, à
la rigueur, l'écartement de deux forts pourrait aller jusqu'à
6,000 m. au maximum et ne pas être moindre de 3,000m.
Afin d'obtenir un recroisement suffisant de feux et de ne
pas augmentera défense résultant d'un trop grand nombre
de forts, on a adopté une moyenne entre les chiffres pré-
cédents et pris comme écartement pratique moyen 4,000
à 5,000 m. dans les terrains de forme ordinaire. Lorsqu'on
a dépassé 6,000 m., c'est que les conditions du terrain le
permettaient ou l'imposaient (inondation, cours d'eau) ou
qu'il suffisait de quelques batteries au moment du besoin
pour assurer convenablement la continuité de la défense de
la ligne. En dehors des considérations précédentes, il faut
tenir compte en outre, dans le choix de l'emplacement des
FORT — 830 —
forts, de l'action des positions sur le terrain extérieur en
vue de favoriser la défense active et d'entraver l'ennemi
dans toutes ses opérations, ainsi que de l'action de ces
positions sur la zone rapprochée. Enfin, il est tout indiqué
d'utiliser pour le mieux les obstacles naturels du sol, tels
que ravins ou vallons parallèles à la ligne de défense, ainsi
que les bois d'une certaine étendue. L'armement de ces
forts comprenait : 1° environ 42 pièces légères, dites de
garnison, destinées à agir spécialement sur les travaux
d'approche ou affectées au flanquement; 2° l'artillerie de
combat, constituée par 25 à 30 pièces puissantes, tirant
quelquefois sous casemate ou sous coupole, ayant pour
but d'obtenir des effets décisifs par leur tir puissant et à
longue portée. — La garnison ne dépassait pas en géné-
ral 1,200 hommes, mais elle n'était le plus souvent que
de 300 à 400 hommes. On comptait 45 hommes par
pièce pour le service de l'artillerie. Dans ces conditions,
la longueur du front de tête était au plus de 300 m., et
en général de 200 à 250 m., pour ne pas dépasser 450
et même 420 m. dans les petits forts. La profondeur de
l'ouvrage dépendait de l'importance à donner aux flancs
et de l'espace nécessaire pour les installations intérieures.
Les intervalles assez considérables existant entre les anciens
forts seront occupés par divers ouvrages ou constructions
disposés de la manière générale suivante : 4° dans le
voisinage de la crête militaire, des ouvrages pour demi-
compagnies d'infanterie, sans abri bétonné, mais pourvus
de quelques abris blindés en rails ou en bois à l'épreuve
des éclats de projectiles et de la mitraille ; 2° sur les points
culminants, des ouvrages intermédiaires pour demi-compa-
gnies d'infanterie, mais avec abri bétonné, pour aider les
forts à flanquer les intervalles ; 3° en arrière des crêtes
et sur les contre-pentes, des batteries enterrées et hors de
vue, destinées à l'artillerie de combat et disséminées dans
tout l'intervalle; exceptionnellement quelques tourelles
près des forts pourront être ajoutées dans le même but ;
4° plus en arrière encore et dissimulés par les accidents de
terrains, les magasins à poudre, dépôts de munitions,
logements pour les garnisons, etc., installés en galeries
souterraines, si c'est possible, ou sinon on abrite simple-
ment les troupes dans les villages, dans des baraques ou
sous latente. De ces divers ouvrages, les batteries enterrées
seules paraissent devoir être construites dès le temps de
paix, au moins dans les places frontières ; la plupart des
autres peuvent n'être élevés qu'au moment de la guerre.
Forts à cavalier. De 4874 à 4877, les premiers forts
détachés construits après la guerre franco-allemande furent
établis d'après le principe que toute fortification permanente
doit présenter deux parapets distincts ; l'un plus élevé et
appelé cavalier, destiné à la lutte éloignée, armé de grosses
pièces ayant un grand commandement ; l'autre destine uni-
quement à la défense rapprochée, recevant les pièces de
petit calibre et l'infanterie. Toutes les bouches à feu tirant
à découvert faisaient du tir de plein fouet, et celles desti-
nées au tir indirect ou sous de grands angles étaient pla-
cées sous casemates. Le cavalier avait environ 42 m. de
relief (ce relief était déterminé par la condition de bien
découvrir le terrain dans un rayon étendu) et 8 m. d'é-
paisseur, de manière à permettre l'établissement de locaux
souterrains à étages ; les pièces qui s'y trouvaient étaient
séparées par des traverses avec abris. Le rempart bas
n'avait que strictement le relief nécessaire pour couvrir
les mouvements de matériel effectués en arrière, c.-à-d.
environ 4m50, avec une épaisseur de 6 m., et par parties
successives des banquettes d'artillerie et des banquettes
d'infanterie. On construisait également sur ce rempart
quelques traverses-abris servant à limiter le tir d'enfilade
et à loger les projectiles nécessaires pour la défense de ce
rempart. Nous n'entrerons pas dans les détails d'organisa-
tion de ces forts, dont la fig. 4 donne le plan et le profil ;
cette figure permet de se faire une idée suffisante de ce
genre de forts. Ceux-ci présentent de bonnes conditions
de commandement, d'approvisionnement des pièces, etc.,
mais ils offrent par contre l'inconvénient de coûter fort
cher, car les locaux ne peuvent être couverts qu'en aug-
mentant la profondeur de la cour intérieure, et en outre
Fig. 1.
les traverses et les emplacements de pièces se découpent
sur l'horizon, ce qui facilite beaucoup le tir de l'ennemi.
Ces diverses causes ont conduit à les abandonner à partir
de 4877.
Fort à massif central et à batterie basse. On recon-
nut que, pour l'artillerie tirant à grande distance, et par
conséquent avec trajectoires fort courbes, un grand com-
mandement était à peu près inutile, à la condition d'avoir
un bon observatoire. C'est pourquoi on installa l'artillerie
sur un rempart bas qui, à l'origine, ne comportait qu'une
banquette d'artillerie sans banquette d'infanterie. Les locaux
furent disposés à l'arrière, sous un massif central servant
de parados, couronné par une simple banquette d'infante-
rie, mais avec un terre-plein assez large pour recevoir au
besoin quelques pièces légères. On gagnait ainsi une dimi-
nution de longueur de 50 à 60 m., puisque le relief de la
batterie basse était moindre que celui du cavalier, et les
traverses-abris étant fondées sur le sol n'avaient que peu
de hauteur, d'où économie sérieuse de temps et d'argent
pour leur construction. De plus, l'artillerie était mieux
couverte et avait l'avantage de donner des feux rasants et
de mieux battre les abords. Mais on a nié que le réglage du
tir soit moins facile sur ces forts que sur ceux à cavalier,
attendu que le parados constitue également une grande
cible verticale, sur laquelle on pourra observer les points
de chute. Par contre, ils ont l'inconvénient de disposer de
vues moins étendues et de sacrifier ainsi la défense rap-
prochée, de morceler la défense d'infanterie, puisque les
hommes sont groupés par petits paquets entre les traverses,
enfin de ne pas empêcher les éclats en retour des projec-
tiles passant au-dessus de la crête du rempart bas. Leur
front de tête a varié entre 200 et 300 m. de longueur.
Pour un égal armement de combat, les forts ont moins
d'étendue, mais plus de profondeur. En supposant que les
forts à massif central n'aient présenté qu'une économie
de temps et d'argent, cette considération ne serait pas à
dédaigner. Nous devons ajouter d'ailleurs que l'expérience
d'une guerre n'a pas permis d'établir une comparaison
pratique, et que ni l'un ni l'autre ne pourrait aujourd'hui
faire une défense convenable.
Forts plats à crête unique ou sans massif central.
Les deux systèmes précédents ont le grand inconvénient de
permettre facilement le repérage du tir et d'avoir, en ar-
rière du rempart, un massif faisant éclater tous les coups
longs qui pouvaient former fougasses et devenir très dan-
gereux. On a donc adopté à l'étranger et proposé en France
de réduire le fort au simple parapet polygonal de l'ouvrage
avec une crête unique pour l'artillerie, sans construction à
l'intérieur de la cour. Les locaux, à un seul étage, sont
installés sous le parapet de tête ou sous la gorge en façade
sur le fossé, ou sous les deux simultanément. Lasuppres-
- 834 -
FORT
sion du cavalier ou du massif central présente le grand
avantage de réduire au minimum la profondeur du fort,
c.-à-d. d'en augmenter l'aplatissement, ce qui les a fait
désigner sous le nom de forts plats. Quand le front de
gorge est surmonté d'un parapet, on peut le paradosser
sans grand inconvénient et sans augmenter sensiblement
la profondeur. Les quelques forts de ce genre que l'on a
construits en France depuis 4880 sont plutôt des batteries
(V. ce mot). On est parti de cette idée que la plupart des
forts détachés devant presque uniquement servir de points
d'appui sérieux à la défense mobile, n'ont besoin que d'une
garnison et d'un armement restreints, attendu en outre
que, s'il est nécessaire, ils peuvent être puissamment se-
courus par cette défense extérieure et par le noyau central.
Dans ce système (fig. 2) les locaux, qui sont enterrés,
Fig. 2.
sont humides et malsains; en outre, ils peuvent être ren-
dus inhabitables par des coups provenant des vues de revers
auxquelles ils sont exposés. Ils ont en outre l'inconvénient
de n'avoir pas de crête d'infanterie et de se prêter mal à la
défense rapprochée ; il n'y a pas de cours de rassemble-
ment, eUes communications à ciel ouvert sont tortueuses
et peu sûres ; les surprises sont rendues plus faciles en
raison des nombreuses ouvertures sur le fossé ; enfin, au
cas où le fort est pris, la façade des locaux échappe plus
facilement aux vues de la place.
Réduit dans les forts. Dans presque tous les forts
construits à l'étranger avant 4870, on a organisé un ré-
duit, tandis qu'il n'en existe nulle part en France. Il con-
vient d'ajouter que, depuis 4874, on n'a admis nulle part
l'utilité de ces réduits. En effet, un réduit, pour remplir
convenablement son rôle, devrait être assez vaste pour
recevoir un nombre suffisant de défenseurs et construit de
manière à être intact au moment du besoin, c.-à-d. pour
l'assaut. Son organisation augmenterait donc l'étendue des
forts, par suite leur prix de revient, sans qu'on puisse être
certain qu'ils résisteront aux projectiles nombreux qui les
atteindront, de manière à remplir en temps utile leur but.
Il paraît préférable, pour prolonger la résistance pied à
pied dans l'intérieur du fort, d'organiser en conséquence
certaines parties qui peuvent s'y prêter. En outre, les forts
sont appuyés par une deuxième ligne de résistance, à
créer entre la première et le noyau central, et cette ligne
de soutien constitue le vrai réduit des forts.
Locaux, communications, dehors, etc. Les forts
doivent contenir les locaux nécessaires pour les trois quarts
de la garnison du temps de guerre, ainsi que les magasins
nécessaires pour les divers services. Ces abris sont ins-
tallés sous les massifs, traverses, parties les plus résistantes
et les moins exposées. Les communications couvertes
(gaines, poternes, corridors, etc.) doivent être suffisantes
pour permettre de se rendre à couvert d'un point quel-
conque à un autre du fort. En général, les forts n'ont pas
d'autres dehors (V. ce mot) qu'un chemin couvert et
quelquefois un ravelin de gorge, avec corps de garde dé-
fensif, servant à protéger l'entrée. Celle-ci est ménagée
au milieu de la gorge, pour une gorge bastionnée ou flan-
quée par une caponnière ; sinon elle est disposée à côté
de la caponnière ou même elle traverse cette dernière dans
certains cas qu'il faut éviter autant que possible. Le che-
min couvert peut être au besoin renforcé par une palissade
établie au pied du talus intérieur. Mais, il y aura lieu
d'organiser, dans la plus large mesure possible, des dé-
fenses accessoires en avant du glacis , pour accroître la
valeur de l'obstacle, tels que abatis , grilles, réseaux de
fil de fer, trous de loup, palissades, etc. Il sera bon aussi,
dans les forts les plus exposés, d'amorcer quelques gale-
ries permanentes permettant d'essayer de faire une guerre
de mines.
Transformation des forts existants. La transforma-
tion des forts existants porte sur les points suivants : on
supprime les caponnières existantes, l'escarpe, la plupart
des traverses et quelques locaux. Le flanquement est as-
suré par des galeries de revers ou des coffres de contres-
carpe en béton à embrasures élevées, afin d'éviter que les
feux ne soient masqués par les décombres. Ces coffres,
construits en béton de ciment, seront facilement installés
dans l'échancrure de la contrescarpe, au droit des capon-
nières actuelles (fig. 3). Les locaux laissés béants par la
démolition des caponnières seront supprimés et le profil
régularisé tout autour du fort. C'est le parapet enveloppant
qui devient le véritable parapet de combat de l'ouvrage
transformé. Les quelques pièces à conserver dans le fort
seront généralement placées sur le front de tête du parapet
bas. Ces pièces seront séparées par des pare-éclats d'au
moins 6 m. de largeur, dont le niveau ne doit pas dépasser
celui de cette crête. En dehors de ces pièces, le parapet
Fig. 3.
sera organisé pour l'infanterie, avec larges banquettes
pour pièces de campagne. Ce front sera complété par l'ins-
tallation, aux extrémités du parapet bas, de tourelles pour
canons à tir rapide et par la construction d'au moins un
abri pour le piquet destiné à garnir la crête en cas d'alerte.
La difficulté du flanquement des fossés peut, dans cer-
tains cas, faire substituer avec avantage à leur forme ordi-
naire trapézoïdale un profil triangulaire (V. Profil) per-
mettant de battre toute leur surface par les feux de la
crête. C'est la disposition adoptée pour les ouvrages d'in-
fanterie élevés dans les intervalles des forts. Nous indique-
rons au mot Locaux souterrains les modifications à faire
subir aux anciens abris ou casemates et les conditions dans
lesquelles doivent être construits les nouveaux. La contres-
carpe et tous les murs ou locaux conservés sont recons-
truits en béton de ciment ; on crée quelques nouveaux
abris et on assure les communications. Le parapet est
épaissi à 10 ou 42 m.; la banquette d'artillerie n'est con-
servée que pour les pièces de l'armement de sûreté. L'obs-
tacle est en outre renforcé par une grille d'escarpe. Le
fort peut aussi être entouré de réseaux de fil de fer. Les
flancs reçoivent des coupoles à éclipse pour les pièces à
tir rapide et de flanquement. Ces tourelles, émergeant d'un
massif de béton à formes fuyantes, placé au fond du fossé,
ne constituent pas une solution avantageuse, en raison de
la faible saillie des tourelles au-dessus de massif de béton.
On peut aussi recourir, pour le flanquement des inter-
valles, aux casemates bétonnées, aux batteries à ciel ouvert
construites sur la gorge et dissimulées parles autres faces,
enfin aux casemates de gorge. Dans certains cas, on établira
des tourelles pour calibres moyens dans les forts, ou dans
leur voisinage immédiat.
Types proposés pour les forts de nouvelle création.
FORT
832 -
Si tous les ingénieurs militaires sont d'accord pour pros-
crire les dispositions adoptées pour les anciens forts, il
n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de l'organisation des
forts à créer actuellement, et les opinions divergent notam-
ment sur les points suivants : 1° le fort doit-il simplement
flanquer les intervalles (système des ouvrages flanquants)
ou en outre prendre part à la lutte éloignée (système
Briaimont) ; 2° le fort doit-il être entouré de fosses pour
sa défense propre, ou celle-ci peut-elle avoir lieu unique-
ment au moyen de défenses accesoires, aidées par la mous-
cpieterie et la mitraille ? — La Belgique a admis, comme
il est indiqué ci-après, des forts se suffisant à eux-mêmes
et prenant part à la défense éloignée. Mais cette solution
très coûteuse ne peut s'appliquer aux ouvrages existants,
et elle attire l'artillerie ennemie sur les pièces qui doivent
agir de flanc et de revers, les plus importantes. Dans le
système des ouvrages flanquants, on préserve le mieux
possible les pièces et les mitrailleuses, et on peut en
admettre de deux espèces.
4° Forts flanquants. Ces forts, répartis sur tout le
périmètre, à une distance de 6 à 8 kil. les uns des
autres, continueront à être les points d'appui, servant de
caponnières flanquantes pour la ligne d'artillerie, et pour-
ront recevoir des cou-
poles pour canons de
gros et de moyen ca-
libre. Ils seront établis
en des points culmi-
nants, mais en les pla-
çant un peu en arrière
de ces positions et en
les dissimulant le plus
possible, pour ne pas
être découverts par
l'ennemi à grande dis-
tance. Ils n'ont plus,
comme par le passé, à
appuyer la défense ex-
térieure ni à défendre le
terrain en avant de la
ligne principale. La
forme du fort continue
à dépendre des formes
du terrain et des direc-
tions du flanquement,
en s'attachant à donner
à l'ouvrage le moins de
profondeur possible.
On admet également en
France que l'obstacle, constitué très sérieusement, doit être
flanqué, alors que le flanquement des fossés est discuté à
l'étranger. L'obstacle comprend un fossé avec gnlles rem-
plaçant l'escarpe, mais il est renforcé par des défenses acces-
soires établies sur un glacis avec contrescarpe revêtue. Le
flanquement est assuré par des coffres de contrescarpe ou
des galeries de revers; à la gorge, où le profil est renversé,
le flanquement peut se faire par une caponnière en béton.
Le parapet a 12 à 15 m. d'épaisseur, à moins d'être
triangulaire, auquel cas tout l'espace en avant de la crête
étant battu par celle-ci, il n'y a pas lieu d'avoir des or-
ganes de flanquement, mais il faut alors une contrescarpe
en béton de 3 m. de hauteur. La banquette d'infanterie
sera assez large (6 à 8 m.) pour recevoir au besoin des
pièces à tir rapide. Vers les saillants, en des points quel-
conques du parapet, on placera des tourelles cuirassées à
éclipse pour deux canons à tir rapide. A défaut de tou-
relles de ce ^enre, on pourrait les remplacer dans la me-
sure du possible par des canons à tir rapide, des canons
à balles, des canons-revolvers, des mitrailleuses, etc.,
montés sur affûts très mobiles et remisés en temps ordi-
naire. L'armement des flancs serait également assuré au
moyen de tourelles à éclipse pour canons à tir rapide ou
canons légers de campagne, en se ménageant en outre la
possibilité de mettre en batterie sur ces flancs des canons
de campagne protégés par des abris légers en tôle. La gar-
nison de ces forts sera très restreinte et on pourra la loger
dans des conditions relativement satisfaisantes à la gorge
de l'ouvrage. Il en résultera que les magasins ou locaux
accessoires de toute espèce seront moins nombreux et les
communications seront également simplifiées. L'installation
des pièces de gros calibre destinées à être mises en batterie
au moment de l'ouverture du feu par l'assiégeant peut se
faire de deux manières : 1° organiser une batterie de quatre
à six pièces au-dessus de la caserne, si le fort a une certaine
profondeur ; un simple épaulement suffirait aies protéger, et
elles auraient un commandement bien suffisant pour le but
qu'elles ont à remplir, sans compter les facilités d'armement
et de désarmement ; 2° dresser des plates-formes sur les ban-
quettes d'infanterie, ce qui permet de diminuer la profon-
deur du fort, mais rend le désarmement plus difficile.
2° Ouvrages flanquants. Ces ouvrages, de dimensions
très restreintes, puisque leur garnison n'est que d'une tren-
taine d'hommes, sont placés dans les intervalles des forts
flanquants, à une distance de 1,000 à 2,000 m. les uns des
autres, de manière à se soutenir réciproquement. Ce genre
d'ouvrage ressemble à une caponnière à orillons très déve-
loppés et à faces très
courtes; une ou deux
embrasures de chaque
côté donnent des feux de
flanc et de revers (fig . 4) .
Le ciel est formé d'une
table compacte en béton,
dont le relief est d'envi-
ron 5 m. pour une bat-
terie à un seul étage. Un
observatoire blindé,
d'une faible saillie sur le
massif, permet à une
sentinelle de surveiller
les approches. Ces ou-
vrages, de proportions
très réduites, sont pla-
cés en arrière des points
culminants. Dans les
conditions indiquées, ils
ont peu à redouter les
conséquences d'une at-
taque de vive force, et il
n'y a pas lieu de se
préoccuper de leur dé-
fense propre.
Forts construits récemment en Belgique. Le général
belge Briaimont, qui fait autorité en matière de fortification,
vient de faire prévaloir ses idées dans la création des forts
de la Meuse et de ceux qui constituent le camp retranché
de Bucarest. En principe, il est partisan de conserver aux
forts un grand relief, afin d'avoir un tir fichant contre
l'assiégeant et il les entoure de fossés flanqués. Il admet
deux types de forts détachés, tous deux de forme trian-
gulaire, parce que cette forme réduit au minimum le
nombre des organes de flanquement et qu'elle permet la
création de coffres de contrescarpe peu exposés au tir de
l'adversaire. Le fort proprement dit reçoit comme garnison
une compagnie d'infanterie et une batterie d'artillerie, soit
450 hommes. L'autre type, plus petit, a reçu le nom de
fortin (V. ce mot). Ces ouvrages sont construits en béton
de ciment ayant jusqu'à 3 m. d'épaisseur, dont les voûtes
sont recouvertes de 2 m. de terre au moins. Toutes les
pièces destinées au tir éloigné sont sans coupoles, et celles-
ci sont toutes groupées en un massif central de béton,
offrant une grande résistance aux projectiles ennemis et
permettant la création facile de magasins et de logements.
Pendant la lutte éloignée , elles sont protégées 'par des
bonnettes (V. # ce mot) qui disparaissent dès que com-
mence la deuxième période du siège, car alors les forts
doivent fournir des feux dans toutes les directions et
surveiller activement les attaques dirigées sur les inter-
valles. Le nombre des coupoles varie suivant l'importance
de l'ouvrage ; les forts ont environ 9 coupoles, comptant
8 canons de gros calibre et 10 de calibre moyen ou petit,
pour la défense éloignée ; des coupoles pour mortiers, mas-
quées aux vues et disposées pour le tir indirect ; les mi-
trailleuses et pièces légères destinées au flanquement sont
placées dans des coffres de contrescarpe. Des coffres pla-
cés au saillant servent à flanquer les faces, et un autre
coffre flanque la gorge. Des crêtes d'infanterie font le tour
du fort, mais avec des interruptions à leur rencontre avec
les coupoles. Des escaliers font communiquer les locaux
souterrains avec le
terre-plein (fig. 5).
Le profil, très va-
riable d'an ouvrage
à l'autre, ne peut
pas être bien défini ;
d'ailleurs l'épais-
seur du parapet ,
qui est son élément
principal, n'a plus
ici qu'une impor-
tance secondaire,
puisque toute l'ar-
tillerie est placée
sous coupoles. II
existe aussi des
forts plus grands,
destinés à renforcer
les points les plus
importants des sec-
teurs d'attaque et
renfermant un ré-
duit où se trouvent
des coupoles mas-
quées aux vues de
l'extérieur.- Mais
alors la forme trian-
gulaire ne peut plus
convenir, et le gé-
néral Brialmont leur
donne la forme d'une demi-redoute assez profonde, dont
chacune des faces forme une ligne brisée légèrement ren-
trante au centre.
Forts isolés ou d'arrêt. — Nous avons indiqué déjà le
but des forts d'arrêt, qui est d'intercepter des voies de com-
munication ; ils peuvent également, surtout en pays de mon-
tagnes, servir à appuyer les opérations prévues à l'avance
sur des lignes d'opération bien marquées. Leur emplace-
ment est déterminé par le but qu'on se propose, par la confi-
guration du terrain sur lequel l'ennemi peut s'installer
pour les combattre,
par les obstacles du
sol, etc. Mais, dans
tous les cas, pour
que l'ouvrage puisse
faire une bonne ré-
sistance, il importe
de donner à la for-
tification des vues
aussi étendues que
possible. Les forts
isolés pouvant en
général être atta-
qués de tous les
côtés et étant plus
exposés aux atta-
ques par surprise et de vive force que les forts de cein-
ture, il y a lieu d'organiser tous leurs fronts avec le plus
grand soin et de renforcer l'obstacle, en augmentant la
profondeur du fossé et l'intensité du flanquement. On
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
Fig. 6.
— 833 — FORT
admettait généralement un armement de 30 à 45 pièces,
dont 8 à 12 pour le flanquement, et une garnison de 500
à 700 hommes. Ces données permettaient de restreindre les
dimensions des forts, qu'il y avait intérêt à réduire au
minimum (fig. 6). Dans l'organisation intérieure on s'at-
tache surtout à bien protéger les locaux et à restreindre
les maçonneries exposées. On doit avoir recours le plus
possible aux casemates cuirassées et aux coupoles. On
paradosse toutes les faces exposées aux feux de revers,
et l'on traverse chaque pièce. L'artillerie est disposée sur
des crêtes basses de 6 à 8 m. de relief, et l'on réserve
pour l'infanterie des portions de ces crêtes dont le
terre-plein est séparé en petites cours bien couvertes au
moyen de nom-
~ , . breuses traverses.
Les dehors doivent
être plus complets
que dans les forts
détachés, en vue de
mieux se prémunir
contre une attaque
brusquée, qui est
ici plus à craindre.
On organise donc
toujours un chemin
couvert, coupé par
quelques traverses,
et quelquefois aussi
des places d'armes
dans ce chemin
couvert. Il y a lieu
de faire un emploi
très sérieux des dé-
fenses accessoires.
On fera aussi usage
de mines dans la
mesure du pos-
sible. Tous ces ou-
vrages sont reliés
aux forts voisins
ou aux places les
plus rapprochées
par des communi-
cations électriques et optiques, soigneusement préparées.
Malheureusement, tous les forts de ce genre construits avant
1885 ne sont pas en mesure de résister aux obus-torpilles,
et par suite leur situation serait critique dès lors qu'ils
seraient attaqués par un équipage de siège, s'ils n'avaient
pas été considérablement améliorés au préalable.
Transformation. La réorganisation de ces forts se ferait
en principe comme il a été indiqué pour les forts détachés.
Toutes les traverses seraient dérasées au niveau de la crête
dont la continuité serait rétablie par une tranchée à travers
le massif des traverses. L'armement serait autant que pos-
sible placé sous cuirasse, dans l'ordre suivant :1° l'armement
d'interdiction ; 2° les pièces destinées à la défense rappro-
chée; 3° les autres pièces. On prendrait dans tous les cas
pour les pièces à ciel ouvert les mesures les plus convenables
pour les abriter lorsqu'elles n'auraient pas à tirer. On sera
obligé de recouvrir de béton la cour des casernes et de
procurer à celle-ci un éclairage et une ventilation artifi-
ciels, en complétant au besoin par d'autres moyens qui ne
sont que des palliatifs insuffisants. Heureusement que la
plupart de nos forts d'arrêt sont construits dans le roc, où
il ne s'agit guère que d'assurer à l'armement une protec-
tion efficace, que l'on obtient au moyen de la cuirasse
métallique. Pour les autres, à moins d'avoir une importance
exceptionnelle, il sera préférable en général de les raser,
car, ne pouvant rendre aucun service dans leur état actuel,
il ne faut pas risquer de les voir tomber facilement entre
les mains de l'ennemi, après y avoir immobilisé une garnison.
Forts d'arrêt en cas de création nouvelle. Il n'y a
rien de modifié dans le choix et l'emplacement des positions
53
Fig. 5. — a, phare électrique et observatoire; b, coupole pour 2 canons
de 15 centim.; c, coupole pour 1 mortier de 21 centim.; d, d, coupoles
pour 1 canon de 12 centim.
FORT
— 834
des ouvrages ; quant à la forme de ces derniers, elle dé-
pendra des régions accessibles à l'ennemi. Le tracé des
crêtes, le profil, le fossé et son flanquement seront orga-
nisés en principe comme dans les forts détachés construits
après 1885, sans pourtant admettre le profil triangulaire.
IL n'y aurait en principe qu'un seul parapet, de 42 à 15 m.
d'épaisseur, précédé d'un fossé suffisamment large et pro-
fond, avec une grille d'escarpe, et contrescarpe en béton de
ciment, dont le flanquement doit être assuré. Le relief,
qui ne dépasse pas 5 à 6 m., sera déterminé par la condi-
tion de bien voir les passages à interdire et de battre
convenablement les abords. Mais, dans ce cas, l'armement
doit rester groupé dans le fort, où il y aura lieu de lui
assurer une protection efficace. On pourra prendre à ce sujet
les dispositions suivantes. L'armement, servant à inter-
dire les passages pour la surveillance desquels l'ouvrage a
été construit, sera placé sous des casemates cuirassées ou
des coupoles généralement à éclipse, parce que seules elles
permettent le tir de plein fouet à toutes les distances ; cet
armement consistera en canons longs de gros ou de moyen
calibre. Les canons à tir rapide seront avantageusement
établis sous des tourelles à éclipse placées aux saillants
principaux; ils seront aidés, dans la défense rapprochée et
dans la défense même du fort, parles feux de mousqueterie
de la garnison et par ceux de mitrailleuses sur chevalets.
Pour ces dernières, ou autres pièces tirant à ciel ouvert,
des plates-formes seront ménagées sur le parapet et sépa-
rées par des pare-éclats en terre ne dépassant pas la crête ;
leurs magasins et abris en béton de ciment seront disposés
sous la plongée correspondante. Il serait préférable de
placer sous cuirasse les pièces qui devront s'opposer à
l'installation et au feu des batteries de bombardement, mais,
par raison d'économie, on se bornera à les installer dans des
batteries à ciel ouvert. Les casemates cuirassées sont en-
Plan
Fig. 7. — a, coupoles pour canons à tir rapide; 6, coupoles pour mortiers de 21 centim.; c, coupoles pour canons
de 12 centim.; d, coupole pour 2 canons de 15 centim.; e, coupole pour canons à tir rapide.
castrées dans le massif même du parapet ; les tourelles à
éclipse seront disposées sur ce dernier s'il a un relief suf-
fisant, ou noyées dans un massif de béton de ciment dans
le cas contraire ; les coupoles pour canons courts seront
également placées dans les parties basses de ce massif, afin
de les dissimuler aux vues du dehors. De larges banquettes
d'infanterie seront organisées entre les groupes de plates-
formes ; les hommes de piquet, prêts à se porter sur le
rempart en cas d'alerte et à y transporter les mitrailleuses
dont il a été question, se tiendront dans des abris sous
plongée constitués en béton de ciment en deux ou trois points
convenables du parapet. Le casernement, calculé pour la gar-
nison entière, sera construit avec toutes ses annexes, sous
un vaste massif de béton de ciment, fermé de tous les côtés
et dont on sera obligé d'assurer artificiellement l'éclairage
et la ventilation. Cette condition compliquera sensiblement
l'organisation intérieure par suite de l'adjonction de ma-
chines à vapeur. Ces logements et magasins seront reliés
par des communications bétonnées avec l'extérieur, avec
les terre-pleins à ciel ouvert, avec les substructions des
tourelles, et enfin avec les organes de flanquement. C'est
sur cette sorte de carapace que pourront être disposées les
tourelles pour canons courts ou à tir vertical. L'ensemble
d'une telle organisation coûterait fort cher, et encore ne
pourrait-on garantir qu'elle assurerait une protection ab-
solue aux divers organes ou parties. C'est pourquoi il est
peu probable que l'on construise de pareils forts complète-
ment isolés. Les forts d'arrêt préconisés par le général
Brialmont sont hexagonaux et possèdent un réduit. Leur
artillerie est sous coupole et leur organisation ressemble
beaucoup à celle qui a été indiquée pour les forts détachés.
Le flanquement est assuré au moyen de trois caponnières en
fer laminé (fig. 7).
Forts en pays de montagnes. Avant 4885, ces forts
consistaient simplement en batteries (V. ce mot) dont la
forme était imposée par le terrain. Des crêtes d'infanterie
— 835
FORT
étaient organisées entre les groupes de pièces ou sur les
côtés, ou même en avant dans des conditions de terrain
favorables. L'obstacle était constitué solidement pour parer
aux éventualités d'attaques de vive force ou par surprise,
et son flanquement bien assuré. L'armement était protégé
efficacement, au besoin par des casemates cuirassées, rare-
ment par des tourelles. Ces forts ont peu à craindre les
nouveaux projectiles, parce que la plupart, en raison des
difficultés d'accès, peuvent tout au plus être attaquées
dès le début des opérations avec du matériel de siège, et
alors leur transformation s'impose. En ce c[iù concerne
l'obstacle, il suffira de remplacer les caponnières par des
galeries de revers; les locaux seront renforcés, mais pour-
ront en général recevoir l'air et la lumière par une face.
L'armement d'interdiction sera de préférence, si c'est
possible, protégé par des casemates bétonnées à visière,
qui sont plus économiques.
Forts côtiers. On donne ce nom aux forts élevés sur les
côtes pour s'opposer aux débarquements. En France, ces
forts ont été érigés seulement sur les points du littoral
où il y avait lieu de protéger par un même obstacle géné-
ral un certain nombre de batteries importantes. Mais ail-
leurs et notamment en Angleterre, les forts de ce genre se
rapprochent sensiblement des forts de l'intérieur, où, au
lieu de disséminer l'artillerie comme chez nous, on la con-
centre. Dans tous les cas, ces forts doivent être placés de
manière à exercer une action efficace sur les navires enne-
mis et à bien voir le terrain en avant et latéralement. On
aura soin de donner au parapet des fronts qui ont action
sur la mer le profil nécessaire à l'installation des canons de
côte. Leur organisation comprendra sans doute des cou-
poles dans une notable proportion.
Fort bastionné ou fort étoile. Ouvrage de fortification
passagère, comprenant quatre à huit fronts bastionnés
(V. Bastion). Leur tracé satisfaisait à la condition de
réaliser un bon flanquement, ce qui pouvait avoir son im-
portance à l'époque où l'on n'arrivait à supprimer les
angles morts et les secteurs privés de feux que par le tracé.
On a renoncé à leur emploi depuis qu'on a trouvé d'autres
dispositifs de flanquement, parce que les faces de ces ou-
vrages étaient en prise aux feux d'enfilade et de revers,
sans même bien voir le terrain qu'elles étaient chargées de
battre.
FORT de la Halle (V. Halle).
FORT Ajuda. Possession portugaise delà côte de Gui-
née, à 2 kil. du littoral, à 12 kil. 0. de Whydah. Le ter-
ritoire portugais, dont Fort Ajuda est le point principal,
mesure seulement 35 kil. q. et compte 4,000 hab. L'accès
par mer est difficile; le port d'Andra, qui dessert Fort
Ajuda, est barré par un banc de sable très dangereux.
Quatre maisons de commerce portugaises et une maison
française.
FORT Auguste. Forteresse d'Ecosse, à 50 kil. S.-O.
d'inverness, construite en 4730 en l'honneur du prince de
Galles, père de George III, et démantelée en 1818.
FORT Beaufort. Ville de l'Afrique australe (colonie du
Cap), ch.-l. de la division du même nom, sur un affluent
de la Great Fish River, le Cat, que traverse un beau
pont de pierre ; 1,200 hab. La contrée, au pied de Win-
terberg, est arrosée et boisée. La ville a été bâtie autour
d'un poste d'avant-garde établi en 1818, lors de la pre-
mière inyasion des Cafres, puis agrandi en 1838, et qui eut
à repousser, en i 851 , les assauts des indigènes. Ch. Del.
FORT Benton. Fort et village des Etats-Unis, Etat de
Montana, sur la rive gauche du Missouri, au point où com-
mence la navigabilité de cette rivière; 1,800 hab. Un
embranchement du chemin de fer relie Fort Benton au Paci-
fique Nord.
FORT-Dauphin (V. Dauphin).
FORT-de-France, autrefois Fort-Royal et Fort-Libre.
Capitale de la Martinique, située sur le côté N. de la baie
de Fort-de-France, à l'extrémité de la plaine du Lamentin;
12,000 hab. Fondée en 1673, la ville presque toute en
bois a des rues larges et régulières. Résidence du gouver-
neur, siège de la cour d'appel, d'un tribunal de première
instance, d'une chambre de commerce. Séminaire, école
d'art, quatre églises, hôpital militaire, hospice civil.
Le port (Le Carénage) est excellent et a une impor-
tance commerciale considérable : c'est une escale des
paquebots de la Compagnie générale transatlantique. Fort-
de-France, situation stratégique de premier ordre, est pro-
tégé par des ouvrages militaires, entre autres le fort Louis,
le fort Tartenson et le fort Desaix. Lieu de naissance de
l'impératrice Joséphine dont la statue orne une des places
de la ville.
FORT de Kock (en malais Boukit Finggi). Ville for-
tifiée de Sumatra, chef-lieu de la résidence de la côte O. de
cette île, située sur le plateau volcanique d'Agam des
monts Barisan, à peu de distance du lac Singkarah, dans
une contrée délicieuse, à 3,000 pieds d'alt. Le fort est
occupé par les fonctionnaires civils et militaires et la gar-
nison hollandaise. Le climat étant très sain, les Européens
de Padang et d'autres endroits de Sumalra viennent y
séjourner quelquefois afin de refaire leur santé. M. d'E.
FORT-de-l'Eau. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Alger,
à 18 kil. de la ville d'Alger, à l'E., près du bord de la
mer. Il doit son nom à un fort turc qui y fut construit par
Djafar Pacha en 1581. Il a été créé en grande partie par
des Mahonais qui se sont adonnés à la culture maraîchère,
et est un des plus beaux et des plus prospères de la Mi-
tidja ; on y cultive surtout les légumes pour primeurs,
artichauts, petits pois, pommes de terre précoces et depuis
quelque temps la vigne. Fort-de-1'Eau forme avec ses an-
nexes, Rassauta et les Sables, une commune de plein
exercice de 2,250 hect. avec une pop. de 1,845 hab. dont
626 Français et 632 Européens (la plupart Mahonais).
FORT Dodge. Ville des Etats-Unis, Etat d'iowa, sur
la rive gauche de la rivière des Moines, et dans la partie
supérieure de son cours ; 3,586 hab.
FORT Donelson. Forteresse des Etats-Unis, Etat de
Kentucky, sur la rivière Çumberland. Enlevée pendant la
guerre de la Sécession (févr. 1862) aux confédérés par le
général Grant et le commodore Foote.
FORT-du-Plasne. Corn, du dép. du Jura, arr. de Saint-
Claude, cant. de Saint-Laurent ; 557 hab.
FORT Erié. Village du Canada, province d'Ontario,
comté de Welland, près de Buffalo, sur la rive gauche du
Niagara; 1,000 hab. Pont reliant les chemins de fer du
Canada occidental au réseau de l'Etat de New York.
FORT Fairfield. Village et fort des Etats-Unis, Etat
du Maine, qui a eu une certaine importance lors des
démêlés entre l'Angleterre et les Etats-Unis, en 1839.
FORT Francis. Fort de la Compagnie de la baie d'Hud-
son (Canada), à 4 kil. S. du lac de la Pluie, chef-lieu d'un
des dix districts du département du N. de la Compagnie.
FO RT Franklin. Ancien poste de la Compagnie de la baie
d'Hudson (Canada), par 65° U/ 50" lat. N. et 123° 32'
44// long. 0., aujourd'hui ruiné. Ce fort fut élevé, en 1825,
à l'occasion d'un voyage de Franklin.
FORT Gibson. Poste militaire des Etats-Unis, dans le
Territoire indien, au confluent du fleuve Arkansas et du
Neoslio, en amont de Fort Smith et à quelque distance à l'O.
de Tahlequah. Siège de la législature des Indiens Gherokees.
. FORT Laramie. Poste militaire des Etats-Unis, Etat de
Wyoming, sur la branche N. delà rivière Platte, à quelque
distance, à l'E., du pic Laramie, et au N. de la ville de
Cheyenne qui est une station de chem. de fer Union-Pacific.
FORT-les-Bains. Petit fort carré, construit, au-dessus
d'Àmélie-les-Bains, sur l'emplacement d'une tour qui avait
été démolie en 1668. Vauban appelait dédaigneusement une
gentilhommière cet ouvrage, qui est dominé de près, mais
d'où l'on pourrait inquiéter un parti ennemi qui suivrait
le fond de la vallée du Tech. Aug. Brutails.
Bibl. : J. de Gazanyola et colonel Guiraud de Saint-*
Marsal, Hist. du Roussillon, p. 457.
FORT-Louis (V. Fort-Louis).
FORT - FORTALEZA
836 —
. FORT Madison. Ville des Etats-Unis, Etat d'Iowa, située
à l'extrême pointe S.-E. de l'Etat, sur la rive droite du
Mississippi ; 5,000 hab.
FORT Mardyck. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (0.)
de Dunkerque; 1,607 hab.
FORTMonroe. Forteresse des Etats-Unis, située dans
FEtat de Virginie, à Fextrémité N. de la péninsule York,
en face de Fentrée de la baie de Chesapeake. C'est dans le
voisinage, au milieu de la rade formée par cette pointe et
le promontoire de NewportNews, appelée Hampton Roads,
que fut livré en 1862 le combat célèbre entre les deux cui-
rassés, le Merrimac (confédéré) et le Monitor (fédéral).
Pendant la guerre de la Sécession, Fort Monroe fut occupé
par une garnison fédérale. Jefîerson Davis y fut interné
après sa capture qui suivit de près la chute de la Confédé-
ration. Près de la citadelle s'est développée une petite ville
de bains. Fort Monroe possède un hôtel des Invalides (Na-
tional Soldiers' Home), un Normal Instituiez un collège
d'arts et de métiers, une ferme-école pour les fils des nègres
affranchis et les jeunes Indiens. Aug. M.
FORT-National, autrefois Fort-Napoléon. Ville d'Al-
gérie, dép. d'Alger, arr. de Tizi-Ouzou, située entre 901
et 961 m. d'alt., sur un plateau taillé presque à pic au-
dessus d'un ravin de plusieurs centaines de mètres de pro-
fondeur, et à 131 kil. d'Alger à laquelle elle est reliée par
une route nationale. De ce point, où le climat est froid en
hiver et où il tombe beaucoup de pluie et de neige, on
domine une centaine de pitons couronnés de villages kabyles
de la confédération des Zouaoua. Avant l'occupation fran-
çaise, il n'y avait là qu'un petit village, Ichérouga, de la
tribu des Aït-Iraten, où se tenait un marché chaque mer-
credi, d'où aussi son nom de Souk-el-Arba, le marché du
mercredi. C'est en 1857 que le maréchal Randon décida
la création du fort destiné à comprimer les Aït-Iraten;
commencé le 14 juin de cette année, il était terminé cinq
mois après. Il consiste en une enceinte de 2,200 m. de
développement, flanquée de dix-sept bastions et percée de
deux portes ; l'intérieur, très accidenté, présente une sur-
face de 12 hect., coupée de rues larges et droites et couverte
de bâtiments nécessaires à une forte garnison. Assiégé par
les hordes kabyles, en 1871, Fort-National, qui n'avait
alors pour sa défense que ses habitants civils et une cen-
taine de mobilisés, soutint un siège en règle de deux mois.
La population civile s'est notablement accrue et est de 300
à 400 hab. français, qui vivent de la garnison, d'un peu
de commerce et de la fabrication d'un petit vin, pour lequel
ils achètent le raisin des indigènes. Fort-National est le
chef-lieu :1° d'une commune de plein exercice de 3,688 hect.
avec 9,434 hab., dont 317 Français ; 2° d'une commune
mixte de 30,260 hect. avec 52,804 hab. dont seulement
125 Européens. E. Cat.
FORT-Philippe (Grand). Com. du dép. du Nord, arr. de
Dunkerque, cant. de Gravelines; 2,843 hab.
FORT Pillow. Forteresse des Etats-Unis, Etat de Ten-
nessee, sur un bluff de la rive gauche du Mississippi, en
amont de Memphis, prise et perdue à plusieurs reprises et
tour à tour par les fédéraux et les confédérés pendant la
guerre de la Sécession.
FORT Reliance. Fort et poste de la Compagnie de la baie
d'Hudson (Canada), par 62° 46' 29" lat N. et 112° 43' 44"
long. 0., actuellement ruiné. C'est le lieu où se produisent
les froids les plus vifs du continent N. américain.
FORT Riley. Forteresse des Etats-Unis, Etal de Kan-
sas, au confluent des rivières Republican et Smoty Hill.
Stat. du chem. de fer de Kansas Pacific.
FORT Rosalie. Poste établi en 1716 aux Etats-Unis par
les Français, sur la rive gauche du Mississippi, au point
où est située aujourd'hui la ville de Natchez, Etat de
Mississippi.
FORT-Saint-Joseph. Ancien poste militaire français,
établi dans une île de la rive gauche du Sénégal, en 1699,
par la Compagnie royale du Sénégal. Fort-Saint-Joseph est
situé dans le Kaméra,à 63 kil. E.-S.-E. de Rakel, et tout
près de Makhana. Le fort de Médine a rendu à peu près
inutile aujourd'hui Fort-Saint-Joseph.
FORT Scott. Ville des Etats-Unis, Etat de Kansas, avec
un fort, une fabrique de lainages, une fonderie, des mou-
lins. Située à l'extrémité orientale de l'Etat, sur la ligne
de Kansas City, au S. et sur un petit affluent de l'Osage ;
11,946 hab. Dans le voisinage, des carrières et une source
de gaz naturel.
FORT Smith. Ville des Etats-Unis, Etat d'Arkansas, à
l'extrémité occidentale de l'Etat, sur la rive droite du fleuve
Arkansas, navigable jusqu'en ce point. Commerce actif
avec le Territoire indien ; 11,300 hab. en 1890.
FORT Snelling. Poste militaire des Etats-Unis, au con-
fluent du Mississippi et du Minnesota, près de Saint-Paul,
établi en 1820; le plus ancien point habité dans toute
l'étendue de l'Etat.
FORT Sumter. Forteresse des Etats-Unis, Etat de la
Caroline du Sud, bâtie sur un îlot rocheux, à l'entrée de
la rade de Charleston entre les îles Sullivan et Morris.
C'est au fort Sumter que s'engagèrent les premières hosti-
lités de la guerre de la Sécession. Le major Anderson, qui
commandait la place, refusa de la livrer aux confédérés.
Le général Reauregard bombarda le fort le 12 avr. 1861,
et l'officier fédéral, manquant dé munitions, capitula le
même jour.
FORT Wayne. Ville des Etats-Unis, Etat d'Indiana, sur
la rivière Maumee, affluent du lac Erié, et sur le canal du
lac Erié au Wabash; 33,393 hab. La ville s'est développée
sur l'emplacement d'un ancien fort élevé en 1794 contre les
Indiens. Nombreuses manufactures. Centre important de
chemins de fer, l'une des principales stations de la Trunk
Line de Pittsburg à Chicago (Compagnie Pennsylvania).
FORT William. Fort d'Ecosse, à l'extrémité 0. du canal
Calédonien et à l'extrémité E. du lac de Linnhe, construit
par le général Monck, démantelé en 1818. Dans les envi-
rons se trouve une des plus hautes montagnes de l'Ecosse,
le Ben Nevis (V. ce mot).
FORT Worth. Ville des Etats-Unis, Etat du Texas, sur
une branche supérieure du fleuve Trinidad, à 50 kil. en
amont et à l'O. de Dallas. Moulins, commerce de coton, de
céréales et de bestiaux : 20.725 hab. en 1890 (6,600 en
1880). ' '
FORT (Jean-Antoine-Siméon), peintre français, né à
Valence le 28 août 1793, mort à Paris le 24 déc. 1861. Elève
de C. Brune, cet artiste se consacra exclusivement à l'aqua-
relle, à la gouache et à la sépia. Il arriva, dans ce genre, à
un talent remarquable, soutenu par un dessin savant et éner-
gique. Il s'était déjà fait connaître par d'excellents dessins
pour Y Album de la duchesse de Berry (1828) et pour
Y Album des Grecs (1829) et par de charmantes aquarelles
de paysage, lorsqu'il fut chargé, en 1835, de reproduire
pour Versailles les principaux événements et les grandes
batailles de la Révolution et de l'Empire. Fort consacra
dix ans à ce grand travail pour lequel il entreprit des
voyages d'études en Europe et en Egypte. Cette collection,
aussi intéressante au point de vue artistique que par l'exac-
titude des sites, des types et des costumes, a figuré en
détail aux expositions annuelles. Ad. T.
FORTALEZA. Ville maritime du Rrésil, ch.-l. de l'Etat
de Cearâ, désignée ordinairement à l'étranger sous ce dernier
nom qui dans le pays s'applique à l'Etat tout entier et jamais
à la ville. Elle est située sur un plateau qui s'élève graduel-
lement jusqu'à 40 m. au-dessus du niveau de la mer ;
36,000 hab. environ. Palais du Gouvernement, du Sénat,
de la Chambre des députés, de l'Evèché; cour d'appel,
douane, lycée, école militaire. Tête de ligne du chemin
de fer de Raturité et Maranguape. Son port est une
rade foraine, et le seul de l'Etat en communication directe
avec l'Europe par des lignes régulières de bateaux à
vapeur. L'origine de celte ville a été un fort construit en
1610 par Martin Soares Moreno sur la rive droite et près
de l'embouchure du Cearâ. En 1624 et 1625, ce capitaine
y repoussa deux attaques des Hollandais. Le 20 déc. 1637,
le fort fut pris d'assaut par le major hollandais Joris
Garstman, malgré l'héroïque défense de Barthoiomeu de
Brito. Les Indiens s'en emparèrent en janv. 1 644 et égor-
gèrent la garnison hollandaise, dirigée par Gédéon Morritz ;
mais les Hollandais revinrent bientôt et élevèrent un nou-
veau fort qu'ils occupèrent paisiblement jusqu'au 20 mai
1654, date où Garstman le remit au capitaine Alvaro de
Azevedo Barreto, envoyé de Pernambuco pour en prendre
possession en vertu de la capitulation signée le 27 janv.
par les gouverneurs et le général hollandais. Peu à peu les
habitants se transportèrent plus à l'E. autour d'un nouveau
fort, et ce village devint la ville actuelle de Fortaleza (villa
ou bourg en 1723 ; cidade ou cité en 1823).
FORTAN. Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Ven-
dôme, cant. de Savigny ; 350 hab.
FORTASAou FORTASSA. Village d'Algérie, dép.d'Oran,
arr. de Mascara, à 60 kil. E. de Mascara, sur la route
qui mène à Tiaret. Stat. du ch. de fer de Mostaganem à
Tiaret. 11 a joué un rôle dans les guerres de la conquête,
parce qu'il se trouvait placé à la frontière des deux plus
puissantes tribus qui suivirent Abd-el-Kader, les Hachem
à l'O., les Flitta à l'E. E. Cat.
FORTE (Gramm.). On appelle ainsi, d'après l'intensité
de leur prononciation, une série de consonnes accompa-
gnées chacune d'une autre consonne de même nature qu'on
prononce avec moins de force et qu'on appelle douce.
K, t, p, f, s, ch sont des fortes auxquelles correspondent
les douces g, d, b, v, %, j. Les anciens appelaient les fortes
tenues, les ténues, les faibles. C'est qu'ils n'avaient en vue
que les explosives et prenaient comme point de départ l'al-
phabet grec où chaque forte est accompagnée non seulement
d'une douce, mais encore d'une aspirée, équivalente à une
forte Suivie d'une aspiration. — De nos jours, on tend
plutôt à dénommer les consonnes d'après le caractère physio-
logique de leur prononciation, et les fortes sont appelées
sourdes parce qu'elles ne sont accompagnées d'aucune réso-
nance glottale, par opposition aux sonores (les douces) qui
sont accompagnées d'une vibration laryngienne. Le méca-
nisme de leur prononciation est d'ailleurs identique, et les
unes comme les autres peuvent devenir aspirées si elles
sont prononcées avec une forte expiration. D'ailleurs, la
division en fortes et en douces étant fondée sur un carac-
tère accessoire de la prononciation est parfois inexacte.
Ainsi le b latin, qu'il faudrait ranger dans la catégorie des
douces, avait à l'origine un son très fort et les Latins s'en
sont servis pour transcrire la forte grecque % (Burrus =
IIuppoç, carbasus = xapTuaaoç).
Les fortes ou sourdes explosives étaient en sanscrit au
nombre de 10, donc 5 aspirées et 5 non aspirées, à savoir :
2 gutturales kh et k, 2 palatales ch et c, 2 linguales th
et |, 2 dentales th et t et 2 labiales ph et p. Le grec n'en
a que 6, 3 aspirées et 3 non aspirées : 2 gutturales ^ et x,
2 dentales 0 et t, 2 labiales <p et rc. Le latin n'a plus que
3 fortes non aspirées c (qu, /c), p et t. Parmi les conti-
nues, la distinction des fortes et des douces n'a guère d'im-
portance pour les liquides et les nasales. Mais il faut dis-
tinguer la sifflante forte s de la douce %, la chuintante
forte ch de la douce j et la labiale forte /"de la douce v. C'est
une règle générale, conforme à la loi de l'affaiblissement,
que les fortes se transforment naturellement en douces. Les
exemples de la transformation inverse ou bien sont contes-
tables, ou bien proviennent de l'assimilation devant une
forte, ou enfin s'expliquent par des raisons particulières,
comme en français à la fin des mots (nefàe navem). Il pa-
raît prouvé également que les fortes non aspirées proviennent
des aspirées correspondantes. Paul Gjqueaux.
FORTE-piano (V. Piano).
FORTEBRACCIO (Niccolô), condottiere italien, seigneur
de Pérouse, mort en 1435. Il apprit le métier des armes sous
son oncle Andréa Braccio di Montone dont il devint le lieute-
nant et qu'il seconda au siège de Rome et en diverses guerres
contre les [Sforza et leurs partisans. A la mort d'Andréa
(1424), il fut reconnu pour chef par les soldats du célèbre
— 837 — FORTALEZA — FORTERESSE
aventurier et il continua ses exploits, au profit de la répu-
blique de Florence qui s'était assuré ses services. En 1429,
il réprima la révolte des habitants de Volterra, puis chercha
à s'emparer de Lucques que gouvernait Paolo Guinigi. C'est
à ce siège que les Lucquois, dit-on, employèrent pour la pre-
mière fois en Italie des fusils (schioppi) ; quoi qu'il en soit,
ils se défendirent si bien avec le secours des Siennois com-
mandés par Antonio Petrucci et des Milanais de Francesco
Sforza, que Fortebraccio dut se retirer. En 1433, allié cette
fois avec Francesco Sforza et Filippo-Maria Visconti, il s'atta-
qua aux Etats de l'Eglise et réussit à entrer dans Rome d'où
s'était enfui le pape Eugène IV. Mais ce succès ne fut guère
de conséquence, du moins pour le condottiere, qui, forcé de
guerroyer incessamment, harcelé par les papalins et trahi
par Sforza, fut tué, un an et demi plus tard, au combat
de Capo di Monte. Son parent, Niccolô Piccino, lui succéda.
Bibl. : Sismondi, Storia délie Repubbliche italiane nei
secoli di mezzo. Traduzione italiana per cura di L. Tocca-
gni ; Milan, 1851-1852, 5 vol. in-8.
FORTEGUERRIouFORTIGUERRA(Scipione), dit Car-
teromaco ou Carteromacus, érudit italien, né à Pistoiele
4 févr. 1466, mort le 16 oct. 1515. Il fut l'un des hellé-
nistes chargés par Aide Manuce de surveiller la correction
de ses éditions grecques, de rédiger des préfaces, des notes,
des traductions", travaux qu'il signa du pseudonyme sous
lequel il est surtout connu. 11 séjourna ensuite à Rome, fut
nommé, par Léon X, précepteur de Jules de Médicis, suivit
son élève à Florence et y mourut. Il a laissé : Oratio de
laudibus litterarum grœcarum (Venise, 1504, in-4),
souvent réimprimé, notamment par Henri Estienne, en
tète de son Thésaurus linguœ grœcœ ; Aristidis oratio
de laudibus urbis Romce e greco in latinum versa
(Venise, 1519, in-8) ; Claudii Ptolemœi de Geographia
libri F7i/(Rome, 1507, in-fol.); les Règlements de V aca-
démie Aldine, rédigés en grec, des épigrammes en la
même langue et divers opuscules recueillis par Ciampi.
Bibl. : Ciampi, Memorie diScipione Carleromaco; Pise,
1811, in-8.
FORTEGUERRI (Niccolô), prélat et poète italien, né à
Pistoiele 25 nov. \ 674, mort à Rome le 17 févr. 1735. Après
un séjour en Espagne où il avait suivi le légat Zondadari, il
se fixa à Rome et y remplit divers emplois à la cour pontifi-
cale. C'est à la suite d'une gageure, en une discussion avec
quelques-uns de ses confrères de l'académie des Arcades,
qu'il rédigea son Ricciardetto^ continuation du Roland
furieux ; ce poème assez licencieux, qui circula longtemps
manuscrit, l'empêcha, dit-on, d'arriver au cardinalat ; il
en serait mort de chagrin. On a de lui: Oratio in funere
Innocenta XII (Rome, 1700, in-4) ; Oratio in trans-
latione sacratissimi corporis S. Leonis Magni (Rome,
1715, in-4); Commedie di Terenzio tradotteper la
primavolta inversi #a/zam (Urbin, 1736, 2 vol. in-fol.) ;
Ricciardetto (Venise [sous la rubrique Paris'], 1738,
in-4) ; Raccoltà di rime piacevoli (Florence, 1763, in-8) ;
divers traités insérés dans les Prose degli Arcadi,et des
vers qui se trouvent dans les Rime degli Arcadi^ etc.
Ricciardetto a été traduit en français par Mancini, duc
de Nivernais : Œuvres (Paris, 1796, 8 vol. in-8), et par
le père de Dumouriez, commis des guerres et poète galant :
Richardet (Paris, 2 vol. in-12). R- G.
Bibl. : Ag. Oldini, Athenœum pistoriense^ dans P. Zec-
caria, Bibliottieca pisloriensis ; Turin, 1752, in-fol.
FORTEL. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Saint-
Pol-sur-Ternoise, cant. d'Auxy-le-Château ; 272 hab.
FORTERESSE. On désigne sous le nom de forteresse
toute localité habitée qui est fortifiée au moyen de retran-
chements permanents, complétés au besoin par des fortifi-
cations provisoires et même passagères. La désignation de
place forte marque plus particulièrement un ensemble d'ou-
vrages qui, dans un siège, sont investis du même coup et
défendus par une garnison fractionnée ou non, obéissant
aux ordres d'un gouverneur unique. Une ville forte et
celle qui est entourée de fortifications permanentes et; qui
renferme un centre d'habitations et de population civiles
FORTERESSE
838 -
d'une certaine importance» En général* on confond dans
le discours ces trois dénominations^ parce qu'en réalité
elles satisfont aux mêmes conditions et remplissent le
double but suivant : 1° empêcher l'ennemi d'occuper des
positions importantes au point de vue stratégique et des
ressources qu'elles pourraient lui procurer ; 2° donner un
point d'appui solide à des armées nationales opérant en
rase campagne ou à la garnison elle-même. Les Allemands
ont d'ailleurs le mot unique de festung (lieu fort) pour
désigner une localité, un point solidement fortifié, où la
force agissante peut en outre être condensée de manière
à être prête au rôle le plus avantageux pour la défense. On
distingue généralement deux sortes de forteresses : les
grandes et les petites*
Les grandes forteresses ont pour objet : 1° d'occuper des
positions stratégiques importantes, des villes frontières des-
tinées à appuyer la mobilisation ou la concentration ou celles
dont il y a intérêt d'interdire l'accès à l'ennemi ; 2° de pro-
téger les grands centres de population ou d'établissements
civils et mditaires oii d'approvisionnements de toute nature ;
3° de constituer des points d'appui pour des opérations mili-
taires importantes ; 4° de détendre les points qui peuvent
servir de réduits à la défense nationale. Les appellations de
places de manœuvre, de dépôt, d'arrêt, de refuge que l'xon
a voulu donner à ces forteresses n'ont pas de raison d'être/
car toute place forte doit être aussi une place de dépôt et
d'arrêt. On peut cependant admettre la qualification de
camps retranchés (V. ce mot) lorsque la forteresse est
entourée de forts détachés (V. ce mot) et a pour but de
recevoir momentanément une armée venant s'y refaire
pour reprendre la campagne. Cependant, les diverses con-
sidérations à faire entrer en ligne de compte pour le choix
des positions ont conduit à fortifier des centres de popula-
tion importants, ce qui à constitué ce que l'on appelle les
grandes forteresses stratégiques.
Les petites forteresses ont pour but de défendre spécia-
lement un point ou une communication, d'étendre l'action
des grandes forteresses sous la dépendance de celles-ci,
ou de les relier entre elles dans un groupe défensif, d'as-
surer la liberté des mouvements de l'armée nationale. On
peut y classer les têtes de pont, places et forts d'arrêt.
Elles ont simplement un but tactique bien défini, et il y a
avantage à ce qu'elles soient exclusivement militaires. En
effet, elles sont alors d'étendue plus restreinte, plus faciles
à organiser et à proportionner au but. Les anciennes petites
places à simple enceinte peuvent y être rangées, lorsqu'on
les a conservées dans le but de protéger des approvision-
nements ou des rassemblements de troupes territoriales.
L'utilité des forteresses a été contestée de tout temps, et
la difficulté d'en organiser dans de bonnes conditions pour
résister aux obus-torpilles a de nouveau remis en question
leur nécessité. On leur reproche: 1° de coûter fort cher,
mais la sécurité du pays ne peut être marchandée ; 2° de
pouvoir être négligées en se contentant de les masquer ;
mais pour cela il faudra une armée d'observation bien
supérieure à la garnison ; 3° d'affaiblir les armées natio-
nales; mais elles arrêteront un ennemi bien supérieur en
nombre aux défenseurs, qui peuvent être choisis en outre
dans les troupes les moins solides ; 4° d'attirer les géné-
raux qui manœuvrent dans les environs; mais c'est la
faute des généraux et non celle des fortifications ; 5° de
ne pouvoir résister à l'artillerie actuelle ; le contraire est
prouvé, sinon les diverses puissances ne consacreraient
pas des sommes considérables à la construction d'ouvrages
permanents.
Il faut bien remarquer d'ailleurs que les forteresses
sont des engins de guerre, des armes à la fois offensives
et défensives comme les canons et les fusils, mais qu'il
est de la plus haute importance de les connaître, de
savoir s'en servir, pour en tirer tout le parti possible et
ne pas vouloir leur faire jouer un rôle qui ne leur
convient pas. Dans tous les cas, les forteresses ont pour
but unique de favoriser la manifestation matérielle de la
force des batailles* avec le secours de forces matérielles
plus ou moins variées ; à ce titre, elles ont, comme les
armées, à tenir compte de la stratégie et à protéger l'in-
dépendance nationale. Mais on n'est pas parvenu encore
à se mettre bien d'accord sur les rapports qui doivent
exister entre les forteresses et les mouvements des ar-
mées. Cependant, il paraît hors de doute qu'une même
place ne peut pas remplir tous les rôles, qu'il faut bien
déterminer ceux qui seront assignés à chacune pour les
organiser en conséquence et ne pas aller au delà. Il ne
faut pas perdre de vue que, si une forteresse ne peut se
défendre toute seule, il importe de la mettre en état de
faire une bonne résistance par tous les moyens propres à
bien remplir son but, et que la fortification ne doit être
comptée que comme un instrument passif dont il faut
savoir se servir lorsque se présentent les éventualités
pour lesquelles elles ont été créées. En dehors de la force
passive de la fortification, dont la résistance dépend de
la force propre des différents ouvrages pris isolément et
dans leur ensemble, il y a lieu de tenir compte des
moyens actifs de la défense, c.-à-d. du gouverneur, de
la garnison, de l'armement et des approvisionnements.
Ces deux facteurs sont naturellement en rapport inverse,
attendu que la force passive devra être d'autant plus
grande que la garnison et ses ressources seront plus
faibles et réciproquement. Mais ces deux éléments doivent
toujours être combinés de manière qu'une forteresse
puisse faire le maximum de résistance avec le minimum de
défenseurs. Il en résulte que, surtout en présence de l'ar-
tillerie actuelle, les forteresses doivent réunir ail plus haut
point toutes les conditions de résistance voulues contre les
moyens d'attaque les plus violents.
Sans entrer dans le détail de l'organisation des forte-
resses, on peut dire que les perfectionnements apportés à
l'artillerie et l'invention des obus-torpilles n'ont fait que
confirmer les idées qui avaient prévalu pour la constitution
des grandes forteresses, c.-à-d. : 4° la conservation du
noyau central formant l'enceinte de sûreté ; 2° la création
de forts détachés constituant la ligne de combat et situés
assez en avant du noyau pour le mettre à l'abri d'un bom-
bardement; 3° une deuxième ligne de défense, ou ligne de
soutien, constituée au moyen d'ouvrages généralement en
fortification semi-permanertte, entre la première ligne et le
noyau, mais uniquement dans le secteur des attaques. Dans
un certain nombre de nos places, cette deuxième ligne se
trouve constituée tout naturellement par d'anciens forts dé-
tachés, maintenant trop rapprochés du noyau central. A cette
organisation purement passive doit s'adjoindre une nom-
breuse et puissante artillerie, ainsi qu'une garnison suffi-
sante pour faire rendre à la place son maximum d'utilité.
Le rôle de la principale ligne de résistance n'est pas mo-
difié, mais il est aujourd'hui réparti d'une autre manière
qu'avant l'apparition des obus-torpilles. Quant aux petites
forteresses, généralement des forts d'arrêt (V. ce mot),
livrées à elles-mêmes et devant se suffire avec leurs seules
ressources, il importe avant tout de bien choisir leur em-
placement pour le but nettement déterminé qu'elles ont à
remplir, puis de leur donner une organisation aussi solide
que le permettent toutes les ressources et les progrès de
l'art de la fortification. Les anciennes places à simple en-
ceinte seraient ruinées rapidement par le bombardement, et
une loi du 27 mai 1889 a déclassé avec raison la plupart
d'entre elles, en ne conservant que celles où la population
civile est peu élevée, car, pour le genre de services qu'elles
peuvent rendre, des forteresses exclusivement militaires
sont préférables.
Il y a lieu encore de mentionner spécialement les forte-
resses maritimes, dont la situation est jusqu'à présent
moins critique, parce que l'artillerie navale n'a pas encore
de canons courts ni d'obus-torpilles. Cependant, on peut
prévoir que ces progrès ne tarderont pas à être réalisés et,
pour cette éventualité, les trois solutions indiquées pour
les autres forteresses se trouvent également en présence :
839
FORTERESSE — FORTESCUE
cuirassements, bétonages et dispersion de l'artillerie dans
des batteries enterrées.
Les forteresses en pays de montagnes présentent égale-
ment un caractère particulier, et elles affectent générale-
ment le caractère de position d'arrêt ; à ce titre, elles sont
établies de préférence aux noeuds de vallées. Elles forment,
en principe, des groupes de fortification destinés au ras-
semblement des réserves stratégiques et à leur servir de
base d'opérations, aux mouvements offensifs qu'elles pour-
ront tenter sur les flancs de l'ennemi ; telles sont les posi-
tions de Briançon, d'Albertville, etc. La place principale,
entourée ou non de forts détachés, est toujours plus diffi-
cile, sinon impossible à investir, et les troupes spéciales
de montagne qui manœuvreront dans leur orbite pourront
étendre leur action à des distances plus considérables que
dans l'intérieur du pays. Les forts qui existent peuvent ne
pas toujours se prêter l'appui mutuel désirable; on doit faire
tout le possible pour l'obtenir, mais la situation particulière
de ces forts permet de se dispenser au besoin de cet appui.
La forme des ouvrages, ainsi que leur position, est souvent
imposée par le terrain.
FORTERESSE (La). Corn, du dép. de l'Isère, arr. de
Saint-Marcellin, cant. de Tullins ; 395 hab.
FORTESCUE. Famille anglaise qui descend de sir Ri-
chard le Fort, un des compagnons de Guillaume le Conqué-
rant, qu'il protégea de son bouclier à la bataille d'Hastings,
d'où la devise des Fortescue : Forte scutum salus ducum.
Parmi les membres de cette famille on peut citer :
Henry, chief justice des plaids communs d'Irlande en
1426, fut désigné en 4427 en Angleterre pour porter de-
vant le roi les revendications du Parlement irlandais.
Sir John, chief justice du banc du roi (V. ci-dessous).
Sir Adrian, né vers 1476, mort en 1539, prit part à
l'insurrection de 1513 contre la France, figura aux côtés
de Catherine à l'entrevue du camp du Drap d'or en 1520,
combattit de nouveau la France en 15"22 et jouit d'une
grande faveur à la cour de Henri VIII, à cause de sa parenté
avec Anne Boleyn. En févr. 1539, il fut emprisonné à la
Tour sous l'accusation de haute trahison et exécuté au mois
de juillet.
Sir John, fils du précédent, né vers 1531, mort le
23 déc. 1 607, fut chargé de surveiller les études de la reine
Elisabeth (161 5) qui le nomma, lors de son avènement au
trône, garde de la grande garde-robe. A partir de 1572 il
siégea au Parlement comme représentant de Waîlingford
ou de Buckingham et de Middlesex. En 1589, il fut nommé
chancelier de l'Echiquier et réalisa dans cette situation une
énorme fortune. Chancelier du duché de Lancastre en 1601,
il fut comblé de faveurs par Elisabeth et perdit presque tous
ses emplois à l'avènement de Jacques VI.
Sir Anthony, frère du précédent, né vers 1535, mort
vers 1608, se convertit au catholicisme. En nov. 1558, il
fut emprisonné quelque temps pour avoir tiré l'horoscope
de la reine et avoir fait des calculs sur la durée probable
de sa vie et de son gouvernement. Il fut de nouveau ar-
rêté en 1561 sous l'accusation de haute trahison. Il avait
projeté de passer en Flandre et d'y proclamer roi Arthur
Pôle. Condamné à mort, il fut gracié par Elisabeth et en-
fermé à la Tour jusqu'en 1577.
Sir Nicholas, né vers 1575, mort le 2 nov. 1633, éga-
lement catholique, fut impliqué en 1605 dans la conspi-
ration des poudres. Il réussit à se disculper et devint en
1618 chambellan de l'Echiquier.
George, petit-fils d'Anthony (Y. ci-dessus), né vers
1578, mort en 1659, a laissé des poésies, entre autres
Feriœ academicœ (Douai, 1630, in-12), The Sovles Pil-
gr image to heavenly Jérusalem (1650, in-4).
Sir Faithful, né vers 1581, mort en mai 1666. Cons-
tate de Carrickfergus (1606), il représenta au Parlement
Charlemont et le comté d'Armagh; il obtint en 1624 le
commandement du corps envoyé aux Pays-Bas pour y ser-
vir sous Mansfeld, mais il changea ce commandement pour
servir en Irlande. Gouverneur de Drogheda en 1641, il en
fut chassé par la rébellion de l'Ulster, et reçut le comman-
dement d'une armée pour rétablir l'ordre* Mais il fut forcé
de servir dans l'armée parlementaire durant la guerre ci-
vile. A Edgehill (23 oct. 1642), il déserta avec tout un
régiment et mit le désordre dans l'armée du Parlement.
Nommé alors commandant du 10e régiment de l'infanterie
royale, il accompagna en 1647 le marquis d'Ormonde dans
sa campagne en Irlande. Après la déroute définitive des
royalistes à Drogheda, il fut pris à Beaumaris et empri-
sonné. Relâché peu après, il assistait à la bataille de
Worcester. Il se retira ensuite en France jusqu'à la restau-
ration qui lui rendit son emploi de constable de Carrick-
fergus et le nomma gentilhomme de la chambre.
Sir Nicholas, né vers 1605, mort en 1644, fils de Ni-
cholas ci-dessus. Chevalier de Malte en 1638, il servit dans
l'armée royale contre le Parlement et fut tué à la bataille
de Marston Moor.
Sir Edmund, né en 1610, mort en 1647. Haut scheriff
du comté de Devon en 1642, il servit dans l'armée royale,
assiégea Plymouth, y fut battu et pris par le colonel Ruth-
ven et enfermé à Windsor, puis à Winchester et fut relâché
à la fin de 1643. Chargé de tenir le fort de Salcombe pour
le roi, il y soutint un siège de plus de quatre mois et, forcé
de capituler avec les conditions les plus honorables, passa
en Hollande et mourut à Delft.
Sir John, lord Aland, né en 1670, mort le 19 déc.
1746, fils du précédent, inscrit au barreau de Londres en
1712, devint sohcitor gênerai en 1715, baron de l'Echiquier
en 1717 et justice du banc du roi en 1718. Il fut juge
des plaids communs de 1728 à!746. On a de lui : Reports
on sélect cases in ail the courts of Westminster hall
(1748).
William, né à Buckland en 1687, mort le 16 déc.
1749. Avocat à Londres en 1715, secrétaire particulier de
Robert Walpole, il fut élu membre du Parlement en 1727
par Newport et représenta ce bourg jusqu'en 1736. Attor-
ney gênerai du prince de Galles en 1730, baron de l'Echi-
quier en 1736, il devint juge à la cour des plaids communs
en 1738 et maître des rôles en 1741. Il fut l'ami intime de
Pope et de Gay. R.S.
Bibl. ; Lord Clermont, History of the family of For-
tescue, 1880.
FORTESCUE (Sir John), homme politique et écrivain
anglais, né à Wear Gifford (Devonshire) vers 1394, mort
à Ebrington (Gloucestershire) vers 1476. Il était le second
fils de sir John Fortescue, gouverneur de Meaux sous
Henri V. Après avoir passé par l'université d'Oxford, il
reçut, vers 1430, le titre de serjeant-at-law, et son nom
est dès lors fréquemment mentionné dans les « Year-
books ». En 1442, il devint chief justice du banc du roi.
Il fut employé par plusieurs Parlements, de 1445 à 1455,
comme trier des pétitions, et il paraît, en 1443, comme
membre des commissions chargées de faire enquête sur les
troubles de Norwichet du Yorkshire. Il s'attira, comme il
semble, une certaine impopularité, car il est nommément
récusé dans la proclamation de Cade (1450). Fortescue
appartenait au parti iancastrien, et, après les batailles de
Northampton (1460) et de Towton (1461), il fut décrété
d'attainder comme rebelle au nouveau roi Edouard IV. Il
était alors fort riche, tant par lui-même que par sa femme,
fille de J. Jemyss of Philips Norton, Somersetshire. Il se
réfugia en Ecosse, où il passa deux ans, occupé à rédiger
divers traités historiques à l'appui de la cause lancas-
trienne. Chancelier in partibus de Henri YI, il suivit la
reine Marguerite en Flandre (1463) et resta sur le conti-
nent jusqu'en 1471. Il passa ces huit années dans la gène,
se dévouant à l'éducation du jeune prince de Galles, inter-
médiaire très actif entre les princes exilés de Lancastre et
la cour de Louis XI, d'une part ; Warwick, de l'autre.
Grâce à Warwick, la restauration des Lancastre s'effectua
en 1470 ; la reine, le prince Edouard et Fortescue débar-
quèrent en Angleterre en avr. 1471, mais la bataille de
Barnet ruina bientôt leurs espérances; Fortescue était
FORTESCUE — FORTrA — 840 —
présent à la bataille de Tewkesbury, où le prince de Galles
fut tué. Comprenant alors que tout était perdu, il se rési-
gna à accepter le pardon du vainqueur ; ses biens lui furent
rendus à condition qu'il réfuterait ses écrits anciens en
faveur de la Rose rouge, ce qu'il consentit à faire. Il vécut
depuis dans la retraite, à Ebrington, jusqu'à sa mort. —
Fortescue doit presque toute sa célébrité à un livre, écrit,
sous forme de dialogue, vers 1470, pour l'instruction du
prince de Galles: De Laudibus Legum Anglice; c'est le
plus ancien des traités de droit constitutionnel anglais. Il
a été imprimé pour la première fois en 1537 ; on n'en a
pas encore d'édition critique. Un second traité, longtemps
moins estimé, ne le cède cependant guère en intérêt au De
Laudibus; c'est le De Dominio regali etpolitico, plus
généralement désigné sous le titre de : On the Governance
of the Kingdom of England; on croit qu'il a été com-
posé en 1471, entre les batailles de Barnet et de Tewkes-
bury. Moins théorique que le De Laudibus, plus nourri
de faits et d'allusions aux événements contemporains, il
est peut-être le meilleur résumé des idées de Fortescue sur
la constitution anglaise (cf. Stubbs, Constitutional His-
tory of England, III, pp. 240 et suiv.). Fortescue dis-
tingue le Dominium regale ou monarchie absolue, et le
Dominium politicum et regale ou monarchie constitu-
tionnelle ; il institue de fréquentes comparaisons, à titre
d'exemple, entre les usages de France et ceux d'Angle-
terre. On the Governance of England a été publié pour
la première fois en 1714 par lord Fortescue de Credon.
M. Charles Plummer en a donné une édition critique, à
Oxford, en 1885 (Clarendon Press). Lord Clermont, des-
cendant d'un fils cadet du célèbre légiste lancastrien, a
publié, en 1869, les œuvres complètes de Fortescue; on
y trouve jusqu'aux articles des Yearbooks où Fauteur est
nommé comme chief justice. Ch.-V. L.
FORTESCUE (James), littérateur anglais, né en 1716,
mort à Wootton (Northamptonshire) enl777.Feliow d'Exe-
ter Collège, il entra dans les ordres et devint recteur de
Wootton en 1764. On a de lui des poésies qui ne manquent
pas de talent : A View of Life (Londres, 1749, in-8) ;
Science (Oxford, 1750, in-8) ; Essays moral andmiscel-
laneous (Londres, 1752, in-8) ; Pomery Hill (1754,
in-8), etc.
FORTESCUE (Hugh) (V. Clinton).
FORTESCUE (Chichester Samuel Parkinson) (V. Car-
lingford).
FORTH. Fleuve d'Ecosse, qui se jette dans la mer du
Nord. Il prend sa source dans la région montagneuse du
Ben Lomond, arrose les comtés de Stirling et de Perth,
qu'il sépare pendant une partie de son cours, passe à Stir-
ling et s'élargit à Alloa, où il devient navigable. Il a
185 kil. de cours.
FORTH (Golfe ou firth de). Golfe de la côte orientale
de l'Ecosse, sur la mer du Nord. Il s'ouvre entre Dunbar
au S., et la pointe dite Fifeness au N. (16 kil. de lar-
geur); le phare qui en éclaire l'entrée est situé par
56° 117 8" lat. N. et 4° 53' 31" long. 0. A 52 kil. de la
mer, le golfe s'étrangle en un défilé ; entre Queensferry
et North Queensferry, il n'a plus que 1 kil. et demi de
largeur ; c'est là que l'on a jeté un gigantesque pont en
fer qui joint les deux rives. Au delà de Queensferry s'étend
encore sur 22 kil. de long l'estuaire du Forth, large en
moyenne de 3 à 4 kil. Le golfe de Forth baigne au N. les
comtés de Fife et de Clackmannan ; au S. ceux de Stir-
ling, Linlithgow, Edimbourg et Haddington. Ses bords sont
fertiles et peu élevés. La navigation y est très active aux
abords des ports d'Edimbourg : Leith, Newhaven, Gran-
ton, etc., et des ports de la côte N. : Kirkcaldy, Dysart.
Un canal relie l'estuaire du Forth à celui de la Clyde.
Pont du Forth (V. Pont).
FORTH. Fleuve de la Tasmanie, comté de Lincoln, qui
se jette dans le détroit de Brass après un parcours d'en-
viron 40 kil. (V. Tasmanie).
F0RT1 (Giacomo), peintre bolonais, qui travailla, en |
1484, en collaboration avec Marco Zoppo. On lui attribue
une Madone peinte à fresque dans l'église San Tommaso
in Mercato, et une Descente de croix, dans la collection
Maluzzi. Ce sont des œuvres très médiocres.
FORTI (Angelo), mathématicien italien, né à Pesaroen
1818. Professeur de mathématiques et de mécanique au
lycée de Pise depuis 1859, il s'est principalement occupé de
l'application du calcul et de la géométrie aux sciences phy-
siques et a aidé ses maîtres, Matteucci et Mossotti, dans
leurs recherches sur l'électricité, le magnétisme, la dilata-
tion des gaz et l'optique. Ses ouvrages sont très nombreux :
Di un Obbiettiuo a tre lenti (Florence, 1853); Di un
Oculare a due lenti (ici, 1854) ; Tavole dei logaritmi
délie funzioni circolari ed iperboliche (Pise,' 1863 ;
Turin, 1870) ; Monografla degli spettri luminosi (Pise,
1 865) ; Teoria delV attrazione délie sfere (Rome, 1 874) ;
Saggio di nuove tavole di funzioni iperboliche (Pise,
1881); Intomo aile macchie solari (Rome, 1886), etc.
FORTI A de Piles (Alphonse-Toussaint-Joseph-André-
Marie-Marseille, comte de), littérateur français, né à Mar-
seille le 18 août 1758, mort à Sisteron le 18 févr.1826.
Il entra en 1773 dans les chevau-légers de la garde royale
etparvint au gradede lieutenant. Il quitta l'armée en 1790,
fit un grand voyage dans l'Europe septentrionale, et de
retour en France en 1792 fut quelque peu inquiété pen-
dant la Terreur. D'une fortune fort modeste, il écrivit
pour vivre. Ses ouvrages, en général intéressants, manquent
un peu d'impartialité. Ses critiques littéraires se ressentent
trop de ses opinions politiques. Citons : Correspondance
philosophique de Caillot-Duval (Paris, 1795, in-8) ;
réimpr. dans h Bibliothèque originale (1864) ; Voyage
de deux Français au nord de l'Europe (Paris, 1796,
5 vol. in-8) ; ces deux ouvrages, auxquels collabora le che-
valier de Boisgelin, obtinrent du succès ; Six Lettres à Mer-
cier sur son Nouveau Paris (1801, in-12); Examen
de trois ouvrages sur la Russie (1802, in-12) ; Coup
d'œil rapide sur Vêtat présent des puissances euro-
péennes (1805, in-8); Omniana ou Extraits des Archives
de la Société universelle des gobe-mouches (1808, in-8),
en collaboration avec Guy de Saint-Charles ; Quelques Ré-
flexions d'un hommedu monde sur les spectacles (1812,
in-8) ; A bas les masques (1813, in-8) ; Souvenirs de
deux anciens militaires (1813, in-12); Nouveau Re-
cueil d'anecdotes (1814, in-12) ; l'Ermite du faubourg
Saint-Honoré à l'ermite de la Chaussée-d'Antin(18U,
in-8), polémique avec Jouy ; Quatre Conversations entre
deux gobe-mouches (1816, in-8) ; Nouveau Dictionnaire
français (1818, in-8) ; Préservatif contre la Biographie
universelle des contemporains (1822-25, 5 vol. in-8),
où il relève, mais avec trop d'acrimonie, les nombreuses
erreurs de cette publication, etc. Fortia de Piles a fait re-
présenter aussi, en 1784 et 1785, quatre opéras à Nancy.
FORTIA d'Urban (Agricole-Joseph-François-Xavier-
Pierre-Esprit-Simon-Paul-Antoine, marquis de), mathéma-
ticien et archéologue français, né à Avignon le 18 févr.
1756, mort à Paris le 4 août 1843. Il entra en 1771 à
l'Ecole militaire, en sortit comme sous-lieutenant, donna
sa démission (1777) pour suivre à Rome un procès impor-
tant qui l'y retint deux ans et pendant lequel il occupa ses
loisirs à l'archéologie et aux mathématiques. Revenu en
France et nommé par le pape colonel des milices d'infan-
terie du Comtat-Venaissin, il quitta Avignon pour venir à
Paris, dès que le parti révolutionnaire triompha dans sa
patrie, vécut caché à Vitry pendant la Terreur et ne s'oc-
cupa plus que de ses travaux. Sa grande fortune lui permit
de venir en aide à nombre de gens de lettres qu'il aida pour
leurs publications, sans qu'il ait su cependant attacher son
nom à aucun monument durable. En 1830, il fut nommé
membre libre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Fortia d'Urban a laissé un très grand nombre d'ouvrages sur
les sujets les plus divers. Il a, en outre, donné avec notes
diverses éditions et collaboré à nombre de revues, recueils
périodiques, entreprises de publications nouvelles, et pris
notamment une part importante à la continuation de Y Art
de vérifier les dates. La Bibliographie de ses œuvres a
été publiée à Paris en 1840. — Erudit consciencieux,
mais écrivant trop facilement, Fortia a produit des travaux
utiles et estimables, mais qui, aujourd'hui, n'offrent que
rarement de l'intérêt. T.
FORTIFICATION. D'une manière générale, la fortifi-
cation est l'art d'organiser une position, au moyen d'obs-
tacles naturels ou artificiels, de manière à permettre aux
troupes qui l'occupent de résister avec avantage à un
adversaire supérieur en nombre. On l'a défini aussi: l'art
de modifier un terrain d'une manière avantageuse pour
celui qui l'occupe et désavantageuse pour celui qui l'attaque.
Par extension on a donné aussi le nom de fortification aux
modifications que l'on fait subir au terrain, aux travaux que
Ton exécute pour arriver au but qui vient d'être indiqué.
Certaines positions du terrain sont fortes naturellement,
soit par le commandement qu'elles donnent (hauteurs,
monticules, etc.), soit parce qu'elles offrent un couvert ou
un obstacle (pentes escarpées, bois, marécages, ravins,
cours d'eau, etc.) ; certaines constructions qui s'y trouvent
(villages, maisons, clôtures, etc.) présentent un couvert.
On donne à ces différents objets le nom de fortifications
naturelles, par opposition aux fortifications créées de
toutes pièces, qui sont dites artificielles. Pourtant ces
fortifications sont rarement en état de rendre de bons
services, sans être améliorées ou complétées par un travail
d'organisation souvent peu important, qui leur assure une
sérieuse valeur défensive. Aussi, dans toute organisation
de position, il est formellement indiqué de mettre à profit
les avantages naturels qu'elle offre, de manière à n'exécuter
que le moins possible de fortifications artificielles.
Eléments de la fortification. Mais, quel que soit le
genre de fortification, les dispositions matérielles à em-
ployer pour le renforcement du terrain ont pour consé-
quence la création de deux éléments essentiels : 4° un
obstacle, généralement un fossé (V. ce mot), destiné à
arrêter la marche de l'assaillant et l'obliger à rester le
plus longtemps possible exposé aux feux du défenseur ; 2° un
couvert, protégeant le mieux possible le défenseur contre
les effets du tir ennemi, et lui permettant l'emploi le plus
favorable de ses armes. On doit rechercher aussi, quand
c'est possible, à procurer à l'occupant l'avantage d'une
position dominante par rapport à celle de l'adversaire,
c.-à-d. en lui assurant un commandement; on ob-
tient ce résultat en plaçant les fortifications sur les points
élevés du terrain et en organisant convenablement le
rempart et le parapet (V. ces mots). Le personnel et le
matériel placés sur le parapet et le rempart sont protégés
à l'aide du défilement. Les formes essentielles de toutes
fortifications sont déterminées et peuvent être représentées
par le tracé et le profil (V. ces mots) . Le tracé ou plan
donne la projection horizontale des lignes ou crêtes des
ouvrages, indiquant leurs formes et leurs dispositions sur
le terrain. Il est le plus souvent défini par quelques lignes
principales (magistrale, crête intérieure), desquelles dé-
pendent toutes les autres. — Le profil est la coupe du
massif de la fortification par un plan vertical généralement
perpendiculaire à la direction des lignes principales du
tracé. L'emploi bien entendu de la fortification comporte,
en outre, dans des proportions dépendant du temps et des
ressources dont on dispose et du genre de fortification,
les mesures suivantes : 1° dégager le champ de tir, dans
la limite de la bonne portée des armes actuelles, car la
force de résistance d'une position réside dans l'action de
ses feux ; 2° faciliter les mouvements des troupes amies
au moyen de travaux de communication (V. Communi-
cation), et entraver ceux de l'adversaire par des travaux
de destruction ; 3° organiser pour l'artillerie des empla-
cements destinés à faciliter le tir de ses pièces, tout en
préservant ces derniers contre les coups de l'artillerie ad-
verse (V. Banquette, Barbette, Batterie, Càponnière,
Coupole , Embrasure , Epaulement) ; 4° créer de nou-
— 841 — FORTIA — FORTIFICATION
veaux couverts et améliorer ceux qui existent (V. Champ
de bataille) ; 5° organiser des abris pour le personnel au
repos, pour le matériel et les approvisionnements (V. Abri,
Casemate, Locaux).
La mise en œuvre et la combinaison des éléments pré-
cédents se traduisent sous la forme de lignes, d'ouvrages
ouverts ou fermés, de retranchements, d'épaulements, de
défenses accessoires, d'organisation défensive des obstacles
naturels, etc. La fortification doit être examinée au point
de vue stratégique et au point de vue tactique. — La for-
tification stratégique, c.-à-d. considérée au point de
vue de la protection qu'elle assure au territoire de l'Etat,
sera examinée lorsqu'il sera question de l'organisation
défensive des Etats. La fortification tactique, c.-à-d.
considérée au point de vue de la protection immédiate
qu'elle occupe, est de la nature de celle que donne l'ar-
mure au guerrier. Cette protection est plus ou moins com-
plète, suivant le plan et les ressources dont on dispose.
En principe, lorsqu'on parle de fortification, c'est de la
fortification tactique qu'il s'agit. On divise en général la
fortification en deux grandes classes : la fortification pas-
sagère et la fortification permanente, qui comportent
chacune des subdivisions.
I. Fortification passagère.— Elle comprend les ouvrages
ou travaux de toute dimension et de toute espèce exécutés
dans le cours d'une campagne pour renforcer momentané-
ment une position. Vu le peu de temps dont on dispose, il
y a lieu d'utiliser dans la plus large mesure les accidents
ou couverts du sol et de n'employer dans la construction
des ouvrages que la terre, ou parfois du bois ou des rails
pour les abris. Ces ouvrages sont souvent appelés retran-
chements (V. ce mot). Leur importance, ainsi que celle
de tous les travaux de fortification passagère, varie suivant
les positions sur lesquelles on les construit, le rôle qu'ils
sont appelés à jouer, le1 temps et les ressources dispo-
nibles, etc. Le plus souvent l'obstacle (le fossé) des ouvrages
est supprimé ou il est considérablement réduit; le relief
est presque nul et le commandement ne s'obtient que par
l'élévation de la position, car la banquette {y. ce mot) est
quelquefois au-dessous du terrain naturel ou placé sur ce
terrain. — Au point de vue de son degré de résistance et
du temps qu'on peut y consacrer, la fortification passagère
se subdivise en deux grandes catégories, dont la ligne de
démarcation est d'ailleurs fort bien tranchée : la fortifica-
tion passagère ou de champ de bataille et la fortification
de campagne ou position.
La fortification rapide, improvisée ou de champ de
bataille, est celle que les troupes exécutent immédiatement
avant ou pendant le combat, avec les moyens les plus sim-
ples dont on dispose dans le moment, en vue d'augmenter
la force défensive des positions et de chercher à soustraire
les troupes à l'action de plus en plus meurtrière du feu de
l'ennemi. Le temps à y consacrer peut varier entre quelques
minutes et quelques heures (rarement une demi-journée et
la nuit suivante). Cette fortification consiste : 1° à utiliser
les abris ou couverts naturels que présente le terrain, en
les améliorant pour leur permettre la meilleure défense
possible ; 2° à improviser des abris artificiels, là où les
couverts naturels font défaut, à l'aide des matériaux qu'on
a sous la main.
« Les retranchements élevés sur le champ de bataille
accroissent la force des positions, agissent favorablement
sur le moral des troupes qui les défendent et les préservent
des feux ennemis. Ils augmentent les pertes de l'assaillant
qui souvent ignore leur existence au moment de l'attaque
et ne peut, par suite, apprécier exactement leur impor-
portance ni prendre à temps les dispositions nécessaires
pour les éviter ou les tourner. En outre, couverts le plus
souvent par une mince levée de terre, ils sont facilement
franchissables et permettent aux défenseurs de quitter
l'abri momentané qui les couvre pour prendre l'offensive
au moment opportun. » (Instr. minist. du 9 août 1890.)
— Pendant longtemps les travaux de champ de bataille
FORTIFICATION — 842
ont été exécutés uniquement par les troupes du génie aux-
quelles on adjoignait des travailleurs d'infanterie. Mais
depuis que les dernières guerres ont prouvé l'importance
toujours croissante de ces travaux, on a reconnu que les
sapeurs du génie n'étaient plus assez nombreux pour effec-
tuer les travaux aussi multiples que disséminés que com-
porte la fortification improvisée. En conséquence, l'infan-
terie a été dotée d'un outillage spécial comprenant des
outils portatifs et des outils de transport, qui la mettent en
mesure d'effectuer les travaux les plus urgents, en général
suffisants en pareil cas. La cavalerie a reçu également un
petit nombre d'outils lui permettant d'exécuter les travaux
improvisés dont elle aura besoin quand elle agira seule,
mais elle participera rarement à l'organisation défensive
d'une position d'ensemble.
Donc, en principe, les travaux de champ de bataille se-
ront exécutés par l'infanterie. A proximité immédiate de
l'ennemi, elle exécutera avec les outils portatifs des ou-
vrages de construction très simple, tels que tranchées-
abris, mise en état de défense des obstacles ou couverts
naturels du sol, dégagement du champ de tir, etc. Dans
l'attaque, elle aura en outre à renverser les obstacles accu-
mulés par la défense, et que l'artillerie n'aura pu suffisamment
détruire. Si l'ennemi est à une distance permettant de dispo-
ser de quelques heures, il y aura lieu d'établir, en utilisant
les outils de transport, des ouvrages plus solides, sur des
emplacements bien choisis, d'organiser l'ensemble de la posi-
tion d'une manière plus complète, plus étendue, en créant
des lignes de retranchements, des défenses accessoires, etc.
Dans la fortification de campagne ou de position, on
est moins limité par îe temps, et l'on dispose d'un ou deux
jours au moins ; en outre, ce qui en constitue la différence
essentielle, c'est que cette fortification ne peut être cons-
truite qu'avec l'intervention des troupes du génie, et au
moyen de ressources plus grandes et plus variées que pour
la fortification de champ de bataille.
Elle peut s'employer en même temps que cette dernière
pour renforcer les points les plus importants d'une position
défensive, ou pour occuper par des ouvrages solides des
points isolés qui doivent être particulièrement forts, tels que
têtes de pont et défilés importants, postes d'arrêt sur les
flancs des lignes d'opérations, etc., ou pour constituer l'or-
ganisation défensive des lignes de défense ou d'investisse-
ment des places fortes. Tous les ouvrages devront être mis
en mesure d'être défendus par une garnison minima et de
résister, si c'est possible, à un bombardement de quelque
durée exécuté par des pièces de campagne. Il faudra, en
conséquence, donner à ces ouvrages des reliefs et des
épaisseurs de parapet plus considérables, des abris à
l'épreuve, un obstacle sérieux constitué par un fossé pré-
cédé de défenses accessoires et même flanqué.
Il ne faut pas se dissimuler que, avec la nouvelle artil-
lerie de campagne, de pareils ouvrages devront être parti-
culièrement solides pour résister à ses projectiles ; à l'avenir,
les ouvrages devront avoir le moins de relief possible, de
manière à être, pour ainsi dire, invisibles ; leur profondeur
devra également être très restreinte.
Les principes essentiels qui doivent présider à l'emploi
de la fortification passagère sont les suivants : 4° tirer le
meilleur parti des ressources dont on dispose en vue d'ob-
tenir en temps opportun une résistance utile, et organiser
le travail de manière que l'on puisse marcher de résultat
en résultat ; ù2° employer la fortification dans des conditions
telles qu'elle ne puisse être utilisée par l'ennemi qui s'en
serait emparée, c.-à-d. qu'elle ne soit jamais nuisible;
3° subordonner les travaux à exécuter aux mouvements
des troupes, à la stratégie, car la fortification doit favoriser
les mouvements des armées et non les entraver ; 4° ne pas
perdre de vue que la fortification et la tactique sont inti-
mement liées, de sorte que la première n'est qu'un outil
mis à la disposition de la seconde, c.-à-d. que les formes
de la fortification doivent se combiner intimement avec la
manière de combattre.
La manière d'appliquer ces principes, suivant les cas et
les ressources, pour l'organisation de positions plus ou
moins étendues ou de champs de bataille est en grande
partie du ressort de l'ingénieur militaire, qui doit faire
preuve de rapidité de jugement, de netteté de conception,
d'intelligence de la situation. Pour acquérir toutes ces
qualités, il faut évidemment connaître théoriquement tous
les détails de la fortification passagère et en avoir fait une
large application pratique. Il ne faut pas perdre de vue
que, en campagne, le soin d'organiser les positions incom-
bera aux troupes de toutes armes et que les fonctions
d'ingénieur deviendront communes à tous les officiers, au
moins dans de certaines limites. Aussi est-ce avec raison
que le règlement allemand du 13 mars 4890, sur le ser-
vice des pionniers en campagne, dit : « Tout officier doit
connaître tous les détails d'exécution des divers travaux
de campagne, et être à même de les diriger personnelle-
ment, en sachant discerner non seulement de quelle ma-
nière, mais aussi où et quand on doit faire usage des
outils de campagne. » A ce point de vue, il est donc im-
portant de former de bons instructeurs de fortification dans
l'infanterie. La fortification passagère peut aussi rendre de
bons services dans l'attaque et la défense des places, car alors
on dispose d'un temps suffisant et des ressources nécessaires.
Pendant la période 'd'investissement, l'assiégeant doit for-
tifier solidement le terrain qu'il gagne, et que les tranchées-
abris de la première occupation ne suffiraient pas à défendre
pour une occupation de quelque durée. La défense doit
s'étendre le plus loin possible dans le rayon de protection
des forts. On créera notamment, à 4,200 ou 4,500 m.
en avant de ceux-ci, une ligne de défense extérieure ayant
pour objet de retarder l'établissement des batteries de siège
de l'attaque. Il y a lieu d'organiser également une ligne de
défense dans l'intervalle des forts pour éviter les dangers
d'une attaque brusquée.
Historique. Un coup d'œil rapide jeté sur l'histoire de
tous les temps et de tous les pays prouve que l'emploi de
la fortification passagère a toujours joué un rôle important.
Ce rôle et les travaux à exécuter ont nécessairement varié
suivant les époques et la nature des armes employées. —
Dans h période qui a précédé l'invention de la poudre,
les anciens ont connu l'emploi de lignes continues plutôt que
celui de retranchements ou d'ouvrages isolés. Les camps
roulants, ou l'ensemble des impedimenta constitués en en-
ceinte, autour de laquelle on combattait, furent la première
forme de fortification rapide. Les Grecs connurent l'emploi
de retranchements, constitués non seulement par un obstacle
et une masse courante, mais complétés déjà par une sorte
de flanquement et par des défenses accessoires, telles que
trous de loup, chausse-trapes,, abatis, etc. — On sait
que les Romains ne manquaient jamais d'établir chaque soir
leur camp solidement. Ce camp était entouré d'un fossé de
3m55 de largeur sur 2m70 de profondeur. Pour l'exécu-
tion des travaux de terrassement, chaque légionnaire por-
tait un outil et un pieu. Les Romains firent un emploi
considérable et judicieux de la fortification de campagne,
notamment à Aix par Marius et dans la conquête des Gaules
par César. « C'est en remuant la terre, dit un historien,
que les Romains ont conquis le monde. » A l'époque mé-
rovingienne on ne connut guère que la protection procurée
par l'enceinte des chariots. Pourtant, les musulmans em-
ployaient des camps retranchés, car si, en 732, Charles-
Martel a réussi à sauver l'empire des Francs de l'invasion
sarrasine, c'est grâce au succès de l'attaque par surprise
du camp musulman par Eudes d'Aquitaine. Au moyen
âge, la fortification fut constituée à peu près uniquement
par l'armure des chevaliers, et l'on ne trouve guère trace
de l'exécution de retranchements de campagne. En résumé,
jusqu'alors, c'est l'obstacle qui avait le plus d'importance,
de sorte que l'on s'ingénia à le rendre d'autant plus sé-
rieux que les armes ou les moyens d'attaque se perfection-
nèrent. Le tracé pouvait être quelconque, mais on donnait
généralement à l'enceinte une forme circulaire ou rectan-
— 843 —
FORTIFICATION
gulaire ; on fit ensuite précéder cette enceinte d'un fossé,
en avant duquel on disposa des défenses accessoires.
Mais après l'invention de la poudre, ce fut au con-
traire le parapet qui eut pour mission de s'opposer à dis-
tance à la prise des retranchements par l'adversaire. Pour-
tant, on n'arriva à ce résultat que progressivement et à
partir de l'époque à laquelle les armes à feu devinrent réel-
lement portatives. Ainsi, dans les guerres d'Italie, on sut
déjà tirer un bon parti de retranchements de diverses
formes. Mais ce fut Charles-Quint qui, le premier dans les
temps modernes, accorda aux ouvrages de campagne l'im-
portance qu'ils méritaient. Il avait attaché à chaque régi-
ment de lansquenets une compagnie de pionniers de quatre
cents hommes. Il faut ajouter que les travaux de campagne
exécutés dans la guerre des Pays-Bas étaient trop déve-
loppés et employés uniquement dans le défensive. Dans la
guerre de Trente ans, la fortification de campagne fut
appliquée de la manière la plus complète, surtout à la ba-
taille de Fribourg(1643), surnommée la. journée des Aba-
Us, et à la bataille de Nordlingen (1646) où la prise du
village d'Allerheim, organisé défensivement en quelques
heures, donna lieu à un combat acharné et décida le suc-
cès. A partir de cette époque, l'emploi de ce genre de for-
tification, laissé jusque-là sans règles précises et sans but
bien déterminé, devient à peu près général et méthodique.
Nous ne pouvons plus suivre pas à pas son développement,
et nous devons nous borner à indiquer que tous les grands
capitaines firent usage de la fortification de campagne sous
toutes ses formes chaque fois que l'occasion s'en présenta,
c.-à-d. dans presque toutes les batailles. Cette fortification
joua un rôle remarquable entre autres : 1° à la bataille de
Pultava, où Pierre le Grand, toujours battu jusque-là, ré-
sista avec succès aux attaques des Suédois, grâce aux tra-
vaux qu'il avait fait exécuter devant son front pendant la
nuit précédente; 2° à la bataille de Kiuinersdorff (1759),
gagnée par les Russes sur les troupes du grand Frédéric,
et qui aurait été perdue sans le secours de la fortification.
Dans les guerres de la Révolution, les troupes françaises,
peu instruites et peu disciplinées, firent surtout usage de
la fortification improvisée, c.-à-d. de l'organisation défen-
sive de positions et de villages, de défenses accessoires, etc.
On voit pourtant que, à Montenotte, le colonel Rampon
défendit avec 4,200 hommes une redoute contre les Autri-
chiens beaucoup plus nombreux et repoussa trois fois leur
assaut. « Cette résistance héroïque, dit M. Thiers, sauva
les plans du général Bonaparte et peut-être l'avenir de la
campagne. » Sous le premier Empire, on trouve, dans
toutes les guerres, l'emploi de retranchements ; les batailles
de Wagram etd'Essling(1809), notamment, ne furent que
des luttes contre des positions fortifiées. Les Autrichiens
organisèrent de solides positions en diverses occasions, à
Taufers et à Feldkirch (1799), à Caldiero (1805) et les
Anglais construisirent en 1809 les fameuses lignes de Tor-
res Vedras, que Masséna n'osa attaquer directement et qui
l'obligèrent à évacuer le territoire portugais. Wellington
obtint un succès de même genre contre Masséna à Fuentes
d'Onoro (1811), grâce à une ligne de retranchements cons-
truite pendant la nuit. Les Russes obtinrent un excellent
résultat en fortifiant des positions à Heilsberg (1807), à
Borodino (1812) et le camp de la Drissa. On voit par les
citations qui précèdent, et qui pourraient être multipliées,
que, malgré l'emploi des grandes masses et les mouvements
rapides, les diverses armées ne négligèrent pas, pendant
les guerres du premier Empire, d'avoir recours au secours
de la fortification de campagne, dans la mesure du possible.
Il est toutefois à remarquer que les conditions générales de
son emploi conduisirent à admettre les profils les plus fai-
bles et les tracés les plus simples, parce qu'on ne pouvait
y consacrer que peu de temps et de ressources (outils).
A partir de 1815, la fortification passagère ne fut de
nouveau employée activement que pendant la guerre de Cri-
mée, devant Sébastopol, où les Russes tirèrent le plus grand
profit des embuscades ou trous de tirailleurs. Les Fran-
çais organisèrent des ouvrages autour de Kamiesch, pow*
protéger leur débarquement. Dans la guerre de là Sécession
d'Amérique, les deux partis firent un emploi exagéré des
retranchements, car il était de règle de ne jamais occuper
une position sans l'organiser défensivement, avant de son-
ger à préparer le repas et sans attendre d'ordres. C'était
la mise en pratique de la tactique des légions romaines,
mais modifiée suivant les progrès de la science. On peut
dire que ce sont les Américains qui ont inventé la tran-
chée-abri. Dans la guerre de 1866, entre l'Autriche et la
Prusse, le général autrichien de Pidoll imagina, pour for-
tifier le champ de bataille de Sadowa, un type de lignes à
intervalles qui porte son nom (V. Ligne). Leur .mauvaise
disposition permit de constater que la fortification devait venir
en aide à la tactique autrement que dans la défensive pure,
c.-à-d. sans choisir d'avance le champ de bataille et sans
disposer d'un temps donné. C'est alors qu'on voit naître la
fortification du champ de bataille, organisée immédiate-
ment avant et même pendant le combat. La guerre de 1870
présente de nombreux exemples de ce genre de travaux de
champ de bataille, dans le détail desquels il serait trop long
d'entrer ici. Les Français, réduits à la défensive, ne surent
ou ne purent pas toujours en tirer tout le parti possible,
parce que les voies et moyens, l'outillage notamment,
n'étaient pas suffisamment prévus, et que ses applications
étaient un peu livrées au hasard. Ainsi, jusqu'alors, les
troupes du génie étaient à peu près seules chargées de l'exé-
cution des travaux de campagne, dont elles ne purent exécuter
qu'un nombre trop restreint. Les Allemands, au contraire,
dont le rôle était l'offensive à outrance, ne manquèrent ja-
mais d'organiser tous les points occupés, soit pour assurer
leur retraite éventuelle, soit pour empêcher toute tentative
d'offensive de l'adversaire. Mentionnons en passant les tra-
vaux qui furent exécutés pendant l'insurrection carliste, de
1874 à 1876, car il ne se livra pas Un combat où la for-
tification n'ait joué un rôle et jamais peut-être, relativement,
on n'exécuta autant de travaux de campagne. Dans la der-
nière guerre d'Orient, en 1877-78, on sait que les Turcs ne
négligèrent pas un jour d'appeler à leur aide la pelle et la
pioche, de sorte que les Russes durent les suivre dans cette
voie, mais sans y être aussi bien préparés. On n'a pas
perdu de vue la lutte acharnée autour des positions forti-
fiées de la prise de Schipka et surtout le rôle considérable
que joua la fortification de Plewna. C'est grâce à l'in-
fluence de la fortification que les Turcs ont pu prolonger
la lutte acharnée qu'ils soutinrent contre un ennemi bien
supérieur en nombre.
Utilité. L'utilité de la fortification passagère ressort
manifestement de l'historique précédent. Tous les grands
capitaines ont d'ailleurs été d'accord sur ce point, et il suf-
firait de citer les instructions ou l'opinion de Turenne, de
Vauban, du grand Frédéric, de l'archiduc Charles, etc*, à
ce sujet. Nous nous bornerons à donner ies passages sui-
vants des écrits de Napoléon Ier : « Il faut encourager les
ingénieurs à perfectionner les principes de la fortification
de campagne, à porter cette partie de leur art au niveau
des autres. Il est plus facile, sans doute, de proscrire, de
condamner avec un ton dogmatique, dans le fond de son
cabinet. On est sûr, d'ailleurs, de flatter l'esprit de paresse
des troupes ; officiers et soldats ont de la répugnance à
manier la pelle et la pioche. Ils font donc écho et répètent
à l'envi : les fortifications de campagne sont plus nuisibles
qu'utiles ; il n'en faut pas construire. La victoire est à
celui qui marche, manœuvre ; il ne faut pas travailler. La
guerre n'impose-t-elle pas assez de fatigues?... Discours
flatteurs et cependant méprisables!... » Et ailleurs : « Il
est des militaires qui demandent à quoi servent les places
fortes, les camps retranchés, l'art de l'ingénieur; nous
leur demanderons à notre tour comment il est possible de
manœuvrer avec des forces inférieures ou égales, sans le
secours des positions de fortification et de tous les moyens
supplémentaires de l'art. Ceux qui proscrivent des lignes
et tous lés secours que l'art de l'ingénieur peut donner
FORTIFICATION
— 844 —
se privent gratuitement d'une force et d'un moyen auxi-
liaire jamais nuisibles, presque toujours utiles et souvent
indispensables. »
On a quelquefois prétendu que la fortification pouvait
détruire l'esprit d'offensive et entraver les mouvements tac-
tiques. Ce reproche est loin d'être fondé, car non seulement
on ne peut citer aucun cas où le fait se soit produit, mais
on peut affirmer au contraire que la fortification facilite
l'offensive dans une certaine mesure, en donnant aux sol-
dats ce sentiment de sécurité sans lequel ils sont incapables
de tirer avec précision ou d'affronter à découvert le feu
meurtrier de l'adversaire. Ce n'est pas parce qu'on occupe
et que l'on défend des positions qu'on doit y attendre l'as-
saut final. Le général Brialmont réfute ce reproche comme
il suit : « Tout dépend de l'éducation que l'on donne et
des idées que Ton inculque au soldat dès le temps de paix.
Lorsqu'on lui aura fait comprendre que les abris naturels
et les abris artificiels ne sont que des moyens de le sous-
traire temporairement à des pertes inutiles, mais que, au
moment décisif, ces obstacles doivent être abandonnés sans
regret pour transporter la lutte sur d'autres points, il ne
sera ni timide dans l'offensive, ni démoralisé à la retraite,
ni cloué au sol par la crainte de se présenter à l'ennemi
la poitrine découverte. »
On a prétexté aussi que les travaux de campagne fati-
guaient considérablement les soldats et leur enlevaient
ainsi la force dont ils avaient besoin pour le combat. Cette
critique ne serait fondée que si l'on voulait transformer
les soldats en terrassiers et leur faire exécuter des travaux
sans utilité réelle. Le cas ne se présentera que si l'on ne
sait pas user de la fortification de campagne avec discer-
nement, car on s'est toujours bien trouvé de s'en être servi
utilement, et l'on a soufferUlu contraire. Mais il faut pour
cela que l'infanterie surtout soit familiarisée avec son em-
ploi, au point d'en tirer parti sans attendre d'ordres ni le
concours des troupes spéciales, sans faire abus des travaux
et des forces des nommes. On ne saurait trop à ce propos
méditer les paroles suivantes du général Brialmont : « L'in-
fanterie comprend aujourd'hui, dans tous les pays, que la
pelle est presque aussi utile au soldat que le fusil, et qu'en
le forçant, par la construction des tranchées, à verser sa
sueur sur le champ de bataille, on augmente ses chances
de succès et Ton épargne son sang. » D'ailleurs, actuellement,
avec les armes à tir rapide et la poudre sans fumée, on
peut dire que l'emploi de la fortification passagère est plus
indispensable que jamais, car elle seule constitue l'arme
défensive par excellence. Il importe donc de profiter de
tous les instants disponibles, dans les circonstances oppor-
tunes, pour tirer parti du terrain, des obstacles, en les
organisant défensivement ou en les améliorant dans la me-
sure du possible. Les ouvrages ou retranchements à créer
devront, en raison des progrès réalisés dans l'armement,
avoir des reliefs peu élevés et être masqués où dissimulés,
afin de ne pas faire découvrir les positions occupées par la
défense. C'est pour exécuter les travaux dont elle peut avoir
hesoin que l'infanterie a été pourvue d'outils et qu'une ins-
truction spéciale est donnée à ce sujet. Mais on n'obtiendra
un résultat utile et assuré que lorsque le maniement de
l'outil sera devenu au fantassin aussi familier que la ma-
nœuvre du fusil, et lorsque les officiers et les sous-officiers
seront parfaitement à la hauteur de la tâche d'ingénieur
ou d'instructeur qui leur incombe pour le tracé pratique et
la bonne exécution des travaux.
IL Fortification permanente. — La fortification perma-
nente se subdivise en permanente proprement dite et en
semi-permanente ou provisoire. — La fortification per-
manente a pour but de renforcer de la manière la plus
solide et la plus durable les points dont l'importance mili-
taire est considérable et permanente, ou qui sont appelés
à jouer un grand rôle dans le cours d'une guerre. Ces points
sont ceux où il y a lieu d'établir des forteresses (V. ce
mot), et on peut les classer en général: 1° en points de
défense, constitués par la fortification des villes prises
isolément telles que Paris, Lyon, Lille: 2° en points
d'appui, «comprenant la fortification de positions en corréla-
tion stratégique, comme Toul, Commercy, Verdun, Epinal,
Belfort, Laon, La Fère, etc. ; 3° en points d'arrêt, formés
par l'installation en un terrain à vues convenables d'un
couvert solide et puissamment armé destiné à battre et à
intercepter des routes, des voies ferrées, des canaux, comme
les forts de Manonvilliers, Hirson, etc. En raison de l'im-
portance de ces positions dont la fortification est en géné-
ral destinée à remplacer des frontières naturelles solides,
on construit cette fortification dès le temps de paix et on
assure tout le degré de force nécessaire pour résister aux
moyens d'attaque les plus dangereux et les plus violents,
et pour rendre leur prise impossible autrement que par un
siège en règle (V. Attaque des places).
D'après cela, la durée de la résistance doit être prolon-
gée aussi longtemps que possible. Elle dépend : 4° de la force
naturelle du terrain dans son ensemble et, en particulier,
de l'emplacement sur lequel est bâtie la fortification, et du
degré de protection que le terrain peut assurer; 2° de la
force de résistance artificielle, qui dépend de l'organisation
d'ensemble et de détail de la fortification ; 3° des moyens
mis en œuvre par la défense, c.-à-d. du gouverneur, des
éléments actifs (troupes) et des ressources en vivres et en
munitions. En conséquence, en supposant son emplacement
bien choisi, tout ouvrage de fortification doit remplir les
conditions générales suivantes : 1° être parfaitement à l'abri
de l'escalade, au moyen d'un obstacle rendant impossible
un assaut; 2° avoir un tracé réunissant les dispositions les
meilleures pour mettre les différentes parties en mesure de
se flanquer réciproquement et de bien battre les abords de
la position ; 3° posséder un profil ayant les formes et les
dispositions nécessaires pour résister aux bouches à feu les
plus puissantesde l'artillerie de siège; 4° établir, pour l'utili-
sation des éléments actifs de. la défense, des emplace-
ments destinés à faciliter le tir de l'artillerie, tout en étant
protégés contre le tir de l'artillerie adverse (traverses, case-
mates en maçonnerie ou cuirassées, coupoles, etc.) , et des
emplacements pour permettre l'action efficace de la mous-
queterie dans la lutte rapprochée (V. Banquette); 5° pré-
parer des locaux souterrains (V. Abri, Casemate) en quan-
tité suffisante pour abriter le personnel au repos, le matériel
de rechange ou de réserve, les approvisionnements en vivres
et en munitions ; 6° disposer des communications servant
à circuler à couvert et commodément dans les ouvrages et
entre eux, afin de permettre le déplacement rapide de la
garnison pour garnir les crêtes ou pour prendre part à des
sorties à l'extérieur; 7° avoir des ouvrages auxiliaires,
pour forcer l'assiégeant à vaincre la résistance d'une série
d'obstacles successifs, tels que les dehors et les retranche-
ments intérieurs, ou des moyens accessoires, tels que les
mines (Y. Guerre souterraine).
On voit que, en principe, les éléments essentiels de la
fortification permanente sont les mêmes que ceux de la for-
tification passagère, mais avec cette différence considérable
qu'on les rend aussi complets, aussi étendus, aussi résistants
que le permettent les progrès de l'art et de l'industrie.
On n'épargne ni temps ni argent pour donner aux ouvrages
toute la solidité nécessaire au moyen de travaux dans
lesquels on met en œuvre les matériaux les plus résistants :
massifs déterre, béton, cuirassements , coupoles, etc.
Un autre principe essentiel, c'est de plier la fortification à
la configuration du sol dans chaque cas particulier, c.-à-d.
de l'adapter au terrain. A cet effet, sur chaque côté exté-
rieur du polygone à fortifier dans un ouvrage ou une en-
ceinte, on dispose les divers éléments de manière que chaque
côté de ce polygone soit en état de se flanquer lui-même
(V. Front, Tracé); on a ainsi un front de fortification qui
constitue une sorte d'unité tactique de la défense. Mais si
les préceptes de l'art de fortifier sont fixes, il n'en est pas
de même de l'application, qui reste toujours soumise aux
conditions locales. C'est ainsi que l'on a été amené, presque
généralement, à ne pas^employer des types invariables et
à modifier même les meilleurs suivant les conditions géné-
rales ou particulières. On comprend, en outre, que les
conditions de tracé et d'établissement ne sont pas les mêmes
en terrain accidenté ou de montagne qu'en terrain uni,
quand le sol est rocheux ou marécageux, au lieu d'être ferme
et friable ; enfin les fortifications de mer ne sont pas organi-
sées de la même manière que les fortifications continentales.
Bien que, en principe, la question de dépense ne soit qu'ac-
cessoire en pareil cas, il faut cependant toujours, avant
d'établir des fortifications permanentes, faire entrer en
ligne de compte, d'un côté l'importance de la protection du
point qu'il s'agit d'occuper, et d'autre part le montant, des
frais de la construction. Gela revient à dire que, tout en
cherchant à tirer le meilleur parti des fortifications exis-
tantes, il convient, surtout en raison du prix élevé qu'elles
coûtent actuellement, de n'en construire de nouvelles que
lorsque leur nécessité est impérieusement démontrée. L'ap-
plication des principes et la combinaison des éléments pré-
sentent, pour l'ingénieur militaire, des difficultés plus
grandes et exigent des connaissances plus complètes et
plus étendues que pour la fortification de campagne. Ils
ressortiront, d'une manière plus claire et avec preuves à
l'appui, de l'historique de la fortification permanente.
Historique. Pour expliquer et justifier les formes et les
systèmes actuellement employés pour la fortification per-
manente, il est indispensable d'en suivre la transformation
progressive à travers les âges : nous aurons ainsi la forti-
fication déduite de son histoire. En effet, les procédés appli-
qués dans cet art ont dû suivre forcément les méthodes ou
engias à l'usage de l'attaque et de la défense (V. Attaque
et Défense des places), et tenir compte des progrès réa-
lisés dans les arts industriels. A ce point de vue, on peut
diviser l'histoire de la fortification en quatre périodes bien
distinctes : 1° l'antiquité et le moyen âge jusqu'à l'appa-
rition de l'artillerie ; 2° depuis l'apparition de l'artillerie
jusqu'à celle de l'artillerie rayée (i 859) ; 3° à partir de l'ar-
tillerie rayée jusqu'à l'artillerie à obus-torpilles (4885);
4° l'époque actuelle depuis 1885. En développant som-
mairement cet historique, nous nous attacherons surtout à
faire ressortir les principes et les éléments constitutifs de
la fortification permanente.
ire période : Depuis l'antiquité jusqu'à V apparition
de V artillerie . Au début, les moyens dont disposaient nos
ancêtres pour protéger leurs habitations étaient fort pri-
mitifs et des plus précaires. Ils commencèrent par occuper
des positions faciles à défendre par leur situation domi-
nante ou isolée; un peu plus tard, ils cherchèrent à s'iso-
ler artificiellement en formant une enceinte continue à l'aide
de clayonnages plus ou moins grossiers, de palissades ou
de troncs d'arbres, ou bien en créant sur pilotis de petites
îles. On peut toutefois constater que, dès l'origine, les trois
éléments indispensables de toute fortification : commande-
ment, obstacle, couvert, se trouvaient appliqués. Lorsque
des agglomérations se constituèrent, on dut songer à rendre
impuissants les moyens d'attaque connus alors : l'escalade,
l'incendie, la hache. C'est alors qu'on employa la maçon-
nerie, même la plus primitive, pour entourer de murailles
les localités habitées, et qu'on voit apparaître en Grèce et
en Italie les tarisses pélasgiques, murailles très épaisses
et très élevées, formées d'énormes blocs accolés ou super-
posés sans le secours d'aucun mortier. Les mursdeTyrinthe
avaient 7m60 d'épaisseur et présentent encore aujourd'hui
une hauteur de 13 m., avec des blocs ayant jusqu'à 1 m.
d'épaisseur.
Les forteresses ne jouaient alors qu'un rôle passif, sauf
en cas de défaite, car les combats se livraient dans leurs
environs : Troie, vers le xne siècle avant l'ère chrétienne,
s'est trouvée dans ce cas. Un peu plus tard, il se forma,
chez les peuples stables et déjà civilisés, de grands centres
d'habitation, où les richesses s'accumulèrent. Il fallut alors
donner aux enceintes un développement tel qu'on pût son-
ger à organiser à l'intérieur un centre de résistance très
sérieux, qui donna naissance à la ville forte. C'est ainsi
«P^
- 845 - FORTIFICATION
que Babylone avait deux murs concentriques, ayant l'un
88 kil. et l'autre 66 kil. de développement. Thèbes,
Memphis, Tyr,Ninive,Sidon,etc, fortifiées à la même épo-
que, se trouvaient dans des conditions à peu près analogues.
Les murailles étaient assez hautes pour constituer un obs-
tacle suffisant contre l'escalade et assurer un grand com-
mandement, en même temps qu'assez épaisses pour résister
à l'action des engins démolisseurs de l'époque et permettre
aux défenseurs de se tenir à leur partie supérieure ; cette
dernière, appelée plate-forme ou promenoir, était assez
large pour permettre à trois chars d'y passer de front, et
elle était bordée d'un mur crénelé derrière lequel les défen-
seurs pouvaient s'abriter pour le tir. Quelques auteurs pré-
tendent que ces murs étaient dès lors entourés de fossés,
mais cette assertion est loin d'être prouvée. Le tracé, dans
lequel il était rarement tenu compte de la configuration du
terrain, affectait la forme d'un polygone plus ou moins
régulier : pour Babylone, c'était un carré ; pour Ninive un
parallélogramme. Des tours rondes ou polygonales faisaient
partie des enceintes,
mais elles étaient plus
élevées que le rem-
part sur lequel elles
faisaient saillie
(fig. 1). Ces tours
étaient toujours à une
bonne portée de flèche
l'une de l'autre (50
à 200 m.), pour
battre le pied des
murs et prendre les
assiégeants de flanc ;
il y en avait toujours
aux points faibles,
constitués par les
saillants et les portes.
On peut donc remar-
quer, dès lors, l'application des trois principes suivants :
1° la nécessité de flanquer les enceintes; 2° le besoin
de transformer les points faibles en points forts; 3° la
localisation de la défense dans les points forts.
Mais la construction de murs aussi épais que ceux de
Babylone était très longue et fort coûteuse. Aussi, vers
l'époque romaine, on se borne à lui donner une hauteur
de 10 à 20 m., et une épaisseur de 5 à 7 m. Tantôt on les
évidait, en faisant supporter la plate-forme par des voûtes
longitudinales ou transversales (méthode rhodienne) ; tantôt
on adossait au mur un rempart en terre (Rome au vie siècle
av. J.-C), ou l'on remplissait de terre l'intervalle compris
entre deux murs (Rome, au ive siècle av. J.-C); d'autres
fois, sur la partie inférieure des murs, seule massive, on
élevait deux étages de casemates (Carthage). Les murailles
des forteresses gauloises étaient formées de couches alter-
natives de terre et de poutres, avec parement extérieur en
grosses pierres. Vers la même époque, on songea à faire
précéder le rempart d'un fossé, dans le double but de se
procurer les terres nécessaires au terrassement et d'arrê-
ter la marche des engins d'attaque (béliers, hélépoles,
tours). On eut dès lors, nettement caractérisés : la masse
couvrante, le rempart, et Y obstacle, le fossé.
Les Romains rendirent les tours indépendantes des pro-
menoirs, pour empêcher l'ennemi maître d'une de ces tours
de se répandre dans la place. Pour mieux protéger les dé-
fenseurs contre les coups de l'adversaire et les abriter contre
les intempéries, on recouvrit quelquefois la plate-forme d'un
petit toit ou d'une voûte. Les enceintes construites alors
étaient souvent très vastes, au point de pouvoir contenir
des peuples entiers avec leurs troupeaux ; en outre, il exis-
tait presque toujours plusieurs enceintes successives. Adru-
mète, Carthage, Utique, presque toutes les villes du litto-
ral africain en avaient trois, portant des noms différents.
De même, pour prolonger la résistance jusqu'à la dernière
extrémité, à une époque où les vaincus étaient passés au
Tour ronde.
FORTIFICATION - 846 —
fil de l'épée ou réduits en esclavage, les anciens construi-
saient quelquefois des réduits ou citadelles (V. ce mot),
placés sur les côtés ou à l'intérieur de la ville, et qui leur
servaient de refuge après la prise de cette dernière. Il y a
lieu de citer également la muraille de la Chine (fig. 2),
construite tout le long d'une frontière de 5,000 kil. de dé-
veloppement ; cette
muraille, qui subsiste
encore en grande par-
tie, a, en moyenne,
8 m. de hauteur sur
5 m. d'épaisseur, avec
des tours tous les
75 m . L'empereur
Adrien construisit un
retranchement de 100
kil. d'étendue de l'em-
bouchure de la Tyne
au golfe de Solway.
C'est ce vallum Ha-
clriani (fig. 3), qui
est également connu
sous le nom de mur
des Pietés, du nom
des indigènes du Nord ,
dont les incursions
dans la Bretagne ro-
maine devaient être
arrêtées par ce re-
tranchement.
Après la chute de
l'empire romain , à
l'époque des migrations des peuples, l'art de la fortification
tomba dans un état profond de décadence, ainsi que toutes
les sciences en général. C'est à peine si l'on peut mentionner
les châteaux forts (Y. ce mot) que Charlemagne fit cons-
truire en certains points stratégiques pour maintenir divers
peuples conquis dans l'obéissance, ou les donjons (V. ce mot)
que, lors de la féodalité, les seigneurs organisèrent pour
pourvoir à leur indépendance et à leur sûreté. Ces fortifica-
tions étaient établies sur des escarpements ou au milieu
d'étangs et de marais, pour les rendre inaccessibles ; on les
entourait de fossés quand on était obligé de les construire
en plaine. Les points faibles (portes et saillants) étaient
protégés et renforcés
tout particulièrement.
De vastes souterrains
permettaient le plus
souvent de communi-
quer secrètement avec
la campagne. Le châ-
teau de Coucy est
l'exemple le plus com-
plet de ce genre de
fortification, qui fut
imité alors par toutes
les nations de l'Eu-
rope. Comme il était
de la plus haute im-
portance de surveiller
le pied des murs, on
employa dans ce but
des procédés rapportés
d'Orient, tels que mâ-
chicoulis,hourds, mou-
charabys et meur-
trières.
La période féodale,
en brisant l'unité du
pays, n'avait guère
permis le développement des grandes cités. Mais, dès
que le pouvoir central se reconstitua, on reconstruisit ou
l'on créa un certain nombre de villes fortes, parmi les-
quelles il faut citer Paris, Rouen, Carcassonne, Gournay,
auxquelles on donna généralement plusieurs enceintes. On
y ajouta des barbacanes et des bastilles pour la défense des
Muraille de la Chine.
RanpavL &
Le rempart relie entre eux \
, 17 camps retranches- siài&s en arrière, j
j7iaçonhefif>.
Fossé
'A 20Û pas ^-ôSpsds-^ fc-A^11
Fig. 3. — Vallum Hadriani.
portes, et des lices comme chemin de ronde. Ces forteresses
se caractérisaient par les points suivants : i° énorme épais-
seur des murs, avec tours flanquantes nombreuses et à fort
relief ; 2° nombreux locaux voûtés ou casemates ; 3° plate-
forme à la partie supérieure avec parapet à créneaux, em-
brasures ou mâchicoulis pour le tir horizontal et le tir ver-
tical; 4° ressauts, coupures, escaliers formant une sorte
de dédale inextricable et favorisant la guerre de chicanes.
Deuxième période : Depuis l'invention de la poudre
jusqu'à celle des canons rayés. Les premières bombardes
(V. ce mot) apparurent vers la fin du xive siècle, mais leur
poids et la difficulté de leur maniement les rendaient plus
favorables à la défense qu'à l'attaque, de sorte qu'elles
n'exercèrent aucune influence sur l'art de fortifier. Ce ne
fut que vers la fin du xvie siècle que l'on reconnut la né-
cessité de modifier la fortification des places fortes, lorsque
les frères Bureau eurent inventé des canons permettant
l'emploi d'affûts plus légers et substitué les boulets en fonte
aux boulets en pierre. Divers moyens furent employés alors
pour augmenter la résistance des maçonneries. Leur épais-
seur fut portée à 5 et 6 m. ; on les consolida par des cram-
pons en fer, en y mélangeant du bois, et, pour diminuer
leur volume, on eut recours à des voûtes ou contreforts de
toute espèce. Mais ces expédients ne furent pas suffisants
et l'on dut adosser les murs contre une masse d'appui (les
remparer) qui augmentait leur résistance et diminuait les
oscillations. La création d'un fossé résulta surtout du besoin
des terres nécessaires à la construction du rempart ; il ser-
vit en même temps à couvrir les maçonneries contre les
projectiles. On eut, dès lors, un chemin couvert et un gla-
cis battu du terre-plein du rempart. Comme il n'était pas
possible d'adapter ces dispositions aux forteresses existantes,
on eut recours dans ce but à l'emploi de braies et de fausses
braies.
L'artillerie fut d'abord installée sur la plate-forme des
tours, pour le tir à découvert, ou à l'intérieur, pour tirer
sous casemate à travers des créneaux percés dans les murs
et nommés canonnières. Mais 3a fumée, l'exiguité de l'em-
placement, le champ de tir limité résultant du tir sous case-
mate lui firent préférer les embrasures dites à la française,
pratiquées dans les remparts. En outre, comme l'artillerie
détruisait facilement les tours de loin, on essaya de placer
les canons sur les remparts de l'enceinte, puis, quand on
eut reconnu que cette installation ne pouvait, faute de place,
convenir que dans des cas assez rares, on préféra les placer
en dehors de cette enceinte. On utilisa dans ce but les an-
ciennes barbacanes qu'on dérasa en partie et qu'on remplit
de terre. Ces ouvrages prirent le nom de boulevards ou
bastillons (petites bastilles), d'où est venu le mot bastion.
Les pièces tiraient à embrasure ou à barbette (tir à barbe).
On voit donc que, au début, les bastions sont des ouvrages
terrassés, situés soit à côté, soit en avant des portes, soit
enfin sur toutes les parties de l'enceinte, et qu'ils sont des-
tinés à éclairer les abords de la fortification et à surveiller
les points éloignés. Tout en donnant au rempart une résis-
tance suffisante contre l'artillerie, la défense prit les dispo-
sitions nécessaires pour organiser ce rempart de manière à
obtenir la supériorité de ses feux sur ceux de l'attaque.
Elle ajouta donc au rempart un parapet défensif ou masse
couvrante, d'abord en pierre, puis en terre, de 6 à 7 m.
d'épaisseur, dont la partie supérieure, dite plongée, permet
de tirer au-dessus de l'horizon. On eut, dès le xve siècle,
un profil, qui subit peu de modifications jusqu'à l'emploi
des canons rayés. Les revêtements des escarpes et des
contrescarpes étaient généralement surmontés d'une pierre
plate en saillie et destinée à rejeter les eaux de pluie au
pied des murs; cette pierre s'appelait cordon ou tablette.
La magistrale, sur laquelle s'appuie le tracé bastionné,
est l'intersection du plan supérieur du cordon ou de la ta-
blette avec le plan du parement extérieur du mur supposé
prolongé.
Pour remplacer les créneaux et mâchicoulis qui ne pou-
vaient résister à l'artillerie, on songea d'abord à employer
des chemins de ronde (V. ce mot) pour battre les espaces
en angle mort. Mais ce moyen fut insuffisant et l'on dut
rechercher un tracé permettant de battre au moyen de
crêtes les angles morts des autres crêtes. On créa dans ce
but les moineaux, qui ne tardèrent pas à être hors d'état
de résister quand l'artillerie fut assez mobile pour amener
ses pièces jusque sur la contrescarpe. On eut recours aussi
à des galeries de contrescarpe, mais elles étaient difficiles
à aérer et l'ennemi pouvait s'en servir pour pénétrer dans
la place. C'est alors que la question du flanquement néces-
sita une transformation radicale dans le tracé et que l'on
chercha à utiliser les bastions pour le flanquement des cour-
tines. Les Italiens, considérés à cette époque comme les
maîtres dans l'art de l'ingénieur militaire, entrèrent les
premiers dans cette voie, et la méthode de fortification qui
en résulta a pris le nom d'école italienne.
Ecole italienne. Les ingénieurs ou écrivains militaires
qui en font partie appartiennent à toutes les conditions,
même à plusieurs à la fois. Les principaux sont, par ordre
de date : Giorgio Martini, Machiavel, San Michel (Micheli),
Michel-Ange, Castriotto, Girolamo Maggi, délia Valle, Pa-
ciotto d'Urbin, Cattaneo, Alghisi do Carpi, Marchi, Busca,
Sardi, Floriani, Donato R.ossetti. Chacun de ces ingénieurs
ajouta quelques modifications aux travaux de ses prédéces-
seurs, mais tous étudièrent la fortification telle qu'elle exis-
tait de la manière la plus complète, sous toutes ses formes
et dans toutes ses combinaisons. Leur méthode générale
est caractérisée : 1° par de petits bastions avec de longues
courtines, ainsi que des flancs hauts repliés en arrière et
des flancs bas casemates, protégés par un orillon (V. Bas-
tion) ; 2° par la grande élévation des murs d'escarpe ;
3° par l'emploi de nombreux dehors, sous le rapport des-
quels on n'a guère innové depuis ; 4° par des communica-
tions incommodes. En principe, ils étaient arrivés au tracé à
bastion et tenailles, grâce auquel toutes les parties d'un front
pouvaient se défendre et se soutenir réciproquement. Mais,
bien que remarquables pour l'époque, ces résultats étaient
d'autant plus insuffisants que les procédés d'attaque furent
imaginés seulement alors.
Ecole française. Pendant le xvie siècle, la France em-
ploya des ingénieurs italiens pour fortifier un certain nombre
de places : Calais, La Rochelle, etc. Mais lorsque Sully eut
fondé le corps des ingénieurs du roi, ceux-ci ne tardèrent
pas à devenir très habiles et très pratiques ; ils eurent leur
système particulier, pour lequel ils empruntèrent aux mé-
thodes hollandaise et italienne ce qu'elles avaient de meil-
leur. Les principaux membres de l'école française sont :
Errard, de Bar-le-Duc ; le chevalier de Ville, qui employa
la demi-lune et les retranchements intérieurs, mais recom-
manda surtout de bien adapter la fortification au terrain ;
Pagan, qui donna un réduit à la demi-lune et fit usage de
contregarde. Vauban perfectionna les méthodes de ses pré-
- 847 - FORTIFICATION
décesseurs et, mieux qu'aucun d'eux, sut plier celle-ci au
terrain. Aussi, bien qu'on parle, en général, de trois sys-
tèmes ou manières de Vauban, cet illustre ingénieur n'a
pas fortifié deux places de la même manière, et c'est sim-
plement pour faciliter l'enseignement que ses successeurs
ont inventé cette classification. Il fit également progresser
les méthodes d'attaque des places, en assurant à l'attaque
une supériorité décisive sur la défense. C'est pour mettre
la fortification en mesure d'y résister qu'il modifia cons-
tamment sa manière de fortifier. On lui doit la tenaille, la
double caponnière, les cavaliers, les places d'armes ren-
trantes et saillantes du chemin couvert, des locaux voûtés
et des communications mieux comprises. Il employa aussi
comme dehors les tenaillons, les ouvrages à cornes
(V. Corne), les ouvrages à couronne, les bonnets de prêtre
et les queues d'hironde. En résumé, Vauban a rendu les
bastions et les demi-lunes suffisamment spacieux, disposé
judicieusement les flancs par rapport aux lignes de défense,
renforcé la demi-lune et le chemin couvert, organisé des
dehors et su plier la fortification au terrain. Cormontaingne,
qui vint ensuite, présenta un système dans lequel il réalisa
les améliorations suivantes : facilité relative des communi-
cations, fermeture de la trouée de la demi-lune, indépen-
dance des fossés du réduit de demi-lune, création de cava-
liers intérieurs rendus isolés au moyen de coupures et de
batardeaux.
h' Ecole de Mézières, fondée en 1748, fut la première
où l'on enseigna l'art de la fortification ; on y étudia la
construction d'une place forte sur un terrain varié, mais
idéal, à l'aide d'un front d'étude nommé front moderne,
qui améliorait celui de Cormontaingne et tenait à la fois de
ce dernier et du premier système de Vauban. Le relief était
abaissé, les maçonneries mieux défilées, la demi-lune et
son réduit, ainsi que les places d'armes rentrantes, étaient
agrandies. L'enseignement méthodique de cette école donna
de bons résultats et produisit des ingénieurs distingués,
notamment : Michaud d'Arçon, partisan des ouvrages déta-
chés se flanquant par eux-mêmes ; le général Chasseloup-
Laubat, auteur de deux systèmes de fronts; le général
Meusnier, surtout célèbre par ses idées sur la défense exté-
rieure active des places ; le général Marescot, le générai
Rogniat, qui imagina le système des lignes à intervalles et
était partisan des ouvrages détachés; Carnot, qui proposa,
un corps de place plus élevé, de nombreux abris en ma-
çonnerie, une escarpe détachée et crénelée, des glacis en
contrepente, des caves à mortier ou batteries couvertes
pour le tir indirect; le général Haxo, inventeur de la case-
mate à canons qui porte ce nom, etc.
A l'Ecole deMézières succéda V Ecole de Metz (V. Ecole
d'application de l'artillerie et du génie), dont les ingé-
nieurs les plus célèbres sont : le général Noizet, qui ima-
gina un front d'étude purement théorique, pouvant être con-
sidéré comme le type le plus complet de discussion, mais qui
n'a jamais été exécuté; le commandant Choumara, connu
par ses idées originales, dont la plus pratique est celle de
l'indépendance des crêtes et des magistrales ; il se prononça
aussi d'une manière formelle contre le tracé bastionné, alors
seul admis en France. Ce sont les officiers du génie de
l'Ecole de Metz qui ont construit les fortifications exécu-
tées de 4830 à 1870, à Paris, Lyon, Langres, Toulon, Sois-
sons, etc. Ils reconnurent déjà ïa nécessité d'employer des
forts détachés pour accroître la résistance de la place, mais
ces forts étaient trop rapprochés de cette dernière (2,500 m.) .
Le système bastionné, rendu aussi simple que possible, fut
débarrassé de toutes les complications théoriques. La for-
tification fut bien adaptée au terrain et l'on donna une
action prépondérante à l'artillerie et à la défense éloignée.
Ecole hollandaise. Les Hollandais surent tirer parti
de la situation basse et presque aquatique de leur pays,
pour constituer l'obstacle à l'escalade au moyen de fossés
pleins d'eau, au lieu de murailles. Ces fossés, très larges,
étaient garnis de palissades pour le cas de gelée. La grande
largeur du fossé à flanquer força à donner des flancs assez
FORTIFICATION
- 848
longs au tracé bastionné. Les ingénieurs les plus distin-
gués de cette école sont : Marolois, Stevin, Freytag, Schei-
ter et Coëhorn, le plus illustre de tous. Frappé de la
faiblesse des fortifications de son pays, qui n'avaient opposé
qu'une courte résistance aux armées de Louis XIV, le
baron Minno de Coëhorn s'appliqua à y remédier, au moyen
de principes basés sur la nature particulière du sol, et l'on
peut dire que sa méthode pour fortifier un terrain maréca-
geux pourra toujours être consultée avec fruit pour ce
genre de fortification, en tenant compte des modifications
imposées par les progrès accomplis depuis dans cette
branche.
Ecole allemande. Malgré la prétention des Allemands
d'avoir eu une école spéciale et un système de fortification
bien à eux avant tous les autres peuples, la vérité est qu'ils
eurent quelques ingénieurs de talent, mais sans lien entre
eux dans les idées qu'ils émirent sur la fortification. Ce
sont : Albert Diirer, Franz, qui fortifia l'enceinte d'An-
vers; Daniel Speckle, qui dirigea l'exécution des fortifica-
tions de Schelestadt, Haguenau, Ulm, Colmar et Stras-
bourg ; Rimpler, Suttinger et Griendel d'Ach. D'ailleurs les
projets de ces ingénieurs ne furent pas appliqués et, dans
les constructions faites en Allemagne, on admit presque
généralement le système italien.
Apparition du tracé polygonal. Depuis Vauban,tous
les ingénieurs avaient employé le tracé bastionné. Mais peu
à peu les inconvénients de ce tracé se firent jour et l'on se
rendit compte que le rôle de la fortification devait être
avant tout de permettre uniquementl'utifisation des moyens
de combat et leur conservation jusqu'au moment décisif, de
sorte (ju'il y avait lieu de rechercher la force des places
moins dans une combinaison de formes péniblement éla-
borées que dans l'adaptation bien entendue du terrain et
dans la défense elle-même. C'est alors que les propositions
de Montalembert et de Carnot furent sérieusement discu-
tées et préparèrent une transformation des formes adoptées
jusqu'alors.
Montalembert, général de cavalerie, avait assisté à un
grand nombre de sièges, où il avait été frappé du peu de
résistance des places fortes de son temps, faiblesse qu'il
attribuait au tracé bastionné et à laquelle il chercha à re-
médier par des propositions soigneusement étudiées et dé-
duites. Nous résumons ci-après "les critiques qu'il adressait
au tracé bastionné, en les complétant par celles qu'a fait
Fig. 4.
Front bastionné simplifié, a, magasin à poudre; b, caserne à 1 étage; c, caserne à 2 étages; d, cavaliers
ou bonnettes ; e, parados.
naître l'adoption des canons rayés : 4° les bastions sont
des nids à projectiles ; les faces et les flancs sont enfilables,
et en outre ces derniers sont pris à revers ; 2° la tenaille
et la courtine sont presque inutiles pour la défense, et
l'espace compris entre les flancs et la courtine est perdu
pour la capacité de la place ; 3° la demi-lune a des faces
très enfilables; elle masque les feux d'une partie du corps
de place et ne communique que très difficilement avec
celui-ci; 4° les côtés extérieurs sont trop courts, ce qui
conduit à des petits bastions, dans lesquels il est difficile
d'installer des retranchements intérieurs convenables; 5° la
fortification avec tous ses dehors et toutes ses brisures est
trop profonde, de telle sorte que les coups trop longs font
encore de grands ravages en arrière des points battus par
l'artillerie ; 6° les maçonneries sont toutes aux prises aux
coups plongeants; 7° l'enceinte étant unique, la surprise
en un point amène la chute du corps de place ; 8° l'ins-
tallation d'une artillerie suffisante sur les remparts n'est
pas possible faute de place; 9° il n'y a pas d'abris. — Un
certain nombre de ces défauts ne sont pas inhérents au tracé
bastionné, et il est facile d'y remédier, ainsi que d'atténuer
les autres. On a donc cherché à améliorer et à simplifier
le front bastionné, au point de ne plus comporter que le
tracé de la figure 4. Mais, malgré tous les perfectionne-
ments, ce tracé donne encore lieu aux critiques suivantes :
1° les brisures de l'enceinte exposent les faces et les flancs
à l'enfilade; en y remédiant par l'emploi de traverses, on
diminue d'autant la place disponible pour l'infanterie et
l'artillerie ; 2° malgré les précautions prises, on ne peut
garantir que les flancs puissent résister jusqu'à la fin du
siège ; 3° le croisement des lignes de défense empêche d'uti-
liser complètement la bonne portée des armes qui servent
au flanquement ; 4° le tracé bastionné n'est pas applicable
à des côtés extérieurs de moins de 250 m.
Aussi, malgré sa propriété de pouvoir seul satisfaire au
flanquement d'une enceinte par les crêtes mêmes de cette
enceinte, on n'emploie plus le tracé bastionné que dans des
cas particuliers, notamment à la gorge des forts, pour des
sites aquatiques où la construction des maçonneries est
très onéreuse, etc. Mais en général on lui a substitué le
tracé polygonal, dans lequel le flanquement, au lieu d'être
obtenu par les crêtes, l'est au moyen de caponnières. Le
tracé des crêtes étant indépendant du flanquement peut être
aussi souple que possible et se confondre même avec celui
— 849 —
FORTIFICATION
du polygone à fortifier. Les idées de Montalembert contri-
buèrent puissamment à amener ce résultat. Après avoir
remanié trois fois ses propositions, en tenant compte
des critiques fondées auxquelles les premières avaient donné
lieu, il présenta, pour l'enceinte de Cherbourg (fig. 5),
un nouveau système qui constituait un immense progrès
sur Jes autres méthodes et qui a servi de base au tracé
polygonal. Montalembert préconisa aussi les forts détachés,
destinés à accroître le rayon d'action des places fortes et à
les mettre à l'abri du bombardement. Les propositions de
Carnot, sur le profil et la disposition du rempart, complé-
taient en quelque sorte celles de Montalembert sur le tracé.
Les principes que posèrent ces deux ingénieurs furent mis
en application à partir de 1815, en Autriche et en Alle-
magne : lorsqu'il s'agit de reconstituer la défense des nou-
velles frontières , on admettait un corps de place aussi
Fig. 6. — Front néo-prussien, a, traverse casematée pour canons; b, réduits-blockhaus des places d'armes^rentrantes;
d, coffre de flanquement ; e, contrescarpe à feux de revers.
simple que possible, à tracé polygonal, sans exclure au
besoin les autres formes de tracé, des caponnières à plu-
sieurs étages, des escarpes détachées avec chemin de ronde,
des batteries casematées en arrière du rempart pour le tir
indirect, des glacis en contrepente et peu de dehors, uni-
quement le ravelin et le chemin découvert avec réduits.
C'est dans cet ordre d'idées que furent fortifiées Coblentz,
Cologne, Germerstieim, Ingolstadt, etc. Mais, à partir de
1840, les Allemands admirent un nouveau tracé, dit néo-
prussien, qui fut appliqué aux enceintes de Kœnigsberg,
Stettin, Posen, etc., et qui sert de type pour l'enseigne-
ment à l'Ecole militaire de Berlin (fig. 6). Ce type ne
présente pas d'avantages bien sérieux sur les précédents :
Fig. 7. — Front polygonal autrichien.
sa caponnière centrale, construction gigantesque et fort
coûteuse, n'en est pas moins insuffisamment défilée et
exposée à être détruite facilement de loin. On commença à
faire usage de forts détachés, d'abord rapprochés du noyau
et uniquement destinés à favoriser l'offensive, puis placés
à distance suffisante pour protéger contre le bombardement.
Les ingénieurs autrichiens, dans leur construction de nou-
velles places, copièrent moins servilement les tracés de
Montalembert, tout en acceptant ses principes fondamen-
taux. La fig. 7 donne le type du front polygonal qu'ils
employèrent. Ils appliquèrent également, dans la place de
Rastadt, le système de fortification par groupes. Ils éle-
vèrent autour de la ville de Linz un camp retranché d'un
genre particulier, de 6,000 m. de diamètre et défendus
par 32 tours, dites maximiliennes, du nom de l'archiduc
Maximilien qui les avait inventées. Enfin ils construisirent,
de 1835 à 1856, trois séries d'ouvrages très variés, mais
généralement très petits, qui formaient autour de Vérone
trois zones concentriques se masquant réciproquement et
se soutenant assez mal entre elles. En résumé, on peut
conclure de ce qui précède que les places fortes du système
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
polygonal, des types les plus divers, construites jusqu'en
1860, présentèrent presque autant de complications et de
défectuosités que les places du système bastionné. Il est
donc logique de supposer que la plupart d'entre elles n'au-
raient pas résisté avec plus de succès que nos forteresses
aux canons rayés, car leur seul avantage réel consistait
dans un meilleur armement d'artillerie et dans un plus
grand nombre d'abris casemates.
Troisième période : Depuis V artillerie rayée (1859)
jusqu'à V artillerie à obus-torpille (i885). L'apparition
de l'artillerie rayée, en 1859, fit reconnaître la nécessité
de modifier la fortification, mais les expériences faites à ce
sujet ne furent pas suffisantes dès le début pour permettre
de se rendre compte qu'il s'agissait alors d'une transfor-
mation aussi radicale que celle à laquelle donna lieu, au
moyen âge, l'emploi des canons. Cependant les propriétés
principales de la nouvelle artillerie avaient été mises en
évidence; l'accroissement de portée, l'augmentation de la
justesse et de la précision, même dans le tir sous les grands
angles, avaient fait ressortir la faiblesse des fortifications
existantes, surtout au point de vue de la lutte rapprochée.
Pour remédier à cet état de choses, on pensa qu'il était
suffisant de protéger les forteresses par une ceinture de
forts détachés, de défiler les murs d'escarpe au 1/4, de
créer de nombreux abris voûtés et d'organiser des traverses
pour défiler le parapet.
Les Anglais entrèrent les premiers dans cette voie, en
faisant de Portsmouth un camp retranché. Le général
Brialmont fortifia Anvers au moyen d'une enceinte, de
forts détachés et de batteries pour la défense de l'Escaut.
Les Allemands complétèrent dans le même sens la défense
de Mayence et les Autrichiens organisèrent celle d'Olmutz.
En France, on construisit, de 1860 à 1870, des forts dé-
tachés à Metz, à Belfort et à Langres. Mais tous ces forts
étaient trop rapprochés de la place et n'étaient pas orga-
nisés de manière à résister aux effets des nouveaux pro-
jectiles.
Aussi, lorsque les expériences résultant de la guerre de
1870-71 eurent bien fait ressortir les propriétés de l'artil-
lerie nouvelle et de l'emploi des voies ferrées pour le siège
des places, les diverses puissances ne purent méconnaître
l'obligation de remanier complètement leurs forteresses. En
conséquence, on se mit résolument à l'œuvre dans toute
l'Europe, mais notamment en France, pour constituer un
système défensif à la hauteur des exigences de l'époque. Sans
entrer ici dans des considérations sur le choix à faire entre
54
FORTIFICATION
— 850 —
les tracés bastiongé ou polygonal, la nouvelle puissance de
l'artillerie a imposé les conditions suivantes : 4° pour sou-
tenir le plus longtemps possible la lutte à grande distance,
la défense doit comprendre une artillerie nombreuse et
bien abritée, au moyen de casemates cuirassées ou en ma-
çonnerie et de coupoles; 2° les parapets, d'épaisseur ren-
forcée, doivent être protégés contre le tir d'écharpe et
d'enfilade par des traverses, et contre le tir à dos ou de
revers par des parados ; 3° les maçonneries doivent être
défilées au 4/4 et le profil modifié en conséquence, parce
que les maçonneries découvertes sont facilement destruc-
tibles et qu'il n'est pas possible de les réparer pendant un
siège ; 4° il y a lieu d'organiser et de renforcer des locaux
souterrains en aussi grand nombre que possible ; 5° les
forts doivent être plus éloignés du noyau et entre eux ;
6° il convient de prendre les mesures nécessaires pour
conserver les organes du flanqùement jusqu'à la fin du
siège.
C'est dans cet ordre d'idées, et sous l'impulsion du
général Séré de Rivière, qu'à été remaniée l'organisation
défensive de la France, notamment Paris, Lille, Dunkerque,
Toul, Verdun, Epinal, Belfort, Besançon, Reims, Langres,
Dijon, Grenoble, Briançon, Nice, etc.
Quatrième période. Depuis l'invention des obus-
torpilles. Mais, pendant la période de construction de
notre système défensif, de 1874 à 4885, l'artillerie ne
s'était pas arrêtée dans la voie du progrès. Grâce à l'em-
ploi et au perfectionnement du tir plongeant, et à la créa-
tion des mortiers rayés et des canons courts de siège, elle
avait réalisé les avantages suivants : 4° facilité d'amener
des pièces relativement légères et donnant un tir courbe
très précis jusqu'à 2,500 m.; 2° augmentation de justesse
des petits calibres ; 3° allongement des obus au delà de
trois calibres qui, en permettant d'accroître la charge, aug-
mente la puissance de pénétration et la puissance destruc-
tive des projectiles ; 4° emploi général des obus à tir fusant
ou schrapnels et perfectionnement de ce genre de tir, ren-
dant illusoire la protection des parapets ; 5° perfectionne-
ment des procédés de pointage indirect, plus commode que
le tir direct contre les buts fixes et rendant désormais
inutile l'emploi de parapets élevés.
En conséquence, pour démonter les pièces, fouiller les
terre-pleins et les banquettes, il n'était plus nécessaire de
démolir préalablement les parapets, ni d'amener un maté-
riel aussi lourd et aussi encombrant qu'autrefois. La pré-
cision du tir était d'ailleurs telle qu'il n'était plus possible
de. songer à maintenir concentrée dans un espace aussi
restreint que les forts un aussi grand nombre de pièces sur
les remparts. Les propriétés précitées de l'artillerie avaient
donc \ pour résultat de faire ressortir les défectuosités
générales suivantes pour les fortifications construites de
4874 à 4885 : 4° but trop visible ofîert par les ouvrages ;
2° défaut de résistance au tir plongeant ; 3° espace trop
restreint et trop dangereux pour le personnel et le maté-
riel ; 4° intervalle trop grand des forts entre eux. Néan-
moins, il aurait été possible de remédier en grande partie
à ces inconvénients et d'améliorer suffisamment nos forti-
fications pour assurer une protection convenable au per-
sonnel et au matériel, en même temps qu'une entière
sécurité pour les troupes au repos, si l'apparition des
obus-torpilles n'était venue remettre tout en question.
L'obus- torpille est un projectile très allongé (jusqu'à six
fois le calibre), à charge intérieure brisante, caractérisé
par le remplacement de la poudre à canon, comme charge
d'éclatement, par un explosif brisant analogue à la dyna-
mite. Cet explosif est le fulmi-coton comprimé ou pyroxyline
en Allemagne, la mélinite en France, etc. Ces projectiles
produisent des effets destructeurs d'une puissance inconnue
jusqu'alors par l'artillerie et absolument analogues à ceux de
véritables fourneaux de mine chargés de dynamite. Ainsi,
on a constaté en Allemagne qu'un seul obus de 45centim.,
chargé de fulmi-coton, peut renverser un pan d'escarpe
de 6 à 8 m. de large, et qu'un projectile du mortier rayé
de 24 centim. est suffisant pour détruire les voûtes des
abris casemates, dès magasins à poudre, etc. Des expé-
riences furent faites à Bourges, à La Malmaison, pour être
fixé sur les effets des divers genres d'obus-torpilies et sur
le degré de résistance de certaines espèces de matériaux
spéciaux à adopter pour le renforcement des différents élé-
ments de la fortification. Les études faites dans ce but
portèrent sur trois ordres d'idées : 4° augmenter l'épais-
seur des massifs ; mais le surépaississement des maçonneries
et des terres ne donna pas de bons résultats et l'on fut
obligé d'y renoncer ; 2° changer la nature des matériaux
de construction, de manière à obtenir la résistance néces-
saire avec des épaisseurs et des espaces restreints ; on
constata qu'une maçonnerie de béton de ciment de 2m50
d'épaisseur, recouverte d'un matelas de sable de 4 m.,
résistait fort bien, ce matelas localisant les effets des pro-
jectiles, amortissant les vibrations et diminuant la péné-
tration des projectiles ; 3° modifier le mode d'organisation
des ouvrages pris séparément et dans leur ensemble. C'est
ainsi que l'on fut amené à condamner l'artillerie fixe à
ciel ouvert et à la remplacer par des coupoles et des case-
mates cuirassées.
Ces données eurent pour résultat de faire envisager la
situation, d'ailleurs fort grave, avec plus de sang-froid, en
laissant entrevoir les moyens de résister aux engins destruc-
teurs de l'artillerie, et de soutenir la lutte entre la cuirasse
et le projectile; on sait que la marine n'y a jamais renoncé,
et les ingénieurs militaires, qui disposent non seulement
de blindages et de cuirasses, mais encore de bétonnages en
ciment, sont encore beaucoup mieux outillés pour la con-
tinuer avec chances de succès. D'ailleurs, les projets ou
procédés de construction ne manquèrent pas, se basant sur
la combinaison plus ou moins pratique des éléments précé-
dents. Nous nous bornerons à citer ici les propositions
émises : 4° par le général bavarois von Sauer, qui veut
remplacer l'ancienne ligne des forts par une ligne simple
ou double de coupoles assez rapprochées; 2° le lieute-
nant-colonel allemand Schumann qui, dans la ligne de
von Sauer, remplace les coupoles isolées par des batte-
ries normales , constituées par un groupement d'affûts
cuirassés dont la mobilité permet l'installation rapide;
3° le commandant Mougin, du génie français, qui propose
un système de défense basé sur la grande mobilité de l'artil-
lerie et propose de nombreux projets de batteries mobiles
cuirassées ; 4° le lieutenant-colonel Voorduin, du génie hol-
landais, qui propose une ligne de forts très plats, espacés
de 2,000 m. environ, comprenant au centre une coupole
et en arrière une batterie pour six pièces, tirant dans l'in-
tervalle et en avant des forts collatéraux : 5° le colonel du
génie français Laurent, qui partage les idées du colonel Voor-
duin et flanque ses lignes par les feux de revers de forts
qui ne sont que des sortes de caponnières ; 6° le général
Brialmont, du génie belge, qui représente la tradition et
ne demande que des modifications de détail en faisant con-
tribuer des forts très solides à la défense éloignée ; c'est
dans cet ordre d'idées qu'ont été construites les fortifica-
tions de Namur, connues sous le nom de forts de la Meuse,
et celles de Bucarest ; 7° le lieutenant-colonel Graini-
cianu, du génie roumain, qui est partisan d'une organisa-
tion empruntant à la fois les idées des colonels Laurent et
Voorduin sur les ouvrages flanquants, celle du commandant
Mougin sur le principe de mobilité et celle du général
Brialmont sur le concours de l'artillerie fixe des forts.
Nous indiquerons, en parlant de Y organisation défen-
sive des forteresses et de celle des Etats, la manière
dont le problème a été résolu en France, en mentionnant
simplement ici les idées générales qui ont été admises
comme modifications de détail : l'escarpe, pouvant être
actuellement renversée sur une longueur de 45 à 20 m.
par un seul projectile à mélinite tombant à quelque distance
de son parement intérieur, doit être supprimée complète-
ment et remplacée par des grilles en fer ou des réseaux
de fils de fer (V. Défenses accessoires) offrant peu de
- 851 -
FORTIFICATION
prises à l'artillerie. Par contre, la contrescarpe gagne en
importance et doit être mieux défilée et organisée, de ma-
nière à défier les coups des nouveaux projectiles. Il n'y a
plus de raison, par suite, pour ne pas élargir le fossé. Le
flanquement des fossés ne pouvant plus se faire par des
caponnières qui ne sont plus en état de résister, est effectué
au moyen de galeries de revers ou de coffres de contres-
carpe. On a également dans le même but proposé de petites
tourelles à éclipse (V. Coupole), émergeant d'un massif de
béton à formes fuyantes et placé au fond du fossé, mais ce
procédé a été reconnu peu pratique. Enfin la difficulté du
flanquement des fossés peut, dans certains cas, faire subs-
tituer avec avantage à leur forme trapézoïdale un profil
triangulaire (V. Profil) permettant de battre toute leur
surface par les feux de la crête. C'est la disposition adoptée
pour les ouvrages d'infanterie élevés dans les intervalles
des forts. Tous les locaux ont dû être reconstruits dans
des conditions nouvelles (abris bétonnés, cuirassés ou
cavernes dans les terrains rocheux), fort coûteuses, qui ont
conduit à en restreindre le nombre et l'espace au strict
indispensable. Pour l'observation du tir, on fera usage
d'observatoires cuirassés, de ballons, de communications
électriques ou téléphoniques. Les dehors ou ouvrages exté-
rieurs seront sensiblement réduits et simplifiés.
La fortification d'une position comprendra : 1° une pre-
mière ligne de défense, composée d'un certain nombre de
forts et de points d'appui, avec des batteries disséminées
dans les intervalles et une série de positions permettant
l'installation de l'infanterie. Un système de bonnes com-
munications, par voies ferrées de préférence, relie ces
divers ouvrages, en vue de faciliter l'armement et de per-
mettre la concentration facile de tout le matériel disponible
sur le point d'attaque . Les forts de nouvelle création sont
construits comme nous l'avons indiqué au mot Fort ; 2° une
deuxième ligne de défense ou ligne de soutien, construite
uniquement dans le secteur des attaques et pendant la lutte
sur la première ligne ; elle comportera une série de bat-
teries et de positions d'infanterie ayant pour but d'arrêter
les progrès de l'ennemi, de favoriser les retours offensifs
et de constituer une position toute prête pour continuer la
résistance dans de bonnes conditions ; 3° un noyau central
(V. Enceinte), car l'utilité d'une enceinte entourant la ville
ou place centrale, longtemps contestée, est presque géné-
ralement admise aujourd'hui. — Les forteresses existantes
ne peuvent naturellement pas être utilisées sans modifica-
tions, mais elles peuvent rendre de bons services au moyen
de transformations intelligentes, qui seront indiquées lors-
qu'il sera traité de l'organisation défensive des forte-
resses.
Conclusion.— Nous avons résumé, en parlant des forte-
resses, quelques-uns des reproches que l'on fait à la for-
tification permanente et nous en avons fait ressortir l'ina-
nité. Nous devons les compléter parles critiques suivantes :
1° la fortification passagère, même improvisée, suffirait pour
organiser des couverts aux points voulus et presque sans
dépense ; mais il faut des places fortes pour couvrir la mo-
bilisation de la frontière, ainsi que pour entraver la cir-
culation sur les voies principales qui y aboutissent ; car
la rapidité des mouvements actuels permettrait à l'ennemi
d'interdire dans cette région la création de fortifications
quelconques ; 2° le rôle des places fortes est négligeable,
parce que ce point fort est trop restreint en surface devant
l'espace considérable occupé par le déploiement des effec-
tifs en jeu dont l'infanterie est armée de fusils à répétition
et à longue portée; à cela, on peut répondre que les empla-
cements des forteresses sont subordonnés à la marche pro-
bable des armées, et que forcément quelques-unes des
places entraveront la marche de l'assaillant ou serviront de
point d'appui au défenseur ; les autres serviront de maga-
sins à l'abri d'un coup de main, et l'ennemi sera obligé de
les observer en laissant devant elles un effectif de beaucoup
supérieur à celui qu'elles renferment ; 3° l'attaque brus-
quée, ou de vive force de7nos forts de première ligne suffit
pour en emporter un ou deux et ouvrir une trouée qui ren-
dra inutile tout l'ensemble. Mais il ne faut pas perdre de
vue que, dans l'un ou l'autre cas, on estime au moins à
quinze jours le temps nécessaire pour venir à bout de la
résistance des forts, et que ce serait déjà un fort beau résul-
tat de pouvoir, avec un faible effectif, arrêter pendant ce
temps quatre ou cinq corps d'armée, qui, sans cela,
seraient en mesure de prendre l'offensive et d'attaquer les
nôtres.
Nous croyons qu'en examinant le chemin parcouru, on
peut constater que la fortification permanente a été en per-
pétuel état de transformation pour arriver à se mettre en
mesure de résister aux moyens d'attaque et aux progrès
de l'artillerie. Le problème est devenu déplus en plus ardu,
mais toujours il a pu recevoir une solution satisfaisante et
on a pu voir que, malgré la crise de l'heure présente, la
fortification est encore en mesure de remplir le rôle qui lui
incombe et qui n'est pas moins important que par le passé.
— Ce rôle et l'utilité de la fortification ne peuvent mieux
être démontrés que par quelques exemples, que nous em-
prunterons tous aux temps modernes. — Sous Louis XIV,
le prince de Savoie perd une campagne à prendre Lille, et
le siège de Landrecies offre à Villars l'occasion de changer
la fortune, de sorte que le système des places fortes* de
Vauban a peut-être sauvé l'Etat. — En 4793, ce sont les
places de Flandre qui sauvent de nouveau la capitale, lors
de la trahison de Dumouriez. — En 4814, nos lignes de
forteresses forcent les alliés à s'engager dans les défilés du
Jura, et à laisser pour bloquer nos places un nombre de
troupes bien supérieur aux effectifs de leurs garnisons. —
La guerre de Crimée se réduit au long siège de Sébasto-
pol. — La campagne d'Italie, en 1859, se termine par un
arrêt de notre armée victorieuse devant le quadrilatère ita-
lien (Mantoue, Vérone, Legnago, Peschiera) qui amène le
vainqueur à conclure la paix. — En 1866, l'appui de ce
même quadrilatère permet à l'archiduc Albert de sauver
l'honneur des troupes autrichiennes àCustozza. — En 1870,
les sièges de Strasbourg, de Metz, de Paris, de Belfort
immobilisent pendant un temps très long des forces consi-
dérables et auraient pu, s'ils avaient toujours été bien con-
duits, changer la face delà guerre. Dans la dernière guerre
d'Orient (1877-78), l'opération la plus célèbre est le siège
de Plewna. On ne pourra jamais empêcher les discussions
et les critiques, et il est certain que la fortification n'a
jamais traversé une période aussi difficile que celle qui a
suivi l'invention des obus-torpilles, dont l'emploi a porté
un coup terrible à la défense des places, et l'a mise, pour
un instant, dans un état d'infériorité manifeste par rapport
à l'attaque. Mais il est hors de doute que les moyens de
remédier à la crise ne manquent pas ; il s'agit d'en faire
un choix judicieux et une application bien entendue. D'ail-
leurs, la réaction qui s'est produite a peut-être eu son bon
côté en prouvant : 1° qu'une nation doit avant tout compter
sur la valeur et le nombre de ses soldats, en n'accordant
à la fortification qu'un rôle secondaire, quoique fort impor-
tant ; 2° qu'il faut avoir le moins de forteresses possible,
mais donner à chacune d'elles son maximum de forces dé-
fensives.
Fortification semi-permanente. — Cette fortification,
dite aussi provisoire, est une sorte de fortification mixte,
qui tient à la fois de la passagère et de la permanente. Elle
est destinée à défendre certaines positions que l'on a inté-
rêt à conserver pendant toute la durée d'une campagne,
mais que diverses raisons ont empêché de fortifier d'une
manière permanente : tel serait le cas d'un centre d'appro-
visionnements, d'un point de passage important sur la ligne
de ravitaillement ou de retraite. On en fait également usage
pour remplacer la fortification permanente en certains points
d'une place forte, pour les ouvrages intermédiaires entre
les forts détachés, lorsque ces ouvrages n'ont pu être cons-
truits dès le temps de paix, pour la constitution des ou-
vrages de la deuxième ligne de défense, etc. Cette fortifica-
tion est donc caractérisée : 1° en ce que son utilité n'a
FORTIFICATION — FORTIN
— 85u2 -
qu'une durée limitée au temps pendant lequel la position
défensive intéresse le salut de l'armée qui l'occupe ; 2° en
ce qu'elle est destinée à résister avec des forces minima à
des forces considérables et munies d'une artillerie puis-
sante. Les ouvrages de fortification provisoire, étant des-
tinés à tenir lieu d'ouvrages permanents et à nécessiter un
siège en règle, doivent être aussi forts que le permettent
le temps et les ressources disponibles au moment de leur
exécution. Dans tous les cas, les études et projets s'y rap-
portant sont préparés dès le temps de paix , et tous les
moyens d'exécution sont prévus de telle sorte qu'on en
puisse commencer la construction rapide au moment voulu,
généralement au début des hostilités. Comme matériaux, il
ne faut compter que sur la terre, le bois et les rails, avec
une faible proportion de maçonnerie. Alors que les ouvrages
permanents, solidement construits, pourront à peine résis-
ter aux obus-torpilles, on comprend que des fortifications
du genre précédent, élevées en quelques semaines, avec des
ressources restreintes, ne pourront remplir qu'imparfaite-
ment et pour un temps restreint les conditions exigées.
Pourtant, dans certaines circonstances, ce secours n'est
pas à dédaigner, et à Sébastopol, à Paris, à Langres, à
Belfort, à Plevna, il a été des plus précieux.
Dépôt des fortifications (Y. Dépôt).
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F0RT1GUERRA (V. Forteguerri).
FORTIN (Fortif. ). On désigne en principe sous ce
nom un fort de petite espèce", construit généralement
à la hâte et dans le genre des ouvrages de campagne,
mais ayant un tracé bastionné ou polygonal. Les * re-
doutes d'une certaine capacité et dépassant les dimensions
ordinaires sont aussi quelquefois appelées ainsi. Les ou-
vrages de fortification semi-permanente sont en général
de simples fortins, car leurs dimensions et leur genre de
construction ne permettent pas de leur donner le nom de
forts. En Belgique, on a même désigné sous le nom de
fortin le fort triangulaire permanent de petite dimension,
pour le distinguer du fort de même forme. Le fortin reçoit
la même organisation que le fort, mais il n'a que cinq cou-
poles et deux cents hommes de garnison. A ce titre, il
serait rationnel de ranger dans cette classification les bat-
teries annexes construites en France en fortifications per-
manentes, lorsqu'elles sont très éloignées des ouvrages
principaux dont elles servent à défendre les intervalles.
Ces ouvrages ont leurs magasins propres et leurs case-
mates-logements, mais, en raison de leur situation, ils
doivent être mis à l'abri d'une surprise, tout en étant
organisé le plus simplement possible. Diverses batteries
du camp retranché de Paris répondent à cet ordre d'idées ;
ce ne sont pas de véritables forts et ce sont plus que des
batteries (Y. ce mot).
FO RTI N (Jean), ingénieur français, né à Mouchy-la-Ville
(Oise) le 9 août 4750, mort en 1831 (?). 11 était membre
du Bureau des longitudes et a perfectionné un grand nombre
d'instruments de physique ; on lui doit, entre autres, la
balance et le baromètre bien connus qui portent son nom
(V. t. V, pp. 55 et 446). Il a d'autre part donné une
réduction au tiers de Y Atlas céleste de Flamsteed (Paris,
1776, in-4). — Il ne doit pas être confondu avec Jean
— 853 —
FORTIN — FORT-LOUIS
Frotin, dit Fortin (1749-96), qui fut professeur d'hydro-
graphie à Brest et publia des observations sur l'éclipsé de
soleil de \ 764 et sur le passage de Vénus de 1769. L. S.
FORTIN (Augustin-Félix), peintre, lithographe, et sur-
tout sculpteur français, né à Paris en 1763, mort à Paris
le 4 juill. 1832. Neveu et élève du sculpteur Félix Le-
comte, il eut le deuxième prix de sculpture en 1782, le
grand prix en 1783, et fut agréé à l'Académie royale le
25 avr. 1789. Parmi ses nombreux travaux de sculpture,
les plus connus sont : le Fronton de la porte du Louvre
faisant face au pont des Arts ; la Victoire, bas-relief de
l'arc de triomphe du Carrousel ; les bustes de Baron et
de Ùresset au foyer du Théâtre-Français ; la Soumission
aux lois, bas-relief au Panthéon ; le Monument de De-
saix , à la place Dauphine ; Minerve et Apollon, bas-
reliefs du grand escalier du Louvre ; le Tombeau du duc
de Beaujolais, à Malte ; Sainte Geneviève et la Reli-
gion, bas-relief dans une chapelle à Saint-Etienne-du-Mont ;
plusieurs bas-reliefs de la Colonne de la place Vendôme,
représentant des batailles. Ses tableaux ont généralement
pour sujets des allégories mythologiques. G. P-r.
FORTIN (Charles), peintre français, né à Paris le
12 juin 1815, mort à Paris le 19 oct. 1865. Elève de J.
Beaume et de C. Roqueplan. Il peignit surtout, et avec
talent, des intérieurs rustiques et des scènes villageoises
de la Normandie et de la Bretagne. Le musée du Luxem-
bourg possède de lui le Benedicite (1855), et plusieurs
de ses bons tableaux se trouvent aux musées de Nantes,
de Boulogne-sur-Mer, de Lille, de Grenoble, etc. G. P-i.
FORTIN (L'abbé A.), météorologiste français, né à
Châteauneuf (Loiret) en 1837, curé de la petite paroisse de
Châlette, près de Montargis. Il a repris vers 1863, au cours
de recherches sur l'électricité et le magnétisme, l'hypothèse,
émise par le P. Secchi, d'une relation intime entre les taches
solaires éruptives et les variations magnétiques d'une part,
entre les variations magnétiques et les tempêtes terrestres
d'autre part, et il a construit, en partant de cette donnée,
un petit appareil, le magnéto-mètre atmosphérique, qui
doit, par la simple observation des agitations de son aiguille,
révéler le temps cinq ou six jours à l'avance. Ce système
de prévision météorologique, que son auteur a exposé en
détail dans un livre intitulé le Magnétisme atmosphé-
rique (Paris, 1890, in-12), a été récemment l'objet, delà
part de quelques journaux parisiens, d'une campagne assez
bruyante et d'éloges peut-être un peu hâtifs ; car il n'a à
peu près rencontré jusqu'ici qu'incrédulité auprès des gens
compétents, et, dans la séance de l'Académie des sciences de
Paris du 2 févr. 1892, deux de nos savants les plus autori-
sés ont publiquement et formellement nié toute espèce de
valeur à la théorie, aux prédictions et même à l'appareil.
M. l'abbé Fortin a récemment publié : Almanach pour
1893 (Paris, 1893, in-16). L. S.
Bibl. : Figaro des 20 sept. 1890 et 9 juin 1891. —Journal
officiel du 6 févr. 1892.
FORTIS (Abbé Giovan-Battista, dit Alberto), voyageur
et littérateur italien, néàPadoue le 11 nov. 1741, mort à
Bologne le 21 oct. 1803. Il entra dans l'ordre des cha-
noines réguliers de Saint-Augustin, puis, mal fait pour la
vie monastique, entreprit une série de voyages qu'il a
racontés en des livres pleins d'intéressantes observations :
Saggio d'osservazioni sopra V isola di Cherso-ed-Osero
(Venise, 1771, in-4) ; Viaggio in Dalmazia (Venise,
1774, 2 vol. in-4), son ouvrage capital, où il fit connaître
pour la première fois de précieuses poésies populaires
serbo-croates ; Délia Y aile vulcanico-marina di Borna
(Venise, 1778, in-4); Lettere geografico-flsiche sulla
Calabria e sulla Puglia (Naples, 1784, in-8) ; Belle
Ossadi Elefanti ecl altre curiosità naturali de' monti
di Romagnano nel Veronese (Vicence, 1786, in-8);
Bel Nitro minérale (Vicence, 1787, in-8); Tre Let-
tere intorno aile produzioni fossili dei monti Euga-
nei (Gesena, \ 791 , in-8) ; Délia Torba cke trovasiappié
de' colli Euganei (Venise, 1795, in-8) ; Mémoires pour
servir à l'histoire naturelle et principalement à Voryc-
tographie de Vîtalie, etc. (Paris, 1802, 2 vol. in-8).
Comme littérateur il a laissé : Versid'amore et d'amicizia
(Vicence, 1783, in-8) ; // Principe Cloro, o la rosa senza
spine, novella morale (Vicence, 1784, in-8). R. G.
Bibl. : Tipaldo, Biografia degli Italiani illustri.
FORTIS (Louis), 20e général de la Compagnie de
Jésus, élu le 18 oct. 1820, mort le 27 janv. 1829. La
congrégation qui procéda à son élection arrêta diverses
mesures pour mettre fin aux discordes qui s'étaient pro-
duites parmi les jésuites ; elle confirma en outre les an-
ciennes constitutions, règles et formules de l'institut, mais
résolut d'adopter la Ratio studiorum aux besoins de la
société moderne. Par une encyclique du 4 oct. 1823,
Fortis, d'accord avec les assistants, enjoignit aux membres
de l'ordre une neutralité absolue à l'égard de la doctrine
de Lamennais, leur faisant défendre, soit d'enseigner, soit
de combattre cette doctrine. E.-H. V.
FORTIS (François-Marie, comte de), littérateur français,
né à Chambéry en 1768, mort à Paris le 25 janv. 1847.
Avocat à Genève, puis avocat général à la cour royale de
Lyon. Ses ouvrages assez agréables sont écrits d'un style
un peu alambiqué. Citons : Voyage pittoresque et histo-
rique à Lyon (Paris, 1821-22, 2 vol. in-8 avec atlas in-
fol.) ; Amélie, ou Voyage à Aix-les-Bains (Lyon, 1829,
in-8); Notice sur la statue d'Emmanuel-Philibert, duc
de Savoie (Paris, 1838, in-8) ; Eloge historique de Jac-
quard (1840, in-8).
FORTIS (Leone), littérateur et auteur dramatique ita-
lien, né à Trieste le 5 oct. 1822, mort en 1880. Il débuta
par un drame tiré d'un célèbre fait divers, La Duchessa
di Praslin, qui fut joué à Padoue en 1847. Viennent
ensuite II Camoens, joué à Padoue en 1850 ; Cuore ed
Arte, joué à Milan, en 1853 ; Industria e Speculazione
(Milan, 1854), etc. Littérateur, il s'est surtout fait con-
naître comme critique dramatique et polémiste, collaborant
à un grand nombre de journaux, quelques-uns fondés par
lui-même, notamment il Pungolo, de Naples. R. G.
Bibl. : G.-C. Bottura, Storia del tealro di Triste ; Trieste,
1885, in-8.
FORTLAGE (Arnold-Rudolf-Karl), philosophe allemand,
né à Osnabrûck le 12 juin 1806, mort à Iéna le 8 nov. 1881 .
Il était professeur à l'université d'Iéna. Fortlage est un con-
tinuateur original de la philosophie empirique de Beneke,
qu'il transpose en se plaçant à un point de vue voisin de
celui de Kant et de celui de Fichte. En psychologie, il préco-
nise la méthode d'observation par la conscience et a laissé
nombre de très fines analyses des données du sens intime.
En métaphysique, il se rapproche de Fichte et tente une
conciliation mystique du théisme et du panthéisme. Il a
écrit, entre autres ouvrages : Genêt. Gesch. d. Philos,
seit Kant (Leipzig, 1852) ; System der Psychologie als
empirische Wissenschaft aus der Beobachtung des
inneren Sinnes {id., 1855, 2 vol.) ; Acht psychol. Vor-
trâge (Iéna, 4868) ; Sechs philos. Vortrage {id., 1869;
2e éd., 1872) ; Vier psychol. Vortrage {id., 1874) ; Bei-
trâge zur Psychol. als Wissensch. aus Spekulation u.
Erfahrung (Leipzig, 1875) ; Menschheitsideal der Mora-
litât nach dem Christenthum (posthume), dans le t. IX
des Jahrbûcher fur protestant. Theol. Th. Ruyssen.
Bibl. : R. Eucken , Fortlage als Religionsphilosoph.,
dans la Zeitschr. f. Philos., 1883, pp. 180 et suiv. — Mor.
Brasch, Fortlage, ein philos. Charaklerbild, dans Unsere
Zeit, 1883, pp. 730 et suiv.
FO RT- LO U l S {Fort- Vauban, Fortalicium Ludovicia-
num). Corn, de la Basse-Alsace, arr. de Haguenau, cant.
de Bischwiller, à 40 kil. au N.-E. de Strasbourg, sur le
Rhin, près de l'embouchure de la Moder ; 244 hab. Fort-
Louis, autrefois ville de 4,000 hab., doit son origine à
une forteresse, construite par Vauban en 1688, dans une
île du Rhin. Bombardée et prise en \ 793 par les Autri-
chiens, la place fut rasée par les alliés en 1815. Après
une déchéance rapide, Fort-Louis n'est plus qu'un petit
FORT-LOUIS — FORTUNAT
854 —
village ; seuls, son hospice et son église témoignent encore
de son ancienne grandeur.
Bibl. : Rev. d'Alsace, 1862, 431. — Bull, de la Soc. pour
la conserv. des mon. hist. d'Aïs., I, 2° sér., p. 15.
FORTMOVILLE. Corn, dudép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Reuzeville, sur la Corbie; 657 hab.
Fabriques de cordages pour la marine et de fil à ligneul ;
filature de coton.
FORTNER (Andréas), sculpteur et ciseleur aile— -
mand, né à Prague le 46 juin 1809, mort à Munich le
44 mars 4862. Fils d'un orfèvre de Prague et destiné
d'abord à continuer le métier paternel, if commence ses
études à l'école de dessin de sa ville natale ; puis, en
4840, voulant apprendre davantage, vient à Munich, le
centre attirant par excellence en Allemagne à cette époque,
et s'y fixe, avec l'intention de devenir peintre. Le hasard
le fit rentrer dans la voie qu'il ne devait plus quitter. Un
service de table composé par son ami Eugène Neureu-
ther, et qu'il fut chargé, à défaut d'un autre, d'exécuter
en argent pour le* prince héritier Maximilien de Ravière,
attira sur lui l'attention, et lui valut aussitôt un grand
nombre de commandes semblables. Par l'ingéniosité du
goût, par la précision et la finesse du faire, il a presque
rivalisé avec les vieux maîtres allemands de la ciselure, et
suscité à Munich une sorte de Renaissance de la sculpture
en métal. Parmi ses travaux les plus remarquables, signa-
lons un service de table pour le comte Pallavicini, des
armes et objets divers pour le baron de Frankenstein, un
bassin à eau pour le comte de Waldpot-Rassenheim, un
sabre d'honneur pour le prince Charles (4860), une
décoration de chambre, qu'il ne put achever, pour le ban-
quier von Stieglitz, à Saint-Pétersbourg. Il figura à l'ex-
position de Prague en 4847 et à celle de Munich en 4854.
Les sujets traités par lui sont des plus variés, et il sut y
mettre sa inarque. Ce fut un novateur et un maître excel-
lent. P. Leprieur.
Bibl. : F. Pecht, Geschichte der Mùnchener Kunst im
neunzehnten Jahrhundert; Munich, 1888, p. 182, in-4.
FORTOUL (Hippolyte-Nicolas-Honoré) , professeur et
homme politique français, né à Digne le 43 août 4841,
mort aux eaux d'Ems le 7 juil. 4856. Avant de jouer
un rôle important comme ministre de l'instruction pu-
blique, comme organisateur d'une université façonnée selon
les idées et les principes du second Empire, Fortoul s'était
fait connaître par des travaux littéraires et par un livre
sur l'Art en Allemagne (1844). Tour à tour professeur
de littérature française à la faculté de Toulouse et à
celle d'Aix, il devint député en i 849 et se rallia immé-
diatement au parti du futur empereur. Il passa d'abord
quelques mois au ministère de la marine et devint ministre
de l'instruction publique le 3 déc. 4851 , le lendemain même
du coup d'Etat, et il garda son portefeuille jusqu'à sa mort.
Chargé pendant quatre ans d'appliquer et de compléter la loi
du 4 5 mars 4 850, Fortoul chercha surtout à servir fidèlement
les intérêts dynastiques, qu'il confondait sans doute avec les
intérêts de la France, et il s'efforça de faire de l'Université
un corps docile, un instrument de règne. La loi de 4850
avait dû surtout son origine à une réaction violente des
partis religieux contre l'esprit relativement libéral de l'Uni-
versité. Les cléricaux y avaient collaboré plus encore que
les politiques. Fortoul fut surtout un politique et, tout en
faisant aux ennemis de l'enseignement public les plus re-
grettables concessions, il semble qu'il ait essayé de sauver
l'Université en l'amoindrissant. Les plus mauvais souvenirs
ne s'en rattachent pas moins à son administration. C'est
Fortoul qui suspendit les cours de Jules Simon à la Sor-
bonne, qui révoqua au Collège de France Quinet, Michelet
et Mickiewicz. Il fallait à tout prix obtenir que l'Univer-
sité donnât, comme son chef, une adhésion complète au
régime impérial. Nous avons vu ailleurs (V. Rifurcation)
comment Fortoul comprit la réforme des études secondaires.
Il ne faut pas oublier non plus que c'est lui qui supprima
la chaire de philosophie, suspecte de former des esprits
indépendants, et qui la remplaça par la chaire de logique.
De même, l'obligation du baccalauréat es lettres n'était plus
imposée aux étudiants en médecine. A part quelques petites
réformes heureuses, comme l'introduction de l'agriculture
dans l'enseignement des écoles primaires, comme la réor-
ganisation de l'enseignement du dessin dans les lycées et
dans les collèges, l'œuvre de Fortoul a été celle d'un
courtisan de l'Empire plus que d'un ami sincère de l'Uni-
versité. G. Compayré.
FORTOUL (Jean-Raptiste-Fortuné), homme politique
français, né à Digne le 4 juil. 484*2, mort le 48 janv. 4890,
frère du précédent. Avocat à Digne, secrétaire de la pré-
fecture des Rasses-Alpes, il fut, avec l'appui du gouver-
nement, élu député de ce département au Corps législatif
le 29 févr. 4852. Mais il démissionna bientôt pour entrer
dans la magistrature. Il était premier président à la cour
de Poitiers lorsqu'il fut mis à la retraite en 4874.
FORTROSE. Port du comté de Ross, en Ecosse, au
N.-N.-E. d'Inverness, à l'entrée du firth d'Inverness. Ce
bourg, qui compte aujourd'hui un millier d'habitants, était
au xve siècle la résidence des évêques du Ross. La ville
fut détruite par Cromwell ; on y voit encore des ruines con-
sidérables.
FORTUNAT ou FORTUNATUS (Venantius-Honorius-
Clementianus), né dans le N. de l'Italie entre 530 et 540.
Il fit son éducation à Ravenne. Postérieurement à 560 il
vint en Austrasie, fut bien accueilli par le roi Sigebert,
de là se rendit à Tours en pèlerinage au tombeau de saint
Martin. Il visita ensuite Poitiers où il se lia avec sainte
Radegonde, princesse thuringienne, qui, après avoir été la
femme du roi Clotaire, s'était retirée dans cette ville au
monastère de Sainte-Croix, fondé par elle. Ce fut là qu'il
vécut désormais et qu'il se fit prêtre. Cependant ses poé-
sies le rendaient célèbre dans toute la Gaule et lui valaient
de nombreuses relations. Il devint évêque de Poitiers et
mourut probablement au commencement du vne siècle.
C'est à l'instigation de Grégoire, l'évêque de Tours et
l'historien des Francs, que Fortunat a réuni et publié ses
poèmes. Ce recueil comprend onze livres. Ces œuvres fort
nombreuses et de caractères fort divers offrent un tableau
fort intéressant de la société de cette époque. Fortunat,
qui avait l'âme d'un courtisan et qui prodiguait facilement
les louanges, a composé les éloges de la plupart des
évêques avec lesquels il s'est trouvé en rapport; il s'est
fait aussi le panégyriste des rois francs, de Chilpéric, de
Sigebert, de Caribert. Son épithalame de Sigebert et de
Rrunehaut, son poème sur le mariage et la mort d'e Galswinthe
en particulier, ont été souvent cités. A ces farouches rois
mérovingiens il attribue généreusement les vertus qui leur
étaient le plus étrangères, et les compare gravement aux
plus sages personnages de l'antique Rome. Néanmoins,
saus cette phraséologie pompeuse apparaissent bien des
traits des mœurs du temps. La verve poétique de Fortu-
nat était d'ailleurs mise à contribution à tout propos : s'il
s'élève en Gaule quelque belle église, il célèbre cet événe-
ment ; si un évêque, un personnage important disparaît,
il compose en son honneur une épitaphe. Ce sont encore
des épîtres adressées à ses amis, des billets de remercie-
ment à Radegonde et à l'abbesse de Sainte-Croix, Agnès,
qui l'accablent de friandises. Ailleurs il raconte le voyage
qu'il a fait sur la Moselle. Il a écrit aussi des hymnes dont
quelques-unes, comme le Vexilla régis prodeunt et le
Pange linguale chantent encore dans nos églises. Enfin,
il est Fauteur d'un grand poème biographique en quatre
chants sur saint Martin ; cette œuvre n'a du reste aucune
valeur historique et il se contente de mettre en vers les
récits de Sulpice Sévère. Fortunat est un esprit aimable et
médiocre, un versificateur ampoulé. C. Rayet.
Bibl. : La meilleure édition de Fortunat est celle de
Léo dans les Monumenta Germaniœ historica, série in-4.
Ch. Nisard en a donné une édition avec trad. française
en 1887 dans la Collection Nisar'd; il a placé en tête une
traduction de la vie de Fortunat par le bénédictin Luchi,
qui, en 1786, a donné une édit. de Fortunat. — En outre,
V. Hamelin, De Vita et operibùs Fortunati ; Rennes, 1878.
— 855 —
FORTUNAT — FORTUNE
— Ebert, Histoire de la, littérature latine au moyen âge,
trad. fr., t. I.
FORTUNATA (Zool.). Genre type d'une petite famille
de Crustacés, du groupe des Amphipodes, établi par Chun
(1889) pour un type très remarquable péché entre Téné-
riffe et la Grande Canarie ; le mâle a été trouvé à 1,600 m.
de profondeur; la femelle, au contraire, a été prise à la
surface, abritée entre les flotteurs d'un Hippopodms, à
la façon dont s'abritent les Phronimes. Les Fortunata
sont caractérisés par la forme du corps qui est arrondie et
non comprimée latéralement comme chez la plupart des
autres Amphipodes, par les yeux semblables à ceux des
Gammarides, par les antennes, dont la première paire est
semblable dans les deux sexes, tandis que la seconde paire
existe seulement chez les mâles ; les pattes thoraciques ont
un ongle simple et sont dépourvues de plaque épimérique.
Type : F. lepisma. JR. Moniez.
FORTUNAT1 (Francesco), compositeur de musique ita-
lien, né à Parme le 24 févr. 1746. Ne se sentant aucun
goût pour la profession d'avocat à laquelle le destinaient
ses parents, il se livra tout entier à l'étude de la musique. En
1769, il composa son premier opéra, I Cacciatori e la Ven-
dilatte. D'abord maître de chapelle de la cour de Parme,
il se rendit ensuite à Berlin, près de Frédéric-Guillaume II,
qui y attirait les artistes de valeur. Parmi ses ouvrages,
on cite encore VJncontro inaspetto; La Contessa per
equivoco et Ipermnestra. A. E.
FORTUNATIANUS, grammairien latin (V. Atilius).
FORTUNATUS(V. Fortunât),
FO RTU N E (Myth.) (en grec Tyché). Personnification du
sort bon ou mauvais qui s'attache aux êtres et aux choses
de ce monde et règle leur vie. Tandis que le Destin (en
grec [xoîpa ou aiaa, en latin fatum) est une force aveugle
et invincible, expression de l'ordre absolu et primitif du
monde, la Fortune est une divinité mobile, essentielle-
ment humaine, qui représente surtout l'imprévu et l'ines-
péré de notre existence (rad. fors, hasard, qu'il faut rat-
tacher à ferre, porter) . Le nom qui la désigne en grec est
postérieur à Homère, chez qui domine la conception reli-
gieuse de l'idée du Destin (V. Démon). Mais avec le pro-
grès des idées philosophiques, le culte de la Fortune gagne
dans l'opinion ; il est surtout en honneur, dans tout le
monde antique, sous la domination romaine, si bien que
Pline l'Ancien peut dire en toute vérité qu'elle est la seule
divinité qu'on invoque en tous lieux et à chaque instant.
La légende, comme on doit s'y attendre avec une person-
nification aussi vague et aussi abstraite, est des plus simples.
Chez les Grecs la Fortune est tantôt une Nymphe, tantôt
une compagne de la Moïra ou Destin proprement dit. Chez
les Romains, on parle à peine de ses origines ; le trait
caractéristique de sa légende est tiré de ses rapports avec
la personnalité du roi Servius Tullius. Ce fils d'esclave,
élevé aux plus hautes fonctions, est devenu, devant l'opi-
nion, l'image par excellence de la chance ici-bas ; il est ou
le fils de la Fortune (Fortunée filius), expression qui de-
vient proverbiale, ou son heureux amant. Des fables naïves
ont cours dans l'opinion sur les relations de ce roi avec la
divinité de la chance favorable. C'est à lui qu'on attribue
l'institution de son culte et la dédicace du premier temple
qu'elle ait eu en Italie.
Le caractère abstrait de la Fortune se prêtait à un mor-
cellement en quelque sorte indéfini de son être qui finit
par être honoré en Italie sous les aspects les plus divers.
Elle est tout d'abord la personnification du sort indéter-
miné, c.-à.-d. qu'elle prend, suivant les occasions, un sens
défavorable (Fortuna mala). Peu à peu cependant elle est
surtout la déesse du bonheur et de la réussite : Fortuna
bona, celle qui, chez les Grecs déjà, sous le nom de
Agathe Tyché, faisait pendant au Bon Démon, appelé en
latin le Bon Succès : Bonus Eventus. On trouve de même
les dénominations de Fortuna Félix, Obsequens, et, quand
il s'agit d'exprimer ce qui est réputé comme le caractère
le plus rare de son action, de Fortuna manens, c.-à-d.
immuable. La notion en est ensuite détaillée suivant les
êtres ou collectifs ou individuels auxquels elle s'attache :
elle est invoquée à titre de Fortune publique (publica), de
Fortune du peuple romain ; puis, sous des vocables spé-
ciaux, tantôt par des corporations, tantôt par des familles
déterminées ; elle est barbue (barbata) ou virile (virilis)
quand elle préside au sort des hommes et du mariage; elle
est mammosa (aux puissantes mamelles) ou muliebris
quand elle incarne la destinée des femmes. Après l'établisse-
ment de l'Empire, elle s'identifie en quelque sorte avec la
personne même des empereurs et prend divers titres, suivant
les circonstances où ils sont placés. Un vocable fréquent, qui
a d'ailleurs aussi son emploi dans la vie des hommes privés,
est celui de Fortuna redux ou dux, c.-à-d. de la Fortune
qui ramène au port après un dangereux voyage ou qui
guide dans une entreprise difficile. Quand les cultes égyp-
tiens s'acclimatèrent à Rome, elle fut confondue avec ïsis (V.
ce nom) et représentée avec les attributs combinés de cette
déesse et les siens propres. Le dernier -terme de révolu-
tion de son être mythique est la conception de la Fortuna
Panthea qui résume en elle, ainsi que son nom l'indique,
la puissance de toutes les divinités traditionnelles. A cette
puissance syncrétiste s'appliquent en toutes lettres les
paroles de Pline l'Ancien : « Profits et pertes, tout relève
de la Fortune, et dans la comptabilité de la vie elle rem-
plit à la fois la page du doit et celle de l'avoir. »
Les représentations figurées de Tyché-Fortuna sont
aussi anciennes que nombreuses. La ville de Smyrne avait
un temple où le sculpteur Bupalos l'avait représentée por-
tant sur la tête le polos, symbole de la voûte céleste, et
dans la main droite la corne d'Amalthée ou d'abondance.
Un grand nombre de villes grecques possédaient des temples
analogues, où on mettait la Fortune en rapport avec les
divinités ou les héros topiques ; à Egire, en Achaïe, elle était
vénérée avec Eros; à Thèbes, en Béotie avec Plutus ; ailleurs,
à Elis par exemple, en compagnie du Bon Démon sur-
nommé Sosipolis, qui sauve la ville. Praxitèle avait
sculpté deux statues qui, probablement à Athènes, repré-
sentaient ces deux personnifications divines. Le culte avait
surtout une grande importance dans le monde romain ; on
l'y associait quelquefois à Mercure, à l'Espérance (Spes),
a la Bonne Foi (Fides), à Mars aussi et à la Victoire. Les
centres les plus célèbres de ce culte en Italie étaient Pré-
neste, où elle était vénérée sous le vocable de Primigenia,
celle qui est à l'origine de tout, et représentée comme une
fille de Jupiter ; puis la ville d'Antium où sa personnalité
était double, ainsi que nous le voyons par les monnaies de
la gens Bustia. Les sorts de Préneste étaient connus de
toute l'antiquité et le temple d'Antium comptait parmi les
plus riches et les plus considérés.
Les représentations figurées de la Fortune en général
n'ont guère varié et sont très reconnaissables ; la déesse
nous est offerte sous l'image d'une
femme imposante et belle, debout
dans le plus grand nombre des
cas, assise quand l'artiste se pro-
pose d'exprimer qu'elle est cons-
tante; d'une main elle tient la
corne d'abondance d'où s'échap-
pent des productions variées, sym-
bole de la richesse ; de l'autre elle
s'appuie sur un gouvernail qui
signifie qu'elle règle la destinée à
travers la mer mobile du monde ;
parfois à côté d'elle figure la proue
d'un navire, sans doute parce que les navigateurs ont plus
que d'autres à se préoccuper de sa puissance. A ses pieds
est une boule qui indique ou sa nature versatile ou l'éten-
due du pouvoir qu'elle exerce sur l'univers. On la trouve
également représentée avec des. ailes, ou, comme dans
l'œuvre archaïque de Bupalos, avec le polos ou le mo-
dius (mesure des céréales) sur la tète et des épis dans
une de ses mains. Un symbole fréquent remplaçant la boule
Monnaie de Vespasien
représentant la For-
tune.
FORTUNE — FORTUNY
— 856
est une roue qui dans le langage devient proverbial et
fournit des métaphores aux écrivains de tout ordre. On
rapportait au roi Servius le temple qu'elle possédait à
Rome sur le forum boarium, marché aux bœufs, où était
placée son image en bois, et à côté la statue voilée de son
favori. La fig. ci-dessus la représente avec le vocable de
Redux, d'après une monnaie de Vespasien. J.-A. Hild.
Bibl. : Hartung, Religion der fiœmer, t. II, pp. 233 et
suiv. — Preller, Griech. Mythol., I, 441, 3e éd. — Du
même, Rœm. MythoL, II, pp. 179 et suiv., 3e éd. — Ros-
cher, Ausfùhrl. Lexikon, I, pp. 1503 et suiv. (art. de R.
Peter). — Allègre, Etude sur la déesse grecque Tyché ;
Paris, 1889.
FORTUNE (Baie de). Belle et vaste baie sur la côte
méridionale de l'île de Terre-Neuve renfermant un certain
nombre de petites îles et formant plusieurs anses, presque
toutes ports de pêche. Elle donne son nom à l'un des quinze
districts de Terre-Neuve, dont le chef-lieu est Harbour-
Briton.
FORTUNY (Mariano), peintre espagnol, né à Reus le
41 juin 1838, mort à Rome le 21 nov. 1874. Après avoir
étudié les premiers principes du dessin auprès d'un peintre
amateur et avoir été admis à suivre les cours de l'école des
beaux-arts de Barcelone, il obtint au concours, en 1857,
une bourse de pensionnaire à Rome. Son premier envoi fut
un Saint Ermite pénitent, exposé à Barcelone en 1859.
En 1860, il fut chargé par la députation provinciale de
suivre la guerre du Maroc et de peindre une toile de 15 m.
représentant la Prise des campements de Muley el Abbas
par V armée espagnole. Pour exécuter cette vaste compo-
sition, qu'il ne fit d'ailleurs qu'ébaucher, et dont il n'a
laissé que des esquisses et des études, Fortuny consulta à
Versailles la Prise de la Smalah, d'Horace Vernet. Mal à
l'aise pour rendre son sujet, il retourna au Maroc ; mais
au lieu d'utiliser pour l'achèvement de sa commande ses
nouvelles et nombreuses études africaines, il revint à Rome
où il s'occupa presque entièrement de laver de superbes et
chaudes aquarelles, de graver à l' eau-forte, et de peindre
des sujets pittoresques tels que ses Fêtes de Kabyles et
de Nègres ; des Bateleurs kabyles (1861) ; les Bar oc-
chi, le Jardin de la villa Borghèse; r Odalisque; Il
Contino ; des Collectionneurs visitant un musée d'an-
tiquités (musée de Barcelone) ; Coutumes marocaines ;
Une Mauresque, etc., dont la plupart figurèrent sucessi-
vement aux expositions de Barcelone et de Madrid. C'est
de 1866 que date réellement la célébrité de Fortuny. Venu
à Paris, il y connut Meissonier, Gérôme, Rico, Zamacois,
et leurs conseils lui furent précieux. Après avoir épousé la
fille de M. Federico de Madrazo, il retourna à son atelier
de Rome où il reçut la visite de Henri Regnault, alors
pensionnaire, qui vivement frappé de l'exécution de ses
aquarelles et de ses peintures écrivait à son ami Duparc :
« J'ai passé hier la journée chez Fortuny et cela m'a cassé
bras et jambes. Il est étonnant ce gaillard-là ! Il a des
merveilles chez lui ; c'est notre maître à tous. » Et ailleurs
encore à propos des études que Fortuny lui montrait :
« Elles sont prodigieuses de couleur et de hardiesse de
peinture. Ah ! qu'il est peintre ce garçon-là ! J'ai vu aussi
des eaux-fortes ravissantes delui.»Au printemps de 1868,
Fortuny commençait à Madrid son tableau : le Mariage à
la Vicaria. 11 copiait en même temps au musée du Prado
Velazquez et Goya. C'est à l'occasion de l'exposition chez
Goupil du Mariage à la Vicaria (1870) que se produisit
la vogue inouïe dont furent tout de suite l'objet en France, en
Angleterre et en Amérique, les ouvrages de l'artiste ; son
tableau traité d'abord, comme exécution, avec largeur et
hardiesse, ayant quelque chose de la touche de Goya, fut
repris postérieurement et achevé dans une sorte de précio-
sité de facture qui en énerva les primitives qualités. On sait
ce qu'est la scène représentée : c'est, au xvme siècle, un
cortège de mariage dans une sacristie espagnole ou italienne,
d'une architecture pittoresque. Les tons chatoyants et pleins
d'éclat des costumes des personnages forment un piquant
contraste avec le caractère de l'édifice. Les physionomies
des jeunes époux, des invités, des prêtres, des sacristains
sont bien observées et rendues avec esprit. Avec ses défauts
et ses qualités, ce tableau, aujourd'hui la propriété de
Mme de Cassan, peut être considéré comme donnant une
idée complète du talent de Fortuny. La Réception d'un
modèle a l'Académie est une autre toile importante dans
son œuvre; elle fut achevée en 1870 ; c'est également le
xvme siècle que l'artiste a choisi pour époque ; pour inté-
rieur, il a peint une salle d'une grande richesse, telle qu'en
conservent quelques vieux palais à Rome, avec des colonnes
de marbre et de porphyre, des glaces de Venise, des bras
de lumière, des bronzes, des consoles dorées, des étoffes
somptueuses ; sur une table drapée, le modèle féminin,
éclairé en plein, offre sa gracieuse nudité aux regards des
académiciens, vêtus d'habits pimpants de style Louis XV.
Telle est cette composition, où les tendances de l'artiste à
ne subordonner aucun détail, aucun "accessoire à la chose
principale: la représentation de la- figure humaine, se
montrent ouvertement. Point de sacrifices, point de sous-
entendus ni de clair-obscur ; tout est mis en valeur et
peint en pleine lumière avec une même stupéfiante inten-
sité. Comme adresse de la main, c'est vraiment prestigieux ;
mais, en art, la virtuosité du métier n'est pas le dernier
mot. Là, évidemment, étaient le péril et l'écueil pour les
triomphantes pratiques de Fortuny. Des études faites à Gre-
nade et le plus souvent d'après l'Alhambra occupèrent
ensuite l'artiste. De cette époque datent : la Halte des
voyageurs, l'Arquebusier ivre, le Jardin, Une Basse-
cour à l'Alhambra, la Salle des Abencérages, Une
Fantasia arabe à Grenade (1870 à 1872) ; il ébaucha en
même temps deux toiles plus importantes qu'il termina en
1873: le Jardin des Arcadiens et les Académiciens de
Saint-Luc. Après son séjour à Grenade, Fortuny fit une
courte excursion en Angleterre, revint en Italie et alla
s'établir à Portici. Il s'y mit tout de suite à peindre avec
ardeur un tableau qu'il désignait sous le titre : Villégia-
ture et qui a figuré à la vente de son atelier faite à Paris
en 1875. Il représente la plage de Portici, animée par de
jeunes femmes élégamment parées, des enfants jouant au
milieu des plantes et des fleurs, des petits paysans napoli-
tains et des baigneurs; les murs d'un jardin, l'entrée d'un
village et les ruines d'un vieux château encadrent cette
scène, peinte tout entière en pleine lumière, sous le grand
soleil et, comme l'artiste l'écrivait lui-même, « sans en esca-
moter un seul rayon ». Il commença également un tableau
plus petit avec le portrait de ses deux enfants, une quan-
tité d'esquisses et d'études détachées, et des aquarelles. Au
commencement de nov. 1874-, il quittait non sans regrets
Portici pour Rome et peu de jours après, il était enlevé
presque subitement par une fièvre pernicieuse. Une fouie
énorme accompagna son convoi, et les artistes, appartenant
à toutes les nationalités, se disputèrent l'honneur de porter
son cercueil depuis son atelier de la Viaflaminia jusqu'au
Campo Varano.
L'influence de Fortuny a été considérable sur les pein-
tres italiens et espagnols, ses contemporains; on le vit
bien lors de l'Exposition universelle de 1878, où, à côté
des tableaux du jeune maître, parurent ceux de ses nom-
breux imitateurs. Il avait presque créé une école, exclu-
sivement objective, il est vrai, et où le procédé subtil, la
technique adroite, la recherche des colorations vibrantes,
le souci constant du rendu et l'exubérance du détail acces-
soire dominent et l'emportent de beaucoup sur l'idée. Chez
Fortuny, l'intérêt du sujet est absolument nul ou s'efface
devant les virtuosités delà pratique. Peu ou pas du tout de
composition, pas de style, pas de caractère dans ses
tableaux ; mais en revanche une dextérité de main inouïe,
guidée par une acuité de vision extraordinaire ; c'est une
séduction, un charme pour les yeux, qu'un tel art, mais qui
ne parle et ne parlera jamais ni à l'esprit, ni au cœur.
Paul Lefort.
Bibl. : Walther Fol, Fortuny, dans la Gazette des
Beaux-Arts, mars et avr. 1875. — Baron Ch. Davillier,
— 857 -
FORTUNY — FORZATE
Fortuny, sa vie, son œuvre, sa correspondance ; Paris,
1875. — Atelier de Fortuny, Catalogue de la vente, avec
notices par le baron Davillier, E. de Beaumont et
Dupont- Auberville ; Paris, 1875. — José Yxart, For-
tuny. Noticia biogràfica critica ; Barcelone, 1881, in-8, fig.
FORUM. I. Antiquité (V. Rome).
II. Architecture. — Nom donné dans les villes ro-
maines de l'antiquité aux places publiques, que ces places
fussent affectées aux transactions commerciales ou qu'elles
servissent de lieu de réunion pour l'accomplissement des
actes de la vie politique et municipale ou même qu'elles
fussent simplement, comme les places publiques de nos
villes modernes, réservées à la circulation et à l'embellis-
sement d'un quartier. Ce mot forum qui, à l'origine, dési-
gnait chez les peuples latins un emplacement découvert
réservé devant un édifice et plus spécialement devant un
tombeau, désigna bientôt, dans le monde romain, une
place analogue à X agora des Grecs (V. ce mot) et devint,
comme cette dernière, une partie essentielle de la cité.
Laissant de côté les forums plus ou moins nombreux qui,
suivant l'importance des villes antiques, étaient affectés
particulièrement, comme dans les villes du moyen âge,
au commerce des différentes marchandises et portaient un
nom rappelant leur destination — Rome avait ainsi le
forum boarium (marché au bétail), le forum olitorium
(marché aux légumes), le forum piscarium (marché aux
poissons), le forum coquinum (marché aux comestibles)
— et donnant seulement un souvenir en passant aux
divers forums qui furent surtout créés en vue do l'embel-
lissement des villes, comme à Rome, le forum Trajani,
le forum Aureliani, le forum Diocletiani, forums en-
tourés de somptueux édifices et dont les noms rappelaient
ceux des empereurs sous le règne desquels ils furent éta-
blis, chaque ville romaine, depuis la capitale de l'Empire
jusqu'à la ville servant de siège à la colonie située à ses
extrêmes confins, comptait un forum (Rome seule en comp-
tait trois) consacré exclusivement, au moins à certaines
époques, aux assemblées populaires ou comices et au juge-
ment des procès, en un mot à toutes les manifestations de
la vie politique, municipale ou judiciaire. Nombre de ces
forums aujourd'hui ruinés — et parmi eux le grand fo-
rum de Pompéi et le forum triangulaire de cette ville —
ont laissé d'assez importants vestiges pour que l'on puisse
se rendre compte de leurs dispositions générales, toujours
à peu près les mêmes, .malgré les variantes apportées par
la forme de leurs emplacements, la différence des climats
et aussi les particularités des cultes locaux : nous rappelle-
rons seulement ici brièvement ce que fut le forum ro-
main ou simplement le forum de Rome, dont de nom-
breux travaux des architectes et archéologues italiens et
étrangers et dont surtout les études de restauration totale
ou partielle que lui ont consacrées depuis trois quarts de
siècle les architectes, pensionnaires de l'Académie de France
à Rome, permettent de se faire une idée assez exacte.
Connu à la fin de la République et sous l'Empire,
lorsque Rome compta de nombreux forums, sous le nom
de forum vêtus, ou de forum magnum (forum ancien
ou grand forum), le forum romain, qu'occupe aujourd'hui
le Campo vaccino, fut d'abord un marais, situé entre les
monts Palatin et Capitolin et que, d'après la tradition, com-
blèrent Romulus et Tatius. Il comprenait alors deux par-
ties inégales et distinctes : la plus petite, le comitium,
où les patriciens se réunissaient pour les comices par
curies, et la plus grande, le forum proprement dit, d'abord
lieu de marché sans aucune destination politique, mais qui
devint par la suite le lieu de réunion des plébéiens pour
les comices par tribus : les rostres ou plate-forme, en-
tourée d'une balustrade et devant ce nom aux éperons de
navires dont elle avait été décorée vers l'an 416, après la
défaite des Antiates, plate-forme d'où les orateurs haran-
guaient le peuple, séparaient ces deux parties. Dès le
règne de Tarquin l'Ancien, des boutiques, affectées aux
changeurs ou banquiers, s'élevaient autour du forum et
plus tard, au fur et à mesure des [ embellissements de la
Rome républicaine et de la Rome impériale, des édifices
publics reliés par des portiques, des statues de grands
hommes et des monuments commémoratifs, décorèrent le
forum et en firent une place unique dans le monde entier
et dont la splendeur monumentale ne fut jamais égalée,
même à Constantinople, aux plus beaux jours de l'empire
d'Orient.
Une série de dessins consacrés de 4872 à 1874 au
forum romain par M. F. Dutert et qui constituent l'envoi
de pensionnaire de Rome de cet architecte, retracent l'état
actuel et l'état. restauré du forum ainsi que de nombreux
détails trouvés dans les fouilles alors en cours d'exécution
et peuvent donner une idée assez exacte de ce que fut le
forum romain sous les derniers Antonins (V. Architec-
ture romaine, t. III, pp. 705 et 706, fig. 4 et 5, une
vue et le plan du forum, d'après M. Dutert). Les des-
sins de cet architecte, outre qu'ils fixent nettement la
forme trapézoïdale du forum, restituent les principaux édi-
fices qui l'entouraient alors, tels que la curie Julia, la
basilique Emilia, le temple d'Antonin et de Faustine, le
temple et le bois de Vesta, le palais des Césars, le temple
de Jules César, le temple des Dioscures, la basilique Julia,
l'arc de Tibère, le pilier d'Horace, le temple de Saturne,
le temple de la Concorde, le temple de Vespasien, le
portique des douze Dieux, le temple de Jupiter Tonnant,
la Tabularium, et enfin les Rostres ou Tribune. Sur cette
dernière étaient fixées des plaques de marbre de grandes
dimensions, ornées de bas-reliefs, et dont six, retrouvées
en 1872 et ayant appartenu, croit-on, à la première tri-
bune aux harangues, celle transférée en 710 par Jules
César du centre du forum à son extrémité occidentale,
offrent un intérêt exceptionnel pour l'ensemble des édifices
ornant le forum sous la République. — Nous avons dit
que Rome comptait trois forums consacrés à la vie pu-
blique : en effet,' Jules César créa un second forum judi-
ciaire, appelé de son nom, forum Cœsaris ou forum
Julii et qu'ornait un magnifique temple de Vénus Genitrix,
divinité à laquelle il rattachait l'origine de sa famille, et
un troisième forum fut élevé par Auguste, le forum Au-
gustin consacré spécialement aux jugements d'intérêt
public, forum orné par Auguste d'un temple de Mars et
des statues des plus éminents citoyens de la République.
Plusieurs villes romaines, à l'origine simples marchés ou
emplacements de tribunaux, portèrent le nom de forum
avec l'indication de leur fondateur : Ainsi le forum
Appii , fondé dans le Latium sur la voie Appienne par le
censeur Appius Claudius, et le forum Julii (aujourd'hui
Fréjus), colonie fondée par Jules César dans la Gaule
Narbonnaise. Charles Lucas.
FOR VAL, diplomate français du xvne siècle, mort pro-
bablement à Paris en mai 1702. Venu en Pologne avec
Réthune en 1675, il avait été de là dans l'armée de
Tekeli, servit d'abord comme colonel dans ses troupes
auxiliaires, puis enfin résida comme ministre de France
auprès de sa personne. Après la paix de Nimègue, il revint
en Hongrie par Venise et Relgrade, et il s'y trouvait encore
au moment du siège de Vienne et des campagnes qui sui-
virent. On lui attribue, vraisemblablement sans raison, une
mission en Angleterre en 1688, dont il n'y a pas trace aux
archives des affaires étrangères. En 1697, il fut choisi
pour une mission en Pologne que sa mauvaise santé ne lui
permit pas de remplir.
Bibl. : Mém. de Saint-Simon. — Dalerac, Anecdotes
de Pologne ; Paris, 1700, in-12. — L. Farges, Rec. des ins-
tructions aux amb. de France en Pologne; Paris, 1888,
t. I, 2 vol. in-8.
FORZATE ou FORZATI (Claudio), poète italien, né à
Padoue vers 1550, mort vers 1610. Il est surtout connu
par une tragédie, Recinda (Venise, 4609, in-12), qui fut
fréquemment imprimée. De plus, il a laissé des Rime
(Padoue, 1585, in-12) et des poésies en patois padouan,
Scareggio tandarello (Padoue, 1583, in-4).
Bibl. : Colle, Storia scie ntifico-letter aria dello studio
di Padua ; Padoue, 1824-1825, in-4.
FOS — FOSCOLO
— 858 —
FOS. Corn, du dép. des Bouches-du-Rhône, arr. d'Aix,
cant. d'Esvres, entre l'étang de l'Estomac et le grand ma-
rais de la Basse-Crau, sur le golfe de Fos dans lequel
débouche le canal Saint-Louis; 4,464 hab. Fabrique de
produits chimiques. Ce village fut jusqu'au ixe siècle un
port important de la Méditerranée ; il fut ruiné à cette
époque par les ravages des Sarrazins. Vestiges de fortifi-
cations romaines sur lesquelles s'élève un château fort du
xive siècle. Eglise du xnr3 siècle (mon. hist.). Sur un ro-
cher en deçà du village s'élève une intéressante chapelle
romane (mon. hist.).
FOS. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr. de Saint-
Gaudens, cant. de Saint-Béat, sur la Garonne, située à
quelques kil. de la frontière, près du Pont -du- Roi ;
1,006 hab. Localité importante jusqu'à ces dernières an-
nées, grâce à la franchise douanière dont jouissaient les
habitants du Val d'Aran. Scieries importantes, filatures,
bureau de douanes. Restes d'un ancien château.
FOS. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Béziers, cant.
de Roujan ; 447 hab.
FOSBROKE (Thomas Dudley), archéologue et historien
anglais, né le 27 mai 4 770, mort à Walford le 4er janv.
4842. Il étudia à Saint-Paul's School à Londres, puis à
Pembroke Collège à Oxford. Curé de Horsley (Gloucester-
shire) en 4792, puis curé de Walford (Herefordshire) en
4840, et vicaire de la même paroisse en 4830, il consacra
toute sa vie à l'étude de l'archéologie et de l'histoire. Il
était devenu membre de la Société des Antiquaires en 4799.
Les deux ouvrages qui lui ont acquis la célébrité sont :
British Monachism (Londres, 4802, 2 vol. in-8 ; autres
éditions en 4817, in-4, et 4843, in-8), etYEncyclopœdia
of Antiquities (Londres, 4825, 2 vol. in-4, et 4840,
in-8). Citons parmi ses autres livres : Abstracts of
Records and mss. respecting the County of Gloucester
(Gloucester, 4807, 2 vol. in-4) ; Histonj of the City of
Gloucester (Londres, 4849, in-fol.). Il collabora au Gent-
lemaris Magazine et au Cabinet Cyclopœdia. M. P.
FOSGARARl (Egidio) (en latin Egidius Foscherarius) ,
théologien italien, né à Bologne le 27 janv. 4542, mort à
Rome le 23 déc. 4564. Dominicain, inquisiteur et prieur
du couvent de Bologne (4544), il devint évêquede Modène
et se fit remarquer par son intelligente charité. Soupçonné
d'hérésie, il fut quelque temps incarcéré au château Saint-
Ange, mais Pie IV le rendit à ses fonctions. Il prit une
part active au concile de Trente et fut l'un des membres de
la commission chargée de réformer le bréviaire romain que
devait promulguer Pie V. R. G.
Bibl. : G.-A. Burmaldi (Ovidio Montalbani), Minerva-
lia bononiensium civium, seu Bibliotheca bononiensis ;
Bologne, 1641, in-12.
F0SCAR1 (Francesco), doge de Venise, né vers 4372,
mort le 34 oct. 4457. Elu en 4423, à la mort de Tomaso
Mocenigo, il engagea presque aussitôt la république dans
une série de guerres inutiles et ruineuses, dont voici le
résumé : guerre contre le duc cle Milan, terminée par la
paix du 48 avr. 4427 ; reprise de la campagne en 4434,
défaite des Vénitiens qui condamnent à mort leur général,
Carmagnola (4432). Ce fut ensuite contre Bologne que se
tourna la manie guerroyante du doge, mais cette nouvelle
campagne, plus heureuse, aboutit en 4 444- à un traité qui
agrandissait provisoirement le territoire de Venise ; peu
après, Foscari s'empara encore de Ravenne, mais, par com-
pensation, le Soudan d'Egypte confisquait les possessions
vénitiennes en Orient. La guerre reprit bientôt (1443) et
- ne se termina, après diverses alternatives et le ravage de
toute l'Italie du Nord, que le 5 avr. 4454, par la paix de
Lodi. Venise connut alors et enfin le repos, mais les enne-
mis de Foscari profitèrent de la paix pour se débarrasser
de lui. Accusé, à tort probablement, de la mort de l'amiral
Pietro Loredano, il fut déposé par le conseil des Dix, à
l'instigation de Jacopo Loredano. R. G.
Bibl. : Sismondi, Histoire des républiques italiennes
du moyen âge; Paris, 1826, 16 vol. in-8.
FOSCARI (Francesco), diplomate vénitien, de la famille
du précédent, né le 30 déc. 4704, mort le 47 déc. 4790. Il
fut ambassadeur à Rome (4748), à Constantinople (4756),
à Vienne (4765), à Saint-Pétersbourg (4784). En même
temps, il cultivait et surtout protégeait les lettres ; il
contribua notamment à la publication de la Bibliotheca
Patrumàe Galland et du Thésaurus Antiquitatum sacra-
rum, R. G.
Bibl. : Solari, Elogio storico di Francesco Foscari ;
Venise, 1791, in-4.
FOSCARI NI (Michèle), historien italien, né à Venise en
4632, mort le 34 mai 4692. Après avoir rempli quelques
charges importantes dans l'Etat, il succéda en 4678 à Nani
comme historiographe de la république. L'ouvrage qu'il
écrivit en cette qualité a pour titre : Istoria délia Repub-
blica Veneta (Venise, 4696, in-4) ; il a, de plus, donné
deux nouvelles, imprimées dans les Novelle Amarose degli
Academici incogniti (Venise, 4654, in-4), et une édition
du Muséum illustrium Poetarum de Caramella, imprimé
à la suite de la Sacra Purpura (Venise, 4653, in-42).
Bibl. : Marco Foscarini, Délia Letteratura veneziana ;
Padoue, 1752, in-fol.
FOSCARI NI (Marco), doge et littérateur vénitien, né le
30 janv. 4696, mort le 34 mars 4763. Nommé historio-
graphe de la république, il résolut de composer une his-
toire littéraire de Venise, mais il n'en put rédiger que quatre
livres, au lieu de huit qu'il avait annoncés en livrant la
première partie de son œuvre à l'impression : Délia Let-
teratura veneziana libri otto (Padoue, 4752, in-fol.) .
Il ne fut doge que quelques mois (4762-4763). R. G.
Bikl. : Moschini, Délia letteratura veneziana del secolo
XVIII ; Venise, 1806-1808, in-4.
FOSCHl (Ferdinando), peintre de l'école bolonaise, qui
vivait dans le xvme siècle. Le Louvre possède de sa main
un Effet de neige qui n'est pas sans mérite. On connaît
deux autres peintres de ce nom : Sigismond, dont une
Vierge et quatre Saints sont conservés au musée de la
Bréra, à Milan, et Fra Salvator, élève de Vasari, et qui
l'aida à Rome dans ses travaux.
FOSCHl NI (Antonio), architecte et professeur d'archi-
tecture italien, né à Corfou en 4744, mort à Ferrare en
4843. D'une famille originaire de Ferrare, Foschini revint
fort jeune dans cette ville où il fut appelé à professer le
cours d'architecture civile et militaire à l'université. On
doit à cet architecte plusieurs édifices, parmi lesquels l'hô-
pital de Commachio, le théâtre de Ferrare et le grand
escalier de l'université de cette ville.
FOSCOLO (Ugo), célèbre poète italien, né à l'île de
Zante le 26 janv. 4778, mort à Turnham Green, près de
Londres, le 40 oct. 4827. Fils d'un Vénitien et d'une
Grecque, Diamanta Stathi. Sa mère, demeurée veuve, lui
donna les premières leçons, puis l'envoya compléter ses
études à Venise, d'abord, ensuite à l'université de Padoue.
Alfieri était alors le grand poète des jeunes gens épris à la
fois de stoïcisme et de patriotisme un peu mélodramatique ;
Foscolo écrivit sa tragédie alfiérienne, Tieste, qui fut jouée
avec quelque succès au théâtre Saint-Ange, à Venise, le
4 janv. 4797. La nouvelle république cisalpine l'attira ;
il se rendit à Milan, s'engagea dans la légion lombarde,
où il devint officier ; partageant le sort des armes françaises,
il subit le siège de Gênes. Sa tragédie, quelques vers heu-
reux avaient mis son nom en lumière ; le Discours à Bona-
parte augmenta singulièrement sa naissante importance ;
enfin, en "4 802, parurent les Ultime Lettere di Jacopo
Ortis dont le succès fut européen. Ici s'interrompt sa car-
rière militaire ; après avoir fait partie du contingent italien
réuni à Calais et à Saint-Omer pour l'expédition d'Angle-
terre, il revint à Milan, puis se retira, afin de se livrer à
l'étude, dans une petite campagne près de Brescia. C'est
là que le vice-roi d'Italie, qui avouait de l'estime pour les
poètes et surtout pour Foscolo, vint le chercher pour lui
offrir la chaire d'éloquence à l'université de Padoue (4808).
Il eut, comme professeur, le plus vif succès parmi la jeu-
nesse, mais l'admirateur de Bonaparte n'avait jamais pu
admettre Napoléon ; il le laissa entendre et on le pria de
859 -
FOSCOLO — FOSS
se taire. Il dut quitter non seulement sa chaire, mais même
la Lombardie et il s'exila encore une fois à la campagne,
non loin de- Florence. A la chute de Napoléon, il reprit
momentanément du service, mais son caractère trop indé-
pendant ne pouvait s'accommoder à l'esprit de réaction qui
s'élevait en Italie ; il disparut, passa à Zurich, puis à
Londres. Il vécut d'abord très facilement en Angleterre,
grâce 4 un cours public de littérature italienne qu'il avait
ouvert et où il fut de mode de courir, mais l'indifférence
succéda à l'enthousiasme et ce fut la gêne, presque la
misère. Il mourut hydropique à quarante-neuf ans.
M. Carducci a dit de la poésie de Foscolo : « C'est la
seule poésie lyrique, de lyrisme pindarique, que possède
l'Italie. » Je croîs bien que si Foscolo émeut si fortement
les poètes et les lettrés italiens d'aujourd'hui, ou d'hier,
c'est par son patriotisme encore plus que par son génie,
car ce génie, qu'il soit pindarique si l'on veut, est singu-
lièrement fermé à qui n'appartient pas à la tradition patrio-
tique et classique italienne. Sans doute il est supérieur aux
poètes de son temps, au médiocre Pindemonte, au suranné
Monti, au sentencieux Alfieri, mais il est de ce temps et il
est mythologique et faux comme la fausse mythologie que
le romantisme allemand devait vaincre à tout jamais. Ainsi,
dans les Sepolcri, les seuls vers de Foscolo restés vivants,
l'émotion que pourrait donner l'agréable mélancolie du
poème est mise en déroute par l'armée des Dieux et des
Héros homériques qui surgissent on ne sait pourquoi à
propos d'une tombe abandonnée. Et puis, vraiment, cela
manque d'originalité : ce sont, traduits en italien, en une
fort belle langue, d'ailleurs, des centons de Lucrèce, de
Térence, de Virgile, d'Homère, de Tibulle, etc. C'était la
mode, soit ; mais si Foscolo avait été un grand poète, il
aurait innové ; il est simplement le dernier des bons poètes
classiques. — Quant à son Jacopo Ortis, apologie du sui-
cide patriotique, transposition romanesque des durs héros
d'Alfieri, histoire d'amour en même temps, ce recueil de
lettres passionnées, mais froides, n'a plus qu'un intérêt
historique et de psychologie rétrospective; c'est encore
beaucoup, mais une œuvre n'existe que par ce qu'elle con-
tient de permanent, d'éternellement humain, et Jacopo
Ortis ne représente que le plus factice et le plus passager
des états d'âme ; en ce genre, Werther suffit. — Poète et
écrivain imaginatif, Foscolo fut aussi un littérateur, un
érudit, un bon commentateur des textes, bien dans la tra-
dition florentine, c.-à-d. un peu rhéteur ; il fut encore un
grand amoureux, d'innombrables lettres en témoignent ; il
fut enfin le plus désintéressé des citoyens, le plus inflexible
des raisonneurs. Il voulait le bien de l'Italie, mais la notion
de ce bien demeura toujours imprécise dans son esprit. En
littérature comme en politique, homme des bonnes et par-
fois des grandes intentions, Foscolo n'a peut-être rempli,
par la faute de son caractère inquiet, que la moitié de sa
destinée ; cela suffit pour cpi'il garde, malgré tout, une
importante place dans l'histoire des vicissitudes de la litté-
rature italienne.
Voici l'indication des meilleures éditions de ses différents
ouvrages ; les manuscrits sont presque tous conservés à la
Bibliothèque nationale de Florence, en 12 vol. dont la Cul-
turel du 45 janv. 1885 a publié la table : Dei Sepolcri,
carme (éd. U. A. Canello, Padoue, 1883, in-8 ; éd.
F. Trevisan, Vérone, 1883, in-42) ; Le Poésie (éd.Biagi,
Florence, 1883, in-64; éd. G. Mestica, con riscontri su
lutte le stampe; Florence, 1880, in-16, et 1884, 2 vol.
in-64; éd. G. Chiarini, edizione critica, Livourne, 1882,
in-8) ; Lettere di Jacopo Ortis (Florence, 1858, in-42) ;
Prose letterarie (Florence, 1860, 4 vol. in-42); Prose
politiche (Florence, 1850, in-42) ; Epistolario (Flo-
rence, 1854, 3 vol. in-42) ; Saggi di critica storico-let-
teraria, tradotti dalVinglese, éd. Orlandini et Mayer
(Florence, 4859, in-42) ; Lettere amorose ad Antonietta
Fagnani, éd. G. Mestica (Florence, 1884, in-16). —
La bibliographie foscolienne, foscoliana, comme disent
les Italiens, est déjà immense ; considéré tel qu'un clas-
sique, Foscolo a été étudié, commenté à l'infini ; parmi les
documents qui le concernent, nous avons choisi les plus
importants et les plus récents. R. de Gourmont.
Bibl. : G. Pecchio, Vita di Ugo Foscolo ; Lugano, 1830.
— G. Caleffi, Cenni sulla vita, la persona, il carattere e
le opère di Ugo Foscolo, en tête des Opère scelte; Fiesole,
1835. — Etienne, Ugo Foscolo, dans Revue des Deux
Mondes, 1er sept. 1854. — G. Carducci, Bozzetti critici e
discorsi letterarii ; Livourne, 1876. — Antona-Traversi,
Di un Amore di Ugo Foscolo con tre bigliettini amorosi
inediti; Milan, 1880.— C. Gemellï, Délia Vita e délie opère
di Ugo Foscolo; Bologne, 1881. — Martinetti, Délie
Guerre letterarii contro U. Foscolo; Turin, 1881. — G.
Chiarini, I Sepolcri di U. Foscolo, dans Nuova Antolo-
gia, 1882, t. IL— F.-C. Buggiani, Sui Sepolcri di U. Fos-
colo ; Cagliari, 1882. — Pietro di Colloredo Mels, Note
e impressioni ricavate dalle opère di U. Foscolo; Flo-
rence, 1883. — Martinetti, Documenti délia vita militare
di U. Foscolo ; Turin, 1883.— Antona-Traversi, Ugo Fos-
colo academico, dans Fanfulla délia Domenica ;*Rome,
20 avr. 1884. — F. Gilbert de Winckels, Ugo Foscolo nella
rivoluzione democratica di Venezia net 1Î91, dans Prelu-
dio; Ancône, 30 août 1884.— Antona-Traversi, La Vera
storia dei Sepolcri di Foscolo; Milan, 1884. — Du même
et Martinetti, Dei Sepolcri di Foscolo ; Rome, 1884. —
P. Pavesio, Critici ed edilori délie opère di U. Foscolo ;
Rome, 1884. — Antona-Traversi, Studi su U. Foscolo,
con documenti inediti ; Milan, 1884. — Du même et Dorae-
nico Blanchi, U. Foscolo nella famiglia, con lettere e docu-
menti inediti e un appendice di cose inédite o rare ; Milan,
1884. — Una Leltera médita di Foscolo a Andréa Calbo,
dans Nuova Antologia,lh juil. 1884. — Chiarini, Il Secondo
Delitto di U. Foscolo {ibid., 15 mars 1885). — Pietro Gori,
Bibliografia Foscoliana ; Florence, 1886.— Achille Neri,
Minuzie Montiane e Foscoliane, dans Gazzetta letteraria,
6 juin 1891 et 6 juil. 1892. — G. Chiarini, Gli Amori di U.
Foscolo nelle sue lettere ; Bologne, 1892, 2 vol. in-8. —
F. Gilbert de Winckels, Vita di Ugo Foscolo, con prefa-
zione dei cav. prof. F. Trevisan ; Vérone, 1892, 2 vol. in-8.
F0SF0R1STER ou PHOSPHORISTES. Nom que l'on
donne aux romantiques suédois ou adeptes de la Nouvelle
Ecole (Nya Skolan), d'après leur organe, le périodique
Phosphoros (1840-43).
FOSS (Anders), érudit dano-norvégien, né en 4543,
mort le 25 janv. 4607. Après avoir voyagé en Allemagne,
en France et en Hollande, il fut recteur de l'école d'Ant-
vorskov (Sélande), pasteur à Stege, enfin évêque de Ber-
gen (4583). Il publia : Genealogia regum Daniœ etNor-
vegiœ (Copenhague, 4582, in-8; en danois, par Jacob
Matson,4592, in-fol.). Dans sa Censura de Saxone Gram-
matico, il fut le premier érudit de son pays qui fit preuve
d'un grand sens critique. Il laissa en manuscrit un Cata-
logue des écrivains qui ont traité du Danemark et
4 vol. d'Annales. B-s.
FOSS (Edward), publiciste anglais, né à Londres le
46 oct. 4787, mort à Londres le 27 juil. 4870. Solicitor
à Londres de 4844 à 4840, directeur de la Law Life
Assurance Society, il collabora de bonne heure à la Monthly
Review, au London Magazine, au Morning Chronicle
et autres périodiques, publia des études archéologiques
qui le firent élire membre de la Société des antiquaires en
4822, devint membre de la Société royale de littérature
en 4837 et de la Camden Society en 4850. Citons parmi
ses ouvrages de jurisprudence : The Beauties of Massin-
ger (4847), un abrégé des Commentaires de Blackstone
(4820) ; The Grandeur of the Law (4843) ; Judges
of Enqland (4848-4864, 9 vol.) ; Tabulas curiales,
(4865)", etc. R. S.
FOSS (Herman-Henrik), homme politique et écrivain
norvégien, né à Bergen le 47 sept. 4790, mort à Aker le
24 sept. 4853. Entré dans l'armée danoise en 4809, il con-
tinua de servir en Norvège (4843), jusqu'au grade de lieu-
tenant-colonel (4843). De 4827 à 4845, il fit partie du
Storthing, dont il présida constamment l'Odelsthing à par-
tir de 4833 et fut chef du département de la marine du
22 mars 1845 au 46 oct. 4848. Ses mérites patriotiques
lui avaient procuré une autorité dont il usa avec succès,
comme médiateur dans la querelle littéraire de Welhaven
et de Wergeland, à laquelle mit fin son poème des Parques
{Tidsnornerne ; Christiania, 4835). Il donna une traduc-
tion réussie de h Frithjofs sag a àeTegnèr (Bergen, iS%);
des traductions d'ouvrages de Walter Scott ; une Descrip-
FOSS — FOSSE
- 860 -
tion de Bergen, avec L. Sagen(4824) ; diverses brochures
militaires et politiques ; enfin des articles dans des pério-
diques, notamment dans le Spectateur norvégien de Ber-
gen, qu'il édita avec C.-M. Falsen et J. Rein, de 4817 à
4821. B-s.
FOSS (Frithjof), écrivain norvégien, né à Arendal en
4830. Après avoir été avoué dans sa ville natale (4859) et
à Christiania (4864), journaliste, agent d'affaires en Fin-
lande (4872-79), chargé par le gouvernement de la Grande-
Principauté d'une mission économique en Angleterre (4 879-
84), il est maître de langues et publiciste à Christiania.
Sous le pseudonyme d'Israël Dehn, il a écrit d'un style
facile des Esquisses de Londres (Christiania, 4 862) et
une dizaine de nouvelles. On lui doit encore : Norvegian
Grammar (4858); Manuel commercial de la Grande-
Principauté de Finlande (Âbo, 4878-79, 3fasc.);itop-
port sur l'Exposition norvégienne de 1883 (4884).
FOSS (Harald-Frederik), paysagiste danois, né à Fre-
dericia le 24 août 4843. Ancien élève de l'Académie des
beaux-arts de Copenhague, il expose depuis 4865 des pay-
sages parmi lesquels on remarque surtout ceux qui repré-
sentent les landes du Jutland. B-s.
FOSSA, poète italien de la fin du xve siècle, né à Cré-
mone. Il est Fauteur d'un roman de chevalerie en vers,
qui eut plus d'un siècle de succès : Libri novo de lo in-
comenciamento de Galvano (Milan, vers 4500, in-4;
une autre édition date de 4607).
Bibl. : G. Melzi, Bibliografia ciel romanzi e poemi ca-
vallereschi italiani ; Milan, 1838, gr. in-8.
FOSSA NO. Ville d'Italie, de la prov. et du circondario
de Coni (Cuneo), Piémont, sur la Stura, affluent de la rive
gauche du Tanaro; -1 8,340 hab. Elle est située à 377 m.
d'alt. à la jonction des routes de Mondovi et de Coni sur
Turin. Sa position stratégique explique l'existence de ses
anciens remparts et de son château, où le brave La Roche
du Maine fut obligé de capituler en 4536, après une belle
résistance contre les troupes de Charles-Quint. Fossano a
une industrie assez prospère (draps, soieries, papeteries).
FOSSANO (V. Borgognone).
FOSS AT (Le). Ch.-i. de cant. du dép. de l'Ariège, arr.
de Pamiers; 956 hab.
FOSS ATI (Giovanni-Francesco), historien italien, né à
Milan vers 4590, mort en 4653. Bénédictin et évèque de
Tortone, il faisait également partie sous le nom d'Assi-
curato de l'Académie des Animosi. Son principal ouvrage
a pour titre : Memorie istoriche délie guérite dltalia
del secolo présente dalV anno 1600 (Milan, 4640, in-4).
Bibl. : Argelati, Bibliotheca scriptorum mediolanen-
sium ; Milan, 1745, 4 vol. in-fol.
FOSSATO (Davide- Antonio), peintre et graveur italien,
né à Morco, dans le Tessin, en 4720, mort à Venise vers
4780. Elève du P. Vincenzo Mariotti, il aida ensuite Daniel
Gran aux fresques de la villa Cornaro, puis à la décoration
de la bibliothèque impériale de Vienne. Le palais Conta-
rini à Venise possède de lui plusieurs fresques. On lui doit
encore des eaux-fortes, représentant : vingt-quatre Vues
de Venise et de ses environs ; la Famille de Darius aux
pieds d'Alexandre, Jupiter et les Vices, la Vocation de
saint Pierre, d'après Paul Véronèse. G. P-i.
FOSSE. I. Technologie. — Cavité pratiquée dans le
sol pour servir à divers usages : fosse à chaux, trou dans
lequel se conserve la chaux éteinte; espace entouré de
murs au milieu duquel le fondeur place l'objet à fondre ;
cuve du tanneur pour y mettre le cuir imbibé ; cavité pra-
tiquée au-devant du balancier où se frappent les mon-
naies; fosse à piquer le feu, longue cavité établie dans
une gare, entre les rails, et dans laquelle le mécanicien
peut descendre pour piquer le feu, vérifier les pièces de la
machine et au besoin faire les petites réparations ; fosse à
purin, établie dans la cour des fermes pour recueillir les
eaux des fumiers. L. K.
II. Mines (V. Mines).
III. Administration. — Fosse commune. — On
appelle ainsi, dans les cimetières, les tranchées où sont
inhumés les morts pour lesquels on n'a point payé de con-
cession. Depuis l'ordonnance de police de 4850, les cer-
cueils ne sont plus placés les uns sur les autres, mais côte
à côte. Les tranchées sont ouvertes tous les cinq ans et
leur emplacement sert à l'inhumation de nouveaux morts
(V. Cimetière). Dans quelques circonstances exceptionnelles
(choléra, guerre civile), on a enterré directement les cada-
vres, pêle-mêle dans la fosse commune en les noyant dans
la chaux.
IV. Construction. — Fosse d'aisances. — Réceptacle
disposé au sous-sol, dans les habitations, pour emmaga-
siner provisoirement les matières fécales, amenées des
étages supérieurs par une canalisation spéciale. On distingue
les fosses fixes et les fosses mobiles. Les premières sont des
espèces de réservoirs ou citernes établis dans la hauteur
de l'étage des caves, soit sous la maison, soit à l'extérieur,
mais attenant à l'un des mm s de fondation. Ces fosses peu-
vent donner lieu à des infiltra lions de matières éminem-
ment fermentescibles, susceptibl- s de corrompre les eaux
des puits plus ou moins éloignés, de déterminer la formation
de salpêtre sur les murs voisins, démettre des gaz qui
attaquent l'odorat et compromettent la santé publique.
Aussi la construction de ces réceptacles est-elle soumise
à des règlements administratifs. En vertu des ordonnances
de police du 23 oct. 4849 et du 4er déc. 4853, il est inter-
dit, à Paris et dans les communes avoisinantes, d'employer
comme fosses les puits, puisards, égouts et carrières aban-
données. Ces fosses doivent être construites en pierre meu-
lière et en mortier de chaux maigre avec enduit lissé à la
truelle, être voûtées en plein cintre avec 2 m. de hauteur
sous clef. Il est prescrit de faire le fond en forme de cuvette,
de pratiquer une ouverture d'extraction de 4 m. sur 0m65,
de donner au tuyau de chute au moins 0m25 de diamètre
s'il est en terre cuite et 0m20 s'il est en fonte, d'établir
parallèlement un tuyau d'évent de 0m2o au moins de dia-
mètre, élevé jusqu'à la hauteur des souches de cheminée.
Il est défendu de faire dans les fosses des compartiments,
piliers apparents ou angles rentrants. A ces prescriptions,
nous ajouterons que l'emplacement de ces réservoirs doit
être choisi de manière à rendre l'opération de la vidange
le moins incommode possible. Toutefois, ces dispositions ne
peuvent faire disparaître les inconvénients des réactions
chimiques auxquelles donnent lieu le contact prolongé des
matières et d'où résulte la production do gaz méphitiques
et explosibles. On a donc cherché à changer le système des
fosses fixes. On sait que dans beaucoup de localités les ma-
tières fécales sont reçues dans des tonneaux ou des baquets
• que l'on va vider dans la campagne, où leur contenu est
très recherché comme engrais. C'est ce système régularisé
et perfectionné que l'on s'est efforcé de substituer à l'an-
cien. Dans les fosses dites mobiles sont placés des récipients
appelés tinettes, auxquels aboutit le tuyau de chute et où
la séparation des matières se fait automatiquement. A Pa-
ris, dans les rues pourvues d'égouts, les liquides sont éva-
cués à la conduite publique à l'aide d'un branchement par-
ticulier mis en communication avec la tinette par une
canalisation en fonte. Les solides restent dans les tonneaux
qu'on enlève quand ils sont trop pleins et que l'on rem-
place par des récipients vides. La fosse même est un caveau
de petites dimensions pris dans la hauteur des caves et
aménagé d'une façon spéciale (V. Latrines et Vidange).
L. Knab.
Hygiène. Les dépôts de matières fécales dans le sous-
sol des habitations exercent une influence capitale au point
de vue de la salubrité, de la propagation des maladies et
de la mortalité des habitants. Un adulte rejette de 4,400
à 4,500 gr. de matières excrémentitielle s par jour, dont
4,200 à 4,300 gr. d'urines, 420 à 200 gr. de matières
fécales ; donc, une collectivité de 4,000 hommes rejette
par jour de 4,400 à 4,500 kilogr. et par an de 544,000
à 547,500 kilogr. de ces matières, qui, mélangées les unes
avec les autres, entrent en fermentation et donnent des
torrents de gaz ammoniacaux ou de gaz hydrocarbonés,
— 861 —
FOSSE — FOSSÉ
fétides et éminemment dangereux. De plus, elles déter-
minent des infiltrations dans le sol, le pénètrent de pro-
duits fermentescibles et de micro-organismes sortis souvent
des corps malades, et contaminent les cours d'eau, puits,
conduits voisins. On a retrouvé la bacille d'Eberth dans des
puits attenant à des fosses mal construites ; j'ai vu des
angines graves frapper les habitants d'une maison dont les
fosses exhalaient une odeur infecte ; les cas cessèrent avec
la mauvaise odeur. Dans les fosses, il y a diminution con-
sidérable de l'oxygène et production d'acide sulthydrique et
de sulfhydrate d'ammoniaque ; aussi les vidangeurs sont-ils
exposés à la mitte, irritation de la conjonctive et de la
muqueuse nasale. Le plomb désigne des accidents plus
graves. S'il y a simplement absence d'oxygène, les ouvriers
peuvent s'asphyxier, mais au contact de l'air ils reprennent
vite connaissance. Dans l'empoisonnement par l'acide sulfhy-
drique, on remarque des phénomènes nerveux spéciaux,
parfois débutant brusquement et toujours caractérisés par
une grande excitation.
Le méphitisme des fosses d'aisance est favorisé par la
chaleur, le séjour prolongé des matières, la mauvaise cons-
truction, la profondeur des fosses. L'hygiène la plus élé-
mentaire indique donc, qu'il faut abandonner les fosses
fixes, le séjour des matières dans notre sous-sol étant un
danger permanent. Si l'on ne peut pas y arriver partout,
il convient de pratiquer le « tout à l'égout », qui chasse
hors de nos demeures les produits toxiques éliminés par
notre corps. Le système séparateur ou diviseur est un
terme moyen qui consiste à pousser à l'égout les matières
liquides, en conservant les matières solides dans les fosses.
L'indication en est urgente, car les urines renferment les
douze treizièmes de l'azote de toutes les matières usées, et
l'on peut dire que ce liquide a, pour cultiver les microbes,
douze chances sur treize qu'en ont les matières réunies. Ce
système sera un pis-aller si l'on est obligé de conserver
les fosses que l'on désinfectera à outrance, une ventilation
puissante étant à la tête des procédés de désinfection.
Il faudra aussi interrompre par une valvule mobile la
communication entre la cuvette et le tuyau de chute, enfin
irriguer largement la fosse, d'une façon permanente ou
intermittente. En définitive, avec les fosses fixes, l'étan-
chéité, la ventilation, 1a substitution de sièges avec cuvettes
à siphons et soupapes aux anciens trous à la turque laissant
dégager les émanations délétères qui montent de la fosse,
sont des nécessités qui s'imposent. Dans ces siphons,* il
reste toujours une colonne d'eau suffisante pour empêcher
le reflux des gaz d'en bas à l'air libre. Une chasse d'eau
automatique ou provoquée de 10 litres après chaque séance
suffit pour supprimer toute odeur. Mais il ne faut pas ou-
blier que les fosses mobiles sont ce qui convient le mieux.
Dans ce système, une série de tinettes en tôle est déposée
dans le sous-sol; à l'intérieur de ces récipients s'exonèrent
les habitants delà maison. Tous les matins, les tinettes sont
emportées et remplacées par de nouvelles. Les tinettes Goux,
en usage dans nos casernes, ont diminué pour leur part les
chances d'infection typhoïdique de nos soldats. Elles sont
préalablement remplies de paille hachée, de terre ou d'écorce
de tan, de tourbe ; aucune odeur ne s'en dégage.
La désinfection des fosses d'aisance fixe doit se faire
d'une façon régulière ; le lait de chaux à 20 °/0 est un bon
agent de désinfection journalier, mais il en faut une grande
quantité. L'huile lourde de houille, en petite proportion,
constitue un excellent procédé de désodorisation. Une solu-
tion aqueuse de sulfate de fer à raison de 25 gr. par homme
et par jour ; le crésyl (créoline), à 5 et à 20 %, sont de
puissants moyens de neutralisation des miasmes des fosses
d'aisance. La vidange d'une fosse fixe ne se fera pas sans
qu'elle soit restée ouverte au moins pendant douze heures ;
avant l'opération, on constatera qu'une chandelle allumée
peut y brûler ; on versera sur les matières de l'eau de
chaux, du chlorure de calcium, des poudres absorbantes
(charbon, cendres, terre végétale). Le système de vidange
pneumatique est le dernier mot du progrès. Dr A. Coustan.
V. Anatomie. — Fosse iliaque (V. Iliaque).
Fosse nasale (V. Nez).
Fosse orbitaire (V. Crâne).
FOSSÉ. I. Technologie. — Fosse prolongée, creusée le
long d'une grande route ou des terres et destinée à servir
de limite ou d'écoulement des eaux. Leur construction, qui
doit toujours être soignée, dépend de la nature du sol ; si
la terre est compacte, argileuse, on donne à la paroi inté-
rieure une inclinaison de 45° ; si elle est sablonneuse, mo-
bile, la pente doit être plus douce. Les dimensions du fossé
dépendent de sa destination, et son entretien est l'une des
conditions essentielles de sa conservation ; un curage pério-
dique et le gazonnement augmentent la durée des fossés et
diminuent les frais d'entretien ; en outre, des haies vives
maintiennent les terres de la berge et consolident les
parois. L. K.
II. Fortification. — Excavation pratiquée en avant du
parapet des ouvrages ou retranchements de manière à cons-
tituer un obstacle suffisant à l'escalade et à fournir les
terres nécessaires au remblai. Lorsque le fossé est placé
en arrière du parapet, il porte le nom de tranchée (V. ce
mot), car alors il ne forme pas d'obstacle, mais sert à cou-
vrir les défenseurs et à fournir tout ou partie des terres
du remblai. On distingue dans tout fossé Yescarpe, la
contrescarpe (V. ces mots), le fond ou plafond et le haut
ou partie supérieure. Les fossés sont dits revêtus lorsque
leurs talus d'escarpe ou de contrescarpe sont recouverts en
maçonnerie ayant pour objet de tenir leurs parois plus
raides. On admet que pour constituer un obstacle suffi-
sant, le fossé des ouvrages de campagne doit avoir au mi-
nimum 4 m. de largeur à la partie supérieure et lm90 à
2 m. de profondeur. On aura rarement à dépasser cette
largeur et on n'a pas intérêt à aller au delà de 5 à 6 m.
dans ce sens. Si l'on a du temps ou si l'on a besoin de
terre, il est préférable d'augmenter la profondeur que l'on
ne doit pas porter au delà de 3mo0, à cause des difficultés
de construction ou de la nature du sol. Avec la profondeur
de 2 m., l'assaillant peut sauter dans le fossé, mais il ne
lui sera pas facile d'en sortir si l'ouvrage est bien flanqué
et bien défendu. Dans la fortification permanente (V. ce
mot), l'obstacle doit être constitué aussi solidement que pos-
sible, c.-à-d. que la largeur et la profondeur du fossé sont
plus grandes et que ses talus sont en général revêtus. Il y
a lieu, dans cette fortification, de distinguer: l°les fossés
secs; 2° les fossés pleins d'eau (inondés) ; 3° les fossés à
manœuvre d'eau (à écluses), c.-à-d. qui peuvent à volonté
être rendus secs ou pleins d'eau. Il faut que l'obstacle ma-
tériel constitué par le fossé soit assez large et assez pro-
fond pour qu'il ne soit possible de le franchir dans aucun
sens sans le secours d'engins particuliers (échelles ou
ponts-échelles), de manière à empêcher l'escalade ou la
surprise même après un bombardement préalable.
Fossés secs, La largeur est déterminée par la condi-
tion de couvrir l'escarpe contre le tir plongeant, tout au
moins de manière qu'on ne puisse y faire une brèche prati-
cable dans un temps relativement court. Pour cela il faut
que la pente de la ligne qui, dans le profil, joint la crête
couvrante (du chemin couvert ou du glacis) au point à cou-
vrir (sommet de l'escarpe) soit environ celle du quart
(V. Défilement). En effet, on a reconnu, théoriquement et
pratiquement, que sous une inclinaison (angle de chute)
variant du 4/4 au 1/fi, les projectiles qui viendront atteindre
la crête ou toute autre partie de l'escarpe n'auront plus la
force vive restante (8,000 kilogrammètres) nécessaire pour
détruire les maçonneries. On peut encore augmenter cette
protection, soit en diminuant la distance horizontale qui
sépare la crête couvrante de la magistrale, c.-à-d. en ré-
trécissant le fossé, en diminuant ou en supprimant le che-
min couvert, soit en augmentant la différence de niveau de
ces deux lignes, en approfondissant le fossé, en diminuant
la hauteur d'escarpe ou en exhaussant la crête du glacis.
Ces cinq éléments peuvent varier dans des limites, dont
l'examen a conduit aux considérations pratiques suivantes.
FOSSÉ
- 862
La largeur du fossé qui, autrefois, était en moyenne de
30 m., avait l'inconvénient de laisser exposée aux vues la
plus grande partie de l'escarpe, qui pouvait ainsi être dé-
truite de loin à peu de distance de son pied par le tir plon-
geant. Mais elle peut être actuellement ramenée à 12 m.
en haut au minimum, en raison de l'efficacité procurée au
flanquement par les armes à tir rapide et les canons-revol-
vers. Cependant, pour quelques fossés secondaires, elle a
été réduite souvent à 8 m., mais il y aurait danger à
descendre au-dessous, comme on l'a fait quelquefois^ Il a
été dit, en parlant de l'escarpe et de la contrescarpe, que,
pour augmenter la valeur de l'obstacle, il y a lieu de rai-
dir la pente de ces talus au moyen de revêtements en ma-
çonnerie ; dans bien des cas, pour les fossés peu exposés
ou pour des raisons d'économie, on se contente de ne revêtir
que la contrescarpe.
La profondeur du fossé ne variait guère autrefois qu'entre
5 et 6 m.; elle pourra être augmentée aujourd'hui et portée
à 7 ou 8 m., et même, tout à fait exceptionnellement, à
10 m., car il ne faut pas perdre de vue qu'une grande
profondeur accroît sérieusement la difficulté des transports
verticaux des déblais. La hauteur de l'escarpe ne devra
jamais être inférieure à 6 m., pour que l'escalade n'en
soit pas possible, même à des hommes isolés.
La contrescarpe, qui est mieux couverte, peut être plus
élevée que l'escarpe, mais sans avoir, en principe, plus de
7 m., à moins que, le chemin couvert étant supprimé, on
ne surmonte son revêtement d'une murette de 2 à 3 m.
A moins que les fonds de fossés ne soient perméables, il y
a lieu d'empêcher les eaux d'y séjourner, ce qui conduit à
y organiser une cunette (V. ce mot) qui recueille les eaux
pluviales au moyen de légères pentes transversales (0m20
à 0m30). Une pente générale de ces fonds dans le sens lon-
gitudinal, ou tout au moins une pente du fond de la cu-
nette, sert à l'écoulement général des eaux. Dans quelques
cas très rares, le fossé peut être supprimé et remplacé par
des obstacles naturels, tels que cours d'eaux larges et pro-
fonds, escarpements très raides, etc. Actuellement, l'obs-
tacle des ouvrages de fortification permanente est constituée
par un fossé dont l'escarpe est tenue à terre coulante, avec
une grille en fer à son pied. La contrescarpe est en prin-
cipe revêtue en maçonnerie de béton, dans l'intérieur de
laquelle on ménage généralement un couloir voûté. Dans
certains cas, le fossé peut avoir un profil triangulaire
(V. ce mot), c.-à-d. que la plongée du parapet est prolongée
en forme de glacis jusqu'au fond du fossé qui a alors une
contrescarpe généralement en béton précédée par une grille
en fer. Dans la fortification provisoire (V. ce mot), la
profondeur du fossé sera de 4 à 5 m. au plus, et les es-
carpes ou contrescarpes qu'il ne sera pas possible de revêtir
seront tenues aussi raides que possible.
Fossés pleins d'eau. Des fossés inondés sur une pro-
fondeur de 2 m. constituent un obstacle suffisant lorsqu'ils
ont une largeur de 10 m. au moins. Mais celle-ci est
portée jusqu'à 40 et 50 m. pour augmenter la valeur de
l'obstacle, fournir des déblais en quantité suffisante et
arriver à battre complètement la contrescarpe. Il est inu-
tile de revêtir les escarpes et contrescarpes lorsqu'on n'a
pas à craindre la gelée ; d'ailleurs, on dispose actuellement
de moyens suffisants pour briser facilement la glace qui
viendrait à se former. Il faut prévoir au besoin les moyens
de s'opposer à un débarquement à l'aide de bateaux, s'il
était possible à l'ennemi d'essayer d'employer ce moyen de
franchir les fossés. Dans tous les cas, on creusera une cu-
nette de 4 m. au moins de largeur au milieu du fossé pour
servir à curer celui-ci et maintenir l'obstacle si le niveau
de l'eau venait à baisser.
Fossés à manœuvres d'eau. Au moyen d'écluses, on
obtient des fossés qui peuvent à volonté être rendus secs
ou inondés. Ils présentent par suite les avantages des fossés
pleins d'eau sans en avoir les inconvénients, mais leur or-
ganisation est assez compliquée et exige des conditions par-
ticulières. Les dispositifs nécessaires en pareil cas sont :
1° une écluse de chasse ou des barrages servant à faire
monter l'eau; 2° des écluses d'entrée et de fuite per-
mettant de remplir ou de vider les fossés pouvant recevoir
l'eau du barrage. Ces dernières sont dites écluses de ma-
nœuvres lorsque, au moyen de plusieurs déversoirs pa-
rallèles, elles peuvent être utilisées à la fois comme écluse
d'entrée et comme écluse de fuite. En manœuvrant conve-
nablement ces diverses écluses, on obtient dans les fossés
une chasse d'eau assez puissante pour détruire tous les
travaux que l'assiégeant aurait pu y exécuter. Dans tous
les cas, il sera très difficile à ce dernier de faire des
travaux d'approche dans un terrain détrempé par une
inondation. Dans les places à forts détachés, les inonda-
tions ne peuvent avoir de valeur sérieuse que lorsqu'elles
peuvent couvrir à la fois le corps de place et les forts.
Cependant, il sera toujours utile d'employer ce moyen dans
la mesure du possible devant une place assiégée. Il est
d'ailleurs fort important d'arriver à protéger convenable-
ment les écluses contre les vues et les coups, puisque sans
cette protection la manœuvre ne pourrait s'effectuer.
Fossé diamant. Un fossé diamant sert à mettre à l'abri
des coups de main les faces des caponnières de flanque-
ment (V. Diamant, t. XIV, p. 439).
Fossés existants. Les fossés pleins d'eau, les canaux,
les ruisseaux constituent un obstacle naturel qu'on peut
rendre défensif en organisant un couvert en arrière. Ce
couvert sera le plus souvent une tranchée-abri (V. ce
mot) . Les fossés des routes peuvent facilement être orga-
nisés comme obstacles. Lorsque leur profondeur est infé-
rieure à 1 m., on les transforme en tranchées-abris. De
1 m. à lm30 de profondeur, on se borne à raidir les talus
s'il est nécessaire. Avec une profondeur plus grande, on
taille à hauteur convenable une banquette pour les ti-
reurs.
III. Droit civil. —Un fossé est un espace de terrain
creusé en long pour clore et renfermer un héritage ou
pour servir à l'écoulement des eaux pluviales. Le code civil,
dans ses art. 666 à 669, s'occupe des fossés à propos de
la mitoyenneté. Le fossé mitoyen est celui qui appartient
en commun aux propriétaires des héritages entre lesquels
il se trouve. La mitoyenneté d'un fossé peut résulter de
deux causes : soit de sa construction à frais communs par
les propriétaires voisins, soit de l'acquisition que l'un d'eux
a faite de la mitoyenneté quand l'autre avait creusé le
fossé^ et le possédait exclusivement. Mais la cession de
la mitoyenneté d'un fossé n'est pas obligatoire comme la
cession de la mitoyenneté d'un mur : effectivement, si
l'intérêt public exige que le propriétaire d'un mur sépa-
ratif de deux héritages puisse être contraint d'en céder
la copropriété, afin d'éviter les frais qu'entraînerait
la construction d'un nouveau mur, il n'en est pas de
même par rapport au fossé établi entre deux héritages :
on ne peut pas obliger le propriétaire qui le possède
exclusivement à faire abandon d'une partie de son droit
au profit du voisin, parce que celui-ci peut, à très, peu de
frais, établir un nouveau fossé sur ses fonds, s'il veut les
clore de cette manière. En principe, la mitoyenneté ou la
non-mitoyenneté d'un fossé se prouve par titre, c.-à-d.
par acte, sous seing privé ou authentique, qui constate
que le fossé a été creusé à frais communs ou que la mi-
toyenneté a été acquise par celui des deux voisins qui n'a
pas contribué à le creuser. S'il n'existe pas de titre,
quelles sont les présomptions de mitoyenneté ou de non-
mitoyenneté d'un fossé ? La mitoyenneté d'un fossé est
présumée par la loi d'une façon beaucoup plus large que
toute autre. Un fossé est présumé mitoyen par le seul fait
qu'il est placé entre deux héritages. Il en est ainsi alors
même que l'un de ces héritages se trouve en état complet
de clôture, et que l'autre n'est clos que du côté où existe
le fossé : en effet, un fossé n'a pas seulement pour objet
la clôture, mais encore l'écoulement des eaux. Au con-
traire, un fossé est présumé non mitoyen lorsque la levée
ou le rejet de la terre se trouve d'un seul côté du fossé :
- 863 -
FOSSÉ — FOSSEUSE
le fossé est alors censé appartenir exclusivement au pro-
priétaire du côté duquel se trouve le rejet. En effet, de
deux choses l'une : ou la terre rejetée est utile, et en ce
cas, si le fossé eût appartenu aux deux riverains, aucun
d'eux évidemment n'eût souffert que son co riverain s'at-
tribuât exclusivement cet avantage ; ou elle est sans valeur
aucune et constitue un embarras, et dans cette hypothèse,
si le fossé eût été commun, le riverain sur le côté duquel
elle se trouve n'eût évidemment pas consenti à la recevoir
seul. Les propriétaires mitoyens d'un fossé sont tenus de
l'entretenir à frais communs. Mais, comme cette obliga-
tion ne les astreint pas personnellement l'un envers
l'autre et qu'on ne peut la leur imposer qu'à raison de leur
qualité de copropriétaires du fossé, chacun d'eux peut
s'en dégager en abandonnant la mitoyenneté du fossé. Tou-
tefois, la faculté d'abandon du droit de mitoyenneté ne
s'appliquerait pas : 1° aux fossés qui servent de bornes
(C. civ., art. 646) ; 2° aux fossés qui sont établis dans
les localités où il existe des règlements qui obligent à les
faire et à les entretenir dans l'intérêt de l'agriculture et
de la salubrité publique : dans ce cas, on ne pourrait
s'affranchir de l'obligation d'entretenir le fossé qu'en re-
nonçant à son héritage entier, car, tant que l'on conserve
un héritage dans ces localités, le principe de l'obligation
subsiste. — Le code pénal, dans son art. 456, prononce
contre quiconque comble frauduleusement, en tout ou en
partie, des fossés, un emprisonnement d'un mois à un an
et une amende égale au quart des restitutions et dommages-
intérêts, qui, dans aucun cas, ne pourra être au-dessous
de 50 fr. Louis André.
FOSSÉ. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Vouziers,
cant. de Buzancy ; 195 hab. Chapelle de Marne.
FOSSE (La) Gironde (V. Lafosse).
FOSSÉ. Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr. et cant.
(0.) de Blois ; 377 hab.
FOSSE. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr. de
Perpignan, cant. de Saint-Paul-de-Fenouillet ; 124 hab.
FOSSÉ (Le). Corn, du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Forges; 481 hab.
FOSSE-Cordouan. Corn, du dép. de l'Aube, arr. deNo-
gent, cant. de Romilly, sur l'Ardusson ; 223 hab. Bon-
neterie. Dolmen dit de la Pierre-aux- Alouettes. Vestige
de chaussée romaine.
FOSSE-de-Tigné. Corn, du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Saumur, cant. deVihiers; 278 hab.
FOSSÉ (Pierre-Thomas du), écrivain janséniste (V. Tho-
mas [Pierre]).
FOSSE (Charles de La), peintre français (V. Lafosse).
FOSSÉ (Charles-Louis-François), écrivain militaire fran-
çais, né en 1734, mort en 1812. Il se distingua sur les
champs de bataille de la guerre de Sept ans, obtint le
grade de lieutenant-colonel, reçut le commandement de la
place d'Huningue. Il a beaucoup écrit sur la tactique ; on a
souvent cité : Idée d'un militaire pour la disposition des
troupes confiées aux jeunes officiers pour la défense
et r attaque des postes (1783, in-4) ; Précis sur la dé-
fense relative au service de campagne (1802, in-8) ;
Cours pratique militaire (1804, in-4). Ces ouvrages
sont oubliés aujourd'hui.
FOSSÉ (Augustin-François-Thomas, baron du), écrivain
protestant français (V. Thomas).
FOSSEMAGNE. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Périgueux, cant. de Thenon; 838 hab.
FOSSEMANANT. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. deConty; 94 hab.
FOSSES. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de Pon-
toise, cant. de Luzarches ; 230 hab.
FOSSES (Les). Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr.
de Melle, rcant. de Brioux; 436 hab.
FOSSÉS-et-Baleyssac. Com. du dép. de la Gironde,
arr. et cant. de La Réole ; 231 hab.
FOSSES-Mariennes (Fossœ Marianœ). Nom donné au
canal que Marius fit creuser en Provence par ses soldats,
en 104 av. J.-C, pour faire communiquer la mer avec le
Rhône un peu au-dessus d'Arles en évitant les atterrisse-
ments formés à l'embouchure du fleuve. Ce canal qui tra-
versait laCrau, fut entretenu longtemps par les habitants
de Marseille ; à son embouchure s'éleva une ville qui en
a retenu le nom, Fos. Lorsqu'elle eut été ruinée au ixe siècle,
le canal se combla peu à peu.
FOSSETTE (Anat.) (V. Face, t. XVI, p. 1046).
FOSSEUSE (Fosseux). Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Méru; 190 hab. Stat. du ch. de fer
du Nord. La seigneurie de ce lieu, qui s'appelait alors
Baillet-sur-Esches, appartenait au xive siècle à la mai-
son d'Orgemont, de laquelle elle passa par alliance à la fin
du xve aux Montmorency-Fosseux, qui lui donnèrent leur
nom. Elle fut érigée pour eux en baronnie au mois de
mars 1578 et ils la gardèrent jusqu'à la fin du xvue siècle.
Puis elle fut titrée marquisat en faveur de Philippe de
Thomé, conseiller au Parlement. Le château, construction
moderne, appartient aujourd'hui à la famille de Kergorlay.
L'église, en partie du xvie siècle, contient un curieux
chœur polygonal et plusieurs sépultures des Montmorency.
FOSSEUSE (Françoise de Montmorency, dite la Belle),
née en 1566. Elle était la dernière des onze enfants issus
du mariage de Pierre de Montmorency, marquis de Thury,
comte de Château villain, baron de Fosseux, et de Jacque-
line d'Avaugour. Devenue fille d'honneur de Marguerite
de Valois, reine de Navarre, elle accompagna sa maîtresse,
ainsi que Mlle de Rebours, investie des mêmes fonctions
près de Marguerite, lorsque celle-ci se décida, d'ailleurs
d'assez mauvaise grâce, à rejoindre son mari qui l'avait
réclamée par deux fois à Henri III (1578). Elle apportait,
bien qu'indirectement, un puissant aliment de distraction
au Béarnais.
Il y a bien de la besogne
A regarder ce petit roy.
Comme il a mis en désarroy
Toutes les filles de sa femme !
dira un peu plus tard un pamphlet populaire, et à trop juste
titre. Il adressa d'abord ses hommages à MUe de Rebours ;
puis, bientôt, séduit par la jeunesse et la grâce piquante de
sa compagne, il s'en prit à elle. La vertu de la demoiselle
capitula vite devant ses brûlantes déclarations, et Mar-
guerite ne songea point à s'en formaliser. Il est vrai
qu'elle était, de son côté, fort occupée pour l'instant, se
faisant à la fois conter fleurette et par le chancelier de
Pibrac, dont elle s'amusait, et par le beau Chanvallon pour
qui elle s'était prise d'une passion payée de retour. Il
serait injuste, néanmoins, d'aller plus loin que cette indul-
gence, — déjà en soi passablement grosse, — et d'accepter
pour vraie la méchanceté que lui décoche L'Estoile à ce
propos : « Elle la procura elle-même au roy son mary pour
le déterminer à faire la guerre au Roy. » Le malheur
(malheur qui ne sortait pas, en somme, du cercle étroit
des éventualités aisées à prévoir), le malheur fut que Fos-
seuse devînt enceinte sur ces entrefaites. Dès lors l'idylle
tourne au vaudeville. Marguerite, avertie par le bruit
public delà position de sa suivante, lui propose de l'emme-
ner de Nérac « sous couleur de la peste » et de la conduire
en « une maison écartée », afin de dérober aux yeux une
faute qui, sans cela, ne tarderait guère à n'être plus un
secret pour personne. Fosseuse réplique d'un air courroucé :
« Je ferai mentir tous ceux qui ont parlé de cela ! » Le
roi de Navarre épouse la querelle de sa belle, fait une
scène à Marguerite et la boude pendant plusieurs mois...,
jusqu'au matin où, informé par le médecin que l'événe-
ment est proche, dans sa terreur que Fosseuse ne soit
« mal secourue », il chuchote tout penaud à l'oreille de
la princesse : « Ma mie, je vous ai celé une chose 'qu'il
faut que je vous avoue. Je vous prie de m'en excuser et de
ne vous souvenir de ce que je vous ai dit pour ce sujet.
Mais obligez-moi de vous lever à cette heure et aller se-
courir Fosseuse qui est fort malade. Je m'assure que vous
FOSSEUSE — FOSSILE
— 864 —
ne voudriez pas, la sachant en cet état, vous ressentir de
ce qui s'est passé. Vous savez combien je l'aime. » Et Mar-
guerite de répondre tranquillement : « J'y vais et j'y
ferai comme si c'étoit ma fille. Allez cependant à la chasse
et emmenez tout le monde, afin qu'il n'en soit point ouï par-
ler. » Ainsi fut fait, et elle conclut avec satisfaction : « Je
la fis très bien secourir », sans paraître nullement confuse
du rôle de sage-femme joué en sa personne par une fille
de France. A sa honte, si docilement acceptée, elle ne
gagna rien, du reste : Fosseuse continua d'animer le Béar-
nais contre elle, et le Béarnais continua de se laisser en-
doctriner par Fosseuse; il était écrit que, dans cette vilaine
aventure, chacun s'abaisserait à l'envi. De guerre lasse, et
lasse surtout de ne plus coqueter que par lettres avec Chan-
vallon, qui était allé reprendre son service au Louvre auprès
du duc d'Anjou, elle demanda au roi de Navarre l'autori-
sation de faire un séjour de quelques mois à la cour de
France «... pour y accommoder ses affaires », dit-elle ;
puis elle ajoute avec une belle franchise : « J'estimois
qu'il serviroit aussi comme de diversion pour l'amour de
Fosseuse, que j'emmeuois avecmoy ; que leroy mon mary,
ne la voyant plus, s' embarquer oit possible avec quelque
autre, qui ne me seroit pas si ennemie. J'eus assez de
peine à le faire consentir à ce voyage, pource qu'il se
fàchoit d'éloigner Fosseuse. » Elle y parvint enfin (mars
1582) pour son malheur. Plus soucieuse que sa fille de la
décence de la maison royale, lorsque l'intérêt de sa poli-
tique n'exigeait pas, de sa part, le sacrifice de ses principes
rigides (V. Escadron volant), Catherine de Médicis n'eut
rien de plus pressé que de congédier haut la main cette
singulière fille d'honneur. Ce renvoi mécontenta extrême-
ment le Béarnais, et l'échange de lettres qui en résulta
entre lui, sa belle-mère et sa femme, acheva de l'indisposer
contre celle-ci ; ils ne se virent plus dès lors qu'ennemis,
puis époux divorcés. Quant à la belle Fosseuse, cause de tout
le mal, elle disparaît désormais de la scène du monde. On sait
seulement qu'elle se maria par la suite à messire François
de Broc, seigneur de Saint-Mars-La-Pile. LéonMARLET.
Bibl. : Mémoires' et lettres de Marguerite de Valois,
éd. Guessard. — P. Anselme, Histoire généalogique de
la maison de France et des grands officiers de la cou-
ronne, t. III, p. 582. — M. de Lescure, les Amours de
Henri IV. — Comte Hector de La Ferrière, Trois
Amoureuses au xvp siècle ; Paris, 1885, in-18.
FOSSEUX. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant. de Beaumetz-les-Loges ; 319 hab.
FOSSILE. I. Paléontologie. — On désigne sous le
nom de fossiles les débris d'animaux ou de végétaux que
l'on trouve dans les différentes couches géologiques qui
forment l'écorce du globe terrestre. La branche des sciences
naturelles que l'on désigne sous le nom de paléontologie
(V. ce mot) est basée sur l'étude des fossiles, la paléozoo-
logie s'occupant des animaux et la paléophytologie des
plantes fossiles. Ces débris sont généralement « pétrifiés »,
c.-à-d. que la matière organique des tissus de l'organisme
vivant a été remplacée par une substance minérale :'il en
résulte que les parties molles (peau, muscles, viscères, pa-
renchyme des feuilles) ne sont généralement pas conservées
et que les parties dures (os des vertébrés, coquille ou test
des invertébrés, squelette chitineux des arthropodes, tronc,
branches, nervures des végétaux) sont les seuls débris qui
permettent de se faire une idée de l'organisation des ani-
maux ou des plantes auxquels ils ont appartenu. Cepen-
dant, il y a des organismes que l'on doit considérer comme
des fossiles bien que leur mode de conservation s'écarte de
celui que nous venons d'indiquer : les cadavres de mam-
mouth et de rhinocéros gelés avec leur chair et leur peau
dans les glaces de la Sibérie, les insectes englobés dans
l'ambre tertiaire,, ne présentent pas trace de pétrification.
D'un autre côté, les organismes minéralisés à l'époque ac-
tuelle (feuilles et os incrustés des tufs calcaires), ne sont
pas de véritables fossiles. On ne considérera donc comme
fossiles que les débris trouvés dans les couches géologiques
antérieures à l'époque actuelle (Zittel).
En général, ces débris sont très modifiés sous l'influence
des causes chimiques et physiques qui ont agi sur eux.
Lorsque le cadavre d'un animal est enfoui da'ns la boue
d'un lac, du bord d'une rivière ou dans le sable d'uri rivage
maritime — et c'est, le plus souvent, dans ces conditions
que cette dépouille a pu se fossiliser de manière à se con-
server pendant des périodes géologiques successives — la
putréfaction détruit lentement toutes les parties molles sans
épargner les cartilages, les parties cornées, chitineuses, et
la gélatine du squelette externe ou interne. La désagré-
gation qui en résulte peut aller jusqu'à réduire les os et
les coquilles à l'état d'une substance farineuse qui tombe
en poussière dès qu'on y touche; de tels fossiles ne peuvent
rendre aucun service aux naturalistes. Mais, dans les cas
plus favorables, les vides produits par la putréfaction dans
les parties solides se remplissent lentement de substance
minérale amenée à l'état de dissolution, et il s'opère une
véritable pétrification. Le carbonate de chaux est l'agent
habituel de cette transformation : la silice, sous forme de
silex ou de calcédoine, d'autres minéraux encore peuvent
constituer la substance des fossiles, dont la structure his-
tologique est souvent assez bien conservée, comme chez les
coralliaires,les échinodermes et dans leboissilicifié. Lorsque
la substance minérale cristallise, elle détruit complètement
la structure intime des tissus. Dans d'autres cas, la subs-
tance primitive du fossile peut être entièrement détruite et
remplacée par une autre : on n'a plus alors qu'une espèce
démoule reproduisant exactement la forme extérieure, mais
non la structure des tissus. La silice, la pyrite, la limonite,
la calamine, la malachite, la baryte, etc., peuvent ainsi se
substituer à la substance minérale qui donnait primitive-
ment leur dureté aux squelettes et aux coquilles. La silice
en particulier peut affecter des aspects très divers, suivant
la manière dont s'opère la fossilisation : tantôt elle con-
serve exactement la structure histologique, tantôt elle la
détruit complètement.
On appelle moulage l'empreinte de la forme extérieure
ou intérieure de fossiles qui se trouve ainsi conservée, alors
que ces fossiles eux-mêmes ont été détruits. Les mollusques,
les échinodermes, les coralliaires, etc., laissent leur em-
preinte lorsque leurs parties molles ayant été décompo-
sées puis remplacées par le sédiment de la couche géolo-
gique, les parties calcaires du fossile sont dissoutes à leur
tour par des agents chimiques : la masse du sédiment qui
s'est introduite et déposée à l'intérieur de la coquille, s'ap-
pelle le moule interne. Quand le fossile a été complète-
ment dissous après la formation du sédiment, on ne trouve
plus que son moule externe. Quand la cavité formée par
la destruction du fossile se remplit postérieurement d'une
substance étrangère, on dit que Ton n'a que son modèle,
^incrustation est une fossilisation produite dans des
couches relativement récentes ; clans ce cas, le fossile est
recouvert d'une enveloppe calcaire ou siliceuse déposée par
des eaux qui contiennent des sels en dissolution. Souvent
il ne reste que ce moule externe, le corps organique se dé-
composant à la longue.
La carbonisation se produit par suite de la désoxyda-
tion lente qui a lieu généralement sous l'eau et dans des
conditions où l'air a peu d'accès et ne peut produire la pu-
tréfaction ; ce sont surtout les végétaux qui sont ainsi fos-
silisés : la tourbe, les lignites, la houille ne sont que des
stades plus ou moins avancés de cette carbonisation. Les
feuilles et les tiges sont souvent transformées en minces
pellicules charbonneuses mélangées de matières minérales
et^ montrant encore leurs nervures et leurs plus fins dé-
tails (fougères des schistes houillers). La chlorophylle est
toujours détruite dans les végétaux fossiles. Les animaux
peuvent également subir la carbonisation (insectes de
l'ambre, graptolithes). Dans les schistes bitumineux du Tirol
autrichien, on trouve une grande quantité iïiiiclusions de
poissons, c.-à-d. que les parties molles de ces poissons se
sont carbonisées lentement en laissant leur empreinte dans
la roche qui les renferme, et le bitume ou le goudron par-
ticulier qui en résulte est exploité sous le nom àHchthyol.
D'après ce que nous venons de dire, on voit que la cou-
leur primitive du fossile est rarement conservée. On cite
cependant des insectes tertiaires qui présentent encore des
traces de reflets métalliques. Les coquilles et les os des
vertébrés ont généralement la couleur de la substance mi-
nérale qui les imprègne ; cette couleur, blanche dans les
couches calcaires, devient rouge, brune ou jaune, lorsqu'il
s'y trouve des oxydes de fer, et noire dans les couches mé-
talliques, carbonifères ou bitumineuses. La consistance est
aussi, comme nous l'avons dit, très variable : souvent des
os, incrustés dans une roche très dure, sont extrêmement
friables : on est donc obligé, avant de les étudier et sur-
tout de les séparer de la gangue (enveloppe minérale) qui
les renferme de leur faire subir une préparation qui con-
siste à les imprégner de gélatine, de manière à leur rendre
la consistance dure et élastique des os de l'animal vivant.
On désigne sous le nom de coprolites (V. ce mot) les
excréments pétrifiés que l'on rencontre assez souvent dans
les couches géologiques. Cette terminaison : lithe ou lite
(pierre) était autrefois très employée pour désigner les fos-
siles : on disait anthropolithe au lieu d'homme fossile ;
ichiyolithe pour poisson fossile, etc. Ces expressions sont
actuellement presque inusitées, sauf les cas où la nature
douteuse d'un débris fossile force à le désigner sous un
nom vague et indéterminé. — Les empreintes ou traces
laissées par les animaux, pendant leur vie, portent le nom
àHclinites, et la science qui s'en occupe s'appelle ichno-
logie (V. ce mot) ; ainsi les omithichnites sont des em-
preintes de pas d'oiseau. Des mammifères, des reptiles, des
crustacés, des mollusques, des annélides ont ainsi laissé
des pistes ou traces de leur passage sur le sable ou la boue
dans des couches souvent anciennes. Des végétaux même
ont produit de ces empreintes. Les plus célèbres sont les
traces de pattes à trois doigts qui abondent sur les grès
rouges triasiques des Etats-Unis et qui ont été décrites
par Hitchcock. Les empreintes de méduses des schistes li-
thographiques de Solenhofen sont le seul indice qui nous
permette d'affirmer l'existence de ces animaux à corps mou
aux époques géologiques antérieures. — Des actions phy-
siques ou mécaniques ont souvent modifié considérablement
la forme des fossiles, en déformant, écrasant et comprimant
jusqu'aux crânes de certains vertébrés. Le paléontologiste
doit tenir compte de ces déformations qui peuvent être une
source d'erreur (V. Paléontologie). E. Trouessart.
IL Anthropologie. — Races fossiles (V. Race).
FOSSOMBRONE. Ville d'Italie, de la prov.dePesaroet
Urbino (Italie centrale), sur le Metauro, tributaire de l'Adria-
tique; 9,120 hab. Possession des M alatesta incorporée par
Sixte IV aux Etats pontificaux. L'ancien Forum Sem-
pronii, qui a donné son nom à cette ville, se trouvait à
4 kil. et fut détruit par les Goths et les Lombards. Fos-
sombrone a des fabriques de soie et des eaux minérales.
FOSSOMBRONE (Petrucci da) (V. Petrucci).
FOSSOMBRONI (Le comte Vittorio), savant et homme
d'Etat italien, né à Arezzo (Toscane) le 45 sept. 1754,
mort à Florence le 43 avr. 4844. Inspecteur des biens
(4782), puis commendataire (4785) de Tordre de San
Stefano, il fut appelé en 1796 au ministère des affaires
étrangères par le grand-duc de Toscane Ferdinand III, suivit
ce prince à Vienne (1799), rentra dans sa patrie en 1801,
fut nommé en 4807, par Napoléon Ier, président de la
commission d'assainissement de la campagne romaine, et,
après le départ des Français (4814), reprit son portefeuille
avec la présidence du conseil et celle de la commission
législative ; il conserva ces hautes fonctions jusqu'à sa mort.
Administrateur habile et libéral, il fut en même temps un
mathématicien distingué. L'Académie des sciences de Paris
l'élut correspondant en 1 824. Outre plusieurs mémoires
parus dans les recueils des Académies de Sienne, deModène
et de Vérone, il a écrit : Sur les Equations irréductibles
du 3e degré (Pise, 1778) ; Essai sur l'intensité de la
lumière (1782); Memorie idrolicostoriche (4789);
grande encyclopédie. — XVII.
865 — FOSSILE — FOSSOYEUR
Sur V Equation conditionnelle et V invention de la
Brachistochrone (1794) ; Sur le Principe de la vélocité
virtuelle (1796); Essai sur V amélioration des marais
Pontins (Vérone, 1805), etc. L. S.
Bibl. : Ch.-Ecl. Saint-Maurice-Caban y, le Comte V.
Fossombroni; Paris, 1845., in-8.
FOSSOY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Château-Thierry ; 270 hab.
FOSSOYEUR. « Allons, ma bêche, il n'y a pas déplus
anciens gentilshommes que les jardiniers, les terrassiers
et les fossoyeurs ; ils continuent la profession d'Adam. »
Ainsi parle, dans la scène du cimetière, le premier fos-
soyeur de Shakespeare (Hamlet, acte V, scène i). Si l'an-
cienneté fait la noblesse, il n'existe pas en effet de titres
plus indiscutables que ceux des fossoyeurs. Mais, où la
logique du facétieux personnage est prise en défaut, c'est
quand il prétend que la tombe est une demeure destinée à *
durer jusqu'au jugement dernier. Au moment même, il se
donne un démenti en faisant, d'un coup de pioche, rouler
le crâne d'Yorick hors de la fosse à laquelle il avait lui-
même confié la dépouille du bouffon royal. C'est que le mé-
tier de fossoyeur consiste, dans presque toutes les nécro-
poles, à inhumer et à exhumer tour à tour. Il est bien peu
d'enclos funèbres assez vastes pour assurer à leurs hôtes
la perpétuité de leurs tombes ; les générations successives
s'y dépossèdent l'une après l'autre, et les règlements admi-
nistratifs ont consacré cette façon d'exploiter les champs
de sépulture, en la rendant légale, méthodique, au lieu
de l'abandonner au hasard ou à l'arbitraire du fossoyeur.
Les hommes primitifs ne prévoyaient guère cette nécessité ;
il ne dut pas non plus leur venir à l'idée que le soin d'en-
terrer les morts serait laissé un jour par les parents ou les
amis à des- mains mercenaires, et deviendrait un métier,
un gagne-pain. A quelle antiquité remonte l'institution du
fossoyeur salarié ? Nul témoignage ne nous renseignera à
ce sujet. L'âge classique lui-même^ été très sobre de détails
à l'égard des inhumations; bien a;u'à Rome l'usage de brû-
ler les morts n'ait été que tardivement adopté et fût loin
d'être général, il faut arriver aux premiers temps du
christianisme pour y trouver le fossor institué par les
papes ; mais le fossor était-il le fossoyeur proprement dit,
ou, comme on tend à le croire, un clerc chargé de diriger
les travaux des catacombes ? Les inscriptions ne précisent
pas ; elles se réduisent à quelques mots, comme celle-ci,
touchante dans sa simplicité : Fossor Léo sibi fecit et
Virginiœ suce, mur. 4790, 39.
L'Eglise, dans son culte pour les morts, et conformé-
ment à la doctrine qui faisait, du soin de les enterrer, une
des sept œuvres de charité, devait attacher une consécra-
tion même au travail du fossoyeur salarié qu'elle attachait
à ses paroisses et au cimetière dépendant de chacune d'elles.
Aujourd'hui encore, le prêtre officiant, lorsqu'il bénit une
fosse, s'associe pour ainsi dire à l'ouvrier, en jetant sur le
cercueil la première pelletée de terre; dans plusieurs ordres
religieux, les moines creusent eux-mêmes leur propre tombe
et c'est par la main de ses frères que chacun d'eux y sera dé-
posé; ces pratiques ne tendent-elles pas à assurer le respect
à l'artisan qui se voue à un labeur ainsi sanctifié ? Le vœu
de l'Eglise n'a cependant guère prévalu sur l'horreur ins-
tinctive et les terreurs superstitieuses qu'inspire la destruc-
tion du corps et sur le sentiment d'effroi qu'éveille le nom
seul du fossoyeur. Sur les deux versants des Pyrénées,
pendant des siècles, a subsisté une sorte de caste tenue à
l'écart par les populations, les cagots ou cahouëts, assimi-
lés aux lépreux et traités en parias ; une seule fonction
publique leur était laissée comme impure, celle d'enterrer
les morts ; c'étaient eux aussi qui faisaient les cercueils.
Dans la funèbre mascarade de la danse macabre, le per-
sonnage de la Mort et celui du Fossoyeur sont identifiés
dans le squelette qui porte alternativement la faux et la
pelle ou la pioche. Au milieu de cette tragi-comédie où
le grotesque s'associait à l'horrible, de quel œil pouvait
être vu le fossoyeur en chair et en os quand le travail
55
FOSSOYEUR
866 —
quotidien l'appelait sur la scène de l'orgie? Au cimetière des
Innocents, sa tâche était pénible ; il lui avait fallu aguer-
rir son cœur et ses sens pour retourner sans faiblir ce sol
formé de débris humains, auxquels il ne pouvait même
laisser le temps de devenir squelettes, car il devait sans
cesse faire de la place pour de nouveaux cadavres, et il
entassait dans les galetas du charnier les os tels qu'il les
avait tirés de la terre.
Les cimetières de paroisse, à l'étroit entre les mai-
sons, n'étaient guère moins encombrés, guère moins dan-
gereux pour le fossoyeur, hôte, gardien et ouvrier de
l'enclos si funeste pour la salubrité de la ville. Les Inno-
cents, qui recevaient les morts de toutes les paroisses
dépourvues de cimetières particuliers, avaient besoin d'un
personnel nombreux, afin de pourvoir même aux nécessi-
tés ordinaires; mais, en temps de famine ou d'épidémie,
" c.-à-d. bien souvent, les fossoyeurs devaient s'adjoindre des
compagnons. Les Antiquités de Sauvai nous apprennent
qu'après la Saint-Barthélémy, ils prirent huit auxiliaires
pour enfouir les deux mille cadavres laissés sur le pavé, ou
rejetés au bas de Chaillot par le courant de la Seine ; d'après
un extrait des comptes de la prévôté, il leur fut alloué pour
ce travail 15 livres tournois par un premier mandement,
20 par un second. Sous Louis XVI, on comprit enfin
qu'il y avait urgence à reléguer les cimetières hors de
Paris; celui des Innocents disparut le premier; en 4788,
il avait cessé d'exister. Les autres furent successivement
fouillés et le terrain défoncé; en 1790, un décret de l'As-
semblée nationale généralisa la mesure et prescrivit à toutes
les villes et à tous les villages de se créer des cimetières
extérieurs ; les communes devinrent maîtresses des cime-
tières, et les fossoyeurs furent mis sous la dépendance de
l'autorité municipale. A Paris, c'est la ville qui règle et
paye leurs salaires ; ils sont subordonnés au conservateur
de leur cimetière respectif, et leurs travaux sont dirigés
et surveillés par l'architecte, soumis lui-même à l'inspec-
teur général des cimetières. Paris, devant pourvoir à près
de 50,000 funérailles par an (le chiffre des décès s'est
même élevé au delà de 73,000 en 4870, et a atteint
presque 87,000 en 4874), la place fait plus que jamais
défaut pour recevoir tant de corps.
Voici comment les fossoyeurs procèdent à la sépulture :
ils ont ouvert à l'avance la fosse sur le terrain assigné par
l'administration, ou bien les marbriers ont préparé, soit
le caveau de famille, soit le caveau provisoire ; en cas de
concession gratuite, le nouveau venu prendra rang à la
suite de ceux qui l'ont précédé dans la longue tranchée ;
les fossoyeurs attendent le convoi au nombre de deux ; les
porteurs des pompes funèbres déposent la bière sur le bord
de la fosse ou à l'entrée du monument ; c'est aux fossoyeurs
de la faire glisser à l'aide de cordes, soit dans la fosse
creusée à la profondeur réglementaire de 4m50,soit sur la
dalle du caveau, quelquefois placée à 6 m. au-dessous du
sol ; quand la cérémonie religieuse ou civile est terminée,
ils comblent rapidement la fosse ou laissent au marbrier
le soin de sceller une seconde dalle au-dessus du corps.
Un agent de l'administration veille à ce que tout se passe
avec la plus grande décence, et à ce que la tenue des
fossoyeurs soit irréprochable en présence des familles.
C'est un inconnu que ces hommes déposent ainsi dans la
tombe ; cependant l'égalité de la mort n'existe pas à leurs
yeux, du moins au point de vue de la rémunération; il
ne leur est pas indifférent de voir arriver le lourd cer-
cueil de chêne ou la volige de bois blanc. Il leur est
formellement interdit de solliciter, mais non de recevoir
la gratification qui, là encore, garde le nom de pourboire,
justifié d'ailleurs par son emploi ordinaire. A ce point de
vue, les privilégiés sont les fossoyeurs attachés aux cime-
tières intramuros, où il n'y a plus de concessions tempo-
raires, par suite plus d'admission pour le modeste corbil-
lard, tandis que, hors de l'enceinte fortifiée, les nouvelles
nécropoles admettent toutes les classes. Partout du moins
a été supprimé le système de la fosse commune, où les
fossoyeurs couchaient les bières côte à côte, puis, sur la
première rangée, en superposaient successivement deux
autres et les recouvraient seulement de 30 centim. de
terre. La tranchée gratuite est plus décente ; chaque bière
y est à 4m50 de profondeur, isolée de sa voisine, et, pour-
tant, les garanties de la salubrité ne sont pas encore suf-
fisantes, surtout par suite de ces exhumations périodiques,
les terrains étant repris au bout de cinq ans et fouillés en
vue de nouvelles sépultures. Lorsque le dépôt des corps
s'y est renouvelé trois et quatre fois, le sol, saturé de
matières animales, ne peut plus opérer son travail de dé-
composition, et alors se renouvellent les horreurs et les
dangers qui avaient fait proscrire les vieux cimetières. Le
terrassier, fait à ce métier, en a pris son parti, et, sans
être écœuré, jette les ossements dans les tombereaux, en
chargement pour les catacombes; mais, en dépit des me-
sures de désinfection, il n'est pas à l'abri de tout risque,
et d'ailleurs l'habitude le porte à négliger les précautions
commandées par la prudence. M. Maxime du Camp cite
l'exemple de trois ouvriers qui, en 4872, furent foudroyés
par l'asphyxie, pour avoir, par mégarde, crevé un caveau
contigu à leurs fouilles.
En dehors des exhumations collectives, les fossoyeurs en
font d'individuelles, soit pour les particuliers, soit par ordre
de l'autorité judiciaire, pour des enquêtes légales. Les
frais d'exhumation et de translation dans un nouveau ter-
rain comprennent un salaire de 42 fr. alloué au fossoyeur
(arrêt du 44 juin 4828).
Le m.étier de fossoyeur ne suppose pas des natures bien
impressionnables; mais c'est préjugé de croire qu'en dehors
des nécessités professionnelles ils arrivent à un degré de
cynisme capable d'en faire des êtres à part. S'il est pour
le chirurgien, l'infirmier, le soldat, des grâces d'état qui
leur permettent de se familiariser avec la vue du sang, des
plaies, de la souffrance, de l'agonie et de la mort, et de
rester froids dans l'accomplissement des plus cruels devoirs,
sans dépouiller pour cela les attributs de l'humanité, l'en-
durcissement est peut-être moindre, à ne déplacer, après
tout, que des restes insensibles. Une fois l'horreur phy-
sique surmontée, le champ funèbre n'est plus, pour son
manœuvre, que le chantier qui lui assure un salaire régu-
lier, et sans crainte de chômage ; il n'en sort pas plus rude
ni plus sinistre que s'il eût ouvert des tranchées ordinaires
sur la voie publique. Les observations qu'il a faites, le
vocabulaire qu'il s'est créé dans son expérience de la décom-
position cadavérique peuvent nous faire frissonner, mais ce
sont termes de métier; le langage delà science ne ménage
pas mieux nos nerfs. Ce je ne sais quoi qui, pour Bossuet,
n'a de nom dans aucune langue, en a pris un aussi expres-
sif dans la langue technique du laboratoire que dans l'argot
des cimetières; ce qui est, pour le premier, un résultat de
!a saponification, est pour l'autre, h gras du cadavre.
La poésie, et spécialement la poésie romantique, s'étant
plu à idéaliser le personnage du fossoyeur, à en faire une
sorte de rêveur mélancolique, de sage rasséréné par la mé-
ditation et philosophant sur la destinée humaine, il était
prudent à elle de le placer au village, à l'ombre de la vieille
église, au sein de la nature; là seulement il pouvait être
vrai, ou du moins vraisemblable. Nos nécropoles urbaines
ne sauraient inspirer que le roman réaliste. L'ouvrier qui
y travaille du matin au soir a bien assez du labeur matériel
pour remplir sa journée ; une fois l'heure de la clôture
sonnée, il va se perdre parmi la foule dans son faubourg,
et son cimetière ne lui est plus rien. Le fossoyeur' de cam-
pagne, au contraire, a le loisir de regarder autour de lui,
de se recueillir dans l'isolement de son travail solitaire, la
mort le laissant inoccupé pendant bien des journées, et,
quoiqu'il ait creusé plus d'une fosse, son cœur n'est pas
fermé à l'émotion lorsqu'il donne la sépulture à un parent,
à un ami, à un voisin, à quelqu'un qu'il a au moins connu.
Et puis, il fait, pour ainsi dire, partie de son cimetière ;
c'est une sorte de domaine que, souvent, il habite, dont il
s'est approprié quelque coin inoccupé, pour l'exploiter sans
867 —
FOSSOYEUR - POSTER
préjugé, mais sans idée de profanation. Dickens, dans son
Magasin d'antiquités, fait figurer un fossoyeur rustique,
peint peut-être d'après nature. Ce n'est ni le drôle cynique,
créé par l'humour de Shakespeare, ni le phraseur vaporeux
des iakistes. Toute la vie du bonhomme un peu bavard a
été consacrée à ses morts ; il est le nécrologe vivant de sa
paroisse. C'est chose naturelle pour lui que chacun lui
arrive à son tour, ou avant son tour ; il ne trouve même
pas les gens si à plaindre d'être venus dormir sous sa
garde, dans son cimetière, sous ses ombrages, près de ses
fleurs, car tout est bien à lui. Une seule nécessité ne
frappe pas ses yeux : celle de mourir, lui aussi ; il est sep-
tuagénaire, presque le seul survivant de sa génération;
quelque ombre de pressentiment vient-elle à l'effleurer :
il la dissipe à l'instant. Il s'accorde du temps, se berce
avec des illusions de longévité. C'est une faiblesse dont
nulle expérience ne guérit les hommes, même les fossoyeurs;
peut-être est-ce elle qui fait leur force, lorsqu'ils écoutent,
impassibles, le bruit de la terre qui résonne en tombant
sur le cercueil. Marcel Charlot.
Bibl. : Mercier, Tableaude Paris, chap. xliii. — Maxime
Du Camp, Paris, ses organes, etc., t. VI, chap. xxxm (les
Cimetières). — Décret du 18 août 1811, relatif au service des
inhumations. Règlement général des cimetières de la ville
de Paris.
FOSTAT. Vieux Caire (V. Caire).
FOSTER (Samuel), mathématicien et astronome anglais,
né dans le comté de Northampton vers 1600, mort à Londres
en mai 1652. 11 fut pendant quelques mois de l'année
1636, puis de 1641 jusqu'à sa mort, professeur d'astro-
nomie au Gresham Collège, à Londres. On lui doit plu-
sieurs observations d'éclipsés et d'importants perfectionne-
ments apportés à divers instruments. Il a écrit : The Use
of the quadrant (Londres, 1624, in-4) ; The Art of
dialling (Londres, 1638, in-4; 2e éd., 1675) ; The Des-
cription of a ruler (Londres, 1652, in-4) ; Elliptical
Horologiography (Londres, 1654, in-4) ; Miscellanea
(Londres, 1659, in-fol.), etc. L. S.
FOSTER (Sir Michael), magistrat anglais, né à Marl-
borough (Wiltshire) le 16déc. 1689, mort le 7 nov. 1763.
Entrevu barreau de Londres en 1713, il n'y réussit pas
et exerça avec plus de succès à Marlborough, puis à Bris-
tol. Sergent de loi en 1736, il devint juge au banc du roi
en 1745. Il a laissé quelques ouvrages': A Letter of ad-
vice to protestant dissenters (1720) ; On Examination
of the scheme of Chureh power (1735, in-8) ; The Case
of the King againstA. Broadfoot (Oxford, 1758, in-4) ;
A Report of some proceedings on the commission,., for
the trial ofthe Rebels (1762, in-fol.), etc.
Bibl. : Dodson, Life ofsir Michael Foster, 1811. — Foss»
Judges of England, 1864, t. VIII.
FOSTER (John), essayiste anglais, né à Halifax
(Yorkshire) en 1770, mort en 1843. Il fut jusqu'en 1806
prédicateur baptiste, mais une affection du larynx l'obligea
de renoncer à la chaire. Il publia la même année un vo-
lume d'Essays dont l'un d'eux, On Décision of Character,
attira l'attention. Il se livra dès lors exclusivement, à la
littérature et envoya de nombreux articles à YEcleciic
Review.Le meilleur, Popular Ignorance, paru en 1820,
fit quelque bruit à cette époque, mais actuellement le nom
de cet auteur est tombé dans l'oubli.
FOSTER (John), architecte anglais, né à Liverpool en
1784, mort à Liverpool le 21 avr. 1846. Fils d'un
constructeur à la fois surveillant des travaux de la muni-
cipalité de Liverpool, John Foster, d'abord initié par son
père à la pratique des constructions, vint à Londres étudier
l'architecture chez James Wyatt, puis accompagna en Grèce
Ch.-Robert Cockerell lors de ses découvertes des sculp-
tures des frontons du temple d'Athéné à Egine. Revenu à
Liverpool en 1814, Foster obtint, après une courte asso-
ciation avec son frère, le poste d'architecte de la ville de
Liverpool, poste qu'il conserva jusqu'à la proclamation de
l'acte de réforme municipale en 1832 et fut, pendant
quinze années, l'auteur de nombreux édifices publics parmi
lesquels les Revenue Buildings ou Hôtel des Douanes,
dont la grande salle, d'une surface de 950 m., est sur-
montée d'un dôme ; les églises Saint-Michaèl et Saint-Luke,
la station de Lime Street, l'Ecole des aveugles, la première
ouverte en Angleterre, etc. Charles Lucas.
FOSTER (Henry), navigateur et astronome anglais, né
à Wood Plumpton (Lancashire) en août 1796, mort dans
l'isthme de Panama le 5 févr. 1831. Entré en 1812 dans
la marine royale, sous-lieutenant en 1815, il signala ses
premières campagnes par d'importants travaux scientifiques
qui le firent élire en 1824 membre de la Société royale
de Londres. La même année, il fit partie, comme astro-
nome, de la troisième expédition du capitaine Parn/(V.ce
nom) à la recherche d'un passage N.-O., et, en 1827, ac-
compagna de nouveau le célèbre navigateur dans son voyage
au pôle Nord. Ses observations furent le sujet d'intéres-
sants mémoires insérés dans les Philosophical Transac-
tions de 1826 et 1827 : Account of experiments made
with an invariable pendulum ; Observations on the
diurnal variation of the magnetic needle ; Magnetical
Observations at Port Bowen; Observations to détermine
the amount of atmospherical re fraction at Port Bowen;
On the Changes of magnetic intensity in the dipping
and horizontal needles in Spitzbergen. Elles lui valurent
le grade de capitaine et la médaille Copley (1827). Il en-
treprit ensuite, avec la corvette The Chanticleer et d'après
les instructions de la Société royale, une expédition ayant
pour but principal la détermination de la forme de la
terre au moyen d'expériences sur les variations de lon-
gueur du pendule ; il devait en même temps procéder à
diverses observations sur la direction des grands courants
océaniques, sur le magnétisme terrestre, sur la météoro-
logie, etc. Parti de Sphhead le 27 avr. 1828, il fit escale
aux îles Madères et du Cap-Vert, à Rio de Janeiro, à
Montevideo, dépassa le cap Horn, reconnut l'île de Smith,
dans les South-Shetland, aborda le 7 janv. 1829, après
une violente tempête, la terre de la Trinité et séjourna deux
mois dans une île voisine, à laquelle il donna le nom de
Déception (62° 55' lat. S. et 62°55' long. 0.). Il remonta
ensuite vers le cap Horn, demeura six mois au cap de Bonne-
Espérance (juill.-déc. 1829), puis visita Sainte-Hélène, l'As-
cension, la côte du Brésil, les Antilles, et arriva à Panama
le 28 janv. 1 831 . Huit jours après, il se noyait dans le Chagres
en faisant un faux pas à bord d'une pirogue. Ses notes
ont été publiées par la Royal astronomical Society, dont
il était membre : Experiments made by the late captain
Foster with pendulum (Mem., VII, 1834). Quant à la
relation de son voyage, elle a été donnée par W.-H.-B.
Webster, chirurgien de l'expédition, sous le titre : Voyage
to the Southern Atlantic Océan (Londres, 1834, 2 vol.
in-8 ; trad. franc, par A. de Lacaze, 1849). Léon Sagnet,
FOSTER (Thomas), peintre anglais, né en Irlande en
1798, mort à Londres en 1826. Venu en Angleterre tout
enfant, il fit ses études artistiques à l'Académie royale.
En 1819, il débuta aux expositions par le portrait-groupe
des Enfants de V honorable J.-W. Croker. Il dut aux
relations de ce riche protecteur la commande de nombreux
portraits. On citr, parmi les meilleurs, celui du général
français Dumouf \ez, dans sa quatre-vingt-deuxième année
(1820), et celui û u Colonel Phillips, qui se trouvait au-
près du capitaine T.ook lorsqu'il fut assassiné. Foster fré-
quentait en mêmel emps les ateliers du sculpteur J. Nolle-
kens et de sir T. L rwrence ; les conseils qu'il reçut de ces
artistes éminents eurent la meilleure influence sur son
talent. En 1822, il exposa Mazeppa, son œuvre la plus
puissante, et, en 1825, Louis XVIII recevant l'ordre de
la Jarretière à Carlton House, commande officielle. Mal-
gré les grandes qualités que l'on observe dans ces peintures
fraîches, brillantes, d'un dessin correct, Foster était loin
d'avoir donné toute la mesure de son talent, lorsqu'il ter-
mina sa vie par le suicide. Ad. T.
FOSTER (La Fayette), homme politique américain, né
à Franklin (Connectait) le 22 nov. 1806,mortlel9 sept.
FOSTER — FOU — 8
1886. Légiste, il fit partie de l'assemblée législative du Con-
necticut de 1839 à 1840, de 1846 à 1848 et en 1854.
Président de la Chambre en 1847, en 1848 et 1854, il fut
élu membre du Sénat des Etats-Unis vers le 4 mars 1855
et réélu en 1860. Après l'assassinat de Lincoln, il devint,
comme président du Sénat, vice-président des Etats-Unis.
FOSTER (Thomas-Campbell), jurisconsulte anglais, né
à Leeds en 1813, mort à Londres le 1er juil. 1882. Ins-
crit au barreau de Londres en 1846, il devint recorder de
Warwick en 1874. Il se présenta sans succès aux élections
pour la Chambre des communes à Sheffield en 1867, comme
conservateur- libéral. On a de lui: Plain Instructions for
the attainment of an improved System of Shorthand
(1838) ; Letters on the condition ofthe people of Ire-
land (1846) ; A Review of the Law relating to mar-
riages (184/) ; A Treatise on the ivrit of scire facias
(1851) ; Reports of cases decided at nisiprius and at
the crown side (1858-1867), en collaboration avec Fin-
lason.
FOSTER (John-Wells), ingénieur américain, né le 3 mars
1815 à Petersham (Massachusetts), mort à Chicago le
20 juin 1873. Il s'occupa spécialement d'études géologiques
dans TOhio et dans le district des mines de cuivre de l'Etat
de Michigan. Il a publié : The Mississippi Valley (Chicago,
1869), et Prehistoric Races of the United States of
America (Chicago, 1873).
FOSTER (Birket), dessinateur anglais, né à North
Shields en 1825. De remarquables illustrations ô'Evan-
geline(i8$0) de Longfellow attirèrent sur lui l'attention et,
depuis, la plupart des œuvres des poètes anglais s'enri-
chirent de ses dessins. Il excelle à représenter les scènes
d'enfance et la vie rurale.
FOSTER (Stephen-Collings), chansonnier américain, né
en Pennsylvanie en 1826, mort en 1864. La plupart de
ses chansons dont il composait lui-même les airs eurent un
succès énorme, et les suivantes sont restées populaires :
The Old Folks at Home; Old Vncle Ned; Old Doq
Tray ; Willie, we hâve missed y ou; Corne where my
love lies dreaming.
FOTHERGILL (John), médecin anglais, né à Carr End,
près de Richmond, le 8 mars 1712, mort à Londres le26 déc.
1780. Il étudia à Edimbourg, à Londres et sur le conti-
nent et devint par la suite le praticien le plus célèbre de
Londres. Il se livrait en outre avec passion à l'étude des
sciences naturelles et avait créé à Upton un jardin bota-
nique merveilleux. Il légua toute sa fortune (200,000 gui-
nées) aux pauvres. Ouvrages principaux : An Account of
thesore throat attended with ulcers (Londres, 1748,
1754, in-8 ; trad. fr., Paris, 1749, in-12) ; Rules for the
préservation of health (Londres, 1762, in-8) ; On the
Management proper at the cessation of the menses
(Med. obser. a. Inq., t. IV ; trad.fr., 1800', in-12 ; 3eéd.,
4812; autre trad., Paris, 1805, in-42) ; de plus une
foule d'opuscules et d'articles réunis en 3 vol. in-8 (Londres,
1783-1784) ; un autre recueil traduit en allemand parut
à Altenbourg (1785, 2 vol. in-8). Dr L Hn.
FOTOUNA (Iles) (Boom des cartes anglaises). Groupe
de deux îles françaises de l'océan Pacifique méridional,
situées au N.-O. des Tonga, par 14° 10' lai. S. et 179°
33' long. E., d'une superficie totale d'environ 160 kil. q.,
avec une population de 2,500 hab., en voie d'accroisse-
ment. Ce sont des terres volcaniques et montagneuses d'un
accès facile présentant de nombreux havres où les navires
de petit tonnage trouvent un abri sûr. Commerce peu con-
sidérable. Ces deux îles ont été placées en 1887 sous le
protectorat de la France et dépendent du gouvernement de
la Nouvelle-Calédonie. Les Fotouniens semblent appartenir
à la race maorie pure et eu possèdent la langue et les
caractères physiques.
FOU. I. Médecine (V. Aliénation, Délire, Folie).
II. Droit romain. — Curatelle du fou (V. Curatelle).
III. Histoire. — Fous de cour. — Les fous de cour
appartiennent à la catégorie des bouffons (V. ce mot) ;
mais, en donnant à l'expression de fous de cour son
sens le plus étroit, il est possible de distinguer ceux-ci
des bouffons de cour, comme d'autre part ils se distin-
guent déjà des fous domestiques en général et des fous
publics, tels que ceux qui recevaient des gages de cer-
taines villes. En qualité de fous, et non de baladins
ou de simples grotesques, ils ont à provoquer le rire sur-
tout par leurs mots imprévus et leur esprit d 'à-propos.
Aussf a-t-on voulu établir qu'ils étaient probablement tous,
au point de vue pathologique, des imbéciles ou des idiots,
comme Caillette, et des rachitiques principalement, comme
Brusquet, mais non pas des crétins. Dans toutes les anciennes
représentations artistiques, les fous de cour apparaissent
avec la face large, plate, la tête penchée, rasée, la bouche
grande, le regard hébété, la taille difforme. Parfois ce sont des
monstres : le fou de Jacques IV d'Ecosse était un monstre
double. Ordinairement de petite taille, ils ne se confondent
pas néanmoins avec les nains proprement dits. — Pour mon-
trer comment cet usage a existé de tout temps et partout,
il suffit de dire qu'on trouve la mention de fous dans le
Ramayana, que Plutarque parle de celui que le roi de
Perse avait à sa table, qu'on en peut citer exerçant leurs
fonctions près de Philippe de Macédoine, d'Attila, d'Haroun-
al-Raschid, même de Montezuma. En France, on relève la
présence d'un fou, nommé Jean, à la cour de Charles le
Simple, vers 894. A partir du xive siècle, la mode des fous
paraît se développer sans cesse. Les reines, les dauphins,
les frères du roi ont aussi leurs fous ou leurs folles. Cette
mode était entrée à un tel point dans les mœurs qu'elle ne
subit aucune interruption pendant la folie de Charles VI et
qu'un roi du caractère de Louis XI eut au moins un fou. Si
L'Angely, sous Louis XIV, fut le dernier fou de roi de
France, il y eut des fous et des folles dans l'entourage du
roi et dans sa propre cour jusqu'à la Révolution ; Marie-
Antoinette aurait eu encore son fou. En Angleterre, l'usage
de ces fous semble s'être perdu dès le règne de Charles Ier.
En Allemagne il fut assez persistant. En Italie, pendant
la Renaissance, il était si fort et si répandu que Léon X ne
craignait pas d'admettre ses fous à sa table. Alors que
d'une manière générale il disparaît dans le reste de l'Eu-
rope vers le milieu du siècle dernier, il survécut en Russie.
Encore au commencement du xixe siècle, les tsars avaient
des fous.
Le mépris s'était attaché à la personne de cette espèce de
fous comme un effet naturel du rôle qu'ils jouaient. Leurs
facéties étaient le plus souvent grossières. C'est le dernier
rang qui leur était assigné parmi les familiers et commensaux
de leur maître. On voit que les fous en titre d'office accom-
pagnaient le roi partout, à la guerre, ainsi Tri boulet, en
voyage, ainsi les fous de Pierre le Grand. Fréquemment le fou,
qui en somme ne portait pas toujours le costume officiel de
son emploi, adoptait les couleurs de la maîtresse en titre et
s'habillait de même que son maître, à la forme des habits
près. A côté des fous en titre d'office, il y eut du reste des
fous non attachés à la cour, mais momentanément employés.
Sans doute, ce métier de bouffon avait ses humiliations et
à l'occasion ses dangers, mais il avait ses avantages et
pouvait prendre un certain éclat. A la cour de France, les
fous touchaient un traitement sur le fonds des menus
plaisirs. Ils coûtaient cher. On voit figurer dans un compte
de 4404 une dépense de quarante-sept paires de souliers
fournies à l'un d'eux. On leur faisait des présents. Ils
avaient même souvent leur valet de chambre ou leur gou-
verneur, qui remplissait les fonctions de précepteur, quand
le fou était d'intelligence particulièrement débile. D'un
autre côté, on a pu dire que, ayant seuls le droit de parler
sincèrement, ces fous représentaient auprès des rois la
liberté de la parole. Ils furent ainsi mêlés parfois à des
affaires sérieuses. Quelques-uns arrivèrent à une véritable
renommée. Le nom de Maître Guillaume a servi de pseudo-
nyme pour un si grand nombre de libelles qu'on a dit de
lui qu'il fut à son époque une espèce de Père Duchesne.
D'ailleurs, les prétendus fous étaient, dans certains cas,
— 869 —
FOU — FOUAGE
plutôt des simulateurs : Brusquet, L'Angely. Will Sum-
mers, fou de Henri VIII, n'était sans doute pas non plus
un bouffon ordinaire. En Espagne, en Scandinavie, la con-
dition des fous paraît avoir été assez relevée, alors qu'en
Italie c'étaient de simples bouffons. Ce type de personnage
a été bien des fois transporté au théâtre depuis les pièces
de Shakespeare jusqu'au Fantasio de Musset. — On a
constaté récemment encore que l'usage des fous persiste,
non seulement en Afrique, mais chez les descendants des
princes de Mingrélie. Marius Barroux.
Fête des fous (V. Innocents [Fêtes des]). M. F. Bour-
quelot a publié à Sens, en 1856 (in-8), d'après le manus-
crit de la bibliothèque de Sens, le célèbre Office de la fête
des fous de Sens, attribué à l'archevêque Pierre de Corbeil.
IV. Ordres. — Ordre des fous. — Créé par Adolphe,
comte de Clèves, en 1386, dans le dessein de donner
l'exemple de l'amitié et de la bienfaisance unies dans le
plaisir. Il fut conféré à trente-cinq compagnons d'Adolphe
qui prirent le titre de chevaliers. Ceux-ci étaient tenus de
porter un fou d'argent brodé sur leurs manteaux. Ils ne
pouvaient paraître en public sans avoir cet insigne, et
chaque fois qu'ils manquaient de le porter ils payaient une
amende de 3 livres tournois au profit des pauvres. L'ordre
ne tarda pas à disparaître ; bien qu'il n'eût jamais d'exis-
tence sérieuse, il ne figure pas moins dans les anciens re-
cueils de chevalerie.
V. Jeux (V. Echecs).
Bibl. : Fous de cour.— J. Doran, The History of court
fools; Londres, 1858, in-8. — A.-F. Nick, Die Hofnarren
und Folknarren; Stuttgart, 1861, 2 vol. in-16. — A. Ga-
zeau, les Bouffons ; Paris, 1882, in-12 (d'après les études
de Dreux du Radier, Jal, A. Canel). — Dr P. Moreau de
Tours, Fous et Bouffons; Paris, 1885, ia-16. — A. Jou-
bert, les Fous, les Folles et les Artistes de la cour du
roi René; Laval, 1889, in-8 (extrait de la Revue de Bretagne
et d'Anjou, t. IV, p. 14).
FOU (Ornith.). Les Fous, que les naturalistes désignent
sous le nom générique de Sula, appartiennent à la sub-
division des Palmipèdes totipalmes (V. ce mot). Ils se
distinguent des Cormorans (V. ce mot) par leurs formes
plus massives, par leur bec plus robuste et finement den-
telé sur les bords de la mandibule supérieure qui est sil-
lonnée latéralement et fortement convexe en dessus, et par
leur plumage généralement moins serré, moins lisse et
moins lustré ; mais ils ont, comme les Cormorans, les pattes
très courtes, les pieds largement palmés, les ailes allon-
gées et la queue formée de pennes rigides. L'ensemble de
leur organisation dénote des oiseaux destinés non à courir
sur la terre ferme, mais à passer la majeure partie de
leur existence dans les airs ou sur l'eau. Les Fous, en
effet, vivent au bord de la mer et tantôt s'élèvent à de
grandes hauteurs, pour planer à la façon des Oiseaux de
proie et se laisser brusquement tomber sur le poisson qu'ils
épiaient, tantôt nagent avec aisance ou se laissent bercer
au gré des flots. Leurs nids, faits de quelques poignées
d'herbe ou de varech, grossièrement entrelacées, sont pla-
cés dans de légères excavations creusées dans la mince
couche de terre qui recouvre les assises des falaises et ne
contiennent d'ordinaire qu'un seul œuf à surface crayeuse.
Dans les contrées où les Fous ne sont pas persécutés, et
notamment sur les côtes du Pérou et dans quelques îles
voisines, ces nids sont très rapprochés les uns des autres,
et associés à ceux d'autres oiseaux de mer, Goélands, Hiron-
delles de mer, Cormorans, etc., qui forment, d'immenses
colonies et dont les excréments, lentement accumulés,
finissent par constituer d'importants dépôts de guano.
L'œuf est couvé alternativement par le mâle et la femelle,
et le petit qui en sort a besoin, pendant de longues se-
maines, d'être nourri par les parents. Il naît complètement
nu, et avec sa peau noirâtre, son abdomen tuméfié, son cou
décharné et sa grosse tête, il présente un aspect fort
déplaisant. Plus tard, il est recouvert d'un duvet jaunâtre
et enfin il prend des plumes noires et blanches. Jusqu'à ce
qu'il soit en état de faire usage de ses ailes, il ne quitte
point le lieu où il a été élevé, circulant sur les rochers
avec les autres jeunes et dévorant la nourriture que les
parents lui apportent une ou deux fois par jour.
Les Fous se nourrissent presque exclusivement de pois-
sons, Maquereaux, Harengs et Sardines, qu'ils pèchent avec
beaucoup d'adresse en nageant ou en plongeant. Sur le
sol ils se meuvent avec la plus grande gaucherie, les ailes
légèrement soulevées et prêtes à servir de points d'appui ;
mais ils volent hardiment, surtout avec vent contraire. Au
moment où ils s'élèvent et quand ils sont au repos, se chauf-
fant au soleil, ils poussent des cris rauques qui, répétés
par des milliers d'individus, font un vacarme assourdissant.
Sur les côtes septentrionales et occidentales de l'Europe
et de l'autre côté de l'Atlantique, a l'embouchure du Saint-
Laurent, vit une grande espèce de Fou, à plumage d'un
Fou.
blanc jaunâtre, avec le bout des ailes foncé. Cette espèce,
que Linné a nommée Sula bassana ou Fou de Bassan, est
représentée dans l'hémisphère austral par plusieurs formes
dont les unes, comme le Fou d'Australie (Sula serrator
Banks) et le Fou du Cap (Sula capensis Licht.), lui res-
semblent tellement qu'on peut, à la rigueur, les considérer
comme de simples races, tandis que les autres, comme le
Fou manche-de-velours (Sula dactijlatra Less.), le Fou
varié (S. variegata Tsch.), le Fou de Néboux (S. Ne-
bouxii A. M. E.), le Fou nain (S. parva Gm.) le Fou
pêcheur (S, piscator L.), se distinguent par leur taille plus
faible, par leur plumage tantôt tacheté de blanc et de noir,
tantôt varié de brun foncé et de blanc, par leur bec coloré
en rouge ou par leurs yeux entourés d'un espace dénudé.
Ces deux dernières espèces sont largement répandues sur
les côtes du Japon, de la Chine et de l'Inde, dans la mer
Rouge, autour des îles Mascareignes et dans la mer des
Antilles ; le Fou de Néboux n'a été signalé jusqu'ici que sur
les côtes 0. de l'Amérique du Sud et le Fou manche-de-
velours habite l'île de l'Ascension et est très commun sur
les côtes du Pérou où se trouve également le Ftfu varié
qui descend jusqu'au détroit de Magellan. E. Oustalet.
Bibl. : Gould, Birds of Europa, 1867, pi. 412, et Birds of
Australia, t. VII, pi. 76 et 77. - Degland et Gerbe,
Ornith. europ., 1867, 2e éd., t. II. — A. Milne-Edwards,
Faune des régions australes, ch. vu, p. 31, dans Ann.Sc.
nat. zool, t. XIII, art. n° 4.
FOUAGE (Dr. féod.). Le droit de fouage, qu'il ne faut
pas confondre avec l'affouage, était celui perçu annuel-
lement par le roi ou par un seigneur sur chaque feu et
FOUAGE - FOUCAULD
— 870 -
maison de ses hommes et sujets. Le mot de fouage vient du
latin focus, d'où Ton a fait focagium, par corruption
foagium, et de là fouage. Ce droit, fort ancien, a existé
dans diverses régions sous d'autres noms, blande dans le
Forez, hostelage et ostise dans le Duno's et le Blésois ;
l'ancienne coutume de Normandie l'appelait monéage. Dès
l'époque de la première race et longtemps encore sous la
troisième, les rois de France levèrent cette imposition par
feu. Elle fut exigée d'abord à titre à'aide, pour fournir
aux besoins de l'Etat dans les circonstances extraordi-
naires ; plus tard, elle fut distincte des aides, d'où il
résultait que certaines personnes ou certaines villes pou-
vaient être exemptes des fouages. Le droit de fouage pou-
vait cesser quelquefois moyennant d'autres impositions qui
le remplaçaient. Charles V avait fait lever un droit de
fouage de 4 livres par feu pour la solde des troupes. Sous
Charles VI, le prince de Galles tenta d'imposer l'Aquitaine
à raison du taux uniforme de 1 franc par feu. A partir de
Charles VII, le fouage devint perpétuel et reçut le nom de
taille. En Normandie, le fouage, qui y était d'un usage
ancien, avait été accordé au duc de Normandie pour l'em-
pêcher de changer la monnaie et le dédommager du profit
qu'il aurait pu faire sur la refonte des pièces. En Bre-
tagne, le fouage tenait lieu de l'imposition de la taille.
Dans les autres pays de France, où les seigneurs pouvaient
lever cet impôt, il paraît avoir eu la même raison d'être
qu'en Normandie. Le fouage était un impôt personnel qui
se percevait séparément du cens et ne se confondait pas
avec lui. G. Regelsperger.
FOU AH. Ville de la Basse-Egypte, prov. de Bahirièh,
sur la branche de Rosette (rive droite), élevée sur l'em-
placement de l'ancienne Metelis. Très florissante pendant
tout le moyen âge, elle ne se distingue plus aujourd'hui
des petites villes environnantes que par sa petite industrie
de tarbouches, de plus en plus amoindrie par l'importation
européenne.
FO U B ERT (Paul-Louis-Amédée), homme politique fran-
çais, né à Entrammes (Mayenne) le 21 mai 1812, mort à
Paris le 19 janv. 1886. Avoué, puis avocat à Paris, maire
de Saint-Sauveur-le-Vicomte, de 1853 à 1872, il se pré-
senta sans succès dans la Manche à l'élection législative
qui eut lieu en 1868 pour le remplacement de Havin. Elu
le 8 févr. 1871 à l'Assemblée nationale par le dép. de la
Manche avec un programme conservateur, il siégea au
centre droit, puis se rallia à la conception de la République
conservatrice et passa, au centre gauche. Il combattit le
cabinet de Broglie et fut élu sénateur inamovible par l'As-
semblée nationale le 10 déc. 4875. Membre du centre
gauche du Sénat, il lutta contre le gouvernement du 16 mai,
vota l'article 7, la réforme de la magistrature et le réta-
blissement du divorce.
FO U B E RT (Emile-Louis), peintre français contemporain,
né à Paris ; élève de l'école municipale de Bayonne, de
MM. Bonnat et Busson. On lui doit de nombreux dessins
et pastels. Citons le Satyre et le Passant (S. de 1882) ;
Eglogue (1883); Départ pour la chasse (1884); Ten-
tation (1885); Dans l'Atelier (1886); Idylle (1887);
la Fortune et V Enfant (1888); Diane et Endymion
(1889); plus, nombre de portraits. En 1892, il exposa
celui de Corot.
FOUCARD. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
d'Yvetot, cant. de Fauville ; 332 hab.
FOUCARMONT. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. deJNieufchâtel, cant. de Blangy, surl'Yères; 710 hab.
Culture et commerce de houblon. Cette localité fut au moyen
âge un bourg important compris dans le comté d'Eu. Une
abbaye de l'ordre de Cîteaux y fut établie en 1130 par le
comte d'Eu, Henri Ier; il en subsiste divers bâtiments, la
grange (xvie siècle) , les écuries, le portail de l'église, le jardin
et le vivier. L'église paroissiale a recueilli le maître-autel, les
stalles et le buffet d'orgues. Chapelle de l'Epinette, jolie,
construction de style gothique flamboyant. Stalles construites
par le prince de Dombes, comte d'Eu, au xvme siècle.
FOU G ART (Paul-François), archéologue français, né à
Paris le 15 mars 1836. Elève de l'Ecole normale (promo-
tion de 1855), il fut, après avoir professé à Charlemagne
et à Bonaparte, chargé de la suppléance du cours d'épi-
graphie et antiquités grecques au Collège de France en
1874 et devint titulaire de cette chaire en 1877. Le 29 nov.
1878 il était élu membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres. Il fut chargé de la direction de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes de 1878 à 1890. Parmi ses ouvrages nous
citerons : Mémoires sur les ruines et l'histoire de
Delphes (Paris, 1865, in-8); Mémoire sur l'affranchis-
sement des esclaves (1867, in-8); Des Associations reli-
gieuses chez les Grecs (1873, in-8); Mélanges d'épi-
graphie grecque (1881, in-8), et un grand nombre d'études
savantes insérés dans le Recueil des Mémoires de l'Aca-
démie des inscriptions, dans la Revue archéologique,
Bulletin de Correspondance hellénique, etc.
FOUCARVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Valognes, cant. de Sainte-Mère-Eglise ; 256 hab.
FOUCAUCOURT. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Bar-le-Duc, cant. de Triaucourt ; 215 hab.
FOUCAUCOURT. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Péronne, cant. de Nesle ; 496 hab.
FOUCAUCOU RT-hors-Nesle. Com. du dép. de la Somme,
arr. d'Amiens, cant. d'Oisemont; 152 hab.
FOUCAUD (Jean), publiciste et fabuliste français, né à
Limoges le 5 avr. 1747, mort à Limoges le 14 janv. 1818.
Fils d'un marchand, il étudia d'abord chez les jésuites et
les jacobins de sa ville natale, puis se fit prêtre et entra
dans l'ordre des jacobins. Connu pour partager les idées
philosophiques du xvme siècle, il fut chargé, le 14 juil.
1790, de célébrer sur l'une des places de Limoges la messe
de la Fédération, et entra dès lors résolument dans le mou-
vement politique comme fondateur, secrétaire et enfin pré-
sident de la Société des amis de la Constitution. Prêtre con-
stitutionnel, puis défroqué, collaborateur de Pédon au
Journal du département de la Haute-Vienne, il publia
dans cette feuille plusieurs parodies violentes du culte catho-
lique. Il devint ensuite juge de paix, payeur du départe-
ment, professeur à l'Ecole centrale de Limoges, puis chef
d'une institution de jeunes gens. Sous l'Empire, il continua
de vivre à Limoges, mais dans une retraite profonde, com-
posant des chansons patoises, étudiant La Fontaine et s'exer-
çant à traduire ses fables en patois limousin. Le recueil
de ces traductions fut dédié, en 1808, à la Société d'agri-
culture de Limoges dont Foucaud était membre. Les der-
nières années de Fauteur sont peu connues. On sait seule-
ment qu'il mourut pénitent. — On a de Foucaud divers
écrits : Discours sur l'organisation civile du clergé...
prononcé le iS janvier, Van II de la Liberté, qui fut
suivi d'une polémique de l'auteur avec l'abbé de Montbrial ;
Statuts de la confédération civile du clergé (Limoges,
1791); Recueil de chansons et de pièces fugitives en
patois limousin (1849) ; les Fables de La Fontaine
imitées et traduites en vers patois du Limousin (lre éd.,
1809 ; 2e éd., 1835; 3e éd., Limoges, 1849; 4e éd.,
Paris, 1886). Un Choix des plus jolies fables patoises
de Foucaud a paru à Limoges en 1850. A. Leroux.
Bibl. : 0. Péconnet, Jean Foucaud, notice biogra-
phique et littéraire, dans le Bull, de la Soc. arch. du Li-
mousin, 1854, t. V, p. 30, reproduit en tête de l'édition des
Fables de 1866.
FOUCAU LD de Làrdimalie (Louis, marquis de), homme
politique français, né au château de Làrdimalie (Dordogne)
le 7 déc. 1755, mort au château de Làrdimalie le 2 mai
1805. Capitaine aux chasseurs du Hainaut, chevalier de
l'ordre de Malte, il fut élu, en mars 1789, député de la
noblessse aux Etats généraux par la sénéchaussée du Péri-
gord. Il fut d'abord un des plus ardents à faire abandonner
les privilèges de la noblesse dans la nuit du 4 août, mais
bientôt il soutint avec âpreté les droits de la royauté et se
fit remarquer par la violence de ses discours. Mirabeau
n'eut pas d'adversaire plus tenace et l'abbé Maury d'aco-
lyte plus fidèle. Foucauld obtint que les jésuites eussent
871
FOUCAULD — FOUCAULT
des pensions égales à celles des autres religieux (20 févr.
4790), réclama que la religion catholique fût déclarée reli-
gion nationale et eut à cette occasion un duel oratoire avec
Mirabeau (13 avr. 1790), s'opposa à l'abolition des titres
nobiliaires (19 juin 1790) et rédigea une protestation que
Le Peletier de Saint-Fargeau refusa de communiquer à l'As-
semblée. Foucauld, toujours plus fougueux, parla contre la
substitution du drapeau tricolore au drapeau blanc (21 oct.
1790), défendit les ecclésiastiques qui avaient refusé le ser-
ment (4 janv. 1791) et sortit de la salle pour ne point
prendre part à la discussion de la constitution civile du
clergé (21 janv.). Il émigra après la session et alla servir
dans l'armée de Condé. Rentré en France en 1801, il périt
victime de l'écroulement d'une terrasse de son château.
Etienne Ghabavay.
Bibl.: Moniteur; Archives parlementaires; Dictionnaire
des parlementaires. — G. Bussière, le Constituant Fou-
cauld de Lardimalie, dans le t. XXII de la Révolution
française, p. 204.
FOUCAULT (Louis de Saint-Germain-Beaupré, comte
du Daugnon), maréchal de France, né dans le comté de
la Marche vers 1616, mort à Paris le 10 oct. 1659. Il fut
d'abord page du cardinal de Richelieu, s'attacha peu après
au duc de Brezé et obtint la charge de vice-amiral. Il servit
en cette qualité de 1640 à 1648 et se trouva à plusieurs
combats de mer qui se livrèrent à cette époque. Ayant levé
un régiment d'infanterie de son nom, le 6 juin 1648, et
s 'étant prononcé en faveur du prince de Condé, il vit licen-
cier son régiment ; mais il ne tarda pas à faire sa soumis-
sion au roi qui le nomma maréchal de France le 16 mars
1654. C'est alors qu'il abandonna le nom de comte du
Daugnon, pour celui de maréchal de Foucault. Quelque
temps après, il se démit de la lieutenance générale du pays
d'Aunis et se retira à Paris. Armes : d'azur semé de fleur
de lis d'or.
FOUCAULT (Nicolas- Joseph), mémorialiste français, né
le 8 janv. 1643, mort à Paris le 7 févr. 1721. Il était fils
de Joseph, greffier de la chambre des comptes, mort le
6 juil. 1691, et de Marie-Métézeau, dont le père s'était
rendu célèbre comme architecte. Elevé aux jésuites de Cler-
mont, puis au collège de Navarre, il fut reçu licencié en
droit et avocat au parlement de Paris. Nommé secrétaire de
la commission pour la réformation de la justice en oct. 1665,
procureur général de la recherche de la noblesse en sept.
1666, il acquit cette même année la charge de procureur
du roi des requêtes de l'Hôtel, dont il se démit en 1672,
ayant acheté quelques mois auparavant celle d'avocat géné-
ral au grand conseil. Pourvu, en févr. 1674, d'une des
quatre nouvelles charges de maître des requêtes, il fut
nommé intendant de Montauban à la fin du même mois ;
de Pau, en janv. 1684 ; de Poitou, en août 1685, se signa-
lant dans ces deux provinces par ses poursuites contre les
religionn aires ; puis de Caen (25 janv. 1689), où il avait
obtenu d'être envoyé, grâce à Seignelay. Il y demeura dix-
sept ans, refusant de passer à Rouen en 1693, et à Lyon
en 1694. En 1699, Chamillart, son ami, l'aurait nommé
intendant des finances, sans Mme de Maintenon. Fait con-
seiller d'Etat de semestre en 1704, il reçut en août 1706
son fils pour successeur à Caen, devint, le 20 nov. 1717,
conseiller ordinaire et, en 1712, fit partie du conseil de la
duchesse d'Orléans douairière. Ami des lettres et des anti-
quités, il était membre honoraire de l'Académie des inscrip-
tions depuis 1 701 , et avait réuni une riche collection de
livres, de médailles, de figures antiques (passées à la Bi-
bliothèque du roi). On a de lui : Discours prononcé à
l'ouverture des séances de l'Académie des belles4ettres
de Caen (Caen, 1705, in-4) et des Mémoires (Paris, 1862,
in-4), publiés par F. Baudry, qui s'étendent de 1 641 à 1718.
— De son mariage avec Marie de Jassaud (24 nov. 1675), il
avait eu huit enfants, dont deux fils : Nicolas- Joseph,
marquis de Magny, né le 22 févr. 1677, mort en août
1772, et Guillaume, né le 7 nov. 1685, mort aux Indes
en 1704. Eugène Asse.
Bibl.: Dangeau, Journal, XVIII, 61, etpassim. — Saint-
Simon, Mém., éd. Chéruel, in-12, XVII, 213, et passim. —
Hénault, Mém., p. 5. — Le P. Lelong, Bibl. hist.,
n° 6214. —Le P. Montfaucon, Antiq. expliquée, I, XIX. —
G. Brice, Descript. de Pam,1717, II, 132.— Boze, VHist. de
l'Académie des Inscr., 1740, in-12, II, 223.— F. Baudry,
Introduction aux Mémoires.
FOUCAULT (Léon), physicien français, né à Paris le
18 sept. 1819, mort le 11 févr. 1868. Fils d'un libraire-
éditeur assez connu, Foucault fit ses études seul chez lui
et, au moment de prendre une carrière, opta pour la mé-
decine, qu'il abandonna cependant avant d'avoir atteint le
grade de docteur. Le daguerréotype qui venait d'apparaître
excita chez Foucault une admiration enthousiaste et fut l'ob-
jet de ses premiers travaux dans cette science de l'optique
qui l'occupa toute sa vie et qui lui doit des progrès de la
plus grande importance, au point de vue pratique et au
point de vue théorique. En collaboration avec M. Fizeau,
il montra, entre autres faits curieux, que quand sur une
plaque de daguerréotype qui a reçu uniformément l'action
de la lumière blanche, on projette un spectre, la partie
rouge de ce spectre détruit l'effet produit primitivement
sur la plaque par la lumière blanche (Comptes rendus de
l'Académie des sciences, XXIII, 679). Ce fut vers cette
époque qu'il aida, comme préparateur, Donné, dans son
cours de microscopie médicale. Souvent, pour les expé-
riences qu'il avait à faire, le soleil manquait; il créa, pour
y remédier, cet ingénieux appareil, le régulateur électrique,
qui permet de maintenir, pendant des heures, un arc élec-
trique entre deux charbons, malgré leur usure rapide,
grâce à un système de régulation qu'actionne lui-même
une partie du courant électrique qui produit l'arc (Comptes
rendus, XXVIII, 68 ; LXI, 1,148). L'association de Fou-
cault et de M. Fizeau donna naissance à une série brillante
de découvertes en optique, au moment où les travaux
d'Huygens, d'Arago et surtout de Fresnel semblaient avoir
épuisé cette branche de la physique. Parmi ces travaux
faits en commun, il faut citer les interférences produites
par deux rayons ayant une grande différence de marche ;
l'emploi d'une lumière homogène permet de reproduire avec
éclat le phénomène des anneaux de Newton ; au lieu des
quelques anneaux observés jusque-là, on put en compter
des milliers. L'interférence des rayons calorifiques a été
aussi observée par ces deux physiciens qui complétèrent
sur ce point et sur d'autres les immortels travaux de Fres-
nel (Comptes rendus, XXV, 447). Mais la plus belle
expérience de Foucault est celle qu'il entreprit pour détermi-
ner la vitesse de la lumière (Comptes rendus, XXV, 551 ;
LV, 501, 79u2). Cette vitesse est d'environ 77,000 lieues
par seconde ; Foucault la détermina dans sa chambre avec
un rayon lumineux long de quelques mètres ; il fit plus :
il montra que cette vitesse est plus considérable dans l'air
que dans l'eau. C'est là un des plus grands résultats ob-
tenus en physique dans ce siècle ; il permettait, en effet,
de trancher d'une façon définitive cette querelle scienti-
fique des théories de l'émission et des ondulations. Tous les
phénomènes lumineux connus étaient, en effet, explicables
par ces deux théories : Kepler, Newton, Laplace ont sou-
tenu la théorie de l'émission. Descartes, Huygens, Euler,
ont adopté celle des ondulations. La première conduisait à
admettre pour la vitesse de la lumière dans l'eau un nombre
plus considérable que dans l'air ; la seconde conduisait au
résultat inverse ; Foucault montra que cette dernière était
vérifiée par l'expérience. Une autre expérience de Foucault,
sur une autre question également de premier ordre, est
aussi très importante : Foucault montra, à l'aide d'expé-
riences faites d'abord dans une cave, que la terre tour-
nait (Comptes rendus, XXXII, 135; XXXV, 421); il
fallait pour cela trouver une mire fixe remplaçant les étoiles
dont le mouvement apparent est une démonstration de la
rotation de la terre ; cette mire, Foucault l'obtint par l'os-
cillation d'un pendule reposant sur un plan à l'aide d'une
pointe. La théorie établie par Foucault montre qu'un pa-
reil instrument oscille dans un plan d'une direction inva-
riable, malgré le mouvement de la terre qui l'emporte ;
FOUCAULT — FOUCHÉ
— 872 —
l'expérience montra que l'angle de cette direction invariable
avec un plan invariablement lié à la terre était variable ;
on en concluait que ce dernier n'avait pas une position
fixe dans l'espace et que, par suite, la terre n'était pas
immobile. Les lois de la mécanique fournirent à Foucault
une nouvelle invention d'apparence aussi paradoxale que
la précédente; elle permettait, en effet, de résoudre cette
proposition en apparence insoluble : déterminer la direc-
tion du méridien d'un lieu sans observation astronomique
ou magnétique; le gyroscope (V. ce mot) est le petit ins-
trument qui sert pour cela (Comptes rendus, XXXV, 424,
469). Dans ces derniers temps, on a même proposé d'em-
ployer cet appareil à bord des navires pour remplacer les
boussoles dont l'emploi sur les cuirassés ou sur les navires
construits en fer devient de plus en plus difficile. Ces di-
verses découvertes, qui exigeaient des connaissances théo-
riques approfondies, avaient aussi exigé une habileté que
Foucault possédait au plus haut point, comme il le montra
dans les travaux qu'il nous reste maintenant à examiner.
La construction des miroirs de télescope et des grandes
lentilles des lunettes astronomiques lui doit les plus grands
perfectionnements ; il montra quelles méthodes on pouvait
employer pour transformer les miroirs sphériques en mi-
roirs paraboliques par une série de retouches méthodiques ;
il en construisit de ses propres mains qui montrèrent une
supériorité incomparable sur les meilleurs instruments con-
struits jusqu'alors. La mort seule l'a empêché de terminer
le grand miroir et le grand objectif qu'il avait commencé
pour l'Observatoire de Paris. On lui doit aussi cette expé-
rience remarquable (Comptes rendus, XLI, 450) : lors-
qu'on fait tourner rapidement un disque d'un métal quel-
conque entre les pôles d'un fort aimant, le disque s'échauffe
considérablement et l'on doit vaincre une grande résistance
pour le faire tourner ; cette propriété a été souvent utili-
sée depuis pour diminuer les oscillations des aiguilles ai-
mantées. Ce travail lui valut la grande médaille de Copley,
la plus haute récompense de la Société royale de Londres ;
elle lui fut décernée en 1850. En 4855, on créa pour lui
une place de physicien près l'Observatoire de Paris et ce
fut l'origine de ses beaux travaux sur les lentilles et les
miroirs. Il fut membre du Bureau des longitudes et membre
de l'Académie des sciences en janv. 4865. A. Joannis.
Interrupteur de Foucault (V. Bobine, t. VI, p. 4496).
FOUCAUX (Philippe-Edouard), orientaliste français, né
à Angers en 4844. Elève d'Eugène Burnouf, il entreprit
sur les conseils de son maître l'étude de la langue tibé-
taine afin d'examiner les monuments de la religion et de
la littérature bouddhique conservés dans les monastères du
Tibet après la ruine du bouddhisme dans l'Inde. Chargé
d'enseigner le tibétain à l'Ecole des langues orientales
vivantes de 4842 à 4852, il fut, après la mort prématurée
de Burnouf et après un intérim de quelques années de
Th. Pavie, nommé à la chaire de sanscrit du Collège de
France. Les principales publications de M. Foucaux, qui
consistent surtout en des traductions, sont : V Histoire du
Bouddha Sakyamouni, Rgya Cher Roi Pa, texte et tra-
duction de la version tibétaine du Lalita-Vistara (Paris,
4847-4848, 2 vol. in-4) ; Grammaire de la langue
tibétaine (4859) ; Parabole de l'Enfant égaré, texte
tibétain et sanscrit avec traduction française (1854);
le Trésor des Belles Paroles, choix de sentences traduites
du tibétain en français (4858); Vikramorvasi, drame
de Kalidasa, traduit du sanscrit en français (4864); Onze
Episodes du MaM-£/iârafa, traduits du sanscrit (1862) ;
le Bouddhisme au Tibet ( \ 864 ) ; la Doctrine des
Bouddhistes sur le Nirvana (4864) ; Sacountala, drame
de Kalidasa traduit du sanscrit (4877). Enfin M. Foucaux
a donné dans les Annales du Musée Guimet (t. VI)
la traduction exécutée sur l'original sanscrit du Lalita-
Vistara (le développement des jeux) dont il avait fait
connaître la version tibétaine (4884); un second volume,
qui vient de paraître dans la même collection (t. XIX)
donne des notes, des variantes et un index. M. Foucaux
est, de plus, le collaborateur régulier de plusieurs revues,
particulièrement du Lotus et de la Revue de VEistoire
des religions. Sylvain Lévi.
FOUCHÉ (Joseph), duc d'Otrante, fameux homme d'Etat
français, né au Pellerin (Loire-Inférieure) le 49 sept. 4754,
mort à Trieste le 25 déc. 4820. Fils d'un capitaine de la
marine marchande, il entra dans la congrégation de l'Ora-
toire et professa tour à tour à Juiily, à Arras et à Vendôme.
Au début de la Bévolution, il était principal du collège de
Nantes. On dit que c'est alors qu'il se défroquaet se^ lança
dans la politique. Mais ici les dates et les faits sont incer-
tains. Il fut élu député de la Loire-Inférieure à la Convention
nationale, où il fit partie du comité d'instruction publique
du 43 oct. 4792 au 45 vendémiaire an IL Dans le procès de
Louis XVI,il émitles votes les plus rigoureux. Le 9 mars 4793,
la Convention l'envoya avec Villers dans la Loire-Inférieure
et la Mayenne pour y activer la levée de 300,000 hommes
décrétée le 24 févr. précédent. Le 24 juin, il reçut une
mission dans les départements du Centre et de l'Ouest, en
vue « d'inviter et requérir les citoyens à prendre les armes
contre les rebelles delà Vendée ». Il se rendit à Troyes, où
il assura le triomphe du parti montagnard, puis à Nevers,
où, de concert . avec Chaumette, il fit une célèbre ten-
tative pour détruire le christianisme et en préparer le
remplacement par le culte de la Baison. Le 40 oct. 4793,
il défendit toute manifestation religieuse en dehors des
églises ; il imposa un caractère purement civil aux funé-
railles ; il remplaça dans les cimetières les emblèmes chré-
tiens par une statue du Sommeil et ordonna que l'on écrivît
« sur la porte de ce champ consacré par un respect reli-
gieux aux mânes des morts : la Mort est un sommeil
éternel ». Le 30 oct., il fut envoyé à Lyon avec Collot
d'Herbois et s'y montra cruel. Non seulement il partagea avec
son collègue la responsabilité des mitraillades, mais, après
le départ de Collot, il activa les opérations de l'inexorable
commission militaire qui fit périr tant de Lyonnais et il se
vanta publiquement de ces effusions de sang(V. par exemple
sa lettre à Collot, Moniteur, XIX, 37). Rentré à Paris peu
avant la mort de Danton, il fut élu président des Jacobins
le 8 prairial an II, au moment des préparatifs de la fête à
l'Etre suprême et parut être le chef de l'opposition à la po-
litique de Robespierre. Celui-ci lui reprocha publiquement
ses crimes et le fit exclure du club le 26 messidor. Il se
sentit désigné pour l'échafaud et contribua sans doute à la
journée du 9 thermidor. Mais, quand la réaction eut triom-
phé, de nouveaux périls le menacèrent. Dénoncé à la séance
du 43 germinal an III, au moment des premières proscrip-
tions contre les montagnards, il bénéficia d'abord de l'ordre
du jour> puis fut décrété d'arrestation. L'amnistie du 4 bru-
maire an IV lui rendit la liberté. C'est alors qu'il déve-
loppa tout son génie d'intrigue. Lié avec Babeuf et ses
amis, il dénonça leurs projets au Directoire, et, en récom-
pense, fut nommé, par l'influence de Barras, ministre plé-
nipotentiaire à Milan, en remplacement de Trouvé (vendé-
miaire an VII). Là, de concert avec le général Brune, il tenta
une sorte de coup d'Etat contre le gouvernement de la Ré-
publique cisalpine. Désavoué et expulsé en nivôse an VII,
il fut nommé, au mois de prairial suivant, ambassadeur en
Hollande, puis, le 2 messidor, ministre de la police générale.
Il ferma le club des Jacobins reconstitué au Manège, sup-
prima onze journaux, organisa un puissant système d'espion-
nage et se donna cette réputation de génie policier, qui lui
valut d'être craint et recherché par tous les partis. Il aida
Bonaparte à faire le coup d'Etat du 48 brumaire et conso-
lida le nouveau régime. Mais, n'ayant pas su prévoir l'af-
faire de la machine infernale, il eut beau faire proscrire les
républicains, il dut quitter le ministère le 15 sept. 4802.
Le premier consul le nomma sénateur et titulaire de la sé-
natorerie d'Aix et le combla d'argent. Le 24 avr. 4808,
il fut nommé comte de l'Empire et, le 45 août 4809, duc
d'Otrante.
Les conspirations et les dangers qui assaillirent le pre-
mier consul après le départ de Fouché devaient amener son
873 —
FOUCHÉ — FOUCHER
retour au pouvoir. On assure qu'il essaya vainement d'em-
pêcher le meurtre du duc d'Enghien et dit alors à Bona-
parte le mot fameux : C'est plus qu'un crime, c'est une
faute. Après l'établissement de l'Empire, Fouché fut rap-
pelé au ministère de la police (40 juil. 1804). Napoléon
n'eut d'abord qu'à se louer des services de l'habile homme
qui maintenait la paix à l'intérieur, pendant que lui-même
était hors de France, à la tête de ses armées. Mais, dès
4809, Fouché prévit la chute de Napoléon et il commença
à intriguer avec les Bourbons d'une part et avec les répu-
blicains de l'autre. Chargé à ce moment-là d'exercer l'in-
térim du ministère de l'intérieur, il prit sur lui d'or-
donner à Bernadotte d'aller repousser un débarquement des
Anglais en Zélande. Napoléon n'aimait pas Bernadotte: il
se tacha, ôta à Fouché le ministère de l'intérieur et, comme
celui-ci avait un peu plus tard ouvert à son insu une né-
gociation avec l'Angleterre, il le remplaça au ministère de
la police par Savary (3 juin 1840) et le chargea du gou-
vernement de Rome, où il ne se rendit pas. Ayant éludé
la demande que lui avait faite l'empereur de rendre les
papiers compromettants dont il était possesseur, il eut peur,
s'enfuit en Italie, obtint de rentrer et de résider à Aix, puis
dans sa terre de Pont-Carré. En 4843, Napoléon le nomma
gouverneur des provinces iilyriennes, puis l'envoya à Naples
en vue d'y surveiller Murât ; mais Fouché se garda bien de
dissuader ce prince de ses projets de défection. Rentré à
Paris le 40 avr. 4844, il s'aboucha avec les Bourbons, in-
trigua en leur faveur et cependant refusa d'eux le porte-
feuille de la police, parce que la Restauration ne lui sem-
blait pas solide. Au retour de l'île d'Elbe, il redevint ministre
de la police de Napoléon. Après Waterloo, il insista pour
l'abdication, devint président de la commission de gouver-
nement nommé' par les Chambres (23 juin 4845) et se
tourna vers les Bourbons. C'est lui qui tira de prison M. de
Vitrolles, dont les démarches contribuèrent tant à la se-
conde Restauration. C'est aussi lui qui força Napoléon à
quitter la Malmaison. Louis XVHI accepta ses services et
il fut pour la quatrième fois ministre de la police. Il s'op-
posa tant qu'il put aux mesures de proscription et de réac-
tion violente. Il signala publiquement dans des rapports
et des notes les dangers de la politique ultra-royaliste. Elu
à la Chambre des députés par trois départements , il n'ac-
cepta pas et donna sa démission de ministre de la police
le 49 sept. 4815. Nommé ministre à Dresde, il ne tarda
pas à être atteint, comme régicide, par la loi de 4846. Il
se retira à Prague-, se fit naturaliser Autrichien en 4848 et
alla finir ses jours à Trieste. Il s'était marié deux fois :
d'abord, le 9 oct. 4842, avec Mlle Coignard ; puis, en août
4815, avecMlle de Castellane, qui lui survécut jusqu'en 4 850 .
Il existe des Mémoires de Fouché, duc d'Otrante, mi-
nistre de la police générale (Paris, 4824, 2 vol. in-8).
La famille de Fouché les désavoua et les fit saisir. D'après
Quérard, ils ont été rédigés par Alphonse de Beauchamp,
sur des notes fournies par Jullian, ancien agent de Fouché.
C'est une compilation sans valeur. Il n'existe pas de biogra-
phie sérieuse et complète de Fouché. Le Mémoire historique
sur Fouché (Paris, 4815, in-8) et Fouché (de Nantes),
sa vie privée, politique et morale (Paris, 4816, in-8), ne
sont que des pamphlets. F.-A. A.
Bibl. : Comte de Martel, Etude sur Fouché; Paris,
1873-1879, 2 vol. in-12.
FOUCHÉCOURT. Corn, dudép. de la Haute-Saône,
arr. de Vesoul, cant. de Combeaufontaine ; 244 hab.
FOUCHÉCOURT. Corn, du dép. des Vosges, arr. de
Neufchâteau, cant. de Lamarche; 227 hab.
FOUCHER (Simon), philosophe français, né à Dijon le
4ermars 4644, mort à Paris le 27 av. 4696. Entré de
bonne heure dans les ordres, il avait reçu en même temps
que la prêtrise le titre de chanoine honoraire de la Sainte-
Chapelle de Dijon. Désireux de s'instruire, il renonça aux
avantages que lui assurait cette situation, et vint à Paris
prendre le titre de bachelier en Sorbonne, s'y fixa et entra
en relations avec les principaux savants de l'époque. Fou-
cher s'attacha d'abord à la philosophie cartésienne et fut
même chargé, suivant Baillet, d'écrire l'éloge de Descartes
quand les cendres du grand philosophe furent rapportées
en France, en 4667. Mais il ne garda guère de Descartes
que le doute méthodique et tenta de restaurer la philoso-
phie académicienne, c.-à-d. une sorte de probabilisme pru-
dent analogue à celui de Cicéron. Toutefois, il admettait
des vérités premières, la spiritualité et l'immortalité de
l'àme et l'existence de Dieu ; mais il se prononça franche-
ment pour l'idéalisme dans la question de l'existence des
corps. Il se plaisait à insister sur les avantages que cette
doctrine offrait à la religion pour éviter les hérésies et
entretenir la paix entre les princes temporels. Quand parut
la première partie de la Recherche de la vérité de Male-
branche, Foucher • publia un examen minutieux de la
théorie de la vision en Dieu : Critique de la Recherche
de la vérité (Paris, 4675, in-12) ; il en résulta entre
les deux philosophes une longue polémique qui eut un
grand retentissement parmi les contemporains et qui est
encore d'un grand intérêt pour l'étude de la philosophie
de Malebranche. On trouvera la liste complète des ou-
vrages de Foucher dans la Bibliothèque des auteurs
de Bourgogne, de Papillon (Dijon, 1745, in-fol., t. I,
pp. 422 etsuiv.). Voici les titres des principaux : Disser-
tation sur la Recherche de la vérité, ou sur la phi-
losophie des académiciens (Paris, 4673, in-42); Cri-
tique de la Recherche de la vérité où Von examine
en même temps une partie des principes de M. Des-
cartes (id., 4675, in-42) ; Réponse pour la critique à
la Préface du second volume de la Recherche de la
vérité (id., 4676; 2e éd., 4679, in-42); De la Sagesse
des anciens, où Von fait voir que les principales
maximes de leur morale ne sont pas contraires au
christianisme (id., 4682 et 4683, in-42) ; Dissertation
sur la Recherche de la vérité, contenant V apologie des
Académiciens (id., 4687, in-42); une deuxième édition
parut en 4690 accompagnée de Y Histoire des Académi-
ciens. Foucher y joignit une troisième partie (4692), puis
une quatrième (4693). Tous ces opuscules furent alors
réunis sous ce titre : Dissertations sur la Recherche de
la vérité, contenant l'histoire et les principes de la
philosophie des Académiciens, avec plusieurs réflexions
sur les sentiments de M. Descartes (Paris, 4693, in-
42) ; Lettre à M. Lantin, conseiller au Parlement de
Bourgogne, sur la question si Carnéade a été con-
temporain d'Epicure (Journal des savants, 4694);
Deux lettres à Leibniz publiées dans l'éd. Dutens (t. II,
pp. 402 et 240). Th. Ruyssen.
Bibl. : F. Rabbe, l'Abbé Simon Foucher; Dijon, 1867.
FOUCHER (Paul), érudit français, né à Tours en mars
4704, mort à Paris le 4 avr. 4778. Elevé au collège des
jésuites de Tours, où il se fit remarquer dès sa jeunesse
par un poème, le Combat des Piats et des Chats, inspiré
par la Batrachomyomachie, il entra à la fin de 4748
dans la congrégation de l'Oratoire, fit ses études de théo-
logie à Paris, et, fort peu favorisé de la fortune, se résigna
à diriger l'éducation des fils du comte de Chateluz , puis
celle du fils de la duchesse de la Trémoille. Elu, en 4753,
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
l'abbé Foucher est l'auteur d'un Traité historique de la
religion des Perses et de Recherches sur V origine et la
nature de Vhellénisme insérés dans les Mémoires de
l'Académie (t. XXV à XXIX et XXXIV à XXXIX), d'une
Géométrie métaphysique (Paris, 1758, in-8) et de
divers ouvrages demeurés en manuscrits, entre autres une
Histoire de la maison de La Trémoille et des Entre-
tiens sur la religion.
FOUCHER (Victor-Adrien), magistrat français, né à
Paris le 4er juin 4802, mort à Paris le 2 févr. 4866. Après
une carrière judiciaire et administrative bien remplie, au
cours de laquelle il occupa les fonctions de directeur des
affaires civiles en Algérie (1846), de président de la com-
mission des transportés de Juin (4848) et de procureur
FOUCHER
874 —
de la République près le tribunal de la Seine (1849), il
fut nommé conseiller à la cour de cassation (chambre cri-
minelle le 20 jnil. 4850. Il fit partie de la commission
chargée de l'étude des réformes à apporter dans la procé-
dure criminelle, du conseil de l'ordre de la Légion d'hon-
neur (4852-1860) et fut membre de la chambre des mises
en accusation de la haute cour de justice (1852). Directeur
de la Collection des lois civiles et criminelles des Etats
modernes (1833-1862), collaborateur de la Gazette des
Tribunaux, de la Revue Fœlix, de la Revue Wolowski,
où il donna d'importants travaux sur la législation étran-
gère, il a laissé de nombreux ouvrages parmi lesquels nous
citerons : De l'Admin. de la justice militaire en France
et en Angleterre (Paris, 1825, in-8); De la Législation
en matière d'interprétation des lois en France (1834-
1835, in-8); Sur la Réforme des prisons (Rennes, 1838,
in-8); Assises duroyaume de Jérusalem (1839-1841,
2 vol. in-8); Mme de Chevreuse, épisode de la Fronde
(Rennes, 1841, in-8); Rapport sur l'organisation de la
justice musulmane en Algérie (1854, in-fol.); les Ru-
reaux arabes (1858, in-18); Commentaire sur le code
de justice militaire pour V armée de terre (1858, in-8);
DÛ Mouvement des études historiques et philosophiques
en province (1863, in-8).
FOUCHER (Paul), littérateur français, né à Paris le
21 avr. 1810, mort à Paris le 24 janv. 1875. Beau-frère
de Victor Hugo, qui avait épousé en 1822 sa sœur aînée
Adèle, il fut quelque temps employé dans un ministère et
signa pour son beau-frère la pièce d'Amy Robsart, drame
en cinq actes et en prose, qui fut représentée à l'Odéon le
13 fév. 1828. Son vrai début date de 1830 où il donna
Iseult et Rimbault, pièce moyenâgeuse et confuse, que
suivirent à de courtes distances Saynètes (1831); la Mi-
sère dans V amour (1832) ; les Passions dans le monde
(1833); Toutou rien (1834), plus une soixantaine de
pièces de toutes sortes, parmi lesquelles nous citerons ; le
Caravage (trois actes, 1834), avec Ch. Desnoyer; le
Transfuge (trois actes, 1836), avec A. de Lavergne;
VOffider bleu (cinq actes, 1837), avec Alboize; Jeanne
de Naples (cinq actes, même année) ; les Chevaux du
Carrousel (cinq actes, 1839), avec Alboize; le Pacte de
Famine (cinq actes, 1839), avec ElieBerthet; la Voisin
(cinq actes, 1842), avec Alboize; la Justice de Dieu
(cinq actes, 1843), avec Anicet Bourgeois; V Héritier du
Czar (cinq actes, 1849), avec Goubaux et Duport ; Notre-
Dame de Paris (1850), pièce en cinq actes et en quinze
tableaux, tirée du célèbre roman de Victor Hugo, interdite
à sa reprise en 1868, et donnée à nouveau en 1879 avec
un grand succès. A proprement parler, c'est la seule pièce
de Paul Foucher qui ait vaincu quelque temps l'attention.
Qui se souvient encore de l'Institutrice (quatre actes,
1861); de Delphine Gerbet ou les Comptes de jeunesse
(quatre actes, 1862), en collaboration avec Régnier; du
Carnaval de Naples (cinq actes, 1864); de la Rande
noire (sept actes, 1866), avec Delaporte, etc.? Il est
piquant de voir ce farouche romantique de la première
heure présenter à l'Académie en 1839 une tragédie qu'elle
couronna : Dom Sébastien de Portugal. Paul Foucher a
écrit aussi en 1842 et en 1844 les livrets de deux opéras :
le Vaisseau Fantôme et Richard en Palestine, et en
1844 et en 1866 les livrets des ballets de Paquita, en
collaboration avec Mazelier, et de l'Etoile de Messine, en
collaboration avec Bori. Paul Foucher, lorsqu'il mourut,
s'était depuis longtemps retiré dans la critique dramatique
et le journalisme. Ses articles de la France et de l'Epoque
ont été recueillis sous le titre à' Entre Cour et Jardin
(1867, in-18) et de les Coulisses du passé (1873, in-18).
Il envoyait depuis 1848 un courrier politique quotidien à
l'Indépendance belge. Ch. Le G.
FOUCHER (Victor-Charles-Paul), publiciste français,
né à Paris le 8 sept. 1849, fils du précédent. Elève de
l'Ecole centrale , il fit dans l'armée de Vinoy la guerre
franco-allemande de 1870-71. Il entra à la fin de 1871
dans la rédaction du National, devint, en 1885, rédacteur
en chef de ce journal et, trois ans après, prit la direction
du Siècle jusqu'en 1890. On a de lui : le Catéchisme ré-
publicain du libre penseur (Paris, 1881, in-12); Ceux
qui souffrent, roman (1885, in-4).
FOUCHER de Careil (Comte Louis -François), géné-
ral français, né à Guérande le 14 déc. 1762, mort le
22 août 1835. Entré au service comme aspirant d'artillerie
dès 1781, il se distingua par ses talents et sa bravoure
pendant les guerres de la Révolution (notamment aux
armées du Rhin sous Custine, de Sambre-et-Meuse sous
Jourdan etHoche, du Rhin sousMoreau) et devint général de
brigade après Hohenlinden. De nouveaux et brillants ser-
vices lui valurent le grade de général de division le 8 mars
1807 et le titre de baron en 1808. Il contribua puissam-
ment à la prise de Saragosse en 1809 et à celle d'Astorga
en 1810. Il commanda l'artillerie du maréchal Ney à la
bataille de la Moskowa (7 sept. 1812) et prit encore une
part importante aux campagnes de 1813 et 1814. Il fut
mis à la retraite après la seconde restauration (1815) pour
avoir servi Napoléon pendant les Cent-Jours. A. Debidour.
FOUCHER de Careil (Comte Louis-Alexandre), litté-
rateur et homme politique français, né à Paris le 1er mars
1826, mort le 10 janv. 1.891, fils du précédent. Il se
livra de bonne heure à l'étude de la philosophie et com-
mença, en 1854, la publication d'une édition des Œuvres
de Leibniz, dont il avait découvert, en Allemagne, des
manuscrits inédits. Cette édition, qui devait comporter
douze volumes, n'est pas achevée : sept volumes seulement
ont paru. Il fit paraître aussi un grand nombre d'études
concernant des points spéciaux de l'histoire de la philoso-
phie, touchant la vie des philosophes Leibniz, Hegel, Des-
cartes, etc., ainsi que des ouvrages littéraires et diploma-
tiques. Grand propriétaire dans le Calvados, il fut de 1859
à 1870 conseiller général dans ce département ; il avait
été candidat indépendant au Corps législatif lors du renou-
vellement de 1863. Pendant la guerre, il fut directeur géné-
ral des ambulances de l'Ouest, puis successivement préfet
des Côtes-du-Nord (21 mars) et de Seine-et-Marne (18 avr.
1872). Elu sénateur de Seine-et-Marne le 30 janv. 1876
et en nov. 1877 conseiller général de ce département dans
une lutte où il eut pour concurrent le baron Alphonse
de Rothschild, il ne tarda point à devenir président de
cette assemblée départementale, fonction qu'il exerça comme
celle de sénateur jusqu'à sa mort. Il avait été nommé le
3 août 1883 ambassadeur de la République française à la
cour de Vienne en remplacement du comte Duchâtel; il
donna sa démission le 26 juin 1 886. Il avait fondé en 4 877
la Société nationale d'encouragement à l'agriculture et con-
sacra une grande part de sou activité à la défense des ques-
tions agricoles et économiques. Parmi les principales pu-
blications de Foucher de Careil, il faut citer, outre son
édition des Œuvres de Leibniz : Rome ou Espérances
et Chimères de l'Italie (1860); Leibniz, la philosophie
juive et la cabale (1861, in-8); Descartes et la prin-
cesse palatine (1862, in-8); Hegel et Schopenhauer
(1862, in-8) ; Leibniz, Descartes et Spinosa (1 863, in-8);
Gœthe et son œuvre (1865, in-18); le Luxembourg à
la Relgique avec pièces justificatives (1867, in-18); les
Habitations ouvrières et les Constructions civiles (1873,
in-8); Leibniz et les deux Sophie (1876, in-8) ; Des-
cartes, la princesse Elisabeth et la reine Christine,
d'après des lettres inédites (1879, in-8), etc.
FO U C H E R de Chartres (Fulcherius Carnotensis) , histo-
rien de la première croisade, né à Chartres en 1058, mort
postérieurement à 4 427, probablement à Jérusalem. Le nom
de « Carnotensis » qui accompagne son prénom indique le
lieu de sa naissance. Guibert de Nogent, son contemporain,
nous apprend qu'il était prêtre. Foucher avait sans doute
déjà reçu les ordres lorsqu'en 1096 il partit pour la croi-
sade avec Robert, duc de Normandie, et Etienne, comte de
Blois et de Chartres. Il prit, en leur compagnie, la route de
l'Italie où il passa l'hiver de 1096-1097, parvint à Durazzo
au printemps de 1097, assista depuis le commencement de
juin au siège de Nicée, et combattit, le 1er juil., à la ba-
taille de Dorylée, sous les ordres de Boémond. Arrivé à
Narasch, il quitta le gros de l'armée pour suivre Bau-
douin(V. ce nom), frère de Godefroi de Bouillon, à Edesse.
Baudouin le fit son chapelain. Après avoir accompli dans
l'hiver 1099 le voyage de Jérusalem et être retourné en-
suite à Edesse, Foucher se fixa définitivement dans la ville
sainte, lorsque Baudouin y fut appelé, en 1100, pour suc-
céder à Godefroi de Bouillon. Il accompagna ce prince, à
la fin de 1100, dans son expédition en Arabie, et, en 11 M,
dans sar campagne contre les Turcs de Mésopotamie.
Après la mort de Baudouin Ier, en 1118, et bien qu'il pa-
raisse n'avoir pas éprouvé beaucoup de sympathie pour le
successeur de ce prince, il continua de séjourner à Jérusa-
lem. Il y vivait encore en 1127, année oii s'arrête son his-
toire. Il avait alors soixante-neuf ans. La date de sa mort
est inconnue, mais il est à présumer qu'elle n'est pas
de beaucoup postérieure. Plusieurs écrivains du moyen
âge, copiés par des historiens modernes, ont confondu
Foucher avec un « Fulgerius Carnotensis », cité par Ray-
mond d'Aguilers comme ayant escaladé le premier les
murs d'Antioche. Cette opinion n'est pas soutenable, puis-
que Foucher déclare lui-même n'avoir pas assisté au siège
d'Antioche. C'est à tort également que les auteurs du Gai-
lia Christiana l'ont identifié avec un Foucher de Monger-
villier, abbé de Saint-Père de Chartres, mort en 1171,
c.-à-d. à une époque où notre Foucher aurait eu cent
treize ans. Duchesne, dans son Histoire des cardinaux
français (t. I, p. 57), fait de lui, mais sans raison plau-
sible, un cardinal.
Le seul ouvrage connu de Foucher de Chartres est son
Historia Hierosolymitana, l'une des sources les plus im-
portantes de l'histoire de la première croisade. Cette his-
toire débute, en 1095, par le récit du concile de Cler-
mont, auquel l'auteur paraît avoir assisté, et se termine
brusquement, en 1-127 comme nous l'avons dit, par la
mention d'une invasion de rats en Palestine. Foucher ne
raconte en détail que ce qu'il a vu. Pour tous les événe-
ments de la croisade dont il n'a pas été témoin, il est très
bref. Il a rédigé son œuvre en plusieurs fois. Une première
rédaction, dont aucun exemplaire ne nous est parvenu,
devait s'arrêter à l'année 1105. Foucher le reprit plus
tard et le poursuivit jusqu'à la prise de Tyr, en 1124.
Nous possédons plusieurs manuscrits de cette seconde ré-
daction. Enfin, de 1124 à 1127, il remania son travail,
qu'il divisa en trois livres et auquel il joignit une préface.
C'est sous cette forme que Y Historia Hierosolymitana
nous est présentée par le plus grand nombre de copies. Il en a
été donné jusqu'ici trois éditions. La première est due à Bon-
gars (Gesta Dei per Francos, 1611-1619, t. I, pp. 381-
440) ; elle reproduit un texte de la seconde rédaction. La
seconde se trouve dans le t. IV (pp. 816-889) des Histo-
riens de France de Duchesne ; elle a été faite d'après un
manuscrit de la troisième rédaction, incomplet au commen-
cement. La Patrologie latine de Migne (t. CLV, col.
825-940) en contient une reproduction, avec adjonction
de la Préface, d'après le texte de cette préface publié par
Martène dans le t. I, p. 364 de son Thésaurus anecdo-
torum. La troisième, enfin, la meilleure de beaucoup, fait
partie du t. III des Historiens occidentaux des Croi-
sades, publiés par les soins de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, où elle occupe les pp. 319 à 445. Ajou-
tons qu'une version française de V Historia Hierosolymi-
tana a été donnée par M. Guizot dans le t. XXIV de sa
collection, Ch. Kohler.
FOUGHERANS. Corn, du dép. du Doubs, arr. de Besan-
çon, cant. d'Ornans ; 287 hab.
FOUCHERANS. Corn, du dép. du Jura, arr. et cant.
de Dole ; 615 hab. Foucherans était considéré comme fai-
sant partie du duché de Bourgogne, bien qu'il fût à la
porte de Dole et largement enclavé dans la Franche-Comté.
Ses habitants furent affranchis de la mainmorte person-
— 875 — FOUCHER - FOUCQUET
nelle et réelle en 1350, par Griffon de Laubespin, leur sei-
gneur. Il existe à Foucherans un haut fourneau dont la
création remonte au milieu du xvme siècle.
FOUCHÈRES. Corn, du dép. de l'Aube, arr. et cant.
de Bar-sur-Seine, sur la Seine; 399 hab. Stat. du chem.
de fer de l'Est, ligne de Troyes à Bar-sur-Seine. Pont sur
la Seine. Chaux hydraulique. — Eglise du xne s. avec des
vitraux de la fin du xvie.
FOUCHÈRES. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Bar-
le-Duc, cant. de Moûtiers-sur-Saulx ; 272 hab.
FOUCHÈRES. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Sens,
cant. de Chéroy ; 376 hab.
FOUCHEROLLES. Corn, du dép. du Loiret, arr. de
Montargis, cant. de Courtenay ; 420 hab.
FOUCH1ER (Bertrand), peintre hollandais, né à Berg-
op-Zoom en 1609, mort à Berg-op-Zoom en 1674. Il eut
successivement pour maîtres Antoine Van Dyck à Anvers et
Jean Billaert à Utrecht. Puis il partit pour l'Italie où il
s'assimila assez habilement la manière de Titien. Le pape
Urbain Vlïl l'accueillit favorablement et tenta de l'attacher
à sa cour ; mais Fouchier se compromit en soutenant un
de ses compatriotes dans un démêlé avec un cardinal, et dut
quitter Rome. Il revint dans sa patrie, en passant par Pa-
ris. S'apercevant que dans sa patrie la mode n'était plus
aux grandes scènes majestueuses à l'italienne, mais aux
scènes de cabaret de Brauwer, il adopta aussitôt les sujets
et la manière de ce peintre dans de petits tableaux à l'huile
conservés dans divers musées. On sait qu'il peignit égale-
ment des vitraux, aujourd'hui perdus. E. Bertaux.
Bibl. : Descamps, Vies des peintres hollandais, I.
FOUCHY (Grandjean de) (V. Grandjean de Fouchy).
FOUCQUET (Jehan), peintre français, né à Tours vers
1415, mort à Tours vers 1480. C'est à Paulin Paris et au
comte A. de Bastard que revient l'honneur d'avoir remis
en lumière ce grand artiste, dont les œuvres et le
nom même s'étaient perdus depuis deux siècles. Grâce aux
travaux qui lui ont été consacrés, sa biographie est au-
jourd'hui connue, au moins d'une façon sommaire, et son
génie peut être étudié dans des pièces capitales, dont les
découvertes à venir ne pourront manquer d'accroître le
nombre. Pour ses trente premières années, on ne connaît
aucun fait, mais à cette période on peut rattacher deux
œuvres. L'une est la Bible moralisée (Bibl. nat., f. fr.,
n° 166), avec 150 miniatures, qui, malgré leur extrême
petitesse, ont une extraordinaire puissance de vie et d'ex-
pression. La seconde est le portrait de Charles VU, à mi-
corps, certainement antérieur à 1445, car le roi n'y accuse
pas quarante ans (musée du Louvre, n° 289). Cette pein-
ture si énergique dans sa sobriété dut frapper les contem-
porains, et Foucquet eut de bonne heure une renommée de
portraitiste. Nous en avons une preuve éclatante. Lors d'un
vcfyage en Italie que Foucquet entreprit vers 1445, le
pape Eugène IV commanda au peintre français son propre
portrait à l'huile et sur toile qui fut placé dans l'église de
la Minerve. Nous avons sur ce point les témoignages de
Vasari (1550), de Francisco Florio {De Commendatione
Urbis Turonicœ), et de Filarète (Traité d'architec-
ture). Quant à la peinture elle-même, elle a disparu,
et n'est plus connue que par une gravure médiocre de
1568. De retour en France, Foucquet trouva un protec-
teur éclairé dans la personne d'Etienne Chevalier, trésorier
de France sous Charles Vil et Louis XI. Il peignit pour lui
deux manuscrits admirables que nous possédons encore, au
moins en partie. L'un est un in-folio traduit de Boccace par
Laurent de Premierfait, sous ce titre : les Cas des nobles
hommes et femmes malheureux, et daté de 1458 (bi-
bliothèque de Munich). Les quatre-vingts petites miniatures
semées dans le texte sont exécutées par des élèves, mais la
main de Foucquet se montre en toute certitude dans les
grandes miniatures qui se trouvent en tête de chacun des
neuf livres, et surtout dans l'étonnant frontispice, qui
représente Charles VII condamnant en lit de justice
Jean, duc d'Alençon. Le second manuscrit peint pour
FOUCQUET
— 876 —
E. Chevalier était un Livre cT "Heures , que l'incurie des
descendants du grand trésorier laissa ou fit couper et vendre
par feuilles, à la fin du xvne siècle. Heureusement, quarante
de ces pages inestimables ont été retrouvées chez un brocan-
teur de Bâle et achetées par M. Georges Brentano-Laroche,
qui les exposa dans sa collection, à Francfort-sur-le-Main.
Son fils, M. Louis Brentano, après avoir à plusieurs reprises
refusé de s'en dessaisir, vient de les céder, en 1891, pour
la somme de 300,000 fr. à M. le duc d'Aumale, qui les a
placées au nombre des plus précieuses merveilles de Chan-
tilly. Trois autres feuillets se sont encore retrouvés : l'un
appartient à la famille du poète anglais Samuel Rogers; le
second a passé en 1889 de la collection Feuillet de Conches
au musée du Louvre ; enfin un troisième, tout récemment
découvert à Asnières, vient d'entrer au Cabinet des estampes.
Foucquet peignit encore pour Etienne Chevalier un diptyque
votif qui fut placé dans l'église Notre-Dame de Melun, et
qui disparut un peu avant la Révolution. L'un de ces deux
panneaux de bois, peints à l'huile, qui représente le Do-
nateur à genoux, accompagné de son patron saint
Etienne, a été retrouvé à Munich parle frère de M. Louis
Brentano, et a pris place dans la collection de ce dernier.
Le second également a été découvert à Paris par M. Van
Ertborn, et se trouve aujourd'hui au musée d'Anvers : on
y voit la Vierge entourée $ anges, qui, le sein nu, baisse
les yeux avec amour sur l'enfant qu'elle vient d'allaiter.
Ce petit tableau, en même temps qu'une œuvre artistique
de premier intérêt, est une curiosité historique ; en effet
la Vierge y est représentée sous les traits d'Agnès Sorel,
la protectrice du trésorier de France, et il en a été fait au
xvie siècle un grand nombre de copies qui portent le nom
de la pieuse courtisane. Si Foucquet était le peintre ordi-
naire du trésorier de France, il travaillait également pour
d'autres grands personnages, comme nous le prouve le por-
trait de Guillaume Juuénal des Ursins, baron de Tray-
nel, chancelier de France, conservé au Louvre. Le chan-
celier y apparaît dans la force de l'âge, et comme il est né
en 1400, ce portrait ne peut être postérieur à la mort de
Charles VII (1461). Le ton brun rougeâtre des chairs
trahit la même main que le portrait du roi, et l'architec-
ture savante du fond, où les oursons héraldiques grimpent
parmi les acanthes, suffirait à prouver que le maître a vu
l'Italie.
A l'avènement de Louis XI, Jean Foucquet conserva sa
situation officielle, et ce n'est même qu'après 1461 que
son nom apparaît dans les comptes avec le titre curieux de
« bon peintre et enlumineur du roy ». Vers 1465,
Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, celui-là même qui
devait périr d'une façon si tragique, eut recours à Fouc-
quet pour achever la décoration d'un manuscrit commencé
par les enlumineurs du duc Jean de Berry (Adrien Beau-
neveu, Jacquemart de Hesdin et Pierre de Limbourg). C'était
un exemplaire des Antiquités des Juifs de Josèphe qui,
après avoir passé parles mains de plusieurs princes français,
se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque nationale (m. fr.,
6891). Des neuf miniatures qu'y a peintes Foucquet, les plus
belles représentent Da v id recevant lanouvellede lamort
de Saûl, le Temple de Salomon, la Clémence de Cyrus.
Cette série, comme celle des Heures d'Etienne Chevalier,
forme une véritable collection de tableaux d'un maître.
Mais le Josèphe est particulièrement précieux à cause de
la note écrite à la fin par J. Robertet, secrétaire du duc
Pierre de Bourbon et où Jehan Foucquet, « natif de Tours »,
est formellement désigné comme l'auteur des neuf der-
nières « ystoires ». Sans ce texte unique, tant d'œuvres
précieuses, dont aucune n'est signée, seraient demeurées
anonymes. Foucquet reçut encore, sous le règne de Louis XI,
d'autres commandes princières, telles que les Heures de
la duchesse d'Orléans (1472), aujourd'hui perdues. Le
roi lui-même fit exécuter à son peintre officiel, entre autres
œuvres, les tableaux et décorations nécessaires pour les
cérémonies qui accompagnèrent la création de l'ordre de
Saint-Michel. De ces travaux il ne reste qu'une miniature
sur le frontispice des statuts de Tordre (Bibliothèque
nationale,' ms. fr. 19819). Enfin on peut rattacher à cette
dernière période de la vie de Foucquet un important ma-
nuscrit des Grandes Chroniques de France, récemment
signalé à la Bibliothèque nationale (ms. fr. 6465), avec
cinquante-trois grandes peintures ; sur la plus curieuse, qui
représente le Couronnement de Charlemagne, on voit
une vue très précise de l'ancienne basilique de Saint-Pierre,
à Rome. On peut encore signaler les tableaux de sainteté
vus à Tours, dans l'église No\re-Dame la Riche, par F. Flo-
rio (1477), et le « petit tableau de Nostre-Dame, bien
vieulx, de la main de Foucquet », que possédait en 1516
la tante de Charles-Quint, Marguerite d'Autriche. Toutes
les œuvres authentiques alors connues de cet artiste ont
été reproduites en couleur par l'éditeur Curmer dans la
publication intitulée Heures de maistre Estienne Che-
valier (Paris, 1866, 2 vol. in-4).
Jean Foucquet mourut entre 1477 et 1481. Ses traits
nous ont été conservés dans un médaillon peint sur cuivre,
en camaïeu d'or, qui a passé de la collection Hippolyte de
Janzé au musée du Louvre (galerie d'Apollon). Son nom
et son école lui survécurent peu. Après Jean Lemaire de
Belges, qui deux fois le nomme avec honneur, le xvie siècle,
envahi par l'antiquité et l'Italie, oublie le grand artiste
français. Quant à ses élèves, dont le meilleur fut Jean Poyet,
on peut leur attribuer : des Heures latines, écrites en
1465 pour Michel Prestesaille, de Tours; trois Tite Live
(Bibl. nat. et bibl. de Tours); les Heures de Charles de
Normandie, frère de Louis XI (bibl. Mazarine).
Il importe de rendre à Jean Foucquet la grande place
qu'il mérite dans l'histoire de l'art français. Faut-il, avec
Jean Lemaire de Belges, mettre son nom à côté des plus
illustres de l'Italie,
Toy, Léonard, qui as grâces supernes,
Gentil Bellin, dont les los sont éternes,
Et Pérusin, qui si bien couleur miesle.
(Plainte du Désiré.)
Ce serait commettre un paradoxe, si on le proclamait égal,
ou une injustice, si on le déclarait inférieur ; car il ne faut
pas oublier qu'il leur est bien antérieur. Quant à ses con-
temporains italiens, Masaccio, Filippo Lippi, Fra Angelico,
il n'y a vraiment rien de commun entre eux et lui, entre
ces peintres de fresques et de grands sujets et ce peintre
de miniatures et de portraits. Â peine pourrait-on le rap-
procher de Pisanello, si leur seule ressemblance ne venait
pas de ce qu'ils ont, avec la même conscience, regardé et
serré de près la nature. En réalité, Foucquet, bien qu'il
ait rapporté d'Italie beaucoup de souvenirs et de dessins,
n'est pas un homme de la Renaissance antique. A l'art
classique, il n'a pris que des fonds d'architecture et des
détails d'ornement ; au contraire, pour le dessin minutieux
et précis, là couleur chaude et profonde, l'énergie du' ca-
ractère, il est bien dans la tradition flamande et bourgui-
gnonne, celle des réalistes exquis comme le peintre des
Heures du duc de Berry. Mais il ne doit qu'à son imagi-
nation vigoureuse ses compositions d'une grandeur et d'une
variété admirables, souvent sans modèle connu, qu'à sa
vision personnelle des choses les types vivants, les expres-
sions profondes, les paysages lumineux qu'il a prodigués
dans ses chefs-d'œuvre ignorés. Il y a eu des artistes plus
nobles et plus savants ; il n'y en a pas eu de plus sincère
et de plus original. S'il n'eût pas enfoui les preuves de son
génie dans des volumes cachés au public, il serait sans doute
nommé à côté des Van Eyck. Et, sans le comparer aux
étrangers, on peut dire qu'il est sans conteste le plus grand
peintre français antérieur au xvr9 siècle, comme Michel
Colombe est le plus grand sculpteur. E. Bertàux.
Bibl. : Comte de Laborde, la Renaissance des arts à la
cour de France, I, et Appendice. — Vallet de Viriville,
Jean Foucquet, dans la Revue de Paris, 1857.— Les Saints
Evangiles, édit. Curmer (1864), Appendice contenant une
notice importante où sont réimprimés les travaux anté-
rieurs de Foucquet. — L'Œuvre de Jehan Foucquet, 1856,
2 vol. in-4. — E. Mûntz, la Renaissance en Italie et en
France au temps de Charles VIII. — Die Miniaturen des
877.—
FOUCQUET — FOUDRE
Jehan Fouquet im Besitze des Herrn Louis Brenta.no 's ;
Francfort. — P. Durrieu, Mélanges de l'Ecole de Rome,
XII. — Henri Bouchot, Gazette des Beaux-Arts, 1890, II.
FOUCQUET (Jean-François), missionnaire jésuite en
Chine, né dans le diocèse d'Autun le 12 mars 1663, mort
en Europe en 4739 ou 1740. Son nom chinois est Fou
Fang-Si. Il entra au noviciat de la Compagnie le 17 sept.
1681 ; après avoir professé les mathématiques à La Flèche,
il partit pour la Chine où il arriva le 24 juin 1699. Ses
théories bizarres sur l'origine du christianisme, les rappro-
chements qu'il essaya de faire entre les mystères de cette
religion et les livres chinois, ses doctrines extravagantes,
son attitude dans la question des rites, le brouillèrent
complètement avec ses confrères et il fut obligé de rentrer
en Europe (1722). Il ramenait avec lui un Chinois, Jean Hou,
espérant qu'il pourrait l'aider à expliquer les 4,000 volumes"
qu'il rapportait en Europe. Il eut avec lui une série de mé-
saventures ; Hou devint fou et fut rembarqué en juin 1726
pour Canton. En mars 1725, grâce à l'influence du car-
dinal Gualterio, le P. Foucquet fut nommé évêque in par-
tibus d'Eleutheropolis.
Le P. Foucquet paraît avoir servi d'intermédiaire entre
le duc de Saint-Simon et le cardinal Gualterio. Ses lettres
au cardinal Gualterio (une cinquantaine datées de 1723
à 4728) ont élé publiées par M. Cordier dans la Bévue de
V extrême Orient (I). Le P. Foucquet, entre parenthèses,
signait Foucquet, et non Fouquet. Outre un certain nombre
d'ouvrages restés manuscrits, le P. Foucquet a donné à Rome
après sa sortie de la Compagnie de Jésus (avr. 1723) une
Tabula chronologica historiœ sinicœ connexa cum
cyclo qui vulga kia tse dicitur, et un certain nombre de
lettres, insérées soit dans les Lettres édifiantes, soit dans
la Revue de V extrême Orient.
Bibl. : Abel Rémosat, Nouv. Mél. asiat., II, pp. 258-261.
— De Backer, Bibl. des écrivains de la Compagnie de Jésus.
— H. Cordier, Bibl. Sinica, et Revue de l'extrême Orient.
FOUCRAINVILLE.Com.dudép.del'Eure,arr.d'Evreux,
cant. de Saint-André ; 104 hab.
FOUDAY (en allem. Urbach). Corn, de la Basse-Alsace,
arr. de Molsheim, cant. de Schirmeck, sur le chem. de fer
de Strasbourg à Saales et au confluent de la Chergoutte et
de la Bruche ; 258 hab. Fabrication de rubans et de bon-
neterie. Tombe d'Oberlin, bienfaiteur du Ban de la Roche
(V. ce mot), dont Fouday fait partie.
FOUDRAS (Louis- Auguste-Théodore, marquis de), ro-
mancier français, né à Falkenberg (Siiésie prussienne) le
29 oct. 1800, et non à Paris, mort à Chalon-sur-Saône
le 10 juil. 1872. Après avoir débuté par des poésies d'une
médiocre valeur littéraire (1839-4842), il se mit à écrire
pour les journaux légitimistes et aristocratiques des ro-
mans dans lesquels il s'attache à décrire plus ou moins
heureusement les mœurs du grand monde. Parmi les prin-
cipales productions de cet écrivain, d'une fécondité exces-
sive, nous citerons : le Décamèron des bonnes gens (4 843,
in-8); les Gentilshommes d'autrefois (1844, 2 vol.);
Suzanne d'Estouteville (4845, 4 vol.); les Chevaliers
du lansquenet (4847, 40 vol.); les Viveurs d'autrefois
(4848, 4 vol.), avec M. de Montépin; le Capitaine de
Beauvoisis (4849, 2 vol.); Un Caprice de grande dame
(4850, 3 vol.); Diane et Vénus (4852, 4 vol.); les
Vautours de Paris (4855, 4 vol.), en collaboration avec
Constant Guéroult; la Comtesse Alvinzi (4857); les
Deux Couronnes (4859, 2 vol. in-8); Misères dorées
(4864, 4 vol.); Saint-Jean-Bouche-d'or (4864, in-42);
VAbbé Tayaut (4865, in-42); Perles et Diamants
(4870, in-42); le Lieutenant Trompe-la-Wort (4874,
in-8). Dans les dernières années de sa vie, il avait été frappé
de cécité.
FOUDRE (V. Tonneau).
FO U DR E. I. Physique. — La foudre est un phénomène
électrique qui se manifeste d'une façon constante par des
effets lumineux, les éclairs, par des effets sonores, le ton-
nerre, et par des effets variables du même genre que ceux
que les fortes étincelles électriques produisent, effets phy-
siques, chimiques, mécaniques, etc. Le lecteur trouvera
aux mots Eclair et Tonnerre des articles relatifs à ces deux
ordres de phénomènes que nous n'étudierons pas ici. L'un
des premiers points que doit aborder une étude de la foudre
est de bien préciser les conditions nécessaires et suffisantes
pour que la foudre puisse se produire. La présence de
nuages paraît indispensable ; cependant, on trouve dans des
auteurs anciens (Sénèque, Anaximandre, etc.) que la foudre
gronde parfois dans un ciel sans nuage ; peut-être a-t-on
confondu les bruits produits dans certains tremblements
de terre avec ceux de la foudre. Volney dit avoir entendu
(43 juil. 4788) un coup de tonnerre dans un ciel sans
nuages ; mais, une heure et quart après, un gros nuage parais-
sait à" l'horizon et donnait naissance à une grêle abondante.
On sait, d'autre part, qu'elle ne suffit pas et que les nuages
d'orage ont un aspect qui les fait reconnaître : lorsque,
par un temps calme, on voit s'élever assez rapidement de
quelques points de l'horizon des nuages très denses, sem-
blables à des masses de coton amoncelées, lorsque ces nuages
se gonflent, en quelque sorte ; lorsqu'ils diminuent de
nombre et augmentent de grandeur ; lorsque, malgré tous
ces changements de forme, ils restent invariablement atta-
chés à leur première base : lorsque ces contours se fondent
peu à peu les uns dans les autres, on peut, suivant Bec-
caria, annoncer avec certitude qu'un orage s'approche. A
ces premiers phénomènes succède, toujours à l'horizon,
l'apparition d'un gros nuage très sombre par l'intermé-
diaire duquel les premiers paraissent toucher à la terre.
Sa teinte obscure se communique de proche en proche aux
nuages élevés, et leur surface inférieure, celle qu'on aper-
çoit de la plaine, devient de plus en plus unie. D'après
Peytier et Howard, qui ont observé beaucoup d'orages dans
les Pyrénées, la face supérieure de ces nuages, qui semblent
parfaitement unis sur leur face inférieure, est composée de
hautes protubérances et de -profondes cavités. Howard a
même remarqué que, durant les grandes chaleurs, il se
produit tout à coup sur plusieurs points de la couche des
nuages inférieurs des soulèvements qui se prolongent comme
de longues fusées verticales et à l'aide desquels des régions
atmosphériques assez distantes peuvent se trouver en com-
munication immédiate. « Les nuages orageux, en Ethiopie,
dit M. d'Abbadie, sont toujours unis à leur face inférieure,
déchiquetés à leur surface opposée et, en général, très peu
épais. Quelques-uns de ces nuages, malgré les fortes ma-
nifestations électriques dont ils étaient le foyer, n'auraient
pas empêché de voir les étoiles au travers. » Le double
caractère que présentent les surfaces inférieures et supé-
rieures des nuages semble donc général. D'après Franklin,
un gros nuage unique ne saurait" être orageux, car, d'après
lui, quand un observateur se trouve à peu près placé sur
le prolongement horizontal d'un gros nuage d'où jaillissent
les éclairs et le tonnerre, il aperçoit sous celui-ci une série
dlautres nuages fort petits et situés les uns au-dessous des
autres. Quelquefois les plus bas de ces petits nuages sont
peu éloignés de la terre. Saussure est du même avis. On a
cependant quelques exemples de foudre jaillissant d'un
petit nuage isolé, le reste du ciel étant clair.
Les nuages formés par la condensation de la vapeur
d'eau ne sont pas les seuls qui produisent la foudre ; les
nuages de cendres qui accompagnent souvent les éruptions
volcaniques sont souvent le siège de violents orages. La
hauteur des nuages orageux est très variable ; Arago, qui
a recueilli un grand nombre de faits sur ce sujet, a trouvé
des nombres variant de 400 à 8,000 m.
. Effets de la foudre. — 4° Effets physiques. La foudre
opère souvent la fusion des pièces de métal qu'elle va
frapper ; on en trouve de nombreux exemples dans les rela-
tions d'orages ; souvent, après un coup de foudre, les
objets métalliques présentent des traces de fusion sans que
les objets voisins soient altérés ; aussi Franklin avait-il émis
l'idée, abandonnée aujourd'hui, que la foudre avait la pro-
priété d'opérer des fusions froides ! Souvent la fusion est su-
perficielle ; parfois, la quantité de matière fondue est impor-
COUDRE
— 818 —
tante ; ainsi le paquebot le New-York reçut, le 19avr. 1827,
un coup de foudre qui fondit son paratonnerre sur une
longueur de 30 centim. ; son diamètre était à la base de
6 milhm. En même temps, la chaîne de ce paratonnerre,
formée avec des fils de fer de 6 millim. de diamètre, fut
fondue sur une longueur de 39 m. Quand la foudre est trop
faible pour produire la fusion, elle détermine souvent le
raccourcissement des parties métalliques qu'elle a traversées;
lorsque des fils métalliques sont tendus entre deux points
fixes, ce raccourcissement a pour effet de rompre ces fils.
Les métaux ne sont pas les seuls corps éprouvant ces phé-
nomènes, bien que la foudre les frappe souvent; on a con-
staté l'existence de nombreuses fulgurites ; ce sont des
cylindres irréguliers presque toujours' creux que l'on trouve
dans le sable disposés à peu près verticalement ; la paroi
intérieure est un verre très uni ; la croûte extérieure est
composée de grains de quartz agglutinés. On en a trouvé
ayant plus de 40 m. de longueur. On admet qu'ils sont
produits par la foudre traversant le sable ; on en a trouvé
aux pieds d'arbres ou d'hommes foudroyés. On a de nom-
breux exemples de coups de foudre aimantant des barres
d'acier et les pièces en fer des chronomètres ou changeant
le magnétisme des boussoles sur les navires .
2° Effets mécaniques. La foudre perce souvent les
murailles, quelquefois les vitres, lorsque ces matières,
mauvaises conductrices, se trouvent séparer des parties
métalliques qui offrent au fluide électrique un passage facile;
plus rarement, elle perce des trous dans les feuilles métal-
liques (tôles de girouette, toitures de zinc, etc.). Très sou-
vent, les matières mauvaises conductrices sont projetées
au loin : « Une roche de micaschiste de 32 m. de long
sur 3 m. de large et 4m20 d'épaisseur fut brisée en trois
fragments dont un ne fut pas projeté ; une autre de 8m50
de long, 2m40 de. large et 4m20 d'épaisseur fut lancé par-
dessus un tertre à la distance de 45 m. ; la troisième de
12 m. de long fut projetée à une distance plus grande et
tomba dans la mer. Près de Manchester, le 6 août 4809,
un coup de foudre transporta, sans le renverser, un mur de
brique pesant 26,000 kilogr. à une distance d'environ 2 m.
3° Effets chimiques. On a démontré que l'étincelle élec-
trique, passant dans Fair, donne avec l'azote et l'oxygène
qu'il contient, de l'acide hypoazotique ; la foudre peut
produire le même effet ; elle peut aussi transformer l'oxy-
gène en ozone. Mais on n'a pas constaté ces effets d'une
façon nette ; on a souvent perçu après les coups de tonnerre
une odeur sulfureuse (!) parfois assez forte pour produire
la suffocation. D'autres personnes ont comparé cette odeur
à celle du phosphore (la présence de l'ozone serait alors
la cause de cette odeur) ou à celle de l'acide hypoazotique.
4° Effets physiologiques. La foudre produit, sur les
êtres organisés qu'elle frappe, des effets mécaniques consi-
dérables ; quelquefois, les empreintes de la foudre ne sont
que superficielles et se réduisent à des ecchymoses ; d'au-
tres fois, les os eux-mêmes sont brisés. Souvent les vête-
ments de l'individu frappé prennent feu . Un caractère im-
portant de la mort par la foudre qui intéresse la médecine
légale est le magnétisme intense que prennent les couteaux,
les aiguilles, les outils d'acier que peuvent porter les per-
sonnes foudroyées . Les coups de foudre qui ne déterminent
pas la mort produisent souvent des paralysies partielles,
en général peu persistantes. Un autre effet remarquable est
de détruire absolument le poil sur le corps : le capitaine
de frégate Rihouet, qui fut atteint par la foudre sur son
vaisseau le 22 févr. 4842, perdit à jamais ses cheveux, ses
cils, ses sourcils, tous ses poils, et les ongles de ses mains
s'en allèrent par écailles l'année suivante. On cite encore
un jeune homme qui, sans avoir été foudroyé, s'était trouvé
près du passage de la foudre, et qui resta ensuite complè-
tement épilé. Arago cite divers cas où des personnes frap-
pées de la foudre éprouvèrent, après la guérison des acci-
dents passagers qui les avaient atteints, une amélioration de
leur santé (suppression de rhumatismes, etc.). Ce savant
a vu un peuplier, foudroyé au milieu d'un grand nombre
d'autres, acquérir après la chute de la foudre un dévelop-
pement très remarquable par rapport aux arbres voisins
dont il avait auparavant les dimensions.
Théorie de la foudre. — Cette théorie est encore très
imparfaite, bien que la foudre ait été connue de tout temps
et que l'intensité des phénomènes qu'elle produit ait appelé
l'attention des philosophes et des savants. L'analogie entre
la foudre et les étincelles électriques a été observée sitôt
que l'on a su produire de fortes étincelles et, par cela
même, on a été conduit tout d'abord à admettre qu'il y
avait dans l'atmosphère des causes analogues à celles qui
produisent l'électricité dans nos machines. Ces dernières
utilisent l'électricité développée par le frottement ou par
l'influence des corps électrisés voisins. De là viennent les
hypothèses de nuages électrisés par leur frottement sur les
flancs des montagnes ou sur d'autres nuages, etc. On a
attribué aussi à l' évapora tion de l'eau la production de
l'électricité des nuages. Ces essais de théorie sont tout à
fait imparfaits. On doit d'abord remarquer que la présence
des nuages n'est pas nécessaire pour qu'il y ait de l'élec-
tricité dans l'air. L'air qui environne la terre est constam-
ment électrisé, même pendant les jours les plus sereins,
comme l'ont montré de nombreuses expériences ; d'autre
part, dans les orages, l'électricité que perdent les nuages
à chaque éclat de foudre se renouvelle par un mécanisme
que les hypothèses précédentes n'indiquent nullement. Il y
a donc au point de vue qui nous occupe deux faits princi-
paux à envisager : 4° l'air étant constamment électrisé,
quelle est l'origine de cette électricité atmosphérique?
2° l'air étant constamment électrisé, à quoi sont dues les
décharges violentes qui ne se produisent que pendant les
temps d'orage? On a proposé diverses solutions à la pre-
mière question. Becquerel (Comptes rendus de l'Acadé-
mie des sciences, t. LXXIÏ, p. 709, etLXXV, p. 4,045)
donne à l'électricité atmosphérique une origine solaire : les
réactions chimiques qui entretiennent la température du
soleil depuis un grand nombre de siècles ne produisent
pas que de la chaleur, elles dégagent aussi de l'électricité.
Les jets puissants d'hydrogène qui partent de la surface
solaire entraînent de l'électricité positive qui se répand
dans les espaces planétaires, puis dans l'atmosphère ter-
restre et même dans la terre, en diminuant toujours d'in-
tensité à cause de la mauvaise conductibilité des couches
d'air de plus en plus denses. Il faut, de plus, admettre,
puisqu'on ne^ trouve pas d'hydrogène dans l'air, que ce
gaz est détruit par l'ozone qui existe ou peut exister dans
les régions supérieures de l'air. Edlund trouve dans l'in-
duction unipolaire de la terre, la source de l'électricité
atmosphérique épie l'on peut constater à l'aide de diverses
méthodes et qui se traduit brillammeut sous forme d'au-
rores boréales et d'éclairs : si, dans l'axe d'un manchon
métallique, on place un aimant et si l'on fait tourner le
manchon après avoir mis ses extrémités en relation avec les
bornes d'un galvanomètre, on constate qu'il se développe
un courant en relation avec la direction et la vitesse de
de rotation du manchon ; si l'aimant lui-même tourne, le
phénomène n'est pas changé ; on peut, en particulier, lui
donner même vitesse angulaire qu'au manchon, par exemple,
en les réunissant invariablement l'une à l'autre. Une cer-
taine partie de l'atmosphère, où la pression est assez faible
et où, par conséquent, la conductibilité est meilleure qu'à
la surface de la terre, serait surtout le siège de courants
électriques allant de l'équateur aux pôles et produisant dans
ces dernières contrées les aurores boréales. En ce qui con-
cerne les orages, considérons un volume d'air humide élec-
trisé venant à se refroidir ; la vapeur d'eau, en se liqué-
fiant, diminue de volume d'une façon considérable ; le
passage de la vapeur d'eau à l'eau liquéfiée produit, par
conséquent, d'après Edlund, une condensation excessive-
ment puissante de l'électricité contenue dans l'eau. Mais,
d'autre part, l'électricité n'existe qu'à la surface de ces
gouttes, d'après les propriétés des corps électrisés, de sorte
que, lorsqu'un grand nombre de petites gouttes se réu-
— 879 -
FOUDRE — FOUET
nissent en un petit nombre de grosses gouttes, il se pro-
duit une nouvelle condensation de l'électricité, la surface
totale se trouvant ainsi diminuée. Ce n'est donc pas la quan-
tité, mais la tension de l'électricité qui se trouve considé-
rablement accrue par suite d'abord de la condensation de la
vapeur d'eau, puis de l'accroissement des gouttes. Par
suite, les grandes décharges disruptives de la foudre devien-
nent possibles ; on a fréquemment remarqué qu'à la suite
d'un coup de tonnerre, il tombait une pluie abondante au-
dessous de l'éclair ; cette pluie serait une preuve de l'ac-
croissement de volume des gouttes dont il vient d'être parié.
Mais, d'autre part, la condensation de la vapeur d'eau
accompagnée d'un si grand changement de volume, déter-
mine une aspiration vers l'endroit où elle se produit ;, les
parties de l'air situées au-dessus du nuage sont ainsi atti-
rées ; elles amènent de l'air humide à un potentiel électrique
élevé, puisque ce potentiel augmente avec la hauteur et,
de cette façon, le nuage qui vient d'être déchargé par la
production de la foudre va se trouver chargé de nouveau,
et la même condensation se produisant, les mêmes alterna-
tives de tonnerre et de pluie se reproduiront. Remarquons
que l'agitation extrême dans laquelle se trouvent la partie
supérieure des nuages orageux, signalée autrefois par
Peytier, semble vérifier ces afflux de masses d'air et de
vapeur d'eau électrisées venant des parties de l'atmosphère
situées au-dessus du nuage. Si cette théorie d'Edlund, une
des plus satisfaisantes, est vraie, les nuages doivent avoir
de l'électricité de même signe que celle de l'air ; c'est ce
que l'on constate presque toujours. Mais cette électricité
positive peut agir sur certains nuages par influence et les
eharger négativement ; on a constaté l'existence de pareils
nuages. A. Joànnis.
IL Météorologie (V. Tonnerre).
III. Médecine (V. Fulguration).
IV. Art héraldique. — Figure naturelle représentant
un faisceau de flammes montantes et descendantes, avec
quatre dards en sautoir, dont les branches à sinuosités an-
gulaires semblent des bandes vivrées. Le foudre (toujours
masculin en langue héraldique) est ailé lorsqu'il a à ses
côtés deux ailes étendues en fasce.
V. Art militaire. — On appelait foudres un attribut
brodé que portaient autrefois les généraux et les officiers
d'état-major aux retroussis de leurs habits. Aujourd'hui
ce signe distinctif n'est plus porté que par les officiers et
les secrétaires d'état-major, au collet de leurs dolmans,
tuniques ou capotes. Les officiers détachés à un service
d'état-major portent en outre les foudres brodées en or sur
leur brassard.
Bibl. : Arago, Œuvres complètes, t. IV, p. 1. — Bec-
querel, Comptes rendus de l'Académie des sciences,
LXXII et LXXV. — Edlund, Ann. de chim. phys. (5)
XVI, 49 et (6) II, p. 289.
FOUDROYAGE (Mines). Les méthodes d'exploitation des
mines reposent toutes, quand on les réduit à leur plus
simple expression, sur un petit nombre de principes fonda-
mentaux qui sont : les principes de l'abandon, du rem-
blayage et du foudroyage. Avec le principe du foudroyage,
on évite les pertes provenant de l'abandon des massifs en
renonçant à la conservation du vide ; on laisse tomber le
toit, après avoir toutefois pris les mesures nécessaires pour
que ce ne soit qu'après l'enlèvement du minerai et en sau-
vegardant la sûreté du personnel. Les méthodes auxquelles
ce mode d'exploitation ont donné naissance s'appellent
aussi méthodes d'éboulement, de dépilage et même d'effon-
drement ; elles ont perdu de leur importance depuis qua-
rante ans devant l'emploi du remblai; néanmoins, on peut
admettre qu'une grande partie du charbon et des minerais
de fer sortis chaque année du sein de la terre, de nos jours,
Test encore par les méthodes de foudroyage. Les conditions
de l'ébouiementsont différentes, suivant que l'on se trouve
sous un toit neuf ou sous d'anciens éboulis ; si le plafond
présente une solidité moyenne, capable de se maintenir
sans soutènement avec 3 ou 4 m. de portée et pendant un
temps suffisant,, les conditions seront très favorables pour
l'application du principe de foudroyage. Mais si le toit ne
se tient pas, on le supporte par des chandelles qui, en se
fendillant, annoncent au mineur que l'écroulement n'est
pas loin. Le foudroyage, à côté de ces avantages incontes-
tables, présente certains inconvénients : d'abord le danger
auquel il expose les hommes malgré toutes les précautions
prises, ensuite le gaspillage d'une partie du gisement. De
plus, cette méthode expose au danger du feu dans les
houillères par suite de la fermentation des résidus enfer-
més dans les éboulis ; on combat, il est vrai, ce danger en
isolant les déblais de chaque pilier abattu par des murs
enduits d'argile qui bouchent toutes les traverses. Le prin-
cipe du foudroyage est contre-indiqué dans les mines gri-
souteuses; en effet, on laisse entre les éboulis des vides
qui permettent la concentration du mauvais air. Suivant
que les gîtes seront puissants ou minces, il y aura lieu de
distinguer deux méthodes différentes d'exploitation par
foudroyage. L. K.
FOUDROYANT (Baril) (Art milit.). Ancien artifice de
guerre qui consistait en un baril de la dimension des barils
à poudre, que l'on remplissait de grenades, petites bombes,
bouts de canonsde fusil fortement chargés, etc. (V. Baril).
FOU EN CAMPS. Corn, du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. de Boves ; 267 hab.
FOUESNANT. Ch.-l. decant. du dép. du Finistère, arr.
de Quimper, à une petite distance à droite de l'estuaire
ou anse de Penfoulic, au fond de la baie de la Forêt ;
2,776 hab. Ce pays est renommé en Bretagne pour la
beauté de ses femmes. Il est boisé et l'on y voit de riches ma-
noirs. Eglise remontant au xe siècle. Aux environs, un camp ;
un tumulus ; un menhir (près du sémaphore de Beg-Meil).
La commune a dans sa dépendance l'archipel des Glénans.
Bibl. : De Fréminville, Antiq. du Finist., 1835, p. 143.
— Taylor, Voy. pitt. dans l'anc. Fr. ; Bretagne, 1847,
t. II, pi. 189.— Bouquet de La Grye, Pilote des côtes O. de
Fr., 1869, 1. 1, p. 44. — Dépôt des Cartes et Plans, n° 125.
FOUET. I. Technologie. — Paris est, en France, le
seul centre de fabrication pour les fouets. Les bois em-
ployés dans la confection de ces articles ont des origines
diverses. La France fournit le cornouiller, l'épine, le né-
flier, le chêne, le frêne, le noisetier, le merisier, le houx,
le buis, etc. ; tous ces bois sont livrés à l'industrie à l'état
de bâtons bruts, valant de 5 à 50 fr. le cent. On tire
d'Afrique des espèces très estimées et généralement em-
ployées pour les articles de choix ; ce sont l'olivier, le ca-
roubier, l'oranger, le myrthe, la côte de palmier, etc. ; les
prix de ces bois varient de 30 à 100 fr. les cent bâtons
bruts. L'Inde, la Chine et te Japon nous apportent les
joncs, les rotins, les bambous rigides et flexibles, les lau-
riers, les radjahs, les panaches, etc., dont le prix, pour
cent bâtons bruts, varie de 10 à 200 fr. Certains fouets
sont faits de baleine, d'acier ou de cuir, recouverts de co-
ton, de fil, de boyaux ou de soie. Les principales opéra-
tions usitées sont le redressage des bois par la chaleur, le
rabotage, le vernissage en étuves, la sculpture, etc. Les
différentes transformations auxquelles sont soumises les
matières premières s'obtiennent presque en totalité par le
travail manuel ; le tressage de l'enveloppe est la seule
opération qui s'exécute mécaniquement. Les ficelles pour
fouets de cocher sont faites en six fils ; elles sont plus so-
lides que les ficelles en trois fils, article qui ne se fait
presque plus. — Le fouet que le conducteur prend de la main
qui ne tient pas les rênes, n'est qu'une aide accessoire ; il
doit stimuler le cheval, mais il sert surtout comme châti-
ment. Les rênes doivent être ajustées et le cheval rassem-
blé quand on se sert du fouet, même comme stimulant, en
le faisant seulement siffler ou claquer. On ne doit châtier
un cheval à coups de fouet que pour réprimer et punir sé-
vèrement la désobéissance formelle, en cas d'insuffisance des
aides et de la voix. Les coups de fouet doivent être frap-
pés franchement sur le flanc ou sur le ventre ; sur la croupe
ils exciteraient la ruade et l'on doit s'en abstenir. L. K.
Corde a fouet (V.Boyauderie).
IL Egyptologie. — Le fouet à triple lanière était, dans
FOUET — FOUGASSE
- 880
l'ancienne Egypte, un des attributs royaux et, conséquem-
ment, divins.
III. Archéologie. — Fouet d'armes. — Sorte de fouet
à manche court, auquel tenaient des chaînettes ou des
cordes soutenant des boules de plomb ou de fer hérissées
de pointes. Le fouet d'armes permettait de porter des coups
si violents que peu d'armures pouvaient leur résister quand
il était manié par un bras vigoureux. C'était, d'après la
légende, l'arme préférée du neveu de Charlemagne, le
fameux paladin Roland.
IV. Droit canon (V. Flagellation).
V. Pédagogie. — La vieille discipline de répression a eu
ses instruments classiques de châtiment matériel. Dans la
famille, quand on se laisse aller, ce qui est un tort grave,
à administrer des peines corporelles, la main suffit à l'opé-
ration. Mais la pédagogie ne serait pas un art si à l'emploi
de la main elle n'avait pas substitué des procédés artificiels.
Les verges, le fouet, la férule ont tour à tour été en hon-
neur et, depuis la plus haute antiquité, depuis les écoles
juives, grecques et romaines jusqu'à nos jours, les enfants
de toutes les classes sociales, les enfants du peuple dans les
écoles élémentaires, mais aussi les enfants de la bourgeoisie
et de l'aristocratie dans les collèges, sans oublier dans leur
éducation privée les dauphins de France, ont subi tour à
tour cet odieux régime. La question n'offre guère plus
aujourd'hui qu'un intérêt historique ; car, bien que le fouet
ait encore ses partisans pratiques, notamment en Angle-
terre et en Allemagne, il ne se rencontre guère plus de
théoricien qui ose soutenir en raison un usage condamné
par l'opinion. Quelques mots suffiront à résumer l'histoire
de ces procédés disciplinaires. La Bible en recommandait
l'emploi, comme en témoignent ces passages des Proverbes:
« Celui qui épargne les verges hait son fils. » — « La folio
est entrée dans le cœur de l'enfant et les verges de la dis-
cipline l'en chasseront. » Très usités chez les Hébreux, les
châtiments corporels le furent moins chez les Grecs, mais
redevinrent à la mode chez les Romains. 11 suffit de rap-
peler ce que le poète Horace raconte de son professeur,
Orbilius plagosus, « Orbilius le fouetteur ». Au moyen
âge, la discipline brutale du temps mit aussi le fouet en
honneur. Il n'y a d'autre différence, du xive au xve siècle,
dit un historien, sinon que les fouets du xve siècle sont
deux fois plus longs que ceux du xive. Malgré les protesta-
tions des réformateurs du xvie siècle, malgré Erasme, Rabe-
lais et Montaigne, les violences corporelles demeurèrent un
des éléments essentiels de la discipline dans les collèges
des jésuites comme dans ceux des universités. Les jésuites
réglementèrent et systématisèrent la correction par le fouet.
Leurs Regulœ établissaient que les Pères eux-mêmes ne ma-
nieraient pas l'instrument de torture. Il devait y avoir dans
chaque collège un correcteur spécial préposé à l'emploi du
fouet. On n'en usait pas avec discrétion, témoin le jeune
de Bouffi ers, dont Saint-Simon raconte l'histoire : « Les Pères
fouettèrent le petit garçon... ; il fut saisi d'un tel déses-
poir qu'il en tomba malade la première journée ; en quatre
jours cela fut fini... » Au xvme siècle, les jésuites n'avaient
pas encore renoncé à ces pratiques. Nous en trouvons la
preuve dans un pamphlet fort curieux publié en 1764 par
un anonyme, sous ce titre : Mémoires historiques sur
V orbilianisme et les corrections des jésuites. L'auteur,
ancien élève des jésuites au collège de Rodez, raconte avec
la plus grande précision de détails comment fonctionnait
l'opération de ces petits supplices quotidiens, infligés en
classe, sous les yeux des élèves. Nous ne retiendrons qu'un
de ces détails : le nombre des coups pour chaque correc-
tion était de 70 à 80 ; on n'en donnait jamais moins de 40,
quelquefois on allait jusqu'à 200 ou 300 ; il était défendu
au patient de crier ; il était recommandé à l'opérateur de
mettre quelques secondes d'intervalle d'un coup à l'autre
pour qu'ils fussent plus sensibles. C'est au xixe siècle seule-
ment que la Société de Jésus semble avoir compris ce qu'il
y avait d'immoral et d'odieux dans un pareil régime de
discipline, et qu'elle a cessé de mériter les épigrammes de
la célèbre chanson de Béranger. Les frères des écoles chré-
tiennes, de leur côté, ont progressivement adouci et amé-
lioré leur discipline qui, dans les statuts de leur fondateur
La Salle, comprenait expressément la férule et les verges.
Il y a lieu, en effet, de distinguer entre les divers instru-
ments qui ont servi longtemps dans les écoles au fonction-
nement de la discipline répressive et des corrections maté-
rielles. Autre chose sont les verges, autre chose le fouet,
autre chose la férule : le fouet, corde de cuir ou de chanvre,
fixée au bout d'un manche ; les verges, baguettes de bou-
leau, d'osier, de bois flexible ; enfin la férule que la Con-
duite des écoles chrétiennes décrit ainsi : « Un instru-
ment de deux morceaux de cuir cousus ensemble, long de
40 à 12 pouces, y compris le manche pour le tenir. » Les
frères, dans leur règlement scolaire de 1811 , ont supprimé les
verges, mais ils maintenaient encore la férule. Aujourd'hui,
soucieux de la dignité de l'homme jusque dans l'enfant,
nous ne comprenons plus les aberrations d'une discipline
aussi dégradante pour ceux qui l'appliquaient que pour celui
qui la subissait. Il ne faut pourtant pas oublier que le
régime du fouet a été le pivot de tout un système d'éduca-
tion et qu'il a pu se réclamer des plus grandes autorités.
Henri IV faisait fouetter son fils, le futur Louis XIII, en
rappelant « qu'il avait été fort fouetté étant de son âge »,
et que cela lui avait profité. Louis XIV faisait traiter de la
même manière le grand dauphin, et Bossuet laissait faire et
assistait même à la correction. Cependant, dès le xvne siècle,
Locke a déjà conclu avec le bon sens : « La discipline
du fouet est une discipline servile qui rend les caractères
serviles. » G. Compayré.
VI. Médecine. — Coup de fouet (V. Coup, t. XIII,
p. 55).
FOUFFLIN-Ricametz. Corn, du dép. du Pas-de-Calais,
arr. et cant. de Saint-Pol, entre les sources de la Canche
et de la Ternoise; 202 hab. Dans l'église sont deux statues
tumulaires intéressantes du xve siècle; elles représentent
l'une un seigneur de Ricametz en costume de guerre, l'autre
sa femme enveloppée d'un linceul.
FOUG (Faho, 770; Fao, 878). Corn, du dép. de
Meurthe-et-Moselle, arr. et cant. (N.) de Toul, sur le chem.
de fer de Paris à Strasbourg et le canal de la Marne au
Rhin qui passe par un tunnel percé à travers la côte de
Foug ; 1 ,094 hab. Cette côte, qui domine le village, est
couronnée par les ruines d'un château construit auxin6 siècle
par Henri, duc de Bar, qui avait la réputation d'être inex-
pugnable et qui fut démoli par Richelieu en 1634. Com-
merce de bois ; fabrique d'huile. Dès le xive siècle, Foug
est le chef-lieu d'une prévôté, qui, à la fin du xvue siècle,
dépendait du bailliage de Saint-Mihiel. A Savonnières,
annexe de Foug, les rois carolingiens avaient une résidence,
où, en 859, Charles le Chauve et ses neveux Charles et
Lothaire assistèrent à un concile d'évêques. Foug portait
de sable, à la croix de Lorraine d'argent, et sur le
tout d'azur chargé de deux barbeaux adossés d'or,
accompagné de quatre croix recroisetées au pied fiché
d'or, côtoyé de quatre croix de Lorraine d'argent.
FOU G A. Village de l'Afrique orientale (Ousambara, côte
de Zanzibar) ; 3,000 hab. C'est la résidence du roi du pays ;
elle s'élève à 1,300 m. d'alt. dans un massif montagneux,
au N. du fleuve Pangani, et à 100 kil. environ du littoral.
FOUGARON. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. d'Aspet ; 461 hab.
FOUGASSE. Sorte de défense accessoire, dont l'objet a
été indiqué à l'art. Défense (t. XIII, p. 1107). Elle con-
siste en une excavation à laquelle on donne la meilleure
disposition pour qu'une boîte de poudre placée au fond et
recouverte d'un plateau sur lequel reposent des cailloux
concassés fasse projeter en avant par son explosion ces
derniers à une distance variant de 50 à 150 m., suivant
la charge de poudre. Les fougasses le plus généralement
employées sont les fougasses ordinaires. Elles sont cons-
tituées au moyen de petits puits de mine, mais surtout de
petits forages de 2 à 3 m. de profondeur, exécutés à la
- 881 -
FOUGASSE — FOUGÈRE
barre à mine. A l'extrémité de ces forages, on forme, à
l'aide d'une ou deux cartouches de mélinite, une chambre
dans laquelle on introduit de 45 à 40 kilogr. de poudre.
On place ces fougasses en avant des contrescarpes des ou-
vrages. Dans un terrain de consistance ordinaire, il ne
faut pas plus de quinze à vingt minutes à quatre hommes
pour creuser et charger un de ces forages. On en provoque
l'explosion lorsque l'assaillant passe au-dessus. A défaut
de barre à mine, dans des terres ordinaires, on peut em-
ployer une longue pince qu'on enfonce d'abord à bras,
puis, au besoin, à l'aide d'un mouton improvisé avec de
lourdes pierres. On peut également faire usage des fougasses-
pierriers ci-après :
1° La fougasse Piron (du nom du capitaine belge qui
Fa proposée) se compose d'une simple entaille faite dans le
terrain perpendiculairement à la ligne de tir, pour recevoir
le plateau destiné à recevoir les pierres (fig. 4) ; celles-ci
Fig. 1. — Fougasse Piron.
sont disposées en murettes en avant et sur les côtés, de
manière à rester concentrées sur le plateau. La charge de
P
450
, P étant le poids en
poudre en kilogrammes est : C :
kilogrammes du chargement de pierres. Il est avantageux
de dissimuler le mieux possible ces fougasses avec de
l'herbe, des branchages, etc., et il faut enterrer suffisam-
ment le cordeau ou les fils communiquant à l'intérieur de
l'ouvrage pour la mise de feu, afin de ne pas les détruire
accidentellement ou de ne pas provoquer une explosion
prématurée. Ce genre de fougasse est très facile à établir,
car deux hommes peuvent la construire en quarante mi-
nutes et la charger en cinquante, soit une heure et demie
de travail. Mais, les pierres étant projetées dans tous les
sens, cette fougasse serait dangereuse pour les défenseurs
si elle n'était disposée à 150 m. au moins en avant des ou-
vrages, d'où il résulte une difficulté d'installation pour
cacher les fils conducteurs de mise de feu. Son emploi pré-
sente toute sécurité quand on peut l'établir au pied d'un
ressaut formé par le terrain du côté de l'ennemi, à une
distance suffisante.
2° La fougasse en déblai (fig. 2), que l'on peut appeler
la fougasse classique du génie, est une excavation en forme
6?5à
Fig, 2. — Fougasse en déblai.
d'entonnoir ou rectangulaire, tronquée sur la grande base.
Elle reçoit une charge de 25 kilogr. de poudre et un char-
gement de 3 à 4 m. c. de pierres. Les terres de la fouille
sont disposées en bourrelets autour de la tête de la fou-
gasse, afin d'augmenter la résistance du terrain en arrière
de la charge et d'éviter des projections du côté des défen-
seurs. L'axe de la fougasse est incliné à 45°. 11 faut douze
hommes et dix heures pour la construire et la charger.
3° La fougasse rase(ûg. 3). C'est un perfectionnement
de la précédente, dans laquelle, pour ne laisser aucune
trace à la surface, on a répandu les terres sur le sol envi-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVïï.
ronnant. Mais, à cause de la suppression du remblai en
arrière, il est nécessaire d'augmenter l'inclinaison de l'axe,
qui est de 60° au lieu de 45°. Elle est chargée de 7 à
8 kilogr. de
poudre et reçoit . \
environ deux / No^
tiers de mètre
cube de pierres.
Son exécution
exige huit heu-
res et cinq hom-
mes.
Ces deux der-
nières espèces de
fougasses pré-
yh,yiui^^^iiijjjM
Fig. 3. — Fougasse rase.
sentent l'inconvénient d'être d'une construction assez dif-
ficile et assez longue, de présenter de fréquents ratés au
moment de la mise de feu et d'offrir quelques dangers pour
les défenseurs. Il a été dit plus haut que la fougasse Piron
remédie au premier de ces inconvénients.
Les fougasses, comme les mines en général, agissent
plutôt par un effet démoralisateur considérable sur les
assaillants que par les pertes qu'elles font subir à ces
derniers. Aussi, il est très probable que les fougasses-
pierriers ne seront employées que dans quelques cas parti-
culiers, notamment pour la défense des défilés et sur tous
les passages que doivent suivre les colonnes ennemies. Pour
cela, il faudra disposer de troupes du génie ne pouvant
pas trouver un emploi meilleur de leur temps et de leurs
aptitudes.
FOUGAX-et-Barrineuf. Corn, du dép. de l'Ariège,
arr. de Foix, cant. de Lavelanet; 4,547 hab.
FOUGEIROL (Edouard), homme politique français, né
aux Ollières (Ardèche)le 9 févr. 4843. Elève de l'Ecole poly-
technique, il entra dans la maison de filature de son père,
dont il devint plus tard propriétaire. Maire des Ollières,
conseiller général de l'Ardèche, il fut élu député de Privas
le 24 juin 4883 et siégea à gauche. Non réélu le 4 oct.
4885, il obtint, après l'invalidation de ses concurrents con-
servateurs, 47,477 voix sur 92,766 votants (44 févr. 4886)
et siégea à la gauche républicaine. Il combattit le boulan-
gisme et fut réélu député de la première circonscription
de Privas le 22 sept. 4889 par 9,949 voix contre 4,363
à M. Ladreits de La Charrière, royaliste. Il s'est particu-
lièrement distingué dans la discussion du tarif des douanes
où il a traité avec une haute compétence la question des
cocons et des soies.
FOUGERAY (Le Grand-). Ch.-l. de cant. du dép. d'ille-
et- Vilaine, arr. de Redon; 3,869 hab. Minerai de fer.
Fabrique de serges; tanneries. Eglise en partie romane.
Ruines de l'ancien château pris en 4354 par Bertrand du
Guesclin ; il en subsiste le donjon crénelé et des restes de
constructions des xve et xvie siècles. Nombreux manoirs
des trois derniers siècles.
FOUGÈRE. I. Botanique. — Ordre de Cryptogames
vasculaires, à frondes ou feuilles portant des organes de
reproduction, formant avec les familles qui se groupent au-
tour d'elles la classe des Filicinées. Ce sont des plantes
aflores, très répandues sur toute la surface terrestre, à l'ex-
ception des pôles et des sommets glacés des hautes mon-
tagnes.
La formation de l'œuf des Fougères se produit en deux
phases séparées par une longue période de repos. La plante
adulte produit d'abord des spores qui germent et donnent
naissance à un corps lamelliforme ou prothalle, sur lequel
l'œuf se forme. Les spores sont contenues dans des spo-
ranges situés à la face inférieure des frondes et sur les
nervures. Le groupement de ces sporanges constitue les
sores qui sont nus ou protégés par une membrane dérivée
de l'épiderme et à laquelle on a donné le nom d'indusie. La
forme des sores et la disposition des sporanges est très im-
portante à connaître, car c'est sur l'ensemble de ces carac-
tères qu'on s'est fondé pour établir la classification des
56
FOUGÈRE
— 882 —
Fiff. 1.
Sporanges.
Fougères. Ils sont répartis uniformément sur tout le limbe
ou bien localisés dans certaines régions. C'est ainsi que les
sores sont ronds et ont la forme d'une boule dorée (Poly-
podium vulgare) , d'une masse fusiforme (Scolopen-
clrium), ou bien ils ressemblent à des taches roussâtres
situées à l'extrémité des frondes (Asplenium ruta mu-
raria). Ailleurs ils sont agglomérés dans les Pteris, les
Acliantum, etc., tout le long du bord extérieur de la fronde
(H. Correvon). Dans ces cas les
sores voisins du bord sont recou-
verts par le bord même de la
feuille qui se replie et s'enroule
au-dessus d'eux (Allosurus, Chei-
lanihus, beaucoup de Pteris) ; ce
rebord est ce qu'on nomme une
fausse indusie (VanTieghem). Les
sores ne se forment pas ordinai-
rement sur toutes les feuilles ;
parfois on voit se succéder les
feuilles fertiles et les feuilles sté-
riles, mais la ressemblance [entre
ces deux sortes de feuilles peut
demeurer complète, ou bien elles
diffèrent considérablement par suite
de l'avortement total ou partiel du
parenchyme situé entre les ner-
vures fertiles. La feuille fertile ou
sa portion fertile prend alors la forme d'une sorte d'épi ou
de grappe de sporanges (Osmunda, Aneimia). On n'observe
ordinairement sur les frondes des Fougères qu'une seule
génération de sores, et ce n'est que par exception qu'on a
pu observer un renouvellement de fructification. Le nombre
des sporanges émis par une fronde est souvent des plus
considérables et chacun d'eux contient à son tour plus
d'une soixantaine de spores. Il naît du développement par-
ticulier d'une cellule de l'épidémie, ayant ainsi la valeur
morphologique d'un poil (VanTieghem). D'ailleurs, ajoute
cet auteur, des cellules voisines se développent souvent en
poils ordinaires qui entrent avec les sporanges dans la com-
position du sore et qu'on appelle des paraphyses. La cellule
épidermique ou primitive se soulève en papille dont la
partie saillante se sépare de la base par une cloison trans-
versale. Ainsi séparée cette cellule se divise elle-même
transversalement en deux nouvelles cellules, l'une infé-
rieure pour donner naissance au pédicelle, l'autre supé-
rieure pour constituer la cellule mère du sporange. Cette
dernière se cloisonnant par des séparations obliques pro-
duit quatre cellules externes aplaties qui aboutiront à for-
mer la paroi du sporange, et une cellule centrale tétraé-
drique qui, se divisant en deux à plusieurs reprises, pro-
duira les cellules mères des spores le plus souvent au
nombre de seize. A ce moment s'opère la destruction de
l'assise interne de la paroi du sporange ; le résultat de
cette dissolution donne naissance à un liquide granuleux
qui vient baigner les cellules mères en les isolant d'avec
la paroi et dans lequel les spores puisent les éléments nu-
tritifs nécessaires à leur développement. Chaque cellule
mère divise deux fois de suite son noyau, puis se cloisonne
simultanément en quatre. Les cloisons s'épaississent, puis
leur lame moyenne se dissout, isolant ainsi les spores, en-
veloppées chacune par la couche interne qui leur forme une
membrane propre (Van Tieghem). A mesure que les spores
s'accroissent aux dépens du liquide qui les contient, cette
membrane s'épaissit, puis plus tard se dédouble en deux
membranes différenciées. Arrivées ainsi à l'état de matu-
rité les spores sont disséminées par la rupture de la paroi
du sporange et elles germent sur le sol après un temps plus
ou moins long. Leur enveloppe intérieure rompt alors l'ex-
térieure et fait saillie au dehors sous forme d'une mem-
brane qui se développe en un tube court bientôt pourvu de
chlorophylle et cloisonné transversalement. A mesure que
le tube s'allonge, son extrémité s'élargit de plus en plus et
forme une lame d'un vert foncé d'abord triangulaire, plus
tard échancrée en forme de cœur ou d'éventail, à laquelle
on a donné le nom de prothalle. Ainsi la spore ne donne
pas directement naissance à une Fougère semblable à celle
dont elle est issue, mais bien à un proembryon qui cons-
titue la première génération de la plante future . Le pro-
thalle qui peut se ramifier et se multiplier par segmentation
s'applique sur le sol humide et s'y fixe par de fausses racines
ou poils radicaux. A sa surface inférieure se produisent
des organes de reproduction sexuée, mâles et femelles.
Les premiers sont les anthéridies , ordinairement groupés
en arrière, naissant entre les poils radicaux, mais aussi
latéralement à l'extérieur de ceux-ci. Ce sont de petits
sacs à paroi formée d'une couche de phytocystes conte-
tenant les éléments fécondants nommés anthérozoïdes,
petits corpuscules en forme de filaments spirales étirés en
pointe en arrière et pourvus à leur extrémité antérieure de
cils vibratiles chargés d'assurer leur motilité. Les seconds
sont les oosporanges ou archégones, plus nombreux en gé-
néral que les anthéridies, situés plus en avant, vers Féchan-
crure antérieure du prothalle et sur le coussinet médian,
ressemblant aussi à de petits sores surmontés d'un col ou
goulot qui d'abord fermé au bout finit par s'ouvrir et
peut laisser pénétrer les anthérozoïdes dans son intérieur.
Le contenu de l'oosporange présente surtout à considérer
un premier phytocyste dit cellule du canal qui s'insinue
dans le col, se transforme en mucilage et détermine la for-
mation du canal et un phytoblaste central, globuleux, qui
est l'oosphère, renfermée dans la partie ventrale de l'ar-
chégone enfoncée dans le tissu du prothalle. Quand l'oos-
phère est apte à être fécondée, les anthéridies s'ouvrent et
les anthérozoïdes viennent s'appliquer contre le mucilage
Fig. 2. — Fougère en arbre.
qui se répand à la surface de Farchégone pénétrant dans
l'oosphère et mêlant à sa substance leur protoplasme dé-
terminant la fécondation. On peut, dans des circonstances
favorables, assister à la pénétration des anthérozoïdes dans
Farchégone. Pour Strasburger on augmente beaucoup les
chances de voir ce phénomène en plaçant à côté des pro-
thalles jeunes, qui portent surtout des anthéridies, des
prothalles plus vieux sur lesquels les archégones sont plus
abondantes. Les anthérozoïdes se montrent dispersés dans
la préparation, et aussi longtemps que les archégones de-
meurent closes, ils passent devant elles sans paraître influen-
cés. Mais dès qu'elles s'ouvrent ils prennent (même ceux
qui sont assez éloignés) la direction de l'orifice du col et
sont bientôt englobés dans le mucilage extra vase. Ce mu-
m
FOUGÈRE
3C^
Fig. 3. — Archégones.
cilage, sécrété surtout par le col de l'archégone, a une action
excitante directe sur les anthérozoïdes, grâce à l'acide ma-
lique qu'il contient dans la proportion de 0,3 °/0. On a
pu arriver à attirer des anthérozoïdes dans des tubes ca-
pillaires fermés à
une extrémité et
dans lesquels on
a instillé, au
moyen d'une
pompe, un liquide
contenant de 0,01
à 0,1 % d'acide
malique combiné
à une base quel-
conque . — Un
seul anthérozoïde
suffit pour la fé-
condation; il en existe plusieurs dans l'archégone, mais un
seul pénètre dans l'oosphère. L'œuf ainsi formé s'enveloppe
aussitôt d'une membrane de cellulose pendant que s'oblitère
le col de l'archégone. Le développement de cet œuf en em-
bryon se fait ainsi qu'il suit : une cloison divise l'œuf trans-
versalement par rapport à la ligne médiane du prothalle et en
s'inclinant obliquement sur cet axe dans la direction du col
de l'archégone. Une nouvelle cloison, toujours transversale
par rapport à la ligne médiane du pro thalle, mais perpen-
diculaire à la première, divise alors chacune des deux cel-
lules ainsi formées. L'embryon se trouve ainsi composé de
quatre cellules qui sont bientôt, toutes à la fois, partagées
en deux par une nouvelle cloison dirigée cette fois dans le
sens de Taxe du prothalle. À ces quatre cellules est dévolu
un rôle différent. De la cellule supérieure et postérieure
dérive, à la suite des cloisonnements dont elle est le siège,
une masse conique qui s'enfonce dans le tissu du prothalle
et dont la fonction est de servir de suçoir pour nourrir les
trois autres; c'est ce qu'on appelle le pied. La cellule su-
péro-antérieure donne la tige, l'inféro-antérieure la pre-
mière feuille, l'inféro-postérieure la radicule. La plantule
est constituée et pendant que le prothalle et le pied se des-
sèchent, la tige pousse une seconde, une troisième feuille
et ainsi de suite, chacune d'elles devenant progressivement
plus grande et plus compliquée.
Quelques Fougères sont apogames. Au lieu de former
un œuf sur le prothalle, elles y développent un bourgeon
adventif qui multiplie simplement la plante ancienne. Du
nombre sont le Todea Africana, YAspidium falcahim,
le Pteris critica, YAspidium filix mas, variété crista-
tum; dans les deux premières les organes sexués existent
mais sont sans fonction ; dans les deux autres, il y a apo-
gynie, rareté extrême des archégones dans le Pteris cri-
tica, absence totale dans YAspidium filix mas (Van
Tieghem).
Les frondes des Fougères sont extrêmement variables de
taille et de forme. Elles peuvent acquérir des dimensions
extraordinaires, jusqu'à 3 et 6 m. de longueur. Elles peu-
vent être sessiles ou pétiolées, simples, entières, palmées,
pinnées, bipinnées, décomposées. Disposées en séries régu-
lières sur la tige, elles sont toujours rétrécies à leur base
en un pétiole ordinairement assez long, rarement très
court, et le plus souvent canaliculé à sa partie supérieure.
Les feuilles de presque toutes les espèces, sauf chez les Ophio-
glosses, sont enroulées en crosse avant leur épanouisse-
ment, et la nervure médiane et les nervures latérales y sont
recourbées d'arrière en avant et ne se déroulent que dans
la dernière période de la croissance. Au point de vue des
nervures et de leur distribution au milieu du limbe on
remarque des différences considérables. Dans quelques Fou-
gères, point de nervures principales, mais une seule nervure
qui se dichotomise à l'infini depuis son origine et dans
toute la feuille. Dans d'autres, de la nervure principale
partent des nervures secondaires qui se bifurquent, et toutes
les branches de ces bifurcations gagnent le bord de la feuille
en restant parallèles. Dans d'autres encore, la nervure
principale émet des nervures secondaires d'où partent des
nervures tertiaires qui vont en divergeant vers les bords
de la feuille. Toutes ces nervures sont toujours libres et
indépendantes les unes des autres. Mais dans un grand
nombre de Fougères elles s'anastomosent par des divisions
récurrentes ou arquées qui souvent se rencontrent et s'unis-
sent formant un réseau et divisant la surface du limbe en
un certain nombre d'aréoles bien circonscrites, et dont
Faire est souvent d'autant plus petite qu'elles sont plus
rapprochées de la périphérie de la feuille.
L'épiderme des feuilles de Fougères se distingue par
l'abondance des grains de chlorophylle qu'il contient sur
ses deux faces et par la formation de ses stomates dont
l'initiale devient ordinairement de suite la cellule mère,
mais parfois aussi prend d'abord une cloison, d'où il ré-
sulte que la cellule mère se trouve entourée d'une cellule
annexe en forme de fer à cheval ou d'anneau. Dans les
Hyménophyllées, il n'y a ni épiderme ni stomates, et le
limbe se réduit comme dans les Muscinées à un seul plan
de cellules parcouru par des vaisseaux scalariformes. Ail-
leurs, au contraire, il y a deux épidémies entre lesquels se
trouve un tissu utriculaire parenchymateux au milieu du-
quel sont disséminés
les faisceaux fibro-
vasculaires qui cons-
tituent les nervures.
Les jeunes feuilles
de Fougères sont
souvent recouvertes
de poils écailleux qui
peuvent atteindre 5
ou 6 centim. de lon-
gueur et les enve-
loppent complète-
ment dans le bour-
geon. Leur limbe
(acrostichum cri-
nicum) est quelque-
fois hérissé de longs
et forts aiguillons.
La tige des Fougères
varie à l'infini au
point de vue des di-
mensions. En effet,
la taille de certaines
espèces (Hymeno-
phyllus), même
ayant atteint leur
complet développe-
ment , ne dépasse
guère les plus
grandes Muscinées. Le plus souvent ce sont des végétaux en
partie ligneux, et les Fougères dites arborescentes de l'autre
hémisphère prennent le port et la hauteur des Palmiers. Leur
tige se dresse en une colonne verticale fixée au sol par de
nombreuses racines qui naissent de la base au sommet et
descendent le long de la surface en l'enveloppant complète-
ment. Quand les entre-nœuds sont très courts et que la
tige est embrassée totalement par les bases d'insertions de
ses feuilles, on voit les racines dériver des pétioles eux-
mêmes. Dans les Fougères non arborescentes la tige rampe
dans la terre ou à sa surface, ou bien elle grimpe le long
des arbres et des rochers, ou bien s'élève dans l'air en sui-
vant une direction oblique. Sur les tiges rampantes ou
grimpantes, ainsi que sur certains autres dressées et libres,
les feuilles sont séparées par des entre-nœuds quelquefois
très longs ; mais le plus souvent dans les Fougères à grosses
tiges verticales les entre-nœuds sont extrêmement courts
et souvent même n'existent pas. Les tiges rampantes ou
rhizomes ont une croissance assez rapide, et leur extrémité
dépasse de beaucoup le point d'insertion de la feuille la plus
jeune (Polypode vulg.) au point qu'on a parfois pris pour des
racines de tels prolongements. Les tiges dressées croissent
Fig. 4. — Fougère herbacée.
Fig. 5. — Anthérozoïdes.
FOUGÈRE — 8
beaucoup plus lentement et gardent leur sommet caché
au centre d'un bourgeon dont les segments produisent les
feuilles soit juxtaposées et partant de tous les segments,
soit seulement de certains d'entre eux séparés par des seg-
ments stériles. Les ramifications de la tige se produisent
par formation de bourgeons latéraux, soit normaux et nais-
sant ou de la base des
feuilles du côté dorsal
ou de la tige au-dessus
ou au - dessous des
feuilles, ou à côté
d'elles, ou à l'aisselle
des feuilles, soit ad-
ventifs et naissant alors
sur les feuilles elles-
mêmes. Au point de
vue histologique , les
tiges uniquement pa-
renchymateuses au dé-
but n'ont parfois qu'un seul faisceau vasculaire axile ; il
en est ainsi dans les axes très grêles. Sur les tiges plus
épaisses, notamment sur celles qui deviennent ligneuses,
un réseau de faisceaux anastomosés constitue un cylindre
creux, à larges
mailles, séparant le
tissu fondamental
en une zone médul-
laire et une zone
corticale. Les fais-
ceaux qui compo-
sent le cylindre
d'ordinaire aplatis
sont autant d'épais
rubans qui souvent
même ont les bords
fléchis vers l'exté-
rieur et desquels
partent en nombre
variable des fais-
ceaux minces qui
vont rejoindre les
feuilles (Bâillon). En outre, on rencontre dans la région mé-
dullaire des faisceaux fermés, à corps ligneux enveloppé
de toutes parts par une zone libérienne. Il y a aussi le plus
souvent, pour le même auteur, quelques vaisseaux spiraux
qui répondent, sur
une coupe trans-
versale, aux foyers
de l'ellipse qui re-
présente le fais-
ceau.
A mesure que
les tiges s'allon-
gent, elles produi-
sent incessamment
de la base au som-
met de nouvelles
racines. Ces ra-
cines, quel que soit
leur point de dé-
part, dérivent tou-
jours des cloison-
nements d'une
cellule mère uni-
que. Quant à leur
structure, elles
présentent, comme
caractères spéciaux, une écorce épaisse située sous l'assise
pilifère et entourant un cylindre central fort grêle. La
ramification des racines a lieu par formation progressive de
la base au sommet de radicelles qui naissent aux dépens
d'une seule cellule mère.
L'ordre des Fougères renferme plus de 3,500 espèces^
Fig. G. — S ores.
Fig. 7. —Prothalle.
On en rencontre partout, mais en proportion très diverse
suivant les climats. La grande majorité, les cinq septièmes
environ appartiennent aux régions tropicales et aux con-
trées chaudes et humides du globe. Toutes les Fougères
arborescentes et particulièrement celles des Cyathées crois-
sent sous les tropiques. Les Fougères sont très nombreuses
dans les îles où elles trouvent des conditions de prospérité
toutes spéciales dans la chaleur et l'humidité. D'après
Brongniart, sur les continents étendus, la proportion des
Fougères aux autres plantes ne serait qu'un vingtième à
un soixantième, tandis que dans la plupart des îles comme
les Antilles elle serait d'un dixième et elle irait jusqu'à un
quart ou un tiers dans quelques petites îles isolées (Payer).
Au point de vue de la classification, M. Van Tieghem
divise l'ordre des Fougères en six familles, d'après la dis-
position des sporanges et surtout la conformation de l'an-
neau qui détermine la direction de la ligne de déhiscence.
I. Hyménophyllées Genres : Hymenopkyllum, Tri-
chomanus, Loxsoma.
IL Cyathéàcées . . . Genres : Cyathea, Cibotium,Dick~
sonia, Hemitelia, Alsophila.
III. Polypodiacées. . Comprenant cinq tribus : Acrosti-
chées, Polypodiées, Aspléniées,
Aspidiées, Davalliées. Les genres
principaux qui s'y répartissent
comprennent environ 2,800 es-
pèces.
IV. Gleichéniées. . . Genres : Gleichenia, Nurtensia,
Platyzoma.
V. Osmondées Genres : Osmunda, Todea.
VI. Schizéacées . . . Genres : Schizea, Lygodium,
Aneimia, Motiria.
On sépare des Fougères les Marattiacées, dont les spo-
ranges sont dépourvus d'anneaux, et les Ophioglossées,
qui se distinguent par la préfoliaison non circinéc et par
les sporanges soudés. Henri Fournier. "
II. Paléontologie. — Le plan de structure des Fougères,
celui des Filicinées en général, présente une souplesse bien
plus grande que chez les Calamariées ou Equisétinées ;
leurs faisceaux fibro-vasculaires se replient, se subdivi-
sent, s'anastomosent, se soudent de la manière la plus
diverse, de sorte que les frondes des Fougères présentent
les variétés de ramifications les plus multiples, variétés
susceptibles de se répéter dans des groupes très éloignés
dans l'ordre systématique et à toutes les époques géolo-
giques jusqu'à l'époque actuelle, sans qu'il y ait lieu d'éta-
blir aucune filiation entre ces espèces de forme extérieure
générale si semblable. A cet égard, la comparaison entre
les espèces qui ont vécu aux diverses époques et entre les
espèces vivantes et fossiles a dû donner lieu à bien des
méprises ; c'est à de semblables erreurs qu'on doit proba-
blement les genres Asplenites, Cheilantites, Diplaùtes,
Cyatheites, etc., de Gœppert ; on conçoit aussi d'après
cela sur quelle base artificielle, la nervation des feuilles,
se trouvent établies les familles de Fougères fossiles telles
que les Sphénoptéridées, les Neuropléridées, les Pécoptéri-
clées, les Ténioptéridées, les Dictyoptéridées ; si dans le
nombre, certains genres tels que Pecopteris (120 espèces)
paraissent être naturels, d'autres ne le sont certainement
pas, puisque le genre Sphenopteris, par exemple, renferme
parmi ses 150 espèces telles espèces qui se rapprochent
des Polypodiacées, telles autres qui semblent être des Hymé-
nophyllées.
Les Fougères fossiles sont nombreuses ; les espèces ba-
sées sur l'étude des feuilles dépassent 750 et si l'on y joint
celles qui ont été caractérisées d'après des tiges et des
pétioles, ce nombre atteint environ 900. Les plus anciennes
(Hyménophyllées, Osmondées) ont fait leur apparition dans
le dévonien et sont encore aujourd'hui représentées par
quelques espèces des régions chaudes et tempérées ; le
genre primitif Palœopteris Schimp. constitue le plus an-
cien type de Filicinées dont les parties fructifères soient
885 —
FOUGÈRE — FOUGÈRES
connues ; prédominant à la fin du dévonien et au début
du carbonifère, il parait avoir formé, avec les Cardiopteris,
Triphyllopteris et Rhacopteris de Schimper, une tribu,
les Botryoptéridées (Renault), dont les caractères rappel-
lent à la fois les Botrychiées, les Rhacopteris (peut-être
génériquement identiques avec les Palœopteris), les Os-
mondées et les Polypodiacées, c.-à-d. un groupe de tran-
sition réellement synthétique, dont les représentants vivaient
encore à la fin du carbonifère. Les Polypodiacées n'ont
fait leur apparition que plus tard après la période paléo-
zoïque, ou même après le trias, précédées par les Cyatha-
cées ou au moins par des types cyathiformes qui, parleurs
caractères, sont un acheminement aux Polypodiacées ;
l'évolution de ce groupe a été très différente de celle de ses
congénères les Schizéacées, les Gleichéniées et les Marat-
tiacêes ; le type des Fougères y a atteint sa plus grande
perfection ; les genres représentés par le plus grand nombre
d'espèces fossiles sont Pteris et Asplenium; c'est encore
actuellement la famille des Fougères la plus importante ;
ses représentants sont répandus sur tout le globe, tandis
que les Cyathacées, abondantes en Europe dans les terrains
secondaires et tertiaires, sont réléguées dans les régions
chaudes. Les Gleichéniées, dont le début remonte àl'oolithe
(la première Gleichéniée vraie, le Gleichenites elegans
Zigno, a été trouvée dans l'oolithe des Alpes Vénitiennes),
avaient atteint leur apogée à l'époque crétacée ; elles sont
aujourd'hui confinées entre les tropiques. Vers la fin de la
craie seulement ont apparu de vrais Lygodium (Lygodia-
cées ou Schizéacées) ; les Schizéacées, peu nombreuses
aux époques géologiques, n'existent plus guère que dans
les régions chaudes du globe ; elles dépassent cependant
les tropiques. Les Marattiacées s'éloignent assez des Fougères
proprement dites pour faire l'objet d'un article spécial; il
en est de même des Ophioglossées. Dr L. Hn.
III. Horticulture. — Les Fougères de serre se cul-
tivent habituellement en caisses, en pots ou sur rocailles,
mais lorsqu'elles atteignent de grandes dimensions on les
place aussi en pleine terre. La terre qui leur convient est
un mélange de terre de bruyère siliceuse et de terreau de
feuilles. Le mélange doit être parfaitement drainé à l'aide
de tessons ou de fragments de brique. Les Fougères aiment
une atmosphère humide; certaines d'entre elles comme les
Hymenophyllum, les Trichomanes sont même cultivées
sous cloche pour les abriter des plus légères alternatives
de sécheresse. Il faut cependant renouveler fréquemment
l'air des serres et y maintenir une température ne des-
cendant pas au-dessous de 4° à 5° et pouvant s'élever à
15°. Ces plantes doivent être arrosées copieusement. La
culture sur rocaille est celle qui convient le mieux aux
Fougères de plein air. On dispose la rocaille dans un pli
de terrain arrosé, ombragé d'arbres et d'arbrisseaux tou-
jours verts, à l'abri du vent, de manière à conserver au-
tour des Fougères une atmosphère douce et humide. On
multiplie ces plantes par la plantation des drageons nés
sur leur rhizome et aussi par le semis des spores. Les
semis se font en secouant les feuilles portant des spores
mûres sur des terrines remplies de terre de bruyère hu-
mide. Sa germination a lieu au bout de quelques jours.
Les jeunes plantes sont mises en place lorsqu'elles ont
poussé deux ou trois feuilles. G. Boyer.
IV. Thérapeutique. — Les propriétés médicales des di-
verses plantes du groupe des fougères, seront signalées à
propos de chaque espèce. Nous ne parlerons ici que de la
fougère mâle (Àspidium filix mas), la plus utile de
toutes et la seule qui jouisse de vertus thérapeutiques
importantes. Connue depuis plus d'un siècle pour ses
propriétés ténifuges, la racine (ou plus exactement le
rhizome) de la fougère mâle fut longtemps exploitée
comme remède secret. On sait comment le chirurgien
Nuffer (de Morat) après avoir longtemps vendu un remède
mystérieux contre le ténia, en légua le secret à sa veuve
qui l'exploita à son tour, jusqu'à ce que Louis XV, sur
le bruit des merveilleux succès obtenus avec la drogue
secrète, parmi lesquels figuraient des expulsions de ténias
princiers et d'ascarides ayant appartenu à la famille royale,
fît l'achat du secret pour 13,000 livres, comme Louis XIV
acheta de Talbot le secret des propriétés fébrifuges du
quinquina. Le remède de Nuffer était de la poudre
de rhizome de fougère mâle que l'on donnait à la dose de
12 gr., après un jour de diète, et en faisant suivre, au
bout de deux heures, par un purgatif composé de calomel, de
scammonée et de gomme-gutte^ Depuis, ont été imaginées
d'autres méthodes, celle de Peschier, de Duncan et Vogel,
de Trousseau, etc. Trousseau donnait 4 gr. d'extrait éthéré
de fougère mâle en quatre doses espacées'd'un quart d'heure
chacune. Après la dernière, il faisait prendre 50 gr. de
sirop d'éther et 2 gr. d'éther en capsules, et une demi-
heure après, un loch contenant de 1 à 3 gouttes d'huile
de croton ; diète lactée la veille. On emploie souvent au-
jourd'hui la méthode de Créquy, consistant à donner en
une fois 12 gr. d'huile éthérée de fougère mâle associée
à 1 gr. de calomel, le tout enveloppé dans du pain azyme
ou préparé en cachets.
Le rhizome de fougère mâle, donné sous l'une de ces
diverses formes, est un bon ténifuge, mais malheureuse-
ment assez inconstant et quelquefois dangereux. Son acti-
vité varie beaucoup avec la préparation employée, l'époque
et le lieu de la récolte du rhizome, et surtout son degré de
conservation. L'huile éthérée ou l'extrait éthéré préparé
avec le rhizome frais, reconnaissables à leur couleur fran-
chement verte, sont les seules préparations à qui l'on
puisse acorder quelque confiance. La recherche du principe
actif n'a pas encore été couronné de succès certains. On a
décrit dans le rhizome, à côté de matières inertes , un
acide filicique et un glycoside, la filixoline, auxquels
de nouvelles recherches ont fait ajouter deux substances
cristallisables. Les plus récents travaux, dus à M. Ruelle,
ont montré que l'acide filicique pourrait se présenter
sous deux formes, l'une amorphe et toxique (c'est celle
que l'on trouve dans l'extrait), et l'autre cristallisable
et inoffensive, celle-ci étant l'anhydride de la première et
correspondant vraisemblablement à la filicine des premiers
auteurs. Or cet acide filicique amorphe et toxique est très
soluble dans l'huile : la dissolution dans l'éther amène au
contraire la précipitation de cristaux de filicine inactive.
Ces recherches ont donné l'explication des actions graves,
quelquefois même mortelles (4 cas de mort cités par Pré-
vost; 13 observations observées par Lépine de Lyon), qui
ont pu succéder à l'emploi de cette plante, l'adjonction de
l'huile de ricin ayant pour résultat d'augmenter la puis-
sance toxique de la fougère en amenant la dissolution, dans
l'intestin, du principe amorphe qui, sans cela, serait de-
meuré en partie sous sa forme inactive. La conclusion, au
point de vue pratique, c'est, d'après M. Lépine, qu'il ne
faut pas dépasser une dose de 5 à 10 gr. d'extrait, et
chercher autant que possible à éviter la résorption du prin-
cipe toxique. On ne prescrira: donc pas une diète prolon-
gée avant l'administration du remède, car elle favorise la
résorption, et on la fera suivre à bref intervalle par l'ad-
ministration d'un purgatif, celui-ci étant de préférence
choisi en dehors des purgatifs huileux. — Le seul emploi
de la fougère mâle est dans le traitement des parasites
intestinaux, en particulier du ténia. Elle paraît agir sur le
bothriocéphale plus énergiquement peut-être que sur le
ténia solium. Fonssagrives la place aussitôt après l'écorce
de grenadier, avant le kousso. Dr R. Blondel.
Bibl. : Paléontologie. — De Saporta et Marion
l'Evolution du règne végétal, Cryptogames ; Paris, 1881,
in-8.
FOUGERE. Corn, du dép. de Maine-et-Loire, arr. et
cant. de Baugé, entre le Grez et le Verdun; 1,326 hab.
Eglise du xne siècle avec voûtes du xve revêtues de pein-
tures du xvie.
FOUGERE (Le). Corn, du dép. de la Vendée, arr. et
cant. de La Roche-sur- Yon ; \ ,282 hab.
FOUGÈRES. Ch.-l. d'arr. du dép. d'Ille-et-Vilaine, sur
FOUGÈRES — FOUGEROUX
une colline dominant le Nançon ; 18,221 hab. Stat. du chem.
de fer de l'Ouest, ligne de Vitré à Pontorson. Collège com-
munal. Bibliothèque. Institution départementale de sourds-
muets. Fougères est devenu dans notre siècle un centre
industriel et commercial important. Exploitation de granit.
Fabriques de cordonnerie occupant près de 5,000 ouvriers ;
filatures de laines ; flanelles ; toiles à voiles et toiles d'em-
ballage, chaussons de tresse, boisselierie, chapellerie, noir
animal, bougies, verrerie, poterie, briqueterie, corroirie,
moulins à tan et à farines ; salaisons.
Histoire. — Fougères était, au moyen âge, Tune des
neuf grandes baronnies de Bretagne et le chef-lieu du pays
du Fougerais. Elle doit son origine à un château élevé au
xie siècle par Méen,, fils puîné de Juhel Bérenger, comte de
Rennes, qui est considéré comme le premier seigneur de Fou-
gères. Voici la liste de ses successeurs : Alfred Ier, fils de
Méen, vers 1020; Méen II, fils du précédent, en 1048;
Raoul Ier, fils du précédent, avant 1084; Méen III, fils du
précédent, 1124; Henri Ier, frère du précédent, 1138;
Raoul II, fils du précédent, 1154. Celui-ci ayant attaqué
le roi d'Angleterre Henri II vit son château assiégé en 1166,
emporté d'assaut et rasé; réfugié à Dol, il y fut poursuivi
et dut se rendre à discrétion après une longue lutte , en
1473; il mourut en 1194. Son fils, GeofFroi Ier, laissa en
1222 la baronnie de Fougères à son fils Raoul III, dont la
fille Jeanne, qui lui succéda en 1256, porta la seigneurie
de Fougères à son mari, Hugues XII de Lusignan," comte
de la Marche et d'Angoulème. Hugues XIII de Lusignan,
fils des précédents (1269), laissa en mourant (1303) à
son frère Gui le château de Fougères qui lui fut confisqué
par le roi de France en 1307. La sœur de Gui, Yolande,
le conserva jusqu'à sa mort en 1314, et depuis il appartint
successivement à des princes de la famille royale. Donnée
aux comtes d'Alençon de la maison de Valois, la baronnie
de Fougères fut vendue par Jean III au duc de Bretagne
en 1428. Réunie au duché, et avec lui à la couronne, elle
fut l'apanage de Claude de France jusqu'à son mariage
avec François Ier ; depuis, elle fut encore concédée à René
de Montéjean, à Jean de Laval, sire de Châteaubriant, à
Diane de Poitiers, et enfin, sous Louis XV, au duc de Pen-
thièvre, qui la posséda jusqu'à la Révolution.
Depuis le siège de 1166, Fougères eut souvent encore
à subir les vicissitudes de la guerre. Pierre de Dreux s'en
empara en 1230; Bertrand du Guesclin, en 1372; un
aventurier aragonais, à la solde de l'Angleterre, en 1448 ;
le sire de La Trémoille, en 1488; le duc de Mercœur, en
1588 et en 1596. Pendant la Révolution, Fougères fut
l'un des centres de la chouannerie. En 1792, à là suite de
la conspiration de La Rouerie, treize des conjurés y subirent
la peine capitale. En nov. 1793, les paysans insurgés,
après avoir une première fois été repoussés par la garde
nationale, s'emparèrent de Fougères, où les troupes ven-
déennes séjournèrent quelque temps avant de se diriger
sur Granville, d'où elles revinrent battant en retraite sur
Laval et Angers. La ville demeura ensuite en état de siège
jusqu'à la fin des guerres de Vendée.
Monuments. — Des anciennes murailles subsistent quel-
ques parties du côté où la ville, surplombant un vallon à
pic, n'a pas pu s'étendre ; elles datent du xve siècle. Une
seule porte a été conservée, la porte Saint-Sulpice, flanquée
de tours et surmontée d'une courtine. Les ruines de l'an-
cien château ont été, il y a quelques années, acquises par
la ville. C'est un vaste quadrilatère, entouré de murailles
à mâchicoulis, flanquées de tours rondes, en avant des-
quelles s'étend une cour d'entrée précédée d'un pont-levis
et défendue par trois tours. Le donjon, rasé en 1630,
s'élevait dans une enceinte triangulaire, flanquée aux
angles de trois tours qui subsistent encore. L'ensemble de
ces ruines remonte au xne siècle, Jmais naturellement
avec beaucoup d'additions et d'aménagements postérieurs.
— L'église Saint-Léonard est un édifice du xve siècle, re-
manié au xvie et au xvir3, avec des restaurations modernes ;
on y a élevé un monument à la mémoire des mobiles du
1er bataillon d'Ille-et-Vilaine tués pendant la guerre de
1870. — L'église Saint-Sulpice est aussi en grande
partie du xve siècle, sauf le chœur commencé au xvie et
terminé seulement en 1763. — L'hôtel de ville occupe un
édifice du xvie siècle. Au-dessus des restes de l'ancien
« auditoire », construit à la fin du xve siècle, s'élève la
tour octogonale du Beffroi qui date de la même époque. De
l'ancienne abbaye de Rillé, fondée au xie siècle, il ne reste
que des constructions modernes occupées par l'institution
des sourds-muets. L'ancien couvent des ursulines du xvir3
siècle est occupé par le collège et la bibliothèque publique.
La partie ancienne de la ville, demeurée très pittoresque,
a conservé plusieurs vieilles et curieuses maisons des xve et
xvie siècles.
La forêt domaniale de Fougères (1 ,660 hect.) est plantée
principalement de hêtres. Il s'y trouve de vastes souter-
rains, refuges connus sous le nom de Celliers de Landéan,
plusieurs monuments mégalithiques et deux anciennes
mottes féodales.
FOUGÈRES. Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. de Contres, sur la Bièvre ; 790 hab. Filature
de laine et fabrique de draps établis dans l'ancien château
(mon. hist.) fondé au xe siècle et reconstruit au xve siècle
par Pierre de Refuge, trésorier de Louis XI. Château mo-
derne de Boissan.
FOUGERET (Anne-Françoise d'Oultremont, dame de),
morte en 1813. Femme d'un receveur général des finances,
elle fut la fondatrice de la Société de charité maternelle de
Paris, placée en 1788 sous les auspices de Marie-Antoi-
nette (V. Charité, t. X, p. 655, col. 2).
FOUGERET deMonbron, littérateur français, né à Pé-
ronne vers 1720, mort en sept. 1761. Après avoir servi
dans les gardes du corps, il fit paraître une parodie de la
Henriade de Voltaire, intitulée la Henriade travestie,
en vers burlesques, avec des notes critiques (Berlin [Pa-
ris], in-12), plusieurs fois réimprimée depuis. On a encore
de lui le Cosmopolite (1750, in-12), réimprimé en 1752
sous le titre le Citoyen du monde; Margot la Ravau-
deuse (Hambourg, 1750, in-12); Préservatif contre
l'anglomanie (1757, in-8) et la Capitale des Gaules ou
la Nouvelle Ba%/on^(La Hâve, 1759, 2 part. in-12). Fou-
geret a aussi publié en 1750 (Paris, in-12) une traduction
de la Chronique des rois d'Angleterre de Dodsley. On
lui attribue enfin une cantate intitulée la Voix des per-
sécutés (Amsterdam, 1753, in-8)a Aucune de ces publi-
cations ne porte le nom de l'auteur qu'on nous représente
comme d'un caractère taciturne et défiant, fort bilieux par
surcroît, et qui trouvait à redire à tout. Ch. Le G.
FOUGERÊTS (Les). Corn, du dép. du Morbihan, arr.
de Vannes, cant. de La Gacilly ; 1,130 hab.
FOUGEROLLES. Corn, du dép. de l'Indre, arr. de
La Châtre, cant. de Neuvy-Saint-Sépulcre ; 656 hab.
FOUGEROLLES-Du-PLESSis.Com.dudép.delaMayenne,
arr. de Mayenne, cant. de Landivy ; 2,505 hab.
FOUGEROLLES-l'Eglise ou Haute-Saône (Filica-
riolœ). Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr. de Lure,
cant. de Saint-Loup-sur-Semouse, sur la Combauté ;
6,030 hab. Stat. de la ligne de chemin de fer d'Aille-
villers à Faymont. Carrières de pierres à bâtir. Moulins,
scieries, féculerie, distilleries, brasserie, filature. Fabrica-
tion et vente du kirsch. Monument mégalithique dans le
bois de la Balance. Voie romaine. La situation de ce bourg
sur les limites du comté de Bourgogne et des duchés de
Lorraine et de Bar fit que la possession en fut disputée
durant tout le moyen âge. Les écorcheurs qni avaient pris
le château en furent délogés par Philippe de Vaudrey en
1437. La baronnie, qui avait appartenu au comte de Bla-
mont au xve siècle, était encore considérée comme une
« terre de surséance » quand Louis XIV l'occupa en 1681 .
Sous la Révolution, Fougerolles devint chef-lieu de canton.
Croix anciennes en pierre aux hameaux du Champ et du
Sarcenot. L-x.
FOUGEROUX de Bondaroy (Auguste-Denis) , savant fran-
887 —
FOUGEROUX — FOUILLE
çais, né à Paris le 10 oct. 1732, mort à Paris le 28 déc.
1789. Neveu de Duhamel-Dumonceau, il eut de bonne
heure la passion des études scientifiques et put du reste,
grâce à une certaine fortune, y donner libre carrière. Il
s'occupa d'histoire naturelle, de chimie agricole et indus-
trielle, d'économie rurale, de technologie et même d'ar-
chéologie; mais ses travaux, malgré cette diversité de
sujets, ne manquent pas d'une réelle valeur. L'Académie
des sciences de Paris l'élut membre associé en 1758. Outre
une soixantaine de mémoires insérés de 1759 à 1788 dans
les recueils de cette société, il a écrit : l'Art de tirer des
carrières la pierre d'ardoise, etc. (Paris, 1762, in-fol.) ;
l'Art de travailler les cuirs dorés ou argentés (Paris,
1762, in-fol.) ; VArt du tonnelier (Paris, 1763, in-fol,) ;
Mémoires sur la formation des os (Paris, 1763, in-8);
Recherches sur les ruines d'Herculanum (Paris, 1769,
in-12); VArt du coutelier (Paris, 1772, in-fol.); Obser-
vations faites sur les côtes de Normandie (Paris, 1773,
in-4). Il a d'autre part, rédigé, avec Thouin et Tessier,
la partie agricole de Y Encyclopédie de Diderot. L. S.
Bibl. : Quérard, la France littéraire ; Paris, 1826-48, in-8^
F0UGUETTE(V. Fusée).
FOUGUEYROLLES. Corn, du dép. de la Dordogne, arr.
de Bergerac, cant. de Vélines ; 519 hab.
FOUILLA DE (La). Corn, du dép. de l'Aveyron, arr. de
Villefranche-de-Rouergue, cant. de Najac ; 2,071 hab.
FOUILLE. I. Archéologie. — L'histoire des fouilles se
confond naturellement avec celle de l'archéologie etdel'épi-
graphie dans les différents pays du monde. On ne peut donc
la traiter à part. Il suffit d'indiquer les principales fouilles
en même temps que les principaux voyages d'exploration
archéologique ; ils n'ont guère commencé qu'au xvne siècle
et c'est seulement de nos jours qu'on y a mis de la préci-
sion et de la méthode. En France signalons les fouilles de
l'ancienne Bibracte, du temple de Mercure sur le Puy de
Dôme, de Martres-Tolosane, de Sanxay et celles que fit
faire Napoléon III à Alise-Sainte-Reine. En Italie, Pietro
Rosa a commencé en 1861 à Rome les fouilles du Palatin
sur l'initiative de Napoléon III et en 1870 celles du Forum ;
on s'est mis au déblayement de Pompéi dès 1748; l'étude
systématique des catacombes de Rome a été commencée
par Bosio à la fin du xvie siècle et presque terminée de nos
jours par Jean-Baptiste de Rossi ; la Sardaigne a été explo-
rée en ce siècle par La Marmora ( Voyage en Sardaigne)
et Pais (La Sardegna) ; le gouvernement italien a orga-
nisé depuis 1870 un excellent service de fouilles pour tout
le royaume. En Grèce, après les voyages de Spon, de
Fourmont, de Chandler, les premières explorations systé-
matiques furent celles de l'expédition française de Morée
dans le bassin de l'Alphée ; depuis cette époque les fouilles
se sont multipliées sur tous les points. Signalons seule-
ment les voyages et les fouilles d'Heuzey et de Daumet
en Macédoine et en Acarnanie, de Foucart à Delphes
et dans le Péloponèse, de Lenormant à Eleusis, d'Ho-
molle à Délos, de Carapanos à Dodone, de Schliemann
à Mycènes; les fouilles des Allemands à Olympie, des Au-
trichiens à Samothrace et à Gol-Bagtché, de la Société
archéologique d'Athènes et du gouvernement grec à l'Acro-
pole d'Athènes, des Ecoles française, allemande, améri-
caine en différents endroits de la Grèce continentale et des
îles. Pour l'Asie Mineure, les îles qui s'y rattachent et les
bassins de l'Euphrate et du Tigre, on peut mentionner les
fouilles de Newton à Halicarnasse et à Cnide (1862), de
Wood à Ephèse (1877), de Rayet à Milet (1876), du
gouvernement des Etats-Unis à Assos, du gouvernement
allemand à Pergame, de Palma de Cesnola à Chypre, de
Schliemann à Hissarlik, de l'Ecole française d'Athènes à
Myrina ; les grands voyages faits au commencement de ce
siècle par Leake (Journal ofa tour in Asia Minor, 1824)
et Texier (Description de l'Asie Mineure, Description
de l'Arménie, de la Perse et de la Mésopotamie) ont
été complétés par les recherches de Flandin et Coste (Perse
ancienne) ; deRamsay (Studies in Asia Minor), deMordt-
mann et Barth (Reise von Trapezunt nach Scutari) ; de
Benndorff et Niemann (Reisen in Lykien and Karien) ;
de Loftus (Travels and researches in Chaldœa and
Susiana, i 849-52) ; de Puchstein (Reisen in Klein- Asien
und Nord- Syrien); d'Oppert (Expédition scientifique
en Mésopotamie) ; de Layard (Discoveries in the ruins
of Nineveh and Babylon) ; de Botta (Monuments de
Ninive) ; de Place (Ninive) ; de Sarzec, de Dieulafoy et
de Jane Dieulafoy (Rapports sur les fouilles de Suse;
l'Art antique de la Perse; A Suse, journal des fouilles).
La Judée et la Phénicie ont été l'objet des travaux et
des explorations de Guérin (Description de la Palestine)',
de Clermont-Ganneau, de Saulcy ( Voyage en Terre sainte) ;
de Vogiié, de Renan (Mission de Phénicie). Pour l'Egypte,
fouillée systématiquement depuis l'expédition de Bonaparte,
il suffit de rappeler les noms de Champollion, de Mariette, de
Maspero. Depuis l'occupation française, des fouilles impor-
tantes ont eu lieu en Algérie et en Tunisie, principalement
sur l'emplacement de Carthage. Parmi les autres régions
où ont eu lieu des fouilles importantes, signalons en Alle-
magne les alentours du limes romanus, en Russie les ter-
ritoires des anciennes colonies grecques le long de la mer
Noire, les tourbières du Danemark et de la Norvège, enfin
en Amérique le Mexique et le Yucatan explorés par Char-
nay (V. Archéologie). Ch. Lécrivain.
IL Construction. — Excavation pratiquée dans le sol
pour la construction d'ouvrages tels que routes, canaux,
fondations d'édifices, etc. Suivant la nature des terres et
les conditions dans lesquelles l'opération s'effectue, les
outils et les procédés varient ; de là plusieurs sortes de
fouilles que nous allons passer en revue. La fouille en
excavation ou fouille couverte se pratique en souterrain,
dans un massif; elle exige l'étayement des terres au fur et
à mesure qu'on avance ; la fouille en déblai s'exécute à
ciel ouvert. Elle a lieu, par exemple, quand il s'agit d'établir
des .caves dans les sous-sols d'un édifice. Les outils em-
ployés sont : pour les terres ordinaires, arables, graviers, etc. ,
la pioche, dite tournée, et la pelle en fer battu ; pour les
terres arables et humides, terre végétale, sable fin, tourbe,
argile et quelquefois marne, la pelle, la bêche et le lou-
chet ; pour les terres dont la consistance approche de celle
du roc, la pince, le pic et les coins que l'on enfonce à coups
de masse dans des tranches ou saignées pratiquées à l'aide
du pic ; pour le roc dur, la pointerolle, outil en fer terminé
d'un côté par une pointe obtuse et de l'autre par une tête
carrée sur laquelle on frappe avec une massette à manche
court; pour les roches excessivement dures, le fleuret,
tige en fer rond de 0m03 à 0m04 de diamètre et de 0m50
à 0m75 de longueur terminée d'un bout par une tête et de
l'autre par un biseau courbé et allongé. La fouille en ri-
gole est exécutée pour la fondation des murs ; elle est tou-
jours étroite et, quand elle est profonde, elle nécessite
l'emploi d'étais. On procède par couches de 0m30 à 0m40
d'épaisseur aussi bien pour ce genre de fouille que pour les
fouilles en déblai, et l'on jette la terre sur le côté, c.-à-d.
sur la berge. Si la profondeur de la fouille dépasse 0m50,
on établit, au moyen de planches montées en tréteaux, des
banquettes, sur lesquelles les ouvriers déposent les terres
et où les autres les reprennent pour les jeter sur le sol.
Dans les fouilles par abatage, on attaque la masse latéra-
lement, en creusant en dessous et on la détache par partie,
en faisant tomber les portions qui ne sont plus retenues
que par la cohésion des terres, à l'aide de coins. Ces terres,
en s'éboulant dans la fouille, s'ameublissent au point de
pouvoir être, pour ainsi dire, chargées directement avec la
pelle. On peut, de cette manière, détacher à la fois des
masses de 20 à 30 m. c. On appelle encore : fouille dans
l'embarras des étais, celle dont on est forcé de soutenir les
parois; fouille dans l'eau, celle où le terrain est humide
et ébouleux; fouille sous l'eau, celle où l'on rencontre une
nappe d'eau naturelle ou de Peau de source et dans^laquelle
il faut d'abord épuiser ou dévoyer le liquide. Si l'on veut
exécuter dans l'eau même la fouille des terres, des sables
FOUILLE
ou des graviers, on emploie la drague à main, et, lorsque
les fouilles sont considérables, cet outil est remplacé avan-
tageusement par un bateau dragueur (V. Drague). L. K.
M. Législation. — L'art. 552 du C. civ. établit, en
principe, que la propriété du sol emporte celle du dessus
et du dessous. Il ajoute que le propriétaire peut faire au-
dessous toutes les fouilles qu'il juge à propos et tirer de
ces fouilles tous les produits qu'elles sont susceptibles de
fournir, sauf, toutefois, les modifications résultant des lois
et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements
de police. Ces modifications, édictées en vue de l'intérêt
général, sont importantes et restreignent beaucoup la règle
posée par le C. civ. C'est ainsi que toute personne, munie
d'une autorisation du gouvernement, peut, dans le but de
faire des recherches pour découvrir des mines, enfoncer
des sondes ou tarières dans un terrain qui ne lui appartient
pas, à moins qu'il ne s'agisse d'enclos murés (lois des
24 avr. 4810, art. 40, et 27 juil. 4880, art. 44). D'autre
part, il est défendu à qui que ce soit de pratiquer, sans
autorisation préalable, aucun sondage, aucun travail sou-
terrain dans le périmètre de protection d'une source miné-
rale déclarée d'utilité publique. En ce qui concerne les
fouilles, tranchées ou autre travaux à ciel ouvert, le dé-
cret qui fixe le périmètre de protection peut imposer au
propriétaire l'obligation de faire une déclaration au préfet,
au moins un mois à l'avance (loi du.44juil. 4856, art. 3).
Enfin, l'administration tient d'un arrêt du conseil en date
du 7 sept. 4755, maintenu en vigueur par la loi des 49 et
22 juil. 4794, le droit de pratiquer des fouilles sur les
héritages non clos des propriétaires voisins des routes et
chemins publics, pour y prendre tous les matériaux néces-
saires à la confection et à l'entretien desdites voies. Elle
peut conférer la même faculté aux entrepreneurs de tra-
vaux publics chargés de l'exécution des travaux. Il est évi-
dent que toutes ces occupations de terrains, ces fouilles
occasionnant un préjudice aux propriétaires, ceux-ci doi-
vent être indemnisés. Les indemnités sont réglées à l'amiable
ou, à défaut, par le conseil de préfecture. C'est, en effet,
devant ce conseil que sont portées toutes les contestations
résultant des fouilles et prises de matériaux. En dehors de
ces cas, spécialement visés par des textes et que nous ne
faisons qu'énumérer, renvoyant pour les détails, aux mots
Mine, Travail purlic, le gouvernement a toujours le droit
d'empêcher les fouilles dont l'exécution pourrait présenter
des dangers pour ia sûreté publique. Jules Forestier.
FOUILLÉE (Àlfred-Jules-Emile), philosophe français,
né à La Pouèze (Maine-et-Loire) le 48 oct. 4838. 11 pro-
fessa d'abord aux collèges de Louhans, Dole et Auxerre,
puis au lycée de Carcassonne. En 4864, il fut reçu le
premier à l'agrégation de philosophie récemment rétablie.
Professeur de philosophie aux lycées de Douai, Montpel-
lier, Bordeaux, puis à la faculté des lettres de Bordeaux,
il fut deux années de suite (4867 et 4868) couronné par
l'Académie des sciences morales dans les concours sur
Platon et sur Socrate. Cette Académie l'élut en 4872 cor-
respondant pour la section de philosophie sans qu'il eût
fait acte de candidature. La même année, il fut nommé
maître de conférences à l'Ecole normale, et reçu docteur
avec ces deux thèses dont la soutenance eut du retentisse-
ment : Platonis Hippias minor, sive Socratica contra
liberum arbitrium argumenta (in-8), et la Liberté et le
Déterminisme (4872, in-8; 2e éd., 4883). Après trois an-
nées d'un brillant enseignement à l'Ecole normale, sa santé
ébranlée par l'excès de travail, sa vue menacée l'obligèrent
à une retraite prématurée (4875). Retraite laborieuse, s'il
en fut; M. Fouillée avait publié jusque-là, outre ses thèses :
la Philosophie de Platon (Paris, 4869, 2 vol. in-8; 2e
édit., 4888); la Philosophie de Socrate (Paris, 4874,
2 vol. in-8); Histoire de la Philosophie (4875, in-8;
6e édit., 4892). Il a donné depuis, sans interruption :
Vidée moderne du droit en Allemagne, en Angleterre
et en France (Paris, 4878, in-48; 2 édit. 4883); la Science
sociale contemporaine (4880, in-I8; 2e édit., 4885) ; la
Propriété sociale et la Démocratie (4884, in-48) ; Cri-
tique des systèmes de morale contemporains (1883, in-8;
2e édit. 4887); la Morale, F Art et la Religion d'après
Guy au (4889, in-8); l'Avenir de la métaphysique
fondée sur l'expérience (4889, in-8) ; V Evolutionnisme
des idées- for ces (4890, in-8) ; l'Enseignement au point
de vue national (4894, in-48) ; la Psychologie des idées-
forces (2 vol.) doit paraître prochainement et être suivie
de la Morale des idées-forces. M. Fouillée est un des
collaborateurs habituels de la Revue des Deux Mondes et
de la Revue philosophique.
La méthode de M. Fouillée est la « méthode de conci-
liation »; sa doctrine, la « théorie des idées-forces ». La
méthode de conciliation diffère de l'éclectisme en ce qu'elle
est spéculative, non historique. Elle ne part pas de ce
principe, que tout a été dit et qu'il ne reste qu'à choisir ;
elle cherche des idées nouvelles qui fournissent la synthèse,
ou permettent au moins le rapprochement des systèmes
adverses, préalablement rectifiés, ramenés à leur forme
typique. Le principal besoin de notre temps étant la con-
ciliation du naturalisme, auquel semble aboutir la science,
et de l'idéalisme, que réclame la morale, M. Fouillée s'est
proposé surtout de travailler à cette conciliation. De là son
« evolutionnisme des idées-forces », en opposition à l'évo-
lutionnisme exclusivement mécaniste de Herbert Spencer.
Tout en admettant la loi de transformation graduelle des
êtres, il restitue aux idées l'action efficace dont le natu-
ralisme brut les dépouille. Par idées, M. Fouillée entend,
comme Spinoza, tous les états mentaux conscients d'eux-
mêmes et de leur objet. Quant à la force des idées, il l'en-
tend en un triple sens. Au point de vue psychologique,
c'est l'élément actif et « appétitif » que tout état de con-
science renferme, outre son élément représentatif, et qui
fait qu'il tend à réaliser son objet. Au point de vue phy-
siologique, la force des idées consiste, non dans une action
qu'elles exerceraient mécaniquement, mais dans la loi qui
unit tout état de conscience à un mouvement conforme,
lequel, s'il n'est pas empêché, réalise l'idée au dehors.
Enfin, au point de vue de la philosophie générale, la force
des idées consiste en ce que le mental, au lieu d'être un
simple reflet accessoire de l'évolution universelle, en est
un des facteurs primordiaux : c'est même le seul facteur
ou ressort véritable, dont le mécanisme n'est que le sym-
bole, car le mécanisme exprime les rapports réciproques et
les lois de réalités qui en elles-mêmes sont mentales,
c.-à-d. douées de sensation et d'appétition. Sous ces trois
rapports, M. Fouillée oppose ses idées-forces aux « idées-
reflets » de Spencer et de Huxley. Développant cette
théorie sous tous ses aspects, il en a fait le centre d'une
construction qui embrasse la psychologie, la morale, la
sociologie et même la cosmologie.
La synthèse entre le déterminisme et l'indéterminisme,
opérée "au moyen de Vidée de liberté, fut. la première et
la plus originale application de cette doctrine. Détermi-
nistes et indéterministes ont également l'idée de la liberté,
c.-à-d. du « maximum d'indépendance possible pour le
moi intelligent et aimant ». Or, ainsi définie, la liberté
n'est plus irréalisable. L'idée de puissance indépendante
arrive, en se concevant, à se réaliser elle-même par une
« approximation progressive » et à produire dans la pra-
tique une liberté relative. Les analyses psychologiques par
lesquelles M. Fouillée l'établit ont une valeur durable. En
montrant l'influence exercée par l'idée même de liberté, il
a « rectifié » à la fois le déterminisme et l'indéterminisme
et comblé une lacune. Comme l'idée de liberté, les idées
morales de bien, de responsabilité, de désintéressement,
d'amour universel, de société universelle des consciences,
deviennent progressivement réalisables par la tendance
même à se réaliser qu'elles enveloppent. « Concevoir et
désirer l'idéal, c'est en commencer la réalisation. »
D'autre part, cette réalisation de l'idéal n'est plus en
opposition avec les lois et l'essence même de la nature.
Le mécanisme n'est, en effet, qu'une manière de nous
889 —
FOUILLÉE — FOUILLOUX
représenter les rapports des choses dans l'espace et dans
le temps. À ce qui nous apparaît comme mouvement et
figure, correspond, dans le fond même des réalités,
quelque chose d'analogue à notre vie sensitive et appé-
titive : c'est le mental, non le physique, qui est le fond de
tout ; aux états mentaux appartient partout, avec la véri-
table réalité, la véritable force. Dès lors, le monde entier
est « une vaste société en voie de formation », où les
consciences peuvent de plus en plus se dégager, se con-
naître et s'unir entre elles. L'évolutionnisme à facteurs
purement mécaniques emprisonne dans des limites fixes
l'action du moral, si même il ne la nie : il ferme donc la
porte à l'espoir d'un progrès moral dans le monde. Au
contraire, la doctrine des idées-forces nous montre la puis-
sance pratique de l'idéal, donc la possibilité d'un progrès
peut-être indéfini. C'est pourquoi son auteur l'appelle une
« philosophie de l'espérance ».
La mère du philosophe et poète Guy au (V. ce nom)
a épousé en secondes noces M. Fouillée. Elle a publié sous
le pseudonyme de G. Bruno de remarquables ouvrages
d'éducation, dont les plus populaires sont : Francinet,
couronné par l'Académie française ; le Tour de la France
par deux enfants, le plus lu et le plus aimé des livres
de lecture en usage dans les écoles primaires, enfin les
Enfants de Marcel, Tous trois, le second surtout, sont
constamment réédités. H. M.
FOUILLETOURTE (Sieurs de) (V. Bouthillier) .
FOU1LLEUSE (Agric). Les fouilleuses (fig. 1) sont
des sortes de charrues qui ont pour but d'ameublir profon-
dément la terre sans la retourner. Elles se composent essen-
^'•eft-.
Fig. 1. — Fouilleuse simple.
tiellement de socs sans versoirs assujettis sur un bâti très
solide fixé sur l'âge. La forme du soc est variable, mais
le plus souvent c'est celle d'un fer de lance; la plupart du
temps le coutre est supprimé, surtout lorsque la fouilleuse
doit suivre la charrue ordinaire. L'emploi des fouilleuses
donne d'excellents résultats dans les cultures intensives,
par ce fait qu'elles ameublissent et aèrent le sous-sol
Fig. 2. _ Fouilleurs adaptés au brabant double.
tout en évitant de le ramener à la surface, ce qui pré-
sente parfois des inconvénients sérieux. Quelques fouil-
leuses sont montées en brabant ; telle est par exemple la
disposition du brabant-fouilleur (fig. 2) qui permet de trans-
former n'importe quel brabant ordinaire en brabant-fouil-
leur. Le corps du brabant renversant la bande de terre à
gauche est remplacé par trois fouilleurs, a, a, a, de sorte
que la raie étant ouverte par le corps de droite, on passe
dans cette raie avec trois fouilleurs qui remuent complète-
ment le fond de la raie à 10 ou 12 centim. de profondeur.
D'autres systèmes de fouilleurs se rapprochent des scarifi-
cateurs comme construction générale ; tel est le type repré-
senté fig. 3, qui a les dents droites maintenues au bâti par
des chapes qui permettent de les faire varier horizontale-
ment et perpendiculairement ; ces traverses sont en forme
Fig. 3. — Fouilleuse-scarificateur.
de V, de manière que les dents disposées sur leur surface ne
se trouvent pas en ligne droite, ce qui évite le bourrage.
Deux leviers placés à l'arrière assurent un travail régulier,
même dans les terrains les plus accidentés. Le but que doit
atteindre cet instrument est de fouiller les labours dans
tous les sens sans remonter à la surface les fumiers ou
autres engrais enfouis par ces labours ; il est surtout
employé pour la culture de la betterave à sucre et des
racines fourragères. A. Larbàlétrier.
FOUILLEUSE. Corn, du dép. de l'Oise, arr. etcant. de
Glermont; 70 hab.
FOU I LLEUS E (Maison de la) (V. Maison de correction).
FOUILLIS (Impr. sur étoffe). Les dessins que l'on grave
pour l'impression sur étoffes se répètent, et la distance
d'un motif à l'autre forme le rapport ou cadrage. Dans
certains cas, on cherche, par exemple, à imiter les marbres
et on reproduit des stries, des veines, des formes indéter-
minées et sans rapport ; ce mode constitue le jaspé. Quand
le dessin est informe et ne se reproduit pas, on le nomme
fouilb's. Pour l'obtenir, on laisse courir au hasard une ou
plusieurs molettes, tantôt dans le sens de la circonférence,
tantôt dans celui de la longueur du rouleau. On obtient
encore le fouillis en recouvrant le rouleau de taches de
laque et en rongeant à l'acide. L. K.
FOUILLOUS'E. Corn, du dép. des Hautes- Alpes, arr.
de Gap, cant. de Tallard; 181 hab.
FOUILLOUSE (La) (Falhosa, Fouillousa, la Fallèse).
Coin, du dép. de la Loire, arr. de Saint-Etienne, cant. de
Saint-Héand, située sur les bords du Furan, dans une ré-
gion boisée ; 2,213 hab. Elle possédait au xne siècle une
église appartenant au monastère de File-Barbe. Siège d'une
châtellenie comprenant les paroisses de La Fouillouse et de
Saint-Just-sur-Loire. Les comtes de Forez y avaient un
château, aujourd'hui détruit. M. D.
FOUILLOUX (Le). Corn, du dép. de la Charente-Infé-
rieure, arr. de Jonzac, cant. de Montguyon; 1,154 hab.
FOUILLOUX (Jacques du), écrivain cynégétique français;
né au château de Bouille, dépendant de la seigneurie de
Benêt, en Bas-Poitou, le 31 mars 1521, mort le 5 août
1580. Il n'est connu que par un seul livre, la Vénerie,
dont la première édition parut en 1561 ; mais le succès de
ce livre fut très grand ; il eut plusieurs éditions du vivant
même de l'auteur et fut traduit en allemand et en italien.
Cet ouvrage est encore aujourd'hui le bréviaire des veneurs,
bien que l'auteur n'ait point fait preuve, en l'écrivant, d'une
grande originalité et se soit contenté souvent de copier ses
devanciers, surtout Gaston Phcebus, comte de Foix. Du
Fouilloux ne fut d'ailleurs écrivain que par occasion : il
était, avant tout, grand chasseur et joyeux compagnon « fort
peu soucieux, comme le dit un de ses biographes, de trans-
gresser les sixième et neuvième commandements de Dieu »,
FOUILLOUX — FOULAH
— 890 -
Ses bons tours et ses galantes aventures, embellis par la
légende, ont certainement contribué tout autant que son
livre à la popularité dont il a joui auprès des veneurs. Fort
longtemps il est resté dans sa province, le Poitou, comme
le type du gentilhomme bon vivant : sa renommée s'enri-
chit d'une foule de légendes rabelaisiennes qui ne méritent
guère la peine qu'on les réfute. Si l'on ne tient pas compte
de ces récits légendaires, ce qu'on sait de sa vie se réduit
à fort peu de chose. Ayant perdu sa mère au moment même
de sa naissance, Jacques du Fouilloux fut à peu près aban-
donné par son père, Antoine du Fouilloux, qui, quelques
années après, épousa en secondes noces Marie de Vinchèze.
L'enfant fut recueilli par son oncle, René de La Rochefou-
cauld, qui l'emmena dans son château de Liniers, non loin
de Thouars (Deux-Sèvres), à proximité de la petite forêt
du Parc-Challon. À vingt ans, du Fouilloux s'échappa un
beau matin de la tutelle de son oncle,
N'oubliant rien, sinon à dire à Dieu,
comme il le déclare lui-même, et se réfugia au Fouilloux,
près de Parthenay (Deux-Sèvres). C'est là, dans sa chère
Gâtine, dont Parthenay était la capitale, qu'il vécut dé-
sormais, partageant son temps entre la chasse et les aven-
tures galantes, bien qu'il eût épousé, en 4554, Jeanne
Berthelot, fille d'un juge et magistrat de Poitiers. — La
première édition de la Vénerie, parue en 4561, est de
Poitiers (Marnefz et Bouchez). C'est un in-fol. avec figures
sur bois, qui contient, à la suite de l'ouvrage sur la chasse,
un petit poème intitulé V Adolescence de Vautheur, On
trouve des éditions de Poitiers (4562, 4566 ? 4568) ; de
Paris (4573, 4585, 4604, 4604,4605,4606,4607, 4613,
4614, 1618, 4624, 4624, 4628, 4634, 4635, 4640);
d'autres éditions de 4650 et 4754.11 en existe des traduc-
tions allemandes de 4582, 4590, 4726, et une traduction
italienne de 4645. C'est, on le voit, un des livres le plus
souvent réimprimés. Dans notre siècle, il faut encore signa-
ler l'édition d'Angers (4844), accompagnée de quelques
notes biographiques et d'une notice bibliographique, et
celle de Niort (1864), qui contient une bonne notice bio-
graphique de du Fouilloux par M. Pressac. L'éditeur de
Niort, M. Favre, a réimprimé cette dernière édition en
4888. Henry Martin.
Bibl. : La Vénerie de Jacques du Fouilloux ; Niort,
1864. — R. Souhart, Bibliographie générale des ouvrages
sur la chasse, 1886. — H. Filleau, Dictionnaire hist. et
généalog. des familles de l'ancien Poitou. — Archives du
Poitou, passim.
FOUILLOY. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. deFormerie; 263 hab.
FOUILLOY. Corn, du dép. delà Somme, arr. à1 Amiens,
cant. de Corbie; 4,445 hab.
FOUJU. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Melun, cant. de Mormant; 246 hab.
FOUKA. Corn. d'Algérie, dép. d'Alger, à 38 kil. O.
d'Alger et à 1 kil. du bord de la mer, sur un monticule,
un des premiers villages créés en Algérie; 884 hab. On y
installa en 1841 des militaires libérés, chargés delà défense
de l'enceinte continue qui enveloppait la Mitidja; plus tard,
sur le bord même de la mer, on établit une colonie de
pêcheurs et un entrepôt commercial qui ne réussit point.
Après de grandes difficultés, le village est devenu prospère
par la culture de la vigne, et quelques pêcheurs vivent de
leur industrie, sur le bord de la mer, au quartier de Fouka-
Marine. On a trouvé à Fouka des vestiges d'un établisse-
ment assez important à l'époque romaine, mais on n'en peut
préciser le nom : Casœ Calventi ou Via. E. Cat.
FOU KH A LA. Oasis d'Algérie, au S. de la province de
Constantine, dans la région des Ziban, à 46 kil. 0. de Biskra.
Elles dépérissait rapidement quand elle fut achetée en par-
tie par MM. Fau etFoureau ; ils y creusèrent de nombreux
puits à une faible profondeur et l'oasis actuellement est une
des plus belles de la région et donne des dattes estimées.
FOU-KIEN. Province du S.-E. de la Chine, séparée par
le détroit de Fou-kien de l'île de Formose (V. ce mot),
qui lui fut administrativement rattachée jusqu'en 1885.
La superficie est de 118,517 kil. q., la population de
25,790,556 hab. Formose est devenue une province spé-
ciale après la cessation des hostilités entre la France et la
Chine relativement au ïonkin. La province est riche. Les
deux grands ports de Fou-tchéou (c'est la capitale) et
d'Amoy ont un mouvement commercial considérable. La
plus grande partie des émigrants chinois qui passent en
Amérique proviennent du Fou-kien . Les districts à thé de
la province, situés sur les côtes des monts Ou-i, sont
célèbres et exportent leurs produits surtout en Angleterre.
Le pays est montagneux et est arrosé par un grand nombre
de rivières dont la principale est le Si-ho. — Les villes prin-
cipales sont Fou-tchéou (636,000 hab.), Amoy (96,000),
Tchan-tchéou (1,000,000), Lein-kon (250,000), Yon-
pin (200,000).
FOUKOU-I (Japon) (V. Etzï-zen) .
FOU-KOU-SI-M A. Ville du Japon, dans la partie orientale
de Hondo, ch.-l. d'un ken, dans la prov. Ivaçjro (Osiu)
(district Sinobou), dans le To-san-do, au S. de Sendaï ;
5,813 hab. Plantations de mûriers.
F0 U L. Petite île de l'archipel des Shetland (V. ce mot) ,
à 25 kil. 0. de Mainland. C'est un formidable rocher de
400 m. de haut, long de 3 kil., large de 2 kil., avec de
bons pâturages. On y compte environ 250 habitants.
Quand la mer est mauvaise, l'île est à peu près inabordable.
FOULA-DOUGOU {Pays des Foulah). Bégion du Haut-
Sénégal (Soudan occidental), comprise entre le Bagniaka-
Dougou au S., le Kaarta au N., le Gangaran à PO. et le
Belé-Dougou à l'E. Le Foula-Dougou, habité par une popu-
lation de Foulbé et de Malinkés, a été longtemps tributaire
du Bambara. Il a fait partie de l'empire de Ségou, fondé
par les Foulbé. Il est soumis aujourd'hui à l'influence fran-
çaise. L'ancienne capitale, Bangassi, n'est plus qu'une ruine.
FOULAGE (Techn.). Les fibres de la laine, ainsi que
quelques autres poils d'animaux, ont la propriété, sous
l'action de pressions ou de frottements qu'on leur fait su-
bir, de s'enchevêtrer et de se lier entre eux à tel point
qu'ils forment alors des masses compactes et qu'il n'est plus
possible de les séparer sans les rompre. Cette propriété est
utilisée dans la fabrication des feutres (V. ce mot) et
aussi dans celle des draps et autres tissus foulés. Ces
étoffes soumises au feutrage se rétrécissent et se raccour-
cissent, et en même temps augmentent d'épaisseur et de
force, et prennent un aspect et un toucher particulier.
Primitivement le foulage se faisait en piétinant sur l'étoffe
chiffonnée dans un réservoir formant cuvette et rempli
d'eau savonneuse ou additionnée d'une certaine argile dite
terre à foulon ; plus tard on fit agir, d'une manière ana-
logue, des pilons ou des maillets cannelés à leur partie
inférieure. Actuellement on fait usage de machines repo-
sant sur le même principe, ou bien on effectue le foulage
en faisant passer la pièce, rassemblée en une sorte de
boudin par un anneau, entre des cylindres fortement pres-
sés les uns contre les autres qui la compriment énergique-
ment, puis dans un conduit dont elle ne peut s'échapper
qu'en refoulant une sorte de sabot qui oppose à sa marche
une forte résistance ; ces pressions données ainsi trans-
versalement et longitudinalement déterminent le foulage,
qui s'évalue par le retrait qu'éprouve la pièce et qui peut
atteindre jusqu'à 30 °/0 dans les deux sens. P. Goguel.
FOULAH (Territoire). Le territoire foulah, c.-à-d. la
région de l'Afrique au N. de l'Equateur dans laquelle s'est
répandue la race des Foulbé ou Pheuls, comprend, de l'At-
lantique aux limites du Darfor et du Sahara aux monts de
Kong, un vaste quadrilatère d'une longueur moyenne de
28° et d'une largeur moyenne de 7°, représentant une
surface de plus de 700,000 milles géographiques, environ
le quart de l'Europe. On peut y distinguer quatre grands
foyers principaux de puissance et de rayonnement : 1° le
bassin inférieur du Sénégal (Fouta-Toro); 2° le bassin su-
périeur du même fleuve (Foula-Dougou et Fouta-Djallon);
3° le bassin moyen du Niger (Macina) ; 4° du Niger au Tchad
— 891 —
FOULAH — FOULD
(Hâoussa) . C'est là, dans cette dernière région que s'est élevé,
au début du xixe siècle, l'important empire de Sokoto, dé-
membré aujourd'hui en deux royaumes, Voûrno et Gando.
FOULAIN.^ Corn, du dép. de la Haule-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Nogent ; 471 hab.
FOU LANGUES. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Senlis,
cant. de Neuilly-en-Thelle ; 122 hab. Eglise de l'époque
de transition (xne et xme siècles), avec clocher central
octogone, exemple presque unique dans le Beauvaisis.
FOULARD. I. Technologie (V. Apprêts, § Encollage).
IL Tissage. — Etoffe de soie unie ou imprimée en diverses
nuances dont on fait des mouchoirs, des robes, des cra-
vates, etc. Les foulards les plus estimés nous viennent de
l'Inde, et nos fabriques de soieries de Lyon en produisent
une assez grande quantité (V. Soierie).
FOULAYRONNES. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. et cant. (1er) d'Agen; 4,045 hab.
FOULBÉ ou PHEULS. Peuple important de l'Afrique
dans la région sénégambienne et soudanienne. Il est dé-
signé sous les noms les plus divers : Foulahs, Fellatahs,
Fellans, Fellanies, etc. La forme fondamentale du nom est
Poul, qui signifie, dans la langue de ce peuple, « brun
clair, rouge », pluriel Poulbé ou Foulbé. On dit un
Poullo, des Foulbé; c'est le nom sous lequel ce peuple se
connaît lui-même. Son origine est inconnue; il ne paraît
pas être autochtone en Afrique. IL y est peut-être venu an-
ciennement de l'Orient, amenant avec lui le bœuf à bosse
(zébu) le même que celui de la Haute-Egypte, de la côte
orientale de l'Afrique et de l'Inde. Dès le vie siècle avant
notre ère, les Foulbé sont disséminés dans la région inter-
médiaire entre le groupe montagneux de l'Afrique du Nord
et le Soudan, dans les oasis au S. du Maroc et dans le
Touât. Ce sont peut-être les Leuco OEthiopes de Ptolémée.
Au ine siècle de notre ère, ils font un pas dans la direc-
tion du Niger, puis vivent dans le Soudan à l'état de tribus
pastorales, tributaires des chefs indigènes maîtres du sol.
Actuellement, l'aire d'expansion des Foulbé va de l'Atlan-
tique aux limites du Darfor, de la lisière du Sahara au pays
de Kong. On les trouve, avec une densité variable, dans les
trois grandes régions du Soudan occidental, de la Guinée
septentrionale et du Soudan central. Dans la région séné-
gambienne, le Fouta-Djallon et dans la région souda-
nienne, le royaume de Gando et Sokoto sont les deux prin-
cipaux foyersde leur influence, On les trouve en propor-
tions notables dans le Noupé, le Borgou, FYorouba, le
Kororofa, l'Adamaoua ; plus rares dans le bassin inférieur
du Niger à mesure qu'on approche de la mer. Ils forment
un important élément ethnographique dans le Bornou ; ils
ont immigré jusque dans le Bagirmi et le Ouadaï et sont
très répandus au Darfor où ils exploitent les mines et pas-
sent pour sorciers et nécromanciens. Les Foulbé ayant
subi un double croisement, avec les nègres et avec les
blancs, il est difficile de retrouver le type pheul dans toute
sa pureté. Le général Faidherbe en résume ainsi les prin-
cipaux traits : « Leurs cheveux sont aujourd'hui un peu
plus que bouclés, et se rapprochent des cheveux crêpés,
mais ils ne sont certainement pas laineux comme ceux des
nègres. La couleur de leur peau est brun clair ou plutôt
rougeâtre ; leur face est orthognate, leur nez petit, mais
cartilagineux et de forme aquiline. Leur visage est agréable
au point de vue européen. Comme intelligence et comme
caractère, ils sont supérieurs aux nègres. » Le trait domi-
nant des Foulbé, dans leur développement social, c'est tout
d'abord leur caractère de peuple pasteur et un penchant à
l'islamisme qui est allé souvent jusqu'au fanatisme. Ce
double caractère les a fait souvent assimiler aux Arabes, et
cette ressemblance a singulièrement facilité leur expansion.
Dans toute la région sénégambienne et soudanienne, le
gros bétail est aux mains des Foulbé. Pour eux, l'élève du
gros bétail n'a pas été une occupation accessoire ; elle est
devenue en quelque sorte le principe de leur vie nationale.
C'est grâce à leurs troupeaux qu'ils ont pu vivre au sein
de l'Afrique, errants et isolés, se gardant du mélange des
populations noires.
C'est au xme et au xive siècle que paraît avoir com-
mencé la conversion des Foulbé à l'islamisme; ils l'ont
embrassé avec fanatisme et ont fait de cette religion d'em-
prunt une religion nationale. Leur fanatisme a été le mo-
teur de leurs conquêtes, dont on peut présenter, d'après le
général Faidherbe, le tableau d'ensemble suivant : 1° au
début du xvme siècle, fondation de l'Etat théocratique du
Fouta sénégalais ; 2° au xvme siècle, fondation de l'Etat
du Fouta-Djallon ; 3° à la fin du xvme siècle, fondation du
Bondou musulman ; 4° vers 4802, Othman, plus connu
sous le nom de Daufodio, et son fils Bello, fondent un
vaste empire pheul entre le Niger et le Tchad (royaumes
de Sokoto et de Gando; 80,000 kil. q.); 5° au commence-
ment du xixe siècle, fondation d'un Etat pheul le long du
Niger, entre Tombouctou et Ségou; 6° de 1857 à 1894,
El Hadji Omar, repoussé par Faidherbe du Sénégal, soumet
les puissants Etats du Kaarta et du Ségou ; 7° fondation
récente d'un nouvel Etat pheul dans le Djolof et le Cayor.
FOULBEC. Corn, du dép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Beuzeville ;. 469 hab.
FOULD (Benedict), homme politique français, né à Paris
le 21 nov. 1792, mort à Paris le 28 juil. 1858. Fils du
fondateur de la banque Fould-Oppenheim et Cie, directeur
de cette importante maison, il fut nommé en 1827 juge au
tribunal de commerce. Après avoir échoué aux élections
législatives à Saint-Quentin le 14 févr. 1833, il fut élu
député de cette circonscription le 14 mai 1834, et à la
Chambre s'occupa beaucoup des questions de douanes et de
finances. Réélu le 4 nov. 1837 et le 2 mars 1839, il
échoua successivement en 1842 et 1846.
FOULD (Achille), homme d'Etat français, né à Paris le
17 nov. 1800, mort à Tarbes le 5 oct. 1867. Né d'une
famille israélite enrichie dans la finance, il étudia les
beaux-arts dans sa jeunesse, dirigea ensuite à Paris avec
son frère Benedict (V. ci-dessus) l'importante maison de
banque Fould-Oppenheim, entra de de bonne heure au
conseil général des Hautes -Pyrénées et fut envoyé en
1842 par le collège électoral de Tarbes à la Chambre
des députés, où il soutint la politique conservatrice de
Guizot et prit une part très active à la discussion des lois
de douanes et de finances. Réélu en 1846, il rentra dans
la vie privée par suite de la révolution du 24 février,
mais n'y resta guère, car deux brochures retentissantes
(Observations sur la question financière, adressées a
l'Assemblée constituante, et Pas d'assignats! et opi-
nion de M. A. Fould sur les assignats), dans lesquelles il
attaquait vivement la politique financière du gouvernement
provisoire et de la commission executive (mai-juin 1848),
lui ouvrirent les portes de l'Assemblée constituante
(17 sept.). Il y fut nommé rapporteur du projet de loi pour
le remboursement des 45 centimes (V. Garnier-Pagès) et
fit partie de la commission chargée de reviser les comptes
du gouvernement provisoire.
Rallié dès la fin de 1848 à la politique de l'Elysée, réélu
le 8 juil. 1849 à l'Assemblée législative, où il acquit rapi-
dement une grande influence, il fut le 31 oct. de la même
année appelé au ministère des finances par Louis-Napoléon,
dont il servit de son mieux les vues secrètes et à qui,
dit-on, il fit personnellement des avances de fonds, consi-
dérables. Il signala son passage aux affaires par le retrait
des projets de lois relatifs à l'impôt sur le revenu, aux
créances hypothécaires, aux loyers, par le maintien de
l'impôt sur les boissons, des octrois, par d'importantes
modifications dans les postes, l'enregistrement, par le ra-
chat des canaux du Rhône au Rhin, la création des caisses
de retraite et de secours pour la vieillesse, de la banque
d'Algérie, etc. Son portefeuille lui fut laissé dans la com-
binaison ministérielle du 10 janv. 1851 . Il le perdit le 24 du
mêmemois,le reprit le 10 avr. suivant, en fut encore dépos-
sédé le 27 oct., le recouvra le lendemain du coup d'Etat
(3 déc), s'en démit le 25 jauv. 1852 à la suite du décret
FOULD — FOULLON
- 892
de Louis-Napoléon relatif aux biens de la famille d'Or-
léans, reçut en échange la dignité de sénateur (26 janv.)
et, quelques mois plus tard (28 juil.), fut nommé ministre
d'Etat. Dans ses nouvelles fonctions, il se signala surtout
en organisant l'Exposition universelle de 4855, en présidant
à l'achèvement du Louvre (1853-4857) et en réformant
l'administration de l'Opéra. Le 24 nov. 4860, il quitta son
ministère pour entrer au conseil privé. Mais une année plus
tard, il redevint ministre des finances, après avoir adressé
un rapport à l'empereur où, critiquant en termes très vifs
les agissements de ses prédécesseurs, signalant des décou-
verts et des déficits chaque jour augmentés, il demandait
que le souverain renonçât au droif d'ouvrir des crédits
supplémentaires ou extraordinaires dans l'intervalle des
sessions législatives (4 4 nov. 4864). Napoléon III consentit
à ce sacrifice. Mais Fould n'administra pas mieux que les
financiers dont il venait de faire le procès. Ses principaux
actes (conversion de la rente, suppression des payeurs du
Trésor, etc.) ne furent que des expédients. Les découverts,
les déficits, les emprunts allèrent leur train. L'emprunt
mexicain, qui devait être si désastreux, fut lancé et pa-
tronné par M. Fould, qui dut enfin se retirer quelques
mois avant sa mort (janv. 4867) et céder la place à
M. Rouher. — Il était membre de l'Académie des beaux-
arts depuis 4857. A. Debidour.
FOULD (Adolphe-Ernest), homme politique français, né
à Paris le 47 juil. 4824, mort à Paris le 43 févr. 1875,
fils du précédent. Associé à la banque paternelle, il fut élu
député des Hautes-Pyrénées, avec l'appui de l'Empire, le
4er juin 4863, et, réélu le 24 mai 4 869, vota la guerre avec
la Prusse. — Son frère, Edouard-Mathurin, né à Paris
le 48 déc. 4834, mort à Moulins le 9 avr. 4884, élu dé-
puté de l'Allier le 4er juin 4863, vota constamment en
laveur de l'Empire. Il démissionna en 4 868. En 4876, il
se présenta aux élections législatives à Montluçon contre
M. Chantemille, républicain, qui eut deux fois plus de
voix que lui. — Son frère, Gustave-Eugène, né à Paris
le 19 févr. 4836, mort à Asnières le 27 août 4884, fut
élu député des Basses-Pyrénées le 6 juin 4869. Il servit
dans les Eclaireurs de la Seine pendant la guerre franco-
allemande et créa le corps des Volontaires de la France.
Après avoir posé sans succès sa candidature aux élections
municipales de Paris en 4872, il éprouva un nouvel échec
aux élections législatives du 44 oct. 4877 à Pau. Il a écrit :
la Conversion, Brûlons le Grand-Livre (Paris, 4878,
in-8), et donné en collaboration avec Alexandre Dumas,
sous le pseudonyme d'Olivier de Jalin, la Comtesse Ro-
mani, comédie qui obtint du succès au Gymnase en 4876.
Gustave Fould avait épousé, malgré l'opposition de sa fa-
mille, une pensionnaire du Théâtre-Français, Wilhelmine-
Joséphine Simonin, connue sous le nom de MUe Valérie,
qui a écrit sous le pseudonyme de Gustave Haller : le Mé-
decin des dames, comédie (Paris, 4870, in-42); le Bleuet
(4875, in-8); Vertu (4876, in-8); le Clou au couvent
(4878, in-8); le Sphynx aux perles (4884, in-8). —
Achille-Charles Fould, petit-fils du ministre de l'Empire,
né le 40 août 4861 , a été élu député de Tarbes le 22 sept.
4889, avec un programme conservateur et révisionniste.
FOULEIX. Corn.* du dép. de la Dordogne, arr. de Péri-
gueux, cant. de Vergt; 523 hab.
FOULENAY. Corn, du dép. du Jura, arr. de Dole, cant.
de Chaumergy; 270 hab.
FOULEPOINTE ou MAHAVELONA. Port de la côte
orientale de Madagascar, à 60 kil. N. de Tamatave. Bon
mouillage séparé de la haute mer par un long récif. En-
tourée de lagunes, la ville est malsaine. Ce fut jadis le
centre des établissements français de Madagascar. De là par-
tit, en 4829, l'expédition du capitaine de vaisseau Gour-
beyre. L'ancien fort français de La Palissade a été rem-
placé par un fort ho va.
FOU LIS (Sir David), homme politique anglais, mort à
Ingleby en 4642. Très en faveur à la cour de Jacques Ier,
il est connu par l'opposition violente qu'il fit à Wentworth,
qu'il finit par accuser de malversation. Dans cette lutte
inégale, il perdit sa place au conseil et fut condamné par
la chambre de l'Etoile à des amendes formidables et à l'en-
voi sur les pontons (4633). Rappelé par le Long Par-
lement en 4644, Foulis parut comme témoin contre Straf-
fort, dans le procès de 4641 ; il mourut peu après. Il a
écrit : A Déclaration of the Diet and particular fare
of King Charles Ier, publiée en 4802 dans VArchœolo-
gia. — Son fils, Henry Foulis, fut lieutenant général de la
cavalerie en 4643. — Son petit-fils, Henry Foulis (4638-
4669), a publié divers ouvrages, entre autres The History
of the Wicked Plots and Conspiracies of our pretended
Saints the Presbyterians (Londres, 4662, in- fol.) ; The
History of the Romish Treasons and Usurpations
(4761, in-fol.). K. S.
FOULIS (Sir James), lord Colinton, magistrat anglais,
mort à Edimbourg le 49 janv. 4688. Il représenta Edimbourg
au Parlement de 16 45 à 1648 et en 4654. Royaliste ardent,
il fut pris par Monck et subit un long emprisonnement.
A la Restauration, il devint lord de session, puis commis-
saire de l'excise (1661). Il entra au conseil privé en 4674
et fut nommé lord justice clerck en 4 684. — Son fils James,
lord Reidfurd, né vers 4645, mort en 4 744, également
lord de session (4 674), entra au conseil privé en 4703. —
Sir James Foulis de Colinton, petit-fils du précédent, né
en 4744, mort le 3 janv. 4794, servit dans l'armée et
collabora aux Transactions of the antiquarian Society
of Scotland, auxquelles il donna une savante dissertation
sur l'origine des Scots. R. S.
FOULIS (Robert), imprimeur écossais, né à Glasgow
en 4707, mort à Edimbourg le 2 juin 4776. Son père,
Andrew Faulls, dont il modifia le nom en Foulis, était
brasseur. Il apprit d'abord le métier de barbier, mais Fran-
cis Hutcheson, dont il suivait les conférences, l'engagea à
s'occuper de librairie et de typographie. Dans un voyage
qu'il fit sur le continent avec son frère Andrew, il acheta
beaucoup de livres rares qu'il revendit à bénéfice à Londres.
Il s'établit, en 4744, libraire à Glasgow et, peu après,
imprimeur ; deux ans plus tard, il était nommé imprimeur
de l'université. Il produisit de belles éditions d'auteurs
grecs et latins, qui Font rendu longtemps célèbre parmi les
bibliophiles ; entre autres : Démet rius Phalerus; De Elo-
cutione, un Horace, un Cicéron en 20 vol., Lucrèce,
Callimaque, qui fut médaillé par la « Select Society of
Edinburgh», Homère, Hérodote; il publia aussi les poèmes
de Gray (4768, in-4) ; A Catalogue of Pictures...,
illustrated by descriptions and critical remarks, by
Robert Foulis (Londres, 4776, 3 vol. in-42). — Son
frère, Andrew (4742-4 775), professa pendant quelque
temps les humanités, le français et la philosophie à Glas-
gow. Il fut l'associé de son frère et rendit de grands ser-
vices à l'association par son esprit pratique et son entente
des affaires. B.-H. G.
FOULLON (Abel), littérateur français, né à Loué (Sar-
the) vers 4543, mort à Orléans en 1563. Valet de chambre
de Henri IL On a de lui : Usaige et description de l'Ho-
lomètre (Paris, 4561, in-4), qui a eu un certain succès
et a été traduit en plusieurs langues, notamment en ita-
lien ; une traduction en vers français des Satyres de Perse
(Paris, 4544, in-4).
FOULLON (Jean-Erard), écrivain ecclésiastique et his-
torien belge, né à Liège en 4609, mort à Tournai en 4668.
Il entra dans l'ordre des jésuites à l'âge de seize ans,
professa dans plusieurs collèges et acquit une grande
réputation d'orateur. Ses principaux ouvrages sont : Corn-
mentarii historici et morales ad primivm librum Ma-
chabœorum (Liège, 4660, in-fol.), etHistoria leodiensis
per episcoporum séries dig esta ab origine populi usque
ad Ferdinandi Bavari tempora (Liège, 4735-36, 2 vol.
in-fol.). Dans ce dernier livre, Foullon fait preuve de
beaucoup d'érudition et de sens critique.
Bibl. : Paquot, Mémoires pour servir à Vhistoire litté -
mire des XVII provinces des Pays-Bas ; Louvain, 1765-
- 893 -
FOULLON — FOULQUE
1770, 3 vol. in-fol. — De Backer, Bibliothèque des écri-
vains de la Compagnie de Jésus ; Liège, 1869-1876, 3 vol.
in-fol.
FOULLON (Joseph-François) et non FOULON, adminis-
trateur français, né à Saumur en 1747, tué à Paris le
22 juil. 1789. Il fut intendant général des armées pen-
dant la guerre de Sept ans, sous les maréchaux de Soubise
et de Broglie, puis intendant de la guerre et de la marine
sous le maréchal de Belle-Isle, enfin intendant des finances
en 4771. Conseiller d'Etat lors du renvoi de Necker (12
juil. 1789), il était peut-être désigné par la cour pour
lui succéder. Il fut chargé, avec l'intendant de Paris
(V. Bertier) , de pourvoir à l'approvisionnement de
F « armée de siège » , que le roi avait placée sous le
commandement du maréchal de Broglie : fonctions diffi-
ciles en un temps de disette et de défiance, et surtout fonc-
tions souverainement impopulaires. D'après Mme Campan
(Mémoires, chap. xtv), il s'était mêlé aussi, par l'entre-
mise de la reine, de conseiller à Louis XYI l'arrestation du
duc d'Orléans et certaines concessions de forme au mouve-
ment révolutionnaire. Apre en affaires, impitoyable pour
ses fermiers, il était détesté des paysans de Viry et de Hou-
vion, où il était seigneur. A Paris, on rapportait de lui ce
mot : « Je ferai faucher Paris comme un pré » ; à la cam-
pagne cet autre : « Si le pain manque, que le peuple mange
du foin. » Ils ne sont probablement pas plus authentiques
l'un que l'autre; le second, en particulier, avait déjà été
prêté à plus d'un personnage impopulaire en temps de
disette (V. Farines [Guerre des]). Quoi qu'il en soit, le
lendemain de la prise de la Bastille, Foui Ion, se sentant
menacé par les vengeances populaires, fit enterrer sous son
nom, à Houvion, un de ses domestiques qui venait de mou-
rir, et courut se réfugier dans son autre terre à Viry.
Mais cette ruse fut éventée par les gens de la campagne,
et, comme il avait eu peur, il fut perdu. Reconnu, arrêté,
il fut conduit en cabriolet, le 22 juil., à l'Hôtel de Ville de
Paris, avec une botte de foin sur le dos et un bouquet
d'orties au cou. Les électeurs qui détenaient alors le pou-
voir municipal essayèrent de le soustraire à la fureur du
peuple en ordonnant de l'enfermer à l'abbaye Saint-Ger-
main. Mais la salle des délibérations fut forcée. La multitude
allait lui donner des juges élus séance tenante, lorsque
Lafayette, commandant de la garde nationale, arriva. Il
réussit à se faire écouter en invoquant la générosité du
peuple et le respect de la loi : il se garda du reste de jus-
tifier les actes de Foullon. Il obtint des applaudissements,
et Foullon lui-même, se croyant sauvé, battit des mains.
Aussitôt, changement à vue : de nouveaux arrivants
réclament la mort d'un homme « qu'il était inutile de juger,
vu qu'il était jugé depuis trente ans ». La table sur laquelle
on avait hissé le malheureux, afin que tout le monde pût
le voir et l'entendre, fut jetée par terre; il fut traîné sur
la place et pendu au réverbère, fameux depuis, qui en fai-
sait le coin. La tète fut portée au bout d'une pique et pré-
sentée à son gendre, Bertier de Sauvigny, qui le même
jour subit le même sort. H. Monin.
Bibl. : Ch.-L. Chassin, les Elections et les cahiers de
Paris en 1189 ; Paris, 1889, t. III, pp. 620-625,634-635, in-8.
— Al. Tuetey, Répertoire des sources -manuscrites de
Vhisloire de Paris pendant la Révolution ; Paris, 1890, t. I,
n°* 547, 733, 734, 737, 740, 741-743, 745-747, 758, 761, 764, 766,
768, 770, 772, 773 , gr. m-8.
FOU LOGN ES. Com, du dép. du Calvados, arr. de Bayeux,
cant. de Caumont ; 372 hab.
FOULON. Nom anciennement donné aux établissements
où l'on effectuait le foulage des draps, et encore porté par
les machines dont on fait usage. Ces machines font partie
aujourd'hui du matériel des apprêts qui achèvent les tissus
en leur donnant l'aspect et le toucher qui convient à la vente.
— Chez les Grecs et chez les Romains, l'industrie des fou-
lons était des plus considérables. Les foulons étaient chargés
de blanchir et de dégraisser les vêtements après qu'ils
avaient été portés ; ils procédaient à cette opération en
foulant les étoffes dans de larges cuves d'eau mêlée d'urine,
puis en les faisant sécher sur des châssis au-dessous des-
quels était un pot de soufre. Les foulons, chez les Romains,
formaient des corporations très importantes; ils avaient pour
déesse protectrice Minerve, en l'honneur de laquelle ils célé-
braient tous les ans une fête du 19 au 23 mars. Ils étaient
très populaires et leurs mœurs ont fourni le sujet de plu-
sieurs comédies et de plusieurs tableaux.
Bibl.: R. Fisch, Die Walker, oder Leben und Tieiben
in altrômischen Wdscherein; Berlin, 1891.
FOULON (Joseph -François), administrateur français
(V. Foullon).
FOULON NAGE (V. Apprêts).
FOULQUE (Ornith.). Les Foulques (Fulica L.) appar-
tiennent au groupe des Échassiers macrodactyles (V. ce
mot) de G. Cuvier, de même que les Poules d'eau (V. ce
mot) dont elles diffèrent par leurs formes plus massives,
Foulque noire ou Morelle-
leurs pattes plus fortement rejetées à l'arrière du corps et
surtout parleurs doigts antérieurs bordés d'une membrane
découpée en autant de lobes qu'il y a d'articulations. Elles
ont le pouce inséré en dedans du tarse, pas assez haut
cependant pour ne point toucher la terre, le bec assez
court, convexe en dessus, renflé et anguleux en dessous,
le front recouvert par une large plaque qui continue en
arrière l'arête de la mandibule inférieure et qui est tan-
tôt lisse, tantôt surmontée de lambeaux charnus ; les na-
rines elliptiques et percées à découvert de chaque côté du
bec, les ailes de longueur médiocre, mais assez pointues,
la queue courte et très arrondie, le plumage constamment
de couleurs sombres, noir et gris ardoisé, parfois rehaussé
par un peu de blanc. Ce sont des oiseaux essentiellement
aquatiques, qui fréquentent aussi bien les baies, les golfes
et les marais salants que les étangs et les lacs, et qui se
nourrissent de frai de poisson, de têtards, de vers, de
mollusques, d'insectes et de végétaux aquatiques.
On rencontre en Europe deux espèces de ce genre, la
Foulque noire (Fulica air a L.), vulgairement appelée
FOULQUE - FOUQUE — 894
Macroule, Macreuse ou Morelle, et la Foulque à crête
(Fulica cristata L.). La première porte une plaque frontale
lisse, de couleur blanche chez l'adulte en automne et rosée
au printemps, tandis que la seconde porte une plaque sur-
montée de deux tubercules membraneux d'un rouge foncé.
Les Foulques noires sont très communes dans quelques loca-
lités de la France, où elles se reproduisent même régulière-
ment, tandis qu'elles sont seulement de passage dans
d'autres : elles forment, à l'approche de l'hiver, de grandes
troupes qui sont dans le Midi l'objet d'une chasse très
active, quoique la chair de ces oiseaux soit loin d'être
agréable au goût. Les Foulques à crête, au contraire, ne
se montrent qu'accidentellement sur nos côtes de la Médi-
terranée, mais sont très communes en Algérie.
Parmi les autres espèces du même genre, nous citerons
encore la Fulica americana (Gm.) des Etats-Unis, de
l'Amérique centrale et des Antilles, la F. leucopyga (Licht.)
et la F. armillata (V.) de la portion australe du continent
américain, la F. ardesiaca (Tsch.) de la Bolivie, de l'Equa-
teur et du Pérou, la F. cornuta (Bp.) de la Bolivie, la
F. gigantea (Eyd. et Soui.) des Andes du Pérou et la
F. australis (Gould) de l'Australie. E. Oustalet.
Bibl. : J. Gould, Birds of Europa, pi. 338. — Vieillot
et Oudart, Galerie des Oiseaux, pi. 269. — Eydoux et
Souleyet, Voy. de la Bonite, ZooL, Oiseaux, pi. 8. — Ph.-L.
Sclater, Proc. Z. S. Lond., 1868, pp. 466 à 468 (fig.).— De-
gland et Gerbe, Ornith. europ., 1867, 2e éd., t. II, p. 266.
FOULQUE DE Villàret (V. Villaret).
FOULQUES (Gui) (V. Clément IV, pape).
FOULQUES, prélat français, né vers 850, mort le
47 juin 900. Successivement chanoine à Reims, puis abbé
de Saint-Bertin, il fut activement mêlé aux affaires poli-
tiques. Après la mort de Charles le Chauve, il entreprit
vainement de faire couronner roi Guy de Spolète puis Ar-
noul, roi de Germanie. Devenu archevêque de Reims le
40 mars 883, il dut reconnaître et sacrer successivement
deux fois Eudes et Charles le Simple. Il périt assassiné par
des émissaires de Baudouin, comte de Flandre.
FOULQUES, comtes d'Anjou. Cinq comtes d'Anjou ont
porté ce nom. Foulques Ier le Roux, le premier des comtes
ingelgériens, de 888 à 938 ; Foulques II le Bon, fils et
successeur du précédent, mort à Tours le 44 nov. 958 ;
Foulques III le Noir, plus connu sous le nom de Foulques
Nerra, le plus célèbre de tous, né en 972, fils de Geof-
froi Ier, auquel il succéda en 987, mort à Metz le 22 mai
4040; Foulques IV le Réchin, c.-à-d. le Hargneux, né
à Château-Landon en 4043, comte d'Anjou en 4060,
mort à Angers le 44 avr. 4409; Foulques V le Jeune,
fils du précédent, né en i 092, comte d'Anjou et du Maine
en 4440, couronné roi 'de Jérusalem, le 44 sept. 1434,
mort le 43 nov. 4444 (V. Anjou, t. III, p. 40).
FOU LQU ESdeNeuilly, prédicateur de la fin du xne siècle,
mort à Neuilly-sur-Marne le 2 mars 4204. Il est surtout
connu de nos jours par la prédication de la quatrième croi-
sade ; mais auparavant il s'était déjà rendu célèbre parmi
ses contemporains par la hardiesse de ses discours, dans
lesquels il s'attachait surtout à convertir les usuriers et
les femmes de mauvaises mœurs. Lui-même avait, dans
sa jeunesse, mené une vie peu exemplaire ; mais, touché
par la grâce, il voulut expier ses dérèglements et ramener les
pécheurs dans le chemin du salut. Il se mit à parcourir la
France, en appelant les multitudes à la pénitence. Accueilli
d'abord avec mépris, il finit par acquérir sur le peuple un
ascendant extraordinaire. Partout la foule accourait au-de-
vant de lui pour l'entendre. Des évoques lui ouvrirent leurs
églises. Peu lettré, il n'usait pas, comme la plupart de ses
contemporains, des subtilités de la scholastique, et sa pa-
role, pleine de chaleur et de simplicité, était comprise de
tous. Sa renommée vint aux oreilles du pape Innocent III,
qui lui confia la mission de prêcher la croisade. Foulques
prit alors la croix dans un chapitre général de l'ordre de
Cîteaux et recommença le cours de ses pérégrinations. A
sa voix, le zèle pour la guerre sainte se réveilla de toutes
parts. Nobles et vilains se croisèrent. S'il faut en croire
Jacques de Vitry, Foulques, dans les derniers temps de sa
vie, perdit beaucoup de son crédit et de sa considération. II
recevait des sommes considérables pour la guerre sainte et
on l'accusait d'en détourner une partie à son profit. Il mou-
rut au moment où les croisés allaient se mettre en route et
fut enterré dans l'église de Neuilly, dont il était curé et
où son tombeau se voyait encore au siècle dernier (Lebeuf,
Histoire du diocèse de Paris, t. VI, p. 20). Aucun des
sermons de Foulques ne nous a été conservé. Il est pro-
bable, d'ailleurs, que lui-même ne les a pas écrits et que
nul parmi ses auditeurs ne s'est occupé de les recueillir.
Ch. Kohler.
FOULQUES-Taillefer, comte d'Angoulême, en 4048,
mort après 4089. Il succéda à son père Geoffroi Taillefer,
guerroya contre Guillaume VII, comte de Poitiers, et contre
son propre frère, Guillaume, évêque d'Angoulême. Il eut
pour successeur son fils Guillaume III (V. Angoulème
[Comté], t. II, p. 4469).
FOULSTON (John), architecte anglais, né à Plymouth
en 4772, mort à Plymouth en 4842. Foulston exerça
surtout sa^ profession dans sa ville natale qui lui doit les
édifices suivants : l'hôtel royal, immense construction da-
tant de 4844, la bibliothèque publique, la Bourse, l'Athé-
née, construit en 1842 pour les membres de la Plymouth
Institution, l'hôtel de ville et la restauration de l'église
.» Saint-André, dont la tour date de la fin du xve siècle.
On doit aussi à Foulston l'hôtel de ville et la bibliothèque
publique de Devonport ainsi que l'hospice des aliénés du
comté de Cornouailles, tous édifices dont il réunit les des-
sins en un recueil publié en 4838. Charles Lucas.
FOULZY. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Rocroi,
cant. de Rumigny ; i 94 hab.
FOUNDJI (V. Afrique [Anthropologie]).
FOUNG. Peuple nègre du bassin du Nil, qui a joué un
rôle important au xvie siècle dans le Sennâr et le bassin
moyen du bahr El-Abyad, en soumettant toute la Nubie
jusqu'à Ouâdi Halfa. Les Foungse distingent par le dessin
du nez, droit ou busqué, et le caractère de la chevelure,
crépue et non laineuse.
FOUNTAINE (Sir Andrew), collectionneur anglais, né
en 4676, mort en 4753. Employé pendant quelque temps
dans la diplomatie, puis vice-chambellan de la princesse
Caroline et précepteur au prince Guillaume, il s'occupa
surtout de curiosités et d'antiquités, et acquit la réputation
d'un connaisseur délicat. Il lut l'ami et le correspondant
de Leibniz, de La Fontaine et de Swift. Il avait été nommé
conservateur de la Monnaie, Keeper of tlie Mint, en rem-
placement de sir Isaac Newton. B.-H. G.
FOU NTL Petit port du Sous marocain sur les bords
de l'océan Atlantique , situé par 39° 26' 35" lat. N. ,
44° 56' 05" long. O. Paris. Son nom indique la source
abondante qui jaillit au pied de la colline de 488 m. d'alt.
qui supporte Agadir Serir, l'ancienne Santa-Cruz des Por-
tugais vers l'an 4500. Founti est de nos jours une misé-
rable bourgade d'environ 400 hab., et qui a succédé à un
antique établissement byzantin, ainsi que le prouvent des
vestiges bien nets de cette époque, découverts récemment.
C'est à Founti qu'est le meilleur havre de tout le littoral
marocain ; au N.-O., le cap Guir (V. ce mot) abrite le golfe
contre les vents d'E. et deN.-E., tandis qu'un autre cap-
musoir, avancé d'un chaînon latéral, limite une crique dans
la partie la plus creuse du golfe et la protège contre la
grande houle du large. H.-M.-P. de La Martinière.
FOUQUÉ (Friedrich-Heinrich-Karl, baron de La Motte)
(V. La Motte).
FOUQUE (Victor), publiciste français, né à Bayeux le
17 févr. 4802. Il exerça de 4834 à 4854 la profession de
libraire à Chalon-sur-Saône. On lui doit, entre autres
publications, d'importants travaux d'histoire locale. Citons :
Histoire de Chalon-sur-Saône depuis les temps les
plus reculés (Chalon, 4844, in-8) ; Recherches histo-
riques sur la révolution communale au moyen âge
(4848, in-8); Recherches historiques sur les corpora-
— 895
FOUQUE — FOUQUET
tions des archers, des arbalétriers et des arquebusiers
(1852, in-8); Nicéphore Niepce (1867, in-8) ; De Quel-
ques Abus en librairie (1841, in-8); Des Causes et des
conséquences de rémigration des habitants des cam-
pagnes vers les grands centres (1856, in-8); Faits his-
toriques et mémorables de la Révolution française
( 1 869 ) ; Notes historiques sur les papes d'origine
française (1870); Recherches historiques sur la maison
de Rabutin (1871), etc.
FOU QUE (Ferdinand- André), minéralogiste et géologue
français, né à Mortain (Manche) le 21 juin 1828. Ancien
élève de l'Ecole normale supérieure, il a été préparateur
d'histoire naturelle dans cet établissement, répétiteur à
l'Ecole pratique des hautes études, où il dirige encore (1893)
un des laboratoires de géologie, et professeur suppléant
(1874 et 1876) du cours d'histoire naturelle des corps inor-
ganiques au Collège de France. Il est depuis 1877 titulaire
de cette chaire et depuis 1881 membre de l'Académie des
sciences de Paris (en remplacement de Delesse) . Il fait en
outre partie depuis 1880 de la commission delà carte géo-
logique détaillée de la France. Ses recherches et ses décou-
vertes, qui ont notablement contribué aux progrès réalisés
depuis un quart de siècle par les sciences géologiques,
peuvent se rattacher à quatre ordres distincts de travaux:
1° analyse des manifestations volcaniques actuelles et en
particulier examen des produits volatils des éruptions ;
2° étude stratigraphique de diverses régions : du massif vol-
canique du Cantal et des environs de Brioude, dont il a
donné de belles cartes (1878 et 1881) ; du volcan de l'île
de Santorin (archipel des Cyclades), dont il a publié l'his-
toire géologique complète sous le titre Santorin et ses
éruptions (Paris, 1879, in-4), etc. ; 3° introduction en
France de nouvelles méthodes pétrographiques ; 4° syn-
thèses de minéraux et de roches (en collaboration avec
M. Michel Lévy) : reproduction artificielle par fusion ignée
et recuit prolongé de l'oligoclase, du labrador, de lanéphi-
line, du grenat mélanite, de Fanortite, de l'amphigène, etc.,
et production d'associations cristallines identiques aux andé-
sites, aux labradorites, aux basaltes, aux leucitites, aux
ophites et à diverses autres roches éruptives naturelles.
Outre les publications ci-dessus mentionnées et un nombre
considérable de notes sur des travaux originaux insérées
dans les Comptes rendus de V Académie des sciences de
Paris, il a écrit : Mémoires pour servir à l'explication
de la carte géologique détaillée de la France (Paris,
1879, in-4) ; Introduction à V étude des roches éruptives
françaises (Paris, 1879, in-4) ; Synthèse des minéraux
et des roches (Paris, 1882, in-8), — ces trois ouvrages
en collaboration avec M. Michel Lévy. Il a aussi donné d'in-
téressants articles à la Revue des Deux Mondes (années
1867 et suiv.). Léon Sagnet.
Bibl. : Notice sur les travaux scientifiques de M. Fou-
qué; Paris, 1869, in-4; nouv. éd., 1876 et 1881.
FOUQUEBRUNE. Corn, du dép. de la Charente, arr.
d'Angoulême, cant. de Villebois-la- Valette ; 650 hab.
FOUQUENIES. Corn, du dép. de l'Oise, arr. et cant.
(N.-E.) de Beauvais, sur le Thérain; 151 hab. Stat. du
chem. de fer du Nord. Ce village fut donné en 922 à l'ab-
baye de Saint-Lucien. C'est sur son territoire, au hameau
de Montmille, que cet apôtre du Beauvaisis subit le mar-
tyre, avec ses compagnons Julien et Maxien. Ce dernier
donna son nom au prieuré de Saint-Maxien, de l'ordre de
Saint-Benoît, situé aussi sur cette paroisse. Ce bénéfice
était considérable et fut réuni, en 1688, au séminaire de
Beauvais. L'église, aujourd'hui paroisse de Fouquenies,
date au moins du xie siècle, avec un clocher du xvie. Cette
église a une crypte, qui était le but d'un important pèleri-
nage. On y remarque une croix byzantine. C. St-A.
FOUQUEREL (Jean), prélat français, né à Villers-le-
Vicomte (Oise) vers 1380, mort le 12 oct. 1429. Il fut
chanoine de Senlis en 1409, puis de Beauvais et grand
maître du collège de Chollet, à Paris, grâce à l'appui du
célèbre Pierre Cauchon, son ami. C'est à la même influence
qu'il dut d'être nommé évêque de Senlis en 1423. Malgré
ses sentiments anglais, il fut forcé de faire sa soumission
au roi, en 1429, et reçut Jeanne d'Arc dans sa ville épis-
copale. Il a laissé un curieux testament. C. St-A.
Bibl. : Dupuis, Jean Fouquerel, dans Com. archéol. de
Senlis, t. I, 2° série.
FOUQUEREUIL. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr.
et cant. de Béthune ; 484 hab.
FOUQUEROLLES. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. de Nivilliers ; 200 hab.
FOUQUES-Deshayes (V. Desfontaines de La Vallée).
FOUQUESCOURT. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Montdidier, cant. de Rosières ; 326 hab.
FOUQUET (Guillaume), marquis de La Varenne, diplo-
mate français, né à La Flèche en 1560, mort en 1616.
Connaissant tout l'entourage de la sœur de Henri IV, dont
il était le cuisinier, il commença à acquérir de l'influence
en servant l'amour du roi pour la belle Gabrielle. Devenu
son homme de confiance, il fut employé par lui aux mis-
sions politiques les plus délicates, notamment pendant la
Ligue et en Espagne où, arrêté après avoir surpris les secrets
du roi et de l'infante, il parvint à se sauver. Il amassa
dans ces différentes missions une fortune considérable qui
lui valut cette apostrophe de Madame Catherine, sœur de
Henri IV : « La Varenne, tu as plus gagné à porter les
poulets du roi mon frère qu'à piquer les miens. >xl\ mourut
contrôleur général des postes et gouverneur d'Anjou. —
' Son fils aîné, Guillaume, né vers 1586, mort le 10 janv.
1621, d'abord conseiller au Parlement et maître des re-
quêtes, fut abbé d'Ainay, de Monstré-Saint-Jean, de Saint-
Benoît-sur-Loire, de Saint-Loup de Troyes, de Saint-Nicolas
d'Angers et prieur de Levière. Il succéda, en 1616, à
Charles Miron, comme évêque d'Angers. Louis Farges.
. Bibl. : Berger de Xivrey, Lettres missives de Henri IV,
dans Docum. inédits de Vhist. de France, in-4.
FOUQUET (François), vicomte de Vaux, né en 1587,
mort à Paris le 22 avr. 1640. Chevalier, conseiller du roi or-
dinaire dans tous ses conseils, fils de messire François Fouc-
quet (sic), conseiller au Parlement de Paris comme son père,
puis (1615) maître des requêtes de l'hôtel. Bichelieu l'at-
tacha plus spécialement aux affaires commerciales et mari-
times. Mais il prit part aussi au jugement de Chalais et devint
membre des chambres extraordinaires de justice rendues
permanentes par le génie inquiet et soupçonneux du car-
dinal. Il épousa, le 22 févr. 1610, Marie, fille de Gilles de
Maupeou (1590-1681), dont il eut plusieurs enfants : le plus
fameux est le surintendant Nicolas Fouquet (V. ci-dessous).
Bibl. : J. Lair, Nicolas Foucquet ; Paris, 1890, ch. i et n,
2 vol. in-8.
FOUQUET, missionnaire français (V. Foucquet).
FOUQUET (Nicolas), dernier surintendant des finances
du roi de France, quatrième enfant de François Fouquet et
de Marie de Maupeou, né à Paris, rue de la Verrerie, ins-
crit au baptistère de Saint-Jean-en-Grève le 27 janv. 1615,
mort prisonnier au château de Pignerol (suivant les tradi-
tions les plus probables, le 23 mars 1680). Il eut quatre
frères et six sœurs, toutes religieuses. Il suivit d'abord,
comme son père, la carrière de la magistrature et de l'ad-
ministration. De 1642 à sept. 1647, il est intendant à l'ar-
mée du Nord, puis intendant de police, justice et finances
en Dauphiné, puis de nouveau intendant des armées en
Catalogne et en Flandre. L'année du traité de Westphalic
et de la Fronde (1648), Mazarin commence à se l'associer
étroitement comme intendant de Paris (avril) ; il en fait le
procureur général d'une chambre exceptionnelle de justice,
non agrééepar le Parlement. Fouquet s'emploie alors, inu-
tilement, à rompre l'union des cours SDUveraines. Quand
l'armée du roi assiège Paris (janv. 1649, mai 1650), c'est
encore Fouquet auquel sont confiées les difficiles fonctions
d'intendant. Procureur général du parlement de Paris en
1650, et, par conséquent, l'homme du roi par excellence,
c'est lui qui fait légaliser en quelque sorte la rentrée de
Mazarin. Il avait réussi à sauver en partie ou à recouvrer
FOUQUET
~- 896
les collections artistiques et littéraires du cardinal. En 1652,
il fait décider la translation du parlement à Pontoise, in-
tervient inutilement (octobre) entre Condé et la cour, con-
tribue en somme pour une certaine part à la restauration
du pouvoir royal ébranlé par la guerre civile et menacé par
l'alliance des nobles et de l'Espagne. En récompense de sa
fidélité, il fut nommé en 1653 surintendant des finances,
mais avec un collègue, Servien, qu'il ne tarda pas à relé-
guer au second plan et dont la mort le débarrassa entière-
ment en 1659. L'état de la fortune personnelle de Fouquet
à cette époque ne permet pas de croire qu'il ait rendu à la
couronne et au cardinal des services d'argent proprement
dits : mais il savait attirer la confiance et user du crédit.
Après la paix des Pyrénées et le mariage de Louis XIV, il
se brouilla avec Mazarin qui prévoyait en lui unNsuccesseur
et qui ne demandait sans doute pas mieux, s'il fallait rendre
des comptes au maître, que d'en rejeter la charge sur une
autre tête : ceci n'est d'ailleurs qu'une hypothèse ; on
ne connaît pas de fait précis qui explique cette rupture
entre le ministre et le cardinal. Ce qui est certain, c'est
que, dès lors, Fouquet rédigea pour les siens un plan de
conduite détaillé contre Mazarin, dans le cas où celui-ci
provoquerait à son égard des mesures de rigueur; qu'il se
créa par tous les moyens un parti pour qui il était « l'Ave-
nir » ; qu'il acheta Belle-Isle (comme Richelieu et Mazarin
s'étaient assurés du Havre), mais que de plus il eut l'adresse
d'obtenir des lettres pour en fortifier les côtes. Parmi ses
partisans avoués, on citait, sur la flotte, Neuchèze et Cré-
qui; dans l'armée, Charost et Crussol, ses gendres, les ma-
réchaux d'Aumont et de Gramont; à la tête des affaires
extérieures, Hugues de Lionne. Il n'avait pas négligé l'en-
tourage de la reine mère, les filles d'honneur, les femmes
d'intrigue comme la comtesse de Soissons, ni même les
confesseurs du roi, le père Annat et le père Leclerc. Sa
maison est, suivant le mot de Sainte-Beuve, comme un Ver-
sailles anticipé. Ambitieux de pouvoir, mais aussi curieux
de tout, « il aime les lettres, les arts, les poètes, les femmes,
les fleurs, les tableaux, les tapisseries, les livres, les an-
tiques, tous les luxes et toutes les élégances : un de ses
juges l'appelait omnium curiositatum explorator. C'est
un délicat et un clairvoyant, qui choisit tout d'abord Molière
et La Fontaine, Le Nôtre et Le Poussin, Puget, Lebrun et
La Quintinie, avec Menneville et du Fouilloux, les deux
plus jolies filles de la cour, au dire de Racine, qui s'y con-
naissait. » A plus d'un point de vue, et particulièrement
par les noms des artistes en divers genres que Louis XIV
employa dès le début de son règne personnel, « Versailles
et les Gobelins sont les héritiers directs de Vaux-le- Vicomte
et de Maincy : l'honneur de l'initiative appartient à Fou-
quet. » (Bonnaffé.) La Bibliothèque royale acquit 13,000 vo-
lumes rares réunis par l'ex-surintendant. Un défenseur
contemporain de Fouquet, M. L.-A. Ménard, va jusqu'à
l'appeler « l'homme de la Renaissance, victime de l'intolé-
rance jésuitique». Rien ne justifie une pareille interpréta-
tion des faits. L'usage splendide, généreux, intelligent d'une
grande fortune ne saurait en purifier la source. Or l'on
connaît très exactement de quelle façon le surintendant avait
fait la sienne. Il n'avait pas, il est vrai, le maniement des
fonds publics : il donnait aux trésoriers de l'épargne des
ordres de payement assignés sur telle ou telle recette expres-
sément désignée (gabelles, aides, taille, etc.) ; ceux-ci
payaient et devaient garder les assignations pour les pro-
duire à la chambre des comptes et obtenir décharge. Le vol
consistait à assigner des payements sur des fonds déjà épui-
sés : les porteurs pressés d'argent vendaient à vil prix leur
titres à des financiers qui avaient le crédit d'obtenir des
réassignations sur les fonds disponibles, moyennant pot-
de-vin attribué au surintendant. D'autre part, les impôts
indirects qu'il était d'usage d'affermer étaient souvent l'ob-
jet d'adjudications irrégulières, dans lesquelles le secret des
enchères n'était pas observé et où les noms mêmes des fer-
miers étaient supposés. Enfin les emprunts fournissaient
encore un champ plus vaste aux spéculations malhonnêtes.
Le taux légal, admis comme maximum par la chambre
des comptes, était de 5 5/9 °/0. Mais le trésor était souvent
contraint par les circonstances à donner jusqu'à 20 et 25 °/0.
Pour dissimuler l'illégalité, le surintendant majorait le capi-
tal encaissé ; puis, pour rétablir la balance entre les recettes
et les dépenses, il faisait porter sur les registres des tré-
soriers de l'épargne, et avec leur complicité, des dépenses
imaginaires. Plus de registres des fonds versés depuis 1654 :
les contrôleurs des finances avaient été alors dispensés de
les tenir. Ministres et commis, sous des noms supposés,
prêtaient à l'Etat à des taux usuraires ou même supposaient
des prêts. Bref, le mécanisme des institutions financières
étant détestable, et le crédit mal assuré, un honnête homme
n'était jamais certain de ne pas passer pour un voleur, et
un voleur avare, sans ostentation, pouvait être tenu pour
un honnête homme. Ces honnêtes gens-là s'appelaient
légion. C'est l'ostentation qui perdit Fouquet. Jal note
avec raison que Vécureuil grimpant n'était point la
devise insolente particulière à Nicolas Fouquet, mais la
devise de toute sa famille ; que, sur plusieurs portraits de
ses frères, aucun mot n'accompagne cette devise. Il n'a lu,
dit-il, le célèbre Quo non ascendet ? que sur le drapeau
de la trompette d'une Renommée placée par L'Armessin en
haut et à droite de sa planche. Mais ce mot se trouve aussi
sur un écusson dessiné par Lebrun pour Nicolas Fouquet,
au-dessous d'une couronne soutenue par deux génies (col-
lection de M. Alf. Beurdeley). Cependant Mazarin, dans les
dernières années de sa vie, s'était appliqué à déprécier
dans l'esprit du jeune roi l'ambitieux surintendant ; il s'était
attaché Colbert (V. ce nom), et, peut-être un peu pour
couvrir sa propre réputation, lui faisait contrôler et revi-
ser, sous les yeux de Louis XIV, les faux états de recetles
et de dépenses qui permettaient à Fouquet moins d'aug-
menter sa fortune que de multiplier ses prodigalités et, par
là, ses créatures. Après la mort du cardinal, le trésor étant
fort obéré et le roi ayant marqué la volonté de gouverner
par lui-même, Fouquet fut circonvenu par ceux qui voyaient
où était le véritable avenir. On lui persuada de vendre sa
charge de procureur général du parlement à M. du Har-
lay, et d'en porter le produit, 1 million, à l'épargne. Le
roi n'avait-il pas abandonné aux héritiers de Mazarin les
50 millions que celui-ci avait légués, ou plutôt restitués à
la couronne ? Fouquet pouvait supposer que le sacrifice
d'argent qu'il faisait serait suffisant puisqu'il avait été pro-
voqué et accepté. C'était, d'autre part, déconcerter ses en-
nemis et agir en beau joueur : procureur général, il n'était
justiciable que du parlement de Paris ; démisionnaire, il
se mettait entièrement entre les mains du roi. L'événement
montra qu'il avait trop compté sur la générosité royale. La
fête splendide qu'il donna au roi dans son château de Vaux,
qui lui avait coûté 18 millions, bien loin d'incliner son
hôte à la clémence, ne fit que l'indigner (16 août 1661).
D'après Choisi, c'est alors même que Louis XIV aurait songé
à l'arrêter, et il l'eût fait sans les prières d'Anne d'Au-
triche. Voici en quels termes Louis XIV décrit lui-même
ses sentiments : « La vue des vastes établissements que cet
homme avait projetés et les insolentes acquisitions qu'il avait
faites ne pouvaient manquer qu'elles ne convainquissent mon
esprit du dérèglement de son ambition, et la calamité générale
de tous mes peuples sollicitait sans cesse justice contre lui.
Mais ce qui le rendait plus coupable envers moi était que
bien loin de profiter de la bonté que je lui avais témoignée
en le retenant dans mes conseils, il en avait pris une nouvelle
espérance 'de me tromper, et. bien loin d'en devenir plus
sage tâchait seulement d'en devenir plus adroit. Mais quelque
artifice qu'il pût pratiquer, je ne fus pas longtemps sans re-
connaître sa mauvaise foi : car il ne pouvait s'empêcher de
continuer ses dépenses excessives, de fortifier des places,
d'orner des palais, de former des cabales, et de mettre
sous le nom de ses amis des charges importantes qu'il leur
achetait à mes dépens, dans l'espoir de se rendre bientôt
l'arbitre souverain de l'Etat. » D'après le rapport d'un des
nombreux espions de Fouquet, les sentiments de la reine
— 897 —
FOUQUET
mère ne différaient pas beaucoup de ceux de son fils : « Il
verra, disait-elle un jour, il verra ce qu'a fait sur l'esprit
du roi tout l'argent qu'il a bâillé de sa propre bourse pour
le marquis de Créqui. Le roi aime d'être riche et n'aime
pas ceux qui le sont plus que lui, puisqu'ils entreprennent
des choses qu'il ne saurait faire lui-même et qu'il ne doute
point que les grandes richesses des autres ne lui aient été
volées. » Quant à la rivalité amoureuse de Fouquet et du
roi auprès de MUe de La Vallière, elle est douteuse. Il est
vraisemblable que le surintendant ait, suivant son système,
essayé d'entrer dans les bonnes grâces de la favorite à
seule fin de mieux tenir le roi, qu'il ait parlé d'argent, et
qu'il se soit attiré la juste indignation d'un cœur égaré,
mais sincère. Quoi qu'il en soit, le procès de Fouquet n'est
pas seulement une affaire individuelle ; c'est une affaire
générale, coup de police et coup d'Etat tout ensemble; c'est
la manifestation éclatante de cette ferme volonté que
Louis XIV avait témoignée, de gouverner par lui-même et
de voir clair dans les affaires de son royaume. Cependant
le jeune roi ne se crut pas assez fort pour se passer de
cette dissimulation sans laquelle un de ses prédécesseurs
avait déclaré que l'on ne saurait régner. Il entreprit le
voyage de Nantes sous le prétexte d'aller tenir les Etats de
Bretagne, et y invita Fouquet, très puissant dans cette
province. Comblé de prévenances et de marques de faveur,
celui-ci ne crut pas ou ne voulut pas croire aux billets in-
quiétants de Mme du Plessis-Bellière, sa meilleure amie,
et de Gour ville. Il fut arrêté à Nantes même, après le
conseil tenu le 5 sept, au matin, par les soins de d'Arta-
gnan, capitaine-lieutenant des mousquetaires ; puis trans-
féré sur-le-champ à Amboise, de là à Yincennes, à Mo-
ret, et enfin à la Bastille le 48 juin 4663. Pélisson, son
premier commis, fut aussi mis à la Bastille. Sa famille fut
dispersée en province, Mme du Plessis-Bellière reléguée à
Montbrison, etc. Tout d'abord, l'opinion publique s'était
déclarée contre lui. A Angers, les habitants criaient à d'Ar-
tagnan, qui le gardait : « Ne craignez pas qu'il sorte ; car
si nous l'avions entre nos mains, nous le pendrions nous-
mêmes. » Mais les surintendants des finances, bons ou mau-
vais, avaient-ils jamais connu la popularité ? D'ailleurs,
l'opinion publique n'était alors que celle de la cour et de la
ville. La longueur d'un procès qui dura plus de quatre ans
et où tant de personnes étaient ou pouvaient être impli-
quées, permit aux amis de Fouquet de signaler leur dévoue-
ment. Dans le nombre, on doit citer La Fontaine (Elégie
aux nymphes de Vaux), Mme de Sévigné (Lettre à Pom-
ponne), Saint-Evremond, MUe de Scudéry, Loret, Brébeuf,
Gourville, Hesnaut (Epigramme contre Colbert). Pélis-
son (V. ce nom) refusa d'aggraver par aucune déclaration
la position de son ancien protecteur, et, de la Bastille, en-
voya deux Discours au roi et des Considérations som-
maires, etc., chefs-d'œuvre de l'éloquence judiciaire au
xvii8 siècle. Les falsifications de pièces commises par Ber-
ryer, commis de Colbert, avec un excès de zèle que celui-ci
dut désavouer, les mauvais traitements que subirent de la
part du public les juges qui en étaient soupçonnés, l'achar-
nement tout personnel du chancelier Séguier et du procu-
reur général Talon, contribuèrent sans doute à sauver la
tête de Fouquet. Sans doute, ce n'est pas « être innocent
que d'être malheureux », suivant la morale accommodante
de La Fontaine ; mais c'est une heureuse chance pour un
coupable de se voir poursuivi par des moyens perfides et
malhonnêtes, et défendu par d'honnêtes gens. Ne pas ou-
blier d'ailleurs que la chambre de justice avait été formée
de commissaires tirés de tous les parlements du royaume,
et assurément triés sur le volet. Sur 22 juges, 9 conclu-
rent à la peine capitale, que requérait Talon, 43 au ban-
nissement perpétuel et à la confiscation des biens (20 déc).
Le roi réforma ce jugement comme insuffisant pour la sûreté
du royaume, et le bannissement fut commué en prison per-
pétuelle, ce qui, dans les cas ordinaires, n'était pas consi-
déré comme une aggravation, puisque les prisonniers étaient
nourris et logés aux frais du roi, tandis que les bannis
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
n'avaient plus ni feu, ni lieu, ni existence assurée. Mais
l'aggravation de peine était évidente en ce qui concerne un
personnage comme Fouguet. A Pignerol, où il fut conduit
le 23 déc. 4664 et où il arriva le 40 janv. 4665, il fut
placé sous la garde vigilante de Saint-Mars, et mis au secret
absolu, sans plume ni papier. Toutes les semaines, Louvois
exigeait des nouvelles du prisonnier ou la notification qu'il
n'y en avait aucune. Il ne pouvait se confesser qu'aux quatre
grandes fêtes, et jamais au même prêtre. On pendit ou Ton
mit aux galères des soldats qui avaient communiqué avec
lui. Toutefois, la lecture lui était permise. En juin 4665, la
foudre démolit une partie de sa prison et l'épargna. Sa cap-
tivité fut adoucie en 4672 ; en 4679, on lui permit de voir sa
femme et ses enfants. Il mourut en mars 4680 (Lettre de
Mmede Sévigné au 3avr.) : le corps fut, croit-on, inhumé à
Paris le 28 mars de l'année suivante, mais sans aucune inscrip-
tion, aux filles de la Visitation-Sainte -Marie. — P. Lacroix
a vu, dans Fouquet, le Masque de fer (V. ce mot), mais
cette opinion n'a point prévalu. Dans les dernières années
de sa vie, le prisonnier s'était jeté dans la dévotion. On lui
attribue : les Conseils de la Sagesse, édités en 4677 et
une seconde fois en 4682, avec une suite en 4683; la Mé-
thode pour converser avec Dieu (4684, in-46) ; le Théo-
logien dans les conversations avec les sages et les
grands du monde (4683, in-4). Fouquet avait eu de sa
première femme, Marie Fourché de Quéhillac, une fille,
Marie, qui épousa le comte Armand de Béthune-Charost ;
de sa seconde femme, Marie-Magdeleine de Castille-Ville-
mareuil (morte en 4746), naquirent Louis-Nicolas Fou-
quet, comte de Vaux, mort en 4705 ; Charles- Armand,
prêtre de l'Oratoire; Louis, marquis de Belle-Isle; Marie-
Magdeleine, femme d'Emmanuel de Crussol d'Uzès. Avec
M. Bonnaffé, on peut estimer en Fouquet l'homme de goût,
l'amateur d'art qu'était également Mazarin. On peut répéter
avec Voltaire qu' « il n'appartient pas à tout le monde de
faire les mêmes fautes ». Mais ces fautes, il est impossible
de les nier historiquement et de les couvrir moralement. Ni
l'hypothèse dénuée de preuves qui attribue à Molière le
Livre abominable de i665, ni les circonstances atté-
nuantes déduites avec tant d'habileté par M. J. Lair, ne
feront oublier ces justes paroles du président Lamoignon à
l'ouverture de la chambre de justice de 4664 : « Il y a
bien longtemps que tous les véritables magistrats, que tous
les gens de bien, que tous les bons Français étaient touchés
d'une douleur très sensible, voyant qu'en même temps
que la France était triomphante au dehors, qu'elle étendait
au loin ses frontières de toutes parts et qu'elle portait la
terreur dans les pays voisins, elle était dans la désolation
au dedans et paraissait comme abandonnée au pillage et
aux rapines de cette sorte de gens qui font tout leur bien
du mal des autres. » La condamnation de Fouquet fut la
rançon du ministère de Mazarin. H. Monin.
Bibl. : Recueil des défenses de M. Fouquet (imprimé
parles Elzevier) ; Amsterdam, 1665-1667, 15 vol. in-12.Une
deuxième édition en 16 vol. a paru en 1696 sous le titre
de : Œuvres de M. Fouquet. — Paroletti, Sur la Mort
du surintendant Fouquet ; notices recueillies à Pignerol ;
Turin, 1812, in-4. — A. Ciiéruel, Mémoires sur la vie pu-
blique et privée de Fouquet, d'après ses lettres et des
pièces inédites conservées à la Bibliothèque impériale ;
Paris, 1862, 2 vol. in-8. — E. Bonnaffé, les Amateurs de
V ancienne France. Le surintendant Fouquet; Paris, 1882,
in-4. — L. Deroy, le Procès de Fouquet, discours pro-
noncé... le 21 nov. 1882 ; Paris, in-8. — L.-A. Ménard,
le Livre abominable de 1665 qui courait en manuscrit
parmi le monde sous le nom de Molière {comédie politique
en vers sur le procès de Foucquet), découvert et publié
sur une copie du temps ; Paris, 1883, 2 vol. in-16. —
G. Marcel, le Surintendant Fouquet, vice-roi d'Amérique,
extrait de la Revue de géographie ; Paris, 1885, in-8. —
•J. Lair, Nicolas Foucquet ; Paris, 1890, 2 vol. in-8.
FOUQUET (François), prélat français, frère du précé-
dent, mort le 19 oct. 1673. Il fut conseiller au Parlement,
évêque de Bayonne (4637), d'Agde (1643), et archevêque
de Narbonne (1659). A la chute de son frère, il fut exilé
plusieurs années hors de son diocèse.
FOUQUET (Louis), prélat français, frère du précédent,
57
FOUQUET — FOUQUIER — 8
mort le 4 févr. 1702. Il fut évêque et comte d'Agde (1658).
Il joua un rôle important pendant la Fronde ; plus tard, il
se mêla à diverses intrigues et se montra souvent l'adver-
saire du surintendant, ce qui ne l'empêcha pas d'être
exilé en 1661.
FOUQUET (Charles-Louis- Auguste) (V. Belle-Isle
[Comte et duc de]).
FOUQUET (Louis-Charles-Armand) (V. Belle-Isle
[Chevalier et comte de]).
FOUQUET (Henri), médecin français, né à Montpellier
le 31 juil. 1727, mort à Montpellier le 10 oct. 1806. Il
étudia à Paris et fut reçu docteur dans sa ville natale en
1760 ; il y échoua deux fois au concours pour la chaire de
médecine, parce qu'il ne pouvait offrir au premier méde-
cin du roi les 10,000 livres qu'il fallait donner. Ce n'est
qu'à l'âge de soixante-deux ans qu'il fut nommé, après
avoir rendu des services signalés dans plusieurs épidémies.
En 1793 et 1794, il fut inspecteur médical à l'armée des
Pyrénées-Orientales, puis en 1800 fut envoyé en Anda-
lousie, enfin, en 1804, fut appelé à de hautes fonctions dans
la médecine militaire. Ses ouvrages sont remarquables :
Essai sur le pouls (Paris, I767,in-12; Montpellier, 1768,
in-8) ; Traitement de la petite vérole des enfants
(Amsterdam et Montpellier, 1772, in-12) ; Prœlectiones
medicœ (Montpellier, 1777, in-12), etc. DrL. Hn.
FOUQU ET (Charles-Félix-Michel), homme politique fran-
çais, né à Sinceny le 10 nov. 1825. Gros raffineur de
sucre dans l'Aisne, il fut élu représentant de ce départe-
ment à l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871 et s'incrivit
au centre gauche et à la gauche républicaine. Elu député de
Laon le 20 févr. 1876, il fit partie des 363, fut réélu avec
eux le 14 oct. 1877 et de nouveau le 21 août 1881. Il ne
se représenta pas en 1885.
FOUQU ET (Louis-Camille), homme politique français, né
à Rugles (Eure) le 13 janv. 1841 . Elève de l'Ecole polytech-
nique, il fit dans l'artillerie la guerre franco-allemande de
1870, et parvint au grade de capitaine. Il renonça ensuite
à la carrière militaire pour diriger une fabrique de fil de
laiton, situation qu'il quitta en 1885 pour se consacrer
uniquement à la politique. Elu député de l'Eure le 4 oct.
1885 avec un programme bonapartiste, il combattit les di-
vers cabinets républicains et appuya le boulangisme. Le
22 sept. 1889, il fut réélu par l'arr. de Bernay, avec
9,161 voix contre 3,611 à M. Bouchon, républicain.
FOUQU EU RE. Com. du dép. de la Charente, arr. de
Ruffec, cant. d'Aigre; 760 hab.
FOUQUEVILLE, Com. du dép. de l'Eure, arr. de Lou-
viers, cant. d'Amfreville-la-Campagne ; 303 hab.
FOUQUIER (Jacques -François -Henry), publiciste et
homme politique français, né à Marseille le 1er sept. 1838.
Il professa, en 1 861 , à l'Institut de Genève, un cours sur la
peinture italienne qu'il avait longuement étudiée sur place,
puis se fixa à Paris où il collabora aux principaux journaux
d'opposition, entre autres au Courrier du Dimanche, fit
partie, en 1867, des Mille de Garibaldi, rentra à Paris,
écrivit au Siècle, au Nain Jaune, au Charivari, à la
Revue germanique, etc., et, après le 4 septembre, chargé
d'une mission officielle dans sa ville natale, y fonda avec
M. Labadié la Vraie République, qu'il ne dirigea que
deux mois. Nommé, en déc. 1870, secrétaire général delà
préfecture des Bouches-du-Rhône, à deux reprises préfet
intérimaire du même département, mis en disponibilité à
la suite d'un conflit survenu entre lui et le contre-amiral
Cosnier, appelé enfin par M. Casimir- Perier à la direction
de la presse au ministère de l'intérieur, M. Fouquier sortit
momentanément de la vie publique au 24 mai 1873. On
le retrouve alors, sous son nom et sous divers pseudo-
nymes (Spectator, Philinte, Nestor, Colombine, etc.),
mêlé dans la presse au mouvement politique, artistique et
littéraire de ces vingt dernières années. Rédacteur à V Evé-
nement, au Bien public, au Courrier de France, etc.,
il fonde, de concert avec M. Andrieux, le Petit Parisien,
passe au XIXe Siècle, et, à la mort d'Edmond About, de-
vient quelque temps rédacteur en chef de ce journal. On
le trouve vers la même époque au Cil Blas, sous le pseu-
donyme de Nestor et de Colombine. La propriété de ce
dernier pseudonyme ayant été attribuée par les tribunaux
au journal oh écrivait M. Fouquier, celui-ci en modifia la
désinence et en fit Colomba, pseudonyme dont il signe
actuellement ses articles « féminins » de Y Echo de Paris.
M. Henry Fouquier a été chargé en 1891, après la mort
d'Albert Wolf, de la critique dramatique du Figaro. Il
collabore régulièrement en outre au XIXe Siècle, à la
Revue de Famille et à différents journaux de province.
Il est rentré dans la vie publique aux élections du 22 sept.
1889 et représente à la Chambre des députés l'arr.
de Barcelonnette (Basses-Alpes); il siège au centre. Il
avait essuyé un premier échec au 4 oct. 1885, dans les
Bouches-du-Rhône, où son nom figurait sur la liste répu-
blicaine opportuniste; il n'avait pas été plus heureux
dans une élection partielle de 1888, où son concurrent,
Félix Pyat, le battit de près de 28,000 voix. En dehors de
sa collaboration aux principaux journaux de l'époque, on
doit à M. Fouquier des Etudes artistiques (1859); VArt
officiel et la Liberté (1861) ; Au Siècle dernier (1884) ;
la Sagesse parisienne (1885), etc. Ce sont pour la plu-
part de simples recueils d'articles : on y retrouve le fonds
d'ironie, l'érudition délicate et le style nuancé et souple
qui ont fait de M. Fouquier un des premiers journalistes
de notre temps. M. Fouquier est aussi l'auteur, en colla-
boration avec M. J. Carré, d'une adaptation dramatique
d'un livre de M. Ranc intitulé le Roman d'une Conspira-
tion. Il a épousé, en 1876, la veuve d'Ernest Feydeau.
-— Son fils, M. Marcel Fouquier, rédacteur à la France, au
XIX0 Siècle, etc., s'est signalé à l'attention du public lettré
par un excellent livre de critique. Ch. Le Goffic.
FOUQU IER-Tinvjlle (Antoine-Quentin), homme poli-
tique et magistrat français, né à Hérouël (Aisne) en juin
1746, guillotiné à Paris le 7 mai 1795. Il était fils d'Eloy
Fouquier de Tinville, riche cultivateur qui s'intitulait, dans
les actes publics, seigneur d'Hérouèl. Son frère, Fouquier
d'Hérouèl, fourrier des logis du roi, avait été député du tiers
état du bailliage de Saint-Quentin aux Etats généraux. Il fit
son droit à Paris, acheta en 1774 une charge de procureur
au Châtelet qu'il revendit en 1783 et obtint, dit-on, l'année
suivante, un emploi de commis dans les bureaux de la police.
Parent de Camille Desmoulins, il adopta les principes de la
Révolution, mais son rôle de 1789 à 1793 est peu connu. On
dit seulement qu'il participa aux journées du 14 juil. 1789
et du 10 août 1792. Il n'entre dans l'histoire qu'au moment
où il est nommé un des directeurs du jury d'accusation au
tribunal criminel du 1 7 août . Ces fonctions le désignèrent pour
le poste d'accusateur adjoint au tribunal du 10 mars 1793.
Mais l'accusateur public, Faure, n'ayant pas accepté, Fou-
quier-Tinville le remplaça. Dans ces terribles fonctions, il
montra un zèle odieux. Ses actes d'accusation, ses reparties
aux accusés, son action sur les jurés dans le cours des
procès lui valurent une réputation d'habileté et de férocité.
Pédant et citant volontiers Horace, il lui arriva cependant
quelquefois de se montrer humain par caprice. En réalité,
il fut un instrument aux mains du comité de Salut public.
C'est son attitude dans le procès de Danton qui lui valut
surtout son renom sinistre. Pourtant, quand Danton et ses
amis insistèrent pour faire comparaître leurs témoins, il
transmit à la Convention leur demande. Saint- Just trompa
la Convention en ne lui lisant pas la lettre de Fouquier et
en lui faisant croire que celui-ci se plaignait de la rébellion
des accusés. Ce n'est donc pas tout à fait la faute de l'ac-
cusateur public si un décret leur ferma la bouche. Sa
défense consista plus tard à dire : « J'avais des ordres,
j'ai obéi. » Mais il lui arrivait de dresser des listes pour
le jugement du lendemain avant d'avoir les pièces. C'est
lui qui appliqua à Robespierre et aux vaincus de Thermidor
le décret de mise hors la loi. Aussi Barère le proposa-t-il
d'abord pour la place d'accusateur public dans le tribunal
— 899 —
FOUQUIER — FOUR
révolutionnaire réorganisé. Mais Fréron le fit décréter
d'accusation le 14 thermidor an IL Arrêté, il obtint d'être
entendu par la Convention le 21 et ébaucha son système
de défense, qui fut de se présenter comme un instrument du
comité de Salut public. Son procès venait de commencer
au tribunal révolutionnaire quand la Convention décida
(28 frimaire an III) le renouvellement de ce tribunal, qui fut
remplacé par celui du 8 nivôse. Le procès fut repris le
8 germinal et Fouquier fut condamné et guillotiné le 18
floréal, avec plusieurs membres de l'ancien tribunal révo-
lutionnaire. Il y a dans son dossier une note de sa main
ainsi conçue : « Je n'ai rien à me reprocher ; je me suis
toujours conformé aux lois ; je n'ai jamais été créature de
Robespierre ni de Saint-Just; au contraire, j'ai été sur le
point d'être arrêté quatre fois. Je meurs pour ma patrie
sans reproche ; je suis satisfait ; plus tard on reconnaîtra
mon innocence. » C'est bien là un résumé de sa défense,
qui fut très habile et embarrassante. — M. Lecocq a pu-
blié des lettres que Fouquier écrivit à sa femme dans sa
prison. Il avait été marié deux fois : d'abord avec Gene-
viève Saugnier, qui mourut en 1782 et dont il eut cinq
enfants, puis avec Jeanne-Henriette Gérard-Daucourt, dont
il eut un fils. F. -A. A.
Bibl. : Ch. Nauroy, le Curieux, i. I, pp. 347 et ,suiv. —
Domenget, F ouquier-T inville et le tribunal révolution-
naire ; Paris, 1878, in-8. — Ch. Lecocq, Notes et documents
sur F ouquier-T inville; Paris, 1885, in-8. — H. Wallon,
Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris; Paris,
1880-82, 6 vol. in-8.
FOUQUIÈRES-lès-Béthune. Corn, du dép. du Pas-de-
Calais, arr. et cant. de Béthune; 435 hab.
FOUQUIÈRES-lès-Lens. Corn, du dép. du Pas-de-
Calais, arr. de Béthune, cant. de Lens; 1,715 hab.
FOUQUIÈRES (Jacques Foequier, dit), peintre fla-
mand, né à Anvers vers 1595, mort à Paris en 1659. Il
n'est pas prouvé que, comme on l'a dit longtemps, il ait
eu pour premiers maîtres Joost de Momper et Jean Breughel
le Vieux, mais il est certain qu'il termina son apprentis-
sage chez Rubens. Fouquières est du nombre de ces paysa-
gistes, comme Jean Wildens, Lucas van Uden, François
Wouters, auxquels le maître donnait à peindre les fonds
de ses grands tableaux. En 1614, il était admis comme
maître dans la gilde d'Anvers et ouvrait une école dont
l'élève le plus illustre fut Philippe de Champaigne; en
4618, sa réputation devait être déjà grande, puisque Fré-
déric V, l'électeur palatin, l'appela pour lui confier la
décoration du palais de Heidelberg, restauré à l'occasion de
son mariage avec la princesse Elisabeth d'Angleterre. Mais
l'électeur s'engagea dans cette révolte de la Bohême, qui
commença la guerre de Trente ans, et Fouquières, obligé
de quitter les provinces menacées du rebelle, vint à Paris.
Son maître Rubens l'y retrouva dès 1622, et l'employa
comme aide pour la grande suite qu'il entreprenait sur la
commande de Marie de Médicis. Lui-même fut chargé d'une
entreprise considérable ; le surintendant des bâtiments,
Subletdes Noyers, lui confia, au nom de Richelieu, l'exé-
cution des Quatre-vingt-seize Vues de France, destinées
•à décorer la grande galerie du Louvre. Bientôt ce projet de
décoration fit place à un autre pour lequel le roi choisit,
non plus Fouquières, mais Poussin, qui fut rappelé de
Rome à cet effet. L'artiste flamand, dont la vanité était
proverbiale, furieux de se voir évincé, se ligua avec Simon
Vouet et l'architecte Lemercier contre Poussin, et fit si
bien par ses intrigues que le grand artiste, abreuvé de
dégoûts, quitta la France pour n'y plus revenir. D'ailleurs
cette triste victoire ne profita pas à Fouquières : il s'aban-
donna de plus en plus à la paresse et à la débauche, fut
délaissé de ses amis et de ses protecteurs, et mourut misé-
rablement dans une pauvre maison du faubourg Saint-
Jacques. — Des chasses et des paysages lui sont attribués
dans diverses galeries ; mais, parmi ces tableaux, un seul
est signé, celui du musée de Berlin. Ses Quatorze Mé-
daillons ou Panneaux des Tuileries ont péri dans l'in-
cendie de 1871. De nombreuses gravures, d'après ses
tableaux, ont été faites de son vivant par Mathieu Mon-
tagne, Perelle, Alexandre Voet, J. Coelemans, etc.
Bibl. : Biographie nationale de Belgique, VII. — Fétis,
les Artistes belges à l'étranger, I. — Michiels, Histoire
de la peinture flamande, VIII.
FOUR. I. Technologie. — On donne le nom de four
non seulement aux constructions voûtées en maçonnerie où
l'on fait cuire le pain, les viandes, etc., mais encore aux
appareils de nature et de forme très variées qu'on emploie
dans les laboratoires de chimie et dans les ateliers indus-
triels, pour porter les corps que l'on y introduit à des tem-
pératures plus ou moins élevées dans le but d'en opérer la
cuisson, la fusion, la calcination, la combinaison avec d'autres
corps, la décomposition, etc. Ce n'est pas ici le lieu de dé-
crire les différentes sortes de fours usités en chimie et dans
les arts industriels; nous donnons pour chaque application
spéciale un exposé de la forme, de la destination, des
fonctions et de l'usage du four employé dans des circons-
tances particulières. Nous avons seulement à donner un
aperçu en quelque sorte théorique des fours en général,
en énumérant d'abord les opérations qui se pratiquent par
leur moyen, en indiquant les températures qu'elles exigent,
les phénomènes qu'on y observe, puis en recherchant les
dispositions les plus avantageuses à leur destination. Enu-
mérons d'abord les principales opérations que Ton peut
avoir à effectuer à l'aide des diverses sortes de fours, en
commençant par celles qui, en général, exigent les tempé-
ratures les moins élevées. Ce sont les suivantes : Vévapo-
ration des liquides, soit pour en opérer la concentration,
soit pour amener la cristallisation des sels qu'ils tiennent
en dissolution, opérations dans lesquelles la température
ne dépasse pas 110° à 120°; elle se fait dans des vases
en verre, en fonte, en terre, en plomb ; la dessiccation,
comme celle qu'on opère sur la pierre à plâtre ou sur le
protoxyde de fer, dont l'eau de cristallisation est chassée
à 300° ; la carbonisation, par exemple celle des os qu'on
fait en les plaçant concassés dans des pots incomplètement
fermés; Yincinération des matières animales et végé-
tales ; la calcination, opération dont le type est la trans-
formation des carbonates calcaires en chaux vive ; le chauf-
fage des minerais ; Y affinage des minerais ; le puddlage
de la fonte de fer ; le grillage des minerais renfermant des
sulfures, des minerais d'antimoine, de plomb, de cuivre ;
la fusion des métaux, des alliages, du verre, du cristal,
des émaux; la vaporisation ou volatilisation ou subli-
mation du soufre pour le purifier, de l'arsenic, des mi-
nerais d'étain, la combustion du zinc par exemple, pour le
transformer en oxyde ; la réduction des oxydes, des sels
en métaux ; les décompositions des corps, leurs combi-
naisons et leurs réactions qui s'effectuent sous l'influence
de la chaleur, sont réalisées dans la préparation d'une mul-
titude de produits chimiques.
Dans l'emploi des fours, un des principaux éléments de
la question serait la connaissance, sinon exacte, du moins
approximative, de la température qui doit correspondre à
la réussite de l'opération qu'on a en vue d'exécuter. Mal-
heureusement, cette notion fait défaut dans bien des cas.
On a opéré pendant longtemps et l'on opère aujourd'hui
encore bien souvent d'une manière empirique. Pour venir
en aide à l'industrie, les inventeurs ont construit cependant
divers pyromètres s'appliquant à un grand nombre d'opé-
rations et fournissant des indications précises ; il serait à
désirer que l'usage de ces instruments se généralisât dans
toutes les industries où la chaleur joue un rôle prépondé-
rant. En général, la température des fours varie depuis celle
de 270°, suffisante pour la cuisson du pain, jusqu'à celle de
2500°, nécessaire pour la fusion du platine iridié. Pour ob-
tenir dans les fours les températures diverses exigées dans
chaque cas particulier, on a recours: dans les laboratoires,
à la combustion du charbon de bois, du coke concassé, du
gaz de l'éclairage ; dans les becs de Bunsen, de celle du
gaz oxyhydrique plus ou moins comprimé ; dans l'industrie,
les fours sont chauffés au bois, au coke, à la houille, aux
FOUR
900 —
huiles lourdes de schiste, au pétrole et dans quelques cir-
constances particulières, comme dans la fusion du platine,
on a recours à un système de plusieurs chalumeaux oxyhy-
driques. Imaginons maintenant qu'on ait à construire un
four, dans le but de produire une opération connue ; il est
évident que le meilleur four sera celui qui permettra de
réaliser l'effet voulu de la façon la plus simple, la plus
prompte, la plus économique, tout en employant des ma-
tériaux offrant des garanties de solidité et de durée, dont
la manœuvre sera la plus commode et qui enfin utilisera
le mieux la chaleur fournie par le combustible choisi. Si
l'intérieur du four ne doit être porté qu'à une tempéra-
ture peu élevée, c.-à-d. inférieur à 1,000°, il suffira d'em-
ployer des matériaux ordinaires, assez réfractaires cepen-
dant : terre et calcaires argileux ou siliceux tassés pour
former la sole, l'âtre ou plancher du four; briques pour la
voûte ou dôme et les murs. Si la température doit être plus
élevée et dépasse i ,200°, il sera quelquefois nécessaire,
selon les matières travaillées, de revêtir de plaques de fonte
les parois latérales extérieures, afin de les défendre de
coups de feu trop violents qui pourraient détériorer les ma-
tériaux. Enfin, si la température doit être portée à un très
haut degré, il faudra employer à la construction du four
les matériaux les plus réfractaires, la chaux vive, certains
calcaires argileux ou peu siliceux, le fer chromé, etc. En
métallurgie, un four se compose ordinairement de deux
parties : l'une intérieure qu'on nomme la chemise et qui
doit être en matériaux réfractaires, l'une extérieure au re-
vêtement construite en matériaux ordinaires. Quant à la
forme, les fours peuvent être, selon les cas, circulaires, ellip-
tiques, rectangulaires, plus ou moins allongés ; la sole plane
pourra être fixe ou tournante. Dans les cas où l'on doit
opérer à la fois sur de grandes quantités de matières, les
fours seront verticaux, coniques, tronconiques, ovoïdes.
L'énumération que nous donnons montre dans quelles
industries on fait usage des fours. On peut distinguer les
fours : aérotherme, annulaire, automatique, Bernard Pa-
lissy, des boulangers, à briques, à bronze, à calcination,
à carbonisation, à chaux, chinois, à combustion du soufre,
coulant, à coupelle, à cuivre, à cuve, Deville et Debray,
double, à deux foyers, à flamme ascendante, descendante
ou latérale, à gaz, à grillage des minerais, intermittent, à
laiton, liégeois, à mercure, à moufle, ovoïde, des pâtissiers,
à platine, à plâtre, à porcelaine, portatif, à potasse, de po-
tier, à puddler, à pyrites, à raffiner, à réchauffer, à réver-
bère, silésien, à sole fixe, plane, horizontale, inclinée, con-
cave, à sole tournante, à soude, à tremper, à tuiles, à
tuyaux de drainage, à cristal, à verre à bouteilles, à verre
à vitres, universel aux huiles lourdes ou au pétrole, à zinc.
La plupart de ces fours sont décrits complètement aux in-
dustries qui les employent.
On peut distinguer, dans les fours en général, plusieurs
parties parmi lesquelles : la chauffe, c'est là que se fait la
combustion qui doit produire la chaleur; le laboratoire,
c'est là que se font les réactions ; les carneaux et les ram-
pants qui conduisent les produits de la combustion à la
cheminée . A un autre point de vue, nous classerons les
fours en deux catégories. Les fours sans récupération de
chaleur, c.-à-d. où les produits de la combustion mélangés
aux gaz et aux vapeurs qui ont été dégagés dans l'opération
se rendent directement dans la cheminée pour être déver-
sés dans l'atmosphère ; les fours à récupération de cha-
leur, c.-à-d. où les produits de la combustion et les gaz de
l'opération emmagasinent dans des appareils spéciaux la
plus grande partie de la chaleur que possèdent ces gaz et
ces vapeurs ; cette chaleur est ensuite utilisée au chauf-
fage de l'air ou des gaz combustibles brûlés dans l'opéra-
tion, de manière à élever la température obtenue finalement.
Dans les fours sans récupération de chaleur, nous distin-
guerons : les fours à alandiers, les fours de galère, les fours
à réverbère et les fours à cuve. On nomme fours à alan-
diers les fours où la chauffe est séparée du laboratoire et
où les produits de la combustion sont en contact avec les
corps qu'ils doivent échauffer (V. Alàndjer). On nomme
fours de galère les fours où la chauffe, dans une position
centrale, échauffe le laboratoire placé de chaque côté.
Comme dans le four à alandiers, le combustible et le
corps à échauffer sont séparés et il y a contact avec les
produits de la combustion. Généralement, dans les fours
de galère, une voûte commune recouvre la chauffe et les
deux laboratoires latéraux ; mais , malgré la réverbé-
ration delà chaleur qui en résulte, la température est assez
faible dans cette sorte de fours, quoique la consommation
de combustible soit assez élevée ; cela tient à l'appel rapide
des gaz brûlés par la cheminée qui existe à une extrémité
du four. Citons comme type de fours de galère les fours
à distiller le sulfate de fer à Nordhausen (Allemagne) et ceux
à liquater les terres sulfureuses en Sicile. Les fours à ré-
verbère sont ceux où non seulement le combustible brû-
lant sur une chauffe séparée ne se mêle pas avec les objets
à chauffer, placés sur une surface plane ou concave appe-
lée sole, mais encore où la surface seule de ces objets est
en contact avec les produits de la combustion. Le chauffage
a lieu par la réverbération de la chaleur de la voûte sur la
sole. Ce sont les fours qui utilisent le mieux la chaleur et
ceux qui permettent d'atteindre les températures les plus
élevées sans récupération de chaleur. Quand on veut chauf-
fer fort, on augmente la surface de la grille, ou on aug-
mente la section du laboratoire. En abaissant la voûte aussi
près que possible de la sole, on force le gaz à se rappro-
cher du corps à échauffer et on ajoute au rayonnement
direct des flammes le chauffage par contact avec la sur-
face. Les fours a cuve sont ceux où le combustible et le
corps à traiter sont chargés par couches alternatives et par
conséquent mélangés plus ou moins intimement (V. Cuve).
Les fours à récupération de chaleur sont tantôt des
fours de chauffage, tantôt des fours de fusion. Ce qui les
caractérise, c'est l'emploi du combustible à l'état gazeux et
l'utilisation de la chaleur contenue dans les produits de la
combustion. Le chauffage a lieu par la combustion de gaz
composés d'oxyde de carbone et d'hydrogène, plus ou moins
mélangés d'acide carbonique et d'azote et qui proviennent
en général de la distillation ou de la combustion imparfaite
de combustibles solides (V. Gazogène). Pour augmenter la
température de combustion de ces gaz, on a eu l'idée de
chauffer au préalable : le gaz ou l'air seul, l'air et le gaz ;
d'où deux systèmes bien différents. Le système à chauf-
fage d'un seul des éléments de la combustion peut être ca-
ractérisé par le chauffage Ponsard. Les produits de la
combustion, avant de se rendre dans l'atmosphère, traver-
sent des briques entrelacées qui, étant creuses, laissent
passer l'air destiné à la combustion du gaz. L'air peut ar-
river ainsi à avoir une température voisine de celle qu'ont
les produits de la combustion. Le système à chauffage des
deux éléments de la combustion se fait par renversement du
courant gazeux produit par la combustion, ou récurrence :
c'est le système Siemens (V. Acier, 1. 1, p. 405). Avec ce
genre de fours, on obtient des températures aussi élevées
que par le chauffage en vase clos qui est le type du chauf-
fage le plus intense et, point important, ce résultat est
obtenu avec une grande économie de combustible.
Four à baller (V. Baller [Four à]).
Four à chaux (V. Chaux).
Four à coke (V. Coke).
Four à réchauffer. Le fer brut ou les lingots d'acier
qui doivent être façonnés sont amenés au rouge dans des
fours dont la forme et les dimensions varient nécessaire-
ment avec celles des lingots à réchauffer, mais qui rentrent
tous dans la catégorie des fours à réverbère, soit à grille
ordinaire, soit avec gazogènes et régénérateurs Siemens
(V. Gazogène). Malgré les avantages que présente ce der-
nier système, il n'est pas le plus employé, parce que la
flamme perdue des fours ordinaires peut être aussi utile-
ment conduite sous des chaudières donnant la vapeur né-
cessaire au fonctionnement des laminoirs et des marteaux.
Un ingénieur anglais, M. John Gjers, a eu l'idée de sup-
— 904 -
FOUR — FOURBURE
primer les fours à réchauffer en introduisant les lingots
encore rouges, en attendant que les laminoirs puissent les
recevoir, dans de petits puits rectangulaires. Il est reconnu
que l'acier coulé dans la lingotière renferme plus de chaleur
que n'en exige le martelage ou le laminage ; il s'y trouve
non seulement la chaleur si élevée de l'acier liquide, mais
aussi la chaleur latente qui se dégage pendant la solidifica-
tion : il s'agissait d'utiliser cette chaleur. Le procédé Gjers,
universellement appliqué aujourd'hui, consiste à déposer les
lingots d'une coulée d'acier, démoulés aussitôt après leur
solidification, dans des petites fosses dont la section est un
peu plus grande que celle du gros bout des lingots et la
hauteur un peu supérieure à la longueur de ces lingots. Ces
fosses sont disposées dans un massif en maçonnerie réfrac -
taire. Dès que les lingots sont déposés dans les fosses à
l'aide d'une grue, on les recouvre pour empêcher le con-
tact de l'air. Le lingot séjourne dans la fosse ; la chaleur
s'y répartit uniformément, et comme très peu de chaleur
peut se perdre, puisque la masse d'acier est entourée de
toutes parts d'une maçonnerie aussi chaude que le lingot,
la température de la surface s'élève beaucoup. Après vingt
minutes, une grue soulève le lingot, qui est en apparence
plus chaud qu'en entrant dans la fosse et l'amène au lami-
noir dans un état très propice au laminage, puisqu'il est
toujours au moins aussi chaud au centre qu'à l'extérieur.
La chaleur que les lingots cèdent à la maçonnerie a pour
effet de la maintenir toujours à la même température que
les lingots les plus chauds ; quand donc on introduit un lin-
got un peu froid, les parois réfractaires lui cèdent la cha-
leur qui lui manque, agissent ainsi comme des accumula-
teurs qui, selon les circonstances, emmagasinent et aban-
donnent de la chaleur. L'emploi de ce système simplifie
beaucoup la fabrication de l'acier en supprimant des fours
coûteux, la dépense de combustible, et en évitant les rebuts
provenant de lingots brûlés au four. L. Knab.
Four de boulangerie (V. Boulangerie, t, VII, p. 666).
II. Céramique. — Four à alandiers (V. Alandier).
III. Féodalité.— Four banal (V. Banalité, t.V,p. 201 ) .
IV. Jurisprudence. — L'art. 674 du C. civ. oblige la
personne qui veut construire un four ou fourneau près d'un
mur mitoyen ou non, à laisser la distance prescrite par les
règlements et usages particuliers sur ces objets, ou à faire
les ouvrages prescrits par les mêmes règlements et usages,
pour éviter de nuire au voisin. D'après la plupart des cou-
tumes, il faut laisser, entre le mur et le four, un intervalle
d'un demi-pied (0m165); en outre, le mur du four, dit
contre-mur, doit avoir au moins un pied d'épaisseur (0m33).
En l'absence d'usages ou de règlements, le mode de cons-
truction des fours peut être fixé par la police locale ou, à
défaut, par experts. Les officiers municipaux sont tenus de
faire, au moins une fois par an, la visite des fours de toutes
maisons et de tous bâtiments éloignés de moins de 100 toises
(200 m.) d'autres habitations. Ils sont ordinairement accom-
pagnés d'un homme de l'art, architecte ou maître maçon,
capable de rendre compte exactement de l'état des fours.
Un procès-verbal descriptif est dressé de la situation de
chacun d'eux. Ces visites doivent être annoncées huit jours
à l'avance. Quand elles sont terminées, les officiers munici-
paux ordonnent la réparation ou la démolition des fours dont
l'état de délabrement pourrait occasionner un incendie. Les
personnes qui ont négligé de les réparer peuvent, en outre,
être condamnées à une amende de 1 à 5 fr. (loi des 28 sept,
et 6 oct. 1791, tit. 2, art. 9 ; C. pén., art. 471, n° 1).
Ces règles sont applicables à tous les fours, alimentaires
ou industriels, Certains de ces derniers sont, de plus, sou-
mis à des dispositions spéciales, en tant qu'établissements
dangereux, insalubres ou incommodes. D'autres, comme
les fours à chaux ou à plâtre, ne peuvent être établis dans
l'intérieur et à moins de 1 kil. des forêts assujetties
au régime forestier, sans l'autorisation du gouvernement
(C. forest., art. 151). Jules Forestier.
V. Armée. — Four de campagne (V. Boulangerie de
campagne).
FOUR. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne, cant.
de La Verpillière ; 813 hab.
FOUR (Soudan) (V. Dar For).
FOURAH (Baie). Baie de la côte occidentale d'Afrique,
au N. de Freetown (Sierra Leone). On y a établi un col-
lège destiné à former des missionnaires nègres ; la Fourah
Bay Institution a fait des publications de quelque mérite.
FOU RAS. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
et cant. (S.) de Rochefort-sur-Mer ; 1,187 hab. Fouras
est près de l'embouchure de la Charente, du côté de la
rive droite. Cette localité se trouve déjà mentionnée dans
plusieurs chartes du xi° siècle. Le château de Fouras fut
construit par les ducs d'Aquitaine pour s'opposer aux incur-
sions des Normands. Il fut enlevé aux Anglais par Bouci-
caut en 1531. Henri IV donna aux habitants de Fouras,
en 1590, des lettres patentes confirmatives de leurs privi-
lèges. C'est à Fouras que Napoléon s'embarqua, en 1815,
pour se rendre à l'île d'Aix, d'où il monta à bord du Bél-
iervphon. Fouras possède deux ports, fréquentés par des
chaloupes de pêche et de pilotage. Le donjon de Fouras,
haut de 20 m., sert aujourd'hui de fort et de tour à
signaux. Une chaussée naturelle réunit à mer basse Fouras
à l'îlot d'Enet qui porte un fort. Un embranchement, à la
station de Saint-Laurent-Fouras, unit Fouras à la ligne
de chemin de fer de Nantes à Bordeaux. La localité est
très fréquentée comme station de bains de mer ; elle pos-
sède un beau casino situé dans un parc magnifique.
Bibl. : Arcère, Histoire de La Rochelle et du pays
d'Aulnis, 1756-1757, 2 vol. in-4, passim, et t. I, p. 161. —
R.-P. Lesson, Fastes historiques du département de la
Charente-Inférieure, 1842-1845, t. I, p. 58. — Ministère des
travaux publics. Ports maritimes de la France, t. VI,
(1™ partie), 1885, p. 63 (notice de M. Polony).
FOURAU (Hugues), peintre français, né à Paris, en
1803, mort à Paris en 1868. Elève de (iuérin d'abord et
ensuite du baron Gros, cet artiste se fit remarquer de
bonne heure par une extrême facilité. Son exécution bril-
lante, mais sans qualités réelles, ne lui valut jamais que
des succès d'argent, et, parmi le grand nombre de toiles
qu'il a brossées, on peut à peine en citer quelques-unes de
remarquables : le Mariage de Tobie (S. 1827) ; le Mas-
sacre des Janissaires (S. 1842) ; le portrait d'Alfred
de Vigny (S. 1857) ; le Combat de Palestro (S. 1859),
méritent d'être nommées, sinon louées, par l'intérêt d'ac-
tualité qui s'est attaché un instant à leurs sujets. Ad. T.
FOURBANNE. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant.
de Baume-les-Dames, sur le Doubs; 64 hab. Usine métal-
lurgique, que fait mouvoir un cours d'eau sortant de la
belle source de Fourbanne et qui se jette dans le Doubs
après un cours de 320 mètres.
FOURBURE (Art vét.). On appelle fourbure une ma-
ladie grave du pied du cheval, caractérisée par une conges-
tion de l'appareil kératogène des grands animaux ongulés,
laquelle s'accompagne d'exsudations inflammatoires et se
traduit en dernier lieu par une hypersécrétion de la ma-
tière cornée. La fourbure est aiguë ou chronique. Aiguë,
la fourbure débute par de la tristesse et par une grande
douleur ; la face est grippée, les reins raides, la respiration
tremblotante et accélérée, l'artère tendue, le pouls plein ;
en station, les membres sont portés en avant, ceux de der-
rière fortement engagés sous le centre de gravité, tandis
que les antérieurs se sont soustraits le plus possible aux
pressions qu'ils ont à supporter en se plaçant en avant
de la base de soutien normal. Immobile dans cette posi-
tion, le cheval se refuse à marcher, tant la locomotion est
chez lui pénible et douloureuse. S'il marche, poussé par le
fouet, il appuie sur les talons et pose son pied sur le sol
avec des précautions infinies. Si la fourbure n'existe que
sur les membres postérieurs, ceux-ci sont portés également
en avant de la ligne d'aplomb ; leur appui se fait sur les
talons ; le déplacement est difficile et douloureux ; la per-
cussion sur la pince avec un marteau arrache une plainte
à l'animal et lui fait vivement lever le pied qu'il ne tarde
pas d'ailleurs à reposer sur le sol. Si la fourbure existe
FOURBURE — FOURCHE
— 902 —
sur les quatre membres à la fois, l'attitude de l'animal est
à peu près celle qu'il affecte quand les membres antérieurs
seuls sont atteints ; la douleur, toutefois, est plus grande,
la marche plus difficile, la fièvre plus intense, si intense
même que les animaux se couchent, se refusent à se lever,
s'éeorchent la peau des hanches et des membres, refusent
toute nourriture et parfois succombent dans des souffrances
atroces. La fourbure est chronique lorsque, sous l'influence
de la congestion inflammatoire, le sabot éprouve des alté-
rations dans sa forme et dans sa structure qui empêchent
le pied de remplir désormais les fonctions de support qui
lui sont normalement assignées. Dans cette fourbure, la
paroi change de direction; au lieu d'être oblique au sol, les
fibres cornées affectent une direction se rapprochant de
l'horizontale, en sorte que, comme le fait remarquer Bouley,
le pied paraît comme aplati de dessus en dessous et que,
vu de profil, la ligne qui limite sa surface forme un angle
obtus très marqué avec celle de la région coronaire. Vu
en dessous, le pied atteint de fourbure chronique a subi
des modifications profondes ; la sole, au lieu d'être con-
cave, est, au contraire, convexe dans tout le champ anté-
rieur de la région plantaire, notamment en avant de la
pointe de la fourchette. La sole est dite, en ce cas, comble.
Si le mal progresse, il arrive que l'os du pied, poussé en
arrière par la masse de corne qui s'est développée en pince,
vient heurter la corne solaire, l'amincir, la perforer et
faire saillie au dehors. Sous l'influence de l'inflammation
et du travail kératogène qui en est la conséquence, les
fibres de la paroi et de la sole se désagrègent et se trouvent
séparées par un sillon rempli de détritus de matières cor-
nées auquel on a donné le nom de fourmilière.
Saignées, bains de pieds froids ou glacés, révulsifs divers,
tel est le traitement delà fourbure aiguë. Si la fourbure est
chronique, s'il y a déformation de la paroi et de la sole, on
amincira la pince avec une râpe ou une rénette ; on appli-
quera sous le pied soit un fer à planche, soit un fer large
et couvert, et comme adjuvants des plaques de cuir recou-
vrant des êtoupes goudronnées, à l'effet de conserver à
la corne sa fraîcheur, sa souplesse et son élasticité. Si la
boiterie persiste, si l'animal maigrit, si l'os du pied, bas-
culant dans la boîte cornée, fait hernie à travers la sole,
le mal a revêtu dès lors une gravité extrême et le mieux
qu'il y ait à faire est de sacrifier l'animal en le livrant
soit au boucher, soit à l'équarrisseur. L. Garnier.
FOURCADE (Pêche). Ce filet,, employé dans le cin-
quième arrondissement maritime, est un gangui, traîné au
moyen d'un tourniquet dit vireveaux ; la longueur ne peut
excéder 48 m., la longueur de la perche destinée à soute-
nir l'ouverture 8 m. ; les mailles du fond ont, au maxi-
mum, 20 millim. au carré. Le décret du 19 nov. 4859
autorise la pêche avec ce filet du 4er juin à fin février,
par 3 m. au moins de profondeur, le poids des plombs
qui garnissent la ralingue inférieure ne pouvant excéder
4 kilogr. par mètre de longueur.
FOURCAND (Emile), homme politique français, né à
Bordeaux le 44 nov. 4849, mort à Bordeaux le iGr sept.
4881. La place importante qu'il avait su se faire dans le
haut négoce lui avait valu, avant 4870, la présidence du
tribunal de commerce dans sa ville natale. Nommé maire
.de Bordeaux après la révolution du 4 sept., envoyé à
l'Assemblée nationale par le dép. de la Gironde, lors des
élections complémentaires du 2 juil. 4874, il prit une
part honorable aux discussions d'affaires, vota constam-
ment avec la gauche républicaine et soutint le gouverne-
ment de Thiers, après la chute duquel il fut exclu des
fonctions municipales par le gouvernement de combat
(4 févr. 4874). Il lutta de toutes ses forces contre Y ordre
moral et concourut à l'organisation de la République
(4874-4875), fut élu sénateur inamovible le 44 déc. 4875,
reprit possession de la mairie de Bordeaux sous le minis-
tère Dufaure (mars 4876) et la perdit de nouveau sous le
ministère de Broglie-Fourtou (mai 4877), dont il combattit
la politique avec tout le parti républicain. H la recouvra
encore après le triomphe définitif de la cause qu'il servait
(décembre) et il n'en sortit plus jusqu'à sa mort. Il était
depuis 4874 membre du conseil général de la Gironde, et
il en était devenu président. A. Debidour.
FO U RCATI ER-et-Maisonneuve. Corn, du dép. du Doubs,
arr. de Pontarlier, cant. de Mouthe ; 420 hab.
FOURCÈS. Corn, du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Montréal ; 775 hab.
FOURCHAMBAULT. Corn, du dép. de la Nièvre, arr.
de Nevers, cant. de Pougues, sur la Loire ; 6,020 hab.
Stat. du chem. de fer de P.-L.-M. Carrières. Etablisse-
ment métallurgique considérable fondé en 4824.
FO U RCH E. I. Agriculture. — La fourche est un ins-
trument formé d'un manche plus ou moins long terminé par
deux, trois ou quatre dents. Les usages de la fourche sont
multiples ; néanmoins on peut les ramener à trois princi-
paux : manipulation et épandage des fumiers, retournement
de la terre, manipulation des fourrages ; suivant que la four
che sert plus spécialement à l'un ou l'autre de ces usages,
elle est différemment constituée. La fourche qui sert au la-
bourage ou plutôt au bêchage des jardins est formée de deux
ou trois dents en fer épaisses et pointues, assemblées au man-
che par une douille (V. Labour). Les fourches à fumier ont
également les dents en fer et le manche en bois ; elles sont
à trois ou quatre dents, mais celles-ci sont plus légères
et plus pointues que dans les fourches à labourer ; les dents
sont ordinairement quelque peu courbées sur le manche.
Quant aux fourches à fourrage, elles sont ou en fer ou en
bois, à deux, trois ou quatre dents. Cependant, depuis
quelques années, le fer est le plus souvent remplacé par
l'acier; le manche des fourches à foin est beaucoup plus
allongé que celui
des deux précé-
dentes. Si les
dents sont en
bois, la fourche
est d'une seule
pièce ; elles sont
en bois d'orme,
de frêne, de châ-
taignier, de
charme et sur-
tout de micocou-
lier. A Sauve,
dans le Gard, on
cultive spéciale-
ment cette der-
nière essence en
vue de la fabri-
cation des four-
ches en bois ; il
y a là plus de
4,500 hect. consacrés à la culture du micocoulier, exploité
en cépées dont les branches terminales doivent former les
dents de la fourche. Dans les fourches en fer ou en acier la
courbure des dents est généralement plus faible que dans
les fourches en bois ; ces dents sont plus courtes et plus
minces. Qu'elles soient destinées au fumier ou au foin, les
fourches en acier, dites fourches américaines, sont bien
préférables aux fourches en fer ou en bois, en raison même
de leur légèreté et de leur solidité. Alb. L.
II. Archéologie. — Fourche de guerre. — Arme fort
ancienne et qui est une modification d'un instrument aratoire
comme la faux de guerre est née de la faux du paysan^ La
faux devint une arme lorsque sa lame fut montée de manière
à se continuer suivant l'axe du manche en reforgeant la douille
et en la redressant. Les paysans, dès le xie siècle, savaient
ainsi faire de leurs outils des armes meurtrières; aussi
avait-on fait des lois en Allemagne, lors de la guerre des
paysans, qui punissaient de mort les forgerons qui se livre-
raient à cette besogne. La fourche de guerre n'est qu'une
fourche ordinaire, dont on a enlevé la dent ou les dents
médianes pour ne garder que les dents extérieures. En
Fig.l. — Fourche
à fumier.
Fig. 2. — Fourche
à foin.
- 903 —
FOURCHE — FOURCHET
allongeant le manche, on faisait une arme terrible en plaine
contre les piétons et les cavaliers et dans les combats de brèches
et d'approches, plus redoutable encore pour arrêter les as-
saillants. Au xvie siècle, ces fourches étaient dites fourches
fières et présentaient les formes les plus compliquées par
les modifications des branches
et l'addition de crochets et de
lames tranchantes. Parmi les
adaptations les plus remar-
quables de ces fourches à la
guerre, il faut signaler les
fourches à désarçonner ou dé-
sarçonneurs, dont on fit usage
en Allemagne pendant les xve
et xvie siècles. Nous figurons
ici un de ces désarçonneurs
appartenant à l'arsenal de
Vienne. C'est, comme on le
voit, une fourche dont les dents
intérieures sont réduites à un
piton évidé et à deux volutes.
Les deux extérieures sont ou-
vertes en U et portent à leurs
extrémités deux tambours, ren-
fermant des ressorts qui ac-
tionnent deux branches brisées
que deux tiges à clefs en forme
de trèfle empêchent de se re-
dresser. Ces deux branches
peuvent se rabattre intérieure-
ment et se coucher le long des
deux dents de la fourche.
Quand on avait saisi avec cet
engin la tête d'un homme, elle
s'y trouvait prise comme dans
une nasse, car les branches
brisées se redressaient et l'em-
pêchaient de sortir. L'homme
était ainsi pris sans remède, jeté à terre ou à bas de sa mon-
ture et traîné par cette fourche solidement montée sur une
longue hampe en frêne. Les porte-mèches des officiers de ca-
nonniers sont une autre modification de la fourche de guerre,
dont la corsesque est aussi sans doute une forme dérivée.
Les fourches de guerre furent surtout d'usage en Allemagne
et en Autriche pendant les guerres de siège. Ainsi au siège
de Mons, en 4691, les grenadiers de l'ancien régiment Dau-
phin ayant chassé les Autrichiens des ouvrages où ils firent
leur logement, s'emparèrent des fourches de guerre des Impé-
riaux. Vauban, qui commandait cette attaque, reçut des fé-
licitations de Louis XIV, et le roi voulant honorer le régiment
pour ce fait d'armes, permit aux sergents de porter la
fourche au lieu de la hallebarde (Demmin). Cette arme tomba
en désuétude au xvme siècle. Le seul instrument qui puisse
rappeler les fourches de guerre et surtout les désarçonneurs
est cet engin de pêche dont se servent les Canadiens pour
saisir les saumons. A Java, les gardes de nuit qui font fac-
tion à la tête des ponts et aux carrefours portent une
fourche du même genre, tout en bois, garnie intérieurement
degrandes épinesd'une légumineuse. Avec ces armes, ils peu-
vent saisir sans danger les forcenés ivres d'opium, qui par-
courent les rues le criss à la main pour faire amock, c.-à-d.
pour tuer tous les gens qui se trouvent sur leur chemin.
Maurice Màindron.
III. Art militaire. — Fourche de sape. — Sorte de
fourche en fer de 0m32 de long, ayant trois branches poin-
tues, dont deux sont parallèles au manche et la troisième
est perpendiculaire à ce dernier qui a lm50 de longueur.
Cette fourche est employée pour couronner la gabionnade,
c.-à-d. pour surmonter de fascines les gabions servant à
maintenir les terres dans la sape volante ou dans la cons-
truction des batteries. A cet effet, deux sapeurs, munis
chacun d'une fourche, saisissent une fascine à environ 0m5Q
de ses extrémités et la déposent sur les piquets des gabions,
Fig. 3. — Fourche à dé-
sarçonner (arsenal de
Vienne).
- Fourches patibulaires de Paris
(gibet de Montfaucon).
en la frappant de quelques coups de fourche pour l'enfoncer
le plus possible sur ces piquets. Ils placent ensuite une
deuxième file de fascines parallèlement à la première, puis
une troisième file au-dessus et dans le joint des deux pre-
mières, en ayant soin de faire pénétrer les bouts de
fascines l'un dans l'autre, et de contrarier les joints entre
eux et avec ceux des gabions.
IV. Ancien droit pénal. — Fourches patibulaires.
-— Les fourches patibulaires on justices étaient des sortes de
gibets que les seigneurs, ayant le droit de haute justice,
faisaient dresser en lieu élevé et apparent hors des villes et
sur le bord des
chemins fré-
quentés . Ces
gibets consis-
taient en pi-
liers de pierre,
réunis par
des traverses
de bois aux-
quelles on pen-
dait le corps
des criminels
avec des cor-
des ou des
chaînes; le
nombre des pi-
liers variait
avec la qualité
du seigneur haut justicier. Les fourches patibulaires de Pa-
ris, que Ton peut citer en exemple, s'élevaient sur la butte de
Montfaucon, entre le faubourg Saint-Martin et celui du
Temple. Ce «célèbre gibet était formé d'une plate-forme
carrée, longue de 40 pieds sur 25 ou 30 de large et por-
tant seize piliers. Au-dessous, une cave profonde "servait de
charnier et recevait les restes des suppliciés. Montfaucon
servait à l'exécution des condamnations capitales et à
l'exposition infamante des cadavres. La privation de sépul-
ture était considérée comme une aggravation de la peine.
On y laissait les corps pendant un temps souvent assez
long ; celui de Pierre des Essarts, par exemple, qui fut
décapité en 4413, resta accroché à Montfaucon pendant
trois ans. C'est là que furent pendus les surintendants des
finances Enguerrand de Marigny et Semblançay. L'origine
des fourches patibulaires peut remonter à certaines peines
criminelles usitées chez les Romains. Leur nom vient de
ce que, à l'origine, on se bornait à planter en terre deux
fourches destinées à supporter la pièce de bois à laquelle
on suspendait le supplicié. G. Regelsperger.
Bibl. : Ancien droit pénal. — A. de Lavillegille,
Des Anciennes Fourches patibulaires de Montfaucon ;
Paris, 1836, in-8. -*■ Firmin Maillard, le Gibet de Mont-
faucon; Paris, 1863. — V. Molinier, Notice historique
sur les fourches patibulaires de la ville de Toulouse ;
Toulouse, 1868.
FOURCHÉ (Blas.). Attribut de la croix ou du sautoir
dont les branches sont terminées par deux pointes formant
angle rentrant en forme de fourche, ce qui distingue ces
pièces de celles dites enhendées, dont les branches sont
refendues à trois pointes.
FOURCHES. Corn, du dép. du Calvados, arr.de Falaise,
cant. de Morteaux-Coulibœuf ; 238 hab.
FOURCHES caudines (V. Samnites).
FOURCHET (Art vét.). Le fourchet, mal particulier
au mouton, est une inflammation du repli cutané ou canal
biflexe dont l'orifice s'ouvre à l'extérieur, en avant, de
chaque côté des articulations que les premières phalanges
forment avec les deuxièmes à deux travers de doigt de
l'origine des onglons. Les causes du fourchet sont la pré-
sence de la boue, du fumier, des graviers entre les onglons.
Il s'annonce par une boiterie accompagnée de tuméfaction
dans l'espace interdigité, tuméfaction qui gagne parfois
les genoux et les jarrets. Pris à temps et traité métho-
diquement, le fourchet guérit toujours. Le traitement
FOURCHET — FOURCHETTE
— 904 —
est hygiénique, thérapeutique et chirurgical : tenir les
bergeries propres, bien aérées et bien lavées pour prévenir
la maladie ; une fois déclarée, bien examiner le canal bi-
flexe, le laver, le déterger, puis appliquer sur le pied les
cataplasmes émollients. Si l'inflammation du canal persiste,
on essayera de la cautérisation avec un bâton de nitrate
d'argent, de manière à changer la nature de l'inflamma-
tion ; au cas où ce traitement serait impuissant, il n'y
aurait qu'à saisir le canal avec une érigne, le disséquer et
procéder ensuite à son extirpation. L. Garnier.
FOURCHETTE. L Archéologie. — La fourchette, en
tant qu'ustensile servant dans les repas à porter les aliments
à la bouche, n'a pas été en usage dans l'antiquité. Il faut
descendre jusqu'au xme siècle pour trouver dans les inven-
taires des mentions de fourchettes ; aux xiv° et xve siècles,
ces instruments apparaissent assez souvent dans les inven-
taires de personnes riches ; elles sont à deux pointes ou
fourcherons, en or, en argent ou en cuivre, avec un
manche en cristal, en pierre dure ou en ivoire ; mais elles
ne servent qu'à manger les fruits. On continuait de prendre
la viande avec ses doigts. L'écuyer tranchant lui-même
ne faisait pas usage de la fourchette pour découper ; on lit
Fourchette d u
xviô siècle, col-
lection de la
comtesse Dzia-
lynska.
Fourchette du
xvie siècle,
musée de
Cluny.
Fourchette du
xvme siècle , si-
gnée Germain,
collection de M.
Cardailhac.
dans YEstat de la maison de Charles le Hardy, par
Olivier de La Marche, qu'il est du droit de l'écuyer de
« manger ce qui luy demeure en la main en tranchant ».
En 4530, dans le traité de la civilité d'Erasme, il n'est
pas question de fourchettes ; on se contente d'expliquer
comment on doit se servir de ses doigts : par exemple, ne
pas les lécher ni les essuyer à sa jaquette ; « il sera plus
honneste que ce soit à la nappe ou à la serviette». Encore
du temps de Henri III l'usage de la fourchette était regardé
comme un raffinement. Voici ce que dit l'auteur de la Des-
cription de Visle des Hermaphrodites, qui est, comme
l'on sait, un pamphlet contre les mœurs de la cour de
Henri III : « Les viandes de ce premier service estoient si
fort hachées, descoupées et desguisées qu'elles en estoient
incognues... ; aussi apportoient-ils bien autant de façon
pour manger, comme en tout le reste ; car, premièrement,
ils ne touchoient jamais la viande avec les mains, mais
avec des fourchettes, ils la portoient jusques dans leur
bouche... Ils laprenoient (la salade) avec des fourchettes,
car il est deffendu en ce pays-là de toucher la viande avec
les mains, quelque difficile à prendre qu'elle soit, et ayment
mieux que ce petit instrument fourchu touche à leur bouche
que leurs doigts. » M. Franklin rapporte le récit d'un
voyageur anglais, Thomas Coryate, qui témoigne de l'éton-
nement qu'il eut en trouvant des fourchettes en Italie.
Cependant l'usage en était habituel à la cour de France au
commencement du xvne siècle, puisque l'on tenta, au dire
de Tallemant des Réaux, d'empoisonner Henri IV en intro-
duisant du poison dans une fourchette creuse. Louis XIV
dédaignait de s'en servir. Le duc de Montausier contribua
fort à mettre la fourchette à la mode : « La propreté de
M. de Montausier, qui vivoit avec une grande splendeur,
dit Saint-Simon, étoit redoutable à sa table, où il a été
l'inventeur des grandes cuillers et des grandes fourchettes,
qu'il mit en usage et à la mode. » Ce n'est toutefois qu'au
xvme siècle que l'usage de la fourchette pénétra dans la
bourgeoisie. A la même époque, on commença de donner
quelquefois quatre fourchons à la fourchette qui, au
xvne siècle, n'en avait jamais plus de trois. M. Prou.
IL Art militaire. — Les premières armes à feu
portatives étant très lourdes se tiraient appuyées sur un
bâton à l'extrémité fourchue appelé fourchette. Son extré-
mité opposée portait un fer pointu qui s'enfonçait enterre.
Elle était longue de quatre pieds environ quand elle était
faite pour le tir debout, et de longueur moindre pour le
tir à genoux. Elle fut en usage jusque vers la fin du
xvne siècle dans les troupes de campagne et plus longtemps
encore dans la défense des places où l'on s'en servait pour
pointer les fusils de rempart.
III. Pêche. — Petite fourche de bois ou de fer qui
sert à soutenir les cannes fixes pour la pêche à la ligne
dormante. On désigne aussi sous ce nom une perche d'en-
viron 2 m. de long, qui se partage à l'une de ses extré-
mités en deux ou en trois fourchons, et qui sert de manche
au filet connu sous le nom de truble.
IV. Architecture. — Terme de signification diverse
suivant les industries du bâtiment dans lesquelles on l'em-
ploie. En couverture, la fourchette ou reprise de noue est
l'angle formé par les petites noues de la couverture d'une
lucarne joignant le comble sur lequel s'appuie cette lucarne.
En serrurerie, on appelle fourchette un assemblage en forme
d'étrier reliant l'extrémité d'un tirant au pied d'un arbalé-
trier dans un comble en bois ou en fer. En peinture, la
fourchette est une sorte de veinettc comprenant des dents
espacées permettant à un ouvrier en décor de faire à la
fois plusieurs veines ou plusieurs nœuds dans une imita-
tion de bois de chêne ou de bois de sapin. Charles Lucas.
V. Art vétérinaire. — On appelle fourchette la partie
du sabot du cheval qui se dessine en relief à la région
plantaire, dans l'échancrure de la sole, entre les deux
barres qu'elle réunit l'une à l'autre. Elle a la forme d'un
solide pyramidal, dont la base correspond à la partie pos-
térieure du pied et auquel on reconnaît quatre faces, une
base et un sommet, une face supérieure ou interne, une
face inférieure externe, deux faces latérales, un sommet
ou pointe et une base dont les extrémités renflées consti-
tuent deux sortes de bulbes intimement unis par leur côté
extérieur au côté interne de l'arc-boutant et isolés l'un de
l'autre par la fente de la lacune médiane. La corne de la
fourchette est dense et serrée, très élastique et très mal-
léable. De sa force, de sa puissance de résistance dépend
la bonne conformation du sabot dont elle empêche le rétré-
cissement et la déformation. Le crapaud, le clou de rue,
le furoncle, telles sont les trois maladies dont elle peut être
le siège. Le furoncle de la fourchette, inflammation du
corps pyramidal, se traduit par la boiterie et les symptômes
905
FOURCHETTE — FOURCROY
locaux tels que fistule, plaie, abcès ; on le traite en amin-
cissant la fourchette de corne, en évacuant le pus, en exci-
sant les parties mortifiées et en appliquant sur les chairs
mises à nu des pansements compressifs à base de teinture
u'iode ou d'aloès. Si la plaie revêt une mauvaise nature, la
cautérisation suffit pour la modifier et amener le bourgeon-
nement des parties vives et la cicatrisation. L. Garnier.
Bibl. : Archéologie. — Alfred Franklin, la Vie pri-
mitive d'autrefois. Les JRepas, p. 47.
FOURCHEUT de Mont-Rond (Clément-Melehior-Justin-
Maxime), littérateur français, né à Bagnols le 4 sept. 1805,
mort à Paris le 27 janv. 4879. Elève de l'Ecole des chartes,
il a publié sous le nom de Maxime de Mont-Rond un grand
nombre d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Jeanne
d'Arc (Paris, 1833, in-12) ; Souvenirs d'un voyage dans
le Languedoc (1835, in-12); Essais historiques sur la
ville d'Etampes (1836-1837, 2 vol. in-8) ; les Guerres
saintes d'outre-mer (1838, 2 vol. in-12) ; Tableau his-
torique de la décadence et de la destruction du paga-
nisme en Occident (1838, in-12) ; Histoire du brave
Grillon (1845, in -12) ; les Découvertes les plus utiles
, et les plus célèbres (s. cf., in-12) ; Missions d Amérique,
d'Océanie et d'Afrique (Lille, 1846, in-12) ; Missions
du Levant, d'Asie et de Chine (1846, in-4 2) ; Constan-
tinople (ISSk, in-8) ; Dictionnaire des abbayes et mo-
nastères (1856, gr. in-8) ; Histoire de Jean Bart (1855,
in-12) ; Jean lleboul, étude historique et littéraire
(1865, in-18) ; les Marins les plus célèbres (1865, in-12);
Mes Souvenirs (1858, in-8); les Musiciens les plus cé-
lèbres (1853, in-8); les Peintres (1852, in-12); les
Poètes (1859, in-8) ; les Prélats (1855, in-8); les Sa-
vants (1862, in-8) ; la Vierge et les Saints en Italie
(1842, in-8) ; Episodes et souvenirs de la guerre de
Prusse (1872, in-8) ; Paris, son histoire, ses monu-
ments (1868, in-4) ; les Missions catholiques dans toutes
les parties du monde (1876, in-8), etc., et une infinité
de biographies et d'études religieuses.
FOURCHON (Techn.) (V. Echasse).
FOURCIGNY.Com. du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Poix; 188 hab.
FOURCINET. Corn, du dép. de la Drôme, arr. de Die,
cant. de Luc-en-Diois ; 109 hab.
FOURCROY (Bonaventure de) , poète français, né à
Noyon, mort à Paris en 1692. Il fut avocat au Parlement
et travailla chez le président de Lamoignon. C'était aussi
un assez méchant poète et ses premiers vers publiés furent
Vingt et un Sonnets qu'il fit imprimer (in-4) en 1651,
pendant la Fronde, et dans lesquels il maltraitait beaucoup
le cardinal Mazarin. On prétend que Boileau fit à son sujet
ces vers qui n'ont pas d'ailleurs vu le jour :
Qui ne hait point tes vers, ridicule Mauroi,
Pourrait bien pour sa peine aimer ceux de Fourcroy.
On a encore de lui une comédie de Sancho Pansa; les
Sentiments de Pline le Jeune sur la poésie (Paris, 1660,
in-12) ; Trois Discours, dans les Recueils de l'Acadé-
mie française; un Eloge d'Auzanet, en tète des Œuvres
de ce personnage ; et un certain nombre d'ouvrages de
droit, parmi lesquels De l'Origine du droit, des magis-
trats, pour la défense des droits du roi, etc. (1674, in-12).
Son Eloge est dans la préface des Questions de droit,
par Bretonnier. On prétend que Fourcroy avait des pou-
mons redoutables et on raconte qu'un jour qu'il disputait
contre Molière en présence de Boileau, celui-ci s'écria :
« Qu'est-ce que la raison avec un filet de voix contre une
g.... comme celle-là ?» C. St-A.
FOURCROY (Antoine-François, comte de), chimiste et
homme d'Etat français, né à Paris le 15 juin 1755, mort
à Paris le 16 déc. 1809. Il appartenait à une vieille famille
de robe ; mais son père avait dérogé et tenait à Paris, à la
faveur d'une licence du duc d'Orléans, une modeste officine
dont la corporation des apothicaires fit prononcer la ferme-
ture en 1762. Ce fut presque la misère. Pour surcroît d'in-
fortune, au collège d'Harcourt, où on le mit de bonne
heure, le jeune Antoine fut loin de briller. Il en sortit à
quatorze ans, nourrit un instant le projet d'entrer au théâtre,
se rabattit sur des leçons d'écriture, trouva en 1773 une
assez bonne place de copiste chez un commis du sceau,
mais la quitta deux ans après et atteignit ainsi sa vingtième
année, sans ressources, sans instruction, sans position.
L'avenir s'annonçait mal, lorsque Vicq-d'Azyr, en pension
chez son père, l'engagea à faire sa médecine, lui promet-
tant aide et conseils. Il étudia avec ardeur, vivant de recher-
ches pour des écrivains et de répétitions, fit en peu de
temps des progrès surprenants, qui lui permirent de publier
dès 1777, sous les auspices de la Société royale de méde-
cine récemment fondée par son protecteur, une bonne tra-
duction, avec notes, du Traité des maladies des artisans
de Ramazzini (Paris, 1777, in-12), et put prendre en 1780
le brevet de docteur, grâce à une collecte d'amis de Vicq-
d'Azyr qui lui avancèrent les 6,000 livres nécessaires. Il
se présenta ensuite aux examens du grade de docteur-ré-
gent, correspondant à peu près à notre agrégation actuelle ;
mais la Faculté, en guerre déclarée avec la société rivale
et satisfaisant une rancune personnelle, le refusa à l'una-
nimité. Il ouvrit alors des cours particuliers et des confé-
rences, accrut encore par quelques travaux et par quelques
publications remarquables la réputation que ses leçons lui
avaient tout de suite acquise, et, en 1784, fut préféré à
Berthollet pour la chaire de chimie du Jardin du roi, rendue
vacante par la mort de Macquer. Son enseignement fut
magistral. A la science il joignait une réelle éloquence ;
on venait l'entendre de tous les points de l'Europe et, deux
fois, il fallut agrandir l'amphithéâtre où il professait. Le
12 mai 1785, l'Académie des sciences l'admit comme
membre associé.
1789 arriva. Fourcroy, qui avait été parmi les prépa-
rateurs du mouvement et qui l'avait accueilli avec enthou-
siasme, travailla, au sein de divers comités, à affermir
et à améliorer les nouvelles institutions. Ce labeur silen-
cieux, mais fécond en bienfaits, lui gagna l'estime publique
et, en sept. 1792, bien qu'il se fût tenu généralement en
dehors des agitations politiques et cju'il eût décliné toute
candidature, il fut élu à la Convention comme cinquième
suppléant de Paris. Appelé à siéger après la mort de Marat
(juil. 1793), il ne traita guère à la tribune que des ques-
tions d'enseignement ou d'intérêt scientifique, réclamant
la prompte organisation d'une éducation nationale, faisant
adopter le principe d'un système uniforme de poids et me-
sures et sauvant de la destruction nombre d'établissements
de toutes sortes. Le comité de Salut public lui avait, d'autre
part, confié dès le mois de mars 1793 diverses recherches
relatives à la défense. Il se dévoua sans trêve, durant
dix-huit mois, à cette patriotique mission, indiqua de nou-
velles méthodes et de nouveaux procédés pour l'extraction
et la purification des salpêtres, pour la fabrication de la
poudre, pour celle des canons, des fusils, des armes blanches,
et usa entre temps du grand crédit dont il était arrivé à
jouir auprès du terrible comité pour ravir quelques têtes
à la guillotine. Desault, Chaptal, Darcet lui durent ainsi la
vie. Lavoisier fut, on le sait, moins heureux. Sa mort fut
même imputée à crime au savant conventionnel qui, mû
par un odieux sentiment de basse jalousie, aurait volon-
tairement négligé l'illustre chimiste. Fourcroy a toujours
énergiquement protesté contre cette grave accusation et,
après sa mort, Cuvier l'en a publiquement disculpé en ces
termes : « Si, dans les sévères recherches que nous avons
faites, nous avions trouvé la moindre preuve d'une si hor-
rible atrocité, aucune puissance humaine ne nous aurait
contraint de souiller notre bouche de son éloge. » Après
le 9 thermidor, il fut quelque temps membre du comité de
Salut public, passa, lors de la séparation de la Convention,
au conseil des Anciens, dont il fit partie jusqu'en 1798, fut
appelé par Bonaparte au conseil d'Etat en déc. 1799 et de-
vint, en 1801, directeur général de l'instruction publique.
Dans ces dernières fonctions, il se montra infatigable. Il
avait antérieurement coopéré à la fondation de l'Ecole
FOURCROY — FOUREL
— 906 —
normale et de l'Ecole centrale de travaux publics (Ecole
polytechnique), à la réorganisation de l'Institut, à l'agran-
dissement du Muséum d'histoire naturelle. En moins de
six années (1801-4807), il érigea trois écoles de médecine
(Paris, Montpellier, Strasbourg), douze écoles de droit, une
trentaine de lycées, et fit relever ou établir plus de trois
cents collèges communaux, préparant lui-même les règle-
ments, les programmes et toutes les nominations. L'ins-
truction primaire fut aussi l'objet de ses préoccupations et
lorsque, en 1808, fut créée l'Université impériale, dont il
avait autrefois combattu le principe, mais que maintenant
il prônait, on put dire que depuis quinze ans bien peu de
choses s'étaient faites en France en matière d'enseignement
sans qu'il y eût participé plus ou moins directement. Aussi
ne doutait-il pas qu'après tant de services, malheureuse^
ment gâtés dans les derniers temps par quelques con-
descendances regrettables , la nouvelle dignité de grand
maître ne lui échût sans conteste. Mais Napoléon y nomma
Fontanes. Cette disgrâce, un peu atténuée ensuite par la
collation du titre de comte, l'affecta vivement ; une ma-
ladie de cœur, causée par l'excès de travail, s'aggrava, et
il mourut subitement à la fin de l'année suivante. Les soucis
de la politique et des affaires ne lui avaient du reste ja-
mais fait déserter son laboratoire ni l'amphithéâtre. A sa
chaire de chimie du Muséum, il avait même joint des cours
à l'Ecole polytechnique et à l'Ecole de médecine et il était
devenu membre de l'Athénée des arts et d'un grand nombre
d'autres sociétés savantes. En 1797, il avait été président
de l'Académie des sciences.
Sans avoir eu la même part que Lavoisier et que Caven-
dish à la fondation de la chimie moderne, Fourcroy a
cependant contribué largement à l'évolution scientifique de
la fin du xvine siècle, tant par sa collaboration aux fa-
meuses conférences qui se tenaient chez le premier de ces
savants et d'où est sortie, en 1787, la Méthode de nomen-
clature chimique, que par ses travaux originaux et par
les importantes expériences qu'il a réalisées, les unes seul,
les autres avec son ancien élève Vauquelin. Son nom est
surtout attaché aux progrès de la chimie animale, à laquelle
il a fait faire un pas décisif, et de la chimie végétale, dont
il a perfectionné les méthodes. Il faut mentionner plus spé-
cialement, dans ces deux ordres de productions, ses ana-
lyses du lait, du sang, de la bile, dû mucus des narines, de
l'éau des hydropiques, des larmes, du chyle, des céréales,
des légumineuses, des bois de quinquina, ses recherches
sur les caractères de la fibrine, de la gélatine et de la
moelle, sur la quantité d'azote contenue dans les diverses
substances animales, sur les urines et les calculs urinaires,
sur la présence de l'albumine dans les végétaux, sa décou-
verte du phosphate de magnésie dans les os. On lui doit,
d'autre part, une théorie ingénieuse de la formation de
l'éther, une série de remarquables études sur les combinai-
sons salines et en particulier sur les sels triples ammonia-
caux, des analyses de minéraux et d'eaux minérales, la
première combustion de l'hydrogène qui ait donné de l'eau
parfaitement pure (avec Yauquelin et Séguin, en 1792),
l'isolement de la baryte et de la strontiane, un procédé éco-
nomique de séparation du cuivre et de l'étain des cloches,
la découverte de plusieurs composés de l'acide muriatique
oxygéné détonant par simple percussion, des recherches
sur les causes de la détonation des poudres fulminantes,
sur la composition des aérolithes, sur celle de l'aragonite
et sur ses rapports avec le spath calcaire, etc. Il s'occupa
aussi d'anatomie, mais renonça de bonne heure à cette
science. De même, il n'eut jamais, comme médecin praticien,
que peu de succès. Quant à ses écrits, le nombre en est
considérable. Mais leur quantité a peut-être nui à leur qua-
lité. C'est du moins l'opinion de Cuvier : « Les idées y sont
en général plus étendues que profondes et les conclusions
quelquefois un peu précipitées. » Cette sévère critique de
son panégyriste semble toutefois viser seulement les cent
soixante mémoires que Fourcroy a disséminés dans les
recueils de l'Académie des sciences, de la Société de mé-
decine et de la Société d'agriculture, dans les Annales de
chimie, dans le Journal des mines, dans le Journal de
physique, dans le Bulletin de la Société philomathique,
dans la Décade philosophique, dans le Journal desphar-
maciens et dans les Annales du Muséum d'histoire na-
turelle. Car le célèbre naturaliste fait au contraire un grand
éloge de ceux de ses ouvrages que Fourcroy a publiés à part ;
ils ont pour titres : Leçons d'histoire naturelle et de
chimie (Paris, 1781, 2 vol. in-8), devenues, après six édi-
tions, le Système des connaissances chimiques (Paris,
1801, 6 vol. in-4, ou 11 vol. in-8) ; l'Art de connaître et
d'employer les médicaments (Paris, 1785, 2 vol. in-12) ;
Entomologia parisiensis, réédition très augmentée de
Y Histoire des insectes de Geoffroy, l'un de ses maîtres
(Paris, 1785, 2 vol. in-12) ; Méthode de nomenclature
chimique, en collaboration avec Lavoisier, Berthollet et
Guytonde Morveau (Paris, 1787, in-8) ; Analyse de Veau
sulfureuse d'Enghien,en collaboration avec Laporte (Pa-
ris, 1788, in-8) ; Essai sur le phlogistique et les acides
(Paris, 1788, in-8) ; Principes de chimie à l'usage des
élèves de l'Ecole vétérinaire (Paris, 17 88, 2 vol. in-18) ;
la Médecine éclairée par les sciences physiques (Paris, '
1791, 4 vol. in-8); la Philosophie chimique, qui a eu
une dizaine de traductions étrangères (Paris, 1792,in-12;
3e éd., 1806, in-12) ; Tableaux synoptiques de chimie
(Paris, 1805, atlas in-fol.). Il a enfin fourni beaucoup
d'articles à l'Encyclopédie méthodique et au Dictionnaire
des sciences naturelles. Léon Sagnet.
Bibl. : Palisot de Beauvois, Eloge historique de
M. Fourcroy ; Paris, 1810, in-4.— Cuvier, Eloge de Four-
croy ; Paris, 1811, in-8, et dans Mém. de VAcad. des sciences
de Paris, année 1810, part. II, p. xcvn. — Ant. Cattaneo,
Cennisu la vita di A.-F. Fourcroy; Milan, 1839, in-4. —
Et. Pariset, Histoire des membres de l'Académie de mé-
decine de Paris ; Paris, 1845-50, 2 vol.in-12.
FOURCROY de Ramecourt (Charles-René de), ingé-
nieur militaire et savant français, parent du précédent, né
à Paris le 19 janv. 1715, mort à Paris le 12 janv. 1791.
Fils d'un avocat, qui le destinait au barreau, il entra en
1736 dans le corps du génie, se distingua dans de nom-
breuses campagnes et devint maréchal de camp, puis direc-
teur général du génie. Pendant les périodes de paix, il
occupait ses loisirs à des recherches et à des expériences,
qui aboutirent à de beaux travaux sur la physique, l'his-
toire naturelle, la technologie, et qui le firent admettre en
1784 à l'Académie des sciences de Paris. Outre plusieurs
notes insérées dans les recueils de cette société, on a de lui :
Mémoires sur la fortification perpendiculaire (Paris,
1786, in-4) ; deux traités sur l'Art du tuilier-briquetier
et sur celui du chaufournier; un plan de communication
entre l'Escaut, la Sambre, l'Oise, la Meuse, la Moselle et
le Rhin. Il a enfin contribué pour une grande part, par
les renseignements de toutes sortes qu'il a fournis à leurs
auteurs, au Traité du cœur de Sénac, au Traité des
pêches de Duhamel, à l'ouvrage de Lalande sur les Marées.
F0URDRA1N. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de La Fère; 669 hab.
FOU RDRINOY.Com. du dép. delà Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Picquigny ; 470 hab.
FOUR EAU (Fernand), explorateur français, né à Saint-
Barbant (Haute-Vienne) le 17 oct. 1850. En 1877, il
entreprit un voyage en Algérie, dans le Sahara et au Maroc,
et depuis il n'a cessé d'explorer la région N. de l'Afrique,
qu'il connaît à fond. En 1880, il fonda, avec M. Fau, la
Compagnie de l'Oued-R'ir (oasis dans le Sahara, prov. de
Constantine). A diverses reprises, il a été chargé d'impor-
tantes missions dans le Sud algérien, soit par le ministère
de l'instruction publique, soit par le gouverneur général de
l'Algérie. Son dernier voyage dans la région de l'Erg (1 891-
1893) a été particulièrement fécond. Il a réussi à conclure
des traités d'amitié avec les chefs nègres et a rapporté de
belles collections d'histoire naturelle et de minéralogie.
FOUREL (Armand), procureur du roi au bailliage royal
d'Annonay, né à Annonay en 1669, mort en 1746. Il fut
907 -
FOUREL — FOURICHON
en Vivarais le correspondant le plus intelligent et le plus
actif des savants bénédictins, auteurs de Y Histoire du Lan-
guedoc . On peut voir de lui dans la collection du Langue-
doc (rass. de la Bibl. nat., t. XXIV et XXV) : un Abrégé
de l'histoire de la ville oVAnnonay, une Relation de la
vie d? André de Sauzéa, évêque de Bethléem, et beaucoup
de mémoires et de notes détachées sur l'histoire du Viva-
rais. Fourel fut plusieurs fois consul de sa ville natale.
FOUR ES (Auguste), poète languedocien, né à Castel-
naudary le 6 avr. 4848, mort le 4 sept. 4890. Fils d'un
instituteur démocrate, après de bonnes études il débuta
dans le journalisme par des fantaisies et des chroniques
souvent agressives contre l'Empire. Son premier volume,
des vers français, Oiselets et Fleurettes (4872), puis trois
poèmes, le Fer ouvré, Antée et Marsyas (4873-74), le
placèrent au nombre des plus habiles parnassiens, mais Yj
distinguèrent pour certaine saveur d'archaïsme et des néo-
logismes fréquents, empruntés à la langue d'oc. Le féli-
brige (V. ce mot) commençait alors à faire des prosélytes
hors de Provence. Auguste Fourès y entra, et avec lui les
revendications de l'atavisme moral du Midi albigeois. De
concert avec ses amis L.-X. de Ricard et Mme Lydie de
Ricard (dulciorella) , il créa le groupe républicain-fédéra-
liste des féîibres languedociens, et publia la Lauseto, « al-
manach du patriote latin » (4877-78-79 et 4885). En
4878, il donna un recueil d'études en prose, de vigoureuse
expression : Coureurs de chemins et Batteurs dépavés.
Il fonda à Carcassonne le journal la Cité avec M. Àlban
Germain (4879) et la Poésie moderne avec M. Prosper
L'Eté (1882). De 4885 à 4888, rédacteur en chef du
Petit Toulousain (illustré), il en fit le journal le plus lit-
téraire du Midi. Entre temps il publiait son premier recueil
languedocien, les Grilhs (1887), poésie d'artiste autoch-
tone et d'intransigeant patriote. La maladie qui le paralysait
peu à peu, lui faisant renoncer à la vie militante, redou-
blait son activité d'écrivain. Sa dernière collaboration sui-
vie fut au journal de langue d'oc le Gril de Toulouse. Enfin,
il donna deux volumineux recueils : la Gueuserie (4889),
en prose,et les Cants del Soulelh (4890), œuvre très variée
d'aspect, lyrique et descriptive, qui le classe près du vieux
Goudelin, au premier rang des poètes languedociens. —
Son œuvre posthume qui va être publiée se compose de quatre
volumes : la Sego et Muso Silvestro, poésies languedo-
ciennes, des vers français, la Muse errante, et des contes
indigènes, En Lauraguais. Paul Mariéton.
Bibl.: Paul Mariéton, le F élibre Auguste Fourès ; Lyon,
1883. — Du même, le Dernier Albigeois : Auguste Fourès,
dans Revue bleue du 10 avr. 1888. — L.-X. de Ricard, Un
Poète national : Aug. Fourès; Montpellier, 1889. — Anto-
nin Perbosc, Auguste Fourès, dans Revue félibréenne ,
d'oct. 1891.
FOUR ET (Georges-François), mathématicien français,
né à Paris le 29 janv. 4845. Entré à l'Ecole polytechnique
en 4864, M. Fouret, à sa sortie, fut classé dans l'arme
du génie, fit la campagne de 4870 et donna sa démission
en 4874. Depuis lors, il s'est principalement consacré
à l'enseignement et à la science. Répétiteur à l'Ecole
polytechnique depuis 4879, il a été nommé examinateur
d'admission en 4 887. Ses nombreux travaux, publiés dans
les Comptes rendus de l'Académie des sciences, dans
les Annales des ponts et chaussées, dans le Journal de
V Ecole polytechnique, le Bulletin de la Société mathé-
matique de France, les Nouvelles Annales de mathé-
matiques, portent sur la plupart des branches de la
science mathématique, et notamment sur la mécanique et
la géométrie. Nous citerons sa Méthode nouvelle pour la
détermination graphique des moments de flexion
d'une poutre à plusieurs travées solidaires (4875-487 6),
méthode introduite aujourd'hui dans l'enseignement de
l'Ecole des ponts et chaussées; ses nombreux mémoires
sur les Systèmes de courbes, et sa théorie des ensembles
ou implexes de surfaces, définis par une équation aux
dérivées partielles du premier ordre à trois variables.
M. Fouret, en outre, a publié d'intéressants articles dans
le Journal des actuaires et dans le Bulletin de l'Ins-
titut des actuaires français sur la Théorie mathéma-
tique des opérations viagères.
F0URG. Gom. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. de Quingey ; 353 hab.
FOURGES. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. d'Ecos ; 384 hab.
FOURGON. Chariot couvert, à quatre roues, mis à la
disposition des états-majors et des troupes pour le trans-
port des bagages, des approvisionnements d'effets ou de
chaussures et des vivres en campagne ou pendant les ma-
nœuvres. Les fourgons actuels sont du modèle 4887; ils
font partie du matériel des équipages militaires et sont
fournis par le service de l'artillerie. Les deux trains sont
assemblés à contre-appui, comme dans les voitures ordi-
naires du commerce, l'arrière-train pouvant tourner autour
d'une cheville ouvrière portée parl'avant-train. Celui-ci est
couvert par une bâche montée sur des cerceaux en fer ; il
est terminé en arrière par une fourragère servant d'appui
au chargement et munie d'un frein dont la manivelle est
sous la main du conducteur. Les deux chevaux dont le
fourgon est attelé sont conduits à grandes guides par un
conducteur assis sur le siège disposé à l'avant de la voiture.
Celle-ci ne doit pas avoir un chargement dépassant 700 ki-
logr. Lorsqu'un corps change de garnison, il laisse sur
place les fourgons de mobilisation et leurs harnais, à moins
qu'il ne soit pas remplacé dans la garnison qu'il évacue. Le
tableau suivant indique le nombre de fourgons attribués
aux diverses unités. — Il est attribué, en outre, un nombre
DESIGNATION
DES UNITÉS
Régiment d'infanterie
Bataillon de chasseurs
RégimentJ de corps d'armée
de cavalerie / indépendante . . .
Batterie d'artillerie
Compagnie du génie
FOURGONS
4«
5
5
13
3(2)
12
6
»
1(3)
(1) Il existe 3 caissons de munitions.
(2) 5 pour les bataillons vosgiens ou à 6 compagnies
(3) 2 pour les compagnies de réserve avec parc.
variable de fourgons aux divers états-majors, aux ambu-
lances, aux escadrons du train des équipages militaires,
aux équipages de pont, aux sections de munitions, etc.
FOURGS (Les). Corn, du dép. du Doubs, arr. et cant.
de Pontarlier; 4,094 hab.
FOURICHON (Martin), amiral français, né à Thiviers
(Dordogne) le 9 juin 4809, mort à Paris le 24 nov. 4884.
Sorti de l'Ecole navale en 4824, il s'éleva de grade en
grade jusqu'à celui de capitaine de vaisseau qu'il atteignit
en 4848, fut nommé gouverneur de Cayenne en 4852 et,
devenu contre-amiral (4853), commanda plusieurs années la
station de l'océan Pacifique, puis celle de la Méditerranée.
Vice-amiral le 47 août 4859, appelé le 43 févr. 4864 à
la présidence du conseil des travaux de la marine et le
34 mars 4870 au commandement de l'escadre d'évolution,
il fut chargé, au commencement de la guerre contre la
Prusse, d'aller bloquer les côtes de l'Allemagne du Nord
(juil. 4870). Nommé ministre de la marine par le gouver-
nement de la Défense nationale (4 sept.), adjoint à la dé-
légation de Tours (42 sept.), il exerça quelque temps par
intérim le ministère de la guerre, qu'il dut remettre à
Crémieux le 3 oct. Il s'associa ensuite sans grand éclat et
presque passivement aux actes de la délégation qui, du
mois d'oct. 4870 au commencement de févr. 4874, n'eut
d'autre volonté que celle de Gambetta. Envoyé par le dép.
de la Dordogne à l'Assemblée nationale, il y parla peu, y
FOURICHON - FOURIER
— 908
vota longtemps et presque aveuglément avec le centre droit,
mais se rapprocha du centre gauche vers la fin de 1874
et accepta peu après (févr. 4875) les lois constitution-
nelles, ce qui lui valut d'être élu sénateur inamovible
le 10 déc. 1875. Ministre de la marine dans le cabinet
Dufaure (9 mars 1876), il dut démissionner avec ses col-
lègues le 16 mai 1877, vota la dissolution de la Chambre
des députés le 22 juin suivant et ne joua plus depuis
celte époque qu'un rôle fort effacé. A. Debidour.
FOU RI É (Albert- Auguste), sculpteur et peintre fran-
çais contemporain, né à Paris en 1854. Elève de M.Gau-
therin, il débuta au Salon de 1877, section de sculpture,
par un buste de Jeune Fille. Il abandonna ensuite la
sculpture et se mit sous la direction du peintre J.-P. Lau-
rens. En 1879, il exposa un tableau remarqué, la Récréa-
tion au cloître ', et, dans cette nouvelle voie, il conquit
rapidement le succès. En 1884, son tableau, le Dernier
Deuil, et en 1887, Un Repas de noces à Yport, assu-
rèrent sa réputation. Une grande intensité d'observation,
une distribution puissante et originale de la lumière, une
facture pleine d'habileté, valurent à l'ensemble de ses
tableaux un vif succès à l'Exposition universelle de 1889.
M. A. Fourié a produit aussi de nombreuses eaux- fortes
pour l'illustration, notamment pour Madame Bovary, de
Flaubert, et Y Art d'être grand-père, de V. Hugo ; ses
derniers tableaux exposés sont : Sous les branches et En
Famille (S. 1892, Champ de Mars).
FOURIER (Jean-Baptiste- Joseph, baron), géomètre et
physicien français, né à Auxerre le 21 mars 1768, mort
à Paris le 16 mai 1830. Fils d'un pauvre tailleur d'ori-
gine lorraine, il devint orphelin à huit ans, fut d'abord
recueilli par un maître de pension qui lui donna les pre-
mières notions du latin, puis, à la recommandation d'une
dame charitable qui avait remarqué ses précoces disposi-
tions, fut placé par l'évêque d'Auxerre à l'école militaire
de cette ville, que dirigeaient alors les bénédictins de la
congrégation de Saint-Maur. Ce fut un brillant élève. Les
mathématiques, qu'il aborda en 1781, le passionnèrent
surtout ; on le vit renoncer subitement à tous les plaisirs
de l'enfance ; il se levait même la nuit, content ses bio-
graphes, et allait se cacher dans un placard où, à la lueur
de bouts de chandelle dérobés un peu partout, il dévorait
les livres de Bezout et de Clairaut. A seize ans, d'élève il
passa professeur. Il aurait bien voulu entrer dans l'artil-
lerie ou dans le génie, et les inspecteurs de l'école firent
dans ce but des démarches : le ministre objecla son humble
naissance et sa pauvreté. Il se rabattit sur le cloître,
se rendit en 1787 à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire
pour y faire son noviciat de bénédictin, mais, sous l'in-
fluence des événements politiques, quitta deux ans après
l'habit religieux et revint à son ancienne école où, à l'en-
seignement un instant délaissé des mathématiques, il joi-
gnit celui de la rhétorique, voire de l'histoire et de la phi-
losophie (1789-93). Entre temps (fin 1789), il était allé
présenter à l'Académie des sciences de Paris son premier
mémoire, écrit en 1787, « sur la résolution des équations
numériques de degré quelconque ». Dès la formation des fa-
meux comités de surveillance (avr. 1793), il fut élu membre
de celui d'Auxerre ; admirateur enthousiaste de la Révolu-
tion, il ne remplit toutefois ses terribles fonctions qu'avec
modération et arracha plus d'un suspect à l'échafaud, entre
autres la mère du futur maréchal Davout. Lui-même fut
quelque temps incarcéré sur l'ordre du comité de Salut
public (juin 1794) ; il faillit l'être encore après la réaction
du 9 thermidor, cette fois sous la prévention de jacobinisme
(mars 1795). Lors de la création de l'Ecole normale, le
district de Saint-Florentin (Yonne) l'y avait envoyé comme
élève (janv. 1795) ; il y devint presque tout de suite maître
de conférences et, après sa fermeture, entra à l'Ecole po-
lytechnique, où il fut d'abord simple surveillant des leçons
de fortification, mais où il obtint bientôt une chaire d'ana-
lyse (1795-98).
L'expédition d'Egypte fut l'une des plus glorieuses étapes
de sa vie. Emmené par Monge et nommé, dès l'arrivée,
secrétaire perpétuel de l'Institut du Caire (août 1798), il
déploya une prodigieuse et intelligente activité, organisant
des fabriques pour les besoins de l'armée, inventant des
machines, se livrant à des recherches de tous genres et
remplissant ensuite de ses intéressantes communications les
séances de la savante compagnie ou les colonnes des publi-
cations locales. Un peu avant le départ de Bonaparte (août
1799), il fut mis à la tête de l'une des deux expéditions
scientifiques envoyées dans la vallée du haut Nil. 11 fut en-
suite chargé de fonctions administratives et diplomatiques
des plus délicates : chef de l'administration de la justice,
commissaire auprès du divan égyptien, etc. Très éloquent
et très persuasif, il s'en acquitta avec un tact et une habi-
leté rares ; ce fut lui, en particulier, qui négocia le traité
d'alliance avec Moûrâd Bey (avr. 1800). Aux funérailles de
Kléber (17 juin 1800), il adressa, dans une émouvante
oraison, le suprême adieu de l'armée à l'infortuné général.
Quelques mois avant l'évacuation, ses collègues de l'Institut
lui confièrent la réunion des matériaux du grand ouvrage
sur l'Egypte et la rédaction de son introduction générale.
A son retour en France (sept. 1801), il sollicita un em-
ploi dans l'instruction publique. Mais Bonaparte le nomma
préfet de l'Isère (2 janv. 1802). Sa prudente administration
apaisa rapidement les esprits, et, sous son active impulsion,
la plupart des services de son département furent améliorés
(écoles, chemins vicinaux, etc.), en même temps que d'im-
portants travaux étaient entrepris (dessèchement des vastes
marais de Bourgoin [1807-12], qui infectaient une quaran-
taine de communes ; ouverture d'une route de Grenoble à
Turin par le mont Genèvre, etc.). Il trouva encore des loisirs
pour travailler à la Description de l'Egypte et pour con-
tinuer ses recherches scientifiques ; c'est même de cette
époque que datent ses plus belles productions analytiques et
thermiques. En 1808, il avait reçu de l'empereur le titre de
baron, avec dotation. La révolution de 1814 ne le gêna
pourtant pas autrement : il envoya son adhésion au gou-
vernement des Bourbons, qui le maintint dans sa préfec-
ture. Le retour de l'île d'Elbe le rendit plus perplexe ; il
tenta d'organiser à Grenoble une résistance, puis s'enfuit
vers Lyon, mais, rejoint et admonesté par Napoléon, fit sa
soumission. Il fut, en récompense, promu au titre de comte,
que, du reste, il ne porta jamais, et mis à la tête de la pré-
fecture du Rhône (10 mars 1815). Les exigences d'une po-
litique pour laquelle il n'était pas fait l'obligèrent à démis-
sionner au bout de quelques semaines (1er mai 1815) ; il
rentra à Paris, où, naturellement mal accueilli par la nou-
velle Restauration, il serait tombé dans le plus grand dé-
nuement si son ancien élève et ami, le comte de Chabrol de
Volvic, alors préfet de la Seine, ne lui avait confié la di-
rection du bureau de statistique. Le 27 mai 1816, l'Aca-
démie des sciences l'élut à une place de membre libre :
Louis XVIII refusa de ratifier. Désigné de nouveau, et à
l'unanimité, le 12 mai 1817, pour succéder à Rochon dans
la section de physique générale, il obtint, cette fois, l'agré-
ment royal. Il devint ensuite secrétaire perpétuel pour les
sciences mathématiques en remplacement de Delambre (nov.
1822), membre de l'Académie française en remplacement
de Lemontey (déc. 1826), président du conseil de perfec-
tionnement de l'Ecole polytechnique en remplacement de
Laplace (1827), et mourut presque subitement d'une hyper-
trophie du cœur le 16 mai 1830. La Société royale de
Londres et nombre d'autres académies étrangères se l'étaient
attaché.
Joseph Fourier a exercé sur le développement de la phy-
sique mathématique une influence décisive. Les méthodes
analytiques qu'il a dû créer de toutes pièces pour arriver à
poser ses lois de la thermologie présentent, en effet, un
caractère de généralité absolue et trouvent aujourd'hui en-
core un vaste champ d'applications nouvelles, particuliè-
rement en électricité. En réalité, c'est bien plus la science
dans son universalité abstraite qui a profité de ses décou-
vertes que telle branche sur laquelle ses efforts semblent,
de prime abord, avoir spécialement porté, et si le titre de
physicien distingué ne peut lui être refusé, au fond et avant
tout il a été un grand géomètre. Ses plus [mémorables tra-
vaux se partagent en deux groupes : les uns se rapportant
à la théorie de la chaleur, les autres à la résolution des
équations numériques. La théorie mathématique de la cha-
leur fut l'objet de ses recherches dès la fin du xvme siècle.
Il en communiqua les premiers résultats à l'Académie des
sciences le 21 déc. 1807 dans un mémoire longtemps cru
perdu et retrouvé récemment par M. Darboux à la biblio-
thèque de l'Ecole des ponts et chaussées (ms. n° 267). En
1811, l'Académie proposa comme sujet du grand prix de
mathématiques : « Donner la théorie mathématique des
lois de la propagation de la chaleur et comparer le résultat
de cette théorie à des expériences exactes. » Fourier envoya
un travail très étendu : Théorie des mouvements de la
chaleur dans les corps solides (Mém. de VAcad. des se,
2 parties, t. IV et V), qui fut couronné le 6 janv. 1812
et dont la première partie a paru à part sous le titre : Théo-
rie analytique de la chaleur (Paris, 1822, in-4 ; Bres-
lau, 4883, in-4). Nous ne pouvons donner ici un aperçu,
même sommaire, des richesses contenues dans cette œuvre
capitale, qui a fait époque dans l'histoire des mathéma-
tiques et de la physique, Fourier part de ce principe que
tous les phénomènes de propagation dépendent de quatre
conditions spécifiques, et il formule, tant pour la surface que
pour l'intérieur des corps, des équations différentielles au
moyen desquelles, trois des conditions étant connues, la
quatrième peut se déduire mathématiquement et sans expé-
riences ; il intègre ensuite ces équations. Des mémoires et
des notes du même savant, disséminés dans les Annales
de chimie et de physique (t. IV, VI, X, XIII, XXII, XXVII,
XXVIII, XTŒVii), dans le Bulletin de la Société philo-
mathique (années 1818 et 1820), dans les Mémoires de
l'Académie des sciences (t. VII, VIII, XII), et relatifs aux
propriétés de la chaleur rayonnante, à la température des
habitations, au refroidissement séculaire du globe terrestre,
à la température des espaces planétaires, à des expériences
thermo-électriques (en commun avec OErsted), au mouve-
ment de la chaleur dans les fluides, etc., sont venus com-
pléter et vérifier sa Théorie, — Quant à la résolution des
équations numériques de degré quelconque, il avait, nous
l'avons vu, écrit dès 1787 et présenté à l'Académie des
sciences dès 1789 son premier mémoire sur la question.
Il la reprit en 1796 et 1797 dans ses cours d'analyse à
l'Ecole polytechnique (les cahiers mss. en sont conservés à
la bibl. de l'Ecole des ponts et chaussées), y travailla encore
en Egypte (mémoires sur la Résolution générale des équa-
tions algébriques, sur les Méthodes d'élimination, etc.,
dans la décade égyptienne de l'an VI et de l'an VII),
puis à Grenoble, et publia en 1820, dans le Bulletin de la
Société philomathique, une note du plus haut intérêt :
Sur l'Usage du théorème de Descartes dans la recherche
des limites des racines. La méthode de séparation des ra-
cines qui s'y trouve exposée, et qui a donné naissance au
beau théorème de Sturm, marque un progrès considérable
sur celle de Lagrange ; Arago en a contesté la priorité à
Fourier en faveur de Budan de Bois-Laurent, mais M. Dar-
boux a indiscutablement établi que le mérite en revenait
tout entier au premier, dont la démonstration s'applique,
du reste, aux équations transcendantes, au lieu d'être pu-
rement algébrique comme celle de Budan (V. aussi Mém.
de VAcad. des se, 1831, t. X). Fourier n'a pas eu le
temps de terminer ces recherches, devenues fécondes entre
les mains de ses successeurs, et son Analyse des équa-
tions déterminées, que Navier a fait paraître d'après ses
notes après sa mort (Paris, 4831, in-4), est un ouvrage
inachevé. Au même ordre de travaux se rattachent quelques
vues nouvelles qu'il a émises sur la théorie des inégalités
{Bullet. de la Soc. philom., 1826, et Hist. de VAcad.
des se. pour 1823 et 1824).
On doit encore à Fourier : un remarquable mémoire sur
la Statique (Journ. de VEc. polyt., 1797-98, II), qui
— 909 — FOURIER
contient une démonstration tout originale et encore géné-
ralement adoptée du principe des vitesses virtuelles ; — une
série d'études écrites à l'occasion de ses fonctions à la pré-
fecture de la Semé et touchant au calcul des probabilités et
à la statistique : Mémoire sur la théorie analytique des
assurances {Annales de chim. et dephys., 1819, t. X) ;
Rapport sur les tontines (Mém. de VAcad. des se, 1826,
t. V), et plusieurs chapitres et tableaux des Recherches
statistiques sur la ville de Paris et le dép. de la Seine
(Paris, 1821-29, 4 vol.), ouvrage publié sous sa direction;
— des études sur les monuments, les mœurs et les révo-
lutions de l'Egypte, sur ses oasis, sur les explorations et
les fouilles à entreprendre dans la vallée du Nil, sur les
aqueducs à y construire, etc., parues dans le Courrier
d'Egypte et dans la Décade égyptienne ; — la Préface
historique, un peu surfaite à tous les points de vue par ses
panégyristes, et un long chapitre (Recherches sur les
sciences et le gouvernement de V Egypte) , du grand mémo-
rial de l'expédition d'Egypte ; — les éloges académiques de
Delambre(1823),deW.Herschel(1824),deBréguet(1826),
de Charles (1828), de Laplace (1829), et l'analyse annuelle,
de 1822 à 1828, des travaux mathématiques de l'Académie
(Mém. de VAcad. des se, 1823-29); — des articles de
la Biographie universelle de Michaud (anonymes) et de la
Revue encyclopédique.— M. Darboux a récemment donné,
sous le titre : OEuvres de Fourier (Paris, 1889-90, 2 vol.
in-4), une édition annotée et soigneusement revisée de sa
Théorie de la chaleur et de ses principaux mémoires scien-
tifiques. — La ville d'Auxerre lui a élevé en 1849 une
statue en bronze due à Faillot. Léon Sagnet.
Bibl. : C.-A. Vieilh de Boisjolin, Notice biographique
sur le baron Fourier ; Paris, 1830, in-8.— Journal des Sa-
vants, mai 1830, p. 311. — Girard, Discours prononcé aux
funérailles de M. Fourier ; Paris, 1830, in-4. — De Fé-
letz, ibid., ibid. — Victor Cousin, Discours de récep-
tion à l'Académie française (5 mai 1831), dans le Recueil
de VAcad. fr., 1830-39, p. 87. — Du même, Notes biogra-
phiques sur Fourier; Paris, 1831, in-4, et dans Fragments
et Souvenirs (Paris, 1857, in-8, 3» éd.). — Fr. Arago, Eloge
historique dej. Fourier, dans ses Œuvres (Paris, 1854,
t. Ier, p. 295, in-8), dans les Mém. de VAcad. des se, 1834,
pp. lxix-cxxxviii) et à part (Paris, 1834, in-4).— -M auge r,
Notice biographique sur Fourier, dans l'Annuaire de
l'Yonne de 1837. — J.-J. Champollion-Figeac, Fourier
et Napoléon, l'Egypte et les Cent-Jours ; Paris, 1844, in-8.
— Catalogue of scienlific papers of the Royal Society ;
Londres, 1868, t. II, in-4. — E. Duché, J. Fourier, sa vie
et ses travaux, dans Bullet. de la Soc. des sciences de
V Yonne, année 1871, t. III, p. 217. — Max. Marie, Histoire
des sciences mathématiques et physiques ; Paris, 1887,
t. XI, p. 11, in-8.— V. encore le Bulletin de la Soc. des se.
de V Yonne, année 1849, t. III, p. 119, et année 1858, t. XII,
p. 105, et les notes de l'édition Darboux.
FOURIER (François-Marie-Charles), philosophe socia-
liste, né à Besançon le 7 avr. 1772, mort à Paris le
9 nov. 1835. Il était fils d'un marchand de drap qui l'éleva
pour le commerce et lui laissa une fortune de 80,000 livres.
Commis à Lyon, à Rouen, il voyagea pour diverses mai-
sons en Allemagne et en Hollande/ En 1793, il fonda un
grand magasin d'épicerie et denrées coloniales à Lyon : il
s'y ruina moins par maladresse que par suite des malheurs
politiques que traversait alors cette ville. Incorporé dans
le 8e régiment de chasseurs à cheval, il obtint son congé
au bout de deux ans, pour raison de santé. Il rentra dans
la « commission ». Il rapporte qu'en 1799 une maison de
Marseille, qui l'employait, le chargea de couler à fond
secrètement une cargaison de 20,000 quintaux de riz qu'elle
n'avait pas voulu vendre afin de maintenir le haut prix des
subsistances, et qui s'était gâtée. Il est possible que cet évé-
nement ait stimulé les réflexions du futur socialiste sur
les abus de la spéculation commerciale ; mais, dès la mai-
son paternelle, les occasions antérieures n'avaient pas
manqué à son esprit observateur et élevé. L'utopie perce
néanmoins dès son premier écrit remarqué, un article ano-
nyme du Bulletin de Lyon, intitulé Du Triumvirat con-
tinental et de la paix perpétuelle sous trente ans, où
il prédisait que la France et la Russie, après avoir partagé
avec l'Autriche le sceptre de l'Europe, écraseraient cette
FOURÎER — FOURIERISME
910
puissance, puis se feraient la guerre jusqu'à l'extinction de
l'une des deux. Napoléon, qui n'aimait pas que de simples
particuliers s'abandonnassent aux rêveries politiques qu'il
s'était réservées, fit prendre des informations sur l'auteur
et sur l'imprimeur (V. Ballanche), mais sans les inquiéter
davantage. Toutefois, c'est sous la rubrique de Leipzig
(pour Lyon), que Fourier publia son premier grand ouvrage,
la Théorie des quatre mouvements et des destinées
générales ('1808, in-8), développée et précisée dans le
Traité d'association domestique agricole (Besançon et
Paris, 1822, 2 vol. in-8) ; ensuite parurent: le Nouveau
Monde industriel, ou Invention du procédé d'indus-
trie attrayante et combinée, distribuée en séries pas-
sionnées (Paris, 1829, in-8), précédé d'un Livret d'an-
nonce publié à part et portant le même titre ; Pièges et
charlatanisme des deux sectes, Saint-Simon et Owen,
qui promettent V association et le progrès; Moyen
d'organiser en deux mois le progrès réel, la vraie
association, ou Combinaison des travaux agricoles et
domestiques, donnant quadruple produit, et élevant
à 25 milliards le revenu de la Finance, borné aujour-
d'hui à 6 milliards un tiers (Paris, 1831, in-8) ; la
Fausse Industrie morcelée, répugnante, mensongère, et
V antidote, l'industrie naturelle, combinée, attrayante,
véridique, donnant quadruple produit (Paris, 1835-36,
2 vol. in- 12 ; le deuxième volume était sous presse lorsque
l'auteur mourut ; il fut terminé par les soins de ses dis-
ciples). Les fouriéristes ont publié les OEuvres complètes
de Fourier en six volumes (Paris, 1840-45); ils n'y ont
pas compris toutefois divers articles du journal le Pha-
lanstère, devenu à partir du n° 15 la Réforme indus-
trielle, ni de la Phalange, qui succéda en '1838 à la
Réforme industrielle et qui prit en 1845 le sous-titre de
Revue de la science sociale (V. Fouriérisme). ïï. Monin.
Bibl. : Première Commémoration du jour de naissance
de Charles Fourier ; Paris, 1838, in-8. — Charles Pella-
rin, Charles Fourier, sa vie et sa théorie; Paris, 1843,
2e éd., in-16.— Jean Czynski, Notice bibliographique sur
Charles Fourier, suivie des statuts du comité de la sous-
cription phalanstérienne ; Paris, 1841, in-32. — Parisot,
Fourier, sa vie, ses œuvres, simple esquisse extraite de la
Biographie universelle; Paris, 1856, in-18. — Al. Esti-
gnard, Portraits franc-comtois ; Paris, 1887, t. II, in-8. —
E. Ferraz, le Socialisme, le naturalisme et le positivisme;
Paris, 1877, pp. 83 à 152, in-8.
FOURIER (Adolphe), ingénieur français, né à Angers
le 22 oct. 1798, mort le 26 oct. 1854. Il appartenait au
corps des ponts et chaussées, et a coopéré aux travaux des
routes stratégiques, aux travaux de navigation dans le
Maine et l'Anjou, etc. On a de lui, dans les Annales de
son corps, un mémoire sur le tirage des chevaux (1836).
FOURIER de Bacourt (Adolphe) (V. Bacourt).
FOURIÉRISME. Doctrine de Ch. Fourier, plus ou moins
développée ou amendée après lui. Suivant Fourier, la vie
de l'univers se manifeste par quatre mouvements, le mou-
vement matériel, le mouvement organique, le mouvement
animal et le mouvement social. Newton et Leibniz ont
découvert les lois du premier mouvement ; lui, Fourier, a
découvert celles des quatre mouvements, c.-à-d. delà vie
universelle. La terre doit vivre 80,000 ans ; 5,000 ans de
misères et d'épreuves (qui vont prendre fin), 70,000 ans
de bonheur et d'union (apogée) et 5,000 ans de maux de
toute sorte, qui se termineront par la mort de la planète.
Les lois du monde moral sont altérées par les institutions
des civilisés, le mariage permanent par exemple, qui a huit
inconvénients (malheur hasardé, dépense, vigilance, mono-
tonie, stérilité, veuvage, alliance, infidélité) ; la liberté
amoureuse est au contraire le principe de toute perfection
et de tout bonheur ; l'indépendance sexuelle de la femme
doit être égale à celle de l'homme. Dans le même ordre
d'idées, Fourier regrette que les philosophes politiques de
l'époque révolutionnaire, au lieu de leur déesse Raison et
de leur austère théophilanthropie, n'aient pas hardiment
essayé de fonder une religion de la volupté, la seule qui
pût efficacement s'opposer aux vieilles idées chrétiennes.
Où Fourier montre plus de justesse d'esprit et d'observa-
tion, c'est dans la critique qu'il fait des abus du commerce,
du vol sous le nom de faillite, de l'accaparement qui
s'attaque toujours à la partie faible de l'industrie, du para-
sitisme des intermédiaires, débitants, revendeurs, etc. —
Le livre des quatre mouvements ne fit aucune impression
sur le public, et ce ne fut même qu'en 1816, huit ans
après, que Fourier eut son premier disciple, Just Muiron,
chef de division de la préfecture du Doubs (par qui nous
avons d'ailleurs entendu réprouver, dans sa vieillesse, la
partie malsaine et immorale du système). Dans l'Asso-
ciation agricole (1822) et dans le Nouveau Monde
industriel (1829), l'obstiné réformateur préconise une
immense association ayant pour principe l'agriculture, et
devant substituer la gestion unitaire à la gestion morcelée,
incohérente, aux maux incalculables d'une absurde con-
currence. S'il est vrai qu'un village de 100 familles trouve
un avantage considérable à construire un four banal, plu-
tôt qu'à en employer 100, pourquoi ne pas appliquer cette
observation de sens commun à toute l'industrie humaine ?
Pourquoi ces 100 familles n'exploiteraient-elles pas leurs
biens en commun, comme une réunion d'actionnaires,
rétribués chacun en raison du capital, du travail et du
talent? 100 laitières qui vont perdre 100 matinées à la
ville ne peuvent-elles pas être remplacées économique-
ment par un petit char suspendu, portant un tonneau de
lait ? Pourquoi 100 cuisines pour 100 familles, au lieu
d'une seule bien organisée ? Pour triompher de ces funestes
habitudes d'isolement, de ce gaspillage de forces humaines,
le philosophe ne fait pas appel à l'intervention de la loi.
D'après lui, « l'attraction passionnelle » est capable de
transformer en plaisirs les travaux auxquels les salariés
ne sont enchaînés que par la nécessité de vivre. Il y a 12
passions radicales : 1° 5 sensuelles répondant aux 5 sens
et ayant pour but le luxe interne (santé, vigueur, etc.) et
le luxe externe (richesse) ; 2° 4 affectueuses ayant pour
objeUes groupes: ce sont l'amitié, l'ambition, Famour, le
familisme ; 3° 3 mécanisantes, la cabaliste, la papillonne
et la composite, tendant à harmoniser les 5 ressorts sen-
suels et les 4 ressorts affectueux en jeu interne (individuel)
ou externe (social). En effet, dans le même homme, les
passions se contrarient souvent, et plus encore d'un homme
aux autres. C'est l'appropriation du milieu où elles évo-
luent qui doit les mettre d'accord, les amener à Yuni-
téisme. Leurs combinaisons dans les individus peuvent for-
mer 810 caractères : nous sommes solitones, bitones, etc.,
selon que une, deux, etc., passions maîtresses dominent en
nous : Bonaparte était un hexatone. — - La papillonne
est le besoin de changer d'occupation ; la cabaliste est
l'esprit d'intrigue et de cabale ; la composite est une fougue
aveugle, enthousiaste et synthétiste. La première « .en-
grène » les séries passionnelles ; la deuxième les « riva-
lise » ; la troisième les « exalte ». Tels sont les grands
moteurs du travail attrayant. Quant à la pensée, quant à
l'idée du devoir, quant à l'exercice spontané de la liberté
individuelle, Fourier n'en fait aucune mention. Parmi les
passions, il oublie (comme le note M. E. Ferraz) l'amour
du vrai, principe de la science, l'amour du beau, principe
de l'art, l'amour du juste, principe de la morale et de la
législation, le sentiment de l'infini, fondement des reli-
gions. — Les 810 caractères déterminés, obéissant aux
12 passions radicales, forment l'élément de la phalange,
composée de 1,620 personnes (810 X 2), en tenant
compte des non-valeurs, enfants, vieillards, malades. Cette
phalange exploitera une lieue carrée de terrain et occupera
un' vaste bâtiment ou phalanstère. L'éducation des enfants
en commun a lieu par l'imitation et l'émulation : le vrai
instituteur de l'enfant est un enfant un peu plus âgé que
lui-même. A l'âge pubère, afin d'établir les mœurs pha-
nérogames, c.-à-d. la franchise dans les relations amou-
reuses, Fourier distribue les jeunes gens et les jeunes filles
en deux corporations entre lesquelles il leur est permis de
choisir le vestalat et le damoisellat. L'idéal du premier
est la chasteté (au moins pendant trois ans) ; celui da
second, la fidélité. Fourier indique nombre d'expédients
pour connaître et stimuler les vocations et les goûts natu-
rels des enfants et des jeunes gens : c'est une des parties
les plus ingénieuses du système . Mais il oublie constam-
ment que l'enfant, comme l'homme, ne se développe qu'en
prenant de la peine. — La même attraction passionnelle
sur laquelle il fonde l'éducation est aussi d'après lui le
principe de l'organisation sociale. De la gourmandise, de la
gastronomie naît, dans la société harmonienne, la gas-
trosophie ou sagesse hygiénique, à laquelle, dans la période
de transformation, tout" doit céder le pas. La cupidité,
l'ambition, l'amour sexuel, loin d'être réprimés, seront
encouragés, organisés; le« familisme » égoïste de la « civi-
lisation » sera noyé et absorbé dans des groupes supérieurs.
— Fourier ne sort de cette prodigieuse utopie de déver-
gondage et d'immoralité que pour retracer à sa façon l'his-
toire ancienne et future des périodes de l'humanité (société
édénique, société sauvage, société patriarcale, société civi-
lisée, — garantisme, sociantisme et harmonisme). Dans
cette dernière période, « la nature se mettra à l'unisson de
l'humanité ». La planète, qui a deux âmes et deux sexes,
et qui n'a encore produit que deux créations, redeviendra
féconde et produira 16 autres créations successives. Voici
venir les antilions et les antibaleines, monstres domes-
tiqués au service de l'humanité nouvelle. L'eau de mer se
transforme en limonade. L'homme acquiert de nouveaux
organes, comme un œil derrière la tête, etc. C'est le der-
nier mot de la folie constructive : dans ses promenades,
Fourier ne se séparait jamais de sa canne métrique, re-
construisant en idée les édifices privés et publics, alignant
les rues, régularisant les places. J'ai eu de lui entre les
mains un manuscrit où il rebâtissait de fond en comble sa
ville natale, Besançon : plusieurs de ses idées (sans que
les ingénieurs les eussent d'ailleurs connues) ont été
depuis réalisées : l'ensemble était utopique. N'est-ce pas
l'image de tout son système social ? En métaphysique, Fou-
rier fonde l'immortalité de l'âme sur notre désir de desti-
nées supérieures ; il imagine des perfectionnements successifs
de l'individu à travers de nouveaux milieux, mais sans
changement dans la nature même des plaisirs, essentielle-
ment sensuels (V. Métempsychose) . L'idée philosophique
du bonheur, l'idée chrétienne de la béatitude lui sont
entièrement étrangères. En religion, il est absolument
anthropomorphiste et attribue à Dieu toutes les passions
radicales qu'il a découvertes chez l'homme, avec une sorte
de corps lumineux.
Les principaux disciples de Fourier furent, après Just
Muiron, deux anciens saint-simoniens, J. Lechevalier et
Abel Transon; M. Baudet-Dulary, promoteur de la tenta-
tive du phalanstère de Condé-sur-Vesgre, qui n'aboutit pas.
Les fouriéristes et surtout Victor Considérant (V. ce nom)
atténuèrent plutôt qu'ils ne développèrent les idées du
maître ; ils eurent aussi le mérite de reconnaître les bien-
faits que -la Révolution de 1789, maudite par Fourier,
avait apportés au monde. A l'école de Fourier se rattachent
plus ou moins Jean Reynaud, Paget, Cantagrel, de Pom-
péry, Pellarin son biographe, Eugène Sue dans les Sept
Péchés capitaux, Mmes Vigoureux et Gatti de Gamond.
H. Monin.
Bibl. : V. Fourier.
FOURILLES. Corn, du dép. de l'Allier, arr. de Gannat,
cant. de Chantelle ; 452 hab.
FOURMAGNAC Corn, du dép. du Lot, arr. et cant. (0.)
de Figeac ; 282 hab.
FOU RM E NT (Louis-François Luglien, baron de), homme
politique français, né à Roye (Somme) le 18 janv. 1788,
mort à Frévent (Pas-de-Calais) le 17 nov. 1864. Avocat,
auditeur au conseil d'Etat, il fut nommé en 1814 sous-
préfet de Soissons et démissionna peu après pour diriger
une importante fabrique de laine. Elu représentant de la
Somme à l'Assemblée constituante le 23 avr. 1848, il sié-
gea à droite et appuya la politique de l'Elysée. Réélu à la
— 911 — FOURIÉRISME — FOURMI
Législative le 13 mai 1849, il approuva le coup d'Etat du
2 décembre et fut nommé sénateur le 26 janv. 1852. —
Son fils, Auguste- Antoine, né à Paris le 18 janv. 1821,
s'occupa de la direction des manufactures de son père. Le
18 août 1867, il fut élu député de la Somme au Corps légis-
latif, fut réélu le 24 mai 1869 et appuya constamment la
politique de l'Empire. Depuis l'avènement de la troisième
République, il s'est présenté plusieurs fois sans succès aux
élections législatives.
FOURMÈTOT. Corn, du dép. de l'Eure, arr. et cant.
de Pont-Audemer ; 483 hab.
FOURMI. I. Entomologie. — Les Fourmis sont des
Insectes remarquables appartenant à l'ordre des Hyméno-
ptères et à la grande division des Porte-Aiguillon. Par leurs
mœurs presque exclusivement sociales et leur reproduction
polymorphe, elles constituent, dans le sous-ordre des Hymé-
noptères à abdomen pétiole, un groupe des plus aberrants,
celui des Formicides, qui n'a d'analogue que celui des Ter-
mites (V. ce mot), parmi les Orthoptères-Pseudonévro-
ptères. Sauf de très rares exceptions, chacune de leurs
sociétés se compose de trois sortes d'individus : des neutres
ou ouvrières toujours aptères, des mâles et des femelles
ailés.
I. Caractères généraux.-— Les caractères généraux des
Fourmis peuvent se résumer ainsi qu'il suit. Le corps est
toujours plus ou moins allongé et de couleur ordinairement
sombre, composée de jaune, de rouge, de brun et de noir,
ou du mélange de ces nuances en diverses proportions. La
tête (fig. 1 ) , de forme variable selon les espèces, est une sorte
de boîte chitineuse, pourvue de deux ouvertures, l'une à son
point de jonction avec le thorax et qu'on nomme le trou
occipital, l'autre en avant et constituant la bouche. Celle-ci
est pourvue de
deux fortes man-
dibules, le plus
souvent triangu-
laires et dentées
en scie à leur
bord interne; ces
mandibules, dont
le rôle est des plus
importants, cons-
tituent, en même
temps qu'une
arme puissante ,
un instrument de
travail des plus
précieux pour les
Fourmis. Elles leur servent, en effet, de scie ou de ciseaux pour
couper, de tenailles pour arracher ou déchirer, de mains pour
transporter, de truelle pour gâcher, lisser, assujettir, de
pelles pour l'enlèvement des déblais, etc. Leurs fonctions
sont si multiples qu'on pourrait presque dire qu'elles ne sont
impropres qu'à la mastication des aliments, car les Fourmis
ne se nourrissent que de substances fluides ou semi-fluides
et sont incapables de mâcher leur nourriture dans le sens
propre du mot. Les yeux sont elliptiques, plus rarement
presque circulaires ou faiblement rèniformes. Les ocelles
ou yeux lisses, placés en triangle sur le vertex, existent
toujours chez les mâles et les femelles, mais ils manquent
très souvent chez les ouvrières qui, parfois, n'en présen-
tent qu'un seul au milieu du front. Les antennes, extrê-
mement mobiles, sont insérées dans des cavités articulaires,
sous le rebord interne des arêtes frontales. Elles se com-
posent d'un premier article ou scape souvent très long et
d'un certain nombre d'autres plus petits, faisant coude avec
le premier et dont l'ensemble constitue le funicule; celui-ci
est le plus fréquemment formé de douze articles chez les
mâles et de onze seulement chez les femelles et les ouvrières.
Les ailes n'existent que chez les mâles et les femelles vierges.
L'abdomen est composé de sept anneaux chez les mâles, de
six seulement chez les femelles et les ouvrières. Le pre-
mier ou les deux premiers, fortement rétrécis en forme de
• Tête de Formica, rufa L.
(très grossie).
FOURMI
- 912 —
Formica rufa L., mâle
(très grossi).
pétiole, contribuent à donner aux Fourmis leur physiono-
mie propre et à les distinguer facilement des autres Hymé-
noptères. Quand le pétiole est monoarticulé, il a ordinai-
rement l'apparence d'une lame verticale ou écaille, variable
de hauteur et d'épaisseur ; quand il est biarticulé, le pre-
mier article est plus ou moins cylindrique en avant, épaissi
en arrière en forme de nœud, et le second affecte la figure
d'une nodosité anguleuse ou arrondie. Les pattes sont ter-
minées chacune par un tarse de cinq articles, dont le pre-
mier est beaucoup
plus long que les
autres et dont le der-
nier porte à son ex-
trémité deux crochets
simples ou dentés,
entre lesquels sont
placées de petites pe-
lotes membraneuses
(pulvillï), hérissées
de poils courts et très
nombreux. Enfin, à
l'extrémité de chacun
des tibias est placé un
éperon qui figure un véritable peigne aux deux pattes anté-
rieures et se transforme le plus ordinairement en une simple
épine ou même fait complètement défaut aux quatre pattes
postérieures. Cet éperon est arqué, dirigé en bas, et sa conca-
vité dentée vient s'opposer à une concavité en sens inverse
creusée dans le tibia et garnie de cils raides en forme de
brosse. C'est dans l'espace compris entre ces deux échan-
crures pectinée et ciliée que les Fourmis passent leurs an-
tennes et leurs pattes pour les nettoyer ; elles s'en servent
également pour lisser leurs poils et faire la toilette de leur
corps.
Chez les Fourmis, les mâles (fig. 2), toujours ailés (saut
dans VAnergates atratulus Sch.),se reconnaissent à leur
abdomen de sept
segments, àjleur
tête petite et glo-
buleuse, tou-
jours pourvue
d'yeux et d'o-
celles ordinaire-
ment gros et
saillants, à leurs
antennes grêles
dontlescape est
souvent très
court et dont le
funicule est
composé le plus ordinairement de douze articles, ce qui ne
se présente jamais chez les femelles. Celles-ci (fig. 3) ont
aussi constamment des ailes, mais elles les perdent aussitôt
après la fécondation, soit qu'elles se les coupent elles-mêmes,
soit que les ouvrières les leur arrachent. Les neutres ou
ouvrières (fig. 4) sont caractérisées nettement par l'absence
d'ailes et par la simplification de leur mésonotum qui est
dépourvu de scutellum, de
lobes latéraux et de postscu-
tellum. De même que les fe-
melles, elles sont pourvues,
à l'extrémité de l'abdomen,
de deux glandes vénénifiques
sécrétant de l'acide formique.
Certaines espèces sont ar-
mées d'un aiguillon lisse ou barbelé, et c'est dans la plaie
résultant de sa piqûre qu'est déversé le venin. Chez un
grand nombre d'autres, au contraire, l'aiguillon est nul
ou rudimentaire ; mais elles peuvent alors soit faire jaillir
leur venin à distance, soit en couvrir leur ennemi en le
touchant de l'extrémité de l'abdomen. Les ouvrières sont
toujours en bien plus grand nombre dans une même four-
milière relativement aux mâles et aux femelles, qui ne s'y
Fig. 3. ■
Formica rufa L., femelle
(très grossie).
Lig. 4. — Formica rufa L.,
ouvrière (grossie).
rencontrent qu'à certaines époques de l'année, si on en
excepte toutefois la femelle ou les femelles fécondes. Elles
présentent souvent entre elles une grande différence de
taille. Il y en a de très petites à tête proportionnée à leur
taille, et de très grandes munies d'une tête énorme. On donne
aux premières le nom d'ouvrières major; aux secondes, celui
d'ouvrières minor. Mais on trouve tous les intermédiaires
entre ces deux extrêmes, et les unes et les autres n'ont pas
de fonction distincte dans la colonie. Il est cependant cer-
taines Fourmis chez lesquelles les individus de transition
n'existent pas. Dans les genres Colobopsis, Pheidole, Eci-
ton, par exemple, les ouvrières forment deux castes bien
tranchées. Les unes ne diffèrent pas des ouvrières des autres
genres et sont chargées des mêmes fonctions (construction
des nids, éducation des larves, etc.). Les autres, d'une taille
plus forte, pourvues d'une tête énorme et de mandibules
puissantes, forment une véritable armée dont le rôle con-
siste surtout à protéger la fourmilière contre les attaques
des agresseurs. Cette catégorie d'ouvrières a reçu le nom
de soldats. Mais, malgré leur aspect formidable, ces sol-
dats sont loin d'avoir les mœurs sanguinaires de certaines
autres Fourmis, d'apparence moins terrible (Polyergus,
Strongylotarsus, Formica sanguinea Latr.), qui entre-
prennent de véritables guerres de conquête, d'où elles rap-
portent des prisonniers, sur lesquels elles se déchargent de
leurs travaux .
IL Physiologie et biologie.— Le régime alimentaire des
Fourmis, aussi bien dans le premier âge qu'à l'état par-
fait, est extrêmement varié, et, sauf quelques exceptions très
rares , elles s'accommodent indifféremment de substances
végétales ou de substances animales. Toutefois, la structure
de leur bouche ne leur permet de se nourrir que d'aliments
fluides ou semi-fluides qu'elles lèchent ou lapent au moyen
de leur langue. Elles sont tout à fait incapables de mâcher
des corps solides ; tout ce qu'elles peuvent faire, c'est de
les déchirer avec leurs mandibules pour lécher ensuite les
sucs qu'ils peuvent contenir. Les entrailles des proies succu-
lentes, les viandes molles, le nectar des fleurs, la pulpe des
fruits mûrs et crevassés, les substances amylacées ou gom-
meuses, les sirops, les sucreries sont leurs mets de prédi-
lection. Il faut y ajouter la liqueur émise par les Pucerons
et le miellat sécrété par les Cochenilles, qui entrent pour
une large part dans l'alimentation de beaucoup d'espèces.
Depuis les temps les plus reculés, les Fourmis ont attiré
l'attention, éveillé l'intérêt de tous ceux qui s'attachent à
l'étude des faits et gestes des animaux. La preuve en est
dans les observations parfois exactes des prophètes et des
philosophes les plus anciens, qui ont admiré leur puissance
de travail, leur intelligence, la faculté qu'elles ont de com-
muniquer entre elles, leur prévoyance et leur assiduité au
travail. Cicéron n'a-t-il pas dit (406 av. J.-C.) : In for-
mica non modo sensus, sed etiam mens, ratio, mé-
morial Cette vérité a été corroborée par les nombreuses
et consciencieuses observations dont elles ont été l'objet
dans la suite des siècles, et l'on ne peut plus mettre en
doute aujourd'hui que ces curieux Hyménoptères n'aient de
la mémoire, ne puissent se reconnaître entre elles, échan-
ger des communications et s'encourager au travail commun.
A peu d'exceptions près, toutes les espèces de Fourmis
vivent dans des habitations communes ou fourmilières,
qui ont de grands rapports de ressemblance avec les ter-
mitières (V. Termite). Ces habitations communes, souvent
à plusieurs étages, sont pourvues de galeries, de loges ou
chambres d'aération, de couvoirs, de nourriceries pour les
œufs et pour les nymphes, quelquefois seulement de maga-
sins de provisions. « Leur architecture, dit M. E. André
(les Fourmis, 1885, p. 95), est tellement variée que
chaque espèce a, pour ainsi dire, la sienne propre, et qu'un
œil exercé pourrait presque toujours nommer l'ouvrière qui
a creusé telles galeries ou élevé tel édifice. Cette variété se
complique encore de la fantaisie individuelle des architectes
qui, bien différents en cela des Guêpes et des Abeilles, dé-
daignent l'équerre et le compas, la ligne droite et la mesure
913 —
FOURMI
des angles, pour se livrer tout entiers à l'inspiration capri-
cieuse du moment, à l'improvisation spontanée de leurs
curieux labyrinthes. Pas de plan arrêté, pas de méthodes
précises, pas de disposition géométrique ; leurs chambres,
leurs galeries, leurs couloirs s'enchevêtrent, se contournent
de mille manières, et cependant l'édifice conserve toujours
un cachet d'ensemble qui décèle ses constructeurs et trahit
leur génie personnel. Ce qui étonne le plus, quand on con-
naît la manière de faire de ces petits ouvriers, ce n'est pas
l'irrégularité de leur œuvre, mais, au contraire, la dispo-
sition générale si bien appropriée aux divers services qui y
seront installés. » A cette variété dans l'exécution se joint
la diversité des moyens employés ou des matériaux mis en
œuvre. Telles Fourmis se creusent simplement des galeries
souterraines communiquant par une ou plusieurs ouvertures
à la surface du sol ou bien profitent de la présence d'une
pierre plate pour établir leur domicile. Telles autres sur-
montent leur demeure d'un dôme maçonné ou d'un monti-
cule formé de matériaux divers (feuilles sèches, aiguilles
de Conifères, brindilles, tiges de Graminées, etc.). Il en
est qui sculptent le bois ou qui fabriquent une pâte spéciale
pour en modeler leurs appartements. Quelques-unes recher-
chent les galles creuses ou l'intérieur de certaines excrois-
sances végétales dans lesquelles elles s'installent ; d'autres,
enfin, se font un nid de feuilles réunies par leurs bords ou
habitent les cavités naturelles des tiges, des fruits, des
épines, etc. Par suite, l'ensemble de ces habitations peut
être partagé en deux grandes catégories, les habitations
hypogées et les habitations épigées. Dans la première ca-
tégorie viennent se ranger : d'une part, les nids composés
de terre pure, tantôt simplement minés dans le sol, sans
aucune construction extérieure, tantôt surmontés d'un dôme
en maçonnerie de plus ou moins grandes dimensions ;
d'autre part, les nids minés dans le sol comme les précé-
dents, mais surmontés d'un dôme (fig. o), souvent considé-
Fig
Nicl de Lasius niger L.
rable, formé de brindilles de bois, d'aiguilles de Conifères, de
fragments de feuilles, de graines, de petites pierres et jus-
qu'à des coquilles de jeunes Colimaçons. La plus connue de
ces habitations est celle du Formica rufaL., si commune
dans les forêts et les grands bois et qui peut atteindre jus-
qu'à 1 m. d'élévation et 2 m. de diamètre à la base. Le For-
mica pratensis de G. édifie des monticules analogues, mais
plus petits, qu'elle place généralement le long des haies et
sur le bord des chemins. Quant à la catégorie des habita-
tions épigées, elle comprend d'abord les nids établis dans
les fentes des rochers, les interstices des murailles ou même
dans l'intérieur de nos habitations, puis les nids sculptés
dans les bois coupés, dans les vieilles souches, dans le tronc,
les branches ou l'écorce des arbres, sans altération de sub-
stance, enfin les nids de matière papyracée ou de débris
végétaux transformés et les nids divers qui ne rentrent
dans aucune des divisions précédentes.
A une époque déterminée , mais variable suivant les es-
pèces, les Fourmis mâles , très nombreuses , sortent des
fourmilières en même temps que les femelles aptes à la
fécondation. Les mâles s'envolent à leur suite et se réu-
nissent à elles dans l'atmosphère. Ces essaimages ont lieu
d'ordinaire par un temps chaud. Quand le mâle est très
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
petit par rapport à la femelle, la copulation a lieu en l'air
et le mâle est emporté par la femelle. Lorsque le mâle est
de taille convenable, il saisit la femelle au vol, mais l'ac-
couplement a lieu à terre. Cet accouplement ne dure sou-
vent que quelques minutes et un autre mâle vient aussitôt
féconder la même femelle. Quoi qu'il en soit,' les mâles, une
fois leur mission fécondatrice terminée, errent au hasard
comme des êtres désormais inutiles, et ils périssent bientôt,
soit naturellement, soit en devenant la proie des Oiseaux ou
des Insectes carnassiers. Quant aux femelles fécondées,
elles retombent sur le sol où elles ne tardent pas à s'ar-
racher les ailes qui sont faiblement articulées. Ces femelles
sont recherchées, recueillies et entraînées par les ouvrières
de la fourmilière d'où elles sont sorties ou bien par des ou-
vrières d'autres fourmilières de même espèce. Contrairement
à ce qui se passe dans les ruches d'Abeilles, les fourmilières
peuvent posséder plusieurs femelles fécondées qui, toutes,
vivent en bonne intelligence et sont l'objet des mêmes soins de
la part des ouvrières. Elles conservent, d'ailleurs, leur fécon-
dité pendant toute leur existence, sans avoir besoin de
nouvelles approches du mâle et peuvent continuer pendant
huit à neuf ans, comme l'a démontré Lubbock, à fournir la
communauté d'une population nombreuse et sans cesse renou-
velée. Au moment de la ponte, les œufs des Fourmis res-
semblent à des petites graines allongées, blanchâtres ou
Fig. 6. — Œufs, larve et nymphe de Formica ru/a L.
(grossis).
jaunâtres et opaques. Les ouvrières les recueillent, les
disposent en petits tas, et les lèchent constamment; c'est à
la nutrition endosmotique produite par ces soins continuels
qu'ils doivent leur accroissement. En augmentant de vo-
lume, ils deviennent translulcides. Bientôt de chacun d'eux
sort une petite larve, variable de forme suivant les genres,
mais toujours apode, aveugle, blanche, composée de douze
segments peu distincts, avec la tête plus étroite que le
reste du corps et inclinée en avant. Son extrémité buccale
est étroite, recourbée en arc et pointue; l'extrémité anale
est arrondie et renflée. Ces larves sont incapables de se
nourrir sans le secours des ouvrières , qui leur dégorgent
dans la bouche les sucs nourriciers qu'elles ont mis en
réserve dans leur jabot. De plus, les ouvrières les nettoient
constamment et les transportent d'un endroit dans un autre
du nid, suivant les heures de la journée, afin de les sous-
traire au froid , à l'humidité en excès , aux rayons d'un
soleil trop ardent. Quant elles sont arrivées au maximum
de leur croissance , ce qui a lieu après une période com-
prise entre un et neuf mois, elles se transforment en
nymphes tantôt nues , tantôt entourées d'un cocon soyeux
dans l'intérieur duquel elles subissent leur métamorphose
en Insectes parfaits. Ce sont ces cocons, désignés à tort
sous le nom à'œufs de Fourmis, que l'on recueille pour
nourrir les Faisans, les Perdrix, les Rossignols, etc. Les
nymphes des deux sexes et celles des diverses formes d'ou-
vrières ne grossissent point et sont distinctes dès le début.
Elles présentent toutes les formes des Insectes parfaits,
mais elles sont immobiles et ne prennent aucune nourri-
ture. Les ouvrières les lèchent, les nettoient, les trans-
portent comme les larves. Leur éclosion se prolonge long-
temps. Ce sont toujours les ouvrières qui déchirent les
cocons et qui les aident à en sortir. Le plus ordinairement
aussi, ce sont elles qui aident l'Insecte adulte à sortir de
sa peau de nymphe et à étendre ses ailes, s'il est sexué.
Dans la grande majorité des cas, les sociétés des Four-
mis sont des sociétés simples, c.-à-d. composées d'indi-
58
FOURMI
— 914
vidus d'une seule et même espèce. Mais il est certaines
espèces dépourvues de toute industrie et incapables de
remplir aucun des soins que nécessitent la construction de
leur habitation, l'éducation de leurs larves, parfois même
leur propre alimentation. Pour remplir les fonctions domes-
tiques de leur intérieur, il leur faut donc des auxiliaires
(nous allions dire des esclaves !), et ces auxiliaires elles
les conquièrent de vive force en s'emparant des nymphes
et des cocons d'espèces industrieuses et en les transportant
chez elles. Il en résulte que les Fourmis qui sortent de ces
nymphes et de ces cocons, trompées par leurs instincts, se
mettent à soigner leurs ravisseurs dans l'ignorance qu'elles
sont du rapt dont elles ont été victimes. Ces singulières,
sociétés, dont l'histoire constitue une des parties les plus
intéressantes de la biographie des Fourmis, forment ce qu'on
appelle les fourmilières mixtes, c.-à-d. des fourmilières
composées d'une espèce principale et d'une ou plusieurs
espèces auxiliaires vivant en commun et en bonne intelli-
gence L'espèce principale a, comme d'ordinaire, une ou
plusieurs femelles fécondées, des ouvrières et, à certaines
époques de l'année, des individus reproducteurs des deux
sexes. L'espèce ou les espèces auxiliaires, au contraire, ne
comprennent que des ouvrières dont toute l'activité se dé-
veloppe au profit exclusif ie l'espèce principale et sans
qu'elles aient aucun intérêt personnel dans la communauté.
C'est ainsi, par exemple, que le Formica sanguinea Latr.,
qui forme parfois à lui seul des colonies simples, s'associe
le plus souvent comme auxiliaires des ouvrières du
F. fusca L. ou du F, ruflbarbis Fabr., quelquefois aussi
du F. gagates Latr. et du Lasius alienus Foerst., espèce
beaucoup plus petite que lui. Mentionnons également le
Strongylognathus testaceus Sch., qui a pour auxiliaires
les ouvrières du Tetramorium cœspitum L. ; puis VAner-
gates atratulus Sch., dont les colonies, composées seule-
ment de mâles aptères et de femelles, sans ouvrières, sont
toujours réunies aux ouvrières du Tetramorium cœspi-
tum L.
Les Fourmis sont en relations fréquentes avec un grand
nombre d'espèces d'animaux arthropodes, soit que ces
espèces vivent en commensales dans les fourmilières, soit
que les Fourmis aillent les chercher au dehors. Dans ce
dernier cas, ce sont les Pucerons qui sont leurs privilégiés,
ceux qu'elles affectionnent le plus. Ces Hémiptères, en effet,
font sortir de leur corps, en arrière, un liquide sucré dont
les Fourmis sont très friandes. Il en est de même du miellat
sucré sécrété par les Cochenilles. C'est ainsi que s'expliquent
les voyages continuels de certaines Fourmis sur les végétaux
chargés de Pucerons ou de Cochenilles. Plusieurs espèces
même, notamment les Lasius niger L., L. brunneus Latr.,
L. emarginatus Latr., les Myrmica lœvinodis Nyl. et
M. scabrinodis Nyl., construisent autour des tiges des
plantes couvertes de Pucerons, des tuyaux ou des pavillons
de terre destinés à protéger leur bétail ; [elles s'y éta-
blissent avec leurs larves et se trouvent ainsi tout à fait à
portée de leurs animaux domestiques. En ce qui concerne
les nombreux Arthropodes qui se rencontrent dans les four-
milières et qui paraissent vivre en bonne intelligence avec
les propriétaires des nids qu'ils habitent, la plus grande
incertitude règne encore sur la nature de leurs rapports
avec les Fourmis. Les uns ne s'y trouvent qu'accidentelle-
ment, et leur genre de vie n'est pas intimement lié à leur
séjour chez ces Hyménoptères. D'autres, au contraire, y
vivent constamment, ne se montrent jamais ailleurs et
paraissent, de la part de leurs hôtes, l'objet de certaines
attentions. Ces animaux myrmécophiles appartiennent
surtout à l'ordre des Coléoptères. Ce sont principalement
des Staphylinides, des Psélaphiens, des Clavigérides, des
Paussides et des Scydménides. D'après Millier et Lespès,
certains Staphylins, notamment les Lomechusa, seraient,
de même que les Claviger aveugles, nourris par les Four-
mis qui, en retour, profiteraient de la liqueur sucrée sé-
crétée par les petites touffes de poils dont ces Insectes sont
pourvus à l'extrémité des élytres ou de l'abdomen. On
trouve également dans les fourmilières bon nombre de Sil -
phides, de Trichoptérides, d'Histérides, de Lathridiides, plu-
sieurs Curculionides ; enfin certaines larves de Cétoines,
de Cryptocéphales et de Clytra. Plusieurs Hémiptères
(Plinthisus minutissimus Tieb., Orthostira obscur a
Schœf., Myrmedonia coleoptrata Fall., Tettigometra
bifoveolata Sign., etc.) sont aussi les commensaux assidus
de certaines Fourmis. Il en est de même d'un Orthoptère,
le Myrmecophila acervorum Panz., de quelques Hyménop-
tères et Diptères, d'un Thysanoure (VAleturaformicaria
Heyd.), d'un petit Crustacé blanc, voisin des Cloportes (le
Platyarthrus Hoffmanseggi Arandt) et des Enyo parmi
les Arachnides. Ces derniers, d'après M. E. Simon, se nour-
rissent des Fourmis parmi lesquelles ils vivent en parasites ;
mais, comme ils sont en général plus petits et plus faibles
que leurs victimes, ils ne s'attaquent qu'aux individus
blessés et incapables de se défendre. Enfin, parmi les For-
micides elles-mêmes, il existe certaines espèces qui vivent
en commensales ou en parasites dans les nids d'autres
espèces. C'est ainsi que le Solenopsis fugax Latr. creuse
souvent ses galeries dans l'épaisseur des cloisons des nids
d'autres espèces plus grosses que lui et dont il dévore les
larves et les nymphes. Citons encore le Tomognathus
sublœvis Nyl. , petite Fourmi du Danemark, qui n'a encore
été trouvée que dans les nids des Leptothorax acervorum
Fabr. et L. muscorum Nyl., puis le Formicoxenus niii-
dwteNyl., de l'Europe septentrionale et centrale, qui vit
constamment et exclusivement dans les nids des Formica
rufa L. et F. pratensis de Geer., avec lesquels il paraît
avoir des relations amicales.
Plusieurs observateurs du plus grand mérite : Swam-
merdam, Christ, Needham, Latreille, Huber, etc. , ont affirmé
que les Fourmis ne font pas de provisions ej qu'elles s'en-
gourdissent ou périssent pendant les froids. D'autre part,
ces Insectes ont été considérés, depuis la plus haute anti-
quité, comme le symbole de la prévoyance. Ces assertions,
en apparence contradictoires, se concilient cependant facile-
ment. Ce qui est vrai pour les Fourmis des contrées boréales
ou tempérées cesse de l'être pour les Fourmis des contrées
méridionales, surtout pour celles des régions tropicales. Il
existe, en effet, certaines espèces qui sont réellement des
Fourmis moissonneuses faisant des provisions d'hiver.
Citons notamment les Aphœnogaster barbara L. et
A. structor Latr. de l'Europe méridionale, dont les habi-
tudes moissonneuses ont été étudiées avec soin par Lespès
et Moggridge. Ces deux espèces amoncellent au fond de
leurs nids, dans des chambres spécialement aménagées,
des" graines d'une foule de végétaux, surtout de céréales et
de plantes potagères. Elles nuisent ainsi considérablement
parfois aux semailles des champs ou des jardins. Elles se
nourrissent de ces graines quand l'amidon qu'elles ren-
ferment s'est transformé en sucre par la germination.
III. Distribution géographique. Classification. — D'après
M. E. André (Species dès Hyménoptères d'Europe, t. II,
p. 405), ce qui caractérise surtout les Fourmis au point de
vue géographique, c'est la grande extension de leur habitat
et le cosmopolitisme de beaucoup d'espèces. Elles se ren-
contrent dans les pays les plus divers, pourvu qu'ils pré-
sentent les mêmes conditions de température et d'altitude, et
certaines espèces des régions intertropicales se trouvent dans
toutes les régions chaudes du globe. Ce sont, d'ailleurs, des
Insectes amis de la chaleur. Plus on se rapproche de l'équa-
teur, plus leurs espèces deviennent nombreuses pour at-
teindre leur maximum de développement sous les tropiques
et disparaître ensuite presque complètement vers le 65e de-
gré de lat. On en connaît actuellement près de 2,000 espèces,
dont 120 à peine habitent l'Europe. Ces espèces se répar-
tissent dans quatre familles : les Formicides vraies, les
Dorylides, les Ponérides, chez lesquelles le pétiole abdo-
minal est formé d'un seul article, et les Myrmicides, qui
ont ce même pétiole formé de deux articles.
Les Formicides vraies ont l'épistome toujours distinct
et souvent assez grand, le pétiole abdominal le plus ordi-
- 945 —
FOURMI
nairement surmonté d'une écaille, l'abdomen proprement
dit non étranglé entre le premier et le second segment ;
l'aiguillon est nul ou rudimentaire chez les femelles et les
ouvrières ; enfin, les nymphes sont tantôt nues, tantôt en-
tourées d'une coque soyeuse. Elles ont pour type le genre
Formica L., qui renferme une vingtaine d'espèces appar-
tenant presque toutes à la faune européenne et à celle de
l'Amérique du Nord. L'espèce la plus anciennement connue,
F. rufa L., ou Fourmi rousse, vit à peu près exclusive-
ment dans les grands bois, où ses nids coniques, formés de
petites branchettes accumulées, atteignent souvent des pro-
portions considérables. C'est une Fourmi hardie et belli-
queuse qui peut faire jaillir son venin à une assez grande
distance et même à 60 centim. de hauteur (E. André). Ses
nymphes, presque toujours entourées d'un cocon, sont très
recherchées par les faisandiers sous le nom erroné à* œufs
de Fourmis. Une espèce voisine, le F. sanguinea Latr.,
s'empare fréquemment des nids d'autres Fourmis dont elle
a chassé les habitants. Elle vit parfois seule, mais le plus
souvent elle forme des fourmilières mixtes en prenant pour
auxiliaires les F. fusca L. et F. ruflbarbis Fabr., plus
rarement le F. gagates Latr. et le Lasias alienus Fcerst.
C'est au groupe des Formicides vraies qu'appartiennent la
Fourmi hercule (Camponotus Herculeanus L. et sa race Li-
gniperdus Latr.) ainsi que la Fourmi amazone (Polyergus
rufescens Latr.) . La première établit ses nids dans le bois
(fig. 7) et les vieux troncs d'arbres, parfois aussi dans la
Fig. 7. — Nid de Camponotus ligniperdus Latr.
terre avec dômes maçonnés et sous les pierres. La seconde,
au contraire, est incapable de touteindustrie. Ses mandibules
étroites, arquées, sans dentelures, lui interdisent tout tra-
vail, et elle n'a d'autres préoccupations que de se procurer
des auxiliaires sans lesquels il lui serait impossible de vivre.
C'est pourquoi, du milieu de juin au commencement de
septembre, mais surtout en juillet et en août, elle fait des
expéditions presque journalières à la recherche de nids de
Formica fusca L. et F. ruflbarbis Fabr., qu'elle envahit
et dont elle rapporte chez elle les nymphes et les larves
sur le point de se transformer.
Les Dorylides sont, pour la plupart, des Fourmis des
régions intertropicales qui se distinguent des Formicides
vraies par leur épistome très petit ou même indistinct, le
pétiole abdominal cylindrique ou nodiforme et l'absence
d'yeux chez les femelles et les ouvrières.
La famille des Ponérides comprend des Fourmis à vie
souterraine ou cachée, caractérisées surtout par l'abdomen
qui est rétréci entre son premier et son second segment.
Leurs mœurs sont à peu près inconnues. Toutefois, celles
des redoutables Anomma Shuck., ou Fourmis de visite,
ont été décrites en détail par Thomas Savage dans le
tome V (1847) des Mémoires de la Société entomo logique
de Londres. Ces Fourmis se rencontrent clans l'Afrique
tropicale occidentale (Sierra Leone, cap Palmas, Yieux-
Calabar, etc.). Elles sont complètement aveugles et, malgré
cela, semblent fuir la lumière du jour. Essentiellement no-
mades, elles n'ont pas de domicile fixe. Pendant les haltes de
leur vie errante, elles campent provisoirement çà et là sous
quelque abri, dans des terriers creusés à la hâte, ou bien
dans des couloirs faits de terre ou de sable agglutiné. Elles
se mettent en marche par les jours couverts, le soir et la
nuit ; elles forment alors des légions formidables qu'aucun
obstacle n'arrête. Les habitants des villages nègres sont
fréquemment obligés d'abandonner leurs huttes et d'attendre
pour y rentrer que ces légions se soient éloignées.
Essentiellement caractérisée par le pétiole abdominal
formé de deux articles, le plus souvent nodiforme, et par la
présence constante d'un puissant aiguillon chez les femelles
et les ouvrières, la famille des Myrmicides renferme un
nombre considérable d'espèces répandues dans toutes les
parties du monde. Plusieurs d'entre elles ont des mœurs
très remarquables. Telles sont notamment les Fourmis
glaneuses et moissonneuses (V. Aph^nogaster) ; puis
les Fourmis agricoles (Pogonomyrmex barbatus, P.cru-
delis et P. occidentalis) de la Floride, du Colorado, du
Texas et du Nouveau-Mexique, sur lesquelles Darwin a, le
premier, en 1 86 1 , appelé l'attention en publiant les curieuses
observations du Dr Lincecum et qui ont été étudiées plus
tard avec le plus grand soin par miss Treat en 1878, puis
par Mac Cook en 1880. Non seulement ces industrieux
Insectes sont capables de cultiver le sol, de semer et de
récolter, mais encore elles savent distinguer les Graminées
dont les semences leur sont utiles à emmagasiner et vont
même jusqu'à supprimer dans leurs cultures toutes les
autres plantes pour ne laisser croître et prospérer que celles
qui leur fournissent ces semences. C'est également an groupe
des Myrmicides qu'appartiennent les Fourmis coupeuses
de feuilles (OEcodoma cephalotes Latr.) de la Guyane
et du Brésil, qui dépouillent complètement les arbres de
leurs feuilles et qu'on appelle également Fourmis manioc
parce qu'elles mangent les graines de cette plante alimen-
taire ; les Fourmis chasseresses du genre Eciton Latr. ;
enfin, les Fourmis à miel ou Myrmecocystus melliger
Llave.
Les Eciton ne sont guère connus qu'à l'état d'ouvrières.
Ce sont de grosses Fourmis, caractérisées surtout par les
mandibules très longues, écartées à leur base et brusque-
ment recourbées en crochet à leur extrémité, par les palpes
maxillaires de deux articles et les palpes labiaux de trois
articles, par les griffes des pattes bifurquées. Les yeux sont
remplacés par des ocelles très petits, qui, parfois même,
font complètement défaut; enfin, les antennes sont insérées
chacune dans une fossette', qui est bordée en dedans par
des crêtes frontales, en dehors par une éminence. Les
Eciton sont les plus redoutables des Fourmis de proie.
Leurs espèces, assez nombreuses, sont répandues au Brésil,
à la Guyane et dans toute l'Amérique centrale où elles
remplacent les Anomma de l'Afrique tropicale. On les
nomme Padicours ou Tuocas au Brésil et à la Guyane,
Tepeguas et Hormigas soldados au Mexique. Leurs mœurs
ont été étudiées par plusieurs naturalistes, notamment par
Sumichrast au Mexique, Belt au Nicaragua, Bar à la
Guyane, Bâtes et Lund au Brésil. Essentiellement nomades,
ces Fourmis ne se construisent pas de demeures. Elles
voyagent presque constamment en colonnes serrées, dont
l'approche est annoncée par les cris d'un Oiseau insectivore
qu'on appelle la Grive des Fourmis. Ces colonnes suivent
en général les sentiers battus ; de temps en temps, un déta-
chement se sépare du corps principal et va faire une recon-
naissance dans le voisinage. Chaque crevasse est fouillée,
chaque feuille morte est visitée, chaque brin d'herbe est
exploré et la razzia est complète. Les Insectes, les Arai-
gnées, les Blattes, les larves et jusqu'aux petits Serpents,
tout est immédiatement mis en pièces. Si une colonne ren-
contre une habitation sur sa route, elle l'envahit aussitôt,
et les habitants n'ont d'autre ressource que la fuite devant
cette horde puissante et indestructible. Mais les inconvé-
nients qui en résultent sont largement compensés par la
destruction rapide et radicale des Blattes, des Scorpions,
FOURMI — 916
des Myriapodes, des Punaises, des Araignées, des Mous-
tiques, des Serpents et même des petits Mammifères comme
les Rats et les Souris. Aussi prétend-on que, dans certaines
contrées, les invasions des Eciton sont attendues avec im-
patience et acceptées comme un véritable bienfait.
Les Myrmocystus ou Fourmis à miel n'ont encore été
rencontrées jusqu'ici qu'au Mexique, au Nouveau-Mexique
et au Colorado, dans le pays accidenté connu sous le nom
de Jardin des Dieux. Les premiers renseignements four-
nis sur ces curieux Insectes furent publiés en 1832 par
Fia
Une colonne d'Eciton en marche (d'après Ernest Andréj.
le Dr Pablo de Llave dans un journal mexicain (Registro
trimestre ô collection de Memorias de Historia, Litte-
ratura, Ciencias y artes, 1832). Une traduction de cet
écrit fut donnée, en 1866, par M. H. Lucas dans la Revue
et Magasin de zoologie, 1860, 271. En 1838, Wes-
maël, sans avoir eu connaissance du mémoire de Llave,
publia une notice sur ces mêmes Fourmis, puis, successi-
vement Edwards en 1873, Saunders en 1875, Morris en
1880, donnèrent sur leur compte des renseignements plus
ou moins étendus. Mais la relation la plus détaillée que
l'on possède sur leurs mœurs est due au Rév. Henry C.
Mac Cook. Cette relation a été publiée en 1882 à Philadel-
phie, sous le titre : The Honey Ants of the Garden of
the Gods. Au Mexique, les Fourmis à miel sont bien con-
nues sous les noms de Bucileras, de Hormigas mieleras
ou Mochileras. Elles vivent en sociétés composées de mâles
et de femelles ailés et d'ouvrières de deux sortes : les unes
présentant l'aspect ordinaire des Fourmis ; les autres au
contraire ayant, par un excès d'alimentation, l'abdomen
extrêmement gonflé, transparent, d'une couleur ambrée et
de la grosseur d'une groseille ou d'un petit grain de raisin.
Ces sortes d'ouvrières, incapables de se mouvoir, demeurent
accrochées et serrées les unes contre les autres à la voûte
souterraine des fourmilières. Le liquide que renferme leur
abdomen vésiculeux est un sirop de sucre incristallisable dont
la saveur aromatique rappelle celle du miel des Abeilles. Il
provient, d'après Mac Cook, d'une liqueur sucrée dont les
Fourmis se gorgent avidement et qui exsude de petites galles
d'un brun rougeâtre produites par la piqûre d'un Cynips sur
une espèce de chêne (Quercus unduluta). Les Indiens et les
Mexicains sont très friands de cette sorte de sirop. Ils sucent
avec délices les abdomens des Rutileras et les servent même
dans leurs repas comme friandises. Ed. Lefèvre.
IL Paléontologie. — Les Fourmis fossiles se montrent
pour la première fois dans le lias, mais ce n'est que dans
le tertiaire qu'elles sont très abondantes, plus abondantes
même qu'aucune autre famille d'Insectes. A Florissant, un
quart des Insectes sont des Fourmis (4,000 spécimens).
Elles sont presque aussi nombreuses dans l'ambre de Prusse
(23 genres et 49 espèces). On en a décrit en tout, de cette
époque, 34 genres et plus de 170 espèces. Le plus grand
nombre des espèces sont des Formicidœ proprement dites,
mais le plus grand nombre des genres, des Myrmicidœ, et
plusieurs sont éteints: tels sont Stigmomyrmex et Priono-
myrmex (Mayr); Ponera et d'autres Ponérides se trouvent
à OEningen. Les Formicidœ n'ont que deux genres éteints
(Gesomyrmex et Rkopalomyrmex, dans l'ambre). La-
sius, Formica, etc., y sont également représentés avec
d'autres genres encore vivants. E. Trouessart.
Bibl. : Entomologie. — Ernest André, les Formicides
d'Europe, dans le Species des Hyménoptères de Ed. An-
dré, t. II; Beaune, 1881. — Du même, les Fourmis ; Paris,
1885.— Bâtes, The Naturalist on the River Amazons ;
Londres, 1876.— Belt, The Naturalist in Nicaragua ; Lon-
dres, 1874, et Revue scientifique, 1876, p, 121.— Berthelot,
les Cités des Fourmis, dans la Revue scientifique, 1877,
t. II, p. 145. — Brehm (édition française), Insectes, t. II,
p. 1. — Ebrard, Nouvelles Observations sur les Fourmis ;
Genève, 1861. — A. Forel, les Fourmis de la Suisse;
Zurich, 1874. — Du même, Etudes myrmécologiques ; Lau-
sanne, 1875-78.— Gould, Account ofEnglish Ants; Lon-
dres, 1747. — Pierre Huber, Recherches sur les mœurs des
Fourmis indigènes ; Genève, 1810; nouvelle édition, 1861.
— Latreille, Histoire naturelle des Fourmis ; Paris, 1802.
— Lespès, Conférence sur les Fourmis ; Paris, 1866. —
Lincecum, Habits of the Agricultural Ants of Texas ;
Londres, 1861. — Du môme, Un Combat de Fourmis, dans
la Revue scientifique, 1877, t. II, p. 145. — J. Lubbock, les
Habitudes des Fourmis, dans Journ. ofthe Linnean Soc.
Zool, t. XII et XIII, et dans la Revue scientifique, n° du
21 juil. 1877. — Mac Cook, The Mode of the Récognition
among Ants; Philadelphie, 1878. —Du même, The Agri-
cultural Ant of Texas ; Salem, 1879. — Mayr, Die eùro-
paeischen Formiciden ; Vienne, 1861. — Needham, Obser-
vations sur Vhistoire naturelle de la Fourmi, 1769. —
Moggridge, Harvesting Ants; Londres, 1873-74. — Savage,
The Driver Ants of Western Africa; Philadelphie, 1848.
— 917
FOURMI — FOURMILIER
— Miss Treat, The Harvesling Ants of Florida, 1878. —
White, Ants and their Ways; Londres, 1883.
FOURMI ES. Com. du dép. du Nord, arr. d'Àvesnes,
cant. de Trélon, sur l'Helpe-Mineure ; 15,895 hab. Stat.
du chemin de fer du Nord, ligne de Laon à Aulnoye, em-
branchement sur Maubeuge. Centre industriel important.
Filature de laine, de coton, de soie ; blanchisserie, haut
fourneau et forge; scierie de marbre, verrerie. L'industrie
de la verrerie y fut établie en 1599 : ce fut le premier éta-
blissement de ce genre qui fonctionna dans cette région.
Vaste église moderne de style gothique. En 1891, k ma-
nifestation du 1 ™ mai amena, entre la population ouvrière
et un bataillon d'infanterie envoyé pour maintenir l'ordre,
un conflit déplorable, où la troupe serrée de près devant
l'hôtel de ville fit une décharge meurtrière.
FOU RM1LI ER (Myrmecophaga). I. Zoologie. — Genre
de Mammifères de l'ordre des Èdentés (V. ce mot), créé
par Linné (1766)- et devenu le type de la famille des Myr-
mecophagidœ qui présente les caractères suivants : Peau
couverte de poils ; mâchoires complètement dépourvues de
dents ; tète allongée terminée par une bouche très petite
qui donne passage à une langue grêle, allongée, vermi-
forme, continuellement rendue visqueuse par le liquide des
glandes sous-maxillaires qui sont très grosses ; clavicules
rudimentaires ; troisième doigt des pattes de devant très dé-
veloppé et terminé par un grand ongle falciforme, les autres
réduits ou atrophiés ; pattes postérieures à 4 ou 5 doigts
subégaux ; queue longue souvent préhensile ; oreilles pe-
tites.— Les organes génitaux sont construits sur le même
type que ceux des Bradypes (V. ce mot et Edentés) ;
l'utérus est simple, le placenta discoïdal ou en forme
de dôme. Le cerveau présente des circonvolutions assez
marquées, une commissure antérieure et un large corps
calleux. — Ces animaux, comme leur nom l'indique, se nour-
rissent presque exclusivement de Fourmis qu'ils recueillent
à l'aide de leur longue langue visqueuse et protactile ; ils y
joignent d'autres Insectes de petite taille ; la plus grande
espèce est terrestre ; toutes les autres sont arboricoles : leurs .
grands ongles ne leur servent pas à creuser des terriers,
mais simplement à démolir les nids de Fourmis. Tous ha-
bitent les régions chaudes de l'Amérique intertropicale (ré-
gion néotropicale).
La famille comprend les genres Myrmecophaga, Taman-
dua et C y cloturus. Le Tamanoir ou Grand Fourmilier (Myr-
mecophaga jubata) est la seule espèce du premier genre.
C'est un animal de la taille des plus grands Chiens, à tête
très allongée, surtout dans la région faciale qui forme un
museau cylindrique dont la bouche occupe seulement l'extré-
mité. Le crâne présente des particularités très remarquables
en rapport avec cette conformation. Le corps est allongé,
comprimé, couvert de poils grossiers, longs et durs fia
queue, presque aussi longue que le corps, est très touffue,
non préhensile. En marchant, l'animal replie en dedans les
ongles allongés de ses pattes de devant de façon à appuyer
Grand Fourmilier ou Tamanoir.
sur le sol la face dorsale des troisième, quatrième et cin-
quième doigts qui est pourvue de callosités. Les pieds
postérieurs sont plus courts et plantigrades ; les yeux sont
petits ; les oreilles très petites, dressées. Chez la femelle,
il y a deux mamelles pectorales. La couleur est grise avec
une bande noire en forme de collier, large sur la poitrine
et s'amincissant sur le dos oùjes extrémités se perdent sur
les flancs sans se rejoindre ; cette bande est bordée de blanc
sale, et les pattes antérieures sont plus claires que le reste.
Le Grand Fourmilier habite les plaines de l'Amérique cen-
trale et méridionale où on le trouve le long des fleuves et
dans les forêts humides. Il se nourrit surtout de Termites
dont il ouvre les nids en forme de pains de sucre à l'aide
des puissantes griffes de ses pattes antérieures : il englue
avec sa langue ces Insectes qu'il avale par milliers. Il ne
monte jamais aux arbres. Lorsqu'il est attaqué, il se ren-
verse sur le dos et se défend à l'aide de ses ongles falci-
formes qui font des blessures dangereuses. La femelle n'a
qu'un seul petit par portée.
Le Tamandua (Tamandua tetradactyla) est un dimi-
nutif de l'espèce précédente. La tête est seulement moins
allongée, et la queue couverte de poils courts, comme le
reste du corps, est nue dans sa portion terminale, écail-
leuse, préhensile. Les pattes ont à peu près la même con-
formation, mais le cinquième doigt de la main est atrophié,
caché sous la peau. Il y a des clavicules rudimentaires. Cet
animal, de la taille d'un Chat, habite les forêts vierges de
l'Amérique chaude. Il est essentiellement arboricole, se
nourrissant de Fourmis et d'autres Insectes. Sa couleur,
assez variable, est un gris jaunâtre, plus foncé sur les
flancs, avec la tête, les pattes et une ligne dorsale claires.
Le Petit Fourmilier ou Fourmilier didactyle (Cyclo-
turns didactylus) est un animal de la taille d'un Rat, à
tête encore plus courte que celle du Tamandua, plus co-
nique et très arquée. Les clavicules sont bien développées.
La main ne porte que deux doigts développés, dont le troi-
sième, très robuste, armé d'un ongle falciforme et le
deuxième plus grêle, allongé. Tous les autres sont atro-
phiés. Le pied est également modifié en forme d'organe
propre à grimper, le pouce étant rudimentaire, caché sous
la peau, tandis que les quatre autres doigts subégaux sont
munis d'ongles recourbés et comprimés. Le calcanéum
porte un os sésamoïde très développé qui remplace le pouce
et se trouve opposé aux doigts lorsque l'animal veut saisir
une branche. La queue, plus longue que le corps, aplatie,
nue en dessous, est très préhensile. Le pelage est noir,
soyeux, d'un jaune clair. Le Petit Fourmilier vit sur les
arbres dans les parties les plus chaudes de la région néo-
tropicale. La femelle porte ses petits sur son dos.
IL Paléontologie. — On n'a pas encore signalé de Four-
miliers dans les couches tertiaires, mais dans les cavernes
quaternaires du Brésil on trouve les débris du Tamanoir
et du Tamandua. — Les Fourmiliers, d'une part, et les
Bradypes de l'autre, peuvent être considérés comme
deux branches divergentes et dégénérées du tronc des Me-
gatheridœ, Edentés gigantesques qui vivaient à l'époque
FOURMILIER — FOURMONT
— 918 —
tertiaire dans l'Amérique du Sud (V. Megathère et Edentés
[Paléontologie]). E. Trouessart.
III. Ornithologie. — Nom vulgaire de divers Passe-
reaux (V. ce mot) qui appartiennent soit à la famille des
Formicariidés, soit à celle des Timéliidés (V. ces mots).
FOURMILIÈRE (V. Fourmi).
FOURMILION (Myrmeleon L., ou mieux Myrmecoleon
Burm.). Genre d'Insectes Névroptères qui a donné son nom
à la famille des Myrméléontides. Les Fourmilions sont sur-
tout remarquables par leurs larves courtes, ovoïdes et com-
primées, dont la tête est pourvue de deux énormes man-
dibules creuses, constituant une pince destinée à saisir
Myrmeleon formicarius Vall.
les Insectes et à sucer leurs parties fluides. A l'état adulte,
au contraire, ils ressemblent beaucoup aux Libellules (V. ce
mot), mais leurs antennes courtes, aplaties, élargies en
avant en forme de massue, et leurs quatre ailes allongées,
terminées en pointe, les font reconnaître facilement. Leurs
espèces, très nombreuses (près de 300, d'après H. Hagen,
4886) et répandues dans toutes les régions du globe, ont
été réparties dans une quinzaine de genres dont les prin-
cipaux sont : Myrmeleon L., Acanthaclisis Rambur et
Palpares Rambur.
L'espèce type du genre Myrmeleon (M. formicarius
Vallisn.) est le Formicaleo de Poupart (Mém, de VAcad.
royale des sciences, 4704, p. 255, pi. VIII, fig. 446) et
le Fourmilion de Geoffroy. A l'état parfait, son corps est
long de 46 à 26 millim., d'un gris noirâtre, avec la tête,
le thorax tachetés de jaune, et l'extrémité des segments
abdominaux annelés de jaune . Ses ailes
sont hyalines, à nervures brunes variées
de blanchâtre; les antérieures ont six
taches brunes, oblongues, les posté-
rieures deux ou quatre de même cou-
leur. Cet élégant Insecte se rencontre
dans l'Europe centrale et méridionale. En
France, il ne paraît pas remonter au
delà des environs de Paris. On le prend
assez fréquemment dans les bois des terrains sablonneux,
notamment à Fontainebleau et à Lardy. Sa larve, de cou-
leur grise ou jaunâtre, a la tête large et carrée, pourvue
de six ocelles placés sur un tubercule arrondi et armée de
deux grandes mandibules tridentées en dedans. Le thorax
/f.
Cocon de Four-
milion.
Larve à l'affût.
est rétréci, et l'abdomen, très élargi, est plat en dessous,
bombé en dessus, avec de petites touffes de poils et, dans
sa partie postérieure, de nombreuses épines courtes ran-
gées en lignes. Cette larve ne marche bien qu'à reculons.
On la trouve essentiellement dans les terrains secs et sa-
blonneux, au bord des talus, dans les endroits chauds,
abrités, et les sablières. Elle [construit dans le sable, en
marchant à reculons, et en décrivant une spirale, un enton-
noir d'environ 4 à 5 centim. de diamètre, au fond duquel
elle se place, cachée dans le sable, et ne laisse paraître que
ses longues mandibules. Dès qu'un Insecte (Fourmi, Mouche,
Cloporte, Araignée, etc.) s'aventure sur les bords de cet
entonnoir, le sable cède et il roule au fond. Si, au con-
traire, il peut se cramponner aux parois et chercher à
remonter, la larve du Fourmilion se sert de sa tête comme
d'une pelle, et l'accable d'une pluie de sable, qui l'étour-
dit et le fait tomber au fond du trou où elle le saisit et le
suce à loisir. Quand le moment de la nymphose est venu,
elle se tisse un cocon sphéroïde au moyen d'une filière en
forme de tuyau pointu, rétractile comme une lunette d'ap-
proche, placée à l'extrémité du corps. Ed. Lefèvre.
FOURMOIS (Théodore), paysagiste belge, né à Presles
(Hainaut) le 44 oct. 4844, mort à Bruxellesle 4 6 oct. 4874.
Il commença de bonne heure à se faire connaître comme
aquarelliste et lithographe et fit notamment plusieurs plan-
ches sur des scènes de la révolution belge (1830) ; en 4833,
il publia une belle série de Vues de Spa. Ses premiers
tableaux parurent en 4836, mais ce fut en 4848 que sa Vue
prise dans le duché de Bade le mit tout à fait en relief.
Son chef-d'œuvre est le Moulin à eau (4850), dessin
énergique, coloris puissant, touche large et grasse, les
plus hautes qualités du genre sont réunies dans cette com-
position aux lignes simples et graves. Ses dernières œuvres
ont figuré à l'Exposition de Gand en 4874. Ad. T.
FOURMONT (Etienne), orientaliste français, né à Her-
belay le 23 juin 4683, mort à Paris le 49 déc. 4 745. Il reçut
une éducation très forte au collège Mazarin, entra en 1700
au séminaire des Trente-Trois d'où il fut chassé pour
avoir lu des ouvrages grecs et latins prohibés. Il s'installa
alors au collège Montaigu où il étudia l'hébreu et composa
un ouvrage important, ^Nouvelle Critique sacrée (4705),
qui attira sur lui l'attention des lettrés. Il gagnait quelque
argent en donnant des leçons de grec, de syriaque et
d| hébreu, et il accrut ses maigres revenus en obtenant la
direction de l'enseignement des boursiers au collège d'Har-
court^ et en dirigeant les études des fils du duc d'Antin.
Travailleur acharné, il collaborait en même temps à la
Bibliothèque universelle de l'abbé Bignon, soutenait une
polémique animée contre dom Calmet relativement au Com-
mentaire sur la Genèse de cet auteur, composait une
Grammaire hébraïque et traduisait le Commentaire sur
VEcclésiaste du rabbin Abraham Aben Esra, et le Second
Voyage de Paul Lucas en Grèce. En 4743, il était appelé
à l'Académie des inscriptions et belles-lettres et était nommé
en 4744 examinateur pour les livres. Il prit une part active
à la querelle au sujet d'Homère. Partisan d'Homère, cela
va sans dire, il publia coup sur coup : la Véritable Con-
naissance d'Homère et un Examen pacifique de la que-
relle deMmeDacier et de M. Lamothe, mais ces deux écrits
passèrent presque inaperçus. En 4745, il obtenait la chaire
d'arabe au Collège de France où il succédait à Galland. La
même année, il était associé au Chinois Arcadio Hoang pour
composer une Grammaire chinoise, sorte d'ouvrage qui
n'existait pas encore en Europe. Vers 1749, Fourmont avait
terminé seul la première partie de ce gigantesque travail,
Hoang étant mort en 4746. Il imprima 24 4 clefs chinoises ;
sa Grammaire chinoise achevée en 4728 ne fut imprimée
qu'en 4 742 et ses Meditationes Sinicœ en 4 737. Il a donné
une infinité d'autres ouvrages relatifs à la littérature orien-
tale et de dissertations insérées dans les mémoires de l'Aca-
démie des inscriptions. Nous ne citerons encore de lui que
ses Béflexions critiques sur les histoires des anciens
peuples (4735, 2 vol. in-4). On trouvera la liste de tous
ses autres travaux, voire même de ceux qu'il n'avait que
projetés, dans le Catalogue des ouvrages de M. Fourmont
Vaîné (Amsterdam, 4731, in-8) et dans Ja France litté-
raire de Quérard.
Fourmont, dont la réputation était universelle, avait été
nommé membre pensionnaire de lWcadémie des inscriptions
en 4735, membre agrégé de la Société royale de Londres
— 9d9 —
FOURMONT — FOURNEAU
en 1738, et membre de l'Académie de Berlin en 1742.
Bibl. : De Guignes et des Hautes-Rayes, Vie d'Etienne
Eourmont et catalogue de ses ouvrages, dans la seconde
édition des Réflexions sur l'oriqine des anciens -peuples,
1747.
FOURMONT (Michel), orientaliste français, né à Her-
belay le 28 sept. 1690, mort à Paris le 5 févr. 1746,
frère du précédent. Elève d'Etienne, il obtint en 1720 la
chaire de syriaque au Collège royal, devint en 1722 inter-
prète à la Bibliothèque du roi et travailla quelque temps avec
son frère à la préparation de ses ouvrages chinois. En 1724,
il entrait comme membre associé à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, et obtenait en 1728 le prieuré de
Notre-Dame d'Orcas. En 1727, il avait été avec l'abbé
Sevin chargé d'une mission littéraire à Constantinople. Il
avait visité les principales bibliothèques des monastères en
Turquie, relevé des notices de manuscrits anciens et copié
un grand nombre d'inscriptions dans les îles de l'Archipel
et en Grèce. De retour en France en 1732, il donna la re-
lation de son voyage (Histoire de l'Académie des ins-
criptions, t. VII) et entreprit la publication des inscrip-
tions qu'il avait recueillies, mais faute d'appui il ne put
venir à bout de ce travail qu'il reprit sans plus de succès
en 1742 par les ordres de Maurepas. Il a laissé un certain
nombre de Dissertations qui figurent dans le recueil de
l'Académie des inscriptions.
FOURMONT (Claude-Louis), archéologue français, né
à Cormeilles en 1703, mort le 4 juin 1780, neveu des pré-
cédents. Il collabora aux travaux linguistiques de ses deux
oncles, accompagna Michel en Grèce et devint en 1732
interprète à la Bibliothèque du roi. En 1746, il accompagna
Lironcourt, consul au Caire, et publia à son retour une
Description historique et géographique des plaines
d'Héliopolis et de Memphis (Paris, 1755, in-12). Il
voulut ensuite publier la relation du Voyage en Grèce de
Michel Fourmont, mais il y dépensa sans résultat sa mo-
deste fortune et mourut presque misérable n'ayant même
pas pu obtenir la chaire de syriaque qu'il sollicita en 1773.
FOURNAUDIN. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de
Joigny, cant. de Cerisiers; 416 hab.
FOURNEAU. I. Technologie. — Nom des appareils
fixes ou mobiles installés dans les cuisines des habitations
particulières ou des établissements publics pour la cuisson
des aliments. Le fourneau ordinaire ou de construction est
une sorte de coffre en maçonnerie de plâtre ou de brique,
élevé d'une certaine hauteur au-dessus du sol et supporté
par des jambages laissant entre eux des vides où se placent
des caisses en bois servant à renfermer le charbon. La plaque
supérieure, dite feuillasse, est carrelée en faïence et percée
de trous dans lesquels on encastre des cuvettes en fonte,
fermées inférieurement par de petites grilles où se dispose
le charbon. Au-dessous de ces ouvertures, à 0m30 de dia-
mètre environ, est établie une aire qui reçoit les cendres
et qu'on appelle cendrier. Ces deux aires superposées sont
maintenues par des plates-bandes ou barres de fer plat
repliées en équerre et terminées, à leurs extrémités, par
des queues de carpe qu'on scelle dans la muraille. On divise
souvent le cendrier par deux parois verticales en autant
de compartiments qu'il y a de réchauds et l'on ferme cha-
cun d'eux par une porte en tôle à coulisse permettant de
régler l'arrivée de l'air sur la grille pour activer ou modé-
rer le tirage. On revêt aussi de carreaux de faïence la par-
tie du mur de fond en contact avec le fourneau. Ces appa-
reils sont établis sous une grande hotte qui sert à
l'évacuation des vapeurs et gaz de toute nature, à l'aide
d'un tuyau de cheminée ordinaire. Cette hotte recouvre, en
même temps, l'âtre ou foyer destiné à la rôtisserie et fermé
par un rideau en tôle. Le combustible employé dans le
fourneau que nous venons de décrire est le charbon de
bois. L'usage de la houille, les expériences de Rumford sur
ce sujet, ont apporté des modifications considérables dans
la construction de ces appareils qui ont pris le nom de
fourneaux économiques. Rumford songea le premier à ré-
duire le foyer à de très petites capacités, à établir en un
seul foyer plusieurs marmites de dimensions modérées et
des chaudières à eau dans lesquelles il utilisait la chaleur
perdue des fumées, à rôtir la viande dans des fours en
tôle, etc. Cependant Rumford donnait un foyer séparé à
chaque série de marmites, à chaque four à rôtir, et il em-
ployait encore le charbon de bois. Aujourd'hui, on ne se
sert que d'un seul foyer ; des plaques de fonte ou de fer
rougies par l'action directe du feu permettent de disposer
sur une même surface un bien plus grand nombre de vases
et d'en conduire la marche de front. Ces plaques sont, en
partie, formées de rondelles concentriques s'emboîtant les
unes dans les autres et qu'on peut enlever en tout ou par-
tie, de manière à obtenir des trous de diamètres différents.
On peut ainsi préparer toutes sortes de mets, tels que
grillades, omelettes, sauces, ragoûts. Puis on établit autour
du foyer la marmite à potage, le four à rôtir et la chau-
dière munie de son robinet. Dans les fourneaux qui servent
aux grands établissements, restaurants, hospices, casernes,
collèges, on dispose à la suite du foyer de grandes mar-
mites en fonte, fixées à demeure et qui servent à la pré-
paration du bouillon, à la cuisson des légumes ; des robi-
nets y versent l'eau directement. Sous le nom de cuisinières
on désigne les fourneaux-poêles en fonte qui se trouvents
dans le commerce entièrement prêts. Ces appareils destinés
à la fois au chauffage et au service culinaire, sont des
poêles en fonte avec dispositions plus ou moins complexes,
suivant qu'ils renferment ou non un four ou un bain-
marie. La plaque supérieure porte des rondelles mobiles
permettant d'y placer les vases culinaires comme sur les
fourneaux précédents. Enfin on emploie beaucoup les four-
neaux à gaz dont nous donnerons la description en parlant
des applications du gaz (V. Gaz).
IL Métallurgie. — Fourneau à manche (V. Cubilot).
Haut Fourneau (V. Haut Fourneau).
III. Génie militaire. — Fourneau de mine. — La défla-
gration d'une charge de poudre disposée souterrainement pro-
duit une masse considérable de gaz ayant pour effet de com-
primer les terres suivant une sphère, puis, si la charge est
assez forte, de produire un effet extérieur de projection. On
obtient ainsi une excavation à laquelle on a donné le nom
à' entonnoir (V. ce mot). Les poudres ou autres substances
explosives déposées dans une chambre de mine coustituent
le fourneau de mine, dont l'inflammation provoquée en
temps opportun doit produire un effet destructeur nuisible
à l'ennemi, tant par son effet de projection extérieure que
par l'effet moral produit par l'explosion. On comprend que
si l'on place des charges différentes dans un même milieu
et à une même profondeur h, le rayon r de l'entonnoir
T
varie ainsi que le rapport t-, que l'on appelle indice du
fourneau et que l'on désigne ordinairement par la lettre n.
On appelle fourneau ordinaire celui qui produit un enton-
noir dont le rayon est égal à la ligne de moindre résistance
ou moindre profondeur du fourneau, ou r = h. Le four-
neau surchargé est celui dans lequel le rayon de l'enton-
noir produit est plus grand que la ligne de moindre résis-
tance, ou r > h. La charge, forcément supérieure à celle
du fourneau ordinaire, produit dans le sol des effets de
compression plus étendus qui l'ont fait appeler autrefois
globe de compression. On a un fourneau sous-chargé lorsque
l'entonnoir produit un rayon plus petit que la ligne de
résistance, ou r < h. Enfin, on donne d'une manière gé-
nérale le nom de camouflet à tout fourneau qui ne produit
pas d'effet extérieur et dont le but est uniquement d'agir
contre les galeries voisines.
Charge des fourneaux. On a constaté par de nom-
breuses expériences que les charges des fourneaux sont
proportionnelles aux cubes des lignes de moindre résistance.
On en a déduit que la charge nécessaire pour produire un
fourneau ordinaire est égale au cube de la ligne de moindre
résistance, multipliée par un coefficient g qui dépend de la
nature du terrain. Cette règle se traduit par la formule
FOURNEAU — 920
G ■=. g h3, dans laquelle C est exprimée en kilogrammes de
poudre de mine ordinaire et h en mètres. Le coefficient g
varie entre lm20 et 2m25 pour les terres ; il est de lm50
pour les terres, ordinaires. Dans les maçonneries, g varie
entre 2m50 et 4 m. Pour obtenir la charge C d'un four-
neau surchargé ou sous-chargé, connaissant la valeur de
l'indice n, on multiplie la charge qui, à la même profon-
deur, produirait un fourneau ordinaire par l'expression :
(\Ji + n% — 0,41 3) et Ton a ainsi la formule :
C = gît* (\!1 + n* — 0,413).
Si dans cette formule on fait n = 0, on a la charge du
camouflet maximum.
Effets des fourneaux. L'action des fourneaux se fait
sentir intérieurement au delà des limites de l'entonnoir.
Cette action s'étend sur les galeries ou rameaux jusqu'à
une distance plus grande dans le sens horizontal que dans
le sens vertical, en raison de ce que la largeur des galeries
est moindre que leur hauteur ; cependant la résistance des
galeries varie aussi avec leur section, la nature des revê-
tements, leur situation, la longueur du bourrage, etc. On
appelle rayon de bonne rupture la distance en deçà de la-
quelle une galerie serait certainement brisée sur une lon-
gueur suffisante pour la rendre impraticable. Cette distance
est représentée par h verticalement et par h X 1,41 ou
h \/2 horizontalement. On nomme rayon de rupture limite
la distance au delà de laquelle une galerie n'éprouverait pas
de dommages sérieux. Il est égal à h X 4,41 ou h y2
dans le sens vertical et à h X 1,75 ou 7/4 h dans le sens
horizontal. Pour avoir la limite d'action des fourneaux sur-
chargés ou sous-chargés, on remplace dans les valeurs ci-
dessus la ligne de moindre résistance h par celle des four-
neaux ordinaires qui auraient même charge que les
fourneaux considérés. Il y a lieu de tenir compte de ces
données pour déterminer l'emplacement des fourneaux dans
les systèmes de contre-mines.
Etablissement d'un fourneau. Cette opération com-
prend l'établissement de la chambre, celui des moyens de
transmission du feu et le chargement du fourneau. Les
chambres de mines ou chambres aux poudres peuvent être
disposées de diverses manières, selon le but qu'on se pro-
pose, la grandeur de la charge et le mode de chargement
employé. Pour un fourneau établi dans une galerie, la
chambre est ordinairement pratiquée sur le côté, de ma-
nière que le centre de la charge soit au niveau du sol même
du rameau ; quand on est pressé, la charge est simplement
déposée à l'extrémité du rameau. Lorsque le fourneau est
disposé au fond d'un puits, la chambre est creusée dans
l'une des faces de ce puits, ou, si elle est considérable,
elle se compose de deux bouts de rameaux,débouchant au
fond même du puits. Si la charge est constituée en barils
de poudre, les dimensions de la chambre sont calculées
d'après le nombre de ces barils à y loger. Mais le plus
souvent la poudre est placée dans une boîte de forme cu-
bique (boîte aux poudres), destinée à garantir les poudres
contre l'humidité. Cette boite vide est mise en place dans
les conditions voulues, et on y verse les poudres le plus
tard possible, c.-à-d. immédiatement avant de procéder au
bourrage, en prenant toutes les précautions voulues pour
éviter les accidents. On communique le feu au fourneau le
plus ordinairement par l'électricité (au moyen de conduc-
teurs), mais on emploie également dans ce but le saucisson
ordinaire, la fusée instantanée ou cordeau porte-feu, la
fusée lente ou cordeau Bickford, le cordeau détonant ; on
peut aussi, dans certaines circonstances, avoir recours
aux canettes. On évite autant que possible d'employer le
saucisson, qui est sensible à l'humidité, ce qui exige* l'em-
ploi d'augets, infecte les bourrages, retarde les retours
offensifs, rend pendant longtemps les galeries inhabitables,
et aussi ne se prête aux explosions simultanées que par le
compassement des feux. Voici en quoi consiste cette dernière
opération. Pour donner le feu au même instant à plusieurs
fourneaux, comme la vitesse de combustion du saucisson
n'est que de 3m50 par seconde à l'air libre et de 8m50
dans un auget, il faut prendre les dispositions convenables
pour que du point de départ de chacun des fourneaux le
développement du saucisson soit le même, en tenant compte
de ce que chaque coude équivaut à une augmentation de
longueur de Om08.
La vitesse de combustion de la fusée instantanée, étant
de 100 m. par seconde, dispense de l'opération du compas-
sement des feux, pourvu que les différences de longueur des
diverses communications n'excèdent pas 30 à 40 m. — La
fusée lente qui brûle lentement et régulièrement de 1 m. par
quatre-vingt-dix secondes, est assez rarement employée
comme conducteur du feu et elle sert plus généralement à
mettre le feu. Il faut avoir soin, dans l'opération du char-
gement, de bien placer et de ne pas détériorer ou briser le
transmetteur du feu ou amorce. Il reste alors à bourrer
les rameaux ou galeries et à mettre le feu aux fourneaux
(V.' Bourrage et Mise de feu).
Les contre-puits ont pour objet d'établir des four-
neaux au-dessus des écoutes et des transversales d'un
système de contre-mines pour constituer un étage supé-
rieur. Les camouflets contne-puits ont le même but. Il en est
de même des fourneaux à charge après bourrage, qui
sont disposés d'une façon absolument analogue à celle
des contre-puits. Dans ces fourneaux, une gaine établie
dans le massif même du bourrage aboutit à la partie
supérieure dans la boîte aux poudres et d'autre part dans
la galerie ou dans la portion du rameau restée vide, de
telle sorte qu'on peut charger le fourneau à volonté. On
établit quelquefois deux fourneaux dans un rameau, de façon
que le deuxième, appelé retirade, vienne jouer dans l'en-
tonnoir du plus avancé, nommé fourneau de tête. Les four-
neaux de l'étage supérieur, étant destinés à agir contre les
travaux extérieurs de l'assiégeant, sont établis à °2m50 au-
dessous du terrain naturel, et ils peuvent être surchargés,
ce qui permet d'en diminuer le nombre. Les fourneaux de
l'étage inférieur, dirigés contre les travaux souterrains,
sont enterrés à 8 ou 10 m. et ils devront être sous-chargés,
afin de ne pas compromettre les travaux de la défense.
Pour établir un fourneau à une certaine profondeur au-
dessous de l'eau , on commence par construire un bâ-
tardeau permettant d'atteindre le fond. A cet effet, l'on
descend dans l'eau deux cuves sans fond, de diamètre dif-
férent , placées concentriquement ; on remplit l'espace
compris entre les deux cuves de terre glaise bien corroyée
et l'on épuise l'eau qui se trouve dans la cuve intérieure.
On creuse alors un puits à la profondeur voulue et on pra-
tique sur l'un des côtés l'emplacement des poudres. Dans
le calcul de la charge, on doit tenir compte de la sur-
charge causée par la présence de l'eau. Lorsque ce four-
neau* est destiné à produire seulement certains effets exté-
rieurs, on se contente de placer la charge sous l'eau dans
une enveloppe (bouteille, jarre, baril, etc.) qui la garantit
de l'humidité ; mais si la charge doit séjourner longtemps
sous l'eau, on la loge dans une double enveloppe, en
laissant entre les deux enveloppes un léger intervalle que
l'on remplit avec un mastic hydrofuge.
Fourneaux isolés. Dans les fortifications où il n'existe
pas de système de contre-mines, il sera fort difficile d'en
improviser un au dernier moment, mais il est toujours
possible de préparer, devant les fronts d'attaque, des four-
neaux isolés ayant pour but de bouleverser le terrain des
attaques, les passages de fossés, les rampes des brèches, etc.
On prépare aussi, au moyen de fourneaux de démolition,
la destruction des ouvrages qu'on peut être obligé d'aban-
donner. Ces diverses espèces de fourneaux consistent en
puits de 2m50 à 3 m. de profondeur, au fond desquels on
place une charge convenable. On dissimule soigneusement
ceux qui sont placés sous les glacis pour donner le change
à l'assaillant et l'obliger à entreprendre des travaux sou-
terrains. Les fourneaux isolés étant souvent longtemps
chargés à l'avance, les charges doivent être^ placées dans
des récipients assurant la siccité des explosifs. Les con-
— 921 —
FOURNEAU — FOURNEL
Fig. 1.
ducteurs de mise du feu sont disposés dans des rigoles
creusées dans le sol. On construit quelquefois des four-
neaux isolés permanents, principalement pour la démolition
des maçonneries des fortifications ou des ouvrages d'art
(ponts, viaducs, tunnels, etc.). Les fourneaux isolés que
Ton établit pour détruire les ouvrages d'art prennent le
nom de dispositifs de mines permanents, quand ils sont
organisés dès le temps de paix. Quand ils ne sont pas pré-
parés à l'avance, on est obligé de créer des dispositifs de
circonstance auxquels on
donne le nom de dispo-
sitifs improvisés. Les
dispositifs perma-
nents consistent en puits
ou galeries d'accès et en
chambres aux poudres
(fig. 4). A chaque cham-
bre correspond un puits
ou une galerie ; quelque-
fois deux chambres sont
desservies par le même
puits. L'orifice des puits
est ordinairement fermée
par une plaque en fonte
placée à fleur du sol.
Quand on veut dissimuler
l'emplacement d'un puits, on en maçonne la partie supé-
rieure et on noie cette maçonnerie dans la chaussée. Dans
ce dernier cas, il est utile de repérer exactement la position
de ce puits. Dans les dispositifs permanents, les fourneaux
sont établis dans les piles; la destruction obtenue est ainsi
plus complète et la réparation est rendue plus difficile. Dans
les dispositifs improvisés, on ne peut songer à aller établir
des fourneaux dans les piles d'un pont. On a alors recours à
un procédé plus rapide qui
consiste à placer des four-
neaux au moyen de la barre à
mine à 0m40 environ de la
paroi intérieure de la culée
(fig. 2); on place généralement
deux fourneaux, un à chaque
angle. La charge de chaque
fourneau se calcule au moyen
de la formule C=gh3 en pre-
nant pour h la distance en
mètres du centre des poudres
au parement extérieur du mur.
A défaut de poudre on place
des charges de mélinite au contact de la paroi intérieure et
sur toute la longueur. Pour cela on creuse une tranchée
derrière la culée ; on dispose la charge au fond et on
bourre avec les terres extraites. La charge de mélinite
par mètre courant est égale à C = 4,25 E3. C =
charge en kilogrammes, E = épaisseur du mur en mètres.
Pour détruire les voûtés d'un pont, on creuse, au-dessus
de la clef de voûte, une tranchée dans laquelle on place
200 kilogr. de poudre qu'on recouvre de matériaux divers
afin de constituer un bourrage (Y. ce mot). La charge
de poudre peut être remplacée par uns charge allongée
de mélinite à raison de 7 kilogr. par mètre courant.
V. Assistance publique. — Fourneaux économiques
(V. Bienfaisance, t. VI, p. 764).
VI. Astronomie.— Nom d'une constellation australe
formée par La Caille et située au S. de la Baleine entre
l'Eridan et l'Atelier du Sculpteur. Elle compte quarante-
huit étoiles dont la plus .belle, a, est de troisième grandeur.
La suivante, p, de grandeur 4,5, est une fondamentale
dont les coordonnées de la position moyenne pour 4893
sont d'après la Connaissance des temps :
iR = 2h44m36s,78;P = 422° 547 20",4 .
FOURNEAU (Alfred- Louis), explorateur français, né à
Rambouillet (Seine-et-Oise) le 44 juin 4860. Il fit partie
de la troisième expédition de Brazza (oct. 4884). Le
Fig. 2.
4er janv. 4885, il fut nommé chef de station à Boôué
(Haut-Ogoôué) ; au mois d'avr. de la même année, il devint
chef de la zone du Moyen-Ogoôué, et en juii. suivant,
à la suite de la mort de M. de Lastours, il occupa le
poste de chef de la zone du Haut-Ogoôué. Rentré en
France en 1887, il repartit pour le Gabon en 4889 et y
remplit plusieurs missions. La principale fut l'exploration
de la Haute-Sangha, vers le lac Tchad (déc. 4890-juin 4891).
Trahi et surpris par les indigènes, il dut soutenir avec
eux une lutte de plusieurs jours. Il déploya dans cette
affaire une grande énergie et fit preuve d'un rare sang-
froid, sans lesquels il eût péri lui et ses hommes. Revenu
en France, il repartit pour le Congo français à la fin de
4892 et fut nommé, en janv. 4893, administrateur de
première classe de Loango et dépendances. E. Aldebert.
FOURNEAUX. Corn, du dép. du Calvados, arr. et cant.
de Falaise ; 483 hab.
FOURNEAUX (Fornel, Fornellis). Corn, du dép. de
la Loire, arr. de Roanne, cant. de Saint-Symphorien-de-
Lay; 2,650 hab. Elle faisait autrefois partie du Beaujo-
lais et était possédée par la famille de l'Aubépin. Sur son
territoire se trouve le beau château de l'Aubépin qui fut la
possession des de Thélis, des de Lorgue, puis des Sainte-
Colombe. M. D.
FOURNEAUX. Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Saint-Lô, cant. de Tessy ; 464 hab.
FOURNEAUX (Les). Corn, du dép. de la Savoie, arr. de
Saint- Jean-de-Maurienne, cant. de Modane ; 4,580 hab.
FOURNEAUX (Napoléon), facteur d'orgues, né à Léard
(Ardennes) le 24 mai 4808, mort à Aubanton (Aisne) le
19 juill. 4846. Il donna une grande extension à la fabri-
cation des instruments à anches libres, et eut la première
idée des tables de répercussion pour augmenter et modifier
la sonorité de X harmonium (V. ce mot).
FOURNEL (Jean-François) , jurisconsulte français, né
à Paris en 4745, mort à Paris le 21 juil. 1820. Il fut
avocat à Paris en 4771 et bâtonnier de Tordre en 4816.
Parmi ses œuvres, on doit citer : Analyse critique du
projet du Code civil (Paris, 4804, in-8) ; Code des tran-
sactions (Paris, 4797, in-8); Code de commerce (Paris,
1807, in-8) ; Dictionnaire raisonné, ou Exposition des
lois concernant les transactions entre particuliers
(Paris, 4798, in-8) ; Formules des actes et opérations
relatifs aux faillites, cessions et réhabilitations (Paris,
4808, in-8) ; Histoire des avocats au Parlement et du
barreau de Paris, depuis saint Louis jusqu'au 15 oct.
1790 (Paris, 1843, 2 vol. in-8); Histoire du barreau
de Paris dans le cours de la Révolution (Paris, 4846,
in-8); Lois rurales de la France (4819 ; 5e éd., 4823,
2 vol. in-12) ; Traité de la contrainte par corps (Paris,
4798, in-8; 4804, in-42) ; Traité de Vadultère
(Paris, 4778, 4783, in-42); Traité de la séduction
(Paris, 4784, in-42); Traité des injures, de Dareau,
nouv. éd., avec des augmentations de M. Fournel (Paris,
4785, 2 vol. in-42); Traité du voisinage (4799 ; 4e éd.,
Paris, 4827, 2 vol. in-8). En dehors de ses œuvres juri-
diques, Fournel a écrit : Essai sur les probabilités du
somnambulisme magnétique (Amsterdam et Paris, 4785,
in-8) ; Etat de la Gaule au ve siècle, extraits des Mé-
moires d'Uribald (Paris, 4805, 2 vol. in-42). G. R.
Bibl. : Gaudry. Histoire du barreau de Paris, 1864, t. II,
pp. 344, 502 et 503.
FOURNEL (Henri-Jérôme-Marie), ingénieur français,
né à Paris le 25 janv. 4799, mort à Rlois le 22 juil. 4876.
Sorti de l'Ecole polytechnique en 4849, il entra à l'Ecole
des mines, devint ingénieur ordinaire en 1825, ingénieur
en chef en 4844, inspecteur général en 4859, et fut mis
à la retraite en 4864. De 4*843 à 4847, il effectua en
Algérie, pour le compte du ministère de la guerre, une
série d'explorations géologiques et écrivit à son retour
plusieurs ouvrages intéressants sur notre nouvelle colonie :
Richesse minérale de l'Algérie (Paris, 4850, in-4);
Alger, coup oVœil historique sur la piraterie jusqu'au
FOURNEL — FOURNIE
— 922
xve siècle (Paris, 1854, in-8); les Berbers (Paris, 1875-
81, 2 vol. in-4), etc. Il fut, d'autre part, l'un des plus
fervents propagateurs du saint-simonisme et donna sous
le titre de Bibliographie saint-simonie?ine (Paris, 1833,
in-8) une nomenclature méthodique des écrits publiés par
le maître et ses disciples de 1802 à 1832. On a encore de
lui : Etudes des gîtes houillers et métallifères du Bocage
vendéen (Paris, 1836, in-4 et atlas); Coup d'œil his-
torique et statistique sur le Texas (Paris, 1841, in-8);
Mémoires sur les canaux souterrains et sur les houil-
lères de Worsley (Paris, 1842, in-4), etc. L. S.
FOURNEL (François-Victor), littérateur français, né à
Cheppey, près de Varennes (Haute-Marne) le 8 févr. 1829.
Il se destina d'abord à l'enseignement et se fit recevoir
licencié es lettres. Le journalisme le prit vers 1854; ses
premiers articles parurent à cette époque dans la Revue de
Paris. Il collabora depuis à un grand nombre de pério-
diques tels que YAthenœum, l'Illustration, le Journal
pour tous, ï Artiste, le Musée des familles, la Liberté, le
Parti national, etc. On doit à M. Fournel plusieurs mono-
graphies intéressantes, parmi lesquelles nous citerons :
Ce qu'on voit dans les rues de Paris (1856, in-18) ;
Du Rôle des coups de bâton dans les relations sociales
et en particulier dans V histoire littéraire (1859, in-1 8) ;
la Littérature indépendante (1863, in-18) ; le Dane-
mark en 1867 (1868, in-8) ; Paris et ses ruines en
mai \871 (1874, in-fol.) ; les Rues du vieux Paris
(1879, in-8) ; les Contemporains de Molière (1863-1876,
4 vol. in-8) ; les Vacances d'un journaliste (1876, in-18) ;
les Promenades d'un touriste (1877, in-18) ; Voyages
hors de ma chambre (1878, in-18) ; Figures d'hier et
d'aujourd'hui (1883, in-18); AuxPays dusoleil (1883,
in-8) ; De Malherbe à Bossuet (1884, m- 18) ; le Vieux
Paris (1886, gr. in-8) ; les Cris de Paris (1886, in-18) ;
De J.-B. Rousseau à André Chénier (1886, in-18);
l'Evénement de Varennes (1890, in-18); les Hommes
du 14 juillet (1890, in-18), etc. M. Fournel a publié en
outre quelques œuvres d'imagination : l'Ancêtre (1881,
in-18) ; la Confession d'un père (1889, in-18), couronné
par l'Académie française ; Maman Capitaine (1889,
in-18), etc. Il a aussi réédité le Roman comique et
le Virgile travesti de Scarron, ainsi que de Petites
Comédies rares et curieuses du xviie siècle (1884,
2 vol. in-18). Ch. Le G.
FOURNELS. Ch.-I. de cant. du dép. de la Lozère, arr.
de Marvejols ; 532 hab.
FOURNEREAU (Michel -Louis -Lucien), architecte et
explorateur français, né à Paris le 1 5 mai 1846. Sa première
mission officielle date de l'année 1887 où il fut chargé par
le ministère de l'instruction publique d'explorer le Maroni
(Guyane française). Depuis l'année 1887, M. Fournereau
remplit diverses missions archéologiques dans l'Indo-Ghine,
notamment dans le Cambodge et dans le Siam (1887-1888,
1891-1892), et fut assez heureux de pouvoir recueillir et
reconstituer les monuments si intéressants de l'art khmer.
Des rapports sur ses missions ont paru dans les Archives
des missions scientifiques et dans le Bulletin de la
Société de géographie.
FOURNES. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Mas-Cabardès ; 161 hab.
FOURNÈS. Corn, du dép. du Gard, arr. d'Uzès, cant.
de Remoulins ; 503 hab.
FOURNES-en-Weppes. Corn, du dép. du Nord, arr. de
Lille, cant. de La Bassée; 1,839 hab.
FOURNET (Le). Corn, du dép. du Calvados, arr. de
Pont-1'Evêque, cant. de Cambremer ; 82 hab.
FOURNET-Blâncheroche. Corn, du dép. du Doubs,
arr. de Montbéliard, cant. de Maîche ; 662 hab.
FOURNET (Joseph- Jean-Baptiste-Xavier), géologue et
météorologiste français, né à Strasbourg le 15 mai 1801,
mort à Lyon le 8 janv. 1869. Elève libre de l'Ecole des mines
de Paris (1822-25), il dirigea à sa sortie l'exploitation des
mines de Katzenthal (Haut-Rhin), puis de Pontgibaud (Puy-
de-Dôme), passa dans le courant du même mois de mai 1833
ses examens de bachelier es lettres, de bachelier, licencié
et docteur es sciences, fut nommé l'année suivante profes-
seur de géologie à la faculté de Lyon et devint en 1853
correspondant de l'Académie des sciences de Paris. Ses
remarquables travaux ont plus spécialement porté sur la
kaolinisation, sur l'ordre de sulfurabilité des métaux {loi
de Fournet), sur la formation des filons métallifères, sur
le métamorphisme des roches, sur la distribution des ter-
rains houillers en France, sur la géologie générale des
Alpes, des Vosges et de la région lyonnaise, sur le traite-
ment des minerais de plomb, etc. Il s'est aussi occupé de
météorologie et a organisé un système d'observations pour
l'annonce des grandes crues du Rhône. Enfin, il a doté
Lyon d'une abondante quantité d'eau prise dans le Rhône
souterrain. Les Annales des mines, les Annales de chi-
mie, les Comptes rendus de l'Académie des sciences
de Paris, le Bulletin de la Société géologique de France,
les Annales de la Société d'agriculture de Lyon, les
Mémoires de l'Académie des sciences de Lyon contien-
nent 250 notes et mémoires, dont 60 de météorologie, publiés
de 1826 à 1868 par ce savant. Il a en outre fait paraître
à part : Etudes sur les gîtes métallifères (Lyon, 1834,
in-8) ; De l'Extension des terrains houillers (Lyon,
1855, in-8); Géologie lyonnaise (Lyon, 1862, in-8);
Du Mineur, son rôle et son influence sur les progrès de
la civilisation (Lyon, 1862, in-8). Léon Sagnet.
Bibl. : Caillaux, Notice sur la vie et les travaux de J.
Fournet, dans le Bulletin de la Soc. géol. de Lyon; Paris,
1870, t. XXVII p. 521, in-8. — V. la liste des mémoires et
notes dus à Fournet dans le Catalogue of scientiflc papers
ofthe Royal Society; Londres, 1868 et 1877, t. II et VII.
FOURNEVILLE. Corn, du dép. du Calvados, arr. de
Pont-FEvêque, cant. de Honfleur, auprès de la forêt de
Touques ; 346 hab. Eglise du xme siècle. Ancien château
du xvie siècle, malheureusement défiguré par des remanie-
ments modernes.
FOURNEYRON (Benoît), ingénieur et homme politique
français, né à Saint-Etienne le 31 août 1802, mort à Paris
le 8 juif. 1867. Elève de l'Ecole des mineurs de sa ville
natale, il suppléa à seize aus un professeur de mathéma-
tiques de cet établissement, en sortit en 1819, fut attaché
la même année aux mines du Creusot et s'acquit bientôt
une grande réputation par de remarquables travaux de
mécanique et de métallurgie. En 1834, il inventa la tur-
bine (V. ce mot) qui porte son nom ; l'Académie des
sciences le récompensa par un prix de 6,000 fr. (1836).
Ses études sur l'établissement des forges d'Alais, son avant-
projet de chemin de fer de Saint-Etienne à la Loire, ses
expériences sur l'emploi de la vapeur d'eau pour l'extinc-
tion des incendies méritent aussi d'être cités. Durant les
dernières années du règne de Louis-Philippe, il fut l'un
des membres les plus en vue de l'opposition et, en 1848,
le dép. de la Loire l'envoya à l'Assemblée constituante
par 41,833 suffrages; mais il vota presque tout de suite
avec la droite et ne fut pas réélu. Outre quelques mé-
moires dans le Bulletin de la Société d'encouragement
(1834) et dans les Comptes rendus de l'Académie des
sciences de Paris (1836 à 1 843) , il a publié : Mémoire
sur les turbines hydrauliques et sur leur application
(Liège, 1841, in-8) ; Table pour les calculs des formules
relatives au mouvement des eaux dans les tuyaux de
conduite (Paris, 1844, in-8). L. S.
Bibl. : Analyse des travaux de B. Fourneyron ; Paris,
1843, in-4.
FOURNIE (Victor), ingénieur français, né à Paris le
18 juil. 1837. Il appartient au corps des ponts et chaus-
sées, où il est inspecteur général. Attaché au ministère de
la marine, pour l'inspection et la direction des travaux
publics des colonies, M. Fournie occupe une place à part
dans son corps. Toujours prêt à partir pour tous les points
du globe, il est de ceux dont l'activité physique ne le cède
en rien à l'activité intellectuelle ; il a été ingénieur au
Brésil (Pernambuco) et s'y est fait remarquer par de beaux
923 —
FOURNIE — FOURNIER
projets de ports maritimes. En France, M. Fournie a
commencé sa carrière par les travaux ordinaires des ponts
et chaussées, puis par les travaux neufs de chemins de
fer (Cie de l'Ouest) ; il est connu par des travaux inté-
ressants sur la météorologie, par la traduction du Traité
de la stabilité des constructions de l'Allemand Schef-
fler, par un Résumé des expériences hydrauliques faites
sur le Mississippi, et par un mémoire sur le port de Per-
narnbuco, etc. M.-C. L.
FOURNIER (Ornith.).Le genre Fournier (Furnarius
Vieillot) appartient à la famille des Dendrocolaptidés
(V. ce mot) et renferme une douzaine d'espèces de Passe-
reaux américains, de petite taille, à livrée brune, rousse
et blanche. L'espèce la plus connue de ce groupe est le
Fournier roux (Furnarius rufus Gm.) qui habite le Pa-
Fournier roux.
raguay, l'Uruguay et la République Argentine, et qui, à
l'âge adulte, a les parties supérieures du corps d'un gris
brun terreux, passant au roux sur la tête et la queue, et
les parties inférieures d'un gris blanchâtre, passant au
blanc pur sur la gorge et le milieu du ventre et nuancé
de roux cannelle sur les flancs. Son bec est presque droit
et comprimé latéralement, sa queue courte et formée de
pennes molles ; ses ailes sont obtuses, ses pattes hautes et
terminées par des doigts robustes.
Les Fourniers vivent isolés ou par couples dans les plaines
et les endroits découverts, souvent même dans le voisinage
immédiat des habitations, car ils sont d'un naturel peu farou-
che. Ils sautillent autour des buissons en faisant entendre un
cri monotone et volent assez mal. Leurs nids, placés sur des
Nid de Fournier roux.
arbres, sur des palissades ou dans l'angle d'un mur, sont
extrêmement remarquables. Ils sont bâtis avec de l'argile et
affectent la forme d'une sphère creuse de 30 centim. de dia-
mètre, plus ou moins régulière et percée latéralement d'une
ouverture. Une cloison, partant de l'entrée, divise l'intérieur
en deux compartiments, et dans l'étage inférieur, la femelle
dépose, sur un lit de feuilles et de plumes, ses œufs d'un
blanc piqueté de roux. Cette construction bizarre est
l'œuvre du mâle et de la femelle qui la terminent en deux
ou trois jours. E. Oustalet.
Bibl. : D'Orbigny, Voy. dans l'Amérique méridionale,
Oiseaux, p. 250.— Darwin, Voy. du Beagle, Zoologie, t. 111,
Oiseaux, p. 37. — Ph.-L. Sclater, Cal. B. Brit. Mus., 1890,
t. XV, p. 11.
FOURNIER (Les), architectes français de la fin du
xvie siècle. Plusieurs maîtres d'œuvre portant le nonide
Fournier ont travaillé, du xve au xvne siècle, dans diffé-
rentes villes du nord de la France, mais les plus connus
sont Florent Fournier, Louis Fournier et Isaïe Fournier,
— Florent Fournier, juré du roi es office de maçonnerie
vers la fin du xvie siècle, prit part aux adjudications des
travaux du Pont-Neuf en 4578 et des travaux du Louvre
en 4582, puis fut chargé, en 4584, par la ville de Paris,
d'expertiser des travaux exécutés par Claude Yellefaux et
Robert Marquelet ; il fit travailler, en 4593, aux fortifica-
tions de la ville de Melun. — Louis Fournier, probable-
ment fils du précédent, fut, lui aussi, expert jure es office
de maçonnerie du roi et expert juré de la ville de Paris, et
fut, à ce titre, chargé de diverses expertises de 4595 a
4645 ; de plus, il fit exécuter des travaux de construction
au Louvre avec Jehan Coing, mais sous la haute direction
de Louis Metezeau (V. ce nom), superintendant des bâti-
ments du roi. — Isaïe Fournier, architecte^ dessinateur
et graveur, fut architecte des bâtiments du roi et travailla
également aux bâtiments du Louvre ; comme dessinateur,
on lui doit les portraits de Henri IV et de Marie de Me-
dicis, qui furent gravés par Thomas de Leu, et, comme
graveur, il exécuta à l'eau-forte plusieurs sujets historiques.
FOURNIER (Marcellin), jésuite et historien dauphinois,
né à-Tournon (Ardèche) en 4594, mort à Bourg (Ain) en
'1650. Entré dans la Compagnie de Jésus, le 27 sept. 4644,
à Avignon, il enseigna successivement dans les collèges de
Roanne, d'Embrun, de Lyon et de Chambéry, où il prononça
ses derniers vœux en 4632. Depuis lors, il changea presque
chaque année de résidence et d'emploi ; tour à tour prélet
des études, prédicateur, missionnaire, catéchiste, à Cham-
béry, Montélimar, Nîmes, Fréjus, Grenoble, Embrun, Riez,
Pignerol, Carpentras, et enfin à Bourg, où la mort seule
le fixa. En dépit de ses pérégrinations, il trouva le temps
de consacrer cinq années à la préparation d'une volumineuse
et indigeste Histoire générale des Alpes maritimes... et
de leur métropolitaine Ambrun, qui n'a été imprimée
qu'en 4890 par les soins de M. l'abbé Paul Guillaume,
archiviste des Hautes-Alpes. Sur le conseil de l'historien
Chorier, Fournier en fit en 4 645 un abrégé latin intitulé
Annales ecclesiastici sanctœ metropolitanœ ecclesiœ
Ebredunensis, dont le manuscrit original est à Carpentras.
Il en existe deux copies : l'une à la Bibliothèque nationale
(ms. lat. 9423) et l'autre au petit séminaire d'Embrun.
Bibl. : A. Rochas, Biogr. du Dauphiné ; Paris, 1856, t. I,
p. 398, in-8. — Ad. Fabre, Recherches historiques sur les
pèlerinages des rois de France a N.-D. d'Embrun, précé-
dées d'une notice sur Marcellin Fournier; Grenoble et
Paris, 1860, in-8. — DEBACKERet Sommervogel, Bibl.des
écrivains de la Comp. de Jésus; Louvain, 1869-73, t. I,
col. 1922-23, et t. III, col. 2815,in-fol.
FOURNIER (Pierre-Simon), dit le Jeune, célèbre fon-
deur en caractères et typographe français, né à Paris le
45 sept. 4742, mort à Paris le 8 oct. 4768. Fils de Jean-
Claude, directeur de la fonderie Le Bé, il s'adonna dès son
jeune âge à la gravure de caractères, et, en moins de trente
ans, il forma une fonderie, entièrement l'ouvrage de ses
mains, ce qui ne s'était jamais vu. Ses italiques, ses notes
de musique et de plain-chant, ses lettres ornées, fleu-
rons, etc. , lui acquirent une grande célébrité. Il régularisa
les rapports de proportion entre les caractères (4737) et
publia de nombreux ouvrages, entre autres : De V Origine
et des productions de V imprimerie primitive en taille
de bois (4759, in-8), où il a décrit comme xylographiques
certains livres anciens imprimés en caractères mobiles :
Traité hist. et ait. sur V origine et les progresses
caractères de fonte pour Vimpression de la musique
FOURNIER
— 924
(1765, in-4) ; et surtoutun Manuel typographique (1764-
1766, 2 vol. in-8), qui fut le premier livre en ce genre et
demeura longtemps classique. G. P-i.
FOURNIER (Joseph-Augustin de) (V. Aultanne [Mar-
quis d']).
FOURNIER (Jean-Louis, chevalier), général français,
né à Melle, en Poitou, le 2 juil. 1774, mort à Versailles
le 11 oct. 4847. Entré au service en 4792, il fut promu
le jour même sous-lieutenant. Arrivé par de brillants ser-
vices au grade de colonel, le 16janv. 4813, il fut nommé
au 142e de ligne, fit en cette qualité la campagne de Saxe,
se distingua à la bataille de Lutzen (2 mai) et enleva sur
le soir le village de Kaya. Son régiment perdit à cette
affaire 46 officiers et 900 hommes. Nommé général de bri-
gade le 30 août 1813, il fut employé au 3e corps de la
grande armée, pour commander la première brigade de la
division Brayer, à Leipzig. Fournier se distingua de nou-
veau, en 1814, à Champaubert, à Montmirail, au combat
de Marchais, où il enleva le village à la baïonnette. Blessé
au combat de Romainville, sous Paris, il remit son com-
mandement et ne put prendre part à la fin delà campagne.
FOURNIER (Henri), imprimeur et libraire français, né
à Rochecorbon, près de Tours, le 19 nov. 1800, mort à
Tours le 8 mars 1 888. 11 apprit la typographie dans la maison
Firmin Didot (4818-1824) et fonda ensuite, avec Tasche-
reau, une imprimerie qui devint rapidement florissante et
qu'il céda, en 4846, à son prote, Jules Claye (V. ce nom).
Plusieurs de ses éditions de classiques français, entre autres
les Fables de La Fontaine, illustrées par Granville, eurent
du succès. Dans la seconde partie de sa carrière, Fournier
a dirigé les grandes publications de la maison Marne, à Tours.
Il est l'auteur d'un très bon Traité de typographie (Tours,
4825 ; 3e éd., Paris, 4870, in-48). G. P-i.
FOURNIER (Louis-Pierre -Narcisse), auteur dramatique
français, né à Paris le 24 déc. 4803, mort à Paris le
24 avr. 4880. On a de cet auteur un grand nombre de
pièces de théâtre (comédies et vaudevilles surtout) qui presque
toutes ont été jouées sur la scène du Gymnase de 4 842 à
4864. Citons : Une Présentation (Paris, 4836, in-8), co-
médie en collaboration avec A. François, la Femme qu'on
n'aime plus (\%S§, in-8), comédie-vaudeville; les Merlu-
chons (1840, in-8), en collaboration avec Théaulon et Sté-
phen ; la Fête des fous (1844, in-8), drame, avec Ar-
nould; Céline (1842, in-8), Mlle de Bois-RobeH (4843,
in-8), Dame et Grisette (4845, in-8), comédies; les
Amoureux de ma femme (4854, in-12) , avec Lau-
rencin ; le Mal de la peur (1856, in-12), avec H. Meyer ;
la Fille de Dancourt (4864, in-42), avec H. Bonhomme ;
Mlle Sylvia (4868, in-12), opéra-comique, musique de
S. David, etc. En dehors du théâtre , Fournier a écrit :
Struenséeou la Reine et le favori (Paris, 4833; 2 vol.
in-8); Alexis Petrowitch (4835,2 vol. in-8); A la Belle
Etoile (4838, 2 vol. in-8), romans, en collaboration avec
Aug. Arnould ; Histoire d'un espion politique sous la
Restauration, le Consulat et l'Empire (4846, in-8).
FOURNIER (Marc-Jean-Louis), dit Marc-Fournier,
auteur dramatique français, né à Genève en 4848, mort à
Saint-Mandé le 5 janv. 4879. Dès 4838 il collaborait à diffé-
rents journaux de Paris, le National,le Globe,\e Figaro,
entre autres, donnait de bonnes critiques littéraires dans
Y Artiste et écrivait des nouvelles et des romans qui, sous
forme de feuilletons, obtinrent de grands succès. En 4 847,
il faisait partie de la rédaction de la Presse; en 1848, il
entrait à la Liberté. Peu à peu, il abandonna le journa-
lisme pour le théâtre et il dirigea la Porte-Saint-Martin de
1851 à 1868. Il y perdit beaucoup d'argent. Citons de lui :
Piussie, Allemagne et France, révélations sur la poli-
tique russe, d'après les notes d'un vieux diplomate
(Paris, 1844, in-8) ; Madame de Tendu (1847, 2 vol.
in-8), roman écrit en collaboration avec Eug. de Mirecourt ;
les Aventures d'un comédien (1875, in-18) ; le Monde
et la Comédie (1881, in-12). Parmi ses pièces de théâtre,
presque toutes jouées à la Gaîté, au Gymnase et surtout à
la Porte-Saint-Martin, on peut mentionner : les Libertins
de Genève (1848, in-8), drame en cinq actes ; la Danse
des écus (1849, in-42), vaudeville en collaboration avec
H. de Kock ; les Nuits de la Seine (1852, in-42), mélo-
drame ; la Bête du bon Dieu (4854, in-12), drame, avec
Adrien DppoiiitpIIp
FOURNIER (M™5 Marc-) (V. Baron [Delphine]).
FOURNIER (Edouard), littérateur français, né à Orléans
le 15 juin 1819, mort le 10 mai 4880. On lui doit un
grand nombre de travaux d'érudition parmi lesquels on
peut citer : la Musique chez le peuple ou l'Opéra natio-
nal, son passé et son avenir (4847, in-42); Histoire
des hôtelleries et des cabarets, en collaboration avec
Fr. Michel (4850, 2 gr. in-8) ; Histoire de l'imprimerie
et de la librairie, insérée dans le Livre d'or des mé-
tiers (4854, in-48); les Lanternes, histoire de l'an-
cien éclairage de Paris (4854, in-42); l'Esprit des
autres (\8§€) ; l'Esprit dans l'histoire (1856) ; le Vieux
Neuf (18§9, 2 vol. in-42); Enigmes des rues de Paris
(1 866, in-42) ; Histoire du Pont-Neuf (1861 , 2 vol. in-12) ;
le Jeu de Paume, son histoire et sa description, etc.
(1862, in-4); le Roman de Molière (1863, in-42); la
Comédie de La Bruyère (1866, 2 vol. in-48);- Histoire
de la Butte des Moulins (4877, in-48); Souvenirs
poétiques de l'Ecole romantique (4880, in-42); Etudes
sur la vie et les œuvres de Molière (1884, in-48); His-
toire des enseignes de Paris (4884, in-8), etc. Edouard
Fournier publia aussi plusieurs rééditions d'écrivains du
xvne et du xvme siècle : Furetière, La Fontaine, Scarron,
Regnard, Marivaux, Beaumarchais, Picard, etc.; un choix
de comédies antérieures à Molière sous le titre de le
Théâtre français au xvi° et au xvn° siècle; les Lettres
inédites de la marquise de Créqui, etc. Il collaborait
à différents périodiques, entre autres à la Patrie qui lui
avait confié son feuilleton dramatique et littéraire. Lui-
même avait dirigé de 4853 à 4855 le journal le Théâtre.
Il était l'auteur de différents petits actes en vers : Chris-
tian et Marguerite, avec Pol Mercier (Théâtre-Français,
4854) ; le Roman du village, avec le même (Odéon, 4 863);
Corneille à la butte Saint-Pxoch (Théâtre-Français,
4862); la Fille de Molière (Odéon, 1863) ; Racine a
Uzès (Vaudeville, 1864); la Farce de Maître Pathelin
(Théâtre-Français, 1872); la Fille de Virgile; la Valise
de Molière, etc. Citons enfin Gutenberg, drame en cinq
actes, en vers (Odéon, 1868) ; les Deux Epagneuls, opéra-
comique (Néothermes, 1854); le Chapeau du roi, opéra-
comique (Théâtre Lyrique, 1856) ; la Charmeuse, opérette
(Bouffes, 1858). Ch. Le G.
FOURNIER (Hugues-Marie-Henri), homme politique
français, né à Paris le 29 juil. 1824 . Attaché aux archives
des affaires étrangères (4844), puis à la légation de Karls-
ruhe (1848), il devint secrétaire d'ambassade à Saint-Pé-
tersbourg (4 854 ), puis à Hanovre (1852), à La Haye (1854),
à Francfort-sur-le-Main (1857), à Madrid (1857), et de
nouveau à Saint-Pétersbourg (1859). Le 17 oct. 1862, il
fut promu ministre plénipotentiaire à Stockholm, et à Rome
le 26 févr. 1872. Il eut des démêlés retentissants avec M. de
Bourgoing, notre ambassadeur près le saint-siège, et le con-
traignit à renoncer à l'entrevue solennelle que ce diplomate
avait ménagée entre le pape et les officiers de letat-major
de VOrénoque,^ mouillé à Civita Vecchia (1873). M. de
Bourgoing démissionna et fut remplacé par M. de Corcelles.
Quant à M. Fournier, il conserva ses fonctions auprès du
roi d'Italie sur les instances pressantes du cabinet de Bro-
glie jusqu'au 4 déc. 1873, date à laquelle il réclama sa mise
en disponibilité. Le 30 janv. 1876, il se présenta sans suc-
cès aux élections sénatoriales dans le dép. d'Indre-et-Loire,
qui le nomma sénateur le 5 janv. 1879.11 siégea au centre
gauche et ne se représenta pas aux élections du 5 janv. 1888.
Il avait repris du service dans la diplomatie le 31 déc.
1877 comme ambassadeur à Constantinople, et il remplit
très habilement ces fonctions pendant la guerre turco-russe
et la période d'exécution du traité de Berlin.
— 925 —
FOURNIER
FOURNIER (Pierre-Jean), administrateur français, né
le 29 oct. 1828. Aide-commissaire de la marine (4851),
il fut promu commissaire le 20 juin 1872. Il exerça ensuite
les fonctions de directeur général de la comptabilité au mi-
nistère de la marine et devint trésorier général de réta-
blissement des invalides de la marine. Il est l'auteur d'un
ouvrage excellent : Traité d'administration de la ma-
rine (Paris, 1885-1887, 3 vol. gr. in-8).
FOU RN I ER (Antoine-Henry), homme politique français,
né à Bourges le 1er sept. 1830. Avocat à Bourges, il fut
élu représentant du Cher à l'Assemblée nationale le 8 févr.
1871 et siégea au centre droit. Elu sénateur du Cher le
30 janv. 1 876, il combattit les divers cabinets républicains
et appuya le gouvernement du 16 mai. Au renouvellement
triennal du 25 janv. 1885, il ne fut pas réélu et fut même
exclu du conseil général où il représentait le cant. deLevet
depuis 1 869.
FOURNIER (Jean- Alfred), médecin français contempo-
rain, né à Paris le 10 juin 1832. Il a fait d'excellentes
études classiques et a obtenu plusieurs prix au concours
général. Successivement interne des hôpitaux de la pro-
motion de 1854, docteur en médecine en 1860, médecin
des hôpitaux en 1863, et agrégé de la faculté la même
année, médecin de l'hôpital de Lourcine dès 1863, il inau-
gura dans cet hôpital, en 1869, une série de conférences
sur les maladies syphilitiques qui eurent un grand et légi-
time succès. Aussi, en 1870, il fut chargé d'un cours
complémentaire. M. Fournier est passé à l'hôpital Saint-
Louis en 1876 et il a été nommé, en 1880, professeur de
clinique de la faculté, pour les maladies cutanées et syphi-
litiques. Il est membre de l'Académie de médecine (1879).
Elève de Ricord, clinicien observateur et prudent, profes-
seur disert, il a fait connaître vd'une manière complète l'in-
fluence et le retentissement de la syphilis sur l'organisme
des malades, autant que sur leur descendance, et ses leçons,
la plupart d'une grande originalité, ont été réunies sous
les titres ci-après : Leçons sur la syphilis, étudiée plus
particulièrement chez la femme (1873; 2e éd., 1881);
Des Glossites tertiaires (1877); la Syphilis du cerveau
(1879); Syphilis et Mariage (1880;. 2e éd., 1890); De
VAtaxie locomotrice d'origine syphilitique ; tabès spéci-
fique (1882); Sur la Période préataxique du tabès
d'origine syphilitique (1885); la Syphilis héréditaire
tardive (1886) ; la Syphilis vaccinale (1889) ; l'Hérédité
syphilitique (1891). ' Dr A. Dureau.
FOURNIER (Charles-Antoine) (V. Dolent [Jean]).
FOURNIER (François-Ernest), marin français, né le
23 mai 1842. Entré au service en 1859, aspirant en 1861 ,
il fut promu capitaine de frégate en 1879, capitaine de
vaisseau en 1884 et contre-amiral en 1891. Il combattit
sous Paris pendant la guerre franco-allemande et se signala
à la bataille du Bourget. Il est surtout connu par la part
qu'il prit au traité de paix de Tien-tsin entre la France et
la Chine (11 mai 1884) et par la polémique que cette con-
vention excita dans la presse et qui fut close par un duel
entre le commandant Fournier et Henri Rochefort. Chef
d'état-major de l'escadre de la Méditerranée, il fut chargé,
en 1891, de créer, sous M. de Lanessan, l'organisation
militaire du Tonkin, puis de commander en chef la division
navale de l'extrême Orient. On a de lui : Instructions sur
V application d'une méthode nouvelle pour refaire à
la mer le tableau complet des corrections du compas
(1871, in-8) ; Déviations du compas (1873, in-8) ; Dé-
termination immédiate de la déviation du compas par
la méthode des compas conjugués (1878, gr. in-8);
Régulation immédiate du compas étalon aux atter-
rages (1889, in-8) ; Cyclones et typhons (1890, in-8).
FOU RNI ER (Paul-Eugène-Louis), jurisconsulte français,
né à Calais le 26 nov. 1853. Elève de l'Ecole des chartes,
docteur en droit, il devint professeur de droit romain à la
faculté de Grenoble. On a de lui : les Officialités du
moyen âge (Paris, 1880, in-8) ; la Question agraire
en Irlande (1882, in-18) ; la Question des fausses dé-
crétâtes (1887, in-8) ; Notice sur la bibliothèque de la
Grande Chartreuse au moyen âge (1888, in-8); le
Royaume d'Arles et de Vienne (1891, gr. in-8).
FOURNIER (Henri-Charles), médecin français contem-
porain, né à Saint-Omer le 24 oct. 1855. Il s'est adonné
spécialement à la dermatologie et à l'histoire naturelle cryp-
togamique et a publié sur ce sujet de nombreux articles
dans les journaux français et étrangers. Fournier est le
fondateur et le rédacteur en chef du Journal des mala-
dies cutanées et syphilitiques (mai 1889). Principaux
travaux : Etude sur les perforations de la cloison in-
terventriculaire dans V endocardite ulcéreuse (1884) ;
Etude sur le traitement de l'ongle incarné (1886) ;
Etude sur la tricophytie des ongles (1889); Etude sur
le zona des muqueuses (1891); art. Erythrasma,
Xeroderme, Intertrigo du dictionnaire de Dechambre.
Fournier collabore à la Grande Encyclopédie. Dr L. Hn.
FOURNIER (Pierre- Joseph-Marcel), jurisconsulte fran-
çais, né à Bordeaux le 13 oct. 1856. Elève de l'Ecole des
chartes, docteur en droit, il fut nommé professeur agrégé
de la faculté de droit de Rennes, puis professeur d'histoire
du droit français à la faculté de Caen. On a de lui un grand
nombre d'études importantes parmi lesquelles nous cite-
rons : De V Affranchissement et de la condition des af-
franchis dans la Gaule franque et Essai sur l'histoire
du droit d'appel, thèses (1881, in-8); Essai sur les
formes et les effets de l'affranchissement dans le droit
gallo-franc (1885, in-8) ; le Cautionnement solidaire
(1887, in-8) ; Une Corporation d'étudiants en droit en
1441 (1887, in-8) ; la Nation allemande à l'univer-
sité d'Orléans au xive siècle (1888, in-8) ; l'Eglise et
le droit romain au xme siècle (1890, in-8) ; Notes et
documents sur l'université de Rennes (1890, in-8) ;
les Statuts et privilèges des universités françaises de-
puis leur fondation (1890 et suiv., in-4), etc.
FOURNIER (Louis-Paul-Edouard), peintre français, né
à Paris le 17 déc. 1857. Il suivit à l'Ecole des beaux-arts
les cours de l'atelier Cabanel, et obtint en 1881 le grand
prix de Rome, avec une composition intitulée la Colère
d'Achille. En dehors de quelques portraits d'une facture en
général un peu molle, il a exposé surtout des scènes histo-
riques telles que : la Femme du lévite d'Ephraïm, le Fils
du Gaulois (1885) ; Véléda, prophétesse des Gaules, et,
dans une donnée plus moderne : la Fin du roman (1890) ;
Retour de bal (1891), etc.
FOURNIER de Pescay (François), médecin et littérateur
français, né à Bordeaux le 7 sept. 1771, mort à Pau vers
1833. Il étudia la médecine dans sa ville natale et entra
dans le corps de santé militaire comme aide-major en 1792.
11 fit les campagnes de 1794 à 1796 comme chirurgien
chef adjoint, et, licencié à la paix, il se fixa à Bruxelles où il
pratiqua la médecine. Il fut l'un des fondateurs de la Société
de médecine et fonda aussi le Nouvel Esprit des journaux,
recueil littéraire et scientifique pour faire suite à l'Esprit
des journaux, périodique interrompu pendant la guerre.
Enfin il se livra avec ardeur à la propagation de la vaccine et
publia un Essai historique et pratique sur l'inoculation
(1801) qui a eu plusieurs éditions. Rentré à Paris en
1806, comme chirurgien-major des gendarmes, il fut
quelque temps secrétaire du conseil de santé, après une
mission en Espagne, et envoyé à Haïti en 1823, pays dont
sa famille était originaire. Il y devint directeur du lycée,
puis inspecteur du service de santés Rentré en France, il
alla se retirer à Pau. Un mémoire qu'il a donné Sur le
Tétanos traumatique (1803) a eu beaucoup de succès
dans son temps. Les douze premiers volumes des Mémoires
de médecine, de chirurgie et de pharmacie militaires
ont été publiés sous sa direction et il est l'auteur d'un
Nouveau Projet de la réorganisation de la médecine
(1817) et de plusieurs dissertations sur le grasseyement,
l'influence de la musique dans les maladies, etc. /insérés
dans les Mémoires de l'Institut, le Dictionnaire des
sciences médicales, etc. Il a donné une édition de la
FOURNIER — FOURNITURE
— 926 —
Prophétie de Merlin l'enchanteur, du ve siècle, recueillie
par ïurpin, moine de Saint-Denis, et une du Vieux
Troubadour ou les Amours (1842), pnème de Hugues de
Xentralès, traduit de la langue romane, sur un manuscrit
du xie siècle. Dr A. Dureau.
FOURNIER des Ormes (Charles), peintre et écrivain
français, né à Paris le 6 mars 4 778, mort à Paris le 48 janv.
4853. Fils du typographe Pierre-Simon Fournier (V. ci-
dessus), il se lia de bonne heure avec Delille, et débuta dans la
littérature par une Histoire romaine, publiée en 4808. Il
entra ensuite dans l'atelier du peintre Hubert Robert, ami de
sa famille, auquel il adressa une Epître en vers sur la pein-
ture (4822). A partir de 4820, il envoya régulièrement
aux expositions des paysages et des scènes de genre, parmi
lesquels on a remarqué : Bélisaire (4820) ; une Vue de
Gergovie, en Auvergne (4822); Charles II fuyant sous
un habit de paysan (4824) ; une Vue des sources de
l'Eure (<mi); la Vallée de Saint-Prest (4827). Dans
la seconde moitié de sa vie, il fit un long séjour à Chartres,
et y peignit, entre autres tableaux, V Incendie de la ca-
thédrale, en \ 836 ; le musée de cette ville possède
quelques-unes de ses œuvres. Fournier des Ormes a des-
siné quelques lithographies, dont la plus connue est le
Champ de bataille de Waterloo. Enfin il a publié en
4837 un Poème didactique sur la peinture, qui n'est ni
meilleur ni plus mauvais que les autres productions de ce
genre.
Bibl. : Journal de Chartres, janv. 1850.
FOURNIER l'Héritier, dit V Américain (Claude), révo-
lutionnaire français, né à Auzon (Haute-Loire) le 24 déc.
4745, mort à Paris le 27 juii. 4825. Fils d'un tisserand,
il alla chercher fortune à Saint-Domingue, où il fonda une
fabrique de tafia. Un incendie le ruina. Il rentra en France
et se jeta à corps perdu dans la Révolution. Il fut certai-
nement un des premiers qui, à la veille de la prise de la
Bastille, organisèrent une force armée révolutionnaire. On
le vit parmi les acteurs les plus énergiques des journées
des 5 et 6 oct. 4789, du 17 juii. 4794, du 20 juin et du
40 août 4792. Il commanda la troupe de Marseillais et de
gardes nationaux parisiens qui servit d'escorte aux prison-
niers détenus à Orléans et les mena à Versailles, où ils
furent massacrés le 8 sept. 4792. Fournier fut accusé à
tort de complicité avec les meurtriers. Décrété d'arrestation
le 42 mars 4792 comme responsable de la tentative d'in-
surrection qui avait eu lieu l'avant- veille, il se justifia, fut
laissé en liberté malgré ses querelles avec Marat, mais se
vit éliminer du club des Cordeliers et fut emprisonné pour
avoir voulu y rentrer de force. Il resta en prison du 22 fri-
maire an II au 4er vendémiaire an III. Incarcéré de nouveau,
le 19 ventôse an III, comme complice des massacres de
Versailles, il bénéficia de l'amnistie du 4 brumaire an IV.
Après l'affaire de la machine infernale, on le déporta à la
Guyane où il resta jusqu'en 4809. Mis en surveillance à
Auxerre, il y prépara en juii. 4844 une sorte d'émeute
contre les droits réunis, qui lui valut d'être déporté au châ-
teau d'If. La première Restauration le délivra, mais, au
second retour des Bourbons, il fut arrêté de nouveau et
enfermé à la Force du 1er nov. 4845 au 46 août 4816. Il
passa les dernières années de sa vie à faire étalage de sen-
timents royalistes et à réclamer une indemnité pour les
pertes qu'il avait subies jadis à Saint-Domingue. On a de
lui, outre divers libelles, des Mémoires secrets qui ont été
publiés en 4890 par la Société de l'Histoire de la Révo-
lution : il les avait composés pendant sa première capti-
vité. F. -A. Aulard.
FOURNIER-Sarlovèze (François, comte), général fran-
çais, né dans la province de Périgord en 4775, mort à
Paris le 48 janv. 4827. Il entra au service en 4792
comme sous-lieutenant de dragons, et arriva au grade de
capitaine dans la même année. Chef d'escadrons de chas-
seurs en 4794, il fut nommé chef de brigade du 42e hus-
sards en 4798. A l'armée d'Italie, en 4800, il donna des
preuves de la plus grande bravoure. A la grande armée,
il assista aux batailles d'Eylau et de Friedland et reçut
le grade de général de brigade à cette dernière bataille
(44jum 1807). En Espagne (4808-4809). sa belle défense
de Lugo lui valut le titre de comte. Nommé général de divi-
sion le 44 nov. 4842, en Russie, il fut arrêté, à la fin
de l'année suivante, destitué et mis en surveillance, pour
avoir tenu des propos trop libres contre l'empereur.
Louis XVIII le nomma inspecteur général de cavalerie
(4846). Il fut mis en disponibilité en 4822.
FOURNISSEUR. I. Technologie. — Dans l'impression
sur étoffes, le fournisseur est un appareil chargé de trans-
mettre la couleur du châssis sur le cylindre à imprimer.
Il se fait en bois, en métal ou en bois garni de calicot^
mais aujourd'hui on emploie de préférence les fournisseurs
en bois recouverts de caoutchouc. Ce sont simplement des
rouleaux de bois recouverts d'un manchon en caoutchouc
de 8 à 40 millim. d'épaisseur. Ce manchon est fixé à ses
extrémités sur le rouleau de bois par des écrous qui se
vissent sur l'axe même du fournisseur. De cette façon, la
couleur ne peut pénétrer dans le manchon et on peut faci-
lement laver celui-ci. L. K.
IL Administration militaire. — Fournisseur de
l'armée (V. Munitionnaire).
FOURNITURE.!. Musique (V. Orgue).
IL Aministration militaire. — En administration
militaire, le mot fourniture est employé dans deux accep-
tions bien différentes. Son sens le plus général représente
toutes les prestations procurées à l'armée à l'aide de
marchés passés avec des fournisseurs. Telles sont les four-
nitures d'effets d'habillement, de grand et de petit équi-
pement, de harnachement, de casernement, de pain, de
vivres, de fourrage, de chaufîage, de corps de garde,
de bureau. L'administration se procure les fournitures
militaires soit par des achats directs, soit par marché de
gré à gré, soit par adjudication. Dans ce dernier cas, on
opère comme en administration publique en établissant un
cahier des charges et en recevant les soumissions sous pli
cacheté. Les marchés pour la fourniture du pain à la ration
et des fourrages se passent tous les ans à époque à peu près
fixe ; les cahiers des charges sont établis par l'administra-
tion centrale et envoyés aux intendants militaires direc-
teurs, chargés de faire procéder aux adjudications dans
l'intérieur des corps d'armée. La fourniture des ordinaires
de la troupe donne lieu à des marchés trimestriels. Les
inarchés pour les fournitures de casernement, de chauffage,
d'habillement, etc., sont à plus longue échéance; enfin il
en esU'autres pour lesquelles il n'est passé de marché que
lorsqu'elles font défaut à des époques indéterminées ; telles
sont les fournitures générales de la guerre, blé, farines,
conserves, etc.
On donne aussi le nom de fourniture au matériel de
couchage en usage dans l'armée. On distingue : 4° les
fournitures d'officiers, d'homme de troupe, d'infirmerie, de
salles de discipline et de détenus qui appartiennent à la
compagnie chargée du service des lits militaires (V. ce
mot) ; 2° les fournitures auxiliaires ou de campement qui
appartiennent à l'Etat et sont également appelées demi-
fournitures. Elles sont composées chacune d'une enveloppe
de paillasse, d'une enveloppe de traversin et d'un sac de
couchage ou de deux petits draps de lit, d'une grande et
d'une petite couverture. On alloue 40 kilogr. de paille pour
la paillasse et 2 kilogr. pour le traversin. Ces fournitures,
utilisées principalement pendant les appels des réservistes
et des territoriaux, sont destinées à être placées sur le sol
et en sont isolées par un paillasson ; on les met sur des
châlits de la Compagnie des lits militaires lorsqu'il s'en
trouve de disponibles dans les casernements. Les troupes
campées ou baraquées reçoivent également des fournitures
auxiliaires.
III. Administration scolaire.— L'art. 8 dudécret du
9 janv. 4890 dit : « Dans les communes où la gratuité des
fournitures scolaires n'est pas assurée par le budget munici-
pal, l'acquisition des objets qui constituent le matériel d'étude
— 927 —
FOURNITURE — FOURRAGE
à usage individuel, tel qu'il est établi par l'art. 7, est à la
charge des familles. Les ressources provenant de la caisse
des écoles et la subvention de l'Etat inscrite au budget du
ministère de l'instruction publique pour venir en aide à ces
établissements, seront affectées, en premier lieu, à la four-
niture gratuite des livres aux élèves indigents. » La géné-
rosité des conseils municipaux, dans un grand nombre de
villes et même de communes rurales, va au delà des pres-
criptions impératives de la loi et ajoute à la gratuité sco-
laire ce qui en est en un sens le complément, la fourniture
à tous les élèves de leurs livres et de leurs cahiers. Nous
signalerons, en particulier, les sacrifices que s'impose chaque
année la ville de Paris, pour exonérer toutes les familles,
qui envoient leurs enfants dans les écoles publiques, d'une
charge parfois assez lourde. Au budget de 1888, une somme
de 1,473,800 fr. était inscrite à l'article matériel, com-
prenant Immobilier, tes fournitures scolaires, les récom-
penses, et dans ce total les fournitures scolaires figurent
pour un demi-million environ. A Lyon, la somme portée
pour le même objet au budget municipal est de 85,000 fr.,
soit 5 fr. par tête d'élève. Dans d'autres villes, la gratuité
des fournitures scolaires ne s'étend pas à tous les enfants;
elle n'est accordée qu'à ceux dont les familles sont recon-
nues pour indigentes. Dans les communes rurales, ce sont
surtout les caisses des écoles, partout où elles existent, qui
prélèvent sur leurs ressources propres les sommes néces-
saires à la distribution totale ou partielle des livres et de la
papeterie. Une question délicate a été soulevée à propos
des fournitures scolaires dans les écoles où elles ne sont
pas gratuites et où les instituteurs distribuent à prix d'ar-
gent à leurs élèves les cahiers et livres dont ils ont besoin
pour leurs études. Les libraires et les commerçants ayant
réclamé contre cet usage, divers arrêts de la cour de cas-
sation et du conseil d'Etat (2 mars 1864-20 juil. 1864)
ont spécifié que « i'instituteur qui se borne à fournir à ses
élèves, dans l'intérieur de l'école, les objets de papeterie
dont ils ont besoin, ne peut dans ces circonstances être
considéré comme exerçant la profession de marchand de
papier en détail, imposable aux droits de patente ». Même
latitude est accordée aux congrégations enseignantes et aux
instituteurs en ce qui concerne « les livres qui servent à
l'instruction des élèves ». Pour empêcher les abus possibles,
le règlement scolaire modèle des écoles primaires élémen-
taires établit (art. 12) qu' « un tableau portant le prix
de tous les objets que l'instituteur est autorisé à fournir
aux élèves doit être affiché dans l'école après avoir été visé
par l'inspecteur primaire ». G. Compayré.
F0URN1VAL Gom. du dép. de l'Oise, arr. de Cler-
mont, cant. de Saint-Just; 414 hab.
FOURNIVAL (Richard de),écrivainfrançais,néàAmiens
vers 1200, mort entre 1250 et 1260. Il était en 1248 chan-
celier de l'Eglise (l'Amiens. Il a laissé des poésies élégantes,
ingénieuses et qui prouvent un grand savoir. C'est un véri-
table écrivain. Parmi les œuvres de R. de Fournival, nous
mentionnerons la Biblionomia, catalogue raisonné d'une
bibliothèque publique, des chansons et jeux-partis, un
Iraité de la puissance d'amour, des Conseils d'amour,
demeurés en manuscrit, le Bestiaire d'amour (Paris, 1 860 ,
in-8), publié par C. Hippeau, mélange d'érudition et de
badinage qui a eu au xine siècle un succès considérable ;
la Vieille ou les Dernières Amours d'Ovide (Paris, 1862,
in-8) publié par Co chéris. Fils d'un médecin, Richard était
lui-même chirurgien et il continua de pratiquer cet art,
avec la permission spéciale du pape, lorsqu'il fut entré
dans l'Eglise. R. S.
Bibl. : Paulin Paris, Notice sur la vie et les ouvrages
de R. de Fournival, dans Bibliothèque de l'Ecole des
chartes, t. II, p. 32 (1840). — Histoire littéraire de la France,
t. XXIII, p. 708, et t. XXIX, p. 456.— Journal des savants,
1882, p. 602.
FOURNOLS-d'Auvergne. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme,
arr. d'Ambert, cant. de Saint-Germain-l'Herm ; 1,440 hab.
FOU RN OU LÈS. Corn, du dép. du Cantal, arr. d'Au-
rillac, cant. de Maurs ; 245 hab.
FOU RON N ES. Gom. du dép. de l'Yonne? arr. d'Auxerre,
cant. de Courson ; 470 hab.
FOURQUES. Corn, du dép. du Gard, arr. de Nîmes,
cant. de Reaucaire; 1,175 hab.
FOURQUES. Coin, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. du Mas-d'Agenais ; 1,031 hab.
FOURQU ES. Corn, des Pyrénées-Orientales, arr. de Per-
pignan, cant. de Thuir; 651 hab. L'abbé d'Arles-sur-
Tech, de qui relevait Fourques, obtint l'autorisation de
fortifier ce village en 1488 ; les murs paraissent avoir été
bâtis au xme siècle. Ils subsistent encore et constituent un
spécimen intéressant de fortificatien rurale : ils forment une
enceinte carrée, sans tour, maçonnée en cailloux roulés et
élevée, de deux côtés, sur un escarpement. Une porte est
percée vers le milieu de l'un des fronts ; elle était jadis
protégée par une barbacane. Aug. Rrutails.
FOURQUETTE (Pêche). On nomme ainsi sur les côtes
de Provence un engin consistant en une croix de fer ou
de cuivre dont chaque branche est garnie d'un certain
nombre d'empilés d'inégales longueurs, portant des hame-
çons; cet engin, attaché à une longue ligne, est fixé à une
bouée ; il se place dans les fonds rocheux.
FOURQU EUX. Corn, du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Versailles, cant. de Saint-Germain-en-Laye ; 368 hab.
FOURQUEVAUX. Corn, du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Villefranche, cant. de Montgiscard, sur une colline
dominant la Marcassonne ; 529 hab. Ancien château de
diverses époques.
FOU RQU EVAUX (Raymond de Reccarie de Pavie, baron
de), homme de guerre et diplomate français, né à Tou-
louse en 1509, mort à Narbonne en 1574. Il appartenait à
une famille de robe, d'origine lombarde, et servit d'abord
en Italie sous Lautrec, en 1528. Après avoir porté les
armes en Savoie et en Piémont, il fut envoyé en Ecosse et
en Irlande pour le service de la reine d'Ecosse, Marguerite
de Lorraine. Après différentes autres missions en Alle-
magne et en Italie, il prit part aux guerres du règne de
Henri II, commanda les Français à la Mirandole en 1553,
fut blessé et fait prisonnier à Marciano. Gouverneur de
Narbonne en 1557, il fut envoyé comme ambassadeur en
Espagne en 1563. Il s'acquitta habilement de sa négocia-
tion, correspondant même avec La Mothe-Fénelon alors en
Angleterre. Après son retour, il prit part aux guerres de
religion, contribua à la délivrance de Toulouse et battit
le baron des Adrets à Lattes, près de Montpellier. Il était
chevalier de l'ordre, gentilhomme ordinaire de la chambre
et conseiller privé du roi. On a de lui : Instruction sur
le fait de la guerre (1553, in-4 et in-8). — Son fils,
François, né vers 1561 à Fourquevaux, mort le 16 mars
1611, est célèbre par ses voyages. Il a publié : Vies des
capitaines français (1643, in-4), parmi lesquelles se
trouve celle de son père. Louis Farges.
FOU RQU IN E (Arm. anc). Espèce de fourche à petites
branches, à manche long de 4 pieds, terminé par une pointe
pour être fiché enterre. C'est sur cet appui que l'arquebu-
sier et le mousquetaire appuyaient leur arme pour tirer plus
juste. Dès le xve siècle, le tireur de trait à poudre ou cou-
leuvrinier à main était armé de cette fourchette qui de-
meura en usage jusqu'au milieu du xvn6 siècle. Souvent on
plaçait dans le fût évidé fie la fourquine une lame d'épée de
manière à en faire une canne à dard, un brin d'estoc,
comme on disait alors. Une collection allemande possède
même une épée dont le pommeau donne naissance à deux
antennes incurvées formant fourchette. L'épée tirée du four-
reau et fichée enterre peut servir de fourquine. En marche,
le mousquetaire portait sa fourquine à la main comme une
canne ou suspendue au baudrier de son fourniment.
FOU R RAGE. I. Economie agricole. — Le mot fourrage,
dans son acception la plus étendue, s'applique à toutes les
plantes cultivées en vue de fournir des aliments au bétail.
Il y a lieu de distinguer d'abord les plantes fourragères pro-
prement dites qui comprennent les fourrages verts, c.-à.-d.
qu'on donne aux animaux aussitôt après la récolte, tels que
FOURRAGE — FOURREAU
— 928 —
l'herbe des prairies, le trèfle, la luzerne, et les fourrages
secs tels que les foins, les regains ; ensuite les fourrages-
racines : betteraves, carottes, pommes de terre, raves, etc.
La France cultive une étendue d'environ 7,300,000 hect.
en prairies et plantes fourragères foliacées , et environ
1,200,000 hect. de fourrages-racines ou tubercules. Il y
a deux siècles; l'agriculture française cultivait fort peu de
fourrages, et cela pour deux motifs : d'abord on faisait très
peu de bétail, juste la quantité nécessaire pour produire du
fumier, puis, un grand nombre de plantes fourragères étaient
inconnues ; ainsi, à l'époque où vivait Olivier de Serres, on ne
connaissait que la luzerne, la vesce, le pois gris et la jarrosse.
L'Angleterre fut la première puissance européenne qui cher-
cha à accroître ses ressources fourragères en cultivant, au
xvue siècle, le trèfle, le sainfoin, le ray-grass, etc. Cet
exemple fut imité en Allemagne ; en France, ce n'est que
vers la fin du règne de Louis XV que l'agriculture comprit
qu'elle devait augmenter sa production fourragère. On trou-
vera aux mots Foin, Luzerne, Prairie, Trèfle, etc., les
détails relatifs à ces diverses plantes fourragères ; nous nous
contenterons ici de faire remarquer que les divers fourrages
cultivés sont ou des plantes vivaces ou bisannuelles ou
annuelles. A. Larralétrier.
IL Armée. — La ration de fourrage allouée admi-
nistrativement à chacun des chevaux de l'armée se com-
pose normalement de foin, de paille de froment et
d'avoine. La quantité de chacun de ces trois éléments de
la ration réglementaire est variable selon l'arme ou le ser-
vice auxquels le cheval est affecté, et dans la même arme et
le même service suivant la position particulière occupée
par le cheval. Au point de vue du service, on distingue
administrativement : 4° la cavalerie de réserve; 2° la gen-
darmerie ; 3° l'artillerie ; 4° la cavalerie de ligne ; 5° la
cavalerie légère, soit cinq services principaux auxquels se
rattachent divers services accessoires. Les chevaux de race
arabe et les mulets forment deux catégories à part, en ce
qui touche aux allocations de fourrage. Au point de
vue de la position du cheval, on distingue adminis-
trativement : 1° le pied de paix ; 2° les camps de ma-
nœuvre baraqués; 3° les camps de manœuvre bivoua-
ques ; 4° les routes par terre ; o° les routes de chemin de
fer; 6° le pied de guerre, soit six positions principales
donnant droit à des allocations distinctes pour chacun des
cinq services énumérés précédemment. Il y a par consé-
quent trente types de rations administratives. Chaque
type correspond à une quantité différente des trois élé-
ments : avoine, foin, paille. Pour l'avoine, la quantité
varie depuis 4 kilogr. jusqu'à 5 kilogr. et 800 gr. Le poids
de foin entrant dans la ration varie de 3 à 5 kilogr. La
quantité de la paille peut atteindre 4 kilogr.; elle peut
disparaître absolument quand le cheval est dans la posi-
tion de route. La composition des rations fixée par les
tarifs peut être modifiée par des substitutions de denrées.
Cela de deux manières : d'une manière générale, par une
substitution embrassant les chevaux d'un corps d'armée,
d'une garnison ou d'un régiment, lorsque la pénurie des
denrées réglementaires le rend nécessaire, ou lorsque la
santé générale des chevaux l'exige ; d'une manière déter-
minée, quand il s'agit d'un cheval ou d'un petit nombre
de chevaux malades. Dans le premier cas, le ministre de
la guerre autorise la substitution et par délégation du
ministre le commandant du corps d'armée prend l'initiative
de la substitution. Dans le second cas, le sous-intendant
militaire prescrit la substitution relative à un cheval indis-
posé ou à un nombre déterminé de chevaux placés dans le
même cas, s'il s'agit de parties prenantes isolées et d'offi-
ciers sans troupes. S'il s'agit d'un régiment et d'un petit
nombre de chevaux réclamant pendant une période de
temps limitée une substitution de denrées, c'est le colonel
qui prononce la substitution d'après la proposition du vété-
rinaire. Les carottes, la farine d'orge, l'orge, le sainfoin
et la luzerne constituent les denrées habituelles de substi-
tution. Les bases d'après lesquelles s'opèrent les substitu-
tions sont poids pour poids quand il s'agit de substituer du
sainfoin ou de la luzerne au foin ; double poids pour la
substitution de la paille au foin; moitié du poids, s'il s'agit
de substituer de l'avoine ou de l'orge au foin ; trois fois le
poids pour la substitution des carottes au foin. Les autres
substitutions sont celles du son à l'avoine qui se fait avec
moitié du poids et celle de la farine d'orge à l'avoine qui
se fait par les huit dixièmes du poids. 40 kilogr. de four-
rages verts à l'écurie représentent administrativement 12 ki-
logr. de foin. Enfin le mash réglementaire compte lk8J25
d'avoine, 1 décil. de graine de lin, 1 lit. de son et 3 lit.
d'eau bouillante. Le mash peut être prescrit en remplace-
ment de la ration par le colonel aux chevaux en travail
échauffés par l'avoine ou dont le travail est brusquement
arrêté. En Algérie et en Tunisie, l'orge remplace généra-
lement l'avoine. En campagne et dans les places assié-
gées, les circonstances justifient le remplacement de
l'avoine par le seigle, le blé, le maïs, le sarrasin, les
vesces, les féveroles, suivant les ressources locales. Ces
remplacements exigent beaucoup de précautions et une
gradation prudemment ménagée : on doit à ce sujet se
régler sur les habitudes locales. En cas de nécessité, les
feuilles sèches , la racine de gazon, Fécorce d'arbre, le
bois sec réduit en copeaux doivent être recueillis pour
suppléer à la pénurie des fourrages réglementaires. Dans
les villes de garnison et particulièrement dans les places
fortes sont installés à demeure de vastes magasins dont
l'approvisionnement est renouvelé périodiquement suivant
des prescriptions prévenant la vétusté des denrées accu-
mulées. Ces magasins constituent une lourde charge au
point de vue financier et une grosse responsabilité au
point de vue administratif. P. Marin.
Corde à fourrage (V. Corde)-
FOURRAGÈRE (V. Chariot).
FOURRAGEUR (Art milit.) En temps de guerre, une
armée qui manque de subsistances et qui vit sur le pays
envoie, à l'occasion, recueillir dans les villages ou couper
dans les champs la paille, le foin, l'avoine, etc., néces-
saires à la nourriture de ces chevaux. Cela s'appelle faire
un fourrage, et les hommes qui y prennent part sont des
fourrageurs. Afin que les soldats,' porteurs de sacs pour
mettre les grains, de faux, de faucilles pour couper les
céréales sur pied, puissent opérer à l'aise et à l'abri d'un
coup de main de l'ennemi, ils sont protégés par un rideau
de troupes ou une chaîne de petits postes, et de vedettes,
ou même par un corps important d'infanterie avec du ca-
non. Faire un fourrage constitue donc une petite opération
militaire qui a ses lois. — On appelle charge en fourrageurs
par opposition à la charge en ligne ou en muraille, celle où
les cavaliers sont isolés, espacés les uns des autres pour
se précipiter sur l'ennemi. C'est la charge usitée contre une
troupe rompue et débandée et dans la poursuite. Dans
les exercices, la charge en fourrageurs est sonnée à cent
pas de l'ennemi figuré par des cavaliers. A cette sonnerie,
les fourrageurs pointent leur arme et allongent au galop
le plus vite, en se dirigeant de manière à envelopper les
cavaliers qui figurent l'ennemi. Lorsqu'ils ont parcouru
100 à 150 m. au train de charge, le chef de peloton fait
sonner le ralliement. Ed. Sergent.
FOURRÉ (Sylvie). Massif de bois jeunes dont les tiges
sont encore garnies de leurs branches dès la base.
FOURRÉ. Expression employée autrefois comme syno-
nyme de plaqué. On appelait ainsi un métal recouvert, à
l'aide d'un laminage répété, de feuilles très minces d'un
autre métal précieux. Employé originairement par les faux
monnayeurs, ce procédé fut appliqué au xvnr3 siècle à la
fabrication de la vaisselle de service ; il prit ensuite le nom
de plaqué et de doublé. La galvanoplastie Fa remplacé
depuis pour la façon des couverts ordinaires.
FOURREAU. I. Archéologie. — Nom donné à l'enve-
loppe d'un objet long et mince. Bien que ce mot ait de nom-
breuses significations et qu'il se soit appliqué à l'origine à
— 929 —
FOURREAU - FOURRIÈRE
toute enveloppe destinée à préserver le mobilier — fourreau
de piliers de lit, de chaises, de lustres, — il est plus
généralement considéré comme la gaine d'une arme blanche,
d'un sabre, d'une épée. Du temps de Rabelais , le velours
du fourreau de Tépée des seigneurs était assorti à la couleur
des chausses; en 1561, un édit royal défendit aux magis-
trats de tout ordre le fourreau recouvert de velours.
II. Armée. — Etui dans lequel se loge la lame d'une
arme : épée, sabre ou baïonnette. Autrefois les fourreaux
étaient de cuir pour les sabres d'infanterie, les épées et
les baïonnettes ; aujourd'hui les épées seules ont conservé
le fourreau de cuir, baïonnettes et sabres d'infanterie
ayant, comme le sabre de cavalerie, le fourreau métallique.
La lame est maintenue dans le fourreau par deux pièces
métalliques entre lesquelles elle glisse à frottement et qui
portent le nom de battes. Elles sont fixées à l'entrée du
fourreau. Le poids du fourreau de l'épée-baïonnette du
fusil 4886 (Lebel) est de 200 gr. Ce fourreau est bronzé.
Le poids du fourreau du sabre de cavalerie varie, pour
les différents modèles : latte, bancal, etc., entre 670 et
730 gr.
III. Art vétérinaire. — Repli cutané destiné à protéger
et à maintenir la verge dans sa situation normale. Constitué
par la peau, il présente entre les deux épaisseurs du tégu-
ment une expansion fibro-élastique, dépendance de la tunique
abdominale, qui lui fournit de chaque côté un ligament
suspenseur particulier. A l'intérieur du fourreau la peau
est fine, plissée, grasse, glanduleuse et laisse sécréter une
matière de couleur ardoisée, d'odeur désagréable, connue
sous le nom vulgaire de cambouis. Sur le fourreau on
observe parfois des verrues ou fies, des tumeurs mélaniques
qui peuvent gêner la sortie du pénis et l'émission de l'urine.
D'autre fois, les matières qu'il sécrète se durcissent, se
concrètent, déterminent un engorgement. C'est l'œdème
du fourreau qui se guérit par les soins de propreté et sur-
tout par l'enlèvement avec la main des matières irritantes
que renferme l'organe (V. Balanite). L. Garnier.
FOURRIER (Art milit). Sous-officier chargé de la
comptabilité d'une compagnie, et placé sous les ordres im-
médiats du sergent-major ou du maréchal des logis chef.
L'emploi de fourrier est rempli par un sergent-fourrier ou
par un caporal fourrier. Le fourrier est chargé spéciale-
ment du casernement et du couchage, des distributions de
denrées, de la tenue du registre d'ordres. Un caporal est
toujours désigné pour le remplacer lorsqu'il est absent ou
le seconder dans ses fonctions quand il est présent. Le
fourrier de semaine de chaque bataillon est aux ordres de
l'adjudant de bataillon et de l'adjudant de semaine,
pour l'établissement des situations. Un fourrier d'ordre
pris parmi les fourriers de semaine se rend tous les ma-
tins au rapport de la place pour y porter le rapport du
régiment. Il y prend les ordres de la place. Un autre est
chargé de conduire à l'hôpital les malades du régiment et
d'en ramener les sortants.
FOURRIÈRE. I. Administration. — C'est l'endroit
désigné par le maire pour recevoir provisoirement les ani-
maux, voitures et autres objets saisis ou abandonnés sur la
voie publique et dans les propriétés privées. Les animaux
qui servent à l'accomplissement d'un délit peuvent également
être conduits à la fourrière en même temps que l'objet qui
constitue le corps du délit : par exemple, les chevaux qui
transportent des marchandises voyageant en contravention
aux lois sur les douanes ou les contributions indirectes et ces
marchandises elles-mêmes. La même mesure est quelque-
fois prise à l'égard des animaux ou objets trouvés en la
possession d'un inculpé au moment de son arrestation. Le
droit de mettre en fourrière appartient aux agents de l'au-
torité publique : maires, commissaires de police, gardes
champêtres, gardes forestiers, etc. La loi du 4 avr. 1889,
reproduisant en cela une disposition de la loi des 28 sept,
et 6 oct. 1 791, accorde la même faculté aux simples par-
ticuliers, mais dans un cas déterminé. Aux termes de la-
dite loi, tout propriétaire a le droit de conduire, sans
grande encyclopédie. — XVII.
retard, à la fourrière les animaux non gardés ou dont le
gardien est inconnu et qui lui ont causé du dommage. Le
maire, s'il connaît la personne responsable, est tenu de lui
donner immédiatement avis du fait. Si les animaux ne sont
pas réclamés et si le dommage n'est pas payé dans la hui-
taine du jour où il a été causé, il est procédé à la vente
des animaux sur ordonnance du juge de paix, lequel évalue
le dommage. Cette ordonnance est affichée sur papier libre
et sans frais à la porte de la mairie. Elle ne devient défi-
nitive, quant à la fixation du dommage, que si le proprié-
taire des animaux n'a pas formé opposition dans la hui-
taine de la vente. Cette opposition, qui peut être faite par
simple avertissement, est recevable même après le délai de
huitaine, si le juge de paix reconnaît qu'il y a lieu, en rai-
son des circonstances, de relever l'opposant de la rigueur
du délai. Le montant des frais et des dommages est pré-
levé sur le produit de la vente.
Les animaux conduits à la fourrière sont nourris et en-
tretenus par les soins de l'administration, qui veille aussi
à la conservation des objets y déposés. La mise en fourrière,
qui n'est qu'une mesure provisoire, est, d'ailleurs, toujours
assez courte, à cause des frais qu'elle entraîne. Ainsi les
animaux ne doivent pas rester à la fourrière plus de huit
jours (décr. du 18 juin 1811, art. 39). Cette durée est
même restreinte à cinq jours pour les bestiaux saisis en
délit dans les forêts (C. forest, art. 169). Les objets non
périssables peuvent être gardés huit mois ; ceux qui ne sont
pas susceptibles d'être conservés doivent être vendus immé-
diatement par voie d'enchères (ordonn. roy. du 23 mai
1830); Ces délais peuvent, toutefois, être prolongés, quand
les animaux ou objets saisis sont nécessaires à l'instruction
du procès. Dans ce cas, le magistrat chargé de l'affaire
demande au procureur général l'autorisation de prolonger
la durée légale. Le procureur général est lui-même obligé
de rendre compte au ministre de la justice de l'autorisa-
tion qu'il a accordée. Les formalités à remplir pour ren-
trer en possession des animaux ou objets déposés à la four-
rière varient suivant les cas. Quand la mise en fourrière
a été opérée par un propriétaire lésé, conformément à la
loi du 4 avr. 1889, c'est au propriétaire des animaux de
débattre avec lui les conditions de la restitution. Le juge de
paix n'intervient que s'ils ne peuvent s'arranger aimable-
ment. Si la mise en fourrière a été prescrite par l'adminis-
tration des douanes ou celle des contributions indirectes,
la mainlevée est prononcée par ces administrations, mais
sous caution solvable (lois des 6-22 août 1791, tit. X,
art. 16; 1er germinal an XIII, art. 23). La mainlevée est
ordonnée par le juge de paix, également sous caution,
quand la mise en fourrière a été opérée par un agent
forestier, ou par un maire, un commissaire de police, un
garde champêtre. Enfin, si elle a eu lieu à l'occasion d'un
crime ou d'un délit de droit commun, la mainlevée ne
sera ordonnée que par le juge d'instruction. Les animaux,
et les objets qui n'ont pas été restitués dans les délais indi-
qués ci-dessus sont vendus sur ordonnance du juge de paix,
du juge d'instruction ou du président du tribunal, suivant
les cas. La vente est faite au marché le plus voisin, à
moins d'autorisation contraire, par les soins de l'adminis-
tration des domaines ou de celle qui a ordonné la mise en
fourrière. Les frais de fourrière sont prélevés sur le pro-
duit de la vente, par privilège et de préférence à tous
autres (décr. 'du 18 juin 1811, art. 39 et 40 ; ordonn. du
23 mai 1830, art. 1 et 3). Si le montant de ces frais est
supérieur au produit de la vente, le payement du surplus
incombe à l'administration qui a provoqué la mise en four-
rière. Quand, pour les besoins d'une procédure criminelle,
la mise en fourrière a excédé les délais d'usage, la dépense
en résultant prend le caractère d'une dépense extraordinaire
et doit être ordonnancée d'après les règles données par
l'art. 136 du décret du 18 juin 1811 (instr. gén. des
fin. du 30 sept. 1826).
La fourrière de la préfecture de police est établie à Pa-
ris, rue de Pontoise, n° 19. Elle est régie par une ordon-
59
FOURRIÈRE — FOURRURE
930 —
nance de police du 25 août 4882, qui a rapporté celle du
28 févr. 1839 sur le même objet. Jules Forestier.
IL Histoire. — Fourrière du roi. — Office de la
maison du roi sous l'ancien régime, chargé de la fourniture
du bois de chauffage, du charbon, de la paille, du service
des feux et de Peau chaude pour les bains, etc. La four-
rière comptait sous Louis XVI vingt chefs fourriers, quinze
aides, un délivreur de bois, un porteur, deux porte-tables,
deux menuisiers, un fournisseur de buis (pour le jour des
Rameaux), un verrier, deux porte-chaises d'affaires.
Bibl. : Almanachs royaux.
FOURRURE. I. Technologie. — Nom donné au pelage
de certains carnassiers ou rongeurs et aussi, par extension,
aux peaux emplumées de quelques oiseaux, comme le
cygne, Feider, etc. La fourrure constitue pour ces animaux
un vêtement naturel plus ou moins épais que l'homme leur
enlève et qu'il apprit de bonne heure à préparer pour en faire
des vêtements artificiels, ainsi que des tapis, pour se mieux
garantir du froid et de l'humidité. Le prix considérable
qu'on met à la dépouille des animaux, surtout dans les
pays froids, est toujours relatif à la difficulté de se la
procurer, et à la beauté réelle de la fourrure. Cette beauté
consiste dans la longueur du poil de l'animal, sa douceur,
son épaisseur et sa couleur. L'usage de porter comme vê-
tement la peau des animaux tués à la chasse, et comme
ornement les parties les plus belles de leur fourrure, paraît
avoir existé chez tous les peuples primitifs. On connaît la
représentation légendaire d'Hercule revêtu de la dépouille
du lion de Némée. Les anciens Grecs connaissaient la pel-
leterie et étaient déjà, par les Phéniciens, en relations
commerciales avec les habitants des zones glacées. Mais à
l'époque de leur complète civilisation, les Grecs ne regar-
daient plus l'usage des fourrures qu'avec une répugnance
extrême. De tous les peuples de l'antiquité, les Perses sont
les seuls qui mirent les vêtements fourrés au nombre des
objets de luxe. Les Romains et les Grecs du Bas-Empire
considéraient encore les fourrures comme un signe carac-
téristique de barbarie. A partir du viG siècle, lors des con-
quêtes des Germains, des Francs et des Goths, sous le
règne de Justinien, l'Italie fut un moment soumise au
sceptre d'un roi goth et les Gaules furent envahies par les
Francs qui s'y établirent : l'usage des fourrures se répan-
dit peu à peu en Europe. Tout en s'accommodant au luxe
des habitants des pays civilisés, les conquérants ne renon-
cèrent pas à toutes leurs coutumes barbares ; ils conser-
vèrent, entre autres, le goût des fourrures, quoique la
température plus douce des climats nouveaux sous lesquels
ils étaient venus se fixer leur permît de s'en passer. En
effet, ils remplacèrent les peaux grossières dont ils se cou-
vraient par lés étoffes plus commodes et plus agréables de
l'Italie et des Gaules, mais ils n'en recherchèrent qu'avec
plus d'ardeur les fourrures rares et précieuses, moins à
cause de la nécessité que par ostentation. Lorsqu'aux der-
niers temps de l'empire romain, les fourrures furent de-
venues un article de commerce recherché, les marchands
s'occupèrent activement des moyens de s'en procurer. La
Scandinavie et les contrées situées sur les bords de la mer
Baltique fournissaient les peaux de martre zibeline. D'un
autre côté, les marchands établis à Constantinople tiraient
des districts montagneux où le Tigre et l'Euphrate pren-
nent leur source, ainsi que de la Perse et de la Mésopo-
tamie, des quantités considérables de fourrures de toute
espèce, tandis que les marchands grecs établis en Crimée
et ceux de Cappadoce expédiaient chaque année, à Constan-
tinople et dans tout le reste de l'Empire, une grande
quantité de mêmes fourrures avec la dénomination de rats
de Pont et rats de Babylone. De tous les animaux auxquels
on peut attribuer ces dénominations, l'hermine est le seul
qui soit bien connu. Les auteurs les plus anciens qui en
font mention le nomment hermelin, corruption du mot
armenillo, qui en italien signifie arménien. Il est très
vraisemblable que c'est de l'Arménie que les Européens
tiraient les peaux d'hermine : elles étaient apportées en
Italie par des marchands génois ou vénitiens qui faisaient
ce commerce.
On trouve l'usage des fourrures établi en France dès
les premiers rois. Charlemagne, dont la cour affichait le
plus grand luxe, était vêtu d'ordinaire fort simplement ; il
avait l'habitude de porter en hiver un pourpoint de peau
de loutre, mais, en été, il se couvrait pour la chasse d'un
petit manteau de peau de mouton. Dans les solennités,
Charlemagne se montrait plus élégant ; ses vêtements
étaient fourrés d'hermine, de petit-gris et de renard. On
employait particulièrement à cette époque les peaux de
martre, de loutre, de chat, de loir et d'hermine. Une loi
somptuaire de l'an 808 défend de vendre ou d'acheter le
meilleur rochet fourré de martre ou de loutre plus cher que
30 sols, et, fourré de peau de chat, 40 sols. Plus tard les
seigneurs ne dépensèrent pas moins en fourrures qu'en
garnitures d'or. L'hermine, la martre, le petit-gris ou dos
de l'écureuil du Nord et le menu vair coûtaient si cher que
le signe le plus certain de l'opulence était d'en posséder
beaucoup. Lorsqu'en 1096, les croisés envahirent le palais
de l'empereur à Constantinople, leurs chefs scandalisèrent
cette cour polie par la grossièreté de leurs façons, mais
non pas par celle de leurs vêtements. Albert, chanoine
d'Aix-la-Chapelle, a décrit, dans la relation qu'il a donnée
de cette entrevue, les vêtements somptueux de pourpre,
de drap d'or, d'hermine, de martre, de gris et de vair
dont se parèrent à cette occasion les principaux chefs des
croisés. Les relations directes de l'Europe avec l'Asie, par
suite des croisades, firent affluer les fourrures précieuses,
si rares auparavant. Le goût pour la pelleterie se changea
en fureur, et la consommation fut telle que les artisans en
cette partie formèrent des corporations plus nombreuses
que bien d'autres métiers qui répondaient aux besoins
indispensables de la vie. Ceux à qui leurs moyens ne per-
mettaient pas les fourrures d'Arménie et de Sibérie, se
rabattirent sur les peaux de renard, d'agneau, de lièvre,
de chat et de chien. Les fourrures entrèrent même dans la
distribution de vêtements que l'on faisait aux pauvres, tant
cette chose était devenue de nécessité première. On ne se
contentait plus de porter la fourrure des bêtes en pelis-
sons ; on en fourrait les manteaux, on en bordait le bas,
les manches et l'encolure des tuniques. La couleur natu-
relle des peaux fut déguisée par divers artifices : on mou-
cheta l'hermine en disposant symétriquement sur la four-
rure la houppe de poils noirs qui est au bout de la queue
de l'animal; les peaux à poil blanc furent teintes en
couleur, particulièrement en rouge. Saint Bernard a ex-
primé son indignation au sujet des manchettes vermeilles
qu'il voyait au poignet des prêtres. Gueules était le nom
de ces sortes de garnitures et c'est pourquoi la couleur
rouge en blason s'est appelée gueules. Des bandes de
gueules disposées alternativement avec d'autres bandes de
vair ou d'hermine produisaient des fourrures bariolées,
qui devinrent plus tard des emblèmes héraldiques. Pendant
longtemps il fut défendu aux bourgeoises de se vêtir des
quatre grandes fourrures : la zibeline, l'hermine, le vair
et le gris, dont l'usage était exclusivement réservé aux
femmes nobles. Cependant, après le règne de Louis IX, les
femmes des bourgeois enrichis dans le commerce commen-
cèrent à déployer un luxe en rapport avec leur fortune et
se parèrent de riches fourrures. C'est ainsi que le livre de
la taille, pour l'année 1272, compte 214 fourreurs à Paris.
Mais, sur les sollicitations des seigneurs de sa cour, Phi-
lippe le Bel, par une ordonnance de 1294, défendit aux
bourgeois de porter du vair, du gris ou de l'hermine, et leur
enjoignit de se défaire de leurs fourrures dans le délai
d'un an. La loi, toutefois, fut loin d'être observée, et le
luxe des fourrures prit des proportions encore plus consi-
dérables. Pendant le règne désastreux de Charles VII, la
mode suivit son cours au milieu des calamités du royaume,
mais l'habitude des fourrures ne restait plus que dans les
grandes maisons. Nous savons bien, par Monstrelet, que
sous Louis XI, en 1467, les dames et demoiselles suppri-
nièrent les longues queues de leurs robes et les rempla-
cèrent par des bordures de gris et de martre ; toutefois , à
partir de Charles VIII, le luxe des étoffes de soie et de
velours commença à se substituer à celui des fourrures
qui furent dès lors employées beaucoup moins dans le
costume.
Le xvie siècle ramena la mode des fourrures un instant
abandonnée. François Rabelais, dans le chapitre de son
Gargantua, consacré à la fiction de l'abbaye de Thélème,
et qui se rapporte à l'année 1530, dit qu'en hiver les
dames de ce galant monastère portaient des robes de cou-
leur fourrées de loup-cervier, genette noire, martre de
Calabre, zibeline et autres fourrures précieuses. Mais le
luxe fut poussé tout de suite trop loin ; une ordonnance,
rendue en 1532, intima aux financiers et gens d'affaires
de s'abstenir de draps de soie et de fourrures. Sous le
règne de Henri III apparaît pour la première fois le man-
chon d'hiver en satin ou en velours doublé de fourrure,
objet nouveau pour lequel on ne sut pas créer un nom,
puisque celui de manchon désignait auparavant et désigna
longtemps encore après les manches qui n'allaient que
jusqu'au coude. En effet, les statuts donnés aux pelletiers,
en 1586, mentionnent les manchons ou bouts de manches
fourrés. À l'époque de Louis XIV, le manchon figurait,
dans la tenue d'hiver, chez les hommes comme chez les
femmes. En 1692, les caprices de la mode répandirent de
plus en plus les manchons de fourrure parmi les femmes. Ils
étaient devenus la niche de petits chiens qu'il était de
bon ton de porter partout avec soi. Quant aux autres vête-
ments fourrés tels que le pelisson, ils étaient toujours en
usage pour l'hiver. Le pelisson était une pelisse ordinaire
doublée d'hermine. La palatine, fourrure de dame qui couvre
le col et le devant de la poitrine, date de ce temps. Le règne
de Louis XVI fut propice à la mode des manchons de four-
rure, auxquels on donna parfois les noms les plus excen-
triques. Comme au temps de Louis XIV, les hommes le
disputaient aux femmes en fait de fourrures. Une estampe
du recueil d'Enault nous montre un élégant de 1778 habillé
à l'anglaise, en frac et les bras à moitié cachés dans un
énorme manchon. Ces manchons étaient pour la plupart en
loup de Sibérie.
Les statuts et privilèges des marchands de fourrures et
pelletiers de la ville de Paris et de ses faubourgs avaient
été donnés par le roi Jean en 1346 ; ils furent successi-
vement confirmés par Charles V en 1367, par Henri III en
1586, par Louis XIII en 1618, et par Louis XIV en 1648.
Les fourreurs formèrent d'abord le quatrième corps des
marchands de Paris. En 1776, ils furent agrégés aux bon-
netiers et aux chapeliers, et composèrent avec eux le troi-
sième des six corps de marchands. Actuellement, les
fourreurs emploient les peaux des animaux qui se rencon-
trent dans les quatre parties du inonde à l'état sauvage ou
domestique ; aussi la récolte, l'échange et le transport des
fourrures donnent lieu à un trafic considérable entre
l'Amérique du Nord, la Russie orientale, l'Allemagne et la
France. Cette industrie a pour intermédiaires la Compagnie
anglaise de la baie d'Hudson, établie sous Charles II, en
1670 ; la Compagnie danoise du Groenland, dont le centre
est à Copenhague, et la Compagnie russo-américaine, qui
a son comptoir à Moscou. Les pelletiers s'approvisionnent
aux grandes foires de Francfort et de Leipzig, dans les
ventes publiques de Copenhague et dans les ports de
l'Océan et de la Méditerranée.
L'industrie de la fourrure, en France, se divise en trois
classes d'industriels : 1° les collecteurs ou ramasseurs de
peaux ; 2° les marchands en gros ou pelletiers ; 3° les
fourreurs. Les principaux pelletiers sont en même temps
confectionneurs de fourrures. Autrefois, les fourreurs exé-
cutaient eux-mêmes l'apprêt et le lustrage des peaux, mais
aujourd'hui ils s'adressent à des industriels spéciaux qui
travaillent à façon. Les ouvriers apprêteurs écharnent les
peaux à l'état brut ; ils les graissent du côté de la chair et
les foulent avec les pieds dans un tonneau pour qu'elles
— 931 — FOURRURE
s'imprègnent parfaitement du corps gras ; ensuite , ils
grattent de nouveau le cuir avec le couteau ; ils assou-
plissent la peau et la dégraissent avec de la sciure de bois,
du plâtre ou du sable chaud ; enfin ils la battent, la ter-
minent à la baguette et la peignent. Les peaux ainsi pré-
parées sont envoyées au lustreur. Jusqu'en 4 820, les
procédés de lustrage ou de teinture étaient restés fort
arriérés. A cette époque, la teinture des peaux fit de très
grands progrès à Lyon, et, pendant quelques années, le
lustrage de cette ville fut seul estimé ; mais des industriels
établis à Paris étant parvenus à obtenir un lustrage supé-
rieur à celui de Lyon, le commerce des peaux se développa
rapidement dans la capitale, à ce point qu'on y fait main-
tenant pour une somme considérable en peaux de lapin
seulement. Le travail des ouvriers lustreurs consiste à
faire l'application du mordant, à donner les couches de
peintures à la brosse, à tremper dans un baquet de tein-
ture les peaux dont le fond doit être teint et à faire le
battage et le dégraissage; chez plusieurs lustreurs, ces
deux dernières opérations se font mécaniquement. Il ne
reste plus alors qu'à confectionner les peaux ; le four-
reur les fait couper par des ouvriers spéciaux et monter et
coudre par des femmes qui travaillent soit à l'atelier, soit
chez elles. Le fabricant se charge enfin de garder les four-
rures pendant la saison des chaleurs et de leur donner
tous les soins qu'exige leur conservation.
Les peaux les plus communément employées à Paris
sont : les peaux de lapin, les peaux de martre, parmi les-
quelles on préfère les zibelines de Sibérie, qui donnent les
fourrures les plus estimées ; les peaux de fouine, les peaux
de putois, les peaux de vison, espèce de martre d'Amérique
et d'Europe, dont la fourrure est recherchée pour les vête-
ments de femme ; la peau de rat musqué du Canada ; les
peaux de petit-gris, espèce d'écureuil habitant le nord des
deux continents ; les peaux d'hermine dont les souverains
ornent leurs manteaux, les magistrats leurs robes, les cha-
noines de quelques chapitres leurs aumusses et leurs ca-
mails. Enfin la peau du chat domestique sert à faire des
manchons à bon marché, celle du chat angora remplace
dans les pelisses la peau du renard blanc et plusieurs
autres espèces de peaux de chat des contrées du Nord,
envoyées dans la capitale pour y être préparées par l'in-
dustrie parisienne. A ces peaux d'un grand emploi, il faut
ajouter les peaux d'agneaux du Nord et de l'Italie, du
Béarn, d'Arles, de Russie et de Perse ; les peaux de chin-
chilla, tirées du Chili par Lima et Buenos Aires ; celles
de la loutre du Canada, des renards et particulièrement du
renard noir de Sibérie, les peaux de lièvre blanc, les
peaux plus rares de lièvre noir de Russie ; les peaux de
loup de Sibérie, dont on fait des manchons ; les peaux de
genette, qui viennent d'Espagne, de Turquie et surtout
d'Afrique : les peaux de castor, très estimées en pelleterie,
quand les animaux ont été tués en hiver ; les peaux d'ours
de Pologne, de Russie et d'Amérique, dont on fait des
manchons et des bonnets pour l'armée, etc. Les peaux de
lion, de tigre, de panthère, de cerf, d'ours blanc, de car-
cajou, ne servent en pelleterie qu'à faire des tapis et des
caparaçons, celles des bisons de l'Amérique du Nord sont
utilisées pour garnitures de chancelière, tapis d'apparte-
ment, de voiture. Au travail des peaux des quadrupèdes,
la pelleterie a joint la fabrication des fourrures faites avec
des peaux de cygne, d'oie, de grèbe; ces fourrures servent
à confectionner des palatines et des garnitures de robe.
Depuis une trentaine d'années, la pelleterie parisienne a
pris un développement considérable, et le chiffre de ses
transactions a plus que quadruplé ; la plus grande partie
de ses produits est consommée à Paris même ; le reste se
partage entre les départements et l'étranger. L. Knab.
IL Art héraldique. — Employées indifféremment comme
émail et comme métal, les fourrures admises très honora-
blement en armoiries sont au nombre de deux : l'hermine,
qui a pour opposé le contre-hermine et le vair dont l'op-
posé est le contre-vair (V. ces mots).
FOURS — FOU-SAN
— 932 —
FOURS. Cora. du dép. des Basses-Alpes, arr. et cant.
de Barcelonnette ; 329 hab.
FOURS. Corn, du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. d'Ecos; 188 hab.
FOURS. Corn, du dép. de la Gironde, arr. et cant. de
Blaye; 324 hab.
FOURS. Ch.-l. de cant. du dép. de la Nièvre, arr. de
Ne vers; 1,745 hab.
FOURTOU. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Couiza; 305 hab.
FOURTOU (Marie-François-Oscar Bardy de), homme
politique français, né à Ribérac le 3 janv. 1836. Avocat
à Ribérac, maire de cette ville, il fut élu représentant de la
Dordogne à l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871. Bona-
partiste, il siégea au centre droit. Il ne tarda pas à attirer
l'attention publique, d'abord ^>ar son rapport concluant à
l'autorisation de poursuites contre M. Rouvier, auteur
d'articles de journaux où le général Ducrot était assez mal-
mené (févr. 1872), puis par son attitude à l'égard de
M. Thiers dont il défendit le gouvernement contre les entre-
prises de son parti. Thiers, reconnaissant, lui donna le 8 déc.
1872 le portefeuille des travaux publics. M. de Fourtou
démissionna le 17 mai 1873 avec MM. de Goulard et Jules
Simon, puis accepta le ministère des cultes dans le cabinet
centre gauche du 19 mai 1873 qui ne dura que cinq jours.
Le 26 nov., il faisait partie du cabinet de Broglie avec le
portefeuille de l'instruction publique, des beaux -arts et des
cultes. Adoptant avec zèle les tendances réactionnaires
de ce gouvernement, il s'empressa de mettre en disponi-
bilité les professeurs qui lui étaient signalés pour leurs
opinions trop républicainesvrétablit la commission de cen-
sure et ne craignit pas de tancer Je haut clergé. Ministre
de l'intérieur dans le cabinet du 22 mai 1874, il persista
dans cette politique', poursuivit les fonctionnaires suspects
de libéralisme, les journaux républicains et monarchistes,
et peupla son ministère d'agents bonapartistes. Ces der-
nières mesures indisposèrent ses collègues orléanistes et il
dut démissionner le 18 juil. 1874. Il devint alors un des
partisans les plus actifs de M. Buffet. Elu député de
Ribérac le 20 févr. 1876, il était tout désigné pour occuper
le ministère de l'intérieur dans le cabinet du i6 mai
1877.11 répondit pleinement aux espérances du gouverne-
ment du Seize-Mai et se signala par une activité exception-
nelle et des rigueurs telles qu'il en demeura à jamais
impopulaire. Les préfets et sous-préfets républicains furent
remplacés par des agents bonapartistes et légitimistes ; les
maires furent révoqués, la presse soumise à des vexations
continuelles, le Bulletin officiel des communes devint entre
les mains du ministre un organe de combat. Un des plus
ardents promoteurs de la dissolution de la Chambre, M. de
Fourtou, une fois qu'elle fut votée par le Sénat, entama
la campagne électorale avec une ardeur sans précédent
dans les fastes ministériels. Il se vanta, dit-on, de « faire
marcher le pays ». La candidature officielle refleurit
comme aux beaux jours de l'Empire : on vit reparaître
Faffiche blanche, les tournées présidentielles, les manifestes,
les mesures d'intimidation, les gages au parti ultramontain,
qu,i en triompha même si bruyamment que les cabinets de
l'Europe, redoutant une nouvelle expédition de Rome,
firent des représentations diplomatiques. Cette intervention
obligea M. de Fourtou à déclarer que « le prêtre ne devait
pas s'immiscer dans les affaires de l'Etat». Il fut réélu
à Ribérac avec une énorme majorité, mais a\ec lui furent
réélus les 363 qui réclamèrent aussitôt (15 nov.) une
enquête sur les abus de pouvoir du cabinet. Le 23 nov.,
il dut. démissionner avec ses collègues. Un an après (18 nov.
1878) il était invalidé, sur le rapport écrasant de M. Flo-
quet et après une séance orageuse où Dufaure flétrit de
l'épithète de « parti sans nom » le parti de M. de Fourtou
et où .Gambetta l'accusa de mensonge, ce qui amena entre
eux un duel d'ailleurs sans résultat. Le 2 févr. 1879,
M. de Fourtou était réélu par Ribérac. Il se tint désormais
dans une sorte de retraite dédaigneuse d'où il ne sortit
même point lorsque M. Brisson proposa de le mettre en
accusation ainsi que ses anciens collègues. Le 7 mars 1880
U entrait au Sénat où il remplaça M. Magne. Il continua
d'y jouer le même rôle volontairement effacé. Puis il subit
coup sur coup deux échecs : au renouvellement triennal
du 25 janv. 1885 et aux élections générales pour la
Chambre du 4 oct. 4885. Il prit sa revanche le 22 sept.
1889 à Ribérac où il battit M. Brugère, son concurrent
républicain, avec 9,682 voix contre 7,583. M. de Fourtou
est administrateur de la Compagnie du chemin de fer
d'Orléans.
FOU-SAN. L'un des trois ports ouverts au commerce
étranger en Corée (prov. de Kieng-sang), au S.-O. de la
presqu'île, séparée de Kiou-siou par le détroit de Corée,
dont la largeur est d'environ 255 kil. Les vapeurs mettent
de quatorze à seize heures pour aller de Fou-san à Naga-
saki. Ce port, qui avait été visité en oct. 1797 parle capi-
taine W.-R. Broughton, à bord de la Providence, a été
ouvert par le traité de la Corée avec le Japon en 1876 et
a pris de jour en jour plus d'importance, grâce à son excel-
lente position. Il est abrité des typhons par de grandes col-
lines. En face, se trouve l'île connue par les étrangers sous
le nom de Deer Island et, par les indigènes, sous celui de
Chôl-yong-do.
Le mouvementdu port, suivant les statistiques des douanes
chinoises établies en 4 883, qui ont commencé à être publiées
en 1885, était, en 1891 : entrées et sorties, 1,921 bâti-
ments, dont 4,461 voiliers et 460 vapeurs (424 japonais,
4 allemands, 2 anglais, 30 russes), représentant un tonnage
total de 360,919 tonnes. La valeur totale du commercadu
port a été, pour 4889, en piastres mexicaines : 4,830,349;
pour 4890, 3,963,470 ; pour 1891, 3,688,955. Ce dernier
chiffre se répartit ainsi : importation étrangère, 1 ,487,978 ;
importation indigène (de Jen-chuan et de Yuen-san),
432,874 ; produits indigènes exportés à l'étranger,
4,786,274 ; produits indigènes exportés à d'autres ports
coréens, 281,835. Les principaux articles d'importation
sont les marchandises de coton, le cuivre, le fer, les mé-
taux, la corderie, les vêtements, les teintures, les allu-
mettes, le pétrole, le sa-ké, le sel, les soieries, les bois de
charpente, les poissons secs et salés. Les produits indigènes
sont surtout les fèves, l'orge, les marchandises de coton,
les peaux, le papier, le riz (4 ,477,498 piastres mexicaines),
les algues, les ailerons de requin, etc. ,
En 4891 , la population étrangère de Fou-san se composait
de 5,412 hab., ainsi répartis : Américains, 2 ; Anglais, 44 ;
Chinois, 438 ; Allemands, 3 ; Japonais, 5,255. Il y avait
400 maisons de commerce dont 3 chinoises et 97 japo-
naises. La population coréenne de la ville de Fou-san et
de la préfecture deToungnai était évaluée, la même année,
à 30,000 hab. Toungnai (en japonais Toraï) est la première
ville qui fut armée pour résister à l'invasion japonaise au
xvie siècle. La ville coréenne est située à environ 4 kil. de la
ville étrangère. M. Varat, le dernier voyageur français qui
l'ait visitée, écrit (Tour du monde, 4 juin 4892) : « La
ville indigène, fort misérable, est en partie habitée par des
pêcheurs ; les maisons de ceux-ci, situées au bord du dé-
troit de Corée, sont en général précédées de grands trous
circulaires d'environ 3 m. de diamètre sur 4 m. de pro-
fondeur, creusés dans le sol et recouverts de glaise. Quatre
pieux de 2 m. de haut, placés perpendiculairement en
carré autour de ces réservoirs, supportent une légère toi-
ture de chaume destinée à abriter les engrais de sardines
qu'on y prépare pour les exporter en grandes quantités au
Japon, où ils servent à fumer les terres. » Fou-san est en
réalité une ville japonaise, reliée par des services de bateaux
à vapeur, d'une part avec Nagasaki et Vladivostock, de
l'autre avec Tchémoulpo et Tchefou. Le 24 nov. 4883, le
vapeur Great 'Northern est venu établir une ligne télé-
graphique sous-marine entre Fou-san et le Japon. On y
publie un journal coréen-japonais, appelé Chd-sen Shvnpo.
Henri Cordier*
Bibl. : V. Corée.
— 933 —
FOUSCHER — FOUTA
FOUSCHER (Pierre), chroniqueur limousin, né dans les
dernières années du xve siècle, mort vers 1545. Fils d'un
greffier de Limoges, ordonné prêtre en 1514, nommé cha-
noine de la cathédrale en 1517, il est connu comme auteur
d'une chronique locale qui s'étend de 1507 à 1543. Com-
mencée en latin, elle fut, à partir de 1533, terminée en
français, ut omnes intelligant. Cette chronique, conser-
vée par une copie de dom Estiennot {Fragmenta historiée
aquitanicœ, II, 559 et suiv.), a été publiée pour la pre-
mière fois en 1885 par M. E. Molinier dans les Documents
historiques sur la Marche et le Limousin (II, 42-57).
FOU SI-Y AIWA, FUJI-YAMA, ou FOUSI-SAN. Célèbre
volcan du Japon, situé dans l'île de Nippon ou Hondo, à la
limite des provinces de Sourouga et de Kai, par conséquent
dans l'ancienne circonscription To-kaï-do ; le Fousi fait partie
d'une chaîne de montagnes s'étendant vers FE. et le S. et
descendant dans la presqu'île d'Idzou, qui est arrosée àl'O.
par la baie de Sourouga et à TE. par la baie d'Odowara.
La grande route du To-kai-do, qui relie Kioto à Tokio,
coupe la chaîne à Hakone (855 m. d'alt.) pour se diriger
ensuite vers Odowara et Tokio. L'ait, du Fousi est
estimée de 3,745 m. (Rein), à 3,769 m. (Stewart). La
dernière éruption de ce volcan, dont le cratère a un dia-
mètre moyen d'environ 825 m. et deux entonnoirs distincts,
a eu lieu en 1707 ; elle causa alors de grands dommages.
La légende et l'art, naturellement, se sont emparés de
cette montagne, la plus célèbre du Japon. « La cinquième
année du règne de Korei-Tenno (285 av. «L-C), d'après
une ancienne tradition, enregistrée dans les annales impé-
riales, le mont Fousi, de la hauteur de plus de 3,700 m.,
s'éleva soudainement sur la frontière des provinces Sou-
roga et Kahi dans le Tosando, tandis que la terre s'ouvrit
dans la province d'Aumi et qu'il s'y forma le grand lac
actuellement connu sous le nom du lac de Biva ou de la
Guitare. » (L. Metchnikoff.)
Le célèbre artiste Hokusaï (1760-1849) a, sous le nom
de Fougakou-Hiak'kei, donné 100 vues du Fousi-yama,
qui ont eu de nombreuses éditions (1830, 1834, 1880).
Cet ouvrage a été décrit par Fred.-V. Dickins (Londres,
1 880) . Hokusaï a donné égalementla magnifique série connue
sous le titre de Fougakou san-jiou-rok kei, les 36 vues du
Fousi-yama en 42 grandes planches en couleur, « un des
plus beaux ouvrages de l'artiste », dit M. Ànderson. D'ail-
leurs, il n'est guère de maison japonaise où l'on ne voie
le Fousi, représenté soit par les peintures, soit par des
dessins. Le paysagiste japonais si connu, Hiroshighé-Moto-
naga (1797-1858), de l'école populaire Oukiyo-yé, a donné
aussi en 1820, sous le nom de Fouji-hyakou-dzu, 36 vues
en couleur du Fousi-yama, qui paraissent être le premier
ouvrage qu'il ait publié. Henri Cordier.
Bibl. : Léon Metchnikoff, Empire japonais.— - G. Ap-
pert, Ancien Japon. — B.-H. Chamberlain, Memoirs of
the Literature-College Impérial University of Japan.
FOUSSAIS. Corn, du dép. de la Vendée, arr. de Fon-
tenay, cant. de Saint-Hilaire-des-Loges, sur un affluent
de la Vendée ; 1 ,465 hab. Eglise intéressante dont la façade
romane est ornée de curieux bas-reliefs et d'une statue
équestre dans le tympan ; le pignon et les voûtes sont -du
xve siècle.
FOUSSARD (Le).. Rivière de France (V. Eure-et-Loir,
t. XVI, p. 771).
FOUSSEDOIRE (André), homme politique français, né
à Issoudun (Indre) le 11 oct. 1753, mort à Lausanne
(Suisse) le 17 août 1820. Il était dans les ordres avant la
Révolution ; ayant embrassé les idées nouvelles, il devint
administrateur du dép. de Loir-et-Cher, qui l'élut député
suppléant à la Convention le 6 sept. 1792. Il fut de suite
admis à siéger en remplacement de Rernardin de Saint-
Pierre, non acceptant. Membre du parti montagnard, il
vota la mort de Louis XVI et fut envoyé en mission dans
les dép. du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône
et du Mont-Terrible le 21 brumaire an II (12 oct. 1793).
11 se rendit ensuite dans les Vosges le 9 pluviôse an II
(26 janv. 1794). Après le 9 thermidor, il resta fidèle à
ses opinions, réclama le désarmement des royalistes et des
aristocrates (21 mars 1795) et défendit Billaud-Varenne
et Collot d'Herbois (25 mars). Décrété d'arrestation, sur
la demande de Bourdon de l'Oise, le 1er avr. suivant, il
fut enfermé au château de Ham et fut encore enveloppé
dans la proscription de prairial an III. Il profita de l'am-
nistie du 4 brumaire an IV. En 1816, la loi sur les régi-
cides força Foussedoire à quitter la France ; il s'installa à
Lausanne, où il mourut. Etienne Charavay.
Bibl.: Moniteur. — Félix Bouvier, les Vosges pendant
la Révolution, p. 275. — Jules Guiffrey, les Convention-
nels. — Documents personnels.
FOUSSEMAGNE ou FIESSENEN. Corn, du territoire
de Belfort, cant. de Fontaine ; 529 hab.
FOUSSERET (Le). Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-
Garonne, arr. de Muret ; 2,052 hab.
FOUSSET (Ernest-Eugène), homme politique français,
né à Orléans le 24 juil. 1830. Négociant à Orléans, il fut
élu député de cette ville, à une élection partielle, le 6 avr.
1879, et s'inscrivit à l'Union républicaine avec laquelle il
vota généralement. Réélu le 21 avr. 1881, il fit partie de
la gauche radicale, appuya la politique opportuniste, fut
de nouveau réélu, mais au second tour de scrutin, aux
élections générales de 1885, et entra le 5 janv. 1888 au
Sénat où il combattit le boulangisme.
FOUSS1ER (Edouard), auteur dramatique français, né
à Paris le 23 juil. 1824, mort à Paris le 15 mars 1882.
Il débuta par des impressions de voyage : Italiam(iSAS),
puis aborda le théâtre avec une comédie en deux actes en
vers : Heraclite et Démocrite (Théâtre-Français, 1850).
Il donna ensuite : les Jeux innocents, comédie en un acte
en vers (Gymnase, 1853); Une Journée cf Agrippa
d'Aubigné, drame en cinq actes en vers (Théâtre-Fran-
çais, 1853) ; le Temps perdu, comédie en trois actes en
vers (Gymnase, 1853) ; la Famille de Puymené, drame
en quatre actes en prose (Gymnase, 1865); le Maître de
la Maison, comédie en cinq actes en prose (Odéon, 1866).
On a encore de Foussier le Chercheur d'esprit^ opéra-
comique en un acte, avec MM. Carré et Barbier ; François
Villon, opéra en un acte, avec Got; la Baronne, drame
en quatre actes avec M. Ch. Edmond. Foussier collabora
en outre à Ceinture dorée, aux Lionnes pauvres et à
Un Beau Mariage, d'Emile Augier. Ch. Le G.
FOUSSIGNAC. Corn, du dép. de la Charente, arr. de
Cognac, cant. de Jarnac; 550 hah.
FOUTA. Pays delà Sénégambie, qui s'étend sur la rive
gauche du fleuve Sénégal, du Oualo au Bondou , et qui
comprend le Dimar, le Toro, le Fouta central. C'est le
Fouta central, ou Fouta proprement dit, qui exerce sur la
région une influence politique et religieuse prépondérante.
Les Foulbé qui sont depuis plusieurs siècles les maîtres
de la zone fluviale, ont établi au Fouta, vers le début du
xixe siècle, une sorte de république théocra tique dont le
chef, ou almâmi, a été. un des adversaires de notre influence.
Depuis 1854, le Fouta reconnaît la suzeraineté de la
France. La population se compose de Foulbé et de Toucou-
leurs, race croisée, issue du mélange de l'élément pheul
et de l'élément nègre. Les postes principaux du Fouta sont:
Saldé, rive gauche du Sénégal, Boumba et Oréfondé, au S.
FOUTA-Djallon ou FOUTA-Dialon. Pays de la Séné-
gambie, situé entre le 10e et le 12e degré de lat.N., région
montagneuse dont les eaux alimentent le Niger, le Séné-
gal, la Gambie et les rivières moins importantes tribu-
taires de l'Océan, de l'embouchure de la Gambie au cap
Sierra Leone. Les montagnes du Fouta-Djallon sont riches
en fer et recèlent des gisements d'or. Dans les vallées, le
coton est cultivé avec succès. Les aborigènes de race nègre,
les Djalonkés, ont été soumis, vers le xvi° siècle, aux
Foulbé. Ce sont les Foulbé qui ont fondé TEtat du Fouta-
Djallon vers le milieu du xvme siècle. Le chef de TEtat
porte le titre d'almâmi. La capitale est Timbo ; les villes
principales, Labé et Faucoumba.
FOU-TCHÉOU — FOWLER — 934 —
FOU-TCHEOU. Ville de Chine, capitale de la prov. de
Fou-kian, sur la rive g. du Min, à environ 32 kii. de l'embou-
chure ; 636,000 hab. C'est un des centres maritimes les
plus importants de la Chine et aussi un centre littéraire ;
ses établissements d'instruction sont renommés, son com-
merce considérable (3,092,567 taels d'importations et
4,358,845 taels d'exportations). Résidence du vice-gouver-
neur, des autorités politiques et militaires de la province, des
consulats européens et des missions catholiques. Fabriques
de soie, de lainage, de papier; construction de navires.
Commerce important d'opium, de bois, de plomb, de thé.
La ville irrégulièrement bâtie s'étend sur une petite île
formée par deux bras du Min et rattachée aux deux rives
par le pont en granit des « Dix mille Années », le plus
long de Chine. La colonie européenne occupe la rive droite
du Min, la ville chinoise la rive N. à 3 kil. du fleuve.
Un grand mur de 9 m. de haut, de 3 m. de large, percé
de sept portes monumentales et défendu par de grosses
tours, enferme toute la ville. L'arsenal de Fou-tchéou,
construit en 1867 par deux Français, MM. Fiquet et d'Ai-
guebelle, et situé à 40 kil. au-dessous de la ville, sur la
rive gauche, emploie plus de 1,000 ouvriers. Il a été
bombardé en 1884 par l'amiral Courbet qui détruisit les
forts et les batteries qui défendaient la rivière Min.
FOUTEÂU (Bot.) (V. Hêtre).
FOUTOUNA. Ile de l'archipel des Nouvelles-Hébrides;
55 kil. q.; 2,500 hab. C'est une montagne conique de près
de -600 m. de haut.
F0UVENT-le-BasouF0UVENT-la-Ville(Fotz5F^^.
Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de Gray, cant. de
Champlitte, sur le Vannon; 279 hab. Carrières de pierres
de taille et de marbre gris. Sur la montagne de Champot,
camp antique, près duquel on a trouvé des sarcophages,
des monnaies romaines, des débris de poteries et des amas
de scories. Lors de la délimitation opérée en 1559 entre les
deux Bourgognes, Fouvent, qui avait toujours dépendu du
pays langrois, fut déclaré en surséance, et ce n'est qu'en
1612 que la dévolution en fut prononcée au profit du
duché. Le général allemand Galas l'occupa en 1636 et
1637. Les de Bauffremont possédaient la seigneurie au
xvne siècle et les de La Tour du Pin au xvine. Fouvent-le-
Bas fut chef-lieu de canton sous la Révolution. L-x.
FOUVENT-le-Hàut ou FOUVENT-le-Chàtel ou
FOUVENT-le-Prieuré (Fons Vennœ). Com. du dép, delà
Haute-Saône, arr. de Gray, cant. de Champlitte, sur le
Vannon; 340 hab. Moulin. Le château qui appartenait,
avec la seigneurie, aux de Fouvent au xne siècle, et aux
de Vergy au xme, fut pris, en 1568, par le duc de Deux-
Ponts et par les Français qui le démantelèrent en 1636.
Le prieuré a été fondé, en 1019, en l'honneur du saint
sépulcre et de la Vierge, par Gérard de Fouvent. Monu-
ment mégalithique au hameau de La Pierre-Percée. L-x.
FOUZ1LLON. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de
Béziers, cant. de Roujan; 115 hab.
FO VEAUX (Détroit de). Bras de mer qui sépare l'île
méridionale de la Nouvelle-Zélande de l'île Stewart ; il a
de 40 à 16 kii. de large; encombré d'écueils, il est dange-
reux pour les navires. Au N. est le bon port d'Awaroua
ou Bluff Harbourg ; à l'entrée orientale se trouve l'île
Ruapuki, à l'entrée occidentale l'îje Solander.
FO VILLA (Bot.). Contenu semi-liquide du grain de
pollen (V. ce mot et Fécondation).
FOVILLE (Achille-Louis), médecin aliéniste français,
né àPontoiseen 1799, mort à Toulouse le 22 juil. 1878.
D'abord médecin en chef de l'asile de Saint-Yon, il fut
nommé peu après professeur de physiologie *à l'Ecole de
médecine de Rouen et en 1840 succéda à Esquirol comme
médecin en chef de l'asile de Charenton ; révoqué en 1848,
il continua l'exercice de la médecine à Paris et peu après
se retira à Toulouse. Son ouvrage capital est : Traité com-
plet de Vanatomie^ de la physiologie et de la patholo-
gie du système nerveux cérébro-spinal, lre partie :
Anatomie (Paris, 1834, in-8, avec atlas). Foville, le pre-
mier, a établi que la substance corticale du cerveau est
affectée à l'exercice des opérations intellectuelles.
FOVILLE (Alfred de), économiste français, né à Paris
le 26 déc. 1842. Elève de l'Ecole polytechnique (promotion
de 1 861 ) , il servit quelque temps dans le corps des ingénieurs
télégraphistes, puis il devint auditeur au conseil d'Etat et
quitta encore cette assemblée pour entrer dans l'adminis-
tration centrale du ministère des finances. Chef adjoint au
cabinet du ministre en 1873, chef du bureau des travaux
législatifs, de statistique et de législation comparée en 1878,
il fut nommé, en 1885, professeur d'économie industrielle
et de statistique au Conservatoire des arts et métiers. M. de
Foville a donné plusieurs ouvrages importants . Citons : la
Transformation des moyens de transport et ses con-
séquences économiques et sociales (Paris, 1880, in-8);
la Statistique et ses ennemis (1885, in-8) ; Etudes éco-
nomiques et statistiques sur la propriété foncière; le
Morcellement (1885, in-8); la France économique
(Paris, 1887 et 1889,2 vol. in-18), etc. Il a publié avec
M. Pigeonneau : l'Administration de l'agriculture au
Contrôle général des finances (1785-87), Procès-ver-
baux et rapports (1882, in-8); traduit de Palgrave la
Chambre des Communes; donné une édition des OEuvres
choisies de F. Bastiat dans la Petite Bibliothèque écono-
mique (1889, in-32), etc.
FOWEY. Ville maritime d'Angleterre, comté de Cornwall,
à l'embouchure d'une rivière du même nom ; 1,700 hab.
C'est encore un fort de pêche florissant, possédant une
flotte de 140 navires jaugeant 15,000 tonneaux. Fowey fut
au moyen âge un port important, grâce surtout à la pira-
terie ; il fournit 47 navires pour le siège de Calais. En
1457, les Français le brûlèrent.
FOWKE (John), lord-maire de Londres, mort à Londres
le 22 avr. 1662. Gros marchand, il eut des difficultés avec
le gouvernement en refusant de payer l'impôt non auto-
risé par les Communes, fut traduit devant la chambre de
l'Etoile, emprisonné, envoyé sur la flotte et condamné à
d'énormes amendes. Aussi n'est-il pas étonnant de cons-
tater qu'en 1643 il était un des chefs du parti parlemen-
taire à Londres, En même temps, il adressait pétitions sur
pétitions aux deux Chambres et il finit par obtenir la restitu-
tion de presque tout ce qu'il avait perdu. Même il fut choisi
pour un des juges chargés de juger Charles Ier, mais il re-
fusa de siéger. En 1653, il fit partie pourtant de la com-
mission qui s'occupa de la vente des biens du roi. Il avait
exercé les fonctions de lord-maire en 1652 et 1653 et en
1 660 il avait été délégué à Monk pour lui présenter les
compliments de la cité. A la Restauration, il publia une
brochure pour se défendre d'avoir pris aucune part à la
mort du roi (1660). En 1661, il fut nommé représentant
de la cité de Londres à la Chambre des communes.
FOWKE (Francis), architecte et ingénieur anglais, né à
Belfast en juil. 1823, mort à South-Kensington (Londres)
le 4 déc. 1865. Elève de l'Académie royale militaire de
Woolwich et devenu, après un séjour de plusieurs années
aux Bermudes, capitaine dans l'arme du génie en 1854,
Fowke fut employé à divers travaux de construction de
casernes, puis envoyé à Paris comme secrétaire de la
commission royale anglaise de l'Exposition universelle de
1857. A son retour à Londres, en 1857, après avoir
participé aux travaux de la commission internationale du
Danube, il fut nommé inspecteur du département de science
et d'art et chargé de l'aménagement, dans d'anciens bâti-
ments, du South-Kensington Muséum pour lequel il fit
élever, en collaboration avec le peintre Redgrave, une ga-
lerie de peinture. Fowke fit, de plus, construire d'autres
galeries particulières à Londres et donna les plans du
nouveau musée de science et d'art d'Edimbourg ainsi que
de la bibliothèque des officiers d'Aldershot et des agrandis-
sements de la galerie nationale, à Dublin. Charles Lucas.
FOWLER (John), imprimeur et érudit anglais, né en
1537, mort en 1579. Il reçut une bonne éducation à
Oxford. Ses convictions, — il était catholique, — le for-
- 935 —
FOWLER - FOX
cèrent à se réfugier sur le continent. Il fut imprimeur à
Louvain, puis à Anvers, puis à Douai, mettant ses presses
au service des ecclésiastiques émigrés. Il a laissé plusieurs
ouvrages de polémique, de théologie et de critique, où il
montre autant d'érudition que d'ardeur religieuse.
FOWLER (Edward), évêque de Gloucester, né en 1632,
mort en 4714. Après avoir fait ses études à Cambridge et
Oxford, il entra dans la carrière ecclésiastique. Il remplit
les fonctions pastorales d'abord à Northill, dans le comté
de Bedford et, à partir de 1673, à Londres, jusqu'au mo-
ment de sa nomination au siège de Gloucester (1691).
Fowler est connu comme prédicateur et comme contro-
versiste. Outre ses Sermons, on cite surtout son traité :
The Design of Christianity (1671).
FOWLER (Thomas), médecin anglais, né à York le
22 janv. 1736, mort à York le 22 juil. 1801. Il fut
d'abord pharmacien, puis médecin de l'hôpital de Strafford;
en 1791, il revint à York et y devint, en 1796, médecin
d'un hospice d'aliénés. Il a le mérite d'avoir vulgarisé en
médecine l'usage de l'arsenic ; il l'employait surtout avec
succès dans les fièvres intermittentes. Med. Reports on the
effects oftobacco (Londres, 1785, in-8); Med. Rep. on the
ejfects of the arsenic in the cure of agues, rémittent
fevers, etc. (Londres, 1786, in-8) ; Med. Rep. on the
effects of bloodletting , etc. (Londres, 1795, in-8 ; en
allemand, Breslau, 1795, in-8), etc. Dr L. Hn.
Liqueur de Fowler. — La liqueur de Fowler est
une solution d'arsénite de potassium qui possède la compo-
sition suivante :
Acide arsénieux 5 gr.
Carbonate de potasse 5 —
Eau distillée 500 —
Alcoolat de mélisse composé 15 —
On pulvérise l'acide, on ajoute le carbonate de potasse et
on fait bouillir le tout avec l'eau distillée, jusqu'à disso-
lution complète ; on ajoute l'alcoolat de mélisse, et au
besoin un peu d'eau, pour obtenir 500 gr. de liqueur,
puis on filtre. Cette solution renferme exactement la
centième partie de son poids d'anhydride arsénieux. La
plupart des pharmacopées étrangères prescrivent des solu-
tions moins concentrées, par exemple au millième ; dans
quelques-unes, on les colore avec de la cochenille. Chose
curieuse, cette solution, qui est très active et vénéneuse,
peut nourrir un champignon de la tribu des Dématiées,
Yhygrocrocis arsenicas, qui se manifeste sous forme de
petits points noirs et brillants. — La liqueur de Fowler
se prend par gouttes, ordinairement avec un verre d'eau
sucrée. Elle est surtout employée dans les dermatoses,
notamment contre les dartres invétérées et dans la médi-
cation antipériodique. Ed. Bourgoin.
FOWLER (William), architecte et dessinateur anglais,
né- en 1761, mort en 1832. Il s'occupa beaucoup de la
mosaïque ancienne et publia plusieurs volumes contenant
les reproductions d'un grand nombre de pavés romains, de
vitraux et de dalles funéraires.
FOWLER (Charles) , architecte anglais, né à Collumpton
(Devonshire) le 17 mai 1792, mort à Great Marlow, près
de Buckingham, le 26 sept. 1867. Ayant étudié l'archi-
tecture à Exeter, puis à Londres auprès de David Laing,
Fowler remporta le 1er prix dans le concours ouvert pour
la construction du nouveau pont de Londres et fit élever,
de 1821 à 1853, tant dans cette ville que dans les divers
comtés anglais, de nombreux édifices publics ou privés,
églises, marchés, etc., ainsi que la grande salle de la cor-
poration des chandeliers de cire dans Gresham Street, à
Londres. Ch. Fowler fut plusieurs années secrétaire hono-
raire, puis vice-président de l'Institut royal des architectes
britanniques. Charles Lucas.
FOWLER (John), mécanicien et inventeur anglais, né
à Melksham (Wiltshire) le 8 juil. 1826, mort à Ackworth
(Yorkshire) le 4 déc. 1864. Il est l'inventeur de la charrue
a vapeur (Y. t. X, p. 806); son système, expérimenté
en 1856 devant G. et R. Stephenson, est encore aujour-
d'hui le plus employé. Il ne prit pas moins de 32 brevets,
de 1850 à 1864, pour divers autres inventions et perfec-
tionnements et fonda en 1860 à Hunslet (Leeds) de grands
ateliers pour la fabrication de ses machines. L. S.
FOWLER (Thomas), philosophe et écrivain anglais, né
à Burton-Stather (Lincolnshire) le 1er sept. 1832.Ï1 fit ses
études à l'île de Man, puis à Oxford, où il devint professeur
de logique et président du Corpus Christi Collège. En 1867
et en 1870, il publia ses deux premiers volumes de philo-
sophie : Eléments of Deductive Logic et Eléments of
Inductive Logic ; puis Progressive Morality ; An Essay
in Ethics; Locke, Bacon, Shaftesbury et Euicheson,
et en 1886, en collaboration avec J.-M. Wilson, The
Principles of Morals. Hector France.
FOWLERS Bày. Baie de la côte S. d'Australie, entre
le cap Adieu et la pointe Fowler, le long d'un rivage désert
et sans eau.
FOX-Amphoux. Corn, du dép. du Var, arr. de Brignoles,
cant. de Tavernes; 464 hab.
FOX River. Cours d'eau des Etats-Unis, dans TE. de
l'Etat de Wisconsjn. Après avoir traversé le lac Winnebago,
la rivière se jette au fond de la baie Verte à Fort Howard.
— Uneaufre rivière Fox coule du N. au S. et franchit la
frontière du Wisconsin et de l'Hlinois pour aller former,
avec la rivière des Plaines et la Kankakee, la rivière Illinois.
Sur le Fox sont situées les villes industrielles d'Eîgin et
Aurora.
FOX (Richard), évêque et homme d'Etat anglais, né
vers 1448, mort le 5 oct. 1528. Né dans une famille de
yeomen du Lincolnshire, il passa peu de temps aux uni-
versités d'Oxford et de Cambridge ; on le trouve, jeune
encore, mais déjà prêtre et docteur en droit canonique, à
Paris, auprès de Henri Tudor, comte de Richmond, qui le
fit son homme de confiance. Après la victoire de Bosworth
Field (22 août 1485), Henri Tudor, désormais Henri VII,
nomma Richard Fox membre de son conseil, secrétaire
d'Etat, lord privy seal et évêque d'Exeter. C'est lui qui,
en 1491, baptisa le second fils du roi (plus tard Henri VIII) .
Il signa le traité d'Etaples (3 nov. 1492) comme premier
ambassadeur anglais, et Y Intercursus magnus, en avr.
1496, avec Philippe, archiduc d'Autriche. Transféré, en
1494, au siège de Durham, afin de surveiller de plus près
les agissements de la cour d'Ecosse, il contribua grande-
ment à repousser l'invasion écossaise de 1497 et à conclure,
en déc, une trêve avec Jacques IV. Il arrangea le fameux
mariage de Jacques IV avec Marguerite, fille aînée
de Henri VII, qui prépara la réunion de l'Angleterre et de
l'Ecosse (août 1503). Evêque de Winchester en 1501, il
avait paru comme maître des cérémonies, le 14 nov. 1501 ,
au mariage non moins célèbre du prince de Galles avec
Catherine d'Aragon. Ce transfert à Winchester s'explique
par l'importance exceptionnelle du siège et par le désir du
roi d'avoir près de lui son meilleur conseiller, puisque ses
services n'étaient plus nécessaires du côté de l'Ecosse. Fox
fut un des exécuteurs testamentaires de Henri VII, mort le
22 avr. 1509. Il s'employa pour le mariage de Henri VIII
avec Catherine d'Aragon, veuve de son frère, contre l'avis
de Warham. Il fut aussi exécuteur du testament de la mère
de Henri VII, comtesse de Richmond, la « lady Margaret »,
et compléta, en cette qualité, les fondations collégiales de
cette princesse en l'université de Cambridge ; Fox était
d'ailleurs chancelier de cette université depuis l'an 1500.
D'après Polydore Virgile, les deux membres les plus puis-
sants du conseil royal, pendant les premières années du
règne de Henri VIII, auraient été Fox et Thomas Howard,
comte de Surrey, mais ces deux personnages n'auraient
pas tardé à entrer en conflit. Polydore Virgile ajoute que
Fox fut supplanté par Wolsey /sa créature. Ces récits
n'ont rien d'authentique, car ils sont d'un historien partial,
ennemi de Wolsey. La vérité est que la guerre ayant
éclaté avec la France en 1513, Wolsey, simple aumônier
du roi, sut si bien combiner l'organisation de l'armée
FOX
936
d'invasion qu'il se trouva placé d'un seul coup presque au
même rang que des conseillers vénérés, mais vieillis, et
incapables de s'imposer désormais les mêmes fatigues que
lui. Fox fut encore l'un des commissaires anglais au traité
de paix du 7 août 1514 qui stipula le mariage de Louis XII
avec la princesse Marie d'Angleterre. Mais il était fatigué ;
la politique antifrançaise qu'il voyait en honneur n'était
pas la sienne ; enfin il sentait le besoin de vaquer à des
soins spirituels dont les grandes affaires l'avaient trop
longtemps détourné. Il abandonna, en 1516, la charge de
privy seal et parut, dès lors, le plus rarement possible au
conseil, malgré les pressantes invitations de Wolsey. Il
était aveugle depuis dix ans quand il mourut. Il disparut
à temps pour ne pas voir la question du divorce entre le
roi et Catherine d'Aragon prendre une tournure funeste à
son repos. — Fox est le fondateur du collège de Corpus
Christi, à Oxford (1515-16), où il appela L. Vives, l'hu-
maniste, et un professeur de grec, s'affirmant ainsi comme
un protecteur de la Renaissance. L'esprit de la Renaissance
ne fut nulle part plus actif à Oxford que dans les fonda-
tions de Fox (Corpus) et de Wolsey (Christ Church). Corpus
Christi, à Oxford, possède encore aujourd'hui des reliques
et des portraits de l'évêque Fox. Celui-ci a laissé en outre
des traces de sa munificence et de son goût pour les cons-
tructions à Durham et à Winchester. On a remarqué que
la belle chapelle de Henri VII, à Westminster, ressemble
beaucoup à la chapelle de l'évêque Fox dans la cathédrale
de Winchester. Ch.-V. L.
FOX (Edward), évêque et homme d'Etat anglais, né vers
1496, mort le 8 mai 1538. Elevé àEton et à Cambridge,
il entra dans la vie comme secrétaire du cardinal Wolsey,
dont la faveur explique la rapidité de sa carrière. Il avait
l'esprit médiocre, mais de l'énergie, du tact et des qua-
lités de diplomate. Wolsey l'envoya à Rome en 1528 avec
Gardiner pour entretenir Clément VII de la validité du
mariage de Henri VIII avec Catherine d'Aragon. C'est lui
qui, en 1529, à Wattham, présenta Cranmer au roi. C'est
lui qui fut chargé d'extorquer aux universités de Cam-
bridge, d'Oxford et de Paris (mai 1531) un avis favorable
au divorce. Il était, suivant l'expression de l'ambassadeur
Chapuys, un des boutefeux du divorce. Dans les négocia-
tions au sujet de cette délicate question, il se montra si
habile que d'autres missions diplomatiques lui furent con-
fiées (ligue avec François Ier, 1532-33 ; paix avec l'Ecosse,
1534). Pendant ce temps, il continuait à tenir entre ses
mains tous les fils de l'affaire du divorce et inclinait de
plus en plus vers le schisme, dont Chapuys le tenait, avec
Cranmer et Cromwell, comme le plus décidé partisan. Son
élection au siège épiscopal d'Hereford date d'août 1535 ;
en septembre, il alla solliciter à Wittenberg l'approbation
de Luther au divorce ; il n'en obtient pas de formelle. Il a
laissé divers écrits de polémique. On attribue à ce diplo-
mate consommé diverses maximes de la sagesse des nations,
par ex. : Si vis pacem, para bellum.
FOX ou FOXE (John), théologien et réformateur anglais,
né dans le comté de Lincoln en 1517, mort en 1587. Il fit
ses études à Oxford, mais s'étant déclaré partisan des doc-
trines de Luther, il dut quitter l'université (1545). Il
remplit pendant quelques années les fonctions de précep-
teur dans diverses familles aristocratiques, notamment
celle du comte de Surrey. Quand la reine Marie monta sur
le trône, il échappa aux conséquences de la réaction catho-
lique en se réfugiant à Bâle où il se fit correcteur d'impri-
merie pour subvenir aux besoins de sa famille. C'est dans
cette ville qu'il conçut et prépara le grand ouvrage qui l'a
fait connaître à la postérité, The Acts and Monuments of
the Church, dont la première partie en latin, Commen-
tarii rerum in ecclesia gestarum, paru* en 1554. Cet
important travail, plus connu sous le titre de Fox's Book of
martyrs, ne fut publié sous sa forme définitive qu'en 1563,
alors que l'auteur, grâce à l'avènement au trône de la
princesse Elisabeth et à l'appui du duc de Norfolk, résidait
en Angleterre depuis plusieurs années. LeBoo/c of martyrs
a été réédité (1843-1849) en 8 vol. in-8. On reproche à
Fox d'avoir admis dans son martyrologe un certain nombre
de faits établis sur des témoignages insuffisants. G. Q.
FOX(Luke), voyageur anglais, né à Hull le 20oct. 1586,
mort à Whitby en juil. 1635. Fils d'un marin, il s'éprit
de bonne heure de la vie aventureuse du navigateur. En
1629, il pétitionnait pour obtenir une subvention qui lui
permît d'entreprendre une exploration dans les mers arc-
tiques. En 1631, équipé par des marchands de Londres, il
s'embarquait pour la baie d'Hudson à la recherche du pas-
sage du N.-O. Il revint au bout de sept mois, après avoir
recueilli de fort intéressantes observations qu'il consigna
dans un volume : North-West Fox, or Fox from the
North-West passage (Londres, 1635, in-4), qui contient
une carte très détaillée des régions arctiques.
FOX (Georges), fondateur de la secte des quakers, né à
Drayton, dans le comté de Leicester, en 1624, d'une famille
d'humbles artisans presbytériens, mort à Londres le 13 janv.
1691 . Doué d'une nature mystique, il se crut de bonne heure
l'objet d'une dispensation spéciale des faveurs de la Pro-
vidence. Cette conviction ne fit que grandir en lui dans la
solitude à laquelle l'obligeait sa vie de berger. Dès sa
vingtième année, il est résolu à prendre l'Evangile comme
guide unique de sa vie, mais l'Evangile interprété à la
lumière de l'Esprit-Saint en lui. Le fonds de la doctrine
de Fox est, en effet, que le chrétien, outre les Ecritures
— au-dessus même des Ecritures — a un guide intérieur
infaillible en sa conscience, révélation directe de la divinité.
Le Saint-Esprit se manifeste en l'homme qui écoute dans
l'humilité et la prière « avec crainte et tremblement »,
comme dit l'apôtre (Phil., n, 12), la voix de sa conscience.
L'Esprit qui a fait et anime toutes choses est aussi partout
présent en l'homme et en dehors de l'homme. Entre la
créature et le créateur il n'est pas besoin d'intermédiaire :
l'Esprit-Saint est en nous. En se repliant sur nous-mêmes,
la vérité se révélera, dans sa plénitude, à nos cœurs, dans
une mesure qui dépasse tout enseignement humain, celui
des archevêques, des évêques et des prêtres, en un mot de
tous les organes de l'Eglise. L'autorité des livres saints
est, sans doute, reconnue par Fox, — oui, mais comme
révélation extérieure, inférieure par conséquent au témoi-
gnage direct de l'Esprit-Saint dans la conscience. La trans-
mission des Ecritures à travers les âges, depuis les origines
du christianisme, a été soumise à toutes les vicissitudes
des choses humaines. De là, des erreurs possibles, voulues
ou non, dans la transcription des textes, sans parler des
variantes des manuscrits primitifs. Mais qu'importe ?
L'Esprit-Saint qui conduit à la vérité ne peut pas être
corrompu; l'homme vraiment spirituel ne peut pas être
trompé. Eclairé par la lumière pure et éclatante du soleil,
il n'a pas besoin, pour arriver à la connaissance parfaite,
de la lueur des flambeaux. Comme conséquence de ces
prémisses, Fox en vint, dans la pratique, à rejeter toute
idée de hiérarchie, toutes les observances rituelles, en un
mot, toutes les formes extérieures du culte. Telles sont les
doctrines que Fox se crut la mission spéciale de propager.
Dans ce but, il se mit à parcourir, vers 1648, la région
dont Manchester est le centre. Ses prédications, dans les-
quelles il insistait avant tout sur l'amour divin et sur la
nécessité de se soustraire à la tyrannie ecclésiastique, pour
recevoir Christ dans le cœur et pour imiter son amour en-
vers les hommes, attirèrent autour de lui un grand nombre
d'adhérents, mais provoquèrent une vive opposition de la
part de ses adversaires. Fox fut l'objet de nombreuses
poursuites judiciaires. Ce fut à l'occasion d'une action cri-
minelle intentée contre lui à Derby (1650) que l'épithète
de quakers (trembleurs) fut donnée à ses disciples qui se
désignaient eux-mêmes comme la Société des amis. Ce-
pendant, en quelques années, les réunions de quakers
s'étaient multipliées dans presque toutes les parties de
l'Angleterre, malgré l'opposition des pouvoirs publics et
l'animosité des masses populaires. Sous Cromwell, si les
quakers ne furent pas protégés d'une manière efficace
937
FOX
contre les excès commis par le peuple, ils ne furent pas,
du moins, systématiquement poursuivis en justice. Fox
lui-même jouit d'une liberté complète. A la restauration
des Stuarts (1660), Fox fut de nouveau en butte à
l'hostilité du pouvoir. Les partisans de la royauté ne
voyaient qu'un perturbateur de la paix publique en cet
apôtre qui, non seulement, répudiait toutes la hiérarchie
ecclésiastique, mais prescrivait à ses disciples de ne pas
prêter serment devant les tribunaux, de ne pas payer les
impôts ni faire le service militaire. Il resta en prison, sauf
de courts répits, soit à Lancastre Castle, soit à Scarborough,
jusqu'en 4666. Il n'en sortit que pour poursuivre son
œuvre, en organisant des écoles pour l'instruction reli-
gieuse et morale des enfants. Quelques années, après, il se
maria (1669). De nouveau menacé ^v Y Acte sur lescon-
venticules dirigé contre les dissidents, il se rendit en
Amérique en 1672, après avoir échappé à des périls sans
nombre. A son retour, il passa une grande partie de son
temps à visiter les différents pays de l'Europe, notamment
la Hollande (1684). En Angleterre, les mesures prises par
Jacques II à l'égard des dissidents, dans l'intention de
protéger les catholiques, profitèrent au développement des
quakers. Enfin la révolution de 1688 inaugura le régime
de la tolérance et de la liberté religieuse. Quand Fox mou-
rut, deux ans après, la Société des amis était dans un
état très prospère. Les Joumals de Fox parurent en 1697.
Plus tard, ils furent réunis aux Tracts et furent publiés
en un vol. in-fol. (1706). Les écrits de Fox dénotent une
âme profondément religieuse et singulièrement hardie. Les
revendications des droits de la conscience, au nom de l'Evan-
gile, en constituent la grande originalité. Mais le style de
Fox est souvont décousu et déclamatoire, sa langue tout à
fait incorrecte. Si l'on ajoute à cela que Fox prétend avoir
le don de prophétie et qu'il se croit investi du pouvoir de
découvrir les sorciers, on aura une idée de ses traités,
mélange étrange des visions d'un illuminé et de la foi ar-
dente et de l'amour désintéressé d'un apôtre. G. Q.
Bibl.: W. Penn, A Summary of the history, discipline
and doctrine of Friends ; Londres, 1692. — G.-W. Al-
berti, Aûfrichtige Nachricht von der Rel. Gottesdienst,
Sitt. u. Gebr. der Quakers ; Hann, 1750. — Biographies par
Maush (Londres, 1847), Janney (Philadelphie, 1852), et
Watson (Londres, 1860).
FOX (Sir Stephen), homme politique anglais, né le
27 mars 1627, mort à Chiswick le 28 oct. 1716. Protégé
par le comte de Northumberland, il entra dans la maison
de lord Percy et rendit de grands services à la cause royale.
Devenu intendant de Charles II pendant son exil, il fut
chargé de délicates missions auprès de la princesse d'Orange
et de grands personnages de Hollande, voire même en An-
gleterre. Aussi, a la Restauration, fut-il comblé défaveurs.
Nommé en 1661 payeur général, il fut élu la même année
membre du Parlement par Salisbury. Il représenta West-
minster en 1678, devint lord commissaire du Trésor en
1679, premier commissaire delà cavalerie en j 680 et réa-
lisa une fortune considérable dont il employa une bonne
part en fondations charitables. A l'avènement de Jacques Ier
la pairie lui fut offerte à condition qu'il se convertirait au
catholicisme. Il refusa, fut réélu au Parlement par Salis-
bury en 1685, par Westminster en 1691 et 1.695, par
Cricklade en 1699 et 1701, par Salisbury en 1714, de-
meurant sous les divers régimes qu'il traversa le type du
parfait gentilhomme et du financier le plus probe.
Bibl. : Memoirs ofthe lite ofsir Stephen Fox ; Londres,
1717, in-8.
FOX (Henry), premier baron Holland, homme politique
anglais, né à Chiswick le 28 sept. 1705, mort près de Ken-
sington le 1er juil. 1774. Elevé à Eton où il connut Pitt
et Fielding, il dévora, pour ses débuts dans la vie, la plus
grande partie de sa fortune. Elu au Parlement en 1735 par
le bourg d'Hindon, il rendit d'importants services à Robert
Walpole qui le nomma en 1737 inspecteur général des tra-
vaux publics. Réélu en 1741 par Windsor, il représenta
cette circonscription jusqu'en 1761. En 1743, Pelham lui
donnâtes fonctions de lord de la trésorerie ; en 1 746 il devint
secrétaire à la guerre et entra au conseil privé. Il combat-
tit vigoureusement le Regency Bill de 1751 , au sujet duquel
il soutint contre Pitt une lutte oratoire extrêmement vive,
et le Marriage Bill de 1 753. Il se réconcilia bientôt avec Pitt
et l'aida à entamer fortement le ministère de Newcastle.
Le duc, dont la situation devenait intenable, négocia avec
Fox qui abandonna Pitt et devint leader de la Chambre des
communes et peu après secrétaire d'Etat (25 nov. 1755).
Il démissionna en oct. 1756, fut chargé par le roi de for-
mer un cabinet avec Pitt, combinaison que Pitt refusa, et il
se contenta en 1757 du poste de payeur général, ne don-
nant pas entrée au conseil mais le plus lucratif de tous. En
oct. 1762 il redevint leader de la Chambre des communes,
entra dans le cabinet Bute et s'engagea envers la couronne
à faire approuver parle Parlement la paix avec la France.
Dans ce but, il poursuivit avec la dernière rigueur ses an-
ciens amis politiques, leur arrachant toutes leurs places et
dignités. Il déchaîna contre lui des haines féroces. Mais la
paix de Paris fut signée (1763) et sa trahison récompen-
sée par le titre de baron Holland (16 avr. 1763). Il réus-
sit même à conserver son emploi de payeur général jusqu'en
1765. Le lord-maire de Londres adressa en 1 769 une péti-
tion au roi accusant Fox d'avoir détourné plusieurs millions.
La couronne ne permit pas d'ouvrir une enquête sur sa ges-
tion. Mais Holland, tout à fait déconsidéré, se tint désormais
dans la vie privée. Très intelligent, extraordinairement
courageux, debater habile, infiniment spirituel, Henry Fox
aimait trop l'argent et il sacrifiait tout à cette basse passion.
Il a été le plus haï et le plus impopulaire des hommes d'Etat
de son temps. On a deux portraits de lui, l'un parHogarth,
l'autre par Reynolds. R. S.
FOX (Charles- James), homme d'Etat anglais, né le
24 janv. 1749, mort à Chiswick le 13 sept. 1806. Il était
le troisième fils du précédent et de lady Caroline-Georgina
Lennox, fille du second duc de Richmond, descendant de
Charles II. Son père l'aimait beaucoup et traitait, dit-on,
avec une excessive indulgence ses fçasques d'enfant vif
et passionné. D'Eton il entra (oct. 1764) à Hertford
Collège, Oxford, où il resta deux ans et ne perdit
pas son temps, car il y acquit un solide bagage d'hu-
maniste. De 1766 à 1768, il voyagea, soit avec sa
famille, soit avec son cousin, lord Carlisle, en France (où
il fut présenté à Voltaire), en Italie, dans les Pays-Bas,
menant un train princier et extravagant. Il était vigoureux,
bien bâti, avec une tendance précoce à l'obésité, avec un
caractère très gai, très chaleureux et très désintéressé. Il
aimait les exercices du corps (cricket, tennis, etc.), les
musées et les bons livres, mais il n'avait guère reçu d'édu-
cation morale, et sa jeunesse fut celle d'un enfant gâté.
Il se promena dans Londres en talons rouges, poudré de
bleu, et, jusqu'à vingt-cinq ans, porta à la Chambre des
communes un chapeau à plumes ; plus tard, il prit trop
peu de soin de sa tenue, au point d'oublier les règles de la
propreté. Peu galant, cynique, rude, au sentiment de
Mrae du Deffand et de Mme Necker, il jouait de très grosses
sommes et il buvait. — Membre de la Chambre des com-
munes pour le bourg pourri de Midhurst (Sussex) à l'âge
de vingt ans, il entra à vingt et un ans dans l'administra-
tion de lord North comme lord de l'amirauté. Un discours,
prononcé le 8 mai 1769, l'avait tout de suite rangé parmi
les orateurs considérables du Parlement ; ce n'était pas un
rhétoricien, mais il avait l'esprit clair et il parlait avec
une force, une simplicité singulières. Il avait à un haut
degré les deux qualités maîtresses de l'orateur : la présence
d'esprit et la mémoire. Il avait eu des succès comme acteur
de salon et savait tirer bon parti d'un organe médiocre. Il
excellait dans les répliques impertinentes, dans l'escrime de
la discussion, mais il avait aussi des tempêtes d'éloquence
qui emportaient tout. Fox, à peine entré dans l'adminis-
tration, s'attira une grande impopularité, notamment en
soutenant des mesures restrictives de la liberté de la presse ;
il fut attaqué par la foule en mars 1771 et roulé dans la
boue ; il n'en continua pas moins à se poser en défenseur
FOX
— 938 —
de tous les privilèges, parlementaires et cléricaux. Toute-
fois, le 22 févr. 4772, il démissionna, tant à cause de dis-
sentiments personnels avec lord North que par suite d'un
désaccord avec le ministère sur la question du Royal
Marriage Bill. Sur cette question, il était d'accord avec
Burke, et l'alliance temporaire qu'il contracta alors avec
cet homme d'Etat ne peut pas avoir été sans influence sur
son évolution postérieure. Cependant, il jouait avec fureur,
au club et à Newmarket, et très malheureusement. En déc.
1772, il accepta de rentrer dans l'administration comme
lord de la trésorerie et recommença sa campagne contre
la presse, contre Clive. Sur une question relative aux pri-
vilèges de la Chambre des communes, il fit mettre le minis-
tère North en minorité ; cette incartade mécontenta le roi,
qui lui demanda, cette fois, sa démission. A cette époque
(févr. 1774), Fox, qui avait perdu des sommes énormes et
emprunté inconsidérément à dès juifs, se vit couper tout
crédit par la naissance d'un fils de son frère aîné. « Le fils
de mon frère, disait-il, est un second Messie ; il a mis en
fuite tous les juifs. » Heureusement, son père, lord Holland,
paya ses dettes (140,000 1. st.), mais il mourut dans le
courant de 1774, et Fox, qui n'avait pas renoncé au jeu,
se trouva seul avec un héritage d'un domaine (King's
Gâte) et de l'office à vie de Clerk of the (irish) Pells,
d'une valeur de 2,000 1. st. de revenu ; il eut vite fait de
liquider et de dissiper ce patrimoine. — Au moment où le
roi se séparait brusquement de Fox, encore tory intransi-
geant, la querelle de la métropole avec les colonies améri-
caines arrivait au point d'une crise. Fox, opposé, dès
l'origine, à toute mesure violente contre les colonies, joi-
gnit le parti (whig) du marquis de Rockingham dans son
opposition à la politique coercitive de North ; il fut l'âme
et la voix éloquente de cette opposition, de 1774 à 1779 ;
on a gardé le souvenir de ses discours après Lexington,
après Saratoga, contre lord Sandwich. Le 25 nov. 1779,
il osa s'attaquer au roi lui-même, dont la volonté était au
fond de la politique inflexible de lord North ; il rappela le
sort de Charles Ier et de Jacques II, qui avaient voulu être
leurs propres ministres, et compara le règne de George III
avec celui de Henri YI. Il était maintenant « l'idole du
peuple » et présidait des meetings populaires. Il parlait de
réduire la liste civile. A la suite des Gordon riots, il se
déclarait partisan de la « tolérance universelle ». En juil.
1780, des négociations ayant été engagées entre North et
Rockingham, le roi exprima l'avis de conférer à Fox une
sinécure lucrative pour lui fermer la bouche, mais refusa
de lui confier un office ministériel ; ces négociations
échouèrent. Il semblait, en effet, que Fox fût à acheter.
En 1781, il gagna au jeu 70,000 1. st., en perdit autant
à Newmarket et se trouva sans autres ressources que
30,000 1. st. de dettes. Il gardait cependant, au milieu
des tracas d'argent et des pires désordres, une admirable
égalité d'âme, une parfaite lucidité d'esprit, et on le trouva
incorruptible. — En oct. 1780, Fox fut élu à la Chambre
des communes, avec Rodney, par Westminster. De cette
date à celle de la démission du ministère North (20 mars
1782), il fut constamment sur la brèche, diminuant à
chaque coup la majorité, d'abord énorme, de ses adver-
saires. Le 25 mars 1782, il accepta le poste de secrétaire
des affaires étrangères dans le ministère Rockingham, aux
applaudissements de la foule. Mais le ministère Rockingham
n'était pas homogène : Shelburne et ses amis y représen-
taient l'influence du roi. Or, Fox ne ménageait rien. Il
proposa le 17 mai de rapporter l'acte de George Ier et
d'accorder encore d'autres concessions à l'Irlande, disant
« qu'il aimerait mieux voir l'Irlande totalement séparée de
la couronne d'Angleterre que retenue sous le joug par la
force ». Il appuya la motion de Pitt en faveur d'une ré-
forme parlementaire. Un conflit éclata entre Shelburne et
lui au sujet des négociations pour la paix avec la France
et les Etats-Unis, et il allait se retirer, quand Rockingham
mourut . Fox aurait voulu voir le duc de Portland prendre
la direction du cabinet ; ce fut Shelburne qui fut choisi :
il s'en alla. Le Parlement se trouva par là scindé en trois
partis : celui du ministère Shelburne, celui de lord North
et celui de Fox, qui, comptant environ 90 voix aux Com-
munes, devait tenir la balance entre les deux autres.
Certes, les whigs de Fox avaient plus de principes com-
muns avec les whigs de Shelburne qu'avec les tories de
North ; mais, par suite d'antipathies personnelles, c'est
avec North, dont il avait jadis qualifié avec tant de sévé-
rité la politique américaine, que Fox conclut alliance. Leur
coalition renversa, naturellement, le ministère, mais elle
scandalisa la nation et elle indigna le roi. Le caricaturiste
Gillray composa, à cette occasion, quelques-unes de ses
meilleures charges. — Le 2 avr. 1783, le duc de Portland,
premier ministre, confia de nouveau à Fox le secrétariat
des affaires étrangères ; il garda ce poste jusqu'au 17 déc.
Le roi le haïssait à cause de son passé politique et à cause
de sa familiarité avec le prince de Galles, dont Fox passait
pour encourager les vices ; il fit tout pour se débarrasser
de lui ; aussi bien l'imprudence généreuse du tribun lui
rendit la tâche facile. Les abus de la Compagnie des Indes
et de Warren Hastings décidèrent, en effet, Fox à pro-
poser un bill pour la réforme du gouvernement de l'Inde,
qui, au dire des intéressés, portait atteinte à la préroga-
tive royale et aux droits consignés dans les chartes de
toutes les grandes compagnies. Fox proposait de remettre
le gouvernement de l'Inde à sept commissaires choisis par
la législature ; mais c'était, dirent les tories, conférer à
la présente majorité whig la souveraineté virtuelle de
l'Inde ; Fox fut représenté par les caricaturistes sous les
traits d'un « roi du Bengale ». Finalement, le bill, adopté
par les Communes, fut rejeté par les lords, sous la pres-
sion du roi, et le ministère Portland fit place à un minis-
tère Pitt. Fox commit alors plusieurs fautes. Disposant
aux Communes d'une majorité de coalition, il s'efforça
d'empêcher Pitt de gouverner par une série de votes hos-
tiles, et, en même temps, d'empêcher le roi de provoquer
de nouvelles élections par une dissolution. C'était vouloir
entraver l'exercice d'un droit incontestable de la couronne,
avouer que l'on craignait une consultation du pays, et enfin
donner à Pitt le temps qu'il désirait pour pratiquer les
collèges électoraux. D'ailleurs, la majorité coalisée fondit
peu à peu entre les mains de Fox ; elle n'était plus que
d'une voix le 8 mars 1784. Le 25 mars, la dissolution fut
prononcée. Les élections furent désastreuses pour le parti
Fox-Portland, comme tout le monde s'y attendait ; la popu-
larité personnelle de Fox avait été complètement ruinée
par le bill sur l'Inde, par la coalition avec North, par
l'opposition désespérée des trois derniers mois à une libre
consultation du pays. Fox fut réélu avec peine à West-
minster (par 6,234 voix contre 5,998). Il était alors sous
le coup de saisies mobilières. Forcé de quitter son domicile
de Londres, il se réfugia chez sa maîtresse, Elizabeth
Bridget Cane, dite Mrs. Armistead, ancienne dame de
compagnie de Mrs. Abington, à Chertsey en Surrey. Là,
dans cette agréable maison de campagne, Fox, occupé de
sa bibliothèque et de son jardin, près d'une femme qu'il
aimait beaucoup, passa de longues années, dans les inter-
valles des sessions parlementaires. Il reprit, en effet, au
Parlement la direction de ses troupes décimées, mais sans
succès. Ses interventions les plus célèbres eurent lieu à
propos des arrangements commerciaux avec l'Irlande et
dans le procès de Warren Hastings. L'Irlande, l'Inde furent
toujours les principaux clients de Fox, l'un des précurseurs
du home ride et de ce que l'on appelle aujourd'hui la po-
litique « impériale ». Il parla aussi en faveur de l'aboli-
tion du Test (car la tolérance religieuse était encore un
des articles essentiels de sa foi) et de l'abolition de l'escla-
vage. Le prince de Galles continua pendant ce temps de
l'aller voir fréquemment chez Mrs. Armistead; il était dans
tout le feu de son amour pour Mrs. Fitzherbert (V. ce
nom) ; c'est en vain que Fox lui représenta les inconvé-
nients d'un mariage secret, qui fut contracté. Mais le prince
cacha ce mariage à Fox lui-même, qui se crut autorisé à
939 —
FOX
en nier solennellement l'existence en plein Parlement le
20 avr. 4787 ; peu de jours après, on sut de source cer-
taine qu'il s'était porté garant d'un fait inexact ; il en
éprouva le plus vif dépit ; sa bonne foi, en cette circons-
tance, doit être tenue, du reste, au-dessus de tout soup-
çon. A la suite de cet incident, Fox et sa maîtresse voya-
gèrent sur le continent (Suisse, Italie), et l'on raconte
qu'il n'ouvrit les journaux, durant ce voyage, que pour y
lire les résultats des courses de Newmarket. En nov., un
messager du duc de Portland le rappela en Angleterre :
le roi était devenu fou; le prince de Galles, élevé à la ré-
gence, était considéré comme devant former une adminis-
tration selon le cœur des foxistes. On eut alors le spec-
tacle du zélé défenseur des droits de la nation en lutte
contre Pitt pour obtenir que le prince fût proclamé régent
sans intervention du -Parlement, en vertu du pur droit
monarchique ; on s'en amusa, et la motion de Pitt fut
adoptée ; peu de temps après, le roi entra en convalescence.
— Sur ces entrefaites, survinrent, en France, les événe-
ments de juil. 4789. Fox, comme secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères, avait toujours eu une politique anti-
française ; son objectif avait été de mettre en échec l'am-
bition de la maison de Bourbon. La prise de la Bastille,
qui l'enthousiasma, changea radicalement ses dispositions
à l'égard de notre pays. Il se fit l'avocat de la révolution
française comme il s'était fait jadis celui de la révolution
américaine. Cette attitude lui aliéna son ami de longue
date, son émule, Burke. Mais Fox n'avait pas les ménage-
ments des politiques sans conviction, et il ne reculait pas
devant les plus dangereux paradoxes. Il soutint au Parle-
ment, contre Pitt, la cause russe au moment de la guerre
russo-turque (4791), et Catherine II plaça son buste entre
ceux de Cicéron et de Démosthène. Il approuva le 40 août
et salua Valmy comme l'un des plus heureux événements
de l'histoire, avec Yorktown et Saratoga. Ces généreuses
excentricités ne laissèrent pas, cependant, de lui aliéner la
plus grande partie de ses partisans, qui firent sécession et
se placèrent sous le leadership du duc de Portland. Il en
fut affligé, non accablé. Après la déclaration de guerre à
la France, une série de résolutions condamnant la poli-
tique du ministère fut présentée par lui et repoussée par
270 voix contre 44. Le chauvinisme populaire se déchaîna
contre Fox ; Gillray le représenta en sans-culotte. Il vivait
cependant tranquille, sans rancune et sans amertume, dans
l'asile champêtre de Mrs. Armistead, curieux des beaux
vers de l'antiquité, en correspondance réglée avec son
neveu, lord Holland, qui faisait une tournée artistique sur
le continent. Il, lui écrivait le 9 mars 4794 que, s'il pou-
vait le faire avec honneur, il se retirerait bien volontiers
de la politique. Mais il se croyait encore utile, comme
champion des belles causes désespérées. Il prononça, du-
rant les années de guerre, d'admirables discours contre
Pitt pour la paix, pour la réforme électorale, etc. Le
28 sept. 4795, il épousa sa maîtresse à Wytton (Hunting-
donshire). Depuis cette époque, il parut moins fréquem-
ment à Westminster et se livra plus entièrement à ses
goûts d'humaniste. Métastase, Pope, Voltaire et Gray
étaient les auteurs modernes qu'il préférait, mais il
plaçait Euripide, Virgile et Homère au-dessus de tout. Il
avait entrepris une Histoire de la Révolution de 1688.
En mai 4798, dans un dîner, il porta le toast : « A notre
souverain, le peuple », et son nom fut rayé de la liste des
membres du conseil privé. Il en était venu à recommander
un projet de « fédération » avec l'Irlande. La paix d'Amiens
le combla de joie, et, en juil. 4802, il visita la Hollande
et la France. A Paris, il eut avec Bonaparte une entrevue
qui lui laissa du premier consul cette opinion que « c'était
un jeune homme considérablement enivré par le succès ».
Il croyait, pourtant, à la sincérité des déclarations paci-
fiques de Bonaparte, mais les actes de celui-ci le forcèrent
à appuyer pour la première fois (mars 4803) une adresse
belliqueuse. La guerre était nécessaire, mais la présence
du ministère Addington aux affaires ne l'était pas ; Fox
professait pour Addington un mépris absolu. Une coalition
nouvelle fut formée entre Fox, Grenville et Pitt, qui amena,
le 30 avr. 1804, la démission d'Addington. Pitt, chef de
la nouvelle administration, ne put triompher de la répu-
gnance de George III pour son allié. « Tous ceux que vous
voudrez, celui-là excepté, » telle fut la réponse obstinée
du roi. Fox, d'ailleurs, était malade et se soignait à Chelt-
tenham, en compagnie de Mrs. Fox, grosse et aimable
personne, fort économe. Mais Pitt mourut le 24 janv. 4806.
Ce fut, cette fois, lord Grenville que George III appela
auprès de lui ; il répondit qu'avant de former un minis-
tère, il devait, avant tout autre, consulter Fox. Le roi,
vaincu, céda. Fox redevint pour la troisième fois secrétaire
aux affaires étrangères : il se montra respectueux, conci-
liant, et George III oublia sa vieille haine. Le vieux leader
libéral s'affaiblissait, du reste ; son dernier acte fut de pro-
poser, le 40 mai 4806, l'abolition de la traite des nègres.
Il se fit lire, avant de mourir, des vers de Virgile et de
Dryden. Il ne « croyait pas à la religion » ; cependant,
pour faire plaisir à sa femme, il consentit à ce que les
prières fussent lues à côté de lui, mais il ne prêta pas
d'attention à cette cérémonie. Il fut enterré à Westminster
Abbey, à côté de Pitt. — Le caractère de cet homme d'Etat
est, en somme, très sympathique ; on lui a reproché, non
sans raison, ses mœurs, la pauvreté de sa tactique parle-
mentaire, ses erreurs de jugement, la violence de son lan-
gage ; le fait est que, comme le dit M. Lecky, il « ne
réussit jamais, pendant quarante ans de vie publique, à
gagner la confiance de la nation » ; mais on lui pardon-
nera beaucoup à cause de la noblesse de son cœur, de la
magnificence de son talent et des prophétiques tendances
de son esprit. Il a revendiqué les droits de tous les oppri-
més, et ce libre penseur a été l'homme le plus humain de
son temps. On a remarqué qu'il n'a guère laissé de trace
positive dans l'histoire de la législation anglaise (rien, sauf
le Libel bill de 4792, qui confirma les droits des jurys et
assura à tous le jugement par leurs pairs) ; mais il a jeté
dans le sol de l'Angleterre des semences d'idées (antiescla-
vagisme, fédération irlandaise, réforme électorale, etc.) qui
ont porté depuis de belles moissons. — Fox n'a laissé qu'un
écrit sans valeur : History of the early part of the reign
of James II, with an introductory chapter (Londres,
4808, in-4), avec un appendice qui contient des dépêches
transcrites aux archives du ministère des affaires étrangères
de Paris (corresp. de Barillon). Ses discours (Speeches)
ont été réunis et publiés en 4845 (6 vol.). Ch.-V. L.
Bibl. : On doit à lord. Russell, Memorials and Corres-
pondance ofC.-J. Fox, 1853-57, 4 vol., et Life and Tirnes of
C.-J. Fox, 1856-59, 2 vol. - G.-O. Trevelyan, Early History
ofC.-J. Fox; Londres, 1880, in-8. — Trotter, Memoirs of
the late years of C.-J. Fox ; Londres, 1811, in-8. — Lecky,
History of England in eighteenth century, 1882-87, vol. III
et IV. — Princesse Liechtenstein, Holland House ;
Londres, 1874 (iconographie de C.-J. Fox). — W. Hunt.
dans Dictionary of national biography ; Londres, 1889,
t. XX, pp. 95-11*2.
FOX (Henry-Edward), général anglais, né le 4mars 4755,
mort àPortsmouth le 48 juil. 4841, frère du précédent.
Entré dans l'armée en 4770, il servit en Amérique pendant
toute la guerre de l'Indépendance. De retour en Angleterre,
il devintaide de camp du roi (4783). En 4793, il servit en
Flandre sous le duc d'York avec le grade de major général.
Il réussit à repousser l'armée française à Pont-à-Chin le
23 mai 4794 ; c'est le fait de guerre le plus brillant
de la campagne de Flandre. Promu lieutenant général en
4799, il fut employé à Minorque jusqu'à la paix d'Amiens.
Nommé en 4803 commandant en chef en Irlande, il eut à
réprimer la révolte de Bobert Emmet. Il devint gouverneur
de Gibraltar en 4804, commanda l'armée en Sicile en 4806
et fut ambassadeur à Palerme. Il eut jusqu'à son rappel
(40 juil. 4807) les plus grandes difficultés avec la cour de
Naplesqui voulait le contraindre à une expédition en règle
contre Murât, alors qu'il ne disposait que d'un nombre
d'hommes insuffisant. Il fut promu général le 25 juil. 4808
et nommé la même année gouverneur de Pqrtsmoutb.
FOX — FOXE
- 940 -
FOX (Elizabeth Vàssall, lady) (V. Holland [Lady]).
FOX (Henry-Richard Vassall), troisième lord Holland
(Y. ce nom).
FOX (William-Johnson), homme politique et publiciste
anglais, né le 1er mars 1786, mort le le 3 juin 4864.
Fils d'un paysan du Suffolk, calviniste très strict, qui
s'était établi à Norwich, il fut d'abord apprenti tisseur,
puis employé de banque (1799). Il s'instruisit lui-même,
brigua des prix littéraires, proposés par les journaux
locaux, écrivailla et sentit s'éveiller en lui une vocation
ecclésiastique. Après avoir passé par Y Indépendant Col-
lège d'Homerton, il devint pasteur de la congrégation de
Fareham, en 4840. Converti à l'unitarianisme, il dirigea,
à partir de mars 4842, la chapelle de cette secte à Chi-
chester, puis, en 4817, la Parliament Court Chapel, à
Londres. Il se maria en 4820 avec Eliza, fille de James
Florance, avocat, qui devait longtemps troubler sa vie.
Déjà prédicateur célèbre, il s'occupa bientôt, et chaque jour
davantage, de critique littéraire et de politique. Il fut un
des fondateurs de la Westminster Beview en 4824, et
codirecteur du Monthly Repository, organe des unitariens,
dont il changea, à partir de 4834, le caractère trop exclu-
sivement théologique. Fox compta parmi ses collaborateurs
et ses amis Browning, Mill, Harriet Martineau, Eliza
Flower. Ses malheurs domestiques lui aliénèrent, en 4834,
une partie de sa congrégation, déjà choquée de ses goûts
de plus en plus séculiers. Désavoué par ses collègues, il
prêcha dès lors devant un auditoire lettré qu'attirait sa
parole éloquente ; vingt-six de ses discours ont été publiés
entre 4835 et 4840 sous le titre de Finsbury Lectures;
ils traitent de morale et de politique. Des besoins d'argent
l'obligèrent à se dépenser comme journaliste et il collabora
au Sunday Times, au True Sun (jusqu'en 4837), au
Morning Ckronicle, au Daily News (jusqu'en 4846).
Vers 4 840, il devint le principal leader oratoire de la
campagne menée pari1 ' Anti-corn-law-League, et, de 4844
à 4846, il fit des conférences aux ouvriers, tous les di-
manches soir, dans National Hall, Holborn. La circonscrip-
tion ouvrière d'Oldham l'envoya à la Chambre des com-
munes en juil. 1847 ; il prêcha pour la dernière fois en
4852, et, mis à l'abri du besoin par un particulier qui
s'offrit à lui faire une pension de 400 1. st. par an, il se
dévoua tout entier à la politique. Il occupa à Westminster
une place considérable, bien que l'âge eût commencé à
diminuer son activité. Il se retira en 4863. — Fox était
un philosophe de l'école de Bentham. mais aussi un phir-
lanthrope et un poète. Rhétoricien de premier ordre, doué
de merveilleuses qualités d'élocution, journaliste excellent,
vulgarisateur habile, il a mérité que ses amis dédiassent à
sa mémoire une édition de ses Œuvres choisies. Ch.-V.L.
FOX (Robert- Were), savant anglais, né à Falmouth
(comté de Cornouailles) le 26 avr. 1789, mort à Penjer-
rick, près de Falmouth, le 25 juil. 1877. Il était membre
de la Société royale de Londres. Il s'est livré à une série
de fructueuses expériences sur l'élasticité de la vapeur
d'eau à de hautes pressions, sur la température de la terre
à de grandes profondeurs, sur le magnétisme terrestre. Il
a construit une boussole très sensible et très précise. Il a
publié dans les Transactions de la Royal Society of Corn-
wall, dans les Philosopkical Transactions, dans VEdin-
burg new philosopkical Journal, dans le Philosopkical
Magazine, etc., une soixantaine de mémoires et articles
intéressants : On the Température of mines (Trans.
Cornwall Roy. Soc. , 1822, 1827 etl843); Electromagne-
tic properties of metalli fer ous (Philos. Trans., 1830);
On tke Variable Magnetic Intensity of tke earth (ib.,
1831) ; On the Igneous Hypothesis of geologists (Philos.
Mag., 4832) ; Lamination of Clay by electricity (Edinb.
phil. hum. ,1838) ; Observations on subterraneantem-
perature (BritishAssoc. Reports, 1840), etc. L. S.
Bibl. : V. la liste des mémoires dus à Fox dans le Cata-
logue of scientific papers of the Royal Society ; Londres,
1868, t. II, in-4.
FOX (Charles), peintre et graveur anglais, né à Cossey-
Hall (Norfolk) le 17 mars 4 794, mort à Leyton (Essex) le
28 févr. 4849. Il commença par être garçon jardinier dans
les domaines de lord Stafford. Une visite fortuite du célèbre
graveur W.-C. Edwards décida de sa vocation et le fit ad-
mettre comme élève chez cet artiste à Bungay (Suffolk). Il
reçut aussi les enseignements de C. Hodgson et de John Bur-
net à Londres ; ce dernier, graveur renommé, l'employa aux
grandes planches qu'il exécutait, d'après sir David Wilkie.
Les gravures de cette série, qui sont l'œuvre personnelle
de C. Fox, les Politiques de village et le Premier Conseil
de la reine Victoria, comptent parmi les meilleures ; il a
aussi gravé, d'après les dessins de Wilkie, des illustrations
pour les Nouvelles de W. Scott (éd. Cadell). Son meilleur
ouvrage est le portrait en pied de Sir George Murray,
d'après Pickersgill. Ses peintures à l'aquarelle, moins con-
nues que ses gravures, représentent surtout les portraits
de ses amis. Fox avait conservé de son premier métier un
goût très vif pour les fleurs, et il dirigeait avec beaucoup
de soin et de compétence les illustrations du Fleuriste,
publié par la Société royale d'horticulture. Son portrait,
gravé à l'eau-forte, d'après W. Carpenter, fut inséré dans
ce recueil au moment de sa mort. Ad. T.
FOX (Sir Charles), ingénieur et industriel anglais, né
à Derby le 44 mars 4810, mort à Blackheath (comté de
Kent) le 44 juin 4874. A dix-neuf ans, il entra en appren-
tissage chez le mécanicien J. Ericsson, fut quelques années
après employé par R. Stephenson aux travaux du London
and Birmingkam Railway, puis s'associa successivement
avec Bramah et avec Henderson pour la construction des
chemins de fer, et fonda à Londres, en 4857, sous la
raison « Sir Charles Fox and sons », une grande maison
d'entreprises de travaux publics. On lui doit, entre autres,
les lignes (voies et travaux d'art) du Great Western, de
Cork and Banclon, de Thames and Medway, d'East Kent,
de Lyon à Genève, de Mâcon à Genève, de Cape Town, de
l'Indian Tramway Company. Mais il est surtout connu par
l'édification à Hyde Park (4850-54), d'après les plans de
Paxton, du Cristal Palace, qu'il démonta après l'exposi-
tion pour le réédifier sur son emplacement actuel de
Sydenham. Il était membre de nombreuses sociétés savantes
et avait été fait baronnet en 4854. Ses écrits, peu nom-
breux, ont trait à des perfectionnements de son invention :
On tke Construction of skewarches (Philos. Magaz.,
4836) ; On the Size of pins for Connecting flat links
in the chains of suspension bridges (Roy. Soc. Proceed.,
4865), etc. L. S.
FOX (Caroline), femme de lettres anglaise, née à Fal-
mouth le 24 mai 4849, morte le 42 janv. 4874. En rela-
tion, dès sa jeunesse, avec les savants, les philosophes et
les littérateurs les plus considérables du temps, surtout
avec Stuart Mill, John Sterling et Carlyle, elle a laissé un
Journal fort bien écrit et des plus intéressants pour l'his-
toire des idées en Angleterre de 4835 à 4874. Cet ouvrage
a été publié par Horace N. Pym sous le titre de Memories
of old friends being extracts from the Journals and
letters of Caroline Fox (Londres, 4882). Avec sa sœur
Anna Maria, Caroline a encore traduit en italien divers
traités religieux anglais. R. S.
FOX (Tilbury), dermatologiste anglais, né à Broughton
en 1836, mort à Londres le 7 juin 4879. Il fut attaché à
plusieurs grands hôpitaux de Londres et fut professeur de
dermatologie à l'hôpital de Charing Cross, puis à celui
d'University Collège, où il fonda une clinique des affections
cutanées. Fox a laissé des ouvrages importants : Skin-
disease of parasitic origin (Londres, 4663); Treatiseon
Skin-diseases (Londres, 4864 ; trad. en fr. et en ital.) ;
On Eczéma (Lett somian lecture, 1869) ; Atlas of Skin-
diseases (Londres, 1877, gr. in-4, 72 pl.j. Dr L. Hn.
FOXÉ (Vitic). Le goût de fox ou foxé est particulier
aux cépages américains issus du V. Labrusca (Concord, Ives
Seedling, Niagara, etc.); certains hybrides le possèdent,
parfois à un degré très accusé, dans leurs fruits (Othello,
Triumph, Senasqua). Ce goût foxé se retrouve, en outre,
dans les vins qui proviennent des fruits de ces variétés ou
hybrides. Les Américains estiment cette saveur particulière
à laquelle le palais des Européens ne peut, avec raison,
s'accoutumer ; aussi doit-on exclure des vignobles français
tous les cépages qui ont le goût foxé plus ou moins pro-
noncé. Il est à remarquer cependant que le goût foxé des
raisins américains est d'autant plus intense que les régions
où on les cultive sont plus chaudes. P. V.
FOXES (Indiens) ou RENARDS. Tribu indienne des Etats-
Unis de l'Amérique du Nord, appartenant à la nation algon-
quine et habitant le Wisconsin. Dans la première moitié du
xviue siècle, les débris de la tribu furent déportés à l'O.
du Mississippi et cantonnés au centre du Territoire indien,
non loin de la partie détachée depuis sous le nom d'Okla-
homa, entre les Iowas, les Kickapoos, les Séminoles et les
Creeks. En 1894 , leur enclave a été ouverte à la colonisa-
tion blanche. Aug. M.
FOY (Maximilien-Sébastien), général et homme politique
français, né à Ham (Somme) le 3 févr. 1775, mort à Paris
le 28 nov. 4825. Après avoir terminé brillamment ses
études classiques au collège des oratoriens de Soissons, il
entra, âgé de quinze ans, à l'Ecole d'artillerie de LaFère
et fut attaché dix-huit mois plus tard comme lieutenant en
second d'artillerie à l'armée du Nord, où il gagna rapide-
ment le grade de capitaine et fit avec éclat les campagnes
de 1792, 1793 et 1794. Emprisonné par ordre du repré-
sentant Joseph Lebon pour avoir protesté contre les excès
de la Terreur, il recouvra sa liberté après le 9 thermidor,
servit ensuite (1795-1797) à l'armée de Rhin-et-Moselle,
où il devint chef d'escadron, et profita des loisirs que lui
firent les préliminaires de Leoben et la paix de Campo-
Formio pour aller étudier l'histoire et le droit public sous
le célèbre publiciste Koch, à Strasbourg. Attaché un peu
plus tard à l'armée dite d'Angleterre, recommandé par
Desaix à Bonaparte, qu'il ne voulut pas suivre en Egypte
comme aide de camp, il fit, avec sa bravoure et sa distinc-
tion ordinaires, la campagne d'Helvétie sous Schauenbourg
(1798) et conquit l'année suivante, sous Masséna, dans la
mémorable campagne de Zurich, le grade de chef de
brigade (1799).
Il était retourné à l'armée du Rhin et avait pris part
aux premières opérations de Moreau en Souabe, quand il
dut, sous le général Moncey, se rendre en Italie pour ren-
forcer le premier consul. La campagne d'hiver de l'an IX
dans le Tirol lui fournit l'occasion de nouvelles actions
d'éclat (1800-1801)., La paix de Lunéville lui permit de
visiter en détail l'Italie, après quoi il rentra en France où
il commanda le 5e régiment d'artillerie. Dans son loyal
attachement aux principes de la Révolution, Foy n'approu-
vait pas les menées de Bonaparte pour s'élever au pouvoir
absolu. Il vota contre le consulat à vie en 1802, et,
signalé comme un partisan de Moreau, faillit être arrêté
après son ancien général en 1804. Chef d'état-major de
l'artillerie au camp d'Utrecht, il refusa de s'associer par
son suffrage à l'établissement de l'Empire. Aussi resta-t-il
plusieurs années dans une demi-disgrâce, malgré les ta-
lents dont il fit preuve en Autriche et en Moravie (1805),
dans le Frioul et en Dalmatie (1806) et à Constantinople
(1807) où, de concert avec Sébastiani (V. ce nom), il mit
en quelques jours les Dardanelles en état de défense contre
les Anglais. Attaché vers la fin de 1807 à l'armée de
Junot, il prit à la bataille de Vimeiro une part glorieuse,
qui lui valut enfin le grade de général de brigade (3 sept.
1809), seconda ensuite vaillamment le maréchal Soult à
La Corogne, à Oporto (janv.-mai 1809) et acquit à tel point
l'estime de Masséna, pendant son expédition en Portugal,
qu'il fut chargé par lui, après la bataille de Busaco, d'aller
exposer de vive voix à l'empereur les difficultés imprévues
que rencontrait cette entreprise (sept. 1810).
Napoléon, qui ne connaissait guère Foy que de nom, fut
séduit par sa rare compétence en matières politiques et mi-
litaires, sa parole sûre et brillante et la générosité de son
— 941 — FOXÉ — FOY
caractère. Il ne le renvoya qu'après lui avoir accordé une
gratification de 20,000 fr. et l'avoir fait général de division
(3 nov. 1810). De retour dans la péninsule ibérique, Foy
se montra l'égal des hommes de guerre les plus remarqués
de son temps. A la bataille de Salamanque, il commanda
l'arrière-garde et sauva par sa ferme contenance notre
armée vaincue (22 juil. 1812). Peu après, il put reprendre
l'offensive et se distingua de nouveau par la prise de Pa-
lencia (octobre). Mais c'est surtout en 1813, après Vittoria,
qu'il donna la mesure de son énergie et de son mérite
stratégique. Placé à la tête de deux divisions en Biscaye, il
s'y maintint longtemps et presque toujours avec succès,
inquiéta sérieusement la grande armée de Wellington au
moment où elle pénétrait sur notre territoire, rentra en
France sans laisser un seul prisonnier ni un seul canon au
pouvoir de l'ennemi et tomba sur le champ de bataille
d'Orthez atteint d'une blessure que Ton crut d'abord
mortelle (27 févr. 1814).
Pendant sa convalescence, qui fut longue, l'Empire fut
renversé. Le général Foy, nommé grand officier de la Lé-
gion d'honneur et inspecteur général d'infanterie à Nantes,
ne trahit pas les Bourbons lors du retour de l'île d'Elbe.
Il ne se rallia à Napoléon (sans enthousiasme et sans espoir,
du reste) que lorsque Louis XVIII eut quitté Paris. Mis à
la tête d'une division dans le corps du maréchal Ney, il
combattit aux Quatre-Bras et reçut à Waterloo sa quin-
zième blessure (18 juin 1815). La seconde Restauration lui
tint quelque temps rigueur. Il ne recouvra que sous le
ministère Gouvion Saint-Cyr (1817) son titre d'inspecteur
général. Du reste, ce n'est plus comme militaire qu'il allait
acquérir ses derniers et ses plus beaux titres de gloire. La
politique, qui l'avait toujours passionné, l'attirait de plus
en plus. Patriote et libéral, les agissements des Bourbons
le froissaient et l'inquiétaient. Une première fois, en août
1815, il avait sollicité sans succès le mandat de député.
Puis il s'était plongé dans l'étude et avait paru quelque
temps absorbé par la préparation d'un grand ouvrage sur
les dernières guerres d'Espagne et de Portugal.
En 1819, les électeurs de Péronne l'envoyèrent enfin au
Palais-Bourbon où, dès son premier discours, il prit parmi
nos orateurs parlementaires le premier rang, qu'il garda
sans conteste jusqu'à sa mort. Son éloquence vibrante et
généreuse fut dès lors la consolation de cette France
vaincue et mutilée, dont il ne se lassait pas de célébrer
les gloires; elle fut aussi l'encouragement et l'espoir d'une
nation qui, comme lui, était inviolablement attachée aux
principes de 1789 et qui craignait, non sans raison, de les
voir méconnus par son nouveau gouvernement. Le général
Foy ne s'associa pas activement, à ce qu'il semble, comme
La Fayette, Manuel et quelques autres de ses amis, aux
conspirations qui furent ourdies de 1822 à 1823 contre la
Restauration. C'est seulement du haut de la tribune qu'il
défendit, avec une constance et un courage infatigables, les
libertés publiques, l'ancienne armée et la cause de la Ré-
volution. Son opposition aux Bourbons était d'autant plus
redoutable que, s'il mettait beaucoup de feu dans ses attaques,
il y mettait aussi beaucoup de mesure, qu'il respectait l'au-
torité dans ce qu'elle avait de légitime, qu'il savait se
montrer homme de gouvernement et que, d'autre part,
toutes les questions discutées dans la Chambre lui étaient
également familières. Tant qu'il siégea au Palais-Bourbon,
il ne fut étranger à aucun débat de quelque importance.
Son histoire, pendant ces six années, se confond avec celle
du régime parlementaire en France. Signalons seulement en
passant les discours retentissants qu'il prononça en 1820
sur la liberté individuelle et la liberté de la presse, sur la
loi du double vote, en 1821 sur les révolutions d'Italie,
sur la loi des Donataires, en 1822 et 1823 sur les complots
libéraux, sur les affaires d'Espagne, et la part considérable
qu'il prit chaque année aux discussions budgétaires. Sa
popularité ne cessait de grandir. Lors du renouvellement
de la Chambre en 1824, il fut élu en même temps à Paris,
à Saint-Quentin et à Vervins. Il combattit de toutes ses
FOY — FOYER
942 —
forces la septennalité, la loi d'indemnité aux émigrés,
attaqua énergiquement les marchés Ouvrard et prit une
dernière fois la parole (16 mai 4825) pour protester contre
la mise à la retraite prématurée de cinquante-deux généraux
de l'Empire. Atteint d'une maladie de cœur qu'aggravaient
rapidement les émotions de la vie publique et un travail
excessif, il fit avec sa femme un voyage aux Pyrénées qui
ne fut pour lui qu'une longue suite d'ovations, mais d'où
il revint à Paris dans un état désespéré. Sa mort fut re-
gardée dans toute la France comme une calamité nationale.
Cent mille personnes suivirent son convoi ; son cercueil fut
porté à bras jusqu'au Père-Lachaise. Comme il laissait
cinq enfants sans fortune, une souscription publique fut
provoquée en leur faveur par ses amis, et en quelques
semaines elle produisit un million. De nos jours une statue
a été élevée au général Foy dans sa ville natale. — Ses
Discours furent recueillis et publiés peu après sa mort
(Paris, 1826, 2 vol. in-8). Sa veuve donna aussi sous son
nom la première partie de son Histoire de la guerre de la
Péninsule (Paris, 1827, 4 vol. in-8). Mais il est juste de
dire que ce récit, très remarquable d'ailleurs, n'est pas de la
main du général, qui n'avait laissé que des notes (mises en
œuvres par M. Tissot après sa mort). A. Debidour.
Bibl.: Cuisin, Vie militaire, politique et anecdotique du
général Foy. — Général Fabvier, Correspondance et Mé-
moires (inédits). — Koch, Mémoires de Masséna. — La-
croix (bibliophile Jacob), Eloge historique du général Foy.
— Lanfrey, Histoire de Napoléon Ier. — Marmont, duc
de Raguse, Mémoires. — Napier, Histoire de la guerre
dans la Péninsule. — Thiers, Histoire de la Révolution.
— Du même, Histoire du Consulat et de l'Empire. — Tis-
sot , Notice biographique du général Foy (en tête du recueil
de ses discours). — Vaulabelle, Histoire des deux Res-
taurations.— Victoires et Conquêtes des Français. — Vidal,
Vie militaire et politique du général Foy. — Viel-Castel,
Histoire de la Restauration, etc.
FOY (Maximilien-Sébastien-Auguste-Àrthur-Louis-Eer-
nand), homme politique français, né à Ham le 20 juin \ 815,
mort à Ostende le 1er nov. 1871, fils du précédent. Créé
pair de France le 19 nov. 1831, il eut à la Chambre haute
un rôle très obscur, s'occupant plus d'œuvres de bienfai-
sance que de politique. Il se présenta sans succès à Paris à
des élections partielles pour la Constituante le lOmars 1850.
— Vincent- Louis -Alphonse, frère du général, né à
Ham le 14 avr. 1796, mort à Paris le 15 janv. 1888, fut
député de l'Aisne de 1831 à 1834. Il appartenait à l'ad-
ministration des télégraphes et il fut retraité avec le grade
d'administrateur (1855). — Adrien-EippolyU- Arthur ,
neveu du général, né à Ham le 4 janv. 1793, mort à
Paris le 22 mars 1877, élève de Saint-Cyr, fut aide de
camp de son oncle en Espagne, combattit en Afrique,
devint maréchal de camp en 1846, général de division en
1853 et commanda jusqu'en 1858 à Toulouse. — Maxi-
milien-Prosper, autre neveu du général, né à Ham le
15 juil. 1805, mort à Vesoul le 19 mai 1889, élève de
l'Ecole polytechnique, servit en Afrique; le 23 août 1848
il fut élu représentant du Bas-Rhin à la Constituante; il y
combattit la politique de l'Elysée, et ne fut pas réélu à la
Législative. Le 27 nov. 1829, il fut nommé colonel et fut
mis à la retraite en 1865.
FOY-V aillant (V. Vaillant).
FOYAT1ER (Denis), sculpteur français, né à Bussière
(Loire) le 22 sept 1793, mort à Paris le 19 nov. 1863.
Fils d'un pauvre tisserand, il fut obligé, dans sa jeunesse,
de garder les troupeaux; mais, né sculpteur, il s'appliquait
avec passion à modeler en terre et sculpter en bois de
grossières images. Petit à petit, sans autre maître que son
talent d'observation, il parvint à une certaine habileté de
praticien, et se créa des ressources qui lui permirent de se
rendre à Lyon pour y suivre les cours de l'Ecole des beaux-
arts où il fut élève de Marin et de Lemot. En 1817, il
passa à celle de Paris, et deux ans après il obtint une
deuxième médaille au Salon, avec un Jeune Faune com-
posant la musique et plusieurs bustes. Il séjourna à
Rome de 1822 à 1827, et il brilla au Salon de cette der-
nière année avec sa statue de Spartacus, exécutée en
marbre en 1831 et aujourd'hui au jardin des Tuileries, où
se trouvent également son Soldat laboureur et son Ger-
manicus (S. de 1822). Dès lors ses œuvres se succé-
daient rapidement, sans qu'il parvînt jamais à en produire
une qui s'imposât. Dans le nombre, nous citerons : Etienne
Pasquier, statue marbre pour le palais de la Chambre des
pairs (S. 1844); Jeanne d'Arc, statue équestre pour le
monument élevé à Orléans (1855); les quatre pendentifs
de l'église de la Madeleine; la frise de l'arc de triomphe
de l'Etoile. G. P.-i.
FOYE-Monjault (La). Corn, du dép. des Deux-Sèvres,
arr. de Niort, cant. de Beauvoir ; 907 hab. Cette commune
a des vignobles importants et son vin était déjà cité par
Rabelais.
FOYER. I. Construction. — Partie essentielle d'un
appareil de chauffage, fixe ou mobile, dans laquelle s'opère
la combustion. Chez les anciens, les foyers fixes étaient
disposés, soit au-dessous d'une ouverture par laquelle
s'échappait la fumée, soit à l'état iïhypocaustes, c.-à-d.
de foyers placés à la partie inférieure d'une habitation et
répandant la chaleur, comme le font les calorifères mo-
dernes. Pour les foyers mobiles, ils consistaient en brase-
ros ou réchauds, généralement de terre cuite ou de métal,
remplis de braise et que l'on transportait d'une pièce dans
l'autre, comme on en voit encore aujourd'hui en Espagne
et en Italie, ou comme certains poêles mobiles fort en usage
de nos jours. Les conditions d'établissement des foyers de
chaleur ont donné lieu à des prescriptions administratives
(V. Cheminée). Charles Lucas.
IL Technologie (V. Chaudière, Locomotive, etc.).
ÏII. Mines. — Foyer d'aérage (V. Aérage).
IV. Mathématiques. — Le mot foyer a d'abord
été employé pour désigner dans l'ellipse et dans l'hyper-
bole deux points tels que la somme ou la différence des
distances de ces points à un point quelconque de la courbe
était constante. On a bientôt reconnu que ces points jouis-
saient d'une propriété remarquable. Les foyers d'une conique
sont en effet des points tels que leur distance à un point
de la courbe peut s'exprimer en fonction rationnelle des
coordonnées rectilignes de ce point. En sorte qu'en appelant
x, y, les coordonnées rectangulaires d'un point de la courbe,
et a, [3, les coordonnées d'un foyer, on peut mettre l'équa-
tion de la courbe sous la forme
(1) (x — a)2 + (y — (E)2 — e2 (x cos 9 + y sin 9 — p\z,
e, 9, p désignant des quantités indépendantes de x et y,
la droite x cos 9 -f- y sin 9 — p z= 0 est la directrice cor-
respondante au foyer a, p, d'où cette propriété : dans
toute conique le rapport de la distance d'un point à un
foyer et à la directrice correspondante est constant et égal
à e, en se plaçant à ce point de vue, toute conique possède
quatre foyers dont deux sont réels seulement, et par suite
quatre directrices. Ces foyers peuvent d'ailleurs être con-
fondus ou rejetés à l'infini, ils sont confondus dans le
cercle, et dans la parabole, trois foyers sont à l'infini.
La notion du foyer peut être étendue à une courbe algé-
brique quelconque : l'équation (1) est l'équation d'une
conique doublement tangente au cercle de rayon nui
(x — a)2 -f- (y — (3)2 — 0, suivant la corde de contacts
#coso -+- 2/SHI9 — p. Un cercle de rayon nul est l'ensemble
de deux droites isotropes passant par son centre, si bien
que l'on peut dire que les foyers d'une conique sont des
points d'où l'on peut mener à cette conique deux tangentes
isotropes. Quelque bizarre que puisse paraître au premier
abord une pareille définition, un peu d'exercice finit par
montrer que c'est la plus féconde dans les applications et
qu'elle permet de résoudre une foule de questions que la
définition élémentaire et primitive ne permettrait pas
d'aborder. Enfin elle a l'avantage de pouvoir s'étendre à
des courbes quelconques et de conduire à la notion de
foyer dans les surfaces. — On appelle en général foyer
d'une courbe plane quelconque un point d'où l'on peut lui
mener deux tangentes isotropes. — En général une courbe
— 943 —
FOYER - FRACANZANI
de classe n à 111 foyers, mais ce théorème cesse d'être
exact quand la courbe passe par les ombilics du plan. —
Pour trouver les foyers d'une courbe dont on a l'équation
en coordonnées rectangulaires on exprime que y — (3
-l-y'zrf (x — a) et y — (B — y/Hl (x — a) touchent la
courbe, on obtient ainsi deux équations en a et (B dont les
solutions (a, 8) sont les coordonnées des foyers.
Les foyers sont ordinairement des points jouissant de
propriétés curieuses dont ne jouissent pas les autres points
du plan, nous nous bornerons ici à citer quelques propriétés
des foyers des coniques. La tangente à une conique par-
tage en deux parties égales l'angle des droites qui vont du
point de contact aux foyers, dans la parabole il n'y a
qu'un foyer, et la tangente partage alors en parties égales
l'angle que fait la droite qui va du foyer au point de con-
tact avec une parallèle à l'axe. — Le lieu des pieds des
perpendiculaires menées d'un foyer sur les tangentes est
un cercle, qui dans la parabole se réduit à la tangente au
sommet. — Disons enfin que le lieu des foyers des coniques
inscrites dans un quadrilatère est une courbe du troisième
degré qui par des transformations homographiques peut
reproduire toutes les courbes du troisième degré de sorte
qu'en partant de là on peut faire une théorie générale des
courbes du troisième degré.
Quelquefois on donne dans une question à des points fixes
le nom de foyers quand les droites aboutissant à ces points,
jouent un rôle prépondérant dans la question.
Foyers de surfaces (V. Focales).
Foyers d'une congruence ou d'un faisceau de droites
(V. Congruence). H. Laurent.
V. Physique (V, Lentille, Miroir, Prisme).
VI. Théâtre. ■— Dans chaque théâtre il existe au
moins deux foyers, l'un attenant à la salle et destiné au
public, l'autre voisin de la scène et réservé aux artistes. Le-
foyer de la salle, ou foyer du public, est, durant les
entr'actes, le rendez-vous des spectateurs, à qui un long
séjour dans leur fauteuil donne le désir d'un instant de
détente physique; c'est un lieu de distraction, de pro-
menade et de conversation, à l'un des bouts duquel on
rencontre souvent un buffet avec des rafraîchissements.
On connaît le foyer de notre Opéra avec la loggia qui
le borde sur la façade du monument, sa magnificence, son
éclairage étincelant, les peintures superbes dont PaulBaudry
l'a si merveilleusement décoré. A la Comédie-Française, à
l'Odéon, le foyer du public, plein d'élégance et de confor-
table, prend un autre caractère; c'est comme une sorte
de véritable musée, où les œuvres d'art : bustes, portraits,
tableaux, etc., rappellent des souvenirs artistiques glorieux
et font passer sous les yeux du visiteur comme une sorte
d'histoire anecdo tique de la maison. A part quelques excep-
tions, le foyer des artistes est généralement beaucoup plus
calme et beaucoup plus simple que les foyers publics. C'est
là que chacun des acteurs vient prendre un repos pendant
les scènes où il ne figure pas, et où la préoccupation de la
réplique prochaine ne laisse guère de place à d'autres sen-
timents. Ce foyer est d'ordinaire une grande pièce assez
nue, dont l'unique ornement est représenté par le tableau
du service du jour : spectacle, répétitions, amendes, etc.,
et un exemplaire du règlement intérieur. Mais les artistes
qui ont quelques moments à eux aiment mieux, la plupart
du temps, remonter jusque dans leur loge que d'attendre
au foyer ; d'autres restent dans les coulisses, et il en résulte
que le foyer est généralement peu animé. Une exception
pourtant est à faire pour celui de la Comédie-Française,
qui est vaste, somptueux, orné de nombreuses œuvres d'art,
et où artistes, auteurs, amis de cette grande maison se
réunissent volontiers. Il fut même un temps où la rage du
jeu des échecs était telle dans le foyer, parmi les socié-
taires, qu'on dut supprimer ce jeu, auquel ces messieurs
se livraient au cours de la représentation, pendant les
scènes dont ils ne faisaient point. partie, jusqu'à laisser
parfois passer leur réplique et à manquer leur entrée,
en dépit des avis réitérés de l'avertisseur. Le foyer des
artistes de la Comédie-Française a toujours été renommé
d'ailleurs. Mais il y en eut un de particulièrement célèbre
jadis dans un autre genre : c'est celui du théâtre Montansier
(Variétés actuelles) qui, à l'époque de la Révolution, était
un rendez-vous à la fois de politique et de galanterie. La
Montansier, fondatrice et directrice de ce théâtre, fameuse
par ses intrigues sous ce double rapport, y attirait tout
ensemble les hommes les plus en vue du parti révolution-
naire et ce que Paris comptait de mieux en fait de femmes
faciles et de riches courtisanes. Il s'ourdissait là de véri-
tables complots, en même temps qu'il se nouait et se
dénouait toutes sortes d'intrigues amoureuses. Certains
écrits du temps sont fertiles en détails curieux et typiques
sur ce foyer demeuré fameux. En dehors du foyer dii public
et du foyer des acteurs, certains théâtres importants ont
encore des foyers secondaires, tels que le foyer des musi-
ciens de l'orchestre, le foyer des choristes ou des com-
parses, voire même le foyer des machinistes. Mais il en est
un qui mérite une mention spéciale pour sa particularité;
c'est le foyer de la danse de l'Opéra, qui n'est pas seule-
ment le rendez-vous des danseuses de ce théâtre, mais
aussi celui des abonnés de l'orchestre, qui y ont leur
entrée de droit, et qui y vont coqueter familièrement avec
ces jeunes vestales. Je n'ai pas besoin de dire qu'en dépit
de la qualité des visiteurs, cet endroit privilégié n'est pas
absolument un rendez-vous de noble compagnie, et que
les propos qui s'y tiennent ne sont pas de ceux qui comman-
dent le respect et l'admiration.
Bibl. : Mathématiques.— Salmon, Traité de géométrie
analytique, trad. en- franc, par Kesal et Vaucheret.
FOYLE. Fleuve du N. de l'Irlande, formé par la réunion
des rivières Fin et Mourne. La direction de son cours est
N.-N.-O. Il passe à Lifford et à Londonderry et forme le
Lough Foyle, estuaire de 29 kil. de long sur 45 de largeur.
Au milieu du Lough Foyle se trouve la grande île dite
Shell Island.
F0Z1ERES. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. etcant. de
Lodève; 134 hab.
FOZZANO. Corn, du dép. delà Corse, arr. de Sartène,
cant. d'Olmeto ; 569 hab.
FRA ANGELICO (V. Angelico).
FRA BARTÛLOMMEQ (V. Bàrtolommeo).
FRAC (V. Costume).
FRACANZANI (Francesco), peintre italien, né à Naples
au commencement du xvue siècle, mort en 1657. C'est
un élève assez vulgaire deRibera qui, sous l'administration
du comte de Monterey, représentant du roi d'Espagne,
faisait à Naples la pluie et le beau temps. De bonne heure,
Fracanzani, qu'un lien de parenté rattachait à la famille
de Salvator Rosa, étonna les Napolitains par la vigueur de
son pinceau. Un de ses tableaux, la Mort de saint Joseph,
placé à l'hôpital des Pellegrini, fut regardé comme une
des meilleures peintures de la ville. Mais d'après les bio-
graphes, Fracanzani, mal payé alors qu'il faisait des œuvres
sincères, se lassa vite de l'art désintéressé ; il travailla à
la hâte pour les marchands de bas étage, et encombra leurs
boutiques d'improvisations plus ou moins grossières. Il ne
se borna pas à la production de mauvais tableaux : entraîné
par la pauvreté, dont les conseils sont toujours redoutables,
dit Lanzi, il se compromit dans des actes douteux, dont
on ne précise pas d'ailleurs la nature, mais qui déplurent
à la justice. Le comte Oriov, qui brode sur la légende, \a
jusqu'à dire que Fracanzani devint un « infâme brigand ».
On assure qu'il fut condamné à mort et s'empoisonna dans
son cachot. Telle est la tradition à laquelle il ne manque que
des preuves.
Plusieurs des tableaux de Fracanzani ont été transpor-
tés en Espagne, et l'on retrouve au musée de Madrid
une peinture où le peintre napolitain se révèle comme un
naturaliste sans goût mais non sans force. Fracanzani a eu
un fils qu'il nomma Michel-Ange et dont il aurait voulu
faire un peintre; mais l'ambition du jeune homme était
ailleurs» Passionné pour le théâtre, il s'engagea dans une
FRACANZANI - FRACTION
— 944 —
troupe de comédiens et joua, dit-on, le rôle de polichi-
nelle avec beaucoup de verve et de fantaisie. Louis XIV le
fit venir à Paris où il demeurait rue du Petit-Lion-Saint-
Sauveur près de la Comédie-Italienne. Ce polichinelle, qui
s'était occupé de peinture dans sa jeunesse, devint à Paris
un amateur éclairé d'œuvres d'art. P. M.
Bibl. : Lanzi, Storia pittorica,.
FRACASSETTI (Giuseppe), littérateur et historien ita-
lien, né à Fermo le 20 août 4802, mort vers 1880. Son
œuvre principale est la traduction du latin de YEpistola-
rio Petrarchesco, divisé enLettere dicosefamiliari, Let-
tere varie, Lettere senili (Florence, 1863-1870, 7 vol.).
Il avait donné antérieurement une édition critique du texte
des Epistolœde rébus familiaribus et varice (3 vol.). Ces
diverses publications fournirent à M. Alfred Mézières les
matériaux de son volume sur Pétrarque. Parmi ses études
historiques, on remarque : Notizie storiche délia città
di Fermo ; Memorie storiche délia beata vergine dèl
Pianto, etc. R. G.
FRACASTORI (Girolamo), médecin, physicien et poète
italien, né à Vérone en 1483, mort à Cafi, près de Vérone, le
8 août 1553. Les détails de sa vie sont peu connus ; il vé-
cut dans l'intimité avec le cardinal Bembo, auquel il dédia
son fameux poème : Syphilis seu morbus gallicus (Ve-
nise, 1530, in-4, et nombreuses éditions, la dernière à
Leipzig, 1830 ;' et nombreuses traductions en français et
en italien), ouvrage aussi remarquable par la beauté de la
versification que par sa valeur médicale. Son écrit : De
Contagionibus, etc. (Venise, 1846, in-4), ouvre une ère
nouvelle pour l'épidémiologie ; il y distingue pour la pre-
mière fois le typhus exan thématique de la peste qui com-
prenait jusqu'alors toutes les maladies épidémiques graves.
Fracastori fut même astronome : Homocentricarum, sive de
stellis liber, etc. (Venise, 1535, in-4; 1558, in-8). Ses ou-
vrages sont réunis dans Opéra omnia (Venise, 1555, in-4).
FRACCAR0L1 (Innocenzo), sculpteur italien, né à Cas-
tel Rotto (Véronais) en 1805. Lauréat du grand prix de
l'Ecole des beaux-arts de Milan, il vint à Rome où il
étudia sous Thorwaldsen et Tenerani. Il y fit un Achille
blessé et une statue de l'Innocence, ainsi qu'un Massacre
des Innocents qui se trouve au Belvédère de Vienne. Ses
autres ouvrages sont : Eve après le péché, un David,
une Descente de croix, etc. Il a fait en 1876 présent de
tous ses- modèles et esquisses à sa ville natale.
FRAC H ET (Gérard de), chroniqueur et prédicateur limou-
sin, né à Chalus (Haute- Vienne) en 1205, mort à Limoges
le 4 oct. 1271. Il prit, dès 1225, l'habit de l'ordre de
Saint-Dominique et fit profession l'année suivante. En 1233,
il fut élu prieur du couvent des dominicains de Limoges,
fondé en 1219, et exerça cette charge pendant douze ans.
Il devint, en 1245, prieur du couvent de Marseille et, de
1251 à 1259, provincial de la province de Provence. Au
sortir de cette charge, il fut élu prieur du couvent de Mont-
pellier et, en 1266, définiteur provincial pour le chapitre
de Limoges. Comme prédicateur, Gérard de Frachet n'a
rien laissé qui permette de reconnaître les mérites que lui
attribue Bernard Gui. Comme chroniqueur, il a composé :
Vitœ fratrum ord. predicatorum, rédigées en 1256-60
sur Tordre du chapitre général, imprimées pour la première
fois à Douai en 1619, plus tard à Valence d'Espagne en
1657 ; Chronicon ab initio mundi usque ad annum
1268. La première partie, encore inédite, est une compi-
lation des chroniques d'Eusèbe, de Bède, d'Adon, de
Sigebert, etc. La seconde partie, où l'auteur raconte les
faits contemporains, est de médiocre valeur. Les continua-
teurs de dom Bouquet en ont donné des extraits aux t. XXI
et XXIII du Recueil des historiens de France. Aux nom-
breuses indications bibliographiques que fournissent sur cet
auteur la Bibliotheca de Potthast et le Répertoire de
l'abbé Chevalier, il faut ajouter une étude sur les Vitœ,
publiée en 1867 dans la Quellensammlung der badischen
Landesgescbichte de Mone (t. IV). A. Leroux.
Bibl. : Echard, Script, ord. FF. PP., I, 259, et la Chro-
nique des frères prêcheurs de Limoges, dans le Bull, de
la Soc. arch. du Limousin, t. XL.
FRACHETÎA (Hieronimo), littérateur italien, né à Ro-
vigo vers 1560, mort à Naples en 1620. Il vécut à Rome,
puis à Naples, en protégé de l'Espagne. On a de lui des
ouvrages assez estimés : Dialogo del furor poetico (Pa-
doue, 1581, in-4) ; Sposizione sopra una canzone di
Guido Cavalcanti (Venise, 1585, in-4) ; Brève Sposi-
zione di tutta l'opéra di Lucrezio, etc. (Venise, 1589,
in-4) ; II Principe (Venise, 1599, in-8) ; Vîdea del libro
di governi di stato e di guerra (Venise, 1613, in-fol.) ;
Délia Ragione di stato (Urbin, 1623, in-4 ; en allemand,
Francfort, 1681, in-8). R. G.
Bibl. : Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana.
FRACHICHE. Tribu arabe sur la frontière de l'Algérie
et delà Tunisie, dans la région montagneuse entre Tebessa
(Algérie) et Feriana (Tunisie). Un petit nombre d'entre eux
vit dans des douars et cultive quelques fonds de vallées ; la
masse de la tribu est nomade et pastorale. La laine de leurs
moutons est très recherchée par les acheteurs européens ;
sous la tente, on en fait des burnous renommés pour leur
force et des tapis légers ou tentures appelés frachia et d'une
assez grande valeur. E. Cat.
FRACTION. I. Mathématiques. — On appelle frac-
tions ou nombres fractionnaires les nombres qui servent à
désigner les quantités que l'on peut obtenir en ajoutant des
parties de l'unité partagée en parties égales, ou, comme l'on
dit, des parties aliquotes de l'unité. Une fraction moindre
que l'unité est ce que l'on appelle une fraction proprement
dite. On dénomme une fraction en énonçant d'abord le
nombre de parties de l'unité dont elle se compose, nombre
que l'on appelle le numérateur, en le faisant suivre du
nombre de parties dans lesquelles l'unité a été divisée, nombre
que l'on appelle dénominateur et que l'on fait suivre de
la terminaison ième. Au lieu de deuxième, troisième,
quatrième, on dit demi, tiers, quart. On représente une
fraction en écrivant son numérateur au-dessus de son déno-
minateur et en les séparant par une barre horizontale ; le
numérateur et le dénominateur sont ce que l'on appelle
les termes de la fraction. Une fraction ne change pas de
valeur, c.-à-d. ne cesse pas de représenter la même quan-
tité quand on multiplie ou quand on divise (si cela se peut)
ses deux termes par un même nombre. Il résulte de là
que l'on simplifie l'expression d'une fraction en divisant
ses deux termes par leurs facteurs communs ; on peut
même démontrer qu'une fraction est réduite à sa plus
simple expression quand ses deux termes sont premiers
entre eux, ce à quoi Ton arrive en divisant les deux termes
par leur plus grand commun diviseur. Une fraction réduite
à sa plus simple expression est dite irréductible.
Etant données des fractions quelconques, on peut tou-
jours les remplacer par d'autres qui leur sont respective-
ment égales et qui ont toutes le même dénominateur. Cette
opération est ce que l'on appelle la réduction au même
dénominateur. Pour réduire des fractions au même déno-
minateur, on peut multiplier les deux termes de chacune
d'elles par le produit du dénominateur des autres, mais
on n'obtient pas toujours ainsi la réduction au plus petit
dénominateur commun possible, lequel est le plus petit
multiple des dénominateurs des fractions proposées, ré-
duites à leur plus simple expression. L'addition, la com-
paraison, la soustraction des fractions est rendue facile
par leur réduction au même dénominateur. Nous nous
arrêterons quelques instants sur la multiplication, parce
que l'on donne, dans la plupart des livres d'arithmétique
destinés aux enfants, une définition vicieuse de cette opé-
ration ; la vraie définition à donner est très simple : mut-
tiplier un nombre par une fraction, c'est prendre
cette fraction de ce nombre; ainsi, multiplier un nombre
2 2
par ^ , c'est en prendre les 77 ; quand on donne cette défi-
nition, il est bon de montrer que, si un problème à don-
nées entières conduit à une solution qui est le produit de
— 945 —
FRACTION
deux entiers, le même problème conduit encore à faire un
produit quand les données deviennent fractionnaires. On
démontre que le produit de plusieurs fractions est une
fraction qui a pour numérateur le produit des numérateurs
et pour dénominateur le produit des dénominateurs de ces
fractions. — Diviser un nombre entier ou fractionnaire,
appelé dividende, par un autre appelé diviseur, c'est trouver
un nombre appelé quotient qui, multiplié par le diviseur,
donne le dividende; la division des fractions se fait en
multipliant le dividende par le diviseur renversé, c.-à-d.
par une fraction dont le numérateur est égal au dénomi-
nateur du diviseur, et vice versa. Tous les traités d'arith-
métique contiennent les règles détaillées du calcul des frac-
tions ; nous n'insisterons pas davantage sur ce point.
Comme l'on a donné des fractions plusieurs définitions,
je me crois obligé de dire qnelles sont les raisons qui
m'ont fait adopter celle que je viens de donner. Un grand
nombre de personnes pensent que les définitions sont tout
à fait arbitraires : je ne le crois pas ; je pense, au con-
traire, que beaucoup de définitions ont simplement pour
but de fixer avec précision le sens d'un mot dont on a
déjà une notion souvent assez complète, afin de permettre
d'employer ce mot dans le raisonnement. Il est certain que
tout le monde sait que un tiers, trois quarts... sont des
fractions, et il n'est pas besoin d'avoir cultivé les sciences
mathématiques pour savoir ce que c'est que la moitié d'un
gâteau ; un enfant de deux ans ne s'y trompera pas. Si
l'on veut donner une définition du mot fraction, il faut
évidemment que l'ignorant qui lira cette définition puisse
se dire : « Hé bien ! oui, c'est bien cela que je pensais. »
En tâchant de nous conformer le plus possible à ces prin-
cipes, nous dirons qu'une fraction est un nombre qui sert
à désigner des quantités qui résultent de l'addition de
parties égales de l'unité ; cette définition comprend comme
cas particulier les nombres entiers eux-mêmes ; mais, loin
d'être un inconvénient, c'est là souvent un grand avan-
tage. Pourquoi, dira-t-on, prendre tant de précautions
pour donner une définition aussi simple et que l'on trouve
dans tous les traités d'arithmétique ? A cela je répondrai que
des savants, connus par des travaux importants, ont jugé
à propos de donner d'autres définitions du mot fraction ;
parmi toutes ces définitions, je choisirai la plus bizarre :
« Une fraction est l'ensemble de deux entiers, rangés dans
un ordre déterminé, sur lequel on fait certaines conven-
tions relatives aux opérations. » Au point de vue rigou-
reusement logique, il est sans doute permis de donner une
pareille définition du mot fraction, mais je nie qu'elle soit
accessible à de jeunes esprits et qu'elle soit empreinte de
ce caractère de simplicité que l'on recherche dans les
méthodes d'enseignement. Pour quelques savants, les ma-
thématiques sont un jeu de logique ; d'autres y voient
autre chose : plus terre à terre que les premiers, ils cul-
tivent les sciences pour leurs applications et aussi pour
se former le jugement. Prenons garde ! On peut avoir
V esprit faux, c.-à-d. se former une conception étrange
du monde réel, tout en raisonnant juste sur des données
particulières.
Fractions de fractions. — On appelle ainsi les quo-
tients non effectués de deux nombres entiers ou fraction-
naires : telle est l'expression - ou a et b sont des nombres
fractionnaires. Le calcul des fractions de fractions est soumis
aux mêmes règles que le calcul des fractions ordinaires.
Fractions décimales. — On appelle fraction décimale
une fraction dont le dénominateur est 10 ou une puissance
de 10 ; il n'y aurait rien de particulier à dire sur ces
fractions, s'il ne se présentait pas pour les représenter une
notation particulière. Les fractions décimales ou nombres
décimaux peuvent s'écrire en suivant les mêmes règles que
pour écrire les nombres entiers ; il suffit en effet de con-
venir qu'un chiffre placé à la droite d'un autre exprime
des unités dix fois plus faibles ; une virgule sépare la partie
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
entière (qui peut être nulle) d'un nombre décimal, de la
partie fractionnaire proprement dite. Pour la théorie des
fractions décimales, nous renverrons le lecteur aux traités
élémentaires d'arithmétique.
Fractions périodiques. — On appelle fractions déci-
males périodiques celles dans lesquelles à partir d'un
certain moment les mêmes chiffres se reproduisent indé-
finiment et dans le même ordre; ces fractions sont en réalité
des progressions géométriques, et c'est à cette théorie que
l'on devrait logiquement rapporter celle des fractions pério-
diques. On appelle période l'ensemble des chiffres qui se
reproduisent dans le même ordre. La fraction est pério-
dique simple quand la période commence immédiatement
après la virgule, elle est périodique mixte dans le cas
contraire. Une fraction périodique simple est égale à une
fraction ordinaire dont le numérateur est la période et
dont le dénominateur est un nombre formé d'autant de 9
qu'il y a de chiffres dans la période ; cela est évident si
l'on observe que la valeur de la fraction périodique est
celle d'une progression géométrique illimitée dont la raison
est l'unité divisée par une puissance de 10 marquée par
la nombre des chiffres de la période, et dont le premier
terme est la période divisée par la raison. Une remarque
analogue montre que la valeur d'une fraction périodique
mixte est égale à une fraction dont le numérateur est
égal à un nombre formé de la partie non périodique suivi
d'une période diminuée d'un nombre égal à la partie non
périodique et dont le dénominateur est un nombre formé
d'autant de 9 qu'il y a de chiffres dans la période suivis
d'autant de zéros qu'il y a de chiffres non périodiques.
Exemples :
0,27 27 27.... =55 = ^,
0,58127 27 27.= 88127 " 581 5754'6
99000
99000*
Quand on divise un entier par un autre, trois cas peuvent
se présenter: 1° le quotient réduit en décimales peut se
terminer ; 2° il peut être périodique simple ; 3° il peut
être périodique mixte. Supposons le dividende et le diviseur
premiers entre eux (ce que l'on peut toujours faire) le
premier cas se présentera quand le diviseur ne contiendra
que les facteurs premiers 2, 5, le second cas se présentera
quand le diviseur ne contiendra ni facteurs égaux à 2, ni
facteurs égaux à 5, enfin le quotient sera mixte si le
diviseur contient, outre les facteurs 2 ou S, d'autres facteurs
premiers.
Fractions algébriques.
Les fractions algébriques
sont des expressions de la forme -r dans lesquelles a et b
peuvent être des quantités algébriques quelconques. —-
Elles jouissent des mêmes propriétés que les fractions ordi-
naires.
Fractions rationnelles, Fractions simples. — On
appelle fractions rationnelles des fractions dont les deux
termes sont des polynômes entiers ; ordinairement le numé-
rateur est supposé de degré inférieur au dénominateur
(V. Décomposition). — On appelle fractions simples des
fractions de la forme
A Pff + Q *
(x — a)™' [(x-a)2+P2]n'
A, a, n, P, Q, a, (3 désignant des quantités indépendantes
de x ; m et n sont entiers et positifs. — Toute fonction
rationnelle de x est décomposable en polynôme entier et en
une somme de fractions simples. — Un certain nombre de
fonctions transcendantes sont développables en séries dont
les termes sont des fractions simples. H. Laurent.
II. Tactique. — - On appelle fraction constituée une
troupe envisagée isolément, mais avec ses chefs de tout
grade et formant un tout. La plus petite fraction consti-
tuée est l'escouade dans l'infanterie et la cavalerie, la bri-
gade dans la gendarmerie ; viennent ensuite : la section, le
B ë 60
FRACTION - FRACTURE
— 946 —
peloton, la compagnie, l'escadron ou la batterie, le batail-
lon, etc. Autrefois, par crainte des désertions en masse,
on évitait de commander de service des fractions consti-
tuées, et les postes, grand'gardes, piquets, détache-
ments, etc., étaient toujours formés d'hommes pris dans
les différentes fractions des régiments. Aujourd'hui c'est
ordinairement par fractions constituées que les troupes
marchent pour les différents services.
FRACTIONNAIRE (Nombre). Synonyme de fraction. Un
nombre fractionnaire est souvent supposé plus grand que
un ; une fraction proprement dite, au contraire, est supposée
inférieure à un.
FRAGTU RE. I. Chirurgie. — On donne le nom de frac-
ture à la solution de continuité d'un os. Les causes des
fractures sont des violences extérieures, directes ou par
contre-coups, ou des efforts. La solution de continuité peut
aller d'une simple fissure à une séparation complète de l'os
en deux ou plusieurs parties. Le périoste, dans le cas de
fracture, est presque toujours déchiré ou décollé. Les os
spongieux sont souvent écrasés, les os larges sont fracturés
obliquement, transversalement avec des dentelures plus ou
moins prononcées. Les parties séparées des os longs frac-
turés se déplacent dans le sens de leur longueur en chevau-
chant ou en formant un angle, ou se déplacent par rotation.
Les parties séparées des os courts ou des extrémités des
os se pénètrent parfois partiellement.
Les signes d'une fracture sont de deux sortes : ceux
que l'on peut percevoir à distance : douleur exprimée par
le blessé, membre déjeté d'une façon anormale, déformé,
empâté, raccourci; impossibilité de le mouvoir; ceux que
l'on reconnaît par le toucher : douleur provoquée, mobilité
anormale, saillie des fragments sous la peau, crépitation.
La compression et la blessure des parties molles par les
os brisés, des contusions superficielles sur le membre
blessé, des complications inflammatoires sont les signes
pathologiques des fractures. — Le tissu osseux est, après
les tissus épidermiques, celui qui répare le plus complè-
tement ses pertes de substance. Dans les fractures, les
extrémités cassées se réunissent par une cicatrice osseuse
qui a d'abord des caractères particuliers, mais qui, plus
tard, ressemble à la substance osseuse elle-même. Pour
que la consolidation ait lieu, les deux extrémités de l'os
fracturé doivent être maintenues, autant que possible, en
contact. La cicatrice, osseuse se forme même quand l'écar-
tement n'est pas porté trop loin. Dans la consolidation
des fractures, les matériaux de réparation sont fournis
par le plasma exhalé des vaisseaux de toutes les parties
vasculaires voisines, c.-à-d. de l'os lui-même, du périoste,
des muscles, du tissu cellulaire, etc. C'est le cal. Vers le
douzième jour il commence à se former dans les fractures
sans plaies et beaucoup plus tard dans les fractures ouvertes
avec plaies et esquilles.
Le chirurgien qui a affaire à un membre fracturé doit
l'explorer avec douceur, sans secousse, régulièrement et
en évitant les transports faits sans immobilisation partielle,
afin de ne pas provoquer de déplacement des pointes de
fragments qui pourraient déchirer les parties molles, occa-
sionner de vives douleurs, des spasmes, des ruptures vas-
culaires, etc. — Il faut donc enlever le vêtement qui
recouvre le membre fracturé sur les lignes de couture en
le maintenant immobile, puis on lui Imprime de petits
mouvements réguliers communiqués pour constater la frac-
ture, si elle n'est pas apparente de prime abord. Les deux
indications principales du traitement des fractures sont :
la réduction, Y immobilisation. La réduction comprend
trois temps, Y extension, h contre-extension, la coapta-
tion. Pour le premier temps, un aide attire à lui le frag-
ment inférieur, un autre fait la contre-extension en portant
en sens inverse le fragment supérieur. Pendant que les
fragments sont ainsi écartés par deux forces contraires qui
domptent la résistance musculaire et combattent les dépla-
cements osseux, le chirurgien met en contact les deux bouts
et les coapte. L'extension doit toujours être lente, continue
et faite dans l'axe du membre ; pour la jambe, le point
d'appui de l'extension sera le talon, qui se prend à pleine
main gauche, tandis que la droite saisit le pied, le pouce
sous la plante, les doigts sur le dos ■; pour la cuisse, c'est
encore le talon qui est encore le point d'appui aidé quel-
quefois d'une traction au-dessus du genou ; pour l'avantr-
bras on saisit le poignet ; pour l'humérus, on tire sur le
coude fléchi. La contre-extension se fait également lente,
continue et régulière, en prenant à deux mains le segment
du membre sus-jacent à la fracture. On ajuste ainsi les
deux fragments suivant leurs surfaces de rupture et on
les coapte. S'il y a difficulté de vaincre les spasmes mus-
culaires et le chevauchement, il faut avoir recours au
chloroforme.
L'immobilisation est la seconde indication du traitement
des fractures ; « le squelette intérieur fait défaut, on y
supplée par un squelette extérieur » (Forgue et Reclus).
D'où la multiplicité des appareils à fractures, chacun ayant
ses indications, ses avantages dans tel ou tel cas particu-
lier (V. Appareil). En principe, il faut étayer les frag-
ments à maintenir par des tuteurs, ou attelles, placés
le long du membre fracturé, au point où elles ne peuvent
pas causer de compression vasculaire ou nerveuse (plan-
chettes en bois, attelles ou treillis métallique, toile mé-
tallique, attelles en tôle perforée, — celle-ci étant plus
malléable que le bois et pouvant prendre la courbure du
membre fracturé ; — attelles en zinc, paille, gutta-percha,
feutre, carton, etc. Puis on les roule dans un morceau
d'étoffe (drap fanon), dont la largeur correspond à peu
près au double du tour du membre, et sa longueur à celle
du segment fracturé: enfin, on les solidarise. — On immo-
bilise aussi les membres fracturés dans des gouttières prêtes
à l'avance, en bois, en lames métalliques, en fil de fer, en
substances durcies, ouatées ou rembourrées, préservées des
souillures par des tissus imperméables, du taffetas gommé,
du mackintosch.
L'immobilisation a une durée qui varie suivant les soins
apportés au traitement, l'âge, l'état général du sujet, la
disposition des fragments osseux, le genre de fracture.
Mais cette immobilisation que l'on avait considérée jusqu'à
ces dernières années comme une condition sine qua non
d'une bonne réunion des fragments a été battue en brèche
par Lucas-Championnière et son école. Il a montré qu'on
doit substituer le massage immédiat et la mobilisation pré-
coce à l'ancien mode, et qu'on obtient ainsi une guérison
plus rapide et des résultats fonctionnels supérieurs. Une
bonne règle consiste à immobiliser les fragments, tout en
mobilisant les muscles, les tendons et les jointures; le
massage immédiat et la mobilisation précoce, manœuvres
qui maintiennent l'intégrité des agents actifs du membre,
sont fort souvent compatibles avec une immobilisation suf-
fisante des fragments. Dans les fractures de l'extrémité
inférieure du péroné et du radius, de l'extrémité externe de
la clavicule, intra-deltoïdienne de l'humérus, pénétrante du
col du fémur, où l'engrènement des fragments ou l'existence
de ligaments solides maintiennent en contact les deux bouts
immobiles et sans tendance au déplacement, le massage
est utile, l'immobilisation prolongée nuisible. Dans les
fractures où la mobilité est peu considérable et le dépla-
cement presque nul (côtes, fracture sus-malléolaire, rup-
tures isolées du cubitus et du radius à l'avant-bras, où l'un
des deux os forme attelle), un massage immédiat avant tout
appareil, puis l'application d'une attelle plâtrée enlevée au
quinzième jour, la mobilisation précoce des jointures voi-
sines donnent des résultats excellents. Dans les fractures à
fragments essentiellement mobiles attirés et séparés par
des muscles puissants (celle des deux os de la jambe, des
deux os de l'avant-bras, celle du fémur, de l'humérus), si
l'on veut une consolidation correcte, sans cal vicieux, il faut
maintenir la fracture réduite par un appareil à demeure, et
la mobilisation précoce,, le massage semblent compromis.
Il n'en est rien la plupart du temps ; mais il n'en est pas
besoin, les mouvements spontanés qu'exerce alors le
— 947 -
FRACTURE - FRAGONARD
membre traité par l'extension continue laissant la jointure
et le foyer traumatique à découvert sont suffisants pour
maintenir le libre jeu des jointures et la bonne nutrition
des muscles.
Parfois le cal est en retard pour se consolider, ou bien la
consolidation ne se fait pas du tout ; il faut alors traiter les
diathèses, tonifier le blessé, activer la circulation périphé-
rique par le pétrissage, l'exposition à l'air. Les médications
spécifiques trouveront leurs indications. On peut encore
exciter les bouts de fragments par le frottement, la per-
cussion, la marche dans un bandage inamovible solide; on
emploie encore l'acupuncture, la galvanopuncture inter-
fragmentaire. La méthode de congestion artificielle,
d'hyperémie par compression élastique, favorise bien la
solidification des cals retardants, en suractivant le pro-
cessus ossifiant au voisinage de la pseudarthrose (Relferich,
de Griefswald). Si l'interposition d'un faisceau musculaire
cause le retard du cal, il faut aller réséquer les fragments,
bien les fixer, les enclouer, les suturer au fil d'argent par
des procédés connus de tous les chirurgiens. Un traite-
ment vicieux donne toujours naissance à un cal vicieux ;
c'est pourquoi il faut constamment surveiller la position
du membre immobilisé, le pied à angle droit quand il s'agit
de la jambe, pour éviter l'équinisme, les rétractions tendi-
neuses. Si le cal est irrémédiablement vicieux, il reste la
ressource de Yostéoclasie manuelle ou instrumentale (V. ce
mot), qui consiste à briser encore l'os pour obtenir un cal
nouveau, lent à se produire cette fois. L'ostéotomie, la
résection du cal remédieront aux cals à difformité complexe,
en Z, en baïonnette, etc., dont la cassure artificielle est
difficile. Si un fragment de nerf est inclus dans le cal et
comprimé, pour éviter que cette compression transitoire
devienne définitive et soit suivie de paralysie, on résèque
le point osseux qui le comprime, pour libérer le nerf.
On appelle fractures ouvertes celles qui communiquent
avec l'extérieur par une plaie des téguments. Le traitement
antiseptique pousse à l'extrême les limites de la conserva-
tion. Aujourd'hui on conserve et l'on sauve; nos prédé-
cesseurs amputaient trop et éprouvaient de nombreux
revers. Dr A. Coustan.
IL Géologie (V. Faille et Filon).
Bibl. : Chirurgie. — Forgue et Reclus, Thérapeutique
chirurgicale; Paris, 1892, 2 vol.
FRAGA. Ville d'Espagne, prov. de Huesca (Aragon),
ch.-l. d'un district de 17 communes, à 27 kii. au S.-O.
de Lérida, à laquelle elle est reliée par une belle route,
6,761 hab. Elle est bâtie sur la rive gauche du Cinca,
affluent de la Sègre, entre deux montagnes, sur le penchant
desquelles elle étage ses rues étroites, tortueuses, mal pa-
vées et ses maisons en ruine. Il n'y a plus que des vestiges
de son ancien château fort. Elle a joué un rôle considérable
dans l'histoire d'Aragon et a longtemps été occupée par les
Maures ; les rues de la ville datent de leur domination, ainsi
que la mosquée transformée en église et qui est surmontée
d'un très haut minaret carré. E. Cat.
FRAGMENTS (Mus.) (V. Opéra).
F R AGNES. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. et
cant. (N.) de Chalon-sur-Saône; 188 hab.
FRAGON (Bot.) (V. Ruscus).
FRAGONARD ( Jean-Honoré) , peintre et graveur fran-
çais, né à Grasse en 1732, mort à Paris le 22 août 1806.
Il vint à Paris à dix-huit ans. Sa famille ayant été ruinée
par un procès, il entra chez un notaire pour gagner sa vie
bien modestement. Sa vocation se faisait jour déjà, mais sa
mère n'en fut pas ennemie ; elle le présenta chez Boucher
qui, trop absorbé pour prendre des débutants, ne voulut
pas se charger du jeune élève. Chardin l'accepta, et peu
de temps après, Fragonard se représenta chez Boucher qui,
cette fois, étonné de ses progrès, l'admit dans son atelier.
Il concourut pour le prix de Rome, qu'il obtint en 1752
avec le sujet : Jéroboam sacrifiant aux idoles. A Rome,
Fragonard se lia avec Hubert Robert. Les maîtres du
xvue siècle, et particulièrement Tiepolo, l'influencèrent beau-
coup. Ce fut alors qu'il voyagea en Italie et en Sicile avec
son ami Hubert Robert et Saint-Non, amateur de talent,
qui grava lui-même une grande partie du Voyage de Na-
ples et de Sicile. Revenu à Paris, Fragonard exécuta et
exposa sa Callirhoê au Salon de 1765. Ce tableau le fit
entrer à l'Académie. Le sujet représente le grand prêtre
Corésus s'immolant pour sauver Callirhoê. Le roi avait
commandé cette toile pour être exécutée en tapisserie aux
Gobelins. Elle avait été payée 2,400 fr. Il paraît même
que les difficultés suscitées par M. de Marigny, surinten-
dant des beaux-arts, pour le payement de cette œuvre,
dégoûtèrent tout à fait Fragonard des travaux officiels. Les
amateurs se disputèrent alors ses compositions originales
et élégantes. Il entreprit avec un financier de ses amis,
fermier général, un second voyage en Italie où il exécuta
beaucoup de dessins ; son compagnon se les appropria et
aima mieux payer 30,000 fr. que de les lui restituer. En
1765, Fragonard exposa un Paysage et l'Absence des
père et mère mise a profit, sujet déjà égrillard où un
jeune garçon donne un baiser à une jeune fille. Roucher
étant mort, le succès de Fragonard ne fit que grandir; il
fut chargé par Mme Dubarry de peindre divers sujets dans
un des salons de Louveciennes ; il exécuta quatre panneaux
représentant les Amours des bergers. En 1773, la Gui-
mard lui demanda de décorer une pièce de son hôtel. Il
commença un plafond ; laGuimard, peu experte sans doute
en matière d'art et se défiant de son propre jugement, sou-
mit son œuvre à un jury d'amateurs. Fragonard s'en ven-
gea simplement en faisant la caricature de la dame dans le
tableau. Elle se fâcha et ce fut David qui termina le travail
décoratif du boudoir de la Guimard. Fragonard était logé
au Louvre, où il avait arrangé son atelier à sa guise; il
travaillait sans relâche et vendait fort cher. Contrairement
à beaucoup d'artistes de notre époque, il ne voulut pas
spécialiser son talent et se montra supérieur dans tous
les genres. Le public connaît surtout de lui le Verrou,
le Baiser à la dérobée, la Gimblette, le Pot au lait, et
beaucoup d'autres sujets provocants, tels que ses illustra-
tions des Contes de La Fontaine. Mais Fragonard fit aussi
des paysages d'après nature ; réaliste à sa manière, il sut
également s'intéresser à la vie des humbles et l'Heureuse
Mère, le Berceau, l'Heureuse Fécondité se distinguent
par une sentimentalité de bon ton qui fait un peu songer
à Greuze. Son imagination l'entraîna même vers des sujets
religieux, comme l'Adoration des mages, et il traita les
différents genres avec la même aisance, qu'il s'agît de
l'histoire sainte, des grands spectacles de la nature comme
l'Eruption du Vésuve, ou de scènes amusantes comme
les Chiens savants. Pastel, aquarelle, gouache, encre de
Chine, gravure et miniature, tout lui fut familier ; mais ce
grand artiste, qui vendit tant d'œuvres en France, en
Russie et en Angleterre, ne sut pas assurer son avenir.
La Révolution le ruina ; aussi bien le triomphe de l'école
classique de David lui avait porté un coup funeste dès 1780,
et la solennité pompeuse des Romains et des Grecs faisait
oublier les mièvreries amoureuses de ses personnages. Ou-
blié après sa mort, il fut remis en lumière par M. Wai-
ferdin au milieu du xixe siècle.
Fragonard a signé ses œuvres tantôt de son nom, tantôt
de l'abréviation : Frago. Citons, parmi les artistes qui ont
gravé son œuvre : Danzel, Flipart, Saint-Non, Beauvarlet,
Halbon, de Launay, Macret, Mathieu, Miger, Vidal,
Ponce, etc. Si dans ses grands sujets classiques il manque
un peu d'originalité, si dans ses paysages il n'a qu'une
nature trop souvent élégante et décorative (comme du
reste tous les artistes de son siècle), Fragonard est demeuré
inimitable dans les sujets de genre, où il a mis tout l'es-
prit et toute la grâce des talents purement français et où se
remarquent particulièrement la finesse de ses tons et l'élé-
gance personnelle de son dessin. Ch. Grandmougin.
Bibl. : Baron Roger Portalis, Honoré Fragonard, sa
vie et son œuvre; Paris, gr. in-8, avec 200 illustr.
FRAGONARD (Alexandre-Evariste) , peintre et sculpteur
FRAGONARD — FRAIMBOIS
— 948 -
français, fils du précédent, né à Grasse en 1780, mort à
Paris le 10 nov. 1850. 11 n'hérita guère de son père
que le sentiment classique des compositions historiques.
Citons parmi ses tableaux : François Ier armé cheva-
lier par Bayard (plafond du Louvre); Henri IV et
Sully chez Gabrielle d'Estrées; les Bourgeois de Calais;
Marie-Thérèse montrant son fils aux Hongrois ; la
Bataille de Marignan; les Funérailles de Masaniello;
François Ier recevant le Primatice (plafond du Louvre);
Jeanne d'Arc sur le bûcher ; Le Tasse lisant la Jéru-
salem. Subissant le sort de la plupart des imitateurs de
David, Fragonard ne put lutter contre l'avènement du ro-
mantisme ; appartenant à une école finissante où l'histoire
avait toujours quelque chose de froid et de pompeux, il fut
vaincu par la révolution artistique dont Delacroix était le
protagoniste. A l'encontre de son père, que David avait
fait passer de mode et qui avait été la victime des classiques,
il fut, lui, celle des romantiques. Parmi ses sculptures,
citons le bas-relief qu'il avait exécuté pour servir de
fronton à la Chambre des députés. Cette composition en
stuc a disparu aujourd'hui pour faire place à l'œuvre d'un
autre artiste, Cortot. On doit aussi à Fragonard une statue
colossale de Pichegru. Il travailla beaucoup dans ses
dernières années pour la manufacture de Sèvres où son
fils Hippolyte-Evariste-Etienne (1806-76) fut également
employé comme peintre, avec succès. Ch. Grandmougin.
FRAGUIER (L'abbé Claude-Frauçois), érudit français,
né à Paris le 28 août 1666, mort à Paris le 31 mai 1728.
Entré en 1683 dans la Compagnie de Jésus, il professa à
Caen, puis fit sa théologie à Paris. Très répandu dans le
monde littéraire, il fréquentait surtout les salons de Ninon
de Lenclos et de Mme de La Fayette. Il entra, en 1705, à
l'Académie des inscriptions et belles-lettres et en 1708
à l'Académie française. Il fut un des rédacteurs les plus
assidus du Journal des Savants. Il a laissé un grand
nombre de Mémoires intéressants, principalement sur des
questions de littérature ancienne, publiés dans le Recueil
de r Académie des inscriptions, des Poésies latines (Pa-
ris, 1729, in-12), recueillies par l'abbé d'Olivet, notam-
ment un poème élégiaque sur la morale païenne : Mopsus
seu schola platonica de hominis perfectione (Paris,
1721, in-12), xm Eloge de Roger dePiles (Paris, 1715,
in-12), etc. Parmi ses mémoires il faut mentionner spécia-
lement une curieuse Dissertation sur Vironie de Socrate,
sur son prétendu démon familier et sur ses mœurs
(Mém. de VAc. des inscr., 1723, t. IV).
FRAHIER. Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure,tcant. de Champagney; 1,125 hab.
FRÂHN ou FR/€HN (Christian-Martin), orientaliste
russe, d'origine allemande, né à Rostock (Mecklembourg)
le 4 juin 1782, mort à Saint-Pétersbourg le 16 août
1851. Après avoir étudié l'orientalisme à Rostock sous
Tychsen, et ailleurs, il fut nommé, en 1807, professeur
de langues orientales à l'université de Kazan; en 1817,
il devint membre de l'Académie des sciences et direc-
teur du Musée asiatique ; il a enrichi et mis en ordre les
collections romaines et les manuscrits orientaux. Dans de
nombreux écrits rédigés en allemand, en latin et en fran-
çais, il a puissamment contribué à élucider les origines de
la Russie et ses rapports avec les peuples allogènes. Les
principaux sont : ISumophylacium orientale Pototianum
(Kazan, 1813); De Titulorum... quitus Chani Hordœ
aureœ usi sunt origine (ibid., 1814); De Académies
imperialis museo numario (ibid., 1818) ; Beitrcege zur
mohammedanischen Mûnzkunde ( Saint-Pétersbourg ,
Berlin, 1819); Ueber die Russen und Chazaren (Saint-
Pétersbourg, 1819); Novœ Symbolœ ad rem numariam
Muhammedanorum (Petropoli,- 1819); De Chazaris
(ibid., 1822); Von Foszlans und anderer Araber Be-
richte ûber die Russen (ibid., 1823); De Musei Spre-
ivitziani numis ku/îcis... commentationes duce (ibid.,
1825); Numi muhammedani qui in Academiœ impe-
rialis museo asiatico asservantur (ibid., 1826), publi-
cation importante, connue sous le nom de Becensio nu-
morum muhammedanorum, à laquelle sert de complé-
ment l'ouvrage posthume de Fauteur, édité par Dorn avec
une biographie et une bibliographie complète : Nova
Supplementa (ibid., 1855-1877, 2 vol.); Die œltes-
ten arabischen Nachrichten ûber die Wolga-Bulgaren
(ibid., 1832); Ueber die ehemalige Stadt Ukek (ibid.,
1 835) ; Ueber zwei Inschriften in Nachitschewan (ibid.,
1837); Ueber ein merkwùrdiges Volk des Kaukasus
(ibid., 1838); Bapports concernant les collections
orientales de V Académie impériale (ibid., 1838); Ein
neuer Beleg dass die Grûnder des russischen Staats
Nordmannen waren (ibid., 1838); Sammlung kleiner
Abhandlungen diemohamedanischeNumismatik betref-
fend (Leipzig, 1839) ; Neue Sammlung kleiner Schrif-
ten (Saint-Pétersbourg, 1844); Indications bibliogra-
phiques relatives pour la plupart à la littérature
historico-géographique des Arabes, des Persans et des
Turcs, en russe et en français (ibid., 1845). On trouve
également des mémoires de lui dans le Journal asiatique
de Paris. Frâhn est le premier qui ait démontré l'impor-
tance des études orientales pour la connaissance des ori-
gines russes. L. Léger.
FRAI. I. Zoologie (V. OEuf).
II. Monnaie (V. Monnaie).
FRAICHOT ou FRESCHOT (Casimir), littérateur et his-
torien français, né à Morteau (Franche-Comté) vers 1640,
mort à Luxeuil le 2 oct. 1720. Entré dans la congrégation
bénédictine de Saint -Vanne et Saint-Hydulphe, il- y avait
fait profession le 20 mars 1663, à Saint- Vincent de Besan-
çon. Louis XIV ayant conquis cette ville en 1674, Fraichot
partit pour Rome, y demeura quelque temps comme hôte à
Saint-Paul-hors-les-murs , passa ensuite à Saint-Procul de
Bologne, et fut admis, en 1 689, à l'abbaye du Mont-Cassin.
Ayant déposé le froc monastique, il se retira, vers 1704,
à Utrecht, où il enseigna les belles-lettres et l'histoire.
Cependant il voulut finir ses jours sous l'habit de la congré-
gation dont il faisait partie dans sa jeunesse ; cet habit lui
fut rendu a Luxeuil, où il mourut en travaillant à une his-
toire de ce roi Louis XIV qu'il avait maudit jadis comme
conquérant de la Franche-Comté. « Les écrits de ce reli-
gieux, dit le bibliographe Barbier, peuvent se partager en
trois classes : ceux qu'il a publiés en latin, en vers ou en
prose ; ceux qu'il a composés ou traduits en italien ; enfin
ceux qu'il a fait paraître en français. » La bibliographie
que Barbier en a donnée comprend les titres de trente-cinq
ouvrages qui sont certainement de cet auteur, et de cinq
autres qui lui ont été attribués. « Tous ces ouvrages, dit
dom Calmet, sont une preuve de la fécondité de dom Frai-
chot, mais non de son exactitude. » Les moins oubliés de
ses écrits sont ceux qui se rapportent au congrès et à la
paix d'Utrecht, en 1713. Auguste Castan.
Bibl. : D. Calmet, Bibliolh. de Lorraine; supplément,
col. 23-25. — Barbier, Examen crit. des dictionnaires. I,
pp. 351-357.
FRAIGNOT-et-Vesvrottes. Corn, du dép. de la Côte-
d'Or, arr. de Dijon, cant. de Grancey ; 128 hab.
FRAI Kl N (Charles-Auguste), sculpteur belge, né à Hee-
renthals, province d'Anvers, le 14 juin 1819. Entré à
l'Académie de Bruxelles, il fut obligé de renoncer à l'art
pour devenir médecin, puis retourna à l'Académie. Sa Vénus
à la Colombe lui fit d'un seul coup une réputation méritée.
L Amour captif, qui représentait Vénus et l'Amour, exé-
cuté en 1845, parut à l'exposition de Londres en 1851. Il
a traité à peu près tous les genres. Ses principaux ouvrages
sont : onze statues à l'hôtel de ville de Bruxelles ; la
Vierge; la Vénus anadyomène ; le Triomphe de Bac-
chus; le tombeau de la reine des Pays-Bas à Ostende ;
Egmont et Horn, sur la grande place de Bruxelles (1864).
FRA1LLIC0URT. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de
Rethel, cant. de Chaumont-Porcien ; 536 hab.
FRAIMBOIS. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Lunéville, cant. de Gerbéviller ; 436 hab.
949 —
FRAIN — FRAIS
FRAIN. Corn, du dép. des Vosges, arr. de Neufchâteau,
cant. de Lamarche ; 368 hab.
FRAI PO NT (Gustave), peintre et graveur belge contem-
porain, né à Bruxelles en 4849. Fixé à Paris, il s'est
faitconnaître par des lithographies à la plume, d'après divers
artistes modernes, qu'il a exposées aux Salons de 1877 à
1883. L'une de ces reproductions, A laplus Belle, d'après
Vinea, lui a valu une mention au Salon de 1882. Il exposa
ensuite des eaux-fortes originales et des aquarelles remar-
quables de justesse de tons. Les principaux journaux illus-
trés de Paris publient ou ont publié des dessins de cet artiste
ingénieux, au talent si parisien : Y Illustration, le Paris
illustré, le Monde illustré, Y Univers illustré en con-
tiennent. Mais c'est surtout par les ouvrages qu'il a com-
plètement illustrés lui-même que M. Fraipont s'est acquis
une réputation durable : les plus remarquables sont : les
Bêtes à Paris (1886); les Environs de. Paris (500 des-
sins, 1886); les Environs de Rouen (1889). Il a aussi
publié divers petits opuscules sur la partie technique du
dessin et de la peinture. Ad. T.
FRAIS. I. Droit civil.— On entend par frais de justice,
d'une façon générale, les dépenses que nous sommes obligés
de faire, lorsque nous voulons mettre en mouvement les
pouvoirs institués par le législateur pour la reconnaissance
ou la sauvegarde de nos droits. Mais plus particulièrement
dans la langue juridique, les frais et dépens sont les dépenses
légales que nous exposons à l'occasion d'un procès et que
la partie perdante est tenue de rembourser à celle qui gagne.
L'énormité des frais de justice a été attaquée très vivement
et avec raison. Le législateur, partant de ce principe que
tout procès révèle l'existence d'une richesse, a créé des
impôts très lourds et qui ont surtout le défaut de grever
plus fortement les petits procès. Les causes les plus notables
de l'élévation exagérée des frais de justice, sont: les droits
d'enregistrement et de timbre qui depuis leur création ont
été s'élevant chaque fois que les besoins s'en sont fait sen-
tir pour le Trésor, et la vénalité des offices ministériels qui
impose annuellement une charge de 220 millions environ
aux justiciables. Nous sommes donc bien loin du principe
de la justice gratuite proclamé par l'Assemblée consti-
tuante.
Historique. — Le principe que les dépens du procès sont
supportés par la partie qui succombe est posé dans le droit
romain à la loi 13 au code De Judiciis, § 6 : Siveautem
alterutra parte absente, sive utraque praesente lisfue-
rit decisa, omnes judices qui sub imperio nostro cons-
titua sunt, sciant victum in expensarum causa victori
esse condemnatum. . . Ce principe, méconnu chez nous dans
les premiers temps de la féodalité à l'époque où les contes-
tations étaient vidées en champ clos dans un duel judiciaire,
reparut au xme siècle, après l'abolition de cette pratique
barbare par saint Louis. Boncenne (t. II, p. 537) nous rap-
porte que « cil qui perdait son procès devait rendre à
l'autre ses dépens et ses coûts ». Malgré cela, ce principe
n'exista que comme usage jusqu'à la grande ordonnance
de 1667, qui, dans son titre 31, art. 1, décide que « toute
partie soit principale ou intervenante qui succombera, mesme
aux renvois, déclinatoires, évocations ou règlemens déjuges,
sera condamnée aux dépens indéfiniment, nonobstant la
proximité ou autres qualités des parties, sans que, sous pré-
texte d'équité, partage d'avis, ou pour quelque autre cause
que ce soit, elle en puisse estre déchargée... ». Laplus
grosse partie des dépens à cette époque et jusqu'à la Révo-
lution, outre les émoluments attribués aux procureurs et
aux avocats et les droits perçus par le Trésor, était repré-
sentée par les épices (V. ce mot).
Ajoutons à cet historique que, en matière criminelle, le
principe général que les dépens sont à la charge de la partie
qui succombe était également appliqué. S'il y avait une
partie civile au procès, c'était elle qui faisait les avances,
sinon c'était le roi qui les prélevait sur les revenus de ses
domaines ; il rentrait dans ses débours grâce au droit de
confiscation des deux tiers. Dans le droit intermédiaire, le
droit de confiscation fut supprimé, et la loi des 20-27 sept.
1790 imposa au Trésor public la charge d'acquitter tous
les frais de poursuite. Une loi postérieure du 18 germinal
an VII décidait que l'Etat n'avait de recours contre le pré-
venu ou l'accusé que dans le cas où il était condamné.
Procédure civile. — L'art. 130 du C. de procéd. civ.
dispose : « Toute partie qui succombe sera condamnée aux
dépens. » On n'est pas d'accord en doctrine sur le carac-
tère qu'il faut attribuer à cette condamnation : certains
auteurs y voient l'application d'une peine infligée par la
justice au plaideur téméraire, et ils en tirent cette consé-
quence que la condamnation aux dépens doit être prononcée
d'office par le juge, encore bien que la partie gagnante ne
l'ait pas demandée dans ses conclusions. C'est l'opinion de
Rousseau et Laisney {Dictionnaire théorique et pratique
de procédure civile, v° Dépens, no 30 bis), c'est aussi
l'opinion admise par la jurisprudence (Cass., 5 déc. 1838;
Dali., Répertoire, v° Frais et dépens, n° 33, et Cass.,
22 août, 1871, Dali., Pér., 1871, 1, 228). D'autres au-
teurs soutiennent que la dette des dépens naît d'un quasi-
contrat, qu'il se forme une sorte d'engagement qui lie, même
à leur insu, les parties qui se présentent devant la justice;
que par suite elle forme une dette distincte sur laquelle le
tribunal n'a pas à statuer d'office, en l'absence de conclu-
sions formelles, sans violer le principe de l'art. 480, § 3,
du C. de procéd. civ. qui lui interdit de statuer ul tra pe-
tita; c'est l'opinion de Bioche (v° Dépens, n° 46) et de
MM. Boitard et Glasson {Leçons de procédure civile, 1. 1,
p. 276).
L'obligation au payement des dépens comprendles débours:
droits de timbre (loi du 23 avr. 1871), d'enregistrement
(loi du 22 frimaire an VII) et de greffe (loi du 21 ventôse
an VII) perçus par le Trésor public, et les émoluments
des officiers ministériels alloués par des tarifs (avoués, no-
taires, greffiers, huissiers, commissaires-priseurs, etc.). Il
faut en exclure au contraire tous les faux frais (hono-
raires d'avocats ou d'avoués, rédaction de mémoires, frais
frustratoires, etc.) qui sont supportés par la partie qui les
a faits. Les émoluments n'entrent que pour une part assez
faible dans les frais, comparativement aux débours qui sont
très élevés. Lorsque le procès est dirigé contre plusieurs
parties qui ont un intérêt commun, si elles viennent à suc-
comber, le jugement doit faire entre elles la répartition des
dépens, sinon ils sont supportés par tête. Ce principe doit
recevoir son application, même dans l'hypothèse où il s'agit
de plusieurs débiteurs d'une obligation solidaire, car les
dépens ne sont pas un accessoire de la dette principale et
qu'il est de règle que la solidarité ne présume pas (C. civ.,
art. 1202 ; V. en ce sens : Boitard, op. cit., p. 279). Malgré
cela, la jurisprudence est fixée dans le sens de l'opinion
contraire, lorsqu'il s'agit de débiteurs solidaires (Cass.,
lljanv. 1825; J. Av., t. XXIX, p. 71), mais elle n'applique
pas la même solution en cas d'obligation indivisible (Cass.,
3 nov. 1886 ; Dali., Pér., 1887,' I, 157). Le mari qui
n'intervient à l'instance que pour autoriser sa femme et qui
ne prend personnellement aucune conclusion, ne peut être
condamné à partager avec elle les dépens ; il ne pourrait
l'être que s'il avait un intérêt direct et qu'il ait pris part
lui-même au procès.
Exceptions au principe posé par l'art. 130 du C de
procéd. civ. Le principe que le perdant est tenu de payer
les dépens reçoit un certain nombre d'exceptions : 1° la
première est consacrée par la loi du 22 janv. 1851 (art.
14 et 19) sur Y assistance judiciaire (V. ce mot). Les
droits de timbre et les taxes d'enregistrement ne sont pas
perçus provisoirement au profit de l'indigent, et le Trésor
fait l'avance des frais des officiers ministériels et des taxes
des experts et des témoins. Si l'assisté gagne ^ son procès,
les dépens étant à la charge du' perdant, il n'y a plus de
raison de lui faire remise des débours et émoluments ; si
l'assisté succombe, il ne paye que les débours que l'Etat a
avancés pour lui. — 2° Le gagnant peut être condamné aux
dépens à titre de dommages-intérêts, par application de
FRAIS
— 950 —
l'art. 4382 du G. civ., lorsqu'il a employé des moyens dolo-
sifs à l'encontre du perdant, ou qu'il s'est livré contre lui
à des poursuites vexatoires et inutiles. — 3° Le ministère
public qui succombe dans une instance où il est partie prin-
cipale, ne peut pas être condamné aux dépens ; en pareil
cas, il ne supportera que ses propres frais. C'est une règle
qui existait déjà dans l'ancien droit (Jousse, t. II, p. 543 ;
Bacquet, Traité des droits de justice, ch. vu, nos 49 et
suiv.). Elle n'est posée nulle part dans notre loi civile,
mais elle est formulée dans le décret du 48 juin 4844,
art. 424 à 424, sur le tarif criminel. Cette solution a été
déclarée injuste par certains auteurs, car, dit Boitard (op.
cit., p. 278), « si grande qu'on suppose l'impartialité du
ministère public, cette considération n'empêche pas qu'il
ne puisse se tromper et vous faire tort ». Il faut néanmoins
reconnaître que ce droit n'existe, au profit du ministère
public partie principale, que dans les hypothèses où il n'a
pas un intérêt direct engagé au procès, c.-à-d. où il agit
comme représentant de la société dans l'intérêt de l'ordre
public, de la morale et de l'exécution des lois, pour deman-
der la nullité d'un mariage ou la déclaration d'une inter-
diction ou d'une absence, par exemple; et que ce privilège
ne trouvera pas son application, lorsque le ministère public
représentera l'Etat dans une instance où il se présente
comme créancier ou comme propriétaire. — 4° Les frais
frustatoires que le juge, de sa seule autorité, rejette de la
taxe, ne font pas non plus partie des dépens que doit sup-
porter le perdant ; ils restent à la charge de l'officier minis-
tériel qui les a faits, en vertu de l'art. 4034 du G. de
procéd. civ. — 5° Une autre dérogation est apportée par
l'art. 432 duC. de procéd. civ. Cet article suppose que le
représentant légal d'une personne a compromis les intérêts
de cette personne par une mauvaise gestion ; la loi cite
« les avoués et huissiers, qui auront excédé les bornes de
leur ministère, les tuteurs, curateurs, héritiers bénéficiaires
ou autres administrateurs, qui auront compromis les inté-
rêts de leur administration. » Le tribunal pourra, dans ces
différents cas, prononcer la condamnation du représentant
aux dépens, cela à titre de peine, au profit de l'adversaire
du représenté ; c'est par exemple un tuteur qui dans le
cours de sa gestion a causé préjudice à un tiers ; le juge
au lieu de condamner aux dépens le tuteur es qualités de
tuteur, comme il devrait le faire par application de la théorie
de la représentation, le condamnera en son nom ; de sorte
que les frais, au lieu d'être supportés par le mineur, seront
supportés par le tuteur. — 6° La dernière exception, qui
est peut-être aussi la plus importante, a lieu dans les diffé-
rentes hypothèses où le tribunal peut compenser les dépens
en vertu de l'art. 434 du C. de procéd. civ. (V. Compen-
sation des dépens). — Ajoutons enfin que, parmi les admi-
nistrations publiques, il en est deux, l'administration de
l'enregistrement, des domaines et du timbre (loi du 22 fri-
maire an VII, art. 65), et l'administration des contributions
indirectes (loi du 5 ventôse an XII, art. 88), qui ne sup-
portent que les frais de papier timbré, de signification et
d'enregistrement du jugement, grâce à la procédure spé-
ciale, dite « sur mémoire, que la loi a établie pour elles ».
Distraction des dépens. C'est un bénéfice très impor-
tant qui peut être accordé par le jugement en vertu de
l'art. 433 du C. de procéd. civ. à l'avoué du gagnant quia
avancé les frais de la procédure. Ce bénéfice consiste en ce
que cet avoué jouira pour le payement des frais de son client
d'une action directe contre le perdant, lui permettant de se
faire payer à l'exclusion des créanciers de son client, le
gagnant. Eclaircissons cette définition par une hypothèse,
et voyons l'avantage qui est conféré à l'avoué lorsqu'il est
distractionnaire des dépens. Primus intente une action
contre Secundus et triomphe. Secundus, en vertu de
l'art. 430 du C. de procéd. civ., est condamné aux
dépens ; c'est par hypothèse l'avoué de Primus qui a
avancé les frais de procédure. Cette avance est garantie
par deux débiteurs : Primus qui doit rembourser son
avoué en vertu des principes du mandat, mais Primus
peut être insolvable ; le second débiteur, c'est Secundus,
le perdant, qui est condamné à payer les dépens à Pri-
mus. Suivant le droit commun, en admettant que l'avoué
du gagnant n'ait pas demandé la distraction des dépens, il
peut en vertu de l'art. 4466 du C. civ. exercer les droits
de son débiteur Primus et demander le payement de ses
frais à Secundus par l'action oblique. Mais il va courir deux
dangers : a, si Primus, son client, a d'autres débiteurs,
ces débiteurs pourront en concours avec lui exercer l'action
indirecte de l'art. 4466 et il est fort probable que l'avoué,
au lieu de toucher le montant de sa créance, ne touchera
qu'un dividende ; b, l'avoué de Primus, agissant du chef
de son client, pourra se voir opposer par Secundus toutes
les exceptions que celui-ci aurait pu opposer à Primus lui-
même ; si par exemple Secundus, débiteur des dépens, est
lui-même créancier de Primus à un titre quelconque, il
pourra opposer à l'avoué de Primus l'exception de com-
pensation, comme il aurait pu l'opposer à Primus. Le
résultat pour l'avoué du gagnant sera dans toutes ces hypo-
thèses qu'il ne rentrera pas ou ne rentrera que pour partie
dans le montant de ses avances. Si au contraire l'avoué a
demandé la distraction des dépens, il aura contre Secun-
dus une action directe qui lui permettra de passer avant
les créanciers de son client Primus, et il ne pourra pas se
voir opposer par Secundus les exceptions qui auraient pu
paralyser l'action de Primus. Tel est l'avantage que pré-
sente, pour l'avoué du gagnant, la distraction des dépens.
Le but poursuivi par le législateur en établissant cet
avantage qui existait déjà au profit des procureurs dans
l'ancien droit, c'est d'encourager les avoués à occuper pour
des personnes qui n'ont pas les moyens de faire l'avance
des frais d'un procès, alors surtout que la cause leur paraît
bonne. Il faut se rappeler, en effet, que l'avoué ne peut être
tenu de prêter son ministère si on n'offre de lui verser une
provision destinée à faire face aux débours qu'il est obligé
de faire. Mais il faut immédiatement ajouter que cet avan-
tage est de droit étroit, puisque l'art. 433 ne l'accorde
qu'aux avoués ; qu'il n'est donc pas possible de l'étendre à
d'autres officiers ministériels. Les conditions imposées par
la loi pour l'obtention du bénéfice de la distraction des
dépens, sont: a, qu'il existe une dette du chef des dépens :
par suite, il ne peut être question de distraction des dépens,
lorsque le tribunal les compense en totalité, c.-à-d. quand
il laisse à chaque partie la charge de ses frais; b, que la
distraction soit demandée par l'avoué dans ses conclusions ;
c, que l'avoué affirme qu'il a fait l'avance des frais du pro-
cès, à l'audience et lors de la prononciation du jugement.
La distraction des dépens peut être accordée aussi bien aux
avoués d'appel qu'aux avoués de première instance. Lorsque
le jugement est frappé d'opposition ou d'appel, ces deux
voies de recours suspendant l'exécution, l'avoué distraction-
naire doit attendre la solution de la nouvelle instance pour
exécuter la condamnation aux dépens, et il pourra arriver
que, la décision des premiers juges étant rétractée ou ré-
formée, l'avoué perde le bénéfice qui lui avait été accordé
par la première décision des juges. Quant au pourvoi en
cassation, il n'est pas suspensif comme l'appel, et l'avoué
distractionnaire dont la partie a gagné en dernier ressort
pourra faire exécuter la condamnation aux dépens, nonobs-
tant le pourvoi. Il pourra en résulter une situation difficile,
si l'on suppose que, la décision en dernier ressort ayant été
cassée par la cour suprême, le tribunal de renvoi a donné
gain de cause à la partie qui avait perdu d'abord et qui
avait payé les dépens à l'avoué de son adversaire. Ainsi,
c'est Secundus qui a succombé, mais la cour suprême a
cassé cette décision et le tribunal de renvoi a donné gain
de cause à Secundus. A qui Secundus pourra-t-il récla-
mer le remboursement des dépens qu'il a payés indûment
à l'avoué de Primus ? Est-ce à Primus, est-ce à son avoué?
C'est évidemment à P?"imus que cette demande en répétition
doit être faite, de telle sorte que l'insolvabilité de Primus
retombera sur Secundus et non sur l'avoué qui a touché
ce qui lui était réellement dû.
— 954
FRAIS
Les auteurs ne sont pas d'accord sur la qualification que
l'on doit donner au bénéfice de la distraction des dépens.
Certains ont voulu y voir une subrogation faite par le juge-
ment de l'avoué du gagnant dans les droits de ce gagnant ;
d'autres une novation par changement de débiteur, d'autres
un moyen donné à l'a voué du gagnant de se faire consti-
tuer mandataire dans son propre intérêt. Roitaxà (op. cit.,
t. I, p. 287) décide que c'est un transport forcé de la
créance des dépens fait par le tribunal au profit de l'avoué
du gagnant, transport dispensé des formes ordinaires de la
cession des créances. Mais cette opinion qui était celle de
Pothier dans l'ancien droit (mandat n° 135) se heurte à
plusieurs objections très sérieuses : s il y a transport de
créance, comment expliquer que cette opération ne soit sou-
mise à aucun droit de mutation ? En outre il y aura une
anomalie inexplicable en ce que l'action de l'avoué contre le
perdant durera trente ans, alors que l'action contre
son client se prescrira par deux années. Enfin l'art. 133 du
C. de procéd. civ. réserve formellement l'action de l'avoué
contre son client, ce qui est contraire au principe que le
cédant ne garantit au cessionnaire que l'existence de la
créance au jour de la cession et jamais la solvabilité du
cédé. Aussi M. Glasson propose-t-il de dire «que c'est un
bénéfice de la nature de la saisie-arrêt, avec privilège au
profit de l'avoué considéré comme premier saisissant »
(op. cit., t. I, p. 288, note). Dans l'ancien droit la saisie-
arrêt avait pour effet de créer un privilège au profit du pre-
mier saisissant, et la distraction des dépens était une appli-
cation de cette règle au profit du procureur du gagnant.
L'art. 133 a eu pour effet de faire subsister ce privilège de
l'avoué distractionnaire à rencontre des créanciers du ga-
gnant, pour l'engager à ne pas refuser d'occuper pour des
clients qui ne peuvent pas faire l'avance des frais. Ainsi
tous les inconvénients rappelés ci-dessus, dans le système
de Boitard, sont évités. Pourtant M. Garsonnet (Traité
pratique de procédure, t. III, n° 503, p. 380, note 19),
sans prendre parti définitivement pour une solution ou pour
une autre, admet qu'on peut voir dans l'art. 133 une appli-
cation du principe de la saisie-arrêt, mais il n'admet, pas que
cette saisie-arrêt puisse conférer à l'avoué un privilège.
Liquidation des dépens. Cette matière est traitée dans
le titre V, livre V du C. de procéd. civ. (art. 543 et 544)
et dans le deuxième décret du 16 févr. 1807 (art. 1 à 8).
La liquidation des dépens se fait différemment suivant qu'il
s'agit d'une affaire ordinaire ou d'une affaire sommaire.
Cette base de distinction donnera souvent lieu dans la pra-
tique à des difficultés, car le domaine des matières ordi-
naires et des matières sommaires n'est pas bien délimité,
l'art. 404 du C. de procéd. civ. étant l'objet de nombreuses
controverses. Dans les affaires sommaires, le jugement doit
contenir la liquidation des dépens, c.-à-d. le montant de la
somme allouée à titre de dépens ; de cette règle il résulte
que le gagnant armé de la grosse du jugement pourra pour-
suivre à la fois pour le principal et pour les frais. Dans les
affaires ordinaires, au contraire, il peut y avoir plus de
complication ; les frais sont taxés postérieurement au juge-
ment par un des juges qui y ont assisté ; munie de cette
taxe, la partie gagnante qui veut poursuivre pour les frais
doit se faire délivrer par le tribunal un titre exécutoire
spécial et différent de la grosse du jugement, appelé « exé-
cutoire de dépens ». Il va sans dire qu'il devrait être pro-
cédé de la même manière en matière sommaire pour les
frais postérieurs au jugement. La taxe est faite par le juge
conformément à des tarifs dont les plus importants sont :
a, le premier décret du 16 févr. 1807 : il est divisé par
catégories de juridictions et d'officiers ministériels ; b, le
troisième décret du même jour : il a étendu au ressort de
toutes les cours le tarif du premier décret qui n'était appli-
cable que dans le ressort de la cour de Paris ; c, l'ordon-
nance du 10 oct. 1841, contenant le tarif des ventes judi-
ciaires d'immeubles ; d, la loi du 26 janv. 1892, sur la
réforme des frais de justice. D'autres tarifs moins impor-
tants concernent les droits de greffe, des commissaires-
priseurs, etc. Notons que, pour la cour de cassation, le tarif
actuellement en vigueur est encore le règlement de 1738.
Actions en payement de frais. Les actions en paye-
ment de frais ou d'honoraires des avocats, des avoués ou
des huissiers contre leurs clients, sont soumises à des pres-
criptions spéciales (C. civ., art. 2272 et 2273) (V. Pres-
cription).
Droit comparé. — Le principe de la condamnation du
perdant aux dépens est admis par presque toutes les légis-
lations étrangères. Il est consacré par le code de procédure
civile pour l'empire d'Allemagne promulgué le 30 janv.
1877 (V. Glasson, Lederlin et Dareste, Code de procédure
civile pour V empire d'Allemagne, traduit et annoté, et
Annuaire de législation étrangère, année 1878, p. 83) ;
par le code de procédure civile italien du 1er janv. 1866
(V. Allard, Examen critique du code de procédure civile
du royaume d'Italie, Revue de droit international, t. II,
pp. 240 et suiv.),.et par les lois autrichiennes du 27avr.
1873 et du dO mai 1874 (V. Glasson, Notice sur la loi
autrichienne du $7 avr. i88S, Bulletin de la Société
de législation comparée, année 1875, p. 220) ; antérieu-
rement à ces lois, en Autriche, chaque partie conservait la
charge de ses frais. Mais ces différentes lois s'écartent de la
nôtre sur des points secondaires : en Allemagne et en Italie,
on admet le principe de la condamnation d'office aux dépens.
En Allemagne, la compensation des dépens ne peut être
prononcée par le tribunal pour cause de parenté ou d'al-
liance, etc. J. Thesmar.
Frais de dernière maladie. — Les frais de dernière ma-
ladie sont les sommes dues au médecin, au chirurgien, au
pharmacien et au garde-malade, et par les termes « dernière
maladie », on ne peut entendre que la maladie dont le débiteur
est mort. Le code civil contient à propos des frais de dernière
maladie une série de règles importantes : 1° les frais de der-
nière maladie des personnes à la succession desquelles les
enfants se trouvent appelés rentrent dans les charges de la
jouissance légale des père et mère (art. 385, § 4) ; 2° les frais
de dernière maladie sont une dette de la communauté entre
époux (arg. art. 1409, § 5) ; ils doivent, par conséquent, se
prélever sur la masse dont elle se compose ; 3° les frais de
dernière maladie sont assurés à ceux à qui ils sont dus, con-
curremment par un privilège général sur les meubles et sub-
sidiairement sur les immeubles, lequel privilège s'exerce
après ceux des frais de justice et des frais funéraires, et
avant ceux des salaires des gens de service et des fourni-
tures de subsistances (art. 2101). Louis André.
Frais funéraires. — Dans l'ancien droit existaient de
grandes dissidences sur le point de savoir si telles ou
telles dépenses devaient être considérées comme frais funé-
raires. Le même désaccord se constate dans la doctrine
moderne. Cependant la règle la plus généralement admise
est que les frais funéraires comprennent les dépenses de
l'enterrement, les émoluments de la fabrique et les hono-
raires des ministres du culte, mais que, par contre, ils
ne comprennent pas les sommes dues soit pour le deuil
de la veuve et des domestiques, soit pour l'érection
d'un monument sur la tombe du défunt. Le code civil
contient à propos des frais funéraires une» série de règles
importantes : 1° les frais funéraires des personnes à la
succession desquelles les enfants se trouvent appelés
rentrent dans les charges de la jouissance légale des père
et mère (art. 385, § 4) ; 2° les frais funéraires se déduisent
de la valeur des biens laissés par le défunt pour la vérifi-
cation du point de savoir si la quotité disponible a été ou
non dépassée (arg. art. 922) ; 3° les frais funéraires
sont à la charge de la succession de l'époux prédécédé, et
non à celle de la communauté (arg. art. 1481) ; 4° les
frais funéraires bénéficient, dans un intérêt d'ordre public
et de décence, d'un privilège général sur les meubles et
subsidiairement sur les immeubles, lequel privilège s'exerce
immédiatement après celui des frais de justice, et avant ceux
des frais de dernière maladie, des salaires des gens de ser-
I vice et des fournitures de subsistances (art. 2101). L. A.
FRAIS
952 —
IL Procédure administrative. — Conseil de pré-
fecture. — La partie qui succombe est condamnée aux dé-
pens : le principe est posé par l'art. 62 de la loi du 22 juil.
1889; mais, antérieurement à cette loi, il n'était fixé dans
aucun texte et la jurisprudence appliquait ce système que « la
procédure étant sans frais devant le conseil de préfecture, la
partie qui succombe ne pouvait être condamnée aux dépens »
(arrêt du 45 févr. 1884; Dal., Pér., 1885, 3, 60). La
liquidation des frais e3t faite par l'arrêté qui statue sur le
litige, ou bien elle est faite postérieurement par le prési-
dent du conseil, le rapporteur entendu. Le tarif des frais
alloués est contenu dans le décret du 18 janv. 1890.
Conseil d'Etat. —Le principe de l'art.l 30 du C. de procéd.
civ. qui reçoit son application dans les litiges suivis devant
le conseil d'Etat, en vertu de l'art. 41 du règlement du
22 juil. 1822 qui renvoie au règlement du 28 juin 1738,
ne reçoit point son application dans sa généralité en ce qui
concerne les agents de l'Etat et les administrations publiques.
En vertu de l'art. 2 du décret du 2 nov. 1864, l'Etat qui
succombe dans une instance n'est condamné aux dépens
que s'il s'agit d'un intérêt domanial, d'un marché de four-
nitures ou de l'exécution d'un travail public.
Trirunal des conflits. — Les conflits d'attribution peuvent
être de deux natures (V. Conflit). Si le conflit est positif,
c.-à-d. s'il est élevé par le préfet pour soustraire l'affaire
à un tribunal judiciaire, le tribunal des conflits à raison du
caractère de la décision qu'il va rendre, ne peut statuer sur
les dépens ; il se contentera de les liquider. Si le conflit
est négatif, au contraire, c.-à-d. s'il est élevé par les par-
ties en litige à raison de ce que l'autorité judiciaire et l'au-
torité administrative se sont également déclarées incompé-
tentes, les parties ont un intérêt direct au règlement de
compétence qui doit intervenir, et en conséquence elles
peuvent prendre des conclusions sur la condamnation aux
dépens. Le tribunal pourra d'ailleurs les compenser ou les
réserver.
III. Droit criminel. — Les frais de justice crimi-
nelle sont ceux qui sont faits pour l'instruction et la pour-
suite des crimes, délits et contraventions. Le principe que la
partie qui succombe doit être condamnée aux dépens est con-
sacré dans le droit criminel par les art. 162, 176, 194, 21 1
et 368 du C. d'instr. crim., 55 du G. pén., 156 et 157 du
décr. du 18 juin 1811. Ce principe a-t-ilsabase dans une
convention en vertu de laquelle le citoyen serait obligé de
réparer le tort qu'il aurait pu causer à un membre de la
société, ou bien trouve-t-il son fondement dans le devoir
qui est imposé à tout homme de réparer le dommage causé
par sa faute, dans l'espèce le préjudice causé à l'Etat ? La
question est encore discutée. Quoi qu'il en soit, c'est un prin-
cipe nécessaire, et le tribunal ne peut sous aucun prétexte
limiter la condamnation à une partie seulement des frais,
par exemple lorsqu'il y a eu condamnation de l'inculpé,
compenser les dépens entre le Trésor et lui. Mais par déro-
gation au principe rappelé ci-dessus, lorsque la partie
publique succombe, l'Etat n'est jamais condamné à payer les
frais faits par la personne poursuivie ; c'est une exception
consacrée également, nous l'avons vu, dans la loi civile. En
matière criminelje, il peut s'élever des difficultés particu-
lières sur le point de savoir si l'inculpé ou l'accusé a ou
n'a pas succombé, et il est telles hypothèses où l'acquitte-
ment, qui suppose que l'inculpé n'est pas l'auteur respon-
sable du fait à lui reproché, l'absolution qui découle de ce
que la loi pénale n'atteint pas le fait incriminé, ou l'irre-
cevabilité de l'action publique pour un motif quelconque,
n'en entraînent pas moins la condamnation de la partie
poursuivie aux frais. Sur tous ces points il y a de nom-
breuses controverses. Lorsque deux ou plusieurs individus
ont été condamnés pour la même infraction, la condamna-
tion aux dépens doit être prononcée solidairement contre
eux. Cette règle qui n'existe pas, nous l'avons vu, en ma-
tière civile, est formellement consacrée en matière crimi-
nelle par l'art. 55 du C. pén. et par l'art. 156 du décr. du
18 juin 1811.
Les dépens qui se décomposent en frais d'instruction et
frais de poursuite sont liquidés dans le jugement, chaque
fois que c'est possible, conformément au décr. du 18 juin
1811, qui contient le tarif des frais en matière criminelle.
Le recouvrement peut en être poursuivi au moyen de la
contrainte par corps (V. ce mot).
Cas où une personne s'est portée partie civile. Dans
cette hypothèse particulière, l'art. 157 du décr. du 18 juin
1811 décide que « ceux qui se seront constitués parties
civiles, soit qu'ils succombent ou non, seront personnelle-
ment tenus des frais d'instruction, expédition et significa-
tion des jugements, sauf leur recours contre les prévenus
ou accusés qui seront condamnés et contre les personnes
civilement responsables du délit ». Ainsi la partie civile est
tenue envers le Trésor des frais du procès pénal, qu'elle
succombe ou non. Cette règle existait déjà dans notre ancien
droit, nous l'avons fait observer ; mais cette disposition n'est
plus applicable aujourd'hui qu'aux matières de simple police
et aux matières correctionnelles, car la loi du 28 avr. 1832
est venue apporter une dérogation, en décidant que « dans
les affaires soumises au jury, la partie civile qui n'aura pas
succombé ne sera jamais tenue des frais » (C. instr. crim.,
art. 368). Les administrations publiques sont d'ailleurs sur
ce point assimilées aux particuliers.
Ce que Von comprend comme frais criminels. Ils com-
prennent : les frais de transport des prévenus et des procé-
dures, les frais d'extradition, les honoraires et vacations des
médecins, des experts, les indemnités allouées aux témoins,
les frais de garde de scellés et de mise en fourrière, les droits
alloués aux greffiers, les salaires des huissiers, les frais de
transport des magistrats et officiers de justice et les dépenses
extraordinaires que nécessitent les informations. Nous ne
pouvons examiner ici en détail tous les droits et indem-
nités alloués par le décret de 4814 , auquel il suffira de se
reporter. Nous nous bornerons à signaler ceux des articles
du tarif dont l'application est particulièrement fréquente
et que tous ont intérêt à connaître.
1° Témoins. Au premier rang se placent les indemnités
allouées aux témoins. Ils sont indemnisés, soit par une taxe
de comparution, soit par une taxe de frais de voyage et
quelquefois par une taxe de séjour : a. Taxe de compa-
rution. Elle est allouée à ceux qui ne sont pas domiciliés
à plus d'un myriamètre du lieu où ils sont appelés à dépo-
ser. Pour les témoins du sexe masculin, elle est de 2 fr.
par jour à Paris ; 1 fr. 50 dans les villes de 40,000 âmes et
au-dessus ; 1 fr. dans les autres villes. Pour les témoins
du sexe féminin, 1 fr. 25, 1 fr. et 75 cent. (décr. de 1811,
art. 27 et 28; décr. 7 avr. 1813, art. 2). b. Taxe de
frais de voyage. Ceux qui se transportent à plus d'un
myriamètre du lieu où ils demeurent ont droit à une somme
calculée d'après la distance parcourue aller et retour :
1 fr. par myriamètre, s'ils ne quittent pas leur arrondis-
sement et 1 fr. 50 s'ils se rendent hors de leur arrondis-
sement (décr. 7 avr. 1813, art. 2). La taxe de comparution
ne se cumule pas avec les frais de voyage. L'indemnité est
réglée par myriamètre et demi-myriamètre. Les fractions
de 7 à 9 kil. sont comptées pour 1 myriamètre et celles
de 3 à 7 kil. pour un 1/2 myriamètre ; les distances se
comptent de clocher à clocher (décr. 1811, art. 92 et 93).
Si les témoins sont arrêtés au cours du voyage, il leur est
dû en outre 1 fr. 50 par jour (art. 95) et s'ils doivent pro-
longer leur séjour dans la ville où se fait l'instruction, ils
peuvent obtenir par jour 3 fr. pour Paris, 2 fr. pour les
villes de 40,000 âmes et au-dessus, 1 fr. 50 pour les autres
villes (art. 94). — Les enfants mâles au-dessous de quinze
ans et les filles au-dessous de vingt et un ans, reçoivent
une double taxe s'ils sont accompagnés de leurs père, mère,
tuteur ou curateur (art. 97). — Les indigents peuvent avec
un certificat d'indigence du maire de leur commune ou une
pièce équivalente, se faire délivrer par le président de la
cour ou du tribunal, ou le juge de paix de leur résidence
un mandat provisoire pour toucher, comme acompte, la
moitié de leur déplacement (art. 135). Ces taxes devraient
953
FRAIS
être sensiblement relevées. Encore est-il bon de savoir
qu'elles ne doivent être payées aux témoins que s'ils les ré-
clament (G. d'instr. crim., art. 82 du 26 déc. 4811 ; circul.
23 févr. 1887, Bull, 10).
2° Médecins et chirurgiens. Les honoraires sont réglés
comme suit, pour chaque visite et rapport : à Paris, 6 fr.
dans les villes de 40,000 âmes et au-dessus, 5 fr. ; dans
les autres communes, 3 fr. Pour les ouvertures de cadavres
et autres opérations plus difficiles que la simple visite, 9 fr.
pour Paris ; 7 fr. pour les villes de 40,000 âmes et plus ;
5 fr. pour les autres communes (art. 16 et 17). Dans le
cas de transport à plus de 2kil.de leur résidence, les mé-
decins reçoivent en plus de leurs honoraires, 2 fr. 50 par
chaque myriamètre parcouru en allant et en revenant
(art. 24, 90 et 91). L'indemnité est réglée par myriamètre
et demi-myriamètre, comme pour les témoins.
3° Experts. Ils sont payés pour chaque vacation de trois
heures et pour chaque rapport écrit, à raison de5fr. pour
Paris, 4 fr. pour les villes de 40,000 âmes et plus, 3 fr.
pour les autres villes. Pour les vacations de nuit, moitié
en sus (art. 22). On ne peut passer en taxe plus de deux
vacations par jour et plus d'une par nuit (dècis. 23 févr.
1830; circul. 6 févr. \ 867). Les experts reçoivent en outre
les mêmes indemnités de voyage que les médecins.
4° Jurés. Les jurés qui se rendent à plus de 2 kil. de
leur résidence sont taxés à raison de 2 fr. 50 par myria-
mètre parcouru à l'aller et au retour (art. 35, 91, 92, 93).
S'ils sont arrêtés au cours de leur voyage, ils reçoivent
2 fr. par chaque jour de séjour forcé.
Recouvrement des amendes et frais de justice. — Les
percepteurs sont chargés du recouvrement des amendes, des
condamnations pécuniaires et des frais de justice (loi 29déc.
1873, art. 25).
Payement des frais de justice. — C'est l'administration
de l'enregistrement qui fait l'avance des frais de justice
criminelle ; mais le recouvrement de ces frais est poursuivi
contre les coupables (V. ci-dessous). Quand il y a une par-
tie civile en cause, si elle prend l'initiative de la poursuite,
elle fait elle-même directement l'avance des frais ; si elle
se joint à la poursuite du ministère public, elle dépose au
greffe la somme présumée nécessaire pour les frais de la
procédure (F. Héiie, t. IV, p. 283; Le Poitevin, t. II,
p. 337, art. 160. déc. 1811 ; cire. 3 mai 1825).
Du mode de payement des frais. — Il importe que ceux
qui ont prêté leur concours à la justice sachent comment
ils peuvent se faire payer ce qui leur est dû. Le mode de
payement des frais diffère suivant leur nature et leur ur-
gence (art. 132, déc. 1811). — Sont réputés frais urgents :
1° les indemnités des témoins et jurés; 2° toutes dépenses
relatives à des fournitures ou opérations pour lesquelles les
parties prenantes ne sont pas habituellement employées ;
3° les frais d'extradition. Ces frais sont acquittés sur une
simple taxe du magistrat au pied des réquisitions, états ou
mémoires des parties (art. 133). Depuis la circulaire du
23 févr. 1887, les indemnités dues aux témoins et aux jurés
sont seules payées sur simple taxe. Les autres dépenses
urgentes sont soldées sur un mémoire présenté dans la
forme ordinaire. Les frais ordinaires non urgents sont payés
sur les états ou mémoires des parties prenantes, dressés
en double exemplaire, dont un sur timbre, quand la somme
dépasse 10 fr., et revêtus par avance de l'acquit de ceux qui
les ont faits (art. 146 et 147, déc. 1811 ; 2 ordon. 1838 ;
circul. 14 août 1876, Bull., p. 146; circul. 23 févr. 1887
et 28 févr. 1889, Bull, p. 2).
De la liquidation et du recouvrement des frais. —
Nous avons dit que l'administration de l'enregistrement
faisait l'avance des frais. Par qui sont-ils supportés défi-
nitivement ? Seuls ceux qui sont condamnés doivent sup-
porter les dépens qui sont considérés comme un acces-
soire de la condamnation. Ceux qui sont acquittés ne les
payent jamais. Mais il n'en est pas ainsi pour ceux qui
sont seulement absous. La cour de cassation a décidé, par
de nombreux arrêts, que ces derniers devaient être con-
damnés aux frais de la procédure (cass., 9 déc, 1830,
Dalloz, v° Frais,n° 977, note 3 ; 24juil. 1840 ; Dalloz, id.,
note 5 ; cour d'assises de la Moselle, 4 déc. 1867, S. 1868,
2, 189). L'accusé, acquitté par le jury, mais contre lequel
la cour prononce, comme elle en a le droit, malgré son
acquittement au criminel, une condamnation à des dom-
mages-intérêts, peut aussi être condamné aux dépens (cass.,
27 nov. 1840; 5 déc. 1861, S. 62, 1, 333; 15janv. 1885,
Bull, n° 26).
Les enfants acquittés comme ayant agi sans discernement
sont condamnés aux dépens, ainsi que les personnes civi-
lement responsables (cass., 17 juin 1870, Bull, p. 127;
18juil. 1889, Journal du ministère public, p. 1 72). Cette
solution n'est cependant pas admise par tous les auteurs
(contrad. F. Hélie, Instr. crim., t. VIII, p. 295) et elle ne
nous paraît pas très juste. La partie civile, comme nous
l'avons rappelé plus haut, fait l'avance des frais si elle agit
comme partie principale et dépose somme suffisante au greffe,
si elle se joint à la poursuite du ministère public. En ma-
tière criminelle, Part. 68 du C. d'instr. crim. porte qu'elle
n'est condamnée aux dépens que si elle succombe ; sinon,
les sommes consignées par elle lui sont restituées. Au con-
traire, en matière correctionnelle et de simple police, la par-
tie civile est toujours condamnée aux dépens, d'après une
jurisprudence constante, même si le tribunal prononce une
peine et accorde des dommages-intérêts à la victime du dé-
lit. Ce système, peu équitable, n'est peut-être même pas fondé
en droit (V. Chauveau et Hélie, Code pénal, 1. 1, pp. 254
et suiv.). La partie civile a d'ailleurs un recours contre le
condamné. Les frais sont liquidés dans les jugements ou
arrêts de condamnation. En ce qui concerne les droits et
honoraires des avoués, leur ministère étant purement facul-
tatif en matière correctionnelle, les frais occasionnés par
leur intervention restent en principe à la charge de ceux
qui ont jugé bon d'y avoir recours. Mais si le concours de
l'officier ministériel était utile, si les frais ont été faits dans
un intérêt de légitime défense, le juge peut les passer en
taxe (cass., 24 juil. 1874, D. P. 1875, 1, 237 ; 29 juin
1889, S. 1889, 1, 447 ; cour de cass., 19 déc. 1891, Ga-
zette du Palais, n° du 4 févr. 1892, in fine, et note 3).
La solidarité est prononcée à l'égard de tous les auteurs ou
complices d'un même fait (C. pén. , art. 55 et 156, déc. 1811),
mais non pas à l'égard de tous les individus compris dans
une même poursuite, s'ils sont condamnés pour des délits
distincts (cass., 12 mai 1888, S. 1889, 1, 441 ; 9 déc.
1887, S. 1888, 1, 37). Les décisions concernant la liqui-
dation des dépens peuvent-elles être attaquées par les inté-
ressés ? Dans le silence du décret de 1811, sur les voies de
recours pour les dépens en matière criminelle, on se reporte
aux règles tracées pour les dépens en matière civile. Ainsi,
par exemple, les jugements portant liquidation des dépens
en matière correctionnelle ne sont susceptibles d'appel que
lorsqu'il y a en même temps appel de quelque disposition
sur le fond (cour de Lyon, 31 déc. 1889, Gazette du Pa-
lais, Table analytique, 1er sem. 1890, v° Frais; cass.,
13 juin 1890, S. 1890, 1 , 368). A noter, au point de vue
de l'application de la loi Bérenger (loi du 26 mars 1891),
que la suspension de la peine (art. 1) ne comprend pas le
payement des frais du procès, non plus que les dommages-
intérêts et les peines accessoires.
Le Trésor a un privilège pour le recouvrement des frais
dont la condamnation est prononcée à son profiï (loi 5 sept.
1807, art. 1; Lautour, pp. 178 et suiv.). Pour assurer
d'une façon plus efficace le payement des amendes, frais,
restitutions et dommages-intérêts, la loi du 22 juil. 1867
a maintenu la contrainte par corps en matière criminelle,
correctionnelle et desimpie police (loi du!9 déc. 1871). La
contrainte ne peut être prononcée contre les mineurs de
seize ans, ni contre Jes personnes civilement responsables
(cass., 11 avr. 1889, S. 1889, 1, 492) (V. Contrainte par
corps). Fernand Chesney.
IV. Commerce et Industrie. — Frais généraux.
— On peut désigner ainsi tous les frais qui dans un corn-
FRAIS — FRAISE
- 954
mer ce, une industrie, une exploitation quelconque, ne
peuvent être appliqués à une partie quelconque des
opérations faites, mais doivent plutôt se répartir dans
l'ensemble. Ces frais sont en partie fixes et en partie
variables. Pour les frais fixes, on peut admettre les ap-
pointements fixes des employés, les loyers, impôts, as-
surances, patentes, redevances de toute sorte, brevets ; les
frais variables comprennent les appointements et alloca-
tions variables suivant le chiffre des affaires, les frais de
voyages, les salaires à la journée, les consommations di-
verses pour les machines motrices, l'entretien de l'outil-
lage, le service des ateliers, etc. Mais cette classification
varie suivant les entreprises, et si les frais fixes peuvent
presque toujours ne figurer qu'au compte frais généraux,
il se présente fréquemment des cas où les salaires, les
dépenses d'entretien et de consommation des machines, les
frais de voyages et les allocations proportionnelles peuvent
être appliqués à une partie déterminée de la production. Cette
distinction est extrêmement importante ; elle permet seule
d'établir exactement le prix de revient, et, par conséquent,
les prix de vente laissant un bénéfice. G. François.
Frais de production (V. Production).
V. Administration militaire. — On donne le
nom de frais, en administration militaire, à certaines
indemnités allouées soit à des fonctions spéciales, soit
à des positions, soit pour couvrir certaines dépenses admi-
nistratives. Parmi les premières on distingue : les frais
de bureau, les frais de déplacement, les frais de culte,
les frais de service ; parmi les deuxièmes : les frais de
route et de traversée; enfin, parmi les troisièmes : les
frais d'adjudication, d'emballage, de casernement, de
gestion , de justice , de magasin , de recrutement , de
vente, etc. — L'allocation de ces indemnités est déter-
minée par les décrets et règlements. Les frais de bureau,
de service et de déplacement sont compris dans les acces-
soires de solde. Les premiers sont donnés dans les corps
de troupe aux majors, trésoriers et officiers d'habillement ;
il en est alloué également à certains commandants d'armes,
de corps et d'établissements, ainsi qu'au major de garnison
des places où résident un officier général. Ces indemnités
se cumulent, dans certains cas, avec les frais de service,
qui cependant sont destinés à subvenir aux frais de repré-
sentation et de bureau des autorités qui les perçoivent.
L'indemnité pour frais de service affectée à un emploi est
acquise à l'officier titulaire de cet emploi quel que soit son
grade. L'officier remplissant plusieurs fonctions distinctes
cumule les indemnités de service affectées à ces fonctions.
Toutefois, si ces fonctions sont celles d'officier général ou
assimilé, de colonel ou lieutenant-colonel chef de corps,
l'intéressé reçoit l'indemnité de service la plus élevée et
seulement le cinquième des autres. — Les indemnités pour
frais de déplacement sont allouées aux officiers de gendar-
merie et celles pour frais de culte aux aumôniers des hô-
pitaux et prisons. Les décrets des 29 mai et 27 déc. 1890
et les tarifs qui y sont annexés règlent ces allocations.
Le service des frais de route forme une branche im-
portante de la comptabilité-finances dans l'armée. Il est
régi par le décret du 12 juin 1867, refondu le 19 juin
1888. Il a pour objet de pourvoir aux dépenses occasion-
nées par les déplacements des militaires voyageant isolé-
ment pour cause de service ou de santé. Ces dépenses sont :
l'indemnité de route, l'indemnité journalière spéciale, l'in-
demnité de déplacement accordée dans l'intérieur, l'indem-
nité extraordinaire de voyage accordée à l'intérieur et à
l'étranger, les secours en argent et effets faits aux hommes
de troupe à l'étranger et les avances remboursables faites
aux officiers et aux adjudants à l'intérieur et à l'étranger.
Toute allocation de prestation en route est subordonnée à
la délivrance préalable d'une feuille de route (V. ce mot).
Bibl. : Droit civil.— Pigeau, Commentaire du code de-
procédure civile, 1822.— Boncenne, Traité de la procédure
civile, 1837. — Bioche, Dictionnaire de procédure civile et
commerciale, 1864.— Carré et Chauveau, Lois de la pro-
cédure civile et administrative, 1872. — Rodière, Cours
de compétence et de procédure en matière civile, 1875. —
Rousseau et Laisney, Dictionnaire de procédure, 1879-
1885. — Dalloz, Répertoire de jurisprudence.— Boitard,
Colmet d'Aage et Glasson, Leçons de procédure civile,
1885. — Garsonnet, Traité théorique et pratique de pro-
cédure.— Chauveau et Faustin Hèlie, 1873.— Ortolan,
Eléments de droit pénal, 1859. — Rodière, Eléments de
procédure criminelle, 1844. — Aucogq, Conférences sur
l'administration et le droit administratif, 1878-1882. — Du-
crocq, Cours de Droit administratif, 1881.
Droit criminel.— Dalmas, Des Frais de justice crimi-
nelle, 1834, et supplément, 1837.— Dufresne, Traité théo-
rique et pratique sur le tarif des droits et indemnités
alloués aux greffiers, 1876, 2a éd. — Lautour, Code des
frais dejust. en mat. crim. — Sudraud-Desiles, Notes d'un
juge d'instr. sur la taxe, 1832.— Verlet, Etude sur les frais
dejust. crim., 1872. — LePoittevin, Dictionnaire du par-
quet, t. II, pp. 329 et suiv.
FRAIS. Corn, du territoire de Belfort, arr. de Fontaine;
128 hab.
FRAI SAN S. Corn, du dép. du Jura, arr. de Dole, cant.
de Dampierre, sur la rive gauche du Doubs et sur la lisière
de la forêt de Chaux ; 2,553 hab. Fraisans était le chef-
lieu d'une prévôté qui comptait Dampierre parmi ses dépen-
dances et qui fut érigée en marquisat, en faveur du sieur
de Pourcheresse, peu d'années avant la Révolution. Ce
bourg a joué un rôle important pendant les guerres du
xviie siècle. Il possède des forges considérables, dont l'éta-
blissement, autorisé par Marguerite d'Autriche, remonte
à 1526. A.V.
FRAISE. I. Botanique. — Fruit multiple du Fraisier
(V. ce mot).
II. Thérapeutique (V. Fraisier).
III. Economie domestique. — La saveur exquise des
fraises, leur parfum délicieux en font un des fruits les
meilleurs et les plus recherchés de nos climats. Elles se
mangent saupoudrées de sucre avec addition d'un peu de
vin, de rhum, de cognac, de kirsch ou même d'eau sucrée.
Leur mélange avec de la crème les rend indigestes.
On en fait aussi d'excellentes confitures, des sirops, des
liqueurs, etc. — Elles donnent lieu à un commerce des plus
importants; la Provence et la Bretagne en envoient de
grandes quantités à Paris.
IV. Technologie. — La fraise est un outil en acier
trempé, dont la surface cylindrique extérieure est creusée
en forme de dents. Dans le mouvement de rotation rapide
qu'on imprime à la fraise dans la machine à fraiser, chacune
des dents, en venant se mettre en contact avec la pièce à
travailler, enlève une portion de métal plus ou moins forte,
selon le degré d'avancement du chariot et suivant le tracé
de la pièce. Les fraises sont de deux espèces : de forme ou
cylindrique. Les fraises de forme sont employées pour obte-
nir un profil déterminé, comme un creux, un arrondi, pour
tailler des engrenages droits ou hélicoïdaux. Dans chacun
de ces cas particuliers, la fraise est tournée au profil de la
pièce à exécuter, et la taille est droite, dirigée suivant les
rayons et exécutée au burin et à la lime. L'emploi des fraises
cylindriques tend de plus en plus en plus à se généraliser
dans les ateliers de construction depuis qu'on est arrivé à
les obtenir mécaniquement et qu'on peut les afîûter ou les
rectifier. La fraise cylindrique est taillée sous forme d'hé-
lice de préférence à la taille suivant une génératrice ou
droite, car celle-ci surtout tranche plutôt le métal qu'elle
ne le scie et augmente notablement les résistances passives.
Mais si la taille hélicoïdale répond à la question, son incli-
naison, le nombre de dents donné pour un diamètre donné
de fraise, etc., influent considérablement sur le rendement
et le fini du travail. Le nombre de dents à donner aux
fraises a été déterminé pratiquement, en fonction du dia-
mètre, et on a admis que, pour éviter l'engorgement des
rainures, il fallait sept dents pour un diamètre de 20 millim.,
et qu'on pouvait augmenter d'une dent pour chaque 5 millim.
d'augmentation de diamètre. La forme est donnée par la
taille à l'aide d'une molette. La trempe des fraises doit
surtout être particulièrement soignée ; on devra tenir compte
de la qualité de l'acier employé et s'attacher à préparer le
bain d'huile et d'eau pour qu'après le recuit au jaune paille
- 955 —
FRAISE - FRAISSINET
la dureté de la fraise soit telle qu'elle puisse être assez
difficilement attaquée par une lime douce.
La machine à fraiser est d'invention récente ; elle a rem-
placé dans beaucoup de cas, avec avantage, les machines à
mouvement alternatif, telles que : machines à raboter, à mor-
taiser, dans la construction des pièces de machines. Il existe
différents types de machines à fraiser : les unes sont verti-
cales, les autres horizontales. Les premières, les plus ré-
pandues, permettent de rendre à volonté le fraisage auto-
matique ou non. Le bâti de la machine est à peu près
disposé comme celui des machines à mortaiser. Un arbre
vertical, à l'extrémité inférieure duquel est montée la fraise,
reçoit un mouvement de rotation rapide par l'intermédiaire
de pignons d'angle commandés par un arbre horizontal qui
reçoit lui-même son mouvement de la transmission. Le
plateau circulaire sur lequel est placée la pièce à travailler
est disposé de façon à obtenir automatiquement le mouve-
ment circulaire radial et transversal par des combinaisons
d'engrenages et de vis. La machine donne de très bons
résultats tant que le travail à faire reste dans la limite de
ces trois mouvements, mais, lorsqu'il s'agit d'obtenir des
formes diverses, les déplacements des chariots doivent se
faire à la main, le travail obtenu se fait lentement et le
fini n'est dû qu'à l'habileté de l'ouvrier. . L. Knab.
V. Art militaire (V. Défense).
VI. Costume (V. Costume).
VIL Art culinaire. — On donne vulgairement le nom
de fraise à la membrane qui enveloppe les intestins du
veau, et aussi à tous ces intestins. On en fait un mets
assez estimé (V. Veau).
FRAISIER. I. Botanique. — (Fragaria Toum.). Genre
de Rosacées, qui adonné son nom au groupe desFragariées.
Les Fraisiers sont des herbes vivaces dont la souche cespi-
teuse, épaisse, donne naissance à des stolons aériens axil-
laires, filiformes, composés de plusieurs articles radicants
au sommet et émettant des bouquets de feuilles qui se sé-
parent de la plante mère par la destruction du stolon pour
fleurir souvent dans la même année et émettre de nouveaux
stolons. Les feuilles, pour la plupart radicales, sont trifo-
liolées, et les fleurs, disposées en cymes irrégulières, pan-
ciflores, au sommet des tiges presque nues, ont un calice
périgyne à cinq sépales libres, accompagné d'un calicule de
cinq folioles alternes, une corolle de cinq pétales blancs, plus
rarement jaunes, et des étamines en nombre indéfini. Ces
fruits sont de petits achaines très nombreux, placés dans les
dépressions d'un réceptacle d'abord conique, puis ovoïde
ou globuleux, qui devient charnu-pulpeux à la maturité et
constitue le fruit multiple désigné sous le nom de Fraise.
On connaît tout au plus une douzaine d'espèces de Frai-
siers, disséminées dans les régions tempérées et alpines
de l'hémisphère boréal. Plusieurs d'entre elles, notam-
ment le Fragaria vesca L. ou Fraisier commun, F. des
bois, le F. chilensis Ehrh, et le F. virginiana L., ont
fourni, par la culture, un très grand nombre de variétés
recherchées pour le parfum et la grosseur de leurs fruits.
— Le F. en arbre ou arbre aux fraises est YArbutus
unedo L., de la famille des Ericacées (V. Arbousier).
IL Horticulture. — Les nombreuses variétés de Frai-
siers se groupent en Fraisiers à petits fruits ou des quatre
saisons et en Fraisiers à gros fruits. Ces plantes aiment
un sol léger, fertile, enrichi d'engrais, bien arrosé.
On les cultive en pleine terre ou bien on les soumet à la
culture forcée. Les Fraisiers se multiplient de plants obte-
nus à l'aide des coulants ou filets enracinés et de graines.
Ce dernier mode de reproduction est usité surtout pour les
variétés à petits fruits qui se conservent assez fidèlement
par le semis. On choisit les plus beaux et les meilleurs
fruits qu'on laisse bien mûrir. On les écrase dans l'eau et
sépare les semences par lavages successifs. Le semis se fait
aussitôt ou bien au printemps de l'année suivante, à la volée,
sur couche ou en pleine terre. On plombe légèrement et on
tamise à la surface une mince couche de terreau. Le sol est
maintenu frais par des bassinages fréquents. La levée des
jeunes plantes a lieu au bout de huitjoursàun mois, selon
la température du sol. Lorsque les Fraisiers ont quatre ou
cinq feuilles, ont les repique, deux par deux, à 0m15 en
tous sens. Plus tard, après la reprise et pour provoquer
le développement, de nouvelles racines, on les relève en
motte et on les replante à demeure, à 0m30 ou 0m35 les
uns des autres. La plantation ainsi établie, les soins à lui
donner consistent en des arrosages et binages suivant le
besoin, à supprimer les coulants, à pailler, c.-à-d. à étendre
entre les Fraisiers une couche de paille pour maintenir la
terre fraîche et empêcher que les fruits ne soient souillés
par la terre pendant les fortes pluies. Pour la multiplica-
tion à l'aide de coulants, on enlève, en été, les jeunes pieds
enracinés ; on les repique en pépinière à 0m1 5 les uns des
autres et, au mois de septembre, on les met en place, en
bordures ou en lignes. On donne à ces Fraisiers les mêmes
soins qu'à ceux issus de semis. La cueillette des fraises
doit se faire le matin de bonne heure ou le soir, sans les
détacher de leur pédoncule que l'on coupe avec l'ongle. Les
Fraisiers produisent abondamment pendant les deux pre-
mières années, puis la fructification diminue et il faut
renouveler les plantations. Le forçage peut se faire en po-
sant simplement des coffres et des châssis sur les planches
de Fraisiers en pleine terre. Autour des coffres on creuse
les sentiers des planches et dans ces sentiers on place du
fumier qu'on renouvelle lorsque la température s'abaisse.
On force aussi les Fraisiers plantés en pots qu'on place en
serre ou sur couche à une température de 15° environ. On
arrose modérément et on donne de l'air et de la lumière
autant que possible. Les Fraisiers forcés ne sont pas épui-
sés. Ils peuvent donner une seconde récoite à la fin de l'été.
Il suffit de les laisser reposer, en les privant d'eau pendant
quelque temps, puis on les replante en pleine terre et on
les arrose copieusement. G. Boyer.
III. Thérapeutique. — La fraise, riche en eau et en sucre,
n'est pas supportée par tous les estomacs et peut même
provoquer des éruptions cutanées, en particulier de l'urti-
caire ; elle ne convient pas toujours aux dyspeptiques, aux
obèses, aux diabétiques. Elle est rafraîchissante et diuré-
tique, parfois laxative ; on l'a préconisée contre la goutte
et la gravelle ; on a vanté l'eau distillée de fraises comme
un excellent cosmétique. Le rhizome du fraisier est astrin-
gent et comme tel utile dans les affections des voies génito-
urinaires (catarrhes, néphrite simple, dysurie). L'infusion
des feuilles est diurétique et diaphonique. Dr L. Hn.
FRAISNE-en-Xaintois. Corn, du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. de Nancy, cant. de Vézelize ; 262 hab.
FRAISNE (Pierre de), orfèvre liégeois, né en 4612,
mort en 1660. Après avoir reçu de son père les premières
leçons, il passa en Italie, où il travailla sous la direction
du sculpteur Franz Duquesnoy, Flamand comme lui. Il
revint dans sa ville natale avec une telle réputation qu'il
fut appelé presque aussitôt à la cour de la reine Christine
de Suède, pour laquelle il fit des vases, des surtouts et
des médailles. Après l'abdication de cette princesse, il re-
tourna dans sa patrie, où il cisela pour la cathédrale une
Arche d'alliance d'un merveilleux travail.
Bibl. : Villenfagne, Recherches sur l'histoire de la
principauté de Liège, t. I.
FRAISSE. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Saint-
Pons, cant. de La Salvetat; 4,045 hab.
FRAISSE. Corn, du dép. de la Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant. du Chambon; 4,784 hab.
FRAISSÉ-Cabardès. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de
Carcassonne, cant. de Saissac; 240 hab.
FRAISSÉ-des-Corbières. Com. du dép. de l'Aude, arr.
de Narbonne, cant. de Durban ; 409 hab.
FRAISSINES. Com. du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant.
de Valence; 353 hab.
FRAISSINET-de-Fourques. Com. du dép. de la Lozère,
arr. de Florac, cant. de Meyrueis; 440 hab.
FRAISSINET-de-Lozère. Com. du dép. de la Lozère,
arr. de Florac, cant. de Pont-de-Montvert ; 748 hab.
FRAIZE — FRAMBOISE
956
FRAIZE (Frasia). Ch.-l. de cant. du dép. des Vosges,
arr. de Saint-Dié, sur la Meurthe ; tête de ligne de rem-
branchement qui à Saint-Léonard se détache du chemin de
fer de Saint-Dié à Laveline ; 3,436 hab. Filatures de coton
(35,000 broches), brasseries, sculpterie; mine de plomb et
de cuivre, abandonnée en 1840; hôpital-hospice. Autrefois
les seigneurs de Ribeaupierre possédaient la seigneurie du ban
de Fraize et en faisaient hommage aux ducs de Lorraine.
Bibl. : Jos. Haxaire, les Suédois dans le ban de Fraize,
dans Bull, de la Soc. pfiilom. des Vosges, 1885-1886, XI.
— Gast. Save, Etude historique sur l'église de Fraize.
même recueil, 1886-1887, XII.
FRAKNO (en allem. Forchtenau pour le village, Forch-
tenstein pour le château). Village et château de Hongrie,
tout près de la frontière de la Basse-Autriche, propriété
célèbre et magnifique de la famille Eszterhazy.
FRAKNÔI (Guillaume), historien hongrois, né à Urményi
le 27 févr. 4843. Sa vocation historique a été des plus
précoces, car déjà sur les bancs du séminaire il composait
des mémoires remarqués sur les anciennes institutions
du pays. Dès 1867 il commençait en langue magyare
l'ouvrage qui a fondé sa réputation : Pierre Pazmany
et son temps (Pest, 1867-1872, 4 vol.), étude de pre-
mier ordre, non seulement sur ce célèbre cardinal, mais
sur la Hongrie ecclésiastique, politique et littéraire de la
première moitié du xvue siècle. Dès lors la carrière de Mgr
Fraknôi a été rapide et brillante à tous égards : chanoine
puis évêque, secrétaire de section, puis secrétaire général
et président de l'Académie. Ses titres officiels sont : epis-
copus arbensis, canonicus varadiensis, Academiœ
alterprœses. Parmi ses nombreuses et importantes mo-
nographies historiques, nous signalerons celles qui ont
pour objet, l'un la Hongrie et la ligue de Cambrai, l'autre
le cardinal Bonvisi et la prise de Bude, et que M. Edouard
Sayous a résumées en français dans deux mémoires lus à
l'Académie des sciences morales et politiques (1883-1888).
Mgr Fraknôi a pu aussi entreprendre, grâce à de fréquents
séjours à Rome, l'étude des documents du Vatican intéres-
sant l'histoire hongroise. Il a commencé en 1873 la publi-
cation des Monumenta comitiala regni Hungariœ.
Ajoutons que, tout récemment ( 1 89 1), il a inséré, en langue
française, une communication sur Mathias Corvin dans la
Bévue d'histoire diplomatique. E. S.
FRAL1GNES. Corn, du dép. de l'Aube, arr. et cant. de
Bar-sur-Seine ; 162 hab.
FRAMBŒSlA(Méd.). « On décrit sous ce nom, dit Roux,
dans son Traité pratique des maladies des pays chauds,
une maladie cutanée endémique, caractérisée par la forma-
tion sur la peau et sur les muqueuses de tumeurs d'aspect
charnu, mamelonnées, qui ressemblent à des framboises ou
à des fraises. » Son incubation est de six semaines à trois
mois, puis on voit survenir des troubles généraux, tels que
faiblesse, anorexie, vertiges, sécheresse et rudesse de la
peau. Enfin l'éruption apparaît. Ses lieux d'élection au dé-
but sont le pourtour extérieur des muqueuses, le menton,
les commissures des lèvres, le voisinage du prépuce ou de
l'anus, les grandes lèvres chez la femme. Plus tard, elle
gagne les autres points du corps, la face, le cou, le cuir
chevelu, la poitrine. Elle consiste au début en petites taches
plates ou en pustulettes brunes ou rougeâtres du volume
d'un pois ou d'une tête d'épingle. Puis l'épiderme se rompt
et la lésion devient une surface spongieuse de coloration
grisâtre, sanieuse, surélevée au-dessus des téguments et
donnant l'aspect d'un tissu frambœsiaque. Si le mal est né-
gligé, il s'étend et d'autres régions se prennent de proche
en proche. Il est également contagieux pour les sujets qui
entourent les malades. Chez les individus atteints depuis
longtemps, le parasite recherche, dit Lacaze, le voisinage des
articulations et atteint les os qui finissent par se carier et
devenir comme fongueux. Il se produit alors, autour des
genoux ou des chevilles, des ulcères énormes avec dégéné-
rescence osseuse manifeste. Arrivé à ce degré, le mal gué-
rit difficilement ; il peut même entraîner la mort par la ca-
chexie et les hémorragies qu'il détermine. S'il tend vers
la guérison, ce qui est la règle quand il est bien soigné, les
tubercules diminuent peu à peu de grosseur ; leur sécrétion
se tarit ; ils se recouvrent d'une croûte d'abord jaunâtre
brunâtre qui finit par tomber en laissant une cicatrice in-
délébile (Roux). La dermite papulo-frambœsiaque affecte
plusieurs aspects : les tumeurs sont sèches ou pédiculées,
cylindriques ou coniques, surtout convexes ou hémisphé-
riques, lisses ou fongueuses, papilliformes, semblables à
des fraises (Brocq). Le nom de frambœsia détermine au-
jourd'hui la maladie désignée plus communément jadis sous
le nom àepian. M. Lacaze a fait remarquer que ce nom a
l'avantage de représenter la maladie à sa période avancée,
quand elle a subi toutes les phases de sa première évolution
et que les vésicules, papules ou petits tubercules charnus
accumulés, prennent l'aspect d'un tumeur à granulations qui
ressemble parfaitement è la framboise. L'affection a reçu
d'ailleurs des appellations très diverses telles que jaws, sir-
vin, mycosis frambœsioides, verruga, bouton d'Amboine,
tonga, bubas ou bubos, gallao, suivant les régions où elle
existe. On la rencontre sur la côte occidentale d'Afrique,
à Madagascar, aux Comores, dans l'Inde, à Sumatra, à
Java, aux Moluques, au Brésil, à la Guyane, aux Antilles.
Partout elle inspire une vive répulsion, mais elle n'est nulle
part plus marquée que dans ces dernières contrées où les
malades sont « relégués sous le vent des habitations, dans
de petites cours dont l'approche est redoutée » (Lacaze).
Le premier remède à opposer au frambœsia est une pro-
preté rigoureuse ; les habitations doivent être bien aérées
et assainies, les malades soumis aux ablutions réitérées et
à une alimentation saine et abondante dont on exclura les
salaisons (Brocq). Localement, on pratiquera des lotions
phéniquées ou boriquées et des applications de pommades
ou de poudres cicatrisantes (iodoforme, aristol). A l'inté-
rieur on a conseillé les mercuriaux, le soufre, l'iodure de
potassium, les tisanes sudorifiques. Mais les bons effets qu'on
dit avoir retiré des préparations hydrargyriques provien-
nent de ce qu'on a souvent confondu le frambœsia avec des
lésions spécifiques. Certains auteurs ont même avancé que
la maladie n'était autre que la syphilis du nègre, et Char-
louis aurait déterminé une syphilis constitutionnelle, en ino-
culant un chancre induré à un homme atteint de frambœsia.
Peut-être en est-il ainsi de la forme particulière à laquelle
on a donné le nom de mamapian, caractérisée par des no-
dosités qui confluent pour s'ulcérer profondément et gué-
rissent rapidement par le traitement antisyphilitique. Quoi
qu'il en soit, il faut en distinguer la syphilide cutanée fram-
bœsiforme de Kaposi, formée de bourgeons papillomateux,
rouges, mamelonnés, verruqueux, qui se développent au-
dessus de papules ou de tubercules excoriés ou colorés et
siègent le plus souvent au sillon naso-labial, à la commis-
sure des lèvres, dans les plis des parties génitales et de la
région inguinale, au sillon mammaire. Ces excroissances ver-
ruqueuses, considérées isolément, sont dépourvues du carac-
tère spécifique. Elles ne l'empruntent qu'à leur substratum
constitué par un infiltrât syphilitique et, quand il a disparu,
elles gardent seulement l'apparence de simples formations
conjonctives. Henri Fournier.
FRAMBOISE. I. Botanique. —Fruit multiple du Fram-
boisier (V. ce mot).
IL Economie domestique. — Les framboises sont des
fruits rafraîchissants, acidulés et sucrés que Ton mange^
ordinairement mélangés avec des fraises ou des groseilles,
ou avec beaucoup de sucre et de la crème pour corriger le
principe acide qu'elles renferment. Leur conservation à
l'état frais est difficile, car elles fermentent rapidement. On
en fait d'excellentes liqueurs, des confitures, des gelées,
des glaces, des sirops et une sorte de vin. Elles entrent
aussi dans la composition d'un vinaigre parfumé. Le sirop
de framboises s'obtient avec deux tiers de framboises et
un tiers de groseilles. Le ratafia de framboises se prépare
en mélangeant 600 gr. de jus de framboises avec 100 gr.
de jus de cerises, 1 kilogr. de sucre et 2 litres d'eau-de-
vie ; on laisse reposer et on met en bouteilles. Pour faire
le vin, on écrase ensemble dans un mortier 1 5 kilogr . de fram-
boises rouges et 3 kilogr. de groseilles fraîchement cueillies
et débarrassées de leurs queues et de leurs grappes. Après
vingt-quatre heures de repos, on ajoute 500 gr. de sucre par
litre de jus et un demi-litre d'eau-de-vie. On mélange bien et
on laisse reposer jusqu'à l'époque où l'on peut se procurer des
mûres. Quand ce moment est arrivé, on prend 2ksô00 de ces
fruits que l'on écrase dans un litre d'eau et, après leur avoir
fait jeter un bouillon, on laisse reposer trente-six heures,
puis on presse. On ajoute 250 gr. de sucre et 30 centil.
d'eau-de-vie par litre de liquide obtenu et on mélange le tout
avec la liqueur primitive. Le vin de framboise n'est bon à
boire qu'au bout d'une année et, dans l'espace de six ou
sept ans, tout le parfum du fruit se trouve absorbé.
III. Chimie industrielle. — Essence de framboise
(V. Essence).
FRAMBOISIER. I. Botanique. — Nom vulgaire du Ru-
bus idœus L., de la famille des Rosacées. C'est un arbuste
à fleurs blanches, dont les rameaux arqués, cylindriques,
très glauques, portent des aiguillons sétacés, droits, peu
robustes et des feuilles palmatiséquées, à trois ou cinq
folioles tomenteuses-argentées en dessous. Le fruit, nommé
Framboise, est un fruit multiple formé par la réunion,
autour d'un réceptacle conique, blanchâtre et coriace, d'un
grand nombre de petites drupes cohérentes, d'un rouge clair
à la maturité, quelquefois blanchâtre ou jaunâtre ; chacune
de ces drupéoles se compose d'un mésocarpe charnu au centre
duquel se trouve un petit noyau strié, renfermant une graine
à embryon oléagineux. — Le Framboisier croît spontanément
dans les bois montueux d'une grande partie de l'Europe ainsi
que dans le nord de l'Asie et de l'Amérique. On le cultive
en grand dans les jardins et en plein champ. — Le F. du
Canada est le Rubus odoratus L. (V. Ronce).
II. Horticulture. — Cet arbrisseau aime les sols frais,
fertiles, de consistance moyenne et, surtout dans le
Midi, les endroits un peu ombragés. La culture est très
simple. On l'obtient de graines et plus généralement de
drageons bien enracinés qu'on sépare des pieds mères en
automne. Ces drageons sont rabattus à 0m30, plantés dans
des trous profonds de 0m30 et espacés de 1 m. à lm50
selon la vigueur des variétés et la fertilité du sol. Durant
la première année on supprime les fleurs que les jeunes
plants peuvent donner. On favorise ainsi leur développe-
ment et la production de nouveaux drageons. La plantation
ayant pris possession du sol, les soins à lui donner chaque
année consistent à enlever les vieilles tiges et, d'avril en
juillet, tous les drageons qui sortent en excès. Il convient
de n'en conserver que trois ou quatre par touffe pour obte-
nir une belle fructification. On les taille à 0m80 et on les
soutient par des tuteurs. On bine pendant la belle saison
et on donne un labour en automne. Quand la plantation
commence à s'user, ce qui peut arriver vers quatre ou cinq
ans si les soins et les engrais qu'on lui donne ne sont pas
suffisants, il faut la renouveler. La multiplication par semis
se fait en mars sur un terrain bien préparé. Les jeunes
plants sont repiqués eu place l'hiver suivant. Ils fructifient
vers la quatrième année. On pratique le semis pour obtenir
de nouvelles variétés. G. Boyer.
III. Thérapeutique. — Les propriétés médicales des fram-
boises sont semblables à celles des fraises ; elles sont ana-
leptiques, humectantes, adoucissantes, rafraîchissantes et
laxatives ; on en fait des boissons rafraîchissantes dans les
maladies fébriles, les angines, dans les maladies où domine
la diathèse hémorragique (scorbut, purpura, etc.); leur
action diurétique les a fait employer contre la gravelle et
la goutte. Ingérées en trop grande quantité, elles peuvent
déterminer des coliques et de la diarrhée et même des érup •
tions cutanées. Les feuilles, légèrement astringentes, peu-
vent s'employer dans les gargarismes et comme détersives.
FRAMBOIS1ÈRE (La). Corn, du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Dreux, cant. de Senonches; 287 hab.
FRAMBOUHANS. Corn, du dép. du Doubs, arr. de
Montbéliard, cant. de Maîche; 617 hab.
957 — FRAMBOISE — FRANC
FRAMÉCOURT. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr.
et cant. de Saint-Pol-sur-Ternoise ; 137 hab.
FRAMÉE. Courte lance dont étaient armés les guerriers
francs. La framée n'excédait point 6 pieds de long ; son
fer aigu et plat, en forme de feuille de laurier, avait la
longueur de la main ; rétréci en son talon, il formait une
douille où venait s'emmancher la hampe faite ordinairement
de frêne. Cette sorte de pique servait autant d'arme d'hast
que d'arme de jet ; c'était une modification du javelot des
peltastes grecs. On a retrouvé des framées dans de nom-
breuses sépultures franques, notamment à Londinières.
L'abbé Cochet, dans la Normandie souterraine (Paris,
1855, 2 vol. in-8), a figuré et décrit de ces armes qui res-
semblent aux javelots dits gœsum, mais en diffèrent par
leurs hampes de bois, tandis que ces derniers sont entière-
ment en fer et ont une pointe moins allongée.
FRAMERIES. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut, arr.
de Mons ; 11,000 hab. Stat. du chem. de fer de Mons à
Paris. Exploitation de mines et carrières. Le 10 avr. 1879
une terrible explosion de grisou se produisit à Frameri es, au
charbonnage de l'Agrappe, et fit plus de cent vingt victimes.
FRAMERVILLE. Corn, du dép. de la Somme, arr. de
Péronne, cant. de Chaulnes; 427 hab.
FRAMICOURT.Com. du dép. de la Somme, arr. d'Abbe-
ville, cant. de Gamaches; 238 hab.
FRAMONA. Localité d'Abyssinie, prov. de Tigré, près
d'Adoua, à 2,070 m. d'alt. Ruines d'un couvent fondé par
les jésuites en 1559, évacué en 1633, qui fut le centre de
la propagande catholique en Abyssinie.
FRA MORIALE (V. Moriale).
FRAMPAS. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Wassy, cant. de Montier-en-Der ; 226 hab.
FRAMPTON (Mary), femme de lettres anglaise, née à
Moreton (Dorsetshire) en 1773, morte le 12 nov. 1846.
Fort intelligente et fort instruite, elle est connue pour avoir
écrit un journal où abondent les renseignements curieux
sur la cour de George III, les débuts de la Révolution
française, le voyage des souverains alliés à Londres, en
1814, et des anecdotes sur les plus grands personnages du
temps, entre autres miss Edgeworth, Napoléon et Marie-
Louise, Charles X, etc. Ce Journal from the year 1119
until the year 1846 (Lon-
dres, 1885) a été publié par
la nièce de l'auteur, Geor-
gina Mundy.
FRAMYNGHAM (Wil-
liam), écrivain anglais, né à
Norwich enfévr. 1512, mort
le 25 sept. 1537. Il professa
au Queen's Collège de Cam-
bridge. Il a écrit en latin des
traités dont le Dr John Caius
nous a conservé la liste : De
Continentia (prose) , De
Consolatione ad JEmilia -
num Cœcum (vers), D.
Laurentii martyr ium
(vers), cEx7i:\5pto>aiç sive
Incendium Sodomorum
(vers), Idolatria {vers),
'Aps'TT) (vers), Epigram-
matum lib. IL
FRANC (Métrol. et nu-
mism.). Nom donné à di-
verses monnaies françaises
depuis le xive siècle jusqu'à
nos jours, ayant pour ca-
ractère commun de valoir
20 sols. La première pièce
qui ait été appelée franc
était une monnaie d'or dont
le roi Jean ordonna l'émission par lettres du 5 déc. 1360.
Cette ordonnance porte que l'on frappera des « deniers d'or
Fig.l.-IOIIANNESiDEI :
GRACIA : FRANCORV :
REX. Le roi, en costume
chevaleresque, à cheval,
galopant à gauche, bran-
dissant une épée. —
tf + XPOVINCLT-XPC-
REGNAT • XPC • 1MPE-
RAT. Croix fleuronnée.
FRANC
- 9B8 -
fin qui seront appelés francs d'or fin, lesquels auront cours
pour 20 sols tournois la pièce et de 63 de poids au marc
de Paris » (V. fig. 1).
Sous le règne de Charles V, cette pièce fut dite franc à
cheval pour la distinguer d'une autre pièce de même valeur,
Fig. 2. — Franc à pied de Charles V.
que le peuple appela franc à pied (fig. 2), créée le 5 mai
1365 sous le nom de denier d'or aux fleurs de lis. Le
franc n'apparaît plus après le règne de Charles VI comme
monnaie réelle ; mais cette
expression continua de
désigner une somme de
20 sols tournois. De sorte
que lorsque le 31 mai 1575
Henri III interdit la fabri-
cation des testons pour les
remplacer par des pièces
de 20 sols, on donna à ces
pièces d'argent le nom de
francs. Ces francs étaient
au titre de 10 deniers d'ar-
gent fin, à la taille de 17
pièces 1/4 au marc. La
livre de compte devenait
donc à nouveau une mon-
naie réelle, comme elle
l'avait été au xive siècle ;
mais, tandis qu'en 1360
elle était représentée par
une pièce d'or, en 1575
elle l'était par une pièce
d'argent (V. fig. 3).
On fabriqua des demi-
francs et des quarts de
franc au même type, va-
lant respectivement 10 et
5 sols. On frappa encore
des francs sous Henri IV
et Louis XHI. Mais sous
Louis XIV les pièces de
20 sols ne portent plus le
nom de franc. Le mot
franc continua de dési-
gner 1 livre ou 20 sols.
On disait indifféremment tant de livres ou tant de francs.
Depuis l'an III, le franc est l'unité monétaire réelle (fig. 4).
La loi du 18 germinal an III porte : « L'unité des mon-
Fig. 3.- HENRICVS • III • D •
G-FRANC • ET • POL -REX
(la date). Buste du roi, lauré,
de profil à droite; sous le
buste, la lettre indiquant l'a-
telier monétaire. — i^ + SI-T*
NOMEN • DOMINI • BENE-
DICTVM. Croix dont le
centre est formé par un H et
les bras par des fleurons
fleurdelisés.
Fig. 4. — Franc du Consulat.
naies prendra le nom de franc pour remplacer celui de
livre usité jusqu'aujourd'hui. » Dans le système métrique
décimal, le franc se divise en 10 décimes et le décime en
10 cent. La pièce d'un franc est en argent; elle pèse 5 gr.
(loi du 28 thermidor an III). La différence du franc à la livre
tournois était d'un 80e. Ainsi, un franc équivalait à 1 livre
3 deniers tournois (V. Système métrique). M. Prou.
FR ANC-Alleu (Droit) (V. Alleu).
F R ANC-Archer (V. Archers [Francs-]).
FRANC-Canton (Blas.). Pièce honorable, semblable au
franc-quartier diminué et au canton un peu agrandi ; c'est
une marque d'ancienne franchise et souvent une concession
du souverain. En réalité, il occupe l'espace laissé vide
par la croix et on l'appelle franc parce qu'il est le seul de
son espèce sur l'écu ; il est d'ordinaire placé en haut à
dextre, mais il peut l'être autrement, ce qu'il faut spéci-
fier. Contrairement au franc-quartier, il peut servir de
brisure : d'argent au franc-canton de gueules.
FRANC-Carreau. Jeu de hasard mentionné par Buffon
dans son Histoire naturelle et qui consiste à lancer un
disque circulaire au hasard sur un pavage formé de poly-
gones réguliers. Le joueur qui lance le disque gagne si le
disque tombe franc-carreau , c.-à-d. s'il ne coupe le
périmètre d'aucun des polygones formant le pavage. Le
jeu de franc-carreau a été le point de départ d'une foule
de questions intéressantes concernant le calcul des proba-
bilités et en particulier au problème de Y aiguille; si l'on
trace sur un plancher des droites parallèles équidistantes
et si on lance au hasard sur ce plancher une aiguille, elle
rencontrera ou ne rencontrera pas l'une des parallèles ; la
2/
probabilité de la rencontre est — , l désignant la longueur
de l'aiguille et a la distance de deux parallèles; il en résulte
un moyen expérimental pour la détermination du nombre rc.
Si en effet on lance un grand nombre de fois sur un plan-
cher, comme celui dont il vient d'être question, une aiguille
de longueur - et si l'on divise le nombre total des épreuves
par le nombre de fois que l'aiguille rencontre un parallèle,
on trouvera un nombre d'autant plus voisin de tc que le
nombre des épreuves sera plus grand. Mais nous devons
avertir le lecteur que ce procédé pour le calcul de % est
fort long; ainsi pour obtenir deux décimales exactes il
faudrait faire plus de dix mille épreuves. H. L.
Bibl. : Buffon, Histoire iiaturelle. — Bertrand, Calcul
différentiel et intégral, 2 vol. — Laplace, Théorie analy-
tique de probabilités .
FRANC-Bord (V. Pêche).
FRANC-Bourgeois. Nom qu'on donnait fréquemment
pendant le moyen âge à ceux des habitants qui jouissaient
des franchises de bourgeoisie, et particulièrement à ceux
qui, dépendant du roi ou d'un seigneur laïque ou ecclé-
siastique, ne participaient pas aux charges municipales
(V. Bourgeois).
franc-Fief (V. Fief).
FR ANC-Homme (Ane. dr. fr.). Nom qui servait ancien-
nement à désigner tous ceux qui possédaient des fiefs,
qu'ils fussent nobles ou roturiers. Il y avait toutefois entre
les uns et les autres cette différence que les nobles jouis-
saient d'une franchise absolue, tandis que les roturiers
n'étaient francs qu'autant qu'ils demeuraient sur leurs
fiefs. Dans ce dernier cas, on en vint à appeler le fief un
franc-fief. La franchise des nobles consistait dans l'exemp-
tion des servitudes auxquelles les roturiers étaient ordi-
nairement assujettis. Les roturiers eux-mêmes, quand ils
demeuraient sur leur fief, avaient cet avantage de ne pou-
voir être ajournés du soir au matin ou du matin au soir,
comme les autres roturiers, mais à quinzaine, comme les
nobles. Il est question de cette franchise que communi-
quaient les fiefs, dans : Jean Bouthillier (Somme rurale,
liy. II, tit. 10); Philippe de Beaumanoir (chap. xlvi);
Pierre de Fontaines (chap. m, 5). D'après ce dernier texte,
la possession d'une terre noble n'anoblissait pas, mais
donnait seulement « franchise à l'homme roturier, qui tant
qu'il couche et liève sur son franc-fief, est mené par la
loi de franchise là où il se tient ». Néanmoins, le fait
même de la teniire féodale a pendant longtemps été une
cause d'anoblissement (V. Fief). G. R.
FRANC-Juge (V. Juge).
FR ANC-Quartier (Blas.). Pièce héraldique occupant le
quart de l'écu ; c'est le premier quartier de l'écu écartelé
ou, autrement dit, la partie dextre du chef de l'écu divisé
en quatre ; il doit être d'un autre émail que le champ et ne
peut jamais être employé comme brisure. Le franc-quartier
joue un grand rôle dans les armoiries concédées par le
premier Empire. Les hautes fonctions des grands digni-
taires s'y trouvaient indiquées par des francs-quartiers spé-
ciaux : d'azur, au franc-quartier d'argent (V. Blason).
FRANC-Tireur. I. Art militaire. — Les francs-tireurs
sont des corps de troupes volontaires qui s'organisent généra-
lement dans un pays envahi, pour faire la guerre de partisans,
éclairer les armées régulières, inquiéter les communications
de l'ennemi, attaquer ses convois, surprendre ses détache-
ments, etc. Si le dévouement, le désintéressement et l'ardeur
patriotique les animent, ils peuvent rendre de grands ser-
vices ; si, au contraire, il se glisse, en quantité notable,
parmi eux, des gens qu'attirent seuls le goût des aventures,
l'amour du lucre et du pillage et la répugnance à se plier
aux règles de la discipline qui les attendent dans l'armée
régulière, ils sont la pire des choses. Il y eut des uns et
des autres, chez nous, pendant la guerre de 4870-71.
Nous citerons parmi les premiers les francs-tireurs de
Paris (Lipowski), de Cannes et de Nantes qui défendirent
Châteaudun, et les partisans sortis de la place de Langres
qui, sous le commandement d'hommes résolus comme le
commandant Bernard et le capitaine Coumès, firent sauter
te pont de Fontenoy. Ed. Sergent.
II. Droit international (V. Guerre).
FRANC (Martin Le) (V. Le Franc).
FRANC de Bruges (Le) (V. Bruges).
FRANCA-Trippa. Personnage scénique dont le nom in-
dique suffisamment l'origine italienne, type de farceur
qui fut fameux à Paris dès le xvie siècle. Il y avait été
importé par un bouffon excellent, Gabriello de Bologne, qui
faisait partie de la troupe des Gelosi, que Henri III avait
appelé d'Italie en France en 1576. On assure que ce Ga-
briello était précisément l'inventeur du type de Franca-
Trippa, sur lequel d'ailleurs on n'a aucun renseignement
précis. Le souvenir s'en est uniquement conservé chez
nous par l'admirable dessin de Callot, qui, dans ses Balli
di Sfessania, a représenté le personnage en son costume
traditionnel, avec sa casaque, son pantalon flottant, son nez
crochu, son menton pointu, son chapeau à double plume
et sa batte, exécutant une de ses gambades familières.
FRANÇAIS (Dr. civ.) (V. Citoyen et Nationalité).
FRANÇAIS (Théâtre) (V. Comédie-Française).
FRANÇAIS comique et lyrique (Théâtre-) (V. Théâtre-
Français).
FRANÇAIS (François-Louis) , éminent paysagiste français
contemporain, né à Plombières (Vosges) le 17 nov. 1814.
Ses débuts dans la vie furent pénibles. Venu à Paris à l'âge
de quinze ans, il dut accepter un emploi infime dans une
librairie, et il consacrait ses loisirs à l'étude du dessin. Au
bout de quelques années, il put se créer des ressources suf-
fisantes en fournissant des dessins d'illustration à des édi-
teurs. Il entra à l'Ecole des beaux-arts le 12 avr. 1834, et
fut ensuite élève de Corot et de Jean Gigoux. Ses premières
toiles, exposées aux Salons de 1837 et de 1838, furent
exécutées en collaboration avec H. Baron pour les figures.
Son Jardin antique (S. 1841; musée de Plombières)
commença sa réputation, et son talent de paysagiste s'affirma
d'année en année. De cette première période de sa carrière, il
faut retenir : Saint-Cloud, étude, avec depetites figures par
Meissonier (S. 1846), et aussi de très remarquables litho-
graphies d'après Th. Rousseau, Marilhat, J. Dupré, etc. Il
alla ensuite en Italie et les deux paysages qu'il envoya au
Salon de 1848 furent très admirés. Dans son œuvre
considérable se distinguent surtout les tableaux suivants :
— 989 — FRANC — FRANC-ALLEU
la Fin de l'Hiver (S. 1853; musée du Luxembourg);
Soleil couchant, Souvenir d'Italie et un Sentier dans
les blés, plateau d'Ormesson (S. 1855); Vue prise
au Bas-Meudon (acquis par le prince Napoléon) ; le Soir,
bords de la Seine (au musée d'Epinal); Au Bord de
Veau, environs de Paris (musée de Nantes), œuvres
exposées au S. de 1861 ; Orphée (S. 1863 ; musée du Luxem-
bourg), et surtout Daphnis et Chloé, regardé comme le
chef-d'œuvre de l'artiste (S. 1872 ; même musée). Il ne faut
point oublier les nombreuses gravures sur bois exécutées
d'après ses dessins pour l'édition de Curmer de Paul et Vir-
ginie, pour Boland furieux, pour la Jérusalem délivrée,
pour le Magasin pittoresque, pour les Chansons popu-
laires des provinces de France, pour la Touraine et les
Jardins de l'éditeur Marne, etc. ; de même que sa décora-
tion de la chapelle des fonts baptismaux à l'église de la Tri-
nité à Paris. Ses principales œuvres ont été reproduites par
la gravure, la lithographie et par des procédés variés.
M. Français est un des maîtres du paysage, où il brille
par des qualités de premier ordre. C'est un éclectique plein
de charme, sachant allier les principes essentiels de l'idéa-
lisme avec les saines impressions de la réalité, aussi bien
par le choix de ses sujets et le goût dans la composition
que par le sentiment d'une poésie intense qu'il y fait péné-
trer, par la touche fine et légère de son pinceau et par une
grande probité d'exécution, qui ne laisse rien d'indécis. Quoi-
qu'il ait emprunté nombre des sujets de ses tableaux à des
contrées diverses, surtout à l'Italie, il est toujours resté le
peintre favori des rives de la Seine et de la campagne pa-
risienne. Il succéda, en 1890, à Robert-Fleury à l'Acadé-
mie des beaux-arts. G. Pawlowski.
FRANÇAIS de Nantes (V. François de Nantes).
FRANÇAISE (La). Ch.-l. de cant. du dép. de Tarn-et-
Garonne, arr. de Montauban, sur la rive droite du Tarn ;
3,197 hab. Ancienne bastide construite par les officiers de
Philippe le Hardi sur un terrain concédé par la famille de
Saint-Geniès. La charte de coutumes, dont une ancienne
traduction française très défectueuse a été publiée par Mary-
Lafon {Antiquaires de France, Mémoires, t. XVI) porte
la date de juil. 1275. Tout près de la nouvelle bastide
existait anciennement un prieuré dépendant de l'abbaye de
Moissac, Saint-Pierre-de-Bénas, qui servit longtemps de
paroisse, concurremment avec l'église Notre-Dame de la
Peyrouse (citée dès 1065). L'église paroissiale, dédiée à
saint Georges, ne paraît pas avant la fin du xve siècle. La
Française fut dès la fin du xme siècle cédée par le roi aux
comtes de Périgord et rattachée par ceux-ci à la baronnie
de Caussade. En 1306, le comte Hélie de Talleyrand con-
firma les privilèges de la ville ; un peu plus tard, elle
tomba aux mains des Anglais, et resta en leur pouvoir
pendant plus de deux ans ; elle fut reprise par les Français
sous Aimeri de Rochechouart eirnov. 1352. Auxvr3 siècle,
la ville eut également à souffrir des guerres de religion, et les
Montalbanais l'occupèrent à main armée en 1567 et 16y26.
Bibl. : D. Vaissète, Histoire de Languedoc, nouv. éd.,
IX, passif)!. — Moulenq, Documents historiques sur le
Tarn-e'c-Garonne, III, 78 et suiv. — Curie-Seimbres, Essai
sur les bastides, p. 219.
FRANÇAISE (Rivière) ou FRENCH River. Rivière du
Canada, prov. d'Ontario ; elle porte au lac Huron (baie
Géorgienne) les eaux du lac Nipissing ; son cours de
90 kil. n'est guère qu'un chapelet de lacs séparés par
des rapides.
FRANC-ALLEU. Ancien pays de France, aujourd'hui
compris dans le dép. de la Creuse, sur les confins du Puy-
de-Dôme. Ce petit pays s'étendait sur une vingtaine de com-
munes groupées autour de Bellegarde, Crocq et Mainsat,
plus quelques villages qui, par une de ces bizarreries fré-
quentes dans la géographie administrative de la France
avant 1789, étaient près de Bourganeuf, à plus de 40 kil.
du reste du Franc-Alleu. Quelques-unes de ces communes
étaient du diocèse de Clermont, la plupart du diocèse de
Limoges. Le Franc-Alleu se considérait comme une sub-
FRANC-ALLEU — FRANCE
— 960
division de la province d'Auvergne et ressortissait primi-
tivement à Riom ; il fut rattaché à Guéret au moment de
la création du présidial de cette vdle, en 4635. Au point
de vue financier, le Franc-Alleu fit d'abord partie, au
commencement du xve siècle , de l'élection du Haut-
Limousin, puis il fut érigé en circonscription distincte, réuni
derechef au Haut-Limousin (fin du xve siècle) et enfin
incorporé à l'élection d'Evaux en Combraille. L'origine du
Franc-Alleu est assez obscure : ce petit pays paraît s'être
séparé de la Combraille au xive siècle. La capitale était
Bellegarde, ville franche dont la fondation remonte peut-
être à Alphonse de Poitiers. A. Thomas.
FRANCALMONT. Corn, du dép. de la Haute-Saône,
arr. de Lure, cant. de Saint-Loup ; 278 hab.
FRANCARVILLE. Corn, du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Villefranche-de-Lauragais, cant. de Caraman;
510 hab.
FRANCASTEL (Francum Castrum). Corn, du dép.
de l'Oise, arr. deClermont, cant. de Crèvecœur; 2,293 hab.
Ce lieu était une ancienne châtellenie du comté de Breteuil ;
il avait un château important qui était encore debout au
xvie siècle et dont quelques restes subsistent encore ; le
village lui-même était fortifié. L'église est romane, en par-
tie du xne siècle. On a trouvé dans le pays de nombreux
sarcophages. Filature de laine. C. Sx-A.
FRANCASTEL (Marie-Pierre -Adrien), homme politique
français, né à une date inconnue, mort à Paris le 9 mars
1831. Administrateur du district d'Evreux, élu par le dép.
de l'Eure premier suppléant à la Convention (9 sept. 4792),
il ne fut appelé à siéger que le 27 juin 1793 en remplace-
ment de Buzot proscrit. Il prit place dans les rangs de la
Montagne et fut adjoint le 4 juil. au comité de Salut public
pour aider par sa connaissance des lieux à la répression
du mouvement girondin en Normandie. Le 13 oct., il partit
en mission à l'armée de l'Ouest avec Carrier, Bourbotte,
Pinet et Turreau. Il se rendit fameux par ses rigueurs et
par l'exagération de son langage et de son style. Il révo-
lutionna Angers et annonça de cette ville à la Société des
Jacobins, le 8 nivôse an II (28 déc. 1793), la destruction
de la Vendée. « Mes frères, s'écriait-il, que la terreur ne
cesse d'être à l'ordre du jour et tout ira bien. » A Nantes,
il se montra l'émule de Carrier. Il avait, le 49 nivôse
(8 janv. 1794), sollicité son rappel pour raison de santé ;
il adressa à la Convention, conjointement avec Hentz, un
rapport sur leur mission en Vendée et rentra à Paris. Il
devint secrétaire de l'Assemblée le i er prairial an II (20 mai
1794), fut dénoncé par la Société populaire d'Angers
comme complice de Carrier le 22 thermidor an III (9 août
1795), se justifia et ne fut pas inquiété. Non réélu aux
Conseils, Francastel devint commissaire du gouvernement
sur les frontières d'Espagne pour l'introduction des béliers
de race espagnole, puis entra au ministère de la guerre,
d'où il sortit en même temps que Bernadotte (15 sept.
1799). En 1806, si on en croit la Biographie de Leipzig,
il dirigeait la ménagerie de Versailles. Il vécut obscuré-
ment et sollicita de Carnot pendant les Cent-Jours, comme
ex-conventionnel, une place dans une bibliothèque ou
dans un ministère (lettre datée de Versailles le 8 mai
1815). Etienne Charavay.
Bibl. : Moniteur. — Jacques Charavay, Catalogue ré-
volutionnaire. — L'Amateur d'autographes, n° 112, p. 248.
FRANCAV1LLA ou FRANCHEVILLE (Pierre), sculpteur
des xvie-xvne siècles (V. Francheville).
FRANÇAY. Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. d'Herbault; 446 hab.
FRANCAZAL. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de Salies-du-Salat ; 67 hab.
FRANCE. GEOGRAPHIE PHYSIQUE. — Limites et
superficie. — La France est un des Etats de l'Europe. Elle
est située dans l'hémisphère du Nord, dans la partie occiden-
tale de l'Europe; d'une part entre 54° 5/ (à Zuydcoote, au
N. de Dunkerque) et 42° 20' (au S. du Puigmal) de lat.;
d'autre part entre 7° 8' de long. 0. (à la pointe de Corsen)
et4°52' de long. E. (à la frontière des Vosges). Le con-
tour de la France peut être inscrit dans un hexagone. Le
côté N.-O., du village de Zuydcoote à la pointe de Corsen,
est baigné parla mer du Nord, le pas de Calais et la Manche
(la côte française est échancrée à l'intérieur de cette ligne
géométrique par la baie de la Seine et le golfe de Saint-
Malo) ; le côté 0., de la pointe de Corsen à l'embou-
chure de la Bidassoa, est baigné par l'océan Atlantique et
le golfe de Gascogne (cette ligne géométrique est la corde
de l'arc formé par la côte française); le côté S.-O., de l'em-
bouchure de la Bidassoa au cap Cerbère est une frontière
de terre entre la France et l'Espagne, limitée par les Pyré-
nées ; le côté S.-E., du cap Cerbère, au pont Saint-Louis,
extrémité de la commune de Menton, est baigné par la
Méditerranée (sur cette ligne géométrique le golfe du Lion
forme un enfoncement et la côte de Provence une saillie) ;
le côté E., du pont Saint-Louis au mont Donon (Vosges),
est une frontière de terre entre la France et l'Italie for-
mée par la crête principale des Alpes, entre la France et
la Suisse formée par l'une des crêtes du Jura, entre la
France et l'Alsace (Empire allemand) formée par les Vosges ;
le côté N.-E., du Donon à Zuydcoote, frontière de terre entre
la France et l'Alsace-Lorraine (empire allemand) , entre
la France et le grand-duché de Luxembourg, entre la
France et la Belgique. Avant Tannée 1871, le territoire
français s'étendait au N.-E. jusqu'au Rhin et comprenait
l'Alsace et la Lorraine septentrionale, c.-à-d. un territoire
d'environ 14,500 kil. q. dont la guerre de 1870-1871 a
fait une possession de l'empire allemand.
La plus grande longueur du territoire français, duN. au
S., depuis le point où la frontière commence sur la côte de
la mer du Nord jusqu'à la Serre de la Bague de Bourdeil-
lat (Pyrénées-Orientales), est de 973 kil.; la plus grande
largeur de l'O. à l'E., depuis la pointe de Corsen jusqu'à
la crête des Vosges, à l'E. du village de Lubine, est de
888 kil. ; la diagonale, de la pointe de Corsen au pont Saint-
Louis, est de 1,082 kil. La superficie de ce territoire, en y
ajoutant la Corse (8,747 kil. q. d'après Y Annuaire du
Bureau des longitudes, 8,800 d'après la Situation
financière des communes en 1891), n'est pas connue
avec une parfaite exactitude. Le nombre de 528,400 kil. q.
(52,840,000 hect.) donné par Y Annuaire du Bureau
des longitudes peut être regardé comme la mesure la
plus autorisée jusqu'à ce jour. Toutefois, ce nombre, qui
a été établi d'après les superficies cadastrales, est vrai-
semblablement inférieur à la réalité. Les superficies données
dans des documents officiels entre les années 1878 et 1886
varient de 52,700,680 hect. {Situation financière des
communes, 1878) à 52,910,373 hect. (résultat d'un
travail fait par les directeurs des contributions directes).
Le^général Strelbitsky, d'après des mesures planimétriques
qu'il a prises avec beaucoup de soin pour déterminer la su-
perficie des Etats d'Europe, a trouvé 534,479 kil. q. En
1 886, le Conseil supérieur de statistique a émis le vœu que
la mesure planimétrique des départements français fût
calculée sur la carte d'état-major au 80,000e; le Service
géographique de l'armée a entrepris le travail et trouvé une
superficie de 536,408 kil. q. (les résultats de ce travail
par département ont été publiés ; ils ne Font pas été encore
par arrondissement) (V. pour plus de détails la France
et ses colonies, par E. Levasseur, 1. 1, p. 2, et t. II, p. 669).
Dans la Situation financière des communes en 4891,
le ministre de l'intérieur a publié les résultats d'une revi-
sion des superficies cadastrales faites dans chaque départe-
ment par le préfet et par le service des contributions directes;
ces superficies ayant varié par suite de la réfection du
cadastre d'un certain nombre de communes, de l'incorpo-
ration au cadastre de terrains conquis et mis en valeur,
comme dunes et alluvions, des changements que des ces-
sions ont fait subir à quelques départements et à des com-
munes, le total de ces résultats est de 52,934,589 hect.
Mais il faut remarquer qu'il y a certaines parties du ter-
— 961
FRANCE
ritoire qui ne sont pas cadastrées, comme les estuaires
des fleuves et les glaciers, et que la superficie totale de la
France doit être par conséquent supérieure à la superficie
cadastrale.
Trois Etats en Europe ont une superficie plus grande que
la France : la Russie d'Europe qui est environ dix fois
plus grande ; l'Autriche-Hongrie (avec la Bosnie) qui est
plus grande d'un cinquième ; l'empire allemand qui est
plus grand d'environ un quarantième.
Côtes. — Sur les six côtés de la France, trois sont
baignés par la mer. — La côte de la mer du Nord,
orientée du N.-E. au S.-O., est une plage basse, bordée çà
et là de dunes; la mer est peu * profonde ; à 20 kil. du
rivage les navires rencontrent encore de dangereux bancs
de sable. Les principaux ports sont Dunkerque, projetant
au loin ses deux jetées, Gravelines, Calais, tête de ligne du
service postal entre la France et l'Angleterre. Le détroit dit
pas de Calais, nommé canal de Douvres (Dover Channel)
par les Anglais, n'a que 32 kil. de largeur entre les deux
côtes: toutes deux so\it hautes, formées de terrain crétacé,
coupées en falaise, minées par le flot. Celle de France pro-
jette à ses deux extrémités le Blanc-Nez (105 m.) et le
Gris-Nez (50 m.), le cap Gris-Nez, plus saillant, est sur-
monté d'un phare puissant. La côte de la Manche a des
aspects divers. Dans le Boulonnais elle est généralement
montueuse et bordée de falaises; l'embouchure de la Liane
y a donné naissance au port de Boulogne; plus au S. le cap
d'Alprech porte un phare d'une longue portée. Au S. de ce
cap, la côte du Marquenterre est basse, bordée de dunes et de
marécages. La Candie, YAuthie, la Somme y débouchent,
cette dernière dans une grande baie vaseuse. A 20 kil. au
S. de cette baie commence le pays de Caux : la côte se
relève et présente à la mer une muraille de falaises cal-
caires, hautes d'une centaine de mètres, coupées par de
verdoyants vallons où coulent les rivières et où se trouvent
Le Iréport, Dieppe, Fécamp. Un peu au delà à'Etretat,
au cap d'Antifer,h côte tourne au S.-O. jusqu'au cap de
la Hève, pointe terminale de la falaise du pays de Caux,
haute de 405 m., surmontée d'un double phare électrique
dont la lumière porte jusqu'à 50 kil. en mer. Ce cap marque
l'entrée de X estuaire de la Seine sur les rives duquel se
trouvent au N. le grand port du Havre et, au S., le petit
port de Honfleur.
La baie de la Seine commence au cap de la Hève et
s'étend à l'O. jusqu'à la presqu'île du Cotentin. On y trouve
des galets du côté du Havre, des plages de sable ou de vase,
quelques roches et quelques dunes, en arrière de l'Orne,
des falaises ou des coteaux verdoyants ; beaucoup de sta-
tions balnéaires, Irouville, Villers-sur-Mer, Cabourg,
Courseulles, etc. La Touques, la Dives, Y Orne y débou-
, client. A l'O. de l'embouchure de l'Orne sont les rochers à
fleur d'eau auxquels le naufrage d'un des navires de la Grande
Armada a fait donner le nom de rochers du Calvados.
L'embouchure de la Vire et de la Taule forme une large
baie vaseuse où sont, à l'entrée, les rochers de Grand-
camp et, au fond, les ports tflsigny et de Carentan. A
TO. de la baie commence le Cotentin, longue presqu'île
qui fait saillie dans la Manche et dont la côte est basse et
sablonneuse jusqu'à la baie de la Hougue, en face de la-
quelle sont les îlots de Saint-Marcouf, granitique et
abrupte au N. de Saint-Vaast de la Hougue. La côte
orientale du Cotentin se termine un peu au N. de Bar fleur.
La côte septentrionale présente à ses deux extrémités deux
pointes, la pointe de Barfleur à l'E., la pointe de la
Hague à l'O. et au centre le port militaire de Cherbourg
que sa belle digue ne défend plus que très imparfaitement
contre l'artillerie navale. Sur la côte occidentale du Cotentin,
les rochers, les plages sablonneuses, les dunes et les falaises
alternent ; Granville enveloppe de ses constructions une
pointe de roc. Les îles Anglo-Normandes sont en face
de Granville; elles sont séparées du Cotentin par le
passage de la Déroute et par le raz Blanchart où la
marée détermine des courants violents et variables. Le golfe
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
de Saint-Malo s'étend entre ces îles, le Cotentin et
la Bretagne ; on y voit les îles Chausey dont la plupart
sont des rochers inhabités, et le rocher desMinquiers. La
baie du mont Saint-Michel, qui forme le fond du golfe,
commence au S. de Granville ; elle doit son nom au mont
Saint-Michel, rocher conique, surmonté d'une magnifique
église, enveloppé d'un village ; la mer en fait deux fois
par jour une île, ainsi que du rocher de Tombelaine.
Cette baie est un des points d'Europe où la marée s'élève
le plus haut (jusqu'à 45 m.) et se retire le plus loin à
marée basse (jusqu'à 7 kil. aux marées d'équinoxe) ; trois
rivières, la Sêe, la Selune et le Couesnon débouchent
sur la grève de cette baie.
La Bretagne est une longue presqu'île qui sépare la
Manche de l'Océan ; ses côtes sont en général rocheuses,
découpées d'estuaires et de baies, semées d'îles et peuplées
de pêcheurs. A l'O. de l'embouchure du Couesnon, fron-
tière de la Normandie et de la Bretagne, se trouve la baie
de Cancale, avec ses parcs aux huîtres, et la pointe du
Grouin; plus à l'O., l'estuaire delà Bance, derrière lequel
sont les ports de Saint-Malo, de Saint-Servan et la station
balnéaire de Dinard, de Cesambre, couvert par un rideau
d'îles rocheuses, etc. ; puis la baie de Lancieux, la pres-
qu'île de Saint-Jacut, la baie de VArguenon, le cap Frehel
dont la falaise escarpée est surmontée d'un beau phare. Au
cap oVErquy commence la longue échancrure de la baie de
Saint-Brieuc au fond de laquelle est, à l'embouchure du
Gouet, le Légué, port de Saint-Brieuc. Le sillon de Tal-
bert, chaussée de cailloux, forme la pointe la plus septen-
trionale de la Bretagne. Au delà de l'estuaire du Trieux
sont les îlots de Bréhat dont le plus septentrional est
muni d'un phare qui guide les marins dans ces parages
dangereux, la pointe du Sillon, les Sept-Iles, la rivière
et la ville de Morlaix, la pointe de Bloscon qui abrite
Bosco ff et s'avance vers Vile de Batz. La côte du Finis-
tère incline au S. depuis la pointe du Four et présente à
la mer une suite de rocs dont la pointe de Corsen est l'ex-
trémité occidentale et dont la pointe de Saint-Mathieu est
la plus connue. En avant, un chapelet d'écueils, entre les-
quels sont le passage du Fromveur et le chenal du Four,
s'étend jusqu'àl'lte oVOuessant. Au S. de la pointe s'ouvre
la profonde et belle rade de Brest, bassin qui commu-
nique avec la mer par l'étroit passage du Goulet et sur la
rive septentrionale de laquelle est le port militaire de Brest.
La presqu'île de Crown sépare cette rade de la baie de
Douarnenez; celle-ci est séparée à son tour par le bec du
Raz, à l'extrémité duquel sont la chaussée de Sein,
Y île de Sein, restée célèbre par ses souvenirs druidiques,
et le phare d'Armen, récemment construit sur un écueil
au milieu d'une mer presque toujours agitée.
A partir de la pointe de Penmarcli, qui limite
la baie d'Audierne, commence la côte méridionale de la
Bretagne. Les principaux accidents de cette côte sont
l'embouchure de YOdet, Yanse de Bénodet, Yanse de
Concarneau, Yestuaire du Blavet au fond duquel est
le port militaire de Lorient, le Morbihan (nom qui signifie
mer petite) semé d'îles, l'étroite presqu'île de Quiberon
et celle de Buis, Yestuaire de la Vilaine. En avant
de cette côte sont les îles de Glenans, Yîle de Groix,
Belle-Ile, l'île d'Hœdic et la suite de rocs qui se pro-
longent jusqu'à la pointe du Croisic. Entre la pointe
de Chemoulin et la pointe de Saint-Gildas est Y em-
bouchure de la Loire sur la rive septentrionale de
laquelle ont été creusés les bassins de Saint-Nazaire qui
est pour ainsi dire l'avant-port de Nantes. Au S. de la
dernière pointe, la baie de Bourgneuf, vaseuse, est abritée
par l'île de Noirmoutier dont le chenal est guéable à
marée basse (passage du Goua). Les Sables-d'O tonne,
dont les bains sont fréquentés, Yîle d'Yen, l'embouchure
de la Sèvre Mortaise, h pointe de l'Aiguille, les parcs à
moules de la baie d'Aiguillon, les grandes îles de Ré et
d'Oléron séparées par le peignis d'Antioche (le pertuis
Breton sépare Ré de la terre ferme), le port de La Ro
61
FRANCE
— 962 —
chelle abrité par ces îles, le port militaire de Rochefort,
situé à l'intérieur des terres sur la Charente, enfin la
pointe de la Coubre, qui signale l'embouchure de la Gi-
ronde, sont les principaux incidents de cette côte.
Entre la pointe de la Coubre et la pointe de la Grave
se dresse le phare de la tour de Cordouan et s'ouvre le
long et large estuaire de la Gironde à l'extrémité duquel
sont le port de Bordeaux sur la Garonne et le port de
Libourne sur la Dordogne. Les trois villes de Rouen, Nantes
et Bordeaux ont été bâties à l'endroit où se fait encore
sentir la marée sur le fleuve auquel elles servent d'entre-
pôt maritime. Entre la Gironde et l'Adour la côte des
Landes est uniforme, inhospitalière, bordée de dunes der-
rière lesquelles s'allonge un chapelet d'étangs ; un de ces
étangs, le bassin d'Arcachon, s'est ouvert un passage
jusqu'à la mer par un goulet que signale le cap Ferret.
Au S. de l'embouchure de VAdour, fleuve sur lequel se
trouve le port de Bayonne, la côte change d'aspect par
suite de la proximité des Pyrénées et dessine la jolie baie
de Saint- Jean-de-Lu% au fond de laquelle se jette la Ni-
velle. L'embouchure de la Bidassoa marque la limite de
la France et de l'Espagne. Toute cette côte, depuis l'île de
Ré, est baignée par le golfe de Gascogne.
La Méditerranée baigne, depuis les Pyrénées jusqu'à
Menton, la côte méridionale de la France qui comprend
trois sections principales, la côte basse du Languedoc, le
delta du Rhône et la côte rocheuse de Provence. Au N. du
cap de Creus, formant l'extrémité des Pyrénées et situé
en Espagne et du cap Cerbère, limite de la France, les
montagnes projettent jusque par delà Port-Vendres leurs
promontoires rocheux ; puis la côte est plate, sablonneuse,
bordée des étangs de Leucate, de Sigean, de Thau, de
Mauguio, présente les ports à'Agde et de Cette et les
embouchures du Tech, de la Têt, de Y Aude, de YOrb, de
Y Hérault et forme un grand arc de cercle qui enveloppe
le golfe du Lion et se termine à TE. par les golfes
d'Aigues-Mortes et des Saintes-Mariés. A l'E. du delta
du Rhône, formant dans la mer un arc saillant de terrains
vaseux et de graus, s'ouvre le golfe de Fos, puis le grau
du port de Bouc, qui fait communiquer avec la mer le
grand étang de Berre. Là commencent les premiers acci-
dents du terrain alpestre, A l'E. du cap Couronne sont
la baie et le grand port de Marseille qu'abritent les îles
de Ratonneau et de Pomègues et que signale au loin le
phare du Planier. A l'E. de Marseille, la côte est haute,
rocheuse, découpée de baies, comme la baie de la Ciotat;
elle projette l'abrupte presqu'île du cap Sicié que ter-
mine à l'E. le cap Sépét et qui, par une digue récente,
couvre la rade et le port militaire de Toulon. Au delà de
la presqu'île de Giens, les trois îles d'Hydres bordent la
rade d'Hydres bornée par le cap Sénat. La côte prend
ensuite la direction N.-E. et bordé de ses rocs et de ses
plages sablonneuses, inondées de soleil, les eaux bleues du
golfe de Gênes. On y remarque le cap Camarat, avec son
grand phare, le cap Roux, le cap de la Garoupe, h' pres-
qu'île de Villefranche, les golfes de Saint-Tropez et de
Pré jus, le golfe de laNapoule avec les îles Lérins, Cannes,
le petit, golfe de Joucn, Antibes; plus loin, Nice et ses
belles promenades ; le golfe de Villefranche, le rocher de
Monaco et enfin la plage de Menton. Derrière cette côte
toute bordée de villas et d'hôtels, se dressent les Alpes dont
les contreforts rocheux descendent jusqu'à la mer (V. pour
les détails des côtes les articles consacrés aux noms en
italique).
L'île de Corse est à 170 kil. au S. de la côte de Pro-
vence (Y. Corse). E. Levasseur.
Géologie. — La France est, comme on sait, merveil-
leusement dotée : diversité du paysage, du relief et du climat,
fécondité du sol, richesse en matériaux de toutes sortes,
abondance des voies naturelles de communication, rien n'y
fait défaut, et tout cela, devenu l'œuvre des temps géolo-
giques, au lieu d'être confusément distribué, obéit à une
symétrie bien ordonnée, offrant l'alliance heureuse d'une
grande variété de formes avec une frappante unité de struc-
ture. Notamment dans le Nord où la moitié du territoire fran-
çais prend la forme d'un grand bassin elliptique, incliné au
N.-O., et largement ouvert sur la Manche, mais fermé, par-
tout ailleurs, par une ceinture remarquable de massifs de
hauteur moyenne largement étalés; depuis la vallée de la
Vire jusqu'à celle de la Sambre, l'ensemble bien homogène du
Cotentin, de la Bretagne et de la Vendée, qui, dans l'Ouest
constitue la vieille terre d'Armorique, le Massif central
avec le Morvan, puis les Vosges et le plateau si parfaitement
nivelé de l'Ardenne, dessinent, en effet, autour de ce bassin,
marqué au centre par notre capitale , une enceinte dont la
continuité n'est rompue qu'en deux points : d'une part, entre
la Vendée et le Limousin par la trouée du Poitou, qui met
en communication facile ce bassin de Paris avec l'Aqui-
taine et les Pyrénées; de l'autre, le seuil de Langres,
(détroit morvano-vosgien) par où s'opère cette fois la
jonction entre la région parisienne et la vallée du Rhône
tandis qu'à son tour la trouée de Bel fort, en devenant dans
l'Est le prolongement immédiat de cette dépression, introduit
une voie de pénétration bien marquée vers l'Allemagne.
Quoi qu'il en soit, si ces cols que la géologie nous enseigne
avoir fait autrefois office de détroits mettant en relation
directe les mers qui, si souvent, ont rempli la cuvette pari-
sienne, aussi bien avec l'Atlantique par le golfe d'Aquitaine,
qu'avec la Méditerranée par celui du Rhône, facilitent encore
les communications entre le Nord de la France et le Midi,
elles n'en restent pas moins, pour les eaux courantes, des
lignes de partage à ce point accentuées qu'il n'est pas une
rivière dans le bassin de Paris qui ne devienne tributaire
des mers septentrionales.
Tout autre est l'allure des parties centrales et méridio-
nales du sol français. Dans cette direction s'introduit une
plus grande variété dans le relief, et les limites de notre
territoire, partout où la mer ne remplit pas ce rôle, y sont
marquées par des chaînes de montagnes bien caractérisées
offrant alors cette particularité de" devenir celles qui sé-
parent nettement la nation française des populations qui
lui ressemblent le plus par l'origine, la langue et les
mœurs, tandis que dans le Nord-Est ce sont des lignes de
relief d'importance moindre et de plus en plus atténuées
qui tracent ses limites avec les nations germaniques. Ainsi,
tandis que les Vosges avec leurs trouées bien connues,
et le plateau raviné de l'Ardenne lui-même isolé, entre
deux lignes d'invasion, celles de Sarreburg et de Sambre-
et-Meuse, deviennent des obstacles faciles à traverser — si
bien que, dans cette direction, le tracé conventionnel de
la frontière ouverte, bastionnée de forteresses, a subi, dans
ces variations, la fortune des armes — la grande muraille
des Pyrénées, dressée dans le sud des plaines de la Ga-
ronne, sur un étranglement des terres entre deux bassins
maritimes, rend les communications avec l'Espagne, sinon
impossibles, du moins bien difficiles pendant une bonne
partie de l'année. A son tour, depuis la Méditerranée jus-
qu'au lac de Genève, la haute chaîne des Alpes introduit,
dans le Sud-Est, -une barrière naturelle, bien arrêtée et
qui reste encore telle jusqu'au Rhin, sous la forme du
Jura, c.-à-d. d'une annexe septentrionale, bien caractérisée,
de la grande zone des plissements alpins. En somme, depuis
le pays basque jusqu'à la trouée de Belfort, les limites
continentales de la France sont tracées par de grandes
lignes de relief pouvant compter parmi les plus puis-
santes de l'Europe et dont la grande élévation, jointe à
une remarquable fraîcheur de profil, devient un signe de
jeunesse bien accentué. Inversement apparaît ensuite,
dans le centre, isolé de toute part au milieu des plaines
et des plateaux qui l'entourent, ce massif très largement
étalé, qu'un long travail d'érosion a façonné en un plateau
mamelonné de 600 m. d'alt. moyenne, justement qualifié
de central en raison dans sa situation. Ce dernier, en
effet, se révèle, avec sa surface vallonnée sans doute dans
le détail, mais plane dans l'ensemble, comme une des par-
ties les plus anciennes du sol français sur laquelle l'action
— 963 —
FRANCE
des agents extérieurs, poursuivie sans relâche pendant des
milliers de siècles a pu déterminer, non seulement l'af-
fleurement de larges bandes de granité, mais leur mise
en saillie sous la forme de chaînes de dômes arrondis
comme celle du Blond dans le Limousin, des monts de la
Marche, de la Margeride, etc. Quand on examine la
part qui lui revient dans le comblement des dépressions
avoisinantes par entraînement à la mer de tous les maté-
riaux enlevés par les érosions, on peut aisément en dé-
duire que son profil émoussé actuel représente une sur-
face déblayée de 2kil. au minimum ; et quand, par places,
on voit, comme en Auvergne, des édifices isolés se dresser
sur ce support granitique et gneissique à des hauteurs attei-
gnant presque 1 ,500 m. au Puy de Dôme, 1 ,800 au Mézenc,
4,900 avec les cimes du Cantal et du Mont-Dore, ou même
moindres dans la chaîne des Puys, on peut être sûr de se
trouver en présence d'additions récentes, dues aux phéno-
mènes volcaniques qui se sont faits jour au plein cœur du mas-
sif, quand les Alpes étaient en plein travail d'exhaussement.
Le relief français. 09 Hauteurs au-dessus de 2,000 mètres ;
S1I1 de 500 à 2,000 mètres; \MnB de 200 à 500 mètres.
C'est au nombre de ces massifs indépendants, peu élevés,
que figurent également dans l'Ouest le promontoire rocheux
et accidenté de l'Armorique, c.-à-d. cet ensemble bien homo-
gène du Cotentin, de la Bretagne et de la Vendée qui
constitue une région naturelle bien individualisée dont tout
le monde connaît l'aspect rude et sévère, le relief peu
accusé; puis, dans l'Est, les Vosges avec leurs collines gré-
seuses si remarquablement aplaties, et leurs cimes arron-
dies, brusquement interrompues en Alsace par la ligne du
Rhin qui est venue rompre leur continuité ancienne avec
la chaîne jumelle de la Forêt-Noire. Les plateaux schisteux
qui, sous les noms de Hunsrùck et à Ardenne, servent
ensuite de limite septentrionale au bassin de Paris, repré-
sentent à leur tour le dernier terme de cette série de hau-
teurs médiocres, sans alignements définis, et dépourvus, en
apparence, de tout lien entre eux. En ce point, quand, sur
les flancs des profondes vallées tortueuses qui traversent
ces plateaux, on voit combien l'allure plissée de leurs
couches primaires, ardoisières, gréseuses ou calcaires, forme
un contraste saisissant avec celle si remarquablement plane
de leur surface, on ne saurait douter qu'on se trouve en
présence d'anciennes montagnes depuis longtemps rasées
et dont l'emplacement vers le Nord est aujourd'hui en partie
occupé par les plaines crayeuses du Hainaut et de la
Flandre.
De toutes ces données, il résulte que le trait le plus
saillant présenté par le sol français c'est l'opposition com-
plète qui s'introduit entre le Nord et le Midi. Ces diffé-
rences sont à ce point accusées que si l'on prend, sur une
carte hypsométrique, la courbe de 500 m., on remarque
qu'un tiers de notre pays dans le Sud est porté à une ait.
supérieure à 500 m., sauf la dépression très allongée
du Rhône qui, se poursuivant au loin dans le Nord avec
la Saône, trouve moyen de faire arriver l'ait, inférieure
à 200 m. jusqu'au pied du plateau de Langres. Dans cette
grande dépression méridienne vient alors se placer un des
traits les plus importants de l'orographie du pays et qui,
continuant son influence très loin vers le Nord-Est, s'y
traduit par la trouée de Relfort, c.-à-d. par un ancien
détroit dont les eaux lacustres du Rhin ont profité autre-
fois pour se déverser dans la direction de la Méditerranée,
quand, à la fin de l'oligocène, les lacs aquitaniens de la
vallée rhénane se sont vidés. Dans cette dernière vallée
qui, symétriquement avec celle du Rhône, se poursuit droit
vers le Nord, l'ait, redevient inférieure à 200 m. jusqu'au
moment où le Rhin, abandonnant son allure tranquille de
fleuve de plaine, s'ouvre un passage de vive force au travers
du Taunus, tandis qu'elle se relève ensuite brusquement
à plus de 1,000 m. sur la ligne de faîte des Hautes
Chaumes vosgiennes qui trace la frontière dans cette direc-
tion. C'est le point le plus septentrional où l'on puisse voir
exceptionnellement notre sol français se relever au point
de prendre un caractère montagneux {Ballon de Gueb-
voilier ou Grand Ballon, 1,426 m. ; Hohneck, 1,366 m. ;
Donon, 1,010 m.). Mais cet accident, intéressant à noter
en raison de son isolement, n'est que temporaire car bien-
tôt, dès la trouée de Saverne, le sol s'affaisse avec les Basses-
Vosges gréseuses et c'est ensuite par une succession de
plateaux schisteux, accidentés de vallées tortueuses comme
celle de la Meuse, et de plus en plus abaissés, qu'on atteint
dans le Nord le territoire si remarquablement aplani des
Flandres. En ce point, qui devient la suite naturelle de
la grande zone des Pays-Bas d'Europe, la frontière conti-
nentale, purement conventionnelle, n'est pas seulement in-
décise, celle maritime ne l'est pas moins, la mer sur ces
espaces plats mal défendus contre l'attaque du flot par
des rangées de dunes, pouvant, suivant l'amplitude du jeu
des marées, s'avancer à plus d'un kil. dans l'intérieur du
continent ou se retirer d'autant.
Or c'est ce caractère d'aplanissement, c.-à-d. cette suc-
cession de plaines et de plateaux très bas, qui devient la
forme dominante du sol français dans toute l'étendue des
régions du Nord et de l'Ouest, c.-à-d. sur plus de la moitié
de notre pays. Dans toute cette grande zone transver-
sale, qui prend la France en écharpe depuis la Flandre
jusqu'aux contreforts pyrénéens , la hauteur moyenne
reste toujours au-dessous de 200 m., et les points où
le sol se relève sous la forme, très diversifiée, de collines,
de crêtes ou de rides allongées ne méritant la quali-
fication de montagnes qu'en raison de leur brusque saillie
au milieu de ce territoire aplani, ne sont que des accidents
isolés, en apparence dépourvus de tous liens entre eux. Tels
sont dans la péninsule armoricaine qui sépare en deux
cette longue écharpe de terres basses, drainées d'une part
par la Gironde, de l'autre par la Loire et par la Seine, les
hauteurs granitiques de la Gâtine (mont Mercure, 285 m.),
flanquées à l'O. par le Bocage vendéen, assis sur les
couches redressées des terrains primaires; puis, sur le re-
vers N. de la Cornouaille, en Basse-Bretagne, la montagne
Noire, avec ses grandes crêtes de quartzites sombres dévo-
niens (q. de Plougastel), et le petit massif intéressant du
Ménez-Hom (330 m.) qui, en isolant la presqu'île de
Crozon du reste du Finistère, marque, en même temps,
avec ses diabases et ses porphyrites, l'emplacement d'un
des foyers éruptifs les plus anciens de la région. Collée
cette fois au plateau septentrional du Léon, on remarque
ensuite, à cette même extrémité de la Bretagne, une nou-
velle ligne de crêtes rocheuses, faites de grès durs armo-
ricains, celle des monts d'Arrée qui supportent au mont
Saint-Michel de Brasparts (391 m.) le point culminant de
la région. Or en voyant que la montagne Noire se prolonge
assez loin vers le Sud avec la bande surélevée des landes
de Lanvaux, on ne peut échapper à cette conclusion
FRANCE
964
que ces massifs éparpillés de l'Ouest représentent d'an-
ciennes lignes de relief aujourd'hui démantelées et dont la
Gâtine, à l'extrémité de la Vendée, faisait partie. La cause de
cette interruption est facile à saisir quand on voit, dans
l'intervalle qui sépare la lande de Lanvaux du Bocage
vendéen, les Brières, c.-à-d. cette région de marais et de
prairies bourbeuses qui s'étend dans la dépression com-
prise entre l'estuaire de la Loire et de la Basse-Vilaine,
correspondre précisé-
ment à l'amorce d'un
ancien bras de mer,
qui, largement ouvert,
à l'époque miocène dite
des f aluns, au travers
de ce massif, autrefois
continu, de la Bre-
tagne et de la Vendée,
a permis aux eaux de
l'Atlantique de re-
joindre celle* de la
Manche, en isolant
l'Armorique, devenue
une île helvétienne ;
d'ailleurs, en arrière
de cette zone maréca-
geuse, les pointements
de granités et de ter-
rains primaires réap-
paraissent, très mor-
celés, dans cette série
de mamelons qui don-
nent naissance au sil-
lon de Bretagne en attestant la continuité de cette ancienne
bande plissée. Plus au N. , les co Urnes du Maine, singulière-
ment tronçonnées par de grandes fractures dont ont profité
les vallées fluviales, et celles de Normandie, non moins
découpées, qui apparaissent dans la partie la plus plate du
Cotentin d'une façon inattendue, en offrant dans le mas-
sif des Ecouvres et celui des Avaloirs (44 7 m.) les points
les plus élevés qu'on rencontre de Paris à l'Atlantique,
deviennent de même, avec leur orientation E.-O., la
suite naturelle des plissements qui ont donné naissance, en
Bretagne, aux monts d'Arrée. Tout autres sont les col-
lines calcaires (Ouest), puis gréseuses (Est) du Perche, qui,
disposées en forme de croissant à l'extérieur de cette bande
plissée armoricaine,
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La France occidentale à l'époque
des faluns (d'après M. Vasseur).
ceux des régions montagneuses. Dans ce dôme du Bray, il
faut voir l'œuvre d'une dislocation plus récente que celles
qui ont donné naissance aux reliefs aujourd'hui si déman-
telés de l'Ouest, mais commandée par un accident géolo-
Boi s de Belle y
La Seine à Vernon
S.S.O.
Les ondulations du sol dans le bassin de Paris (d'après M. Hébert). Faisceau
du Bray. 1, sables, grès et argiles (néocomien); 2, sables et argiles
du gault; 3, craie glauconieuse (cénomanien) ; 4, craie marneuse (turo-
nien); 5, 6, 7, différentes assises de la craie blanche (sénonien); 8, terrains
tertiaires.
représentent une
formation plus ré-
cente qui est venue
s'appuyer sur un
massif résistant.
Pour voir de nou-
veau apparaître, au
milieu d'un terri-
toire aplani , une
ligne inattendue de
hauteurs , il faut
atteindre ensuite ,
sur la rive droite de la Seine, au milieu des plateaux
crayeux qui joignent la Normandie à la Picardie, le pays
de Bray. Cette région, aussi bien limitée par l'orographie
que par la diversité du paysage, se traduit en effet, au
milieu ces plateaux dénudés, par une saillie bien prononcée,
par un bombement de craie, parallèle au bord du Cotentin,
et au centre duquel s'ouvre une large vallée, en forme
de boutonnière, au sol accidenté touf couvert de bois et
de pâturages installés de préférence sur les sables et
les argiles infracrétacés que cet accident a amenés au jour.
Dans les parties basses apparaissent ensuite des assises
plus anciennes, cette fois calcaires, d'âge jurassique, que
des refoulements d'une rare puissance ont relevé, dans le
centre du pays, à une ait. souvent supérieure à celle des pla-
teaux voisins (210 m.) en les affectant de plis comparables à
Le pays de Bray entre Auneuil et Beauvais (d'après
M. de Lapparent). 1, sables blancs et argiles réfrac-
taires; grès ferrugineux avec minerai de fer géodique,
argiles à poteries (néocomien); 2, glaise panachée,
exploitée pour tuiles et tuyaux de drainage (néocomien) ;
3, sables verts (gault); 4, argile grise et gaize (grès
argileux silicifié) (gault); 5, craie glauconieuse (céno-
manien) et craie marneuse (turonien)^ 6, craie blanche
(sénonien).
gique très ancien et qui n'a fait que s'accentuer au cours
des âges; c'est, de plus, la ligne culminante d'une série de
plis parallèles qui ont affecté tout le N. de la France
depuis le Perche jusqu'à l'Artois, en se prolongeant parfois
jusqu'à l'Ile-de-France, ridement dont un des résultats les
plus saillants est d'avoir déterminé l'ouverture et l'orien-
tation N.-O. des vallées très fraîches du Nord, qui toutes,
depuis la Seine jusqu'à la Canche, avec un parallélisme
frappant, viennent déboucher, à des intervalles presque
réguliers, sur les côtes de la Manche entre le Havre et le
Boulonnais. Loin d'être restés horizontaux, les terrains
secondaires et tertiaires qui forment le remplissage du bas-
sin de Paris se montrent ainsi dénivelés par une série
d'ondulations à grande courbure, parallèles, suffisamment
accentuées pour se traduire en certains endroits par des
accidents notables, comme nous venons de le voir pour le
pays de Bray, et toutes présentant cette particularité d'épou-
ser la direction de plis plus anciens auxquels elles sont sou-
vent superposées (Marcel Bertrand). C'est de la sorte que
de la Bretagne au Boulonnais, qui lui-même doit son in-
dividualisation aux dislocations qui lui ont donné naissance,
on peut voir, dans la basse France du Nord, se développer
des renflements de terrains bien accentués, surtout aux deux
extrémités de cette zone : dans le faisceau du Perche qui
fait directement suite aux plis des roches anciennes de
l'Ouest, en présentant au centre le bombement du Merle-
rault, et dans celui
Pays de Bray Beauvais
de V Artois, où les
rides mentionnées
plus haut, dont fait
partie le Bray, n'ont
pris leur forme défi-
nitive qu'à la fin des
temps tertiaires.
Bassins de la
Garonne et de
Paris, Alors que
le bassin de Paris
apparaît ainsi
comme une région plissée, il en est tout autrement dans
le Sud-Ouest, où celui de la Garonne reste tout entier
privé de pareils accidents. C'est la région la plus tranquille
et la plus homogène du sol français. Sans doute le fleuve
toulousain draine, comme la Seine, un bassin dont le rem-
plissage central est fait de terrains tertiaires, mais rien
dans cette dépression aquitanienne ne représente cette
grande variété de composition qui motive la division du
bassin parisien en un si grand nombre de pays, pourvus
chacun de caractères spéciaux. Assurément, les divisions
naturelles n'y manquent pas ; les Landes, par exemple, doi-
vent à une épaisse couverture de sables fins, mouvants par
places, fixés dans d'autres par les matières organiques
qui donnent naissance en profondeur à Valios, leur indi-
vidualité bien tranchée ; de même la côte qui fait face ne
se trouve si remarquablement régularisée, depuis l'embou-
chure de l'Adour jusqu'à la pointe de Grave, que par de
pareils sables empruntés cette fois aux Pyrénées et relevés
sur le littoral en longues rangées de dunes sur une étendue
de 80 kil. ; il suffit ensuite, au delà du bassin d'Arcachon,
que ces sables pliocènes des Landes disparaissent sous les
alluvions fertilisantes de la Gironde pour que le Médoc
devienne une contrée distincte capable de supporter ces
meilleurs vignobles du Bordelais. Dans le Bazadais, qui a
échappé complètement à cet ensablement, se fait le plein
développement des f aluns coquilliers, qui deviennent le
type normal des formations marines oligocènes de l'Aqui-
taine et quand, à leur tour, ces faluns disparaissent pour
faire place à des calcaires lacustres, c'est VAgenais qui se
présente comme la région où cette substitution du régime
lacustre aux formations marines est la mieux réalisée. V Ar-
magnac marque à son tour l'emplacement d'un de ces
anciens lacs qui, nombreux, se sont établis en Aquitaine
aux diverses époques tertiaires, avec cette particularité
que la masse puissante (300 m.) des dépôts lacustres dans
cette région, en offrant au sommet dans les calcaires de
Sansan (Gers) un très riche gisement de mammifères,
atteste que les abords du lac de l'Armagnac, fréquentés
par des singes (Protopithecus anglicus), étaient surtout
peuplés de grands proboscidiens (Mastodon Arvernensis,
M. tapir oïdes, Rhinocéros Sansanensis...). Ces forma-
tions tiennent alors la place d'une nouvelle et plus récente
série de faluns miocènes (faluns jaunes de Saucats et de
Leognan, puis blancs ou bleus de Salles et d'Orthez), lar-
gement étendus dans le Bordelais où s'est faite une per-
sistance remarquable du régime maritime, alors que la mer
avait définitivement abandonné le bassin de Paris.
Quoi qu'il en soit, les différences*qui s'introduisent ainsi
entre ces diverses formes du remplissage tertiaire de la dé-
pression aquitanienne sont moins tranchées que celles qui
communiquent aux divisions naturelles du sol du massif cen-
tral tertiaire parisien leur individualité bien marquée. Dès
qu'on a franchi, par exemple, le couloir du Poitou par où se
faisait la communication entre les deux bassins, ce massif
débute dans la haute Touraine par une zone de plateaux
calcaires fragmentés par les nombreuses rivières qui se
pressent de se jeter dans la Loire avant qu'elle ne pénètre
dans le massif armoricain et qui ont mérité de former des
régions distinctes en raison de leur stérilité ; tel est celui
de la Gâtine de Touraine dont le nom seul fait prévoir
qu'il n'a rien de commun avec la fertilité de celui de la
Beauce auquel il est soudé par le Blaisois. Déjà dans ce
dernier ou sur la craie, la couverture de calcaire aquita-
nien devient plus cohérente ; on peut toucher la cause qui
fait de la solide plate-forme de la Beauce le pays le plus
uniforme et le mieux aplani de tout le bassin. Mais la
couche épaisse de limon qui a valu à cet immense champ de
céréales le nom de grenier d'abondance de la France y
faisant défaut, le Blaisois reste encore comme tous les hauts
plateaux de la haute Touraine, un pays de petits bois et
de terres maigres, infertiles, où de nombreuses mares attes-
tent l'imperméabilité du sol. Cette infertilité, qui trouve
son expression la plus nette dans la Gâtine, tient à la
présence sur des masses lacustres, occupant ici la place du
calcaire aquitanien de la Beauce, d'une partie assez éten-
due de ces sables argileux qui, plus largement développés
ensuite sur la rive opposée de la Loire, donnent naissance
à cette région plate, infertile et marécageuse de la Sologne*
où quelques bouquets de bois de pins, joints à une intermi-
nable succession d'étangs, interrompent seuls la monoto-
nie de plaines sablonneuses sans fin. Au delà d'Orléans,
quand ces terres blanches, ingrates, de la Sologne, font place
aux sables de l'Orléanais sous-jacents, une autre région
s'individualise sur la rive gauche du Loing, entre Pithiviers
et Gien, sous le nom de Gâtinais Orléanais. Alors se pré-
sente une formation fluviatile des plus intéressantes, inaugu-
rant dans le bassin de Paris la période miocène et tout
entière attribuable à des eaux courantes issues du Plateau
— 965 — FRANCE
central, qui ont pu se répandre librement sur les grandes
nappes de calcaire lacustre aquitanien, après le vidage du
lac de Beauce, dans la dépression que jalonne encore la
Loire; et cela à une époque où cette grande nappe calcaire,
versée au N.-O., se montrait couverte de prairies, fré-
quentées par des grands proboscidiens {Dinotherium,
Mastodon, Rhinocéros). Sans doute, le sol fourni par ses
sables grossiers, compliqués d'accidents marneux, reste
encore plat et humide, mais déjà l'apparition, sur leurs
premiers affleurements, des petites éminences boisées de la
forêt d'Orléans, atteste un changement bien marqué avec la
Sologne qu'on vient de traverser ; en même temps une simple
régularisation des eaux permet, dans toute l'étendue de
Y Orléanais, de conquérir de vastes surfaces à la culture ;
puis bientôt,- dès qu'on a franchi le Loing, se présente
sous le nom de Gâtinais français une nouvelle région,
dont les formes accidentées contrastent singulièrement
avec celles toujours effacées, mai définies, de ces terri-
toires qu'on peut sans crainte qualifier de déshérités
quand il s'agit de la Sologne. C'est qu'alors apparaît bien
découverte, surtout dans le Nord à mesure qu'on se
rapproche de la Seine, la masse puissante des sables de
Fontainebleau, consolidés au sommet en grès à pavés et
dont les blocs demeurés sur les pentes impriment aux pay-
sages forestiers si pittoresques de cette région le carac-
tère spécial qu'on connaît. A ce fait il faut joindre une plus
grande variété dans les terrains tertiaires, dont les termes
inférieurs finissent par former, dans les environs immédiats
de la capitale, les principaux affleurements. C'est précisé-
ment ce caractère, c.-à-d. cette variété dans l'ensemble de
ces formations, qui, devenant prédominant dans le Eure-
poix, fait de ce pays très découpé, compris entre Chevrease,
Palaiseauet Corbeil, un des mieux partagés des environs de
Paris, au point de vue de la gracieuseté du paysage qui
s'introduit dans des vallées bien arrosées, comme celles si
remarquablement pittoresques de Jouy et de Chevreuse.
Dans chacune de ces régions, la vigueur de la végétation est
entretenue par la présence, sous les sables, de niveaux ar-
gileux bien continus qui, de plus, contribuent à retenir Peau
de nombreux étangs. Toutes deux sont d'autant mieux
individualisées, qu'elles se présentent encadrées par les très
uniformes plateaux de la Beauce et de Ja Brie, qui mar-
quent chacun l'emplacement des anciens lacs oligocènes où
se sont déposés ces plates-formes, très résistantes, sous la
forme de travertins ou de calcaires siliceux. Si dans la Brie
établie sur la plus ancienne de ces formations lacustres et
maintenant presque complètement déblayée par les érosions
de son ancienne couverture marine, on peut reconnaître un
vaste plateau absolument horizontal, plus régulier encore
d'allure que celui de la Beauce et moins découpé, c'est que
la nappe infratongrienne qui forme son couronnement est
supportée par d'autres calcaires lacustres, tenant la place
des assises qui, de l'autre côté de la Marne, sont représen-
tées sous la forme marine du calcaire grossier, des sables
de Beauchamp, puis lagunaire du calcaire de Saint-Ouen et
du gypse parisien, soit par une puissante série de dépôts
d'eau douce soudés à ce point qu'il est souvent difficile de
distinguer les divers termes de cet ensemble. Dès lors, toutes
les particularités propres aux grands plateaux calcaires
(perte des eaux de surface par les milliers de fissures ou
les larges gouffres qui traversent ces massifs et leur réap-
parition à l'air libre au fond dos vallées, sous la l'orme de
sources vives après un long parcours souterrain . . .) apparais-
sent. Parmi ces sources produites par la concentration, dans
les cavités des travertins de la Brie, des eaux qu'on voit
se perdre en tant de points à la surface du plateau (An-
cœur, Tournay, Liverdy...), figurent, au milieu de beau-
coup d'autres, celles si limpides de la Dhuys maintenant
captées pour la ville de Paris. Ces caractères sont surtout
bien accentués dans la partie orientale très élevée de ce
plateau dite Brie champenoise ou pouilleuse, pour rap-
peler que la surface dénudée de ces hautes terres dépour-
vues de limon reproduisent, à un niveau plus élevé, l'aspect
FRANCE
- 966 -
stérile et désolé des plaines crayeuses infertiles de la
Champagne pouilleuse étalées à leur pied. Mais ces con-
ditions fâcheuses disparaissent dès qu'on a franchi le Grand-
Morin, dans la Brie française qui, située en contre-bas et
mieux partagée, par suite, au point de vue de la concentra-
tion du limon des plateaux, se montre couverte de grandes
plaines agricoles, sans que pour cela sa physionomie ait rien
de commun avec celle de la Beauce. Alors, en effet, se pré-
sente une remarquable association de belles moissons avec
des bouquets de bois, entrecoupés de nombreuses mares
garnies de saules et de roseaux; c.-à-d. des éléments
qui font complètement défaut dans le pays beauceron. C'est
qu'ici ces grandes plaines limoneuses sont assises, non plus
sur une nappe continue de calcaire compact comme celles de
la Beauce, mais sur des argiles ferrugineuses où se montrent,
distribuées par blocs, ces meulières qui ont mérité d'em-
prunter à la Brie son nom, en raison de leur extension. Or
ces meulières, si profitables pour les constructions quand
elles sont caverneuses, tandis que celles plus compactes
fournissent les pierres à meules célèbres de La Ferté-sous-
Jouarre, ne sont autres que les parties siliceuses des for-
mations lacustres de la Brie, restées sur place sous cette
forme de blocs irréguliers, caverneux et cloisonnés, isolés
au milieu d'argiles toujours marquées de colorations vives
par suroxy dation des sels ferreux, après l'entraînement
par dissolution du calcaire, sous l'influence habituelle
des eaux météoriques qui, sur ces espaces largement dé-
couverts et livrés sans défense aux intempéries, ont pu faci-
lement exercer leur action chimique. On voit par suite que
les conditions de prospérité d'une région aussi heureusement
douée, c.-à-d. la formation des meulières et celle consécu-
tive , dans le sous-sol limoneux , d'une nappe argileuse ,
capable en retenant les eaux en profondeur de favoriser le
développement d'une belle végétation arborescente, réside
tout entière dans une cause extérieure permanente mais
très profitable de destruction.
Au delà de la Brie, le plateau très découpé du Soisson-
nais introduit, dans le Nord, une nouvelle région très dif-
férenciée, comportant, à l'inverse des précédentes, avec une
grande variété d'aspect dans les vallées devenues larges et
profondes comme celles de la rivière d'Aisne, un grand
nombre de petits vallons latéraux, au profil adouci, bien
arrosés, tous agréablement garnis, du haut en bas, d'une
abondante végétation. C'est qu'ici on atteint, dans les par-
ties basses des terrains tertiaires, exclusivement éocènes,
des dépôts suessoniens qui deviennent meubles et fertiles.
Les sables, très développés, au lieu d'être secs et quartzeux
comme ceux de Fontainebleau, sont assez fins et suffisam-
ment mélangés d'argile pour fournir, par altération, un
limon sableux brun' qui devient une excellente terre à
légume ; de plus, cette grande masse sableuse ayant pour
support, dans le fond des échancrures, une assise continue
à'argile plastique et pour couverture les couches bien
réglées du calcaire grossier qui fournissent la plate-forme
échancrée de la région, les niveaux d'eaux deviennent
nombreux, surtout à la jonction des sables et de l'argile,
et les rivières, alimentées par ces sources, dépourvues par
suite de crues violentes, circulent tranquillement dans les
larges vallées à fond plat, dont le profil, en travers,
adouci, est celui qui convient à toutes celles qui s'établis-
ColUnes
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Coupe générale du bassin de Paris, du Cotentin aux Vosges.
sent dans les terrains perméables. C'est aussi le peu de
consistance de tous ces matériaux qui, en facilitant le tra-
vail d'érosion des eaux courantes, ainsi que des éboule-
ments maintes fois provoqués par le glissement des sables,
a communiqué au plateau de calcaire grossier ses contours
déchiquetés caractéristiques. Enfin, on ne peut manquer
de signaler qu'à l'extrême limite de ce massif tertiaire,
c'est précisément cet état de morcellement des diverses
assises éocènes, qui, prenant une intensité plus grande,
permet, en dernier lieu, de spécialiser, sous les noms de
Laonnois et de Noyonnais, deux régions où on n'observe
plus qu'une suite d'îlots découpés marqués de pentes tou-
jours adoucies, avec un couronnement plat de calcaire
grossier et tous dressés au milieu de plaines à perte de
vue ; tel est en particulier celui très remarquable qui sup-
porte, perchée comme sur un piédestal de calcaire grossier,
flanqué de sables jaunes ébouleux, la ville de Laon, et se
montre environné de grandes plaines verdoyantes où
Y argile plastique, qui en forme le fond, devenue ligni-
tifère, se montre largement exploitée, après calcination,
pour la fabrication des cendres propres à l'amendement
des prairies ou bien pour celle du vitriol quand elle est for-
tement pyriteuse comme aux environs d'Urcel. En d'autres
points, au milieu de ces plaines devenues si plates au voisinage
de l'Oise qu'elles se présentent envahies par la tourbe, les
seuls obstacles sont fournis par de petites éminences boisées
où quelques entailles montrent qu'elles sont formées de
sables jaunes suessoniens ; tels sont les tertres sablonneux
de Besny ; puis bientôt, quand les formations tertiaires,
très démantelées dans cette direction, . sont réduites à de si
faibles accidents, on voit apparaître leur substratum crayeux
sous la forme d'une craie blanche campanienne, directe-
ment recouverte, en maints endroits, par une nouvelle et
dernière série de sables verts> dits de Bracheux, qui re-
présentent le terme le plus ancien de la série tertiaire
parisienne ; on atteint ensuite dans le Beauvaisis, après
avoir franchi l'Oise ainsi qu'un bombement crayeux qui,
faisant face à Compiègne, interrompt momentanément la
continuité de ces formations tertiaires, une région où se
fait le plein développement de ces sables vaseux, verdis
par de la glaucome, région qui marque en même temps
leur limite et, par suite, celle de la mer qui les a déposés,
quand, pour la première fois, les eaux marines éocènes,
venant du Nord, ont repris possession du bassin de Paris.
En dernier lieu, il est un trait commun aux régions
tertiaires que nous venons d'énumérer qu'il importe de
mettre en lumière : c'est leur terminaison brusque du côté
de PE., sous la forme d'une falaise, s' élevant vigoureuse-
ment à des hauteurs qui peuvent atteindre 100 m. entre
Laon et Reims, au-dessus des plaines qui les entourent et
circonscrivant précisément l'espace qui correspond à l'an-
cien gouvernement de Y Ile-de-France. Cette saillie de l'Ile-
de-France est à ce point accentuée que les rivières, pour
se rendre à la mer, ont été obligées, pour la franchir, de
s'y frayer un passage de vive force au travers d' échancrures
figurant maintenant de véritables défilés. Telle est la Seine
qui, grossie de l'Yonne et du Loing, traverse au delà du
confluent, à Moret, l'épais massif du travertin de Champigny,
dans une coupure étroite et sinueuse. Puis successivement
on remarque, remplissant la même condition au travers
des hauteurs de l'Ile-de-France, la Marne à Epernay, la
Vesle et l'Aisne dans leur traversée du Rémois, l'Oise à
Chauny, dans le Beauvaisis, enfin, après le remarquable défilé
de la Brèche, près de Glermont, le Thérain, qui partage en
— 967
FRANCE
deux ce plateau entre Beauvais et Creil. A part ces échan-
crures, la falaise, bien continue, semble dominer tout ce
qui l'entoure, si bien que, dans le Nord-Est, où cette ligne
d'escarpement est des mieux accusées, le massif tertiaire,
ainsi isolé, prend le caractère d'une île escarpée, envoyant
par places, au travers des plaines crayeuses, de véritables
promontoires, tandis qu'on le remarque bordé en d'autres
points, comme nous l'avons vu dans le Laonnois, par des
îlots devenant tout autant de témoins respectés par l'érosion
qui a déterminé son isolement remarquable. Cette disposi-
tion, dont les caractères ont été si bien précisés par M. de
Lapparent dans son excellente description du bassin de Paris
où nous venons de faire de larges emprunts, devient, en
effet, l'œuvre exclusive d'érosions poursuivies sans relâche
depuis l'émersion de ce bassin, c.-à-d. pendant des milliers
d'années et dont les efforts sont venus se concentrer sur le
bord de l'ancienne dépression tertiaire. Or, sur cette bor-
dure appuyée, dans le principe, contre les anciennes et très
uniformes formations crétacées, les sédiments ont dû né-
cessairement revêtir la forme meuble, arénacée, des dépôts
côtiers. Dès lors, l'action combinée des agents atmosphé-
riques et des eaux courantes a pu facilement disperser cette-
ceinture de sédiments sans consistance, et ses effets, c.-à-d.
le déchaussement des parues plus cohérentes du massif
tertiaire, ne se sont arrêtés que quand elle a rencontré
des assises plus résistantes, tels que les calcaires compacts
de la Beauce. De là vient que, sur l'emplacement de cet
ancien lac, la falaise tertiaire se montre nettement inter-
rompue et que ces calcaires, doucement inclinés vers la
Loire, c.-à-d. vers la dépression où se sont échappées les
eaux lacustres de la Beauce, lors du mouvement qui, à la
fin de l'époque aquitanienne, a déterminé l'assèchement du
lac, dessinent un grand plateau reliant cette fois le massif
tertiaire avec sa ceinture tertiaire, liaison à ce point accusée
qu'il n'existe de ce côté. aucune séparation naturelle entre
le bassin de la Loire et celui de la Seine.
Partout ailleurs, la falaise- tertiaire s'élève droite sur son
socle crayeux et devient, en particulier depuis Montereau
jusqu'aux îlots détachés du Laonnois, la première de ces
lignes de crêtes semi-circulaires qui, dans le bassin de
Paris, marquent chacune les affleurements successifs des
diverses formations secondaires du remplissage extérieur,
formations disposées, comme on sait, en bandes concen-
triques progressivement relevées vers les bords et de plus
en plus étendues à mesure qu'on s'écarte du centre ; la
raison c'est que ces affleurements ont subi à leur tour,
chacun à leur façon, après la retraite de la mer, l'action
des érosions, si bien que le bord externe de chacune de
ces zones, ainsi façonné par les agents extérieurs comme
l'a été la bordure tertiaire, se traduit maintenant par une
ligne d'escarpement jouant, dans l'orographie aussi bien
que dans la défense du pays, un rôle capital. Telle est,
en particulier, la falaise de Champagne qui, terminant
les affleurements crayeux, trace vigoureusement la limite
de deux régions bien différenciées, la Champagne pouil-
leuse et la Champagne humide, c.-à-d. la fin de ces
plaines sèches, infertiles, que la craie stérilise sur de si
vastes étendues, et le commencement, au pied de ce talus
crayeux, d'une région plus abaissée, encore bien découverte,
doucement ondulée, mais où une prédominance marquée de
sables et d'argiles infracrétacées fait que le sol, sillonné
de nombreux cours d'eau, se partage entre les bois et les
prés. Au delà, dans les auréoles successives des formations
jurassiques qui se développent jusqu'aux plaines triasiques
de la Lorraine, ces bourrelets saillants, déterminés par de
grandes et solides assises de calcaires bien résistants, de-
viennent de plus en plus accentués et toujours limités, vers
l'E., par un bord abrupt, façonné en falaise, à mesure que
s'accélère, vers les massifs anciens de la périphérie, le relè-
vement de toutes les assises.
Mais si cette série de ceintures parallèles alternative-
ment saillantes et déprimées se développe sans interruption
dans toute l'étendue du secteur oriental du bassin, depuis
le Morvan jusqu'à l'Ardenne, dans le Nord-Ouest il en est
tout autrement; cette continuité est rompue nettement par la
Manche, si bien que c'est en Angleterre qu'il faut venir
chercher leur prolongement. Quoi qu'il en soit, dans le bas-
sin de Paris, la disposition caractéristique de toutes ces
assises n'en reste pas moins celle de cuvettes concen-
triques, emboîtées l'une dans l'autre et de plus en plus
réduites à mesure qu'on se rapproche du centre, c.-à-d.
d'une dépression qui a longtemps occupé la partie médiane
et dont l'emplacement est maintenant non seulement mar-
qué par la capitale, mais par la convergence de trois rivières,
la Seine, la Marne et l'Oise.
Tels sont les traits les plus saillants du bassin de Paris ;
rien de semblable ne s'observe dans celui de la Garonne,
dont la forme triangulaire est si bien dépourvue de centre
que les eaux, au lieu de venir s'y réunir, comme précé-
demment, dans une artère commune qui se charge de les
conduire à la mer, se répartissent en un grand nombre
de rivières côtières importantes, pourvues chacune d'un
régime spécial et développées surtout aux deux extrémités.
Tels sont, de part et d'autre du grand estuaire de la Gi-
ronde, où se déversent les eaux divergentes de la Garonne
et de la Dordogne : dans le Nord, latente et tortueuse Sèvre
Mortaise et la non moins sinueuse Charente, qui, toutes
deux, issues des massifs cristallins de la bordure, drainent
surtout les Terres chaudes, c.-à-d. les régions calcaires
au relief très effacé de la plaine du Poitou et des pays
te si franchement marécageux de la Saintonge, qui pren-
nent dans le Grand Marais, avec leurs vases mouvantes,
leurs innombrables canaux jalonnés de moulins à vent, tous
les caractères du paysage hollandais ; puis, dans le Sud,
l'Adour qui, alimenté par les gaves pyrénéens, reste tor-
rentiel dans sa traversée des collines sous-pyrénéennes, et
si peu tranquille sur la côte landaise, que son tracé, à par-
tir de Bayonne, a bien des fois changé de place. On ne
peut ensuite manquer de signaler, au point de vue hydro-
graphique, combien est remarquable, dans le Sud, au travers
de la région des grands cônes sous-pyrénéens, la symétrie
des eaux courantes qui, toutes, partant de deux centres
très rapprochés, Lourdes et le plateau de Lannemezan
(660 m.), situés au sommet de ces cônes faits d'un entasse-
ment prodigieux de cailloux et de graviers, divergent ensuite
en éventail déployé pour se diriger, les unes à Î'E. (1S estes
garonnaises) vers la Garonne, les autres à l'O. (Gaves du
Béarn) vers l'Adour, en offrant, comme branche méridienne
médiane, la Bayse. Tous ces cônes d'alluvions anciennes, en
effet, très distincts au pied des Pyrénées, se montrent dé-
coupés suivant leur génératrice par des vallées rayonnantes
par où s'écroulent, vers la plaine, des eaux boueuses
torrentielles, chargées de pierres qui s'appliquent main-
tenant à déblayer ce qu'elles ont autrefois accumulé sous
cette forme de cônes de déjections gigantesques au pied
des Pyrénées. Non moins remarquable est ensuite la dissy-
métrie présentée dans leur profil transversal par ces vallées,
quand elles pénètrent plus bas dans l'Armagnac avant de
venir rejoindre la Garonne, leur versant occidental restant
toujours adouci, tandis que la berge de l'E. devient très
escarpée et rongée à la base. L'explication est facile à saisir
et ne saurait, à aucun titre, devoir être attribuée, comme
on l'a souvent dit, à l'influence de la rotation terrestre; elle
tient à l'influence des vents pluvieux dominants qui, souf-
flant tous de l'O., rendent plus accessibles au ravinement
les versants qui leur font face ; de là ce fait que, dans ces
rivières, sensiblement méridiennes, c'est sur la rive droite
que se porte leur action, d'où leurs parois abruptes, tan-
dis qu'elles alluvionnent sur la rive opposée. C'est du reste
ce qui se passe dans toutes les rivières françaises qui
coulent du S. au N., leurs rives droites ayant une ten-
dance à être marquées par des parois abruptes toujours
sous l'influence de vents d'ouest océaniques. Enfin, il est
dans ce bassin de la Garonne un trait orographique des plus
remarquables qu'on ne peut passer sous silence ; c'est que,
largement ouvert, dans l'Ouest, sur l'Océan où il se termine
FRANCE
— 968
par une côte plate, ensablée — soit par les fleuves sur le trajet
de la bande calcaire si profondement échancrée du N.-O.,
soit par la mer sur toute l'étendue des affleurements ter-
tiaires, depuis la Gironde jusqu'à l'Adour — ce Éassin n'est
pas fermé. Symétriquement, en effet, avec le col du Poitou par
où s'opère, entre la Vendée et le Limousin, sa liaison avec
les contrées du Nord bordées par la Manche, on observe, à
l'autre extrémité du Massif central, longeant le pied de la
montagne Noire, une large dépression E.-O. bien marquée,
celle du bief de la Nauronze, dont profite le canal du Midi
et qui devient, sur notre sol français, le point où la com-
munication entre les deux versants océanique et méditer-
ranéen est la plus facile. Or, dans cet accident orogra-
phique très important, traçant comme le fait la trouée de
Belfort entre le Jura et les Vosges une ligne de démarca-
tion des plus tranchées entre les Pyrénées et le Massif cen-
tral, il faut voir un trait récent, marquant vers le N., avec
sa couverture de terrains tertiaires inférieurs (éocènes)
non dérangés, adossés en pente douce contre la montagne
Noire, la limite extrême des plissements pyrénéens d'âge
tertiaire. Son revers S., relevé sous la forme des Corbières,
faites dans leurs parties hautes de schistes primaires très
disloqués, renversés, vers le N., sur les couches du crétacé
tout à fait supérieur et de Féocène, représente, ainsi qu'on
l'a souvent dit, non sans raison, « un fragment du massif
ancien de la France centrale englobé tardivement dans cette
zone des plissements pyrénéens ». Ce sont alors ces dislo-
cations d'une énergie rare, des phénomènes de recouvrement
amenant la superposition si anormale des terrains les plus
anciens des Pyrénées sur les plus récents, et de grands plis
couchés dont les analogues ne peuvent se trouver que dans
les Alpes, qui font de ce groupe si intéressant des Corbières
les montagnes les plus arides et les plus déchiquetées du
sol français. On remarque ensuite dans le Sud, pénétrant
curieusement dans le cœur même de la masse pyrénéenne
au point précis où se fait la chute brusque de cette grande
chaîne vers la Méditerranée, la vaste plaine du Roussillon,
dominée par le pic granitique si régulier du Canigou
(2,785 m.). En voyant le contraste saisissant de ces hautes
montagnes faites de schistes cristallins ou primaires for-
tement redressées avec ces terres basses tout entières
occupées par des couches non dérangées de sables, de gra-
viers et de marnes pliocènes, on ne peut manquer de con-
stater que le Roussillon doit son individualité à un événe-
ment très récent. Cette brusque dépression n'est autre, en
effet, que l'amorce d'une aire d'affaissement beaucoup plus
vaste qui s'est produite dès le début du pliocène, alors que
s'introduisaient, dans l'orographie générale de la Méditer-
ranée, des modifications profondes se traduisant par l'ou-
verture du détroit de Gibraltar et la pénétration lointaine
de la mer, dans les vallées déjà creusées du Rhône et du Pô ;
et si maintenant les affleurements du pliocène dans le Rous-
sillon se montrent nettement tranchés par la mer, c'est
que, parmi ces effondrements récents qui ont donné à la
Méditerranée sa forme actuelle, celui du golfe du Lion peut
compter parmi les derniers venus.
Parmi les particularités nombreuses présentées par la
grande dépression du S.-O. figure encore ce fait qu'en
dehors des plaines tertiaires, les zones secondaires, malgré
leur développement, n'y dessinent plus d'auréoles concen-
triques continues, comme dans le bassin de Paris. On les
remarque distribuées suivant deux bandes, l'une septentrio-
nale appuyée contre les massifs anciens de la Vendée et du
Massif central, se reliant dans l'intervalle par l'ancien détroit
du Poitou avec les terrains correspondants du bassin de
Paris, tandis que dans le Sud, c'est avec le golfe jurassique
des Causses que se fait leur raccord ; l'autre, méridionale,
forme la bordure extérieure très plissée des Pyrénées dont
elle épouse l'orientation E.-O. ; toutes deux présentent, dans
leur composition et surtout dans leur allure, des différences
notables. Dans la zone septentrionale, les formations juras-
siques et crétacées, malgré leur continuité avec celles delà
dépression parisienne, ne présentent nulle part d'accidents
topographiques comparables à ceux qui introduisent dans
les ceintures de ce bassin un si grand nombre de pays.
Sans doute, les divisions naturelles du sol n'y manquent pas,
mais elles sont toujours d'importance moindre. Dans la
Charente, par exemple, à côté des Terres froides du Con~
folennais qui marquent à l'extrémité du Massif central une
région d'aspect sévère, stérilisée par l'extension des mica-
schistes et dont l'infertilité n'est rompue, quand les terres
deviennent moins argileuses, que par des prairies où paissent
les troupeaux de bœufs de TAngoumois, on peut voir les
premiers affleurements calcaires se traduire parles Terres
chaudes de l'Ouest qui de suite se distinguent par une végé-
tation puissante ; de plus, suivant que ces affleurements
sont fournis par des formations crétacées ou jurassiques,
on peut distinguer sous le nom de Grande et Petite Cham-
pagne un vaste territoire, un pays de vignes et d'arbres
fruitiers fournissant les meilleures eaux-de-vie du monde,
tandis que celui de Chaumes s'applique aux calcaires juras-
siques qui, plus compacts, dessinent une série de collines
ou de plateaux bas où le vignoble fait le plus souvent place
à de grandes forêts de châtaigniers. C'est aussi la région
par excellence des sources vives, des rivières souterraines,
comme celles de la Tar doive et du Bandiat qui, tous deux,
se réunissent pour venir reparaître au jour sous la forme
jaillissante de la célèbre Touvre. Puis, quand ces assises cal-
caires se montrent couvertes par les argiles ferrugineuses
du terrain sidérolithique, le sol, devenu propre à toutes
les cultures, est d'une merveilleuse fécondité. C'est en
particulier sur un sol de cette nature, agrémenté de riants
paysages, que sont établies les vignes de Cognac. Sur la
bordure occidentale du Limousin, où ces formations ont
une tendance plus marquée à se distribuer par zones suc-
cessives, la distinction d'un Périgord noir d'avec un Péri-
gord blanc réside dans ce fait que ce dernier est établi
sur la craie. Ces affleurements crétacés ne dépassent guère
la Dordogne; aussi, dans le Quercy qui suit et vient direc-
tement butter contre les vastes déserts de pierre des
Causses, l'aspect de ces deux pays faits des mêmes masses
puissantes de calcaires jurassiques, placés à la même alti-
tude et soumis au même climat, serait le même, c.-à-d.
que le Quercy deviendrait, sur le revers 0. du Massif
central, la suite naturelle de ces immenses plateaux dé-
sertiques qui, dans les Cévennes, maintenant tronçonnés
en Causses distincts (C. de Larme, C. Noir, C. Méjan, C.
de Sauveterre, etc.) par les profondes entailles de rivières
torrentielles telles que les canons célèbres du Tarn et de
la Jonte, ne rachètent leur absolue stérilité que par les
merveilleux détails d'une architecture ruiniforme, tout
entière due à l'œuvre lente et persistante des pluies ; mais
la physionomie du pays, devenu moins sec et moins aride,
est tout autre ; c'est qu'ici vient s'étendre sur ces hauts
plateaux, sans doute encore crevassés, criblés de trous
(igues de Biau, de Thêmines, de Padirac, etc.) où se per-
dent souvent les eaux de surface, un élément qui fait com-
plètement défaut dans les Causses cévenoles ; cet élément
est fourni par des formations tertiaires, représentées les
unes lacustres par des calcaires dans lesquels il faut voir
des écarts orientaux de ceux déposés dans les lacs oligo-
cènes de l'Agenais, les autres par de curieuses accumula-
tions d'ossements, voire même de squelettes entiers de
Mammifères variés (Paleotherium, Cœnotherium, An-
thracotherium, Necrolemur, etc.), de Reptiles ou de Ba-
traciens, entassés, au milieu d'argiles ferrugineuses, dans
de grandes crevasses ouvertes au travers des calcaires juras-
siques et dont le principal remplissage est formé par de grands
amas de phosphate de chaux concrétionné. C'est à l'extension
prise par ces gisements bien connus de phosphorite que le
Quercy doit, avec l'animation qu'entraîne sur ces plateaux
une pareille industrie, ses champs de céréales, ses vignes
prospères, et surtout sa végétation arborescente qui n'aurait
pas manqué de mériter la qualification de forestière si un dé-
boisement intempestif n'était pas venu enrayer cette nouvelle
source de richesses pour laquelle la nature avait tout fait.
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FRANCE
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H.LAMIRAULT et C^ Editeurs
— 969
FRANCE
Quoi qu'il en soit, toutes les régions de cette zone secon-
daire drainée par la Charente, la Dordogne et le Lot, restent
plates dans l'ensemble, l'horizontalité première des assises
qui les composent n'étant guère troublée que par des frac-
tures, et encore parmi ces failles, il en est peu qui de-
viennent assez importantes pour jouer dans le relief un
rôle notable. Il en est tout autrement quand on aborde les
Pyrénées, où ces mêmes assises, disposées en bordure avec
un parallélisme frappant d'un bout à l'autre de la chaîne,
apparaissent redressées, plissées de mille manières en
affectant toutes les particularités de structure prises par les
formations sédimentaires dans les régions montagneuses.
Déjà dans la Chalosse, qui se sépare bien de V Arma-
gnac par cette particularité, on peut voir apparaître les
premières traces de ces plissements pyrénéens ; ce ne sont
encore que des assises tertiaires et crétacées qui se pré-
sentent dans de pareilles conditions, mais leur intérêt c'est
de montrer jusqu'où ces plis se sont prolongés ; c'est en-
suite dans l'E. de la Garonne que ce flanquement calcaire
redressé apparaît le mieux prononcé, notamment dans
l'Aude où les Petites-Pyrénées prolongent la chaîne fort
loin vers le Nord, en constituant des accidents qui peuvent
atteindre, avec le pic de Bugarach, '1,231 m.
Vers l'Ouest, au delà de Saint-Gaudens, les Petites-Pyré-
nées cessent de jouer un rôle orographique notable ; c'est
dans de pareilles conditions que se présentent les Corbières
qui, faites comme il a été indiqué plus haut des terrains
les plus anciens et les plus récents des Pyrénées, tous for-
tement redressés, disparaissent rapidement, après un par-
cours E.-O. qui ne dépasse guère 45 kil., dès qu'on a
franchi la haute vallée de l'Aude. Pour retrouver sur notre
versant pyrénéen français des zones latérales comparables,
sinon comme importance, au moins comme position, il faut
atteindre en pleines Basses-Pyrénées, dans la direction de
l'Océan, une bande de terrains crétacés supérieurs et de
calcaires nummulitiques très plissés, comprise entre les
Gaves de Pau et d'Oloron dont elle épouse la direction.
C'est dire que, dans son prolongement vers l'Océan, ce
nouvel accident apparaît fortement relevé vers le N.-O.,
inflexion alors motivée par la singulière apparition, dans
le pays basque, au milieu de ces zones latérales calcaires,
d'un massif granitique et gneissique, celui du Labour,
dont la cime culminante, le pic à'Ursouïa (1,165 m.),
domine le site pittoresque bien connu de Cambo. En fai-
sant office de point de résistance, contre lequel sont venus
se heurter les efforts de dislocation, ce massif a dès lors
obligé les ridements pyrénéens à venir se modeler contre
sa surface en épousant ses contours. (Seunes, Recherches
géologiques sur la région sous-pyrénéenne du sud-ouest
de la France, dans Annales des mines, 1880.) Quant
à l'interruption momentanée, vers le milieu de la chaîne,
de la zone des Petites-Pyrénées, ce sont les assises mio-
cènes de la plaine aquitanienne et les grands cônes d'allu-
vions dont nous avons déjà parlé qui en sont la cause ; en
débordant largement vers le Sud, ainsi que l'a justement
fait remarquer M. de Margerie, ces formations post-pyré-
néennes, c.-à-d. postérieures à l'exhaussement de la chaîne,
se sont chargées d'en masquer les affleurements. Du reste,
il suffit d'examiner ce qui se passe dans le fond des vallées
divergentes de la Garonne pour en acquérir la preuve et
constater la continuité remarquable de ce chaînon exté-
rieur, en voyant sous les couches miocènes ou les alluvions
anciennes apparaître les assises plissées des terrains cré-
tacés et éocènes des Petites-Pyrénées ; en même temps,
quand on remarque que la plus grande accumulation de
ces cônes d'alluvions empruntés aux Pyrénées par les eaux
courantes correspond précisément, dans l'Ouest, à cette in-
terruption des zones latérales calcaires, on ne peut échapper
à cette conclusion que les Pyrénées représentent une chaîne
espagnole dont le talus méridional, sur notre versant
français, a été en grande partie enlevé par les érosions ;
et cela d'autant plus que, sur ce versant espagnol, les zones
latérales calcaires, très continues d'un bout à l'autre de la
chaîne, y prennent un développement inusité sous la forme
des grandes zones du mont Perdu et des Sierras.
Dans les hautes chaînes, de part et d'autre d'une zone
centrale faite de terrains primaires, très plissées avec de
larges trouées de gneiss et de granité fournissant les points
culminants , ces mêmes terrains secondaires et tertiaires
s'avancent très haut vers l'axe en atteignant souvent la ligne
de faîte en offrant, sous la forme de ces rangées de pics déjà
si caractéristiques de la zone des Sierras espagnoles, des
sommets dont la hauteur (Maladetta, 3,404 m. ; Vigne-
mole, 3,296 m.) reste bien voisine des plus hautes cimes des
Pyrénées. Or, parmi ces terrains sédimentaires, aujourd'hui
dispersés par lambeaux sur les plus hauts sommets de ces
bandes calcaires, figurent des grès et calcaires où l'on peut
rencontrer les nummulites du calcaire grossier des environs
de Paris ; et cela aussi bien sur le versant français (cirque
de Gavarnie) que sur le versant espagnol (zone du mont
Perdu). Ainsi se trouve démontré par ce seul fait qu'à
l'époque éocène, au moment de la grande extension des
mers nummulitiques, la grande barrière des Pyrénées n'exis-
tait pas ; qu'elle devient par suite une œuvre récente, ce dont
déjà témoignait, avec sa grande élévation, cette fraîcheur
dans le profil qui devient toujours dans les montagnes un
signe de jeunesse achevé. Il suffit ensuite d'examiner ce qui
se passe au pied de cette chaîne sur notre versant fran-
çais pour acquérir la preuve que cette condition s'est tou-
jours pleinement réalisée à la fin de l'éocène. En avant
des chaînes calcaires sur ce versant N., on remarque, en
effet, dessinant à l'extérieur une véritable cuirasse, une
masse énorme de galets bien connus sous le nom de pou-
dingues de Palassou et qu'on sait être venue s'accumuler
sur le bord de ce massif en voie d'exhaussement au mo-
ment précis où, dans le centre du bassin de Paris, l'assèche-
ment des lagunes éocènes amenait la formation du gypse de
Montmartre. Ces poudingues, fortement inclinés en avant
de la chaîne dont ils deviennent le dernier élément, plongent
ensuite vers les plaines de la Garonne où on les voit bien-
tôt disparaître sous les couches horizontales de grès molas-
siques et des faluns de l'Aquitaine, en particulier sous
ceux qui parmi ces sables coquilliers représentent, dans le
Sud-Ouest, nos sables de Fontainebleau. Dès lors, le re-
dressement d'une large bande plissée sous la forme des
Pyrénées, sur l'emplacement de l'ancien bras de mer qui
séparait autrefois notre Plateau central d'un autre massif
ancien de même nature, la Meseta espagnole, se trouve
bien datée par cet ensemble de faits très expressifs ; et
c'est alors quand cette grande chaîne s'est dressée dans les
airs, à la fin de l'éocène, qu'a pris naissance, dans le Sud-
Ouest, une dépression aquitanienne destinée à devenir
un golfe largement ouvert sur l'Atlantique pour les terrains
tertiaires plus récents, c.-à-d. pour ceux qui, largement
étalés maintenant dans le Sud en couches horizontales,
soient les seuls, dans le bassin de la Gironde, affectant
une disposition nettement concentrique, disposition qui,
motivée par ce nouvel état de choses, devient l'indice d'une
retraite successive de ces mers dont la dernière a déposé
les sables pliocènes des Landes.
A cette date, dans le Sud-Est, la grande chaîne des Alpes
avec son annexe jurassien avait déjà fait son apparition et
dès lors la dépression du Rhône se trouvant nettement sé-
parée des régions méditerranéennes orientales, on pouvait
distinguer, départ et d'autre du Massif central, sur notre
sol français, ces trois bassins qui lui donnent sa physio-
nomie actuelle.
Bassin du Rhône et régions adjacentes. Constituée
de la sorte récemment sous sa forme actuelle, cette'dépres-
sion rhodanienne, remarquablement prolongée dans le
Nord par celle où la paisible Saône remplit, pour le grand
fleuve méditerranéen devenu torrentiel dès son inflexion
brusque vers le S., un rôle de régulateur, représente une
ligne trop tranchée pour pouvoir être attribuée aux seuls
efforts de l'érosion. Pour expliquer son allure si remar-
quablement rectiligne, des phénomènes orogéniques doivent
FRANGE
970
être invoqués; cette longue dépression, qui devient un des
traits orographiques les plus remarquables du sol français,
fait partie, en effet, de ces dislocations linéaires, qui, lors
des grands mouvements alpins, se sont produits volontiers
dans les points faibles compris entre les plissements médi-
terranéens et les massifs anciens de la bordure, disloca-
tions qui ont eu pour effet de substituer des dépressions
méridiennes, c.-à-d. N.-S. à celles E.-O., qui avaient
dominé jusqu'alors. Ainsi s'explique ce fait que, dans la
majeure partie de son cours français, la vallée du Rhône
traverse obliquement des lignes de relief, placées sous la
dépendance immédiate des plissements alpins et formées
de ces terrains secondaires et tertiaires qui partout ailleurs,
dans les autres bassins, dessinent, comme nous l'avons vu,
des ceintures concentriques. Depuis la Drôme (affluent de
gauche), par exemple, jusqu'au Gard (affluent de droite),
le7 Rhône coule à pleins bords dans une vallée étroite dont
la section transversale est le plus souvent une tranchée
régulière, bordée sur la rive droite par des montagnes
abruptes, presque à pic; sur la rive gauche, par des
collines plus adoucies, mieux cultivées, dernières ondula-
tions de la grande chaîne des Alpes qui sont venues se
mouler sur la bordure orientale du Massif central en épou-
sant ses contours. Par place, ses eaux tumultueuses
s'échappent, rapides, dans de véritables défilés, comme la
célèbre cluse de Donzère (Drôme) qui marque le point où
commence à apparaître l'olivier, et par suite celui de l'en-
trée du fleuve dans les régions méditerranéennes, ou mieux
encore viennent battre le pied des falaises verticales comme
celles non moins connues de l'Ardèche ; dans ce cas, on
saisit la cause de son allure rectiligne en voyant que ce
sont de grandes cassures au travers de ces bandes calcaires
plissées qui ont dirigé l'action érosive du fleuve. Sans
doute, bien souvent, à mesure qu'on s'avance vers le Sud,
on voit immédiatement, en deçà ou au delà de ces cluses
étroites, la vallée s'ouvrir démesurément, et les vastes
plaines de Valence, de Montélimart, de Pierrelatte, d'Orange
*et d'Avignon, où s'étalent largement les alluvions et les
terrains tertiaires les plus récents, forment un contraste
saisissant avec les passages rétrécis qui les précèdent ou les
suivent ; mais ces étranglements et ces épanouissements,
de même que les légères courbures du fleuve, ne sont que
des accidents isolés, exceptionnels dans un sillon régulier
qui, en somme, se poursuit droit, du N. vers le S., sans
jamais dépasser comme largeur moyenne plus de 4 lui.
et demi.
Plus au N., la Saône bourguignonne, dans tout son
cours inférieur qui ne s'écarte guère de la même direc-
tion N.-S., vient de même couper obliquement les chaînons
successifs de ces montagnes d'entre Saône et Loire, qui,
sous les noms de monts du Lyonnais, du Beaujolais,
sont faits de granités, de porphyres et de terrains pri-
maires plissés, flanqués vers l'E. de calcaires jurassiques
franchement dénivelés par de grandes fractures toujours
en rapport, ainsi que M. Michel-Lévy a mis le fait bien en
évidence, avec les mouvements alpins. Au delà, la dislo-
cation N.-S. se reporte vers l'O. et, tandis que la Saône
circule tortueusement au travers de la grande plaine bres-
sane, c'est le bord occidental de cette plaine tertiaire qui
vient recouper, toujours obliquement dans le prolongement
immédiat des précédentes lignes de relief, les monts du
Charolais et du Maçonnais, où les formations jurassiques
disloquéescprennent de plus en plus d'importance ; alors se
présente cette particularité intéressante, c'est que sur cette
bordure du Massif central, le développement des vignobles
sur toutes ces côtes bien exposées suit de près celui de ces
formations calcaires qui fournissent l'amendement néces-
saire pour rendre fertiles les terres granitiques ou schis-
teuses de ces régions.
Dans l'intervalle, c.-à-d. entre la Drôme et le confluent
de la Saône, le Rhône, en glissant contre les falaises sau-
vages du Vivarais, longe la bordure du Massif central,
complètement privé cette fois de formations secondaires ;
ce sont alors les plis anciens, carbonifères, de ce massif,
jalonnés maintenant par les bandes de granité nettement
orientées vers le N.-E. (direction variscique de M. Suess),
qui se montrent tranchées par le fleuve, tandis que sur le
bord opposé s'étalent les grands plateaux de V Isère et du
Viennois tout entiers faits de ces grès molassiques helvé-
tiens, dont la liaison avec ceux si largement développés
dans la plaine suisse devient évidente.
En somme, depuis la Méditerranée jusqu'au cœur de la
France, le Rhône et la Saône coulent dans une seule et
même grande vallée, en venant former une grande ligne de
navigation qui représente la principale voie historique de
la France, celle qui, pratiquée dès l'origine des temps,
alors qu'aucune autre n'existait encore, s'est toujours
maintenue, depuis lors, en pleine activité (Lenthéric).
Arles, Vienne, Lyon, Chalon et Dijon marquent les étapes
successives, les escales de cette grande voie de pénétration
pour laquelle, sans doute, la grande rivière bourguignonne
et le grand fleuve alpin se sont réunis dans une œuvre
commune bien connue sous le nom d'érosion ; mais il est
juste d'ajouter que. leur tâche a été singulièrement facilitée
par les dislocations antérieures dont nous venons de suivre
pas à pas les traces.
C'est de même à la faveur de cet accident que, vers la
fin des temps tertiaires, alors que depuis longtemps la mer
avait abandonné le bassin de Paris, les eaux marines plio-
cènes ont pu pénétrer au loin dans cette vallée du Rhône
déjà creusée sous la forme d'un fjord allongé dont le fond
venait se placer sur l'emplacement même où devait s'élever
plus tard la ville de Lyon. Dans le même temps, dans le
fond très élargi alors de la dépression de la Saône, un ré-
gime lacustre bien caractérisé, en donnant naissance aux
dépôts bressans, a doté la France d'une contrée fertile,
agréablement boisée, où dorment encore, comme un reste
de l'état ancien, les eaux de nombreux étangs très pois-
sonneux. Il a suffi ensuite qu'à une date postérieure, les
torrents, dans une phase de fusion des grands glaciers al-
pins, viennent déverser dans le S. de cette région remar-
quablement aplani, des nappes épaisses et très continues
d'alluvions glaciaires pour introduire à côté de cette Rresse,
sous le nom de Bombes, une région très différente d'as-
pect, plus encombrée encore d'étangs et de ruisseaux amor-
tis, et qui pendant longtemps a mérité de devenir la plus
insalubre du sol français. Aujourd'hui des travaux coûteux
d'assainissement, la mise en culture de la majeure partie
de ces espaces marécageux (44,000 hect. d'eau croupie
sur les 47,245 hect. qui rendaient autrefois la fièvre en-
démique sur le sol tremblant des Dombes), la canalisation
des eaux stagnantes et l'établissement d'un vaste réseau de
routes agricoles ont réparé le mal occasionné parles nappes
continues de boues glaciaires ; mais il n'en reste pas moins
que ce plateau bosselé des Dombes représente, dans le S.
de la Bresse, un ancien cône très aplati d'alluvions gla-
ciaires. Pour compléter la différence, le Rhône, dès sa
sortie du Jura au travers de la cluse du Pont-du-Saut,
dans sa traversée E.-O. de cette région argileuse, s'étale et
se ramifie en mailles innombrables, si bien qu'il n'est guère
possible, à première vue, de distinguer, entre toutes ces
branches, celle conservée à la navigation de tous ces ra-
meaux parasites, désignés sous le nom de Lônes, c.-à-d.
de « bras morts » où l'eau, sans écoulement sensible,
semble stationnaire au milieu d'îlots de graviers et de prai-
ries verdoyantes, les alluvions du fleuve ayant pour effet
de rendre plus fertile toute l'étendue de son champ d'inon-
dation.
C'est sous ce même aspect que se présente le Rhône à
l'extrémité de sa course méridienne, quand il atteint ces
vastes plaines de cailloux de la Grau qui résultent princi-
palement d'anciennes débâcles glaciaires de la Durance et
divisée en deux parties par un colmatage bien compris des
eaux de cette Durance : la Grau aride, désertique, dernier
reste de l'état primitif, et la Grau arrosée, qui devient un
véritable jardin (Gousous) en même temps que le pays des
— 971 —
FRANCE
pâturages et des troupeaux de taureaux ou de chevaux
errants par excellence. Enfin tout le monde sait qu'en der-
nier lieu, cette même divagation du fleuve devient son trait
le plus saillant dans tout le vaste espace triangulaire de
la Camargue, qui maintenant, délimitée paroles deux
branches actives du Rhône, ne représente qu'une partie de
l'esluaire primitif, c.-à-d. de l'espace où ce grand fleuve
est venu étaler, sur la nappe caillouteuse de l'ancienne Crau,
un épais revêtement de sables fins et de limon, dont la
limite orientale est marquée par le Rhône mort. Le con-
traste est alors saisissant entre ces terres plates d'alluvions
livrées sans défense à l'influence désastreuse du mistral et
ce profil hardi des Alpes, dont les hautes cimes blanchies
se détachent fièrement à l'horizon dans le lointain. C'est
en effet cette grande rangée de montagnes qui trace vigou-
reusement à l'E. la limite du bassin du Rhône dans les
conditions précédemment indiquées.
Les Alpes dans notre région française, en venant dessi-
ner depuis le Valais jusqu'aux Alpes-Maritimes, la courbe
concave vers l'O. que l'on connaît, apparaissent dans
cette partie occidentale nettement dissymétriques ; c'est par
une chute brusque que se fait en effet leur terminaison vers
la grande plaine lombarde où la chaîne tout entière, faite
dans cette direction de granité et des schistes cristallins
(zone du mont Rose, 4,638 m.), se développe sous la forme
d'un rempart semi-circulaire immense, dont les escarpements
hauts de plusieurs milliers de mètres avec leurs flancs abrupts
toujours tournés vers l'Italie, ne se montrent, par places, in-
terrompus que par de profondes entailles normales à la
direction générale de la chaîne. Sur notre versant français,
il en est tout autrement : des chaînes multiples où dominent
les formations calcaires parallèles à cette zone archéenne
principale qui supporte la ligne de faîte, apparaissent
pressées les unes contre les autres et séparées par
de profonds sillons où des couches stratifiées marines de
divers âges fortement plissées affectent les contournements
les plus bizarres. Toutes s'abaissent, par échelons succes-
sifs, vers les plaines tertiaires environnantes où le raccord
avec ces parties déprimées se fait par les collines boisées
doucement ondulées des grès molassiques, qui deviennent
sur le bord septentrional le dernier terme, en même temps
le plus récent, de cette grande zone plissée. De plus au
milieu même de ces chaînes extérieures calcaires apparaît
une deuxième rangée de massifs cristallins, granitiques et
gneissiques, disposés en chapelet et portant tous la trace
de dislocations récentes qui les ont ainsi poussés en avant
au travers de cette zone secondaire externe. Or ces massifs
qui n'apparaissent ainsi que comme un simple accident dans
le plan général du système alpin, ce sont précisément les
plus élevés et les plus importants des Alpes : tels sont, en
effet, le massif remarquablement circulaire du Pelvoux
(Barre des Ecrins, 4,403 m.) qui devient le principal centre
glaciaire du Dauphiné, les hauts sommets non moins nei-
geux de la chaîne de Belledonne (2,981 m;) et des
Grandes Rousses (3,514 m.), si nettement recoupée par
les gorges profondes où circulent les eaux torrentielles de
la Romanche, de FArr et de l'Isère, celui du mont Blanc
(4,810 m.), avec structure en éventail bien connue et ses
non moins célèbres grandes traînée de glace; plus à l'O.
et parallèlement à cet accident du mont Blanc, la chaîne
jumelle également cristalline du Brévent, enfin celle des
Aiguilles Rouges, qui devient vers le N. le dernier terme de
cette longue rangée de massifs culminants ; tandis qu'au plein
cœur ceux si élevés du Mercantour, c.-à-d. des Alpes-Mari-
Urnes (3,297 m.) remplissent dans le Sudlamême condition.
Dans l'intervalle de ces deux zones cristallines, de puissantes
assises d'âge carbonifère, triasique puis jurassique, forte-
ment comprimées, ont donné naissance aux régions alpines
si disloquées du Briançonnais , de la Tarentaise et de
la Maurienne, où l'on peut même rencontrer exceptionnel-
lement quelques lambeaux de couches marines d'âge ter-
tiaire portées maintenant à des hauteurs de 3, 514 "m. au
sommet des Aiguilles d'Arve. Sur le revers opposé de cette
zone du mont Blanc, les chaînes subalpines calcaires, plus
développées, dessinent encore une longue série de crêtes,
où les érosions, profitant du degré plus ou moins grand de
résistance des roches et de leur état fissuré, se sont appli-
quées à sculpter tous les détails d'une architecture interne,
dans laquelle on peut apercevoir, au milieu de dislocations
intenses témoignant de l'énergie des efforts de compression
latérale dépensés pour provoquer la formation de pareilles
lignes relief, ces grands plis couchés qui donnent à la struc-
ture des chaînes alpines son caractère particulier. De là
sont nés, en particulier dans ces régions très enchevêtrées
des Alpes calcaires, ces accidents qui se traduisent sous la
forme culminante des Dents du Midi (3,285 m.), de Mordes
(3,100m.),c?'O^/i^(2,215m.)etd'autreslieux.Cesontalors
ces chaînes subalpines dont le caractère essentiel est de
présenter des assises crétacées et tertiaires plissées et de
figurer parmi les bandes les plus récentes du système alpin,
qui, remplissant de leurs ramifications nombreuses tout
l'espace compris depuis la Drôme, entre la zone cristalline
du mont Blanc et le Massif central, donnent naissance
aussi bien dans le Dauphiné et la Provence que dans une
grande partie du Languedoc, à ce faisceau de rides plus
ou moins parallèles qui, sous les noms d'Alpines, de mont
Luberon, monts de Vaucluse, montagne de Lure, mont
Ventoux, etc., subissent dans leur direction des modi-
fications profondes, souvent même des inflexions brusqués,
toutes motivées par l'influence des massifs cristallins de la
bordure ; ces derniers faisant office de points de résistance
contre lesquels sont venus se butter les efforts de disloca-
tion, les couches plissées ont, dans leur voisinage, dû
se déployer en longues ondulations empruntant, eh chaque
point, la direction de la bordure du massif résistant. Mais
si cet effet a toujours été le même, il ne s'ensuit pas que
tous ces plissements dans cette zone subalpine soient du
même âge. Dans la basse Provence, en particulier, la struc-
ture très compliquée de cette région qui peut compter parmi
celles plissées dont la liaison avec les Alpes est de toute
évidence, est en relation étroite avec la présence dans le
Sud-Est du double massif cristallin des Maures et du Tan-
neson prolongé en mer sous la forme des îles d'Hyères,
qui deviennent un témoin de son ancienne extension. En
ce point vient en effet se placer un groupe montagneux des
plus pittoresques, dont les analogies avec les Vosges ne
sauraient être contestées, ainsi que l'émersion ancienne,
vraisemblablement datant de la même époque, c.-à-d. du
milieu de la période secondaire. Entre ces deux montagnes
aux cimes arrondies, faites de gneiss, de granités et schistes
très anciens, comme celles des Hautes Chaumes vosgiennes,
s'étend une puissante formation de grès rouges permiens et
de porphyres, analogues à ceux des Vosges qui donnent
naissance non seulement aux contours abrupts et déchique-
tés de FEsterel, mais à tous les caps rocheux de cette côte
très accidentée du Var. Dans la direction opposée, la même
enveloppe de grès bigarrés tri asiques, avec leur couverture
habituelle de grandes forêts de sapins, se présente à ce point
accentué qu'un géologue de Strasbourg, Schimper, qui a lar-
gement contribué à accroître nos connaissances sur nos pro-
vinces de l'Est, déclarait en présence des environs d'Hyères :
« Si on m'avait conduit ici les yeux bandés, sans me dire
où j'étais, je me serais cru en pleines Vosges. » Or, c'est
dans le voisinage immédiat et sous l'influence de ce massif
ancien que se présentent au Beausset et à la Sainte-
Beaume des actions dynamiques pouvant compter parmi
les plus considérables qu'ait subies notre sol français ; elles
s'y sont traduites par de surprenants phénomènes de re-
couvrement, par de grands plis couchés amenant, avec leur
renversement, le traînage de grandes nappes sédimentaires
sur plus de 3 kil. en venant attester que cette Provence
autrefois montagneuse, maintenant morcelée et dénudée
par les érosions, fait partie des plissements les plus an-
ciens des zones subalpines. En signalant ces faits demeurés
longtemps inaperçus et surtout en démontrant que cette
région provençale devenait un terme des plus instructifs,
FRANGE
— 972 —
attestant l'ancienne liaison des Alpes et des Pyrénées,
avant l'ouverture du golfe du Lion, M. Marcel Bertrand a
résolu une des questions les plus importantes de l'histoire
du Midi.
Autant ces chaînons divergents du Dauphiné, de la Pro-
vence et du Languedoc se présentent tourmentés, subdi-
visés en éléments distincts, dont les liens et la direction
ne peuvent être retracés qu'à l'aide d'observations délicates,
autant plus au N. , au delà de la Drôme, les chaînes subal-
pines se régularisent en prenant des alignements sensible-
ment rectilignes qui préparent le Jura. Il est ainsi dans le
Vercors et surtout dans le massif de la Grande-Char-
treuse qui suit et à partir duquel se détache vers le N.
la chaîne jurassienne pour se développer ensuite au delà
de la plaine suisse, sous cette forme arquée bien connue,
qui fait du Jura un reflet des Alpes. Déjà, du reste, ces
deux chaînons extérieurs et calcaires du Vercors et de la
Grande-Chartreuse, se montrent nettement séparés des
massifs cristallins de la chaîne de Belledonne, par un trait
orographique de la plus haute importance. Cet accident
c'est une vallée d'érosion largement ouverte dans les schistes
friables du jurassique et qui, maintenant encore drainée par
le Drac et l'Isère, se traduit par la pittoresque région du
Grësivaudan. Quant au Jura (V. ce mot), il représente une
large bande de formations calcaires secondaires puis ter-
tiaires, qui, après avoir rempli, dans le principe, tout l'es-
pace compris entre les Vosges et le Morvan, en se redres-
sant ainsi sous la forme d'une chaîne unique en Europe,
par sa simplicité et sa symétrie, a eu pour principal effet
de séparer la dépression du Rhône de celle de l'Alsace et
de la Suisse avec lesquelles s'était faite autrefois sa liaison
étroite.
Résumé. On voit par suite que les traits définitifs de
l'orographie de notre sol français n'ont été acquis que tar-
divement et qu'en particulier toutes ces grandes lignes de
relief qui donnent à la France méridionale son caractère
spécial sont des additions récentes à une œuvre dont le
point de départ remonte aux premiers temps de l'histoire
du globe, et ce fait ne s'applique pas seulement aux grandes
chaînes extérieures des Pyrénées, des Alpes et du Jura,
qui en somme ne nous appartiennent qu'en partie, mais à
des montagnes franchement françaises comme les grands
édifices volcaniques de l'Auvergne. On sait, en effet, que
c'est à l'influence des mouvements alpins que ce massif doit
d'avoir son bord oriental relevé sous la forme des Cévennes
et de s'être entr'ouvert pour livrer passage à des volcans.
C'est à cette apparition tardive que les coulées de lave et
les appareils de la chaîne des Puys ont pu conserver leur
fraîcheur et la régularité de leur profil. Quant à la con-
densation remarquable de tous ces accidents dans le Sud,
elle tient à ce que notre pays se montre traversé par deux
zones de l'Europe dont l'histoire a été bien différente. Tous
les massifs anciens peu élevés du Nord et du Centre, au re-
lief indécis, le plus souvent largement étalés comme le Pla-
teau central et surtout l'Ardenne, ne sont autres que les
débris, en grande partie nivelés, d'une chaîne aujourd'hui
morcelée, en grande partie disparue et depuis longtemps
ayant cessé de mériter la qualification de montagneuse, mais
qui a eu autrefois son unité géographique incontestable et
dont les sommets ont dominé l'ancienne Europe, l'Europe
des temps primaires; depuis l'Armorique jusqu'à l'Ar-
denne, en passant par le Plateau central et les Vosges, ces
massifs marquent tout simplement le trajet en France de
ce grand accident dû, comme d'habitude, à une série d'ef-
forts convergents dont le dernier et le principal vient se
placer à la fin des temps carbonifères. Depuis lors, sur ces
massifs en grande partie émergés, les érosions ont eu à
leur disposition tout le temps nécessaire pour leur com-
muniquer ces formes adoucies qui devient le trait caracté-
ristique des anciennes lignes de relief, et les intervalles
qui les séparent correspondent tout simplement à des com-
partiments affaissés de cette bande plissée hercynienne, com-
partiments qui, dès lors, suivant leur étendue, ont fait office,
aux diverses époques secondaires et tertiaires, de détroits,
de bras de mer ou de dépressions plus vastes, c.-à-d. de
grands bassins de sédimentation comme celui de Paris. De
là résulte que tous les espaces intercalés ont été comblés
progressivement par une série de dépôts secondaires et ter-
tiaires disposés par couches régulièrement empilées les unes
Distribution des zones de plissements en France.
Bill, chaînes récentes; pfp , massifs anciens (her-
cyniens); synclinaux tertiaires ; • — • — «.syncli-
naux carbonifères;- - -, traînée houillère de Decize à
Pleaux (Cantal).
au-dessus des autres; et si maintenant, dans les formes
extérieures de ces divers intervalles, on peut souvent cons-
tater des différences tranchées, c'est que, dans chacune, le
remplissage tertiaire ou secondaire s'est, suivant la nature
des roches, plus ou moins bien prêté aux efforts de l'éro-
sion. Modifiant ses effets suivant le degré de consistance
des couches, tantôt l'eau courante, se contentant d'élargir
les parties fissurées, a concentré son action dans d'étroits
couloirs, encadrés dans de raides versants, tantôt rencon-
trant des matériaux plus meubles, faciles à disperser, ce
sont de grandes vallées largement découvertes qui ont pris
naissance, ou bien des pays de plaines, où ne subsistent,
comme témoins du niveau primitif, que de minces crêtes
ou des buttes isolées comme celles qui, nombreuses, se
dressent à l'E.et au N. de Paris (mont Valérien, colline
de Montmartre, buttes Sannois, mont Pagnotte, etc.).
Autant l'indécision du relief est grande dans cette zone
transversale septentrionale, autant le fait inverse se pro-
duit dans la France méridionnale où vient se condenser
tout l'effort du relief sous la forme de grandes rangées de
chaînes méditerranéennes qui font alors partie de la zone
des plissements tertiaires méditerranéens dont l'accen-
tuation finale appartient à une époque géologique toute
récente. Gh. Vélàin.
Relief du sol. — Le sol de la France présente dans
l'ensemble, comme nous venons de le dire, un plan incliné
du S.-E. au N.-O., c.-à-d. des Alpes à la Manche et à la
mer du Nord. A l'E., au pied des Alpes et du Jura, une
dépression profonde coupe ce plan : c'est la vallée du Rhône
et de la Saône. Le terrain se relève brusquement à l'O. de
cette vallée : c'est le bourrelet des Cévennes et du plateau
de Langres. De ce bourrelet descendent les eaux des grands
bassins fluviaux autres que celui du Rhône : vers l'O., celles
du bassin de la Garonne ; vers le N.-O., celles du bassin
de la Loire et de la Seine ; vers le N.-N.-E. et le N., celles
du bassin de la Meuse et de la Moselle. Le système orogra-
phique peut être divisé de la manière suivante : 1° une
ceinture, extérieure qui sert en partie de frontière à la
France et qui en enveloppe les bassins, Pyrénées, Alpes,
Jura, Vosges (lesquelles ne forment pas la limite d'un
grand bassin fluvial), VArdenne; 2° un grand massif
— 973 —
FRANCE
intérieur, le Massif central, composé de montagnes et de
plateaux et ayant pour bourrelet oriental les Cévennes,
chaîne qu'une suite de plateaux relie aux Vosges ; 3° des
hauteurs d'une très médiocre élévation situées dans l'O. et
le N.-O. de la France, Bocage vendéen, monts de Bre-
tagne, collines de Normandie, pays de Caux, plateau
de Picardie et d'Artois.
Si l'on jette les yeux sur une bonne carte en relief, on
voit tout d'abord deux massifs dont le relief, très proémi-
nent, domine tout le reste du pays, les Alpes et les Pyré-
nées ; ils font partie de la ceinture extérieure et servent
de frontière à la France. Les Alpes sont le plus proémi-
nent et le plus considérable des deux ; elles s'appuient, au
S., sur la Méditerranée, dont elles hérissent la côte de
leurs promontoires, et se courbent de là vers le N.-N.-E. en
un arc de cercle dont le contour se dessine nettement sur
la plaine du Piémont. Du côté oriental, en effet, les contre-
forts de la ligne principale de faîte sont hauts, courts,
disposés presque parallèlement ou plus exactement comme
des rayons du cercle, et tombent brusquement sur la sur-
face unie de la vallée du Pô. La crête qui sépare le bassin
de ce fleuve du. bassin du Rhône et qui, sur la plus grande
partie de l'arc, domine les autres crêtes, va s' élevant du
S. vers leN. ; depuis le col de Tende (1,873 m.), elle ne
s'abaisse que sur un très petit nombre de points (1,995 au
col de Larche, 1 ,854 au col dit du mont Genèvre et 1 ,790
au col de l'Echelle) au-dessous de 2,000 m. ; ses som-
mets atteignent dans les Alpes-Maritimes 3,297 m. à la
Rocca dell' Argentera (3,297 m.), qui est située en Italie au
N. de la ligne de partage (les deux versants de la crête de la
ligne de partage appartiennent à l'Italie dans cette partie
des Alpes) ; la cime du Diable (2,687 m.) est le plus
haut sommet de la frontière française de ce côté. Entre le
col de Larche et le col du mont Cenis (2,082 m.), la
crête formant un angle dont le mont Thabor (3,205 m.)
est le sommet, est désignée sous le nom d'Alpes Cottiennes;
elle est dominée sur certains points par les montagnes envi-
ronnantes i elle atteint 3,400 m. à Y Aiguille de Cham-
beyron au S. et 3,551 à Y Aiguille de Scolette au N. ;
sur le territoire italien, la grande pyramide du mont Visa
se dresse à 3,845 m. d'alt. ; c'est dans les Alpes Cot-
tiennes que se trouvent le mont Genèvre et le col de
l'Echelle. Du mont Cenis au mont Blanc, la crête des Alpes
Graies est partout très haute ; les pentes en sont escarpées
et les parties culminantes sont couvertes de neiges perma-
nentes et de glaciers; l'Uja di Ciamarella, le plus haut
pic, atteint 3,676 m., et la crête se maintient partout (sauf
sur quelques points au N.) à une hauteur de plus de
3,000 m. Au N. des Alpes Graies, la masse énorme et
toute blanche du mont Blanc (4,810 m.), orienté du
S.-S.-O. au N.-N.-E., domine tout le système alpestre. Du
côté occidental, c.-à-d. sur le territoire français, les Alpes
se prolongent par des chaînes latérales qui s'allongent, les
unes perpendiculairement à la ligne de partage des eaux,
les autres parallèlement ou à peu près, composées, dans
la partie septentrionale et centrale, de terrains géologiques
dont les bandes sont, en général, orientées du S.-S.-O. au
N.-N.-E. et, dans la Provence, de crêtes qui sont orientées
principalement de l'E. à l'O. Dans la partie voisine de la
ligne de partage des eaux, ces chaînes, présentant des pics
aigus et des crêtes dentelées, sont formées de terrains érup-
tifs et désignées, pour cette raison, sous le nom d'Alpes
granitiques ; dans la partie occidentale, les chaînes sont
composées surtout de terrains crétacés et sont désignées
sous le nom d'Alpes calcaires ; elles présentent, comme
en général les formations de ce genre, des plateaux plutôt
que des pics, des murailles à pic et des cluses pittoresques.
Les chaînes latérales enserrent de profondes et longues
vallées dans lesquelles coulent les affluents du Rhône ;
elles sont divisées par les géographes, d'après les noms des
anciennes provinces dont elles couvrent le territoire, en
Alpes de Savoie, Alpes du Dauphiné et Alpes de Pro-
vence. Dans les Alpes de Savoie, le massif de la Vanoise
(3,861 m. à la Grande Casse ou Pointe des Grands Cou-
loirs) est un des plus imposants du système alpestre ; dans
les Alpes du Dauphiné, le massif du Pelvoux, plus impo-
sant encore, n'est dépassé (en France) en altitude (4,103 m.
à la Barre des Ecrins) et en beauté sauvage que par le
mont Blanc. De la Méditerranée au lac de Genève, les Alpes
occidentales ont, enligne droite, une longueur de 240 kil.,
et de la plaine du Pô à la plaine du Rhône une largeur
moyenne de 200 kil.; elles couvrent une superficie d'environ
60,000 kil. q., soit plus d'un huitième de la superficie de
la France (V. Alpes).
Au N.-O. des Alpes occidentales est le Jura, massif cal-
caire d'une longueur d'environ 310 kil., d'une largeur de
70 et d'une superficie d'environ 20,000 kil. q. Il forme
un grand plateau, terminé du côté de TE. par un bourrelet
montagneux qui tombe en pentes très rapides sur la plaine
de Suisse et où se trouvent les plus hauts sommets du
massif (1,7 23 m. au Crêt de la Neige). A l'occident de
cette crête, qui est orientée du S.-S -O. au N.-N.-E., le
plateau descend par gradins vers l'O. ; il est surmonté de
quelques lignes de hauteurs qui sont parallèles à cette crête
au S. et au centre et qui sont orientées, au contraire, de
TE. à l'O. dans la partie septentrionale et sillonnées de
cluses profondes qui sont parallèles aussi à la crête prin-
cipale et où coulent les rivières. La formation jurassique
s'étend au S. du Rhône qui passe par une des cluses du
massif et se confond avec les Alpes calcaires.
A l'O. du Jura s'élève h plaine de la Saône, allongée
du N. au S. (200 kil.) avec une largeur de 40 à 65 kil.
C'est le fond uni d'un ancien lac ; l'ait, du sol varie de 300 m.
au N. à 125 m. au S. Dans la partie méridionale de cette
plaine est le plateau de la Bresse, ancien fond lacustre
aussi, dont la partie la plus haute (300 à 350 m.) est la
Bombes, qui ne conserve plus qu'une partie de ses innom-
brables étangs. Au N. du Jura et au N.-E. de la plaine de
la Saône est la trouée de Bel fort : c'est l'intervalle entre
le pied du Jura et le pied des Vosges par lequel la plaine
de la Saône communique avec la plaine de l'Alsace ; l'ait,
au bief de Valdieu , point culminant du passage, est do
345 m. seulement. Par là ont maintes fois passé les inva-
sions des peuples germains et des armées allemandes. Les
fortifications de Belfort sont au pied des Vosges.
La chaîne des Vosges, longue d'environ 240 kil. avec le
Hardt qui en est le prolongement, est un môle monta-
gneux dont la crête, arrondie en dos d'âne, est peu acci-
dentée; elle tombe en pentes rapides à l'E. sur la plaine
d'Alsace dans laquelle elle projette ses contreforts; elle des-
cend en pentes plus allongées sur le plateau de Lorraine.
Les Vosges méridionales sont les plus élevées ; elles attei-
gnent 1,426 m. au Ballon de Guebwiller, situé dans
un des contreforts alsaciens. AuN. du Donon (1,010 m,)
point où la frontière française, tracée en 1871, cesse de
suivre la crête, les hauteurs s'abaissent et la chaîne n'est
bientôt plus qu'une sorte de plateau accidenté et boisé et
terminé par un talus rapide sur la plaine d'Alsace. A l'O.
des Vosges est le plateau de Lorraine ; c'est en réalité
moins un plateau qu'une plaine haute, creusée de vallées,
inclinée d'une part vers l'O., d'autre part vers le N., comme
l'indique le cours des eaux, ayant une ait. d'environ 500 m.
au S. où la région boisée dite monts Faucilles le sépare
de la plaine de la Saône et de 300 m. au N. où il se con-
tinue sur le territoire allemand. La France possède seule-
ment l'extrémité S.-O. du grand plateau de VArdennc
que traverse la Meuse.
A l'O. de la Lorraine et de l'Ardenne le bassin de la
Seine, qui correspond en grande partie au bassin géologique
parisien, est une région de plaines, de plateaux et de col-
lines dont l'ait, (excepté sur le plateau de Langres et
dans le Morvan) n'atteint presque nulle part 500 m. ; la
limite des formations géologiques y est généralement
marquée par des bourrelets de coteaux disposés en arcs
concentriques dont Paris est à peu près le centre. Le
premier arc est formé par les hauteurs de YArgonne,
FRANCE
— 974 —
de la forêt du Der, de la forêt d'Othe^ la Puisaye
et le Sancerrois ; le second est formé principalement par
les coteaux de la Brie Champenoise, Entre les deux
arcs est la plaine crayeuse de la Champagne; à l'intérieur
MONTAGNES, COLS ET CHAINES
ALPES OCCIDENTALES
Col de Tende
Cima di Colla Lunga
Enchastraye
Col de Larche
Col d'Agnei
Col de Longet
(Viso)(l)
Mont Genèvre (Col)
Trou de la Traversette
Mont Thabor
Tunnel du Fréjus (point le plus 61e\é).
Mont Cenis (Col)
Poste du mont Cenis
Grandes Pareis
Levanna
Grande Sassière
Petit Saint-Bernard
Col de la Seigne
Col du Bonhomme
Sommet du mont Blanc
Col de Balme
Aiguille du Géant
Col du Géant
Mont Pelât
Mont Mounier
Montagne de Sainte- Victoire
Notre-Dame-des-Anges (Maures)
Mont Vinaigre (Estérel)
Mont Ventoux
Grand Veymont
Glandasse
Col de la Croix-Haute
Col Bayard
Tête de TAubiou
P. de Rochebrune
Mont Pelvoux
Barre des Ecrins
Meije (Pic occidental)
Col de Lautaret
P. de Belledonne
Trois-Ellions
Mont Iseran (Col)
Mont Pourri
Grande Casse
Col de la Vanoise
Chamechaude
Pointe d'Arcalod
Buet
(Dent du Midi)
Monte Cinto
Monte Rotondo
Monte Renoso
Bocca di Vizzavona.
Mont du Chat
Grand Colombier
Grand Crèt-d'Eau (dit Grand Credo).
Reculet
Crêt de la Neige
Col de la Faucille
Dole....
Larmont
Mont Tendre
Seuil de Valdieu
VOSGES
Ballon d'Alsace
Col de Bussang -.
Rothenbach . . . . ,
Hohneck
Schlucht
Col du Bonhomme
(Ballon de Guebwiller ou Grand Ballon) .
Donon
(Route de Saverne)
1.873
2.758
2.956
1.995
2.699
2.672
(3.845)
1.849
2.995
3.205
1.294
2.082
1.906
3.617
3.640
3.756
2.157
2.532
2.340
4.810
2.202
4.019
3.362
3.053
2.818
1.011
779
616
1.912
2.346
2.025
1.176
1.246
2.793
3.324
3.954
4.103
3.987
2.075
2.981
3.514
2.769
3.789
3.861
2.527
2.087
2.223
3.109
(3.285)
2.710
2:625
2.357
1.162
1.497
1.534
1.608
1.720
1.723
1.323
1.681
1.326
1.681
344
1.250
734
1.319
1.366
1.148
949
(1.426)
1.013
(331)
MONTAGNES, COLS ET CHAINES
FAUCILLES, PLATEAU DE LANGRES, CÔTE D'OR
ET MORVAN
Mont de Laino
Haut du Sec
Mont Tasselot
Signal de Mâlain
Mont Auxois
Mont Affrique (Côte d'Or)
Bois Janson (Côte d'Or)
Haut-Folin (Morvan)
Préneley (Morvan)
Mont Beuvray (Morvan)
NORMANDIE,
Monts d' Amain
Signal des Avaloirs.
Foret d'Ecouves
Mont Pinçon
Bel Air (Menez)
Menez Hom
MAINE, BRETAGNE
CEVENNES ET MASSIF CENTRAL
Etang de Longpendu
Mont Saint-Rigaud
Mont de Tarare
Crèt de la Perdrix
Mézenc
Gerbier-des-Joncs
Tanargue
Signai de Finiels (Lozère)
Aigoual
Pic de Nore
Col de Naurouse
Col de Pierre-Plantée
Plomb du Cantal
Puy de Sancy
Puy-de-Dôme
Mont Bessou (Plateau des Mille-Vaches).
Monédières
Mont Gargan
Pierre-Surhaute
Col de Noirétable
Puy de Mailhebiau
PYRÉNÉES
Perthus
Col de la Perche
Canigou
Puig de Carlitte
Col de Puymorens
Puigmal
Pique d'Estats
P. de Mont-Vallier
Pont du Roi
(Plade Béret)
(Pic d'Aneto, Maladetta)
Port de Vénasque
Tue de Maupas
Pic de Crabioulès
Brèche de Roland
Port de Gavarnie
Gavarnie
Pic Long
Pic du Midi de Bigorre
Luz
Vignemale
Bat-Laètouse
Pic Ariel
Pic du Midi d'Ossau
Somport
Pic d1 Anie
Col d'Orgambide
Col de Roncevaux
Col des Aldudes
Mondarrain
Col de Maya
Larhun (La Rhune)
613
516
593
608
418
584
636
903
850
810
309
417
413
365
340
330
300
.012
,004
,434
.754
.551
.519
.702
.567
,210
191
.265
.858
.886
.465
978
920
731
.640
754
.471
279
,610
,785
,920
,931
909
,141
,839
585
,880)
.404)
.417
,110
.104
.804
.255
.335
.194
.877
706
.298
.175
.823
.885
.632
.504
980
.100
947
750
602
900
(1) Lorsque le lieu est situé hors de la frontière de France, le nom et l'altitude sont entre parenthèses.
du second est le plateau de la Brie dont les coteaux de la
Brie Champenoise forment le talus oriental. Dans la partie
occidentale du bassin est le plateau du pays de Caux au
pied duquel coule la basse Seine et, plus au N., h plateau
de Picardie et d'Artois, bordé à l'E. par l'Oise et des-
cendant au N. en pente douce sur la plaine de Flandre.
975 —
FRANCE
Les terrains granitiques reparaissent à l'O. du bassin ; ils
forment les trois rangs de collines de Normandie (417 m.
dans la forêt de Multonne), que flanque à TE. le talus dé-
signé sous le nom de coteaux du Perche, et au S.-O. les
collines du Maine. Dans la Bretagne, extrémité occiden-
tale de cette partie du continent, les aspérités du sol de
granit et de roches cristallines ont été émoussées parle temps,
et les monts de Bretagne ne sont que des collines arron-
dies, dont Fait, n'excède pas 340 m., mais dont l'aspect
est triste et sauvage ; un des sommets atteint 352 m. dans
les montagnes Noires et 3.91 m. dans les monts d'Arrêe.
Le Massif central forme un système indépendant isolé
des autres par des formations géologiques plus récentes et
par des plaines, des seuils ou des plateaux peu élevés. Il
est flanqué à TE. par les Cévennes qui en forment le talus
oriental et dont le pied est baigné par la Saône et le Rhône.
Les Cévennes commencent au N. à l'étang de Longpendu
et se prolongent au S. jusqu'au seuil de Naurouse qui
sépare le Massif central du système pyrénéen sur une lon-
gueur de 530 kil. Elles se divisent en Cévennes septentrio-
nales jusqu'au mont Lozère, orientées à peu près du N. au
S. , et en Cévennes méridionales, orientées du N.-E. au S.-O. ,
et se subdivisent en plusieurs massifs ou chaînes ; elles sont
formées en partie de terrains anciens, en partie de terrains
jurassiques et possèdent dans le Vivarais un grand nombre
de volcans éteints ; c'est là que se trouve le mont Mézenc
(1,754 m.), le plus haut sommet des Cévennes. Au N. les
Cévennes se continuent par le plateau de Langres dont
le talus descend rapidement sur la plaine de la Saône et
qui se relie à la Lorraine et aux Faucilles à son extrémité
septentrionale. Le Massif central lui-même se compose de
chaînes et de plateaux. Il y a deux versants ; la ligne de
partage ou arête du Massif central, plus ou moins sen-
sible sur le terrain, comprend la Margeride, une partie
des monts d'Auvergne, les monts du Limousin, C'est
dans les monts d'Auvergne qu'est le Puy de Sancy, le plus
haut sommet du Massif central et de toute la France, hor-
mis les Alpes et les Pyrénées. Au N. de l'arête, les monts
du Velay et du Forez (1,640 m. à Pierre- Sur haute),
s'allongent vers le N. en séparant les vallées de la Loire
et de l'Allier, avec la fertile Limagne, les collines du
Combrailles et les monts de la Marche, prolongent leurs
rameaux entre la Sioule, le Cher, la Creuse et la Vienne ;
au S. de l'arête et des monts d Aubrac sont les vastes et
pierreuses étendues des Causses {Causse Méjan, Lar-
zac, etc.), stériles et monotones, mais dont les profondes
fissures recèlent les plus pittoresques vallées de la France
centrale. Le Massif central est flanqué au N.-E. par le Mor-
van (903 m. au point culminant dit Haut-du-Brûlé ou Haut-
Folin) qui est comme un îlot de granit sur la côte de la
grande île et comme une borne sur la limite des bassins de
la Seine, de la Loire et du Rhône. Il est flanqué au N.-O. par
les hauteurs du Morvan, la bande de tertrains grani-
tiques peu élevés (285 m.) qui forme la Gâtine etle Bocage
vendéen. Entre le Morvan et la Gâtine, au N. du Massif
central, s'étendent les vastes plaines de la France centrale,
Bourbonnais, Berry,Touraine et une partie du Poitou. Entre
l'extrémité N.-O. du Massif central et la Gâtine est une
haute plaine de terrain jurassique (oolithe inférieure) qui
réunit plus qu'elle ne sépare le bassin de la Loire et le bas-
sin de la Charente : c'est le seuil du Poitou par où ont
passé souvent autrefois les armées. Au S. de ce seuil, entre
le Massif central et la mer, sont des plaines et quelques
rangées de basses collines, collines de Saintonge, collines
du Périgord. Au S.-E. du Massif central et au pied des
Cévennes méridionales est la plaine méditerranéenne du Bas
Languedoc. Au S.-O. du Massif central est la plaine de
la Garonne, réunie à la précédente par le seuil de Nau-
rouse (191 m. d'alt.) et comprenant la Guyenne et Gas-
cogne et quelques parties d'autres provinces ; la partie occi-
dentale entre l'Adour et la Garonne est la plaine des Landes,
en partie boisée de pins aujourd'hui.
Les Pyrénées qui bordent la plaine de Gascogne sont
une des deux plus hautes chaînes du territoire français. Du
cap de Creus au porc de Velate, elles ont une longueur
de 450 kil., mais elles se prolongent au loin vers l'O. sur
le territoire espagnol. L'arête principale qui forme, excepté
sur quelques points, la frontière franco-espagnole n'est que
le bourrelet du talus septentrional d'un grand et haut massif
qui occupe tout le N. de l'Espagne. Son noyau central est de
granit; il est flanqué au N. et au S. de bandes symétriques
de terrains crétacés et tertiaires et il est surmonté de mu-
railles abruptes et de pics. Les contreforts septentrionaux,
qui sont sur le territoire français et qui sont généralement
parallèles à l'arête principale à l'E. et perpendiculaires à
cette arête dans l'O., sont en réalité les témoins de l'ancien
talus que les eaux ont rongé en creusant les étroites vallées
d'où descendent les torrents. Ils sont en général hauts
(2,877 m. au pic du Midi de Bigorre) et tombent brus-
quement sur la plaine à leur extrémité septentrionale. Les
Pyrénées ont moins de forêts et beaucoup moins de neiges
permanentes que les Alpes ; ce n'est guère que dans* le
centre, entre 3,000 et 3,400 m., que l'on trouve quelques
glaciers. Le val d'Aran, au S. duquel se dresse la Mala-
detta ou monts Maudits (3,404 m. au pic d'Aneto, le plus
haut sommet des Pyrénées), divise la chaîne en deux parties,
Pyrénées orientales et Pyrénées occidentales. C'est dans
cette dernière partie qu'est le Vignemale (3,298 m.), le plus
haut sommet en France. Comme cette chaîne est adossée,
ainsi que l'Himalaya ou les Cévennes, à un plateau, les
cols sont hauts; la montée de France est longue, et la
descente en Espagne plus courte, particulièrement dans la
partie centrale (1 ,880 m. au Pla de Béret, 2,417 au port de
Venasque, etc.). Mais aux extrémités le plateau s'abaisse et
les passages sont plus faciles : à l'E. le Perthus (279 m.), le
col de la Perche (!,6i0m.);kVO. le SomporÊ (1,632 m.),
le col de Roncevaux (1,100 m.), le col de Velate (828 m.)
en Espagne. Au N. des Pyrénées se trouvent, vers l'ex-
trémité orientale, les Corhières; vers le centre s'étale en
éventail le plateau de Lannemezan, large cône de déjec-
tion formé d'alluvions enlevées au massif par les torrents,
et les coteaux d'Armagnac qui lui font suite.
Dans l'ensemble du territoire français, les régions de
plaines, de collines et de plateaux bas dominent. Il n'y a
de véritables régions de montagnes qu'au S. avec les Py-
rénées, au centre avec le Massif central, à l'E. avec les
Alpes, le Jura et les Vosges. Si l'on trace sur la carte une
diagonale allant de la frontière du dép. de la Meuse à
l'embouchure de la Bidassoa et divisant la France en deux
moitiés, la moitié située à l'occident de cette ligne ne
renferme aucun point atteignant l'ait, de 500 m. ; on peut
même dire que dans cette moitié l'ait, n'excède 200 m.
que sur un très petit nombre de points (V. pour le détail
du relief les articles relatifs aux noms imprimés en italique) .
Régime des eaux. — — La pluie et la neige four-
nissent au sol l'humidité qui s'amasse dans les réservoirs
des névés et des glaciers, qui pénètre dans le sol des ter-
rains perméables et en sort sous forme de sources, qui
glisse rapidement sur la surface des terrains perméables.
L'eau coule en suivant les pentes. Les ruisseaux et les tor-
rents en tombant dans un lit commun forment les rivières
qui, confluant à leur tour dans un lit plus important, ali-
mentent le fleuve, c.-à-d. le cours d'eau principal et le
collecteur de toutes les eaux courantes d'un bassin. Nous
avons dit qu'en France, par suite des révolutions géolo-
giques et du relief qui en a été la conséquence, la pente
générale dirige les eaux vers l'O. Cette pente porte les eaux
vers le N.-O. dans toute la partie située au N. de l'arête du
Massif central, vers le S.-O. dans la partie située au S.
de cette arête et dans celle qui est à l'O. du Jura et des
Alpes. Dans la plaine de la Saône et l'étroite vallée du
Rhône, les eaux se dirigent vers le S.-O. d'abord, vers
le S. ensuite dans le grand collecteur de la Saône et du
Rhône et dans les petits fleuves côtiers. C'est le versant de
la Méditerranée (bassin du Rhône) que limitent la ligne
principale des Alpes, la crête orientale du Jura, le pied
FRANCE
— 976 —
des Vosges, les Faucilles, le plateau de Langres, les Cé-
vennes et un des contreforts pyrénéens. Les autres bassins
(bassin de la Garonne, bassin de la Loire, bassin de
la Seine, bassin de la mer du Nord) appartiennent au
versant de V océan Atlantique, Parmi les très nombreux
cours d'eau qui drainent ces bassins, il y en a 67 (y
compris 26 cours d'eau dont une partie est classée comme
navigable) qui sont flottables sur 2,920 kil. et 148 (y
compris 26 cours d'eau dont une partie est classée comme
flottable) qui sont navigables sur une longueur totale de
8,948 kil. (statistique de 1891).
Le bassin du Rhône mesure 98,800 kil. q. dont
91 ,000 appartiennent à la France. Le Rhône coule en tor-
rent dans le Valais, se perd dans le lac de Genève, en
sort limpide, et coule vers l'O. en serpentant dans des dé-
filés du Jura, puis en s'épandant au pied delà Dombes. Par-
venu au pied des Cévennes, il est arrêté par l'obstacle et
tourne brusquement au S. en mêlant ses eaux à celles de
la Saône. C'est là, par 161 m. d'alt., dans une posi-
tion exceptionnellement favorable, surtout au temps où la
Gaule dépendait de Rome, qu'a été bâtie la ville de Lyon,
Depuis le confluent, il continue à se diriger vers le S. en
longeant le pied des Cévennes ; il ne s'en écarte qu'au point
où la chaîne tourne au S.-O. et où lui-même commence à
se diviser en plusieurs bras pour former son delta. Le
Rhône, grossi déjà de Y Ain qui vient du Jura, reçoit à
Lyon par la Saône les eaux de presque toute la partie
supérieure de son bassin, désignée plus particulièrement
sous le nom de bassin de la Saône. La rivière, qui descend
des Faucilles et coule dans la plaine d'abord, non loin des
Cévennes, puis, comme le fleuve, au pied même delà chaîne,
ne reçoit de cette chaîne dont elle est voisine que des affluents
de médiocre importance, mais elle en reçoit de plus longs
sur la rive gauche, principalement le Doubs qui lui apporte
presque toutes les eaux du Jura septentrional. Plus que la
Saône encore, le Rbône ne reçoit des Cévennes que des
affluents de peu de longueur; mais ce sont, comme YAr-
dèche, des torrents redoutables quand ils sont gonflés par
les pluies; sur sa rive gauche, il reçoit tous les torrents
descendus des Alpes, Arve, Isère, Brome , Durance, etc.,
qui leur apportent des quantités considérables de limon. —
Les fleuves côtiers viennent, à gauche, des Alpes, et les
plus importants, torrents capricieux, presque à sec en été,
sont le Var et YArgens; à droite, ils viennent des Cé-
vennes et les principaux sont YHérault et VOrb. Près de
l'Orb débouche Y Aude qui vient des Pyrénées, ainsi que
les cours d'eau du Roussillon, Têt, Tech, etc.
Le bassin de la Garonne mesure 85,000 kil. q. dont
2,500 environ (val d'Aran) appartiennent à l'Espagne. La
Garonne prend sa source dans le val d'Aran, reçoit, par
le trou du Toro et le Goueil de Jouéou, l'eau des gla-
ciers delà Maladetta, pénètre en France par l'étroite gorge
du Pont-du-Roi (585 m. d'alt.), coule vers le N. entre
deux contreforts des Pyrénées, se détourne brusque-
ment vers TE. à Montrejeau devant l'obstacle que lui op-
pose le plateau de Lannemezan, décrit pour le contourner
un arc de cercle, puis rencontre les dernières pentes du
Massif central et se détourne brusquement vers le N.-O.
C'est précisément à ce détour, en face du seuil de Nau-
rouse, c.-à-d. du chemin qui conduit à la Méditerranée,
qu'a été bâtie la ville de Toulouse, longtemps capitale du
Midi. Le fleuve coule ensuite à peu près directement vers
le N.-O. en s'éloignant du massif pyrénéen, comme le
Rhône des Alpes, autant que les dernières pentes du Mas-
sif central le lui permettent. Après le confluent de la Dor-
dogne, le fleuve devient un estuaire large de 11 à 13 kil.
et prend le nom de Gironde. A gauche,' la Garonne reçoit
un petit nombre de torrents des Pyrénées, Neste, etc., et
une partie des maigres rivières du plateau de Lannemezan,
Gers, Baïse, etc. Ces cours d'eau se dirigent du S. auN.
et forment une sorte d'éventail que complètent l'Adour et
ses affluents. A droite, elle reçoit d'abord quelques torrents
pyrénéens, Ariège, etc., puis YHers mort, venu du seuil
de Naurouse, puis de grands affluents venus du Massif cen-
tral et coulant vers l'O. et le S.-O. à travers les défilés
vertigineux des Causses, les gorges volcaniques de l'Au-
vergne ou les pâturages du Limousin, le Tarn, grossi de
YAveyron, le Lot, la Dordogne grossie de la Vézère et
de Ylsle. — Les fleuves côtiers sont : à gauche, YAdour, qui
recueille tous les gaves des Pyrénées occidentales, Gave
de Pau, etc., et une partie des rivières du plateau de
Lannemezan, la Leyre qui débouche dans le bassin d'Ar-
cachon ; à droite, la Charente, la Sèvre Mortaise qui cou-
lent vers l'O. venant, la première du Massif central, la
seconde, des collines du Poitou.
Lq bassin de la Loire mesure 121,600 kil. q. La Loire,
le plus long fleuve de France, prend sa source dans la ré-
gion volcanique du Vivarais, coule vers le N., très encais-
sée dans des gorges, traverse la plaine du Forez, entre les
Cévennes et les monts du Forez, débouche définitivement en
plaine à Roanne où commence en réalité la navigation. Ar-
rêtée dans son cours vers le N. par l'obstacle du Morvan,
elle se détourne vers le N.-O., coulant dans un large lit
où elle dépose les sables détachés des roches du Massif cen-
tral et qu'elle ne remplit de son eau que pendant la saison
pluvieuse. Elle parvient au point le plus septentrional de
sa course à l'endroit où est Orléans, ville qui a été précisé-
ment bâtie là pour servir d'entrepôt commercial entre la
Loire et la Seine. Si elle n'avait été contrainte de se re-
plier vers le S.-O. par la légère proéminence du plateau
de Beauce et du Vendômois dont elle longe les falaises et
coteaux, elle eût continué à couler vers le°N.-0. jusqu'au
lit de la Seine qui est à une altitude beaucoup moindre (la
Loire à Orléans est à l'ait, de 93 m.; la Seine en aval
de Paris est à l'ait, de 28 m.) et qui n'eût été que son
affluent. Dans son cours vers l'O. à travers les plaines de
la France centrale, elle dessine quelques coudes qu'explique
la nature géologique du terrain, et elle coule entre les
dernières pentes presque insensibles du Massif central
d'un côté et des collines de Normandie de l'autre. Presque
tous ses affluents de gauche lui viennent du Massif
central et ont une direction N.-N.-O. : Y Allier, qui
arrose la Limagne et le Bourbonnais, coule parallèlement
au fleuve et lui apporte, à l'époque des crues, presque
autant d'eau qu'il en roule lui-même; le Cher, Y Indre,
la Vienne grossie de la Creuse; la Sèvre Nantaise
et YAchenau, déversoir du lac de Grandlieu, lui viennent
des collines de la Vendée. Les affluents de droite sont
peu importants dans le cours supérieur, parce que la
Loire serre de près les Cévennes et le Morvan ; le princi-
pal est YArroux ; mais dans le cours inférieur, la Maine
recueille par la Mayenne et par la Sarthe grossie du Loir
et lui verse toutes les eaux du versant méridional des col-
lines de Normandie et de leurs appendices. — Les fleuves
côtiers n'ont d'importance qu'à droite de la Loire; ce sont:
la Vilaine, qui arrose la plaine de Rennes; le Blavet, qui
vient des monts de Bretagne ; Y Aulne, qui débouche au fond
de la rade de Brest.
Le bassin de la Seine mesure 77,700 kil. q. dont une
très petite partie (source de l'Oise) appartient à la Belgique.
La Seine est un fleuve de plaine qui a sa source dans un
vallon du plateau de Langres par une ait. de 471 m. Elle
coule vers le N.-O., s'infléchit vers le S.-O. devant la
falaise du plateau de Brie qu'elle contourne par le S., puis
reprend, conformément à la pente générale du bassin, la
direction N.-O. et dessine une longue suite de courbes et
de méandres entre les deux lignes de coteaux qui bordent
sa vallée, creusée probablement à l'époque glaciaire par un
courant beaucoup plus puissant que le sien. Elle se termine
par un estuaire dont la largeur entre Le Havre et Villerville
est de 9 kil. Elle coule au milieu d'un bassin à peu près régu-
lier dont la limite orientale forme un grand arc de cercle de
la source de l'Yonne et même du Loing à la source de l'Oise.
De l'intérieur de cet arc partent de nombreux cours d'eau
comme autant de rayons qui convergent dans les environs de
Paris. A droite, ces cours d'eau sont : Y Aube, qui se réunit
— 97*7
au fleuve au pied de la falaise de Brie ; la Marne, dont le con-
fluent est près de Paris; Y Oise, dont Y Aisne est un des af-
fluents et un des rayons de Tare et dont le confluent est en
aval de Paris. Les autres affluents de la rive droite, comme
YEpte et YAndelle, naissent sur les plateaux de FO. A
gauche, ces cours d'eau sont F Yonne, qui descend des forêts
du Morvan et se grossit de YArmançon, et le Loing qui naît
dans les collines du Nivernais. Les derniers affluents im-
portants de la rive gauche sont Y Eure qui, sortant des
coteaux du Perche, coule d'abord vers FE., à l'opposé de
la pente générale du bassin, mais ensuite se replie vers le
N.-O., et la Rille ou Risle qui a, mais d'une manière moins
sensible, la même allure. — Les fleuves côtiers du bassin
de la Manche (expression plus exacte ici que celle du bassin
delà Seine — on peut en dire autant pour la rive droite de
la Loire), sont : à gauche, en premier lieu, les cours d'eau
de la Bretagne, rivière de Morlaix, Gonet, Arguenon,
Couesnon, Rance, et, en second lieu, les cours d'eau de
Normandie, Vire et Laute, Orne, Touques; à droite,
Y Arques, la Bresle, la Somme, YAuthie, la Canche, la
Liane.
Les deux principaux bassins en partie français de la
mer du Nord sont ceux de l'Escaut , de la Meuse et de
la Moselle. Du bassin de V Escaut la France ne pos-
sède que la partie méridionale, environ 5,500 kil. q. Sur
400 kil. Y Escaut n'en coule que 63 en France ; c'est un
fleuve de plaine dont la source n'est qu'à 90 m. au-dessus
COURS L'EAU DE PLUS DE 200 KILOMÈTRES
COURS D'EAU
KILOMÈTRES
Rhône
812
455
430
290
380
208
Saône
Doubs
Isère
Aude
Garonne
605 .
375
240
481
490
235
335
355
Tarn :
Aveyron
Lot
Dordogne
Isle
Adour
Charente
Loire
980
375
»
220
310
204
320
245
372
235
220
Maine
Sarthe
Loir
Mayenne
Cher
Indre
Vienne
Creuse
Vilaine
Seine
776
225
494 ,
273
204
302
279
226
245
Aube
Marne
Yonne
Armancon
Oise
Aisne
Eure
Somme
Escaut
400
205
804
1.225
565
Lys
Meuse
Rhin
Moselle
du niveau de la mer. La Lys, qui coule en France, ne se
réunit au fleuve que sur le territoire belge. Du bassin de
la Meuse la France ne possède que 7,800 kil. q., c.-à-d.
la moindre partie. La Meuse prend sa source vers l'extré-
mité du plateau de Langres, par 409 m. d'alt., coule vers
le N. entre deux lignes de coteaux qui ne lui laissent qu'un
étroit bassin et s'engage en sortant de France dans une
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
' — FRANCE
gorge de FArdenne. Elle reçoit, à droite, le Chiers et la
Semoy dont une partie seulement appartient à la France ;
à gauche, elle reçoit sur le territoire belge la • Sambre,
rivière importante dont la source est en France. — Lu Mo-
selle est un affluent de gauche du Rhin dont l'eau n'arrose
plus depuis 1871 le territoire français; elle naît par
735 m. d'alt. dans les Vosges, coule vers le N.-O., puis
depuis Toul vers leN.-E. et le N. à travers le plateau de
Lorraine où elle reçoit la Meurthe, venue comme elle des
Vosges.
Lacs, étangs et marais. Lorsque le sol est imper-
méable, qu'il n'a pas de pente ou qu'une cuvette n'a pas de
débouché, ou n'a qu'un débouché insuffisant, Feau des
pluies ou des rivières s'y amasse et forme des lacs, des
étangs ou des marais. Les lacs se trouvent surtout dans
les régions montagneuses. Les Alpes enserrent dans leurs
vallées les principaux lacs de France. Le lac de Genève
SUPERFICIE, PROFONDEUR ET ALTITUDE DES LACS
(D'après M. Delebecque, ingénieur des ponts et chaussées,
pour les Alpes, et d'après M. Belloc pour la plupart des
lacs des Pyrénées.)
LACS
Profondeur
maxima
en mètres
ALTITUDE
du niveau
des eaux
en mètres
Lac de Genève
— d'Annecy
582,3
27
44,6
5,4
3,9
»
1,5
1,4
0,5
0,7
4,0
0,9
0,9
0,8
»
0,9
»
' 1,1 (?)
0,14
0,05
0,016
0,039
0,48
»
70
309,4
67,7
145,4
71,1
35,9
42,5
»
42,9
21,2
31,5
40,3
27,6
30
»
»
96
35
»
»
55
116
»
67
12
»
»
372,3
446,5
231,5
374,4
500,7
2.745
910
474,5
584,1
752,8
848,9
850,7
879
1.075
880
»
1.197
631
950
2.105
2.154
1.968
2.195
1.743
1.500
422
2,267
»
— du Bourget
— d'Aiguebelette
— de Paladru
— d'Allos
— de Laffrey
— de Nantua
— de Sylans
— des Brenets
— de Saint-Point —
— de Remoray
— de l'Abbaye
— des Rousses
— _ Chambon
— Pavin
— de Gérardmer
— Noir
— d'Aude
— de Lanoux
— Bleu
— Noir
— d'Oô
— de Lourdes
— de Miguelon
— de Grandlieu
ou lac Léman (582 kil. q.), le plus grand de tous et le plus
profond (309 m. entre Lausanne et Evian) qui appartient
en partie à la France et en partie à la Suisse ; le lac
d'Annecy et le lac du Bourget qui sont situés dans des
vallées limitant le massif des Beauges et se déversent dans
le Rhône ; plus au S.-O. les lacs d'Aiguebelette et de Pa-
ladru qui envoient leurs eaux l'un dans le Guiers, l'autre
dans l'Isère, les petits lacs de montagnes situés au S. de
l'Isère,, lacs de la Montagne des Sept Lacs, lac de Laf-
frey, lac d'Allos. Dans le Jura sont les lacs de Nantua,
de Sylans, de V Abbaye, des Rousses, de Joux et le lac
de Saint-Point, le plus grand de cette région. Dans les
Vosges sont de petits lacs, Gérardmer, Retour memer,
Longemer, qui se déversent dans la Moselle, lac Blanc,
lac Noir. Dans le Massif central, les lacs Pavin, Cham-
bon, d'ïssarlès occupent le fond d'anciens cratères. Dans
les Pyrénées il y a une vingtaine de petits lacs situés à une
grande altitude, lac de Lanoux, lac Bleu, .lac d'Oo, lac
de Gaube. Le principal lac de plaine est le lac de Grand-
lieu dont FAchenau verse l'eau dans la Loire. — Les
principales régions d'étangs et de marais sont le delta du
Rhône (étang de Valcarès ou Vaccarès, 190 kil. q., etc.),
62
FRANCE
9Î8 -
la Bresse et surtout les Bombes dont les étangs aménagés
pour la pisciculture ont été en partie desséchés, la plaine du
Forez, la Sologne, la Brenne. Au N. de la basse Loire
se trouve le vaste marais de la Grande Brière. La côte
des Landes, derrière la ligne des dunes, est bordée d'un
grand nombre d'étangs, dont la plupart communiquent
entre eux : étangs de Soustons (3k(i8), de Léon (3k<*5),
d'Aureilhan (7 kil. q.), de Biscarrosse et de Parentis
(35 kil. q.), de Cazau et de Sanguinet (60 kil. q.), de
Lacanau (1 9 kil. q. ) , d'Hourtins et de Carcans (61 kil. q.) .
(Le bassin d'Arcachon est un étang de ce genre qui s'est
ouvert un débouché maritime.) La côte du Languedoc est
bordée aussi d'étangs, étangs de Saint-Nazaire(i^ kil. q.),
de Leucate (55 kil. q.), de Sigean (43 kil. q.), de Gruis-
san, de Capestang (19 kil. q.), de Vendres (25 kil. q.),
de Thau (400 kil. q. environ), de Mauguio (56 kil. q.).
Climat. — ■ La France, située entre le 51e et le 42e
degré de lat., jouit d'un climat tempéré. Ce climat est, en
outre, réchauffé par la prédominance des vents de S.-O.,
par le voisinage de l'Atlantique et par le courant marin
dirigé du S.-O. au N.-E., qui semble faire suite au Gulf-
Stream, mais qui en est distinct. La France est soumise à
deux régimes de vents principaux : celui des vents de S. et
d'O. , qui est généralement' pluvieux et relativement chaud en
hiver, et celui des vents du N., du N.-E» et du S.-E., qui
est généralement sec en toute saison et froid en hiver.
La direction des vents, à un moment donné, dépend de la
position des centres de hautes et de basses pressions; l'aire
des basses pressions s'allonge d'ordinaire suivant une ligne
orientée du S.-O. au N.-E. Le déplacement des aires de
basses pressions ou « dépressions » détermine, surtout en
été, la formation des orages. Dans la Manche et dans les
provinces qu'elle baigne, le vent pénètre avec force, comme
la marée, et souffle très souvent de l'O. et du S.-O. Au S. de
la Bretagne, il semble que le vent tourne ; c'est le vent de
N.-O. qui domine sur les côtes du golfe de Gascogne. Dans
la région méditerranéenne, les principaux courants atmos-
phériques viennent des Alpes en sçufflant du N.-E., ou du
Massif central en soufflant du N.-O. Ce dernier vent est le
mistral, produit surtout par la différence de température
entre les plateaux de la France centrale et les plaines de
Provence. L'étroite vallée du Rhône est soumise à peu près
au même régime de vents que la région méditerranéenne.
— Le vent du S.-O., venant des régions chaudes de l'Atlan-
tique, est celui qui fournit le plus de pluie. C'est au pre-
mier contact, près du rivage de la mer, que les nuages
déversent d'abord cette pluie : c'est pourquoi les côtes de
la Bretagne et de la Manche sont arrosées par des pluies
fréquentes, très abondantes, et par des brouillards, surtout
dans les parties où les nuées sont arrêtées par le relief du sol,
comme entre les monts d'Arrée et les montagnes Noires,
au fond de la baie du mont Saint-Michel et dans la baie de
la Somme. La même cause rend la pluie très abondante
au fond du golfe de Gascogne dans les Pyrénées occiden-
tales. Quand les vents d'O. ont franchi la zone côtière, ils
portent leur humidité à travers les terres efc en déposent
la plus grande partie sur les plateaux et les montagnes qui
arrêtent les nuages et qui, étant en général plus froids que
les plaines, condensent la vapeur en pluie. De là, dans ces
régions, des pluies souvent plus abondantes cme'sur les
côtes, quoique le nombre des jours pluvieux soit moindre ;
elles tombent ainsi sur le Massif central, particulièrement
dans les Gévennes qui reçoivent, d'une part, les nuages
de l'Océan et, d'autre part, ceux de la Méditerranée, dans
les Alpes qui sont plus hautes et plus froides que les Cé-
vennes ; la hauteur de la pluie qui tombe, dans certaines
parties des Alpes du Dauphiné atteint jusqu'à 2 m. par an.
Au contraire, dans les parties éloignées de la mer et suf-
fisamment abritées, comme la Limagne et la Champagne
pouilleuse, il tombe très peu de pluie. La pluie est rare
en Provence, surtout sur la côte occidentale, parce que les
vents de terre dominent en été et parce que les vents de
la Méditerranée charrient beaucoup moins d'eau que ceux
de l'Océan. On évalue approximativement à 80 centim. la
hauteur moyenne de la pluie qui tombe annuellement
en France.
La température moyenne de Vannée est de H° C.
Elle est déterminée surtout par la latitude et l'altitude des
lieux. C'est ainsi qu'il fait plus chaud à Montpellier qu'à
Lille et qu'au pied du Ventoux la moyenne est de 13°,
tandis qu'au sommet (1 ,912 m.) elle ne dépasse pas 2°,
comme dans la Finlande méridionale. La température est
déterminée aussi en partie par la direction des vents, par
le degré d'humidité de l'atmosphère, par la proximité de
la mer. Ainsi, à latitude et à altitude égales, les régions
où domine le vent de N.-E. sont plus froides que celles où
domine le vent de S.-O., celles où une atmosphère humide
forme un écran contre l'ardeur du soleil et contre le rayon-
nement de la chaleur, et celles qui sont voisines de l'Océan
sont relativement moins froides en hiver et moins chaudes
en été. En traçant une diagonale de l'embouchure de la
Vire au col de Tende on divise à peu près la France en
deux grandes régions; celles du N.-E. ayant une tem-
pérature inférieure à la moyenne, et celle du S.-O.
une température supérieure : ce qui est dû surtout à la
double influence de l'Océan et de l'altitude. Cette diago-
nale, qui est la ligne isotherme moyenne de la France,
n'est d'ailleurs pas une ligne droite. De la Vire, elle se
dirige d'abord au S. en laissant les collines de Normandie
et du Maine dans la région froide ; puis, dans la plaine de
la Loire, elle se replie jusque par delà Orléans pour enve-
lopper la Touraine et le Berry dans la région chaude ; elle
contourne ensuite par l'O. et le S. le Massif central qui,
malgré sa latitude, fait partie de la région froide ; à l'E.
de ce massif, elle remonte le long des Cévennes jusqu'à la
partie septentrionale de la Saône et redescend en suivant
le pied du Jura et celui des Alpes jusqu'en Provence. Ce-
pendant au N. de cette ligne de partage, il y a certains
points très exposés, comme la vallée de la Basse-Seine et
la Limagne, où la moyenne de la température est de plus
de 11°. Les plus hautes températures moyennes sont celles
de la côte orientale de Provence (env. + 15°) ; les plus
basses sont sur la frontière N.-E. (+ 8°). La tempéra-
ture moyenne de Vhiver est de + 4-° ; la ligne iso-
chimène moyenne, influencée comme la ligne isotherme
moyenne, serpente en diagonale du pays de Caux à la
Provence. La température moyenne de l'été est de i9°;
la ligne isothère moyenne part de l'embouchure de la Loire,
contourne le Massif central par le S., remonte la vallée
du Rhône et aboutit aux Vosges ; cependant les Grandes
Alpes forment un îlot de température froide dans la région
chaude.
On peut diviser la France en sept régions climatériques
ou climats, régions qui ne correspondent d'ailleurs qu im-
parfaitement à la diversité des conditions climatériques qui
changent avec l'altitude et l'exposition d'une localité à
l'autre. Le climat armoricain est tout maritime ; il a un
été modéré, un hiver doux, beaucoup d'humidité et de
brouillards. A Brest, situé à l'extrémité occidentale de ce
climat, la température moyenne de l'année est de + 11°, 7;
celle de janvier de + 6°,3, celle de juillet + 17°,9. Ce
climat comprend la Bretagne, le Maine, Y Anjou, la Tou-
raine, la Normandie et la Picardie occidentale. — Le
climat séquanien, où l'influence maritime domine encore,
est moins pluvieux et a des hivers plus froids. A Paris,
situé à peu près au centre, la température moyenne de
l'année est de 10°,2, celle de janvier est de + 2°, 6, celle
de juillet est de -f- 48°,3. Ce climat comprend tout le
bassin de la Seine, moins ses extrémités occidentale et
orientale et s'étend sur une partie de la Picardie et sur
la Flandre. — Le climat vosgien est continental; il a
des hivers longs et rudes et des étés chauds ; la pluie, qui
est assez abondante, surtout dans l'Ardenne, est amenée
par le vent du N.-E. plus que par celui du S.-E.; la bise
y détermine souvent des orages en été. A Nancy, la tem-
rature moyenne de l'année est de -+- 9°,3, celle de janvier
979 —
FRANCE
de 0°,2, celle de juillet de + 4 8°, 5. Ce climat comprend
l'extrémité orientale du bassin de la Seine et la Lorraine.
— Le climat rhodanien comprend des climats très divers
suivant les altitudes ; en général, l'influence de la Méditer-
ranée se fait sentir par le vent chaud du S. cmi alterne
avec la bise. Mais dans les Alpes, le Jura méridional et les
Cévennes septentrionales, l'hiver est rude et la neige est
abondante ; d'autre part, les étés sont généralement secs
et très chauds dans les vallées. A Lyon, qui est dans la plaine
et au centre de cette région, la température moyenne de
l'année est de + 11°, 5, celle de janvier de ~f- 2°, 4, celle
de juillet de -f- 21°,2. Ce climat comprend la plus grande
partie du bassin du Rhône, des Faucilles jusqu'à Valence
et Digne. — Le climat méditerranéen est caractérisé par
Finfluence de la Méditerranée et par sa haute température.
L'été y est chaud et sec ; les pluies y sont bien moins fré-
quentes qu'ailleurs, mais elles tombent avec abondance,
surtout dans les montagnes par les orages d'hiver et d'au-
tomne. Le mistral et le sirocco sont des vents qu'on y
redoute. A Avignon, la température moyenne de l'année
est de -f 14°, celle de janvier de + 4°, 8, celle de juillet
de + 23°, 8. Ce climat comprend toute la région méditer-
ranéenne au S. de Valence et de Digne. — Le climat gi-
rondin participe de la nature des climats maritimes. Les
vents du N.-O. y apportent leur humidité, surtout au prin-
temps et produisent dans la région pyrénéenne une irri-
gation abondante. Les étés y sont généralement beaux et
chauds et les automnes longs. A Bordeaux, la température
moyenne de l'année est de -f- 4 2°, 8, celle de janvier de
■+-§°fi, celle de juillet de + 20°,6. Ce climat comprend le
bassin de la Charente et tout le bassin de la Garonne
entre le Massif central et les Pyrénées avec le bassin de
l'Adour. — Le climat central a un hiver long et rude,
des neiges longtemps persistantes, des vents violents, des
pluies abondantes. A Clermont-Ferrand, la température
moyenne de l'année est de -f- 9°, 5, celle de janvier de
+ 2°, 7, celle de juillet de+ 48°,3. Ce climat comprend
tout le Massif central, moins quelques vallées bien abri-
tées, comme la Limagne, qui jouissent d'un climat plus
doux.
TABLEAU DE LA TEMPÉRATURE ET DE LA PLUIE DANS CERTAINES LOCALITÉS DE CHAQUE CLIMAT
(D'après le Bureau central météorologique.)
VILLES
Brest
Paris
Nancy
Lyon
Avignon
Perpignan
Bordeaux
Saint-Martin-de-Hinx (1)
Clermont-Ferrand
(1) Landes, au N.-E. de Bayonne.
TEMPERATURE MOYENNE
Année
Janvier
Juillet
Degrés
Degrés
6,3
17,9
2,6
18,3
0,2
18,5
2,4
21,2
4,8
23,8
7,5
23,1
6,6
20,6
6,6
20,2
2.7
18,3
Degrés
11,7
10,2
9,3
11,5
14,0
14,7
12,8
13,2
9,5
Hauteur
Millim.-
920
550
780
740
690
540
770
1.390
540
Nombre
de
jours
205
170
160
150
70
60
150
190
150
CLIMATS
Armoricain
Séquanien
Vosgien
Rhodanien
Méditerranéen
Id. (Pyrénées)
Girondin
Id. (Pyrénées)
Central
Faune. — D'une façon générale, on peut dire que
la faune de la France est celle de l'Europe centrale
(V. Europe [Faune]). Ce que nous avons dit de la faune
de l'Europe peut donc s'appliquer presque toujours à la
France. Il suffira de noter ici les particularités qui dis-
tinguent plus spécialement la faune de notre pays. Rap-
pelons d'abord que la France appartient à la région paie—
arctique et que deux sous-régions, la sous-région européenne
et la sous-région méditerranéenne, ont leur limite commune
en France. Il est assez difficile de tracer cette limite sur
une carte, chaque espèce animale ayant une répartition
géographique qui lui est propre ; on peut dire cependant
que cette limite coïncide à peu près avec le cours de la
Loire : les bassins de la Garonne et du Rhône appartien-
nent à la sous-région méditerranéenne ; les bassins de la
Seine et du Rhin ou de leurs affluents, à la sous-région
européenne. Cependant, certains animaux, qui appartiennent
manifestement à la sous-région méditerranéenne, remon-
tent, àl'O., très loin au N. de la Loire : telle est la Genette
(Ge7ietta vulgaris), petit Carnivore à faciès africain, qui
se montre jusque dans le dép. de l'Eure, c.-à-d. en
Normandie. L'influence du courant chaud qui baigne nos
côtes de l'Océan , se fait sentir ici , non seulement sur
la faune marine, comme nous le verrons plus loin, mais
encore sur la faune terrestre, comme sur la flore du
même pays.
La faune de la sous-région européenne a été décrite au
mot Europe. Parmi les Mammifères intéressants ou rares
que l'on trouve en France, il convient de signaler le Vison
(Lutreola vison ou Mustela lutreola), qui se trouve
jusque dans le bassin de la Loire (Maine-et-Loire, Vienne,
Deux-Sèvres), mais fait défaut dans celui de la Garonne.
Un petit Rongeur, le Hamster (Cricetus frumentarius) ,
qui s'étendait autrefois jusque dans le bassin de la Seine,
ne se trouve plus que sur le versant oriental des Vosges,
par conséquent en dehors des limites politiques actuelles
de notre pays. Par ailleurs, on trouve encore en France
une centaine de Mammifères, en comptant les Cétacés qui
se montrent sur les côtes, et les grandes espèces, détruites
dans d'autres pays, par exemple en Angleterre, habitent
encore les forêts et les régions montagneuses de l'Est et
du Nord- Est : tels sont le Loup, le Lynx, l'Ours, parmi les
Carnivores ; le Cerf, le Chevreuil et le Sanglier, parmi les
Herbivores.
La faune du S. de la France (sous-région méditerra-
néenne) est mieux caractérisée par les types à faciès méri-
dional qu'elle possède. Nous avons déjà cité la Genette; le
Castor ne se trouve plus que dans le Rhône méridional,
mais il est certain qu'autrefois il habitait tous les cours
d'eau de notre pays, y compris la Seine. Parmi les Chauve-
Souris, le Miniopterus Schreibersii, le Vespertilio Ca-
paccinii, le Vesperugo Kuhlii, le Rhinolophus eu-
ryale, etc., sont des types propres à cette sous-région et
qui s'étendent peu vers le N. Les Alpes et les Pyrénées
ont aussi une faune qui leur est propre : l'Ours et le Lynx
s'écartent peu des montagnes ; le Lièvre changeant. (Lepus
variabilis) et l'Hermine (Mustela erminea) y remplacent
le Lièvre des plaines et la Belette. Le Chamois (Capella
rupicapra) habite nos deux grandes chaînes de montagnes ;
il en est de même du Bouquetin (Capra ibex), mais le
Mouflon (Ovis musmon) ne se trouve qu'en Corse. La
Marmotte des Alpes (Arctomys marmotta) n'habite plus
les Pyrénées qui possèdent par contre un curieux Insecti-
vore, le Desman (Mygale pyrenaïca), propre à la pénin-
sule hispanique, mais "qui se retrouve sur le versant fran-
çais des Pyrénées. Le Lapin (Lepus cuniculus) et le Daim
FRANCE
— 980 -
(Cervas dama) sont originaires de cette sous-région, et
ce dernier ne se trouve plus au N. que dans des parcs,
sous la protection de l'homme et dans une semi-domesticité.
La faune entomologique de la sous-région méditerra-
néenne, beaucoup plus nombreuse en espèces et en individus
que la faune des Vertébrés, contribue à donner à cette
sous-région son faciès méridional, qui frappe l'observateur,
dès qu'il s'avance, pendant l'été, au S. de la Loire.
Les Sauterelles ou plutôt les Criquets (Acrydium) aux
ailes rouges et bleues sont si abondants qu'ils s'envolent à
chaque pas sous les pieds du passant et pénètrent jusque
dans les rues des villes ; la Cigale (Cicada musica) fait
entendre son appel strident inconnu des habitants du Nord.
De petits Hannetons, d'un bleu métallique et nacré (Hoplia
farinosa), rivalisent d'éclat avec les plus beaux Insectes
des pays tropicaux. Ce changement, d'ailleurs, ne s'opère
pas tout d'un coup, et la forêt de Fontainebleau, située à
42 ou 45 lieues au S. de Paris,, est citée comme une loca-
lité où l'on trouve une foule d'espèces de la faune médi-
terranéenne, attirées par cette sorte d'oasis isolée au milieu
de la sous-région européenne. — Les différentes provinces
de la France présentent souvent des contrastes bien mar-
qués, qui tiennent à leur constitution géologique, à leur
élévation au-dessus du niveau de la mer, à leur éloigne-
ment plus ou moins grand des côtes sous une même lati-
tude, à l'abondance des forêts ou des cours d'eau, etc.
C'est ainsi que la faune des forêts montagneuses des Ar-
dennes et des Vosges n'est pas la même que celles des
marais de la Brenne ou de la Bresse, des campagnes cul-
tivées de la Champagne ou de la Beauce, et diffère encore
plus de celle des plaines arides de la Provence et du Lan-
guedoc, où souffle le vent du désert africain. La faune des
Pyrénées n'est pas la même que celle des Alpes, et toutes
deux diffèrent de celle du plateau central volcanique qui
forme les montagnes d'Auvergne.
Faunes marines. Les faunes de nos deux grandes mers
(océan Atlantique et Méditerranée) présentent des diffé-
rences analogues à celles des faunes des deux sous-régions
terrestres ou continentales ; mais, ici encore, la limite
entre les deux faunes est difficile à tracer, car ce serait
une erreur de croire que la délimitation géographique
actuelle de ces deux mers coïncide avec des différences
absolues dans leur faune. En réalité, la faune méditerra-
néenne (province lusitanienne des malacologistes) dé-
passe, à l'O., le détroit de Gibraltar et, au N.-O., les
Pyrénées, pour s'étendre jusque dans le golfe de Gascogne,
n'étant bornée au N. que par les côtes méridionales de la
Bretagne (péninsule armoricaine). La province celtique,
qui comprend la faune marine du N. de la France, n'est
donc représentée que par les côtes de la Manche, du Pas-
de-Calais et de la mer du Nord. En d'autres termes, la
faune de la Méditerranée et celle du golfe de Gascogne se
ressemblent beaucoup plus que celle-ci ne ressemble à la
faune de la Manche. C'est là un indice bien évident de ce
fait que confirme la géologie, à savoir que la communica-
tion existant entre l'Océan et la Méditerranée, au N. de la
péninsule ibérique, n'a cessé d'exister qu'à une époque
relativement récente de la période tertiaire. La faune ma-
rine des deux provinces (lusitanienne et celtique) est très
riche en types variés appartenant aux Poissons, aux Mol-
lusques et aux Invertébrés inférieurs. Nous nous contente-
rons de mentionner ici les Mammifères marins que l'on
rencontre sur nos côtes. Deux espèces de Phoques (Pinni-
pèdes) s'y montrent habituellement : le Veau marin
(Phocavitulina), propre au N. de l'Océan, est représenté
particulièrement par une petite colonie qui habite les bancs
de sable de la baie de la Somme. Le Phoque moine (Pela-
gius monachus) est, au contraire, une espèce méridionale
qui vit dans la Méditerranée et se montre aux îles d'Hyères
et près de Nice. — Des Cétacés de grande taille viennent
souvent s'échouer sur nos côtes : la Baleine des Basques
(Balœna biscayensis), autrefois chassée par les pêcheurs
du littoral de la Gascogne, ne fait plus sur nos côtes que
de rares apparitions, mais le Cachalot (Physeter macro-
cephalus) s'y montre quelquefois en troupes nombreuses ;
des Baleinoptères (Balœnoptera), des Marsouins (Pho-
cœna) et des Dauphins (Delphinus), d'autres grands
Cétacés des genres Orca, Ziphius et Hyperoodon sont
fréquemment poussés par les tempêtes sur les côtes du
N.-O. de la France, et la plupart pénètrent aussi dans la
Méditerranée. — Dans le golfe de Gascogne, on trouve une
profonde dépression sous-marine désignée sous le nom de
Fosse du Cap-Breton, où le fond dépasse 4,200 m. de
profondeur et qui est habitée par une faune abyssale ou
des grandes profondeurs, bien différente de celle des cotes,
faune dont on n'avait aucune idée jusqu'à ces dernières
années. Ce sont les dragages opérés pendant les expéditions
dn Travailleur et du Talisman (4880-4883) qui nous ont
révélé les richesses et les formes si curieuses de cette faune
toute spéciale (V. Mer [Faune de la], Faune, Géographie
zoologique et Europe, notamment ce dernier mot pour la
paléontologie de la France). E. Trouessart.
Flore. — Prise dans son ensemble, la flore de France
peut être considérée comme l'expression la plus occidentale
de la végétation de l'Europe centrale et par conséquent de
la grande zone que Grisebach appelle asiatico-européenne.
Mais la situation particulière de notre pays entre deux
grandes mers, ses climats variés d'altitude, de plaine, de
littoral, ses saisons d'hiver inégales, rigoureuses dans le
Nord, douces dans le Midi, son sol très divers, tantôt cal-
caire, tantôt siliceux, sont autant de facteurs qui ont con-
tribué à donner à notre flore son cachet particulier, qui la
distingue de la flore de tous les autres pays de l'Europe,
tout en lui laissant quelques traits de chacune ; la flore
française est très riche, très variée et très intéressante.
Renfermée dans les limites naturelles de l'ancienne Gaule,
elle comprendrait tout l'espace borné au N. par la Manche
et le Rhin, à l'E. par le Rhin et les Alpes, au S. par la
Méditerranée et les Pyrénées, et à l'O. par l'océan Atlan-
tique. Sauf au N., où nous nous arrêterons à la frontière
actuelle de la France, nous lui conserverons à peu près ces
limites, qui s'étendent sensiblement du 42e au 52e degré
de lat. N. et du 7e degré de longit. 0. au 5e degré de
longit. E. Le climat des différentes régions comprises dans
ces limites imprime à la flore des différences correspon-
dantes ; en effet, les plantes ne demandent pas toutes les
mêmes conditions de chaleur, de lumière et d'humidité
pour accomplir les différentes phases de leur existence et
pour continuer à se reproduire là où elles ont pris nais-
sance. Il semble de prime abord que rien n'est plus aisé
que de diviser la flore de France en régions végétales na-
turelles ; il n'en est rien, n est facile de se rendre compte
que les massifs montagneux et l'énorme développement de
nos côtes modifient considérablement le climat des diverses
provinces et que pour cette raison la division pure et simple
en plantes septentrionales et méridionales, avec les gra-
dations intermédiaires, n'est pas possible. C'est ce qu'ont
compris dès le début de ce siècle A. -P. de Candolle et La-
marck, les auteurs de la première tentative faite pour
subdiviser la France en régions végétales naturelles. Ils
eurent l'idée de dresser une carte botanique avec des teintes
permettant de saisir d'un coup d'œil la distribution des
plantes. Le littoral maritime était teint en vert, ainsi que
quelques localités intérieures à végétation halophyte, sans
distinction du littoral au N. de la Loire et au S. de ce
fleuve et du littoral méditerranéen. Sur la même carte, le
bleu représentait les plantes des montagnes (Alpes, Jura,
Cévennes, Auvergne, Pyrénées, Vosges), sans distinction
entre une zone alpine et une zone subalpine. Le rose car-
min désignait la région provençale avec la Corse, c.-à-d. la
région dite méridionale ou de l'Olivier. Au N. de cette ré-
gion, à l'O. du Jura, c'était la vaste région des plaines,
s'étendant de Grenoble, de Limoges, du Mans aux bords
de la Manche et du Pas-de-Calais, à la Belgique et aux
extrêmes limites de la Lorraine et de l'Alsace ; cette région,
qui formait les trois cinquièmes du pays, était teintée de
— 981 —
FRANCE
jaune; la flore y est partout analogue à la flore parisienne ;
de plus, ses plantes se retrouvent dans les régions précé-
dentes associées aux espèces spéciales de ces régions.
Enfin le rouge vermillon servait à indiquer la région qui
s'étend du S. de la Bretagne jusqu'au voisinage des Pyré-
nées, région intermédiaire entre les plaines du Nord et les
provinces méridionales. — La même carte représente les
limites de culture de l'Olivier, du Maïs et de la Vigne, qui
sont à peu près parallèles entre elles et se dirigent obli-
quement de l'O. à l'E. et du S. au N. Ainsi la limite de
culture de la Vigne va de Guérande, par Mantes et Com-
piègne, à Saint-Hubert, en Belgique ; la limite du Maïs
part de la pointe de Graves, passe par Saint-Jean-d'Angély,
puis près de Bourges et de Semur, et de là va en droite
ligne à Strasbourg; enfin, la limite de l'Olivier part des
environs de Narbonne, passe près de Montpellier, puis par
Anduze et par Die et arrive en Savoie au N. de Saint-Jean-
de-Maurienne. Cette obliquité des limites de culture ne
paraîtra pas extraordinaire si l'on songe que la Vigne, le
Maïs et les autres plantes similaires ne redoutent pas les
grands froids de l'hiver, soit que la sève cesse de circuler
après la chute des feuilles, soit que la plante ou du moins
sa tige est annuelle ; ces plantes exigent en même temps
une température élevée en été, condition qui se trouve réa-
lisée par le climat continental ; ce climat, s' accusant de
plus en plus, en se déplaçant à l'E., détermine cette obli-
quité de la limite de culture. On conçoit en même temps
que ces lignes ne peuvent servir dans la délimitation des
régions végétales naturelles, la plupart des plantes spon-
tanées ne se trouvant pas dans les mêmes conditions de
végétation que les plantes cultivées dont il a été question.
Du reste, si on établit les limites de végétation des plantes
spontanées, on constate que les lignes obtenues sont loin
d'être parallèles, mais s'entrecroisent de la manière la plus
irrégulière. Les aires des espèces sont donc très discor-
dantes, ce qui prouve que d'autres causes que les différences
de climat interviennent pour favoriser ou arrêter l'exten-
sion de chaque espèce en particulier. C'est surtout l'asso-
ciation de certaines formes qui caractérise une région ou
une zone végétale, et une espèce à laquelle on serait tenté
d'attribuer une importance prépondérante peut disparaître
brusquement ou être remplacée par une autre sans que
l'ensemble de la zone perde son cachet (V. Géographie
botanique) . Du reste , pour en finir avec les plantes cul-
tivées, nous dirons qu'en raison des conditions artificielles
que l'homme leur impose, les limites de l'aire qu'elles
occupent ne peuvent être ce qu'elles seraient à l'état de
nature ; elles ne peuvent donc fournir une base sérieuse
pour établir une répartition régionale des plantes. — Parmi
les causes qui peuvent intervenir pour étendre ou limiter
l'aire d'une plante, nous aurions à examiner ici le rôle
que jouent l'état physique du sol (meuble ou compact)
et sa constitution chimique (siliceuse ou calcaire). Nous
reviendrons sur cette question plus loin, en étudiant le
mode de formation de la flore française.
Pour étudier la distribution des plantes dans notre pays,
nous tiendrons compte des divisions proposées par Bâillon :
« Les plantes de la flore française, dit-il, sont de plaine,
de montagne ou des bords de la mer. De là trois grandes
divisions. Dans chacune d'elles, il y a des subdivisions sui-
vant la latitude, la température, la nature chimique du
sol, etc. Les plantes de plaine seront donc les unes de
plaines calcaires, les autres de plaines siliceuses ; la flore
de plaine sera septentrionale ou centrale, c.-à-d. froide ou
tempérée, ou méridionale, c.-à-d. chaude dans le sens où
l'on emploie assez souvent l'expression flore de la région
des Oliviers ou de la Provence, etc. » Des divisions ana-
logues peuvent être appliquées aux flores de montagnes et
aux flores de la zone maritime. — Nous diviserons la flore
française simplement en flore des plaines, y compris celle
du littoral,' et en flore des montagnes, en accordant une
importance toute particulière aux conditions climato-
logiques.
FLORE DES PLAINES. — D'après ce qui précède, on
a pu voir que l'un des principaux facteurs de la répartition
des plantes en régions naturelles est la latitude. Mais il suffit
de jeter les yeux sur la carte de France pour comprendre que
bien d'autres influences interviennent dans la répartition des
espèces. Par sa siluation, notre territoire est surtout soumis
à deux systèmes de courants atmosphériques, celui des vents
de l'O. et du S., qui engendrent un régime à la fois doux et
humide, et celui des vents du N. et de l'E. qui font pré-
dominer la sécheresse en même temps que le froid rigou-
reux en hiver et les fortes chaleurs en été. Le courant
marin qui fait suite au gulf-stream, en attiédissant les
côtes maritimes de l'O., favorise l'extension à de hautes
latitudes de plantes relativement méridionales, celles sur-
tout qui, capables de résister aux rigueurs de l'hiver,
ne réclament pas une température très élevée pour leur '
reproduction par graines. C'est ce qui arrive pour les
côtes de la Bretagne, tandis que plus au S., au delà de
l'embouchure de la Loire, où l'influence de la latitude
redevient plus sensible, on voit d'autres espèces, plus exi-
geantes au point de vue de la température, venir enrichir
cette flore. On peut donc déjà admettre une région bota-
nique occidentale plus ou moins maritime, comprenant
deux subdivisions qui correspondent aux climats breton ou
armoricain (à l'exclusion de la Normandie) au N., girondin
ou aquitanien au S.
Région occidentale. — Elle se subdivise, comme nous
venons de le voir, en une région bretonne ou armoricaine
et en une région girondine ou aquitanienne.
La région armoricaine, presque entièrement constituée
par le terrain granitique ou primitif cristallin et par les
schistes primaires siluriens, et dont les montagnes forment
deux chaînes qui ne dépassent pas 394 m. d'alt. à leur point
culminant (à l'O. des monts d'Arrée), nous présente une
flore surtout composée de plantes littorales et d'un certain
nombre de plantes de l'intérieur parmi lesquelles dominent
les silicicoles. Cependant le calcaire de laCharente-Iuférieure
se prolonge dans l'E. du dép. des Deux-Sèvres et dans le
Midi de la Vendée. — Les marais et près salifères offrent
entre autres : Ranunculus Baudotii, Cochlearia an-
glica et C. danica, Lepidium latifolium, Arenaria
maritima, Apium graveolens , Eryngium viviparum,
Glaux maritima; plusieurs Statice parmi lesquels S.
limonium et 5. Dodartii, Plantago maritima, Inula
crithmoides, Sonchus maritimus , Artemisia mariti-
ma; plusieurs Salicornia, Salsola soda, Beta maritima,
Atriplex littoralis; des Suœda, Scirpus maritimus,
Car ex extensa, Zostera marina, Polypogon mari-
timus, Agrostis maritima, etc.; les sables maritimes, des
plantes telles que : Convolvulus soldanella, Omphalodes
littoralis, Chrysanthemum maritimum, Helichrysum
stœchas, Diotis candidissima, Artemisia crithmifolia,
Galium arenarium, Eryngium maritimum, Trifolium
arenivagum, Ononis striata, Medicago marina, Tri-
bulus terrestris, Dianthus gallicus, lionke?wja pe-
ploides, Cerastium pumilum, Silène portensis, Cakile
Serapionis, Matthiola sinuata, Salsola Kali, Atriplex
crassifolia, Polygonum maritimum, Euphorbia peplis,
E. paralias et E. portlandica, Ephedra distachya,
Phleum arenarium, Scirpus holoschœnus, Car ex are-
naria, etc. Sur les rochers et les coteaux, on rencontre :
Crambe maritima, Raphanus maritimus, Silène mari-
tima, Umbilicus pendulinus, Lavatera arborea, et
L. cretica, Erodium maritimum, Daucus gummifer,
Erythrœa maritima, Armeria maritima, Atriplex por-
tulacoides, Isoetes hystrix, Ophioglossum lusitanicum,
Asplenium marinum, etc. ; dans les haies, les prai-
ries, etc. : Erodium malacoides, Trifoliummaritimu?n,
Tamarix gallica, Scolymus hispanicus, Atriplex Hali-
mus, Juncus acutus et /. maritimus, Hordewm mariti-
mum, etc. — Plus à l'intérieur, à côté des plantes ubiquistes,
on rencontre, dans les lieux humides ou aquatiques :
Euphorbia palustris, Myrica gale; plusieurs Alisma, de
FRANCE
- 982 —
nombreux Saules et Polygonum, Samolus Valerandi,
Anagallis tenella, Littorella lacustris, Pinguicula vul-
garis et P. lusitanica, Utricularia neglecta et autres,
Vaccinium oxycoccos, Gratiola officinalis, Elodes pa-
lustris, Comarum palustre, Cicuta virosa, Drosera
rotundifolia et D. intermedia, Trapa natans; nombreux
Cyperus, Juncus, Carex, etc.; Equisetum telmateia,
Marsilea quadrifolia, Pilularia globulifera, Lycopo-
dium inundatum, Osmunda regalis, 'etc., toutes plantes
qui, à de rares exceptions près , se rencontrent dans la
plupart des stations analogues du reste de la France. Les
plantes terrestres des bois et des landes, parmi lesquelles
les silicicoles dominent, sont très nombreuses ; citons comme
particulièrement caractéristiques : Corydalis solida, Digi-
talis purpurea, Lobelia urens, Rubia peregrina, Li-
thospernum prostratum, Âsperula odorata, Serratula
tinctoria, Impatiens noli tangere, Orobus tuberosus,
Centaurea nigravt C. amara, Euphrasia nemorosa, Ulex
européens et U. nantis, Erica ciliaris, E. cinerea, E.
vagans, E. scoparia, Lysimachia nemorum, Euphorbia
dulcis, Daphne laureola, Narcissus pseudo-narcissus,
Ruscus aculeatus, Paris quadrifolia, Tamus communis,
Ornithogalum pyrenaicum, Scilla bifolia, Alliumursi-
num, Equisetum sylvaticum, Blechnum spicant, Pteris
aquilina, Botrychium lunaria et autres Fougères, Lyco-
podium selago et L. clavatum, Equisetum sylvaticum,,
nombreux Luzula, Carex, Graminées, etc., et parmi les
arbres : Pinusmaritima, Juniperus communis, Quercus
pubescens, Q. tozza, Q. cerris, Q. ilex, etc., Castanea
vulgaris, Fraxinus excelsior, des Pyrus, Sorbus aucu-
paria, etc. — Quant aux plantes calcaires, elles ne sont pas
en général représentées dans la région armoricaine par des
espèces bien caractéristiques ; mentionnons cependant : Tha-
lictrum minus, Lepidium campestre, Thlaspi perfolia-
tum, Althœa hirsuta, Anthyllis vulneraria, Potentilla
verna, Galium spurium, Dipsacus pilosus, Cardun-
cellus mitissimus, Cirsium acaule, Phyteuma orbicu-
lare, Chlora perfoliata, Lithospermum officinale,
Anchusa italica (originaire du Midi), Cynoglossum
pictum, Salvia sclarea, Stachys germanica, Ajuga
chamœpitys, Potamogeton plantagineus, Juncus obtu-
siflorus, Car ex nitida, Adiantum capillus veneris
(originaire du Midi); ajoutons un grand nombre d'Orchidées,
qu'on retrouve toutes sur les terrains calcaires de la région
septentrionale de la France.
Le territoire girondin ou aquitanien est, grâce à la
direction de ses côtes et au prolongement occidental de la
péninsule ibérique, moins directement exposé au gulf-stream
que la Bretagne ; de plus il n'est pas partout abrité
contre les courants du N. Aussi observe-t-on dans certains
hivers à Poitiers, à Bordeaux, à Bayonne, etc., des froids
plus rigoureux que sur les côtes de la Bretagne. Vers le
N., le climat passe insensiblement au climat moyen de la
France, déjà plus ou moins continental, et la flore se rap-
proche de celle du centre de la France. Au S., la région
aquitanienne se resserre entre les Pyrénées d'une part, le
Massif central de l'autre, en formant une sorte de couloir
(plaine de Toulouse et vallée de l'Aude), protégé parle Mas-
sif central contre les vents du N. et ouvert aux courants
méditerranéens, dont l'influence adoucit le climat et rend
les hivers plus courts et moins rigoureux ; les étés sont très
chauds, mais souvent pluvieux. La végétation de cette vaste
région, y compris la flore du littoral, nous offre la rencontre
curieuse de plantes des plaines du Nord, de la région cen-
trale continentale, du littoral océanien, des zones subalpine
et alpine des Pyrénées et de la région méridionale propre-
ment dite ; c'est donc bien une flore intermédiaire entre la
flore septentrionale et la flore méridionale méditerranéenne.
Presque toutes les plantes de la Bretagne que nous venons
d'énumérer s'y retrouvent et de nouvelles viennent s'y
ajouter ; la distinction en provinces naturelles nous en-
traînerait trop loin ; notons simplement les plantes du lit-
toral maritime (nous ne citerons pas derechef celles qui
lui sont communes avec le littoral de la Bretagne), puis
les plantes les plus intéressantes de l'intérieur. Sur le
littoral on trouve : Silène crassifolia, Matthiola incana,
Sedum littoreum, Astragalus Bayonensis, Crépis bul-
bosa, Linum maritimum, Linaria spartœa et L. thy-
mifolia, Statice ferulacea, St. diffusa, St. serotina et
St. oleœfolia; Euphorbia pithyusa, Erythrœa mari- '
tima, Althenia flliformis, Corynephorus articulatus,
Poa maritima, Bromus confertus, Lepturus cylindri-
cus, des Glyceria et des Agropyrum. — Parmi les
plantes de l'intérieur nous citerons : Anémone montana,
Thalictrum minus, plusieurs Adonis, Ranunculus gra-
mineus, R. trilobus et R. muricatus, Nigella damas-
cœna et N. gallica, Helleborus fœtidus, Delphinium
cardiopetalum, Papaver hybridum, Hypecoum pen-
dulum, Erucastrum obtusangulum, Erysimum orien-
tale, Bunias erucago, Sisymbrium columnœ, Isatis
tinctoria, Cistus salvifolius, quelques Silène, Sapo-
naria vaccaria, plusieurs Helianthemum, Viola vires-
cens, Polygala monspeliaca, Buffonia paniculata ;
plusieurs Linum, Malva nicœensis, Althœa canna-
bina, Ruta graveolens, Rhamnus alatemus, Genista
pilosa, Cytisus supinus et C. argenteus, Ononis striata,
0. columnae et 0. natrix, Trigonella monspeliaca;
quelques Astragalus et Coronilla, Spirœa obovata, Rosa
sempervirens, Lythrum bibracteatum, Ecbalium ela-
terium ; plusieurs Bupleurum , Caucalis daucoides ,
Turgenia latifolia, Falcaria Rivini, Ammi visnaga,
Seseli libanotis, Peucedanum oreoselinum, Asperula
galioides, Bellis pappulosa, Inula squarrosa et I. mon-
tana, Artemisia camphorata, Chrysanthemum corym-
bosum et C. graminifolium. Senecio- erucifolia et
5. ruthenica, Centaurea solstitialis et C. aspera,
Xeranthemum cylindraceum ; plusieurs Scorzonera,
Crépis et Lactuca; Lobelia Dortmanna (étangs avoisi-
nant le bassin d'Arcachon), Phyteuma orbiculare, des
Campanula, Arbutus unedo, Cynanchum acutum,
Phyllirea média et P. angustifolia, Erythrœa spicata,
Convolvulus cantabrica, Echium italicum et E. plan-
tagineum, Lithospermum opulum, Onosma echioides,
Asperugo procumbens, Echinospermum lappula, Phy-
salis alkekengi, Verbascum sinuatum, Digitalis lutea,
Lathrœa squamaria et L. clandestina, Salvia palli-
diflora, Rosmarinus officinalis, Stachys alpina ; plu-
sieurs Teucrium , Androsace maxima , Cyclamen
neapolitanum, Rumex bucephalophorus, Polygonum
Be Hardi, Daphne gnidium et D. cneorum, Osyris alba,
Cytinus hypocistis, Aristolochia long a; des Euphorbia,
parmi lesquels E. hyberna, E. serrata, E. faicata;
Urtica membranacea, Phalangium liliago, Scilla
bifolia, Fritillaria meleagris; des Allium, des Juncus,
des Car ex, etc., des Graminées, etc., Salvinia natans
(Bordeaux); Ophioglossum lusitanicum, Grammitis
leptophylla.
Il est bon de remarquer qu'un certain nombre des plantes
énumérées dans cette liste se retrouve dans d'autres par-
ties de la France ; quelques-unes même s'avancent jus-
qu'aux environs de Paris.
Région méditerranéenne. — Au Midi, une autre région
maritime s'étend des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Mari-
times ; la flore y offre un caractère franchement méridio-
nal dû à la fois à la température élevée qui règne dans ces
basses latitudes et aux vents qui soufflent du S. ; cette flore
présente de nombreux points de contact avec celle du N. de
l'Afrique. Cependant toute cette région, de même que la
vallée inférieure du Rhône, est fréquemment visitée par le
mistral, courant froid et desséchant d'une violence extrême
qui descend des Cévennes. — Toutes les plantes de la zone
maritime océanienne se retrouvent dans la zone maritime
méditerranéenne, mais la réciproque n'est pas vraie ;
quelques-unes seulement des plantes de cette dernière zone
croissent sur le littoral de la Gascogne et ne dépassent l'em-
bouchure de la Loire qu'à de rares exceptions près. Il nous
— 983 —
FRANCE
serait impossible d'énumérer toutes les plantes caractéri-
stiques des départements méditerranéens, à moins de dresser
des listes interminables ; il nous faut faire un choix parmi les
plus spéciales et la tâche est ardue. — Parmi les plantes
du cordon littoral, citons : Clerrlatis flammula, Malcol-
mia littorea, Medicago marina, Lœflingia hispanica,
Daucus maritimus, Orlaya maritima, Echinophora
spinosa, Crucianella maritima, Anthémis maritima
Evax pygmaea, Chlora imperfoliata et C. serotinq,
Stachys maritima, Corispermum hyssopifolium, Ko-
Ma prostrata, Rumex tingitanus, Polygonum mari-
timum et autres, Euphorbia terracina et autres, Aspa-
ragus scaber, Paner utium maritimum, Saccharum
Ravennœ, Sporobolus pungens; plusieurs Poa, Triticum
et autres Graminées spéciales. Dans les étangs marins, sur
la vase et les terrains salés du littoral, on trouve : Fran-
kenia pulverulenta et autres, Sagina maritima, Lotus
decumbens, Aster Iripolium, Seorzonera parviflora,
Erythrœa linarifolia, Eeliotropium curassavieum, un
grand nombre de Statiee, Plantago \Cornuti, des Sali-
cornia, des Suœda, des Salsola, Koehia hirsuta, Iris
xiphium, Ophrys tenthredinifera, plusieurs Iriglo-
chin, Altheria Barrandonii, Caulinia minor, Ruppia
marina, Cymodocea nodosa, des Zostera, Juncus,
Scirpus, Polypogon, Glyceria, Iriticum, etc. — Le
reste de la région méditerranéenne, sous le nom de
région de l'Olivier et dans les limites de culture de cette
plante, forme une province botanique très naturelle, d'une
richesse incomparable. A côté du Laurier (Laurus nobilis)
et de YOleaeuropœa, on y trouve le Chêne vert (Quercus
ilex), le Quercus coccinea, le Q. suber et les autres
Chênes déjà signalés sur le littoral de l'Océan, le Pinus
halepensis, le Populus italica, etc., puis l'Amandier, le
Grenadier, les deux Mûriers, qu'on y cultive ainsi que le
Figuier, le Sumac, le Noyer et Y Eucalyptus globulus;
parmi les arbustes le Jujubier, le Houx, le Caroubier, dans
les maquis le Nerium oleander, des Eelianthemum, de
nombreux Cistus, le Myrte, les Pistacia lentiscus et P.
terebinthus, des Cytises, le Buis, le Ruscus aculeatus,
de nombreux Genista, YEricaarborea, Y Arbutus unedo ,
YEphedra distachya; les Astragales, très nombreux, et
les Rosiers, répandus partout, contribuent beaucoup à don-
ner sa physionomie particulière à la région. On y rencontre
de nombreuses plantes annuelles et au printemps on voit les
prés se couvrir de fleurs, appartenant, pour la plupart, à des
plantes bulbeuses telles que les Narcisses, Tulipes, Jacinthes,
Safran, Orchidées, etc. ; puis ce sont des Légumineuses, des
Composées, des Ombellifères et surtout des Labiées aroma-
tiques. Mentionnons encore dans leur ordre méthodique :
Ceratocephalus falcatus, Ranunculus laterifiorus et
R. albicans, Delphiniumpubescens etD. staphysagria,
Papaver sylvestre, Hypecoumpendulum, Fumaria spi-
cata, Malcolmia africana, Cheiranthus cheiri, Iberis
ciliata, Senebiera ruderalis, Silène italica, Dianthus
longicaulis, Linum gallicum, Lavater a maritima, Ero-
dium ciconium, Géranium tuberosum, Ruta angusti-
folia, Coriariamyrtifolia, Anagyris feetida, Ulexpar-
viflorus; de nombreux Ononis, Medicago, Trigonella,
Melilotus, ïrifolium, Lotus; Anthyllis tetraphylla,
Dorycnium Jordani, Glycyrrhiza glabra, des Vicia,
Lathyrus, Hippocrepis, Eedysarum, Onobrychis, etc.,
Potentilla rosea, Tamarix africana, Corrigiola tele-
phifolia, Paronychia nivea et P. argentea, Tillea
muscosa, Crassularubens,Bulliarda Vaillantii,Ferula
nodiflora, Thapsia villosa, Opopanax chironium, des
Seseli, OEnanthe, Rupleurum, etc.; Ptychotis hetero-
phylla, Pimpinella palustris, Scandix australis, Ca-
chrys laevigata, Viburnum tinus, Lonicera implexa,
Galium maritimum et autres, Vaillantia muralis,
Asperula galioides, Scabiosastellata, Knautia hybrida,
Cephalaria syriaca, Senecio doria, Anthémis altùsima
et autres ; Achillea odorata, Inula britannica et autres ;
Cynara cardunculus; plusieurs Centaurea, Cardun-
cellus monspeliensis, Cnicus benedictus; des Garlina,
Atractylis humilis, Urospermum Dalechampii, Lactuca
tenerrima, Scolymus maculatus, Xanthium macro-
carpum et X. spinosum, etc., etc.; Phillyrea angusti-
folia, Jasminium fruticans, Cynanchum monspelia-
cum, Convolvulus allhoides, Lithospermum tinctorium
et L. fruticosum, Cynoglossum cheirifolium, Eeliotro-
pium supinum et H. curassavieum, Lycium barbarum,
Solanum villosum; des Verbascum, Linaria, Veronica,
Bartsia, Orobanche, Vitex agnus-castus, Lavandula
stœchas et L. loti folia, Satureia hortensis, Stachys
arvensis, Sideritis romana et S. hirsuta, Ajuga Iva,
Teucrium polium, Plantago lagopus et P. psyllium,
Cytinus hypocistis, Osyris alba, Amaranthus Delilei,
Atriplex rosea, Camphorosma monspeliaca; des Rumex
et Polygonum, Poterium Magnolii, Urtica pilulifera,
Theligonum cynocrambe, Celtis australis, Euphorbia
characias et autres nombreux ; Mercurialis tomentosa,
Croton tinctorium, Juniperus phœnicea, Colchicum
longifolium; plusieurs Tulipa, Uropetalum serotinum,
Ornithogalum narbonense ; plusieurs Allium, Aspho-
delus fistulosus, Aphyllanthes monspeliensis, Romulea
columnœ, des Narcissus, Orchis, Ophrys; Vallisneria
spiralis, des Juncus, Cyperus , Scirpus et Carex
très nombreux ; Andropogon halepensis, Setaria glauca,
âesPhalaris,, Oryspis, Agrostis, Stipa, Milium, Arundo
donax, des Àira, Avenu, Melica, Eragrostis, Vulpia,
Bromus, Brachypodium, Hordeum, Iriticum, Agi-
lops, Lolium, etc., etc. ; Polystichum thelypteris,
Cheilanthes odora, Marsilea pubescens, Isoetes setacea
et I. Duriœi, Pilularia minuta. — La flore de la Corse
participe intimement de la flore méditerranéenne dont elle
est l'expression la plus accentuée et présente quelques es-
pèces spéciales telles que Ranunculus corsicus, Clematis
polymorpha, Silène corsica, Thymus corsicus, Orchis
corsica, etc. (V. Corse).
Région septentrionale. — Si nous nous transportons
dans la région septentrionale de la France, qui s'étend de
la limite orientale de la Bretagne jusqu'au Rhin, en y
comprenant une partie du centre, nous rencontrons des con-
ditions plus rudes que dans les régions précédentes : des
hivers longs et rigoureux, des étés courts, chauds ou tièdes ;
aussi la flore n'y diflère-t-elle pas essentiellement de celle
de la plus grande partie de l'Europe. Parmi les plantes qui
sont à peu près partout répandues sur ce vaste territoire,
qui dans tous les cas sont communes à la zone occidentale
et à la zone orientale de cette partie de la France, et for-
ment par conséquent le fond de sa végétation, nous cite-
rons : Ficaria ranunculoides, Anémone nemorosa,
Ranunculus acris et R. repens, Delphinium consolida,
Nymphœa alba et N. lutea, Papaver rhœas et P. du-
bium, Chelidonium majus, Fumaria officinalis, Car-
damine pratensis, Thlaspi bursa pastoris, Sisymbrium
alliaria, Nasturtium officinale, Viola caninaet V, odo-
rata, Polygala vulgaris, Reseda lutea, Dianthus car-
thusianorum, Saponaria officinalis, Silène inflata,
Agrostemma githago, Melandrium dioicum, Sagina
procumbens, Stellaria holostea et S. média, Ceras-
tium arvense, Malva sylvestris, Géranium Robertia-
num, Erodium cicutarium , Oxalis stricta et 0.
acetosella, Genista sagittalis , Sarothamnus scopa-
rius, Ononis spinosa, Lotus cor niculatus, Hippocrepis
comosa, Spirœaulmaria, Geumurbanum,Rubus idœus
et R. cœsius, Agrimonia eupatoria, Rosa canina et
autres espèces, Bryonia dioica, Lythrum salicaria,
Scleranthus annuus, Eerniaria glabra, Ribes rubrum,
Scandix pecten Veneris, Sanicula europœa, Angelica
sylvestris, Eeracleum sphondylium, Eryngium cam-
pestre, Eedera hélix, Cornus sanguinea, Sambucus
ebulus, Bryonia dioica, Lonicera xylosteum, Asperula
cynanchica et A. odorata, Sherardia arvensis, Vale-
riana dioica et F. officinalis, Knautia arvensis, Sca-
biosa succisa et S. columbaria, Dipsacus sylvestris,
FRANCE
984
Inula dysenterica , Leucanthemum vulgare, Calen-
dula arvensis, Tanacetum vulgare, Anthémis nobilis,
Carduus nutans, Serratula tinctoria, Cirsium olera-
ceum, Carlina vulgaris, Lappcc minor, Barkhausia
fœtida, Leontodon autumnalis, Thrincia hirta, Tra-
gopogon pratensis, Jasione montana , Pliyteuma
spicatum, Campanula rapunculus, Vaccinium myr-
tillus, Calluna vulgaris, Ligustrum vulgare, Vinca
minor, Vincetoxicum officinale ,Menyanthestrifoliata,
Gentiana pneumonanthe, Erythrœa centaurium, Ca-
lystegia sepium, Lycopsis arvensis, divers Solanum,
Atropa belladona, Datura stramonium, Hyoscyamus
niger, des Verbascum, Digitalis purpurea, des Linaria,
Scrofularia, Melampyrum, Pedicularis, Rhi7ia?ithus,
Euphrasia, Veronica, etc., Salvia pratensis, Lycopsis \
europœus, Ajuga reptans, Lamium album, Galeopsis
tetrahit, Betonica officinalis, Stachys sylvatica et
S. arvensis, Leonurus cardiaca, Brunella vulgaris,
Scatellaria galericulata, Lysimachia nummularia ,
Primula officinalis et P. elatior, Globularia vulgaris,
Daphne mezereum, Aristolochia clematitis, Parietaria
officinalis , Humulus lapulus , plusieurs Euphorbia ,
Juniperus communis, Alisma plantago, Butomusum-
bellatus, Triglochin palustre, plusieurs Potamogeton,
Zanichellia palustris, Najas major, Lemna minor,
Acer as anthropophora , Orchis fusca, 0. simia et
0. ustulata, 0. morio, 0. mascula, 0. maculata,
Ophrys muscifera, 0. aranifera, 0. apifera, Pla-
tanthera bifolia, Gymnadenia conopsea, G. odora-
tissima, Neottia nidus avis, Listera ouata, Epipactis
palustris et E. latifolia, Iris pseudo-acorus, Narcissus
pseudo-narcissus, Phalangium ramosum, Muscari co-
mosum et M. racemosum, Ornithogalum umbellatum,
Allium ursinum, A. sphœrocephalum, i. scorodopra-
sum et A. vineale, Asparagus officinalis, Paris quadrifo-
. lia, Polygonatum vulgare, P. multiflorum, Convallaria
maialis, Majanthemum bifolium, Tamus communis,
Colchicum autumnale, Arum vulgare, Typha latifolia,
Sparganium ramosum et S. simplex, nombreux Jimcus,
Luzula, Cyperus, Scirpus, Carex, etc., Schœnus nigri-
cans, Cladium mariscus, Eriophorum latifolium, de
nombreuses Graminées, Equisetum palustre et E. telma-
teia, Ophioglossum vulgatum, Osmunda regalis, Poly-
podium vulgare, Blechnum spicant, Pteris aquilina
et autres Fougères, Pilularia globulifera, Lycopodium
clavatum et X. inundatum. — La liste précédente men-
tionne surtout les espèces assez communes ou communes
dans toute la région septentrionale ; elle ne renferme pas
les espèces rares ou très rares, ni les espèces de montagnes
de la région vosgienne qu'on retrouve accidentellement
dans la plaine séquanienne. Nous croyons intéressant de
donner ici une liste des principales plantes méridionales
et sud-occidentales qui s'avancent [dans la région septen-
trionale et y sont plus ou moins communes et parfois
rares : Myosurus minimus , Sinapis cheiranthus ,
Erysimum orientale, Diplotaxis muralis, Isatis tinc-
toria, Lepidium draba, L. graminifolium et L. latifo-
lium, Papaver hybridum, [lelianthemum vulgare,
Fumana vulgaris, Silène gallica, Gypsophila muralis,
Hemiaria hirsuta, Althœa hirsuta, Géranium sangui-
neum, Coronilla minima, Cerasus mahaleb, Prunus
insititia, Sedum cepceum, S. dasyphyllum et S. tele-
phium, Lythrum hyssopifolia, Fœniculum officinale,
lordylium maximum, Galium gracile et G. tricorne,
Centaurea calcitrapa ■ et 6. cyanus, Kentrophyllum
lanatum, Ilex aquifolvus, Ghlora per foliota, Lithos-
permum pur pur eo - cœruleum , Heliotropium euro-
pœum, Physalis alkekengi, Prismatocarpus spéculum,
Thesium humifusum, Chrysanthemum segetum, Xan-
thium strumarium, Parietaria diffusa, Euphorbia
exigua, Amarantus reflexus, Plantago arenaria,
Ghenopodium rubrum , Linaria cymbalaria et L.
striata, Calamintha nepeta, Euphorbia gerardiana ,
Scilla autumnalis, Tulipa sylvestris, Carex Schreberi,
Air a canescens, Daphne laureola, Tamus communis,
Loroglossum hircinum, Scirpus iriqueter et S. mari-
timus, Carex pseudocyperus.
Nous ne ferons pas l'ériumération complète des plantes,
dites mauvaises herbes, plus souvent annuelles, qui peuplent
la région septentrionale ; elles ne fréquentent guère que les
terrains cultivés et le voisinage des habitations. A de rares
exceptions près, ces plantes disparaissent avec l'homme
qui les cultive malgré lui, en fournissant à leurs graines
un abri assuré en hiver, grâce à ses travaux de labour et
et de récolte ; on ne connaît pas plus l'origine réelle de ces
plantes que celle de certaines plantes cultivées. Qu'il nous
suffise d.e citer dans le nombre : Banunculus repens, beau-
coup de Crucifères (Sinapis, Lepidium, etc.), de Légumi-
neuses (Medicago, Trifolium, Vicia, etc.), de Potentilla,
de Galium; Valerianella olitoria, Senecio vulgaris,
Centaurea jacea etC. scabiosa, Lampsana communis,
des Crépis, Hieraciumpilosella, Convolvulus arvensis,
Echium vulgare, Teucrium scorodonia, des Mentha,
Galeopsis ladanum, Ballot a vulgaris, Calamintha cli-
nopodium, Origanum vulgare, Thymus serpyllum,
Vcrbena officinalis, Anagallis cœrulea et A. phœnicea,
des Plantago, des Polygonum, etc., Ghenopodium al-
bum, Rumex acetosella, Euphorbia peplus, Urtica,
urens, Equisetum arvense.
4° Région séquanienne. C'est la portion de la région
septentrionale qui comprend le bassin de la Seine ; on y
rattache, au point de vue de la flore, une partie du bassin
de la Loire. Cette région est limitée à peu près par la Bre-
tagne, la Manche, la Belgique, la Lorraine avec les
Ardennes, et le massif central de l'Auvergne et caractérisée
par des hivers tantôt froids, tantôt humides, et par des étés
incertains, à chaleur souvent insuffisante ; dans toute cette
région se fait sentir l'influence maritime mitigée due à la
Manche. Sur le littoral maritime de la région, citons les
plantes suivantes, dont quelques-unes s'avancent plus ou
moins à l'intérieur des terres : Cakile maritima, Crambe
marilima, Silène maritima, Sagina maritima, Arena-
ria Llodyii, Trifolium maritimum, Tamarix anglica,
Crithmum maritimum, Eryngium maritimum, Aster
tripolium, Inula crithmoides, Artemisia maritima,
Othanthus maritimus, Convolvulus soldanella, Lina-
ria arenaria, Glaux maritima, plusieurs Statice, Ar-
meria maritima et A. pubescens, Plantago maritima,
Beta vulgaris var. maritima, plusieurs Atriplex et
Obione, Arthrocnemum fruticosum, Salicornia her-
bacea, Suaeda fruticosa et S. maritima, Salsola Kali,
Polygonum maritimum, Rumex maritimus, Hippo-
phae rhamnoides, Euphorbia peplis et E. par alias,
Triglochin maritimum, Ruppia maritima et R. ros-
tellata, Zostera marina et Z. nana, Juncus Gerardi,
Scirpus maritimus , S, Rothii et S. Savii , Carex
extensa et C. trinervis, etc. — Parmi les plantes
spéciales à la région séquanienne, qui manquent dans
la région vosgienne ou y sont beaucoup moins fré-
quentes, nous citerons : Cucubalus bacci férus, Elodes
palustris, Géranium sanguinum, Genista anglica,
Peucedanum parisiense, Tussilagofurfara, Helminthia
echioides, Lobe lia urens, Lycium europœum, Melittis
melissophyllum, Villarsia nymphoides, Armeria plan-
taginea, Myrica gale, Limodorum abortivum, Narthe-
cium ossifragum. Ajoutons -y les plantes suivantes,
nettement d'origine méridionale ou sud-occidentale : Ra-
nunculus [chœrophyllos et R. parviflorusy Diplotaxis
viminea, Glaucium flavum, Eelianthemum guttatum,
Silène gallica et S. conica, Linum gallicum, Trifo-
lium subterraneum et T. glomeratum, Trigonella
monspeliaca, Ononis columnœ, Lathyrus angulatus,
Umbilicus pendulinus, lorilis nodosa, Bupleurum
aristatum, B. tenuissimum et B. affine, Rubia père-
grina, Galium divaricatum, Centaurea serotina, Mi-
cropus erectus, Inula graveolens, Anthémis nobilis,
— 985
FRANCE
Carduus tenuiflorus et C. pycnocephalus, Erica tetra-
lix, E. ciliaris et E. vagans, Linaria supina et L.
pelliceriana, Anchusa italica, Xanthium macrocar-
pum, Urtica pilulifera, Plantago coronopus, Primula
grandiflora, Agraphis nutans, Phleum arenarium,
Gaudinia fragilis, Ruscus aculeatus, Arum italicum,
Iris fœtidissima, Cyperus longus.
2° Région vosgienne. Cette région appartient au bassin
du Rhin et de la Meuse et comprend la Lorraine avec les
Ardennes et l'Alsace ; le climat en est franchement conti-
nental et comporte des hivers très rigoureux, mais aussi des
étés très chauds qui permettent la maturation des fruits de
diverses espèces qui n'atteindraient pas le même résultat
sous le climat parisien. La présence de la chaîne des Vosges,
dont la crête est déjà soumise plus ou moins au régime
sub-alpin, modifie le climat de la région et sa végétation
et divise la zone en deux territoires dont la flore diffère
sensiblement. Dans le chapitre consacré à la flore des mon-
tagnes, nous reviendrons sur celle des Vosges ; quant à la
flore des plaines et des collines, on peut signaler comme
plus ou moins spéciales à toute la région les plantes sui-
vantes : Dianthus superbus, Sedum insipidum, Genista
graminea, Pyrus communis et P. malus, Cerasus padus,
Sanguisorba officinalis, Cicuta virosa, Peucedanum
alsaticum, Prenanthes purpurea, Gentiana ciliata,
G. germanica et G. cruciata, Euphorbia verrucosa et
E. palustris, Myricaria germanica, Scilla bifolia, Gagea
stenopetalaetG.sylua.tica, Asarum europœum, Typha
minor, Marsilea quadrifolia ; ajoutons-y les suivantes,
surtout originaires du Midi : Sinapis incana, Silène ar-
meria, Trifolium elegans, Aster amellus, Linosyris
vulgaris, Xanthium spinosum. — Il ne sera pas sans
intérêt de donner ici l'indication d'un certain nombre de
plantes propres à la Lorraine et qui manquent en Alsace,
abstraction faite des halophytes des environs des salines.
Ainsi le calcaire oolithique de Lorraine, par exemple, offre
une série de plantes qui manquent en Alsace sur le même
terrain : Laserpitium aquilegifolium, Thalictrum sylva-
ticum, Erysimum odoratum, Linum Leonii, Polygala
calcarea, Orobusvernus, ScrophalariaBalbisii,Stachys
alpina, Iberis Violettii, Primula acaulis, Rumex scu-
tatus, Kentrophyllum lanatum, Daphne laureola, The-
sium humifusum, Buxus sempervirens, Ruscus acu-
leatus, Carex gynobasis et C. pilosa. De même, les
terrains silicicoles ou non calcaires nourrissent : Cirsium
anglicum, Scorzonera humilis, Elodes palustris, Ana-
gallis tenella, Senecio salicetorum, Sedum elegans,
Scirpus multicaulis, etc., qu'on ne rencontre guère en
Alsace. En revanche, ce dernier pays présente, parmi les
plantes du calcaire oolithique manquant en Lorraine : Ar-
temisia camphorata, Lepidium petrœum, Hélianthe-
mum fumana, Dictamnus fraxinella, Stipa pennata,
Thlaspi montanum, Arabis auriculata, Scirpus tri-
quêter, et parmi les plantes silicicoles ou granitiques :
Campanula cervicaria, Naslurtiwn pyrenaicum, Or-
chis sambucina, Lactuca virosa, Dent aria digitata et
D. pinnata, Amelanchier vulgaris, Achillœa nobilis,
Potentilla rupestris, qui, la plupart, se rencontrent aune
certaine alitude.
Région centrale. — Boreau, dans sa flore du centre de
la France, divise le bassin de la Loire en trois régions prin-
cipales : 1° la région des montagnes ; c'est le Massif cen-
tral de la France, dont il sera question plus loin ; 2° la
région centrale proprement dite ; 3° la région de l'Ouest.
Nous avons rattaché la région de l'Ouest à la région aqui-
tanienne et nous n'y reviendrons pas ; la partie septentrio-
nale de la région centrale proprement dite a été rattachée
à la région séquanienne. Restent le Morvan, le Nivernais,
la Sologne, le Berry avec la Rrenne, la Marche et le Bour-
bonnais, région très accidentée, montagneuse à l'E. ainsi
qu'au S., où elle confine au Massif central. Le climat ne
devient franchement continental que sur le plateau du Mor-
van et dans les monts du Limousin. — Dans les massifs
montagneux, presque partout siliceux (granitiques), de la
région, la flore est celle des montagnes peu élevées. Les
parties basses sont surtout formées par une large zone de
terrains jurassiques, souvent dominés par les dépôts ter-
tiaires, et essentiellement caractérisés par lu flore suivante :
Anémone pulsatilla, Adonis œstivalis, A, autumnalis
et A. flammea, Erysimum orientale, Hyper icum mon-
tanum, Linum Loreyi, L. tenuifolium et L. salsoloides,
Helianthemum pulverulentum et F. canum, Coronilla
minima et C. varia, Hippocrepis comosa, Bupleurum
protractum etB. falcatum, Pencedanumcervaria,Li-
banotis montana, Cornus mas, Senecio erucœfolius,
Inula salicina, Pyrethrum corymbosum, Carduncel-
lus mitissimus, Leontodon hastile, Phyteuma or bien-
lare, Gentiana germanica et G. cruciata, Anchusa ita-
lica, Digitalis lutea, Teucrium montanum, Globularia
vulgaris, Gymnadenia odoratissima, Orchis galeata
et 0. pyramidaliSy Ophrys apifera, 0. arachnites et
0. muscifera, Acer as anthropophora, Epipactisrubra,
Anthericum ramosum, Polygonatum vulgare, Carex
gynobasis et C. montana, Melica nebrodensis, Sesle-
ria cœrulea, etc. On peut y ajouter une foule de plantes
ubiquistes, en remarquant que la Sologne, la Brenne, avec
leurs étangs, se rapprochent, par leur végétation, de la
flore de l'Ouest et de la Gironde.
Région rhodanienne. — En regard du climat continen-
tal de la région centrale et du climat vosgien, nous pouvons
placer le climat rhodanien ou de la vallée du Rhône et de
la Saône. Ce climat est également extrême, avec quelques
particularités toutefois qui lui sont communes avec le régime
méditerranéen ; continental plus au N., il devient méditer-
ranéen en se rapprochant de la Provence ; l'été est, en
général, sec et chaud, l'automne pluvieux, l'hiver d'autant
plus rigoureux qu'on s'élève en latitude ou en altitude. En
raison de ces particularités, la végétation de la vallée du
Rhône ne présente pas un caractère aussi homogène ou du
moins aussi spécial que celle des régions girondine et sé-
quanienne. Des plantes alpines et des montagnes inférieures
appartenant au Massif central, au Jura et aux Alpes occi-
dentales, descendent en plus ou moins grand nombre sur
les coteaux et dans les vallées et exceptionnellement dans
la plaine. Mais la grande majorité des plantes de la plaine
rhodanienne consiste dans les espèces dites ubiquistes ou
triviales qui forment le fond de la flore française et euro-
péenne. A cette végétation viennent se joindre, d'une part
un certain nombre de plantes sud-occidentales ou giron-
dines, et, d'autre part, un assez fort contingent de plantes
méridionales et méditerranéennes, qui, franchissant les
limites de la région dite de l'Olivier, remontent à divers
degrés vers le N. , en amont de la plaine du Rhône, ainsi
que dans les vallées et surtout sur les coteaux, partout
enfin où elles retrouvent des conditions favorables à leur
existence.
Parmi les plantes alpines et des montagnes inférieures
qui viennent s'étager sur le pourtour de la grande vallée
du Rhône et de la Saône et qui s'arrêtent généralement
dans les vallées supérieures et sur les bas plateaux, ne des-
cendant qu'exceptionnellement dans la plaine, nous cite-
rons : Ranunculus aconitifolius, Cardamine amara,
Malva moschata, Vicia lathyroides, Sorbus aucuparia
et S. aria, Sedum villosum, Ribes alpinum, Chrysos-
plenium oppositifolium, Lonicera nigra, Circeainter-
média, Pyrola minor, Senecio viscosa,Jasione Corioni,
Digitalis purpurea et D. grandiflora, Anarrhinum
bellidifolium, Polypodium. dryopteris, Cystopteris fra-
gilis, Asplenium septentrionale, Blechnum spicant,
Botrychium lunaria, Gyrophora grisea et G. cylin-
drica. Dans les vallées à exposition méridionale, on trouve :
Pulsatilla rubra, Pianunculus menspeliacus et R. chœ-
rophyllos, Galium dumetorum, Crucianella dumeto-
rum et C. lagopus, Plantago carinata, Mœhringia
trinerva, Silène armeria, plusieurs Bupleurum et Tri-
folium , etc. , et Acer monspessulanum. Les espèces
FRANCE
— 986 —
spéciales des coteaux du Rhône sont : Ranunculus lugdu-
nensis, Helianthemwn salicifolium, Silène italica et
autres, Géranium sanguineum , Cytisus capitatus,
Ononis columnœ, Irigonella monspeliaca , Melilotus
macrorhiza, Torilis nodosa, Asperula galioides, Cir-
sium acaule, Rubia peregrina, Kentrophyllum lana-
tum, Helichrysum stœchas, Inula hirta, Podosper-
mum laciniatum, Verbascum nigrnm, Onosma
arenarium, etc. La zone calcaire offre, parmi une foule
d'autres espèces : Eelianthemum obscurum, Genista
tinctoria, Bupleurum aristatum, Galium Timeroyi,
Carlina chamœleon, Convolvulus cantabrica, Coronilla
emerus, Gentiana ciliata et G. cruciata, Rosa lugdu-
nensis et autres, Lithospermum purpureo-cœruleum,
Digitalis lutea, Buxus sempervirens , Daphne lau-
reola, Lilium martagon, Iris fœtidissima, Polygala
comosa. — Au nombre des espèces franchement occiden-
tales qui s'avancent dans la région lyonnaise, citons : Ra-
nunculus radians, Meconopsis cambrica, Dr oser a in-
lermedia, Alsine segetalis, Elatine macropoda, Elodes
palustris, Ulex européens et U. nanus, Helosciadium
inundatum, Erica cinerea et E. vagans, Cicendia fili-
formis, Scutellaria hastifolia, Marsilea quadrifolia,
Pilularia globulifera. — Enfin, parmi les espèces méri-
dionales et méditerranéennes qui remontent la vallée jus-
qu'à Vienne, Grenoble, Lyon, Mâcon, etc., nous mentionne-
rons : 1° Plantes méridionales : Ranunculus gramineus
et autres, Fumaria pallidiflora, Erucastrum obtusan-
gulum et E. Pollichii, Rapistrum rugosum, Hélian-
the muni pilosum, Cistus salvifolius, Reseda phyteuma,
Polygala exilis, Saponaria ocymoides, Silène italica,
Buffonia perennis, Herniaria incana, Crassula ru-
bens, Rhamnus saxatilis et R. Villarsii, Ononis natrix.,
Spartium junceum, Psoralea bituminosa, Potentilla
opaca, Caucalis leptophylla, Lonicera etrusca, Vale-
riana tuberosa, Scabiosa suaveolens, Lactuca viminea,
Barkhausia setosa, Leuzea conifera, Centaurea solsti-
tialis et autres, Artemisia camphorata, Pterotheca ne-
mausensis, Xeranthemum inapertum, Convolvulus
cantabricus, Alkanna tinctoria, Onosma arenarium,
Verbascum Chaixii et V. sinuatum, Linaria simplex,
Teucrium polium, Lavandula ver a, Plantago lagopus
et autres, Corispermum hyssopifolium, Rumex scuta-
tus, Aristolochia clematitis, Euphorbia falcata, Orchis
fragrans et 0. papilionaceus, Gladiolus segetum, Aphyl-
lanthes monspeliensis, Aira elegans, Melica ciliata,
Bromus squarrosus et B. madritensis, Digitaria ci-
liaris, Pstlum nardoides. Ajoutons le Chêne vert. —
2° Plantes méditerranéennes (disséminées, rares ou locali-
sées) : Thalictrum nigricans, Ranunculus monspelia-
cus, Ceratocephalus falcahis, Glaucium corniculatum,
Berteora incana, Acer monspessulanum, Rhamnus
alatemus, Osyris alba, Pistacia terebinthus, Rhus
cotinus, Paliurus aculeatus, Bifora testiculata, Cru-
cianella latifolia, Centaurea Couzini, Pieridium vul-
gare, Xanthium macrocarpum, Verbascum australe,
Tulipa celsiana, Fritillaria meleagris. Ces plantes mé-
ridionales et méditerranéennes viennent se mêler, dans la
plaine, avec d'autres, plutôt septentrionales, telles que :
Ranunculus hederaceus, Cardamine impatiens, Po-
lygala austriaca, Lychnis viscaria, Or obus niger, Co-
marum palustre, Agrimonia odorata, Alchemilla vul-
garis, Sorbus aria, Sedum maximum, Mgopodium
podagraria, Carum carvi, Chœrophyllum aureum,
Dipsacas laciniatus, Phyteuma nigrum, Primulaela-
tior, Lysimachia nemormn, Gentiana pneumonanthe,
Verbascum nigrum, Asarum europœum, Euphorbia
stricta, Lilium martagon, Cladium mariscus, Ophio-
glossum vulgatum, Osmunda regalis, etc. Parmi les
plantes alsaciennes qui arrivent dans la vallée du Rhône,
citons : Thalictrum galioides, Astragalus cicer, Lasser -
pitium pruthenium, Car ex strigosa.
FLORE DES MONTAGNES. — D'une manière générale,
on conçoit que la présence des chaînes de montagnes modifie
les conditions climatologiques ; par leur altitude, leur orien-
tation, etc., elles influent sur la direction des vents, l'état
hygrométrique, etc. Un facteur très important, c'est l'abon-
dance et la précocité des chutes de neige. Celle-ci, prin-
cipalement dans les régions alpines, abrite les plantes
spéciales de ces hauteurs contre les froids extrêmement
rigoureux de l'hiver et les préserve notamment des gelées
tardives. Le régime alpin est caractérisé par un été court,
plus ou moins chaud, par des pluies fréquentes, une lumière
intense et prolongée. Ce régime est celui des grandes alti-
tudes dans les Alpes et dans les Pyrénées ; le Jura et le
Massif central appartiennent au climat alpestre ou subal-
pin. — Ces régions montagneuses, bien qu'elles ne soient
pas toujours reliées entre elles, offrent, à des altitudes cor-
respondantes, le même caractère climatologique et une
flore semblable, sinon identique. Il est évident que la limite
inférieure de la région alpine, par exemple, doit s'élever à
mesure qu'on se rapproche de l'équateur. Réciproquement,
on a remarqué que la flore des hauts sommets. présente une
grande analogie avec la flore polaire, que beaucoup d'es-
pèces leur sont communes, et en général qu'à mesure qu'on
s'élève sur une montagne les zones de végétation corres-
pondent à des zones de latitude plus boréale dans la région
des plaines.
Mais il s'en faut de beaucoup qu'à latitude égale ou
presque égale, les zones végétales occupent toujours la
même altitude. Ainsi, par exemple, la zone des Conifères
monte plus haut dans les Alpes et les Pyrénées que dans
les Vosges, le Jura et sur le Plateau central ; dans le Jura
et les montagnes du Massif central la zone subalpine com-
mence 300 m. plus bas, dans les Vosges 400 m. plus bas,
que dans les Alpes et les Pyrénées. On sait qu'un des
caractères du régime montagnard est l'abaissement de tem -
pérature à mesure que l'on s'élève ; cet abaissement a été
estimé à environ 1 degré par 160 m. Or on a remarqué
que la diminution de température est plus rapide pour les
chaînes moins élevées, comme le Jura. Mais d'autres
causes peuvent intervenir pour amener l'abaissement du
niveau des zones de végétation. Ainsi il existe une aire
moyenne, brumeuse ou nuageuse, qui engendre l'humidité
et produit des pluies locales, et au-dessus et au-dessous de
laquelle l'air reste relativement sec. Cette aire n'est sans
doute pas renfermée dans les mêmes limites d'altitude dans
toutes les chaînes de montagnes ; dans les Alpes, elle est
comprise approximativement entre 500 ou 600 m. et 1,000
ou 1,500 m. d'alt. Quant aux neiges éternelles, elles
commencent à peu près à 2,700 m., bien au-dessus de
cette aire humide. — Pour simplifier, nous admettrons ici
les zones de végétation suivante : zone glaciale, zone
alpine, zone subalpine, zone des montagnes inférieures.
Pour leur délimitation approximative, nous nous servirons
des chiffres qui se rapportent aux Alpes et aux Pyrénées ;
il sera toujours facile, en retranchant les quelques cen-
taines de mètres nécessaires, de déterminer les zones cor-
respondantes du Jura, des Vosges ou du Massif central.
1° Zone glaciale ou nivéale (environ 3,400-2,700 m.).
Cette zone n'existe que dans les Alpes et les Pyrénées. Elle
est caractérisée surtout par les plantes suivantes : Ranun-
culus g lacialis, R. alpestris, Drabapyrenaica,D. Wah-
lenbergi, Hutchinsia alpina, Silène acaulis, Geras-
tium trigynum, C, alpinum, Potentilla nivealis,
Saxifraga groenlandica, etc. Seul le Ranunculus g la-
cialis est absolument spécial à cette zone. Les autres
plantes, au nombre de 30 à 50 espèces, se retrouvent plus
ou moins abondamment dans les zones alpines supérieures
ou même inférieures.
2° Zone alpine (environ 2,700-1,700 m.), a. Partie
supérieure : 2,700-2,200 m., comprenant principalement
des pâturages, dans lesquels quelques sous-arbrisseaux
viennent se mêler aux plantes herbacées. Citons comme
caractéristiques: Thalictrum alpinum, Anémone ver-
nalis, Ranunculus parnassifolius, Papaver alpinum*,
— 987 —
FRANGE
Cardamine alpina, Azalea procumbens, Rhododen-
dron ferrugineum, Salix herbacea, S. pyrenaica, S.
reticulata, Juniperus nana, Vaccinium uligino-
sum, etc. Les plantes ligneuses descendent souvent plus bas,
tandis que les plantes herbacées s'aventurent parfois dans
la zone glaciale. — b. Partie inférieure : 2,200-1,700 m.,
comprenant des pâturages, entrecoupés d'arbres et d'ar-
brisseaux et présentant comme espèces caractéristiques,
entre autres : Anémone alpina, Ranunculus thora,
Thalictrum saxatile, Helleborus viridis, Aquilegia
pyrenaica, Géranium cinereum, Anthyllis montana,
Sinapis cheiranthus, Leontopodium alpinum, Swertia
perennis, Soldanella alpina, Empetrum nigrum,
Saxifraga stellaris, Arnica montana, Leontodon py-
renaicum, Alchemilla alpina, Rubus saxatilis,Pyrola
minor, P. rotundifolia, P. secunda, P. chloraniha,
Vaccinium oxycoccos, V. myrtillus, V. vitis idaea,
Erinus alpinus, Daphne alpina, Meum athamanti-
cum, Gentiana acaulis, G. verna, G. lutea, Jasione
perennis, Centaurea montana, Primula auricula,
Lycopodium alpinum, Dryas octopetala, Arctosta-
phylos alpina, Pinguicula alpina, etc., etc. Parmi les
arbres et les arbrisseaux, citons : Pinus uncinata, Be-
tula alba, Sorbus aucuparia, Cotoneaster vulgaris,
Rhamnus alpina, R. pumila, Ribes petraeum, Piosa
alpina, Salix pyrenaica, etc. Tous descendent plus bas,
mais c'est dans cette région que le Rhododendron ferru-
gineum et Y Azalea procumbens trouvent leur limite infé-
rieure. — Cette zone et une partie de la suivante corres-
pondent à peu près aux zones les plus élevées des Vosges,
du Jura et du Massif central, où elles descendent de 300
à 400 m. plus bas.
3° Zone subalpine (1,700-1,000 ni.). Caractérisée par
l'apparition des forêts de Sapins et de Hêtres, elle peut se
subdiviser en : a. Sous-zone de conifères (1,700-1,300 m.);
b. Sous-zone de Hêtres (1,300-1,000 m.). Il n'y a pas de
démarcation absolue entre la zone subalpine et la zone
alpine proprement dite. Beaucoup d'espèces sont com-
munes aux pâturages des deux. Citons parmi les plantes
particulières de la zone subalpine : Thalictrum aquile-
gifolium, Ranunculus aconitifolius, Aconitum napel-
lus, A. lycoctonum, A. anthora, Géranium sylvaticum,
Lonicera nigra, Mulgedium Plumieri, M. alpinum,
Hieracium vogesiacum, Carlina acanthifolia, G. acau-
lis, Sambucus racemosa, Euphorbia hiberna, Daphne
laureola, Digitalis purpurea, Scrophularia alpestris,
Blechnum spicant, Lycopodium clavatum, L. selago ;
parmi les arbres : Abies pectinata, Picea excelsa, Taxus
baccata, Fagus silvestris, Prunus padus, Buxus sem-
pervirens, Castanea vulgaris, Ulmus montana. Ajoutez
que le Hêtre, de même que le Châtaignier, monte un peu
plus haut dans les Pyrénées que dans les Alpes.
4° Zone des montagnes inférieures, des vallées infé-
rieures ou des arbres à feuilles caduques (4,000-500 m.).
Les arbres et les arbrisseaux y sont nombreux ; presque
tous descendent dans la plaine. Le Châtaignier limite plus
ou moins cette zone et forme en quelque sorte la transi-
tion entre elle et la sous-zone des Hêtres. C'est dans cette
zone que l'aire des plantes ubiquistes fait son apparition ;
quelques plantes alpines peuvent venir les y coudoyer :
Erinus alpinus, Saxifraga aizoides et S, aizoon,
Drosera rotundifolia, etc. Parmi les plantes les plus ca-
ractéristiques, soit silicicoles, indifférentes ou calcicoles,
citons : Anémone pulsatilla, A. hepatica, Mercurialis
perennis, Dictamnus albus, Lunaria rediviva, Dian-
thus superbus, Sarothamnus scoparius, Genista ger-
manica, Alchemilla vulgaris, Rosa pumila, Asperula
odorata, Aster amellus, Lactuca perennis, Achillea
nobilis, Ligustrum vulgare, Vinca minor, Lithos-
permum officinale, Atropa belladona, Galeobdolon
luteum, Melittis melissophylla, Daphne mezereum,
Euphorbia dulcis, E. sylvatica, Convallana maialis,
Polygonatum multiflorum, Paris quadrifolia, Lilium
martagon. Parmi les arbres et arbustes, citons : Pinus
sylvestris, Quercus sessiliflora, Populus nigra, Fraxi-
nus excelsior, Cerasus mahaleb, Corylus avellana.
Des articles spéciaux sont consacrés aux Alpes, aux
Pyrénées et au Jura (V. ces mots) à cause de leur impor-
tance. Il n'en est pas de même du Massif central et des
Vosges, qui méritent cependant une mention particulière.
Massif central. La flore du Massif central ne présente
guère de plantes caractéristiques ; dans les parties culmi-
nantes, on retrouve un grand nombre de plantes alpines et
subalpines, parmi lesquelles : Anémone alpina, Trollius
europœus, Arabis alpina, Viola sudetica, Cerastium
alpinum, Silène rupestris, Géranium Phœum, Trifo-
lium alpinum, Geum montanum, Rosa alpina, Alche-
milla alpina, Saxifraga aizoon, S. stellaris, Astrantia
major, Bupleurum longifolium, Meum athamanti-
cum, M. mutellina, Angelicapyrenœa, Lonicera nigra,
L. alpigena, Valeriana tripteris, Gnaphalium norve-
gicum, Ligularia Sibirica, Leontodon pyrenaicum,
Prenanthes purpurea, Mulgedium alpinum, M. Plu-
mieri, Phyteuma Halleri, Vaccinium uliginosum,
V. vitis idœa, Andromeda polifolia, Gentiana verna,
Androsace carnea, Soldanella alpina, Plantago alpina,
Thesium alpinum, Empetrum nigrum, Juniperus
nana, Crocus vernus, Convallaria verticillata, Allium
victoriale, Eriophorum alpinum, Isoetes lacustris, Ly-
copodium alpinum, etc.; les Rhododendron manquent.
— Le versant S., dans la région des Causses et jusque
sur les pentes inférieures des Cévennes, offre une partie de
la végétation méridionale, entre autres : Olea europœa,
Erica arborea, Iris olbiensis, Arbutus unedo, Quercus
ilex, etc. , et de plus quelques espèces spéciales telles que :
Ruta montana, Psoralea bituminosa, etc.
Vosges. La flore de la chaîne vosgienne présente beau-
coup d'espèces qui lui sont communes avec le Massif cen-
tral ; le noyau en est formé par le granit auquel vient
s'ajouter dans les parties septentrionales le grès vosgien.
Comme nous l'avons dit, les cimes de la chaîne peuvent
être considérées comme faisant partie de la région subal-
pine, souvent appelée ici alpestre. Parmi les plantes qui,
comprises dans la zone entre 1,426 m. (Ballon de Gueb-
willer) et 1,000 m., ne descendent guère plus bas, nous
citerons : Anémone alpina, A. narcissiflora, Aconitum
napellus, A. lycoctonum, Corydalis fabacea, Viola
sudetica, Empetrum nigrum, Potentilla crocea, Rosa
rubrifolia, Alchemilla alpina, Sorbus chamœmespi-
lus, Sibbaldia procumbens, Epilobium alpinum,
E. trigonum et E. Duriœi, Rhodiola rosea, Sedum
alpestre, Saxifraga aizoon, Bupleurum longifolium,
Lonicera nigra, Galium montanum, Scabiosa sua-
veolens, Gnaphalium norvegicum, Carduus personata,
Carlina nebrodensis, Picris pyrenaica, Mulgedium
alpinum, M. Plumieri, Crépis blattarioides, Hiera-
cium aurantiacum, H. alpinum, H. Mougeoti, etc.,
Androsace carnea, Gentiana lutea, G. campestris,
Myosotis alpestris, Veronica saxatilis, Bartsia alpina,
Pedicularis foliosa, Melampyrum sylvaticum, Vera-
trum lobelianum, Allium victoriale, Streptopus am-
plexifolius, Luzula spadicea, L. nigricans, Orchis
globosa, 0. albida, Carex frigida, Calamagrostis mon-
tana, Botrychium matricarioides, Aspidium lonchi-
tis, Lycopodium alpinum, L. annotinum, etc. — Voici
l'énumération de quelques plantes qui descendent quelque-
fois dans la zone moyenne (1,000-500 m.) : Trollius
europœus, Thlaspi alpestre, Silène rupestris, Rosa
alpina, Sedum annuum, Ribes petraeum, Angelica
pyrenaica, Valeriana tripteris, Pinguicula vulgaris,
Struthiopteris crispa, Botrychium lunaria var. ruta-
ceum. — Enfin nous terminerons par la désignation de
quelques plantes des montagnes vosgiennes qui existent à
la fois dans les zones supérieure, moyenne et inférieure,
mais n'arrivent pas dans la plaine ou du moins ne dépassent
guère les vallées : Hypericum quadrangulare, Spirœa
FRANGE
— 988 -
aruncus, Circœa alpina, Meum athamanticum, Chœ-
rophyllum hirsutum, Galium rotundifolium et G.
saxatile, Arnica montana, Prenanthes purpurea,
Crépis paludosa, Jasione perennis, Vaccinium uligi-
nosum, V, vitis idœa et V. oxycoccos. Citons encore
comme absolument spécial aux lacs des Vosges le Nuphar
pumilum.
ORIGINES DE LA FLORE FRANÇAISE. - Chaque
planté présente une aire plus ou moins étendue en dehors de
laquelle elle manque ou ne se présente qu'exceptionnelle-
ment ; la portion de cette aire où elle est la plus abondante,
d'où elle rayonne en quelque sorte, s'appelle le centre de
création, ou, pour ne rien préjuger, le centre de végétation
de cette plante, ou, mieux encore, le centre de disper-
sion qui peut n'avoir rien à voir avec le centre de création
primitif, particulièrement si l'apparition de l'espèce a eu
lieu à une époque géologique antérieure. Cette notion s'ap-
plique, dans la flore française, principalement aux mon-
tagnes ; celles-ci jouent dans tous les cas encore journelle-
ment le rôle de centre de dispersion ; les eaux entraînent
les plantes ou du moins leurs graines dans les vallées et de
là dans les plaines ; un certain nombre d'espèces deviennent
ainsi caractéristiques pour chaque bassin. Mais il s'en faut
de beaucoup que toutes les plantes se comportent de la
sorte ; comme nous l'avons vu, beaucoup d'espèces restent
cantonnées dans les zones d'altitude qu'elles caractérisent
respectivement, et parfois si bien que la zone peut être
désignée par le nom d'un genre ou d'une espèce. Acciden-
tellement, quelques espèces spéciales aux altitudes des-
cendent dans les vallées ; mais, en général, cette émigra-
tion a ses limites à des étages divers depuis le sommet de
la montagne jusque dans la plaine. Les plantes qui occupent
des aires ainsi limitées sont dites endémiques. Ainsi, le
Peucedanum parisiense est endémique dans les régions
septentrionale et centrale de la France ; c'est la seule espèce
citée à cet égard par Grisebach. Ce même botaniste
mentionne comme endémiques pour la Gascogne : Silène
Jhorei, Ptychotis Thorei, Libanotis bayonensis, Laser-
pitium daucoides, Linaria thymifolia, Hieracium erio-
phorum, Armeria expansa, Statice Duriœi, Allium
ericetorum, et comme endémiques pour la même région,
mais s'étendant plus loin au N. et au centre: Galium
arenarium, Astragalus bayonensis, Kœleria albescens,
Airopsis agrostidea, Potentilla splendens, Omphalodes
littoralis, Eryngium viviparum, Linaria arenaria,
Erica cinerea, E. ciliaris, E. méditer ranea, E. poli-
folia, E, vagans, Ulex nanus, Meconopsis cambrica.
Pour la flore jurassique, Grisebach mentionne comme endé-
mique YHeracleum alpinum ; enfin, pour la zone du
Sapin argenté (Abies pectinatd) , une des subdivisions de la
grande région forestière de l'Europe et représentée dans
les chaînes principales de la France, et, pour la zone du
Quercus cerris, qui n'est pas représentée en France : Ery-
simum virgatum, Gagea saxatilis, Thalictrum angusti-
folium, T. galioides, Isopyrum thalictroldes, Scabiosa
suaveolens, Bupleurum ïongifolium, Allium fallax,
Trifolium par viflorum, Inula germanica, L squarrosa.
Dans ce dernier exemple, il s'agit d'une aire limitée en
tant qu'elle correspond à une zone d'altitude donnée, qui
se retrouve, dans des chaînes de montagnes distantes les
unes des autres. — De même que beaucoup de plantes dites
alpines sont communes aux montagnes appartenant à des
massifs différents, un grand nombre d'autres sont essen-
tiellement propres aux plaines et se retrouvent indifférem-
ment dans divers bassins. Ce sont des plantes rares ou com-
munes, mais toutes ubiquistes, telles que: Salviapratensis,
Sedum acre, Linaria vulgaris, Eryngium campestre,
Euphorbia cyparissias, E. gerardiana, Aristolochia
clematitis et bien d'autres. Comme il est difficile, sinon im-
possible, de rattacher la plupart de ces espèces même in di-
rectement aux formes qui vivent dans les montagnes, on
est tenté d'attribuer leur présence à un ordre de choses, à un
mode de dispersion antérieurs à notre époque. Sans nous
arrêter davantage sur ce point, nous ajouterons seulement
que depuis l'époque tertiaire, durant laquelle une tempéra-
ture privilégiée régnait dans les régions polaires, des espèces,
telles que la vigne, qui primitivement existaient sous ces
latitudes aujourd'hui désolées, ont reculé de plus en plus
vers le S . en raison du refroidissement graduel de notre hémis-
phère. — Peut-être serait-on en droit d'attribuer aux plantes
alpines une origine relativement récente, en admettant par
exemple, sans preuves suffisantes malheureusement, que
les espèces préexistantes se sont peu à peu adaptées aux
conditions nouvelles engendrées par le soulèvement des
grands massifs et l'abaissement graduel de la température
depuis l'époque tertiaire. — Mais il existe toute une sérié de
plantes dont le mode de dispersion nous échappe à peu près
totalement, ce sont les plantes répandues partout, dans
les plaines et les montagnes, et indifférentes à l'altitude et
à la délimitation des bassins, les plantes triviales ubiquistes,
en un mot ; elles sont propres à presque tous les pays de
l'Europe et appartiennent par excellence à la grande zone
européenne-asiatique (V. Europe [Flore]). Parmi ces plantes,
nous citerons ici : Lotus corniculatus, Trifolium pra-
tense, Taraxacum dens leonis, Daucus carotta, Tri-
ticum repens, Brunella vulgaris, Thymus serpyllum,
Fragaria vesca, Rubus fruticosus et ses variétés, Plan-
tago major, Senecio jacobœa, etc.
On a vu à l'art. Dissémination le rôle important joué
par les agents vivants, hommes et animaux, dans la dis-
persion des plantes et dans leur introduction et propa-
gation dans des pays où elles n'existaient pas auparavant.
C'est ainsi que les coquelicots, les bluets, etc., et
une grande partie des plantes qui croissent dans nos
champs, nous sont venus de l'Orient au grand détriment
des cultures qui en favorisent précisément la reproduction ;
le Veronica persica a la même origine ou du moins vient
du S.-E. de l'Europe; Y Impatiens parviflora est origi-
naire du plateau central de l'Asie. De l'Amérique du Nord
ont également été importées des plantes aujourd'hui natura-
lisées, telles que YOenothera biennis,hStenactis annua,
Y Eriger on canadense, la mauvaise herbe par excellence,
YElodea canadensis, surnommé la « peste des eaux »;
YAmaranthus retroflexus est également d'origine améri-
caine de même que le Xanthium macrocarpum et le
Xanthium spinosum, espèce vagabonde, venue de l'Amé-
rique du Sud. L'Amérique tropicale est la patrie de
Y Eriger on linifolium (Coniza ambigua) qui dispute le
terrain à YErigeron canadense dans la région méditer-
ranéenne. Mentionnons encore le Lobelia urens, qui
paraît être aussi d'origine américaine, ainsi que le L. Dort-
manna, mais leur arrivée en Europe remonte probable-
ment aux temps préhistoriques. — Enfin, on sait qu'au
Port-Juvénal, près de Montpellier, et aux abords de Mar-
seille, partout où l'on débarque et lave les laines importées
de divers pays, la flore a une physionomie spéciale très
changeante, due aux plantes exotiques levées des graines
qui étaient attachées aux toisons; le plus souvent ces
plantes disparaissent de nouveau, et peu d'espèces arrivent
à être entièrement naturalisées.
A ces grandes causes de la répartition des végétaux et
delà limitation ou de l'extension de leurs aires, causes que
nous n'avons fait qu'indiquer, viennent s'ajouter d'autres
très importantes, surtout inhérentes à la nature géologique,
minéralogique et chimique du sol. Pendant longtemps les
opinions étaient très divisées sur les causes qui déter-
minent la présence ou l'absence de telles ou telles espèces
dans les divers terrains. De Candolle, Thurmann, etc.,
attribuent une influence à peu près" exclusive à la consti-
tution physique du sol : hygroscopicité, compacité, dureté,
friabilité, etc. Lecoq, avec raison, selon nous, tient compte
à la fois de l'influence physique et de l'influence chimique
combinées. S'il existe des plantes assez indifférentes à la
nature chimique du sol et qui tiennent surtout à la cons-
titution mécanique de celui-ci, il en est d'autres, en re-
vanche, qui ne peuvent vivre que sur les terrains siliceux
989
FRANCE
(Châtaignier, Bruyère, Genêt, etc.) ou sur les terrains cal-
caires (Gentianes, Hellébores, diverses Euphorbes, Cycla-
men, Globulaire, etc.),vou enfin dans les terrains salés des
bords de la mer ou salifères de l'intérieur des conti-
nents (Y. Calcicole, Silicicole, Géographie botanique).
Notons seulement ici que les plantes silicicoles sont en
général plutôt des plantes de montagne que de plaine, et
qu'en plaine elles ne se trouvent guère que sur des
sédiments venant des montagnes et d'origine quartzeuse ou
feldspathique. Des couches de débris végétaux, d'humus,
de tourbe, de mousses et de sphaignes, peuvent leur per-
mettre de vivre sur un sol calcaire, dans le 'Jura, par
exemple, à la condition que ces couches soient suffisam-
ment épaisses pour préserver leurs racines du contact im-
médiat de la roche. Tels sont, par exemple, le Vaccinium
oxycoccos, le F. uliginosum, le Lycopodium annoti-
num, etc. En revanche les plantes calcicoîes et juras-
siennes, abstraction faite toutefois des espèces alpines et
subalpines, sont plus ou moins universellement répandues
dans la plaine. Ex. : Centaurea jacea. Du reste, il est bon
de remarquer que la flore calcaire des montagnes passe par
gradations à la flore des plaines ; cette transition s'observe
surtout nettement sur le versant méridional des contreforts
jurassiques des Alpes et du Plateau central. — Les milieux,
l'exposition, etc., jouent ici un rôle non moins considérable
et peuvent augmenter ou atténuer l'importance de la nature
du sol. — Nous réservons pour l'art. Géographie bota-
nique et des articles spéciaux, les observations générales
qu'on peut présenter à ce sujet (V. aussi Forme, Associa-
tion, etc.). Dr L. Hahn et À. Jobin.
Anthropologie. — Le territoire de la France n'est
pas seulement celui qui nous est le mieux connu au point de
vue anthropologique, ce qui va sans dire ; c'est encore celui
qui a été le plus soigneusement exploré jusqu'à présent, en
raison du nombre et de l'activité de ses archéologues et de
ses anthropologistes. On ne peut pas dire qu'il a été habité
par l'homme avant l'époque quaternaire, car l'homme lui-
même n'est sans doute pas bien antérieur à cette époque
et l'on ne peut encore émettre que des conjectures sur son
premier centre d'apparition. Mais on y a trouvé, dans des
couches tertiaires, des traces d'un travail jusqu'ici consi-
déré comme caractéristique de l'intervention de l'homme.
Nous voulons parler du travail du silex. Ce travail inten-
tionnel consiste en quelques petites retouches régulières
sur les bords des silex craquelés par le feu qu'on recueille
en si grand nombre à Thenay, près de Pontlevoy (Loir-
et-Cher). On n'a pas réussi à expliquer complètement par
l'action d'agents naturels cet éclatement par le feu et ces
retouches. D'un autre côté, il est impossible d'admettre que
l'homme ait vécu à l'époque si reculée des silex de Thenay
qui appartiennent au tertiaire moyen inférieur, ni que,
vivant tel que nous le connaissons, il ait trouvé avantage
à se fabriquer d'aussi petits outils. Ceux donc qui recon-
naissent, sur les silex de Thenay, les preuves d'un travail
intentionnel, reconnaissent aussi pour la plupart que ce
travail est attribuable à quelque ancêtre de l'homme, à
quelque anthropoïde de petite taille. Au Puy-Courny, près
d'Aurillac, dans des couches qui appartiennent à la fin du
tertiaire moyen, on a recueilli des silex plus grands dont
plusieurs portent des traces évidentes de la taille inten-
tionnelle ordinaire, de l'éclatement régulier par percussion.
Toutes les autres traces d'opération intentionnelle signalées
sur des pièces tertiaires ont pu être expliquées d'une ma-
nière en général satisfaisante par des actions purement géo-
logiques (V. Saint-Prest, Pouancé, etc.). Au contraire,
dès que nous atteignons les dépôts de la période quater-
naire, les preuves de l'existence de l'homme deviennent
aussi éclatantes que nombreuses. Les gisements des silex
taillés du type de Saint-Acheul et de Chelles (V. ces
mots et Age préhistorique) ne se comptent pas. Ces silex
se trouvent en effet disséminés dans les graviers de toutes
nos vallées et sur beaucoup de plateaux. Sur presque tous
les points de la France on en a fait des découvertes iso-
lées. Cependant en bien des endroits les chercheurs ont
manqué jusqu'à présent. En bien des endroits aussi, le
silex manquant totalement lui-même sur de grands espaces,
l'homme primitif n'a pu s'établir. De véritables ateliers
de taille d'instruments ont au. contraire été installés par
lui sur des plateaux où le silex était abondant. Enfin une
certaine portion du sol, habitable aujourd'hui, était alors
recouverte par les eaux ou des glaciers. Tel devait être
le cas de la vallée du Rhône proprement dite. Le grand
nombre d'outils chelléens recueillis déjà en France, suffit
cependant à prouver que la période pendant laquelle ils ont
été employés y a été très longue et que les petites hordes
humaines s'y étaient multipliées un peu partout. La race
primitive de ces hordes nous est bien connue (V. Néander-
thal) surtout par les pièces recueillies en Belgique et sur
le Rhin. En France, on a découvert de ses restes bien carac-
térisés à Denise, près du Puy ; dans la grotte des Fées, à
Arcy-sur-Cure (Yonne) ; dans la grotte àeGourdan (Haute-
Garonne) ; à Marcilly-sur Eure. Les restes de Denise con-
sistent en deux frontaux et quelques autres os empâtés
dans une coulée de l'ancien volcan. Ils ont été acciden-
tellement mis au jour dès 1844, et depuis jugés, après de
longues discussions, comme contemporains de VHippopo-
tamus major, de l'aurore du quaternaire. M. Hébert ce-
pendant et plus récemment M. Boulle ont émis des doutes
assez vagues sur leur ancienneté. La mâchoire d' Arcy-
sur-Cure, trouvée en \ 859 et figurant depuis lors dans la
collection de M. de Vibraye, fut d'abord regardée comme
appartenant à l'âge du renne ou de la Madelaine. On a re-
connu depuis qu'elle était plus ancienne. Elle forme, par
ses caractères, la transition entre le type de nos races
actuelles et celui de l'homme primitif représenté par la
mâchoire de la Naulette. Les restes de la grotte de
Gourdan qui consistent en une face et en une mâchoire,
sont de la même époque et ont des caractères tout sem-
blables. Le fragment du crâne de Marcilly-sur-Eure, trouvé
à 7 m. de profondeur, paraît bien néanderthaloïde.
La race humaine primitive s'est probablement transfor-
mée, ennoblie sur place, au cours des premiers âges qua-
ternaires. On la retrouve pure à la seconde époque quater-
naire, celle dite du Moustiers (V. ce mot et Belgique) , mais
aussi sous des formes déjà supérieures. A cette seconde
époque, la vie est devenue bien plus difficile. La population,
clairsemée et par familles isolées le plus souvent, se reti-
rait dans des grottes ou cavernes pour être à l'abri des
pluies persistantes et des froids. Et on peut dire qu'après
avoir vécu à l'air libre, sans demeure stable, l'homme a
établi dès lors son domicile sous des abris et dans les ca-
vernes jusqu'à la fin des temps quaternaires. Cependant
on rencontre des silex taillés de l'époque moustérienne en
France, sur les mêmes points et dans les mêmes gise-
ments que les silex chelléens ou acheuléens. De plus, leur
accumulation en de certaines localités annonce l'existence
de stations plus ou moins permanentes, en dehors des
grottes mêmes, tandis que les silex chelléens se trouvent gé-
néralement dans un état complet de dissémination, comme
autant de pièces perdues pendant des courses incessantes.
La taille du silex, très perfectionnée, a fini par donner
des pièces qui témoignent d'une grande habileté de main et
d'un véritable goût artistique. Ces pièces, dont la plus com-
mune est la pointe dite en feuille de laurier, caractérisent
une époque secondaire, de peu de durée et bien localisée
en France en dehors de laquelle on n'en trouve que des
traces douteuses. Elle est connue sous le nom d'époque de
Solutré (V. ce mot). Après elle, le travail du silex a été
délaissé pour celui de l'os, des bois de renne, de l'ivoire.
Et nous avons de celui-ci des œuvres remarquables. Elles
caractérisent l'âge du renne proprement dit ou de la Made-
laine (V. ce mot), avec laquelle se terminent les temps
quaternaires. Les stations magdaléniennes, presque toutes
dans des cavernes, des grottes ou abris, sont très nom-
breuses. Il y en a de très riches en reliques, dans toute la
France. Celles du bassin de la Dordogne et en particulier
FRANCE
— 990
de la vallée de la Vézère sont célèbres. D'après les docu-
ments que l'on possède aujourd'hui, toutes les tribus
de ces longues époques auraient appartenu à une seule
race qui passe du type de Néanderthal au type de Cro-
Magnon (V. ce mot), à la figure large, au crâne long et
capace (sauf une exception), aux membres robustes, à la
taille moyenne ou grande. Elle nous est connue, en dehors
des squelettes de Cro-Magnon, par le squelette écrasé et
deux crânes de Laugerie-Basse ; le squelette de Chan-
celade (Dordogne), différant par les caractères de la face
et peut-être par, la taille plus petite de ceux de Cro-Magnon ;
des débris de crâne de Gourdan, de la Madelaine, le crâne
de Sorde ; deux maxillaires de Marcamps (Gironde), puis
par les squelettes de Menton semblables à tous égards à
celui de Laugerie-Basse, quoique leur âge soit encore dis-
cuté, et les squelettes, d'une ancienneté très contestée,
des graviers de Grenelle. On n'a pas encore trouvé en
France des crânes d'un type différent dont l'âge soit cer-
tain. Nous mentionnerons pourtant celui de la Truchère,
d'époque indéterminée, en raison de l'importance que lui
ont donnée MM. de Quatrefages et Hamy dans leur classi-
fication, importance que rien n'est venu confirmer. Nous
sommes encore assez mal renseignés sur la façon dont la
civilisation de l'âge du renne a disparu. Cette disparition
semble avoir été assez brusque. Au-dessus des dépôts magda-
léniens des cavernes , on trouve généralement des couches
d'éboulis stériles. Le contact entre l'industrie quaternaire et
l'industrie néolithique est extrêmement rare. Cependant,dans
quelques stations, à Champignolles (Pise), au Campigny
(Seine-Inférieure), à Vaudeurs (Yonne), etc.; on a parfaite-
ment retrouvé l'industrie intermédiaire des Kjôkkenmôddings
du Danemark. La civilisation exactement correspondante à
celle des stations lacustres néolithiques de la Suisse semble
de même n'avoir eu en France qu'une existence écourtée. On
a retrouvé néanmoins, et notamment à Chassey, des restes
de villages de l'époque néolithique. Les objets disséminés,
surtout les haches polies, ont été récoltés en grand nombre
sur tous les points du territoire. Enfin nous avons de la
belle époque néolithique des monuments innombrables dans
les grottes naturelles (plus de 80) et artificielles (444) à
inhumations, dans les puits funéraires, et surtout dans les
dolmens.
Les grottes artificielles (V. ce mot) les plus célèbres
par leur nombre, la richesse de leur mobilier, la quantité
des restes humains qu'elles contenaient, sont celles de la
Marne. Les dolmens subsistent encore en grande quantité
(2,300 à 2,350), surtout dans les provinces de l'Ouest. La
population de la France, pendant l'âge de la pierre polie, est
mélangée et se compose dès l'origine en grande partie de
peuplades immigrées dont l'importance s'est accrue gra-
duellement. Le plus ancien de ses éléments est un peuple
au crâne allongé différant peu, à certains égards, de la race
quaternaire, ou du moins de certains de ses représentants,
mais ayant cependant en général des traits bien plus nobles,
une face moins large, une stature probablement plus haute.
Il est resté dominant dans le Nord. Dans l'Ouest, il paraît même
avoir d'abord presque exclusivement occupé le pays. Dans le
Sud et le Sud-Ouest, ce sont les descendants directs des peu-
plades quaternaires qui sont sûrement restés les maîtres
longtemps encore sinon jusqu'aujourd'hui (V. Cro-Magnon,
Basques, Espagne, Ibères). Du côté duNord-Est,au contraire,
le long de la chaîne des Alpes, a pénétré un peuple nouveau a
tète large, de petite stature et dont certains représentants ont
pu être qualifiés de mongoloïdes. Ces nouveaux venus ont
formé par leur mélange avec le peuple précédent une race in-
termédiaire dont l'importance fut à peu près dominante en de
certains points comme sur la Marne et dans l'Oise. Au cours
de l'âge du bronze, étudié surtout dans les stations lacustres
telles que celles du Bourget, dans les sépultures et avec un
très grand nombre de pièces isolées, la composition de la
population de la Gaule a peu changé. Nous la connaissons
peu ou point, en raison de l'habitude d'incinérer les cadavres.
Mais il faut admettre qu'elle a été modifiée encore par la
venue de nouvelles peuplades et notamment de Celtes et
de Ligures (V. ces mots) dont les caractères diffèrent peu
de ceux des brachycéphales néolithiques. Une civilisation
plus avancée et plus riche, de nouvelles croyances et pra-
tiques religieuses, de nouvelles mœurs, se sont en effet alors
implantées en Gaule, en pénétrant surtout par le Sud-Est.
Cela d'ailleurs semble s'être fait graduellement par une
infiltration lente. Pendant l'âge du fer (V. ce mot), au con-
traire, ce sont des conquérants qui sont venus s'établir en
Gaule, surtout dans le Nord. Ces conquérants d'origine
kymrique, grands, blonds, à tête allongée, peu différents si
même ils en diflèrent de nos dolichocéphales néolithiques,
ont constitué en se mêlant aux Celtes le peuple gaulois
qu'ont connu et décrit les Romains. Les monuments les
plus connus de la première époque de l'âge du fer sont
notamment les tumulus des Alpes, du Jura, de la Fran-
che-Comté, de la Bourgogne, etc. Les monuments les
plus connus de la seconde époque ou époque gauloise,
sont les cimetières de la Marne. Avec l'époque gallo-
romaine nous entrons en pleine histoire. Les Romains ont
modifié la composition de la population gauloise et laissé
dans les tombeaux des représentants de leur race plus ou
moins mélangée. Mais le temps et les invasions ont pres-
que partout effacé leurs traces, bien qu'on signale de leurs
descendants à Arles, sur le Tarn, dans la Franche-Comté.
Encore aujourd'hui, les deux éléments de beaucoup les plus
importants de la population française sont l'élément cel-
tique dont la venue peut remonter à l'époque néolithique,
et l'élément galate dont la venue remonte à l'époque du fer
et dont les plus anciens représentants pourraient être iden-
tifiés avec les dolichocéphales néolithiques. L'assise même
de la population française actuelle aurait donc été consti-
tuée dès l'âge de la pierre polie. Les peuples des invasions
germaniques ne firent que renforcer l'élément grand et blond
existant, en refoulant davantage les Celtes purs dans la
presqu'île bretonne, le Massif central, les Cévennes et les
Alpes. Les Francs eux-mêmes et les Burgondes se dissé-
minèrent promptement à travers le reste de la population.
D'autres peuples, comme les Visigoths, n'ont laissé d'eux,
dans les régions qu'ils ont occupées, que des traces dou-
teuses. Les Normands, au contraire, dont la venue est d'ail-
leurs bien plus récente (ixe siècle), ont colonisé assez for-
tement, par des immigrations successives, la province qui
porte leur nom. Des peuples plus anciennement immigrés,
quoique sans importance pour l'ethnologie générale de la
France, ont laissé de petits îlots de leurs descendants qui
ne sont pas encore entièrement résorbés par les mélanges.
Tels sont les Boïes entre la Loire et l'Allier et aux environs
d'Arcachon, les Voikes près de Toulouse, les Alains aux
environs d'Orléans et de Valence, les Theiphales dans les
Deux-Sèvres et la Saintonge, les Grecs à Nice, Marseille,
Avignon, Arles, les Bretons kymris des côtes de Bretagne.
D'après l'étude de la répartition de la taille basée sur la
proportion des exemptés pour défaut de taille dans chaque
département, les dép. du Nord et de l'Est sont encore au jour
d'hui occupés par une population composée en majorité
d'individus grands, généralement blonds ou châtain clair,
à tête généralement allongée, descendants plus ou moins
altérés des Galates ou Kymris, des Belges, des Francs.
Les dép. du Sud et de l'Ouest sont au contraire peuplés sur-
tout de châtains ou de bruns de taille moyenne ou petite,
descendants des Celtes, des Ligures, des Ibères (ancêtres
des Basques et qui auraient des descendants jusque dans les
Côtes-du-Nord), sauf deux départements dans l'Ouest, les
Deux-Sèvres et la Charente-Inférieure et deux départe-
ments dans le Sud, la Drôme et Vaucluse.
L'étude de la répartition des cheveux blonds et des yeux
clairs, entreprise récemment sur une vaste échelle, con-
firme dans leur ensemble les résultats obtenus par l'étude
de la taille. Les cheveux et les yeux noirs sont en grande
majorité sur les rives de la Méditerranée, la Drôme à part,
en Auvergne, le long des Pyrénées, dans tout le Sud-Ouest
jusqu'à la Loire, sauf la Charente-Inférieure. Dans plusieurs
— 991 —
FRANCE
régions, les indices céphaliques de la population ont été
relevés. On tirera sans doute de ces recherches, comme de
celles toutes récentes de MM. Hovelacque et Hervé sur le
Morvan, des indications précieuses sur les mélanges locaux
qui se sont produits et se produisent encore actuellement
entre tous les éléments anciens et nouveaux de la popula-
tion. Mais quoi qu'il en résulte, rien d'essentiel ne sera
changé dans Fethnogénie générale de la France, arrêtée
dès maintenant dans ses grandes lignes. Zaborowski.
GÉOGRAPHIE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE. —
Frontières. — Le développement des frontières actuelles
de la France est d'environ 5,080 kil., dont 2,520 sont des
frontières de terre et 2,560 des frontières de mer. Nous
avons décrit les trois côtés de l'hexagone c[ui sont des
frontières de mer (V. Côtes). Les trois frontières de terre
sont celle du N., celle de TE., celle du S.-O.— La fron-
tière* septentrionale, longue de 790 kil., comprend trois
sections. La frontière du Nord proprement dite commence
à 12 kil. au N. de Dunkerque, à Zuydcoote, et se termine
à la Meuse. Elle traverse la Lys à Armentières, passe au
N. de Tourcoing et de Saint-Amand, traverse YEscaut
au confluent de la Scarpe, contourne Condé et Valen-
ciennes et franchit la Sambre à Jeumont ; elle s'infléchit
vers le S.-E. jusqu'à Rocroi, puis descend la Meuse jus-
qu'à Givet. Les fortifications de Dunkerque, Lille, Douai,
Maubeuge et, en arrière-garde, La F ère et Laon sont les
principaux centres de la défense de cette frontière que les
accidents du sol ne protègent pas et qui ont été souvent le
théâtre d'opérations militaires. Cette frontière et celle de FE.
couvrent Paris et son camp retranché. Sur la frontière du
N., la Belgique est limitrophe de la France. La frontière
de VArdenne, qui s'étend de la Meuse à YAhette en tra-
versant la forêt des Ardennes, la Semoy, le Chiers et
en passant au N. de Longwy, est mieux abritée par la
nature du terrain ; Mézières est le centre de la défense de
ce côté où la France a pour voisins la Belgique et le grand-
duché de Luxembourg. La frontière lorraine traverse
la forêt de Moyeuvre, la Moselle, la Seille et aboutit au
mont Donon. Cette frontière, tracée par le traité de 1871,
sépare la Lorraine restée à la France de la Lorraine de-
venue possession de Y empire allemand. Sur cette fron-
tière très menacée, il a fallu multiplier les fortifications,
à Verdun sur la Meuse, à Tout et Epinal sur la Moselle
et, en arrière-garde, à Reims. — La frontière orientale
comprend aussi trois sections. La frontière des Vosges
s'étend du mont Donon à la trouée de Belfort en sui-
vant presque partout la crête des Vosges. Sur l'autre
revers des Vosges est l'Alsace qui appartient depuis 1871
à Yempire allemand. Les fortifications de Belfort
gardent au S. le passage. La frontière du Jura s'étend
de la trouée de Relfort au Rhône ; elle suit la crête du
Lomont, traverse, puis suit le Doubs et une partie de
la crête principale du Jura ; au delà de la vallée des
Dappes, elle descend jusque près du lac de Genève et atteint
le Rhône en amont du fort de V Ecluse ; Besançon, et en
arrière-plan Dijon et Langres, sont les centres de la dé-
fense de cette frontière où la France est limitrophe de Yem-
pire allemand et de la Suisse. La frontière des Alpes
commence sur le Rhône à Chancy, suit le lac de Ge-
nève (dont la partie méridionale est française) jusqu'à
Saint-Gingolph, suit la crête des Alpes du Chablais, puis
depuis le mont Blanc jusqu'à la Colla Lunga, la crête prin-
cipale des Alpes ; enfin de la Colla Lunga à la Roya, elle
passe un peu au S. de la crête principale ; elle traverse
deux fois la Roya et se termine sur la Méditerranée au
ravin du pont Saint-Louis. Cette frontière, sur laquelle
la France a pour voisins la Suisse et Y Italie, est puissam-
ment défendue par la nature et, en outre, par des fortifica-
tions dont les plus importantes sont à Grenoble et à
Briançon, à Nice, et, en arrière-ligne, à Lyon et à Tou-
lon. La frontière méridionale ou frontière des Pyrénées
commence au cap Cerbère, suit la crête des Albères jus-
qu'au Perthus, puis la crête des Pyrénées proprement dite,
franchit la Sègre, dont la vallée supérieure (Cerdagne
française) appartient à la France, rejoint la crête au pic
Nègre d'Embaline, passe au N. du val d'Andorre, traverse
la Garonne au Pont-du-Roi ; suit de nouveau la crête jus-
qu'à la forêt d'Irati qui appartient en partie à la France.
Au pic deLohiluz elle -abandonne la crête pour serpenter
à travers les montagnes du Pays basque jusqu'à la Bidas-
soa. Cette frontière, qui sépare la France de Y Espagne, n'est
pas accessible aux armées dans sa partie centrale. Les
routes carrossables sont situées vers les extrémités que dé-
fendent principalement Perpignan et Bayonne.
Départements. — Il y a aujourd'hui (recensement de
1891) 86 départements et le territoire de Belfort ;
362 arrondissements en comptant le territoire de Belfort
pour un arrondissement ; 2,881 cantons et 36,144 com-
munes. Le nombre des communes a varié de la manière
suivante :
1821 36.856 i 1866 37.548
1836 37.140 1872 35.989
1841 37.040 1876 36.056
1846 36.849 1881 36.097
1851 36.836 1886 36.097
1856 36.826 1891 36.144
1861 37.510
Les départements n'ont pas été tracés exactement sur les
provinces, parce que l'Assemblée constituante se proposait
de rompre les traditions provinciales* système que la royauté
avait en partie suivi déjà dans l'organisation des intendances ;
il en résulte que les limites des départements sont loin de cor-
respondre à celles des gouvernements. Sur certains points
elles correspondent à celles des anciens évêchés, partant des
« civitates » de la période romaine. Sur beaucoup de points,
elles sont empruntées aux traits de la géographie physique ;
sur d'autres, elles sont arbitraires : des régions que la nature
a faites différentes ont été souvent réunies pour former un
même département. Les noms des départements étant em-
pruntés pour la plupart à la géographie physique, surtout
aux cours d'eau, on se rend aisément compte de la posi-
tion relative de ces départements quand on connaît la géo-
graphie physique. Le tableau de la page suivante contient
les noms des départements et celui des anciennes provinces
(33 anciens grands gouvernements et 3 provinces acquises
postérieurement à 1789 : Comtat-Venaissin, Savoie et partie
du comté de Nice), dont ils ont été formés en totalité ou
en majeure partie.
Administration. — Indépendamment de l'administra-
tion politique, qui est représentée par les préfets, les sous-
préfets et les maires d'une part, par les conseils généraux,
les conseils d'arrondissement et les conseils municipaux
d'autre part (V. pour l'administration départementale et
communale les mots Département, Arrondissement, Canton,
Commune) , il y a des administrations et des circonscriptions
administratives spéciales. Celle des ponts et chaussées
comprend un ingénieur en chef par département, ayant
sous ses ordres des ingénieurs ordinaires, généralement
un par arrondissement. Quelques départements ont un ingé-
nieur spécial pour le service des routes départementales.
Un agent voyer en chef dirige le service des chemins vici-
naux, ayant sous ses ordres des agents voyers d'arron-
dissement et des agents voyers de canton; dans plusieurs
départements le service est plus ou moins complètement
confié aux ingénieurs des ponts et chaussées. Des ingénieurs
des ponts et chaussées sont spécialement chargés d'admi-
nistrer les cours d'eau navigables, les canaux, les ports,
de surveiller ou d'administrer les chemins de fer, etc. Les
ingénieurs de département et les ingénieurs de services spé-
ciaux sont sous les ordres d'inspecteurs. Il y a en France,
l'Algérie comprise, 16 inspections générales des ponts
et chaussées et 8 autres inspections pour les études et tra-
vaux des chemins de fer et pour les voies navigables. Le
service municipal de Paris forme, en outre, une inspection
particulière et possède des inspections spéciales. — L'admi-
FRANCE
— 992 —
nistration des mines comprend 11 arrondissements dirigé
chacun par un ingénieur en chef, assisté d'ingénieurs or-
dinaires et de gardes-mines. Les arrondissements sont
groupés en cinq divisions, administrées chacune par un
inspecteur général. — L'administration des forêts comprend
35 conservations ou arrondissements forestiers ; les con-
servateurs ont sous leurs ordres des inspecteurs, sous-ins-
pecteurs, gardes généraux, etc. Il y a, en outre, un ser-
vice spécial de reboisement et gazonnement.
L'administration des postes et télégraphes est confiée
à un directeur des postes et télégraphes par département
ayant sous ses ordres des inspecteurs et sous-inspecteurs,
des receveurs principaux, des receveurs d'arrondissement,
des receveurs ou distributeurs de bureaux simples ; la remise
à domicile est opérée par des facteurs qui dépendent des
receveurs. Les départements sont groupés en 15 régions;
à la tête de chaque région est un directeur ingénieur pré-
posé au service technique des télégraphes. — L'agriculture
et l'industrie sont non des administrations publiques, mais
des professions exercées librement. Mais il y a des ins-
pecteurs de l'agriculture qui visitent les campagnes, des
comices agricoles et des concours régionaux que l'ad-
ministration organise, et des chambres consultatives
d'agriculture instituées dans chaque arrondissement. — Il
y a, d'autre part, des chambres consultatives des arts et
manufactures qui sont instituées sur la demande des con-
seils municipaux, et la France est divisée en 121 circons-
criptions d'inspection pour la surveillance du travail des
enfants et des femmes dans les manufactures. — Sous le
rapport de l'administration militaire, la France est divisée
GOUVERNEMENTS
Flandre
Artois
Picardie
Normandie ^
Bretagne 1
Anjou
Maine
Ile-de-France
Champagne
Lorraine (1)
Alsace (2)
Franche-Comté
Bourgogne
Lyonnais
Dauphiné
Savoie
Avignon et Comtat-Venaissin
Provence
Partie du comté de Nice
Corse
Languedoc
Roussillon
Comté de Foix
Guyenne et Gascogne
Béarn
Angoumois
Aunis et Saintonge
Poitou
Touraine
Orléanais
Berry
Marche
Limousin :
Auvergne
Bourbonnais
Nivernais
* g a
ca „•, « ^ <»
£ ® <u es a
DEPARTEMENTS
Nord.
Pas-de-Calais. •
Somme.
Seine-Inférieure, Eure, Calvados, Orne et Manche.
Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan, Loire-
Inférieure.
Maine-et-Loire.
Mayenne et Sarthe.
Seine-et-Oise, Seine, Seine-et-Marne, Oise et Aisne.
Ardennes, Marné, Aube et Haute-Marne.
Meuse, Meurthe-et-Moselle et Vosges.
Territoire de Belfort.
Haute-Saône, Doubs et Jura.
Ain, Saône-et-Loire, Côte-d'Or et Yonne.
Loire et Rhône.
Isère, Drôme et Hautes-Alpes.
Savoie et Haute-Savoie.
Vaucluse.
Bouches-du-Rhône, Var et Basses-Alpes.
Alpes-Maritimes.
Corse.
Haute-Loire, Ardèche, Lozère, Gard, Hérault, Aude, Tarn et
Haute-Garonne.
Pyrénées-Orientales.
Ariège.
Hautes-Pyrénées, Gers, Tarn-et-Garonne, Aveyron, Lot, Dor-
dogne, Lot-et-Garonne, Gironde. et Landes.
Basses-Pyrénées.
Charente.
Charente-Inférieure.
Vendée, Deux-Sèvres et Vienne.
Indre-et-Loire.
Loir-et-Cher, Eure-et-Loir et Loiret.
Cher et Indre.
Creuse.
Haute- Vienne et Corrèze.
Cantal et Puy-de-Dôme.
Allier.
Nièvre.
(1) Presque tout l'ancien département de la Moselle, une partie de celui de la Meurthe et environ un canton et
demi des Vosges ont été perdus en 1871.
(2) De F Alsace, perdue en 1871, il ne reste plus à la France que le territoire de Belfort.
en 18 régions militaires. Chaque région est occupée
par un corps d'armée organisé pour les besoins de la guerre,
ayant dans la région territoriale qu'il occupe tout son ma-
tériel, tous ses approvisionnements ; ce corps comprend
2 divisions d'infanterie (de 2 brigades, soit 4 régiments
chaque), 1 brigade de cavalerie, 1 bataillon d'artillerie, 1 ba-
taillon du génie, 1 escadron des équipages militaires, 1 lé-
gion de gendarmerie, etc. Par exception, le VIe corps com-
prend 5 divisions d'infanterie, 2 brigades de cavalerie, etc.
Chaque corps d'armée est placé sous l'autorité d'un général
de division commandant le corps d'armée, ayant sous
ses ordres deux généraux de division dont chacun commande
une des divisions du corps d'armée. Chaque région militaire
est divisée en 8 subdivisions. Les 18 chefs-lieux de région
sont : Ier Lille, IIe Amiens, IIIe Rouen, IVe Le Mans, Ve Or-
léans, VIeChâlons-sur-Marne, VIIe Besançon, VIIIe Bourges,
IXe Tours, Xe Rennes, XIe Nantes, XIIe Limoges, XlIPCler-
mont, XIVe Grenoble, XVe Marseille, XVIe Montpellier,
XVIIe Toulouse, XVIIIe Bordeaux. Un 19e corps d'armée
occupe l'Algérie avec 3 divisions, et une brigade d'occu-
pation réside en Tunisie. En France, l'inspection spéciale
de la cavalerie est confiée à 6 inspecteurs généraux per-
manents qui ont chacun plusieurs corps d'armée dans
leur circonscription. Il y a en outre deux gouvernements
militaires : l'un à Paris comprend les dép. de la Seine
et de Seine-et-Oise ; l'autre à Lyon dont le gouverneur
commande en même temps le XIVe corps d'armée.
Il y a eu, en 1892, 42 divisions d'infanterie formées de
80 brigades comprenant 145 régiments subdivisionnaires
à 3 bataillons (le bataillon comprenant 4 compagnies, en
tout 440 hommes) et, en outre, 1 cadre de bataillon (81 offi-
ciers ou sous-officiers), 48 régiments régionaux (nos 146
à 163) destinés à occuper les places fortes, 13 bataillons
de chasseurs à pied, 17 bataillons de chasseurs de mon-
tagne, 4 régiments de zouaves, 4 régiments de tirailleurs
algériens, 4 régiments étrangers, 5 bataillons d'infanterie
légère d'Afrique et 4 compagnies de discipline ; en tout
584 bataillons, 145 cadres, 340,800 hommes. — H y a
5 divisions de cavalerie à 3 brigades chaque, 1 division
à 4 brigades et 4 8 brigades de cavalerie de corps d'armée,
en tout 37 brigades composées de 438 escadrons et 8 com-
pagnies : soit 76,300 hommes et 67,200 chevaux. Les ré-
giments réguliers de cavalerie (13 régiments de cuirassiers,
30 de dragons, 21 de chasseurs, 13 de hussards, 6 de
chasseurs d'Afrique) comprennent chacun 5 escadrons,-
les 3 régiments de spahis en comprennent 6. — Il y a
19 régiments d'artillerie de division ayant chacun 12 bat-
teries montées; 19 régiments d'artillerie de corps d'armée
ayant chacun 9 batteries montées et 3 batteries à cheval ;
24 batteries de montagne et 4 batteries à pied ; en tout,
pour l'artillerie de campagne, 484 batteries, 2,880 pièces,
57,900 hommes. — L'artillerie de forteresse compte 96 bat-
teries à pied, 2 régiments d'artilleurs-pontonniers en tout
20,500 nommes. Le génie et le train des équipages, com-
prenant 4 régiments de sapeurs-mineurs, 1 régiment de
sapeurs de chemins de fer, 20 compagnies de conducteurs
du génie, 72 compagnies du train des équipages, comptent
23,700 nommes. — Sur le pied de paix l'armée française
devait avoir en 1893 un effectif légal de 527,300 hommes,
sans compter les 30,000 hommes de l'administration des
douanes et des forêts.
En cas de guerre, l'armée territoriale servirait à porter
les régiments d'infanterie subdivisionnaires à 3,200 hom-
mes, ceux de cavalerie à 660, etc. Elle formerait, en outre,
444 régiments mixtes d'infanterie et 38 régiments mixtes
de cavalerie dans lesquels entreraient un bataillon ou deux
escadrons des régiments subdivisionnaires. L'effectif total
des hommes qui pourraient être appelés en cas de guerre
et qui se composerait de 11 classes appartenant à l'armée
active et à sa réserve, de 6 classés appartenant à l'armée
territoriale et de 8 classes appartenant à la réserve de
l'armée territoriale dépasse 3 millions d'hommes.
Sous le rapport de la marine militaire, les côtes de la
France sont divisées en 5 arrondissements maritimes :
Ier Cherbourg, IIe Brest, IIIe Lorient , IVe Roche fort,
Ve Toulon. Les arrondissements, qui sont administrés cha-
cun par un préfet maritime, sont divisés en sous-arron-
dissements, subdivisés eux-mêmes en quartiers et sous-
quartiers. Le personnel de la marine, composé d'officiers
(vice-amiraux, contre-amiraux, capitaines de vaisseaux, ca-
pitaines de frégate, lieutenants de vaisseau, enseignes, etc.),
d'employés (mécaniciens, ingénieurs, médecins, etc.), de
sous-officiers et matelots, de troupes de la marine, compre-
nait, en 1892, 88,800 hommes. La flotte, composée de
22 cuirassés à tourelle, de croiseurs, de garde-côtes, d'avisos,
de canonnières, de torpilleurs et de transports, avait un effec-
tif total de 350 bâtiments jaugeant 573,600 tonneaux, une
force de 630,900 chevaux- vapeur, 3,560 canons de diverses
dimensions et était montée par environ 47,000 hommes.
L'administration financière est organisée de la manière
suivante : par département un directeur des contributions
directes ayant sous ses ordres un inspecteur et des contrô-
leurs; un directeur de V enregistrement et des domaines
ayant sous ses ordres, en général, un vérificateur de V enre-
gistrement et un contrôleur des hypothèques par arron-
dissement et un receveur de l'enregistrement par canton ;
un directeur des contributions indirectes (excepté dans
les départements frontières où il y a des directions mixtes des
douanes et des contributions indirectes) ayantsous ses ordres
un personnel nombreux de contrôleurs et de receveurs; un
trésorier-payeur général qui a sous ses ordres un rece-
veur particulier par arrondissement et des percepteurs des
contributions directes et qui reçoit d'eux, ainsi que des re-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
— 993 — FRANCE
ceveurs des diverses administrations, le produit des impôts
et des revenus de l'Etat. Au ministère des finances, en com-
munication permanente avec les trésoriers-payeurs géné-
raux, sont la caisse centrale du Trésor public qui reçoit
d'eux ou leur envoie les fonds nécessaires au service, et la
direction du mouvement général des fonds qui établit
chaque jour l'état du Trésor et dirige avec précision le vaste
mouvement des fonds publics. Au sommet du système finan-
cier est la cour des comptes, chargée d'apurer et de juger
chaque année les comptes qui lui sont soumis par tous les
comptables des administrations publiques. La caisse des
dépôts et consignations est un établissement public qui
reçoit et administre, suivant certaines règles, les consigna-
tions judiciaires ou obligatoires des particuliers et des com-
munautés, notamment les fonds des caisses d'épargne.
(V. Budget, Contributions, Finances, Impôts). La loi de
finances du 17 janv. 1891 a fixé ainsi qu'il suit les
recettes et les dépenses de 1892 :
Ministères :
Finances .
Francs.
1.509.561.93/
a savoir : millions
Dette publique (perpétuelle de francs.
et viagère) 1.286,8
Pouvoirs publics
13,1
Services généraux du mi-
nistère, frais de régie
des impôts, rembourse-
ments, restitutions, non-
valeurs et primes
209,6
Justice et cultes
78.566.757
à savoir :
Justice
34,5
■43,7
Cultes
Frais de justice en Tunisie.
0,3
Affaires étrangères
15.624.800
dont, pour les protectorats .
0,"8
Intérieur
67.438.702
Guerre
645.754.425
dont, pour la solde des
troupes
254,9
pour les vivres
54,3
69,5
— les fourrages
— l'habillement et cam-
pement
52,9
— rétablissement du gé-
nie, de l'artillerie,
poudres et salpê-
tres
34,8
Marine et colonies
289.556.449
dont, pour les dépenses
de matériel, travaux et
fournitures
112,1
pour les colonies
71,2
Instruction pub. et beaux-arts.
176.649.779
dont, pour l'enseignement
supérieur
18,0
pour l'instruction secon- .
daire.
18,7
— l'instruct. primaire.
122,1
— les beaux-arts
8,1
Commerce et industrie
167.661.020
dont, pour les postes et
télégraphes
147,8
Agriculture
39.452.595
dont, pour les forêts ....
12,6
Travaux publics
200.856.574
dont, pour les travaux ex-
traordinaires et pour les
dépenses obligatoires assi-
milables à des dettes d'Etat
122,7
Budget de l'Etat pour l'année 1892 .
3.191.123.038
63
FRANCE
994
RECETTES Francs.
Impôts indirects 463 . 921 . 008
à savoir : millions
Contributions directes : de francs.
Propriétés bâties 71,9
— non bâties, . . 411,7
Contribution personnelle mo-
bilière. 82,3
— des portes et
fenêtres ... 53,8
— des patentes . . 113,7
Autres contributions 30,5
Impôts et revenus indirects . . 1 . 991 . 749 . 825
à savoir :
Enregistrement. . . . 537,1
Droits de timbre , . 168,7
Taxe de 4 °/0 sur le re-
venu des valeurs mobi-
lières 67,7
Douanes. . . . 450,1
Contributions indirectes. . . 587,1
Sucres 181,0
Produits des monopoles et
exploitations industrielles de
l'Etat 612.864.430
à savoir :
Allumettes chimiques, . , . . 26,6
Tabacs..... 373,2
Poudres 10,4
Postes 158,6
Télégraphes 34,6
Chemins de fer de l'Etat. . 8,2
Divers 1,2
Produits et revenus du do-
maine de l'Etat 47 . 527 . 160
dont pour le domaine fores-
tier.. 28,2
Produits divers du budget. . . 25.607 . 165
Ressources exceptionnelles (il
n'en existe pas pour l'année
1892.0. »
Recettes d'ordre 65.726.446
Total des recettes pour l'année 1892. 3 . 207 . 396 . 034
La dette publique de l'Etat se compose de la dette conso-
. lidée (4 1/2 et 3 1/2 p. °/0) qui figurait au budget de 1892
pour 761 ,675,520 fr. , de la dette flottante et amortissable
qui figurait pour 300,711,491 fr., la première compre-
nant les emprunts temporaires faits par le Trésor à divers
titres et dont celui-ci doit payer dans l'année les intérêts ou
le remboursement (la totalité de la dette flottante com-
prend, en outre, les emprunts et dettes diverses non rem-
boursables dans l'année), la seconde les annuités des dettes
dont le remboursement graduel est réglé par périodes,
la dette viagère dans laquelle sont comprises les pensions
et qui s'élevait à 224,436,934 fr. Le capital total des
dettes de l'Etat s'élève à plus de 30 milliards de francs
(V. Dette). Les départements et les communes ont cha-
cun leur budget particulier et beaucoup ont une dette.
Les recettes départementales se sont élevées en 1889
à 258 millions de fr., à savoir : 1,022,285 fr. pour les
revenus du patrimoine départemental, 57,592,075 fr.
pour les subventions de l'Etat, des communes, des parti-
culiers et les produits éventuels, 176,073,258 fr. pour
les centimes ordinaires et extraordinaires, 24,072,457 fr.
pour les emprunts, etc. Les dépenses départementales
sont affectées principalement aux chemins départementaux
et vicinaux, aux enfants assistés et aux aliénés, à l'ins-
truction publique, à l'assistance publique, à la dette.
La commune a une autonomie financière plus étendue
que le département. Les recettes communales sont ali-
mentées par les centimes généraux ou spéciaux (88 mil-
lions) qui sont votés, comme ceux des départements, par les
Chambres dans le budget sur ressources spéciales, par les
prestations pour les chemins vicinaux quand elles sont
payées en argent (60 millions en 1891, Paris non com-
pris), par les octrois (132 millions sans Paris et 156 pour
Paris), par les centimes extraordinaires (82 millions), par
les revenus annuels (124 millions). Les principales dé-
penses sont afférentes à la voirie et au service des emprunts.
Le budget des recettes ordinaires des communes s'est
élevé en 1891 à 675 millions defr. dont 264 pour Paris.
Le montant des dettes communales s'élevait au 31 mars
1890 à 3,224 millions dont 1,872 millions pour Paris
et 1,352 pour les autres communes.
La justice comprend la juridiction civile et la juridiction
commerciale qui n'en est en quelque sorte qu'une subdi-
vision, la justice criminelle et les juridictions administra-
tives. Au chef-lieu de canton (à Paris, il y a exception-
nellement un juge de paix par arrondissement) réside le
juge^ de paix. Les juges de paix possèdent la juridiction
de simple police. Au chef-lieu d'arrondissement est un
tribunal civil ou tribunal de première instance. Au-
dessus du tribunal de première instance est la cour d'appel.
Les^ sièges des vingt-six cours d'appel sont à : Douai,
Amiens, Paris, Rouen, Caen, Rennes, Angers, Dijon,
Nancy, Besançon, Lyon, Chambéry, Grenoble, Aix, Nîmes,
Montpellier, Bastia, Toulouse, Agen, Pau, Bordeaux, Poi-
tiers, Limoges, Riom, Bourges", Orléans. Dans chaque
département, la juridiction criminelle est exercée par la
cour d'assises qui se réunit généralement au chef-lieu,
tous les trois mois d'ordinaire. — Dans beaucoup de loca-
lités il y a un tribunal spécial, le conseil des prud'hommes,
chargé de juger les différends qui s'élèvent à propos du
travail entre les patrons et les ouvriers, et un autre
chargé de juger les affaires commerciales entre commer-
çants, le tribunal de commerce.
Au-dessus de tous les autres tribunaux est la cour de
cassation qui siège à Paris. — ■ Les juridictions adminis-
tratives sont les conseils de préfecture (1 par départe-
ment), les conseils de revision de l'armée, les conseils
universitaires, la cour 'des comptes et le conseil d'Etat,
juge suprême en matière administrative.
Les circonscriptions administratives de l'instruction pu-
blique sont les académies. Le territoire de la France est
divisé en seize académies : Douai, Caen, Rennes, Paris,
Nancy, Besançon, Dijon, Lyon, Chambéry, Grenoble, Aix,
Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Poitiers, Clermont. L'Al-
gérie forme la 17e académie. A la tête de chaque académie
est un recteur (à Paris seulement c'est un vice-recteur, le
ministre possédant nominalement l'autorité rectorale). Le
recteur est assisté d'un conseil académique. Sous les
ordres du recteur il y a dans chaque département un ins-
pecteur d'académie, assisté d'un conseil départemental
et ayant lui-même sous ses ordres des inspecteurs de l'en-
seignement primaire dont la circonscription correspond le
plus^ généralement à l'arrondissement, quoiqu'il y ait plus
de circonscriptions inspectorales que d'arrondissements.
L'instruction comprend trois degrés : l'instruction
primaire est donnée dans les écoles maternelles et dans
les écoles primaires (écoles primaires élémentaires de gar-
çons, de filles et mixtes, écoles primaires supérieures de
garçons et de filles) ; les écoles primaires sont publiques
ou privées, dirigées par des laïques ou des congréganistes ;
il y a dans beaucoup d'écoles des cours d'adultes. Chaque
département, seul ou réuni à un autre, doit entretenir
deux écoles normales primaires pour former des ins-
tituteurs et des institutrices. L'instruction primaire est
obligatoire pour les enfants de six ans révolus à treize ans
révolus. Les enfants qui ont reçu l'instruction dans une
école ou dans leur famille peuvent, après examen, obtenir
un certificat d'études primaire. Le tableau ci-après donne
le nombre des écoles et des élèves de l'enseignement pri-
maire d'après la statistique officielle (V. les 1. 1, II, III, IV
de la Statistique de l'enseignement primaire).
- 995 -
I. ÉCOLES
FRANCE
DATE
de la
STATISTIQUE
1832...,
1837...,
1843...
1863...
1872...,
1876-77,
1881-82
1886-87
1889-90
NOMBRE
NOMBRE
d'écoles
TOTAL
des écoles
pour
10.000 hab.
42.092
13,0
52.779
15,7
59.838
17,2
68.761
18,3
70.179
19,4
71.547
19,3
75.635
20,0
80.209
21,0
81.857
21,3
de garçons
et d'écoles
mixtes
31.420
38.720
42.551
41.494
41.720
42.421
44.335
46.719
67.628
spéciales
de filles
10.672
14.059
17.287
27.267
28.459
29.126
31.300
33.460
34.229
NOMBRE D'ECOLES
publiques privées
32.520
34.756
42.720
52.445
56.313
59.021
62.997
66.708
67.359
9.572
18.023
17.118
13.316
13.866
12.526
12.638
13.501
14.498
laïques
»
52.225
51.555
51.633
51.657
56.210
61.547
63.228
congre-
ganistes
7.613
17.206
18.546
19.890
19.425
18.662
18.629
IL ÉLÈVES
DATE
de la
STATISTIQUE
1832
1837
1843
1863
1872
1876-77..
1881-82. .
1886-87..
1889-90..
NOMBRE
TOTAL
des élèves
inscrits
1.937.582
2.690.035
3.164.297
4.336.368
4.722.754
4.716.935
5.341.211
5.526.365
5.601.567
NOMBRE
d'élèves
par
10.000 hab.
596
752
924
1.160
1.303
1.281
1.413
1.446
1.460
ÉLÈVES
GARÇONS
1.202.673
1.579.888
1.812.709
2.265.756
2.445.216
2.400.882
2.708.510
2.789.685
3.087.505
734.909
1.110.147
1.351.588
2.070.612
2.277.538
2.316.053
2.632.701
2.736.680
2.514.062
NOMBRE D'ELEVES DES ECOLES
publiques
2.046.455
2.407.425
3.413.830
3.835.991
3 823.348
4.359.256
4.444.568
4.405.543
privées
643.580
756.872
922.538
886.763
893.587
981.955
1.081.797
1.196.024
laïques
2.457.380
2.725.694
(2.648.562)
3.567.861
3.819.110
3.896.700
congré-
ganistes
706.917
1.610.674
(2.068.373)
1.773.350
1.707.255
1.704.867
En 4890, il y avait 280 écoles primaires supérieures,
203 de garçons et 77 de filles et 468 cours complémen-
taires (comprises dans le total ci-dessus), donnant l'ensei-
gnement à 40,600 élèves.
L'instruction secondaire est donnée dans les lycées,
établissements publics de l'Etat, dans les collèges, établis-
sements publics communaux, et clans les établissements
libres, dirigés par des laïques ou par des congréganistes.
Il y a des lycées et des collèges pour les jeunes filles. L'en-
seignement secondaire a sa sanction dans le baccalauréat :
baccalauréat de l'enseignement secondaire classique que les
candidats subissent, d'après le décret du 8 avril 1892, en
deux parties, la seconde portant sur des matières à leur
cboix, et baccalauréat de l'enseignement moderne. Jusqu'en
1894 les candidats sont admis à subir les épreuves du
baccalauréat es sciences.
Le nombre des établissements d'enseignement secondaire
était en 1891, pour les garçons, de 1,004, comptant
452,855 élèves, à savoir :
Lycées 107 avec 50,746 élèves.
Collèges communaux 246 — 33,968 —
Etablissements l laïques. 306 — 15,854 —
libres (ecclésiastiques. 345 — 52,287 —
Pour les filles, de 51 dont 24 lycées (3,956 élèves) et
27 collèges (3,088 élèves).
On trouvera les détails statistiques et autres dans l'art.
Enseignement.
L'enseignement supérieur est donné au nom de l'Etat
par les facultés qui siègent, pour la plupart, au chef-lieu
de l'académie. Il y a, en France, 15 facultés des lettres,
15 des sciences, 12 de droit, 2 de théologie protestante,
4 de médecine ; il y a des écoles supérieures de pharmacie,
des facultés mixtes ou écoles préparatoires de médecine et
de pharmacie. L'enseignement supérieur est donné aussi
dans des. facultés libres. Le nombre des étudiants au
1er janv. 1891 était de 21,716 dont 20,785 dans les
facultés de l'Etat, 931 dans les facultés libres, 9,499 à
Paris et 12,217 en province.
Il y a, outre les facultés et les écoles de médecine et
de pharmacie, de grands établissements publics dont les
professeurs donnent un enseignement supérieur ou un
enseignement technique et qui dépendent du ministère
de l'instruction publique ou d'autres ministères. Parmi ces
établissements, on peut citer en première ligne, le Collège
de France, le Muséum d'histoire naturelle, V Ecole nor-
male supérieure, YEcole des hautes études, Y Ecole
des langues orientales, YEcole des chartes, YEcole des
beaux-arts, le Conservatoire de musique et de décla-
mation, etc., qui dépendent du ministère de l'instruction
publique ; YEcole polytechnique, YEcole des ponts et
chaussées, YEcole des mines, YEcole supérieure de
guerre, YEcole d'application de l'artillerie et du génie
à Fontainebleau, YEcole de cavalerie à Saumur, YEcole
forestière de Nancy, Y Institut agronomique, YEcole
spéciale militaire de Saint-Cyr, YEcole navale à Brest,
YEcole d'application du génie maritime, les Ecoles
d'agriculture à Grignon, à Grand-Jouan et à Montpel-
lier, qui relèvent de divers ministères.
Presque tous les départements possèdent des sociétés
savantes, dont plusieurs jouissent d'une ancienne renom-
mée et dont les membres contribuent, par leurs travaux,
aux progrès de la science. A Paris, outre un grand nombre
de sociétés de ce genre, se trouvent de grandes institutions
publiques : Y Observatoire, le Bureau des longitudes,
Y Académie d,e médecine, et, placé au sommet de la
science, Y Institut de France, composé de cinq académies.
Les cultes reconnus par l'État et entretenus par lui sont
le culte catholique, le culte protestant et le culte israê-
lite* Dans Y Eglise catholique, la paroisse est l'unité de
circonscription religieuse ; une commune, suivant son im-
portance, en comprend une ou plusieurs. Les paroisses se
distinguent en cures dont le pasteur est un curé inamo-
vible, et en succursales dont le pasteur est un desservant
qui peut être déplacé par son évêque. Les paroisses sont
groupées en diocèse, lequel correspond, le plus souvent,
depuis le concordat de i 801, au département. Il y a 84 dio-
cèses, dont 67 évêchés et 47 archevêchés. L' évêque est
le pasteur du diocèse ; Y archevêque a, dans son propre
diocèse, l'autorité d'un évêque, et exerce, en outre, une
FRANCE
996 —
4° Paris..
2° Rouen,
3° Tours .
certaine suprématie sur les autres évêques de sa province
ecclésiastique; ces provinces correspondent encore en
partie aux anciennes provinces romaines. Voici la liste
des archevêchés avec les évêchés suffragants :
ARCHEVÊCHÉS ÉVÊCHÉS SUFFRAGANTS
Chartres, Meaux, Orléans,
Blois, Versailles.
Rayeux (etLisieux), Evreux,
Sées, Cou tances (et Avran-
ches).
Le Mans, Angers, Nantes,
Laval.
Arras et Saint-Omer.
Vann es , Saint - Brieu c ( et
Tréguier), Quimper (et
Saint-Pol-de-Léon) .*
Soissons (et Laon), Châlons,
Beauvais (Noyon et Sen-
lis), Amiens.
Verdun, Belley, Saint-Dié,
Nancy (et Toul).
Autun (Chaïon et Mâcon),
Langres, Dijon, Saint-
Claude, Grenoble.
Annecy, Moutiers, Saint -
Jean-de-Maurienne.
Nîmes (et Uzès), Valence,
Viviers, Montpellier.
4° Cambrai.
5° Rennes . .
G0 Reims.
7° Besanço?i
8° Lyon (et Vienne)..
9° Chambéry .
40° Avignon . .
'11° Aix (Arles et Em-
brun)
12° Toulouse (et Nar-
bonné)
13° Bordeaux .
44° Auch
45° Albi
46° Bourges
4 7° Sens (et Auxerre) . .
Marseille, Fréjus (et Tou-
lon), Digne, Gap, Ajaccio,
Nice.
Montauban, Pamiers, Car-
cassonne.
Agen, Angoulême, Poitiers,
Périgueux (et Sarlat), La
Rochelle ( et Saintes ) ,
Luçon.
Aire (et Dax), Tarbes ,
Rayonne.
Rodez, Cahors, Mende, Per-
pignan.
Clermont, Limoges, Le Puy,
Tulle, Saint-Flour.
Troyes, Nevers, Moulins.
Les administrations publiques sont les organes du gou-
vernement. Le gouvernement comprend : le pouvoir exé-
cutif, administratif et judiciaire, personnifié dans le
'président de la République. La France est, depuis le
4 sept. 4870, une république. Elle est régie par le Par-
lement, qui vote les lois et les budgets ; il dirige la poli-
tique générale par la confiance qu'il accorde ou qu'il refuse
aux ministres nommés par le président de la République.
Il se compose du Sénat et de la Chambre des députés. La
Chambre des députés est élue directement, au scrutin
d'arrondissement, par le suffrage universel pour quatre ans ;
elle peut être dissoute par le président de la République
sur Lavis conforme du Sénat. Le Sénat se compose de
300 membres (y compris un certain nombre de sénateurs
inamovibles remplacés, à chaque décès, par des sénateurs
élus) élus pour neuf ans par des délégués du suffrage uni-
versel (députés, conseillers généraux, conseillers d'arron-
dissement et des délégués de chaque conseil municipal) et
renouvelés par tiers tous lès trois ans. Le nombre des dé-
légués varie suivant l'importance des communes.-
Le président de la République est nommé pour sept
ans par le Parlement. Il exerce le pouvoir exécutif dans la
limite des droits que lui a conférés la constitution. 11 nomme
et révoque les ministres ; il préside le conseil des mi-
nistres. Il est assisté d'un conseil d'Etat.
Le conseil des ministres est composé des ministres pris
le plus souvent dans le sein du Parlement. Ils ont chacun
la direction d'une des grandes administrations centrales dé-
signées sous le nom de ministères, et ils sont responsables
de leur gestion devant le Parlement. Les ministères, dont
le nombre a plusieurs fois varié, sont (en 1 893) : minis-
tère de la justice et des cultes , ministère de l'inté-
rieur, ministère des affaires étrangères, ministère des
finances, ministère de la guerre, ministère de la ma-
rine et des colonies, ministère de l'Instruction publique
et des beaux-arts, ministère de V agriculture, minis-
tère du commerce et de V industrie, ministère des
travaux publics. L'administration des cultes a été rat-
tachée tantôt à l'instruction publique, tantôt à la justice.
Le conseil d'Etat, composé de conseillers, de maîtres des
requêtes et d'auditeurs, donne son avis sur les projets de
lois et de décrets qui lui sont soumis par les Chambres ou
par le gouvernement, sur les règles d'administration pu-
blique ; il constitue, en outre, le tribunal supérieur en ma-
tière administrative (V. pour l'histoire et pour le détail
des formes de gouvernement, l'art. Constitution).
Population et Démographie. — Etat de la popula-
tion. — Les évaluations de la population du territoire de la
France manquent de base suffisante dans les temps antérieurs
à la fin du xvne siècle, et ne peuvent être considérées que
comme des hypothèses plus ou moins vraisemblables. Nous
avons consacré les douze premiers chapitres de notre ouvrage
sur la Population française à l'étude de la population avant
4789 ^ Nous donnons ci-après le tableau dans lequel sont
résumés les résultats numériques de la partie de cette étude
consacrée à la recherche du nombre total des habitants.
Le nombre 20,069,044 hab. est le total résultant des
Mémoires des intendants rédigés de 4698 à 4700 sur la
demande du roi. Quelque divers qu'aient été les procédés
de dénonibrement ou d'estimation employés alors par les
intendants et quelque imparfait que soit le total (V. pour
plus d'explications le chap. x du liv. I de la Population
française), le chiffre de 20 millions est le résultat de la
première enquête officielle qui soit connue comme ayant
porté sur la totalité du territoire français ; il a donc une
réelle importance. Les intendants n'ont jamais refait un
pareil travail d'ensemble au xvme siècle, ou du moins on
n'en connaît pas ; dans la seconde moitié de ce siècle, la
démographie a commencé à donner lieu à un certain nombre
de publications officielles ou privées ; mais les chiffres de
population que les auteurs ont hasardés sont des hypothèses
ou des calculs fondés sur des éléments insuffisants. En
4789, le nombre des habitants était d'environ 26 millions ;
c'est du moins le chiffre le plus probable (V. le chap. xi
du liv. II de la Population française et l'appendice du
t. III). On peut en conclure que, de 1100 à 11 89, la po-
pulation a augmenté de 6 millions d'âmes en 90 ans,
soit de 30 °/0 pour la période et, en moyenne arithmétique,
de 0,33 °/o par an.
Depuis 4804, date du premier dénombrement qui ait
été fait de la population entière de la France (V. Dénom-
brement) jusqu'en 4894, il y a eu seize dénombrements
et trois calculs d'évaluations d'après les naissances et les
décès (4844, 4846, 4821) qui sont considérés par certains
auteurs comme des dénombrements. La population était
de 27,347,800 âmes en 4804 et de 38,343,492 (popu-
lation domiciliée) en 4891. Elle a donc augmenté de
10,995,000 âmes, soit de 39 °/0 pour toute "la période
et, en moyenne arithmétique, de 0,44 °/0 par an.
Ce taux d'augmentation est bien inférieur à celui de la
plupart des autres Etats de l'Europe (V. Démographie),
mais il est moins faible au Mxe siècle qu'il n'avait été au
xvme siècle, et il faut même remarquer que de 4700 à
4789, le territoire de la France a gagné la vallée de Bar-
celonnette, la Lorraine et la Corse, tandis que de 4845
(la population donnée pour l'année 4801 est celle qui habi-
tait le territoire français après le traité du 20 nov. 4815)
à 4894, si elle a gagné la Savoie et une partie du comté
— 997 —
FRANCE
de Nice, elle a perdu presque toute l'Alsace et une partie
de la Lorraine qui renfermaient une population plus nom-
breuse.
Le tableau que nous avons donné à Fart. Démographie,
t. XIV, p. 72, et qui est extrait de la Population fran-
çaise (t. I, p. 313), fait connaître la population telle qu'elle
a été trouvée après rectification par les dénombrements
ou calculée dans les publications officielles de 1814 ,
ÉPOQUES
Nombre d'habitants
sur le territoire
de la France, tel
qu'il est aujour-
d'hui (528,400 k.q.)
OBSERVATIONS
Gaule barbare à l'époque de
César
6.700.000-
8 millions 1/2
8 à 10 millions
20 à 22 millions
20 millions
21.136.000
18 millions
24 millions 1/2
8 millions pour la Gaule entière.: Hypothèse fondée sur l'évalua-
tion du nombre des individus composant les tribus de la Gaule.
Hypothèse sans preuve.
Hypothèse sans preuve.
Hypothèse ^fondée sur le rôle des feux soumis à l'impôt royal
(soit environ moitié de la France actuelle) en 1328.
Hypothèse fondée sur le nombre des familles du royaume en
1581 que donne Froumenteau, et qui, pour le royaume de
France, et avec l'étendue qu'il avait alors, correspond à 14
millions d'âmes.
Calcul qui résulte pour la première fois d'évaluations officielles
portant sur tout le royaume et consignées dans les mémoires
des intendants. La population du royaume de France, avec
l'étendue qu'il avait alors, était évaluée à 20,069,011 âmes.
Hypothèse fondée sur la dépopulation pendant les dernières
années du règne de Louis XIV et sur une assertion de For-
bonnais.
r Messance, en 1767, donne 23,109,250 âmes.
\ Expilly, en 1780, donne 22,014,357 âmes, y compris la Lorraine.
} Mohfiàu.en 1788. dnnnp. 9.3 1/9 à 9.A. millinna
Gaule romaine sous les Anto-
nins
Gaule carolingienne au temps
de Charlemagne
France dans la première moitié
France vers la fin du xvp siècle
France en 1700
France vers 1715
France vers 1770
France en 1789
/ Necker, en 1789, donne 24,802,000 et pense qu'il faut presque dire
!, 26 millions.
/ Le chevalier des Pommelles, en 1789, donne 25,065,883.
1 Bonvallet-Desbrosses, en 1789, donne 27,957,157.
1 Lavoisier, en 1791, donne 25 millions.
26 millions J Arthur Young, en 1790, d'après le Comité d'imposition, donne
j zo,aoa,uuu.
I La Bibliothèque de V homme pit6£ic(Condorcet,Le Chapelier), en
F 1791, donne 25,500,000.
\ Montesquiou, en 1791, donne 26,300,000.
\
1816, 1821; il fait connaître aussi le taux d'accrois-
sement et la densité. Nous le complétons ici en donnant
les chiffres définitifs de 1891 que les évaluations pro-
visoires avaient portés trop haut et, depuis 1884, la dis-
tinction entre la population domiciliée et la population
présente :
DATES
des
RECEN SEMENTS
DÉSIGNATION
de
LA POPULATION
NOMBRE
d'habitants
DENSITÉ
ACCROIS
TOTAL
d'un
dénombrement
à l'autre
par milliers
de personnes.
SEMENT
MOYEN ANNUEL
par
1,000 hab.
Dec. 1881
1 Population domiciliée
37.672.048
37.405.290
38.218.903
37.930.759
38.343.192
38.095.150
71,3
72,3
72,35
+ 766
+ 547
+ 124
+ 4,1
+ 3,3
-f 0,65
1 — de fait
Mai 1886
( Population domiciliée
Avril 1891
i Population domiciliée
i — de fait
Les changements survenus dans l'étendue territoriale de
la France masquent quelque peu le véritable taux d'ac-
croissement de la population. Voici, dans le tableau ci-
contre, cet accroissement par période de vingt ans, de
4804 à 4884, et de dix ans pour la période 4884-4894
pour un même territoire, celui de la France depuis
le traité de 4874 (V. ce tableau à l!art. Démographie,
t. XIV, p. 72).
Jusqu'en 4846 la plupart des départements avaient vu
leur population s'accroître de recensement en recense-
ment ; depuis cette époque le nombre des départements
dont la population a été en décroissance à chaque recen-
sement est devenu considérable.
Nous donnons, dans le tableau ci-après (p. 999), lenombre
des départements dont la population a augmenté ou diminué
d'un recensement à l'autre (les nombres ne sont tout à
ANNÉES
HABITANTS
(Nombres
exprimés par
millions)
Nombres pro-
portionnels
(la population
initiale étant
représentée
par 10)
TAUX- MOYEN
annuel
de l'accroisse-
ment sur
1,000 habitants
par période
de 20 années
1801
1821
1841
1861
1881
1891 ....
26,9
29,9
33,4
35,8
37,7
38,3
10,0
11,1
12,4
13,3
14,0
14,2
5,6
5,9
3,6
2,7
1,5
FRANCE
— 998 -
SUPERFICIE ET POPULATION DES DÉPARTEMENTS
SUPERFICIE EN KIL. CARRES
DÉPARTEMENTS
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-).. .
Alpes (Hautes-)
Alpes-Maritimes (1)..
Arclèche
Ardennes
Ariège..
Aube
Aude
Aveyron
Belibrt (territoire) . . .
Bouches-du-Rhône (1)
Calvados
Cantal
Charente (4)
Charente-Inférieure. .
Cher
Corrèze
Corse (1)
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord (1). . . .
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir
Finistère (1)
Gard
Garonne (Haute-)
Gers
Gironde (1)
Hérault
Ille-et-Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes (7).*
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-)
Loire-Inférieure
Loiret
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche (1)
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meùrthe (16)
Meurthe-et-Moselle .
Meuse
Morbihan (1)
Moselle (16)
Nièvre
Nord ,
Oise •
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-) (11).
Pyrénées (Hautes-).
Pyrénées-Orientales
Rhin (Bas-) (16)
Rhin (Haut-) (16)....
Rhône ,
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure
Seine-et-Marne
5.825
7.427
7.380
6.987
5.642
3.738
5.555
5.252
4.903
6.025
6.341
8.770
609
5.247
5.692
5.775
5.972
7.230
7.302
5.887
8.722
8.786
7.204
5.605
9.223
5.315
6.560
6.037
5.938
7.070
5.880
6.365
6.290
10.726
6.223
6.990
6.905
6.157
8.235
5.054
9.363
6.420
4.798
5.000
6.979
6.811
5.226
5.384
5.170
7.283
6.411
8.204
6.258
5.146
»
5.275
6.239
7.093
6.'887
5.773
5.885
6.143
6.750
5.801
7.367
7.308
6.954
5.590
3.741
5.526
5.236
4.910
6.001
6.310
8.743
610
5.105
5.517
5.740
5.951
6.825
7.199
5.866
8.809
8.759
6.878
5.568
9.185
5.228
6.521
6.014
5.875
6.736
5.825
6.296
6.246
9.980
6.198
6.735
6.822
6.108
8.209
5.052
9.325
6.368
4.772
4.962
6.874
6.765
5.213
5.360
5.168
7.115
5.932
8.179
6.220
5.170
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2.863
5.374
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6.187
5.863
4.597
4.317
479
484
6.341
6.150
5.888
5.915
466.340
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4801
5.799
7.352
7.308
6.954
5.590
3.743
5.527
5.233
4.894
6.001
6.313
8.743
610
5.105
5.521
5.741
5.942
6.826
7.199
5.866
8.747
8.761
6.886
5.568
9.183
5.228
6.522
5.958
5.874
6.722
5.836
6.290
6.280
9.740
6.198
6.726
6.795
6.114
8.289
4.994
9.321
6.351
4.760
4.962
6.875
6.771
5.212
5.354
5.170
7.121
5.928
8.180
6.220
5.171
(6.090)
5.232
6.228
6.798
(5.369)
6.817
5.681
5.855
6.097
6.606
7.950
7.623
4.529
4.122
(4.553)
(4.108)
2.790
5.340
8.552
6.207
5.760
4.315
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5.736
459.076
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425,9
248,8
134,0
112,5
(3)
266,6
259,9
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231,4
225,2
326,3
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451,8
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299,0
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217,7
243,7
163,9
340,5
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218,0
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235,3
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405,6
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502,7
275,4
488,8
205,6
268,9
435,9
288,2
224,3
209,9
290,9
229,8
369,3
286,1
377,2
323,9
126,5
375,5
530,6
304,7
226,7
305,7
338,1
(9)
269,5
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348,1
232,6
765,0
350,9
395,7
505,6
507,1
355,6
174,7
110,7
450,2
303,8
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291,6
452,7
388,1
631,6
609,8
299,1
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(2)
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20
50
40
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»
56
82
38
50
58
30
42
17
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41
34
68
44
65
51
(5)
(6)
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44
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52
58
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56
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(9)
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456,2
359,3
328,1
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618,6
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306,4
349,5
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472,4
261,1
793,5
461,6
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337,3
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645,2
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513,8
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332,4
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51
289
53
72
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46
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.559
139
62
33.822,4
— 999 —
FRANCE
DEPARTEMENTS
Report
S.eine-et-Oise
Sèvres (Deux-)
Somme
Tarn '
Tarn-et-Garonne . .
Var (1)..,
Vaucluse
Vendée (1) (14)
Vienne
Vienne (Haute-). . , .
Vosges
Yonne . <
SUPERFICIE EN KIL. CARRES
466.340
5.658
6.055
6.276
5.780
3.730
6.044
3.578
6.971
5.490
7.023
5.969
7.494
Totaux pour la France)
entière (1) 536.408
(15) (18)
460.064
5.604
5.998
6.163
5.740
3.720
5.993
3.568
6.718
6.973
5.518
5.867
7.420
529.346
459.076
5.604
6.000
6.161
5.742
3.720
6.028
3.548
6.703
6.970
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5.853
7.428
528.400
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38.343,2
73
Bouches-
(1) Dans cette superficie sont comprises les îles, savoir : département des Alpes-Maritimes, 2 kil. q.
du-Rhône, 4 kil. q. — Charente-Inférieure, 405 kil. q. — Côtes-du-Nord, 13 kil. q. — Finistère, 29 kil. q. — Gironde,
2 kil. q. — Manche, 11 kil. q. — Morbihan, 110 kil. q. — Var, 32 kil. q. — Vendée, 28 kil. q. — Corse (petites îles),
3 kil. q. : en tout pour la totalité des îles, 639 kil. q.
(2) L'arr. de Gex n'a été réuni au dép. de l'Ain qu'en 1815. C'est pourquoi la superficie n'étant pas la même en
1801, nous ne donnons pas la densité pour ces recensements.
(3) L'arr. de Grasse faisait partie du dép. du Var avant 1860. Nous ne donnons pas de totaux pour 1801 et 1846.
(4) 11 y a eu des omissions en 1801, car le département avait 326,000 hab. en 1790 et 327,000 en 1806.
(5) Une partie de la Haute-Garonne (air. de Castelsarrasin, etc.) (V. Tarn-et-Garonne) a été détachée en 1808
pour former le dép. du Tarn-et-Garonne. C'est pourquoi nous ne donnons pas la densité pour 1801.
(6) Une partie de l'arr. de Lectoure (59,754 hab. en 1806 et 52,251 en 1821) a été détachée en 1808 pour former le
dép. de Tarn-et-Garonne. — Môme observation que pour la Haute-Garonne (note 5).
(7) La com. de Saint-Esprit et ses environs ont été détachés du dép. des Landes sous le second Empire et
rattachés au dép. des Basses-Pyrénées.
(8) Une partie du dép. de Lot-et-Garonne (celle qui a fourni l'arr. de Moissac, etc.) a été détachée en 1808 pour
former le dép. de Tarn-et-Garonne.
(9) Une partie de ce département a été perdu à la guerre de 1870-1871. —L'autre partie est comprise clans le
dép. de Meurthe-et-Moselle.
(10) Tout ce département, excepté l'arr. de Briey, a été perdu par la France à la guerre de 1870-1871.
(11) La com. de Saint-Esprit et ses environs, qui appartenaient au dép. des Landes, ont été rattachés sous le
second Empire à l'arr. de Bayonne. C'est pourquoi la densité n'est qu'approximative pour ce département en 1801
et en 1846.
(12) Le dép. de Tarn-et-Garonne n'a été créé qu'en 1808, aux dépens des dép. du Lot (arr. de Montauban, cant.
de Caylus, etc., environ 110,000 à 120,000 hab.), de la Haute-Garonne (arr. de Castelsarrasin, plus de 90,000 hab.),
de Lot-et-Garonne (environ 46,000 hab.), du Gers (en\iron 8-000 hab.) et de l'Aveyron (cant. de Samt-Antonm, 3,000
à 10,000 hab.).
(13) Y compris l'arr. de Grasse qui ne fait plus partie du département depuis 1860.
(14) L'accroissement considérable qui s'est produit depuis 1801 dans la population du dép. de la Vendée paraît
provenir en partie d'omissions du recensement de 1801 ; la Vendée n'était pas encore pacifiée à cette époque.
(15) Formant 86 départements plus 1 territoire.
(16) La superficie des dép. de la Meurthe et de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui sont entre paren-
thèses, n'est pas comprise dans ce total.
(17) Cette superficie est celle qui est donnée dans V Annuaire du Bureau des longitudes (année 1892).
(18) Nous donnons également la superficie obtenue sur la carte de l'état-major au 80,000e par le Service géogra-
phique de l'armée. Cette mesure, qui est de 536,408 kil. q., attribue une superficie un peu moindre au territoire de
Bell'ort et à 6 départements, et une superficie plus grande à 80, surtout aux départements côtiers, propablement
parce qu'une partie de la laisse de mer a été comptée clans leur superficie. Calculée avec ces données, la densité
générale de la France serait de 71 hab. par kil. q. et celle de plusieurs départements diminuerait un peu.
fait comparables que depuis 1846, à cause de l'imperfec-
tion des premiers recensements, surtout de ceux de 1801
et de 1806).
NOMBRE
de
NOMBRE
de
PÉRIODES
départements
qui ont
PÉRIODES
départements
qui ont
augmenté
diminué
augmenté
57
diminué
1801 à 1806
81
4
1856 à 1861
29
1806 à 1821
66
19
1861 à 1866
58
31
1821 à 1831
85
1
1866 à 1872
14
73
1831 à 1836
84
2
1872 à 1876
67
20
1836 à 1841
73
13
1876 à 1881
53
34
1841 à 1846
81
5
1881 à 1886
58
29
1846 à 1851
64
22
1886 à 1891
32
55
1851 à 1856
32
54
Le tableau ci-dessus contient la population par départe-
ment au premier recensement (1801), au dernier (1891)
et à une date intermédiaire (1846) précédant immédiate-
ment l'accélération du mouvement de concentration vers
les grandes villes, causée par les chemins de fer.
Ce tableau indique aussi la densité moyenne par dépar-
tement en 1 891 . Cette densité a été calculée d'après les
superficies portées dans la colonne n° 3 ; c'est la superficie
la plus généralement adoptée, celle que nous donnons
nous-même dans Y Annuaire du Bureau des longi-
tudes; elle repose sur les évaluations cadastrales, mais
elle est certainement inférieure à la réalité. Dans la co-
lonne n° 4 sont les superficies calculées par le Service
géographique de l'armée; ces résultats sont encore pro-
visoires ; le général Derrecagaix , directeur du Service,
prépare les résultats définitifs! La colonne n° 2 contient
les superficies données en 1892 par le ministère de l'in-
térieur dans le volume de la Situation financière à la
FRANCE
— 4000 —
suite d'une révision des superficies faite par les soins des
préfets.
La population peut être envisagée dans ses différentes ma-
nières d'être et dans ses divers groupements. On désigne
depuis 1846 sous le nom de population rurale celle qui
habite des communes ayant moins de 2,000 hab. agglomérés
et sous celui de population urbaine celle qui habite des
communes ayant plus de 2,000 hab. agglomérés. Comme,
d'une part, l'accroissement général de la population tend
à augmenter le nombre des communes ayant plus de
2,000 hab. agglomérés et que, d'autre part, l'émigration
des campagnes vers les villes grossit le chiffre des popu-
lations urbaines, la proportion de la population urbaine à
été toujours en augmentant relativement à la population
rurale, excepté au recensement qui a suivi la perte de
l' Alsace-Lorraine, parce que cette contrée renfermait une
forte proportion de population urbaine (V. le tableau à l'art.
Démographie, t. XIV, p. 72).
Comme la population rurale est en général plus proli-
fique que la population urbaine, la perte faite par la pre-
mière est en réalité plus considérable qu'elle ne le paraît
d'après les recensements ; c'est ainsi que, de 1876 à 1886,
l'émigration paraît avoir enlevé à la population rurale
1,27&,000 hab. et l'immigration avoir fourni à la popula-
tion urbaine 1,700,000 hab. (pour le détail de cette ques-
tion V. la Population française, liv. II, ch. xm et xvii
et le liv. IV, ch. vin, où se trouvent les cartes et les tableaux
indiquant par département les mouvements de migration).
Quand on compare le nombre des Français qui habitent
le département où ils sont nés, en 1866 et en 1886, à vingt
ans de distance on voit :
ANNEES
NES
dans le
département
33.007.000
30.881.593
NES
hors du
département
1886 (I)
(1) Sans l'armée comptée à part,
4.404.000
5.923.000
ET RANG F RS
635.500
1.126.700
On émigré surtout des Alpes, du Massif central, de la
plaine de la Loire, des Pyrénées, des Landes, de la Bre-
tagne, contrées tout agricoles et peu riches. On immigre
surtout dans la région de Paris qui ne comprend pas moins
de cinq départements, dans celle de Reims, de Rouen et du
Havre, de Lyon, de Bordeaux, de Marseille et dans presque
toute la région méditerranéenne : l'industrie, le commerce,
la culture de la vigne, malgré le phylloxéra, ont accru la
richesse de ces régions.
L'augmentation de population des grandes villes est la
conséquence de ce déplacement. Le tableau suivant, qui
donne la population urbaine (comprenant la population mu-
nicipale agglomérée et la population comptée à part), fait
connaître cette augmentation de 1801 à 1891 pour les villes
de France ayant à cette dernière date plus de 40,000 hab.
VILLES
Paris
Lyon
Marseille
Bordeaux
Lille
Toulouse
Nantes
Saint-Etienne
Rouen
Le Havre
Roubaix
Reims
Nancy
Brest
Amiens
Angers
Toulon
Nîmes
Limoges
Rennes
Nice
1801
547.756
109.500
111.130
90.992
54.756
50.171
73.879
16.259
87.000
16.000
8.000
20.295
29.740
27.000
40.289
33.000
20.500
38.800
20.550
25.904
1891
2.447.957
416.029
403.749
252.415
201.211
149.791
122.750
133.443
112.352
116.369
114.917
104.186
87.110
75.854
83.654
72.669
77.747
71.623
72.697
69.232
88.273
VILLES
Orléans
Montpellier. . .
Tours
Dijon
Calais
Le Mans
Grenoble
Versailles
Besançon.. .
Troyes
Saint-Quentin
Boulogne
Saint-Denis ..
Béziers
Caen
Clermont . . . .
Lorient
Bourges
Tourcoing
Avignon
1801
1891
36.165
63.705
33.913
69.258
22.000
60.335
21.000
65.428
2.600
56.867
17.221
57.412
23.500
60.439
25.000
51.679
30.000
56.055
23.880
50.330
10.458
47.551
11.300
45.205
4.425
50.992
33.913
45.475
30.900
45.201
24.478
50.119
19.922
42.116
15.340
45.352
12.100
65.477
21.412
43.453
Plus les villes ont d'habitants, plus en général leur
accroissement est rapide. Ainsi, pendant que de 1801 à
1886 la population de la France augmentait de 40 °/0,
la population urbaine des villes de plus de 20,000 hab.
augmentait de 258 °/0 et celle de Paris de 326 °/0. Nous
avons expliqué ailleurs (V. la Population française,
liv. II, ch. xvii, les Agglomérations urbaines) à quelles
causes topograpbiques, économiques et politiques était dû
cet accroissement et nous avons écrit : « La situation des
grandes villes est donc, comme leur existence, un fait né-
cessaire ou du moins dépendant d'un certain état de la
nature et de la civilisation. Doivent-elles être acceptées
comme un mal nécessaire? Non, elles sont un bien, mais
un bien qui, comme beaucoup de choses humaines, est
mélangé de mal... Si l'on considère une nation comme un
organisme vivant, on peut dire que les campagnes produi-
sent plus d'hommes qu'elles n'en utilisent, que les villes
absorbent et consomment une partie de l'excédent et ren-
dent à la nation en échange une valeur considérable en
richesse et un complément de civilisation... Le passé per-
met de présager l'avenir. Tant que les conditions générales
de la vie sociale resteront ce qu'elles sont de notre temps,
les villes continueront à s'accroître... »
La statistique désigne sous le nom de ménage une per-
sonne ou un groupe de personnes occupant un logement ;
il y a autant de ménages que de logements occupés. Un
ménage peut ainsi ne compter qu'une personne ou en com-
prendre un certain nombre, si la famille vivant sous le
même toit a beaucoup de membres et beaucoup de domes-
tiques. En 1886, d'après le recensement, le nombre des
ménages et des logements occupés était de 10,582,251;
il y avait en outre 571,965 logements inoccupés, sans
compter 1,194,437 locaux séparés qui servaient non d'ha-
bitation, mais d'atelier, de boutique ou de magasin. Le
ministère des finances (direction générale des contribu-
tions directes) a dressé et a publié en 1890 la statistique
des propriétés bâties. Le nombre des propriétés bâties
passibles de l'impôt s'est trouvé être de 9,051,542 dont
8,100,528 occupés en totalité et 813,995 inoccupées ou
occupées partiellement (8,914,523 maisons, boutiques ou
magasins, 137,019 manufactures ou usines). De 1851-53
à 1 887-89 le nombre de ces propriétés a augmenté (pour
le même territoire) de 1,503,366, soit de 21 0/o ; l'esti-
mation de leur valeur vénale s'est élevée de 19,3 mil-
liards à 48,5; et le revenu net de 711 millions à 2,059
millions : accroissement de 190 °/0. Ce progrès s'est pro-
1001 —
FRANCE
duit principalement entre les années 1860 et 1880 ; depuis
1880, il y a eu un recul dans la valeur des propriétés
rurales. Dans le total du revenu, la Seine figure pour
665 millions; viennent ensuite le Nord (94 millions),
Rhône (73), Gironde (62), Seine-et-Oise (61), Seine-
Inférieure (59), Bouches-du-Rhône (58); ensuite Pas-
de-Calais, Marne, Aisne, Hérault, Loire, dont le revenu est
supérieur à 25 millions. Le revenu dans la Lozère et les
Hautes-Alpes, départements qui occupent les derniers rangs,
n'atteint pas 2 millions.
D'après le recensement de 1886, il y avait en moyenne
1 00 ménages par 73 maisons et 3,6 individus par ménage.
Le nombre des individus par ménage avait légèrement
décru depuis 1 866 parce qu'il y avait moins d'enfants et
peut-être aussi parce qu'il y avait plus de célibataires
vivant isolés dans les villes. Sur 100 ménages on en comp-
tait 14 d'individus isolés, 41,3 composés de 2 à 3 per-
sonnes, 29,8 de 4 à 5 personnes et 14,5 de plus de 5
personnes. C'est dans les départements où la natalité est le
plus faible, comme dans l'Orne, et où on immigre le plus,
comme dans la Seine, que la proportion des ménages de
1 personne est le plus élevée (V. Démographie).
Les recensements distinguent aussi les habitants d'après
le sexe. Le nombre des femmes a toujours été trouvé supé-
rieur à celui des hommes ; mais la différence qui paraît
s'être élevée à plus de 7 % au commencement du siècle
et s'est longtemps maintenue au-dessus de 3 °/0 à la suite
des guerres de l'Empire est aujourd'hui inférieure à 1 °/0
(V. Démographie).
Vqjci le groupement de la population (population de fait)
d'après Vétat civil en 1806 et en 1886 :
DÉSIGNATION
1806
1886
PAi;ko+,,;«no i Sexe masculin.
Célibataires, j gexe féminin
28,95
28,49
17,96
17,97
2,26
4,37
27,46
25,30
19,70
19,74
2,64
5,13
0,03
Marias ! Sexe masculin
Maries, j gexe féminin
Veufs
Divorcés (nommes et femmes)
100,00
100,00
Le recensement a publié trois fois le groupement de la
population d'après le culte en 1861, en 1866 et en 1872.
Quoique ce renseignement date aujourd'hui de vingt ans,
nous donnons pour 1872 la proportion sur 10,000 hab. :
SUR 10,000 HABITANTS
1861
1866
1872 [
9.763
214
21
2
9.748
223
23
6
9.802
160
14
6
Protestants
Israélites
Autres cultes inconnus
Le recensement indique la nationalité des habitants.
Le nombre des étrangers a beaucoup augmenté depuis un
demi-siècle; il était de 380,831 en 1851, premier recen-
sement qui constate le fait; de 635,49b en 1866 avant la
perte de l'Alsace-Lorraine et de 1,126,531 en 1886. Ce
dernier nombre se rapporte à la population de fait. La statis-
tique détaillée de cette population en 1891 n'a pas encore
été publiée par le ministère du commerce et de l'industrie ;
mais le ministère de l'intérieur a fait connaître que dans
la population domiciliée il y avait 1,101,798 étrangers,
diminution qui n'est qu'apparente parce que, sous l'in-
fluence de la loi du 26 juin 1889, le nombre des étran-
gers qui se sont fait naturaliser ou des Français qui se
sont fait réintégrer dans leurs droits a été supérieur aux
13,416 qui constituent la différence (V. Démographie,
t. XIV, p. 73).
Plusieurs des chiffres de cette partie du dénombrement
sont contestables ; aussi il est probable que le nom de
Hollandais et peut-être celui de Suisse couvrent un certain
nombre d'Allemands. Paris, qui offre plus qu'aucun autre
lieu des ressources au travail et des occasions au plaisir
est le principal foyer d'attraction : en 1886, il renfermait
214,000 étrangers. Les départements frontières sont,
après Paris, les régions qui attirent le plus d'étrangers,
et ceux-ci se fixent en général dans le voisinage de leur
pays : les Belges dans le Nord (le dép. du Nord avait
306,000 étrangers dont 299,000 Belges en 1886), les
Allemands au N.-E. et dans les ports, les Suisses à l'E.,
les Italiens dans le bassin du Rhône, les Espagnols dans
la région pyrénéenne. Dans le centre et dans l'O. de la
France il y a très peu d'étrangers.
Le recensement a relevé quelquefois, surtout en 1866,
les infirmités, mais ce genre de renseignement ne méri-
tant qu'une confiance limitée, nous ne le reproduisons pas
ici (V. ^Démographie).
Nous avons donné dans l'art. Démographie la popula-
tion par âge (t. XIV, p. 30) et des renseignements re-
latifs aux professions (t. XIV, p. 74).
Ce ne sont pas les recensements, mais c'est le recrute-
ment militaire qui permet de connaître la taille des jeunes
gens à l'âge de vingt ans accomplis. La taille moyenne du
contingent en France a été lm656 de 1832 à 1841 ; de
lm654 de 1857 à 1866, de lm648 de 1873 à 1883.
Mais ces quantités, comme nous l'avons expliqué (V. la Po-
pulation française, livre II, ch. v, la Taille et la race),
ne sont pas comparables, parce que, les conditions du re-
crutement et les catégories de jeunes gens examinés n'étaient
pas les mêmes : on ne saurait en induire que la taille ait
diminué en France. Si lm65 est à peu près la taille
moyenne des conscrits, on est autorisé à dire que la taille
moyenne des hommes est un peu plus élevée, puisque beau-
coup n'ont pas encore atteint à vingt ans leur plein déve-
loppement. Le travail prématuré dans les ateliers et la
misère sont en général peu favorables au développement du
corps : ainsi la taille des conscrits est généralement moindre
dans les arrondissements populeux de Paris que dans les
arrondissements riches. La taille moyenne varie sensible-
ment d'une région de la France à l'autre. La région du
Nord-Est comprenant les dép. du, Doubs, du Jura, de la
Haute-Saône, de la Côte-d'Or, de la Haute-Marne, de
l'Aube, des Ardennes, des Vosges, de l'Yonne, de l'Ain, et,
d'autre part, le dép. du Nord, occupent les premiers rangs
avec une moyenne de lm668 à lm658. Au contraire, en
Bretagne, dans le Maine, l'Anjou, sur le Massif central,
dans une partie delà région pyrénéenne, dans les Hautes-
Alpes, en Corse, la moyenne est au-dessous de lm635.
Ces différences tiennent à la race : race d'origine germa-
nique au Nord-Est, race celtique ou race ibérique dans
l'Ouest, le Centre et le Sud.
La population est répartie inégalement sur la surface
du territoire. Le tableau de la population par département
(V. plus haut) fait connaître la densité par département
en 1891, et le tableau des recensements (V. Démographie,
complété par le présent article) indique les variations de
la densité moyenne de la France entière depuis 1804 . Nous
avons énuméré (V. Démographie) les causes principales de
la densité. Il y a une trentaine de départements qui sont
au-dessus de la densité moyenne de 72,3. Les premiers
rangs appartiennent aux dép. de la Seine (6,559), Nord
(305), Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône,
Finistère, Côtes-du-Nord, Loire-Inférieure, Saône-
et-Loire, I Ile-et-Vilaine, qui ont plus de 600,000 hab. ;
c'est donc dans la région du nord où se trouvent à la fois
une agriculture très productive et une industrie active,
dans la Bretagne où il y a beaucoup de marins et de pê-
cheurs, dans les grandes vallées, surtout dans la vallée du
Rhône avec le dép. de la Loire où il y a de bonnes terres et
des facilités pour le commerce, enfin près des houillères où
les usines s'établissent, que la population est le plus dense.
FRANCE
4 002 —
C'est dans les régions montagneuses, Alpes, Massif cen-
tral, plateau de Langres, dans les régions de landes et
de forêts qu'elle est le moins dense, parce que la terre étant
moins fertile occupe peu de bras et nourrit peu d'hommes.
La densité en France varie beaucoup non seulement d'un
département à l'autre, mais dans l'intérieur d'un même
département, et, à densité égale, le groupement des habi-
tants par commune varie beaucoup suivant les circonstances
politiques ou économiques. Par exemple, dans les régions
suffisamment humides où les habitants se procurent faci-
lement, en maint endroit, de l'eau par les rivières ou les
puits, les villages ou hameaux peuvent être très nombreux ;
dans les régions au contraire où l'eau est rare, comme la
plaine crayeuse de Champagne, il n'y a qu'un petit nombre
de lieux habitables, quoiqu'il y ait peut-être de vastes
étendues propres au pâturage ou même au labourage ; la
population se presse sur ces points et les communes ont
d'ordinaire en dehors du groupe de maisons agglomérées
une vaste superficie qui reste sans habitants. Nous a^vons
dressé, à titre d'exemple des deux extrêmes (dans la Po-
pulation française), la carte de l'arr. d'Àrras et celle de
l'air. d'Arles. Quand on examine la distribution des petites
et des grandes communes sur la carte de France, on est
porté à penser que la politique n'a pas été non plus tout à
fait étrangère au mode de groupement. C'est ainsi que la
population est à la fois très éparse et très nombreuse dans
la Bretagne, très éparse dans le Massif central, contrées
qui sont humides — condition physique — mais qui aussi
sont depuis bien des siècles à l'abri des invasions — con-
dition politique — tandis qu'elles sont beaucoup plus
agglomérées dans l'Est où les guerres et les invasions ont
été fréquentes. Ce sont les petites communes qui forment
les catégories les plus nombreuses (47,590 au-dessous de
500 hab. en 1891 sur un total de 36,144 ; 10,169 de
504 à 1,000 hab., 7,574 de 1,001 à 10,000 et 811 au-
dessus de 10,000). Le nombre des petites communes de
moins de 300 hab. a augmenté par suite surtout de l'émi-
gration qui a fait tomber dans cette catégorie des communes
ayant auparavant plus de 300 hab. ; celui des communes
moyennes de 300 à 3,000 hab. a diminué par l'effet de
cette même émigration ; le nombre des communes de plus
de 5,000 hab. a augmenté par suite de l'immigration. En
France il y a beaucoup trop de petites communes , ce qui
est un inconvénient pour la bonne administration. Il y avait,
en 1886, 59 communes qui n'avaient que 50 à 31 hab. et
9 communes qui en avaient de 30 à 12. Celle de 12 hab.,
Morteau, est située dans une clairière d'une forêt de la
Haute-Marne ; elle ne comprenait que deux maisons et deux
familles.
Le dép. de Seine-et-Oise peut être pris comme exemple
des différences de densité qui se rencontrent dans des cam-
pagnes voisines. Ainsi à côté de Versailles, dont la densité
est de 2,000 hab. par kii. q., la corn, de Velizy, si-
tuée sur le plateau, n'a que 30 hab. par kil. q., tandis que
non loin de là le cant. de Sèvres en compte 800 en
moyenne. De l'autre côté du département, la densité de la
corn, de Valpuiseaux (cant. de Milly) est de 20 hab. par
kil. q. Quand on rapproche la carte physique de France de
la carte de la densité par commune dressée par M. Tur-
quan, on voit que la répartition de la densité rappelle les
traits caractéristiques de la géographie physique. Les ré-
gions les plus pauvres en population, c.-à-d. celles qui ont
moins de 30 hab. par kil. q., sont la Beauce et le pays
chartrain , plaines de grande culture, la Champagne, les
collines de Lorraine et le plateau de Langres, pays pauvre
et boisé, la Sologne etlaBrenne, le Marais vendéen, mau-
vaises terres semées de marécages, une partie du Jura, la
plus grande partie des Alpes, les Causses, les monts d'Au-
brac et les monts d'Auvergne clans le Massif central, les
portions les plus hautes des Pyrénées, les Landes, etc.
Au contraire, la population apparaît très dense dans tout
le dép. de la Seine, et cette densité s'étend sur les dé-
partements voisins, surtout dans les vallées formant comme
les rayons d'une étoile dont Paris serait le centre, ou par
des petits groupes isolés qui semblent graviter autour du
foyer central. Rouen et Le Havre sont aussi des centres
de condensation qui peuvent être comparés à des planètes
entourées de satellites ou de matière cosmique. Le dép. du
Nord presque tout entier forme une masse imposante de
population dense ; son bassin houiller est une des causes
de cette agglomération qui était déjà considérable avant
l'emploi du charbon de terre. C'est aussi la houille qui
groupe les habitants dans le bassin de la Loire, dans celui
d'Alais, etc. L'influence des côtes propres à la pêche ou à
la navigation est accusée par la densité de certaines zones
de la Basse-Normandie, du Cotentin et de la Bretagne,
par celle des îles de l'Atlantique, de quelques parties de
la Provence. L'influence des vallées apparaît plus rigou-
reusement exprimée sur la carte de la densité qu'aucun
autre trait de la géographie physique ; elle se manifeste
par les bandes continues de population ou par les groupes
disposés en chapelet le long de la Loire jusqu'à Roanne et
dans le Forez, dans la Limagne, sur les bords de la Vi-
laine, de la Rance, du Couesnon et de la Sélune, de la
Charente, de. la Garonne et de ses principaux affluents
(Dordogne, Isle, Lot, Tarn, Aveyron), du Fresquel et de
l'Aude, plus encore sur les bords de la Saône et du Rhône
et quelque peu même dans les vallées de ses affluents al-
pestres. Enfin, l'influence du pied des montagnes est carac-
térisée par les bandes de population dense qui se trouvent
au pied du Jura et tout le long des Pyrénées ; cette der-
nière est comme frangée de populations denses qui pé-
nètrent dans les vallées de la chaîne. »
Mouvement de la population. — Nous avons fait con-
naître à l'art. Démographie (t. XIV, pp. 75, 76 et 77) le
nombre des naissances, mariages et décès pour la France
entière. Le tableau suivant résume, par période décennale,
le rapport de ces naissances, mariages et décès à 1 ,000 hab.,
c.-à-d. la natalité, la nuptialité et la mortalité.
PERIODES
1801-1810
1811-1820
1821-1830
1831-1840
1841-1850,
1851-1860.
1861-1870
1871-1880
1881-1890
NOMBRE PAR 1,000 HABITANTS DES
Naissances Mariages Décès
32,2
31,6
30,8
29,0
27,4
26,3
26,3
25,4
23,8
7,6
7,9
7,8
8,0
8,0
7,9
7,8
8,0
7,3
28,2
25,9
25,0
25,0
23,3
23,9
23,6
23,6
22,1
La natalité a beaucoup diminué depuis le commencement
du siècle dans presque tous les départements ; c'est dans une
partie de la Champagne et de la Bourgogne , dans presque
toute la Normandie, dans le Maine, l'Anjou, la Touraine,
la vallée de la Garonne, qu'elle est le plus bas. La nuptia-
lité, qui a moins varié que la natalité, est aussi depuis 1880
en décroissance, phénomène qui est dû en partie aux vides
qu'ont fait les événements de 1870-1871 dans les jeunes
générations et en partie aussi probablement à l'état éco-
nomique et moral de la population : une diminution du même
genre s'est produit dans la plupart des Etats de l'Europe. La
mortalité a diminué, moins cependant que la natalité, et les
deux termes (natalité et mortalité) en se rapprochant ont
laissé un moindre excédent annuel pour l'accroissement de la
population. Cinq fois jusqu'ici depuis le commencement du
siècle, en 1854 et 1855, pendant la guerre de Crimée et le
choléra, en 1870 et 1871, pendant la guerre franco-alle-
mande, en 1890 et 1891 , à cause de l'influenza et de l'abais-
sement de la natalité, le nombre des décès de l'année a
dépassé celui des naissances. Le rapport du nombre des
naissances à celui des mariages de l'année a été régulière-
ment en baisse d'une période décennale à l'autre (V. Démo-
4003 —
FRANGE
graphie, t. XIV, p. 78), et l'excédent moyen annuel des
naissances sur les décès a baissé aussi, comme le montre
le tableau suivant :
PÉRIODES
EXCÉDENT MOYEN
annuel du total
des naissances
sur le
total des décès.
ACCROISSEMENT
du nombre annuel
de la population
résultant
de cet excédent
par 1,000 habitants.
1801-1810
121.800
169.300
183.300
138.700
145.000
86.800
101.700
63.500
66.982
4,2
5,7
5,8
4,2
4,1
2,4
2,7
1,7
1,75
1811-1820.....
1821-1830
1831-1840
1841-1850
1851-1860
1 1861-1870
1 1871-1880
8 1881-1890
Le taux d'accroissement marqué dans la dernière colonne
de ce tableau est inférieur à celui qui résulte de la compa-
raison des recensements, parce que l'immigration n'est pas
comprise dans le premier et l'est dans le second. Quand on
fait la balance des naissances et des décès de 1801 à 4 886
pour chaque département, afin d'en apprécier la fécondité
pendant la durée du siècle, on trouvé qu'il y en a quatre,
Calvados, Eure, Tarn-et-Garonne, Var, où la somme des
décès est supérieure à celle des naissances, qu'il y en a
quatorze, Oise, Manche, Orne, Eure-et-Loir, Yonne,
Gôte-d'Or, Indre-et-Loire, Charente, Charente-Inférieure,
Gironde, Lot, Ain, Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, où
l'excédent des naissances ne dépasse pas 2 °/0 ; qu'au
contraire il y en a sept, Nord, Aube, Allier, Vendée, Rhône,
Pyrénées-Orientales, Corse, où il dépasse 7 °/0 et que, dans
une partie de la Bretagne, de la région pyrénéenne et dans
presque tout le Massif central, il atteint au moins 5 °/0.
Etat moral et matériel. — Il faudrait un volume
entier pour décrire l'état matériel et moral de la popu-
lation française. Nous nous bornerons à indiquer quelques
points relatifs à la prévoyance (caisses d'épargne, sociétés
de secours mutuels, caisse des retraites) au taux des
salaires £ à l'assistance publique et à l'évaluation de la
fortune en France (V. pour plus de détails les articles spé-
ciaux consacrés à ces matières).
Voici le mouvement des caisses d'épargne (caisses
d'épargne privées et caisse nationale d'épargne) dite caisse
postale, depuis 4885 :
ETAT DES CAISSES D'EPARGNE AU 31 DÉCEMBRE
ANNEES
1835
1840
1845
1850
1855
1860
1865,
1869,
1875.
1880.
1885,
1890,
NOMBRE
de
caisses
d'épargne
privées.
159
290
356
365
386
444
497
525
515
536
544
544
NOMBRE
de
succursales
des caisses
privées.
55
140
160
200
171
205
475
648
712
869
934
1,055
CAISSE
nationale
d'épargne
(postale)
fondée en
1882
1
6.930
bureaux
LIVRETS
SOMMES DUES
(par m
1 1 i e r s )
(intérêts compris)
TOTAL
aux
des caisses
de la caisse
déposants
privées.
postale.
(millions de francs) .
121,5
»
121,5
62,2
351,3
»
351,3
192,4
684,2
»
684,2
393,5
566,0
»
566,0
134,9
893,8
»
893,8
272,2
1.218,1
»
1.218,1
377,3
1.644,7
»
1.644,7
493,3
2.130,8
»
2.130,8
711,2
2.365,6
»
2.365,6
660,4
3.841,1
»
3.841,1
1.280.2
4.937,6
692,6
5.630,2
2.365,5
5.761,4
1.504,6
7.266,0
3.325,1
Les caisses d'épargne privées reçoivent de leurs fonds
déposés à la caisse des dépôts et consignations 4 °/0 en
vertu de la loi du 7 mai 1853 et donnent elles-mêmes à
leurs déposants un intérêt qui varie de 3,75 à 3,50 %. La
caisse d'épargne postale, qui reçoit 3,25 en vertu de la loi
de 1881, donne à ses déposants 3 °/0. L'intérêt de 3 1/2
et même de 3 étant supérieur à celui que les banques don-
nent aujourd'hui pour l'argent déposé en compte courant,
des petits capitalistes ont pris l'habitude de se servir des
caisses comme de banques d'où ils peuvent retirer l'argent
à volonté, et où, sous le nom de leurs enfants, ils peuvent
déposer plusieurs sommes de 2,000 fr. qui est le maximum
légal du dépôt portant l'intérêt fixé : c'est surtout pour cette
raison que, depuis 1868, la catégorie des chefs d'établisse-
ments, rentiers, etc., et celle des mineurs ont augmenté et
que la somme totale des dépôts s'est si rapidement accrue.
Quoique la loi du 27 févr. 1887 ait limité à 100 millions la
somme que l'Etat pouvait absorber dans la dette flottante et
que la clause de sauvegarde introduite dans la loi de 1 881
donne quelque délai, le crédit de l'Etat serait en péril si
une crise violente amenait tout à coup une très forte de-
mande de remboursements, et d'ailleurs les caisses d'épargne
sont instituées pour faciliter la prévoyance des petites
bourses et non pour payer aux capitalistes un intérêt su-
périeur à celui du marché.
Les départements dans lesquels le montant du solde dû
aux déposants le 30 cléc. 1890 était le plus fort sont :
Seine (M9 millions), Nord (123), Rhône (105), Seine-
Inférieure (94), Loiret (80), Gironde (78), Marne (72)
Les 544 caisses d'épargne privées, outre leurs 1 ,055 suc-
cursales, s'étaient assuré le concours de 410 percepteurs,
soit en tout 2,009 bureaux ouverts. Les dix départements
qui en possédaient le plus en 1890 étaient : Sarthe
(80 bureaux), Nord (71), Marne (67), Aisne (65),
Loiret (60), Seine-et-Marne (58), Yonne (58), Seine-
et-Oise (56), Seine-Inférieure (52), Somme (51) ; ceux
qui en possédaient le moins étaient : Vaucluse, Isère,
Drôme, Pas-de-Calais , Ain, Eure, Maine-et-Loire,
Vendée qui en avaient de 25 à 21 ; Hautes-Pyrénées et
Corse qui en avaient chacun 2. La poste met en outre envi-
ron 6,930 bureaux à la disposition des déposants. Les
3 milliards 1/2 confiés aux caisses proviennent en grande
partie de l'épargne populaire. Sur 1 00 livrets nouveaux déli-
vrés par les caisses privées, voici la répartition par profession :
1890 1868
Journaliers et ouvriers agricoles. 10,22 ( oq 8A
Ouvriers d'industrie 15,88 ( ôl>m
Domestiques 10,82 15,41
Militaires et marins = 1,55 3,11
Employés 4,70 4,36
Professions libérales 1,84 }
Chefs d'établissements 10,51 / <™ 7fi
Propriétaires, rentiers, personnes ( ^o,/o
sans profession 16,33 j
Mineurs sans profession 27,96 18,42
Sociétés et associations 0,19 0,14
100,00 100,00
FRANCE
— 1004 —
Yonne (70), Oise (69), Seine-et-Marne ; et les dix villes
qui tenaient sous ce rapport les premiers rangs étaient Paris
(149 millions), Lyon (66), Marseille (58), Bordeaux
(56), Saint-Etienne (37)', tfr/eVms (34), Nancy (31),
Amiens (29), Brd (28), Le lltas (27).
Les sociétés de secours mutuels ont pris en France un
notable développement depuis l'année 1852. Les sociétés
sont les unes approuvées et jouissent à ce titre de certains
avantages, les autres autorisées, quelques-unes reconnues
d'utilité publique.
a>
NOMBRI
TOTAL
" w
-- — . ^-^
Capital
-\A
de réserve
fc
£
des sociétés
des membres
et fonds
<
participants
de retraite.
par milliers
millions de fr.
1852..
2.438
271,1
10,7
1860..
4.327
494,7
24,4
1869..
6.139
794,5
55,1
1872..
5.793
691,2
58,0
1880..
6.777
917,0
94,6
1888..
8.689
1.143,0
150,0
Les départements qui comptaient le plus de membres
participants en 1888 étaient : Seine (199,867), Rhône
(67,029), Bouches-du-RhÔne (61,955), Nord (59,780),
Gironde (48,697), Isère (29,395), Saône-et-Loire
(25,337), Seine-Inférieure (25,104), Haute-Garonne
(23,471), Seine-et-Oise (20,104). Le nombre en
était au contraire très restreint dans les départements
agricoles et pauvres de la Lozère, de la Creuse, des Côtes-
du-Nord, de la Haute-Loire, de la Corse, de la Corrèze,
des Basses-Alpes et des Hautes- Alpes, où il n'atteignait
pas 2,000.
La caisse nationale des retraites pour la vieillesse,
créée par la loi du 18 juin 1850 et administrée parla
caisse des dépôts et consignations, est destinée à procurer,
moyennant des versements dont le tarit" est déterminé et à
partir de l'âge de cinquante à soixante-cinq ans, des pen-
sions dont le maximum ne peut dépasser 1,200 fr. (depuis
la loi du 20 juil. 1886). Les rentes à capital aliéné ou à
capital réservé sont calculées depuis 1888 sur le taux d'in-
térêt de 4 °/0. Voici les résultats depuis la création de la
caisse :
VERSEMENTS
PENSION?
SERVIES
ri m ®
'
«2
^—~~~ --
>W
O a _
« -S
£
Nombre t
des
verseme
de T a n r
Sommes
u o3
,0 m g
Total
<
versées
Nom
de
pension
des rentes
milliers de fr.
milliers de fr.
1851.
6.459
1.212,4
»
»
1860.
108.395
.4.475,9
9.991
2.755,3
1869.
331.011
11.021,2
24.944
5.589,8
1872.
327.188
8.811,9
29.388
6.453,9
1880.
536.093
59.311,5
89.063
13.866,3
1890.
784.578
30.052,7
173.388
31.722,7
Les dix départements où les recettes de la caisse ont été
les plus fortes en 1890 sont : Marne, Meuse, Aisne,
Nord, Rhône, Aube, Bouches-du-Rhône, Meurthe-et-
Moselle, Saône-et-Loire, Oise.
Relativement au salaire, nous citerons seulement ces
lignes d'un chapitre de la Population française (t. III,
p. 97) : « Le doublement du salaire en France depuis une
soixantaine d'années est une moyenne qui résulte des chiffres
que nous avons recueillis ; nous la croyons à peu près exacte.
Comme la plupart des moyennes, elle peut être contestée;
Il est facile de lui opposer des cas particuliers qui soient
en désaccord avec elle... L'écart des extrêmes n'infirme
pas la valeur d'une moyenne quand elle est fondée sur la
majorité des cas. »
La statistique de Y assistance publique est trop impar-
faite pour fournir une mesure de l'intensité du paupérisme
par le rapport du nombre des personnes secourues au
nombre total des habitants ; car ce rapport dépend moins
des besoins de ceux qui reçoivent que de la libéralité de
ceux qui donnent; l'augmentation des secours distribués
a souvent pour conséquence l'augmentation des demandes
de secours. D'ailleurs, c'est d'ordinaire dans les grandes ag-
glomérations urbaines qu'il y a àlafoisle plus derichesse pour
soulager la misère et la plus grande affluence de malheu-
reux. Le progrès de la richesse n'a pas aggravé le paupé-
risme en France, quoiqu'il ait contribué parfois soit à le
faire connaître par les recherches de la bienfaisance, soit à
le rendre plus manifeste et plus intolérable par le con-
traste. La bienfaisance publique disposait en France de
61 millions de fr. (51 pour les établissements hospitaliers,
10 pour les bureaux de bienfaisance) en 1833 et de 170
(118 1/2 pour les établissements hospitaliers et 51 1/2
pour les bureaux de bienfaisance) en 1887 : accroissement
de 278 °/0 (dans le même temps, la population française
n'a augmenté que de 15,5 °/0). Le progrès de la richesse
n'a pas aggravé le paupérisme ; il a augmenté le budget
de l'assistance (V. livre IV, ch. iv, le Paupérisme et V as-
sistance, dans le troisième volume de la Population fran-
çaise). D'après Y Annuaire statistique de la France, le
nombre total des malades ayant passé par les établisse-
ments hospitaliers en 1888 aurait été de 485,000, et ce
nombre aurait dépassé 10,000 dans les dép. de la Seine
(135,000), du Rhône, du Nord, de la Seine-Inférieure, de
la Gironde ; celai des infirmes, vieillards et incurables qui
ont été les hôtes des hospices aurait été de 76,000 ; celui
des enfants assistés dans les établissements aurait été de
75,000 sans compter 44, 000 enfants secourus à domicile ;
celui des aliénés internés au 1er janv. ou admis dans
le cours de l'année, de 70,000 ; le nombre des personnes
secourues par les bureaux de bienfaisance, en 1888, aurait
été de 1,647,000 (206,000 pour la Seine, 257,000 pour
le Nord, 102,000 pour le Pas-de-Calais, etc.); mais cette
statistique est trop imparfaite pour donner une mesure
certaine de l'assistance et du paupérisme.
La statistique est impuissante à calculer avec précision la
fortune d'un peuple. Mais elle peut fournir, parles relevés
de la production agricole et industrielle, du commerce exté-
rieur, du rendement de certains impôts, etc., des indices
qui permettent de juger de l'accroissement ou de la dimi-
nution dé cette fortune. Quelque imparfaites que soient ces
évaluations, la constance de la progression dans la suite
des années montre avec évidence qu'il y a eu un progrès
considérable.
La somme de tous les revenus particuliers était évaluée
à moins de 4 milliards et demi en 1790 ; elle l'est aujour-
d'hui, comme estimation moyenne, à 25 milliards ; l'accrois-
sement a été considérable sans aucun doute, quoique les
évaluations de 1790 et de 1887, ne comprenant pas préci-
sément les mêmes revenus et étant en partie hypothétiques,
ne pussent pas être prises comme mesure de progrès. En
calculant aujourd'hui sur un revenu de 20 milliards seule-
ment (dans la crainte d'exagérer), on trouve environ 7 mil-
liards pour les salaires et appointements, près de 5 milliards
pour la rente des propriétaires (2,645 millions pour la pro-
priété agricole et 2,200 millions pour le revenu brut de la
propriété bâtie) ; 2 à 3 milliards au moins (chiffre qui est
peut-être au-dessous de la réalité) pour le revenu net agricole
résultant de l'exploitation par les cultivateurs, propriétaires
ou non ; 5 à 6 milliards pour les profits industriels et com-
merciaux (mines, industries, banques, transports, com-
merce, etc.), comprenant l'intérêt des capitaux engagés et
le profit des entrepreneurs.
MM. Neymarck et Coste, en 1888, ont estimé, d'après
l'impôt sur les valeurs mobilières, l'un à 80, l'autre à
70 milliards (24 pour les rentes françaises, 3 pour les
— 1005
FRANCE
titres sur les départements et les communes, 31 pour les
actions et obligations françaises, 5 pour les actions et obli-
gations étrangères, 7 pour les rentes étrangères), la valeur
des titres mobiliers ; cette même valeur avait été estimée par
M. Wolowski à 55 milliards en 4871- : c'est un indice de la
puissance de l'épargne française pendant cette période.
En estimant approximativement la fortune actuelle de la
France à une valeur totale de 200 à 240 milliards de fr.,
dont 110 à 140 pour la fortune immobilière et 80 à 100
pour la fortune mobilière, il nous semble qu'on est à peu
près dans les limites de la réalité.
Un des procédés statistiques les moins imparfaits d'éva-
luation de la fortune de la France consiste à calculer cette
fortune d'après le montant des taxes payées chaque année
pour les successions et donations entre vifs. Tous les biens
en effet qui ne sont pas de mainmorte se transmettent né-
cessairement d'une génération à l'autre et,* si l'on suppose
qu'une génération dure environ trente-cinq ans, c'est, en
moyenne, la 35e partie de la fortune qui change de main
chaque année. Ce procédé a été employé par MM. Block,
de Foville, Vacher. Or, de 1881 à 1885, la valeur moyenne
annuelle des successions a été de 6,200 millions defr.qui,
multipliés par 35, font 247 milliards, dont 52 % étaient
en immeubles et 48 °/0 en biens mobiliers. Si la fortune
privée des Français est réellement de J21 7 milliards (total sur
lequel il y aurait des retranchements à faire, parce que cer-
tains biens particuliers, comme les rentes sur l'Etat, ne sont
pas des richesses réelles), sans compter les biens de main-
morte des communautés et les propriétés publiques, le chiffre
de 220 à 240 milliards ne paraît pas exagéré pour représenter
le total de la fortune privée et publique qui existe en France.
La valeur des successions et donations ayant été estimée
en 1826 à 1,766 millions et à 6,800 millions en 4891 , on
pourrait en induire que la fortune a à peu près quadruplé
dans l'intervalle, si les changements survenus dans la lé-
gislation et dans la perception de l'impôt, ainsi que l'ac-
croissement de la population, n'avaient altéré les deux termes
du problème. On peut se servir utilement de ces données
pour établir approximativement l'importance relative de la
richesse privée par département.
Criminalité. — Il est beaucoup plus difficile encore
d'apprécier par les données de la statistique l'état moral
que l'état matériel d'un peuple. Si le nombre des accusés
qui comparaissent devant la cour d'assises a diminué
(7,885, moyenne annuelle de 1836-4 840 ; 4,381 , moyenne
annuelle de 1881-1885), c'est surtout parce que la loi
a transformé en délits et partant soumis aux tribunaux
correctionnels un certain nombre de fautes qui étaient
auparavant classées parmi les crimes et partant justi-
ciables de la cour d'assises. Le nombre des préventions
pour vols simples (14,477, moyenne annuelle de 1831-
1840 ; 35,500, moyenne annuelle de 1881-1888) et
pour coups et blessures volontaires (9,618, moyenne an-
nuelle de 1831-1840; 25,000, moyenne annuelle de
1881-1888) a augmenté; mais la vigilance de la police
est peut-être pour beaucoup dans cette augmentation.
Le nombre des récidives a considérablement augmenté :
indice fâcheux qui indique qu'il y a toute une classe d'indi-
vidus incorrigibles qui ne vivent que de fraude et de rapine.
Si l'on consulte les cartes de la criminalité, on constate que
les crimes contre la propriété sont nombreux surtout dans
les départements riches qui sont aussi des départements
denses; que les crimes contre les personnes sont nombreux
surtout dans les départements du Nord-Ouest où la popula-
tion est dense, et dans ceux du Midi où les passions sont
violentes ; que les viols sont plus fréquents dans le Midi et
dans les départements agricoles qu'ailleurs ; que le vol do-
mestique est, en général, beaucoup plus rare dans le Midi
que dans le bassin de la Seine et dans les dép. du Rhône,
de la Gironde, etc., l'abondance des richesses sollicitant
les voleurs. « L'ensemble du tableau de la criminalité n'est
ni édifiant, ni rassurant. Dans la société française qui s'en-
richit, dont la population se concentre et devient plus hété-
rogène en acquérant plus de mobilité, les tentations aug-
mentent et la progression des crimes et délits est plus rapide
que celle de la population. »
État intellectuel. — Instruction. — L'instruction ne
fait pas nécessairement la moralité, mais elle contribue à
élever le moral en développant l'intelligence. Nous avons
fait connaître plus haut l'accroissement du nombre des
élèves des écoles primaires depuis 1832. Nous donnons ici,
comme indice du progrès de l'instruction primaire en France
depuis la fin du xvne siècle, le tableau du nombre des époux
et épouses qui ont signé leur acte de mariage à diverses
époques. Les chiffres des trois premières périodes pro-
viennent d'une enquête faite en 1872 par ordre du ministre
de l'instruction publique, à laquelle ont pris part 15,928
instituteurs, et dont les résultats sont consignés dans le
t. II de la Statistique de renseignement primaire ; les
chiffres des deux dernières périodes proviennent des relevés
annuels faits par le ministère de l'intérieur et portent sur
la totalité des mariages contractés en France.
PERIODES
1686-1690.
1786-1790.
1816-1820.
1856-1860.
1886-1890.
NOMBRE
total
DES MARIAGES
pendant
les cinq années
271.009
345.226
381.494
1.473.810
1.379.351
NOMBRE
DES CONJOINTS QUI ONT SIGNÉ
leur acte de mariage
époux
63.068
162.427
207.360
1.021.914
1.236.445
épouses
30.323
92.757
132.533
794.729
1.156.697
PROPORTION
SUR 100 CONJOINTS
de ceux qui ont signé
époux
29,1
47,9
54,3
74,1
89,9
épouses
14,0
26,9
34,7
53,9
838
L'instruction des conscrits, qui est connue par leur dé-
claration à l'époque du recrutement, atteste aussi que l'in-
struction primaire s'est répandue largement dans la popu-
lation française. Voici, par périodes, le nombre moyen de
conscrits sur 100 qui savaient au moins lire :
Nombre de conscrits sachant lire sur 100 inscrits :
1827-1829 44,8
1831-1835 52,6
1836-1840 56,3
1841-1845 60 »
1846-1850 64»
1851-1855 65,9
1856-1860 68,9
1861-1865 73 »
1866-1868 78,6
1871-1875...... 82,1
1876-1880 84,9
1881-1885 87,5
1886-1890 90,7
Une signature sur un acte de mariage et une déclaration
au recrutement sont assurément des indices bien impar-
faits du degré d'instruction d'un peuple. Le progrès a
été, en réalité, beaucoup plus grand, parce que le maté-
riel, le personnel et les méthodes de l'enseignement pri-
maire se sont améliorés et qu'il y a beaucoup plus de
jeunes gens aujourd'hui qu'autrefois possédant au sortir
de l'école des connaissances autres que la lecture, l'écri-
ture et un peu de calcul, déclarées suffisantes sous le
premier Empire. En 1788, Arthur Young, voyageant en
France, ne trouvait même pas un journal dans les auberges
et les cafés de villes telles que Besançon et Clermont-Fer-
rand. De nos jours, c'est par millions d'exemplaires que se
débitent les journaux qui pénètrent jusque dans les cam-
FRANCE
— 4006 —
pagnes les plus reculées et y répandent, avec les nouvelles
du jour, des idées, bonnes ou mauvaises.
Etat économique. — Le sol de la France est possédé
par un nombre très considérable de propriétaires. Si l'on
voulait en juger par le nombre des cotes foncières, c.-à-d.
par celui des rôles de la contribution foncière dressés par
commune et par propriétaire, quel que soit le nombre d'im-
meubles que chaque propriétaire possède dans le ressort
de la perception, on trouverait la progression suivante :
Cotes foncières de la propriété non bâtie {en millions
d'unités)
13,8
14,0
44,2
44,2
14,4
44,4
40,0
4874
10,3
4875
10,9
4880
14,5
4885
42,4
4890
43,6
1894
44,0
4815,
4826.
4835
4842
4854 ...
4864
4865
La diminution, depuis 4886, résulte des efforts qu'a
faits l'administration pour éviter les doubles emplois. Un
même propriétaire peut posséder un grand nombre de cotes
dans diverses communes. On ne connaît pas le nombre des
propriétaires en France ; c'est par une évaluation hypothé-
tique qu'on le porte à 8 millions dont plus de 4,800,000
propriétaires ruraux. Ce qui est certain, c'est que les petits
propriétaires ruraux et les propriétaires urbains (qui ne pos-
sèdent, en général, que le terrain occupé par leur maison ou
leur jardin) forment la très grande majorité (80 °/0), quoi-
qu'ils ne possèdent guère que le quart du territoire français.
Répartition, en 1884, de la petite, de la moyenne
et de la grande propriété
DÉSIGNATION
NOMBRE 1
de cotes I
(par milliers) !
PROPORTION j
sur
100 cotes
rm
oSÎ
12.755
19.218
17.415
PROPORTION
sur
100 hect.
Petite propriété (moins
de 6 hect.)
12.600
1.351
123
89,5
9,6
0,9
25,8
38,9
35,3
Moyenne propriété (6 à
50 hect.)
Grande propriété (plus
de 50 hect.)
14.074
100,0
49.388
100,0
Les dép. du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, du
Puy-de-Dôme, de la Char ente -Inférieure, de Y Aisne, de
la Gironde, de Ylsère, de Seine-et-Oise, des Deux-Sèvres,
de Y Yonne comptent chacun plus de 25,000 cotes, parce
que le sol y est très divisé, tandis que les départements
comme les Hautes et Basses-Alpes, le Cantal, les Pyrénées-
Orientales et le dép. des Landes, où la terre a peu de va-
leur, en comptent moins de 40,000*
Agriculture. — V Enquête décennale agricole de
4882 classe ainsi la propriété rurale :
4° D'après l'étendue des exploitations agricoles :
EXPLOITATIONS '
O 0->
% x h
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RAPPORT
superiicie totale
du territoire
agricole
exprimée par 100
De là 5 hectares
5 à 10 —
10 à 20 —
20 à 30 —
30 à 40 —
Plus de 40 —
1.866
769
431
198
98
142
52,2
24,0
11,3
5,7
2,8
4,0
11
12
13
10
7
45
3.504
100,0
98
Les petites exploitations se trouvent surtout dans la Seine,
le Rhône, le territoire de Belfort, le Nord, le Puy-de-Dôme,
la Haute-Garonne, le Gard, régions de culture maraîchère
et de vignobles.
2° D'après la nature de l'exploitation :
TERRAINS
g 1
H ° g
1
26.018
4.957
1.711
2.197
9.455
PROPORTION
pour 100
relativement
au
territoire total
Terres labourables
49,20
7,78
3,24
4,15
17,88
Prairies naturelles et vergers..
Herbages pâturés
Vignes
Bois et forêts
Total du territoire productif (pâ-
turages non compris)
44.338
82,25
Total du territoire de la France.
52.840
Les 49,20 % des terres labourables étaient partagés
ainsi : 28,56 °/0 aux céréales, 0,65 aux autres graines
(pois, fèves, haricots, lentilles, etc.), 2,53 aux pommes
déterre, 0,97 aux cultures industrielles, 8,79 aux cultures
fourragères (prairies artificielles, racines, etc.), 0,84 aux
jardins potagers et maraîchers, 6,89 à la jachère. Les landes,
pâtis et bruyères qui ne sont pas comptés dans le ter-
ritoire productif représentaient 7,35 °/0 de la superficie to-
tale de la France, et l'ensemble des terres non cultivées
44,8 °/0. Le tableau ci-après, extrait de Y Enquête dé-
cennale agricole de 4882, fait connaître la répartition de
ces surfaces par département.
Le territoire agricole a des qualités très diverses suivant
le climat, l'altitude et la constitution géologique du sol
et de, la couche végétale. Nous avons parlé plus haut
du climat : c'est du climat principalement que dépen-
dent les zones que l'agronomie a tracées sur la carte de
France : zone de l'olivier, dont la limite septentrionale
est à peu près figurée par une courbe allant des Pyrénées-
Orientales à Valence et de Valence aux Alpes du Dau-
phiné ; zone du maïs, dont la limite septentrionale est à
peu près une ligne allant de la Sèvre Niortaise aux Vosges
en contournant par le S. le Massif central ; zone de la
vigne, dont la limite septentrionale s'étend à peu près de
l'embouchure de la Loire à Mézières (V. plus haut le
§ Flore). Sous le rapport de l'altitude on peut distinguer
trois grandes catégories : les régions de montagnes
(21 départements ou parties de département) où dominent
les roches, les forêts et les pâturages ; les régions de
plateaux (44 départements ou parties de département) où,
à côté des céréales, sont des bois, des pâturages, des
lande-s et des bruyères ; les régions de plaines (37 dé-
partements ou parties de département) où dominent les
terres labourables et les prairies. Nous divisons le terri-
toire en 4 2 régions agricoles :
4° La région de ï Ouest, comprenant 7 départements
(Finistère, Gôtes-du-Nord, Morbihan, Ille-et- Vilaine, Loire-
Inférieure, Mayenne, Maine-et-Loire). On y récolte plus
d'orge, plus de chanvre, beaucoup plus de sarrasin que
partout ailleurs ; nulle part les bêtes à cornes ne sont aussi
nombreuses. La riche plaine de la Basse-Loire produit
beaucoup de froment.
2° La région du Nord-Ouest, comprenant 7 départe-
ments (Manche, Calvados, Orne, Sarthe, Eure-et-Loir,
Eure, Seine-Inférieure). C'est par excellence la région du
froment, de l'avoine, des légumes secs, de la betterave et
des prairies artificielles. C'est aussi celle qui compte le
plus d'ânes et de chevaux.
3° La région du Nord, comprenant 8 départements
(Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Seine, Seine-
et-Oise, Seine-et-Marne). Elle a les mêmes productions
— 4007 —
FRANCE
TABLEAU PAR DEPARTEMENT DES DIVERSES CATÉGORIES DE TERRITOIRE
évaluées en ÎOO08 de la superficie totale.
DÉPARTEMENTS
SUPERVICIE CULTIVÉE
ES
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o
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95,0
75,9
93,3
65,6
67,6
58,8
94,1
81,7
91,2
90,7
92,1
70,3
76,6
93,1
81,0
79,7
85,7
84,9
77,1
94,3
96,1
60,9
71,9
91,9
91,1
81,9
64,0
88,5
90,8
90,4
71,0
85,5
79,5
92,4
87,6
83,8
87,0
93,9
81,5
91,0
68,2
92,3
88,1
94,7
94,8
92,9
94,8
95,1
58,9
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31,9
18,3
11,2
31,7
44,4
27,5
23,3
17,5
21,4
36,4
49,2
29,4
16,7
40,5
32,3
13,7
14,3
50,4
3-1,9
31,8
24,9
19,5
14,9
35,6
29,9
28,7
32,1
36,2
27,7
31,2
16,4
31,9
41.2
38,5
34,2
42.8
33,6
34,3
32,3
28,2
37,8
40,6
31,5
45,3
24,9
16,7
16,2
6,5
18,8
29,9
29,0
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25,3
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12,2
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11,9
23,1
21,4
29,9
10,5
30,2
20,2
22,1
21,5
16,4
18,4
19,3
26,8
32,9
17,9
14,3
17,3
20,6
8,1
19,1
19,5
28,1
25,4
14,8
16,7
3,5
24,1
23,2
16,1
26,5
• 31,0
12,9
23,1
12,3
35,6
40,6
30,8
20,9
30,5
22,7
21,3
7,6
20,3
30,1
29,9
23,2
35,1
21,1
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66,5
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63,2
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52,9
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33,2
69,9
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55,6
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54,7
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20,9
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14,2
33,8
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2/2
»
0,1
6,7
12,3
2,0
2,6
2,0
3,9
»
»
10,3
1,3
1,8
»
0,2
»
3,1
11,6
19,8
15,7
11,1
»
3,8
10,0
3,6
3,8
2,3
6,5
3,4
1,8
4,6
4,0
12,5
14,7
0,2
5,1
»
1,8
2,5
0,1
3,0
1,7
0,1
1,6
»
»
»
4,4
2,8
4,0
19,8
»
12,2
2,2
5\3
1,6
13,8
4,9
10,3
3,5
2,9
1,6
7,4
9,7
7,7
5,3
1,7
7,6
2,1
10,2
16,9 .
10,6
10,9
8,6
13,2
1,6
6,6
8,1
12,1
7,5
13,4
2,7
3,8
3,0
6,6
2,1
6,1
9,5
7,8
1,6
10,8
8,4
5,3
6,3
9,7
2.4
4,4
13,6
13,0
16,0
3,4
4,2
7,1
8,0
11,0
12,8
4,5
6,4
12,9
9,4
8,0
10,5
12,4
7,3
3,4
12,1
2,9
11,5
10,0
11,0
2,1
21.3
13;5
11,8
15,5
9,5
2,0
3,2
0,9
4,9
12,3
5,0
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1,4
0,4
0,2
1,2
3,8
4,8
19,1
18,2
0,6
1,7
1,1
5,7
4,9
1,3
0,6
12,0
0,4
7,8
1,5
2,9
0,3
1,1
3,9
1,0
0,3
0,5
2,9
0,6
2,4
0,3
1,5
4,1
0,3
0,6
3,3
6,0
1,5
0,4
0,7
0,5
16,6
0,1
7,7
0,1
0,4
0,8
0,2
0,1
0,9
2,5
9,4
2,3
12,6
3,4
11,1
4,1
2,2
2,2
1,1
2,5
0,4
4,3
1,2
20,9
13,1
11,4
17,0
25,3
23,3
18,6
26,8
34,8
20,1
9,6
9,8
14,0
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14,5
14,8
11,7
18,3
20,0
21,0
29,0
4,8
6,4
22,0
25,7
28,2
19,0
10,4
5,0
21,4
14,8
8,5
35,9
13,7
6,9 ^
12,8
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21,8
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21,0
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18,1
6,1
18,5
22,5
14,3
10,8
8,0
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18,7
29,9
5,5
25,3
29,2
6,8
29,7
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17,3
14,0
5,4
11,9
21,3
18,5
16,4
23,3
11,2
31,1
17,8
14,7
0,3
1,2
0,4
0,8
»
5,5
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0,1
0,3
0,3
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0,1
0,2
3,3
0,3
0,4
0,4
0,1
0,3
»
0,2
0,4
0,1
0,2
0,4
1,0
0,1
3,9
0,6
2,3
0,3
0,5
0,3
0,6
0,5
0,7
0,3
0,9
1,1
1,0
2,3
0,4
0,3
0,8
1,0
1,7
0,9
0,5
0,3
0,5
9,6
1,4
2,9
40,8
28,4
40,0
26,6
1,8
23,4
4,0
29,9
28,9
23,1
1,8
15,5
- 5,5
5,0
3,6
26,6
20,6
3,8
13,8
17,4
10,9
12,3
18,9
2,2
0,7
34,2
23,8
4,7
5,4
17,0
30,6
7,2
6,2
4,5
18,3
11,7
18,3
3,9
8,0
12,2
6,2
2,0
15,1
5,6
28,7
2,5
7,2
1,6
2,4
3,1
1,5
2,1
37,7
1,2
0,9
1,8
2,0
2,3
10,9
36,9
33,6
39,5
2,3
4,1
4,4
2,6
3,0
95,7
96,5
95,3
89,9
86,1
92,1
95,2
96,8
99,3
97,3
95,5
96,5
92,2
95,9
97,2
96,7
95,7
95,7
96,9
97,2
96,9
94,8
97,1
96,6
97,2
96,0
96,5
96,8
95,1
95,7
96,6
96,5
98,9
94,6
95,7
97,0
94,9
91,9
97,2
97,8
96,3
95,6
96,0
93,2
95,9
96,6
96,6
96,9
95,1
95,3
96,3
97,2
96,0
96,3
97,2
96,6
96,2
93,7
96,4
96,4
96,7
96,2
96,3
93,6
95,2
95,5
93,3
97,0
96,0
96,2
4,3
3,5
4,7
10,1
13,9
7,9
4,8
3,2
0,7
2,7
4,5
3,5
7,8
4,1
2,8
3,3
1,3
4,3
3,1
2,8
3,1
5,2
2,9
3,4
2,8
4,0
3,5
3,2
4,9
4,3
3,4
3,5
1,1
5,4
4,3
3,0
5,1
8,1
2,8
2,2
3,7
4,4
4,0
6,8
4,1
3,4
3,4
3,1
4,9
4,7
3,7
2,8
4,0
3,7
2,8
3,4
3,8
6,3
3,6
3,6
3,3
3,8
3,7
6,4
4,8
4,6
6,7
3,0
4,0
3,8
Allier
Alpes-Maritimes
Ardennes
Aube
Aude
Cantal ,
Cher
Côte-d'Or
Gard
Ille-et-Vilaine
Loire
Loire (Haute-).
Lot
Lot-et-Garonne
Manche . >
Marne
Marne (Haute-) j
Meurthe-et-Moselle
Morbihan
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Pyrénées (Hautes-)
Rhin (Haut-) (Belfort)
Rhône
Saône (Haute-) . . . . •
Sarthe
FRANCE
— 1008
DEPARTEMENTS
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise
Sèvres (Deux-) '.
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne
Var
Vauciuse
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-)
Vosges
Yonne
Moyennes générales pour la France
SUPERFICIE CULTIVEE
TERRES
labourables
10,3
4,7
14,9
16,0
10,9
36,0
37,5
24,0
42,5
30,4
38,9
30,4
39,1
32,8
4ï,b
33,9
32,2
22,3
39,9
30,4
12,3
9,6
27,8
19,4
33,7
36,5
32,7
32,3
28,1
18,4
22,5
19,7
33,4
28,3
20,4
15,0
30,9
46,9
61,5
72,9
69,3
71,9
81,4
54,5
70,3
21,9
57,2
"70,2
65,0
46,5
42,2
61,7
49,0
TERRES NON ASSOLEES
(cultures permanentes)
1,7
1,9
1,8
»
1,5
1,1
3,6
»
10,3
13,0
5,9
3,1
2,8
6,2
0,3
0,9
5,3
4,1
9,6
8,0
0,7
4,9
4,2
2,3
9,3
7,5
5,2
0,9
2,1
12,7
4,7
18,0
14,1
4,1
7,8
11,2
10,3
»
7,1
0,3
0,6
0,5
1,7
1,4
0,5
1,5
0,4
2,4
1,0
6,2
0,6
0,4
3,2
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25,5
4,3
15,7
18,3
18,6
7,3
6,4
13,5
12,9
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3,2
4,8
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3,6
3,4
2,9
3,6
4,6
que la région précédente; on y cultive beaucoup le lin,
le houblon, la betterave et les graines oléagineuses.
4° La région du Nord-Est, comprenant 4 départements
(Ardennes, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges, territoire
de Belfort). Dans aucune région la pomme de terre n'est
plus cultivée; les bois occupent une grande superficie.
5° La région de l'Est, comprenant 7 départements
(Jura, Saône-et-Loire, Rhône, Ain, Loire, Savoie, Haute-
Savoie). Pâturages excellents dans le Jura et sur les chaînes
et ramifications des Alpes, riches campagnes dans la
Bresse, marais dans la Dombes, châtaigniers, noyers, mû-
riers sur la rive droite du Rhône.
6° La région du Sud-Est, comprenant 7 départements
(Haute-Loire, Isère, Drôme, Ardèche, Lozère, Basses-Py-
rénées, Hautes- Alpes). C'est la région des pâturages de mon-
tagnes, des mûriers dans la vallée du Rhône ; peu de cé-
réales, mais des châtaigniers et des noyers, principale-
ment sur la rive droite du Rhône.
7° La région du Sud, comprenant 8 départements
(Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône , Vauciuse,
Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales). Région des
orangers, des citronniers, des mûriers, des oliviers dans la
partie orientale ; vignobles, maïs, oliviers dans la partie
occidentale. C'est la région la moins productive en céréales.
8° La région du Sud-Ouest, comprenant 8 départe-
ments (Ariège, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne, Lot-et-
Garonne, Landes, Gers, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyré-
nées). Pâturages dans les Pyrénées, maïs dans les vallées,
vignobles sur les coteaux de l'Armagnac, marécages et
forêts de pins maritimes dans les Landes.
9° La région du Centre-Ouest, comprenant 8 dépar-
tements (Gironde, Dordogne, Charente, Charente-Inférieure,
Haute-Vienne, Vienne, Deux-Sèvres, Vendée). Région de
vignobles amoindrie par le phylloxéra dans sa partie mé-
ridionale et dans la Saintonge ; prairies, marécages sur le
bord de la mer ; maïs et céréales.
40° La région du Centre-Sud, comprenant 7 départe-
ments (Creuse, Puy-de-Dôme, Corrèze, Cantal, Lot, Avey-
ron, Tarn). On y rencontre encore un peu de vignes dans
le sud, le froment dans la vallée de la Garonne; mais, en
général, c'est un pays pauvre et montagneux ; culture du
seigle et du sarrasin ; châtaigneraies, pâturages.
11° La région du Centre, comprenant 7 départements
(Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Nièvre, Cher, Indre,
Allier). Elle renferme la Touraine, surnommée jadis le
jardin de la France ; le Nivernais, montagneux et boisé,
de vastes plaines où les riches cultures alternent avec les
landes; c'est la région des prairies naturelles et du bétail.
12° La région, du Centre-Nord, comprenant 7 dépar-
tements (Yonne, Aube, Marne, Haute-Marne, Côte-d'Or,
Haute-Saône, Doubs). C'est une région de plaines très
productives, de vastes prairies, de grands vignobles ; elle
donne le froment, le maïs, des vins très estimés ; elle nour-
rit de beaux moutons et possède dans le Jura de belles
forêts et d'excellents pâturages.
Le tableau ci-après fait connaître les résultats annuels
de la culture des céréales pour la France entière de 1815 à
1891 (excepté les années 4819 et 1870 où il n'y a pas eu
de statistique). On voit que la surface sur laquelle on
a récolté du froment a passé depuis 1815 de 4 millions et
demi d'hect. à 7 millions en 1890; qu'elle a exception-
nellement diminué en 1891 par suite du froid qui a détruit
les semences (5,760,000 hect.), que la production a aug-
menté davantage (moins de 50 millions d'hectol. en
moyenne de 1815 à 1818 et 109 de 1887 à 1891)
(l'année 1891 a donné une récolte très faible parce que,
sur plus d'un million d'hectares ensemencés, la gelée a
détruit les germes) , et par conséquent le rendement par
hectare (10 hectol. pour la première période et 15 pour
la seconde) ; que la surface cultivée en avoine a augmenté
proportionnellement plus encore (env. 2 millions et demi
d'hect. en 1815 et 4,243,000 en 1891), et que la récolte
a plus que doublé (36 millions d'hectol. en 1815-1818
et 86 millions en 1887-1891), qu'au contraire l'orge est
resté à peu près stationnaire, que le seigle a diminué et
surtout le méteil. La surface consacrée aux pommes de
terre a presque triplé et la récolte a plus que triplé.
Les régions du N. et du N.-O, de la frontière de la Bel-
gique à la Loire, ensuite la région de la Basse-Loire, le
Graisivaudan, quelques parties de la vallée de la Garonne,
sont celles qui produisent le plus de froment. Le seigle
est le blé des terres légères et des contrées froides ; il est
cultivé surtout dans le Centre, dans la Bretagne et la Cham-
pagne. L'avoine l'est surtout dans les régions du Nord et du
— 1009
FRANCE
TABLEAU DE LA CULTURE DES CEREALES DEPUIS
(Extrait de la France et ses colonies, II, 44)
184 5
ANNÉES
NOMBRE D'HECTARES
sur lesquels a eu lieu la récolte
(en milliers d'hectares)
PRODUCTION TOTALE
(en millions d'hectolitres pour les céréales et en millions de
quintaux pour les pommes de terre)
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6,5
7,1
5,0
6,3
6,6
7,3
7,7
4,0
7,2
8,4
6,9
6,3
8,9
7,6
5,0
5,7
9,3
8,6
8,3
8,5
7,2
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10,4
10,5
9,5
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7,9
11,1
10,3
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9,8
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8,4
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37,8
42,4
41,8
41,8
52,5
53,3
46,7
42,9
45,5
49,4
45,9
44,8
57,5
55,9
54,3
57,9
45,3
65,0
65,6
59,9
47,1
56,3
61,5
66,4
58,5
61,1
66,9
64,4
73,9
73,8
69,8
68,7
57,6
64,5
72,1
70,3
82,8
76,4
79,6
69,4
67,0
59,5
72,8
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»
85,9
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76,7
68,3
69,5
73,7
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83,8
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1815
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41,2
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»
54,4
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76,0
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82,8
91,8
89,8
102,2
17,4
93,2
103,5
117,7
77,9
78,5
100,0
87,3
89,8
74,8
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63,4
61,5
69,1
94,8
80,6
101,3
109,3
93,1
88,0
92,8
117,2
117,2
1111
121,0
96,9
100,7
130,3
116,0
120,4
105,7
118,1
141,1
125,3
116,9
121,2
112,1
94,4
138,5
133,3
112,0
144,8
149,3
112,4
112,8
117,0
103,4
107,0
110,4
1816
1817
1818
1819
18'20
1821
1822
1823
1824
1825
1826
1827
1828
1829
1830
1831
1832
1833
1834
1835
5.338 874 2.639
5.285 877 2.625
5.4071 904. 12.639
1836
1 1837
1 1838
5.461
5.384
5.532
5.562
5.576
5.664
5.679
5.743
5.937
5.979
5.973
5.966
5.931
5.999
6.090
6.210
6.408
6.419
6.468
6.593
6.639
6.709
6.711
6.754
6.881
6.919
6.880
6.904
6.915
6.960
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2.615
2.534
2.542
2.497
2.465
2.453
2.174
2.218
2.178
2.123
2.072
2.111
2.032
2.030
2.057
2.058
2.042
2.029
2.011
1.985
1.979
1.934
1.936
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1.900
1.915
1.898
1.871
1.894
1.838
1.846
1.805
1.770
1.848
1.771
1.871
1.718
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1.634
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1841
1842
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1844
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1850
1851
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1853
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1855
1856
1857
1858
1859
1860
1861
1862
1863
1864
1865
1866
1867
1868 ......
1869
1870
1871
1872
1873
1874
1875
1876
1877
1878
1879
1880
1881
1882 (1)
1883
1884
1885
1886
1887
1888
1889
1890
1891
il. 493 77,3
10,3 1 9,9
106,1 1 111,7
| ' i
1
(1) D'après la Statistique agricole de la France (Résultats généraux de l'Enquête décennale de 1882), les rés
1882 |7.191| 345 |1.744| 976 1 645 | 548 [3.611 [ 1 .337| 129,3 | 6,1 [ 28,5 | 19,2
ultats sont quelque peu différents.
| 11,1 [ 10,4 | 90,8 1 101,0
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
64
FRANCE — 4010 —
RÉCOLTE, PAR DÉPARTEMENT, DES CÉRÉALES, DES POMMES DE TERRE ET DES BETTERAVES EN 1891
DÉPARTEMENTS
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(en milliers d'hectolitres)
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POMMES DE TERRE
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(en milliers de quintaux)
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711,7
1.600,5
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1.412,2
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838,4
329,0
146,8
1.643,3
1.400,0
161,0
1.334,0
663,8
1.295,2
615,3
813,0
1.001,3
634,6
1.947,7
1.449,3
991,6
182,3
1.813,2
936,0
1.195,6
1.583,3
626,3
430,5
672,6
689,6
205,6
2.224,5
874,4
676,4
2,399,7
112,3
1,893,7
1.077,0
1.030,3
465,3
1.075,5
501,0
349,1
553,0
358,0
2.565,7
803,8
346,8
2.192,1
600,0
618,3
396,5
55,2
49,5
765,0
982,1
1.333,9
561,6
206,2
494,9
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671,2
13,40
21,00
12,00
12,63
9,51
10,00
8,00
10,88
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10,00
12,67
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15,00
16,50
11,00
8,00
12,25
9,52
14,00
10,00
12,64
14,89
13,00
9,66
17,80
12,10
13,38
16,35
18,24
15,68
15,58
9,90
14,43
11,87
13,50
12,50
14,00
13,90
13,72
12,30
12,05
13,67
14,46
14,63
14,91
9,50
14,50
9,00
14,50
14,00
20,00
6,56
14,00
7,73
6,69
14,00
9,00
21,74
17,97
10,20
19,70
12,00
14,25
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21,00
17,50
17,58
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13,63
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11,00
14,72
25,31
9,62
»
86,0
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13,3
525,3
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148,1
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146,1
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3,8
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747,6
177,6
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109,1
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162,0
27,8
144,8
167,7
180,9
598,8
39,1
113,5
8,2
201,5
52,3
68,8
139,1
112,5
316,6
26,5
528,0
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856,8
947,7
61,8
447,4
152,3
100,4
384,8
104,9
33,7
1.600,4
31,8
39,2
63,7
43,8
1.115,2
43,8
163,7
184,8
76,8
209,5
1.500,0
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100,1
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28,1
265,0
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145,0
294,0
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169,2
66,0
256,5
863,1
15,5
27,0
3,7
70,6
385,6
4,4
967,9
158,0
216,0
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43,3
130,0
365,4
363,5
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47,7
389,5
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129,1
18,3
90,3
130,0
458,2
1.752,9
417,6
82,9
98,0
35,0
0,2
7,7
627,7
679,2
288,0
128,0
117,3
2,1
840,9
27,2
434,6
108,0
964,9
40,5
»
157,8
186,0
658,7
1.316,0
237,9
947,1
205,2
585,4
2,0
525,4
358,3
445,3
677,2
704,5
378,0
66,9
18,7
16,6
4,8
6,0
101,0
92,6
990,0
83,2
34,2
1,0
372,9
277,0
9,0
25,1
»
»
1
23,4
1,9
79,7
6,3
5,5
9,0
»
651,0
258,3
10,4
4,9
63,5
362,4
16,1
1.300,0
250,0
15,5
»
25,4
20,1
»
587,7
2,1
18,5
»
5,9
1.596,0
33,4
14,0
156,6
6,8
»
58,4
6,1
5
390,0
12,7
285,0
»
2,6
40,0
813,8
21,6
30,4
330,3
8
843,1
106,6
1
1,8
380,0
5
17,5
»
12,7
1,6
»
24,6
15,3
210,8
11,6
16,3
21,7
»
6,6
408,0
4.065,1
1.830,0
75,7
109,7
3,6
64,8~
2.311,9
166,6
2.356,3
235,9
564,0
245,0
1.209,0
205,5
743,6
1.269,1
1.774,5
95,5
8,7
1.604,4
1.720,0
546,2
173,2
1.068,2
675,0
3.228,8
6.024,6
1.331,5
214,9
744,0
517,2
127,1
106,3
1.030,7
2.282,7
1.703,8
499,1
370,9
10,0
2.154,8
464,6
404,8
624,0
3.214,7
326,1
297,0
124,4
630,0
500,1
2.484,0
2.183,5
696,5
2.077,0
2.668,6
500,0
1.723,1
3.244,6
4.670,5
1.797,6
4.661,5
874,0
107,1
92,8
245,6
69,4
320,0
1.298,6
632,6
1.175,0
176,7
299,1
134,0
3.037,7
291,7
1,2
»
»
5
13,8
307,5
489,2
22,8
5
»
172,9
204,5
»
»
12,4
56,8
»
355,0
18,3
38,6
»
»
6,4
1.000,0
304,1
122,4
5
»
2,4
5,2
50,1
183,3
1.462,5
»
1,7
4
6,0
370,5
884,0
4
2,9
»
1,6
1,9
1
2,4
904,8
406,0
64,5
»
»
14,4
380,1
2,6
69,7
3,1
»
»
1.270,2
900,4
3.270,1
687,4
617,3
165,5
4.988,2
940,1
2.282,4
712,5
184,1
2.384,6
706,1
324,9
137,2
1.571,5
1.399,7
643,4
1.388,4
50,1
1.758,4
2.880,0
1.980,0
4.467,8
1.459,7
1.901,2
360,6
392,6
2.041,7
487,0
1.230,0
127,2
937,6
252,6
1.576,6
1.356,8
1.092,0
2,083,3
862,8
660,0
649,7
2.897,5
1.660,6
1.247,0
969,5
720,3
1.665,0
302,8
1.214,8
405,8
491,9
1.037,6
966,2
2.057,3
1.679,7
596,7
1.546,0
1.258,6
1.165,5
360,0
1.502,4
2.629,2
185,8
595,0
540,7
245,7
1.376,4
1.637,0
3.728,3
2.088,8
483,8
820,0
588,0
573,0
692,1
2.362,4
2.877,3
65,0
88,8
3,3
61,6
1.058,2
177,3
1.451,2
41,9
184,9
104,8
695,0
22,5
439,8
1.044,8
2.211,9
157,8
1.886,7
2.100,0
132,0
910,0
429,1
746,7
1.542,9
1.660,2
1.837,7
58,6
135,0
229,8
1,4
3.278,5
1.256,9
2.325,0
816,4
216,3
250,0
505,0
251,8
238,1
2.200,0
1.381,9
985,2
1.134,7
2,7
1.312,6
214,3
1.824,0
665,7
1.261,2
1.207,4
1.486,4
84,1
1.190,1
3.009,2
2.709,2
494,0
1.876,2
428,7
198,4
»
93,0
92,9
518,7
390,2
565,9
356,3
122,1
300,3
208,9
2.121,9
12.924,9
7,7
»
1.346,0
297,6
»
34,4
10,2
222,8
460,0
145,0
483,8
1.066,5
505,5
»
177,3
30,0
»
1,0
»
8,0
38,8
91,8
2,8
39,5
3
15,4
634,5
»
»
396,0
62,7
28,7
78,3
»
50,3
14.558,0
7.124,9
8.831,3
170,1
»
»
»
16,7
113,7
3,3
5,1
318,1
Aisne
Allier
Alpes (Basses-)
Ardèche
Aube
Aude
Calvados
Cher
Côte-d'Or
Eure
Gard
Hérault
Loir-et-Cher
Lot
Marne
Morbihan -
Nord
Pas-de-Calais
Pyrénées (Hautes-)
Pyrénées-Orientales
Rhin (Haut-) (Belfort)
Sarthe
Seine-Inférieure
A reporter
62.562,1
19.036,4
22.090,4
9-502,6
85.634,2
8.241,8
92.223,3
62.987,9
50.303,2
— 1014 —
FRANCE
DEPARTEMENTS
Report
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise
Sèvres (Deux-)
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne
Var
Vaucluse. . . <
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-)
Vosges
Yonne
Totaux et moyennes
H o
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tf g S
§1
62.562,1
1.731,
928,1
1.395,3
1.503,6
961,8
1.234,4
789,6
996,0
2.560,0
1.202,0
343,8
395,4
1.033,6
77.657,5 13,49
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20,47
22,50
14,00
18,06
12,00
12,60
12,00
14,25
16,00
13,38
10,17
9,46
12,70
T3
H CD
CD
►-l'es -a
Mo.2
5 s
19.036,4
178,7
418,0
51,9
278,0
251,0
29,6
3,3
16,1
28,0
107,7
775,3
179,9
235,0
21.588,
£3
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22.090,4
253,2
167,"
432,9
569,0
14,9
35,1
11,2
36,9
204,0
848,0
25,0
37,6
694,4
27
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9.502,6
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5,2
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493,0
14,4
10 2
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85.634,2
4.161,3
2.545,5
1.431 "
4.684,9
266,9
355,1
54,6
246,1
570,0
2.297,9
259,7
1.126,0
2.511,2
25.420,4 10.303,0 106.145,2 9.350,0
«S
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132,2
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7,0
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1.36i;6
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1.530,4
3.831,9
2.384,4
2.869,6
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111.672,6
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4.298,7
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2.273,6
2.688,2
131,1
163,5
38,2
265,7
2.550,0
1.678,5
943,3
366,9
3.404,2
50.303,2
3.722,0
1.828,1
1.298,3
7.671,5
245,5
284,?
84.879,7 65.353,4
Nord-Est. Le maïs l'est dans la région du Sud-Ouest et dans
une partie de celle de l'Est. Le sarrasin est cultivé sur-
tout dans les terres pauvres, sous les climats humides,
comme la Bretagne et le Massif central. La pomme de
terre se plaît surtout dans les terres sablonneuses, sous
les climats tempérés ou froids ; elle est cultivée partout,
principalement dans les régions du Nord-Est et du Nord.
Les légumes secs sont cultivés à peu près partout ; les
légumes frais et les fleurs, destinés à la consommation
des villes, le sont surtout dans le voisinage de ces villes
et font l'objet de la culture maraîchère ; ils le sont aussi
dans certaines régions favorisées par le climat, comme les
côtes de Bretagne, celles de Provence et en général le Midi
qui fournit des primeurs, ou par des circonstances parti-
culières, comme Roubaix qui produit des raisins de serre
parce que la houille y est bon marché.
La betterave, qui sert d'une part à la nourriture du bé-
tail, d'autre part à la fabrication du sucre, est peut-être
de toutes les cultures celle qui a exercé depuis un demi-
siècle l'influence la plus heureuse sur le progrès agricole,
parce qu'elle permet d'entretenir beaucoup a'animaux de
l'espèce bovine et qu'elle fournit par suite beaucoup d'en-
grais. Elle est cultivée principalement dans les dép. du N.
de la France, Nord, Aisne, Pas-de-Calais, Somme, Oise,
Seine-et-Marne, Seine-el-Oise.-— Le# principales plantes
textiles, chanvre et lin, dont la culture a décliné depuis une
cinquantaine d'années, sont cultivées surtout dans le Nord-
Ouest et le Nord. — i Les graines oléagineuses, colza,
navette, œillette, dont la culture n'est pas non plus en
progrès, le sont aussi dans le Nord, le Nord-Ouest, la Bour-
gogne. — Le tabac, qui réussit à peu près partout en France,
ne peut être cultivé qu'avec autorisation du préfet et ne
l'est que dans un certain nombre de départements.
Les prairies artificielles occupent en tout plus de
2 millions 1/2 d'hect. ; elles ont fourni en 1891 plus de
100 millions de quintaux de fourrage. Les régions où l'on
en trouve le plus sont en première ligne celles de FOuest et
du Nord-Ouest, en second lieu celle du Centre, celle des mon-
tagnes de l'Est et celle du Sud-Ouest. La région du Sud-Est,
sous le climat chaud de la Méditerranée, est la plus pauvre
en prairies et par suite en bétail. La production totale des
herbages et des prés naturels était évaluée à environ
190 millions de quintaux en 1894. Les prairies naturelles
se trouvent principalement dans le fond des vallées (vallées
de la Saône, de la Seine, etc.), dans les régions monta-
gneuses (Massif central, Morvan, Vosges, etc.), dans le
voisinage des côtes de l'Atlantique (Bretagne, Normandie,
Vendée, etc.). Les pâturages, les pâtis et les landes se
rencontrent surtout dans les régions montagneuses (Alpes,
Pyrénées, Landes). Il y en a près de 3,900,000 hect. en
France.
La oigne est une des richesses caractéristiques du sol
français. Elle occupait, d'après la statistique officielle,
1,764,000 hect. en 4891. Elle a occupé avant les ravages
du phylloxéra jusqu'à 2,446,000 hect. en 4875, et l'an-
née 4875 a donné une récolte exceptionnelle de 83 mil-
lions d'hectol. La statistique de la récolte du vin est dressée
tous les ans par l'administration des contributions indi-
rectes à l'occasion de la perception de l'impôt; elle l'est
aussi par le ministère de l'agriculture pour la publication
de la Statistique agricole annuelle. Les résultats des deux
statistiques ont présenté quelquefois des différences qui
sont aujourd'hui bien moindres.
Principaux groupes de vignobles. La Champagne,
sur les coteaux de la Brie champenoise, en face de Reims
et à'Epernay, produit des vins blancs qui deviennent, à
l'aide de certains procédés de fabrication, des vins mous-
seux, dits vins de Champagne. La. Bourgogne possède dans
la Haute-Bourgogne (Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Rhône)
des crus très estimés (Chambertin, Beaune, Volnay, etc.),
et dans la Basse-Bourgogne des vins ordinaires et quelques
crus estimés (Chablis, etc.). Dans l'Est sont les groupes
secondaires de la Lorraine et du Jura.Les coteaux du Rhône,
entre Valence et Avignon, possédaient des vignobles ordi-
naires et des crus renommés (Ermitage, etc.) que le phyl-
loxéra a détruits en grande partie. Le Midi, dont la production
s'est considérablement accrue et qui est parvenu à rétablir
ses vignobles détruits par le phylloxéra, fournit des vins
plus abondants que fins ; le Bas-Languedoc (Hérault, le
département de France qui en produit le plus, Aude) et le
Roussillon à l'O. du Rhône et, à l'E., la Provence appar-
tiennent à cette région. La Guyenne donne des vins dé-
signés généralement sous le nom de vin de Bordeaux ;
groupe très important qui comprend entre autre groupes
fort estimés ceux du Médoc et des Graves et dont dépend,
comme groupes secondaires, la Dordogne, le Quercy,
Y Albigeois, les coteaux des Pyrénées et du Béarn, Y Ar-
magnac dont les crus sont encore en parti convertis en
FRANCE — 1012 —
CULTURES ET RÉCOLTES DIVERSES PAR DÉPARTEMENT EN 1891 (fourrage, vin, pommes a cidre)
DEPARTEMENTS
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-)
Alpes (Hautes-)
Alpes-Maritimes
Ardèche
Ardennes
Ariège
Aube
Aude
Aveyron
Bouches-du-Rhône —
Calvados
Cantal
Charente
Charente-Inférieure. . .
Cher
Corrèze
Corse
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir
Finistère
Gard
Garonne (Haute-)
Gers
Gironde
Hérault
I Ile-et-Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-)
Loire-Inférieure
Loiret
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meurthe-et-Moselle . . .
Meuse
Morbihan
Nièvre
.Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-)
Pyrénées (Hautes-)
Pyrénées-Orientales. . .
Rhin (Haut-) (Belfort).
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise.
Sèvres (Deux-)
Somme
TREFLE
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
A reporter.
733,5
669,5
1.964,3
50,0
52,3
19,5
130,9
461,6
130,1
249,3
132,0
748,0
16,5
1.406,0
84,0
497,7
199,9
679,5
31,1
»
626,2
1.960,0
288,7
57,0
382,3
286,6
53ti,2
442,0
250,8
21,4
328,0
205,7
49,1
8,9
1.150,7
906,4
807,5
1.013,5
265,6
1.000,0
328,0
452,2
520,5
550,0
495,8
202,2
900,0
54,3
675,0
764,8
572,0
411,1
2.026,7
445,0
312,5
33,0
743,0
697,7
419,6
1.599,0
897,8
506,8
154,5
160,0
10,3
28,9
283,5
750,9
657,4
1.120,1
218,5
394,1
1,8
1.378,3
361,1
161,6
615,0
782,0
39.521,2
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
192,3
1.555,8
512,5
73,3
56,7
34,0
137,8
577,4
185,7
452,3
985,6
579,6
516,9
180,4
11,0
848,6
671,3
316,5
6,3
24,2
597,8
140,0
19,9
526,0
136,8
845,9
809,0
1.239,4
15,6
460,7
870,0
225,6
104,8
704,7
128,5
215,2
400,5
887,6
90,2
60,0
261,3
61,6
66,5
41,0
798,1
291,3
477,0
13,5
334,2
418,6
1.134,0
340,8
257,8
331,8
524,2
9,0
560,3
324,8
1.339,8
109,2
207,1
182,0
50,9
60,0
309,2
22,2
308,0
220,8
212,8
128,1
45,8
116,6
59,5
89,7
1.950,9
1.104,0
797,3
643,4
30.602,8
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
224,4
277,3
247,1
294,3
300,7
50,3
77,8
237,2
149,6
581,1
314,0
201,6
107,4
593,4
1,1
827,9
650,5
402,9
284,4
»
11,4
156,0
514,9
547,4
612,2
964,1
»
241,3
625,0
188,5
8,2
101,8
12,2
336,8
437,0
533,4
524,1
»
177,9
2,7
48,7
' 19,0
566,0
143,6
141,0
24,3
73,5
68,6
667,0
197,1
6,0
115,2
128,0
»
199,1
62,3
781,9
128,6
846,0
303,7
»
30,0
41,4
18,2
10,0
81,2
62,2
159,1
100,7
818,5
1,6
187,4
378,0
573,8
212,1
782,4
19.366,9
PRES NATURELS
ET HERBAGES
lro coupe et regains
Production
totale
(en milliers
de quintaux
de foin)
4.436,0
2.028,9
4.272,1
449,5
815,9
585,8
1.619,0
2.573,6
1.744,3
933,3
478,5
2.577,0
635,1
4.292,4
7.98&0
3.001,3
2.186,5
2.048,7
3.812,0
157,8
1.927,0
2.867,0
4.317,0
2.757,7
2.137,0
970,2
1.212,2
592,0
3.117,0
491,0
2.015,0
2.497,6
2.700,6
396,7
2.051,4
2.356.0
1.59i;2
2.316,3
1.751,2
765,0
880,2
3.750,6
3.527,0
2.790,0
501,7
704,3
1.400,0
2.491,3
2.120,0
6.564,5
915,2
1.638,9
2.812,0
1.720,7
2.027,3
2.470,0
2.341,5
2.073,7
1.184,0
6.373,5
909,7
5.995,7
1.639,7
2.675,0
385,0
750,2
2.484,7
2.897,5
5.489,4
1.935,4
1.480,7
1.345,8
3,0
3.001,4
638,0
715,5
2.720,2
603,9i
Production
totale
(en milliers
d'hectolitres)
170.412,9
138,6
10,7
124,9
51,9
23,9
81,7
133,9
1,1
61,2
229,4
2.711,0
89,3
1.008,3
»
4,3
106,1
5*7,3
113,8
12,0
282,5
457,9
87,1
23,2
143,5
1,2
8,7
1.528,3
403,9
1.482,7
2.368,2
5.201,5
3
106,9
875,2
287,4
60,6
371,6
825,6
302,6
87,4
915,0
282,3
78,3
321,8
2,6
774,0
»
1C1,2
82,1
4,1
288,5
96,5
22,2
136,6
»
1,1
1.165,3
202,7
136,7
1.063,3
450,0
25,2
414,5
73,3
142,8
~ 91,7
9,7
»
29,3
106,9
154,8
POMMES
A CIDRE
Production
totale
(en milliers
de quintaux
de pommes)
27.611,4
1,5
24,7
5,7
5,9
12,0
6
29,7
18,5
»
997,5
1,5
»
3
13,3
40,0
10,0
30,0
374,1
70,8
122,4
»
10,0
»
1,0
1.801,2
6,2
47,4
82,2
6,0
3,2
• 310,0
28,4
2,9
3,8
180,0
1.114,8
13,0
3
535,0
»
1,6
250,5
1,5
»
74,8
823,0
39,4
10,0
3,7
3,8
9
225,8
20,0
52,3
»
364,1
50,9
101,2
38,1
87,8
8.056,9
— 1013
FRANCE
DEPARTEMENTS
Report
Tarn
Tarn-et-Garonne
Var
Vaucluse
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-)
Vosges
Yonne
Totaux
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
39.521,2
448,9
181,1
8,3
10,1
983,0
1.142,6
316,2
333,9
395,5
43.340,8
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
30.602,8
547,9
737,4
324,2
479,9
477,2
1.231,7
7,6
243,1
1.565,6
36.217,4
Production
totale
(en milliers
de quintaux)
PRES NATURELS
ET HERBAGES
l1'8 coupe et regains
Production
totale
(en milliers
de quintaux
de foin)
.19.366,9
457,3
179,0
76,4
213,8
104,4
757,4
»
56,1
794,7
22.006,0
170.412,9
1.586,1
1.094,8-
233,4
488,9
3.527,0
1.217,3
6.309,5
3.818,4
1.198,2
189.886,5
Production
totale
(en milliers
d'hectolitres)
27.611,4
84,6
260,9
521,9
288,3
387,5
534,6
5
83,2
394,0
30.166,9
POMMES
A CIDRE
Production
totale
(en milliers
de quintaux
de pommes)
8.056,9
32,4
2,1
1,5
11,2
64,0
»
62,6_
~87230,r
PRODUCTION
DU TIR, DU CIDRE
, DE LA BIERE ET DE L'ALCOOL EN FRANCE DE 1850 A 1891
(en millions d'hectolitres)
VIN
w
E
tteinte
pot
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1852. .
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»
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1853..
22,7
»
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»
0,72
1854..
10,8
»
»
»
0,91
1855...
15,2
»
»
»
0,70
1856...
21,3
»
»
»
0,70
1857...
35,4
»
))
»
0,85
1858...
46,8
53,9
»
»
»
6,8
0,96
1859...
29,9
»
»
6,7
1,03
1860...
39,5
»
»
6,6
0,87
1861...
29,7
»
»
6,8
1,03
1862...
37,1
»
»
6,9
1,0*
1863...
51,4
»
»
7,0
1,22
1864..
50,6
»
ll,6(i)
7,2
1,35
1865..
68,9
»
2,8
7,7
l,f4
1866..
63,8
»
114
8,1
1,39
1867..
39,1
»
11,6
7,0
1,09
1868..
52,1
»
16,3
7,3
1,29
1869..
70,0
»
3,7
73
1,41
1870..
53,5
»
20,1
6,8
1,24
1871..
56,9
»
2,1
5,2
1,60
1872. .
50,1
»
4,6
7,4
1,89
1873...
35,7
»
13,6
7,4
1,42
1874...
63,1
63,1
13,3
7,3
1,53
1875...
83,8
83,8
18,2
7,3
1,85
1876. . .
41,8
41,8
7,0
7,6
1,71
1877. . .
56,4
56,4
13,3
7,7
1,31
1878...
"48,7
48,7
11,9
7,5
1,42
1879...
25,8
25,8
7,7
74
1,49
1880...
29,7
29,7
5,5
82
1,58
1881...
34,1
34,1
17,1
86
1,82
1882...
30,9
33,5
8,9
8,3
1,77
1883..
36,0
36,0
23,5
8,6
2,01
1884..
34,8
34,8
11,9
8,5
1,93
1885..
28,5
31,5
19,9
8,0
1,86
1886..
25,0
30,4
8,3
7,9
2,05
1887..
24,3
25,4
13,4
8,2
2,00
1888..
30,1
30,6
9,8
7,9
2,16
1889...
23,2
24,0
3,7
8,4
2,24
1890...
27,4
27,4
11,1
»
2,21
1891...
»
30,2
9,3
»
2,20
f1) Les chiffres de la production des cidres ne sont
paséta-
blis sur des documents officiels et ne fleurent qu'à
titre de
renseignement. — (2) La moyenne de la production
de l'al-
cool de 1840 à 1850 a été de 891.500 hectol. Les
chiffres
de cette colonne ne sont pas entièrement officiels
à cause
de l'évaluation hypothétique des quantités distil
ées par
les propriétaires avec le marc de leurs récoltes.
....
eau-de-vie, les Landes, Les Char entes (Charente et Cha-
rente-Inférieure) rendent aujourd'hui depuis le phylloxéra
moins d'un million d'hectoL ; autrefois la plus grande par-
tie du vin de cette région était convertie en eau-de-vie sous
le nom de cognac. Le centre de la France produit les vins
d'Auvergne, du Cher, d'Orléans, les vins d'Anjou, de
Touraine. Les environs de Paris ont, à cause de la
proximité de la capitale, des vignobles très productifs en
quantité. Thomery, les environs de Paris, le Midi pro-
duisent en grande quantité le raisin de table.
V alcool est produit en très petite partie parla distillation
du vin et des marcs, en grande partie par la distillation
des grains, des mélasses et des betteraves. Les Charentes,
le Gers, Y Hérault, h Bourgogne, etc., fournissent de l'eau-
de-vie de vin; le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme,
Y Aisne, etc., et dans le Sud, les Bouches-du-Rhône, la
Gironde produisent beaucoup d'alcool d'industrie.
Le cidre est une boisson que produisent en grande quan-
tité la Normandie, la Bretagne, la Picardie, le Maine.
La bière est la boisson principale dans les régions du
Nord {Flandre, bière de Lille, de Cambrai) et du Nord-
Est ; on en consomme aussi beaucoup dans les grandes villes.
Les Côtes-du-Nord, Nord et Meurthe-et-Moselle sont les
départements qui produisent le plus de houblon.
Les arbres fruitiers des jardins, pommiers, poiriers,
cerisiers, abricotiers, pêchers, etc., sont cultivés dans
toute la France, en grande quantité dans les environs de
Paris et de quelques grandes villes et dans quelques ré-
gions qui ont des spécialités, comme Agen pour les prunes,
la Provence pour les amandes, les oranges et les figues,
le raisin dans les serres du Nord. Il y a quelques arbres
qui sont l'objet d'une culture plus générale, le noyer dans
le Centre et l'Est, V olivier dans le Sud et le Sud-Est, le châ-
taignier dans le Massif central, le mûrier blanc, dont la
feuille nourrit le ver à soie, dans la vallée du Rhône; la
Brome, YArdèche et VIsère sont les trois départements
qui produisent la plus grande quantité de soie.
Les forêts qui couvrent un espace total d'environ 9 mil-
lions 4/2 d'hect. (dont environ 6 millions aux particuliers,
moins de 2 millions aux départements, communes, établis-
sements publics, 2 millions à l'Etat) sont situées sur les
pentes des montagnes, sur les plateaux, dans les plaines
sablonneuses et généralement sur les terrains qui ne seraient
pas avantageusement utilisés pour les cultures de labour. Le
N.-E. et TE. de la France sont les parties du territoire les
plus boisées. Les forêts des Ardennes, de YArgonne, de
Dabo, d'Othe, des Vosges, du Morvan, d'Orléans, la plus
grande de France (39,000 hect.), du Perche, de Per-
seigne, de Breteuil, etc., forment dans le bassin pari-
sien de grands arcs de cercle qui sont en rapport avec la
constitution géologique du sol. Dans l'intérieur du bassin,
FRANCE
— 4014 —
ANIMAUX DE FERME PAR DÉPARTEMENT EN 4891
DEPARTEMENTS
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-)
Alpes (Hautes-)
Alpes-Maritimes
Ardèche
Ardennes
Ariège
Aube
Aude *.
Aveyron
Bouches-du-Rhône. .
Calvados
Cantal
Charente
Charente-Inférieure. .
Cher
Corrèze
Corse
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir
Finistère
Gard
Garonne (Haute-)
Gers
Gironde
Hérault
Ille-et-Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-)
Loire-Inférieure
Loiret
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meurthe-et-Moselle .
Meuse
Morbihan
Nièvre
Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-)..
Pyrénées (Hautes-) . .
Pyrénées-Orientales .
Rhin (Haut-) (Belfort)
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure
A reporter..
17,8
79,5
14,7
6,4
4,9
7,3
12,6
48,1
8,7
34,3
13,8
11,6
13,9
71,0
10,3
46,2
39,1
36,3
6,3
10,4
51,0
96,5
7,9
16,8
19,9
18,7
49,5
42,7
107,6
19,7
31,5
23,1
41,3
22,7
68,4
26,4
36,4
32,4
12,7
26,3
36,1
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13,7
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40,5
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52,4
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»
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»
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10,4
3,3
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4,9
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10,4
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10,2
8,2
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1
1,4
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4
15,8
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»
13,4
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»
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»
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»
»
»
3
»
»
1
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2,0
2
2,5
»
2,9
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154,2
174,3
54,6
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204,1
145,3
139,2
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141,2
107,5
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146,6
11,3
351,4
147,1
122,2
205,7
167,2
116,5
97,5
165,4
194,0
355,2
144,1
85,5
264,0
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349,9
339,8
154,0
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106,2
301,9
195,6
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217,1
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333,6
159,1
122,9
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126,2
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395,1
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513,5
126,3
331,2
57,9
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1.191,8
567,7
4.218,1
1.831,4
1.125,0
2.240,2
3.015,0
330,1
4*5,0
38,8
212,6
1.842,5
824,3
1.175,8
1.264,1
739,8
1.534,0
340,1
3.200,5
1,1
21,5
5,9
8,8
4,9
2,1
2,3
5,7
18,2
4,1
4,1
14,5
15,4
2,6
12,2
3,5
9,4
15,9
12,7
4,2
9,0
2,0
14,0
6,2
7
5,0
10,7
21,4
1,8
9,9
3,7
4,4
4,1
12,3
8
14,5
1,7
7,2
1
10,0
11,4
2,6
8,7
1,2
7,8
11,6
1,5
4,9
2,0
5,4
16,0
2,7
3,7
2,2
2,2
1,0
3,7
3,2
12,8
2,8
13,7
6,3
8,7
3,5
7,7
»
1,1
1,2
3,6
1,6
2,2
7
»
6,5
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476,7
165,1
87,6
45,5
64,3
39,7
19,4
63,4
69,6
28,3
114,6
16,7
49,5
47,4
•89,7
62,5
60,2
53,7
54,7
110,6
49,2
76,3
550,0
70,2
151,4
118,6
149,2
55,1
175,5
222,7
41,2
29,4
14,3
66,5
46,7
404,4
43,9
30,9
132,7
28,6
50,0
46,3
42,3
31,2
190,0
154,4
9,8
66,5
22,1
58,0
84,5
180,0
60,9
76,7
67,4
56,6
179,7
50,9
15,7
103,7
72,0
74,1
50,3
25,3
7,8
24,7
4,5
38,8
26,7
86,2
75,8
58,3
91,7
1,4
50,2
gt>o
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23,9
135,8
17,2
18,6
.292,2
4,1
203,8
29v
1.192,6
1.801,'
2,5
84,0
253,4
2
»
47,0
»
21,4
1,4
»
»
34,8
5.937,4 5.167,4
1015 -
FRANCE
DÉPARTEMENTS
> a
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03
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CO
LAIT
PRODUCTION TOTALE
(milliers d'hectolitres)
LAINE
PRODUCTION TOTALE
(milliers de quintaux)
MIEL
PRODUCTION TOTALE
(milliers de kilogrammes)
COCONS
PRODUCTION TOTALE
(en milliers de kilogrammes)
Report
Seine-et-Marne
2.487,2
44,7
49,0
35,9
76,9
15,4
15,2
9,1
13,6
21,8
30,5
(7,8
30,1
46,2
175,8
1
4
11,9
4
1,9
1,1
10,6
14,4
3,3
6,3
5
»
2
308,5
3,0
3,9
3,1
4,6
4,8
1,7
2,8
4,0
3,8
13,2
5,8
1
5,6
11.973,9
100,0
94,7
185,7
156,7
124,7
97,7
3,6
3,8
298,5
113,9
201,2
155,6
151,5
18.283,9
464,0
301,5
145,9
374,3
351,9
131,2
218,4
198,0
151,7
304,5
536,1
41,9
288,6
5.252,3
13,0
15,3
107,4
82,5
101,9
37,5
25,2
38,5
58,6
88,7
157,3
83,0
35,0
1.327,2
2,4
2,1
38,8
16,7
3,8
2,2
11,7
11,6
4,5
26,0
12,1
16,7
4,4
72.029,1
1.587,3
1.191,2
416,0
1.505,1
103,1
11,6
193,5
40,3
1.239,9
256,2
184,3
1.307,6
1.240,7
476,7
20,1
12,9
2,3
10,8
9,6
4,3
13,7
4,3
1,7
5,9
7,8
1,0
7,9
5.937,4
95,3
83,2
34,2
120,4
58,4
28,3
91,9
32,5
40,0
43,1
75,5
35,8
77,3
5.167,4
»
»
12,9
25,5
552,9
1.124,9
»
Sèvres (Deux-)
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne
Var
Vaucluse
Vendée
Vienne
'Vienne (Haute-)
Vosges
Yonne
Totaux
2.883,4
230,9
364,9
13.661,5
21.791,9
6.096,2
1.480,2
81.305,9
579,0
6.753,3
6.883,6
sur les terres sablonneuses, sont les forêts de Fontaine-
bleau, de Sénart, de Rambouillet, de Chantilly, de
Compiègne, de Villers-Cotterets. Dans l'Est sont les forêts
du Jura (forêt de Chaux, etc.) : dans le Sud-Est, les forêts
des Alpes, de Savoie et du Dauphiné et celles de YEstérel
et des Maures; dans le Sud-Ouest, les forêts plus clair-
semées des Pyrénées (forêt d'Irati, etc.)v'et des Landes
dont le sol ingrat a été utilisé par la plantation du pin
maritime.
Les principaux animaux de ferme sont les chevaux,
mulets et ânes, les bœufs, les moutons, les chèvres et les
porcs. Les chevaux, dont le nombre est d'environ 3 mil-
lions 1/2 (2,883,000 dans les fermes, sans compter
600,000 environ hors des fermes), appartiennent à une
douzaine de races diverses suivant les régions. C'est dans
le Nord et le Nord-Ouest qu'on élève le plus de che-
vaux : race flamande, race boulonnaise, race normande
croisée de sang anglais, race percheronne, races bre-
tonnes. Le Poitou, le Limousin, les Landes, les Pyré-
nées, la Franche-Comté sont aussi des pays d'élevage.
Les ânes se trouvent principalement en Gascogne, en
Poitou, dans le Périgord ; les mulets dans le Poitou,
la Charente, le Périgord et tout le Midi. La race bo-
vine, taureaux, vaches, bœufs, bouvillons et génisses, sont
au nombre de 13 millions 1/2. Elle sert au travail agricole
comme animal de trait et à l'alimentation par son lait et
sa viande ; selon que l'espèce est plus apte à l'une ou
l'autre de ces fins, on l'appelle race de trait, race laitière ou
race de boucherie; presque tous ces animaux d'ailleurs sont
destinés à être mangés. Les races laitières et de boucherie se
trouvent principalement dans les fermes riches et dans les
plantureux herbages àesrégions du Nord-Ouest et du Nord,
Bretagne, Normandie, Maine, Flandre, Ile-de-France
et dans les dép. delà Basse-Loire et du Poitou. Les races de
trait se trouvent principalement dans les régions du Nord-
Est, du Centre et du Sud où le cheval est rare, comme l'avoine,
et où la terre paraît s'accommoder mieux du travail du bœuf.
Là se trouvent la belle race comtoise [Franche-Comté), la
forte race du Charollais (Bourgogne et Morvari), la race
plus rustique de Salers (Auvergne, etc.), la race limou-
sine (Limousin), la vigoureuse race gasconne (bassin de
la Garonne, etc.) Le Massif central est une des parties
de la France où l'on élève le plus de bœufs. Les départements
qui fournissent le plus de lait sont le Nord, la Seine-
Inférieure, VI Ile-et-Vilaine, le Puy-de-Dôme, le Pas-
de-Calais, la Manche, le Calvados et le Finistère. Les
moutons, dont le nombre a beaucoup diminué (en 1852,
33,2 millions ; en \ 891 , 21,8) fournissent leur viande à la
boucherie et leur laine à l'industrie. C'est surtout dans les
riches fermes de la Beauce, de la Brie et du Soissonnais,
dans la plaine du Centre et surtout dans le Cher et
VIndre (mouton solognot, mouton berrichon), dans la
Champagne (mouton champenois), dans le Massif cen-
tral (Limousin, etc.) et surtout dans les Causses (mou-
ton du Larzac, etc.), dans la Creuse (le département" qui
possédait le plus de moutons en 1891), dans la Cor-
rèze, dans les Alpes et dans la Crau où sont des troupeaux
transhumants, en Corse, dans les Landes, que les mou-
tons sont le plus nombreux. Les moutons mérinos dont la
laine est la plus estimée sont élevés surtout dans les fermes
de la région du Nord : V Eure-et-Loir, V Aisne, la Marne,
Seine-et-Marne sont les dép. qui produisent la plus
forte valeur en laine. Les moutons vivent dans les pâtu-
rages secs et maigres et dans les jachères et landes ; c'est
pourquoi on en trouve beaucoup dans les plaines du Centre,
dans les Causses, dans les Alpes. Paris est le lieu le
plus important de la consommation de toute espèce de
viande. En faisant abstraction de cette ville, on peut dire
qu'au N. de la Loire et du Rhône on mange plutôt du
bœuf et qu'au S. on mange plutôt du mouton. Le porc est
un animal dont on tire un grand parti pour l'alimentation
et qui se trouve surtout dans les pays qui possèdent des
vaches et des forêts. Il y en a en France 6 millions répartis
sur tout le territoire, surtout dans la Dordogne, la Haute-
Vienne, Saône-et-Loire, les Côtes-du-Nord, le Pas-de-
Calais, Y Allier. La chèvre est surtout un animal de
montagne qui se trouve dans la région du Sud-Est (Corse,
Ardèche, brome, etc.). L'agriculture élève, outre le bétail, la
volaille (environs de Paris, Maine, Normandie, Bresse,
vallée de la Garonne, etc.), les abeilles (Savoie, Bre-
tagne, Bas-Languedoc, Gâtinais, etc.), les vers à soie
(bassin du Rhône) . — La pêche est pratiquée dans tous les
cours d'eau et les lacs ; elle lest dans les étangs où le poisson
donne lieu à un élevage, principalement dans la Bombes,
la Sologne et la Brenne. La pêche maritime comprend la
grande pêche qui se fait en pleine mer, celle de la morue
particulièrement sur le banc de Terre-Neuve, celle du hareng
dans divers parages et qui occupe près de 20,000 hommes
FRANCE
4016
et la pêche côtière qui occupe environ 40,000 bateaux et
46,000 hommes.
Carrières et Mines. — La distribution des minéraux et
métaux dans le sol dépend de la constitution géologique,
laquelle explique ainsi et détermine les industries extrac-
tives. Les carrières fournissent la plupart des matériaux de
construction : granit dans le Cotentin, les îles Chausey,
la Bretagne, Vendée, Limousin, Alpes et Vosges; ba-
saltes en Auvergne (pierre- de Volvic, etc.); ardoise à
Trélazé, dans les Ardennes (Fumay, Rimogne); bitume
(Seyssel, Autun) ; marbre (Boulogne, Maubeuge, Givet
dans le Nord, Sablé dans l'Ouest, Dax, Chomerac dans
l'Est; Campan, Saint-Béat, Caunes, Castéra-Verduzan
dans les Pyrénées ; diverses localités dans les Alpes, le
Jura, les Vosges, la Corse) ; pierre de taille dans les
environs de Paris (Creil, Crouy, etc.), les environs de
Caen (pierre d'Allemagne), la Bourgogne (Grimault,
Tonnerre), le Jura, les Alpes (Echaillon), etc. ; craie
à Meudon, Rouen, en Touraine ; meulière sur les pla-
teaux environnant Paris, à La Ferté-sous-Jouarre, à
Busigny ; grès à Fontainebeau, dans les Vosges, etc. Le
plâtre, la chaux, Y argile, h phosphate de chaux (V. ces
mots) sont aussi l'objet d'exploitations importantes. Saint-
Yrieix fournit le kaolin des porcelaines de Limoges. Les
carrières exploitées à ciel ouvert ou souterraines étaient au
nombre de 36,300 en 1894 et le nombre des ouvriers de
443,000. Si l'on juge de l'importance des carrières d'après
le nombre des ouvriers employés, les départements occu-
pant les premiers rangs sont : Maine-et-Loire, Mayenne,
Calvados, Eure, Orne, Manche, Ardennes, Pas-de-
Calais, Seine-et-Oise. — Le sel est extrait des mines de sel
gemme (Saint-Nicolas, Varangéville, Rosières), etc., des
marais salants de V Océan (Charente-Inférieure et
Loire-Inférieure), de la Méditerranée (Bas-Languedoc
et Provence) ; la production totale a été de 814,000 tonnes
en 4894. — Les sources thermales et minérales qui
attirent sur place des clients ou dont on expédie l'eau se
trouvent surtout dans les terrains ou au pied des terrains
géologiques anciens et se rattachent aux industries extrac-
tives. On peut les classer en quatre groupes principaux :
groupe des Vosges (Contrexéville, Plombières* Luxeuil,
Bourbonne-les-Bains, Bussang) ; groupe du Jura et des
Alpes (Salins, Evian-les-Bains , Allevard, Uriagé);
groupe du centre (Fougues, Néris, Bourbon-ï Archam-
bault, Vichy, Saint- Galmier, Sail-sous-Couzan, Saint-
Romain-le-Puy, Mont-Dore, Royal, la Bourboule, Vais);
groupe des Pyrénées (Amélie-les-Bains, Bagnères-de-
Luchon, Bagnères-de-Bigorre, Barèges, Cauterets,
Eaux-Bonnes et Dax). Or 'ezza (en Corse) , Bagnoles,
Enghien, Chantelle, Saint-Amand sont des sources iso-
lées. Les bains de mer, dont le nombre s'est considérable-
ment augmenté sur les côtes de la Méditerranée, de l'Océan
et de la Manche depuis que les chemins de fer procurent
des facilités d'accès, doivent être cités à côté des stations
thermales.
La France n'est pas riche en minerais métalliques, le fer
excepté. Pontpéan (Ille-et- Vilaine) et les usines de Pont-
gibaud (Puy-de-Dôme) et de Couëron (Loire-Inférieure)
pour le plomb et Y argent, Malines (Gard), Bormettes
(Yar) pour le zinc, Saint-Bel (Rhône) pour les pyrites
de fer, Grand-Filon et Romanèche (Saône-et-Loire)
pour le manganèse, Baux, prèsd'Aix, pour V aluminium,
ont été en 4894 les principaux lieux d'une production
dont la valeur totale, en minerai, a été de 45 millions 4/2
de fr. Mais on travaille en France les minerais importés,
dans le dép. du Nord, à Biache-Saint-Vaast, au Havre,
à Deville, à Laigle, à Romilly, à Montalaire, à Saint-
Denis, à Imphy, à Marseille, etc.
La France est beaucoup plus-riche en houille. Les bas-
sins houillers (houille, anthracite et lignite) y sont répartis
en, quatre grands groupes : 4° Groupe du Nord. Au pied
du versant septentrional du plateau des Ardennes s'étend
une longue bande de terrains houillers dont la France pos-
sède l'extrémité occidentale connue sous le nom de bassin
de Valenciennes ou région duNord et du Pas-de-Calais; ce
bassin fournit la moitié de la production française (43,5 mil-
lions de tonnes en 4891) en y comprenant le petit bassin
d'Hardinghen. Anzin, Lens, Aniche sont au nombre des
exploitations les plus importantes. 2° Groupe de l'Est qui,
avant les événements de 4870, avait une grande importance
à cause du bassin de la Sarre et qui est réduit aujourd'hui
au petit bassin de Ronchamps (490,000 tonnes). 3° Groupe
du Centre qui s'étend au pied du Morvan et autour des
terrains anciens du Massif central. Sur ce vaste espace les
mines sont nombreuses et plusieurs sont très productives,
entre autres celles d'Epinac et A ubigny-la-Ronce ( 4 28, 000
tonnes), du Creusotet Blanzy (4,602,000 t.), celles de
Saint-Etienne et Rive-de-Gier (3,760,000 t.), qui
viennent au second rang, après le bassin du Nord et qui
forment le plus important des bassins de la région de la
Loire, le bassin d'Alais (Gard) qui occupe le troisième
rang (2,450,000 t.), \eUssmde Graissessac (240,000 1.),
Je bassin de Carmaux (545,000 t.), le bassin d'Aubin
(987,000 t.), le bassin d'Ahun (190,000 t.), le bassin de
Saint- Eloy (188,000 t.), le bassin de Commentry et
Doyet (888,000 t.), le bassin de Decize (133,000 t.). Le
bassin de Brassac (217,000 t.) est au centre du Massif.
4° Groupe de l'Ouest, le moins important des quatre, situé
au pied des granits de la Vendée et du Maine (46,000 1.),
renferme les bassins de Vouvant et Chantonnay, de
Champagnac et Bourg-Lastic (107,000 1.), delà Basse-
Loire (50,000 t.), du Maine (72,000 t.). 5° Groupe
des Alpes qui renferme de Y anthracite surtout à La Mure,
dans le bassin du Drac (177,000 t.) et du lignite à Fu-
veau (434,000 t.) et Manosque (37,000 t.) en Provence.
La production totale de la houille en France a beaucoup
augmenté dans le cours du siècle.
PRODUCTION DE LA HOUILLE (ANTHRACITE, HOUILLE, LIGNITE)
EN FRANCE
millions de tonnes)
(par
1820.
1830.
1840.
1850.
1860.
1,0
1870
1,8
1880
3,0
1890
4,4
1894
8,0
13,1
19,3
26,3
26,0
Le minerai de fer (production de 3,579, 000 tonnes, dont
3 millions en minerai hydroxydé oolithique) est exploité et
la fonte, le fer et l'acier sont produits dans neuf groupes
principaux : 4 ° Groupe du Nord où se trouvent les usines
de Marquise, Fives-Lille, Douai, Denain, Maubeuge,
Fourmies, Montataire et qu'on peut étendre jusqu'à Saint-
Denis et Paris; il a produit en 1891 jusqu'à 210,000
tonnes de fonte, 152,000 tonnes d'acier, 355,000 tonnes
de fer. 2° Groupe de la Champagne où se trouvent les
forges des Ardennes, les minerais et les forges de la Haute-
Marne (Val d'Osne, Saint-Dizier, Sommevoire, etc.),
de Châhllon, de Cussey, etc.; il a produit près de
70,000 tonnes de fonte, 40,000 tonnes d'acier et 140,000
tonnes de fer. 3° Groupe du Nord-Est au de Lorraine;
le dép. de la Moselle, perdu en 1870, était au premier
rang pour la production du fer ; le rapide développement
des usines de Meurthe-et-Moselle, aux environs de Briey,
de Longwy, de Frouard, de Nancy (minerai de Chavi-
gny, du Val de Fer, de Ludre, de Mar bâche, etc.), sur-
tout depuis l'utilisation des minerais phosphoreux, a en par-
tie réparé cette perte matérielle; en 1891, là production a
été de 1,100,000 tonnes de fonte, 94,000 t. d'acier et
61,000 t. de fer. 4° Groupe de l'Est, qui comprend la
Haute-Bourgogne et la Franche-Comté avec les forges
d'Aillevillers, d'Audincourt, etc., et dont l'importance est
aujourd'hui très réduite (environ 10,000 tonnes d'acier et
8,000 t. de fer dans le dép. du Doubs). 5° Groupe du
Centre, un des plus importants de France, renfermant dans
les six départements qu'il comprend les usines du Creusot,
de Fourchambault, Nevers, Decize, Commentry, Mont-
— 1017
FRANCE
luçon, Rive-de-Gier, Saint-Chamond, etc. ; il a pro-
duit, en 1891, 160,000 tonnes de fonte, 168,000 1. d'acier
ANNÉES
Production
fonte
(par milliers de tonnes)
fer acier
1820
111
266
347
405
898
1.178
1.725
1.962
1.897
80
148
238
362
532
830
965
825
833
»
8
18
29
94
388
582
639
1830
1840
1850
1860
1870
1880
1890
1891
et 158,000 t. de fer. 6° Groupe duBerri, riche en mine-
rai, mais peu riche en grandes usines (Bourges, Vier-
zon, etc.), et s'étendant jusque sur la Touraine et le Poi-
tou. 7° Groupe du Sud-Est, qui renferme les minerais
des Alpes, des Cévennes méridionales et les usines à'Alle-
vard, Marseille, Lavoulte, Alais, Bessèges, Cransac, etc.;
il a produit, en 1891, environ 135,000 tonnes de fonte,
43,000 t. d'acier et 14,000 t. de fer. 8° Groupe des Py-
rénées et du Sud-Ouest qui possède de bons minerais
manganésifères, de petites forges dans les Pyrénées-Orien-
tales et YAriège, de plus grandes usines dans les Landes
(Labouheyre, etc.), dans YAveyron (Decazeville) ; il
a produit, en 1891, près de 100,000 tonnes de fonte,
45,000 t. d'acier, 24,000 1. de fer. 9° Groupe du Nord-
Ouest, de médiocre importance, comprend le Maine, la
Bretagne et la Normandie, Le tableau ci-contre fait con-
naître le progrès de la production de la fonte, du fer et de
l'acier.
La concurrence de l'acier a fait rétrograder le fer.
Industrie. — Nous nous bornons à donner une rapide
nomenclature des localités ou des régions où sont exercées
les industries (V. les articles de la Grande Encyclopédie
relatifs à ces industries). Les usines métallurgiques sont
PRODUCTION DE LA HOUILLE, DU FER, DE L'ACIER, ET MACHINES A VAPEUR EN 1891
(D'après la Statistique de L'industrie minérale)
DEPARTEMENTS
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Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-)
Alpes (Hautes-)
Alpes-Maritimes. . .
Ardèche
Ardennes
Ariège
Aube
Aude
Aveyron
Belfort
Bouches-du-Rhône
Calvados
Cantal
Charente
Charente-Inférieure
Cher ,
Corrèze
Corse
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir,,
Finistère
Gard
Garonne (Haute-) . .
Gers
Gironde
Hérault
Ille-et-Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-)
A reporter.
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978
38
7
»
55
1.007
»
434
»
72
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16
201
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249
193
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210
27
29
13
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10
»
12
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0,1
2,1
4,7
16,6
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6,2
6,0
21,1
5,8
0,6
3,8
4,4
6,2
1,1
0,2
4,5
2,3
1,8
5,9
3,0
13,0
3,5
4,1
13,3
5,2
11
10,2
8,8
54
3,6
4,4
7,7
3,7
6,0
2,7
48,8
1,9
DEPARTEMENTS
284,7
Report
Loire-Inférieure
Loiret
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meurthe-et-Moselle.
Meuse
Morbihan
Nièvre
Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-)
Pyrénées (Hautes-)
Pyr.-Orientales
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-). . .
Seine
Seine-Inférieure. . .
Seine-et-Marne —
Seine-et-Oise
Sèvres (Deux-) —
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne . .
Var
Vaucluse
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-).. .
Vosges
Yonne
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Totaux.
12
38
60
133
8.621
245
200
1.781
12
18
»
19
»
545
14
66
1.079
209
77
26.026
230
14
66
»
45
10
»
11
324
12
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1.897
79
224
20
22
»
76
8
10
19
105
19
»
57
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284,7
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7,3
0,7
1,2
0,3
7,2
3,6
11,6
7,5
2,6
37,1
4,2
3,7
7,2
121,3
18,9
5,0
59,4
4,8
1,1
ÎIÏ
25,4
6,8
40,2
3,7
0,8
1,3
83,6
40,1
16,2
13,9
3,3
16,6
3,5
1,3
4,2
3,6
4,5
4,2
2,4
29,7
5,5
916,1
établies dans le voisinage des houillères, des minières de fer,
des ports, des grandes villes : Le Creusot, les environs de
Paris et de Lille, Rouen, Le Havre, Lyon, Marseille,
Nantes. C'est ainsi que des fabriques de machines agricoles
se trouvent à Liancourt, à Meaux, à Bourges; des fabriques
de machines de filature et de tissage à Paris, Rouen,
FRANCE
— 4018 —
Saint-Quentin, Lille, Lyon* Les produits chimiques
sont soumis à des influences du même genre : Paris, Lille,
Ghauny, Varangéville, Marseille, A lais peuvent être
cités comme exemples, ainsi que la fabrication du savon qui
a lieu à Marseille, à Nantes, au Havre, à Paris et dans
les environs. Parmi les industries de l'alimentation, nous
mentionnons la meunerie pratiquée en grand à Corbeil,
Gray, Marseille, etc., h boulangerie et h pâtisserie,
qui sont en général de petites industries pratiquées partout
où il y a une clientèle ; h charcuterie est exercée dans toutes
les grandes villes et dans les lieux renommés pour certaines
spécialités, la fabrication des conserves à Paris, Nantes,
Bordeaux, Marseille, etc., la fabrication du fromage,
industrie toute agricole qui est exercée dans les contrées où
le lait est abondant : Camembert, Livarot, Pont-VEoêque,
en Normandie, Marolles dans le Nord; la Brie, Sept-
moncel dans le Jura ; Sassenage dans le Dauphiné ;
Pioquefort dans les Gausses ; la fabrication du sucre qui,
étant inséparable de la culture de la betterave, appartient à
la région du Nord (Nord, Aisne, Somme, etc.). Dans la
catégorie des industries textiles, la filature et le tissage
du coton forment, outre Paris, comptoir principal de la
vente des tissus, six groupes : celui de l'Est, avec Belfort,
Senones, Saint-Bié, Nancy, Epinal et les vallées des
Vosges, dont les torrents fournissent une eau pure et une
force motrice, et plus à l'O., Troyes ; celui du Nord
avec Saint-Quentin, Lille, Boubaix, Tourcoing, Bun-
ker que; celui de Normandie avec Bouen et sa banlieue,
Evreux, Falaise, Fiers ; celui de Cholet en Vendée ; celui
du Lyonnais avec Tarare et la campagne de Vichy ; celui
de Toulouse, peu important. L'industrie du chanvre et du
lin comprend les groupes de Flandre (Lille, Armentières,
Valenciennes, Bunker que, etc.), de Picardie et Artois
(Amiens, Boulogne, Abbeville, Saint-Quentin, etc.), de
Maine et Normandie (Le Mans, Laval, Fresnay, A lençon,
Lisieux, Vimoutiers, Vire, Bernay), à' Anjou (Angers,
Cholet), de Bretagne (Bennes, Nantes, Landerneau), et
les tissages, très peu importants, des Vosges, du Béarn, de
Voir on. Les principaux groupes de l'industrie de la laine
sont : Normandie (Elbeuf, Louviers en décadence, Li-
sieux) ; Ar demies (Sedan, Beims) ; Est (Nancy, Epinal) ;
Isère (Vienne) ; Languedoc (Lodève, Bédarieux, Car-
cassonne, Mazamet) ; Centre {Limoges, Châteauroux,
Bomorantin, Orléans). L'industrie de la soie est groupée
autour de Lyon, dans les dép. du Bhône, de V Isère,
de VArdèche; autour de Saint-Etienne (Saint-Cha-
mond, etc.) ; à Boubaix qui fait des tissus mélangés. Nous
sortirions du cadre de cet article en insistant sur le carac-
tère industriel de ces localités.
Beaucoup d'industries de luxe, comme la parfumerie, la
bijouterie, les modes, le vêtement et le meuble et d'indus-
tries relatives aux besoins intellectuels, comme l'imprime-
rie et la gravure, ont leur foyer principal à Paris. Il y a
aussi des industries localisées en certains lieux : le tulle à
Calais, la dentelle au Puy, etc., la broderie (en déca-
dence) à Nancy, la bonneterie à Troyes, Vhorlogerie à
Besançon, la porcelaine à Limoges, les glaces à Saint-
Gobain, Aniche, Montluçon, la cristallerie à Baccarat,
la papeterie à Angoulême, Annonay, le Marais, Vi-
zille, etc. L'établissement de toutes ces industries au lieu
où elles sont a toujours une raison historique, topographi^ue
ou économique. La production totale, dont il est impossible
d'évaluer le montant, parce que la statistique ne fournit pas
les éléments de ce calcul et parce que les produits de beau-
coup d'industries servent dans d'autres industries de ma-
tière première ou de moyen de fabrication, est inégalement
répartie sur le territoire français. Une très grande activité
industrielle règne dans toute la région du Nord et du
Nord-Ouest {Nord, 113,000 chevaux-vapeur en 1889;
Pas-de-Calais, 55,000 ch.-v.; Somme, 15,000 ch.-v. ;
Oise, 18,000 ch.-v. ; Seine-Inférieure, 38,000 ch.-v. ;
Eure, 12,000 ch.-v. ; Seine-et-Oise, 14,000 ch.-v. ;
Seine-et-Marne, 12,000 ch.-v. ; Seine, 63,000 ch.-v. ;
Aisne, 14,000 ch.-v. ; Ardennes, 16,000 ch.-v. ; Marne,
10,000 ch.-v.), y compris Paris, région dans laquelle la
plupart des industries, principalement les industries métal-
lurgiques et textiles, sont exercées et qui, sur un total de
804,000 ch.-v. employés dans l'industrie en 1889, en pos-
sédait 722,000; une grande activité dans le Nord-Est
(Meurthe-et-Moselle, 33,000 ch.-v.; Vosges, 20,000 ch.-v.),
région beaucoup plus limitée où sont principalement exercées
les industries du fer et du coton; une grande activité dans
la région du Bhône (Saône-et-Loire, 34,000 ch.-v.;
Bhône, 23,000 ch.-v. ; Loire, 38,000 ch.-v. ; Isère, Ain,
Ardèche, Gard, 12,000 ch.-v. ; Bouches-du-Bhône,
19,000 ch.-v.), que bordent les houillères du Creusot, de
la Loire et d'Alais, et où se trouvent les villes de Lyon et
de Marseille ; une activité bien moins variée dans le Berri
et Nivernais où Ton fait du fer et des poteries ; une certaine
industrie très peu développée dans la région du Sud-Ouest;
une industrie presque nulle (à l'exception des industries
domestiques) dans le Massif central, dans les montagnes des
Alpes et des Pyrénées, dans les plaines du Centre et en Corse.
Voies de communication. — 1° Les routes natio-
nales, entretenues aux frais de l'Etat, avaient, au 1er janv.
1892, une longueur totale de 38,057 kil. Quoique ces
routes soient celles auxquelles les chemins de fer fassent
le plus directement concurrence et que beaucoup de grandes
routes soient moins fréquentées qu'autrefois, la circulation
totale n'a pas en somme diminué ; elle était en moyenne
de 169 colliers en 1876,de 178 en 1882, de 193 en 1888.
— 2° Les routes départementales, entretenues aux frais
des départements avaient, en 1889, une longueur de
29,900 kil. — 3° Les chemins vicinaux, entretenus par
les communes, se subdivisent en chemins de grande com-
munication (125,000 kil.), presque tous bien entretenus,
en chemins d'intérêt commun (84,000 kil.), empierrés en
majeure partie, et en chemins vicinaux ordinaires (393,000
kil.), dont un tiers environ est à l'état de sol naturel. —
4° Les chemins ruraux, servant aux exploitations rurales,
sont rarement à l'état d'entretien. Les tramways installés
dans les rues des villes ou sur les routes constituent un
genre particulier de moyens de communication ; ils avaient,
en 1890, une longueur de 1,076 kil., dont 268 à Paris et
dans sa banlieue.
Les fleuves et rivières sont des voies de communication
créées par la nature et qui ont été en France, comme dans
beaucoup d'autres pays, les premières grandes routes du
commerce. Il y a 2,920 kil. de kil. flottables, dont un
tiers à peine est utilisé (891 kil. en 1890). Il y a 8,948 kil.
navigables, dont 6,670 ont été utilisés en 1890. En réa-
lité, la navigation n'est importante que sur la Seine,
V Yonne, Y Aisne et la Marne (bassin de la Seine), sur la
Saône et le Bhône, sur la Moselle, sur la Loire moyenne
et basse et la Sarthe, sur la Garonne depuis Castets, sur
la Charente. Les canaux, dont la longueur était de 5,201
kil. en 1891 (y compris les rivières canalisées) sont plus
généralement utilisés. — Il n'y a que le bassin de la Seine
qui soit muni d'un système complet de canaux et mis ainsi
en communication avec tous les bassins limitrophes du sien.
Dans l'intérieur de ce bassin sont le canal de l-Ourcq
(108 kil.), qui longe la Marne et aboutit dans la Seine à
Paris par le canal Saint-Martin (5 kil.), et à Saint-Denis
par le canal Saint-Benis (7 kil.); le canal de F Oise à
V Aisne (48 kil.), et, à sa suite, le canal plus ancien de
l'Aisne à la Marne (58 kil.), qui dessert Reims ; le canal
latéral a l'Oise (29 kil.), qui fait suite à Y Oise cana-
lisée (108 kil.); le canal de la Haute-Seine (44 kil.); le
canal latéral à la Marne et le canal de la Haute-
Marne (140 kil. pour les deux) et plusieurs autres petits
canaux qui facilitent la navigation de la Marne ; le canal
latéral à T Aisne (51 kil.). En communication avec d'autres
bassins, le bassin de la Seine possède le canal de Saint-
Quentin (96 kil.), de l'Oise à Cambrai, qui met le bassin
de la Seine en communication avec l'Escaut et avec le
réseau des canaux de la Flandre et est, ainsi que l'Oise,
— 1049 —
FRANCE
une des voies d'eau les plus utilisées pour le transport
des houilles, matériaux, etc., destinés en grande partie
à Paris; le canal de la Sambre à VOise (72 kil.), de
l'Oise à la Sambre (à Landrecies), qui sert aussi au trans-
port de la houille; le canal des Ardennes (188 kil.), de
l'Aisne (Vieux-Asfeld) à la Meuse (Pont-à-Bar) ; le canal
de la Marne au Rhin (320 kil., dont 210 sont en France),
et qui s'étend de la Marne (Vitry-le-François) au Rhin
(Strasbourg) en traversant la Meuse et la Moselle, reliées
ainsi à la Seine; le canal de Bourgogne (242 kil.), de
l'Yonne (Laroche) à la Saône (Saint-Jean-de-Losne) ; le
canal du Nivernais (174 kil.), de l'Yonne (Auxerre) à
la Loire (Decize); le canal du Loing (oO kil.), de la Seine
(Saint-Mammès) à Buges sur le Loing où ce canal se dédouble
en canal deBriare (59 kil.), aboutissant à Briare sur la
Loire et en canal d'Orléans (74 kil.), aboutissant àCom-
bleux sur la Loire. Ces canaux forment comme autant de
rayons du grand arc de cercle dont Paris est le centre géo-
métrique et le centre commercial. — Le bassin de l'Escaut,
dans la plaine de Flandre (comme aussi en Belgique) est
sillonné de canaux qui ont été d'une construction facile
dans un pays sans relief, et qui mettent presque toutes les
villes importantes en communication les unes avec les autres.
— Le canal de l'Est, construit depuis 1870, est formé
presque entièrement dans sa partie septentrionale (272
kil.) par la Meuse canalisée ; dans sa partie centrale (22
kil.), il emprunte le canal de la Marne au Rhin; par sa
partie méridionale (18 S kil.) il rejoint la Saône (Port-sur-
Saône). — La Saône est navigable depuis Port-sur-Saône ;
le Rhône l'est en amont (158 kil.) de Lyon. Le bassin
du Rhône possède dans sa partie septentrionale un sys-
tème de canaux disposés en éventail qui le relient aux bas -
sins limitrophes : le canal du Rhône au Rhin (363 kil.,
dont 190 en France), de la Saône (Saint-Symphorien)
au Rhin (Strasbourg) par la Trouée de Belfort ; le canal
de l'Est, qui conduit à la Moselle et à la Meuse ; le canal
de Bourgogne qui conduit à la Seine; le canal du
Centre (116 kil.), de la Saône (Chalon-sur-Saône) à la
Loire (Digoin) par une dépression des monts du Charollais
(étang de Longpendu). Le canal de Givors (20 kil.), le
canal d* Arles à Bouc (47 kil.) et le canal Saint-Louis
(3 kil.) sont à l'intérieur du bassin. Le canal du Rhône
à Cette (98 kil.) part du Bas-Rhône (Beaucaire) et se pro-
longe jusqu'à Cette sur la Méditerranée. — Le bassin
de la Garonne, moins bien doté que les deux précé-
dents, possède cependant un des canaux les plus anciens
de France et un des plus importants autrefois, le canal
du Midi (242 kil.), qui s'étend de Cette à la Garonne
(Toulouse) en passant par le seuil de Naurouse. De Tou-
louse à Castets la navigation est facilitée par le canal la-
téral 'à la Garonne. En Aunis, Saintonge et Vendée, il y
a quelques canaux côtiers. — La navigation de la Loire est
facilitée par le canal de Roanne à Digoin (56 kil.) et le
canal latérat à la Loire (206 kil. avec les embranche-
ments), de Digoin à Briare. Dans l'intérieur du bassin, le
canal du Berri (261 kil. avec les embranchements) part
de la Loire (Marseille-lès-Aubigny) et se ramifie dans le
bassin du Cher. La Loire communique avec le bassin du
Rhône par le canal du Centre, avec le bassin de la Seine
par les canaux du Nivernais, de Briare et d'Orléans,
avec les cours d'eau de la Bretagne méridionale par le
canal de Nantes à Brest (360 kil.), qui a été construit
en vue d'une guerre maritime plus que pour les besoins du
commerce. Ce canal traverse à Redon la Vilaine, qui com-
munique elle-même parlecawa/ d'Ule-et-Rance (85 kil.)
avec le golfe de Saint-Malo (V. l'art. Canal pour le trafic
des canaux). — En 1891, 25,181,000 tonnes de marchan-
dises, matériaux de construction, combustibles minéraux,
métaux, bois, engrais, etc., ont été embarquées sur les
voies navigables de France. Un recensement de la batel-
lerie fait en 1891 par le service de la navigation inté-
rieure a donné les résultats suivants : 15,925 bateaux
ordinaires jaugeant en tout 2,996,000 tonneaux et montés
par 40,460 personnes; 691 bateaux à vapeur (dont 40 ba-
teaux étrangers), jaugeant 43,858 tonneaux et ayant une
force motrice de 63,913 chevaux -vapeur (la statistique de
l'industrie minérale ne concorde qu'imparfaitement avec ces
chiffres, elle donne pour 1891, 595 bateaux, 51,062 tonnes
et 53,298 chevaux- vapeur).
Chemin de fer (V. pour l'histoire et la construction l'art.
Chemin de fer). — Six grandes compagnies et l'Etat se
partagent à peu près tous les chemins de fer de la France.
Les deux tableaux ci-après font connaître le progrès des
voies ferrées et la répartition actuelle par compagnie. La
longueur des chemins de fer exploités en 1892 était de
37,954 kil. Le nombre des locomotives qui était de 8,400
en 1883, s'élevait en 1891 à 10,226 ayant une puissance de
3,738,000 chevaux.
CHEMINS DE FER PAR RÉSEAU
DESIGNATION
des
RÉSEAUX
Ouest.
Nord..
Est..
Paris-Lyon-Méditerranée.
Orléans
Midi
Etat. .
Compagnies diverses (y compris les
chemins de ceinture et les chemins
non concédés)
Chemins industriels et d'intérêt local..
Totaux.
NOMBRE
DE KILOMÈTRES EXPLOITÉS
au 31 décembre (1)
1860
1.212
1.007
1.842
2.307
1.924
895
252
79
9.518
1870
2.298
1.581
2.876
4.366
3.895
1.870
580
456
17.922
1890
4.769
3.553
4.224
8.310
6.064
2.970
2.528
1.132
3.345
36.895
(1) Non compris les parcours communs.
1892
au 31 mars
4.924
3.553
4.288
8.491
6.350
3.029
2.535
1.275
3.509
Ce*
OlCO
w a°°
«.:
^^
millions
de fr.
1.929
1.479
1.836
4.208
2.254
1.348
693
304
37.954 14.051
1889
NOMBRE
pendant Tannée
de
millions
d'unités
65
33
38
40
23
12
25
244
millions
de tonnes
7,3
22,2
12,0
20,9
8,2
5,1
2,7
7,7
86,1
H S
2 a
O U
> a
millions
d' u n i t é s
1.510
1.378
1.110
2.165
1.307
613
373
172
1.628
millions
de tonnes
913
2.255
1.452
3.802
1.473
708
301
148
11.052
La disposition générale des lignes en France rappelle celle
de rayons et de cercles concentriques dont le centre serait à
Paris. Presque toutes les villes de quelque importance corn
muniquent aujourd'hui par chemin de fer. Le réseau est très
FRANCE
— 1020 —
NOMBRE TOTAL DE KILOMÈTRES EXPLOITÉS ET RÉSULTATS DE L'EXPLOITATION A DIVERSES ÉPOQUES
NOMBRE TOTAL
DE CHEMINS DE FER
d'intérêt général
en exploitation au
31 décembre
(non compris, par
conséquent, les chemins
industriels et les
chemins d'intérêt local)
années
1828.,
1830.
1835.
1840.
1845.
1847.
1850.
1851.
1855.,
1860.
1865.,
1870.
1875.
1880.
1885.
1889.
1890.
1891.
kilomètres
23
38
149
435
883
1.832
3.010
3.554
5.535
9.439
13.562
17.440
15.164
19.746
23.738
30.491
33.201
33.550
34.437
36,5
43,1
-32,8
32,7
53,1
45,6
43,7
40,8
44,6
44,8
34,8
34,8
34,2
34,7
milliers d'unités
17,7
20,7
15,3
14,6
22,2
20,5
20,3
20,1
22,7
22,3
19,1
17,9
17,9
18,6
18,8
22,4
17,4
18,0
30,9
25,1
23,5
20,7
21,8
22.5
15,7
16,9
16,3
16,0
NOMBRE DE
o
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p
S
w
o
o
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M
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S
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3
«ti
fi
millions d'unités
247
426
739
814
1.822
2.521
3.226
4.272
4.787
5.863
7.025
8.628
7.943
8.286
97
217
314
362
1.517
3.119
5.172
5.057
8.136
10.350
9.791
11.052
11.759
12.294
RECETTES MOYENNES
kilométriques
6,7
1°
6,4
6,5
5,9
5,6
5,6
4,9
5.21
5,04
4,62
4,40
4,40
4,35
11,6
10,6
9,9
9,8
7,6
6,9
6,1
6,1
6,1
5,9
5,9
5,55
5,46
5,36
serré dans toute la moitié septentrionale du territoire ; il
l'est très peu dans le Massif central et dans les Alpes ; on
peut dire d'une manière générale que, malgré certaines
théories et certains efforts faits pour obtenir un résultat
différent, le réseau est à peu près proportionnel à la richesse
des contrées. Le réseau de cinq des grandes compagnies
forme en quelque sorte un des secteurs du territoire fran-
çais dont Paris est le centre. —Le réseau de l'Ouest com-
prend cinq grandes lignes et un grand nombre de lignes
secondaires : Paris-Rouen-Le Havre par la vallée de la Seine
jusqu'à Rouen et par le plateau de Caux de Rouen au Havre ;
Par is-Dieppe (139 kil.) par Gisors; Paris-Cherbourg
(371 kil.) qui se détache de la ligne de Paris-Rouen à
Mantes et traverse par Evreux et Caen toute la Normandie ;
Paris-Granville (328 kil.) par Versailles et la Norman-
die méridionale ; Paris-Brest (610 kil.), ou ligne de Bre-
tagne, qui se détache de la précédente à Saint-Cyr, traverse
par Chartres, Le Mans, Laval, Rennes, Saint-Brieuc, le
Maine et la Bretagne septentrionale. La plupart des lignes
secondaires relient quelques-uns de ces grands rayons
en dessinant des arcs de cercle. — Le réseau du Nord com-
prend six grandes lignes et un certain nombre de lignes
secondaires : Paris-Lille et Valenciennes (266 kil. jus-
qu'à Mouscron sur la frontière belge) par Amiens et Arras
et se prolonge en Belgique ; Paris-bunker que (305 kil.
depuis Paris) qui se détache de la précédente à Arras et se
prolonge aussi en Belgique; Paris-Calais (297 kil. de Paris)
par Boulogne, qui-se détache de la première à Amiens; Paris-
Tréport (183 kil). par Beauvais, ligne d'un très petit tra-
fic ; Paris- Saint-Quentin (238 kil. jusqu'à la frontière), qui
s'embranche à Creil sur la ligne de Lille et se prolonge au
delà de Saint-Quentin jusqu'à la frontière (Erquelines) et en
Belgique; Paris-Laon (206 kil. jusqu'à la frontière) qui
s'embranche près de Paris sur la ligne de Lille et se prolonge
par delà Laon jusqu'en Belgique. Ces lignes s'étalent en éven-
tail de Paris vers la mer et la frontière belge. Des lignes
transversales, formant des arcs de cercle, relient ces grandes
lignes. — Le réseau de Y Est comprend cinq lignes : Paris-
Nancy et Strasbourg (410 kil. jusqu'à la frontière) le
long de la Marne par Châlons, puis le long du canal par
Nancy et par le passage de Saverne dans les Vosges;
Paris-Belfort et Mulhouse (456 kil. jusqu'à la frontière) ,
par la vallée de la Seine, par Troyes, puis par Chaumont,
Vesoul, franchissant la frontière par la trouée de Belfort;
Paris-Mézières (324 kil. de Paris à la frontière, Givet) qui
se détache à Epernay de la ligne Paris-Strasbourg, des-
sert Reims et envoie plusieurs embranchements vers le
Nord. Ces lignes ont à peu près la direction de rayons ; celle
de Mé'Zières-Pagny et Frouard (196 kil.), ou ligne fron-
tière, se relie au réseau du Nord à Hirson et se prolonge au S.
jusqu'à Lure par Nancy et à l'O. dans le réseau du Nord
jusqu'à la mer. Les autres lignes sont en forme d'arcs concen-
triques, principalement celle de Laon-Chaumont qui peut
être considérée comme une des cinq grandes lignes de l'Est,
et qui à l'O., se prolonge par Amiens jusqu'au Havre, dans
le réseau du Nord et dans celui de l'Ouest. — Le réseau de
Paris-Lyon-Méditerranée comprend six grandes lignes ou
groupes : Paris-Lyon-Marseille (863 kil.), qui suit les
vallées de la Seine, de l'Yères, de la Seine depuis Melun,
de l'Yonne, de l'Armançon, traverse la ligne de faîte par
le tunnel de Blaisy-Bas, dessert Dijon, descend la Saône
par Mâcon jusqu'à Lyon ; de Lyon la ligne suit la rive
gauche du Rhône par Valence et Avignon jusqu'à Arles ;
de là gagne Marseille, puis longe la côte de la Méditerranée
par Nice jusqu'en Italie (249 kil. de Marseille à la fron-
tière) ; Lyon-Nîmes (280 kil.) ou ligne du Rhône, rive
droite, suit cette rive parallèlement à la première ligne ;
Dijon-Pontarlier (140 kil.) , la principale des lignes de
Franche-Comté, pénètre en Suisse au delà de Pontarlier ;
d'autres lignes de ce groupe relient la ligne Paris-Belfort
(433 kil. et 465 jusqu'à la frontière) à la ligne Paris-Lyon;
Paris-Genève (626 kil. dont 186 depuis Mâcon jusqu'à la
frontière) se détache de la première à Mâcon (une autre
branche part de Lyon), passe dans une étroite vallée du Jura
et longe le Rhône'; Paris-Turin (693 kil. jusqu'au tunnel)
se détache de la précédente à Ambérieu, passe à Ghambéry,
remonte la vallée de la Maurienne et franchit la crête des
Alpes par le tunnel de Modane à Bardonnèche pour péné-
trer en Italie; de nombreux embranchements desservent les
principales localités de la région du Jura et de celle des Alpes;
Paris-Nîmes (724 kil.), la principale des lignes du Bour-
bonnais, de V Auvergne et des Cévennes, se détache de
la ligne Paris-Lyon à Moret, suit la Loire et l'Allier par
Nevers, Moulins, Saint-Germain-des-Fossés , traverse
par Clermont-Ferrand tout le Massif central, descend
dans la plaine du Bas-Languedoc à Nîmes et de là à Mont-
pellier et à Cette ; à Saint-Germain-des-Fossés se détache
une ligne qui, par Roanne, gagne Lyon et dont une branche
— 4021 —
FRANCE
dessert Saint-Etienne ; Montmélian-Marseille (366 kil.)
qui relie la ligne de Paris-Turin à la Méditerranée en tra-
versant toutes les Alpes de la Savoie et du Dauphiné. Le
réseau de Paris-Lyon-Méditerranée, le plus long des six,
possède un grand nombre de lignes transversales entre ces
lignes principales. — Le réseau d'Orléans comprend trois
grandes lignes : Paris-Bordeaux (585 kil.) par Orléans,
la rive gauche de la Loire, Blois et Tours, traverse le Poi-
tou en desservant Poitiers, franchit le seuil du Poitou,
dessert Angouième et traverse la Garonne pour aboutir à
Bordeaux; Paris- Agen (564 kil. depuis Pans) ou ligne
du Centre se détache de la précédente à Orléans, dessert
Châteauroux, Limoges et Périgueux ; une seconde branche
(334 kil.) partant de Nexon aboutit à Toulouse et des em-
branchements desservent Guéret, Tulle, Aurillac, Rodez,
Cahors; Paris-Nantes-Brest (765 kil.), ou ligne de Bre-
tagne, se détache de la première à Tours suit à peu près la
Loire, dessert Angers et Nantes, envoie un embranchement
à Saint-Nazaire et longe toute la Bretagne méridionale par
Yannes et Quimper. De nombreuses lignes traversant la
DÉPENSES D'ÉTABLISSEMENT PAR RÉSEAU DES CHEMINS DE FER D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
AU 34 DÉCEMBRE 4890
DESIGNATION
des
RÉSEAUX
Chemins concédés :
Ouest
Nord
Est
Paris-Lyon-Méditerranée.
Orléans
Midi
Lignes secondaires
Chemins non concédés
Etat
Lignes secondaires
Totaux
LONGUEURS
exploitées
au
31 déc. 1890
2.528
309
33.550
DEPENSES
(en millions de francs)
faites par :
«2 *P
kilom.
fr.
4.769
630,2
3.553
77,9
4.224
558,8
8.310
840,9
6.064
876,6
2.970
404,2
823
22,1
51,9
72,8
3.535,4
fr.
1.375
1.329
1.248
3.482
1.368
933
225
529
10.489
fr.
39,0
18,0
15,8
28,6
16,0
1,2
6,9
118,4
2,2
246,0
fr.
2.044
1.425
1.822
4.352
2.261
1.338
254
699
75
14.270
DEPENSES
par kilomètre
(en millions de francs)
fr.
140,3
27,0
130,0
103,0
147,2
136,5
35,9
67,3
254,0
112,8
313,0
DEPENSES
totales
fr.
fr.
288,2
428,5
374,9
401,9
282,2:
412,2
415,6
518,6
225,7
372,9
314,0,
450,5
279,5!
315,4
209,4
276,7
»
254,0
425,8
France de PO. à TE. relient entre eux les grands rayons
des réseaux de Paris-Lyon-Méditerranée et d'Orléans. —Le
réseau de VEtat ne possède qu'un rayon partant de Paris
et empruntant jusqu'à Chartres la voie de l'Ouest ; c'est la
ligne Paris-Chartres-Saumur-Bordeaux (620 kil.) ; ce
réseau s'étend sur le triangle formé par les deux lignes du
réseau d'Orléans-Tours-Bordeaux et Tours-Saint-Nazaire
et dessert La Roche-sur-Yon, Niort, La Rochelle.— Le réseau
du Midi est le seul dont la tête de ligne ne soit pas à Paris
et qui se trouve, par suite, en dehors du système des rayons
des secteurs ; il s'étend entre les Pyrénées et la Garonne et
ne déborde au N. que par une ligne du Massif central. Il
comprend quatre grandes lignes: Bordeaux-Cette (476 kil.)
qui suit la vallée de la Garonne, desservant Montauban et
Toulouse, franchit le seuil de Naurouse et aboutit par
Carcassonne à Cette ; Bordeaux-Baronne (236 kil.) tra-
verse les Landes et pénètre au delà de la Bidassoa en
Espagne; Bayonne-Toulouse (319 kil.) passant au pied
des Pyrénées par Pau et Tarbes ; Nar 'bonne-Perpignan
(64 kil. et 405 jusqu'à la frontière), se détachant à Nar-
bonne de la ligne Bordeaux-Cette et pénétrant en Espagne
par delà Port-Vendres. La ligne Bordeaux-Cette se relie
sur plusieurs points au réseau d'Orléans et envoie des em-
branchements sur Albi et Mende.
Les lignes dont le produit net kilométrique a été supé-
rieur à 20,000 fr. en 1890 sont : dans le réseau de l'Ouest,
Paris-Havre (81,800 fr.) et Rouen-Dieppe (46,900 fr.),
Paris-Rennes (39,400 fr.) ; dans le réseau du Nord, Pa-
ris-Lille et Valenciennes (75,400 fr.), Amiens-Boulogne
(45,000 fr.), Arras-Hazebrouck (58,000 fr.), Lille-Dun-
kerque et Calais (42,000 fr.), Paris-Saint-Quentin jusqu'à
la frontière (83,800 fr.), Paris-Soissons (49,500 fr.),
Soissons et Laon-Reims (26,400 fr.), Paris-Strasbourg
(31,100 fr.), Hirson-Frouard (27,600 fr. à 52,800 fr.),
Gretz-Vitry-le-François (28,400 fr.), Paris -Belfort
(23,500 fr.); dans le réseau de Paris-Lyon-Méditerranée
Paris-Lyon-Marseille, la plus productive des lignes de
France (131,200 fr. en 1890), Chalon-Dole (29,100 fr.),
Mâcon et Lyon-Genève (37,300 fr. ), Marseille-Nice
(23,600 fr.) , Rhône rive droite (env. 30,000 fr.), Le
Teil-Alais (27,300 fr.), Tarascon-Cette et Nîmes-Alais
(56,700 fr.), Moret-Saint-Germain-des-Fossés (30,800 fr.),
Saint-Germain-des-Fossés-Lyon par Saint-Etienne (env.
50,000 fr.),Saint-Germain-des-Fossés-Brioude (23,300 f.),
dans le réseau d'Orléans, Paris-Bordeaux (65,900 fr.),
Orléans-Limoges et Périgueux-Coutras (21,300 fr. );
Vierzon-Saincaize (36,600 fr.); dans le réseau du Midi,
Bordeaux- Cette (47,100 fr.) et Narbonne- Perpignan
DÉPENSES D'ÉTABLISSEMENT DES CHEMINS DE FER D'INTÉRÊT
GÉNÉRAL ET D'INTÉRÊT LOCAL AU 31 DÉC. 1890
DESIGNATION
Longueur exploitée en kilo-
mètres
Total
Dépenses des compagnies.. .
Dépenses de FEtat
Divers
Dépense totale
Dépense d'établissement par
kilomètre
CHEMINS DE FER
fl PS
425,8
c o
33.511
3.122
fr.
1.568,5
11.532,1
fr.
62,9
121,8
13.100,6
184,7
10.489
3.535
246
266,4
18,0
66,2
14.270
350,6
112,3
36.663
fr.
1.631,4
11.653,9
13.285,3
10.755,4
3.553,0
312,2
14.620,i
399,1
(30,100' fr.). Dans tous les réseaux il y a des lignes qui
ne font pas leurs frais d'exploitation. Le tableau ci-dessus
indique par réseau la rece te kilométrique en 1890 et les
dépenses d'établissement des chemins de fer.
FRANCE
— ion
Marine marchande et navigation maritime. — Le
nombre et le tonnage des navires marchands n'a pas aug-
menté depuis un quart de siècle. Mais il s'est produit deux
changements importants : le nombre et le tonnage des gros
navires (800 tonneaux et plus) a quintuplé, et le tonnage des
navires à vapeur (catégorie dont les chiffres correspondent
le plus souvent avec celle des gros bâtiments) a augmenté
presque dans la même proportion. Depuis l'année 1877, le
tonnage des navires à vapeur a dépassé celui des navires à
voiles qui diminue d'année en année et, comme un navire
à vapeur est réputé rendre, à tonnage de registre égal, trois
fois plus de services qu'un voilier (V. Europe), l'outillage
des transports maritimes en France est aujourd'hui plus
puissant qu'il n'était auparavant ; mais il n'a pas augmenté
autant que celui de plusieurs Etats voisins de la France.
Il ne s'agit pas ici du tonneau de fret dont la valeur varie
suivant les marchandises, mais du tonneau de jauge qui repré-
sente un volume de 2,83 m. c. Le tonnage indiqué dans les
tableaux suivants est le tonnage net officiel, lequel pour les
bateaux à vapeur représente à peine la moitié du tonnage brut.
Malgré la concurrence des chemins de fer, le cabotage
n'a pas diminué. En 1862, le tonnage des navires chargés
était de3,200,000 tonneaux; en!89Î,il était de 5,127,000
et les cargaisons étaient de 2,543,000 tonnes (V. Cabotage).
EFFECTIF DE LA MARINE MARCHANDE
(Bâtiments de tout tonnage, non compris les bateaux de
la pêche côtière)
1840
1845
1850
1855
1860
1865
1870
1875
1880
1885
1890
1891
15.600
13.825
14.354
14.248
14.922
15.259
15.386
15.441
15.058
15.266
15.111
15.047
662.500
611.492
688.130
872.156
996.124
1.008.084
1.072.241
1.028.228
919.298
1.000.215
944.013
948.007
SUR LE TOTAL DES NAVIRES
NAVIRES
de 800 tonneaux
et plus
a
o
4
29
35
110
149
256
251
273
o
2.984
23.833
34.145
69.524
106.995
149.763
203.!
401.!
425.158
454.005
NAVIRES
à vapeur
1
103
126
225
314
385
457
537
652
937
1.110
1.157
9.535
9.390
13.925
45.493
68.025
108.328
151.413
205.420
277.759
492.400
499.921
521.872
MOUVEMENT DE LA NAVIGATION AVEC L'ÉTRANGER, LES COLONIES ET LA GRANDE PÊCHE
NAVIRES
de tout pavillon,
français
et étrangers
1840
1845
1850
1855
1860
1865
1870
1775
1880
1885
1890
1891
NAVIRES CHARGÉS ET SUR LEST
«5
02
Si
0> h &
§xSg
Xi >
^^ S
a g
a £ O
o ^
H3
36.237
3.737
40.429
4.661
40.849
4.610
49.849
7.091
55.720
8.456
66.171
10.510
70.215
13.607
71.089
16.717
79.189
25.032
63.870
26.019
61.977
28.966
65.233
31.602
NAVIRES
français
tn
(O
<u °
u -Î3
03^ «
Xi >
a g
ti
15.513
1.416
16.080
1.673
18.420
1.891
20.599
2.698
23.. 774
3.503
26.925
4.178
21.359
4.289
24.837
5.456
22.696
7.522
13.337
9.218
18.190
9.254
19.3?9
9.703
NAVIRES CHARGES
TONNAGE FRANÇAIS
(en milliers de tonnes)
383
540
433
628
711
805
991
1.467
1.945
2.700
3.111
3.201
1 s
+? CD
.§>« g
> o
as a
£ o
o
828
858
1.192
1.554
2.294
2.826
2.769
3.416
4.797
5.713
5.500
5.848
1.211
1.398
1.625
2.182
3.005
3.631
3.760
4.883
6.742
8.416
8.611
9.049
1.685
2.174
2.110
3.152
3.851
4.949
6.814
8.587
12.383
12.499
14.648
16.086
2.896
3.572
3.735
5.334
6.856
8.580
10.574
13.470
19.125
20.912
23.259
25.135
PART PROPORTIONNELLE
dans le total général
sur 100 tonneaux
des pavillons
41,8
39,1
43,5
41,0
44,0
42,0
35,5
36,3
35,3
40,2
32,8
35,9
> Ti
58,2
60,9
56,5
9,0
47,5
48,0
46,5
44,8
39,8
39,0
10,0
8,5
10,0
18,0
18,9
24,9
20,8
67,2
64,1
Le tableau ci-dessus fait connaître le mouvement
navigation au long cours.
de la | Les ports qui occupaient les premiers rangs en 1891
I sont :
NAVIGATION AU LONG COURS
DESIGNATION
Marseille . . .
Le Havre...
Bordeaux.. .
Dunkerque..
Cette
Rouen
Calais
Boulogne . . .
Dieppe
Saint-Nazair<
Nantes
Caen
CABOTAGE
et
TONNAGE D]
NAVIGATION
(par milliers
au long cours
Entrée et sortie
A
l'entrée
reunies
Moyenne de
1857-1866
chargés
sur lest
Total
(Nombre de navires)
3.299
3.910,6
87,1
3.997,7
2.031
2.359,8
15,7
2.375,5
1.412
1.035,3
160,3
1.195,6
630
1.329,2
24,3
1.353,5
523
577,5
17,6
' 595,1
530
995,7
7,8
1.003,5
481
672,5
13,6
686,1
509
657,2
48,4
705,6
481
496,9
8,3
505,2
231
660,1
21,2
681,3
520
78,8
0,3
79,1
242
159,4
2,3
161,7
A LA SORTIE
chargés
3.536,1
1.441,1
956,6
487,4
522,3
435,7
482,7
622,6
247,3
172,7
70,7
31,9
sur lest
739,1
971,2
286,6
857,7
108,4
562,5
199,9
86,6
260,0
527,5
31,9
127,2
Total
4.275,2
2.412,3
1.243,2
1.345,1
630,7
998,2
682,6
709,2
507,3
700,2
102,6
159,1
GRAND ET PETIT CABOTAGE
(milliers de tonnes)
342,4
331,9
188,3
335,3
62,2
101,9
»
89,5
»
17,2
51,1
300,6
201,6
217,2
93,9
47,9
194,8
»
17,2
»
51,3
100,8
41,3
Total
643,0
533,5
405,5
429,2
110,1
296,7
»
106,7
»
68,5
151,9
50,2
4023 —
FRANCE
Les rangs, comme on le voit en comparant le total gé-
néral de 1891 avec la moyenne décennale de 1857-1866
ont peu changé, excepté pour Nantes.
Pour les services maritimes, V. Paquebots.
Postes et télégraphes. — Sans entrer dans le détail
du service des postes et télégraphes (V. ces mots),
nous donnons dans le tableau ci-dessous, d'après un rap-
port récent de M. Vannacque au directeur général des
postes et télégraphes, le mouvement de la circulation
comme un des indices de l'activité économique et intellec-
tuelle de la France à diverses époques.
Commerce.— Instruments d'échange et de crédit. La
ANNÉES
TOTAL
de la circulation postale,
lettres, journaux,
imprimés, etc.
(non compris la correspon-
dance en franchise)
TOTAL
des mandats français
et internationaux
(les mandats internatio-
naux qui ont été payés
sont seuls comptés)
T0 TAL
de la circulation
télégraphique
(y compris les télé-
grammes officiels
et de service)
TOTAL GÉNÉRAL
de la
circulation
1830
103.764.135
146.710.866
254.438.500
444.489.983
633.213.179
1.230.833.697
1.762.918.330
1.801.790.204
495.468
960.175
2.103.166
3.492.701
6.451.128
13.732.755
27.575.402
28.501.790
»
1.101
924.993
6.469.814
19.882.628
39.246.287
40.650.857
104.259.603
147.671.041
256.542.767
448.907.677
646.134.121
1,264.449.080
1.839.740.019
1.870.951.851
1840
1850....
1860
1870
1880
1890
1891
Banque de France (V. ce mot) a le privilège d'émettre
des billets de banque qui font fonction de monnaie et rem-
placent en partie le numéraire dans la circulation ; par ses
escomptes et avances elle est le plus grand établissement
de crédit qui existe en France. Quoiqu'elle soit loin, surtout
depuis une trentaine d'années, de concentrer dans ses opéra-
tions toutes les valeurs fiduciaires qui circulent dans le
pays, elle représente assez bien le mouvement commercial
pour qu'on puisse se faire une idée de ce mouvement par
la comparaison du montant des effets escomptés en 1890
dans les succursales et à Paris.
Il n'est pas possible de dresser une statistique de la
valeur totale du commerce intérieur, c.-à-d. de toutes
les ventes et achats qui se font dans le cours de l'année
entre personnes résidant en France. Ce commerce est
certainement beaucoup plus considérable que le revenu
des Français que nous avons évalué vaguement à 20 ou
25 milliards. Le commerce extérieur, au contraire, est
évalué en France, comme dans la plupart des pays civilisés,
à l'aide des constatations de la douane, et la statistique du
commerce extérieur est publiée régulièrement chaque année
depuis 1827 (V. Douane). Avant 1789, le commerce exté-
rieur de la France était évalué, vers l'an 1 716, à 214 millions
de francs (valeur intrinsèque actuelle); de 1750 à 1755,
à 616 millions; de 1785 à 1789, à 1,062 millions; il
semble même avoir atteint 1 milliard et demi pendant la
guerre d'Amérique ; ces chiffres qui sont empruntés à la
Balance du commerce d'Arnould ne doivent être acceptés
que comme des évaluations approximatives.
Depuis 1827, le ministère des finances (direction géné-
rale des douanes) publie les résultats annuels du commerce
extérieur. Cette statistique fournit avec exactitude le relevé
des constatations de la douane ; mais les fraudes de certains
importateurs, les objets transportés par les voyageurs, le
mode d'évaluation des marchandises et d'autres causes
mettent parfois une différence notable entre la réalité et
la constatation. Voici pour l'année 1886 un exemple qui
montre quelles grandes différences peuvent se produire dans
l'évaluation du même commerce :
D'après la douane française :
Exportation de France pour la Belgique... 448 millions.
Importation de la Belgique en France 419 —
251 millions.
329 -
Nous donnons à la page suivante, d'après les tableaux
décennaux du commerce extérieur publiés par la direction
ESCOMPTE DES SUCCURSALES DE LA BANQUE DE FRANCE
PENDANT L'ANNÉE 1890
D'après la douane belge :
Importation de la France en Belgique. . . .
Exportation de la Belgique en France
SUCCURSALES
Marseille ....
Lyon
Bordeaux ....
Lille
Le Havre ....
Roubaix-Tourcoing . .
Rouen
Valenciennes. .
Toulouse
Nantes
Reims
Nancy
Besançon ....
Angoulême . . .
Montpellier . . .
Cette
Saint-Etienne. .
Nîmes
Saint-Quentin .
Amiens
Caen
Troyes
Dijon
Angers
Limoges
Bar-le-Duc . . .
Nice
Dunkerque . . .
Bayonne
Sedan
Cambrai
Arras
Douai
Orléans
Rennes
Tours
Castres
Grenoble ....
Chalon-s-Sâone
Le Mans
Agen
Rodez
Valence
Epinal
Carcassonne . .
La Rochelle. . .
Boulogne-s-Mer
Moulins
Beauvais ....
Tarbes
A reporter .
456,1
455,9
482,0
289,4
269,6
219,5
141,4
112,1
104,7
104,8
107,9
89,9
83,7
72,4
58,2
74,4
72,9
59,1
71,1
51,9
59,8
50,3
51,3
37,8
48,2
36,3
35,8
38,6
41,4
39,0
35,5
41,3
36,3
27,6
37,7
28,7
31,6
32,5
30,6
30,0
31,4
23,0
33,0
35,7
18,3
22,8
23,1
24,9
25,8
19,8
4,406,6
SUCCURSALES
Report
Bourges
Clermont-Ferrand.
Bastia
Niort
Nevers
Perpignan
Brest
Montauban
Fiers
Saint-Lô
Toulon
Châteauroux. . . .
Aviernon
Belfbrt
Périgueux
Tulle
Blois
Annonay
Lons-le-Saunier. .
Poitiers
Chaumont
Auxerre
Saint-Brieuc . . . ,
Le Puy
Bourg
Gap
Mont-de-Marsan .
Annecy
Vesoul
Lorient
Saint-Denis ....
Evreux
Aurillac
Meaux
Chambéry
Laval
Cahors ....'...
Versailles
Foix
Chartres
Aubusson
Digne
Auch
Mende
La Roche-sur-Yon,
Total ,
La Banque centrale à Paris
a escompté en 188Ç
Total général.
W d te
h 8.2
H£3
4,406,6
22,7
17,6
19,4
21,4
20,0
17,4
14,3
21,6
20,1
12,2
13,2
12,1
13,5
12,9
9,5
8,0
10,8
12,6
11,3
9,3
7,7
8,5
7,5
7,3
7,0
5,5
8,2
6,7
5,8
5,3
5,3
5,8
6,3
2,5
3,6
3,8
5,1
2,8
3,5
1,2
2,4
2,3
1,8
1,3
0,8
4,827,3
4,782,5
9,609,6
FRANGE
1024 —
générale des t douanes (jusqu'à l'année 1886), la valeur
moyenne de ce commerce.
COMMERCE DE LA FRANCE PAR PÉRIODE DÉCENNALE
(En millions de francs)
<3
COMMERCE SPÉCIAL
a
o
CO
ce
' ^
2 c
PÉRIODES
O
c
o
G
o
a> S.
o
là
P -s —
m S o
DÉCENNALES
tf
O
•hB*
S
o
Oh
o
eu
H
«.S s
^ s S
&
p
X
O-c) =(
o
o
H
w
<4
1827-36
1.366
480
521
1.001
111
48
1837-46
2.112
776
713
1.489
96
1847-56
3.175
1.077
1.224
2.301
139 °*
185 (™
1857-66
6.280
2.200
2.430
4.631
1867-76
8.464
3.408
3.307
6.714
347
£0
1877-86
9.832
4.460
3.347
7.808
102
16
1887-91 (5 ans).
9.950
| 4.331
3.504
7.835
22
0,9
D'après la définition de la direction générale des douanes :
A Y importation, le commerce général se compose de
toutes les marchandises qui arrivent de l'étranger, de nos co-
lonies et de la grande pêche, par terre ou par mer, tant pour
la consommation que pour l'entrepôt, le transit, la réex-
portation ou les admissions temporaires. Le commerce spé-
cial comprend les marchandises qui sont laissées à la
disposition des importateurs, c.-à-d. la totalité des marchan-
dises exemptes de droits, et quand il s'agit de marchan-
dises tarifées, les quantités qui ont été soumises aux droits.
A Y exportation, le commerce général se compose de
toutes les marchandises françaises ou étrangères qui sortent
de France. Le commerce spécial comprend la totalité des
marchandises nationales exportées et les marchandises
étrangères qui sont renvoyées à l'étranger après avoir été
admises en franchise ou nationalisées par le payement des
droits d'entrée. Le transit, qui comprend toutes les mar-
chandises qui ne font que passer par le territoire français,
entrant par une douane et sortant par une autre est com-
pris dans le commerce général. Les changements de tarif
font quelquefois passer des marchandises d'une catégorie à
une autre sans qu'il y ait un changement correspondant
dans le commerce; ainsi, quand le blé entre en franchise,
toutes les importations sont immédiatement portées au com-
merce spécial; quand il est frappé d'un droit, les quantités
qui acquittent le droit sont seules portées au commerce spé-
cial, les autres restant dans les entrepôts et ne figurant
qu'au commerce général. La classification par grands groupes
a été avantageusement modifiée en 1881 ; mais il en ré-
sulte que ces groupes ne sont plus comparables avec ceux
des statistiques antérieures. Une autre raison plus générale
pour laquelle la comparaison dans la série des années doit
être faite avec une certaine précaution, c'est que, de 1827
à 1847, on a calculé les prix des marchandises d'après les
valeurs officielles, lesquelles étaient invariables, tandis
que depuis 1847 on les calcule d'après les valeurs réelles
fixées chaque année par la commission des valeurs de
douane. Le tableau suivant fait connaître de dix en dix ans
et pour la dernière année (1891) ces grands groupes.
RÉSUME GÉNÉRAL DU COMMERCE
D'après le Tableau général du commerce de la France (Nombres exprimés en millions de francs)
DESIGNATION
1830
1840
1850
1860
1869
1880
1890
1891
OBSERVATIONS
1° IMPORTATIONS. — commerce général (2)
Matières nécessaires à l'industrie.
Objets de consomm.
naturels.,
fabriqués .
Totaux
Numéraire et lingots (1).
Matières nécessaires à l'industrie.
Objets de consomm. | $£$&.
Totaux .
Produits naturels ....
Objets manufacturés.
Totaux
Numéraire et lingots (1).
Produits naturels
Objets manufacturés.
Totaux
991
484
63
660
226
166
727
173
219
1.119
221
1.684
507
466
2.657
604
2.381
867
761
2.648
2.275
1.190
6.118
330
2.554
1.755
1.143
5.452
320
2.635
2.093
1.210
769
»
1.052
214
4.009
715
5.938
682
COMMERCE SPÉCIAL (2)
303
506
618
1.443
2.174
2.417
2.341
2.419
153
32
489
190
49
131
40
790
395
58
1.897
707
272
3.153
2.017
599
1.445
650
1.653
696
747
5.033
4.436
4.768
2° EXPORTATIONS. — commerce général (2)
217
355
341
669
466
968
1.181
1.965
1.782
2.211
1.090
1.016
2.506
1.174
1.119
2.547
1.141
1.066
2.524
572
»
1.010
72
1.435
127
3.147
448
3.993
360
4.612
554
4.840
423
4.731
526
commerce spécial (2)
1.435! 835
793
120
184
321
848
333
510
746
1.428
453
695
1.068
2.277
1.640
i,;
3.075 3.467
855
899
1.999
809
835
1.926
3.570
3.753
Matières nécessaires
à l'industrie.
Objets d'alimentation.
Objets fabriqués.
Matières nécessaires
à l'industrie.
Objets d'alimentation.
Objets fabriqués.
Objets d'alimentation.
Matières nécessaires
à l'industrie.
Objets fabriqués.
Objets d'alimentation.
Matières nécessaires
à l'industrie.
Objets fabriqués.
(1) Il s'agit ici du numéraire et des lingots déclarés en douane au commerce général.
(2) La classification officielle ayant été modifiée en 1881, les nombres des années 1880, 1890 et 1891 représentent
des catégories de marchandises qui diffèrent sur quelques points de celles des années antérieures.
Dans la balance du commerce, tantôt l'exportation l'em-
porte, comme par exemple de 1827 à 1836, de 1847 à
1854, de 1861 à 1866, tantôt l'importation, comme de
1840 à 1844, de 1866 à 1871 et surtout depuis 1876. En
1880, la différence, à cause surtout des importations de cé-
réales, a été de plus d'un milliard et demi de francs. Les
relevés de la douane ne donnent pas d'ailleurs la véritable
balance, non seulement parce que ces relevés sont impar-
— 1025 -
FRANCE
faits, mais parce que les marchandises acquièrent un com-
plément de valeur en passant d'un pays par l'exportation
dans un autre pays par l'importation, parce que le mouve-
ment du numéraire est un de ceux qui échappent le plus à
la douane, parce qu'une grande partie des marchandises
que les voyageurs transportent ne lui sont pas déclarées et
surtout parce qu'elle ne saurait tenir compte des rentes et
intérêts que les étrangers payent chaque année à une nation
pour les capitaux qu'elles a placés hors de ses frontières.
Une nation riche comme la France possède beaucoup de
placements de ce genre ; l'Angleterre en possède plus
encore et tous les ans le total de ses importations l'em-
porte de beaucoup sur celui de ses exportations.
L'importation et l'exportation se font par terre et par
mer. Tous les ans plus des deux tiers du commerce géné-
ral se fait par mer: -en 4891, le total par mer a été de
7,504 millions et par terre de 3,165 millions. Par mer,
les ports (V. plus haut, page 4022) sont les lieux d'impor-
tation et d'exportation. Par terre, ce sont les douanes et
entrepôts situés sur la frontière : Tourcoing, Roubaix,
COMMERCE GENERAL PAR PAYS DE PROVENANCE ET DE DESTINATION
(Nombres exprimés en millions de francs. — Importations et exportations réunies)
(D'après le Tableau général du commerce de laFrance)
PAYS
1830
1
Angleterre (Malte et Gibraltar compris)
Russie
Suède •
Norvège
Danemark I
Confédération allem. (avec Hambourg). .)
Mecklembourg-Schwerin )
Villes hanséatiques I
Pays-Bas j
Belgique
Suisse
Portugal
Espagne
Autriche
Italie
Grèce
Turquie
Egypte
Etats barbaresques
Côte occidentale d'Afrique
Ile Maurice et Cap
Autres pays d'Afrique
t«^^o S anglaises. . .
Indes } hoFlandaises
Philippines
Chine, Cochinchine, Japon et Océanie.
Etats-Unis d'Amérique
Mexique
Guatemala
Nouvelle-Grenade
Venezuela. . . "
Brésil
Uruguay
République Argentine
Equateur et Bolivie
Pérou
Chili
Haïti
Ç espagnoles
Possessions ) anglaises
possessions < danoises
( hollandaises
Ile de la Réunion
Guyane française
Martinique *
Guadeloupe
Algérie
Sénégal
Sainte-Marie, Mayotte, etc
Etablissements dans l'Inde
Cochinchine
Saint-Pierre et Miquelon
Epaves et sauvetages (l)
1840
127
51
13
2 î
98 j
22 |
101 )
61
4
78
39
157
29
7
10
»
4
»
21
1
0,8
0,8
157
29
»
2
24
9
15
1
3
»
26
4
32
31
1.211
269,9
52,3
5,6
14
6,9
127,1
2,1
41,2
50,4
137,2
160,9
4.8
14?;4
26
249
2,7
39,4
6,5
10,7
»
5,7
1,8
38,6
5,5
4,4
»
311,9
21,4
1,5
1,5
6,9
39,6
10,4
3
0,2
3,6
17,9
15,2
34
0,6
7,3
0,1
26,6
■ 6,2
36,3
37,1
34,2
11,9
»
4,5
»
18,9
0,3
1850
2.186
416,7
58
6,8
16
1.8
ioo;2
0,3
24,6
40,7
275
238,5
6,6
156,2
19,2
245
5,5
95,5
21,6
24,5
13,3
6,2
1,4
49,3
7
1
2,5
409,4
31,4
0,4
7
7,2
50,2
3,8
27,5
1860
.260,6
119,6
22,8
34,8
4,2
467,3
0,4
47,3
75,1
409,5
550,8
24,5
240,8
27,4
480,9
14
209,7
43,4
37,8
13,4
39,6
2
67,6
11,1
1,3
6,9
627,7
21,8
1,3
7,9
12,2
133,7
48,4
90,9
1869
1.820,7
178,2
62,9
49,7
2,5
621,3
0,8
19,2
58,7''
18,6
44,4
13,6
31,5
33,2
62
0,8
3,2
5,4
5,8
0,4
»
34,8
69
4,1
6,2
28,9
47,1
23,1
42
94,6
219,9
14,3
16,6
»
0,6
5,4
10,1
»
»
16,6
24,9
1,1
2,5
2.765
5.802
1880
• I
3,4)
103.
94,7
770,7
755,3
32,4
281,5
65,8
677,4
22,3
300
117
33,6
22 1
24^6
6,2
161,6
4
»
120
470
24,3
4
33,1
17,1
194,4
94,5
185,6
3,1
70,6
54,1
21,9
68,7
14,8
4,7
0,6
30,7
8,4
46,1
s88
£15,3
' 27,8
3,2
12,8
»
28,2
1,6
1.966
382
96,5
46,5
9,2
945,5
91,4
1.094,5
770,2
40,8
612,5
156,4
847,4
50,4
227
110,2
43,2
37,9
17,1
9,5
185,4
39,1
8,7
239,5
1.263
40,1
7,4
59,3
27,8
178,3
58,5
248
8,1
26,3
52,4
53,9
39,3
21,1
29,6
3,5
30,5
7,4
45,2
36,5
323,6
39,1
4,4
12,4
11,1
27
0,4
1890
1.981,2
257,8
'57,4
35,7
21,3
829,8
117,4
1.217,3
746,0
57,3
632,5
140,0
421,7
64,3
250,5
63,2
88,2
24,0
33,7
24,1
251,0
25,2
7,1
278,9
813,0
62,0
9,2
77,8
51,6
223,8
77,2
335,2
8,0
55,7
31,6
87,7
36,1
18,4
13,1
0,5
24,4
7,2
38,2
36,2
419,2
49,2
2,1
23,7
20,3
36,1
17,2
1891
3.153,1 10.667,7 10.292,6 10.668,8
(1) Dans les épaves et sauvetages est comprise la houille affectée à l'usage des bâtiments à vapeur
1.978,2
294,3
87,0
50,9
22,4
926,2
115,1
1.180,7
731,5
45,9
743,7
159,7
409,7
68,6
254,1
78,8
37,3
23,6
36,8
25,5
309,9
34,8
7,5
270,1
926,2
54,2
7,0
70,9
47,9
251,0
54,9
265,7
8,7
17,6
76,9
80,3
24,7
17,7
13,0
0,5
30,2
8,3
43,9
27,8
411,7
48,9
2,7
17,6
32,3
33,2
11,1
Lille, Valenciennes et Bltinc-Misseron, Jeumont dans
le Nord ; Pagny -sur -Moselle, Avricourt, Belfprt, Petit-
Croix à l'E., etc. Paris et Lyon sont aussi de grands
entrepôts et douanes.
Le commerce de la France était d'environ 1 milliard de
francs à la fin du règne de Louis XVI. Les guerres de la
Révolution et de l'Empire Font réduit presque de moitié. Il
n'était guère que de 620 millions (évaluation approxima-
tive) en 1815 et ce n'est que dans le cours de la Restau-
ration qu'il a atteint de nouveau le chiffre de 1 milliard.
En 1891, il s'est élevé à 10,669 millions pour le com-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
merce général et à 8,338 millions pour le commerce spécial.
En soixante-quatre ans (1827-1891), il a octuplé. L'état
politique et surtoutl'état économique d'un pays influe considé-
rablement sur le développement de son commerce extérieur.
La statistique démontre : 1° combien la guerre est préju-
diciable au commerce, puisque, de 1789 à 1799, il a eu
une diminution moyenne de 46 millions par an et, qu'après
s'être relevé sous l'administration consulaire, il a subi
encore, sous le régime du blocus continental, une dimi-
nution de 43 millions par an ; 2° que le régime de paix
de la Restauration et du règne de Louis-Philippe lui a été
65
FRANCE
- 4026
favorable (augmentation moyenne annuelle de 55 mil- I l'influence du progrès de la mécanique et de la chimie
lions) ; le développement de la production industrielle sous | et l'accroissement du nombre des manufactures ont com-
IMPORTATIONS PAR NATURE DE MARCHANDISES
D'après le Tableau général du commerce de la France (Nombres exprimés en millions de francs. — Commerce spécial)
MARCHANDISES
Chevaux
Bestiaux
Viandes
Œufs
Fromages
Beurre , .
Peaux
Laine en masse
Poils
Plumes à parure
Œufs de vers à soie
Soie et bourre
Graisse brute et saindoux. .
Guano et engrais
Poissons de mer
Graisse de poisson
Fanons de baleines
Rogues de morue et morues.
Céréales et farines
Riz (en grains et en paille). . .
Légumes secs et farines. . . .
Fruits
Graines
Sucre.
«8 \
de table
oléagineux
oléagineuses . . . .
à ensemencer. . . .
des colonies
de l'étranger . . . .
Cacao.
Café
Poivre et piment
Thé
Vanille .
Tabac
Gommes pures exotiques. . .
H^-lde°gvr^e-s::::::
Ecorce de quinquina
Bois \ commims
( exotiques
Jute . .
Chanvre et étoupes
Lin et étoupes
Coton en laine
Soufre et fleur de soufre. . .
Bitume, pétrole, etc
Houille et coke
Cendres et regrats d'orfèvre.
Fer et acier
Fonte brute
Cuivre pur et allié
Plomb brut et allié
Etain brut
Zinc
Minerais de toutes sortes. . .
Produits chimiques. ......
Cochenille
Indigo . .
Cigares .N . .
Vins . .
Eaux-de-vie, rhum, tafia. . .
Esprits . .
( lin ou chanvre . . .
coton . .
laine
poils de chèvre . . .
soie
laine
coton
( lin ou chanvre. . . .
Peaux préparées
Nattes ou tresses
Orfèvrerie ou bijouterie. . . .
Horlogerie
Machines et mécaniques. . .
Armes
Autres marchandises
Fils.
Tissus.
Totaux .
1830
5,1
1,1
»
2,8
1,3
22.3
12,8
10,9
35,5
2,5
»
4
1,9
1840
11,3
3,3
2,2
22,4
30
6,6
53,7
3
»
7
5,6
1850 1860
»
»
1,7
2
41,7
47,2
4,2
0,6
»
»
4.2
5,9
12,0
»
»
37,2
»
2,3
43,2
49,2
0,4
3,1
5,5
1,3
3,6
13,3
1,6
2,3
0,3
0,7
»
»
11,1
29,1
1
2,1
30,7
28,7
»
»
0,8
1,4
22
34,9
3,5
5,8
»
»
2,2
4
»
1,2
51
94
1,2
1,4
»
»
9,4
18,2
4,4
10,1
4,7
3,3
2,4
11,7
18,2
7,3
8,8
1,6
4
0,6
3,8
»
»
»
»
0,6
3,6
18,3
20,9
»
»
»
»
»
»
»
»
7
27,3
»
1,2
»
»
»
1,1
2,8
5,2
»
»
»
1
14,4
17,8
»
»
3,8
11
»
»
»
3,9
1,1
2,8
»
0,5
»
»
489
747
6,1
5,2
3
2,2
27,2
29
11,9
12
97
4
7,6
2,8
»
1,9
»
6,2
»
6,5
10
24,6
0,5
32,6
12,6
1,9
13,5
2,3
0,6
»
15,9
1,7
21,6
»
1,5
39,6
6,4
»
7
17,9
105,3
2,5
»
36,5
15.8
2,8
4,9
17,1
9
4,4
5,1
4,9
19,6
3,9
3,9
0,6
»
2
4,2
»
»
12,8
)>
9,1
»
5,2
1.5
0,8
780
11,3
55,8
3,6
3,1
8,1
4,8
85,9
178,6
8,3
8,2
13,4
260,5
2,9
15,2
13,3
4,4
1,9
1,7
22,2
9,3
1,1
14,9
9,7
43,5
10,6
80,6
32,7
7,1
50
3,5
1,2
1,3
26,8
5,6
27,2
13,5
3,0
123,6
8,9
»
6,2
32,8
202,7
9,2
0,7
102,7
29,2
1,4
3,8
38,6
9,5
10,2
17
21,7
10,7
3
25,8
1,5
3,6
3,9
4,0
3,7
1,0
»
5,4
3,9
3,5
0,8
11,6
0,6
3,1
0,4
5,4
3,6
1,2
136,6
1.897
1809
12,6
145
10,3
5,9
19,5
12,2
129,8
206,3
7,4
3,4
13.9
41i;8
38,0
34,9
13,2
3,6
1,3
4,7
56,3
14,8
8,1
22,3
38,6
66,4
31,9
62,1
73,2
12
75,1
3,8
1,3
1,9
18,3
10,1
32,2
4,1
6,8
189,2
18,6
7,9
11,5
75,8
331,2
6,1
11,7
119,1
1,9
7,4
0,6
34,3
18,8
11,4
19,3
19,5
23,1
7,4
32,a
6,9
14,1
8,9
3,6
10,2
12,8
11,7
8
28,1
64.3
22,8
15,1
13,3
8,4
4,7
2,8
14,2
2,8
341
1880
3.153,1
35,3
177,2
69,7
10
44
170
370
6,6
30
1,8
322
56
21
28,5
3,4
0,9
3,5
788,5
21,3
35
102
40
114,5
8,4
48
83,4
19,4
98
5,1
2,2
1,5
24,3
5,6
26,6
25,3
7,1
278
24
14,3
12,2
65
215,4
11,5
33,9
170
1,2
15,7
5,2
38,3
19,4
12
13,7
36
70,5
1,5
21,4
4,6
314
27,2
7,8
31,3
17,4
1,1
42,3
79
66,4
10,1
29,3
18,1
6,5
3,4
42,1
»
552
1890
(1) Pour 1890 et 1891, les fruits oléagineux sont compris avec les graines.
5.033,0 4.436,9
18,2
68,9
61,2
11,0
34,5
210,9
337,4
8,4
25,4
239,7
42,5
19,8
43,1
17,1*
363,6
23,3
21,9
82,8
(1) 192,5
8,4
33,5
13,1
21,4
156,2
3,3
2,2
»
25,6
6,6
19,2
25,0
11,9
157,9
29,5
21,6
13,1
57,9
206,4
8,7
32,7
247,8
»
6,4
1,2
42,9
22,4
14,1
16,0
43,1
91,5
»
18,6
349,8
14,8
6,4
31,2
10,2
6,3
63,9
66,9
41,0
5,7
33,1
9,2
11,3
5,6
48,8
598,1
1891
20,3
60,2
72,6
31,9
"214,8
340,3
248,8
40,3
17,3
43,9
532,0
22,4
35,7
51,0
200,3
11,9
34,9
19,9
21,6
149,1
28,3
»
23,4
24,9
»
251,3
24,0
27,4
14,7
49,4
233,7
12,1
34,0
189,8
»
6,5
3,4
43,5
22,5
14,1
17,2
44,2
38,2
»
11,4
»
401,1
17,0
8,6
29,6
4,1
»
68,7
74,9
44,8
8,0
34,0
6,7
8,8
6,5
55,3
648,2
4.767i
pensé et au delà les inconvénients du régime protecteur
appliqué alors au tarif des douanes qui gênait le com-
merce et que, malgré la révolution de 1848, qui a pen-
dant un temps paralysé les affaires, le progrès a continué
102Î
FRANCE
sous la seconde République, de 1848 à 4850 (augmenta-
tion de 71 millions) ; 3° que la première période du second
Empire (1851-1859) a été la plus brillante du commerce
français qui a gagné 318 millions par an et que ce résul-
tat doit être attribué, en premier lieu, à la construction des
chemins de fer, au progrès de la marine à vapeur, à l'éla-
EXPORTATIONS PAR NATURE DE MARCHANDISES
D'après le Tableau général du commerce de la France (Nombres exprimés en millions de francs. — Commerce spécial)
MARCHANDISES
Chevaux
Mules et mulets
Bestiaux
Viandes salées. . . . ,
Œufs
Fromages
Beurre - . . . . . '. .
Peaux brutes et pelleterie
Laines
Poils
Plumes de parure
Soie et bourre
Graisse, suif, saindoux
Poissons de mer
Céréales et farines . .
Pommes de terre
Légumes secs et farines
Fruits de table. .•
Graines et fruits oléagineux
Graines de toutes sortes
s— \ Xindig?n.e: :::::::
Cacao
Café
Résines indigènes distillées
Huiles $ d'olive
î de graines grasses
Bois communs
Lin brut, etc., et étoupes
Coton en laine
Garance , . .
Tourteaux
Matériaux (1)
Or battu, tiré, etc
Fer, fonte et acier
Cuivre
Produits chimiques
Cochenille
Indigo . . .
Garancine
Couleurs
Parfumerie
Médicaments composés
Savons
Acide stêarique ouvré
Vins
Eaux-de-vie et esprits
Liqueurs
Poterie, verres et cristaux . . . . ,
lin ou chanvre
coton et laine
f soie et fleuret
\ laine
Tissus < coton
/ lin et chanvre
\ poils
Confections
Papier et ses applications
Peaux i tanneriei corroirie, etc,
' | ouvrages en peaux . . . ,
Chapeaux de feutre ,
Orfèvrerie et bijouterie ,
Horlogerie
Machines et mécaniques
Armes ,
Coutellerie
Outils et < ouvrages en métaux. . ,
Tabletterie, bimbeloterie, mercerie,
meubles et ouvrages en bois. .
Modes et fleurs artificielles. . . .
i Instruments de musique
\ Art. divers de l'industrie de Paris
i Autres marchandises
Fils
1830
Totaux.
5
3,8
»
1
0,2
2
2
0,1
»
2
2
3
10
0,7
16
4
2
1,4
0,9
4
1
1
»
36
15
111
26
55
28
10
4
13
»
2
5
1
»
1
2
10
2
1840
452
13,4
5,2
2,4
2,3
0,8
0,4
0,6
»
7,3
2,8
4,7
0,5
»
6,6
1,3
2,2
4,4
1,3
2.1
6,3
4,7
1,4
»
13,7
2
»
2,5
0,9
2,6
8,6
3
2,2
»
49,3
16,2
1,7
16,1
1,6
2,6
141,3
61,1
108,5
28,6
0,9
12,1
19,3
7,8
16,2
»
4,8
2,2
4
1,5
1,3
6,4
22,7
5,3
»
4,2
695
1850
1860
11,3
19,6
8,3
14,6
»
22,2
2,5
7,6
6
16,2
»
3,1
5
31,8
1,7
2,7
0,6
27,9
6,3
5,7
»
9,1
3,7
38,5
»
3,4
5,6
8,8
74,4
120,4
2,9
3,2
»
5,9
6,8
7,9
3,8
5,8
7,3
13,9
»
13
17,3
46,2
»
0,1
»
0,1
1,8
1,1
1,4
8,7
9
5,5
5.6
21,7
0,6
2,4
»
14,8
11
9,2
»
6,4
»
4,9
1,5
4,5
1,4
3,6
»
3,1
8
35,4
»
0,7
»
2,9
»
11,1
11
6,1
10,8
14,8
3
7,9
3,3
4,4
»
3,9
70
221
22,6
52,2
1,3
3
29,6
35,1
0,8
2,3
9,1
10,3
208,4
454,8
126,3
229,3
139,5
69,6
27
15,4
))
1
19
104,2
25
34,6
12,9
46,5
30,9
86,5
»
7,3
6,2
17,3
3
5,8
4,3
8,3
1,1
9,8
1,6
2,1
14,1
44,3
42,1
97,8
6,5
9
»
5
2,5
5,5
»
114,5
1.123
2.277
1869
1880
6
13,6
33,3
6,1
36,4
6,5
71,3
24,3
44,7
10,5
4,6
156,1
17,2
17,4
69,2
5
6,9
27,2
15,6
20,6
15
84,5
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0,1
4,9
3,4
1,7
38
10,6
75,4
13
14,1
9,4
3,3
2,2
11,1
46
2,7
10,4
13,9
12,2
17,7
15,5
10,5
7,6
261
56,2
5,2
40,2
5,8
31,2
447,4
268,3
70,1
17,8
0,1
83,7
42,1
81
99,2
10,1
20,5
17,3
14,9
4.1
i;5
37,8
180,2
31
10,2
5,3
231,9
3.074,9
20,6
24,7
12,1
30,0
90,3
62,2
132,5
11,9
31,6
157
24
37
63
27
34
2
14
15
93
0,4
5,3
11,4
35
17
69,5
^ 0,4
15
24
3.8
4
10
57
0,9
6,7
0,2
11,2
8
12,3
8,3
0,2
245
81
41
6
52
234
370,2
79,1
28,8
1,2
80,3
55
92,1
164
9,1
54,7
17,1
24
8,5
2,9
66,2
185
32,4
11,5
10,5
316,5
1890
3.446,3
38,7
28,1
17,5
27,2
118,5
76,3
121,0
12,5
»
125,4
16,0
34,3
18,9
14,4
38,3
2,9
16.0
63i4
62,4
42,1
42,9
11,8
31,6
»
16,5
27,9
»
34,7
30,4
49,7
»
4,0
»
8,7
10,8
14,6
6,7
5,0
268,8
70,9
53,7
9,9
37,7
273.9
36Û
110,4
11,1
»
125,3
53,8
146,1
6,4
47,3
17,4
57,8
6,4
»
89,0
154,7
31,4
9,0
422,0
3.753,5
1891
32,3
20,9
17,4
21,4
91,9,
79,0
109,0
10,0
108,8
15,8
25,3
43,6
28,6
31,7
3,3
19,8
59,0
49,0
7,1
39,0
47,4
8,9
25,4
»
19,4
25,0
»
16,9
31,6
51,8
»
3,8
»
8,7
11,3
13,0
7,2
4,8
245,8
75,0
55,9
11,0
25,5
245,7
327.0
1012
10,8
»
133,1
51,2
107,1
139,3
5,7
46,0
16,4
45,5
4,7
»
89,4
152,4
43,0
8,5
459,8
3.569,7
blissement de grandes lignes de paquebots, au développe-
ment des services postaux, au télégraphe électrique qui a
facilité les correspondances, en un mot au progrès rapide
des moyens de communication qui est un des caractères
distinctifs de cette période, en second lieu, à l'abondance de
l'or qui en faisant hausser les prix a, d'une part, stimulé la
FRANCE
— 4028
spéculation etaugmenté réellement la production et l'échange
des marchandises et, d'autre part, grossi les chiffres du
commerce par l'augmentation même des prix, au dévelop-
pement du crédit qui a été alors considérable et de l'esprit
d'entreprise qu'il encourageait et aussi à l'abaissement ou
à la suppression de quelques droits de douane qui ont fa-
cilité l'importation ; 4° que la deuxième période du second
Empire (1860-1863), pendant laquelle le progrès annuel
a été de 288 millions, a profité encore, mais dans une
moindre proportion, du progrès des voies de communication
et que la principale cause de l'accroissement à cette époque
est le régime libéral en matière de douanes qui a remplacé
en 1860 le régime protecteur ; que, toutefois, les bons effets
de ce régime libéral ont été en partie contrariés par les
événements politiques, guerre du Mexique, bataille de
Sadowa, etc.; 5° que la terrible crise de la guerre franco-
allemande a profondément atteint le commerce (diminution
de 386 millions de 1870 à 1871) ; 6° que cepen-
dant le commerce, dès que les communications ont été
rétablies, s'est subitement relevé en 1872, qu'en 1881
il a atteint son point culminant (10,726 millions pour
le commerce général) et que l'augmentation moyenne an-
nuelle (349 millions) paraît avoir été durant cette période
plus forte que durant aucune autre, mais qu'en somme elle
a eu surtout pour effet de combler le trou creusé par la
guerre franco-allemande et qu'elle n'est que la continuation
de la période du régime libéral; 7° que de 1881 à 1891,
sous l'influence d'un esprit de particularisme et de protec-
tion douanière qui a dominé en Europe et d'une crise géné-
rale ou plus exactement d'un changement dans l'économie
générale du monde commercial provenant du développement
de la production manufacturière et de la concurrence inter-
nationale, de la dépréciation très notable des prix, de la
diminution de la rente foncière, etc., et aussi, pour la
France en particulier, d'un tarif meilleur que les tarifs
précédents par son uniformité, quoique plus restrictif à
certains égards, qui était et a été rendu plus restrictif encore
par des lois subséquentes (droit d'importation sur les blés,
dénonciation du traité de commerce avec l'Italie, etc.), le
commerce a faibli (non seulement en France, mais dans la
plupart des autres grands Etats), et que, quoiqu'il y eût
un relèvement depuis 1889, l'ensemble de la période pré-
sente une diminution moyenne de 66 millions par an. La
dépréciation des prix a eu particulièrement, en France
comme en Angleterre, pour effet de masquer l'accroisse-
ment des quantités de marchandises échangées. C'est ainsi
que les marchandises étrangères expédiées en transit,
qui sont estimées en quantité et en valeur par la douane,
figuraient, en 1881, pour 3,207,000 quintaux et pour
753 millions, soit en moyenne 234 fr. par quintal; puis, en
1891, à 5,596,000 quintaux et 602 millions, soit 107 fr.
par quintal. En Angleterre (V. Analysis of the maritime
irade of the united Kingdom, 1889-91, par sirRawson
W. Rawson), la valeur moyenne des marchandises impor-
tées a diminué de 18 °/0 et celle des marchandises expor-
tées de 36 %, de sorte que, quoique les quantités aient
augmenté particulièrement à l'exportation presque réguliè-
rement d'année en année, la valeur totale de l'exportation
a subi des abaissements et des élévations et est en somme,
en 1891, à peu près au même chiffre qu'en 1872. Avec le
tarif protectionniste de 1892 commence un nouveau ré-
gime dont les effets ne sauraient être favorables à l'exten-
sion du commerce extérieur, mais ne pourront être appréciés
en chiures qu'ultérieurement.
Les Etats avec lesquels la France entretient le commerce
le plus suivi sont en général, d'une part, les plus voisins
de son territoire et, d'autre part, les plus riches et les plus
peuplés. C'est ainsi qu'en 1891 , les dix premiers se trouvent
classés ainsi: Angleterre (1,978 millions, commerce géné-
ral), Belgique (1,180), Etats-Unis (926 millions), empire
allemand (862 millions), Espagne (743 millions), Suisse
(731 millions) , Algérie (41 1 millions) , Italie (409 millions) ,
Indes anglaises (309 millions), Russie (294 millions).
L'importation porte principalement sur les fibres textiles,
soie apportée d'Orient ; coton apporté des Etats-Unis, de
l'Inde, de l'Egypte ; laine apportée d'Australie, du Cap, de
la Plata, d'Allemagne, etc.; lin apporté des provinces bal-
tiques de la Russie ; les peaux et pelleteries de la Plata,
d'Allemagne, etc. ; les denrées coloniales, sucre des
Antilles, etc. ; café des régions tropicales, tabac des An-
tilles, des Etats-Unis, épices du Levant, etc. ; les mé-
taux et substances minérales, cuivre, plomb, zinc, etc.,
du Chili, de Relgique, de Prusse; la houille, d'Angleterre,
de Belgique, de Prusse ; les bois de construction, les autres
matières premières de l'industrie, graines oléagineuses,
suif, etc. ; les produits employés par l'agriculture, bes-
tiaux, engrais, graines, œufs de vers à soie; diverses
substances alimentaires ; les céréales de la mer Noire, des
Etats-Unis, de la Hongrie ; les tissus, les fils et les ma-
chines d'Angleterre, de Belgique, d'Allemagne.
Les principales exportations consistent en tissus de soie,
de laine, de coton ou de chanvre destinés à l'Angleterre,
aux Etats-Unis, à l'Allemagne, à la Belgique; les ar-
ticles de toilette destinés à l'Amérique, à l'Angleterre, à
l'Egypte, etc. ; les 'produits chimiques ; le sucre, destiné
au Levant, etc.; la tabletterie; les peaux ouvrées et pré-
parées ; les produits des industries des métaux (outils,
machines, armes, orfèvrerie, horlogerie); le papier, la
poterie et la verrerie ; les vins, qui sont recherchés dans
le monde entier ; les fibres textiles; les produits ali-
mentaires et diverses matières premières.
L'exportation des objet s manufacturés ne s'est pas déve-
loppée, à beaucoup près, autant que l'importation depuis
1860. E. Levasseur.
HISTOIRE. — On a vu dans un précédent paragraphe
quelles sont les origines ethnographiques de nos ancêtres.
Nous allons aborder immédiatement la période historique,
que pour plus de clarté nous subdiviserons en plusieurs
parties.
I. La Gaule depuis la fondation des colonies
phocéennes jusqu'à la conquête romaine. — Les
écrivains romains et grecs appelaient Gaule le pays com-
pris entre le Rhin, les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées
et l'Océan et divisaient ce pays en plusieurs grandes ré-
gions: l'Aquitaine, située entre les Pyrénées et la Garonne
et habitée par les Ibères ; la Celtique, située entre la Ga-
ronne, la Seine et la Marne et habitée par les Celtes; la
Belgique, située au N. de la Seine et de la Marne et habi-
tée par un mélange de Celtes et d'immigrants germains.
Quant au S.-E. de la Gaule, qui était habité par des Celtes
et des Ligures, les peuples civilisés y pénétrèrent bien avant
le temps de la conquête de César. Les Phéniciens y éta-
blirent peut-être des comptoirs. Dès le commencement du
vie siècle av. J.-C, les Grecs de Phocée vinrent fonder
Marseille sur le littoral méditerranéen. Marseille devint
très vite une république importante, fit peut-être connaître
aux Gaulois l'usage de l'alphabet et de la monnaie et même
sous la domination romaine resta une ville grecque et garda
son autonomie. Autour d'elles s'élevaient des colonies
qu'elle avait fondées ou adoptées, telle qu'Agathe Tychè
(Agde), Nicœa (Nice), Antipolis (Antibes), Arles, etc.
De nos jours encore, certaines familles provençales, à Arles
surtout, ont conservé le type hellénique. Dès 154, Mar-
seille appela les Romains à son aide contre les Ligures
qui l'inquiétaient et entravaient le développement de son
commerce. Après plusieurs campagnes, les Romains éta-
blirent une garnison à Aix et finalement réduisirent sous
leur domination toute la région comprise entre la Méditer-
nanée, les Pyrénées, la Gimone, le Tarn, les Cévennes, le
cours moyen du Rhône et une ligne à peu près droite allant
de Genève au Var. Ce fut la Province Narbonnaise ou
simplement la Province (Provence). La capitale en fut
Narbonne, où une colonie fut envoyée en 118. Les^ villes
gauloises de Toulouse, Nîmes, Avignon, Orange, Vienne,
Genève, etc., devinrent de florissantes cités romaines
(V. Provence). Le reste de la Gaule conserva encore son
1029
FRANCE
indépendance pendant soixante ans. Voici comment nous la
décrivent César, Diodore de Sicile, Strabon et les archéo-
logues modernes.
La Gaule était beaucoup moins peuplée qu'aujourd'hui.
Elle était en partie couverte d'immenses forêts où pullu-
laient des bêtes sauvages aujourd'hui disparues. Les Gau-
lois étaient blonds, grands, avaient la voix forte et rude.
Ils portaient des pantalons (les braies), une espèce de
blouse (la saie) et des galoches. A la guerre, ils avaient un
casque de bronze, un bouclier et une épée (V'. Costume).
On les représente comme orgueilleux et vantards, portés
à l'ivrognerie, très irritables et féroces dans la victoire;
mais ils pratiquaient scrupuleusement la loi de l'hospita-
lité. On sait quelles aventureuses expéditions les Gaulois
firent hors de leur pays. Bien des siècles avant la fondation
de Rome, ils descendirent en Italie et par des migrations
successives peuplèrent la plaine du Pô. En 390, ils
prirent Rome et ne cessèrent de menacer la puissante
république qu'après des luttes acharnées, qui se terminèrent
en 191 par la réduction de la Gaule Cisalpine en province
romaine (V. Celtes, Italie, Rome, etc.). Après la mort
d'Alexandre le Grand, des bandes de Gaulois envahirent la
Grèce, puis l'Asie Mineure et y fondèrent même un Etat
(V. Galatie). Il est bien vraisemblable que l'esprit d'aven-
tures ne fut pas la seule cause de ces migrations. Mais
d'après tous les témoignages des anciens sur les Gaulois,
il est certain que leur bravoure était grande et allait jus-
qu'à la plus folle témérité : « A la moindre excitation ils
courent au combat, mais cela ouvertement et sans aucune
circonspection, de sorte que la ruse et l'habileté militaire
viennent aisément à bout de leurs efforts. » (Strabon.)
Comme les autres peuples indo-européens, ils adoraient les
forces de la nature et avaient des dieux généraux, par
exemple les dieux solaires comme Belen et les dieux in-
fernaux comme Tentâtes et une foule innombrable de divi-
nités locales ; bien longtemps après la diffusion du christia-
nisme, les paysans adoreront encore des rochers, des
sources, des arbres. A cette religion primitive s'était jux-
taposée celle des druides (V. Celtes), qui croyaient sans
doute à l'existence d'un Dieu suprême, mais laissaient au
peuple ses vieilles croyances. Les Gaulois avaient appris à
leur école que l'âme était impérissable, et ils étaient appelés
par les Romains « le peuple qui ne craint pas la mort ».
La simplicité de la vie était grande. On se nourrissait sur-
tout de pain, de lait, de poisson et de viande de porc. Les
demeures étaient des huttes souvent lacustres, où se trou-
vaient parfois des vases précieux, mais point de lits : on
couchait sur la paille ou sur des peaux de bêtes. Les villes
n'étaient guère que des bourgades ; certaines étaient cons-
truites sur des hauteurs ou placées dans des endroits d'ac-
cès difficile ; on y transportait les blés et les diverses
richesses. Il y avait déjà des routes et des ponts, une na-
vigation fluviale assez active; les Vénètes et les Santons
avaient de nombreux vaisseaux. Les objets de trafic étaient
les métaux, qu'on savait extraire des mines et travailler,
les poteries, les étoffes ; on s'appliquait parfois à repro-
duire tant bien que mai les modèles grecs. La civilisation
gauloise commençait donc à éclore, au moment où, par la
loi delà conquête, elle s'anéantit pour faire place à la civi-
lisation plus avancée des vainqueurs. Certains historiens
regrettent cet anéantissement et croient que nous n'avons
pas à nous féliciter d'avoir goûté si vite les bienfaits de la
pax rornana;m tout cas, ces bienfaits ont dû assurément
être sensibles à nos ancêtres, car auparavant la plupart
d'entre eux souffraient de tous les maux qu'entraîne une
organisation sociale défectueuse et ne pouvaient apprécier
les mérites originaux d'une civilisation qui ne leur procu-
rait aucun bien-être.
Ce que nous savons sur les autres peuples primitifs de
la souche indo-européenne concorde avec les textes des
Commentaires pour nous faire croire que la base ancienne
de cette société gauloise était le régime patriarcal. Un cer-
tain nombre de familles établies dans le pays depuis des
temps très reculés possédaient le sol et les richesses ; les
membres de ces familles étaient sans doute les nobles dont
nous parle César. Avec les druides et les bardes, ils com-
posaient la classe privilégiée. Ceux qui pour quelque motif
♦avaient abandonné leur famille, les émigrants, les endettés,
les prisonniers de guerre, formaient la foule innombrable
des esclaves et des plébéiens, qui se confondaient sous le
joug: « La plèbe est à peu près une classe servile », dit
César. Le plus grand nombre de ces misérables cultivaient
la terre au profit des nobles ; d'autres, plus heureux, se
groupaient. autour de quelque chef puissant pour faire la
guerre avec lui : c'étaient les ambactes. Un jour l'Helvète
Orgétorix réunit pour sa défense personnelle une véritable
armée, composée de ses ambactes, de ses débiteurs et de
ses esclaves. Les noms de nobles gaulois, terminés par le
suffixe rix sont nombreux ; ce suffixe signifie roi, comme
le latin rex. C'était à ces nobles et aux druides qu'appar-
tenait l'exercice du pouvoir judiciaire. Les druides jugeaient
les questions de limites et un grand nombre de différends
publics et privés ; pour châtier les rebelles, ils usaient d'une
sorte d'excommunication. Les nobles jugeaient souvent les
membres de leur famille et de leur clan. La législation, qui
était fort sévère, avait pour sources les prescriptions reli-
gieuses et la coutume patriarcale. #
Les conséquences politiques d'une telle organisation so-
ciale étaient nécessairement le morcellement, la toute-
puissance de l'aristocratie et la guerre civile constante. Il
n'y avait en Gaule ni roi suprême', ni assemblée générale
régulière. César dit qu'il y avait un certain nombre de
civitates, divisées enpagi et en vici ; on n'est point d'ac-
cord sur le nombre de ces civitates ; il y en avait peut-
être une centaine ; chacune formait une nation, une unité
politique distincte, où le gouvernement appartenait soit à
un sénat de nobles, soit à un vergobret nommé pour un
an, soit à un roi qu'on avait élu ou qui devait son pouvoir
à la violence. Chaque chef puissant était un dictateur en
germe, et deux chefs également forts dans la même civitas
étaient des ennemis nés. Aux guerres intestines s'ajou-
taient les guerres entre peuples et entre confédérations de
peuples. C'est grâce aux luttes de la confédération des
Eduens contre celle des Arvernes que les Romains avaient
conquis la Narbonnaise. A aucun moment, la Gaule tout
entière ne devait s'unir pour repousser l'étranger. On sait
comment César, appelé par les Gaulois pour les délivrer
des bandes germaines d'Ariovisle, en 58 av. J.-C. , con-
quit toute la Gaule en huit ans. Il eut d'abord à lutter
contre la confédération des Belges ; mais, dès le début, les
Rèmes avaient embrassé la cause romaine. Les Ibères atten-
dirent pour prendre les armes qu'on vînt les' attaquer chez
eux. Lorsque Vercingétorix fomenta le formidable soulève-
ment de l'an 52, il ne réussit point à entraîner tous les
peuples. Dans cette dernière période, ce fut surtout la
plèbe, maladroitement opprimée par les légions et les né-
gociants italiens, qui soutint la cause de l'indépendance ;
l'aristocratie, maintenue dans le devoir par Vercingétorix
à force de supplices, se soumit dès que le héros fut vaincu.
Pendant toute la guerre, César eut avec lui des membres
du parti aristocratique qui préféraient la domination ro-
maine au triomphe de la démagogie déchaînée. Rome, qui
avait vaincu les Gaulois grâce à leurs divisions, allait se les
assimiler par la sagesse de son gouvernement et l'éclat
séduisant de sa civilisation. Un jour viendra où ils se plain-
dront du poids des impôts ; mais ils ne songeront pas à
regretter le temps de leur prétendue indépendance, qui avait
été pour la majorité un temps d'écrasante oppression.
IL La Gaule romaine. — Pendant cinq cents ans les
descendants des Gaulois ont vécu sous la domination ro-
maine. Jusqu'au ine siècle ap. J.-C, cette domination fut
douce et bienfaisante, et les révoltes partielles, comme celles
de Civilis et de Sabinus, sont en somme des faits négli-
geables dans l'histoire générale. La romanisation de la
Gaule fut rapide. Toutes les traditions anciennes disparu-
rent. Auguste changea les divisions territoriales ; l'Aqui-
FRANCE
— 1030
taine s'augmenta du pays compris entre la Garonne et la
Loire ; la Celtique, appelée désormais Lugdunaise, perdit
les pays des Séquanes et des Helvètes qui furent rattachés
à la Belgique ; la Narbonnaise garda seule ses anciennes
limites. Chacune de ces quatre régions fut une province.
De nouveaux changements eurent lieu sous Tibère et ses
successeurs et finalement il y eut dix-sept provinces. Quant
aux civitates, il y en avait environ 80 sous Auguste ; il
y en eut 112 au ve siècle. Les villes perdirent leur nom
gaulois ; des villes nouvelles, comme Lyon, furent fondées.
Par un procédé plus politique que scientifique, les Romains
identifièrent les dieux gaulois avec leurs dieux ; Belen de-
vint Apollon; le druidisme, autrefois si puissant, disparut,
et les Gaulois adorèrent toutes les divinités du Panthéon.
Les voies romaines, qui servaient à assurer l'ordre et la
bonne administration, favorisaient aussi le développement
économique. L'agriculture devint plus méthodique, et les
arbres fruitiers originaires d'Asie, comme le pêcher, furent
alors sans doute introduits en Gaule. Les industries du
tissage, de la poterie, de la verrerie, de la bijouterie, pri-
rent une grande extension, et les cités commerçantes du
littoral méditerranéen se couvrirent d'admirables monu-
ments qui attestaient leur prospérité. Point ne fut besoin
de conserver très longtemps dans la pratique les catégories
de privilèges qu'on avait instituées pour entretenir la divi-
sion et la jalousie entre les peuples et entre les particu-
liers. Dès le Ier siècle de la conquête, les nobles prirent
des noms romains, quittèrent la campagne pour les villes,
les huttes grossières pour les palais ; ils renoncèrent à leur
clientèle et à leurs habitudes belliqueuses ; ils coupèrent leurs
cheveux et suivirent les modes de Rome. Ils avaient aban-
donné leurs dialectes divers pour parler latin ; le latin vul-
gaire, seule langue commune qui facilitât les transactions,
ne tarda pas à s'introduire dans les classes populaires, où
il se déforma pour donner plus tard naissance aux langues
romanes. Désormais les Gaulois étaient bien des Romani,
et ce nom leur restera jusqu'aux temps carolingiens.
A partir du me siècle, la prospérité de la Gaule décline
avec celle de tout l'Empire. Pendant la lamentable période
de l'anarchie militaire, ce fut à Lyon que Septime Sévère
défit son compétiteur Albinus (197) ; plus tard, de 258 à
267, le Gaulois Posthumus réunit toute la contrée sous sa
domination ; en même temps qu'elle se détachait de l'Em-
pire, la Gaule était menacée, envahie même par les. Van-
dales et les Francs. Enfin Dioclétien rétablit l'autorité im-
périale. Mais à l'anarchie va succéder le despotisme. L'Etat
sera si admirablement réglé que les sujets eux-mêmes
deviendront des machines ; l'idéal serait l'immobilité ; les
ressorts humains vont se rouiller et les intelligences moi-
sir. Au sommet, très loin maintenant de ces sujets qui
portent tous le titre banal et insignifiant de citoyens ro-
mains, trône l'empereur, que Végèce appelle « un dieu pré-
sent et corporel » ; l'ancien magistrat est devenu une sorte
de souverain asiatique, et Constantinople, fondé au com-
mencement du ive siècle, donne le ton à tout l'Empire.
Au-dessous de lui s' étage toute une hiérarchie de fonction-
naires, dont la Notitia dignitahvm nous énumère puéri-
lement les titres et les insignes. La Gaule proprement dite
forme un diocèse et est soumise à un vicaire, subordonné à
un préfet qui commande aussi aux vicaires d'Espagne et de
Bretagne. Chacune des dix-sept provinces obéit à un gou-
verneur. Chaque civitas s'administre elle-même au moyen
d'une curie ou sénat et de magistrats annuels ; le defen-
sor civitatis protège le peuple et surveille la rentrée des
impôts. Les pagi, divisions de la civitas, ont parfois eux-
mêmes une constitution municipale. Il y avait en outre en
Gaule des assemblées provinciales qui auraient été d'une
grande utilité dans le désarroi des invasions, si les insti-
tutions servaient à quelque chose lorsque l'esprit politique
est mort ; on voit en effet que l'une au moins de ces
assemblées, celle de Lyon, avait le droit de se plaindre à
l'empereur de la mauvaise gestion du gouverneur. Il est
probable que dans la réalité les abus du fonctionnarisme
n'avaient pas de frein sérieux. Les impôts (impôt foncier,
capitation, contributions indirectes, réquisitions) étaient
devenus fort lourds. La perception en était très vexatoire.
Elle était réservée en effet aux compagnies fermières et aux
curiales; tous les non-nobles qui possédaient au moins
vingt-cinq arpents de terre étaient curiales et devaient con-
tribuer à faire rentrer sous leur propre responsabilité les
impôts directs. Le Gaulois Salvien, qui écrivit vers 455 son
De Gubernatione Dei, déclare que les curiales étaient des
tyrans et que ses compatriotes, plutôt que d'être surchargés
d'impôts, préféraient émigrer eh masse chez les Barbares.
Mais les curiales eux-mêmes n'étaient guère plus heureux;
ils se trouvaient à la merci des nobles qui corrompaient
les agents impériaux, évitaient toutes les charges pour en
écraser les autres et étaient les vrais maîtres dans chaque
cité. La justice était rendue par les magistrats municipaux
et par le gouverneur ; d'appel en appel, on pouvait invo-
quer l'empereur lui-même. Le droit civil avait fait de grands
progrès. Mais le droit criminel était d'une sévérité exces-
sive : il consacrait l'usage de la torture et des pénalités
les plus atroces. L'organisation sociale remédiait-elle du
moins par sa vigueur aux abus de l'administration impé-
riale ?
A l'époque où les grandes invasions commencèrent, la
société civile et la société militaire étaient complètement dis-
tinctes en Gaule comme dans tout l'Empire. L'armée était
méprisée ; elle se composait d'esclaves, de barbares, d'une
foule de misérables qu'on marquait comme des forçats pour
les empêcher de déserter, et qui n'auront ni le courage de
résister aux envahisseurs germains, ni intérêt à le faire.
Au bas de la société civile on rencontrait les esclaves, pro-
tégés maintenant par la loi contre l'arbitraire de leurs
maîtres, et moins atteints peut-être que les hommes libres
par la décroissance générale du bien-être. Dans une condi-
tion intermédiaire entre la servilité et la liberté se trouvaient
les colons qui formaient la plus grande partie de la popu-
lation rurale. Ils étaient libres de leur personne, mais atta-
chés à la glèbe. C'était soit d'anciens fermiers qui avaient
contracté des dettes et s'étaient résignés, faute de les pou-
voir payer, à se mettre pour toujours au service de leurs
créanciers ; soit des travailleurs appelés pour défricher cer-
taines terres ; soit enfin des Germains. Il ne faut pas ou-
blier que la plupart des familles d'origine germanique qui
se sont établies en Gaule y sont entrées pacifiquement, par
une immigration lente, ou bien ont été amenées de force
par des généraux romains pour coloniser des pays déserts.
Dans les villes, la situation des artisans rappelait celle des
colons dans la campagne ; comme les colons étaient fixés
à la glèbe, les artisans étaient attachés, ainsi que leur pos-
térité, à leurs diverses corporations ; on les appelait les
corporati. Les artifices, qui exerçaient les professions
libérales, étaient soumis eux-mêmes à des réglementations
très étroites. Le despotisme de FEtat en matière écono-
mique eut des résultats généraux désastreux. La classe
moyenne, si puissante et si riche en Gaule au temps des
Césars et des Antonins, se vida d'hommes et d'argent
pendant la période suivante. Le nombre des commerçants
diminua beaucoup, ainsi que celui des petits propriétaires
fonciers. La disparition de la petite propriété eut d'ailleurs
des causes multiples. Nous avons vu que tout non-noble
possesseur de 25 arpents était curiale ; le nombre des cu-
riales, qu'une loi appelait les « esclaves de l'Etat », décrut
constamment malgré les rigueurs qu'on exerçait contre
ceux d'entre eux qui cherchaient à fuir, ou bien à entrer
dans l'Eglise ou dans l'armée. Enfin, dans une société aussi
sévèrement hiérarchisée, les grands propriétaires avaient
toutes sortes de moyens d'accroître constamment leurs
domaines. Ces grands propriétaires formaient la classe des
nobles, des clarissimi, qui était brillante et orgueilleuse.
Les nobles avaient, en général, non pas un domaine compact,
très vaste, mais un certain nombre de terres disséminées
dans une ou plusieurs provinces. Comme ils joignaient
souvent à leurs richesses le titre de hauts fonctionnaires,
— 1031 —
FRANCE
ils étaient de grands personnages. Le petit propriétaire
abandonnait souvent ses biens à son puissant voisin pour
devenir son fermier et obtenir sa protection. Le noble du
ive siècle est un précurseur du seigneur féodal. Il est le
patron d'une foule d'hommes, qu'il juge et qu'il réunit au
besoin pour repousser les Barbares. L'aristocratie foncière
est seule favorisée dans cette société civile du Bas-Empire,
où règne la plus prodigieuse inégalité, et où, chose plus
grave, l'on est rivé héréditairement à sa condition. Les
conséquences de ce régime furent la dépopulation, l'inertie
des masses civilisées à l'approche des Barbares.
La civilisation était encore très brillante, mais plutôt par
la force de l'impulsion antérieure que grâce à une activité
productrice bien réelle. L'industrie et le commerce languis-
saient. Les arts étaient depuis le temps des Antonins dans
une profonde décadence. L'instruction était remarquable-
ment répandue; il y avait des écoles célèbres à Marseille,
Toulouse, Lyon, Autun, Bordeaux, etc. Mais les littéra-
teurs dignes de ce nom furent bien peu nombreux aux ive
et ve siècles (V. Ausone, Rutilius, Apollinaire). Quant
à la moralité de cette société gauloise, il ne convient pas
d'en croire des satiriques comme Pétrone ou des théolo-
giens comme Salvien. La vie de famille était dévelop-
pée et la vertu honorée. Les riches ne passaient pas leur
temps dans les orgies ; l'hiver à la ville, l'été dans leurs
domaines, ils menaient une vie large et paisible, aimaient à
causer et à lire les classiques. Il y avait encore au cirque
et à l'amphithéâtre des spectacles sanglants ; mais c'était là
le reste d'une tradition qui s'éteignait. Les mœurs, loin
d'être violentes, étaient adoucies à l'excès : le mal qui ron-
geait cette société n'était pas la corruption des sentiments,
c'était l'affaiblissement de la volonté. Le despotisme et peut-
être une trop longue paix avaient amolli l'énergie humaine,
qui ne se manifestait plus depuis longtemps que dans la vie
religieuse. Lorsque les Barbares apparaîtront, l'édifice im-
périal s'écroulera tout entier, laissant des ruines que les
hommes du moyen âge s'obstineront à vouloir utiliser.
Seule, l'Eglise chrétienne restera debout.
Le christianisme s'était répandu assez tard en Gaule.
C'est dans la vallée du Rhône que les chrétiens apparurent
d'abord (martyre de saint Pothin à Lyon en 177). Les com-
munautés se multiplièrent au me siècle à la suite de la mis-
sion des sept évêques (saint Saturnin à Toulouse, saint
Martial à Limoges, saint Denis à Lutèce, etc.). C'est seule-
ment à la fin du ive siècle que la religion nouvelle triom-
pha dans le centre: ce fut plus tard encore dans le Nord,
malgré les efforts de saint Martin : saint Romain voyait
encore à Rouen, vers 620, un temple de Vénus. Partout
les paysans persistèrent très longtemps à vénérer les arbres
et les fontaines. Il fallut aussi lutter contre les hérésies
(exécution du gnostique Priscillien en 385). L'Eglise or-
thodoxe triompha, grâce à l'unité du dogme et à l'organi-
sation qu'elle se donna;, le dogme était fixé depuis le
concile de Nicée en 325 ; ce fut au ive siècle aussi que l'or-
ganisation se précisa. Les circonscriptions civiles furent
respectées : les civitates devinrent des diocèses, et chaque
province fut soumise à un métropolitain. (Ces cadres furent
modifiés du ve au vme siècle, puis on en revint aux divi-
sions romaines ; du xivft au xvne siècle, il y eut de nouveaux
changements qui devinrent définitifs, de sorte qu'il devait
y avoir en 1789 vingt-cinq archevêchés, et non dix-sept
comme au ive siècle.) La primatie fut disputée par les cités
d'Arles, de Vienne et de Lyon. Après le clergé séculier,
apparut en Gaule le clergé régulier. Le premier monastère
fut fondé en 360, à Ligugé, par saint Martin. Les églises
avaient pour subsister les offrandes des fidèles et les reve-
nus de leurs domaines, qui deviendront très considérables
après les invasions ; elles avaient de plus des privilèges
financiers et judiciaires. Cette organisation et cette puis-
sance du clergé chrétien survivront à la ruine de l'Empire,
ruine qui doit être attribuée en partie au triomphe du chris-
tianisme. Depuis qu'il fallait rendre à Dieu ce qui était à
Dieu et que César n'était plus Dieu, le monde antique était
vraiment mort; la vieille cité, à laquelle l'homme appar-
tenait corps et âme, n'était plus qu'un vain souvenir.
L'Eglise, du reste, n'eut point conscience de cette incompa
tibilité; loin de comprendre qu'elle avait tué l'Empire, elle
crut longtemps qu'il existait encore ou qu'il pouvait re-
naître, et qu'elle avait besoin de lui. Cette illusion durera
aussi longtemps que le moyen âge, et nous verrons qu'elle
aura de grandes conséquences. Ainsi l'Eglise se fit la dé-
positaire de l'idée impériale ; elle se fit aussi la dépositaire
de la civilisation païenne et c'est grâce à elle que la Gaule
ne retournera pas à l'entière barbarie.
III. La Gaule depuis les invasions des Barbares
jusqu'à la dissolution de l'empire carolingien. —
Les Visigoths, après la mort de leur roi Alaric, passèrent
en Gaule et se firent céder par l'empereur Honorius la
Seconde Aquitaine, avec Toulouse pour capitale (V. Visi-
goths, Honorius). A la même époque, c.-à-d. au commen-
cement du ve siècle, les Francs Ripuaires occupaient la
région de la Moselle et de la Meuse, les Francs Saliens se
répandaient dans le pays au N. de la Somme, et les Bur-
gondes dans la Savoie. Ces peuplades germaniques étaient
depuis longtemps en contact avec les Romains, et leur éta-
blissement en deçà du Rhin et des Alpes ne paraissait pas
inquiétant. Les Visigoths ne se joignirent-ils pas aux
troupes d'Aétius pour repousser Attila en 451 ? (V. Francs,
Burgondes, Aétius, Attila, etc.). Les tempêtes qui s'étaient
déchaînées sur l'Empire furent pendant la première partie
du ve siècle considérées comme des bourrasques passagères.
Peu d'années après il fallut changer d'avis. Au grand" scan-
dale des peuples civilisés, Rome fut pillée par les Vandales
en 455 ; quelques mois auparavant, la descendance mâle
du grand Théodose s'était éteinte et les révolutions de palais
allaient se succéder dans la ville impériale pendant vingt
ans, jusqu'à ce que la facile victoire du chef rugien Odoacre
eût décidé de la ruine de l'empire d'Occident. Aétius n'étant
plus là pour les contenir, les Burgondes occupèrent les
vallée du Rhône et de la Saône. Les Visigoths abjurèrent
ouvertement l'alliance romaine et étendirent leur domina-
tion jusqu'à la Loire. C'est vers 455 que Salvien écrivit
son De Gubernatione Dei; ce n'est point là l'ouvrage d'un
Romain optimiste, comme celui qu'avait écrit Paul Orose
sous le règne d'Honorius ; le théologien gaulois prédit la '
chute imminente de l'Empire et comprend que le monde
barbare ne saurait entrer dans les cadres du monde civilisé
sans les briser ; il s'en réjouit du reste : il voit au milieu
de ces bouleversements poindre l'aurore des jours nou-
veaux; il aperçoit dans ces Barbares un instrument divin de
régénération; quatorze siècles avant les savants allemands,
il invente la théorie du Germanenthum.
Ainsi, au moment où le dernier empereur abdiqua (476)
et où Clovis allait entrer en scène, les hommes d'Eglise
jugeaient possible et nécessaire de s'allier avec des chefs
barbares et de leur confier le pouvoir temporel laissé en
déshérence. Or les Visigoths et les Burgondes avaient été
convertis par des missionnaires ariens ; les Francs étaient
encore païens. Clovis comprit peut-être que le clergé et les
Gallo-Rom ains préféreraient à des rois hérétiques un ado-
rateur d'Odin, un orthodoxe en espérance ; en tout cas il
ménagea dès sa première campagne l'Eglise catholique
(V. Clovis). On sait comment il se convertit en 496 avec
3,000 de ses guerriers et quels avantages son baptême
lui procura. L'alliance de la royauté et de l'Eglise, qui
devait durer dans notre pays jusqu'à la fin de l'ancien
régime, était dès lors conclue. Au moment où Clovis mou-
rut, en 511, il avait soumis les Visigoths, sauf ceux qui
habitaient la Septimanie, entre les Cévennes, le Rhône et
la mer ; il s'était emparé aussi des divers royaumes
francs qui s'étaient fondés dans la Gaule du Nord. Il était
le chef respecté des guerriers francs, qu'il avait enrichis,
et des Gallo-Romains, qui ne demandaient qu'à être gou-
vernés; il nommait les évêques, était le bienfaiteur et le
« maître » du clergé catholique ; il ne lui manquait même
point le pouvoir théorique, puisque l'empereur d'Orient
FRANCE
— 1032 —
lui avait accordé le titre de patrice. La dynastie méro-
vingienne était fondée. — Nous n'avons pas à reprendre
ici l'histoire des rois mérovingiens (V. principalement
Thierry Ier, Clodomir, Childebert Ier, Clotaire Ier et Iï,
GONTRAN, CHILPÉRIC Ier, SlGEBERT, FrÉDÉGONDE, BrUNE-
haut, Dagobert Ier). Rappelons que les faits saillants de
cette histoire jusqu'à la mort de Dagobert sont d'une part
les campagnes guerrières qui ont eu pour conséquence
l'achèvement de la conquête de la Gaule et l'asservissement
d'une partie de la Germanie, d'autre part les querelles san-
glantes des descendants de Clovis et leur incapacité gouver-
nementale. Ces princes se partagèrent l'héritage royal
comme une propriété privée, selon la coutume des Francs
Saliens. Comme ils n'étaient pas encore corrompus ni éner-
vés par la débauche, ils surent agrandir cet héritage, con-
quérir la Burgondie et la Septimanie que Clovis n'avait pu
soumettre, imposer tribut aux Frisons, aux Saxons, aux
Bavarois et aux Thuringiens, et même aller ramasser du
butin au delà des Alpes et des Pyrénées. Le dernier des
Mérovingiens conquérants, Dagobert, reçut la soumission
du duc des Bretons (V. Bretagne) et étendit sa domina-
tion jusqu'au Weser et jusqu'à la Bohême. Les Mérovin-
giens eurent la prétention d'organiser leur empire, et dans
cette œuvre ils échouèrent. Nous aurons tout à l'heure à
rechercher pour quelles raisons. Deux de ces motifs nous
sont déjà fournis par l'histoire même de la dynastie. D'a-
bord, l'unité du royaume franc était à chaque instant bri-
sée par des partages; de plus, le pouvoir était instable, la
vie des princes incertaine : les enfants de Clodomir, Sige-
bert, Chilpéric, Brunehaut et bien d'autres périrent de mort
violente. Comment les Mérovingiens auraient-ils ressuscité
l'Empire ? Les premiers d'entre eux, une fois en posses-
sion de leur part d'héritage, cherchèrent surtout à dépos-
séder leur voisin ; les derniers allaient vivre dans l'ombre,
faibles et nuls.
Après la mort de Dagobert en 639, les Mérovingiens
régnent et ne gouvernent plus. C'est la période dite des
rois fainéants. Le pouvoir appartient aux maires du palais,
officiers domestiques qui étaient devenus rapidement des
sortes de vice-rois. Désormais, la question est de savoir si
les maires d'Austrasie l'emporteront sur ceux de Neustrie
et rétabliront l'unité de la Gaule à leur profit (V. Neustrie
et Austrasie). L'Austrasie, la France orientale, avait con-
servé la vigueur barbare ; c'est elle qui supporta le poids
de la conquête et de la christianisation des pays d'outre-
Rhin ; c'est en elle que résidait la force germanique, en
elle que le clergé plaçait son espoir. Là grandit la famille
des Pippinides, issue de deux familles puissantes, celles
d'Arnulf et du maire du palais Pépin le Vieux (V. Caro-
lingiens). En 681 , Pépin d'Héristal fut vainqueur du maire
neustrien, Berthaire, à Testry-sur-Omignon, et gouverna
comme maire du palais tous les royaumes francs. Sous
son fils Charles-Martel, rude et infatigable guerrier, le
triomphe des Germains d'Austrasie sur la population plus
civilisée de Neustrie fut définitif ; par là même la destinée
des Pippinides était assurée. A partir de 737, Charles
laissa vacant le trône mérovingien ; il avait le titre de
princeps et rien ne lui manquait pour avoir celui de roi,
non pas même l'appui du pape qui l'appelait contre les
Lombards. En 751, son fils, Pépin le Bref, prit la cou-
ronne, et le pape Etienne II vint, en 754, le sacrer à
Saint-Denis, moyennant la promesse d'une expédition en
Italie. Ainsi l'Eglise renversait de sa propre main la dynas-
tie mérovingienne qu'elle avait contribué à fonder ." Son
alliance avec la dynastie nouvelle allait s'achever sous le
règne de Charlemagne (V. Pépin d'Héristal, Charles-
Martel, Pépin le Bref, Charlemagne).
L'œuvre de cette famille pippinide et carolingienne a été
la restauration d'un grand empire occidental. A la mort de
Pépin d'Héristal, les ducs de Bavière et de Souabe avaient
repris leur indépendance ; les Saxons avaient envahi la
Thuringe ; les Frisons s'étaient soulevés ; Eudes s'était pro-
clamé roi d'Aquitaine; enfin, les Arabes, depuis 712, fai-
saient des incursions en Gaule et occupaient une partie de
la Septimanie. Charles-Martel, Pépin le Bref et Charle-
magne passèrent leur vie à guerroyer. Si ce n'est pas à
l'effroi qu'ils inspiraient, mais aux guerres religieuses entre
Arabes et Berbères que le recul de l'invasion musulmane
doit être attribué, ce sont bien, en revanche, ces trois
conquérants qui ont, par leur propre génie guerrier, sou-
mis les Aquitains, conquis l'Italie, dompté et converti les
païens de Germanie jusqu'à l'Elbe. A cette époque, l'his-
toire de notre pays se confond avec celle de l'Italie et de
l'Allemagne. — Depuis qu'Odoacre avait renvoyé les
insignes de l'empereur d'Occident au basileus de Constan-
tinople, c'était celui-ci qui, en théorie, gouvernait l'héri-
tage de Théodose. Mais personne ne trouvait utile de sou-
tenir la valeur d'une telle théorie. Le pape, au contraire,
avait intérêt à reconstituer l'empire d'Occident au profit
d'un allié sûr. En l'an 800, au moment où Charlemagne
priait dans la basilique de Saint-Pierre de Rome, le pape
Léon III lui mit une couronne sur la tête, et tous les
assistants s'écrièrent : « A Charles Auguste, couronné
par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie
et victoire ! » L'union du sacerdoce et de l'Empire était
consommée.
Essayons maintenant d'embrasser d'un coup d'œil les
transformations de la Gaule depuis les victoires de Clovis
jusqu'au temps de Charlemagne. Le droit public et privé,
la condition des personnes et des terres, tels qu'ils étaient
réglés sous l'empire romain, devaient nécessairement être
profondément troublés et modifiés par l'immigration ger-
manique. Cette immigration n'a pas eu, comme le soutenait
Boulainvilliers, le caractère d'une conquête violente ; les
historiens allemands Waitz, Roth et Sohm, et de son côté
Fustel de Coulanges ont démontré qu'elle s'était produite
sous forme d'infiltration lente. Les Visigoths, les Bur-
gondes, les Francs de Clovis n'étaient pas très nombreux
quand ils arrivèrent en Gaule. Au N.-E., l'immigration fut
plus importante, mais elle se fit peu à peu, et non par
masses compactes. La plupart des guerriers barbares furent
dotés de terres vacantes, et Clovis n'eut pas besoin, pour
récompenser ses fidèles, de recourir à des dépossessions
violentes. Ni le fond de la race ni la langue ne changèrent
en Gaule. Cependant, à la longue, l'invasion produisit des
effets considérables. Les Francs surtout, arrivés en der-
nier, apportèrent dans cette société en décomposition de
puissants éléments de transformation : le dédain des choses
de l'esprit, le goût de la vie au grand air et de la guerre,
l'habitude de l'association libre, l'absence d'administration,
d'impôts, de lois générales. — Transportés au milieu de
la société gallo-romaine, qui saluait en eux les continua-
teurs des empereurs, les rois mérovingiens oublièrent vite
leur origine et s'endimanchèrent dans les habits impériaux.
Chilpéric se décerna l'épithète de divin et Dagobert se fit
fabriquer un diadème, un sceptre et un trône. Tous les
hommes libres, Gallo-Romains et Germains, furent consi-
dérés, en théorie, comme des sujets ; on prétendit même
les forcer à payer les impôts anciens. Mais les cadres de
l'administration et du fisc étaient maintenant brisés ; l'on
ne pouvait pas reconstituer d'un seul coup cette œuvre de
tant de siècles ; les Mérovingiens durent se contenter de
revêtir deux ou trois titres pompeux et de percevoir par-ci
par-là quelques revenus directs, des droits d'octroi, des
péages. Ils utilisèrent tant bien que mal les débris du passé,
n'étant pas assez intelligents pour faire du nouveau. Leur
œuvre ressemble aux basiliques de ce temps, où les archi-
tectes de la décadence ont placé, pour soutenir la toiture,
des colonnes et des frises empruntées aux beaux monu-
ments de l'antiquité ; telle colonne était trop petite, on l'a
exhaussée avec un socle ; telle autre trop grande, on l'a
raccourcie sans souci des proportions, et Ton a cru faire
du beau et du solide. Les basiliques primitives n'ont pas
été respectées par le temps ; la maison où les Mérovingiens
se logèrent était aussi un édifice mal bâti et peu durable.
Les Carolingiens ont eu vite raison de cette dynastie, qui
4033 -
FRANCE
n'avait demandé à l'ancienne Rome que des leçons de
tyrannie et des procédés d'oppression.
La raison d'être de la dynastie carolingienne fut l'intel-
ligence profonde qu'elle eut de son temps. L'idée d'Etat
reparut avec force ; il s'agit dans les Capitulaires de « salut
de la patrie » et de « profit du peuple » ; mais Charle-
magne, tout en prenant la titre d'Imperator Augustus,
comprit qu'il ne pouvait restaurer l'édifice impérial qu'à la
condition d'en changer les fondements mêmes. 11 savait
apprécier la civilisation romaine dont les gens d'Eglise lui
vantaient la grandeur, mais la nature même de son esprit
et de ses goûts le portait à respecter les effets des inva-
sions germaniques. Roi guerrier, il ne porta que deux fois
le costume des anciens empereurs, et encore ne voulut-il
point se séparer de son épée. Il réunit très régulièrement
les assemblées générales, où il délibérait avec l'aristocratie
et soumettait ses capitulaires à l'approbation des hommes
libres. Il abandonna définitivement le système fiscal romain
et se contenta de ses revenus privés ; il n'eut beaucoup de
ressources que parce qu'il était le plus grand propriétaire
foncier de l'Empire et qu'il sut administrer ses biens avec
sagesse. Un certain nombre d'institutions nouvelles établi-
rent une centralisation qui n'avait rien de commun avec
celle. du Bas-Empire. Tous les hommes libres durent le
serment personnel au souverain ; les fonctionnaires du pa-
lais et ceux qui administraient la Gaule, la Germanie,
l'Italie étaient étroitement surveillés ; les missi dominiez
faisaient des tournées pour corriger les abus commis par
les comtes et même les évêques ; les ducs n'avaient plus
qu'un pouvoir militaire (V. Palatins, Chancelier, Cham-
brier, Sénéchal, Connétable, Comte, Duc, Missus).
L'exercice de la justice locale, au temps des Mérovingiens,
appartenait aux hommes libres de chaque circonscription
(V. Rachimbourg) ; elle est maintenant entre les mains des
scabins, qui sont de véritables fonctionnaires, et des cente-
niers, qui sont devenus des agents du pouvoir central. Le
droit de battre monnaie fut exclusivement réservé aux ate-
liers impériaux. Enfin, Charlemagne, ne pouvant avoir
d'armée permanente, réglementa du moins l'obligation du
service militaire en temps de guerre.
Cette époque, qu'on a appelée le haut moyen âge, fut,
en Gaule, une époque de grossièreté et de violence. A eux
seuls le droit criminel et la procédure le témoignent suffi-
samment. Les Carolingiens, non plus que les Mérovingiens,
ne pouvaient avoir l'idée de réformer des mœurs qui avaient
étendu partout leur empire, dans les palais comme dans les
églises. Le principe germain de la légitimité de la ven-
geance avait porté ses fruits ; Charlemagne lui-même ne
put empêcher les guerres privées. Dans une pareille société,
le travail industriel et intellectuel était naturellement peu
développé. On sait quel prix énorme les- objets manufactu-
rés atteignirent aux temps mérovingiens, et quelle était la
maladresse des artistes de tout genre. La compilation dite
de Frédégaire est un exemple de la misère intellectuelle des
vne et vme siècles. Au temps de Charlemagne, il y eut une
véritable renaissance. Si les idées morales restent obscures
et les mœurs barbares, du moins on fait autre chose que
de se battre ou de labourer la terre. Les villes du Midi,
qui étaient restées en relations avec l'Italie et l'Orient,
n'eurent plus le privilège exclusif d'un commerce prospère ;
la police des routes et des fleuves fut assurée partout, au
moins pour quelque temps. Le réveil de l'esprit fut encore
plus remarquable et plus durable ; les naïfs pédants de
l'Académie palatine allumèrent une petite lampe qui conti-
nuera de briller dans les cloîtres et resplendira au xme siècle.
Ainsi, les premiers Carolingiens avaient fondé un empire
puissant où l'on pouvait travailler et penser. Cette habile
restauration du pouvoir monarchique ne retarda cependant
que d'un demi-siècle le morcellement politique et la for-
mation du régime féodal. C'est que, depuis les invasions,
il s'était produit des phénomènes sociaux qui préparaient
invinciblement une organisation nouvelle. D'abord, les villes
avaient perdu tout ou partie de leurs habitants. On n'a que
très peu de renseignements sur la vie urbaine à cette
époque, même pour le Midi, où une certaine activité s'était
conservée dans les anciens grands centres d'industrie et
de commerce. C'est à la campagne que vivent en immense
majorité les hommes .libres, les gens d'Eglise, les non-
libres. Dans cette population, l'origine ethnique n'a 'pas
grande importance et ne se manifeste guère que dans les
différences de wergeld ; en revanche, les distinctions de
classes sont nettes. Il n'y a pas de noblesse ; mais les
hommes libres ou leudes vivent, en somme, noblement,
comme l'on dira plus tard ; ils portent les armes et se
nourrissent du produit de leurs terres, cultivées par des
non-libres. Parmi les leudes se distinguent en haut ceux
qui ont pris un engagement spécial envers le roi et forment
sa truste (V. ce mot), et en bas ceux qui, impuissants à
se défendre, ont dû solliciter ou accepter la protection d'un
puissant voisin. Ces contrats personnels n'entraînent pas
d'abord forcément des concessions de biens ; mais, au
viie siècle, il y a déjà beaucoup de bénéfices accordés par
le roi à ses antrustions et par le seigneur à ses recom-
mandés ou vassaux, à charge de certains services. Quand
la concession viagère sera devenue perpétuelle, la féodalité
existera (V. Féodalité, Alleu, Bénéfice, etc.). Un autre
caractère du moyen âge sera qu'il n'y aura entre le roi et
le grand propriétaire qu'un lien personnel, et que celui-ci
sera le maître chez lui ; or, dès les temps mérovingiens,
les rois accordaient Yimmunité, qui fermaient à leurs
fonctionnaires l'entrée du domaine de l'immunitaire (V. Im-
munité). A côté de cette espèce de noblesse à laquelle il
manque encore des titres héréditaires, se dresse l'Eglise.
C'était alors une très grande puissance. Les Mérovingiens
l'avait comblée de dons, et elle avait l'immunité pour ses
domaines, de jour en jour plus considérables. Puis elle eut
la dîme. Elle se fit la protectrice des misérables et usa en
leur faveur du droit d'asile et de l'excommunication ; elle
proclama l'égalité de tous devant Dieu ; elle rappela aux
Barbares qu'ils avaient une âme; elle justifia ses richesses
par ses services. Mais, en même temps, ses richesses firent
d'elle une aristocratie territoriale ; non seulement maints
évêques et maints abbés laissèrent tomber leur crosse dans
la boue et dans le sang, mais encore, chose plus grave
pour la marche de l'histoire, les plus pieux comme les
moins recommandables devinrent des seigneurs, entrèrent
dans la truste du roi, eurent des fidèles ; l'Eglise adopta
les cadres du régime nouveau. De profonds changements
eurent lieu aussi dans les classes non libres. Les Barbares,
après leur entrée en Gaule, avaient adopté tout d'abord
l'esclavage à la manière romaine, qui était inconnu en Ger-
manie, où l'esclave était une sorte de colon. Mais l'escla-
vage personnel romain, la familia urbana, la valetaille
qui encombrait les palais des villes, devait forcément dis-
paraître, maintenant que les rois eux-mêmes vivaient à la
campagne ; les esclaves vinrent donc tous travailler dans
les villœ ; sous l'influence de l'Eglise, leur condition s'amé-
liora. En même temps, la condition des colons empira ; on
ne se fit pas scrupule de les vendre, et ils se confondirent
à peu près avec les esclaves. Ainsi naquit le servage.
Charlemagne avait fondé la seule monarchie possible en
un temps où les idées romaines dHmperium, de droit pu-
blic, d'administration étaient devenues des abstractions
incompréhensibles. Il n'avait nullement cherché à contra-
rier le développement de la vassalité, qui rattachait les uns
aux autres les sujets de son immense empire ; ses officiers
avaient plus d'autorité sur les hommes libres, quand ceux-
ci étaient leurs vassaux. Mais le jour n'était pas éloigné
où ces officiers allaient devenir des souverains. La force
de cette royauté sans armée permanente et sans finances
régulières résidait dans le génie personnel de son fondateur.
Sous les successeurs incapables de Charlemagne, l'Empire
tomba en dissolution. Ce fut d'abord le prestige du titre
impérial qui fut anéanti, pendant le règne déplorable de
Louis le Pieux (V. Louis Ier). Après l'unité morale, l'unité
territoriale fut détruite (pour les limites de l'empire de
FRANCE
- 1034 —
Charlemagne, V. ce nom, t. X, p. 660). Le fils aîné
de Louis le Pieux, Lothaire, voulut obliger ses frères à
reconnaître son autorité, mais il fut battu le 25 juin 841 à
Fontenoy-en-Puisaye et, après de longues négociations, les
trois frères conclurent le traité de Verdun (août 843)
(V. Lothaire, Louis le Germanique, Charles le Chauve) .
Ils eurent beau déclarer par la suite qu'ils entendaient
maintenir l'unité impériale, ils l'avaient détruite en 843.
Ce n'est pas sans raison que l'on a insisté sur l'importance
de ces événements, mais on en a souvent dénaturé le ca-
ractère ; les luttes fratricides des fils de Louis le Pieux n'ont
pas eu pour cause fatale l'antagonisme de prétendues na-
tionalités naissantes ; ce sont ces luttes, au contraire, qui
ont été la cause lointaine de la naissance des nationalités
et de leur antagonisme. Le traité par lequel a pris fin cette
pure querelle de succession créait, en effet, trois royaumes,
l'Italie, l'Allemagne et la France, et leur assignait des fron-
tières qui ne pouvaient se justifier ni par l'ethnographie,
ni par la linguistique, ni par la géographie, ni par la tra-
dition. Pour ne parler que du royaume de Charles le Chauve,
il avait pour limites à l'E. l'Escaut, la moyenne et la haute
Meuse, la Saône et le Rhône (moins quelques enclaves,
telles que Lyon, laissées dans la part de Lothaire). C'est
dans ce pays que se formera la nation française ; de bonne
heure, les rois de ce pays songeront à briser le traité de
Verdun, et le but classique de la politique des Capétiens
sera l'acquisition des « frontières naturelles de la Gaule »,
telles que les décrivait César. A l'heure présente, cette
question n'est pas encore réglée. Le partage de 843 a donc
été dans l'histoire de la France et de l'Allemagne d'une
importance causale extraordinaire.
Il est difficile de s'orienter rapidement dans la lamen-
table et confuse histoire de notre pays pendant la dissolu-
tion de l'empire carolingien. Mais si l'on s'en tient à une
vue générale du sujet, on voit qu'un seul fait domine et
résume le règne de Charles le Chauve et de ses successeurs
(V. Charles le Chauve, Louis II, Louis III, Carloman,
Charles le Gros). Ce fait est l'émiettement du pouvoir
monarchique. La théorie même de ce pouvoir est très
obscure pour les hommes de ce temps ; l'Empire a été par-
tagé, mais son unité mystique subsiste ; Charles le Chauve
joint à sa couronne de roi la couronne de Charlemagne, et
Charles le Gros réunit un instant tout l'héritage impérial.
Ainsi, la France n'a pas encore un roi qui daigne se sou-
cier spécialement d'elle ; les noms de royaumes de France
et d'Allemagne n'existent même pas encore : Charles le
Chauve et son frère, Louis le Germanique, portent tous
deux le titre de roi des Francs. A supposer que Charles le
Chauve eût eu conscience du véritable caractère de l'évé-
nement de 843 et eût deviné la meilleure politique à suivre,
il n'aurait sans doute pas réussi à établir fortement son
pouvoir. Une nouvelle cause hâtait, en effet, la formation
de la féodalité. Depuis la fin du règne de Charlemagne, des
pirates Scandinaves, les Normands (V. ce mot) remon-
taient les fleuves de Gaule et pillaient les pays riverains.
En 886, ils assiégèrent Paris pendant dix mois, et Charles
le Gros acheta honteusement leur retraite. Charlemagne
lui-même s'était montré très inquiet de l'apparition de ces
hardis pirates ; l'incapacité de ses successeurs ne créa pas
le danger normand, mais elle le laissa grandir. Puisque
les rois étaient impuissants à assurer la sécurité de leurs
sujets, il était naturel que les sujets apprissent à se passer
des rois et que, dans chaque comté, dans chaque petit pays,
les faibles se missent sous la protection et la dépendance
des forts. Ainsi, l'invasion normande précipita l'organisa-
tion d'un régime nouveau d'association, fondé non pas sur
la religion et les liens de parenté, mais sur l'utilité et le
contrat personnel. Dès 847, l'édit royal de Mersen légalise
l'habitude de la recommandation en prescrivant à tout
homme libre de se choisir un seigneur. Les plus puissants
de ces seigneurs sont les comtes et les autres détenteurs
de l'autorité publique ; comme ils rendent des services et
qu'ils sont de plus en plus honorés et puissants, les rois
les laissent se perpétuer dans leurs charges ; la transmis-
sion héréditaire des fonctions est tolérée, et le capitulaire
de Kierzy-sur-Oise l'établit même officiellement en faveur
des fils des comtes qui mourraient pendant la campagne
d'Italie de 877. Ainsi, les officiers carolingiens deviennent
peu à peu des seigneurs, vassaux du roi, mais proprié-
taires souverains des territoires qu'autrefois ils adminis-
traient au nom de l'empereur.
# Cette aristocratie triompha définitivement lorsque l'em-
pire carolingien se disloqua de nouveau après la déposition
de Charles le Gros (887). La couronne devint élective
dans les divers royaumes qui se fondèrent. Par la création
du royaume de Lorraine, qui fut annexé en 900 à l'Alle-
magne, et des royaumes de Provence et de Bourgogne, qui
ne furent réunis à l'Allemagne qu'en 1034, la France fut
ramenée aux limites de 843, qui avaient été modifiées en
870 par le traité de Mersen. En attendant qu'un peuple
conscient de lui-même et qu'une dynastie nationale se cons-
tituassent dans ces cadres, le monde féodal naquit.
IV. La France féodale jusqu'à la conquête de
la Normandie par Philippe-Auguste. — Il est im-
possible d'assigner des termes précis, même à un siècle
près, à la période dite féodale. Du moment où des hommes
puissants autres que le roi ont commencé à se fair'e des
vassaux et à leur accorder des bénéfices, du moment où
le roi, en octroyant l'immunité, a légalisé lui-même l'usur-
pation des droits régaliens, le régime féodal a commencé à
se développer ; donc, comme l'a prouvé Waitz, il plonge
par ses racines jusque dans les temps mérovingiens ; d'autre
part, ce régime n'a pas été tué tout d'un coup par la royauté;
il y avait encore des fiefs à la veille de la Révolution (V. Féo-
dalité). On a le droit cependant de réserver plus spéciale-
ment le nom de période féodale à celle qui s'étend du
xe siècle inclusivement jusqu'au xme siècle exclusivement ;
la conquête des domaines septentrionaux des Plantagenets
par Philippe-Auguste marque plus précisément et plus défi-
nitivement que tout autre événement la fin de l'ère qui a
commencé avec la dissolution de l'empire carolingien. Le
caractère de cette ère de l'histoire de France est le démem-
brement de l'autorité monarchique ; le pouvoir unique et
public fait place à des pouvoirs multiples et privés, ou,
pour employer la formule de Guizot, la souveraineté se
confond avec la propriété. A vrai dire, la souveraineté com-
pote n'appartint guère qu'aux grands vassaux, c.-à-d. aux
anciens fonctionnaires comme les comtes, qui se trouvaient
maintenant directement au-dessous du roi dans l'échelle
féodale ; mais les seigneurs les moins considérables eurent
une part de souveraineté, car, à la suite d'une évolution
lente et obscure, ils exercèrent chez eux, en leur propre
nom, le droit de justice. Cette période de morcellement à
l'infini prépara cependant à un certain point de vue l'unité
française ; au ixe siècle, il y avait encore des Gallo-Romains,
des Francs, des Burgondes, etc., ayant des lois distinctes ;
ces éléments se mêlèrent dans chaque fief sous la domina-
tion du seigneur et, au xne siècle, la fusion des races était
accomplie.
La France se couvrit donc à la fin du ixe et au xe siècle
d'une foule de seigneuries relevant les unes des autres. Les
relations féodales varièrent tellement qu'il est impossible
de dresser pour une année quelconque une carte absolument
exacte de la France féodale. Cependant, il y a certaines
époques où l'état des documents permet une reconstitution
géographique à peu près satisfaisante ; tel est, par exemple,
le début du règne de Henri Ier, qui monta sur le trône
en 1 031 . La limite du royaume de France passait alors par
Gand et Tournai, laissait au duché de Lorraine Avesnes,
Grandpré, Sainte-Menehould, Bar-le-Duc ; elle n'atteignait
pas encore la Saône ; le Lyonnais, le Forez et le Vivarais
dépendaient du royaume d'Arles ; ensuite le Rhône servait
de frontière jusqu'à la mer. Au S., le comte de Barcelone
était vassal du roi de France ; en revanche, le royaume de
Navarre empiétait sur le territoire cispyrénéen. A l'inté-
rieur de ces frontières, outre le domaine royal dont nous
— 1035 —
FRANCE
ferons plus tard l'histoire et qui, alors, ne dépassait guère
Senlis au N. et Orléans au S., on trouvait d'abord les
domaines du comte de Flandre, des ducs de Bourgogne, de
Guyenne, de Gascogne, des comtes de Toulouse et de
Rouergue, héritiers des puissants seigneurs qui comman-
daient les provinces frontières au ixe siècle pour le compte
des Carolingiens. Le comté de Flandre comprenait tout
le N. de la France entre les bouches de l'Escaut et la Canche.
Le duché de Bourgogne était aux mains de Robert, frère
puîné du roi Henri. Les duchés de Guyenne et de Gascogne
furent réunis en 4052 en un seul fief, qui couvrit le tiers
de la France, de la Loire aux Pyrénées. Le comté de Tou-
louse englobait dès le ixe siècle le Quercy et l'Albigeois.
Les comtes de Rouergue avaient en même temps le mar-
quisat de Gothie (Septimanie). A ces grands fiefs vint
s'ajouter le duché de Normandie, concédé par Charles le
Simple au chef normand Rollon en 911, et dont la consti-
tution légalisa en quelque sorte l'existence des autres fiefs
et précipita la décadence de l'idée monarchique. De 911
à 933, ce duché finit par comprendre l'ancienne Seconde
Lyonnaise presque entière. 11 faut mentionner aussi les
comtés de Blois et d'Anjou, le comté de Bretagne ; une
foule de vassaux plus ou moins directs du roi dans la
France proprement dite (comtes de Valenciennes, de Ver-
mandois, de Valois, etc.) ou hors de cette région (comtes
de Sens, de Ne vers, de Gévaudan, etc.) ; enfin, les sei-
gneuries ecclésiastiques de Tournai, de Beauvais, de Noyon,
de Laon, de Reims, de Châlons, de Langres, etc.
Au milieu des bouleversements qui donnèrent ce nouvel
- aspect à la France, l'autorité monarchique disparut, mais
la monarchie subsista. Seulement la dynastie changea et les
Carolingiens firent place aux Capétiens. Cet événement eut
des causes très simples. Une des maisons les plus riches
et les plus puissantes de l'Empire au ixe siècle était celle
de Robert le Fort. Robert vit les titres s'accumuler sur
sa tête : abbé laïque de Marmoutiers et de Saint-Martin
de Tours, il fut aussi duc de Touraine, puis missus dans
le Maine, l'Anjou et la Touraine, enfin comte d'Autun, de
Nevers et d'Auxerre ; comme marquis d'Anjou, il défendit
cette province contre les Normands et périt glorieusement
à Brissarthe en 866. Son fils Eudes eut le titre de comte de
Paris. Après la déposition de Charles le Gros, il fut cou-
ronné roi à Compiègne, grâce aux efforts des évêques neus-
triens. Le principe de la légitimité carolingienne gardait ses
défenseurs, et, en 898, Charles le Simple recueillit la cou-
ronne à la mort de son rival ; mais, en 922, il vit Robert de
France, soutenu par l'archevêque de Reims lui-même, se
faire nommer roi. Puis le trône fut occupé de 923 à 936
par Raoul, gendre de Robert. Depuis 936 jusqu'en 987,
les Robertiens se contentèrent d'être les protecteurs hau-
tains des Carolingiens. Hugues le Grand fit élire Louis IV
d'Outremer, qui lui conféra le titre de duc de France, c.-à-d.
l'autorité militaire sur une grande partie des pays compris
dans les provinces ecclésiastiques de Reims, Sens et Tours.
En revanche, Hugues humilia Louis d'Outremer et le garda
prisonnier pendant un an. Ce fut lui aussi qui fit élire
Lothaire en 954. Quand son fils Hugues Capet hérita du
duché de France, la maison robertienne était assez puis-
sante pour que le duché de Bourgogne restât dans la famille
malgré la volonté formelle de Lothaire. Il y avait donc à ce
moment-là deux partis à peu près également puissants. La
royauté carolingienne, sans être riche, n'était pas aussi
dépourvue de ressources qu'on l'a prétendu ; de plus, elle
avait pour elle la tradition et de grands souvenirs ; enfin,
les derniers représentants de cette dynastie étaient actifs et
vaillants. La maison de France possédait Paris, Orléans,
Etampes, Dourdan, Senlis, Dreux, Montreuil-sur-Mer et
quelques villages épars ; Hugues Capet était en outre suze-
rain direct du duc de Normandie, des comtes de Verman-
dois, de Champagne, de Rlois, de Chartres, d'Anjou, de
Sens, etc. Il fallait que l'un des deux partis disparût :
ce fut le parti carolingien. La principale cause de cette
déchéance fut l'hostilité entre les empereurs et les Caro-
lingiens, qui commirent la faute de s'emparer de la Lor-
raine et s'aliénèrent ainsi de puissants voisins. A la mort de
Louis V, en 987, son oncle Charles de Lorraine fut évincé
grâce aux intrigues de l'archevêque de Reims, Adalbéron,
qui, tout dévoué à la maison royale de Germanie, fit élire
Hugues Capet sous la condition de l'abandon de la Lorraine.
Ce fait eut une importance particulière parce qu'il se trouva
que Charles de Lorraine était le dernier des Carolingiens
et que, grâce à des hasards heureux et à l'habileté des Capé-
tiens, la transmission du pouvoir se fit sans interruption
dans cette famille nouvelle à travers une longue suite d'an-
nées. L'importance de l'avènement de Hugues Capet, qui
ne fut pas le premier roi de sa maison, fut donc pour ainsi
dire accidentelle. (Pour plus de détails, V. Charles le
Simple, Louis IV, Lothaire, Louis V, Charles de Lor-
raine, Robert le Fort, Robert Ier, Raoul, Hugues le
Grand, Hugues Capet, Adalbéron, Gerbert).
On a eu tort de voir là un triomphe de la nationalité
française, car Hugues Capet descendait probablement d'an-
cêtres saxons et était favorisé par Otton III ; on a eu tort
aussi de croire à une espèce de pacte entre les Capétiens et
la féodalité, car la royauté ne changea pas de caractère et
continua à se proclamer absolue en principe et d'essence
divine. Mais on a eu raison de constater la coïncidence de
l'avènement des Capétiens avec le développement extraor-
dinaire de la féodalité. L'histoire devient alors essentielle-
ment locale, et le lecteur devra chercher dans les articles
relatifs à chaque province les détails qui ne sauraient être
rapportés ici. Contentons-nous d'esquisser à grands traits
l'aspect de la France au xie et au xne siècle. Hors du
domaine royal, les terres et la souveraineté sont aux mains
des nobles et de l'Eglise. La noblesse, disparue avec
les invasions, a reparu avec la féodalité et l'hérédité
des offices ; du reste, il y a une foule de degrés parmi
les nobles, depuis le baron, qui est souverain chez lui,
jusqu'à l'humble écuyer. Une autre sorte de hiérarchie est
celle qui est créée entre les nobles par les liens personnels
de la suzeraineté et de la vassalité qui engendrent des deux
côtés des droits et des devoirs ; le suzerain doit la protec-
tion, le vassal le service militaire, l'aide et le conseil. Dans
chaque baronnie, il y a tout un gouvernement ; au centre
est la cour, où les grands officiers vaquent aux offices
domestiques et dirigent l'administration, et où les vassaux
viennent rendre le devoir de fiance et de justice; le
gouvernement local appartient aux prévôts, aux viguiers,
aux bayles qui, au xrae siècle, auront au-dessus d'eux les
sénéchaux et les baillis. Les ressources du seigneur sont
soit des revenus privés qu'il tire de l'exploitation de ses
terres, soit des revenus féodaux comme l'aide et le relief,
soit d'anciens revenus publics, comme la monnaie, les
péages. Les nobles vivaient dans leurs châteaux et n'en
sortaient guère que pour se livrer à leur occupation favorite :
la guerre. Non seulement ils prirent part aux croisades
(V. ce mot), mais les guerres privées furent incessantes;
la société féodale, où les degrés hiérarchiques semblaient
si ^minutieusement établis, était en réalité déréglée et
anarchique, et la force primait le droit. L'iniquité et la
violence se manifestaient jusque dans les mœurs judiciaires
(coutume du duel). Cependant, le développement de cette
société releva certainement chez nos ancêtres l'énergie in-
dividuelle et le sentiment de la dignité humaine ; il y a eu
une certaine sorte de religion chevaleresque (V. Chevale-
rie). — A côté de cette féodalité laïque avait grandi la
féodalité ecclésiastique, enrichie par le casuel, la dîme de-
venue obligatoire et les donations de terres, dont les preuves
écrites constituent la majorité des chartes de ce temps.
A l'époque franque s'étaient constitués les biens épisco-
paux, massés généralement autour de la capitale diocésaine.
C'était maintenant le beau temps des abbayes qui accep-
taient les donations de toutes mains et avaient de nombreux
domaines disséminés. L'Eglise avait adopté les institutions
et les coutumes féodales ; à l'exemple de la noblesse, elle
avait pris sa part dans le démembrement de la souverai-
FRANCE
— 1036
neté, et l'on voyait même des évêques qui avaient les titres
laïques de ducs et de comtes. Les seigneurs ecclésiastiques
étaient vassaux et suzerains, avaient des avoués et des
vidâmes qui se battaient pour eux, à moins qu'au mépris
des lois religieuses ils ne revêtissent eux-mêmes le haubert.
Mais, par ses principes, l'Eglise se distinguait absolument
de la société laïque ; tels étaient d'abord les principes de
l'élection et de l'obéissance hiérarchique. En outre, l'Eglise
n'a jamais oublié sa mission de moralisation et de pacifica-
tion, qu'elle a accomplie par le moyen des sentences de ses
tribunaux, de l'interdit et de l'excommunication, et de la
trêve de Dieu. C'est elle aussi qui a produit Gerbert, Abai-
lard, saint Bernard, les chroniqueurs qui ont écrit tant
bien que mal notre histoire et les scribes patients, copieurs
de manuscrits; c'est elle qui a élevé les cathédrales romanes
et gothiques et qui, en musique, a inventé l'harmonie. Nous
verrons enfin combien son alliance a été profitable à la
royauté.
Le xe et le xie siècle ont été pour les classes populaires
en France une époque d'insécurité perpétuelle, de misère
et de désespoir. En l'espace de soixante-dix années, de 970
à 4040, il y eut quarante- huit famines ou épidémies qui
décimèrent la population et réveillèrent en elle les instincts
bestiaux du sauvage. Le travail était entravé par l'arbi-
traire des possesseurs du sol. Les vilains ou paysans étaient
pour la plupart serfs (V. ce mot). Dans les villes anciennes
ou nouvelles, possédées par un ou plusieurs seigneurs, l'an-
cienne organisation municipale avait disparu, et les bour-
geois n'étaient, non plus que les vilains, maîtres de leur
corps ni de leurs biens. A partir de la fin du xie siècle,
cette situation changea. Les serfs cessèrent d'être taillables
et corvéables à merci ; les affranchissements se multiplièrent ;
le servage disparut complètement en Normandie dès le
xne siècle. Enfin, le xne siècle vit la bourgeoisie s'éman-
ciper ; le mouvement communal eut des origines, des carac-
tères et des effets d'une variété infinie (V. Commune), mais
on peut dire d'une façon générale qu'il a eu pour objet l'in-
troduction des groupes urbains, considérés comme des sortes
de seigneurs collectifs, dans les cadres de la féodalité. Les
classes populaires comptèrent désormais pour quelque chose ;
elles furent le tiers état. La société tout entière profita
de celte révolution, car l'effort productif et le bien-être
général doublèrent.
L'émancipation des villes contribua à préparer l'unité
française ; la plupart d'entre elles, en effet, adoptaient
l'organisation d'une des sept ou huit communes les plus
fameuses ; c'est ainsi que les Etablissements de Rouen se
retrouvaient à La Rochelle et dans les villes environnantes.
Mais l'ennemie née du particularisme féodal était la mo-
narchie. La royauté capétienne se proclamait l'héritière de
la royauté carolingienne ; comme cette dernière, elle était
absolue et avait la mission divine de faire régner la justice
dans tout le royaume. Pour réaliser rapidement les théories
des clercs, il aurait fallu des hommes remarquables ; les
ancêtres de Philippe - Auguste furent des gens médiocres
(V. Hugues Capet, Robert, Henri Ier, Philippe Ier, Louis VI,
Louis VII). Mais il est bon de se rappeler que la société
laïque tout entière était alors très pauvre en intelligences
et en capacités et que l'Eglise, supérieure à cet égard,
fournit aux premiers Capétiens presque tous leurs conseil-
lers. La royauté peut donc se maintenir dans ses positions
et gagner peu à peu du terrain.
La transmission du pouvoir dans la famille capétienne
fut assurée d'abord par un heureux hasard, à savoir la
continuité de la descendance masculine directe jusqu'au
xive siècle, et en second lieu par un habile procédé : l'as-
sociation de l'héritier présomptif à la couronne. Le droit
de primogéniture s'établit également, et l'indivisibilité de
la couronne ne fut jamais mise en question. Il fallait aussi
que les Capétiens eussent des ressources matérielles, c.-à-d.
une fortune privée, puisqu'il n'y avait plus de revenus pu-
blics. Le domaine proprement royal était presque nul en
987 ; Hugues Capet vécut du revenu des terres robertiennes,
qui avaient beaucoup diminué d'étendue pendant le xe siècle;
elles étaient maintenant éparpillées entre la Seine et la
Loire ; il y en avait aussi dans le Nord, en Poitou, dans
le Midi. La question de la géographie du domaine royal est
du reste très difficile à résoudre pour cette époque. Sous
Henri Ier, le patrimoine capétien se réduisit à sa plus
simple expression. Les principales villes du domaine étaient
Dreux, Etampes, Orléans, Melun, Sens, Paris. Philippe Ier
annexa Corbie, le Vexin, Château-Landon et le bas Gâti-
nais, Bourges et Dun-le-Roi. Louis VI acquit Corbeil,
Montlhéry, le Puiset et quelques autres seigneuries dont
l'indépendance était une menace et une gêne perpétuelles
pour la royauté. Louis VII eut un instant l'Aquitaine par
son mariage avec Aliénor. — Le domaine royal était admi-
nistré par des prévôts ; à partir du règne de Philippe-Au-
guste ceux-ci eurent pour supérieurs hiérarchiques les
baillis (V. Prévôt, Bàtlli). M. Luchaire a récemment
émis la très vraisemblable hypothèse que les baillis furent
d'abord des délégués temporaires du pouvoir central, qui
faisaient des tournées comme plus tard les enquêteurs de
saint Louis et les maîtres des requêtes du xvie siècle. Le
produit de ces domaines et les redevances d'ordre féodal
dues au roi comme suzerain constituaient les ressources des
premiers Capétiens. Il n'y a qu'une différence entre leurs
revenus et ceux de leurs grands vassaux, c'est qu'ils per-
çoivent la régale sur certains évêchés hors des limites de
leurs domaines. Les revenus étaient perçus par les prévôts,
et les baillis venaient rendre des comptes à Paris; il n'y
avait pas encore de chambre des comptes. Quant au mon-
tant de ces revenus, il nous est inconnu et nous n'admet-
tons pas pour notre part les chiffres qu'on a proposés.
Le roi était nomade ; cependant, dès le xne siècle, il
habita de préférence à Paris. Il avait auprès de lui sa fa-
mille, qui n'était pas toujours soumise, ses grands officiers,
qu'il dut surveiller de près pour empêcher la constitution
d'une nouvelle hérédité des offices (V. Chancelier, Conné-
table, Bouteiller, Chambrier, Sénéchal), enfin une foule
de seigneurs et de gens d'Eglise qui constituaient sa cour,
cohue flottante et irrégulière au début. Cette cour devenait
nombreuse quand le roi convoquait des assemblées de
fidèles. Les assemblées capétiennes n'avaient rien de fixe,
présentaient des degrés infinis de solennité et traitaient
toutes les questions sans exception. Leur composition et
leur rôle se modifièrent profondément au xir9 siècle, pour
le plus grand profit de l'autorité monarchique. Les grands
vassaux ne se dérangèrent plus pour venir conseiller le roi
et juger ses affaires ; en revanche, on vit apparaître à la
cour des chevaliers et des gens d'Eglise, plus habiles et plus
dévoués. De plus il se forma dans la curia régis un élé-
ment stable et permanent, une sorte de conseil privé de
palatins qui expédiaient les besognes courantes, préparaient
les questions et s'occupaient spécialement des procès. La
justice, voilà alors la grande affaire pour le roi. Louis VI
eut maintes guerres à soutenir contre les barons qui refu-
saient de reconnaître sa juridiction, et lutta énergiquement
contre les prétentions de l'Eglise qui niait la compétence
des tribunaux laïques. A la fin du xne siècle, les procès com-
mencèrent à affluer à la cour de Philippe-Auguste. Quand
le roi sera à peu près le seul juge en France, la féoda-
lité sera bien malade.
Nous avons dit que la monarchie n'est pas devenue
« féodale » à l'avènement de Hugues Capet et que la date
de 987 n'a nulle importance au point de vue des relations
de la royauté avec les seigneurs. Au xie siècle, époque où
la féodalité n'est pas encore nettement constituée, on voit
Henri Ier reprendre encore des bénéfices, comme le fai-
saient les Carolingiens. Plus tard même les rois ne respec-
tent pas la hiérarchie féodale ; Louis VI et Louis VII châ-
tient le comte d'Auvergne, qui n'est pas leur vassal, mais
celui du duc d'Aquitaine. Les grands vassaux ne sont pas
plus fidèles à leurs devoirs que le roi n'est respectueux de
leurs droits ; à l'avènement de Louis VI, ils refusent pour
la plupart de lui prêter hommage; sous Louis VII, Simon
— 1037
FRANCE
de Montfort et le comte de Toulouse portent leur hommage
au roi d'Angleterre. Si le caractère féodal de la monarchie
au xie et au xne siècle est justement contestable, son carac-
tère ecclésiastique ne l'est point. Pour être agréables à
Dieu, les rois de France persécutent les juifs, brûlent les
hérétiques, inventent des supplices nouveaux pour les blas-
phémateurs et vont combattre en Terre sainte; enfin, ils
comblent l'Eglise de bienfaits et de donations ; d'ailleurs,
ils font passer leurs candidats aux évêchés et régnent en
maîtres dans les abbayes royales. En échange de la pro-
tection des rois, l'Eglise leur fournit de l'argent, des con-
seillers, des soldats, exalte leur nom et consolide leur
autorité au loin. L'initiative de l'émancipation municipale
n'appartient nullement aux Capétiens du xne siècle; ils
favorisèrent dans leurs domaines les villes de communauté
ou de bourgeoisie, où l'administration restait aux mains
des agents royaux ; mais à l'égard des communes propre-
ment dites leur conduite fut dictée par des intérêts divers,
hésitante et contradictoire, en somme plutôt hostile, au
moins jusqu'au temps de Philippe-Auguste. Philippe-Auguste
eut une autre politique, inspirée par des considérations
stratégiques ; il favorisa l'établissement de fortes com-
munes sur les frontières de ses domaines. Quant aux serfs,
ceux du domaine commencèrent à être affranchis dès le
règne de Louis VI ; Louis VII déclara que la liberté était
de droit naturel, mais s'en tint la. Le tiers état n'occupe
pas encore une grande place dans l'histoire de la royauté.
Pendant la période dont nous nous occupons, les progrès
de la royauté ne furent pas continus et homogènes. Au
xie siècle, les rois se font battre dans leurs domaines par
des vassaux tels que Hugues du Puiset et ont de très mo-
diques ressources, comme les derniers Carolingiens; en
revanche, comme les derniers Carolingiens, ils entre-
tiennent des relations avec leurs vassaux les plus éloi-
gnés, exercent jusqu'à un certain point un pouvoir général
et cherchent à étendre leur influence au loin. Le règne de
Louis VI a un tout autre caractère ; Louis VI quitte rare-
ment son domaine, passe son temps à y batailler contre les
vassaux rebelles et y fait respecter le nom royal. Après ce
règne de concentration commence une période d'expansion
vraiment féconde et durable. Louis VII entre en relations
avec les églises, les barons et les villes du Midi, intervient
dans les affaires d'Auvergne, de Bourgogne, etc. Quand
Philippe-Auguste monte sur le trône, la royauté est déjà
une grande puissance en France.
La politique extérieure des premiers Capétiens ne laissa
point de contribuer à l'affermissement de leur prestige. Je
ne parle point des croisades, auxquelles ils prirent peu ou
point part. Mais Hugues Capet et Robert surent résister
aux prétentions d'hégémonie des empereurs d'Allemagne,
et en 1124, Louis le Gros, menacé par Henri V, réunit
une belle armée dont la levée soudaine suffit à prévenir le
danger. Enfin les premiers Capétiens surent de bonne heure
prévoir le péril anglais. Henri Ier n'avait point réussi à
s'emparer de la Normandie ; Philippe Ier ne put empêcher
le duc Guillaume de devenir roi d'Angleterre en 1066,
mais il lui témoigna un mauvais vouloir significatif, et
Louis le Gros ne cessa d'intriguer contre Henri Ier ; les
Capétiens ne pouvaient se dissimuler le danger d'un pareil
voisinage : les rois d'Angleterre étaient riches, puissam-
ment armés contre une féodalité qu'ils avaient faite eux-
mêmes à leur gré, et propriétaires de la plus belle des
provinces françaises. Le péril doubla à l'avènement
de Henri II Plantagenet en 1154 ; Henri II réunit en effet
aux possessions de Guillaume le Conquérant l'Anjou, le
Maine et la Touraine et enfin l'Aquitaine, dot de sa femme
Aliénor, qui l'avait épousé après l'annulation de son
mariage avec Louis VIL Le domaine continental des rois
d'Angleterre était maintenant beaucoup plus grand que
celui de leurs suzerains. Après la mort du médiocre Louis VII
en 1180, Philippe-Auguste, très jeune encore, mais guer-
rier belliqueux et politique déjà habile et perspicace, en-
treprit de ruiner par l'intrigue et la force le redoutable
empire angevin ; de son avènement à la mort de Richard
Cœur de Lion en 1199, il lutta sans succès. Jusqu'à la fin
du xne siècle, la royauté capétienne, malgré l'agrandisse-
ment de ses domaines, les progrès de son autorité et l'éner-
gique politique extérieure des Henri Ier, des Louis le Gros
et des Philippe-Auguste, resta donc dans une situation pré-
caire (V. Henri II, Richard Coeur de Lion, Philippe-
Auguste).
Une ère nouvelle s'ouvre pour la France avec le
xnie siècle. Avec le développement soudain de la monar-
chie, la nation va se former au milieu d'une civilisation
brillante. Ce n'est pas à dire que la période précédente
doive être tenue pour inféconde et peu glorieuse. Les classes
populaires se sont émancipées ; la noblesse a pris part aux
quatre premières croisades (1095, 1147, 1190, 1203),
constitué un royaume de Jérusalem dont les lois furent
rédigées en français, et fondé l'empire latin de Constan-
tinople ; les Normands ont conquis l'Angleterre et l'Italie
méridionale (V. Léon IX, Robert Guiscard); un prince de
la maison de Bourgogne a fondé le royaume de Portugal
(V. Henri de Bourgogne, Alphonse VI de Castille). Le
xne siècle surtout est le beau temps de l'architecture ro-
mane, de la poésie épique et de la littérature provençale,
et, pour la France comme pour tout l'Occident, constitue
une époque d'exubérance productive.
V. Le treizième siècle. — L'accroissement prodigieux
de l'autorité monarchique est le grand fait politique de
l'histoire de France pendant le xme siècle ou, pour mieux
dire, pendant la période qui s'étend depuis les conquêtes
de Philippe-Auguste jusqu'au commencement de la guerre
de Cent ans. Voyons d'abord comment s'accrut le domaine
royal. A Richard Cœur de Lion avait succédé Jean sans
Terre, type de despote insolent, cruel et vicieux ; l'affaire
de l'enlèvement d'Isabelle Taillefer brouilla le roi d'Angle-
terre avec les barons poitevins, qui en appelèrent à Phi-
lippe-Auguste. Celui-ci fit condamner son vassal par sa cour,
et en exécution du jugement s'empara de la Normandie, de
l'Anjou et de la Touraine (1202-1206). La lutte entre les
rois de France et les rois d'Angleterre dura jusqu'en 1259,
coupée par des trêves éphémères. En 1213 et en 1216,
Jean sans Terre faillit même être chassé de son trône. Fina-
lement, par le traité de Paris de 1259, le roi d'Angleterre
Henri III abandonna pour toujours la Normandie, f Anjou,
le Maine et le Poitou et garda le Limousin, le Quercy e-t le
Périgord, qui formèrent la partie septentrionale du duché
de Guyenne (pour les détails de la lutte, V. Philippe- Au-
guste, Jean sans Terre, Louis VIII et Louis IX, Henri III).
L'empire angevin était ruiné ; la royauté capétienne avait
en sa puissance les embouchures de la Seine et de la Loire.
A ses conquêtes sur Jean sans Terre, l'actif Philippe-Au-
guste avait ajouté l'Artois, l'Amiénois, le Valois, le Ver-
mandois, une partie du Berry, les comtés de Clermont, de
Beaumont et d'Alençon, l'Auvergne et avait placé sous son
contrôle direct la Flandre et le Ponthieu. Son continuateur
Louis VIII, qui ne régna que trois ans, annexa au domaine
royal une partie du Perche et du Ponthieu et quelques sei-
gneuries. De plus, c'est pendant ce petit règne que les do-
maines du comte de Toulouse furent donnés au roi de France
par la papauté ; Philippe-Auguste, absorbé par sa lutte
contre l'Angleterre, avait laissé la noblesse du Nord se
partager les dépouilles des hérétiques albigeois, mais le fils
de Simon de Montfort, le faible Amauri, avait dû renoncer
aux conquêtes faites par son père ; sur l'invitation d' Ho-
norais III, Louis VIII prit la direction de la croisade (1226).
Sous la régence de Blanche de Castille, en 1229, un traité
assura l'héritage du comte de Toulouse à Alphonse, frère de
Louis IX (V. Cathares). Alphonse eut aussi le Poitou et
l'Auvergne, car Louis VIII avait renouvelé la coutume des
apanages ; ses autres fils, Robert et Charles, eurent le pre-
mier l'Artois, et le second l'Anjou et le Maine, auxquels
un mariage joignit la Provence ; à l'extinction de la des-
cendance masculine des apanages ,c ces domaines devaient
faire retour à la couronne. Le domaine direct du roi fut
FRANCE
— 1038
donc provisoirement diminué sous le règne de saint Louis,
malgré l'annexion des comtés de Blois, de Chartres et de
Sancerre ; notons en passant que saint Louis renonça à sa
suzeraineté sur le Roussillon et la Catalogne, qui appar-
tinrent dès lors en toute souveraineté au roi d'Aragon
(V. Louis IX, Blanche de Castille, Alphonse de Poi-
tiers, Robert d'Artois, Charles d'Anjou) . Philippe le
Hardi recueillit l'héritage immense d'Alphonse de Poitiers
et acquit le comté de Nemours. Ses successeurs annexèrent
la Champagne, la Brie, le royaume de Navarre, les comtés
de la Marche et d'Angouiême ; Philippe le Bel tourna aussi
ses regards vers l'Est ; après une lutte acharnée contre les
Flamands, il s'empara de la Flandre wallonne, entre Lys
et Escaut ; enfin il acquit Tournai et Lyon (V. Philippe le
Hardi, Philippe le Bel).
Quant au pouvoir et au prestige delà royauté, ils ne ces-
sèrent de croître pendant cette période. Tâchons de nous
représenter ce qu'est le roi de France dans le premier quart
du xme siècle. Il vit de préférence à Paris, au Louvre ;
Paris est maintenant pavé, a des halles, et la cathédrale
dédiée à Notre-Dame s'achève lentement. Mais le roi fré-
quente aussi ses châteaux de Mantes, d'Anet, de Vincennes,
de Fontainebleau, de Saint-Germain. Il vit entouré de sa
famille, de ses grands officiers, de quelques amis intimes
comme Enguerrand de Couci et Bouchard de Marly, et enfin
de ces familiers, clercs, chevaliers, bourgeois même, qui
le conseillent et expédient ses affaires, entourage permanent
auquel s'adjoignent de nombreux hôtes de passage et les
baillis en congé. A l'époque où les organes divers du gou-
vernement anglais vivent déjà d'une vie distincte, l'insti-
tution embryonnaire de la caria régis et des assemblées
capétiennes existe encore en France. L'institution des bail-
lis elle-même n'a pas un fonctionnement régulier. Les
revenus du roi sont encore purement domaniaux. Mais tous
ces défauts d'organisation, toutes ces entraves n'empêchent
pas le roi de lutter avec succès contre la féodalité. Mainte-
nant le régime féodal est fixé et systématisé, et le roi est
assez fort pour tirer tout le parti possible de son titre
de suzerain supérieur; témoin l'arrêt qui a dépossédé Jean
sans Terre de ses fiefs continentaux. Les rebelles comme
les comtes de Boulogne et de Flandre sont vaincus à Bou-
vines ; les comtes d'Auvergne sont dépouillés ; Thibaud de
Champagne a été élevé à Paris ; le jeune duc de Bourgogne
est sous la protection royale, et le comte de Bretagne est
une créature de Philippe-Auguste ; enfin la maison de Tou-
louse est réduite aux dernières extrémités. La protection
accordée par le roi aux églises et aux villes les plus loin-
taines crée partout des centres de propagande monarchique.
Certains actes législatifs, tels que l'ordonnance de Louis VIII
sur les juifs, ont été adoptés par les barons et ont force de
loi dans tout le royaume. L'énorme accroissement de l'auto-
rité monarchique sous Philippe-Auguste et Louis VIII amena
une réaction violente à l'avènement du jeune Louis IX ;
mais l'énergique et habile Blanche de Castille en vint à
bout. Alors commença le règne de saint Louis, époque
unique dans notre histoire. Non seulement le gouvernement
central s'organise, non seulement le domaine est adminis-
tré plus régulièrement et plus équitablement (ordonn. de
1254 et de 1256 et institution des enquêteurs), mais
encore la royauté apparaît à tous comme un pouvoir réel-
lement sacré et divin, parce qu'elle s'incarne en effet dans
un saint, auquel on ne pense point pouvoir désobéir sans
péché. La féodalité est respectée par le roi, mais elle lui
est parfaitement soumise et la justice royale fait de grands
progrès. Les villes renoncent en masse à leur indépendance
et laissent au roi le contrôle de leur gestion financière ;
bientôt l'autonomie municipale ne sera plus qu'un souve-
nir ; même hors des limites du domaine les anciennes com-
munes deviennent les villes du roi (V. Blanche de Cas-
tille, Louis IX). Ce bel équilibre entre la monarchie et la
féodalité ne dura pas longtemps. Bientôt la monarchie sera
oppressive. Le règne de Philippele Hardi (1270-1285) est,
quoiqu'on puisse dire, une « période de transition ». Phi-
lippe III n'eut peut-être d'autre idéal moral que son père ;
mais lorsqu'il réunit le Languedoc à la couronna, sa cour
se remplit de clercs et de chevaliers méridionaux, 'imbus
de droit romain, qui lui enseignèrent des maximes nou-
velles et lui firent négliger celles de saint Louis ; une or-
donnance comme celle de 1276, qui faisait du roi le souve-
rain amortisseur (V. Amortissement), portait gravement
atteinte aux privilèges des barons. Le règne des légistes
commençait (V. Philippe le Hardi). Les légistes triom-
phèrent avec Philippe le Bel, qui fut peut-être leur instru-
ment. Philippe le Bel parle en véritable roi ; ses ordon-
nances ne mentionnent jamais le consentement des barons.
C'est principalement de ce règne que datent les principaux
procédés de gouvernement qui ruineront le régime féodal.
Les revenus du domaine ne suffisant plus, Philippe IV fit
des emprunts, altéra les monnaies et leva des impôts géné-
raux. Comme l'ancienne armée capétienne, composée de
contingents féodaux et communaux et de quelques bandes
mercenaires, n'était pas assez nombreuse, les légistes
eurent l'idée d'une armée nationale ; en 1302, pour la
guerre de Flandre, on convoqua tous les sujets du roi qui
pouvaient porter les armes. Le conseil du roi, le Parlement
et la chambre des comptes, qui depuis le règne de saint Louis
prenaient une existence distincte et se partageaient les attri-
butions de la curia régis, devinrent des organes de plus
en plus précis de la volonté monarchique. Les baillis, les
sénéchaux, les enquêteurs travaillèrent plus vigoureuse-
ment que jamais à détruire les privilèges politiques de la
noblesse. La guerre privée est interdite, ainsi que le duel
judiciaire ; la juridiction féodale et ecclésiastique est vio-
lemment attaquée. Enfin les classes se rapprochent dans la
commune obéissance au roi : aux Etats généraux appa-
raissent une noblesse de France, un clergé de France, une
bourgeoisie de France ; la triple féodalité des seigneurs, des
gens d'Eglise et des communes fait place aux trois ordres
de l'Etat. Philippe le Bel rencontra du reste une vigou-
reuse résistance, et les nobles soulevés dès 1314 obtinrent
après sa mort la reconnaissance de leurs privilèges. Cepen-
dant les règnes successifs des trois fils de Philippe IV, de
1314 à 1328, ne furent pas stériles; c'est du temps de
Philippe le Long que date à proprement parler l'organisa-
tion du conseil et de la chambre des comptes (V. Louis X,
Philippe V, Charles IV).
Les rois du xme siècle eurent une politique extérieure
active, souvent très habile et très relevée. Leurs agents
parcouraient incessamment les chemins de Rome, de l'Alle-
magne, de la Flandre et de l'Angleterre. Philippe-Auguste
tint tête plusieurs années à Innocent III au sujet d'Inge-
burge et contribua en Allemagne au triomphe des Hohen-
staufen, en Angleterre à la révolution chartiste ; Louis VIII
faillit porter la couronne des Plantagenets ; saint Louis
essaya de réconcilier l'empereur et le pape pour appliquer
leurs efforts à la délivrance de la Terre sainte et réalisa
dans ses croisades l'idéal du roi chrétien ; son frère Charles
d'Anjou conquit le royaume de Naples (V. Charles d'An-
jou) et Philippe le Hardi porta ses armes au delà des Pyré-
nées. Philippe le Bel, hanté par le souvenir de Charlemagne,
rêva la couronne impériale héréditaire ; il aurait sans doute
entamé une lutte sérieuse contre le roi d'Angleterre, si
celui-ci ne lui avait abandonné la Flandre ; enfin il brisa
les prétentions de la papauté, l'enferma à Avignon et lui fit
abolir l'ordre des templiers.
En même temps que le pouvoir royal, la civilisation géné-
rale de la France se développa brillamment au xme siècle
et au commencement du xive. Des cultures nouvelles se
sont introduites depuis les croisades. Les villes neuves
sortent partout de terre et avec la vie urbaine grandit
l'industrie publique (V. Corporation). La royauté protège
les marchands ; les foires de Troyes, de Beaucaire, de Saint-
Denis attirent une affluence énorme ; en dépit des péages,
des persécutions contre les juifs et les Lombards (V. ces
mots), de l'altération des monnaies sous Philippe le Bel,
le commerce prospère et le bien-être se répand partout.
4039 -
FRANCE
La France est enfin le centre intellectuel de l'Occident ;
des étudiants de toutes les nations viennent étudier à l'uni-
versité de Paris ; notre littérature et notre art sont pris
pour modèles dans les autres pays.
VI. La France pendant la guerre de Cent ans.
— La guerre de Cent ans détruisit la prospérité renais-
sante de la France. Elle éclata pour une affaire de succes-
sion et fut la contre-partie gigantesque de l'expédition
entreprise par le fils de Philippe-Auguste en 4246 pour
détrôner Jean sans Terre. Les fils de Philippe le Bel étant
morts sans postérité, la couronne était échue à Philippe VI,
fils du comte de Valois, qui était lui-même le frère cadet
de Philippe le Bel. La maison de Valois remplaça donc sur
le trône la maison des Capétiens directs (4328) ; Edouard III,
roi d'Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère
Isabelle, se prétendit lésé et, après quelques années de
lutte indirecte en Ecosse et en Flandre, éclata une guerre
que des hasards funestes allaient prolonger pendant plus
d'un siècle (4337-4453). Elle ne fut pas cependant conti-
nue ; elle présenta deux phases, séparées par une longue
paix de 1375 à 4445 ; ces phases commencèrent toutes
deux par des victoires pour les Anglais, et finirent par le
relèvement de la France ; mais tout prit de plus grandes
proportions dans la seconde, les revers comme la revanche,
les exploits des héros comme leur caractère.
On trouvera dans les articles consacrés à Philippe VI
et à son successeur Jean II le détail des campagnes victo-
rieuses d'Edouard III de 4337 à 4360. Qu'il nous suffise
de rappeler ici les principales raisons de désastres tels que
.ceux de Crécy et de Poitiers. En France, l'armée royale se
compose de la noblesse, des milices communales, enfin des
grandes compagnies. La noblesse a toujours le goût de la
guerre et des aventures, et l'on voit même Amédée de
Savoie, le comte d'Eu, le duc de Bourbon, le comte de
Nevers faire des chevauchées en Terre sainte ; mais les che-
valiers, préoccupés d'étaler maintenant un luxe effréné, ont
perdu la simplicité de mœurs et le souci du véritable hon-
neur qui sont l'essence de l'esprit militaire. Quant à la bour-
geoisie, riche et paisible, elle forme des milices qu'on
méprise avec quelque raison. Les grandes compagnies
apparaissent dès 4347 ; ce sont des troupes d'aventuriers
cosmopolites, organisées pour la guerre, mais surtout pour
le pillage. Edouard III emploie aussi les routiers, mais il
a une cavalerie exercée et relativement disciplinée et sur-
tout une excellente infanterie d'archers et de coutilliers.
Ajoutez qu'il organise sagement le service des approvision-
nements, s'éclaire avec prudence et sait choisir ses positions
stratégiques. A la suite de la grande invasion de 4359, un
traité solennel fut négocié à Brétigny et conclu à Calais en
4360. Jean II, prisonnier depuis 4356 en Angleterre, fut
„ délivré moyennant une rançon ; Edouard III obtint sa renon-
ciation à tout droit de souveraineté sur la Guyenne et ses
dépendances. Mais cette clause des renonciations avait été
. enveloppée d'obscurités voulues par les agents du dauphin
Charles, qui se mit tout de suite à préparer sourdement la
rupture de ce traité onéreux.
Les grands faits de l'histoire intérieure à cette époque
sont les malheurs du peuple, qui est maltraité et rançonné
par les gens de guerre et décimé par la peste noire, et
d'autre part la tentative politique de la bourgeoisie pari-
sienne qui de 4355 à 4358 essaye de mettre la main sur
le gouvernement. Les désastres publics et le mauvais état
des finances royales donnèrent aux Etats généraux une
importance qu'ils n'avaient pas eue jusqu'alors. Les Etats
de 1355 et de 4356 réclamèrent contre les abus ; ceux de
4357 forcèrent le dauphin, régent pendant la captivité de
son père, à renvoyer ses vieux conseillers, et rédigèrent la
grande ordonnance, qui instituait une sorte de régime par-
lementaire. Le dauphin ayant refusé d'accepter ces réformes,
Paris se révolta ; les agitateurs avaient pour chefs le roi de
Navarre, Charles le Mauvais, qui convoitait la couronne de
France, et le prévôt des marchands Etienne Marcel. La Jac-
querie, qui éclata le 28 mai 4358 et dura une quinzaine
de jours, mit le comble au désordre. Tous ces mouvements
avortèrent ; les Jacques furent exterminés, Etienne Marcel
assassiné ; le dauphin rentra à Paris et confisqua à son pro-
fit le système financier inventé par les Etats ; l'aide conti-
nua à être perçue sur tous les sujets, les neuf généraux
superintendants et, les élus devinrent des fonctionnaires
royaux et la monarchie fut plus forte que jamais (V. Jean II,
Charles V, Charles le Mauvais, Jacquerie).
Charles V, prince maladif, impassible et ponctuel, eut
un règne réparateur et glorieux à tous égards (1364-4380).
Avec l'aide du grand Du Guesclin (V. ce nom) il débar-
rassa la France des grandes compagnies et de Charles le
Mauvais, termina la guerre de la succession de Bretagne,
et réduisit les Anglais à la seule possession de Bayonne,
Bordeaux, Brest, Cherbourg et Calais, parce qu'il sut à son
tour avoir une bonne armée et observer une tactique pru-
dente. Avec le concours de ses conseillers, il administra
sagement, sans faire de grandes innovations ; il garda la
gabelle instituée par Philippe VI, et l'aide générale, mais
n'altéra point les monnaies et rendit bonne justice. Il laissa,
il est vrai, se fortifier une nouvelle féodalité, la féodalité
apanagée : loin d'empêcher son frère Philippe le Hardi, duc
de Bourgogne depuis 4364, d'épouser l'héritière de Flandre,
Jl augmenta le péril que cette union faisait courir à la
royauté en cédant à Philippe la Flandre wallonne; il agran-
dit l'apanage du duc d'Anjou en lui donnant la Touraine;
un autre de ses frères était duc de Berry et d'Auvergne ;
mais Charles V se réserva sur ces apanages les droits finan-
ciers et judiciaires les plus étendus, et il s'interdit toute
autre aliénation aux dépens du domaine royal, dont les
limites avaient reculé ainsi que celles du royaume jusqu'aux
Alpes Cottiennes, depuis l'acquisition du Dauphiné en 4349.
— Enfin la prospérité générale renaquit et Charles encou-
ragea une brillante renaissance intellectuelle et artistique.
Après sa mort, l'anarchie recommença, parce que
Charles VI (4380-4422) n'avait pas encore douze ans et
qu'à vingt-trois ans il devint fou (V. Charles VI). Les
oncles du jeune roi commencèrent par piller le trésor ou les
provinces qu'ils devaient administrer ; puis, avec le meurtre
du duc d'Orléans par le duc de Bourgogne Jean sans Peur
(1407), commença la querelle sanglante des Armagnacs et
des Bourguignons. En 4413 eut lieu le mouvement stérile
des Cabochiens. A la faveur de ces désordres Henri V d'An-
gleterre envahit la France, gagna la bataille d'Azincourt et
obtint au traité de Troyes le droit de succéder à Charles VI
sur le trône de France. Mais Henri V et Charles VI mou-
rurent à peu de mois de distance en 1422 (V. Charles VI,
Carochiens, Henri V, Isabeau de Bavière). Le seul fils
survivant de Charles VI, le dauphin Charles, avait dix-neuf
ans, était entouré d'indignes favoris et n'était obéi que dans
le centre de la France. Le Parlement, l'Université, le duc
de Bourgogne Philippe le Bon et la reine Isabeau de Bavière
reconnurent pour roi l'enfant anglais, Henri VI, et les pro-
vinces au N. de la Loire ainsi que la Guyenne lui étaient
soumises. Mais Charles VII eut pour lui lès discordes de
ses rivaux et les haines soulevées dans le cœur du peuple
par Finsolence brutale des vainqueurs et par les humilia-
tions infligées à la dynastie de saint Louis et de Charles le
Sage. Le sentiment national, qui n'existait que peu ou point
au xive siècle, se manifesta décidément et s'incarna en une
âme simple, qui alliait l'exaltation mystique au bon sens
le plus profond ; Jeanne d'Arc rendit la confiance à l'armée
de Charles VII et sa mort n'arrêta pas les désastres des
Anglais. En 4453, Calais restait seule aux mains des enne-
mis ; la guerre de Cent ans était finie (V. Charles VIII,
La Hire, Dunois, Bichemont, Arc [Jeanne d']).
Cette lutte atroce laissa la France ruinée, épuisée
d'hommes et d'argent, mais consciente désormais de son
unité. Le patriotisme existe, sous forme de dévouement
commun à la monarchie ; au milieu de l'universelle misère,
les opprimés s'unissent pour acclamer le roi ; les com-
munes en faillite acceptent sa tutelle. Charles VII lève non
seulement la gabelle et l'aide, mais aussi la taille sur tout
FRANCE
— 1040 —
son royaume; la cour des aides est organisée. Le roi crée
une cavalerie permanente et une artillerie. Par la pragma-
tique de 1438, il affranchit le clergé français à l'égard de
la papauté, dont la captivité d'Avignon et le grand schisme
d'Occident avaient affaibli le prestige. Enfin il entame la
lutte contre la nouvelle féodalité.
VII. La ruine de la féodalité, la Renaissance,
les guerres d'Italie et la Réforme. — Au xve siècle,
la noblesse est restée grossière, parfois féroce, toujours
avide d'or et de plaisirs, comme au xive siècle, mais elle
est devenue plus menaçante pour la royauté. En dehors de
quelques maisons comme celles de Bretagne, de Penthièvre,
d'Armagnac, de Foix, etc., il y a les puissantes dynasties
d'Orléans, d'Anjou, de Bourgogne, d'Alençon, de Bourbon,
issues de la famille des Capétiens, qui voudraient se mêler
du gouvernement et surtout reprendre chez elles leur indé-
pendance. La plus puissante est celle de Bourgogne, qui
possède deux grands territoires séparés par la Lorraine et
la Champagne : d'une part, la Bourgogne et la Franche-
Comté; d'autre part, la Flandre, l'Artois, le Brabant, le
Hainaut, la Hollande, la Zélande et les villes de la Somme.
Le duc de Bourgogne tire de beaux revenus de ses villes
flamandes, a une cour fastueuse et protège les arts ; il rêve
de réunir les deux tronçons de son domaine et de devenir
roi. Depuis l'époque de la Praguerie (1440) jusqu'à la
dernière prise d'armes des nobles en 4488, la royauté eut
à lutter énergiquement. Charles VII se débarrassa du bâ-
tard de Bourbon, du duc d'Alençon et de Jean d'Arma-
gnac. Louis XI réunit au domaine les Etats des maisons
d'Alençon, d'Armagnac, de Nemours et de Saint-Pol, im-
pitoyablement anéanties par lui; il enveloppa le duc de
Bourgogne Charles le Téméraire d'un réseau d'intrigues,
et à la mort de ce redoutable rival mit la main sur les villes
de la Somme et sur la Bourgogne, sans compter l'Artois
et la Franche-Comté, que son fils devait malheureusement
céder à Maximilien d'Autriche . Le testament de René II
d'Anjou lui laissa l'Anjou, le Maine et la Provence. Plus tard
la régente Anne de Beaujeu déjoua la révolte du duc d'Or-
léans et fit épouser à Charles VIII l'héritière de Bretagne.
La maison d'Albret et la maison de Bourbon restèrent
seules indépendantes. Elles devaient s'unir par un mariage
en 1548 et donner le jour à Henri IV (V. Charles VII,
Louis XI, Charles le Téméraire, Charles VIII).
Ainsi la noblesse perdit à la fin du xve siècle son pou-
voir politique; sous François 1er, la révolte du duc de
Bourbon ne rencontra point d'écho. Le clergé fut complè-
tement soumis au roi en 1516, grâce au concordat conclu
par François Ier avec le pape. Louis XI se montra aussi
défiant envers les bourgeois qu'envers les nobles et dimi-
nua les libertés municipales; les réclamations de la bour-
geoisie aux Etats de 1484 n'eurent pas d'effet. François Ier
brisa les résistances du Parlement, qui ne voulait pas
accepter le concordat. Bref, jusqu'à l'époque des guerres
de religion, la royauté marcha sans difficultés nombreuses
dans la voie dé l'absolutisme. Au temps de François Ier,
un ambassadeur vénitien envoyé en France dit que la
volonté du roi y est tout. Le roi gouverne avec l'aide de
son conseil, sectionné en plusieurs parties, du chancelier,
des secrétaires d'Etat et du surintendant des finances. L'ad-
ministration financière est régularisée sous François Ier ;
en revanche, ce prince, qui aime le luxe et reprend les tra-
ditions de la vie de cour déjà si brillante au xive siècle,
abandonne les principes d'économie de Louis XII, aug-
mente les impôts et la dette publique. L'exercice de la jus-
tice est plus compliqué que jamais; outre le grand conseil,
les parlements de Paris et de province, les requestes de
Thostel, les présidiaux créés en 1551 et les tribunaux
inférieurs, il y a encore les anciennes juridictions seigneu-
riales et ecclésiastiques, fort diminuées d'importance il est
vrai. Là comme partout on a laissé subsister les organes
anciens, datant du régime féodal ou princier, et on leur a
juxtaposé les organes nouveaux du pouvoir absolu. Le
même système devait être appliqué jusqu'en 1789; une
méthode analogue préside actuellement encore au dévelop-
pement des institutions anglaises.
Une fois que l'âge des guerres anglaises et bourgui-
gnonnes fut passé, le roi de France put avoir une politique
extérieure plus large et plus brillante. Dans tout l'Occident
commence alors la période des grandes relations interna-
nionales, parce qu'il s'est constitué de puissantes monar-
chies. Les Vénitiens ont institué les ambassadeurs, fondé
les principes du droit des gens et de l'équilibre européen ;
ces habitudes et ces idées pénètrent en France comme par-
tout. Sous Charles VIII la noblesse, qui a été soumise par
Louis XI, cherche fiévreusement une issue à son activité ;
on ne veut point de conquêtes pacifiques, comme au temps
du défunt roi ; on veut la guerre. Reste à savoir où on la
fera. Deux objets s'offraient à la politique royale ; on pou-
vait, à la première occasion favorable, envahir la Lorraine
et les provinces de l'héritage bourguignon qui avaient été
dévolues à la maison d'Autriche, et poursuivre ainsi l'exé-
cution des projets de Philippe-Auguste, de Philippe le Bel
et de Louis XI ; on pouvait aussi profiter de l'anarchie où
était plongée l'Italie pour y faire de belles et joyeuses che-
vauchées. Entre les « guerres d'utilité » et les « guerres
de magnificence », Charles VIII et Louis XII, rois peu intel-
ligents, n'hésitèrent pas et choisirent les dernières. Ils ne
réussirent pas ; le principe de l'équilibre européen se
retourna contre les conquérants et, à l'avènement de Fran-
çois Ier en 1515, nous n'avions plus un pouce de terre au
delà des Alpes. François Ier eut comme ses prédécesseurs
la monomanie de l'Italie. Mais il eut en même temps à se
défendre contre Charles-Quint, qui possédait l'Espagne,
Naples, les Pays-Bas, l'Autriche. et songeait sérieusement
au démembrement de la France. La lutte contre la maison
d'Autriche devint forcément le pivot de notre politique
extérieure. François Ier avait l'esprit médiocre, mais il était
actif; il fonda la marine royale, réorganisa la cavalerie,
essaya d'instituer une infanteiie; il sut se créer des
alliances, profiter des embarras sans nombre de son rival
et en somme maintenir les frontières de la France. Henri II
(1547-1559) continua la lutte, mais eut la sagesse de re-
noncer à l'Italie et de porter la guerre dans l'Est. Cette
politique, que devaient reprendre Henri IV, Richelieu et
Louis XIV, nous valut la conquête de Calais, Metz, Toul et
Verdun.
Ces guerres qui, habilement dirigées dès le début, au-
raient été infiniment plus profitables, n'entravèrent pas du
moins le développement de la prospérité économique dans
notre pays. Sauf à de rares intervalles, l'ennemi ne péné-
tra point en France. Cette époque fut une période de bien-
être général, de même que le xme et le commencement du
xive siècle. Les découvertes maritimes ouvrirent de nou-
veaux débouchés à l'activité et jetèrent sur le marché de
grandes quantités d'or et d'argent qui facilitèrent les tran-
sactions. Claude Seyssel a décrit en des pages devenues
classiques l'efflorescence du commerce français au temps de
Louis XII. Grâce au développement de l'aisance et du luxe,
toutes les industries prirent un essor nouveau, et particu-
lièrement celle des draps riches. La population des cam-
pagnes s'accrut prodigieusement. La bourgeoisie, affamée
d'honneurs, achetait les charges vendues par la royauté à
beaux deniers comptant et se préparait à une domination
qui dure encore aujourd'hui. Au point de vue intellectuel
se produisit alors un grand mouvement qui avait du reste
ses origines dans la période antérieure et qu'on ne peut
sans injustice appeler la Renaissance, car il n'a point
succédé à une époque d'immobilité et de mort. Mais il est
vrai de dire que le moyen âge n'avait point produit d'hommes
comparables à Rabelais, à Bernard Palissy, à Ambroise
Paré, à Henri Estienne ; enfin l'imprimerie, introduite en
France sous Louis XI, devint rapidement d'une prodigieuse
utilité pour l'expansion des idées. Quant aux arts, il y a
une distinction à faire. Depuis la naissance de l'école de
Bourgogne pendant le xive siècle, jusqu'à l'époque des
guerres d'Italie, il y a eu en France un art national, d'un
— 1041
FRANCE
réalisme vigoureux ; à partir du moment où François Ier,
qui rêvait toujours du ciel bleu de Lombardie, appela à sa
cour les artistes de la péninsule, l'italianisme envahit la
France et laissa à peine subsister quelques peintres origi-
naux, comme les Clou et, et quelques grands sculpteurs.
Sans cet accident, l'art national aurait sans, doute acquis
un développement bien plus remarquable.
Ainsi, depuis la fin de la guerre de Cent ans jusqu'à la
période des luttes religieuses, les Valois réussirent à éta-
blir un pouvoir fort et respecté; économes avec Louis XI
et Louis XII, ils purent devenir avec François Ier fastueux
et prodigues, sans que la nation en souffrît. Les guerres
eurent lieu au delà des frontières et n'empêchèrent point
les travailleurs de penser et de produire. A cette époque
de paix intérieure et de grande politique internationale
allait succéder une période de guerres civiles. L'esprit
d'opposition, qui semblait anéanti, renaquit sous la forme
religieuse. En France, comme partout ailleurs, les mœurs
du clergé, les grossières superstitions que les prêtres lais-
saient pénétrer dans les classes populaires, soulevèrent les
protestations des gens austères et éclairés bien avant que
Luther se fût fait connaître (V. Protestantisme). Au temps
de François Ier et de Henri II les deux partis prirent forte-
ment conscience de leur antagonisme. D'une part, les
réformés français adoptèrent en commun les doctrines de
Calvin (Institution chrétienne publiée en 1535) ; d'un
autre côté, dans toute l'Europe, les catholiques suppri-
mèrent quelques-uns des abus criants qui leur aliénaient
les hautes classes et se groupèrent autour de la papauté
(concile de Trente, 1545-1563; approbation de l'Institut
des jésuites par le pape en 1540). Quelles étaient les forces
de ces deux partis en France? Le clergé, d'abord indécis,
adopta décidément la cause du pape dès la fin du concile de
Trente et se laissa dominer par les jésuites, La bourgeoisie,
qui était attachée au principe d'autorité et répugnait aux
rudes doctrines de Calvin, donna peu de recrues au parti
réformé; elle>ne devait se laisser entamer fortement qu'au
siècle suivant. Quant aux paysans, ils ne comptèrent guère
dans les luttes religieuses avant le règne de Louis XIV.
Au xive siècle, les calvinistes sont des magistrats, des
universitaires, des ouvriers sans travail, des soldats, des
moines défroqués et surtout des nobles ; la majorité de la
noblesse française embrassa les croyances nouvelles. Or
l'aristocratie était restée puissante; elle formait les com-
pagnies d'ordonnance et occupait les hauts grades de l'in-
fanterie ; c'est elle, fait très important, qui fournissait les
chefs des gouvernements militaires organisés par Fran-
çois Ier; les têtes du parti protestant seront en majorité
des gouverneurs.
Entre le clergé fanatique et le tiers état fanatisé d'un
côté, et une noblesse guerrière et turbulente de l'autre, il
y avait peu de place pour le parti de la tolérance. La
royauté seule pouvait s'interposer ; mais, au lieu de suivre
une politique constante de conciliation, elle adopta un
désastreux système de bascule. François Ier persécuta par
intervalles les protestants de France, quand il n'avait pas
besoin des protestants d'Allemagne. Henri II voulait exter-
miner les hérétiques et sa mort seule les sauva. Sous
François II (1559-1560), le pouvoir est disputé par l'ha-
bile Italienne Catherine de Médicis, les princes du sang tels
que Condé, les favoris du roi comme le duc de Guise, et le
sort des protestants dépend d'un accident ou d'un heureux
coup de main. Sous Charles IX (1560-1574) la guerre
civile commence et devient tout de suite atroce ; Catherine
de Médicis, indifférente en matière religieuse, veut avant
tout garder le pouvoir et oscille entre les deux partis, qui
généralement déclarent agir au nom du roi et cherchent à
dominer à la cour. Par la paix de Monsieur, en 1576, les
protestants obtinrent l'indépendance, grâce à l'appui des
catholiques tolérants (parti des politiques). Mais ce ne fut
point pour longtemps. La majorité des Français était catho-
lique intolérante; le roi Henri III (1574-1589) n'était
capable que d'augmenter la confusion et d'affaiblir davan-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XVII.
tage le prestige du trône. Sous son règne, la vieille royauté
capétienne subit décidément une éclipse. La noblesse pro-
testante était soulevée tout entière ; la noblesse catholique
était prête à soutenir le duc de Guise. Enfin la forma-
tion de la Sainte Ligue provoqua un mouvement démo-
cratique. L'œuvre patiente des Capétiens, la centralisation
des pouvoirs, semblait compromise ; on assistait à une
réaction violente de toutes les forces du moyen âge; les
idées anarchistes et régicides trouvaient un écho jusque
dans les églises. Les Etats généraux, que dès le règne de
François II on avait recommencé à convoquer, étaient deve-
nus l'instrument des fureurs religieuses.
La monarchie et l'unité française furent sauvées par la
mort du duc de Guise et de Henri III et la conversion de Henri
de Bourbon qui, à l'extinction de la branche de Valois en
1589, avait été reconnu comme légitime héritier du trône
par les protestants et avait apporté pour dot son beau
royaume de Navarre. L'abjuration de Henri IV, en 1593,
mit fin à la résistance des ligueurs; leurs alliés les Espa-
gnols signèrent la paix de Vervins en 1598. La même
année, le roi, après de longues et pénibles négociations,
imposait aux partis religieux l'édit de Nantes, qui recon-
naissait aux protestants la liberté religieuse ainsi qu'une
certaine indépendance politique et faisait de la France le
seul pays d'Europe où régnât la tolérance. Grâce à la lassi-
tude générale, grâce aussi au sens droit et à la sympa-
thique bonhomie du prince, les discordes s'apaisèrent et la
monarchie fut rétablie sur ses bases antérieures (V. Fran-
çois Ier, Henri II, François II, Charles IX, Henri III,
Henri IV).
VIII. L'établissement de la monarchie abso-
lue. Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. — Les
règnes de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV for-
ment pour ainsi dire la période classique de l'ancien ré-
gime. Ce qui fait l'unité de cet âge fameux, ce n'est point
le progrès réel des institutions, car Louis XIII, Louis XIV
et beaucoup de leurs grands ministres ont eu peu de souci
d'améliorer la condition des sujets ; ce n'est pas la poli-
tique extérieure dont la continuité a été souvent rompue et
dont la grandeur a subi des éclipses ; ce n'est même pas
l'éclat des lettres et des arts, qui ne présente point les mêmes
caractères au début du siècle et pendant le règne de
Louis XIV ; c'est le mouvement qui emporte la monarchie
vers l'absolutisme. Les forces d'opposition étaient encore
nombreuses et considérables au temps de Henri IV. La no-
blesse, grossière et turbulente, avait dans toute la France
des châteaux fortifiés, où elle menait grand train de vie ;
elle occupait des charges importantes, telles que la fonc-
tion de connétable et les places de gouverneurs ; elle res-
pectait la personne du roi, mais elle ne voulait pas obéir à
ses agents. La noblesse de robe avait un tout autre carac-
tère, mais non moins de prétentions ; le Parlement, sorti de
la curia régis du moyen âge, n'avait jamais été réduit au
rôle précis et unique de simple organe judiciaire et avait
gardé des visées politiques qui se traduisaient par les re-
montrances (V. Parlement). Le tiers état lui-même n'ai-
mait guère les ministres. Le clergé n'était pas entièrement
gallican. Enfin la royauté eut à combattre les dissidents,
jansénistes et protestants.
Henri IV n'eut pas le temps ni peut-être la volonté d'as-
servir la noblesse. Il ôta les gouvernements aux chefs de
la Ligue, tels que les Guise, pour placer dans les provinces
des nobles moins suspects et des intendants d'armée ; il
maintint l'ordre dans son royaume. Mais il eut à réprimer
plusieurs complots (V. Henri IV, Biron). Quand il mourut
en 1610, son fils Louis XIII avait neuf ans. Pendant la
régence de l'incapable Marie de Médicis, les princes du sang
eues familles d'anciens favoris ou de ligueurs, les Condé, les
d'Epernon, les Guise, cherchèrent et réussirent à se « faire
valoir ». Les Etats de 1614, les derniers de l'ancien ré-
gime, ne servirent qu'à faire éclater les haines qui sépa-
raient les trois ordres et n'arrêtèrent ni le gaspillage du
trésor ni les guerres civiles. Le ministre Concini fut assas-
66
FRANCE
1042 —
sine en 461 7 au moment où il allait entamer une lutte
sérieuse contre la noblesse (V. Louis XIII, Marie de Mé-
dicis, Concini). Sous le ministère du connétable de Luynes,
les mécontents se groupèrent autour de Marie de Médicis
dépossédée du pouvoir (V. Luynes). Richelieu, qui arriva
au pouvoir en 1624, soutint un combat acharné contre les
nobles. Il était aristocrate dans Lame; il aurait voulu
rendre à la noblesse son ancienne utilité et son prestige,
faire d'elle une classe militaire. Il réussit seulement à se
maintenir au pouvoir par des mesures violentes : la des-
truction des châteaux forts, l'édit sur le duel, l'exécution
de plusieurs conspirateurs. Sur son lit d'agonisant, en
1642, il donnait encore des ordres de mort (V. Riche-
lieu). Ce grand homme eut pour successeur l'Italien Ma-
zarin, habile politique, souple, patelin et ambitieux (V.
Mazabin). Dès 1643 eut lieu une cabale déjeunes sei-
gneurs « importants », dont Mazarin vint facilement à bout.
La Fronde, qui dura cinq ans (1648-1653), fut provoquée
par la mauvaise administration financière de Particelli
d'Emeri, qui ne touchait guère les privilégiés, et fut d'abord
un mouvement parlementaire et populaire. Mais la no-
blesse y prit vite sa part. Les brouillons et les orgueilleux
comme Gaston d'Orléans, le grand Condé, Longueviile, La
Rochefoucauld, Retz, s'engagèrent dans une guerre fri-
vole où les « héroïnes » jouèrent souvent le premier rôle.
L'importance prise alors par les femmes marque la trans-
formation qui s'était opérée déjà dans les mœurs de la
noblesse ; ces hommes, qui jadis vivaient dans leurs châ-
teaux et ne songeaient qu'à boire et à se battre, s'étaient
mis peu à peu, depuis le temps de la minorité de Louis XIII,
à fréquenter les salons parisiens, tels que celui de Mme de
Rambouillet; ils s'étaient habitués à causer; ils étaient
devenus les « précieux » et les « alcôvistes ». Lorsque
Mazarin rentra en maître dans la capitale , le rôle poli-
tique de la noblesse française était terminé ; elle était
toute prête à devenir une noblesse de cour, et n'allait plus
s'occuper que de donner à l'Europe un modèle inimitable
de politesse raffinée.
Le Parlement avait eu à régler la question de la régence
en 1610 ; il essaya en vain de reprendre l'œuvre des Etats
de 1614 et opposa aux volontés de Richelieu une résis-
tance stérile ; mais, en 1648, il montra un véritable esprit
politique et proposa des réformes dont la réalisation nous
aurait donné une sorte de régime parlementaire analogue
à celui d'outre-Manche (arrêt d'union et déclaration des
27 articles). Pendant les troubles qui suivirent, il se mon-
tra relativement modéré et refusa de pactiser avec les en-
voyés de l'Espagne. Jamais cependant Louis XIV n'oublia les
humiliations subies par sa mère et son ministre ; il y a du
vrai dans la légende qui montre le jeune roi entrant tout
botté au Parlement et défendant aux vieux magistrats de se
mêler désormais de ses affaires ; en effet, ils ne s'en mê-
lèrent plus. Quant aux paysans et aux artisans, ils se sou-
levèrent à plusieurs reprises au temps de Richelieu et pen-
dant la Fronde ; sous l'administration plus douce de Colbert,
il y eut encore de fréquentes révoltes locales ; mais c'était
là des effets de l'oppression fiscale, et non pas des mani-
festations d'aspirations politiques précises ; il n'y eut jamais
au xvne siècle de mouvement démocratique général.
Henri IV ne fut jamais accepté comme roi par les ultra-
montains, et l'on a peut-être eu raison de croire le crime de
Ravaillac inspiré par les jésuites, que l'auteur de l'édit de
Nantes avait un instant chassés de France. Les « catholiques à
gros grains » et le parti espagnol prirent pendant la minorité
de Louis XIII une revanche qui dura peu ; Richelieu détrui-
sit leur influence et faillit même se brouiller avec le pape.
Sous Louis XIV, la querelle éternelle recommença entre les
ultramontains et la monarchie ; le clergé gallican affirma
l'indépendance du roi à l'égard du saint-siège et la supé-
riorité des conciles sur le pape dans la fameuse déclaration
de 1682, qui régla à peu près définitivement la question jus-
qu'en 1789. Du reste, Louis XIV finit par se réconcilier avec
le pape pour poursuivre les jansénistes. Jansénius avait pu-
blié son Augustinus en 1 640 (V. Jansénisme) ; mais plu-
sieurs années auparavant les doctrines de l'évêqued'Ypres
avaient été répandues à Paris par l'abbé de Saint-Cyran et
avaient trouvé accueil à l'abbaye de Port-Royal. Richelieu,
Mazarin et Louis XIV s'acharnèrent à détruire le jansénisme
qu'ils considéraient comme un foyer d'opposition à l'esprit
d'autorité. Port-Royal fut anéanti en 1709, mais les idées des
Arnauld et des Pascal survécurent, et le débat devait conti-
nuer jusqu'à la fin de l'ancien régime. Quant aux protes-
tants, leurs libertés politiques, leurs nombreuses places de
sûreté, leurs assemblées constituèrent un véritable danger
pour l'unité française lorsque Henri IV eut disparu. Les
Rohan et les Soubise voulurent fonder une « république
protestante » ; de Luynes mourut en commençant la lutte ;
son œuvre fut achevée par Richelieu, qui ôta aux protes-
tants tout moyen d'être dangereux. Mais dès lors ils de-
vinrent incapables de se défendre contre les persécutions,
qui commencèrent dès 1661, Louis XIV et son entourage
ayant l'esprit fermé aux idées de tolérance. Après vingt-
quatre ans de tracasseries et de rigueurs sans nom, l'édit
de Nantes fut révoqué (1685). La persécution continua jus-
qu'à la mort de Louis XIV ; les insurrections des Cami-
sarcls furent impitoyablement réprimées; 250 ou 300,000
réformés, presque tous gens de mérite, émigrèrent à l'étran-
ger (V. Protestantisme, Louis XIII, Louis XIV, Riche-
lieu, Camisards).
Des fautes si préjudiciables à l'honneur et aux intérêts du
pays étaient la condamnation du régime. Jamais cependant,
plus qu'à l'heure où on les commettait, la royauté ne fut res-
pectée et servilement adulée. La doctrine, aussi vieille que le
monde, du caractère divin des rois, trouva sa parfaite expres-
sion sous la plume de Rossuet. La vie de cour, encore gaie
et familière au temps de Louis XIII, devint solennelle et ré-
gulière sous Louis XIV ; à cet égard, nui document ne vaut une
visite à Versailles. L'étiquette de l'Espagne envahit les
palais de nos rois à la fin du siècle, comme sa littérature
envahit les salons des précieuses au temps de Corneille. Les
Rourbons ne pouvaient plus vivre comme de simples mor-
tels, puisqu'ils se croyaient des dieux et avaient réussi à le
faire admettre. Reste à chercher s'ils surent gouverner.
Les luttes religieuses avaient ruiné la France. Avec le
rétablissement de l'ordre, la prospérité renaguit; Sully
protégea l'agriculture avec une prédilection qui eût été ex-
cessive, si son maître Henri IV, d'esprit plus large, n'avait
favorisé lui-même l'industrie, et particulièrement les indus-
tries de luxe ; de nouvelles voies de communication per-
mirent le développement du commerce. Les finances furent
remises en état par la seule force de la bonne administra-
tion et de l'économie. Les premières années du xvne siècle
marquent l'apogée de l'ancien régime; alors la royauté
justifiait son omnipotence par les services rendus. Mais
aucune institution n'existait qui pût remédier à la dispari-
tion de Henri IV et à l'incapacité ou à l'insouciance de ses
successeurs. Richelieu ne s'occupa point de débrouiller la
confusion administrative ; il augmenta seulement la cen-
tralisation, surtout en développant l'institution des inten-
dants, qui avaient pour ancêtres les maîtres des requêtes
envoyés en tournées au xvie siècle et les intendants d'ar-
mée de Henri IV. Il comprit, ainsi que Fouquet, l'impor-
tance des questions économiques et coloniales, mais les
bonnes intentions de ces deux ministres ne passaient pas
toujours en acte. Quant à la situation financière, depuis la
mort de Henri IV jusqu'au ministère de Colbert, elle fut
lamentable. Les gouvernants se soucièrent seulement d'avoir
de l'argent par n'importe quels moyens. Au temps de la
Fronde, la misère du peuple devint efîroyable (V. Vincent
de Paul [Saint]).
Le plus grand des ministres de Louis XIV, Colbert
(1661-1683), rétablit pendant quelques années la prospé-
rité. Depuis le moment où il fit arrêter le surintendant
Fouquet (V. ce nom) et le remplaça avec le simple titre
de contrôleur général, jusqu'à l'époque de la guerre de Hol-
lande, l'administration financière fut régulière et peu
1043 —
FRANCE
oppressive. Les sources de la richesse publique, l'industrie
surtout, furent développées. La condition des paysans
s'améliora quelque peu. Mais Colbert mourut dans la dou-
leur de voir son prodigieux labeur rendu stérile par le faste
excessif et la politique ruineuse de son maître. De 1683 à
171 5, la détresse financière et la misère augmentèrent sans
cesse ; l'habile Desmarets réussit à peine à épargner au
vieux Louis XIV la honte d'une banqueroute (V. Louis XIV,
Colbert, Pontchartrain, Chamillard, Desmarets).
La gloire achetée si cher était, il faut le reconnaître,
grande^et ineffaçable. Le xvne siècle est rempli presque tout
entier du nom de la France, du bruit de sa lutte victo-
rieuse contre la maison d'Autriche. Henri IV avait repris
la politique de Henri II ; il s'était fait l'allié des ennemis de
l'Espagne, c.-à-d. de la reine Elisabeth et des Hollandais;
par l'annexion de la Bresse, du Bugey et du Valromey, il
avait séparé la Savoie de la Franche-Comté espagnole. Il
avait formé la plus redoutable des armées européennes, et,
si son fameux projet est une invention de Sully, du moins
voulait-il assurément enlever à l'Espagne le Roussillon, la
Franche-Comté, l'Artois, la Flandre, et avait-il des vues
sur toute la rive gauche du Rhin. Son œuvre fut reprise
par Richelieu et Mazarin qui intervinrent dans la guerre de
Trente ans pour soutenir les protestants d'Allemagne et
même certains princes catholiques, menacés dans leur in-
dépendance par les Habsbourg ; les traités de Westphalie
(1648) et des Pyrénées (1658) donnèrent à la France
l'Alsace sauf Strasbourg, la plus grande partie de l'Artois,
le Roussillon et quelques autres territoires (V. Louis XIII,
Louis XIV).
La situation était merveilleuse pour la France en 1660.
Sans- parler de la Suisse et de la Pologne, qui ne comp-
taient plus, de la Prusse et de la Russie qui ne comptaient
pas encore, l'Allemagne et l'Italie étaient des pays morcelés
et passifs ; l'Angleterre était annulée par l'étrange poli-
tique du roi Charles II, l'Espagne par les fautes accumu-
lées de Philippe II et de ses successeurs, l'Autriche par le
danger turc. La Suède, grande puissance militaire depuis
Gustave-Adolphe, était l'alliée subventionnée des Bourbons.
Les Provinces-Unies ne semblaient pas à craindre. Dès le
début du règne de Louis XIV, Colbert se mit à organiser la
marine, Louvois l'armée, Vauban la défense des frontières
(V. Colbert, Louvois, Vauban).
Louis XIV avait épousé l'infante Marie-Thérèse, et l'an-
nexion de l'héritage espagnol fut son idée fixe. Après de
vaines négociations, il se décida à la guerre dès 1667 ; la
paix d'Aix-la-Chapelle lui donna seulement une série de
places fortes en Flandre, les Provinces-Unies ayant orga-
nisé une coalition pour empêcher des conquêtes plus sé-
rieuses. Alors Louis XIV s'occupa d'anéantir la coalition.
Tel fut le but principal de la guerre de Hollande. La paix
se fit en 1678, à Nîmègue, aux dépens de l'Espagne, qui
dut nous céder la Flandre et la Franche-Comté. L'équilibre
était rompu en faveur dé la France. Pendant sept ans, l'Eu-
rope assista impuissante aux « conquêtes en pleine paix »
opérées par Louis XIV, qui annexa sur la frontière de l'Est
une vingtaine de villes, entre autres Strasbourg, Luxem-
bourg, Landau, Casai. Mais la révocation de l'édit de Nantes,
qui était une menace pour les Etats protestants, fut le signal
d'une progressive décadence. Dès 1686 se forma contre
Louis XIV la ligne d'Augsbourg, dont Guillaume d'Orange
était l'âme (V. Guillaume d'Orange). En voulant interve-
nir dans les affaires d'Allemagne et d'Angleterre (affaires
de Cologne et du Palatinat, révolution de 1688), Louis XIV
mit le feu aux poudres. Il dut signer, en 1698, la paix de
Ryswick qui le laissa ruiné en hommes et en argent. Trois
ans après éclata la guerre de la succession d'Espagne. On
sait après quelles dramatiques péripéties cette lutte se ter-
mina par une série de traités (1713-1715) qui assuraient
l'Espagne au petit-fils de Louis XIV, mais changeaient l'or-
ganisation de l'Europe. L'Autriche s'était agrandie ; l'An-
gleterre se préparait à régner sur la mer. A l'orient de
l'Europe, la Suède déclinait, mais la Prusse et la Russie
comptaient déjà parmi les grandes puissances. La supré-
matie politique de la France était détruite. Sa domination
intellectuelle allait subsister. Depuis la fin du xvie siècle
jusque vers \ 660, un admirable mouvement d'idées s'était
produit en Europe ; notre pays y avait contribué, mais seu-
lement contribué ; Cervantes, Shakespeare, Milton, Velas-
quez, Rembrandt sont aussi grands que Corneille et Pous-
sin, et Spinosa vaut peut-être son maître Descartes. A
partir du règne de Louis XIV, au contraire, la science seule
reste internationale ; en littérature et en art, l'esprit clas-
sique français, qui s'ordonne majestueusement, prédomine
dans tout l'Occident, qui n'a personne à opposer à Molière,
à Racine, à Bossuet, à Lebrun même. Au xvme siècle, la
France va rester l'école de l'Europe ; mais le temps de la
rhétorique est passé ; celui de la « philosophie » est venu.
IX. Etat de la France à la mort de Louis XIV. Le
dix-huitième siècle.— Le fait le plus frappant de l'histoire
de France au xvme siècle, la cause incontestable de la Ré-
volution, c'est le désaccord qui règne entre les institutions
de l'ancien régime et les idées nouvelles. La situation léguée
parle xvne siècle ne changea pas essentiellement de 1715
à 1789. Il importe d'exposer au début de ce chapitre les
questions que l'indolent Louis XV et l'inintelligent Louis XVI
ne surent pas résoudre. Il n'existait aucune constitution
écrite. La royauté devait sa force non pas à un contrat avec
la nation, mais à la survivance des idées romaines et à la
longue série d'empiétements que nous avons montrée. Elle
était absolue ; cependant Bossuet lui-même reconnaissait
qu'elle devait se conformer aux « lois fondamentales »,
c.-à-d. à des traditions respectées ; d'ailleurs, elle avait
délégué son autorité à d'innombrables agents et possesseurs
d'offices, en lutte perpétuelle les uns avec les autres. Les
pouvoirs remontaient, en somme, à trois époques diffé-
rentes : l'époque féodale dont il était resté quelques ruines
encombrantes ; le xve et le xvr9 siècle, période où se créèrent
les offices ; le xvne siècle, qui assista à l'organisation des
ministères et de la bureaucratie. Ces trois régimes, au lieu
de se succéder, s'étaient superposés. La confusion adminis-
trative était donc prodigieuse. Au sommet étaient les conseils,
à peu près définitivement organisés en 1661 (V. Louis XIV),
le chancelier, le contrôleur général et les quatre secrétaires
d'Etat, qui avaient à s'occuper chacun non seulement d'une
certaine catégorie d'affaires, comme, par exemple, de la
guerre, mais aussi de la surveillance générale de certaines
provinces. La France était divisée, au point de vue mili-
taire, en 38 gouvernements, auxquels s'ajoutèrent, pendant
le xvine siècle, les gouvernements de Lorraine et de Corse ;
au point de vue administratif, en intendances, au nombre
de 3°2, puis de 34; au point de vue financier, en pays d'élec-
tion, pays d'imposition et pays d'états ; encore ne comp-
tons-nous pas ici les divisions religieuses et judiciaires.
Les gouverneurs n'étaient plus que des courtisans ; les
Etats provinciaux avaient été rabaissés, les libertés mu-
nicipales abolies ; en revanche, l'intendant était tout-puis-
sant. Ainsi, la tutelle administrative n'est pas un mal
contemporain; elle date, en France, du règne de Louis XIV.
— Examinons maintenant les services publics. Les impôts
directs étaient très lourds pour le peuple, parce qu'une
grande partie des riches s'en trouvait exemptée. La taille
pesait sur les seuls roturiers. La capitation, permanente
depuis 1701, ne frappait point le clergé, et beaucoup de
nobles trouvaient moyen de ne pas la payer. Les impôts in-
directs étaient les aides, les gabelles, etc. ; certains d'entre
eux, comme les corvées, ne frappaient point les privilégiés.
De plus, les charges variaient souvent selon les provinces
ou les localités. Le système de perception, par l'intermé-
diaire des fermiers généraux et des collecteurs de paroisses,
était aussi détestable et détesté que l'ancien système ro-
main. Il y avait 10 chambres des comptes (11 en 1789),
6 cours des aides, 17 hôtels des monnaies. A la tête de
l'organisation judiciaire était le parlement de Paris, où
avaient droit de séance les 50 pairs de France (V. Pairie).
Puis venaient les parlements provinciaux et conseils sou-
FRANCE
— 1044
verains, les présidiaux, le Châtelet, les sénéchaussées et
bailliages, les prévôtés, les justices seigneuriales et ecclé-
siastiques et les juridictions spéciales. Malgré les grands
travaux de codification du règne de Louis XIV, la diversité
de législation était restée fort grande; il y avait encore
des pays de droit coutumier et des pays de droit écrit;
le code pénal était rigoureux, la procédure obscure et
coûteuse, la liberté individuelle menacée par l'usage des
lettres de cachet et des emprisonnements arbitraires à la
Bastille et par l'absence de jury. — Sans parler des corps
savants spéciaux (V. Académie), l'instruction avait pour
foyers les 23 universités (24 en 4789) ; les petites
écoles étaient nombreuses ; mais le principe de l'instruc-
tion laïque et obligatoire sera une idée révolutionnaire. —
Dans l'armée et la marine, de grands progrès avaient été
réalisés pour l'organisation matérielle et le recrutement
(V. Colbert, Louvois) ; mais Louvois n'avait pas aboli la
vénalité des charges, qui devint une véritable plaie au
xvme siècle, et le recrutement prêtait à de scandaleux abus.
Tout n'était point mauvais et répréhensible dans la struc-
ture sociale. L'esprit d'association se manifestait vigoureu-
sement par la forte constitution de la famille. Mais l'inéga-
lité peut-être inévitable chez tout peuple civilisé était alors
excessive et reposait sur des fondements pourris. Les classes
privilégiées étaient le clergé et la noblesse. Le clergé avait
d'immenses biens de mainmorte et se contentait d'offrir,
chaque année, au gouvernement un « don gratuit » ; du
reste, les plus méritants de ses membres, les curés de cam-
pagne, étaient extrêmement misérables ; le bas clergé don-
nera des recrues nombreuses au parti révolutionnaire. —
La noblesse d'épée avait encore beaucoup de terres et d'ar-
gent, accaparait quantité de grasses sinécures ; les impôts
la frappaient peu ou point. Or, elle ne rendait plus de ser-
vices locaux ni généraux. A ses paysans, elle se contentait
de demander de l'argent, elle ne cherchait plus à les pro-
téger ; la plupart des nobles d'ailleurs ne résidaient pas
dans leurs terres. Versailles les attirait invinciblement.
Mais, loin de former au centre de l'Etat une aristocratie
politique comme les lords anglais, ils étaient complètement
inutiles, et en France le droit d'aînesse n'était plus qu'un
abus à ajouter à beaucoup d'autres. Au grand scandale des
admirateurs du passé, tels que Saint-Simon et Boulainvil-
liers, Louis XIV avait favorisé l'éclosion de la vie de cour
et achevé la ruine politique de la noblesse, en réservant
à deux ou trois familles de roturiers les ministères et les
places importantes. Déjà même sous ce règne, le plus grand
de nos amiraux, Duquesne, et l'un de nos plus grands gé-
néraux, Catinat, sont des hommes d'origine obscure. La
noblesse n'était plus qu'une brillante domesticité, frivole
et pimpante au temps de Mlle de La Vallière, dévote et hypo-
crite au temps de Mme de Maintenon. Les privilèges signi-
fiaient maintenant : abus. Les roturiers appelés aux grandes
charges et les possesseurs d'offices devenaient nobles ; dé-
daignés par les seigneurs, c'étaient eux, en réalité, qui gou-
vernaient. Mais le tiers état dont ils étaient sortis n'en était
pas plus justement traité. Les roturiers des villes n'avaient
pas seulement à payer de lourds impôts ; ils ne pouvaient
travailler à leur guise ni gagner selon leurs œuvres, l'in-
dustrie et le commerce étant entravés par les douanes inté-
rieures et les corporations, restes d'une organisation qui
avait été généralement bonne et utile au moyen âge, mais
qui n'avait plus de raison d'être. Quant aux paysans, ils
tombèrent dans la plus noire détresse pendant les dernières
années du règne de Louis XIV. Ils n'avaient pas seulement
à payer des impôts écrasants. Il fallait aussi acquitter la
dîme due au clergé et les vieux revenus du propriétaire
supérieur, taille seigneuriale, banalités, redevances de
toutes sortes, sans compter les droits vexatoires comme
les droits de chasse et de colombier. Les mémoires dressés
par les intendants pour l'instruction du duc de Bourgogne
montrent que le fameux tableau tracé par La Bruyère n'é-
tait nullement exagéré. Dans la généralité de Rouen, sur
700,000 hab., 650,000 n'avaient pas de lit. La population
de la France diminua de 3 millions d'hab. de 1698 à 1715.
Ainsi, la royauté, au xvne siècle, n'avait pas su gouver-
ner. Le règne de Henri IV et le début du règne de Louis XIV
n'avaient été que des temps d'arrêt dans la décrépitude de
l'ancien régime. Les questions de politique intérieure qui
se posaient au début du xvme siècle étaient graves : la
royauté n'était pas encore mise en question ; mais à qui
allait-elle déléguer le pouvoir ? Allait-on continuer à per-
sécuter les dissidents ? Ne devait-on pas diminuer les pri-
vilèges et changer l'assiette de l'impôt ? Ne fallait-il point
renoncer à l'ancien système économique ? Aucune de ces
questions n'allait être résolue d'une façon satisfaisante sous
les règnes de Louis XV (1715-1774) et de Louis XVI
(pour tout ce qui suit, V. Louis XV, Louis XVI).
Louis XIV, dans son testament, s'était efforcé de garan-
tir à ses bâtards légitimés le pouvoir pendant la minorité
de Louis XV. Le duc d'Orléans ne devait avoir qu'une ré-
gence nominale ; il prit la régence effective et se maintint
au pouvoir malgré les intrigues des légitimés, grâce à l'ap-
pui du Parlement et d'une partie de l'aristocratie, qui espé-
raient reconquérir leur ancienne influence. Les idées de
Fénelon et de Saint-Simon semblèrent triompher un mo-
ment; mais la polysynodie devint une « pétaudière » et
s'écroula dans le ridicule. Dans la suite, il y eut souvent
des nobles au ministère, mais l'ensemble de la noblesse
resta ce qu'elle était sous Louis XIV, avec cette différence
que ses mœurs devinrent cyniques, qu'elle se piqua de phi-
losophie et de sensibilité, et qu'en pratique elle devint in-
capable même de fournir quelques bons généraux. Quant
au Parlement, auquel le duc d'Orléans avait rendu le droit
de remontrances, il s'ingéra constamment dans les affaires
de l'Etat, obtint même l'abolition de l'ordre des jésuites
(1761-1764), fut supprimé brusquement en 1771 parMeau-
pou, puis repris, dès 1774, par Louis XVI; mais son op-
position fut souvent funeste et ses projets de réforme res-
tèrent toujours stériles. Comme au temps de Louis XIV, le
roi vécut à Versailles au milieu du luxe et des plaisirs,
n'eut aucune communication avec son peuple, et le véritable
pouvoir appartint aux ministres et à leurs agents. Le choix
des ministres dépendit, sous Louis XV, des caprices du roi
et de ses maîtresses, et, sous Louis XVI, des alternatives
d'énergie et de faiblesse de ce roi si bien intentionné et si
médiocre. Les ministres furent tantôt des sceptiques comme
Dubois, Bernis et Maurepas, ou des sots comme Amelot,
tantôt des hommes intelligents et clairvoyants, comme M a-
chault et Turgot, qui tombèrent quand ils voulurent dé-
truire les abus. Jusqu'à la Révolution, la délégation du
pouvoir resta donc instable et défectueuse.
Après l'explosion de libéralisme qui avait signalé les pre-
miers jours du règne de Louis XV, on aurait pu croire tout
au moins à l'avènement définitif de la tolérance religieuse.
Il n'en fut rien. Les protestants furent cruellement persé-
cutés pendant le ministère du duc de Bourbon (1723-
1726) ; les rigueurs des parlements de Grenoble (1746)
et de Toulouse (1762), les affaires de Sirven et de Calas
sont restées célèbres. Le jansénisme fut si violemment
poursuivi qu'il finit par devenir très fort et très populaire.
Ce fut le dévot Louis XVI qui eut l'honneur de reprendre
les principes de tolérance de Henri IV.
L'industrie et le commerce, languissants depuis la mort
de Colbert, prirent sous la Régence un grand essor, grâce
à l'immense quantité de numéraire jetée un moment sur
le marché par Law (V. ce nom). Le commerce, en dépit des
règlements, resta prospère jusqu'à la Révolution, et l'in-
dustrie, particulièrement celle du meuble, produisit des
chefs-d'œuvre qu'on n'a jamais pu égaler depuis. Les pay-
sans, en revanche, restèrent très misérables. Les entraves à
la libre circulation des grains, que Machault et Turgot
essayèrent en vain de détruire, gênaient l'agriculture et
provoquèrent des famines. Mais ce fut la situation des
finances publiques au xvme siècle qui tua l'ancien régime.
En 1715, le Trésor était vide, la dette formidable, les
impôts écrasants pour le tiers état. L'échec du système de
1045
FRANCE
Law amena une banqueroute partielle et rendit désormais
suspectes les réformes financières. Fleury (1726-1743)
les évita par de sévères économies. Machault (1745-1754)
s'attaqua aux privilégiés, créa un impôt général du ving-
tième ; mais Machault tomba et le clergé et une partie de
la noblesse se firent exempter du vingtième. Terray (1770-
1774) fit banqueroute, et les impôts augmentaient toujours
et le déficit subsistait. Turgot (1774-1776) voulait une
révolution ; Louis XVI l'abandonna. Necker, directeur des
finances de 1776 à 1781 et rappelé en 1788, comprenait
aussi l'inutilité des expédients et ce fut lui qui décida le
roi à convoquer les Etats généraux pour le 1er mai 1789.
Pendant que le roi s'ennuyait à Versailles et que ses mi-
nistres travaillaient en vain ou ne travaillaient point, le
mécontentement grandissait dans la nation et se précisait
sous la plume de nos écrivains. Le- xvme siècle français est
grand par ses artistes et ses savants, admirés et fêtés dans
toute l'Europe ; mais c'est surtout par les idées de ses
« philosophes » que la France domine alors. Les principes
de tolérance et de liberté politique, apportés d'Angleterre,
furent exposés avec une clarté merveilleuse par Voltaire et
Montesquieu. Ces deux grands hommes étaient du reste des
aristocrates, qui voulaient des réformes et non une révolu-
tion ; leurs idées furent appliquées à l'étranger par les
« gouvernements éclairés ». Puis vinrent Rousseau et Di-
derot, eufants du peuple et révolutionnaires, qui récla-
maient l'égalité. En même temps, les économistes deman-
daient la liberté absolue du travail, sans toucher du reste
au droit de propriété, qu'ils regardaient comme naturel
(V. Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Diderot, Boisguille-
bert, Vauban, Gournay,Quesnay) .Cesidées pénétrèrent dans
toutes les classes ; elles reçurent bon accueil dans la noblesse,
désœuvrée et sentimentale, et la désarmèrent pour les luttes à
venir; elles se propagèrent peu à peu dans le tiers état et
formèrent des démagogues munis d'arguments abstraits et
nourris dans la haine du passé; elles allaient triompher pen-
dant la Révolution française, qui a été une révolution cons-
ciente et préparée de longue main, fait unique dans l'histoire.
La politique européenne, simple au xvne siècle, devient
compliquée au xvme. La Prusse et la Russie sont entrées
en scène et les questions coloniales surgissent. La France
ne dirige plus les affaires européennes ; mais, très puis-
sante encore malgré tout, elle y prend part, avec des alter-
natives brusques de honte et de gloire. Depuis la mort de
Louis XIV jusqu'à celle de l'empereur Charles VI, la grande
question en Occident est le règlement définitif de la suc-
cession d'Espagne. Elisabeth Farnèse, femme de Philippe V,
mit à plusieurs reprises le continent en feu pour assurer à
ses enfants les duchés d'Italie. Le régent et Fleury lui-
même, malgré leur amour de la paix et leur alliance avec
la pacifique Angleterre, durent se mêler à ces luttes ; la
France y gagna la Lorraine, qui fut définitivement réunie
en 1766 (V. Louis XV, Lorraine, Stanislas Leczinski).
Avec l'acquisition de la principauté de Dombes, ce fut la
la dernière annexion continentale avant la Révolution.
Voici donc quelles furent les limites du royaume à la fin de
l'ancien régime : de l'Océan au Rhin, la frontière suivait
une courbe qui laissait à la France Dunkerque, Rerg, Cas-
sel, Ar m entières, Lille, Condé, Valenciennes, Maubeuge ;
elle enclavait Marienbourg, Philippeville et Givet ; puis re-
descendait le long de la rive droite de la Meuse, en conser-
vant à la France Charlemont, Bouillon, Montmédy ; mais
elle laissait en dehors la principauté de Charleville et le
Luxembourg. Puis elle gagnait le Rhin à la hauteur de Lau-
terbourg ; Landau nous restait dans le Palatinat. Après
avoir suivi le Rhin de Lauterbourg à Huningue, la limite
se dirigeait vers le Jura, laissant en dehors le comté de
Montbéliard qui appartenait à la maison de Wurttemberg ;
puis elle atteignait le Rhône en enveloppant Saint-Claude
et Gex, suivait le fleuve jusqu'au coude qu'il fait vers l'O.,
puis les principales crêtes des Alpes entre les sources de
la Durance et du Pô, pour rejoindre le Var, à l'O. du comté
de Nice. Le Comtat-Venaissin appartenait au pape et la
principauté de Monaco était sous la garde de la France.
Au S., la frontière laissait à la France Port-Vendres, sui-
vait les Pyrénées, puis le cours de la Bidassoa.
En 1740 se posa la question de la Silésie, que le roi
de Prusse, Frédéric II, avait enlevée à Marie-Thérèse, fille
de l'empereur Charles VI. Entraîné par la vieille traéition
de la lutte contre la maison d'Autriche, Louis XV s'allia à
Frédéric II, mais fit la guerre « pour le roi de Prusse » ;
les victoires de Maurice de Saxe ne rapportèrent rien à la
France (1740-1748). Pendant la guerre de Sept ans,
Louis XV s'allia à Marie-Thérèse ; il ne lui rendit pas la
Silésie; ses généraux de cour se firent battre en Allemagne
et les Anglais nous enlevèrent nos colonies (V. Louis XV,
Charles VI, Marie-Thérèse, Frédéric H, Maurice de
Saxe). François Ier, Henri IV, Richelieu et Colbert avaient
fondé notre empire colonial. Les traités d'Utrecht nous
avaient laissé le Canada, la Louisiane, la Guyane, les petites
Antilles, des comptoirs en Afrique et dans l'Inde. Dupleix
nous aurait donné l'empire des Indes, si Louis XV l'avait
voulu, si les Français s'étaient alors intéressés aux ques-
tions coloniales. Le traité de 1763 et le pacte de famille
conclu avec l'Espagne nous firent perdre le Canada, la
Louisiane, une partie des Antilles, le Sénégal et la plupart
de nos possessions de l'Inde (V. Colonisation). Le duc de
Choiseul essaya de réparer ces hontes. Il réorganisa l'ar-
mée et la marine, acheta aux Génois la Corse et la conquit
sur les habitants, tenta d'organiser une ligue du Sud contre
l'Angleterre et la Russie. Après sa chute, d'Aiguillon
laissa démembrer la Pologne (V. Choiseul, Corse, Aiguil-
lon, Pologne). Sous le règne de Louis XVI, Vergennes
entreprit de replacer la France à la tète de l'Europe.
Il empêcha l'empereur Joseph II d'annexer la Bavière et arrêta
ses progrès en Turquie. Enfin it soutint contre l'Angleterre
les colons d'Amérique, qui n'auraient jamais pu, sans cet
appui, conquérir leur indépendance ; l'Angleterre rendit à la
France le Sénégal, Tabago, Sainte-Lucie, Saint-Pierre et
Miquelon (V. Louis XVI, Vergennes, Joseph II, Etats-Unis).
Mais ces derniers triomphes de la dynastie des Bourbons
coûtèrent fort cher et, en augmentant le déficit, contri-
buèrent à la chute de la monarchie. Après la mort de
Vergennes en 1787, Louis XVI dut renoncer à cette sorte
de prééminence en Europe. La grandeur de la France allait
renaître par la Révolution. Ch. Petit-Dutaïllis.
X. La Révolution française. — La France monar-
chique et féodale de 1 789 fit place à la France démocratique et
égalitaire du xixe siècle. Il n'y a pas d'exemple d'une trans-
formation politique et sociale aussi radicale accomplie dans
une nation en si peu d'années par le seul jeu des forces
intérieures, sans l'intervention d'un conquérant étranger
ou d'une religion nouvelle. La Révolution française est un
des plus grands événements de l'histoire. Elle n'est pas
simplement un événement français; elle eut une influence
universelle et marque pour les peuples civilisés le com-
mencement d'une ère nouvelle. Elle fut la conséquence d'un
mouvement philosophique autant que politique et assit la
législation sur les principes du droit naturel et de la dis-
cussion rationnelle. A cet égard la Révolution française sera
étudiée dans un article spécial où l'on en indiquera les ori-
gines, les causes lointaines ou immédiates, les principales
phases, les succès et échecs partiels, les solutions qu'elle
tenta de donner aux problèmes soulevés, problèmes poli-
tiques, sociaux, religieux, etc. ; on dira aussi ses répercus-
sions sur l'Europe et le reste du monde (V. Révolution
française, Classes sociales, Etat, Famille, Femme, etc.).
Nous n'avons à nous occuper ici que de l'histoire de France .
Nous nous bornerons donc à retracer sommairement l'his-
torique de la Révolution française. On trouvera des détails
très complets sur l'œuvre des assemblées révolutionnaires
dans les articles qui leur sont consacrés (V. Assemrlée
constituante, Assemblée législative, Convention, etc.) et
dans l'art. Constitution où est exposé le mécanisme des
gouvernements révolutionnaires; sans parler des biogra-
phies et notices spéciales (V. Louis XVI, Mirabeau, Robes-
FRANCE
1046 —
pierre, Bastille, Cordeliers, Ecole, Fête, Jacobins, etc.).
Néanmoins, on trouvera dans cette partie un récit plus
complet des faits que dans les précédentes parties de l'art.
Frame [Histoire], attendu que, si nous pouvons renvoyer
au nom du souverain pour le règne de Napoléon Ier ou de
Louis-Philippe, comme pour celui de Louis XIV ou de
Philippe le Bel, ce n'est plus le cas pour le gouvernement
républicain, collectif et anonyme. C'est donc ici qu'on trou-
vera le récit d'ensemble des faits dont les articles consa-
crés aux assemblées et aux hommes d'Etat donneront le
détail pour la politique intérieure, ceux consacrés aux
guerres, aux militaires, aux traités et aux diplomates pour
la politique extérieure. Quant aux faits économiques et so-
ciaux, ils sont si près de nous que les articles spéciaux en
renferment F historique (V. les divers paragraphes de l'art.
France, et Famille, Femme, Classe, Commerce, Industrie,
Contributions ; pour l'administration, on le trouvera dans
les art. Constitution, Administration, Commune, Départe-
ment, etc., et dans les notices relatives à chaque ministère).
La formation et le fonctionnement actuel des institutions
de la France contemporaine sont abondamment développés
dans un grand nombre d'articles de la Grande Encyclo-
pédie. Chaque question étant traitée à sa place, il ne nous
reste ici qu'à retracer la série des faits historiques et à en
montrer l'enchaînement.
Le roi et la cour se trouvèrent vers 4788 acculés par le
déficit à une réforme politique -et administrative. Sous
l'influence des idées philosophiques, la plupart des monar-
chies européennes avaient fait des tentatives analogues ;
en France même Turgot et Malesherbes en avaient essayé
"une ; là, comme dans le reste de l'Europe, une réaction
avait suivi ; mais les difficultés financières s'aggravant d'an-
née en année, tout le monde reconnut qu'il était impossible
d'éviter une réorganisation. A bout d'expédients, Louis XVI
décida la convocation des Etats généraux, réclamée par le
Parlement et par Necker. C'était rendre la parole à la
nation et la charger de régler ses destinées ultérieures.
La cour ne l'entendait pas ainsi et un conflit était inévi-
table entre elle et les députés sur l'étendue des pouvoirs
de ceux-ci. Les publicistes les revendiquaient tous, pro-
clamant le principe de la souveraineté du peuple. Les
cahiers des Etats généraux prouvent que les Français
s'accordaient à demander des réformes radicales ; s'inspi-
rant des principes du droit naturel presque universelle-
ment admis parles gens cultivés, ils exigent l'égalité devant
la loi et la liberté politique. En bien des points les trois
ordres s'assemblent pour réclamer la suppression de l'arbi-
traire royal et administratif, l'unité de législation et de
juridiction, l'admission de tous aux emplois, la répartition
égale des impôts. Le bas clergé est d'accord avec le tiers
état. Cependant, ailleurs, l'antagonisme se marque ; la no-
blesse et le clergé veulent conserver leurs privilèges, sur-
tout en matière d'impôts ; l'intolérance du clergé catho-
lique se manifeste. Souvent aussi perce le particularisme
des provinces pour qui la liberté serait la restauration des
prérogatives locales, sans souci de l'unité française. En
somme, les cahiers demandent une révolution sociale abo-
lissant le régime féodal ; sur ce point, ils devaient obtenir
toute satisfaction; quant à la révolution politique, ils
veulent mettre fin à la monarchie absolue, mais sans sa-
voir nettement par quoi la remplacer. Il y faudra quatre-
vingts ans de tâtonnements.
Dès la première séance des Etats (5 mai 1789), l'anta-
gonisme fut évident entre la nation, représentée par les
députés du tiers, et le roi, champion des privilégiés. De suite
apparurent l'incapacité de Louis XVI et de ses conseillers,
leur irrésolution, leur partialité en faveur des abus. La
lutte s'engagea d'abord sur l'organisation de l'assemblée.
Serait-elle une ou tripartite? voterait-elle par tête ou par
corps ? Dans la seconde hypothèse les deux ordres privi-
légiés auraient tenu en échec le tiers état, c.-à-d. la na-
tion. C'était la lutte entre le droit ancien et le droit nou-
veau; pour les uns, il s'agissait d'une consultation des
Etats généraux par le roi ; pour les autres, de la réunion
d'une Assemblée nationale. La double représentation ac-
cordée au tiers état prouvait que le vote par tête et l'as-
semblée unique étaient la solution légitime. Elle prévalut,
et ce premier combat décida du sort de la monarchie bour-
bonienne. Le 17 juin, les députés du tiers, sur le conseil de
Sieyès et de Mirabeau, se constituèrent en Assemblée natio-
nale ; « ils sortirent à jamais du cercle des formalités où
les classes privilégiés croyaient les avoir enfermés ». Ce
jour naquit la France nouvelle. Du même coup fut tran-
chée par la négative la question de savoir s'il y aurait une
aristocratie en France. On dépassa le régime de la consti-
tution anglaise et des deux Chambres, où les pairs, héritiers
d'un privilège séculaire, subsistent en face des Communes.
Contre l'opposition du roi, les députés se lient par le ser-
ment du Jeu de paume (20 juin) ; ils lui tiennent tête le
23 juin et remportent une première victoire morale. L'an-
cien régime prenait fin. La direction passait à l'Assemblée.
Il n'y avait plus de recours que dans la puissance des
baïonnettes, Le roi réunit autour de Paris des mercenaires
étrangers. Mais la ville se soulève autour des agitateurs
du Palais-Royal (résidence du duc d'Orléans) ; elle adopte
la cocarde, arme une milice, élit une municipalité et ré-
pond au renvoi de Necker par la prise de la Bastille
(14 juil.). Dans toute la France s'organisent des munici-
palités et des gardes nationales. D'un seul coup l'autorité
royale est brisée et les novateurs sentent qu'ils ont aussi
bien la force que le droit. Louis XVI s'incline, rappelle
Necker, nomme Bailly maire de Paris, Lafayette comman-
dant de la garde nationale. Les coryphées du parti réac-
tionnaire, le comte d'Artois, les princes de Condé et de
Conti, Polignac, Breteuil, Broglie, donnent le signal de
l'émigration ; les privilégiés vont s'armer contre la patrie
et armer l'étranger contre elle pour la défense des abus
dont ils vivaient. Ainsi se consomme la rupture entre l'an-
cien régime et la France démocratique.
L'Assemblée nationale pose les fondements du nouveau
régime dans l'immortelle Déclaration des droits de l'homme.
Dans le pays entier les populations secouent le joug dé-
testé des servitudes féodales; leur exaspération, aggravée
par la famine, effraye les nobles, et dans la nuit du 4 août
ils abandonnent volontairement leurs privilèges : corvée,
droits seigneuriaux, dîmes, cens disparaissent. Corpora-
tions, villes, provinces les imitent, et cet élan unanime
consacre l'affranchissement du travail , l'égalité civile ,
l'unité de la patrie . La révolution civile est consommée ;
elle se fait avec le concours de tous, sans résistance. On
constate la fin de l'antique inégalité. Restait le problème
de la liberté politique, bien autrement difficile.
Le conflit avec la cour reparut lorsqu'on discuta les con-
ditions de la monarchie constitutionnelle. Les Parisiens
viennent chercher le roi à Versailles et l'emmènent à Pa-
ris ; l'Assemblée l'y suit ; désormais les pouvoirs publics
seront sous la main du peuple et de ses chefs. Désormais
entre ceux-ci et le roi nulle réconciliation possible ; pour-
tant on n'eut pas l'énergie de se séparer de l'ancienne dy-
nastie ; on laissa le fer dans la plaie. La monarchie cons-
titutionnelle, possible avec le duc d'Orléans, était absurde
avec Louis XVI ; l'Assemblée passera dix-huit mois à orga-
niser cette absurdité, tandis que le roi et surtout la reine
Marie-Antoinette conspirent avec l'étranger la destruction
du système qu'on élabore. La constitution de 1791 était
condamnée d'avance, mort-née.
Cependant se poursuivaient les travaux de la Constituante.
Pièce à pièce elle démolissait l'organisation existante. Elle
compléta la révolution sociale en mettant les biens du
clergé à la disposition de la nation. Leur vente devait
mettre un tiers du sol aux mains des paysans et réaliser
pour la majorité des Français un progrès immense qui fut
la principale sauvegarde du nouveau régime. Pour mobi-
liser ce capital foncier, on crée les assignats, papier-monnaie
qui fut la principale et périlleuse ressource des gouvernements
de la Révolution française. L'organisation administrative et
— 1047
FRANCE
judiciaire est entièrement refondue ; on fait table rase du
passé. Aux pouvoirs délégués par le roi, souverain absolu,
on substitue des pouvoirs électifs. Mais, en même temps
qu'on accomplit ce travail de décentralisation, on réagit
contre le particularisme provincial.
La révolution territoriale s'exécuta si facilement qu'on
n'en aperçoit pas toujours la portée. « Changer la face du
territoire, effacer jusqu'au nom des provinces, y substituer
arbitrairement quatre-vingt-trois départements semble le
comble de l'audace. Mirabeau, lui-même pensait qu'un pa-
reil bouleversement ne se ferait pas sans arracher des cris
aux pierres, et qu'il serait nécessaire de tenir plus de
compte des anciens liens historiques. Mirabeau se trompait.
Il ne fallut à l'Assemblée qu'un décret* pour effacer les
provinces, œuvre des siècles. Elle ne trouva plus dans
toute la France qu'une table rase, où elle put se jouer des
souvenirs, des traditions, sans rencontrer un seul obstacle,
comme si la France n'avait eu aucun passé. Ce changement,
en apparence le plus grand de tous, et qui paraissait au-
dessus des forces humaines, s'accomplit sans rencontrer
aucune difficulté. Les provinces s'évanouirent et n'exci-
tèrent aucun regret. Ce qui dans d'autres peuples a été à
peine possible par des invasions, des exterminations sécu-
laires, des cataclysmes qui avaient aboli la géographie
historique avec la mémoire des races humaines, n'exigea
en France qu'un arrêté de quelques lignes. Deux choses
opérèrent ce prodige chez les Français : premièrement le
désir, qu'aucun peuple n'eut au même degré, de s'unir
étroitement, de se pénétrer d'une frontière à l'autre, de
n'avoir partout qu'un cœur et une âme ; et ce fut là une
des inspirations sacrées de la Révolution. Deuxièmement,
ce désir de se fondre en un seul corps trouva une singu-
lière facilité dans le délabrement et la ruine morale ou la
royauté avait conduit les provinces. » (E. Quinet.) Ceci
fut probablement un mal, car le pays se trouva à la merci
de sa capitale. L'effort décentralisateur de la Constituante
ne suffit pas à garantir les libertés locales ; l'autonomie qui
est la seule forme de la liberté politique et les cadres
qu'elle avait tracés devinrent dix ans après ceux d'un des-
potisme centralisé. — L'organisation judiciaire qui devait
subir aussi la même adultération n'en demeure pas moins
une des œuvres les plus admirables des constituants. Elle
a servi de modèle aux autres peuples européens ; l'adop-
tion du jury, la suppression de la justice médiévale avec la
torture et le secret, des juridictions spéciales et de la véna-
lité des offices furent des bienfaits inappréciables ; la nouvelle
classification des tribunaux a servi de type; enfin l'élection
de la magistrature était la garantie des libertés publiques
(pour les détails, V. Constitution et les articles spéciaux
Administration, Département, Cassation, Cour, etc.).
Un redoutable problème se posa quand il fallut procéder
à la réorganisation religieuse. L'Assemblée ne songea pas
à vivifier les institutions nouvelles par des croyances con-
formes ; elle ne s'attaqua pas à la religion catholique pro-
tectrice de beaucoup des abus qu'elle déracinait; elle
n'aborda pas cette question du gouvernement spirituel
dont Auguste Comte a si bien démontré l'importance
(V. Etat) ; elle voulut simplement faire entrer l'Eglise
dans les nouveaux cadres ; elle n'y put parvenir. La cons-
titution civile du clergé ne touchait pas au dogme; elle
assimilait les fonctionnaires ecclésiastiques aux autres ; les
prêtres, les évêques (un par département) devaient être
élus par les fidèles. Le clergé résista et les premiers symp-
tômes de la guerre civile se manifestèrent.
De part et d'autre on rassemblait ses forces pour la
lutte décisive. L'anarchie déchaînée par l'effondrement de
l'autorité royale était inquiétante. On compléta l'organisa-
tion des municipalités, et la fédération des gardes natio-
nales de la France entière (14 juil. 1790) affirma l'en-
thousiasme général pour les idées nouvelles (V. Fête).
Mais à la frontière les émigrants s'armaient : Condé à
Worms, le comte d'Artois à Coblentz; les deux tiers du
clergé avaient refusé le serment, et les clubs, dont celui
des Jacobins fut le plus fameux, n'avaient pas encore
étendu sur toute la France le réseau des associations dé-
mocratiques ; Louis XVI jugea le moment venu de prendre
la tête de la contre-révolution et s'enfuit de Paris vers
l'armée de Rouillé (20 juin 1791). Arrêté à Varennes, il
fut ramené à Paris, mais dès lors ne fut plus roi que de
nom. On n'osa pourtant proclamer la République dont les
partisans furent massacrés au Champ de Mars (17 juil.
1791). On s'en tint à l'équivoque de la monarchie consti-
tutionnelle, avec un roi gardé à vue dans les Tuileries.
Les royalistes émigrent en masse, prétendent former au
delà de la frontière une « France extérieure». On mar-
chait à la guerre civile et à la guerre étrangère.
Les souverains étrangers se sentaient menacés par les
idées révolutionnaires proclamées vérités universelles. La
Constituante les avait liés directement par l'annexion du
Comtat-Venaissin enlevé au pape après les massacres
d'Avignon, par la suppression des droits féodaux et terri-
toriaux des princes allemands en Alsace et en Lorraine,
droits garantis par les traités de Westphalie. L'empereur
Léopold était aussi sollicité d'intervenir par les émigrés,
par Marie-Antoinette et Louis XVI. Il engagea tous les
monarques européens, par une lettre-circulaire, à regar-
der comme leur la cause du roi de France (6 juil. 1791).
Le roi de Prusse entra dans ces vues et le congrès de Pil-
nitz leur donna une sanction officielle (27 août 1794).
L'Assemblée législative qui s'ouvrit alors releva le gant.
Les girondins, arrivés au ministère, firent déclarer la guerre
à l'Autriche, décision dont nul ne pouvait pressentir la
portée et qui détermina tout l'avenir de la Révolution et
de la France ; de là sortirent la Terreur, puis l'Empire.
La guerre débuta par des échecs en Relgique. Le désac-
cord entre le roi et l'Assemblée paralysait le gouverne-
ment. Malgré l'enthousiasme populaire qui se traduisait
par la Marseillaise, les armées allemandes envahissent la
France. La démocratie parisienne renverse alors la mo-
narchie, le 10 août 1792, terrifie ses ennemis par les mas-
sacres de Septembre, répondant à la trahison qui livrait
Longwy et Verdun et à l'insolent manifeste du duc de
Rrunswick. Dumouriez arrête celui-ci dans les défilés de
l'Argonne, et la canonnade de Valmy prouve la solidité de
la jeune armée révolutionnaire (19 sept. 1792). Les Prus-
siens reculent. Les Français occupent la rive gauche du
Rhin, Spire, Mayence ; la victoire de Jemmapes leur livre
la Relgique. Partout ils sont accueillis en libérateurs. La
Convention promulgue son fameux décret promettant l'ap-
pui de la France à tous les peuples qui veulent conquérir
la liberté. La Savoie, Nice, se donnent ; on en forme les
nouveaux dép. du Mont-Blanc et des Alpes-Maritimes.
A l'intérieur, la République avait été proclamée par la
Convention dès sa première séance ; on s'était occupé du
procès de Louis XVI qui fit passer l'ascendant des giron-
dins aux montagnards. Condamné à mort, le roi fut exé-
cuté le 21 janv. 1793. Toute transaction devenait impos-
sible entre les révolutionnaires et les royalistes. Ce fut le
signal de la guerre européenne ; l'Angleterre, la Hollande
et l'Espagne entrèrent dans la coalition. La campagne de
1793 commença mal, malgré l'abstention de la Prusse,
qu'absorbaient les affaires de Pologne. La défaite de Neer-
winden (18 mars 1793) et la trahison de Dumouriez
firent perdre la Belgique. Mayence fut repris par les Alle-
mands (12 juil.). Derrière la frontière artificielle construite
par Vauban, les armées nationales se défendent pénible-
ment, tandis que les alliés font lentement le siège des
forteresses. Les discordes civiles aggravent le péril. La
Commune de Paris et les montagnards de la Convention,
Danton, Robespierre, se débarrassent des girondins. La
réorganisation du gouvernement avec le tribunal révolu-
tionnaire et le comité de Salut public (V. Constitution)
prépare la Terreur ; l'insurrection du 31 mai, par laquelle
la Commune chasse les girondins de l'Assemblée, livre
le pouvoir aux jacobins. Mais dans les départements les
royalistes et les modérés prennent les armes contre le
FRANCE
1048 -
gouvernement parisien. La Normandie, la Bretagne, la Ven-
dée, Lyon, les villes du Rhône et de la Méditerranée, Bor-
deaux et le Sud-Ouest sont insurgés. La Convention fait face
atout, lève quatorze armées, écrase et épouvante les résis-
tances. La Normandie est soumise; Bordeaux, Lyon, Mar-
seille sont repris, Toulon livré aux Anglais est reconquis
(déc. 4793). En Bretagne, les chouans ne sont que gê-
nants ; il n'y a de véritable guerre qu'en Vendée (V. ce
mot) ; les campagnes catholiques luttent contre les villes
républicaines et tiennent tète aux armées régulières. Après
quelques mois de carnage, 80,000 Vendéens passent la
Loire ; leur grande armée est décimée dans le Maine et la
Bretagne orientale, finalement exterminée (déc. d 793). La
guerre continue en Vendée, mais sans danger.
Pendant ces combats épiques, l'ennemi extérieur avait
également été vaincu. Les représentants en mission avaient
coopéré à l'armée avec les généraux nouveaux, Pichegru,
Jourdan, Hoche, auxquels Carnot donnait la direction. La
levée de 300,000 hommes en février Ja levée en masse en
août fournirent des soldats animés d'un enthousiasme qui
les fit invincibles. Les vieilles armées, la vieille tactique, ne
purent leur tenir tète. La victoire deHondschoote débloque
Dunkerque; celle de Waltignies, Maubeuge. En 4794, les
victoires de Tourcoing et de Fleurus rendent la Belgique
aux Français. La mésintelligence des coalisés achève leur
défaite. La rive gauche du Rhin, la Hollande, sont conquises.
A l'intérieur la Terreur est entretenue par les supplices;
la guillotine est dressée, en permanence, à Paris et dans la
province ; Marie-Antoinette, les girondins, le duc d'Or-
léans sont exécutés. Les montagnards se divisent alors. Le
vertueux Robespierre fait monter sur l'échafaud les héber-
listes énergumènes et les dantonistes qui inclinaient à la
modération. Les fournées de condamnés se multiplient jus-
qu'au 9 thermidor où le dictateur populaire est renversé
par la Convention et exécuté avec ses partisans. A travers
ces atrocités, qu'inspirait la crainte maladive delà trahison
étrangère, se déroule l'œuvre constructrice de la Convention.
Elle se butta à la question religieuse. Pour compléter la
Révolution, il eût fallu une croyance nouvelle, un nouveau
culte. On ne put en trouver. Le culte de la Raison essayé
par Chaumette et Hébert parut extravagant; Robespierre ne
réussit pas mieux avec celui de l'Etre suprême. Ces échecs, la
résistance de la Vendée, la prédilection de la majorité des
fidèles pour les prêtres insermentés, démontrent que le catho-
licisme survit. La réaction commence au 9 thermidor. Les
chefs du mouvement révolutionnaire s'étaient entr'égorgés ;
les résultats ne répondaient pas aux sacrifices. Le parti répu-
blicaiase trouva décapité ; ses principaux défenseurs avaient
disparu ; une cause ne peut guère survivre aux hommes qui
la personnifiaient ; les idées ne se défendent pas toutes seules.
La réaction fut lente, accidentée, mais presque continue
et aboutit à la dictature militaire. Les thermidoriens
achèvent l'écrasement des jacobins ; la « jeunesse dorée »
ferme leur club ; les insurrections du 4 2 germinal et du
4cr prairial sont vaincues et les derniers montagnards
n'échappent à l'échafaud que par le suicide. Les royalistes,
groupés au club de Clichy, tentent un retour oflensif ; mais
le jeune Louis XVII meurt au Temple ; les émigrés débar-
qués à Quiberon sont exterminés; l'insurrection monar-
chiste du \ 3 vendémiaire est balayée; Hoche pacifie la Ven-
dée. La Convention se sépare après avoir élaboré une
constitution nouvelle (V. Constitution), préparé le code
civil, créé le grand-livre de la dette publique (V. Dette)
et nos principaux établissements d'enseignement supérieur
(V. Ecole, École polytechnique, Conservatoire des arts
et métiers), l'Institut (V. Académie), etc. Cette « assem-
blée de géants » avait assuré à la France l'hégémonie de
l'Europe. Le traité de Bâle avec la Prusse avait garanti la
conquête de la rive gauche du Rhin ; le traité avec l'Espagne
achevait la rupture de la coalition. Il est vrai que l'Angleterre
avait détruit notre marine et occupé nos colonies.
Le Directoire comprenait un pouvoir exécutif de cinq
membres superposé à deux conseils législatifs (V. Consti-
tution, Directoire, Conseil des Anciens, Conseil des
Cinq-Cents). Ce fut un régime anarchique et impuissant,
tiraillé entre les partis extrêmes et entre les ambitions
personnelles. Il ne put donner au peuple le calme qu'il
réclamait pour organiser la société nouvelle. Les difficultés
financières restaient inextricables, malgré les bénéfices des
conquêtes; l'émission des assignats, effroyablement dépré-
ciés, les avait aggravées ; on finit par une banqueroute
des deux tiers (V„ Dette) . Le gouvernement frappa suc-
cessivement les babouvistes et la majorité monarchiste des
deux Conseils par le coup d'Etat du 48 fructidor (4797).
L'impopularité du Directoire était complète, malgré les vic-
toires extérieures. Jourdan et Moreau avaient été repous-
sés de Bavière par l'archiduc Charles (4796-97), mais
Hoche envahit l'Allemagne centrale; Bonaparte conquit
l'Italie et imposa à l'Autriche la paix de Campo-Formio
(4797). La République française s'entourait d'une ceinture
de républiques vassales : batave, cisalpine, romaine, dé-
mocratisait la Suisse devenue République helvétique. Bo-
naparte tente l'expédition d'Egypte ; sa victoire des Pyra-
mides est annulée par la perte de la flotte française que
Nelson détruit à Aboukir; il échoue en Syrie devant Saint-
Jean-d'Acre et rentre en France (4799); ses lieutenants
reperdent l'Egypte (4804). Cependant en Europe la guerre
avait recommencé. Souvarov chassa les Français d'Italie ;
Masséna défit en Suisse les armées russe et autrichienne
(sept. 4799). Brune défit en Hollande les armées anglo-
russes. Néanmoins, tout le monde souhaitait la fin de
l'anarchie et un gouvernement fort. Sieyès, d'accord avec
les financiers, cherchait une épée. Il choisit Bonaparte qui
mit fin au Directoire par le coup d'Etat du 48 brumaire.
L'importance croissante de l'élément militaire rendait fatal
ce dénouement. La Terreur seule avait contraint les géné-
raux à l'obéissance ; sous le Directoire, ces roseaux de fer
se redressent. En face d'un pouvoir divisé et impuissant,
l'armée se substitue à la nation. Bonaparte recueillit le
fruit de la réaction.
Voici quelle était alors l'étendue du territoire français,
telle que la République le transmit au dictateur. Aux
quatre-vingt-trois départements créés le 47 janv. 4790
s'en étaient ajoutés vingt-deux autres. Les premiers étaient:
Nord, Pas-de-Calais, Somme, Seine-Inférieure, Eure, Cal-
vados, Orne, Manche, Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne,
Oise, Aisne , Ardennes, Haute-Marne , Marne , Aube,
Meuse, Moselle, Meurthe, Vosges, Bas-Rhin, Haut-Rhin,
Haute-Saône, Jura, Doubs, Ain, Saône-et-Loire, Côte-
d'Or, Yonne, Nièvre, Cher, Indre, Loiret, Loir-et-Cher,
Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire, Mayenne,
Sarthe, Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Finistère, Mor-
bihan, Loire-Inférieure, Vienne, Deux-Sèvres, Vendée,
Charente-Inférieure, Charente, Haute- Vienne, Corrèze,
Creuse, Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Rhône-et-Loire,
Dordogne, Gironde, Landes, Gers, Hautes-Pyrénées, Lot-
et-Garonne , Aveyron, Lot, Basses-Pyrénées, Ariège,
Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Tarn, Aude, Lozère,
Hérault, Gard, Ardèche, Haute-Loire, Drôme, Isère,
Hautes -Alpes, Basses - Alpes, Bouches-du-Rhône, Var,
Corse. — La Corse fut divisée en deux départements :
Golo (ch.-l. Bastia) et Liamonc (ch.-I. Ajaccio) ; Rhône-
et-Loire fut divisé en deux départements : Rhône (ch.-l.
Lyon), Loire (ch.-l. Montbrison) ; le Comtat-Venaissin,
réuni en 4794, forma le dép. de Vaucluse; la Savoie,
réunie en 4792, celui du Mont-Blanc; le comté de Nice
(4792), celui des Alpes-Maritimes. Plus tard fut créé celui
du Léman avec Genève pour chef-lieu. Les traités de Bâle
et de Campo-Formio, qui portèrent la frontière au Rhin,
entraînèrent la création de quinze nouveaux départements,
dont voici la liste ainsi que celle des pays dont on les forma :
Départements. Chefs-lieux. Pays d'origine.
Lys 'Bruges. Flandre.
Escaut Gand. Flandre et Brabant.
Jemmapes Mons. Hainaut.
Dyle Bruxelles. Brabant.
1049 —
FRANCE
Départements. Chefs-lieux.
Deux-Nèthes Anvers.
Sambre-et-Meuse . Namur.
Forêts Luxembourg.
Ourthe Liège.
Meuse-Intérieure . Maestricht.
Bouches-de-1'Escaut Middlebourg.
Bouches-du-Rhin . Bois-le-Duc.
Sarre Trêves.
Mont-Tonnerre... Mayence.
Pays d'origine.
Anvers.
Namur.
Luxembourg.
Liège.
Limbourg.
Zélande.
Brabant septentrional .
Trêves, Dx-Ponts, etc.
Palatinat , Mayence.
Roër Aix-la-Chapelle. Gueldre, Juliers, etc.
Rhin-et-Moselle . . Coblentz. Cologne, etc.
Ces annexions avaient tous les caractères d'acquisitions
définitives. Les populations étaient dévouées à la France
qui les avait délivrées de l'oppression féodale ; elles avaient
avec les lois et les institutions françaises (qu'elles ont
conservées) pris le patriotisme français, et il fallut, après
la tyrannie impériale, un demi-siècle pour le leur faire
oublier. Ainsi, la Révolution avait, en quelques années,
obtenu ce que n'avaient pu faire les rois depuis des siècles.
On ne saurait trop déplorer l'ambition égoïste du soldat
qui compromit ces merveilleux résultats.
XI. Le Consulat. L'Empire. — La constitution de
l'an VIII consacre la révolution civile, mais abolit la liberté poli-
tique et restaure la monarchie ; non seulement elle concentre
le pouvoir exécutif aux mains du premier consul, mais elle
réorganise l'administration de telle manière que tout émane
de lui ; les électeurs n'ont qu'un rôle illusoire. Les cadres
tracés par la Constituante furent conservés, mais aux admi-
nistrations collectives on substitue des délégués du maître :
le préfet, le sous-préfet, le maire. « La confiance doit venir
d'en bas, l'autorité d'en haut ; délibérer est le fait de plu-
sieurs, agir le fait d'un seul » : telles sont les maximes
fondamentales du régime établi alors et qui est resté celui
de l'administration française. La magistrature est hiérar-
chisée par la création des cours d'appel (V. Appel et Cour) ;
les juges sont nommés à vie par le monarque. Les finances
sont réorganisées conformément au nouveau système ; l'ad-
ministration financière de l'an VIII est restée celle de la
France et la plus parfaite du monde ; le grand-livre, la
caisse d'amortissement, la Banque de France en facilitent
et assurent le jeu régulier. Les transformations sociales
réalisées par la Révolution française sont inscrites dans
les codes élaborés sous le Consulat (V. Code). Bonaparte
se procure l'appui de l'Eglise catholique en lui restituant
sa situation officielle par le Concordat (V. ce mot). Il
essaye d'asservir l'enseignement par la création des lycées,
en attendant celle de l'Université. Il espère trouver une
nouvelle noblesse dans sa Légion d'honneur (1802).
D'éclatantes victoires l'avaient consolidé au dehors. Les
Autrichiens battus à Marengo et à Hohenlinden signent la
paix de Lunéville (1804); l'Angleterre, celle d'Amiens qui
rend à la France ses colonies. Les conquêtes territoriales de
la Révolution étaient consacrées aussi bien que ses con-
quêtes sociales. « La Révolution est fixée aux principes
qui l'ont commencée ; elle est finie », proclame le maître;
et il rétablit la monarchie en se faisant donner le Consulat
à vie (1802). La même année il rompt avec l'Angleterre et
recommence une guerre qui ne devait finir qu'avec sa chute.
Menacé par des conspirateurs, il les terrorise par l'assas-
sinat du duc d'Enghien et de Pichegru et se fait donner le
titre d'empereur. L'Empire héréditaire dans la famille des
Bonaparte ne fut pas autre chose qu'une dictature militaire
qui opprima et épuisa la France par une guerre de dix
années poursuivie jusqu'au moment de son effondrement.
Les grands dignitaires et les grands officiers qui entouraient
le maître, la nouvelle noblesse qu'il créa, contribuèrent à
l'extraordinaire éclat de ce régime fondé sur la victoire.
L'épopée impériale a donné à la France une gloire militaire
inoubliable, mais cette gloire lui a coûté cher : les fron-
tières naturelles perdues ; la liberté politique compromise.
A l'intérieur, l'Empire fut bien administré ; les contributions
indirectes fournirent des ressources suffisantes, et le sys-
tème d'impôts et la gestion financière établis par Mollien
ont été conservés depuis (V. Contribution, Dette, Budget,
Cour des comptes, Finances, Tabac, Mollien, etc.). De
grands travaux d'utilité générale furent entrepris à Paris
et dans les départements : palais, routes, canaux, ports.
Napoléon, qui prétendait relever l'Empire romain, l'égalait
par ces immenses travaux. Mais seule la paix eût permis
de consolider l'édifice de sa puissance, et il ne sut ou ne
voulut jamais la conserver.
. L'histoire de l'Empire est l'histoire d'une guerre ininter-
rompue : guerre contre l'Angleterre qu'il ne put jamais
prendre corps à corps ; guerre contre la coalition des nations
continentales qui se relayent pour lecombattre.il finitpar suc-
comber ; Napoléon, égaré par ses succès, ne veut plus s'arrê-
ter devant aucun obstacle ; il veut tout asservir à sa volonté,
méconnaît les forces morales, brave les forces naturelles ;
il bâtit sur le sable une monarchie éphémère. Son principal
vice, par où il demeure inférieur à tant d'autres fondateurs
d'empire, fut le manque d'esprit de suite. Tout d'abord il
rêve d'un empire colonial, reprend la Louisiane, veut recon-
quérir Haïti, réorganise sa flotte et forme en face de l'An-
gleterre le fameux camp de Boulogne. Mais il provoque
l'Europe en se faisant couronner roi d'Italie. L'Autriche,
la Russie, l'Espagne, la Suède, forment la troisième coali-
tion. Il la brise à Ulm et à Austerlitz ; le traité de Pres-
bourg enlève à l'Autriche la Vénétie, l'Istrie, la Dalmatie,
le Tirol ; mais la défaite navale de Tratalgar ruine sa ma-
rine et ses colonies. Il se dédommage en faisant ses frères
rois de Hollande et de Naples, en remaniant à son caprice
la carte de l'Allemagne ; il met fin au Saint-Empire romain
germanique, devient protecteur de la Confédération du Rhin
(V. Confédération et Saint-Empire). Ces fantaisies le
brouillent avec la Prusse ; il l'écrase à Iéna (1806), bat les
Russes à Friedland après la boucherie inutile d'Eylau. Le
traité de Tilsitt consacre un nouveau système, l'entente
franco-russe, et marque l'apogée de la fortune de Napo-
léon. Il rêve de partager le monde avec Alexandre II, l'un
empereur d'Orient, l'autre d'Occident. Il s'entoure d'Etats
feudataires, conception absurde qui lui aliène les peuples
morcelés et distribués comme des troupeaux de bétail. La
reconstitution d'une petite Pologne (grand-duché de Var-
sovie), l'organisation des royaumes de Bavière, de Wurt-
temberg, de Saxe, de Westphalie, ne fournit aucun supplé-
ment de force.
L'empereur s'engage dans l'entreprise du blocus conti-
nental : maîtres de la mer, les Anglais violent les droits
des neutres et déclarent bloqués les ports de Brest à Ham-
bourg. Napoléon réplique en déclarant les îles Britanniques
en état de blocus et mettant les Anglais hors le droit des
gens. Fermer le continent à leur commerce, c'était les rui-
ner. Mais l'observation du blocus continental combiné avec
le système des Etats feudataires entraîne une série de vio-
lences et de guerres où s'usent les ressources de l'Empire.
Il a abandonné à la Russie la Suède, la Turquie et presque
la Pologne. Il se brouille avec le pape Pie VII, annexe
Rome, emprisonne le pape (4808-4809). Pour y imposer
le blocus continental, il conquiert le Portugal ; puis, par
simple ambition, il envahit l'Espagne et y remplace les
Bourbons par son frère Joseph. Le peuple s'insurge et com-
mence une résistance acharnée que Napoléon ne put vaincre
et qui lui coûta ses meilleurs soldats (4808). Cependant,
une nouvelle prise d'armes de l'Autriche est conjurée par
la pénible campagne du Danube et la victoire de Wagram ;
on lui prend Salzbourg, la Croatie, la Carniole, la Galicie.
L'application du blocus continental motive l'annexion de la
Hollande, des villes hanséatiques. En 4841 , l'Empire fran-
çais atteint sa plus grande extension.
Voici quelles étaient alors ses limites : il allait de la Bal-
tique à la Méditerranée et jusqu'aux frontières de Naples.
À l'ancienne France, agrandie par la révolution de la Bel-
gique et des provinces allemandes de la rive gauche du Rhin,
il ajoute la Hollande, une partie du Hanovre, le duché
d'Oldenbourg, les villes hanséatiques (Brème, Hambourg,
FRANCE
- 4050
Lubeck), le Valais, le tiers de l'Italie (Savoie, Piémont,
Parme et Plaisance, Toscane, Etats pontificaux), les pro-
vinces illyriennes. Il formait cent trente départements ;
ceux énumérés précédemment, plus 1° : au N. : Bouches-
de-la-Meuse, ch,-l. La Haye ; Zuyderzée, ch.-l. Amster-
dam; Yssel-Supérieur, ch.-l. Arnheim; Bouches-de-1'Yssel,
ch.-l. Zwolle ; Frise, ch.-l. Leuwarden ; Ems-Occidental,
ch.-l. Groningue; Ems-Oriental, ch.-l. Aurich; Ems-
Supérieur, ch.-l. Osnabruck ; Lippe, ch.-l. Munster ;
Bouches-du-Weser, ch.-l. Brème ; Bouches-de-1'Elbe, ch.-l.
Hambourg ; 2° en Italie : Doire, ch.-l. Ivrée ; Sesia, ch.-l.
Verceil ; Pô, ch.-l. Turin ; Stura, ch.-l. Goni ; Marengo,
ch.-l. Alexandrie; Simplon, ch.-L Sion; Apennins, ch.-l.
Ghiavari ; Gênes, ch.-L Gênes ; Montenotte, ch.-L Savone;
Taro, ch.-L Parme ; Arno, ch.-l. Florence; Ombrone,
ch.-L Sienne ; Méditerranée, ch.-L Livourne ; Trasimène,
ch.-L Spolète; Tibre, ch.-l. Rome. De plus, les six pro-
vinces illyriennes (Carinthie, Carniole, Croatie civile,
Croatie militaire, Dalmatie, Raguse) ; le royaume d'Italie
(V. ce mot) dont Napoléon était roi.
Les Etats feudataires s'étendaient sur le reste de l'Italie
continentale (Naples), la péninsule ibérique, l'Europe cen-
trale (Confédération helvétique, Confédération du Rhin,
grand-duché de Varsovie) ; tous ces royaumes, duchés,
principautés étaient presque des provinces françaises ; le
Danemark (avec la Norvège) était dévoué à l'empereur ; un
de ses lieutenants régnait en Suède.
Il se croyait en possession de la monarchie universelle ;
son mariage avec la fille de l'empereur d'Autriche parais-
sait la consolider ; la naissance d'un fils, qu'il intitula roi
de Rome, paraissait en assurer la durée. L'exagération du
despotisme impérial et l'incohérence des ambitions napo-
léoniennes en précipita la ruine. Dans ce vaste Empire, où
la France semblait absorbée, après les annexions para-
doxales des rives du Tibre et de l'Elbe, elle seule fournis-
sait la force matérielle ; or elle s'épuisait dans ces luttes
meurtrières renouvelées chaque année et dans l'effort
excessif imposé par le blocus continental. Les peuples
opprimés revendiquaient leur indépendance. Les Espagnols
ne purent être domptés. Les Allemands se préparaient à
la guerre. C'est au nom des idées de la Révolution fran-
çaise que l'on allait combattre les armées françaises.
L'écroulement de l'Empire fut rapide.
La campagne de Russie, entreprise pour achever l'hégé-
monie de Napoléon sur l'Europe, aboutit à la destruction
totale de son armée (1812). L'Allemagne se souleva ; après
la Suède, la Prusse, puis l'Autriche entrèrent en ligne. Le
génie militaire de Napoléon ne put éviter le désastre de
Leipzig (1813). Il refusa pourtant de traiter. La campagne
de 1844 eut lieu en France ; il ne fallut que six semaines
aux coalisés pour arriver à Paris. L'empereur abdiqua et
fut relégué à l'île d'Elbe. Les étrangers rétablirent sur le
trône Louis XVIII, frère de Louis XVI, et par le traité de
Paris la France fut ramenée à ses limites de 1792. Toutes
les autres nations conservèrent leurs acquisitions faites
depuis ou en obtinrent de nouvelles au congrès de Vienne.
Profitant de la rapide impopularité des Bourbons, Napoléon
reparut en mars 1815. Il tenta vainement de se poser en
champion de la démocratie par les réformes inscrites dans
Y Acte additionnel aux constitutions de l'Empire ; au
bout des Cent-Jours eut lieu sa chute nouvelle et définitive.
L'Europe entière s'était armée ; le premier choc eut lieu
en Belgique ; l'empereur fut vaincu à Waterloo. On le
déporta à Sainte-Hélène, où il mourut après six années de
tracasseries mesquines. Cette fin le grandit et compléta sa
légende. La France perdit quelques forteresses frontières,
subit une occupation militaire, des pillages, le payement
de lourdes indemnités. Tout avenir d'agrandissements ter-
ritoriaux lui avait été fermé par la constitution sur ses
frontières d'Etats homogènes. Après les magnifiques succès
de la République, c'était une triste conclusion, d'autant
que les abus de la tyrannie napoléonienne avaient fait ou-
blier aux peuples les bienfaits de la Révolution.
XII. La Monarchie parlementaire (1814-1848).—
Rentrés avec les émigrés dans les fourgons de l'étranger,
les Bourbons avaient peu appris et peu oubliés. Pourtant
Louis XVIII sentit la nécessité d'octroyer une charte cons-
titutionnelle à ses sujets (V. Constitution). Les principales
libertés y furent inscrites ; on conserva la machine admi-
nistrative de l'Empire et ses grandes institutions. Une
Chambre élue par des censitaires peu nombreux partagea
le vote de l'impôt et des lois avec une Chambre des pairs
nommée par le roi. Après les Cent-Jours, la seconde Res-
tauration débuta par des violences qui lui aliénèrent à ja-
mais les libéraux. Les conspirations nouées par eux, d'ac-
cord avec les bonapartistes, n'aboutirent pas ; mais la
monarchie resta faible, sans racines dans la nation. En haut
se déroulait le jeu du parlementarisme, les élections ren-
forçant les libéraux jusqu'à l'assassinat du duc de Berry
(1820). Ce fut le signal d'une réaction qui s'aggrava à
l'avènement de Charles X (1824). Le milliard donné aux
émigrés, la loi contre le sacrilège, les faveurs accordées
aux jésuites, les tentatives pour rétablir le droit d'aînesse,
pour comprimer la presse, la dissolution de la garde natio-
nale exaspérèrent la bourgeoisie ; les élections l